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COMMISSION 

HISTORIQUE  ET  ARCHÉOLOGIQUE 

DE  LA  MAYENNE 


•  •;  • 


BULLETIN 


DE  LA  COMMISSION 


HISTORiOi  ET  AltCHiOLOGlOi 

DE  LA  MAYENNE 


CRÉÉE    PAR    ARRÊTÉ    PRÉFECTORAL    DU    17   JANVIER.  1878. 


DEUXIEME  SERIE 

TOME    VIISOT-TrVOlSIÈAlE 

1907 


LAVAL 
IMPKI.MERIE-LIBHAIRIE    V   A.    GOUPIL 

1907 


550174 

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iUM 


ÂIBRES  DE  LA  COMMISSION 


Membres  titulaires. 

Date  de        MM 
l'admission.     ^^*^"- 

1895  ALLEAUME  (A.),  peintre  verrier,  49,  rue  de 
Bootz,  Laval. 

1884  ANGOT  (Fabbé  Alphonse),  Sainte-Gemme-le- 
Robert  (Mayenne). 

1884  BEAUGHESNE  (marquis  de),  licencié  es  lettres, 
château  de  Lassay  (Mayenne),  château  de  la 
Roche-Talbot,  commune  de  Souvigné,  par 
Sablé  (Sarthe),  et  8,  avenue  Marceau,  Paris. 

1892  CHAPPÉE  (Jules),   Port-Brillet  (Mayenne),   et 

8,  rue  Oudinot,  Paris. 

1893  DURGET  (Charles),  ancien  notaire,  9,  rue  de 

Tours,  Laval. 

1882  FARCY  (Paul  de),  inspecteur  de  la  Société  fran- 
çaise d'Archéologie  pour  le  département  de  la 
Mayenne,  Saint-Martin-la-Forét,  à  Angers 
(Maine-et-Loire). 

1878  GARNI ER  (Louis),  architecte,  membre  de  la 
Commission  d'architecture,  34,  rue  Joinville, 
Laval. 

1897  GOUPIL  (Albert),  licencié  es  lettres,  imprimeur, 
quai  Jehan-Fouquet,  Laval. 

1897     GOUVRION  (Emile),  rue  Volney,  Mayenne. 

1887  GROSSE-DUPERON  (A.),  ^,  juge  de  paix,  rue 
Jacques-Labitte,  Mayenne. 

1886  LA  BEAULUÈRE  (Louis  de),  château  de  la 
Drujeotterie,  Entrammes  (Mayenne). 


—  8  — 

1896  LAURAIN  (Ernest),  Q,  ancien  élève  de  TÉcole 
des  Chartes,  archiviste  de  la  Mayenne,  18, 
rue  du  Lycée,  Laval. 

1878  LEMONNIER  DE  LORIÈRE  (Léon),  membre 
de  la  Société  pour  la  conservation  des  monu- 
ments historiques,  conseiller  général,  Épineu- 
le-Séguin,  par  Chemcré-le-Roi  (Mayenne). 

1878  MOREAU  (Emile),  *,  JJ,  membre  de  plusieurs 
Sociétés  savantes,  8,  rue  du  Lieutenant,  Laval. 

1878  ŒHLERT  (Daniel),  * ,  i[|,  ancien  vice-président 

de  la  Société  géologique  de  France,  membre 
non  résident  du  Comité  des  travaux  scientifi- 
ques au  ministère  de  Tlnstruction  publique, 
membre  correspondant  de  Tlnstitut,  29,  rue  de 
Bretagne,  Laval. 

1884  PLANTÉ  (Jules),  ancien  notaire,  Saint-Martin- 
la-Forêt,  à  Angers  (Maine-et-Loire). 

1895  QUATREBARBES  (comte  Foulques  de),  château 
de  la  Motte-Daudier,  par  Craon  (Mayenne). 

1879  RICFIARD  (Jules-Marie),  ^Q»,  archiviste  paléo- 

graphe, correspondant  du  ministère  des  Beaux- 
Arts,  conseiller  général,  2,  place  du  Gast,  Laval. 
1887     ÏRÉVEDY  (Julien),  ancien  président  du  tribunal 
de  Quimper,  1,  rue  de  la  Préfecture,  Laval. 

COMPOSITION   DU   BUREAU 

Président  honoraire,  M.  Floucaud  de  Fourcroy,  0.  ^ , 
Président,  M.  More  au,  ^,1|QI, 

[  MM.  Trkvédy, 
Vice-Présidents]  de  Farcy, 

(  Grosse-Duperon,  ^Q>, 

Secrétaire,  M.  Laurai>',  ^, 
Trésorier,  M.  Durget, 
Trésorier-adjoint,  M.  Goupil. 


—  9  — 


Membres  correspondants. 

MM. 

1889     Achon  (Ch.  d'),  château  de  la  Roche,  à  Gennes 

(Maine-et-Loire). 
1899     Angot  (Edmond),   docteur-médecin,  11,  rue  du 

Jeu-de-Paume,  Laval. 
1891     Anis  (Fabbé  A.),  licencié  es  lettres,  la  Renaudie, 

par  Saint-Privat-des-Prés  (Dordogne). 
1885     Argentré  (comte  d*),  château  de  la  Bermondière, 

par  Couterne  (Orne). 

1895  Auguste  (Fabbé  Alphonse),   licencié  es  lettres, 

professeur   au   Collège   de   Juilly   (Seine-et- 
Marne). 
1897     Auguste  (Pabbé  Henri),  curé  de  Saint-Berthevin- 
la-Tannière  (Mayenne). 

1896  Aveneau   de   la   Grancière   (Paul),    château   de 

Beaulieu,  en  Bignan  (Morbihan),  et  19,  rue 
Pasteur,  Vannes  (Morbihan). 

1878  Barbe,  ancien  membre  titulaire,  ancien  conser- 
vateur du  camp  de  Jublains,  juge  de  paix  à 
Conlie  (Sarthe). 

1885  Bertrand  de  Broussillon  (comte),  archiviste  paléo- 
graphe, président  de  la  Société  des  Archives  his- 
toriques du  Maine,  15,  rue  de  Tascher,  Le  Mans. 

1903  Boullard,  procureur  de  la   République  à  Segré 

(Maine-et-Loire). 

1906  Brou  (Prosper),  ancien  pharmacien,  96,  rue  du 

Pont-de-Mayenne,  Laval. 

1907  Cesbron  (F abbé  Emile),  secrétaire  particulier  de 

Monseigneur  TEvêque  de  Laval. 
1907     Chantepie  (F abbé  Auguste),  vicaire  à  la  Trinité 
de  Château-Gontier. 

1904  Chartier  (Louis),  11,  place  du  Gast,  Laval. 


—  10  — 

1885  Chiron  du  Brossay  (Emmanuel),  ancien  directeur 

de  l'Enregistrement,  avenue  Carnot,  Château- 

Gontier. 
1878     Cornée  (Ferdinand),  i[|,  ancien  membre  titulaire, 

316,  rue  Solférino,  Lille  (Nord). 
1900     Courtillolles  d'Angleville  (Antoine  de),  château 

d'Assé-le-Bérenger,  par  Evron  (Mayenne). 
1903     Groulbois  (F abbé  Jules),  curé-doyen  de  Cossé-le- 

Vivien  (Mayenne). 

1900  Delaunay  (D*"  Paul),  ancien  interne  des  hôpitaux, 

membre  de  la  Société  française  d'Histoire  de 
la  Médecine,  44,  avenue  Thiers,  Le  Mans. 

1905  Demé  (l'abbé),  vicaire  à  la  Cathédrale,  Laval. 

1901  Desvignes  (l'abbé  J.),   curé  doyen   de  la  Suze 

(Sarthe). 
1903     Du  Bourg  (comte  Joseph),  rue  Marmoreau,  Laval. 

1886  Duval  (Louis),  IJI.  P.,  ancien  élève  de  l'École  des 

Chartes,  archiviste  du  département  de  l'Orne, 
correspondant  du  ministère  de  l'Instruction 
publique  et  des  Beaux- Arts,  Alençon  (Orne). 

1891     Fleury  (Gabriel),  i[|i, imprimeur,  Mamers  (Sarthe). 

1878  Floucaud  de  Fourcroy,  O.  éjt,  inspecteur  des 
Ponts  et  Chaussées  honoraire,  président  hono- 
raire de  la  Commission,  Saint-Malo  (Ille-et- 
Vilaine). 

1890  Frain  de  la  Gaulairio  (Edouard),  conservateur- 

adjoint  de  la  bibliothèque.  Vitré  (Ille-et- Vilaine). 

1906  Garnier  (Edouard),  architecte,  rue  de  Bel- Air, 

à  Laval. 

1891  Gougeon  de  la  Thébaudière  (Ambroise),  2,  rue  Le 

Bastard,  Rennes,  et  au  Bois-Jarry,  en  Erbrée, 
par  Vitré  (Ille-et- Vilaine). 
1898     Guétron   (l'abbé),   licencié   es  lettres,   vicaire  à 
Juvigné-des-Landes  (Mayenne). 

1907  Labbé  (Emile),  docteur  en  pharmacie,  pharma- 

cien, président  de  Mayenne-Sciences^  rue  des 
Serruriers,  Laval. 


—  11  — 

1904  La    Broise   (baron   de),    château  de  Brée,   par 

Montsûrs. 
1886     La  Chesnais  (Maurice),   O.  ^,  ancien  chef  de 

bureau  au  ministère  de  la  Guerre,  THuisserie 

(Mayenne),  et  21,  rue  du  Cherche-Midi,  Paris. 
1891     Lair  (Jules),  archiviste  paléographe,  membre  de 

rinstitut,   11,   rue    Croix-des-Petits-Champs, 

Paris. 

1897  Lardeux  (l'abbé),  licencié  es  lettres,  supérieur  de 

l'Institution  Saint-Michel,  à  Château-Gontier. 

1902  Leblanc  (Edmond),   avocat,   conseiller  général, 

député,  Mayenne. 
1886     Ledru  (l'abbé  Ambroise),  43,  rue  de  TAbbaye- 
Saint- Vincent,  Le  Mans. 

1903  Letourneurs  (Edouard),  château  du  Tertre,  Nuillé 

sur-Vicoin  (Mayenne). 
1889     Letourneurs   (Henri),   avocat,   château  de  Gre- 
nusse,  Argentré  (Mayenne). 

1891  Liger  (F.),  château  de  Courmenant,  par  Sillé-le- 

Guillaume  (Sarthe). 

1901  Lorière  (Edouard  de),  château  de  Moulin-Vieux, 
par  Avoise  (Sarthe). 

1878  Maître  (Léon),  i}  l.  P.,  archiviste  de  la  Loire- 
Inférieure,  Nantes  (Loire-Inférieure). 

1905  Marchais  (l'abbé),  curé  de  Soulgé-le-Bruant. 
1888    Menjot  d'Elbenne  (vicomte),  château  de  Couléon, 

par  Tuffé  (Sarthe). 
1896     Métais  (l'abbé),  chanoine,  secrétaire  de  TEvêché, 
Chartres  (Eure-et-Loir). 

1898  Montalembert  (André  de),  122,  rue  de  Grenelle, 

Paris,  et  château  du  Coudray,  c°*  de  Saint- 
Denis-du-Maine,  par  Meslay  (Mayenne). 
1878     Morin,  architecte.  Vitré  (lUe-et- Vilaine). 

1892  Morin  (Auguste),  39,  rue  de  Bretagne,  Laval. 
1884     Morisset  (Martial),  docteur-médecin,  Mayenne. 
1901     Mouchet  (Raymond),  ancien  président  du  Tribunal 

de  commerce,  49,  rue  Solférino,  Laval. 


—  12  — 

1898  Patry  (M^),  ^^  chanoine  honoraire,  curé-archi- 
prêtre  de  Notre-Dame  de  Mayenne. 

1897  Perrot  (Paul),  notaire,  rue  Vieille-de-la-Halle, 
Mayenne. 

1904  Poirier-Béalu,  président  du  Tribunal  de  com- 

merce, Mayenne. 
1886     Ponthault   (André),  7,   rue  de  IVHôtel-de- Ville, 

Mayenne. 
1892     Quatrebarbes   (comte   Léopold  de),  château  de 

Noirieux,  par  Bierné  (Mayenne). 
1879     Queruau-Lamerie  (Emile),  6"*,  rue  des  Arènes, 

Angers  (Maine-et-Loire). 

1902  Raguenet  de  Saint- Albin  (Olivier),  au  château  des 

Arcis,  par  Meslay  (Mayenne),  et  rue.  Etienne- 
Dolet,  3,  à  Orléans  (Loiret). 

1905  Raulin  de  Réalcamp  (D*'  Jules),  171,  boulevard 

du  Montparnasse,  Paris. 
1885     Salles  (Auguste),  ^,  professeur  agrégé  au  lycée 
Janson  de  Sailly,  34,  rue  Saint-Didier,  Paris. 

1903  Sars  (V***  Albert  de),  château  de  Bellebranche, 

par  Bouère  (Mayenne). 

1885  Sauvage  (Hippolyte',   ^  I.  P.,  ancien  juge  de 

paix  du  canton  de  Couptrain,  53,  boulevard 
Bineau,  Paris-Neuilly. 

1904  Sauvé  (le  chanoine  Henri),  martre  des  cérémonies 

de  l'église  Cathédrale,  rue  du  Lycée,  Laval. 
1903     Sigoigne  (Fabbé  Anselme),  curé  de  Saint-Mars- 
sur-la-Futaie  (Mayenne). 

1886  Simonet,  ancien  ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées, 

Château-Gontier. 

1889  Sinoir  (Emile),  professeur  agrégé  au  lycée,  7,  rue 
des  Ruisseaux,  Laval. 

1903  Tanqucrel  des  Planches  (Robert  de),  ancien  atta- 
ché au  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris, 
docteur  en  médecine,  212,  rue  de  Rivoli, 
Paris. 

1878     Tirard,  place  des  Halles,  à  Ernée  (Mayenne). 


-  13  — 

1885     Tranchant  (Charles),  O.  ^ ,  I^^H.  P.,  ancien  élève 

de  rÉcole  des  Chartes,  membre  du  Comité  des 

travaux  historiques,  28,  rue  Barbet-de-Jouy, 

Paris. 
1894     Tribouillard   (rabbé),   supérieur  du  Collège  de 

rimmaculée-Conception,  Laval. 
1884     Triger  (Robert),  président  de  la  Société  du  Maine, 

château  des  Talvasières,  près  Le  Mans  (Sarthe). 
1897     Turquet  (Alphonse- Alexandre),   notaire,  9,  rue 

Souchu-Servinière,  Laval. 
1899     Uzureau  (Pabbé    F.),    aumônier    de   la    prison, 

Angers  (Maine-et-Loire). 
1906     Verger  (l'abbé  Eugène),  curé-doyen  de  Villaines- 

la-Juhel  (Mayenne). 

LISTE    DES    MEMBRES    DÉCÉDÉS 
DEPUIS    LA   CRÉATION    DE    LA   COMMISSION 

Membres  titulaires. 

Date  de  la       MM. 
mort. 

1882  CUILLER  (l'abbé),  chancelier  de  TÉvêché,  Laval. 

1883  MARCHAL  (Charles),  jgt,  ancien  ingénieur  en 

chef  du  département,  ancien  maire  de  Laval. 
—     LE  FIZELIER  (Jules),  secrétaire  général  de  la 

Commission. 
1891     JÔUBERT  (André),  Les  Lutz,  Daon  (Mayenne). 
1894     COUANIER  DE  LAUNAY   (Fabbé),   chanoine 

honoraire  de  Laval. 

1896  MARTONNE    (Alfred  de),    archiviste    de    la 

Mayenne,  secrétaire-adjoint  de  la  Commission. 

1897  PERROT  (Ernest),  ^,  propriétaire,  vice-prési- 

dent de  la  Commission,  Laval. 

1899  POINTEAU  (Charles),  aumônier  de  l'hôpital, 

Craon. 

1900  SOUCHU-SERVINIÈRE    (Théophile),    ancien 

député,  vice-président  de  la  Commission,  Laval. 


—  14  — 

1902  LEBLANC  (Edmond),  ancien  député,  conseiller 

général,    vice-président    de    la   Commission, 
Mayenne. 

—  RAULIN  (Jules),  avocat,  Mayenne. 

1903  LECOMTE  (Auguste),  j^,  ingénieur  en  chef  du 

département  de  la  Mayenne. 

1906  CHEDEAU  (Charles),  ||  L  P.  (Mayenne). 

1907  THUAU  (René),  notaire  à  Meslay  (Mayenne). 

Membres  correspondants. 
MM. 

1881  Legras,  ^ ,  ingénieur  en  chef  des  travaux  mariti- 
mes à  Lorient,  ancien  membre  titulaire. 

1883  Prévost  (Jacques-Ferdinand),  O.  ^j  général  du 
génie  en  retraite. 

1886  Ravault  (Athanase-Henri),  notaire,  Mayenne. 

—  Savary  (Georges),  professeur  d'histoire  au  lycée 

de  Laval. 

1887  Charles    (l'abbé    Robert),   vice-président   de   la 

Société  du  Maine,  Le  Mans. 

—  Duchemin  (Victor-Tranquille),  i||,  archiviste  de  la 

Sarthe,  ancien  membre  titulaire. 

—  Bonneserre  de  Saint-Denis,  Angers. 

1888  Bernard  (Almire),  S*-Pierre-sur-Orthe  (Mayenne). 

—  Chaplain-Duparc,  Paris. 

1889  CourtilloUes  (de),  château  de  CourtilloUes,  près 

d'Alençon. 

1890  Trouillard  (Charles),  avocat,  Mayenne. 

1891  Montozon  (S.  de),  Château-Gontier. 

1892  Foucault  (l'abbé   Martin),  Saint-Fraimbault-de- 

Lassay  (Mayenne). 

—  Piolin  (dom  Paul),  Solesmes  (Sarthe). 

1893  Chomereau  (Charles),  Laval. 

1895  Abraham  (Tancrède),  ancien  membre  titulaire, 
Paris. 

—  Beauchesne   (marquis  de),  château   de   Lassay 

(Mayenne). 


—  15  — 

1895     Laigneau,  curé  de  Bourg-Philippe  (Mayenne). 

—  La  Sicotière  (de),  sénateur,  Alençon. 

—  Palustre  (Léon),  ancien  directeur  de  la  Société 

française  d'archéologie,  Tours. 

1897  Delaunay  (Edouard),  procureur  de  la  République, 

Pont-l'Évéque  (Calvados). 

—  Goupil  (Auguste),  libraire,  Laval. 

—  Maillard  (l'abbé  Joseph),  curé  de  Gennes. 

1898  Delépine  (l'abbé  Etienne),  curé  de  Sacé  (Mayenne). 

—  Magaud  (Henri),  propriétaire,  Laval. 

1899  Beauchamp  de  Monthéard  (baron  Emmanuel  de), 

Paris. 

—  Contades  (comte  Gérard  de),  Saint-Maurice-du- 

Désert  (Orne). 

—  Gadbin  (René),  Château-Gontier. 

1901  Coutard  (l'abbé  Albert-Clément),  curé  de  Vallon 

(Sarthe). 

—  Gillard  (l'abbé  Joseph),  curé  de  Couesmes. 

—  Montagu  (Emmanuel),  instituteur  à  Hardanges 

(Mayenne). 

1902  La  Broise  (Henri-Charles-Paul-Georges  de),  «4*  ^ 

ancien  membre  titulaire,  Paris. 

1904  Dubel  (Isidore),  i||  I.  P.,  maire  de  Saint-Ouen- 

des-Toits  (Mayenne). 

1905  Paris-Jallobert  (l'abbé  Paul),  recteur  de  Balazé 

(lUe-et- Vilaine). 

—  Gerbault  (Georges),  le  Buard,  c°*  de  Changé 

(Mayenne). 

1906  Brou  (Charles),  ancien  élève  de  l'École  des  Char- 

tes, bibliothécaire  de  la  ville,  Laval. 

—  Appert  (Jules),  i||,  villa  des  Cèdres,  place  du 

Champ-de-Foire,  Fiers  (Orne). 

—  Chardon  (Henri),  i||,  avocat,  Mayenne. 

—  Le  Coq  (Frédéric),  Ernée  (Mayenne. 


LES  EX-LIBRIS  MANCEAUX     i/ 

Antérieurs  au  XIX®  siècle 


En  entreprenant  aujourd'hui  la  reproduction  des 
ex-libris  de  Tancienne  province  du  Maine  (Sarthe  et 
Mayenne),  accompagnée  de  courtes  notices  sur  leurs 
possesseurs,  nous  espérons  être  utiles  à  ceux  qui 
s'intéressent  à  son  histoire  locale,  soit  qu'il  s'agisse 
d'établissements  religieux,  soit  qu'il  s'agisse  de  laïques, 
nobles,  magistrats  ou  marchands. 

Il  est  parfois  difficile  de  savoir  pour  qui  ces  petites 
gravures,  trop  souvent  anonymes,  ont  été  faites.  En  les 
groupant  par  province,  suivant  l'exemple  de  plusieurs 
travaux  de  ce  genre,  les  recherches  deviendront  plus 
restreintes  et  les  attributions  plus  certaines. 

Avant  de  commencer  ce  travail,  nous  tenons  à  adresser 
nos  sincères  remerciements  à  tous  ceux  qui  nous  ont 
encouragés  et  qui,  par  leurs  bienveillantes  communica- 
tions, ont  facilité  notre  travail.  Nommons  tout  d'abord 
les  président  et  vice-président  de  la  Société  française 
d'Ex-libris,  MM.  Charles  d'Achon,  de  Brébisson,  Comte 
Lair,  la  Bibliothèque  de  Laval,  M.  Mautouchet,  de 
Rémacle,  etc. 

Nous  faisons  appel  à  tous  les  collectionneurs  qui 
pourraient  posséder  d'autres  ex-libris  du  Maine,  anté- 
rieurs au  XIX*  siècle. 

P.  DE  Farcy. 
2 


—  18 


d'Auvrecher  d'Angerville. 

Thomas-Robert-Nicolas  cI'Auvrecher^  comte  d'Anger- 
ville,  (l'une  famille  ancienne  de  Normandie,  servit  dans 
la  marine.  11  avait  épousé  le  l*'"  septembre  1767,  Augus- 
tine-Marie-Lucy  d'Auray  de  Saint-Poix,  fdie  de  Bœuve 
d'Auray,  marquis  de  Saint-Poix.  Elle  lui  apporta  en  dot 
les  seigneuries  de  la  Maroutière  et  de  Loigné,  près 
Château-Gontier.  C'est  à  ce  titre  qu'il  est  cité  ici.  On 
trouve,  de  1772  à  1782,  des  lettres  signées  de  lui  pour 
convoquer  aux  assises  de  son  fief  de  Loigné. 

Il  avait  fait  graver  un  premier  ex-libris  où  la  ban- 
derole ne  porte  aucun  nom.  Plus  tard,  en  1778,  il  en  fit 
faire  un  autre  plus  grand  et  plus  finement  gravé,  que 
Ton  trouve  collé  sur  le  premier.  C'est  celui-là  que  M.  de 
Brébisson  a  publié  dans  les  Archives  de  la  Société  des 
Collectionneurs  d'Ex-libris,  xi®  année,  p.  72. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  d'or  à  2  quintefeuilles  de  sable  posées 
Cune  au  canton  sénestre,  Vautre  en  pointe^  au  lion- 
ceau  passant  de  même  au  premier  canton. 


—   IO- 


DE Beaumont  d'Autichamp. 

Jean-Thérèse-Louis  de  Beaumont,  marquis  d'Auti- 
champ  et  de  Château-Gontier  le  26  février  1761,  né  à 
Angers  le  17  mai  1738,  était  fils  de  Louis-Joseph,  colonel 
du  régiment  d^Enghien,  lieutenant  du  Roi  à  Angers,  et 
de  Marie-Célestine-Perrine  Locquet  de  Grandville.  Il  eut 
une  brillante  carrière  militaire  :  chevalier  de  Saint-Louis 
à  vingt  ans,  colonel  de  dragons,  maréchal  de  camp  en 
1780,  il  émigra  et  entretint  à  ses  frais  le  corps  des 
hommes  d'armes  à  cheval,  à  Tarmée  de  Coudé.  Nommé 
gouverneur  du  Louvre  sous  la  Restauration,  il  y  fut 
blessé  lors  de  la  Révolution  de  juillet  1830  et  mourut 
Tannée  suivante,  sans  enfants  de  Marie-Charlotte  de 
Maussion,  veuve  du  marquis  de  Vastan. 

On  trouve  le  même  ex-libris,  d'un  format  plus  petit, 
0  m.  045  sur  0  m.  04.  Voir  les  Archives  de  la  Société 
française  des  Collectionneurs  d'Ex-libris,  xii*  année, 
p.  171,  dont  le  président  a  bien  voulu  nous  communiquer 
le  cliché. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  de  gueules  à  la  fasce  d'argent  chargée 
de  S  fleurs  de  lys  d'azur. 


—  20  — 


DE    BaILLEUL. 

Nicolas-Louis  de  Bailleul,  marquis  de  Château- 
Gontier,  était  fils  de  Louis-Dominique,  président  à  mor- 
tier et  surintendant  des  finances,  et  de  Marie  Le  Ragois 
de  Bretonvilliers,  qui  avait  fait  ériger  la  baronnie  de 
Ghâteau-Gontier  en  marquisat  le  31  juillet  1656.  Il  la 
tenait  de  son  père,  Nicolas,  aussi  président  au  parlement 
de  Paris,  surintendant  des  finances,  qui  Tavait  acquise 
en  1643.  Nicolas-Louis,  veuf  de  Louise  Girard,  morte 
à  Ghâteau-Gontier  le  17  septembre  1688,  épousa  en 
secondes  noces  Charlotte  du  Fresne,  et  mourut  en  1714, 
laissant  un  fils  qui,  avec  ses  co-héritiers,  vendit  en  1739 
le  marquisat  de  Ghâteau-Gontier  à  Félix  Aubry,  marquis 
de  Vastan. 

J*ai  publié  dans  le  Bulletin  de  La  Commission  his- 
torique  et  archéologique  de  la  Mayenney  1900,  Taveu 
rendu  au  Roi,  le  29  juillet  1669,  par  Louis- Dominique  de 
Bailleul,  marquis  de  Ghâteau-Gontier. 

(Collection  du  Gomte  Lair. 

Armoiries  :  parti  d'hermines  et  de  gueules^ 


—  21  — 


DE    BaILLEUL. 

Le  Chevalier  de  Bailleul,  dont  Tex-libris,  fait  au 
pochoir,  figure  ici,  appartenait  à  une  autre  branche, 
restée  en  Normandie,  son  pays  d'origine.  Il  était  fils  de 
Charles- Pierre  de  Bailleul,  président  à  mortier  au  par- 
lement de  Normandie,  et  de  N.  Brinon.  Il  entra  dans  la 
seconde  compagnie  des  mousquetaires  de  la  Garde  ordi- 
naire du  Roi  et  était  en  1769  enseigne  à  drapeau  dans 
le  régiment  des  gardes  françaises. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  parti  cT hermines  et  de  gueules. 


—  22  — 


DU  Bellay. 


Charles,  marquis  du  Bellay,  prince  d'Yvetot,  baron 
de  Commequiers,  était  fils  puîné  de  Martin,  chevalier 
des  ordres  du  Roi,  et  de  Louise  de  Savonnières,  sa  pre- 
mière femme,  petit-fils  de  René,  baron  de  la  Lande, 
qui  avait  épousé  Marie  du  Bellay,  fille  et  héritière  de 
Martin,  sieur  de  Langey,  et  d'Isabelle  Chenu,  princesse 
d'Yvetot.  Il  servit  avec  son  père  et  son  frère  aîné  et  eut 
le  commandement  d(3  Tarrière-ban  d'Anjou.  Il  épousa, 
le  19  septembre  1632,  Blanche-Sophie  de  Rieux,  fille  de 
Jean,  marquis  d'Acerac,  et  de  Madeleine  d'Espinay. 
Avec  lui  s'éteignit  la  branche  des  du  Bellay,  princes 
d'Yvetot.  C'est  à  cause  de  cette  principauté  que  son  écu 
est  surmonté  d'une  couronne  royale,  à  Fantique. 

Collections  du  Comte  Lair,  Mautouchet. 

Armoiries  :  d'argent  à  la  bande  fuselée  de  gueule^ 
accostée  de  6  fleurs  de  lys  d'azur  en  orle. 


23  — 


DU  Bellay. 


Guillaume, marquis  du  Bellay,  seigneur  de  la  Courbe, 
lîls  de  François-René,  marquis  du  Bellay,  et  de  Marie- 
Suzanne  de  Rochechouart,  fut  colonel  du  régiment  de 
Brie,  brigadier  des  armées  du  Roi.  En  1741,  il  passa  au 
service  du  roi  des  Deux-Siciles,  qui  le  fit  maréchal  de 
camp.  Il  mourut  à  Naples  en  1752,  sans  alliance. 

Il  fut  après  Martin,  son  frère,  évêque  de  Fréjus,  le 
dernier  mâle  de  l'illustre  famille  du  Bellay  et  descendait 
en  ligne  directe  de  Jean  du  Bellay,  qui  s'établit  au 
Maine,  par  son  mariage  avec  Jeanne  de  Logé,  dame  du 
Bois-Thibault. 

Collection  de  M.  Mautouchet,  au  Mans. 

Armoiries  :  dC argent  à  la  bande  fuselée  de  gueules 
accostée  de  6  fleurs  de  lys  d'azur  en  orle. 


—  24 


BiGNON. 


La  famille  Bignon  est  originaire  de  Saint-Denis- 
d^Anjou,  où  on  la  trouve  établie  dès  le  commencement 
du  XVI®  siècle.  Rolland,  fils  cadet  de  Brient,  fut  avocat 
au  parlement  de  Paris,  et  de  lui  descendirent  cinq 
générations  d'hommes  éminents  par  leurs  vertus  et 
honorés  des  plus  belles  charges  de  la  magistrature. 
Son  arrière-petit-fils,  Jérôme  Bignon,  né  en  1658,  fut 
avocat  au  Chàtelet,  conseiller  au  parlement,  intendant 
de  Rouen,  conseiller  d'Etat  et  prévôt  des  marchands  de 
Paris  en  1708.  Il  mourut  le  25  décembre  1726,  sans 
enfants  de  Françoise-Marthe  Billard.  On  trouve  ce 
même  ex-libris,  avec  au-dessous  ces  mots  :  Vinea  mea 
electa. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  (Tazur^  à  la  croix  de  calvaire  d'argent 
posée  sur  une  terrasse  de  sinople  (Toà  sort  un  cep 
de  vigne  qui  entoure  la  dite  croix^  laquelle  est  can- 
tonnée de  4  flammes  d'argent. 


—  25 


BiGNON. 


Jean-Paul  Bignon,  frère  cadet  du  précédent,  fut  abbé 
de  Saint-Quentin-en-FIsle,  doyen  de  Téglise  collégiale 
de  Saint-Germain-rAuxerrois,  conseiller  d'État,  doyen 
du  Conseil,  Tun  des  quarante  de  TAcadémie  française, 
bibliothécaire  du  Roi  après  son  père  et  son  grand-père. 
Il  mourut  le  14  mars  1743,  au  château  de  TIsle-Belle, 
près  Meulan. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  semblables  aux  précédentes. 


—  26  — 


BiGNON. 


Jérôme-Frédéric  Bignon,  fils  d'Armand- Jérôme,  avo- 
cat général  au  Grand  Conseil,  commandeur  des  ordres, 
prévôt  des  marchands  et  bibliothécaire  du  Roi,  et  de 
Marie- Angélique-Blanche  Hue  de  Vermanoir,  naquit  le 
11  janvier  1747  et  fut  nommé  conseiller  aux  requêtes  du 
palais  en  1766,  et  bibliothécaire  du  Roi  en  survivance. 
Il  épousa  en  1764  une  D""  de  Ilennot  du  Rozel,  dont  il 
eut  des  enfants. 

Collection  de  M.  Engelmann,  vice-président  de  la 
Société  française  des  Collectionneurs  d'Ex-libris. 

Armoiries  ;  semblables  aux  précédentes. 


—  21  — 


DU    BOUCHET. 


Louis-Uilaire  du  Bouchet,  dit  le  comte  de  Sourches, 
né  le  13  septembre  1716,  était  fils  de  Louis-François, 
seigneur  de  la  Ronce,  d'abord  chevalier  de  Malte,  lieu- 
tenant général  des  armées  du  Roi,  puis  mari  d'Hilaire- 
Ursule  de  Thiersault.  Il  fut  capitaine  de  dragons  au 
régiment  de  Languedoc,  chevalier  de  Saint-Louis,  et  fut 
blessé  à  la  tète  de  son  régiment,  qu'il  commandait  à  la 
bataille  de  Plaisance.  Il  épousa  Louise-Françoise  Le 
Voyer,  dont  postérité. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  écartelé  aux  i"  et  k^  d argent  à  2  fasces 
de  sable,  aux  2^  et  3^  d'azur,  semé  de  fleurs  de  lys 
d^ argent,  au  lion  de  même,  couronné  d'or,  brochant, 
qui  est  de  Chambes-Montsoreau. 


28  — 


^ — 


Le  Bouyer. 

Cet  ex-libris  fort  bien  gravé  est  celui  d'un  des  mem- 
bres de  la  famille  Le  Bouyer  de  Saint-Gervais,  sans 
doute  le  père  de  celui  quit  suit. 

Collection  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'or  à  3  têtes  de  lion  d'azur,  arrachées 
de  gueules,  au  chef  de  même. 


EX    LIBRIS 


Le  Bouyer  St.  Gervais 


(Voir  page  suivante) 


—  29  — 


DE 

^ 

BIBLIOTBtQUt 
U 

.LE  BOUtER 
HOIfHOVDOV 

Le  Bouyer. 


Charles-François-Alexandre  Le  Bouyer  de  Saint- 
Gervais,  vicomte  de  Monthoudou,  d'une  famille  ancienne 
de  Normandie  alliée  à  celle  du  grand  poète  Corneille, 
épousa  Marguerite-Angélique  Le  Boulleur,  fille  de  Fran- 
çois Le  Boulleur  de  Brotz  et  de  Catherine  Nicole. 
Pendant  la  Révolution,  il  se  servait  d'une  étiquette 
supprimant  son  titre  seigneurial. 

M.  de  Brébisson  a  publié  cet  ex-libris  dans  les 
Archives  de  la  Société  française  des  Collectionneurs 
d'Ex'libriSy  x*  année,  p.  70. 

Il  appartient  à  M.  de  Monthoudou,  qui  nous  Ta  obli- 
geamment communiqué. 

Armoiries  :  d'or  à  3  têtes  de  lion  arrachées  d'azur^ 
lampassées  de  gueules^  au  chef  de  même. 


—  30  — 


i^r^ 


DE    ChAMILLART. 

Louis-Michel  de  Chamillart,  comte  de  la  Suze  et  de 
Courcelles,  baron  de  Pirmil,  né  le  8  février  1701),  était 
fds  de  Michel,  marquis  de  Cany,  grand  maréchal  dos 
logis  de  la  maison  du  Roi,  et  de  Marie-Françoise  de 
Rochechouart.  Il  succéda  à  la  charge  de  son  père,  fut 
colonel  des  dragons,  lieutenant  général  des  armées  du 
Roi,  gouverneur  du  Mont-Dauphin.  Il  avait  épousé  en 
février  1748  Anne-Madeleine  Chauvelin,  fille  de  Ger- 
main-Louis, marquis  de  Grosbois,  garde  des  sceaux  de 
France,  et  d'Anne  Cahouet  de  Beauvais.  Il  mourut  le 
27  mars  1774,  laissant  deux  enfants. 

Sur  quelques  exemplaires  on  a  ajouté  à  Tencre,  sous 
Técusson,  ces  mots  :  de  Courcelles. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy,  musée  de  Laval. 

Armoiries  :  écartelé  aux  i"  et  4*  d'azur  à  la  levrette 
d'argent  colletée  de  gueules,  au  chef  d'or  chargé  de 
3  étoiles  de  sable  ;  aux  2^  et  3^  fascé  onde  d'argent  et 
de  gueules  de  6  pièces!,  qui  est  de  Rochechouart. 


—  31  — 


DE  Champagne. 


Guillaume-François  de  Champagne,  seigneur  de  Moiré, 
né  le  16  février  1703,  était  fils  de  René,  seigneur  de 
Moiré,  et  de  Françoise-Jacquine  Louet.  Il  épousa,  le 
10  février  1727,  Renée-Anne  de  La  Planche,  fille  de 
René-Jean-Baptiste  et  d'Anne  Brault.  Il  mourut  le 
27  février  1761,  laissant  cinq  enfants,  dont  Taîné  était 
le  suivant. 

Cet  ex-libris,  non  signé,  doit  être  attribué  à  Tardieu  : 
nous  en  publierons  un  absolument  semblable,  aux  armes 
des  la  Trémoïlle,  et  qui  porte  cette  signature.  Il  faut 
remarquer  que  le  chef  est  ici  indiqué  d'azur  au  lieu  de 
gueules. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  d*hermines  au  chef  de  gueules. 


—  32  — 


DE  Champagne. 

René-François  de  Champagne,  marquis  de  Champa- 
gne, vicomte  des  Perriers,  (ils  du  précédent,  capitaine 
au  régiment  d'Auxbnne,  chevalier  de  Saint-Louis  en 
1763,  épousa,  le  13  février  17G5,  Jeanne  Tahureau,  fdle 
d'Etienne,  sieur  de  Couture,  colonel  au  corps  royal  de  Tar- 
tillerie,  et  de  Jeanne-Françoise  Prudhommme  de  Mille. 

Cet  ex-libris,  gravé  avant  1763,  a  été  publié  dans 
les  Archives  de  la  Société  des  Collectionneurs  d^ Ex- 
libris,  XIII*  année,  p.  20,  et  le  cliché  nous  a  été  obli- 
geamment communiqué  par  M.  Engelman,  vice-président 
de  cette  société. 

Armoiries  :  d'hermines  au  chef  de  gueules. 


—  â3 


Collégiale  Saint-Just  de  Chateau-Gontier. 

Cet  ex-libris  fort  rare  est  celui  de  la  collégiale  Saint- 
Just  de  Chàteau-Gontier,  fondée  au  xii®  siècle,  par  le 
seigneur  de  Chàteau-Gontier,  pour  son  propre  usage. 
On  voit  encore,  place  du  Château,  les  ruines  de  la 
chapelle. 

On  conserve  à  Fhôpital  Saint-Joseph  de  cette  ville 
des  burettes  en  argent  et  un  plateau  où  les  mômes 
armoiries  sont  gravées.  Au  moment  de  la  Révolution, 
les  chanoines  sauvèrent  certains  objets  et  en  firent  don 
à  leur  mort  aux  paroisses  qu'ils  habitaient.  C'est  ainsi 
que  le  reliquaire  du  bras  de  Saint-Just,  fabriqué  au 
XV*  siècle,  par  Gervais  Tressart,  de  Chàteau-Gontier, 
donné  d'abord  à  l'église  Saint-Remi,  est  actuellement 
déposé  à  Saint-Jean,  proche  de  l'ancienne  collégiale. 

Collection  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'azur  semé  de  fleurs  de  lys  d*or  à  la 
croix  haute  d! argent. 

3 


—  34  — 


DE    GhAVAGNAC. 


Angélique-René-Heiiri-Gilles  de  Chavagnac,  dit  le 
comte  de  Chavagnac,  né  le  14  janvier  1732,  était  fils  de 
Gilles-Henri-Louis-Clair,  marquis  de  Chavagnac,  d'une 
famille  originaire  d'Auvergne,  et  d'Anne-Angélique- 
Renée  de  Froullay  de  Tessé  ;  il  épousa,  le  21  juin  1761, 
N.  des  Escotais  de  Chantilly,  fille  de  Michel-Rolland, 
comte  des  Escotais,  et  d'Anne-Geneviève  Pineau  de 
Viennay. 

Cet  ex-libris  a  été  reproduit  au  xix'  siècle,  pour  un 
des  membres  de  cette  famille. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy,  musée  de  Laval. 

Armoiries  :  de  sable  à  3  fasces  d'argent  surmontées 
de  3  quintefeuilles  de  même  en  chef. 

Alias  :  d*argent  à  2  fasces  de  sable  surmontées  de 
3  roses  de  même. 


—  35  — 


1Î.X  Liln-isCliotard 
l>c  Boifjouffc 


"Ym^P 


Ce  curieux  ex-libris,  fait  au  pochoir,  est  celui  de 
Joseph- Augustin-Frédéric  Chotard  de  Boisjousse,  gen- 
tilhomme servant  de  M.  le  comte  d'Artois,  en  1787,  qui 
épousa,  le  15  ventôse  an  XI,  Brigitte  Gaultier  de  Brûlon, 
fille  de  Louis- Jean- Jacques,  sieur  de  Vaux,  et  de  Brigitte 
du  Bois  de  Maquillé,  dont  il  eut  deux  filles.  Il  était  veuf  de 
Marie-Louise  Le  Moyne  de  la  Borderie,  dont  il  avait  eu  un 
fils,  Marie-Louis-Joseph,  mort  à  13  ans,  le  19  juin  1792. 

Collection  de  M.  Engelmann. 

Armoiries  :  de  gueules  au  lion  d'hermines  ? 


—  36  — 


Le  Clerc. 


Cet  ex-libris,  aux  armes  des  Le  Clerc  de  Juigné,  u'a 
pu  être  identifié.  Il  est  posé  sur  une  croix  de  Malte  (?)  et 
Ton  trouve  des  volumes  portant  un  éeusson  absolument 
semblable,  mais  sans  les  palmes. 

Collection  Mautouchet. 

Armoiries  :  d'argent  à  la  croix  de  gueules  dentelée 
de  sable  cantonnée  de  4  aiglettes  éployées  de  même, 
becquées,  membrées  de  gueules. 


—  37  — 


 

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Le  Clerc. 


Jacques-Gabriel-Louis  Le  Clerc  marquis  de  Juigné, 
baron  de  Champagne,  servit  aux  Mousquetaires  en  1742, 
colonel  du  régiment  de  Blaisois,  puis  de  Forez  et  enfin 
de  Champagne,  brigadier  des  armées  du  Roi  et  maré- 
chal de  camp  en  1762.  Il  épousa,  le  17  mars  1768, 
Charlotte  Thiroux,  fille  de  Philibert,  seigneur  de  Cham- 
meville,  et  de  Geneviève-Thérèse  de  Colabeau.  En  1774, 
il  fut  envoyé  en  qualité  de  ministre  plénipotentiaire  de 
France  près  l'impératrice  de  Russie.  Il  était  frère  aine 
d'Antoine-Éléonore-Léon,  nommé  en  1781  archevêque 
de  Paris. 

Collection  Mautouchet. 

Armoiries  :  dC argent  à  la  croix  de  gueules  engrèlée 
de  sable  cantonnée  de  4  aiglettes  de  même  becquées  et 
onglées  de  gueules. 


38  — 


Gaspard  de  Clermont. 

DE    ClERMONT. 

Gaspard  de  Clermont,  issu  d'uiK^  branche?  cadotto  de 
la  maison  do  Cl(»rmont-Gall(n*and(',  brisait  ses  armoi- 
ries d'une  étoile  d'argent  en  cht»f;  il  servait  dans  la 
cavîilerie.  Outre  les  deux  (»x-Iibris  ri-dessus,  il  en  avait 
de  manuscrits.  Sur  un  exemplaire  de  V Histoire  des  Rois 
de  Sicile  et  de  Naples,  des  maisons  d* Anjou,  in-4**, 
Paris,  1707,  il  avait  écrit  dans  un  encadrement  à  raies  : 
«  de  la  bibliothè(iu(?  dcî  (Gaspard  de  Clermont,  chef 
«  d'escadron  au  régiment  cavalerie  d'Orléans,  Paris, 
«  1788.  » 

Collections  du  Comte  Lair  et  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'azur  à  3  chevrons  d'or,  celui  du  chef 
brisé^  surmonté  d'une  étoile  d'argent. 


39  — 


laMGiWITfPlIlfiiiîillJlinM 


Constantin. 


Robert  Constantin,  sieur  de  Montriou,  Laiinay, 
Malabry,  etc.,  né  en  1625,  abbé  de  Brignon,  conseiller 
au  parlement  de  Bretagne  le  12  juin  1655,  était  fils  de 
Jacques  Constantin  de  Montriou,  conseiller,  maître  des 
comptes  de  Bretagne,  et  d'Anne  Martineau.  Il  fut  main- 
tenu dans  sa  noblesse  avec  ses  frères  en  1670  et  vivait 
encore  en  1689. 

Il  existe  un  autre  ex-libris  plus  petit,  exactement 
semblable  à  celui-ci. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  d'azur  au  rocher  dor  mouvant  d'unç 
mer  d'argent. 


40  — 


If^^if  Jlfjtir  J*  i^  fèc 


DE    COURTARVEL. 


Louis-François-René,  marquis  de  Courtarvel,  issu 
d'une  famille  d'ancienne  chevalerie,  naquit  le  19  décembre 
1759,  du  mariage  de  René-César,  dit  le  comte  de  Cour- 
tarvel, et  de  Marie-Françoise-Tliérèse  des  Ligneris.  Il 
suivit  la  carrière  militaire  ;  maître  de  camp  au  régiment 
de  Penthièvre-dragons,  colonel  du  régiment  de  Vivarais, 
maréchal  de  camp.  A  la  Restauration,  il  fut  nommé  lieu- 
tenant-général et  appelé  à  la  pairie  le  5  novembre  1827. 
Il  avait  épousé,  en  juillet  1783,  Marie-Louise  de  Lam- 
bert, dont  Tex-libris  suit. 

Les  ornements  qui  accompagnent  son  bel  ex-libris 
rappellent  ses  services. 

Collection  de  M.  de  Rémacle. 

Armoiries  :  d'azur  au  sautoir  dCor  cantonné  de 
16  losanges  de  même,  posés  4  dans  chaque  canton^ 
4  en  croix  et  12  en  or  le. 


—  41  — 


|lii!i)tir.H.pp-LnMBKtii 


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^-—^■-y:\ 


Marquise  de  Gourtarvel,  née  de  Lambert. 

Cet  ex-libris,  fort  rare,  est  celui  de  la  femme  du  mar- 
quis de  Gourtarvel  dont  on  vient  de   voir  Tex-libris. 

Marie-Louise  de  Lambert,  d'une  famille  de  chevalerie 
de  TAngoumois,  était  fille  d'Henri-Joseph  de  Lambert, 
maréchal  de  camp  des  armées  du  Roi,  et  de  demoiselle 
Anisson  du  Perron.  Elle  mourut  à  Paris,  le  29  avril  1839. 

Collection  de  Farcy. 

Armoiries  :  de  Courtarvel,  accolé  coupé  emmanché 
de  gueules  et  cCargent,  de  3  pièces  sur  2  et  2  demies. 


—  42  — 


îbc  la.  ULotajwe.  !>  c  oK'  ^ 
I  j  tittianx   oe     C^n  a  La  tJ*  Ut  eut  c  rua.  nt 


DUMANS. 

La  seigncMirie  de  Bourg-rEvéque,  au  Maine,  avait  été 
acquise  en  1732,  par  Jac([ues  Dumans,  prêtre,  conseiller 
au  parlement,  abbé  de  Barzelles.  Cet  ex-libris  doit  être 
celui  d'un  de  s(»s  petits-neveux  :  Micliel-René-François 
Dumans,  ([ui  fut  lic^uteiuint  des  maréchaux  de  France, 
eomm<»  l'indiquent  lc\s  attributs  qui  accompagnent  Técu. 
Il  fut  convoqué  aux  Etats-généraux  de  1789.  Cet  ex-libris 
est  Tœuvre  d'Andouard,  graveur  à  Laval. 

Collection  de  Farcy. 

Armoiries  :  (Tor  à  la  fasce  de  gueules  chargée  de 
3  étoiles  d'argent  et  accompagnée  en  pointe  d'une 
merlette  de  sable. 


—  43  — 


DE    F  ARC  Y    DE    CuiLLE. 

Jacques-Gabriel- Annibal  de  Farcy,  dit  le  marquis  de 
Cuillé,  était  fils  de  Jacques-Daniel- Annibal,  sieur  de 
Cuillé,  conseiller  au  parlement  de  Bretagne,  et  de 
Pélagie  Gourio  de  Lanoster.  Conseiller  au  parlement  en 
1746,  il  fut  nommé  président  à  mortier  en  1756;  il  se 
trouva  mêlé  à  toutes  les  luttes  du  parlement  au  sujet  des 
privilèges  de  la  province,  de  1765  à  1788.  Retiré  à  son 
château  de  Cuillé  au  moment  de  la  Révolution,  il  y  fut 
grossièrement  insulté  (»t  vit  son  château  brûlé  et  piHé. 
Il  mourut  à  Rennes,  en  1794.  Il  laissait  trois  lilles  de 
son  union  avec  Cath<;rine-Françoise- Jeanne  de  Bahuno. 
Sa  petite-fille.  M™*  de  Ravenel,  a  porté  la  terre  de  Cuillé 
dans  la  famille  de  Moncuit  qui  la  possèdt;  encore. 

Collection  de  Farcy.  Voir  Tarticle  paru  dans  les 
Archives  de  la  Société  française  des  Collectionneurs 
d'eX'libris^  ix"  année,  p.  21. 

Armoiries  :  d'or  fretté  cCazur  de  6  pièces^  au  chef 
de  gueules. 


—  44  — 


FOUCQUET. 


La  simplicité  de  cet  ex-libris  de  la  famille  Foucquet 
ne  me  parait  pas  autoriser  son  attribution  au  surinten- 
dant des  finances  dont  les  volumes  sont  ornés  d'un 
écusson  avec  lambrequins  des  plus  riches  et  compliqués. 
Peut-être  se  rattache-t-il  à  la  branche  de  la  Bouche- 
follière,  restée  dans  le  Craonnais  et  dont  un  membre, 
François-René,  fut  conseiller  au  parlement  de  Bretagne 
en  1697.  Le  père  de  celui-ci,  président  à  Rennes,  habitait 
Chàteau-Gontier  dans  un  hôtel  qui  sert  aujourd'hui  de 
musée. 

Collection  de  Farcy. 

Armoiries  :  (T  argent  à  V  écureuil  grimpant  de  gueules. 


-45  - 


FOUCQUET. 

René-François  de  Foucquet  de  la  BouchefoUière,  dit 
le  comte  de  Foucquet,  fils  de  François-René,  eut  une 
brillante  carrière  militaire.  Lieutenant  de  dragons  en 
1721,  puis  capitaine,  il  servit  en  Lorraine,  en  Bohême, 
puis  à  l'armée  du  Rhin  au  siège  de  Mons.  Brigadier  en 
1747,  il  passa  en  Italie  et  en  Allemagne,  et  fut  nommé 
lieutenant-général  des  armées  du  Roi  en  1762.  11  avait 
épousé  demoiselle  de  Berwich.  Il  y  eut  une  enquête 
pour  les  preuves  de  la  comtesse  de  Foucquet,  pour  être 
présentée  à  la  cour  en  1782. 

Collection  de  M.  Engelmann. 

Armoiries  :  d'argent  à  V  écureuil  grimpant  de  gueules. 


—  46  — 


De    la    Bibliothèque  -  de    M^. 

JEaN-CoN  STANTIN    GeNDRY 

DE  Boisgiray,  PrctPC,  Dod. 
en  Médecine  «Chanoine  deCraon, 
&  Prieur  ComaiAndacaire  de  S* 
Georges  de  la  Balluë. 


Gendry. 

Cette  étiquette  se  trouvait  collée  sur  un  livre  de 
médecine  :  Francisci  Deleboe,  Syhii  opéra  medica, 
Amsterdam  y  1679,  In-^^^  qui  porte  aussi  cette  mention 
manuscrite,  Constantinus  Gendry  de  Boisgiray^  doctor 
medicus,  1119.  Celui-ci  exerçait  à  Craon,  en  1722  :  c'était 
le  père  de  Jean-Constantin  Gendry  de  Boisgiray,  prêtre, 
docteur  en  médecine,  chanoine  de  Craon,  et  prieur  com- 
mandataire  de  Saint-Georges  de  la  Ballue,  membre 
dépendant  de  Tabbaye  de  la  Roë. 

Collection  de  Farcy. 


—  47  — 


DE    LA    GOUPILLIÈRE. 


Pierre-Guillaume-Louis  de  la  Goupillière,  dit  le 
marquis  de  Dollon,  né  le  12  août  1741,  était  fils  de 
Pierre-Gaspard  et  de  Marie  Bordel  de  Viantais.  Il  était 
lieutenant  au  régiment  du  Roi-infanterie.  Cette  famille 
ancienne,  originaire  dé  la  paroisse  de  Saint-Hilaire-du- 
Lierru,  s'est  éteinte  à  la  fin  du  xix**  siècle. 

Collection  de  Farcy,  Mau  touche  t. 

Armoiries  :  d'argent  à  3  renards  passants  de  gueules 
posés  en  pal. 


—  48  — 


Chausson. 


Jacques-Paul  Chausson,  écuyer,  seigneur  du  Saussay 
et  des  Orgeries,  lieutenant  général  et  particulier,  ancien 
civil  et  criminel  et  commissaire  enquêteur  examinateur 
au  bailliage  d'Alençon,  pour  la  vicomte  d'Exmes  et  Trun, 
épousa,  le  19  janvier  1712,  Catherine  Alliot  du  Hamel  ; 
il  mourut  revêtu  de  sa  charge,  en  1738. 

Cet  ex-libris  appartient  à  M.  A.  de  Courtilloles  d'An- 
gleville,  qui  nous  Ta  obligeamment  communiqué. 

Armoiries  :  dUor  au  lion  d'azur  au  chef  de  gueules 
chargé  de  3  besans  d'argent^  écartelé  d'or  à  3  fusées 
de  sinople  accolées  en  fasce^  qui  est  Alliot. 

(A  suivre). 


J 


LA   POURSUITE 
APRÈS  LA  BATAILLE  DU  MANS 

par  le  détachement  du  général  de  Schmidt 

DU    13    AU    17    JANVIER    1871 

(Fin). 


16  Janvier. 


Le  16  janvier  au  matin,  le  général  de  Schmidt  trouva 
Saint'Jean-sur-Erve  abandonné  par  Tennemi.  Toujours 
inquiet  de  son  flanc  droit,  et  croyant  avoir  contre  lui 
des  forces  bien  supérieures,  T amiral  Jauréguiberry,  dès 
qu'il  eut  reçu  le  compte-rendu  de  Tentrée  des  troupes 
allemandes  dans  Sainl-Jean^  avait  donné  le  soir  du  15 
Tordre  de  la  retraite  sur  LavaL  L'évacuation  de  sa  posi- 
tion, très  étendue  et  qui  présentait,  en  raison  du  terrain 
très  accidenté,  de  grandes  difficultés  pour  la  retraite, 
s'accomplit  sans  bruit  dans  l'obscurité  de  la  nuit.  Dans 
la  crainte  que  les  Allemands  n'attaquassent  encore  pen- 
dant la  nuit,  cette  retraite  fut  exécutée  en  toute  hâte  par 
Vaiges  jusqu'à  Soulgé-le-B ruant  ;  on  y  bivouaqua  à 
minuit  et  le  16  au  matin  on  reprit  la  marche  sur  Laval. 

Le  général  de  Schmidt  s'était  mis  en  mouvement  à 
huit  heures  du  matin  en  trois  colonnes  :  la  colonne  prin- 
cipale était  sur  la  route  de  Saint- Jean  à  Vaiges^  pendant 

4 


—  50  — 

que  le  détachement  Mûnchhausen  de  Sainte-Suzanne  et 
les  troupes  détachées  pendant  la  nuit  à  Thorigné  mar- 
chaient également  sur  Vaiges  par  Saint-Pierre-sur^ 
Erve  ;  en  outre  le  4®  escadron  du  6"  rég*  de  dragons  se 
porta  de  Bannes,  par  Saulges,  sur  La  Bazouge-de- 
Chemeré. 

Sur  les  trois  routes  la  cavalerie  poussée  en  avant  prit 
un  grand  nombre  d'isolés  et  de  traînards. 

Le  3'  escadron  du  6®  dragons,  à  la  tête  de  la  colonne 
du  milieu,  atteignit  Vaiges  sans  s'être  heurté  à  de  plus 
forts  détachements  ennemis.  Le  général  de  Schmidt 
prescrivit  à  l'escadron  de  pousser  jusqu'à  Soulgé-le- 
Bruant  et  ordonna  de  faire  autant  de  prisonniers  que 
possible.  On  réussit  même,  par  une  marche  rapide,  à 
atteindre  une  colonne  d'infanterie  serrée  qui  fut  attaquée 
et  forcée  de  déposer  les  armes.  Lorsque  Tescadron  arriva 
au  Bignon  *,  il  était  tellement  affaibli  d'avoir  laissé  des 
hommes  à  la  garde  des  prisonniers,  et  détaché  des 
patrouilles  de  chaque  côté  de  la  route,  qu'il  parut  impos- 
sible de  pousser  plus  loin  la  poursuite. 

Le  lieutenant  comte  de  Moltke  II  fut  donc  envoyé  avec 
une  patrouille  sur  Soulgé.  Lorsque  cet  officier  entra 
avec  beaucoup  de  hardiesse  dans  le  village,  il  vit  tout  à 
coup  en  face  de  lui  une  grande  troupe  de  cavalerie  à 
rangs  serrés.  En  tournant  sur  le  verglas  son  cheval 
s'abattit  et  il  fut  fait  prisonnier  avec  sa  troupe  qui  ne 
voulut  pas  l'abandonner.  Le  commandant  de  l'escadron, 
capitaine  comte  Schulembourg,  partit  aussi  vite  que 
possible,  avec  le  reste  de  l'escadron,  pour  délivrer  le 
camarade  ;  mais  il  fut  reçu  par  le  feu  d'une  chaine  de 
tirailleurs,  qui  avait  pris  position  à  l'est  de  Soulgé  des 
deux  côtés  de  la  route,  et  dut  rétrograder. 

La  colonne  de  droite  heurta  dans  sa  marche  de 
Sainte-Suzanne  sur  Saint-Léger^  à  l'est  de  cette  der- 
nière localité,  un  bataillon  ennemi  avec  un  peu  de  cava- 

1.  Ferme  près  de  Soulgé. 


—  51  — 

lerie,  qui  étaient  sur  le  point  de  se  retirer  sur  Saint- 
Léger.  Le  major  de  Mûnchhausen  fit  mettre  ses  deux 
pièces  en  batterie  et  tirer  sur  Tennemi.  Ses  deux  esca- 
drons suivirent  l'adversaire  jusqu'à  Saint-Léger  ;  le 
détachemeilt  retourna  sur  Vaiges, 

A  la  colonne  de  gauche  il  fut  reconnu  par  les  patrouilles 
de  dragons  qu'une  brigade  de  cavalerie  ennemie  s'était 
retirée  le  matin  de  La  Bazouge-de-Chemeré  sur  Laçai; 
plusieurs  ordonnances  françaises,  qui  devaient  y  porter 
des  lettres  et  des  ordres,  furent  faites  prisonnières  par 
les  patrouilles  allemandes. 

Peu  après  midi  le  général  de  Schmidt  avait  son  déta- 
chement réuni  à  Vaiges j  et  le  répartissait  à  Saint-Léger^ 
Vaiges,  La  Bazouge-de-Ckemeréj  Saint-Jean  et  Saint- 
Pierre.  Les  avant-postes  furent  envoyés  dans  la  direc- 
tion d'i^t^ro/i,  la  Chapelle-Rainsouin,  Soulgé,  Bazougers 
et  Meslay. 

Dans  le  cours  de  la  journée  il  avait  été  fait  plus  de 
mille  prisonniers,  qui  avaient  été  envoyés  à  la  20*  divi- 
sion. Ils  étaient  presque  tous  du  16'  corps  dont,  au  dire 
d'un  colonel  français  prisonnier,  deux  divisions  avaient 
pris  part  au  combat  du  jour  précédent. 

Les  rapports  parvenus  jusqu'à  trois  heures  après-midi 
firent  connaître  qu'une  arrière-garde  ennemie  occupait 
encore  un  bois  à  l'ouest  de  Soulgé;  mais  le  reste  des 
forces  était  en  pleine  retraite  sur  Laval.  La  Chapelle- 
Rainsouin  fut  trouvé  inoccupé  par  l'ennemi  ;  mais  à 
midi  des  troupes  avaient  encore  traversé  cette  localité. 
Saint-Christophe  était  occupé  par  deux  compagnies 
d'infanterie  françaises. 

Les  efforts  des  derniers  jours  rendaient  désirable  de 
relever  l'infanterie  du  détachement.  La  20*  division  avait 
donc  ordonné  que  les  !•''  et  2^  bataillons  du  92°  régiment 
et  le  1*'  bataillon  de  fusiliers  du  56**  marcheraient  à  sa 
place.  Pour  épargner  à  son  infanterie  une  seconde  mar- 
che dans  la  même  journée,  et  comme  les  bataillons  dési- 
gnés pour  la  relève  ne  pouvaient  arriver  le  16,  à  cause 


—  52  — 

de  la  longueur  de  la  marche,  qu'à  peine  jusqu'à  la  pre- 
mière- ligne,  le  général  de  Schmidt  ne  fixa  la  relève 
qu'au  lendemain. 

Le  gros  du  X®  corps,  venant  de  Longues^  avait  atteint 
le  16  la  région  de  Saint-Denis-d'Ovques.  Le  colonel 
de  Valentini,  commandant  la  39*  brigade  d'infanterie, 
se  posta  à  Bernay  avec  un  détachement  mixte.  Le 
colonel  Lehmann  occupa  le  même  jour  Silli-le-Guil- 
laume  et  s'assura  que  l'adversaire  était  parti  dans  la 
direction  ouest.  La  2*  division  de  cavalerie  se  porta  à 
Vernie,  Le  IX**  corps  cantonna  à  Conlie.  Le  XIII®  corps 
entra  sans  combat  à  Alençon^  d'où  l'ennemi  s'était  éga- 
lement mis  en  retraite. 

Le  commandant  en  chef  de  la  IP  armée  se  vit  alors 
amené  à  arrêter  la  poursuite.  Les  nouvelles  parvenues 
au  grand  état-major  de  Sa  Majesté  avaient  fait  consi- 
dérer comme  vraisemblable  que  l'armée  française  du 
Nord  allait  de  nouveau  prendre  l'offensive.  On  était  donc 
conduit  à  réunir  la  première  armée  sur  la  Somme^  et 
afin  de  pouvoir  retirer  celles  de  ses  forces  qui  se  trou- 
vaient sur  la  basse  Seine^  le  direction  supérieure  ordonna 
que  le  XIII*  corps,  pris  sur  la  II*  armée,  se  mettrait  en 
marche  sur  Rouen  en  leur  lieu  et  place.  Comme  il  résul- 
tait de  là  un  affaiblissement  sensible  de  son  armée,  le 
prince  Frédéric-Charles  décida  de  ne  pas  suivre  l'adver- 
saire avec  de  plus  de  grosses  masses  au  delà  de  Conlie 
et  du  ruisseau  de  Vaiges.  Les  IX*  et  X*  furent  arrêtés 
sur  ces  positions  et  le  premier  fut  chargé  de  l'évacuation 
du  camp  de  Conlie,  Comme  aile  droite  de  l'armée,  la 
4«  division  de  cavalerie  devait  prendre  position  sur 
la  Sarthe  près  d^Alençon. 

17  Janvier. 

Avant  que  ces  ordres  ne  parvinssent  au  X*  corps 
d'armée,  le  général  de  Schmidt  avait  déjà  donné  ses 
instructions  pour  continuer  le  17  la  marche  sur  Laval, 


—  53  — 

Les  rapports  qui  lui  étaient  parvenus  pendant  la  nuit 
contenaient  les  renseignements  suivants  : 

Saint'Christophe  et  Châtres  avaient  été  trouvés  inoc- 
cupés. A  Evron  et  au  nord  on  avait  remarqué  de  grands 
feux  de  bivouacs  et  des  vedettes.  D'après  le  dire  des 
habitants,  le  16  à  midi,  des  colonnes  d'infanterie  s'étaient 
portées  de  Châtres  sur  Evron.  Cette  localité  était  encore 
occupée  par  de  Tinfanterie  régulière  et  trois  pièces  qui 
étaient  également  venues  de  Châtres.  A  Soulgé^  il  y 
avait  de  l'infanterie  qui,  paralt-il,  était  plus  faible  que  le 
détachement  se  trouvant  à  Ei^ron.  A  Chemeré-le-Roi^ 
huit  mille  hommes,  partis  de  Sable\  avaient  bivouaqué 
dans  la  nuit  du  15  au  16,  et  s'étaient  mis  en  marche  le  16  au 
matin  sur  Laval,  par  Bazougers  et  Forcé.  Bazougers 
était  encore  occupé  par  une  forte  infanterie  ennemie. 

En  raison  de  ces  renseignements,  le  général  de 
Schmidt  fît  éclairer  le  17  au  matin  sur  Evron  par  le 
5*  escadron  du  15*  rég*  de  uhlans  et  sur  Bazougers  par 
le  2"  escadron  du  6'  rég*  de  dragons.  Ce  dernier  trouva 
Bazougers  inoccupé  par  l'ennemi.  Son  chef,  le  premier 
lieutenant  de  Trotha,  y  laissa  ses  bagages  sous  la  pro- 
tection d'un  demi-peloton,  envoya  un  peloton  sur  la 
grande  route  Sablé-Laval  et  un  autre  par  Louvigné 
sur  Forcée  pendant  que  lui-même,  avec  le  reste  de  son 
escadron,  se  portait  sur  Forcé  par  le  chemin  direct.  Il 
fit  en  route  soixante-quatre  prisonniers  qu'il  envoya 
sous  escorte,  en  sorte  qu'il  n'arriva  à  Force  qu'avec  un 
peloton.  Bien  que  ce  village  fût  occupé  par  l'ennemi,  le 
premier  lieutenant  de  Trotha  y  pénétra  dans  l'espoir 
d'amener,  par  une  marche  décidée,  l'adversaire  à  se 
retirer.  Mais  les  dragons  reçurent  des  coups  de  feu  de 
tous  les  côtés  et  leur  brave  chef  tomba  de  cheval  percé 
de  nombreuses  balles.  Les  autres  pelotons,  qui  accou- 
rurent, furent  aussi  accueillis  par  un  feu  violent,  et 
l'escadron  dut  reculer  sur  Bazougers  ^ 

1.  (Im.  présente  note  ne  fait  pas  partie  du  texte  allemand).  Le 
hasard  a  mis  sous  nos  yeux  un  récit  français  du  même  épisode. 


—  54  — 

Le  relèvement  de  Tinfanterie  avait  eu  lieu  ;  toutefois 
les  fusiliers  du  56*  régt  n'arrivèrent  que  plus  tard  ;  ce 
bataillon  n'avait  qu'une  force  de  280  hommes,  de  sorte 
qu'on  en  avait  formé  un  demi-bataillon  de  deux  compa- 
gnies, sous  les  ordres  d'un  premier  lieutenant. 

Après  avoir  rassemblé  la  majeure  partie  des  forces  de 
son  détachement  sur  la  grande  route,  à  l'ouest  de 
Vaiges^  le  général  de  Schmidt  se  mit  en  marche  sur 
Laval.  Les  trois  escadrons  du  2*^  rég*  de  dragons,  qui  le 
devançaient  au  trot,  trouvèrent  Soulgé  déjà  évacué  par 

Nous  l'empruntons  à  une  brochure  publiée  en  1872  :  Les  Francs- 
Tireurs  de  la  Sarthe,  par  le  marquis  de  Poudras. 

«  il  janvier.  Nous  dirigeant  de  Meslay  sur  Laval,  nous  faisons 
la  grande  halte  à  Forcé.  Comme  nous  nous  disposons  à  repartir, 
une  trentaine  de  dragons  allemands  débouchent  par  le  chemin  de 
Bazougers  et  se  répandent  dans  les  métairies  à  l'extrémité  du 
village.  Trois  de  mes  francs-tireurs,  qui  achevaient  leur  repas, 
surpris  par  un  groupe  de  ces  audacieux  visiteurs,  ont  juste  le 
temps  de  sauter  sur  leurs  fusils  et,  se  jetant  résolument  au  dehors, 
ils  en  arrêtent  deux  au  moment  où  ils  mettent  pied  à  terre.  A  la 
vue  des  francs-tireurs,  les  autres  s'enfuient  ;  mais  l'alarme  est 
donnée  et  ils  sont  vigoureusement  poursuivis  par  les  capitaines 
Fleury  et  Tétart,  à  la  tête  de  leurs  compagnies.  Plusieurs  des 
cavaliers  sont  blessés  et  ils  ont  un  cheval  tué.  Nos  prisonniers 
appartiennent  aux  dragons  de  Magdebonrg  :  leur  escadron  est  tout 
proche  et  il  précède  une  colonne  de  huit  à  dix  mille  hommes  qui 
se  trouve  à  une  journée  en  arrière  ;  ces  troupes  sont  sous  les 
ordres  du  général  Schmidt.  » 

«  Le  bataillon  se  reforme  sur  la  route  de  Laval.  Tout  à  coup 
nous  apercevons  au  loin  un  fort  détachement  de  cavalerie  qui  vient 
par  la  route  de  Meslay.  Nous  supposons  d'abord  que  c'est  une  de 
nos  reconnaissances,  quand,  ces  cavaliers  prenant  le  trot,  nous  dis- 
tinguons bientôt  leurs  casques  noirs.  —  Mes  francs-tireurs  sont  là, 
immobiles,  l'arme  au  pied,  et  ce  n'est  pas  sans  stupéfaction  que 
nons  voyons  ces  hommes  s'avancer  sans  avoir  l'air  de  s'occuper  de 
nous.  Ils  sont  environ  60  ou  80.  L'officier  qui  les  commande  se 
détache  aussitôt  en  brandissant  son  sabre.  Mais  le  lieutenant 
Saybaud  ajuste  le  cheval,  il  tire  et  la  balle  va  frapper  le  cheval  en 
plein  poitrail.  —  L'officier  allemand  se  dégage  lestement  et  prompt 
comme  l'éclair  il  court  droit  au  lieutenant  et,  avant  que  celui-ci  ail 
eu  le  temps  de  se  mettre  sur  la  défensive,  lui  porte  un  vigoureux 
coup  de  pointe  dans  le  ventre.  Le  lieutenant  Saybaud  tombe  et 
avec  lui  son  héroïque  assaillant,  qui  venait  d'être  foudroyé.  Cet 
officier  si  audacieux  se  nommait  le  baron  Gustave  von  Trotha.  J'ai 
su  deptiis  qu'il  était  cousin  du  comte  de  Bismarck,  v  (£1.  M.) 


—  55  — 

Tennemi  ;  toutefois  le  1*'  escadron,  qui  marchait  en  tête, 
prit  encore  un  certain  nombre  de  traînards. 

Le  passage  de  la  Jouanne  fut  également  trouvé  inoc- 
cupé. Ce  n'est  qu'au  sud  de  Bonchamp  que  le  l®*"  esca- 
dron, après  avoir  traversé  la  Jouanne^  se  heurta  à  une 
ligne  d'infanterie  ennemie,  qui  le  reçut  par  un  feu  vio- 
lent. Cet  escadron  recula  donc  jusqu'à  l'est  de  Bon- 
champ^  où  il  continua  à  observer  l'ennemi. 

Lorsque  vers  midi  le  général  de  Schmidt  fit  reposer 
son  gros  sur  la  route,  à  l'endroit  où  elle  coupe  la  route 
à'Argentré  à  Louvigné^  il  reçut  du  1"  escadron  du  15* 
rég'  de  uhlans,  qui  était  en  reconnaissance  sur  l'aile 
droite  par  La  Chapelle- Rainsouin  sur  Montsûrs,  avis 
que  des  colonnes  ennemies,  fortes  de  deux  à  trois  mille 
hommes  environ,  avaient  quitté  la  grande  route  à  Mont- 
sûrs  et  s'étaient  rendues  à  Argent  ré.  Le  général  envoya 
donc  le  colonel  d'Alvensleben,  avec  les  deux  bataillons 
du  régiment  d'infanterie  de  Brunswick,  le  3®  escadron 
du  15*^  rég*  de  uhlans  et  les  deux  sections  de  la  2*^  bat- 
terie à  cheval,  vers  Argentré^  pour  y  attaquer  l'adver- 
saire. Le  chef  de  détachement  fit  mettre  les  pièces  en 
batterie  sur  une  hauteur  située  au  nord  de  la  localité, 
d'où  elles  pouvaient  battre  la  route.  — Mais  les  Français 
s'infléchirent  dans  la  direction  du  nord. 

Le  détachement  du  colonel  d'Alvensleben  cantonna  le 
soir  à  Argentré  et  dans  les  fermes  environnantes,  tandis 
que  le  général  de  Schmidt  faisait  halte,  avec  le  gros  de 
son  détachement,  derrière  la  Jouanne^  car  à  ce  moment 
il  avait  reçu  du  général  commandant  le  X''  corps  l'ordre 
«  de  ne  pas  s'exposer,  mais  de  continuer  à  observer.  » 

Le  général  de  Schmidt  se  porta,  de  sa  personne,  sur 
la  grande  route  de  Laval,  pour  reconnaître  la  position 
ennemie.  Il  envoya  à  quatre  heures  et  demie,  au  géné- 
ral commandant,  le  résultat  de  ses  observations  : 

«  Les  reconnaissances  de  tous  les  escadrons  ont  fait 
«  connaître  que  l'ennemi  occupe  fortement  le  passage  de 
«  la  Jouanne  à  Saint-Céneré,  et  que  quelques  colonnes 


—  56  — 

«  en  retraite  se  sont  portées  par  Montsurs  dans  la  direc- 
<(  tion  de  Châlons  pour  se  rendre  à  Laval.  L'ennemi, 
«  en  dehors  de  sa  position  de  Lavaly  a  porté  sur  son 
«  aile  gauche  de  forts  détachements  pour  recueillir  ses 
«  colonnes,  en  sorte  que  maintenant  je  suis  malheureu- 
«  sèment  hors  d'état  de  leur  couper  la  retraite. 

«  J'ai  reconnu  la  position  de  l'ennemi  devant  Laval. 
«  Cette  position  se  trouve  immédiatement  de  ce  côté-ci 
«  de  cette  ville,  dans  la  vallée.  11  a  très  fortement 
«  occupé  à  cet  endroit  un  ravin  avec  une  ligne  de  tirail- 
«  leurs,  juste  au  point  où  la  chaussée  fait  un  coude  à 
«  gauche  ^  Sur  la  route,  immédiatement  en  avant  de  la 
«  ville,  il  a  placé  des  pièces  et  des  mitrailleuses,  avec 
«  lesquelles  il  ouvrira  le  feu  dès  que  le  tournant  de  la 
«  route  aura  été  évacué  par  les  détachements  qui  sont 
«  de  ce  côté-ci.  Je  fais  faire  des  patrouilles  par  l'esca- 
«  dron  de  Bothmer,  de  Tavant-garde,  pour  obliger  Ten- 
«  nemi  à  montrer  ses  forces  ;  il  a  reçu  de  nombreux 
«  coups  de  fusil  et  de  mitrailleuse,  et  l'ennemi  a  tiré 
«  longtemps  sur  les  bâtiments  situés  de  ce  côté-ci 
«  du  coude  de  la  chaussée  -. 

«  De  plus,  l'escadron  en  reconnaissance  sur  le  flanc 
«  gauche,  devant  Forcée  a  de  nouveau  reçu  des  coups 
«  de  feu  :  la  cavalerie  de  Tavant-garde  a  eu  par  suite 
«  deux  hommes  et  deux  chevaux  tués  et  trois  hommes 
«  blessés. 

«  J'ai  cru,  dans  ces  circonstances,  et  comme  j'ai 
«  ordre  d'éviter  tout  combat  sérieux,  devoir  m'abstenir 
«  d'une  attaque  vigoureuse,  d'autant  plus  que  le  batail- 
«  Ion  de  fusiliers  du  56*  rég*  me  fait  encore  défaut. 

«  J'ai  désigné,  comme  cantonnements  d'alerte  : 
«  Argentréj  Louvigné^  Forcéy  Soulgé,  avec  des  avant- 
«  postes  vers  Saint-Céneré,  La  Chapelle^  Bonchamp^ 
«  Laval. 

«  Comme  la  position  sur  la  Jouanne  est  de  beaucoup 

1.  A  Barbé  (E.  M.) 

2.  Les  maisons  de  Barbé  (E.  M.) 


—  57  — 

«  meilleure  que  celle  que  Fennemi  tient  actuellement, 
«  comme  d'ailleurs  de  nombreux  trains  de  chemin  de 
«  fer  partent  constamment  de  Laval^  je  crois  que  Ten- 
«  nemi  évacuera  la  position  lorsque  ses  colonnes  du 
«  21*  corps  seront  arrivées  à  Laval  par  Châlons  et 
«  Louverné. 

«  L'escadron  devant  Forcé  a  également  perdu  trois 
«  hommes  et  deux  chevaux,  car  cette  localité  est  forte- 
<x  ment  occupée  par  de  l'infanterie  ennemie  ;  il  a  fait 
«  quarante  prisonniers. 

«  L'ennemi  est  passé  aujourd'hui  par  Bazougers^ 
«  avec  six  mille  hommes  et  quatre  pièces.  Le  17*  corps 
«  français  doit  avoir  effectué  sa  retraite  par  Château- 
«  Gontier.  Aujourd'hui,  dans  la  matinée,  deux  ou  trois 
«  régiments  d'infanterie  et  quelques  escadrons  se  sont 
«  retirés  de  Monisurs  par  Argentré  sur  Laval.  Les  pri- 
«  sonniers  qui  y  ont  été  faits  sont  de  la  réserve  du 
«  14*  rég*  d'artillerie,  du  9*  rég*  d'artillerie,  du  64*  ba- 
«  taillon  de  marche  d'infanterie,  du  11*  bataillon  de 
«  marche  de  chasseurs  à  pied.  Tous  appartiennent  au 
«  17*  corps,  ce  qui  ne  confirmerait  pas,  par  conséquent, 
«  la  retraite  de  ce  corps  sur  Château-Gontier,  De  tous 
«  côtés  il  a  encore  été  fait  des  prisonniers.  » 

Les  troupes  du  détachement  furent  cantonnées,  des 
deux  côtés  de  la  grande  route,  dans  les  localités  men- 
tionnées au  rapport  ci-dessus.  Le  1^*^  bataillon  du 
56*  rég*  fournit  les  avant-postes  sur  la  Jouanne.  Le 
l*'  escadron  du  2*  dragons,  envoyé  vers  Bonchamp, 
fut  relevé  le  soir  par  le  3®  escadron  du  même  régiment. 
Le  !•''  escadron  avait  été  auparavant  attaqué,  dans 
l'obscurité,  par  des  patrouilles  françaises  d'infanterie  et 
de  cavalerie.  Le  capitaine  de  Bothmer  les  repoussa  par 
le  feu  de  ses  dragons,  qui  avaient  mis  pied  à  terre, 
armés  de  fusils  chassepot. 

Le  soir,  arriva  encore  du  flanc  droit  la  nouvelle, 
envoyée  par  le  5*  escadron  du  15*  rég*  de  uhlans,  qu'à 
cinq  heures  de  l'après-midi,  les  dernières  troupes  de  l'en- 


—  58  — 

nemi,  spahis  et  cuirassiers,  avaient  traversé  Monts urs 
dans  la  direction  de  Laval.  L'escadron  avait  pénétré 
dans  Monlsurs  après  plusieurs  pertes  inutiles  et  y  avait 
fait  trente-deux  prisonniers. 

Les  pertes  de  la  totalité  du  détachement  Schmidt 
s'élevaient,  pour  la  journée  du  17  janvier,  à  1  officier, 
5  hommes  et  2  chevaux. 

Le  général  commandant  le  X*  corps  d'armée  avait 
décidé  de  faire  approcher,  le  jour  suivant,  le  gros  de  la 
20*  division  plus  près  du  détachement  du  général  de 
Schmidt,  attendu  que  les  seules  forces  de  ce  dernier 
pouvaient  difficilement  arriver  à  briser  la  résistance  de 
l'ennemi  et  précipiter  la  continuation  de  sa  retraite.  La 
19*  division  devait  ne  pas  bouger  et  observer  vers 
Sainte-Suzanne  et  Brulon, 

Mais  le  mouvement  en  avant  de  la  20®  division  ne  fut 
pas  mis  à  exécution,  car,  dans  la  nuit  du  18  janvier,  le 
commandant  supérieur  fit  savoir  qu'on  n'avait  pas  en 
vue  d'aller  plus  loin  vers  l'ouest  avec  la  IP  armée. 

18  Janvier. 

La  poursuite  de  l'adversaire  par  le  détachement  de 
Schmidt  arrivait  donc  à  sa  fin  par  suite  de  ces  prescrip- 
tions. Il  n'est  pas  sans  intérêt  toutefois  d'examiner  ses 
actes  pendant  les  derniers  jours  si  on  veut  avoir  une 
idée  complète  de  l'activité  de  son  chef  durant  cette  par- 
tie de  la  campagne. 

Suivant  les  ordres  du  général  commandant  le  X*  corps, 
le  général  de  Schmidt  devait  reculer,  le  18  janvier,  sur 
Vaiges  et  ses  environs  et  s'y  tenir  en  observation. 
Cependant,  dans  la  nuit,  il  reçut  de  ses  avant-postes 
des  rapports  spécifiant  que  l'ennemi  s'était  retiré  de  sa 
|)Osition  antérieure,  que  des  feux  de  bivouac  avaient  été 
éteints  et  que  des  clameurs,  ainsi  que  des  roulements 
de  voitures  considérables,  avaient  été  entendus.  Quel- 
ques patrouilles  étaient  parvenues  sur  la  grande  route 


—  59  — 

au  coude  de  la  route,  à  Test  de  Laval  ^  sans  avoir  reçu 
de  coups  de  feu.  Le  17  à  dix  heures  du  soir,  et  le  18  à 
dix  heures  du  matin,  on  avait  entendu  des  détonations 
qui  faisaient  croire  à  la  destruction  des  ponts  de  la 
Mayenne. 

De  tout  ceci  il  semblait  résulter  qu^une  retraite  géné- 
rale des  Français  était  en  cours  d'exécution.  Par  suite, 
le  général  de  Schmidt,  après  s'être  personnellement 
assuré  le  matin  qu'on  ne  pouvait  voir  de  l'ennemi  que 
de  faibles  patrouilles,  résolut,  avant  de  se  retirer,  de 
rechercher  avec  exactitude  quelles  forces  et  quels 
moyens  de  combat  se  trouvaient  encore  à  Laval. 

Il  chargea  donc  le  colonel  von  Alvensleben  d'une 
grande  reconnaissance  qu'il  devait  conduire  àWrgentré 
sur  Laval  avec  le  !•'  bataillon  du  92*  rég*,  les  3*  et 
5*  escadrons  du  15*  rég*  de  uhlans  et  une  section  de  la 
2*  batterie  à  cheval,  pendant  qu'en  même  temps  le 
!•''  bataillon  du  56*  et  le  l**"  et  le  2*  escadrons  du  2*  dra- 
gons devaient  s'avancer  de  Soulgé  par  la  grande  route. 

La  colonne  d'Alvensleben  se  heurta,  au  nord  de  Bon- 
champ^  à  l'infanterie  ennemie,  qui  fut  repoussée  par  un 
choc  vigoureux  des  l*"*  et  4®  compagnies  du  92*  rég*. 
Malgré  la  difficulté  des  chemins,  les  Brunswickois  pour- 
suivirent vivement  l'ennemi  qui  se  retira  en  complet 
désordre  .sur  Laval,  Mais  le  l**"  bataillon  du  56*  rég' 
s'approchait  maintenant  par  la  grande  route.  11  avait 
employé  en  première  ligne  les  2*  et  3*  compagnies.  En 
s'approchant  davantage  de  Laval  on  se  heurta,  à  l'est 
et  au  nord  de  la  ville,  à  des  forces  françaises  considé- 
rables qui  s'y  tenaient  prêtes  au  combat  en  de  bonnes 
positions.  La  colline  au  nord  de  la  ville,  sur  laquelle  se 
trouvaient  des  constructions  étendues  2,  assurait  notam- 

1.  C'est-à-dire  A  la  chaussée  de  V étang  de  Barbé  (E.  M.) 

2.  Quartier  du  Séminaire.  Ces  constructions  s'aperçoivent  très 
bien  du  champ  dans  lequel  le  colonel  d'Alvensleben  avait  placé  ses 
deux  pièces.  Ce  champ  est  situé  sur  la  route  d'Argentré,  au  haut 
et  à  droite  de  la  petite  cote  très  rapide  que  l'on  monte  en  venant 
de  Barbé  et  avant  le  passage  à  niveau  du  chemin  de  fer  (E.  M.) 


—  60  — 

ment  un  important  point  d'appui.  Les  lignes  de  tirail- 
leurs allemands  furent  couvertes  par  un  feu  très  vif 
d'infanterie  venant  de  la  hauteur  et  par  celui  de  quel- 
ques batteries  établies  non  loin  de  là.  On  pouvait 
encore  voir  des  batteries  établies  sur  Tautre  rive  de  la 
Mayenne, 

Cependant,  le  combat  d'infanterie  devenant  toujours 
plus  vif,  le  colonel  d'Alvensleben  fit  mettre  ses  deux 
pièces  en  batterie  ;  mais  bientôt  il  reçut  Tordre  du  géné- 
ral de  Schmidt  de  rompre  le  combat  et  de  se  retirer.  Le 
détachement  du  colonel  d'Alvensleben,  aussi  bien  que  le 
l®*"  bataillon  du  56%  rompirent  donc  le  combat  avec 
ordre  et  calme  et  reculèrent,  faiblement  poursuivis  par 
Tennemi,  derrière  la  Jouanne^  où  le  reste  du  détache- 
ment avait  pris  une  position  de  soutien. 

Le  but  de  la  reconnaissance  était  atteint.  On  avait 
constaté  que  l'intention  de  l'adversaire  était  de  conser- 
ver Laval  et  on  l'avait  obligé  à  montrer  ses  forces  qui 
se  montaient  à  au  moins  huit  bataillons,  six  batteries  de 
canons  et  une  batterie  de  mitrailleuses. 

Après  avoir  rassemblé  son  détachement  sur  la  grande 
route,  le  général  de  Schmidt  se  mit  en  mouvement  sur 
Vaiges  et  y  établit  ses  troupes,  ainsi  qu'à  Saint-Léger^ 
La  Bazouge-de-Chemeré^  Saint- Jean-sur-Erveei  Saint- 
Pierre-sur-Erve^  pendant  que  les  petits  postes  étaient 
envoyés  vers  La  Chapelle- Rainsouin^  Soulgé  ei  Bazou- 
gers^  afin  de  continuer  à  observer  l'ennemi. 

Un  escadron  de  chasseurs  à  cheval,  s'avançant  de 
Saint- Jean-sur-Mayenne^  fut  repoussé  par  le  3®  esca- 
dron du  IS**  uhlans.  En  même  temps,  une  forte  détona- 
tion, venant  de  la  même  direction,  indiquait  que  le  pont 
situé  au  dit  lieu  sur  la  Mayenne,  avait  sauté. 

Le  détachement  avait  fait,  le  18,  environ  cent  prison- 
niers. Ses  pertes,  en  cette  journée,  atteignaient  :  1  ofii- 
cier,  7  hommes  et  2  chevaux  ^ . 

1.  Savoir  :  pour  le  régiment  d'infanterie  de  Brunswick,  n®  92  : 
1  officier  et  2  hommes  tués,  3  hommes  blessés  ;  pour  le  régiment 


—  él- 
is Janvier. 

La  retraite  des  Allemands  amena  les  Français  à  pous- 
ser de  nouveau,  dans  la  nuit  du  18  au.  19  janvier,  leurs 
troupes  avancées  jusqu'à  la  Jouanne, 

Le  19  à  deux  heures  du  matin,  Argentré  fut  occupé 
par  environ  trois  escadrons,  et  à  onze  heures  et  demie 
du  matin,  des  détachements  de  cavalerie  cherchèrent 
encore  à  s'avancer  plus  loin.  Trois  escadrons  s'avan- 
cèrent de  Saint'Céneré  et  Montsurs  sur  La  Chapelle- 
Rainsouin^  et  deux  escadrons  de  Forcé  sur  Bazougers. 
Pendant  que  la  cavalerie  française  était  forcée  à  la 
retraite  devant  cette  dernière  localité,  le  2^  escadron  du 
2''rég^de  dragons  dut  évacuer  La  Chapelle-Rainsouin. 
11  se  retira  dans  la  direction  de  Vaiges^  perdant  1  homme 
tué  et  1  blessé.  Renforcé  par  deux  escadrons  du  15*  rég* 
de  uhlans  venus  de  Vaiges  et  Saint-Léger^  il  rentra  vers 
cinq  heures  de  l'après-midi  en  possession  de  son  canton- 
nement. 

A  midi,  le  19,  eut  lieu  par  les  soins  de  la  20*  division, 
une  nouvelle  relève  d'une  partie  de  l'infanterie  du  déta- 
chement. Les  deux  bataillons  du  92«  rég*  d'infanterie  et 
le  bataillon  des  fusiliers  du  56«  revinrent  à  la  division, 
et  à  leur  place  le  79«  d'infanterie  et  l'état-major  de  la 
39«  brigade  d'infanterie  furent  affectés  au  détachement. 

Les  rapports  des  patrouilles  arrivés  le  19  disaient  que 
Forcé  continuait  à  être  fortement  occupé  par  l'infanterie 
ennemie.  A  Laval  avait  lieu  un  grand  mouvement  de 
chemins  de  fer. 

20  Janvier. 

Le  20  janvier,  des  détachements  français  s'avancèrent 
encore  contre  les  avant- postes  allemands.  Ainsi  dans  la 
matinée,  les  postes  occupant  La  Chapelle-Rainsouin^ 

de  dragons  de  Brandebourg,  n»  2  :  1  cavalier  et  2  chevaux  tués, 
1  cavalier  blessé. 


—  62  — 

Soulgé  et  Bazougers^  furent  de  nouveau  attaqués  par 
rinfanterie  ennemie,  sans  qu'à  aucun  endroit  on  en  vint 
à  un  combat  sérieux.  L'ennemi  s'abstenait  de  continuer 
l'attaque  dès  qu'il  remarquait  que  les  troupes  allemandes 
n'évacuaient  pas  leurs  positions  sans  résistance.  La  nuit, 
l'attention  de  l'ennemi  n'était  pas  très  grande,  de  sorte 
que  les  patrouilles  allemandes  pouvaient  s'approcher 
jusqu'à  trois  quarts  de  mille  ^  de  Lavaly  tandis  que  le 
jour  elles  ne  pouvaient  pas  dépasser  la  Jouanne.  Évron 
et  Saint-Christophe  furent  ce  jour-là  occupés  par 
l'ennemi. 

Le  général  de  Schmidt  regrettait  beaucoup  qu'il  ne 
lui  fût  pas  permis  de  se  rendre  maître  de  Laval,  ce  qui 
eût  fait  tomber  en  sa  possession  la  ligne  de  la  Mayenne, 
tandis  que  maintenant  l'adversaire  pouvait  utiliser  cette 
ville  comme  point  de  départ  et  d'appui  de  ses  mouve- 
ments. 

Pour  pouvoir  s'opposer  à  des  entreprises  plus  consi- 
dérables de  l'ennemi,  le  général  de  Schmidt  ajouta  de 
l'infanterie  aux  avant-postes  et  fit  relever  le  2*  dragons, 
qui  se  trouvait  jusque-là  aux  avant-postes,  par  le  15*  rég' 
de  uhlans. 

Les  réquisitions  de  vivres  pratiquées  dans  les  environs 
donnèrent  de  bons  résultats  ;  par  contre  les  contributions 
en  argent  rapportèrent  peu,  parce  que  le  gouvernement 
français  avait  déjà  levé  des  impôts  importants  dans  la 
région  et,  d'après  les  dires  des  employés  à  ce  service, 
avait  même  fait  déjà  main  basse  sur  les  caisses  des 
œuvres  pies. 

21  Janvier 

Le  21  janvier,  on  apprit  que  l'adversaire  avait  évacué 
Evron,  Saint-Christophe,  Montsûrs  et  Châtres^  sur 
quoi  cette  dernière  localité  avait  été  de  nouveau  occupée 
par  les  troupes  allemandes. 

1.  Exactement  5.649  m. 


—  63  — 

Il  n'avait  pas  échappé  au  général  de  Schmidt  que  les 
Français,  surtout  avec  leur  cavalerie,  poursuivaient  main- 
tenant les  avant-postes  avec  plus  d'activité  et  d'assu- 
rance que  précédemment.  Il  rendit  compte  au  général 
en  chef  qu'il  avait  l'intention  d'envoyer  le  22  de  grandes 
reconnaissances  sur  la  position  ennemie  au-delà  de  la 
Jouanne  pour  se  rendre  compte  avec  quelles  forces  elle 
était  occupée.  Dans  ce  but  il  voulait,  en  se  faisant  sou- 
tenir à  La  Chapelle-Rainsouin,  Soulgé  et  BazougerSy 
marcher  ce  jour-là,  vers  dix  heures  du  matin,  au-delà 
des  avant-postes,  sur  Laval  et  Forcé  y  avec  un  bataillon, 
deux  ou  trois  escadrons,  et  deux  pièces. 

Cette  entreprise  ne  fut  pas  exécutée,  le  commandant 
supérieur  de  la  II*  armée  ayant  ordonné  le  relèvement 
du  X*  corps  par  le  III*.  Le  22  janvier,  le  X*  corps  se 
remit  en  marche  sur  Le  Mans,  Le  général  de  Schmidt 
retira  ce  jour-là  les  avant-postes  jusqu'à  la  hauteur  de 
Saint'DeniS'cC Orgues,  Le  jour  suivant  eut  lieu  la  dislo- 
cation de  son  détachement. 


OBSERVATIONS 


Pour  pouvoir  apprécier  à  sa  juste  valeur  la  façon  dont 
s'est  comporté  le  détachement  de  Schmidt  dans  la  pour- 
suite après  la  bataille,  il  est  nécessaire  de  se  représenter 
les  circonstances  qui  lui  ont  rendu  la  tâche  si  difficile. 

Les  unités  mises  le  13  janvier,  au  ManSy  sous  le  com- 
mandement du  général  avaient  toutes  pris  part  aux 
combats  des  jours  précédents,  et  par  suite  exécuté  des 
marches  considérables.  Le  froid  persistant,  la  neige  et 
les  routes  glacées,  augmentaient  encore  la  fatigue  des 
troupes,  dont  les  rangs  s'étaient  en  outre  déjà  fortement 
éclaircis.  Les  officiers  surtout  faisaient  défaut,  si  bien 
que  plusieurs  compagnies  étaient  commandées  par  des 


—  64  — 

vice-feldwebels.  On  avait  bien  reçu  des  renforts  à  plu- 
sieurs reprises  ;  mais  naturellement,  chez  des  recrues 
formées  à  la  hâte,  te  déchet  était  plus  considérable  ; 
beaucoup  n'étaient  pas  en  état  de  résister  aux  fatigues 
d'une  campagne  d'hiver.  Dans  les  combats  le  défaut  de 
cadres  subalternes  se  faisait  également  sentir,  car  sou- 
vent des  pelotons  isolés  se  trouvaient  chargés  de 
missions  obligeant  à  prendre  un  parti  soi-même  et  sans 
hésitation  et  dans  l'exécution  desquelles  le  jeune  soldat 
avait  besoin  de  direction  et  d'exemple. 

Les  effets  d'habillement,  et  en  particulier  la  chaussure 
de  l'infanterie,  avaient  beaucoup  souffert  et  la  plupart 
n'étaient  même  plus  susceptibles  de  réparations.  Pas 
une  compagnie  qui  n'eût  un  certain  nombre  d'hommes 
en  pantalons  de  toile  par  un  froid  de  5  ou  6  degrés.  Si 
dans  la  cavalerie  et  dans  l'artillerie  la  situation  était  un 
peu  moins  mauvaise,  surtout  en  ce  qui  concerne  les 
cadres  et  les  effectifs,  d'un  autre  côté  l'état  glissant  des 
routes  rendait  la  marche  de  ces  armes  très  difficile.  Par 
suite  de  la  rigueur  de  la  température  et  de  l'abondance 
de  la  neige,  leurs  mouvements,  principalement  sur  les 
routes  non  ferrées,  étaient  très  pénibles.  On  glissait 
tellement,  que  souvent  les  cavaliers  étaient  obligés  de 
conduire  leurs  chevaux  par  la  figure  ;  c'est  tout  au  plus 
si  on  pouvait  renouveler  journellement  les  clous  à  glace 
et  les  crampons  des  chevaux  des  officiers,  des  sous-offi- 
ciers et  des  cavaliers  désignés  pour  le  service  des 
patrouilles.  Le  soir  du  15  janvier  survint  le  dégel  ;  mais 
les  routes  n'en  restèrent  pas  moins  longtemps  en  très 
mauvais  état. 

La  région  entre  la  Sarthe  et  la  Mayenne  a  un  carac- 
tère montagneux,  en  raison  de  nombreuses  chaînes  de 
collines  qui,  bien  que  d'une  faible  hauteur,  présentent 
des  pointes  de  rochers  sévères  et  dépouillées.  Une  grande 
quantité  de  ruisseaux  et  cours  d'eau,  affiuents  de  la 
Sarthe  et  de  la  Mayenne  y  qui  traversent  presque  per- 
pendiculairement en  ligne  droite  la  route  du  Mans  à 


—  65  — 

Lavaly  offrent  des  coupures  favorables  à  la  défense, 
avec  leurs  rives  peu  profondes  mais  très  escarpées. 

Le  terrain,  généralement  fertile,  est  couvert  d'un 
réseau  de  routes  très  étendu,  augmenté  encore  par  des 
chemins  conduisant  aux  nombreuses  fermes,  la  plupart 
isolées,  qui  s'y  rencontrent.  Mais  ces  constructions  sont, 
comme  dans  beaucoup  de  régions  du  nord  de  TÂUe- 
magne,  entourées  de  murs  et  de  haies,  et  les  chemins 
creux  ont  des  coudes  si  fréquents  qu'il  est  très  difficile 
d'observer  le  pays  et  de  s'y  mouvoir.  Comme  en  outre 
on  manquait  de  cartes  convenables,  c'est  un  fait  remar- 
quable, à  l'actif  de  la  cavalerie,  qu'elle  ait  pu  constam- 
ment redseigner  le  général  de  Schmidt  sur  les  mouvements 
et  les  positions  des  Français.  Il  est  vrai  que  la  t&che  lui 
fut  facilitée  par  les  indications  que  fournirent  les  prison- 
niers et  celles  qu'on  trouva  dans  des  lettres  inter- 
ceptées. 

Le  terrain  n'était  pas  moins  défavorable  à  l'infanterie 
allemande.  La  difficulté  de  l'embrasser  d'un  coup  d'œil 
la  mettait  en  danger  constant  de  s'égarer  dès  qu'elle 
s'écartait  de  la  grande  route.  Ce  furent  toutes  ces 
circonstances  qui  déterminèrent  le  général  de  Schmidt  à 
suivre  simplement  l'ennemi  front  contre  front,  sans 
chercher  à  le  tourner  autrement  qu'avec  de  l'infanterie, 
au  cœur  même  des  engagements  qu'on  avait  avec  lui. 
D'ailleurs,  dans  toutes  les  rencontres,  on  n'avait  pour 
se  guider  que  le  bruit  de  l'artillerie  et  de  la  mousque- 
terie,  de  sorte  qu'il  était  difficile  de  maintenir  la  liaison 
des  divers  corps  entre  eux  et  la  direction  du  combat. 

Ce  fut  donc  une  chance  pour  l'armée  battue  d'avoir  à 
exécuter  sa  retraite  à  travers  un  terrain  semblable.  Tant 
sur  la  Vigre  que  sur  VErve  et  sur  la  Jouanne  les  Fran- 
çais réussirent  à  opposer  une  assez  longue  résistance  et 
les  moindres  détachements,  souvent  même  quelques 
isolés  ou  traînards,  parvinrent  à  tenir  le  poursuivant  en 
échec  et  à  le  tromper  sur  le  chiffre  véritable  des  forces 
qu'il  avait  devant  lui. 

5 


—  66  — 

Il  faut  encore  mentionner  que  l'exécution  tardive  de  la 
poursuite  assura  à  l'adversaire  le  temps  de  s'arracher 
au  contact  immédiat  du  vainqueur.  L'entrée  simultanée 
au  Mans  des  III*  et  X'  corps  avait  pour  conséquence 
naturelle  de  mélanger  fortement  ensemble  les  éléments 
de  ces  corps.  On  pensa  donc  qu'il  fallait  tout  d'abord 
assurer  l'ordre  et  la  cohésion.  Il  arriva  en  outre  que  la 
cavalerie  mise  à  la  disposition  du  X*  corps  n'avait  pas 
pris  part  au  combat  du  12  janvier  et  que,  par  suite,  elle 
était  restée  au  sud  du  Mans^  de  sorte  qu'il  lui  était  diffi- 
cile de  traverser  cette  ville  où  on  combattait  encore  dans 
l'obscurité,  ou  de  la  contourner. 

La  brièveté  des  jours  mettait  toujours  trop*  tôt  un 
terme  aux  opérations  de  la  poursuite.  Dès  cinq  heures 
de  l'après-midi  l'obscurité  devenait  complète  et  les  com- 
bats engagés  cessaient  d'eux-mêmes.  Les  troupes  allaient 
s'installer  dans  les  fermes  et  les  localités  environnantes, 
qu'en  raison  de  leur  dissémination  elles  n'atteignaient 
qu'assez  tard,  et  même  le  matin  il  fallait  beaucoup  de 
temps  pour  reformer  le  détachement. 

Une  autre  condition,  qui  doit  être  prise  en  considé- 
ration avant  toute  autre,  c'est  le  faible  effectif  du  déta- 
chement. Celui-ci  ne  comptait,  au  commencement  de  la 
poursuite,  que  3  bataillons  et  demi,  11  escadrons  et  une 
batterie  et  deux  tiers  à  cheval,  au  total  environ  2.200 
hommes  d'infanterie,  1.400  de  cavalerie  et  10  pièces. 
Ces  forces  suffisaient  pour  chasser  les  traînards,  atta- 
quer et  disperser  les  petits  détachements,  inquiéter  et 
accélérer  la  retraite  du  reste  des  troupes,  mais  non  point 
pour  briser  la  résistance  des  grands  corps  constitués  et 
bien  installés  dans  des  positions  favorables. 

Considéré  à  ces  différents  points  de  vue,  l'effet  produit 
par  le  détachement  de  Schmidt  poursuivant  une  partie 
de  l'armée  ennemie  en  retraite  sur  la  route  du  Mans  à 
Laifal  peut  être  au  total  regardé  comme  satisfaisant. 
Le  chef  de  ce  détachement  a  poursuivi  avec  vigueur  et 
ténacité  son  but  qui  était  de  ne  pas  laisser  à  l'adversaire 


—  67  — 

le  temps  de  rassembler  ses  isolés  et  ses  traînards  et  de 
réorganiser  ses  troupes.  Cette  réorganisation  devait 
d'abord  avoir  lieu  derrière  la  Vègre,  mais  fut  empêchée 
par  l'attaque  des  Allemands  sur  Chassillé  contre  les 
troupes  du  16*  corps.  Puis,  par  son  apparition  sur  YErve, 
le  général  de  Schmidt  contraignit  une  seconde  fois  les 
Français  à  continuer  leur  retraite,  et  il  eût  réalisé  son 
intention  de  leur  enlever  Laval  s'il  n'en  eût  été  empêché 
par  l'ordre  formel  de  ne  pas  continuer  la  poursuite  au- 
delà  de  la  Jouanne  *. 

En  outre  les  poursuivants  avaient  fait,  pendant  les 
journées  du  13  au  17  janvier,  un  riche  butin.  Le  déta- 
chement avait  livré  au  X*  corps  plusieurs  milliers  de 
prisonniers,  d'importantes  provisions  de  toute  sorte 
ainsi  que  de  nombreux  chevaux  et  voitures.  La  plus 
grande  partie  du  16'  corps  était  fortement  ébranlée  lors- 
qu'elle arriva  à  la  Mayenne.  Ce  n'est  qu'à  Laval^  et  au 
bout  de  quelques  jours,  que  l'amiral  Jauréguiberry  qui 
le  commandait  parvint  à  réunir  ses  troupes  dispersées 
et  à  les  réorganiser. 

Il  est  à  examiner  s'il  était  possible  au  poursuivant, 
avec  les  moyens  dont  il  disposait,  de  causer  un  dommage 
plus  grand  encore  à  l'ennemi. 

Le  général  de  Schmidt  a  tenu  groupées  le  plus  possible 
les  faibles  forces  de  son  détachement  et  n'a  pas  cru  pou- 
voir en  distraire  une  partie  plus  considérable  pour  l'en- 
voyer sur  une  route  parallèle  à  la  ligne  de  retraite  de 
l'ennemi  et  tomber  sur  le  flanc  de  celui-ci. 

Il  n'y  a  pas  moins  lieu  de  remarquer  que,  pendant 
tout  le  temps  de  leur  retraite,  les  Français  se  sont  tou- 
jours crus  menacés  d'être  tournés  sur  leurs  flancs. 
L'expulsion  des  chasseurs  d'Afrique  qui  se  trouvaient  à 
Loué  et  la  nouvelle  de  l'occupation  de  Loué  par  un 
détachement  allemand  le  soir  du  14  inquiétèrent  au  plus 


1.  CeUe  assertion  est   hasardée.    L'auteur  ne  connaît  pas  la 
position  de  Laval.  (E.  M.). 


—  es- 
haut  point  les  divisions  françaises  à  Joué-en-CharnU  et 
Montreuil;  elles  se  mirent  aussitôt  en  situation  de  com- 
battre, attendirent  l'attaque  pendant  plusieurs  heures 
pendant  une  nuit  froide  d'hiver  et  se  retirèrent  même 
avant  le  jour  jusque  derrière  VErve,  De  même  le  jour 
suivant,  l'occupation  de  la  Bussonnière  et  l'attaque  entre- 
prise dans  l'obscurité  par  la  8®  compagnie  du  91*  rég* 
d'infanterie  contre  Saint- Jean  amenèrent  l'amiral  Jauré- 
guiberry  à  évacuer  la  position  de  VErve  et  à  reculer 
encore  pendant  la  nuit  sur  Soulgé. 

Dans  le  premier  cas  (Loué),  les  localités  situées  au 
nord  de  la  grande  route  étaient  exclusivement  utilisées 
comme  cantonnements  par  les  troupes  allemandes,  et  ce 
furent  seulement  des  sentinelles  et  des  postes  portés  en 
avant  pour  la  surveillance  qui  causèrent  l'alerte  de 
l'adversaire.  Dans  le  second  cas  (Saint-Jean),  le  général 
français  crut  sa  position  en  danger  par  le  développement 
tactique  de  forces  insignifiantes  et  sa  route  de  retraite 
menacée,  alors  que  la  Bussonnière  était  déjà  évacuée  le 
15  au  soir  et  qu'en  outre,  le  détachement  entré  dans 
Saint'Jean  s'était  retiré  après  un  combat  de  courte 
durée.  Mais  il  est  certain  que  l'effet  produit  eût  été  bien 
plus  grand  si  les  attaques  dont  il  s'agit  avaient  pu  avoir 
lieu  réellement  et  avec  des  forces  plus  considérables. 
Les  troupes  ennemies,  déjà  fortement  ébranlées  dans 
leur  constitution,  eussent  difficilement  résisté  à  une 
attaque  de  nuit  et  leur  situation  fût  devenue  très  critique 
si,  le  lendemain  matin,  elles  eussent  reçu  dans  leur  flanc, 
au  lieu  du  choc  de  quelques  escadrons  isolés,  celui  d'un 
grand  corps  de  cavalerie.  II  est  probable  que,  dans  ce 
cas,  une  partie  des  troupes  du  16«  corps  se  fussent  trou- 
vées contraintes  de  s'écarter  de  leur  ligne  de  retraite 
pour  se  porter  plus  au  nord,  et  fussent  alors  tombées 
sur  le  17^  corps,  ce  qui  aurait  notablement  augmenté  le 
désordre. 

Ainsi  les  opérations  que  nous  venons  de  décrire  d'un 
détachement  de  poursuite  peuvent  être  présentées  comme 


—  69  — 

une  nouvelle  preuve  à  Fappui  d'un  principe  que  Texpé- 
rience  a  déjà  mis  en  lumière,  à  savoir  que,  dans  une 
poursuite,  on  peut  obtenir  des  résultats  incompara- 
blement plus  considérables  si,  se  contentant  de  suivre, 
avec  une  faible  partie  des  forces,  Tennemi  sur  la  route 
de  retraite,  on  cherche  avec  tout  le  reste,  surtout  la 
cavalerie  et  Tartilterie  à  cheval,  à  le  gagner  de  vitesse 
par  une  route  parallèle,  afin  de  pouvoir,  par  ce  moyen, 
soit  donner  dans  le  flanc  de  sa  colonne  de  marche,  soit 
lui  barrer  entièrement  le  passage. 


LA  SEPULTURE  DE  JEANNE  DE  LAVAL 

Veuve  de  du  Guesclin  et  de  Guy  XII  de  Laval 


Les  cinq  premiers  seigneurs  de  Laval,  jusqu'à  Guy  IV, 
ont  eu  leur  sépulture  à  Marmoutier,  la  célèbre  abbaye 
bénédictine  de  Tours. 

Vers  1150,  Emma,  veuve  de  Guy  IV,  et  son  fils 
Guy  V,  fondèrent  Tabbaye  de  Clermont.  Emma  y  mar- 
qua sa  tombe  ;  et  après  elle  tous  ses  successeurs  y  vin- 
rent prendre  place,  jusqu'à  Béatrix  de  Bretagne,  veuve 
de  Guy  X,  morte  en  1382.  Les  seigneurs  de  Laval  deve- 
nant seigneurs  de  Vitré  (15  mars  1252,  n.  st.)  y  trou- 
vèrent Téglise  collégiale  de  la  Madeleine,  fondée  en  1209 
par  André  II  de  Vitré  *.  En  cette  église  furent  inhumés 
Guy  X,  tué  au  combat  de  la  Roche-Derrien  (18  juin  1347), 
et  son  fils  Guy  XI,  mort  Tannée  suivante  (22  septembre) 
d'une  blessure  reçue  dans  la  même  rencontre.  Mais, 
après  eux,  Guy  XII,  frère  de  Guy  XI,  mort  le  21  avril 
1412,  et  sa  première  femme,  Louise  de  Chàteaubriant, 
morte  le  27  novembre  1383,  furent  inhumés  à  Cler- 
mont. 

Guy  XII  et  sa  seconde  femme,  Jeanne  de  Laval-Châ- 
tillon,  avaient,  en  1397,  fondé  le  couvent  de  Saint-Fran- 
çois à  Laval,  et  bâti  l'église  devenue  l'église  paroissiale 

1.  Guy  VII  de  Laval  avait  épousé  Philippe  de  Vitré,  fille  d'André 
(en  1239).  André  fut  tué  auprès  de  saint  Louis,  en  Egypte,  le 
8  février  1251  (n.  st.)  Il  laissait  un  fils  âgé  de  deux  ans,  qui  mourut 
le  15  mars  1252  (n.  st.) 


—  vi- 
de Notre-Dame  :  comme  fondateurs^  ils  y  avaient  droit 
d'enfeu    au   milieu   devant  le  grand   autel,   et  là  fut 
inhumé  en  1404,  leur  fils  le  comte  de  Gavre. 

Leur  fille  unique,  Anne,  épousa  Jean  de  Montfort  (la 
Cane)  en  Bretagne.  A  la  mort  de  Guy  XII  (21  avril 
1412),  Jean  de  Monfort,  devenu  du  chef  de  sa  femme 
sire  de  Laval,  prit  le  nom  de  Guy  XII I.  Comme  il  reve- 
nait de  Terre-Sainte,  il  mourut  à  Rhodes,  le  12  août 
1414,  et  y  fut  inhumé. 

En  1444,  Anne  augmentait  l'importance  du  chapitre 
de  Saint-Tugal  par  l'annexion  de  la  chapelle  des  Trois- 
Maries,  et  en  agrandissait  l'église  collégiale.  Elle  y 
choisit  sa  sépulture  ;  auprès  d'elle  furent  inhumés  ses 
trois  fils  et  les  seigneurs  leurs  sucesseurs  jusqu'à 
Guy  XVII,  dernier  des  Montfort-Laval,  mort  le  25  mai 
1547. 

Renée  de  Rieux,  dite  Guyonne  la  folle,  bien  que 
calviniste,  fut  aussi  inhumée  à  Saint-Tugal,  le  13  décem- 
bre 1567.  Guy-Paul  de  Coligny,  dit  Guy  XIX,  mort  le 
15  avril  1586,  au  château  de  Taillebourg,  y  eut  sa 
sépulture.  Enfin  son  fils  Guy  XX,  qui  avait  abjuré  le 
calvinisme,  périt  le  3  décembre  1605  dans  une  expédi- 
tion en  Hongrie;  et,  le  10  février  1609,  son  corps  fut 
inhume  dans  Téglise  des  Jacobins  (Dominicains)  de  Laval 
et  son  cœur  fut  déposé  à  Saint-Tugal. 

Les  La  Trémoïlle  qui  succédèrent  aux  Coligny-Laval 
n'ont  pas  eu  leur  sépulture  à  Laval. 

Nous  avons  nommé  plus  haut  Jeanne  de  Laval-Ghâ- 
tillon,  seconde  femme  de  Guy  XII  et  sa  veuve.  Il  y  a 
doute  sur  le  lieu  de  sa  sépulture  en  1433  ;  ce  doute  vient 
non  de  l'absence  de  son  épitaphe,  mais  de  ce  qu'il  y  en 
a  deux  qui  semblent  contradictoires,  l'une  à  Clermont, 
l'autre  à  Saint-François  de  Laval. 

Nous  donnerons  tout  à  l'heure  les  textes  de  ces  deux 
épitaphes  ;  mais  auparavant  rappelons  quelques  dates  et 
quelques  faits  qui  rendront  plus  clairs  les  détails  dans 
lesquels  nous  devrons  entrer. 


—  72  — 

Jeanne  de  Laval-ChAtillon,  née  en  Bretagne  vers 
1353,  épousa  en  premières  noces  le  connétable  du  Gues- 
clin  (21  janvier  1374).  Devenue  veuve,  le  13  juillet  1380, 
eUe  épousa,  le  22  juillet  1384,  son  cousin  issu  de  germain 
Guy  XII,  seigneur  de  Laval. 

Guy  XII  était  cousin  germain  du  duc  Jean  IV  de  Bre- 
tagne, et  son  mariage  fit  Jeanne  cousine  du  duc  et  tante 
à  la  mode  de  Bretagne  de  Jean  V  et  de  son  frère  Arthur, 
le  connétable  de  Richemont. 

Anne  resta  veuve,  le  12  août  1414,  avec  cinq  enfants, 
deux  filles  et  trois  fils,  savoir  :  Guy  XIV,  André, 
depuis  le  maréchal  de  Lohéac,  Louis,  seigneur  de  Chà- 
tillon,  etc. 

Le  17  juillet  1439,  jour  de  son  sacre,  le  roi  Charles  VII 
érigea  la  seigneurie  de  Laval  en  comté  ;  et  nous  verrons 
des  inscriptions  attribuant  rétroactivement  ce  titre  à 
Guy  XII. 

Jeanne  de  Laval-Chàtillon  survécut  à  Guy  XII  jus- 
qu'au 27  décembre  1433  *. 


La  première  des  épitaphes  de  Jeanne  de  Laval  est 
encore  en  partie  lisible  dans  Téglise  transformée  en 
grange  de  Tancienne  abbaye  de  Clermont,  commune  du 
Genest  :  la  voici  : 

«  Cy  gisent  Guy,  comte  de  Laval,  sire  de  Vitré  et  de 
«  Gavre,  qui  décéda  le  xxi*  jour  d'avril  Tan  MCCCG 
(c  et  XII  ;  et  Jehanne,  comtesse  de  Laval,  dame  de  Chas- 
«  teillon,  Bescherel  et  Tinténiac,  sa  compaigne,  seulle 
«  fille  et  héritière  de  Messire  Jean  de  Laval,  sire  du  dit 


1.  Je  citerai  souvent  La  Maison  de  Laval,  Cartulaires  de  Laval  et 
Vitré,  par  le  comte  Bertrand  de  Broussillon,  membre  de  la  Com- 
mission historique  et  archéologique  de  la  Mayenne.  L'auteur  a 
publié  ce  «avant  ouvrage  dans  le  Bulletin  de  la  Commission, 
années  1894  à  1902,  tomes  VIII  à  XVI.  Publié  depuis  en  cinq  volu- 
mes grand  in-8o,  il  a  été  couronné  par  l'Académie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres. 


—  73  — 

«  lieu  de  Chasteillon,  laquelle  dame  trépassa  le  xxvii* 
«  jour  de  décembre  Tan  MCCCGXXX  et  III.  —  Anima 
«  eorum  sine  fine  requiescant  in  pace.  Amen,  »  ^ 

La  seconde  épitaphe,  qui  n'existe  plus,  marque  la  sépul- 
ture de  Jeanne  dans  Téglise  de  Saint-François  (les  Cor- 
deliers)  de  Laval  : 

«  Ci-^st  dame  Jehanne,  comtesse  de  Laval,  fille  héri- 
tt  tière  de  Messire  Jehan  de  Laval,  sire  de  Chastillon, 
«  Mellay,  Tinténiac  et  Bescherel,  jadis  Temme  de  Messire 
«  Guy  comte  de  Laval,  laquelle  décéda  le  XVII*  jour  de 
«  décembre  de  Tan  mil  CGCG  XXXIII.  Priez  Dieu  pour 
«  son  âme  ^.  » 

Dans  une  note  l'auteur  de  La  Maison  de  Laval  fait 
remarquer  que  «  le  texte  de  cette  seconde  épitaphe  est 
en  opposition  avec  l'épitaphe  publiée  sous  le  n^  1103  ;  et 
il  ajoute  :  «  Ne  faudrait-il  pas  admettre  que  le  corps  de 
a  Jeanne  fut  déposé  à  Clermont  et  que  son  cœur  fut 
«  porté  aux  Cordeliers  ?  Le  Baud  cependant,  à  la  page 
«  74  de  ses  Chroniques,  affirme  que  la  sépulture  lui  fut 
«  donnée  aux  Cordeliers.  » 

Nous  donnerons  plus  loin  la  phrase  de  Le  Baud  dans 
laquelle  M.  de  Broussillon  a  vu  une  objection  à  l'opinion 
par  lui  exprimée  ;  mais  disons  d'abord  que  voilà  la  ques- 
tion très  bien  posée. 

Il  ne  s'agit  pas  en  effet  de  s'inscrire  en  faux  contre 
Tune  des  épitaphes  ;  il  s'agit  de  les  interpréter  ou  mieux 
de  les  concilier;  rien  de  plus  simple,  si  l'on  admet  le 
dépôt  du  corps,  la  vraie  sépulture,  en  un  lieu,  et  le 
dépôt  du  cœur,  en  un  autre. 

Nous  ajouterons  qu'au  xv*  siècle  comme  au  xvi*, 

1.  Voir  la  tombe  de  Guy  XII  et  de  Jeanne  de  Laval,  Maison  de 
iMval,  Bulletin,  t.  XIII  (1897),  planche  no  97,  en  regard  de  la  page 
164.  L  épitaphe  est  imprimée  sous  le  n»  1103,  p.  479. 

2.  Cette  seconde  épitaphe  est  ïmj^Tiiné^  ( Maison  de  Laval,  Bull., 
t.  XIV  (1898),  no  1276,  p.  188,  avec  une  note  (n»  1)  sur  laquelle  nous 
allons  revenir.  M.  de  Broussillon  fait  connaître  qu'il  a  emprunté 
cette  épitaphe  au  livre  d'un  érudit  lavallois,  M.  de  la  Beauluère, 
Communautés  et  chapitres  de  Laval,  p.  339. 


—  74  — 

l'art  de  rembaumement  était  perdu  ^ ,  le  transport  du 
corps  entier  ne  se  faisait  guère  ;  le  transport  d'un  cœur 
était  facile  et  était  en  usage.  Jeanne  de  Laval  en  avait 
eu  Texemple  tout  près  d'elle.  Son  premier  époux  du 
Guesclin  mourait  en  Languedoc  ;  prévoyant  que  son 
corps  ne  serait  pas  porté  si  loin,  n'avait-il  pas  ordonné 
le  dépôt  de  son  cœur  aux  Jacobins  de  Dinan  ^  ? 

Le  partage  supposé  par  M.  de  Broussillon  admis, 
reste  la  question  de  savoir  quelle  église  a  reçu  le  corps 
de  Jeanne  de  Laval  et  quelle  église  a  reçu  son  cœur. 

Lorsque,  en  1897,  M.  de  Broussillon  imprimait  l'épi- 
taphe  de  Guy  XII  et  de  Jeanne  à  Clermont,  cette  épi- 
taphe  lui  semblait  la  preuve  du  dépôt  des  deux  corps  à 
Clermont.  Cette  commune  sépulture  avait  assez  de 
vraisemblance.  Aux  xv'  et  xvi*  siècles,  c'était  un  usage 
ordinaire  que  la  même  tombe  reçût  les  deux  époux  ^, 
Or  Guy  XII  n'avait  pas  été  inhumé  dans  la  tombe  de  sa 
première  femme  *  existant  encore  à  Clermont. 

1.  On  faisait  bouillir  les  corps  jusqu'à  ce  que  les  chairs  fussent 
détachées  des  ossements  ;  on  inhumait  les  parties  molles  et  on 
emportait  seulement  les  os.  C'est  ainsi  qu'il  fut  fait  pour  le  roi 
saint  Louis,  mort  devant  Tunis  en  1270.  L'Eglise  (Boniface  VIII, 
en  1300)  condamna  cette  pratique  comme  une  détestable  barbarie. 
Cf.  Cantu,  Hist.  universelle,  XI,  p.  391.  Mais  la  pratique  persista. 
Le  Nécrologe  de  Saint-François  de  Quimper  dit  :  «  Cujus  escarum 
ossa  fuerunt  delata  ad  conventum  islum,  »  en  parlant  d'un  compa- 
gnon breton  de  du  Guesclin  mort  en  Espagne,  en  1369,  etc.,  etc. 

2.  Recommandation  verbale  postérieure  à  son  testament  du 
9  juillet  et  au  codicille  du  lendemain,  par  lesquels  il  avait  ordonné 
sa  sépulture  en  l'église  des  Jacobins  de  Dinan. 

Ses  entrailles  furent,  avant  le  23  juillet,  inhumées  chez  les  Domi- 
nicains du  Puy,  où  un  tombeau  fut  élevé  qui  existe  encore  ;  et  le 
corps,  mal  embaumé,  fut  bouilli,  le  28  juillet,  à  Montferrant  (qui 
fait  aujourd'hui  partie  de  Clermont-Ferrant)  ;  les  chairs  furent 
inhumées  dans  le  chœur  de  l'église  des  Frères  mineurs  sans  que 
rien  en  marquât  la  place.  Le  roi  réclama  le  corps  (c'est-à-dire  les 
ossements)  pour  Saint-Denis  ;  le  cœur  seul  fut  porté  à  Dinan.  Cf. 
Les  quatre  sépultures  de  du  Guesclin,  par  J.  Trévédy. 

3.  En  preuve  voir  le  Nécrologe  des  Cordeliers  de  Quimper, 
publié  en  1888  par  J.  Trévédy.  Une  dame  du  Juch  (seigneurie  voisine 
de  Quimper),  mariée  deux  fois,  a  été  inhumée  avec  ses  deux  maris. 

4.  Voici  son  épitaphe.  Maison  de  Laval,  1897,  n®  839,  p.  300  : 
«  Ci  gist  noble  dame  Louise  de  Chasteaubriant,  dame  de  Laval  et 
Vitré,  trépassée  le  XXIIIe  de  novembre  MCCCLXXXIII.  > 


—  75  — 

Remarquons  que,  si  Guy  XII  a  été  inhumé  à  Glermont 
en  1412,  Fépitaphe  n'a  pu  être  gravée  qu'après  la  mort 
de  Jeanne,  en  1433  ^  C'est  Anne,  leur  fille,  et  son  fils 
Guy  XIV  qui  ont  ordonné  la  tombe.  Comment  douter  de 
l'exactitude  de  l'inscription  ? 

Mais,  plus  tard,  la  lecture  de  l'épitaphe  de  Jeanne  aux 
Cordeliers  fit  naître  un  doute  que  confirma  la  phrase  de 
rhistorien  Le  Baud,  à  laquelle  nous  renvoie  M.  de  Brous- 
sillon  et  que  voici  : 

«  En  celuy  an  (1433),  le  27*  jour  de  décembre,  tres- 
«  passa  Madame  Jeanne,  comtesse  de  Laval,  et  fut 
«  ensépulturée  au  couvent  des  frères  mineurs  du  dit  lieu  de 
«  Laval  que  M'  Guy  XII  son  mary  et  elle  avoient  fondé  et 
«  fait  édiffier.  »  -. 

L'afiirmation  de  Le  Baud  nous  parait  un  sérieux  argu- 
ment en  faveur  de  la  sépulture  aux  Cordeliers. 

On  sait  que  la  mère  de  Le  Baud  était  fille  naturelle  de 
Patri  de  Chàteaugiron,  oncle  de  Jean,  sire,  puis  (1451) 
baron  de  Derval,  mari  d'Hélène  de  Laval,  fille  de  Guy  XIV 
et  d'Isabelle,  fille  du  duc  Jean  V  ^.  La  parenté  de  Le 
Baud  avec  le  baron  et  la  baronne  de  Derval  lui  valut 
plus  d'un  bénéfice  à  Laval  et  à  Vitré  ;  il  devint  maître 
de  la  chambre  des  comptes  de  Laval  et  fut  investi  de 
la  confiance  de  Guy  XIV  et  de  Guy  XV.  Nul  n'était 
mieux  placé  que  lui  pour  être  exactement  renseigné  par 
Guy  XIV  lui-même  sur  les  circonstances  de  la  sépulture. 

Faut-il  ajouter  que  Jeanne  de  Laval,  fille  de  Guy  XIV 
et  seconde  femme  du  roi  René,  avait  choisi  Le  Baud 
pour  «  historiographe  et  orateur  »,  et  qu'il  lui  dédia  ses 
Chroniques  de  Vitré?  Comment  la  reine  qui,  avant  son 

1.  L'épitaphe  (voir  ci-dessus)  donne  la  date  de  sa  mort. 

2.  Chroniques  de  Vitré,  p.  74. 

3.  C'est  à  Jean,  baron  de  Derval,  que  Le  Baud  présente  son 
Histoire  de  Bretagne  dans  l'estampe  imprimée  par  D.  Lobineau 
(Histoire  de  Bretagne,  en  regard  de  la  page  822).  La  légende 
donne  à  Le  Baud  les  titres  que  voici  :  chanoine  de  la  Madeleine  de 
Vitré,  chantre  de  Saint- Tugual  (sic)  de  Laval,  aumônier  de  Guy  XV, 
depuis  nommé  à  l'évêché  de  Rennes. 


—  76  — 

mariage,  avait  passé  vingi-deux  ans  auprès  de  sa  grand* 
mère  Anne  et  de  son  père,  n'auraii-eUe  pas  relevé  une 
inexactitode  sur  la  sépultore  de  sa  bisaîenle  ? 

Voici  da  reste  un  fait  contemporain  qni  semble  con- 
firmer Taffirmation  de  Thistorien. 

En  mars  1428,  Laval  avait  été  pris  par  les  Anglais. 
A  ce  moment,  Jeanne  et  sa  fille  s'étaient  réfugiées  en 
Bretagne,  au  château  de  Vitré.  Quand  Laval  fut  repris, 
le  28  septembre  1429,  les  dames  de  Laval  n  y  revinrent 
pas,  la  place  étant  encore  sous  la  menace  des  Anglais, 
maîtres  de  tout  le  Maine.  Au  contraire  à  Vitré,  la  fron- 
tière bretonne  leur  était  une  sauvegarde,  car  la  Bretagne 
n'était  pas  en  guerre  avec  T Angleterre  *. 

Mais,  à  trois  lieues  en  deçà  de  Vitré,  à  la  firontière, 
les  Anglais  étaient  les  maîtres  du  plat  pays.  Pour  y 
passer,  ceux  qui  tenaient  la  cause  française  avaient 
besoin  de  sauf-conduits. 

Faisant  argent  de  tout,  les  Anglais  accordaient  ces 
sauf-conduits  avec  une  sorte  de  prodig^té....  mais 
moyennant  finance  ^.  Jeanne  de  Laval  se  mourait  à  Vitré 

i.  Jean  V  était,  quoi  qu'on  ait  dit,  farorablc  à  la  cause  française. 
Il  antorisait  son  frère  à  accepter  l'épée  de  connétable  et  se^  che- 
Taliers  ji  servir  en  France  ;  mais  il  persistait  à  garder  nne  neutra- 
lité officielle  dont  les  Anglais  dorent  se  contenter.  C'est  pourquoi 
le  château  de  Vitré  était  un  sûr  asile  pour  les  dames  de  Laral. 

2.  Siméon  Luce,  Le  Maine  sous  la  domination  anglaise  en  1433 
et  1434  (V.  les  curieuses  pages  11  et  15). 

Les  Anglais  tiraient  un  gros  revenu  de  ces  sauf-conduits.  Ceux 
pour  aller  en  pèlerinage  au  Mont- Saint-Michel  étaient  les  plus 
chers,  4  et  même  6  saints  d'or.  Le  salut  valait  15  sons  ;  4  saints  = 
60  sous,  on  3  livres,  et  la  livre  de  ce  temps  vaut,  selon  Leber 
(1845)  41  fr.  25  de  notre  monnaie  ;  3  livres  =^  123,75.  Les  pèlerins, 
unis  en  petites  sociétés  d'ordinaire  sept  personnes,  obtenaient  un 
sauf-conduit  collectif.  Du  18  octobre  1432  au  31  mars  (cinq  mois  et 
demi),  58  personnes  prirent  des  sauf-conduits  au  Mans.  Nous 
pouvons  compter  8  sauf-conduits  à  4  saints,  prix  minimum  ;  il  fut 
encaissé  par  le  receveur  du  Mans  990  francs  au  minimum. 

Rien  ne  montre  mieux  jusqu'à  quel  point  les  Anglais  faisaient 
argent  de  tout.  Saint  Michel  était  regardé  comme  le  protecteur  de 
la  France  et  les  pèlerins  allaient  le  prier  pour  la  France.  De  plus 
le  Mont-Saint-Michel  était  alors  investi  par  les  Anglais  ;  et  pourtant 
ils  accordaient  des  sauf-conduits  même  à  des  chevaliers  pèlerins. 


—  77  — 

an  mois  de  décembre  1433.  Sa  fille,  ses  trois  petits-fils 
l'entouraient.  Prévoyant  une  mort  prochaine,  ils  se  pré- 
cautionnèrent de  sauf-conduits  pour  venir  dans  le  Maine 
inhumer  leur  mère  et  aïeule,  et  quatre-vingts  gentils- 
hommes ou  chevaliers  se  joignirent  à  eux. 

Or,  le  receveur  des  Anglais  qui  délivre  au  Mans  ces 
sauf-conduits  les  a  libellés  ainsi  : 

«  Pour  aller  de  Vitré  à  Laval  Saint-François  et  à 
«  l'abbaye  de  Clermont  sépulturer  Jeanne  de  Laval.  Les 
«  sauf-conduits  sont  valables  pour  quinze  jours  com- 
«  mençant  le  jour  et  l'heure  (!)  que  dame  Jehanne,  à 
«  présent  en  article  de  mort,  ira  de  vie  à  trépas- 
«  sèment.  »  ^ 

Ainsi  deux  cérémonies  funèbres  paraissent  prévues  : 
Tune  aux  Cordeliers,  l'autre  à  Clermont.  Faut-il  attacher 
quelque  intérêt  à  l'ordre  dans  lequel  les  lieux  sont 
nommés  ?  Saint-François  est  nommé  le  premier.  Est-ce 
avec  intention  ?  Serait-ce  pour  indiquer  que  la  cérémonie 
principale,  le  dépôt  du  corps,  se  fera  à  Saint-François  ? 

Remarquons-le  en  effet.  Quelques  heures  ni  une 
journée  ne  suffiront  pas  à  ces  obsèques  solennelles.  Le 
délai  demandé  et  accordé  comme  nécessaire  est  de 
quinze  jours.  Il  est  clair  que  l'inhumation  du  corps  de  la 
décédée  doit  se  faire  d'abord  et  sans  délai.  Après  quoi, 
selon  l'usage  du  temps,  des  services  funèbres  seront 
célébrés  ;  et,  ces  derniers  finis,  le  cœur  sera  à  son  tour 
«  ensépulturé  ». 

Ajoutons  que  l'abbaye  de  Clermont  était  à  peu  de 
distance  de  la  route  suivie  par  le  convoi  funèbre,  et  qu'il 
eût  semblé  tout  naturel,  au  cas  de  l'inhumation  à  Cler- 
mont, de  nommer  ce  lieu  le  premier. 

Enfin  un  sauf-conduit,  comme  un  passeport  ou  une 

1.  Siméon  Luce,  Le  Maine...,,  p.  17-18.  —  Bertrand  de  Brous- 
sillon,  Maison  de  Laval  (Bull,  de  la  Comm.  hist.  de  la  Mayenne, 
t.  XIV,  p.  188,  no  1275).  Mention  du  sauf-conduit  en  d'autres 
ternies  ;  mais  «  pour  aller  de  Vitré  aux  Cordeliers  de  Laval  à 
l'abbaye  de  Clermont.  v 


—  78  — 

feuille  de  route,  marque  un  itinéraire  obligatoire.  Anne, 
ses  fils  et  les  personnes  qui  les  accompagnent  doivent 
donc  venir  à  Laval  avant  d'aller  à  Clermont. 

Pour  toutes  ces  raisons,  n'y  a-t-il  pas  apparence  que 
le  cortège  funèbre  est  venu  droit  à  Laval  pour  une  pre- 
mière sépulture,  qui  a  été  la  principale,  celle  du  corps  ; 
et  qu'il  s'est  rendu  ensuite  à  Clermont  pour  y  déposer  le 
cœur  dans  le  tombeau  de  Guy  XII  ? 

Voilà  comment  les  termes  du  sauf-conduit  anglais 
confirment,  selon  nous,  l'affirmation  de  Le  Baud.  Mais 
ces  inductions  ne  sont  pas  une  preuve  certaine.  Nous 
allons,  je  crois,  trouver  cette  preuve  ailleurs. 


Voici  maintenant  des  renseignements  publiés  seu- 
lement en  1902  et  que  l'érudit  auteur  de  la  Maison  de 
Las^al^  écrivant  en  1897  et  1898,  ne  connaissait  pas. 
Qu'on  nous  permette  ici  quelques  détails. 

En  1636,  Laval  reçut  la  visite  d'un  militaire,  diplo- 
mate, collectionneur  infatigable  de  curiosités  de  tout 
genre.  Il  se  nommait  Nicolas  Baudot,  seigneur  du 
Buisson  et  d'Âubenay.  Il  signe  Dubuisson-Aubenay , 
Il  accompagnait,  comme  gentilhomme  d'escorte,  Jean 
d'Etampes  Valençay,  commissaire  du  roi  aux  Etats  de 
Bretagne  qui  allaient  s'ouvrir  à  Nantes.  Dubuisson 
avait  parcouru  plusieurs  contrées  de  l'Europe  ;  il  ne 
connaissait  pas  la  Bretagne  ;  il  ne  manqua  pas  d'en  faire 
le  tour,  prenant  par  le  nord  et  continuant  par  la  côte  sud. 
Il  résida  à  Nantes  pendant  la  tenue  des  Etats,  et,  reve- 
nant de  Nantes  à  Alençon,  il  passa  par  Laval. 

Il  est  à  peine  croyable  que,  dans  une  excursion  si 
rapide,  ce  voyageur  ait  pu  voir  —  et  si  bien  —  tant  de 
choses  et  prendre  assez  de  notes  pour  rédiger  sou  Itiné- 
raire de  Bretagne^  qui,  récemment  publié,  tient  deux 
volumes  in-4*  *. 

1.  Archives  de  Bretagne,  recueil  d'actes  et  chroniques  publié 
par  la  Société  des  Bibliophiles  Bretons.  —  Dubuisson- Aubenay, 


—  79  — 

A  Laval,  Dubuisson  n^a  pas  manqué  de  visiter  le 
couvent  des  Cordeliers.  Entrons-y  avec  lui.  Il  va  nous 
montrer  les  tombes  seigneuriales  de  Laval. 

Non  qu'il  ait  vu  ces  tombes  dans  Téglise  même.  Selon 
le  droit  elles  avaient  occupé  la  place  prééminente  au 
milieu  du  chœur,  devant  Tautel  contemporain  de  l'église 
que  Guy  XII  et  Jeanne  avaient  bâtie  de  1394  à  1397. 
Deux  siècles  et  demi  plus  tard,  cet  autel  gothique  était 
passé  de  mode,  disons  mieux,  semblait  pure  barbarie  ! 

Un  peu  avant  le  passage  de  Dubuisson,  les  Corde- 
liers, sans  se  préoccuper  du  style  de  l'église,*  l'avaient 
remplacé  par  le  très  bel  autel  que  décrit  notre  voyageur, 
autel  qui  existe  encore  et  qui  —  il  faut  l'espérer  —  sera 
respecté. 

Voici  comment  s'exprime  Dubuisson  *  : 

«  L'église  des  Cordeliers  est  belle  et  spacieuse  ;  et 
«  depuis  peu  y  ont  fait  un  autel  en.  façon  de  ault  portail 
«  à  2  ou  3  étages  en  ordre  de  colonnes  de  marbres  de 
«  Laval... 

m  Ce  grand  autel  avec  son  frontispice  sépare  la  nef 
«  d'avec  le  chœur  des  religieux,  et  est  assis  où  posé  jus- 
ce  tement  où  jadis  étaient  deux  grandes  tombes  plates  de 
«  cuivre  fin  d'excellente  gravure  :  l'une  d'une  effigie  de 
«  femme  dont  le  visage  et  les  mains  étaient  de  marbre 
«  blanc  et  pour  la  légende  il  y  ha  écrit  ceci  : 

c  Ci  gist  dame  Jeanne,  comtesse  de  Laval,  fille  héri- 

C  TIÈRE  de  MESSIRE  JEAN  DE  LaVAL,  SIRE  DE  GhASTILLON,   DE 
<  MELLAY  et  DE  TlNTÉNIAC  ET  DE  BeSCHEREL,  JADIS  FAME  DE 

•  MESSIRE  Guy,  comte  de  Laval  ',  laquelle  décéda  le 

«  27e  JOUR  de  décembre  L'AN  MIL  CGGC  TRENTE-TROIS.  PrIEZ 

C  Dieu  pour  son  ame.  >  ^ 

Itinéraire  de  Bretagne  en  1636,  par  MM.  Maître  et  de  Berthou, 
2  YoL  in«4<>,  avec  introduction  et  notes  très  instructives. 

1.  Voir  Itinéraire,  t.  II,  p.  189-191. 

2.  J'ai  fait  remarquer  plus  haut  (p.  72)  que  dans  les  inscriptions 
postérieures  à  l'érection  de  Laval  en  comté,  le  titre  de  comte  et 
comtesse  sont  donnés  rétroactivement,  mais  à  tort,  à  Guy  XII. 

3.  Je  copie  le  texte  de  Dubuisson  qui  a  quelque  peu  rajeuni 
lorthographe  du  xv®  siècle. 


—  so- 
ft Elle  (la  tombe)  ha  les  armes  pleines  de  Laval  et  à 

«  ses  deux  costés  elle  ha  deux  enfans  aussy  gravés  avec 

a  escriteaus  sur  leur  teste,  Tun  ainsy  :  Guy  de  Laval,  et 

«  l'autre  Françoys  de  Laval. 

«  L'autre  tombe  est  gravée  d'un  homme  armé  gpisant, 

«  avec  ceste  légende  autour  : 

c  Ci  GiST  Guy,  sire  de  Gavre,  seul  fils  desdits  messire 
c  Guy  ET  DAME  Jehanne,  comte  et  comtesse  du  dit  lieu 
c  DE  Laval  ^  qui  décéda  le  25«  jour  de  mars  de  l'an  mil 
c  CGCC  ET  trois.  Priez  Dieu  pour  son  ame.  >  (Lire  1404, 
n.  st.). 

Cette  dernière  épitaphe  est  celle  de  Guy,  héritier  de 
Laval,  mort  prématurément.  Jouant  à  la  paume  sur  la 
terrasse  du  château,  il  tomba  d'une  hauteur  de  vingt 
mètres  au  moins  dans  le  fossé  dit  aujourd'hui  rue  du 
Val-de-Mayenne . 

Les  mots  <c  seul  fils  »  de  Guy  XII  doivent  s'entendre 
en  ce  sens  qu'au  temps  de  sa  mort,  il  restait  le  fils 
unique  du  seigneur  de  Laval  ;  mais  il  avait  eu  des  frères 
décédés  avant  lui.  C'est  ce  que  fait  remarquer  Dubuisson  : 

«  Voilà  un  fils  mort  trente  ans  avant  sa  mère  ;  et 
«  falloit  que  ses  frères  Guy  et  François  fussent  morts 
«  encore  avant  lui.  Aussi  la  mère  les  a-t-elle  représentés 
«  tous  deux  enfants  dessus  sa  tombe  pour  dire  qu'elle  les 
«  avoit  ensevelis  et  estoient  morts  jeunes.  » 

Cela  semble  de  toute  évidence,  et  Dubuisson  révèle 
ainsi  deux  enfants  de  Guy  XII  qui,  à  notre  connaissance, 
ne  figurent  dans  aucune  généalogie  ^. 

Pour  construire  leur  nouvel  autel,  les  Cordeliers 
avaient  enlevé  les  tombes  ;  mais  ils  s'étaient  bien  gardés 

1.  Même  observation  que  ci-dessus,  p.  79,  n.  2. 

2.  On  lit  pourtant  dans  Ogée,  Dictionnaire  de  Bretagne,  v®  Vitré, 
Annotateur,  t.  II,  p.  976  :  «  Guy  XII  avait  eu  de  son  second  mariage 
deux  fils  et  une  fille.  L'ainé  de  tous  se  tua  en  jouant  k  la  paume  ; 
le  second  l'avait  précédé  dans  la  tombe  ».  Dubuisson  nous  apprend 
qu'un  autre  fils  était  mort  avant  Guy.  Ogée  ne  parlait  pas  des  fils  de 
Guy  XII  (qu'il  nomme  Guy  XI),  mais  seulement  de  Anne,  dont  le 
mari  (Jean  de  Montfort)  prit  le  nom  de  Guy  XII  (lire  Guy  XIII). 


—  81  — 

de  les  détruire  et  même  de  les  abandonner  sans  soin, 
comme  il  a  été  fait  trop  souvent.  Dubuisson  a  vu  ces 
tombes.  Continuons  à  le  lire  : 

«  Ces  tombes  sont  resserrées  dans  une  chambre  du 
«  monastère  et  elles  doivent  être  remises  dans  le  chœur 
«  des  religieux.  Leurs  légendes  ci-dessus  rapportées 
«  sont  transcriptes  sur  un  parchemin  encastillé  en  bois, 
«  comme  un  tableau,  gardé  dans  la  sacristie  où  il  y  ha 
«  ainsy  :....  *  » 

Cette  inscription,  que  j'abrège  ici,  constate  la  fonda- 
tion du  monastère  par  Guy  XII  et  Jeanne  de  Laval,  la 
prise  de  possession  des  Frères  mineurs  en  mai  1397,  en 
présence  des  fondateurs,  de  leur  fils  aîné,  Guy,  comte 
de  Gavre,  et  du  seigneur  de  Chàtillon,  père  de  la  fonda- 
trice 2.  Suivent  ces  mots  qui,  pour  nous,  ont  surtout  un 
vif  intérêt  : 

«  leelle  dame  Jehanne,  fondatrice,  est  inhumée  céans, 
<c  au  milieu  du  devant  du  grand  autel,  couverte  d'une 
«  grande  tombe  de  cuivre....  »  —  dont  la  description  a 
été  donnée  plus  haut.  Suit  la  mention  de  Tinhumation 
de  Guy  de  Gavre,  à  gauche  de  sa  mère,  et  dont  nous 
avons  ci-dessus  donné  Tépitaphe. 

1.  Voici  le  texte  entier  :  «  Messire  Guy  de  Laval,  comte  de 
Laval,  XII«  du  nom  (fils  de  Guy  X)  et  de  dame  Béatrix,  fille  jadis 
de  sire  Artus,  duc  de  Bretagne,  fut  le  fondateur.  Dame  Jeanne, 
fille  de  sire  Jean  de  Laval,  seigneur  de  Chastillon,  de  Mellay  et  de 
Bescherel  et  espouse  du  dit  messire  Guy,  comte  de  Laval,  fut  la 
fondatrice.  Lequel  couvent  fut  basti  es  années  1394,  1395,  1396,  et 
le  jour  saint  Yves  en  may  1397  furent  mis  au  convent  de  céans  les 
Frères  mineurs  de  l'observance  par  messires  les  RR.  PP.  en  Dieu 
Messieurs  les  abbés  de  Clermont  et  de  Bellebranche,  commissaires 

2.  Il  fut  inhumé  à  la  chapelle  Saint-Tugal  dans  le  château  de 
Laval.  Dubuisson  décrit  ainsi  sa  sépulture  :  «  Au  coin  évangélique 
de  Tautel  il  y  a  une  tombe  plate  de  cuivre  gravée  d'un  personnage 
armé  gisant  avec  cette  légende  : 

I  Cy  gist  noble  et  puissant  seigneur  sire  Jehan  de  Laval,  che- 
«  valier,  sire  de  Chastillon,  de  Mellay  et  de  Montjean,  qui  décéda 
«  le  8«  jour  de  septembre,  l'an  de  grâce  1398.  Priez  Dieu  pour  son 
a  âme.  » 

Voir  ci-dessus  p.  79  et  p.  80. 

6 


—  82  — 

Mais  revenons  aux  deux  effigies  d'enfants  gravées 
sur  la  tombe  de  Jeanne  de  Laval.  Les  deux  sont  morts 
enfants,  comme  ils  sont  représentés  ;  Tun  est  Guy,  mort 
probablement  avant  la  naissance  de  l'autre  Guy,  en  1389; 
autrement  celui-ci  n'aurait  pas  reçu  ce  nom.  François 
était  mort  avant  1404,  date  de  la  mort  de  Guy,  autrement 
Tépitaphe  de  Guy  ne  dirait  pas  qu'il  est  seul  fils  du 
seigneur  de  Laval. 

Le  mariage  de  Guy  XII  et  de  Jeanne  est  du  28  mai 
1384.  Anne  est  née  la  première  au  début  de  1385.  Le 
premier  Guy  naquit  après  elle  ;  mais  il  n'était  plus 
en  1389,  quand  sa  sœur  avait  quatre  ans.  Comment  s'en 
souviendrait-elle  ?  Peut-être  en  est-il  de  même  de  Fran- 
çois ?  Après  plus  de  trente  ans  passés,  est-ce  Anne  qui 
songera  à  faire  graver  l'image  de  ses  frères  avec  leura 
noms  sur  la  tombe  de  sa  mère  ?  Ce  n'est  pas  probable. 
N'est-ce  pas  plutôt  Jeanne  de  Laval  qui,  marquant  sa 
sépulture  auprès  de  celle  de  son  fils  mort  adolescent, 
aura  voulu  rappeler  le  souvenir  des  deux  enfants  qu'elle 
a  pleures  ? 

Ce  motif  pouvait  suffire  à  Jeanne  de  Laval  pour  qu'elle 
choisit  sa  sépulture  aux  Cordeliers  ;  mais  peut-être  en 
a-t-elle  eu  un  autre  ?. 

Interrogeons  sa  vie. 


En  janvier  1374  (n.  st.)  Jeanne  épousa  le  connétable 
du  Guesclin.  —  Ce  mariage  a  de  quoi  surprendre. 

La  maison  du  Guesclin  était  ancienne,  mais  assez 
obscure  ;  elle  n'avait  pas  —  il  s'en  faut  !  —  le  lustre  des 
Montmorency-Laval  :  c'est  le  connétable  qui  a  fait 
l'illustration  de  sa  famille.  —  D'autre  part,  Jeanne  ne 
pouvait  avoir  plus  de  vingt  et  un  ans.  Du  Guesclin,  né 
en  1320,  aurait  pu  être  son  père,  il  avait  cinquante- 
trois  ans.  Comment  a-t-il  été  choisi  par  une  jeune  fille 
d'un  grand  nom,  héritière  de  belles  seigneuries  ?  Ce 
n'était  assurément  pas  la  beauté  et  l'élégante  tournure 


-83- 

du  connétable  qui  avaient  pu  la  charmer.  Non,  il  était  à 
ses  yeux  tel  que  le  dépeint  son  naïf  biographe  : 

Je  crois^  qu'il  n'est  si  laid  de  Rennes  à  Dinan, 
Camus  était  et  noir,  nialostru  et  massant  *. 

Quelle  raison  a  donc  déterminé  le  choix  de  Jeanne  ? 
Est-ce  l'ambition  ?  Donnant  sa  main  au  connétable, 
aspirait-elle  à  devenir  une  des  plus  grandes  dames  de 
France  ?  Le  caractère  de  Jeanne  permet  d'attribuer  son 
mariage  à  un  sentiment  plus  élevé. 

La  seigneurie  de  Tinténiac  avait  pour  chef-lieu  le  châ- 
teau de  Montmuran.  En  1354,  pendant  les  guerres  de  la 
succession  de  Bretagne,  et  vers  le  temps  de  la  naissance 
de  Jeanne,  son  aïeule  maternelle  Jeanne  de  Combourg 
avait  pour  hôtes  à  Montmuran  Arnoul  d'Andrehrem, 
maréchal  de  France,  commandant  T armée  royale  en 
Bretagne,  plusieurs  chevaliers  et  du  Guesclin  alors 
écuyer.  Un  jour  elle  leur  donnait  un  grand  festin.  Or,  à 
deux  lieues  de  Montmuran,  était  Bécherel,  au  pouvoir 
des  Montfort  et  dont  le  capitaine  était  un  anglais  de 
renommée  Hugues  de  Calverly.  Il  sort  de  Bécherel 
comptant  surprendre  Montmuran  et  ses  hôtes.  Mais  du 
Guesclin  Ta  prévenu  ;  il  a  placé  des  archers  en  embus- 
cade sur  la  route.  L'alarme  est  donnée  à  Montmuran  ; 
tous  les  convives  s'arment.  Un  furieux  combat  s'engage. 
Calverly  est  amené  à  Montmuran  prisonnier,  et  du 
Guesclin  y  rentre  chevalier.  Voilà  un  événement  décisif 
dans  sa  vie. 

C'est  donc  à  Montmuran  et  comme  près  du  berceau  de 
Jeanne,  que  le  futur  connétable  a  trouvé  le  point  de 
départ  de  ses  hautes  destinées. 

Le  père  de  Jeanne  n'est  pas  nommé  parmi  les  com- 
battants de  Montmuran,   mais  peu  après,  il  en  était 

1.  La  statue  équestre  de  du  Guesclin  a  été  inaugurée  à  Dinan, 
le  20  juillet  1902.  A  cette  fête  il  a  été  (beaucoup  trop  selon  nous) 
question  de  la  laideur  du  héros.  Il  est  vrai  qu'un  poète  a  chanté 
qu'  8  on  l'aimait  pour  sa  laideur  si  belle  ».  Fut-ce  le  cas  de  Jeanne 
de  Laval  ? 


—  84  — 

seigneur  •  ;  et  que  de  fois  il  a  dû  rappeler  devant  sa  fille 
enfant  et  jeune  fille  un  événement  qui  illustre  le  nom  de 
Montmuran,  et  célébrer  les  exploits  qui  valurent  à  du 
Guesclin  la  chevalerie  ! 

Or,  nous  allons  voir  Jeanne,  bientôt  octogénaire,  gar- 
dant une  ardeur  presque  juvénile  au  service  de  la  France  ; 
nous  pouvons  nous  la  figurer  à  vingt  ans,  animée  d'une 
sorte  d'enthousiasme  belliqueux.  Du  Guesclin,  vain- 
queur et  chevalier  à  Montmuran,  est  devenu  son  héros  ; 
et,  quand  elle  lui  donne  sa  main,  elle  estime  que  Thon- 
neur  est  pour  elle  ;  et  elle  va  se  montrer  digne  du  titre 
qu'elle  garda  fièrement  de  veuve  de  du  Guesclin. 

Trente-cinq  ans  après  la  mort  du  connétable,  Jeanne 
verra  la  France  envahie  de  nouveau,  vaincue  à  Âzincourt. 
Peu  après,  les  Anglais  maîtres  du  Haut-Maine  menacent 
ses  possessions  et  celles  de  sa  fille  la  dame  de  Laval. 
Elles  ont,  il  est  vrai,  un  moyen  que  d'autres  ont  employé 
de  sauvegarder  leurs  domaines  :  prêter  serment  au 
Roi  anglais...  Mais  elles  sont  fidèles  Françaises  et  le 
refusent. 

En  1427,  exaspéré  parles  manques  de  foi  de  son  beau- 
frère  le  Dauphin,  depuis  Charles  VII,  Jean  V  a  signé  le 
traité  de  Troyes  et  prétend  le  faire  signer  par  tous  ses 
barons.  Six  seulement  lui  désobéissent;  et  parmi  eux  les 
dames  de  Laval  et  leurs  fils,  dont  un,  Guy,  l'aîné,  est 
fiancé  à  une  fille  du  duc. 

Or,  de  tous  les  refus  opposés  au  duc,  le  plus  méri- 
toire est  celui  de  la  maison  de  Laval  ;  le  duc  mécontent 
ne  va-t-il  pas  retirer  la  parole  donnée  à  Guy  de  Laval  ? 
et  les  domaines  des  Laval  en  France  ne  sont-ils  pas  les 
plus  exposés  aux  coups  de  l'ennemi  ? 

La  vengeance  des  Anglais  ne  se  fait  pas  attendre  : 
les  châteaux  de  Montsûrs   et   Meslay   appartenant  à 

1.  Vers  1358,  il  en  prend  le  titre.  Le  Baud,  Chronique,  p.  61. 
Contrat  de  mariage  de  Catherine  de  Laval  avec  Olivier  de  Clisson. 
—  Le  Baud  ne  donne  pas  la  date  que  je  prends  dans  Maison  de 
Laval,  Bull,  de  1897,  n»  702,  p.  185. 


—  85  — 

Jeanne  sont  brûlés  (septembre  1427).  La  ville  de  Laval 
est  surprise  (13  mars  1428),  et  trois  jours  après,  André, 
second  fils  d'Anne,  est  contraint  de  rendre  le  château. 

Les  dames  de  Laval  ont  à  payer  une  lourde  rançon, 
16.000  écus  d'or  ou  peut-être  même  41.000  K  Elles 
empruntent  au  plus  vite  ;  elles  entendent  qu'André 
puisse  reprendre  l'épée.  Après  trois  mois,  André  est 
libre. 

Sans  perdre  un  moment,  elles  rassemblent  leurs  hom- 
mes. Vont-elles  essayer  de  reprendre  Laval,  dont  les 
bourgeois  les  appellent  et  qu'occupe  une  garnison  peu 
nombreuse  ?  Non  !  à  l'appel  de  leur  cousin  le  connétable 
de  Richemont,  elles  envoient  leurs  deux  fils  aînés  et  leurs 
troupes  à  Jeanne  d'Arc.  Pour  ces  ardentes  patriotes,  le 
plus  pressant  intérêt  n'est  pas  de  reprendre  leur  ville, 
mais  de  sauver  Orléans. 

Les  deux  frères  arrivent  le  7  juin  :  trop  tard  !  Orléans 
est  sauvé  sans  eux  ;  mais  ils  seront  le  17  à  Patay,  avec 
Jeanne  d'Arc  et  Richemont  ;  et,  plus  heureux  que  le  con- 
nétable, ils  seront  au  sacre  du  roi,  le  17  juillet. 

Le  jour  même,  le  roi  Charles  Vil  érigeait  la  seigneurie 
de  Laval  en  comté  «  et  donnait  par  là  à  ses  seigneurs 
un  rang  éminent  dans  la  noblesse  française  ^.  » 

A  cette  nouvelle,  la  douairière  de  Laval  a  pu  se  dire 
que  ce  titre  ne  payait  pas  les  quelques  jours  de  service 
de  ses  petits-fils  adolescents,  mais  qu'il  était  le  prix  de 
la  généreuse  obstination  à  la  cause  française  d'elle-même 
et  de  sa  digne  fille. 

Pour  les  Anglais  comme  pour  les  Manceaux  encore 

1.  Le  chiffre  de  la  rançon  fut  16.000  selon  les  uns  pour  André  de 
Lohéac,  plus  25.000,  selon  les  autres  pour  la  garnison. 

Un  écu  d'or  en  1427  =  23  sous  ;  16.000  écus  =  363.000  sous 
=  18.400  livres  à  20  sous.  La  livre  selon  Leber  (1843)  vaut  41,25 
de  nos  jours.  18.000  livres  =  759.000  fr. 

25.000  écus  =  33.750  livres  =  1.393.000  francs. 

Si  la  rançon  a  été  de  16.000  +  25.000  =  41.000  écus  ;  elle  repré- 
sentait 2  millions  150.000  fr.  en  1845,  un  peu  plus  aujourd'hui. 

2.  Maison  de  Laval,  Bull,  de  1898,  p.  49. 


—  86  — 

asservis,  Jeanne  de  Laval  représentait  la  résistance  à 
l'envahisseur;  à  ce  titre,  elle  se  savait  adorée  de  ses 
compatriotes  et  en  haine  aux  Anglais.  Son  cortège  funè- 
bre trouvera  sur  la  route  de  Vitré  à  Laval  plus  d'un 
parti  anglais.  Jeanne  n'avait-elle  pas  voulu  affronter 
encore  une  fois  les  Anglais,  et  les  contraindre  à  saluer 
le  cercueil  de  la  veuve  de  du  Guesclin  ? 

Anne  survécut  à  sa  mère  pendant  trente-trois  ans,  et 
comme  elle,  octogénaire,  mourut  au  château  de  Vitré, 
le  28  janvier  1466.  Plus  heureuse  que  sa  mère,  elle 
avait  vu  son  cousin  Richemont  reprenant  enfin  l'épée  de 
la  France,  menant  pendant  vingt  ans  la  guerre  sainte  et 
vainqueur  à  Formigny  (1450),  et  son  fils  André,  amiral 
puis  maréchal  de  France,  remportant  à  Castillon  (1453) 
une  victoire  dont  le  prix  sera  la  capitulation  de  Bordeaux 
et  le  départ  définitif  des  Anglais  de  la  Guyenne. 

J.  Trévédy, 

Ancien  président  du  Tribunal  de  Quimper. 

Les  pages  qui  précèdent  ont  été  écrites  il  y  a  trois  ans.  J'avais 
été  incité  à  ce  petit  travail  par  la  lecture  de  ï Itinéraire  de  Dubuisson- 
Aubenay,  dont  le  second  volume  parut  en  1902.  Dans  le  premier 
volume  de  son  Epigraphie  de  la  Mayenne,  qui  vient  de  paraître, 
Térudit  abbé  Angot  a  reproduit  les  renseignements  de  Dubuisson 
cités  plus  haut.  Il  admet  la  sépulture  de  Jeanne  de  Laval  aux 
Cordeliers.  Son  autorité  décide  la  question. 

L'église  des  Cordeliers  fut  saccagée  à  la  (in  du  xvni<:  siècle,  mais 
on  ne  dit  pas  qu'on  ait  fouillé  les  tombeaux  pour  jeter  au  vent, 
comme  il  fut  fait  en  beaucoup  de  lieux,  les  restes  qu'ils  gardaient. 
Il  est  vraisemblable  que  les  sépultures  mentionnées  plus  haut 
existent  encore  au-devant  du  grand  autel. 


LETTRES 


DE 


MICHEL-RENÉ   MAUPETIT 

Député 
A  l'assemblée  nationale  constituante 

1789-1791. 

(Fin). 


Je  ne  vous  dirai  pas  que  je  croye  au  rassemblement 
des  forces  de  toutes  les  puissances  voisines  pour  nous 
attaquer.  Quatre  cent  mille  hommes  armés,  tous  les 
vaisseaux  prétendus  de  l'Angleterre,  de  la  Suède,  de  la 
Russie,  de  la  Hollande,  de  TEspagne,  ne  nous  feront 
qu'accélérer  davantage  le  décret  qui  arrêtera  la  présente 
rédaction.  Mais,  sans  rien  craindre,  il  ne  faut  pas  moins 
se  tenir  préparé  à  tout  événement  et  je  crois  bien  que  si 
tous  les  ennemis  si  nombreux  qu'on  fait  marcher  ici  et 
arriver  comme  des  balons  se  présentaient  en  effet, 
qu'on  ne  s'effrayerait  pas  et  que  partout  ces  esclaves  du 
despotisme  apprendraient  ce  que  peuvent  des  hommes 
libres  qui  veulent  défendre  leur  liberté  et  leur  patrie. 

Beaucoup  de  gens  sont  surpris  de  ne  rien  trouver  sur 
le  clergé  dans  la  Constitution,  mais  en  définissant  ce 
que  c'est  qu'une  constitution,  qu'elle  n'est  que  la  délé- 


—  88  — 

galion  des  pouvoirs,  on  verra  qu'il  est  difficile  d'y  faire 
entrer  autre  chose  que  les  pouvoirs  réels  qui  embrassent 
l'universalité  des  citoyens  ;  or  les  prêtres  de  la  religion 
catholique  n'embrassent  pas  l'universalité,  puisqu'il  y  a 
un  cinquième  du  royaume  protestant,  juif  ou  calviniste. 
Cet  article  ne  peut  donc  être  que  réglementaire  et  relé- 
gué dans  la  partie  législative  ;  tout  au  plus  pourrait-on 
y  faire  entrer  la  circonscription  des  évêchés  dans  les 
limites  des  départemens,  mais  ce  n'est  toujours  là  qu'un 
objet  partiel  et  relatif  aux  4/5  et  non  à  la  totalité  des 
citoyens  français. 

Ici  on  remarquera  la  précision  et  la  clarté  du  style. 

Adieu.  Je  félicite  les  électeurs  de  la  conduite  qu'ils  ont 
tenue  vis-à-vis  de  M.  le  curé  de  Mayenne  *. 

CCXL 

Paris,  7  aoust. 

Aujourd'hui,  mon  ami,  commence  la  discussion  sur  la 
révision  de  la  Constitution.  Malgré  ce  qu'en  ont  débité 
quelques  journalistes  amis  de  Brissot  et  ses  échos,  à 
quelques  foibles  additions  près,  c'est  un  monument  qui 
ne  sera  pas  restreint  dans  les  limites  de  la  France,  que 
beaucoup  de  nations  s'empresseront  d'adopter.  Notre 
siècle  ne  se  passera  pas  sans  qu'on  le  voye  s'établir 
dans  une  partie  de  l'Europe. 

Je  n'ai  entendu  jusqu'ici  que  des  reproches  peu  fondés 
contre  la  rédaction  du  comité,  et  j'ai  vu  au  contraire 
beaucoup  plus  de  monde  en  louer  la  classification,  la 
méthode,  la  netteté  et  la  clarté.  Thouret  exposera  sûre- 
ment ce  matin  les  motifs  qui  ont  déterminé  le  comité  à 
changer  dans  quelques  articles  le  texte  de  quelques 
décrets,  soit  à  raison  de  la  liaison  à  donner  à  l'ensemble, 
soit  pour  faire  disparaître  des  équivoques. 

Je  crois  bien  qu'on  contestera  fortement  dans  l'article 

1.  Probablement  en  lui  laissant  l'usage  de  son  presbytère. 


—  89  — 

transitoire  des  abus  passés  au  régime  nouveau,  les 
expressions  :  «  La  loi  ne  reconnaît  plus  de  vœux  religieux, 
a  ni  aucun  autre  engagement  qui  serait  contraire  aux 
«  droits  naturels  et  à  la  Constitution  ».  La  généralité  de 
cette  thèse  est  une  grande  vérité  qui,  une  fois  admise, 
présente  bien  des  conséquences  ;  vous  les  déduirez  faci- 
lement sans  que  je  les  énumère,  mais  vous  sentirez 
aussi  combien  cet  article  pourra  exciter  de  réclamations. 
Adieu.  Les  bruits  d'attaques  se  dissipent,  les  effets 
remontent,  l'argent  qui  était  monté  à  21  0/0  est  redes- 
cendu à  14  et,  au  moyen  de  l'émission  prochaine  de 
monnoye  de  cuivre  et  de  métal,  de  pièces  de  15  s.,  il 
retombera  encore. 

CCXLI 

Paris,  9  aoust. 

J'aurais  voulu,  mon  ami,  tenir  avec  nous  aujourd'hui 
plusieurs  de  nos  concitoyens.  Arrivés  à  6  h.  1/2  pour 
dhier,  avec  M.  le  Gouverneur  et  plusieurs  députés,  chez 
un  restaurateur  où  nous  mangeons  parfois,  nous  n'avons 
pu  trouver  de  places  que  dans  une  salle  où  étaient  réu- 
nis déjà  plusieurs  militaires.  Là,  chacun  a  récité  ce 
qu'on  lui  mandait  de  sa  province  et  on  a  ensuite  renchéri 
sur  le  nombre  de  faits  annonçant  le  désordre,  la  persécu- 
tion, les  atteintes  à  la  propriété,  à  la  liberté,  à  la  tran- 
quillité. Ce  que  j'aurais  voulu  qu'on  eût  entendu,  c'est 
la  conséquence  que  chacun  tirait  de  l'impossibilité  de 
voir  subsister  une  pareille  anarchie,  la  satisfaction 
qu'exprimaient  ces  messieurs  d'un  pareil  ordre  de 
choses  et  les  conclusions  assez  justes,  si  cela  continuait, 
que  la  dite  Constitution  n'avait  pas  besoin  d'autres  enne- 
mis, qu'il  était  inutile  d'en  aller  chercher  au  loin,  que  le 
plus  sûr  moyen  était  de  voir  la  continuation  des  désor- 
dres, des  persécutions,  de  la  violation  des  propriétés  et 
des  personnes  et  assurément  il  n'y  avait  rien  à  dire  sur 
la  conclusion  qu'ils  tiraient.  C'est  au  moment  que  cette 


—  90  — 

conversation  se  soutenait  que  je  reçois  votre  lettre  et 
que  je  la  lis.  J'aurais  pu  aussi,  d'après,  citer  mon  trait 
historique.  Mais  trop  péniblement  affecté,  je  vous  avoue 
que  j'en  ai  mieux  senti  encore  combien  on  donnait  en 
effet  d'espoir  à  ces  Messieurs  en  ne  faisant  pas  exécuter 
les  lois,  en  y  laissant  substituer  les  passions,  les  vio- 
lences et  les  idées  individuelles.  Je  me  flatte  cependant 
qu'après  la  tranquillité  dont  a  joui  notre  ville  elle  ne  sera 
pas  troublée,  que  nos  citoyens  qui  se  sont  montrés  jus- 
qu'ici dignes  de  la  liberté  continueront  de  la  bien  servir 
en  surveillant  ceux  qui  seraient  tentés  d'y  nuire,  mais 
en  respectant  leurs  droits  lorsqu'ils  ne  commettront 
aucun  acte  extérieur  que  la  loi  condamne,  ou  les  livrant 
à  la  vengeance  de  la  loi  si  en  effet  ils  y  résistent. 

Encore  quelques  jours  et  la  Constitution  sera  irrévo- 
cablement arrêtée  :  alors  plus  d'incertitudes,  plus  de 
craintes;  la  nation  aura  un  gouvernement  qu'avec  de 
l'union  intérieure  toutes  les  forces  réunies  de  l'Europe 
ne  pourront  ébranler.  Qu'on  ne  dise  pas  que  c'est  dans 
le  tumulte,  au  milieu  du  désordre,  de  l'anarchie,  qu'elle 
a  été  définitivement  arrêtée.  La  Municipalité  de  Paris  a 
senti  la  défaveur  que  ce  fut  avec  le  drapeau  rouge  arboré 
qu'on  discutât  le  plan  de  cette  Constitution  et  l'a  fait 
retirer  ^  D'ailleurs  malgré  le  grand  nombre  de  per- 
sonnes suspectes,  tous  jouissent  de  la  plus  grande 
liberté.  Une  grande  surveillance  sur  les  démarches 
maintient  la  tranquillité,  prévient  les  désordres;  on 
laisse  parler  librement,  mais  on  ne  permet  aucune  réu- 
nion trop  marquante;  on  fait  passer  de  fortes  patrouilles 
au  milieu  des  groupes,  on  les  croise  de  tous  les  côtés  et 
par  là  on  prévient  sans  commotion,  sans  persécution, 
sans  attaques  individuelles  tous  les  complots. 

Je  pense  que  votre  première  me  tranquillisera  sur  les 
troubles  que  vous  appréhendiez  et  que,  tranquille  jus- 
qu'ici, l'affermissement  de  la  Constitution  ne  coûtera  à 

1.  Le  6  août. 


—  91  — 

notre  patrie  ni  regrets,  ni  aucune  atteinte  à  Tordre  et  à 
la  tranquillité  publique. 

J'ai  vu  ici  hier  M.  de  Brossard  qui  me  paroît  n'at- 
tendre icy  que  la  conclusion  d'une  affaire  pour  retourner 
à  Mayenne.  M.  de  la  Pannissaie  ^  n'attendra  pas  la 
liquidation  du  grenier  à  sel.  Il  compte  repartir  vers  le  15. 
M.  le  Gouverneur  en  a  encore  pour  douze  à  quinze  jours 
avant  d'être  payé. 

Comme  j'ignore  totalement  la  position  des  choses  à 
l'égard  de  la  forêt,  que  je  n'ai  su  qu'incidemment  la 
fourrière  de  quelques  bestiaux,  je  ne  vous  demande  plus 
de  la  faire  cesser,  dès  que  vous  croyez  la  conservation 
de  la  forêt  attachée  à  cette  mesure.  Dans  un  dernier 
décret  sur  les  lois  rurales,  vous  verrez  que  les  proprié- 
taires de  forêts  peuvent,  vis-à-vis  des  particuliers, 
racheter  de  gré  à  gré  le  droit  de  pacage  ou  de  parcours 
que  les  titres  des  particuliers  pourraient  leur  donner.  On 
a  senti  combien  cette  faculté  importoit  à  la  conservation 
des  bois  :  malheureusement  on  ne  pourra  de  cette  ses- 
sion s'occuper  des  règlements  pour  leur  plus  sûre  con- 
servation. 

Je  viens  de  recevoir  deux  lettres  de  M.  de  la  Chaux, 
dont  la  tranquillité  paraît  menacée  à  la  suite  de  dénon- 
ciations de  la  part  du  curé  de  Céaulcé  2.  M.  de  la  Chaux 
m'assure  de  la  droiture  de  ses  intentions  dans  le  pro- 
jet qu'il  avait  eu  de  former  une  garde  nationale  à 
Céaulcé,  pour  y  maintenir  la  tranquillité  et  se  garantir 
dlncursions  hostiles  de  mauvais  sujets  ;  le  curé  paraît 
avoir  pris  de  l'inquiétude  à  cet  égard,  avoir  été  à  Dom- 
front  et  à  Mayenne  déclamer  contre  M.  de  la  Chaux.  Il 
y  a  longtems  que  l'un  et  l'autre  sont  mal  ensemble.  Si 
vous  pouvez  quelque  chose  pour  rétablir  la  tranquillité 
dans   cette    paroisse,  je    vous   serai    obligé    de   vous 

1.  François- Robert  Tanquerel  de  la  Panissaie. 

2.  Thomas-Julien  Jardin,  curé  de  Céaulcé,  avait  prêté  le  ser- 
ment à  la  Constitution  civile  du  Clergé  et  s'était  déclaré  partisan 
des  idées  nouvelles. 


—  92  — 

y  employer.  A  Tâge  où  est  M.  de  la  Chaux  et  avec  ses 
infirmités,  je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  lui  supposer  des 
vues  dangereuses  et  je  n'ai  jamais  remarqué  dans  ses 
lettres  ni  plaintes,  ni  regrets  ;  au  contraire  je  l'ai  vu  très 
content  de  la  suppression  de  la  gabelle,  de  la  dixme,  et 
ne  s'occuper  que  de  quelques  inconvéniens  attachés  à 
l'organisation  des  municipalités  et  à  l'autorité  que  par 
elles  le  curé  prenait  dans  sa  paroisse. 

Je  vous  ai  toujours  trouvé  prévenu  contre  la  Maré- 
chaussée ;  je  crois  cependant  la  nouvelle  gendarmerie 
instituée  de  manière  à  ne  pouvoir  compromettre  la  sûreté 
des  citoyens  et  propre  à  maintenir  la  tranquillité  et  à  pré- 
venir bien  des  désordres. 

Adieu,  mon  ami  ;  donnez-moi  de  vos  nouvelles  pour 
vendredy.  Avec  de  l'union  parmi  les  patriotes,  de  la 
surveillance,  la  ferme  résolution  de  faire  régner  la  loi, 
nous  serons  bien  forts  et  les  intrigues  viendront  toujours 
échouer  contre  cette  force  innombrable  d'une  nation 
aimant  et  voulant  la  liberté. 

CCXLII 

Paris,  12  aoust. 

Sûrement,  mon  ami,  la  révision  essuyera  et  a  déjà 
essuyé  bien  des  critiques  et  des  difficultés,  d'autant  plus 
que,  quoique  deux  années  et  demi  de  travail  nous  ayent 
mûri  de  deux  siècles,  nous  ne  sommes  pas  encore  assez 
mûrs,  ou  il  règne  encore  trop  de  corruption,  trop  de 
petites  passions  qui  étouffent  les  grands  principes  d'un 
sage  gouvernement.  Vous  verrez  le  tems  que  nous  a  fait 
perdre  la  discussion  du  marc  d'argent;  revoyez  si  vous 
en  avez  le  loisir  qui  sont  ceux  qui  se  sont  le  plus  opposés 
à  ce  décret  et  voyez  que  ce  sont  ceux  qui  l'ont  plus  for- 
tement combattu,  qui  aujourd'hui  ont  discuté  avec  plus 
de  chaleur  pour  le  maintenir. 

Le  maintien  de  la  Constitution  est  évidemment  dans 
le  corps  électoral;  s'il  est,  ou  corruptible,  ou  facile  à 


—  93  — 

séduire,  quel  choix  espérer  ?  Et  des  choix  dépend  Taffer- 
missement  ou  le  renversement  de  la  Constitution.  Heu- 
reusement ce  matin  on  a  éludé  la  plus  forte  difliculté  en 
ajournant  à  la  fin  la  décision  de  cet  article  important. 
J'espère  qu'il  passera  dès  qu'il  n'y  aura  plus  à  craindre 
que  la  révocation  n'eût  servi  de  prétexte  à  en  demander 
d'autres  *. 

Mais  où  j'ai  vu  combien  nous  étions  encore  en  arrière 
et  combien  la  Nation  entière  y  serait,  c'est  à  l'occasion 
du  rapport  demandé  du  décret  qui  force  de  concentrer 
dans  les  départemens  le  choix  des  députés.  Je  sais  bien 
que  ce  décret  n'eût  été  adopté  ni  exécuté  dans  presque 
aucun  département,  mais  qu'il  eût  pu  contribuer  à  élever 
le  corps  législatif  par  la  facilité  de  nommer  des  sujets  du 
premier  mérite.  L'obmission  de  ce  décret  était  un  des 
plus  sûrs  garands  de  l'unité  de  l'empire  et  des  principes 
constitutionnels.  On  a  voulu  à  peine  écouter  le  comité  et 
Thouret  n'a  pu  que  dire  très  en  précis  les  moyens  qu'il 
aurait  développés  si  on  lui  en  eût  laissé  le  tems.  Le 
décret  a  été  rapporté  et  d'après  vous  ne  penserez  plus 
qu'on  donne  trop  au  Roy,  car  sans  un  pouvoir  unique 
qui  devienne  le  centre  de  parties  différentes,  vous  ne 
voyez  point  d'unité  de  mouvement.  Ce  n'est  plus  qu'une 
complication  de  rouages,  qu'une  division  d'intérêts  qui 
bientôt  feraient  de  notre  gouvernement  le  gouvernement 
de  l'Allemagne. 

Le  Roy  ne  pourra  abuser  du  pouvoir  avec  des  législa- 
tures fermes  et  bien  composées,  mais,  sans  unité  d'ac- 
tion, ce  n'est  plus  qu'une  machine  incohérente  qui  ne 
pourrait  longtems  se  soutenir. 

Il  y  a  beaucoup  à  présumer  que  nous  n'aurons  pas  de 
guerre  ;  malgré  cela,  il  ne  faut  jurer  de  rien  et  ne  s'en 
pas  moins  préparer  à  la  faire.  Si  ce  n'était  le  dernier  des 
maux,  je  ne  sçais  si,  pour  reconquérir  l'armée,  pour 

i.  Décret  qui  annule  un  précédent  décret  qui  exigeait  que 
les  citoyens  éligibles  à  la  députation  payassent  une  contribution 
au  moins  égale  à  la  valeur  du  marc  d'argent  (55  livres). 


—  94  — 

remettre  de  Tunion  dans  les  sentimens,  les  approches 
d'un  pareil  fléau  n'auraient  pas  dans  ce  moment  autant 
de  désavantages  qu'on  pourrait  le  craindre.  On  ne  peut 
venir  à  bout  de  rétablir  l'apparence  de  la  discipline  dans 
les  régimens.  Le  premier  coup  de  canon  ramènerait,  je 
l'espère,  les  esprits  vers  un  seul  but  et  tout  marcherait 
ensemble.  Cependant,  comme  ce  serait  trop  payer  cet 
avantage,  j'aime  autant  encore  qu'on  ne  nous  attaque 
point,  que  les  puissances  sentent  enfin  le  poids  énorme 
de  cette  force  armée  et  qu'on  finisse  par  n'avoir  plus  que 
les  citoyens  à  garder  les  frontières. 

Il  n'y  a  pas  de  jour  qu'on  n'annonce  tantôt  le  14,  tan- 
tôt le  20,  tantôt  le  25,  pour  une  émeute,  pour  quelque 
complot.  On  se  tient  sur  ses  gardes,  les  sentinelles  sont 
doublées,  on  suit  les  pas  de  tous  les  gens  suspects  et 
j'espère  que  si  ces  complots  sont  réels,  ils  seront  encore 
à  ajouter  aux  tentatives  inutiles. 

Distribuez  force  patentes,  faites  payer  l'à-compte  des 
contributions,  nous  faisons  presser  le  département  de 
finir  son  repartement  pour  que  les  districts  puissent  agir 
et  ensuite  les  municipalités. 

J'avais  mandé  à  M.  le  Commandeur  *  qu'il  ne  pouvait 
plus  porter  la  croix  ni  le  ruban  de  Malte,  mais  c'était 
une  erreur  de  ma  part,  la  défense  du  premier  article  ne 
concerne  que  les  ordres  français  ;  quant  aux  ordres 
étrangers,  ils  sont  réservés  par  le  quatrième  article  et  il 
peut  la  porter.  Je  vous  serai  obligé  de  le  lui  dire.  Je 
m'en  suis  informé  au  Comité  ;  tout  ce  qu'il  résulte,  c'est 
qu'il  ne  pourra  exercer  aucun  droit  de  cité. 

CCXLIII 

Paris,  15  août. 

Nous  avançons,  mon  ami,  l'acte  constitutionnel,  mal- 
gré la  cabale  odieuse  qui  s'est  acharnée  contre  le  comité, 

1.  Alexandre  Lenormand,  chevalier  de  l'ordre  de  Malte,  pourvu 
de  la  commanderie  de  Quittay  en  Saiut-Georges-de-Buttavent. 


—  95  — 

qui,  lui  prêtant  des  vues  d'intérêt  personnel,  a  prétendu 
que  le  comité  avait  mis-  plusieurs  réticences  pour  se 
ménager  les  moyens  de  parvenir  au  Ministère.  Si  le 
comité  eût,  comme  il  se  Tétait  proposé,  donné  la  note 
des  articles  déclarés  constitutionnels  qu'il  rejetait,  il  eût 
peut-être  évité  l'apparence  des  reproches  qu'on  fondait 
sur  cette  réticence,  mais  la  vérité  est  qu'on  l'eût  égale- 
ment persécuté,  parce  que,  Barnave  se  trouvant  au 
nombre  des  réviseurs,  la  haine  qu'on  porte  aux  Lameth, 
dont  il  est  l'organe,  aurait  toujours  eu  son  effet.  Si,  d'un 
côté,  il  est  résulté  de  l'esprit  de  méfiance  que  le  parti 
des  démagogues  outrés  a  montré  dans  cette  circons- 
tance des  moments  orageux  et  des  disputes  scanda- 
leuses, ces  démissions  ont  fourni  à  Barnave  l'occasion 
de  développer  une  énergie  et  une  force  que  jusqu'ici  il 
avait  peu  montrée. 

Indifférent  à  tous  les  partis,  ne  jugeant  que  d'après 
mes  réflexions,  je  suis  intimement  convaincu  que  le  rap- 
port qu'on  a  fait  du  décret  pour  ne  nommer  les  députés 
que  dans  les  départe  mens,  celui  de  ne  pouvoir  entrer 
dans  le  ministère  qu'après  deux  ans,  ôtant  beaucoup  de 
force  au  pouvoir  exécutif*,  entretiennent  entre  les  deux 
pouvoirs  une  division  nuisible,  priveront  le  corps  légis- 
latif de  beaucoup  de  gens  à  talens  qui  eussent  considéré 
ce  poste  comme  le  moyen  de  parvenir  aux  premiers 
emplois  et  qu'à  force  de  craindre  la  corruption,  qui  sera 
toujours  inévitable,  on  entretiendra  une  antipathie  telle 
entre  les  deux  pouvoirs  que  difficilement  la  machine 
pourra  marcher,  ce  qui  forcera  à  revenir  à  une  Conven- 
tion, objet  des  désirs  de  Brissot  et  de  ses  échos,  parce 
que,  sûrs  que  le  corps  législatif  prendra  le  dessus,  que 
le  pouvoir  exécutif  sera  avili,  il  n'y  aura  qu'un  pas  à 
faire  pour  le  sistème  favori  du  républicanisme.  Alors 
tous  les  ambitieux  auront  beau  jeu,  ils  pourront  intri- 


1.  Sur  la  motion  de  Buzot,  avec  défense  d'accepler  des  pensions, 
traitements  ou  emplois  pendant  le  même  laps  de  temps. 


—  96  — 

guer,  ruiner  à  Taise,  grossir  et  s'agrandir  dans  le 
mouvement  comme  les  insectes  dans  la  corruption. 
Mais  quel  gouvernement  pour  une  nation  aussi  popu- 
leuse et  où  les  vertus  austères  des  anciennes  républi- 
ques seront  éloignées,  d*une  nation  vieillie  et  qui  ne 
peut  être  de  si  tôt  rajeunie  dans  ses  mœurs  !  Vous  verrez 
reparaître  la  même  chaleur  sur  les  conventions  lorsque 
cet  article  sera  agité.  On  entraînera  encore  l'assemblée 
à  en  marquer  le  terme  prochain,  toujours  dans  les  mêmes 
vues  de  Brissot  et  de  son  parti.  Si,  en  effet,  on  ne  met 
pas  plus  d'équilibre  dans  ce  qui  reste  à  terminer,  je  serai 
le  premier  à  voter  pour  un  terme  prochain,  tant  il  serait 
difficile  que  la  machine  prit  son  mouvement  au  milieu 
des  frottemens  dont  on  Ta  embarrassée. 

Cette  matière,  par  ses  abstractions,  est  difficile  à 
saisir,  mais  quand  on  y  réfléchira,  on  verra  que  réelle- 
ment on  ne  donne  pas  assez  de  force  au  pouvoir  exécutif 
et  trop  de  raideur  au  pouvoir  législatif.  On  avilit  trop  la 
dignité  suprême  du  chef  de  la  nation,  lorsqu'il  fallait  la 
relever  surtout  d'après  l'avilissement  où  des  conseils 
perfides  venaient  de  la  plonger.  Il  n'y  aura  que  faiblesse, 
que  doute,  qu'incertitude  dans  les  ministres,  point 
d'unité  d'action,  point  de  vigueur,  dès  lors  partout  les 
opérations  seront  entravées,  les  administrateurs  ne  se 
contraindront  pas  dans  les  bornes  de  leurs  pouvoirs; 
les  cloubs  de  leur  côté,  enhardis  par  la  faiblesse,  conti- 
nueront sans  mission,  sans  droit,  sans  titre,  d'influencer 
les  administrations,  les  tribunaux,  peut-être  même  le 
corps  législatif,  et  alors  ce  ne  sera  plus  un  gouverne- 
ment un  et  indivisible,  mais  une  anarchie  de  sections 
diverses.  Déjà  l'expérience  ne  le  prouve  que  trop,  puis- 
que un  cloub  de  Gray ,  en  Franche-Comté,  vient  d'arrêter 
le  départ  d'un  régiment  d'après  les  ordres  du  Ministre 
et  contre  la  demande  d'un  commandant  que  la  Consti- 
tution rend  responsable  et  qui  ne  peut  porter  les  troupes 
où  la  sûreté  de  son  commandement  l'exige. 


—  97  — 

CCXLIV 

Paris,  17  août. 

J'ai  été  rassuré,  mon  ami,  par  votre  avant-dernière 
lettre,  lorsque  j'ai  vu  que  vous  ne  me  parliez  plus  de  la 
suite  du  projet  qui  avait  occupé  les  esprits.  Je  vois  avec 
plaisir  que  nos  concitoyens  savent  se  modérer  :  rien  ne 
peut  leur  faire  plus  d'honneur  et  faire  augurer  de  leurs 
progrès  dans  l'esprit  public  et  les  principes  de  la  vraie 
liberté.  Il  serait  à  désirer  qu'on  pensât  de  même  dans 
toutes  les  provinces.  Je  crains  bien  que  les  griefs  qu'on 
articule  journellement  contre  les  prêtres  ne  portent 
l'Assemblée  à  de  nouvelles  mesures  de  rigueur  qui  ne 
peuvent  donner  au  clergé  qu'un  air  favorable  de  persé- 
cution, lorsque  le  seul  moyen  serait  de  ne  pas  s'aperce- 
voir d'eux,  tant  qu'ils  ne  se  portent  pas  à  des  actes  trop 
publics  et  à  livrer  aux  tribunaux,  comme  perturbateurs, 
ceux  qui  se  permettent  des  actes  extérieurs  répréhen- 
sibles.  Tout  autre  mesure  sera  imprudente  et  n'aura  que 
les  phis  mauvais  effets.  Ce  sera  comme  pour  le  serment, 
que  je  pense  comme  vous  avoir  été  très  impolitique. 

Je  ne  pense  pas  qu'il  faille  être  totalement  tranquille 
sur  quelques  mouvemens  hostiles  de  la  part  de  l'Autriche 
et  de  la  Prusse.  Les  dernières  nouvelles  annoncent  quel- 
ques projets,  mais  qui  ne  pourront  toujours  se  réaliser 
avant  la  fin  de  notre  constitution.  On  a  fini  ce  matin  les 
articles  imprimés,  il  reste  quelques  articles  additionnels 
sur  les  Municipalités,  la  Convention,  quelques  autres 
ajoui-nés  :  le  comité  a  promis  de  les  rapporter  pour  ven- 
dredy  ou  samedy  ;  viendra  ensuite  celui  pour  la  présen- 
tation au  Roy,  mais  au  moins  notre  mission  pourra  être 
terminée  lundy  ou  mardy  au  plus  tard.  Quant  à  la  Cons- 
titution, en  vous  attendant,  nous  ferons  les  articles  de 
détail  les  plus  pressans  et  puis  vous  viendrez  nous  rem- 
placer et  il  est  bien  tems  que  nous  cédions  la  place  :  nous 
sommes  usés,  vous  serez  tous  frais;  vous  en  vaudrez 

7 


—  98  — 

bien  mieux  pour  montrer  l'énergie  et  le  courage  néces- 
saires, si  les  circonstances  deviennent  difficiles.  Nous 
en  avons  eu  notre  part,  vous  trouverez  comme  nous 
dans  Topinion  publique,  dans  le  courage  de  la  nation, 
des  moyens  de  résistance. 

Le  Ministre  de  la  guerre  travaille  de  toutes  ses  forces 
à  nous  mettre  en  état  de  défense  sur  toutes  les  fron- 
tières. 

Quant  au  Roy,  on  prendra  les  précautions  en  levant 
sa  garde  pour  qu'il  ne  puisse  non  plus  abuser  de  sa 
liberté.  On  assure  qu'il  ne  quittera  pas  Paris,  qu'il  Ta 
déjà  annoncé  ;  on  le  suivra  de  près  au  demeurant  et 
moins  que  jamais  il  trouverait  le  moyen  de  s'évader. 

Je  vous  félicite  de  votre  expédition  des  patentes  ;  accé- 
lérez les  impôts,  car  nous  sommes  toujours  forcés  de 
remplacer  et  il  est  tems  qu'on  ne  prenne  plus  sur  la 
caisse  de  l'extraordinaire  pour  les  remboursemens. 
Vale. 

Je  vous  prie  de  dire  à  M.  Grosse  que  j'ai  reçu  ses 
pièces.  Je  verrai  demain  le  bureau  de  liquidation  et  le 
tems  où  le  remboursement  pourra  avoir  lieu.  On  ne  peut 
y  aller  que  chacun  à  son  tour  et  je  serais  bien  satisfait 
si  je  pouvais  espérer  le  remboursement  avant  mon 
départ.  Je  crains  bien  qu'il  ne  soit  différé  à  un  temps 
plus  éloigné. 

CGXLV 

Paris,  22  aoust. 

J'étais  bien  persuadé,  mon  ami,  que  vous  aviez  fait 
tous  vos  efforts  pour  prévenir  la  violence  qu'on  a  exercée 
contre  M.  de  Gheverus  et  je  n'en  gémissais  que  davan- 
tage sur  l'inutilité  de  vos  soins  et  de  vos  représenta- 
tions dans  un  tems  où  il  faut  enfin  que  Tordre  et  la  loi 
régnent,  à  peine  de  voir  la  Gonstitution  anéantie.  L'As- 
semblée n'a  plus  aujourd'hui  le  tems  nécessaire  pour 
redonner   au   pouvoir   exécutif  la   force  suffisante  de 


—  99  — 

répression  de  ces  mouvemens  partiels.  Ce  sera  Tobjet 
de  première  force  de  la  nouvelle  législature  et  les  députés 
témoins  de  toutes  ces  infractions  sentiront  mieux  que 
nous  encore  combien  il  importe  que  l'autorité  des  corps 
constitués  soit  maintenue  et  respectée  ;  que  des  volontés 
partielles  ne  s'élèvent  plus  au-dessus  de  la  loi,  que  ses 
formes  soient  suivies,  lorsque  des  citoyens  auront  des 
demandes,  des  plaintes  à  former,  mais  que  la  force,  en 
aucun  cas,  ne  peut  prendre  la  place  des  représentations  ; 
que  c'est  le  moyen  d'assurer  à  tous  la  tranquillité,  le  tra- 
vail, les  ressources  dans  le  commerce  et  l'industrie. 
Avec  un  ordre  de  choses  contraire,  on  rompt  tous  les 
liens  sociaux  et  bientôt  le  despotisme  reparaîtrait.  J'es- 
père que  vos  collègues,  dans  l'absence  que  vont,  faire 
les  électeurs,  prendront  toutes  les  précautions  pour 
prévenir  de  nouveaux  désordres  et  que  vos  soins  pour 
éclairer  nos  concitoyens  sur  leurs  vrais  intérêts  auront 
contribué,  autant  que  les  moyens  de  sûreté,  à  rétablir 
la  tranquillité. 

Actuellement,  mon  ami,  occupez-vous  de  bons  choix 
pour  la  prochaine  législature.  On  redoute  ces  choix,  on 
a  les  plus  grandes  craintes  qu'il  ne  porte  sur  les  esprits 
les  plus  exaltés,  qu'ils  ne  veuillent  de  nouveau  renverser 
l'édifice  de  la  Constitution.  Je  ne  partage  pas  ces  craintes, 
j'espère  au  contraire  que,  n'ayant  plus  heureusement  à 
compromettre  leur  popularité  par  aucune  destruction, 
contens  de  n'avoir  plus  que  des  opérations  utiles  et 
agréables  à  faire,  ils  s'appliqueront  à  achever  l'édifice 
dont  les  bases  sont  posées,  à  lui  donner  dans  les  détails 
la  force,  l'union  des  parties  que  le  tems  ne  nous  a  pas 
permis  d'y  mettre  et  que,  par  la  marche  concordante 
avec  le  pouvoir  exécutif,  la  nation,  paisible  dans  l'inté- 
rieur par  le  respect  pour  la  loi,  reprendra  au  dehors  sa 
consistance  et  sa  considération  extérieure. 

J'ai  vu,  mon  ami,  par  l'effet  d'une  forte  intrigue,  le 
moment  où  le  remboursement  de  nos  ofiices  allait  rece- 
voir la  question  préalable  proposée  par  M.  Merlin.  Je 


55017 


—  100  — 

me  suis  remué  pour  prévenir  le  coup,  en  demandant  et 
faisant  soutenir  le  renvoi  à  la  prochaine  législature  et 
cela  a  été  prononcé.  Nous  avions  un  si  faible  rapporteur 
qu'il  a  plutôt  nui  à  son  projet  de  décret  qu'il  ne  Ta 
défendu. 

Ce  matin  nous  reprenons  les  articles  constitutionnels 
ajournés  ou  renvoyés  au  comité.  Je  les  joins.  On  assure 
que  le  Roy  ne  quittera  pas  Paris,  qu'il  acceptera.  Aussi 
cette  semaine  doit  voir  terminer  cette  grande  opération. 
On  redouble  de  soin  et  de  vigilence  pour  prévenir  toute 
attaque  particulière,  seul  obstacle  qu'on  puisse  apporter 
à  l'achèvement  de  l'ouvrage. 

Adieu,  bon  voyage,  faites  de  bons  choix  :  j'espère 
apprendre  de  vous  votre  élection.  Vale. 

CGXLVI 

31aoust91. 

M.  de  Soulgé,  mon  ami,  vous  remettra  les  journaux 
des  Débats  que  je  lui  ai  adressés. 

J'attends  avec  impatience  le  courrier  de  vendredy 
pour  connaître  les  cinq  autres  députés  de  notre  départe- 
ment ^  Je  ne  sais  trop  si,  ne  consultant  que  votre  intérêt, 
je  dois  désirer  de  vous  y  trouver.  La  mission  ne  sera 
pas  encore  de  cette  fois  très  agréable  et  le  tems  pourra 
ne  faire  trouver  peut-être  que  trop  de  motifs  de  se 
consoler  de  n'être  pas  élu.  Si  cependant  les  députés 
ressemblent  à  ceux  de  plusieurs  départemens  dont  déjà 
la  nomination  est  connue,  il  y  a  tout  lieu  de  croire, 
d'après  l'idée  qu'on  nous  en  a  donnée,  qu'ils  auront  et  la^ 
fermeté  convenable  pour  faire  marcher  le  gouvernement 
et  la  modération  nécessaire  pour  rassurer  les  esprits.  Je 
le  désire  bien  et  il  y   faudra  la  plus  grande  circons- 

1.  Les  électeurs  de  la  Mayenne,  réunis  le  25  août,  avaient  élu 
députés  MM.  Dalibourg,  de  Sainte-Suzanne,  Bissy  le  jeune,  juge  à 
Mayenne,  Paigis,  électeur  de  Grez-en-Bouère,  pour  les  premiers 
députés. 


—  101  — 

pection  de  la  part  de  la  nouvelle  législature,  car  les 
républicains  prennent  malheureusement  un  grand  ascen- 
dant dans  beaucoup  de  pai*ties  de  Tempire,  et  si  leur 
opinion  est  malheureusement  partagée  par  la  nouvelle 
législature,  si  elle  ne  donne  pas  aux  administrateurs, 
ministres  ou  autres,  la  force  nécessaire  pour  faire  res- 
pecter leurs  actes,  c'en  est  fait  ;  il  n'y  a  plus  ni  tranqui- 
lité,  ni  loix,  ni  gouvernement.  Le  pouvoir  le  plus  arbi- 
traire se  trouvera  réparti  sur  tous  les  points  de  l'Etat 
divisé  en  mille  sociétés  partielles  qui  régiront  l'empire, 
subjugueront  tous  les  pouvoirs,  le  corps  législatif  même. 
Voilà  où  tend  Brissot  et  ses  adhérens  nombreux  qui  ne 
veulent  que  détruire  les  autorités  déléguées  et  amener 
ainsi  la  dissolution  de  l'État. 

11  parait,  mon  ami,  que  vous  trouverez,  à  votre  retour 
à  Mayenne,  beaucoup  de  fermentation.  Je  compte  sur 
votre  prudence,  sur  vos  efforts,  sur  la  réunion  de  tous 
les  bons  esprits  pour  prévenir  tout  trouble. 

Monsieur  votre  frère  part  aujourd'hui  :  il  a  reçu  hier 
son  remboursement;  ainsi  il  n'aura  pas  perdu  son  tems, 
ny  de  momens  pour  quitter  ce  pays-cy.  Il  s'est  laissé 
préoccuper  l'âme  de  terreurs,  de  frayeurs  paniques.  Il 
voit  tout  en  noir,  parce  qu'il  parait  avoir  beaucoup  plus 
écouté  de  mécontens  que  d'autres.  Le  nombre,  à  la 
vérité,  en  est  assez  grand  icy,  mais  il  y  a  toujours  une 
forte  majorité  pour  le  bien  et  le  maintien  de  la  consti- 
tution. 

Voulez- vous  bien  dire  à  M.  Le  Forestier  que  j'ai  vu 
hier  M.  de  La  Fayette,  qui  m'a  assuré  ne  pas  perdre  de 
vue  l'objet  de  la  demande  renfermée  dans  le  paquet  que 
je  lui  avais  remis.  Il  n'a  pas  eu  encore  assez  de  tems 
pour  pouvoir  répondre. 

Adieu,  mon  ami;  si  vous  n'êtes  pas  nommé,  je  crois 
que  vous  pourrez  vous  en  consoler.  Nous  aurons  le  plaisir 
de  nous  revoir  et  de  causer  plus  à  l'aise  et  de  tâcher  de 
coopérer  ensemble  à  la  tranquillité  de  notre  ville  et  au 
bonheur  de  nos  concitoyens,  si  enfin  ils  veulent  être 


—  102  — 

sages  et  profiter  de  ces  avantages  de  la  Constitution  par 
leur  plus  grande  soumission  à  ce  qu'elle  prescrit.  Vale. 

GGXLVII 

2  septembre  1791. 

Je  m'étais  trop  pressé,  mon  ami,  de  vous  montrer  le 
revers  de  la  médaille  par  ma  dernière.  J'apprends  votre 
nomination  sur  laquelle  je  ne  comptais  plus,  persuadé 
que  la  nomination  se  ferait  par  district,  Mayenne  après 
la  part  de  Laval  ^  J'en  suis  bien  aise,  puisque  cela  vous 
procure  votre  nomination.  Dépêchez-vous  de  venir  nous 
relever.  Nous  vous  verrons  arriver  avec  un  grand 
plaisir.  Si  vous  voulez  même,  j'espère  que  nous  pour- 
rons vous  céder  notre  logement  qui  est  très  commode, 
très  agréable,  par  sa  proximité  de  l'Assemblée.  Cepen- 
dant, si  nous  y  avons  été  deux,  c'était  un  peu  la  diffi- 
culté de  trouver  où  me  loger  mieux  ailleurs.  Au  fond 
l'appartement  n'est  bon  que  pour  un.  Il  coûte  GO-H-  et 
G-H-  pour  la  domestique  et  pour  la  portière  par  mois.  Il 
est  au  premier,  dans  une  maison  sûre  et  tranquille.  Nous 
aurions  bien  gagné  à  nous  y  loger  dès  notre  arrivée  à 
Paris.  Si  cela  vous  convient,  j'en  parlerai  à  nos  demoi- 
selles qui,  je  crois  bien,  à  notre  sollicitation,  pourront 
se  résoudre  à  continuer  de  donner  leur  logement.  Ce 
sont  deux  demoiselles  d'une  société  très  douce  qui  ne 
vous  gêneront  en  rien.  On  est  libre  d'aller  et  venir 
quand  on  veut,  quelques  mots  en  passant  tiennent  lieu 
de  visite  et  on  n'est  pas  assujeti  à  des  conversations 
longues  qui  peuvent  gêner  quand  on  est  tenu  à  des 
heures  fixes  et  à  un  travail  réglé. 

Nous  n'avons  pu  terminer  ce  matin  encore  la  Consti- 
tution. A  la  lecture  du  dernier  article  nous  avons  été 
accrochés  jusqu'à  4  heures,  uniquement  sur  la  rédac- 

1.  Les  autres  députi^s  élus  étaient  :  Grosse-Durocher,  de  Lassay, 
Dupont-Grandjardin,  maire  de  Mayenne,  Esnue-Lavallée,  de  Craon» 
Chevalier-Malibert,  de  Mayenne,  et  Richard  de  Villiers,  d'Ernée. 


—  103  — 

tion,  car  on  était  d'accord  sur  le  fond.  Il  a  fallu  renvoyer 
à  demain,  pour  laisser  le  comité  à  portée  de  présenter 
une  rédaction  convenable  ;  vous  en  jugerez  sur  le  Journal 
des  Débais, 

Cela  ne  retardera  pas  l'expédition  à  faire  de  l'acte 
constitutionnel.  On  a  dû  y  travailler  aussitôt  après  la 
séance.  J'espère  dès  lors  que  lundy  on  la  pourra  pré- 
senter au  Roy  qui,  dit-on,  ne  tardera  pas  à  l'accepter  et 
à  indiquer  le  jour  où  il  en  jurera  l'exécution.  Si  vous 
êtes  curieux  d'en  voir  la  cérémonie,  il  faudra  vous 
apprêter  le  plus  tôt  possible.  Il  eût  été  à  désirer  qu'on 
eût  pu  attendre  l'arrivée  des  nouveaux  députés,  mais  je 
crois  qu'il  est  urgent  de  presser  ce  moment  pour  couper 
court  à  toutes  les  tentatives,  à  tous  les  complots  et 
mettre  un  terme  à  tous  les  mouvemens  révolutionnaires 
et  prévenir  les  prétendus  manifestes  dont  on  cherche 
toujours  à  effrayer  le  public. 

A  présent  ce  sera  à  mou  tour  de  vous  dire  :  faites  donc 
cecy,  pressez  donc  tel  objet.  Je  m'en  acquitterai  et 
j'aurai  l'expérience  qu'avec  la  meilleure  volonté,  on  ne 
peut  pas  toujours  faire  ce  qu'on  voudrait. 

CCXLVIII 

Paris,  7  septembre  91. 

Je  ne  fais  que  recevoir,  mon  ami,  votre  lettre  datée  du 
27  au  30  du  mois  dernier. 

J'ai  été  dans  ma  paroisse  dimanche  et  lundy,  ce  qui 
vous  a  empêché  de  recevoir  aujourd'hui  l'envoi  ordi- 
naire. Vous  aurez  déjà  sçu  que  la  Constitution  a  été  ter- 
minée samedy,  présentée  au  Roy  le  même  jour;  vous 
avez  sa  réponse  et  on  continue  d'assurer  que  vendredy 
ou  samedy  il  s'expliquera  délînitivemnt  pour  accepter.  Il 
ne  doit,  dit-on,  demander  que  la  suppression  des  diffé- 
rons sermens,  tant  pour  l'armée  que  pour  l'Eglise,  et  en 
cela  il  prouvera  mieux  que  de  toute  autre  manière  son 
désir  de  voir  la  fin  de  la  Révolution  devenir  celle  de 


—  104  — 

tous  les  troubles  et  sa  ferme  volonté  de  rétablir  la  paix 
et  Tordre  dans  le  royaume  et  d'affermir  ainsi  la  Consti- 
tution. 

Je  vous  ai  devancé,  mon  ami,  pour  notre  logement. 
J'attends  votre  réponse  sur  le  prix  qui  pourra  être  réduit 
kGOH-  au  total,  si  vous  êtes  seul,  parce  que  nos  demoi- 
selles pourraient  reprendre  un  petit  cabinet  qui  ne  vous 
serait  pas  utile  étant  seul.  Vous  ne  pourrez  trouver  de 
logement  aussi  commode  et  aussi  sûr  nulle  part,  à  moins 
de  72#.  Ainsi  aussitôt  que  j'aurai  votre  réponse  j'arrê- 
terai avec  ces  demoiselles. 

Il  est  nécessaire  que  vous  arriviez  du  20  au  25  au 
plus  tard  :  la  fin  de  notre  session  paraît  décidément  fixée 
à  ce  terme,  pour  être  libres  au  l«r  octobre  au  plus  tard. 

Vous  verrez  dans  VAmi  des  Patriotes  que  je  joins  les 
principales  dispositions  nécessaires  aux  membres  de  la 
nouvelle  législature.  Je  suis  très  convaincu  que  de  leur 
patriotisme,  de  leur  fermeté  à  maintenir  la  constitution, 
à  soutenir  les  autorités  déléguées,  à  arrêter  la  trop 
grande  autorité  des  clubs,  dépend  le  bonheur  de  la 
France.  S'ils  se  laissent  subjuguer  par  les  idées  exa- 
gérées de  tous  les  gens  gagés  et  soldés  pour  répandre 
Tanarchie,  il  n'est  plus  de  paix  pour  personne,  il  n'y  a 
plus  de  société  et  ce  bel  empire  ne  peut  tarder  à  périr 
de  toutes  les  innovations,  les  dénonciations,  les  troubles 
que  répandent  les  républicains.  Ils  ont  besoin  d'un  tel 
état  de  subversion  pour  se  rendre  redoutables,  pour  se 
nourrir  au  milieu  des  troubles  et  y  faire  leurs  affaires. 
Ils  ont  partout  des  trompettes,  des  échos,  qui  répètent 
de  tous  côtés  qu'il  ne  faut  qu'un  seul  pouvoir.  C'est  en 
effet  le  plus  sûr  moyen  que  bientôt  il  n'y  en  ait  aucun 
qui  pût  réprimer  et  d'assurer  à  la  seule  force  individuelle 
les  moyens  d'envahir,  de  prendre  partout  ce  qui  lui 
conviendrait,  de  forcer  par  l'anarchie  et  le  trouble  le 
peuple  et  la  nation,  à  faire  comme  les  Danois,  à  deman- 
der à  un  guerrier  de  prendre  l'empire  et  de  réprimer 
comme  il  l'entendrait  ceux  qui  voudraient  substituer  leur 


—  105  — 

volonté  à  la  loi.  D'après  les  diiTérens  rapports  de  nos 
collègues,  il  parait  qu'il  pourra  y  avoir  une  majorité  de 
gens  sages  attachés  à  la  Constitution  qui,  comme  celle 
de  rassemblée  actuelle,  sans  être  d'aucun  parti,  mais 
fidèle  à  n'écouter  que  la  raison,  à  rejeter  tout  ce  qui 
n'est  que  spécieux  et  métaphysique,  n'a  écouté  que  ce 
qui  convient  à  une  nation  corrompue  et  qu'on  ne  peut 
espérer  de  rappeler  à  des  mœurs  que  parle  temps  et  par 
les  institutions  les  plus  sages. 

J'espère  que  vos  collègues,  au  moins  le  plus  grand 
nombre,  se  rangeront  de  ce  parti  et  laisseront  ceux  qui 
voudront  s'égarer  donner  dans  toutes  les  exagérations 
que  leur  peu  d'études  leur  feront  trouver  superbes,  mais 
des  gens  instruits  et  expérimentés  se  garderont  bien  de 
tomber  dans  de  pareils  systèmes,  que  l'esprit  et  l'imagi- 
nation peuvent  enfanter  sans  obstacle,  mais  que  l'expé- 
rience journalière  repousse.  C'est  ainsi  qu'on  a  égaré 
cette  majorité  sur  les  colonies  et  qu'on  finirait,  par  ces 
grandes  et  faciles  idées  d'égalité  et  de  liberté,  d'égarer 
et  de  perdre  le  reste  de  cet  empire. 

Les  enfants  ne  font  rien  dans  les  collèges  depuis  deux 
ans  :  je  vais  remmener  le  mien  et  l'envoyer,  ou  à  la 
Flèche,  ou  à  Chàteaugontier.  Je  crois  bien  que  l'ordre 
aussi  pourra  se  rétablir  dans  les  collèges,  mais  il  faudra 
avant  un  bon  plan  d'éducation.  Il  va  paraître  aujour- 
d'huy  ou  demain  ;  dans  la  crainte  quel  es  premiers  essais 
ne  soient  pas  heureux,  j'aime  autant  remmener  mon  fils 
dans  des  villes  où  il  aura  moins  d'objets  de  distrac- 
tion. Je  ne  changerai  de  dessein  qu'autant  que  je  verrai 
Tordre  et  la  subordination  bien  rétablies  et  un  plan  bien 
conçu  et  facile  suivre  et  à  faire  exécuter. 

Adieu,  mon  ami  ;  faites  promptement  vos  préparatifs 
pour  partir.  Je  me  chargerai  avec  plaisir  de  suivre  pour 
vous  ce  dont  vous  êtes  chargé  à  Mayenne,  dans  les 
différens  objets  qui  vous  intéressent.  Comptez  sur  moi 
comme  je  me  suis  reposé  sur  vous.  Vale. 


106 


CGXLIX 

Paris,  13  septembre. 

La  constitution  est  acceptée  du  Roy,  mon  ami,  sans 
aucune  restriction.  Vous  ressentirez,  à  la  lecture  de  sa 
lettre,  le  même  plaisir  qu'elle  a  fait  à  F  Assemblée.  Elle 
y  a  été  applaudie  avec  le  plus  vif  enthousiasme  et  demain 
il  vient  en  jurer  Texécution. 

Cet  heureux  événement  assure  votre  prochain  départ 
et  vous  obligera  à  vous  rendre  plus  tôt  que  le  18  octo- 
bre, car  sûrement  on  finira  au  plus  tard  avec  le  mois  et 
les  députés  arrivent  journellement.  En  général,  les  nomi- 
nations, de  Taveu  des  bons  citoyens,  de  ceux  qui  ne 
prennent  pas  l'exagération,  si  naturelle  aux  petits  esprits, 
pour  le  vrai  patriotisme  sont  bonnes  et  vous  aurez  une 
forte  législature.  On  parle  de  M.  Ducastel,  de  Rouen  *, 
comme  un  homme  d'un  mérite  égal  à  Thouret  et  d'une 
repartie  aussi  vive  que  Mirabeau.  Pour  un  abbé  Fauchet  *, 
un  Brissot,  il  se  trouvera  cinquante  bonnes  têtes  bien 
organisées  en  état  de  pulvériser  toutes  ces  omelettes 
soufflées. 

Vous  serez  payé  et  de  votre  voyage  et,  aux  premiers 
jours  du  mois,  du  mois  qui  finit  :  ainsi  il  ne  vous  faut  pas 
quinze  louis  pour  les  premières  avances  indispensables. 
Tout  ce  qui  vous  sera  nécessaire  pour  n'avoir  pas  à 
échanger,  à  porter  du  papier,  sera  d'avoir  quelque  argent 
monnoyé  pour  différens  petits  besoins  qu'on  ne  peut 
remplir  avec  du  papier. 

1.  Ducastel  (J.-B. -Louis),  célèbre  avocat  de  Rouen,  ne  semble  pas 
avoir  eu  la  notoriété  que  lui  prédit  Maupctit.  Il  parait  s'être 
occupé  surtout  du  travail  des  comités. 

2.  Fauchet  (Claude),  né  à  Bornes  (Nièvre)  en  1744,  grand  vicaire 
de  Bourges  et  prédicateur  du  Roi.  Ayant  été  rayé  de  la  liste,  il 
se  tourna  vers  le  peuple  et  devint  un  de  ses  libellistes.  Evéque 
constitutionnel  du  Calvados,  député  à  l'Assemblée  Législative, 
puis  à  la  Convention,  guillotiné  le  31  octobre  1793  comme  appar- 
tenant au  parti  Girondin. 


—  107  — 

D'après  votre  dernière  j'avais  retenu  votre  logement 
icy  et  je  vous  en  félicite.  Il  vous  coûtera  bO-H-  par  mois, 
étant  seul,  au  moyen  que  ces  dames  retiennent  un  petit 
cabinet  qui  vous  sera  inutile,  parce  que  vous  aurez  celui 
où  je  couche,  où  mettre  vos  papiers,  votre  linge  sale. 
Vous  ne  trouveriez  qu'un  grenier  pour  24  ou  SO-H-  par 
par  mois,  et  il  n'est  pas  décent  qu'un  député  soit  si  mal 
logé  lorsqu'il  est  convenablement  payé.  Vous  ne  trou- 
verez pas  de  logement  plus  commode,  à  meilleur  compte 
et  plus  à  proximité,  et,  ce  que  j'en  considère,  plus 
décent  ni  plus  sûr.  Vous  n'avez  qu'un  pas  pour  vous 
rendre  à  la  salle,  aux  comités.  Vous  serez  nécessaire- 
ment d'un  comité.  Cela  donne  des  relations,  occasionne 
des  visites.  Il  faut  donc  être  décemment  logé. 

Mon  fils  m'assure  qu'on  ne  reçoit  plus  de  pension- 
naires à  Louis-le-Grand.  Vous  pourrez  alors  le  mettre 
à  Navarre,  où  la  pension  est  moins  chère  qu'au  premier 
et  où  les  enfans  sont  mieux  suivis,  mieux  nourris  et 
mieux  surveillés  encore.  La  pension  est  je  crois  de 
550#;  au  surplus,  ou  Madame  d'Hercé,  ou  M.  du  Mery, 
pourront  vous  le  dire. 

On  va  probablement  adapter  aux  collèges  de  Paris  le 
plan  nouveau  d'éducation  proposé  par  M.  l'ancien  évé- 
que  d'Autun  et  on  dit  que,  pour  ménager  le  moyen  de 
disposer  ces  collèges,  la  rentrée  n'aura  lieu  qu'à  la 
Toussaint.  Jusqu'à  ce  moment  vous  aurez  la  facilité 
d'avoir  votre  fils  avec  vous.  Il  coucherait  dans  le  petit 
cabinet  que  j'occupe.  Vous  pourrez  même  vous  informer 
de  pensions.  Je  n'ai  pas  eu  occasion  d'en  connaître,  ni 
de  les  apprécier.  Il  y  en  a  plusieurs  à  Paris,  où  on  suit 
déjà  à  peu  près  le  plan  d'éducation  proposé.  Tout  ce  que 
j'en  sçais,  c'est  qu'elles  sont  fort  chères.  La  Lande  a 
mis  son  fils  dans  une  de  ce  genre,  où  il  perd  l.OOO-H- 
à  1.200#  par  an  que  lui  coulte  cette  pension. 

Aux  termes  du  décret,  il  ne  vous  faut  qu'extrait  du 
procès-verbal  de  votre  élection.  Encore  le  président  a-t-il 
dû  l'envoyer  pour  tous.  Mais  il  est  bon  d'avoir  son 


—  108  — 

extrait  particulier  au  besoin.  Autrement  on  dépend  du 
premier  nommé  qui  en  est  porteur.  Je  ne  vois  pas  qu'on 
puisse  vous  demander  votre  contribution,  aujourd'hui 
surtout,  on  y  regarderait  moins  qu'avant  le  décret  de 
suppression  du  marc  d'argent. 

M.  de  Noailles  a  cherché  à  jnter  Talarme  assez  mal  à 
propos.  On  peut  dire  de  M.  Duportail  que  c'est  un 
homme  de  peu  d'esprit,  mais  on  ne  peut  suspecter  son 
patriotisme.  Ce  n'est  pas  lui  qui  a  fait  les  fusils,  ceux 
qu'on  a  distribués  dans  l'intérieur  sont  des  fusils  faits  il 
y  a  dix  ou  quinze  ans,  il  n'a  pu  les  donner  que  comme 
les  ont  fournis  les  magasins  où  ils  étaient.  Ils  se  sentent 
nécessairement  du  vice  de  l'ancien  régime. 

Si  vous  voulez  pour  la  majorité  être  sages  et  modérés, 
avoir  de  la  vigueur  pour  faire  exécuter  les  lois,  res- 
pecter les  autorités  constituées,  votre  législature  pourra 
être  aussi  agréable  que  la  nôtre  a  été  difficile  et  orageuse. 
Vous  n'avez  point  d'opposition  trop  forte  à  redouter,  le 
nombre  des  exagérés  sera  petit  et,  si  vous  m'en  croyez, 
vous  ne  suivrez  aucun  cloub  ;  on  est  plus  libre  dans  son 
opinion  et  au  surplus,  aujourd'hui  que  la  Constitution  est 
faite,  il  n'en  faudrait  plus  nulle  part  :  l'ordre  serait  plus 
promptement  et  plus  invariablement  rétabli. 

J'aurais  bien  autant  aimé  que  ce  fut  la  seconde  légis- 
lature qui  se  fût  emparée  d'Avignon.  Mais  l'empres- 
sement que  mettent  les  députés  de  Provence  et  de 
Languedoc  à  faire  prononcer  sur  cette  affaire  me  fait 
bien  craindre  que  la  législature  actuelle  ne  prenne  sur 
elle  cette  démarche  impolitique  K 

Je  n'ai  pu  rejoindre  encore  M.  de  La  Fayette  :  il  vient 
bien  quelquefois  faire  une  apparition  à  l'Assemblée, 
mais  il  est  toujours  si  occupé,  si  interrompu,  qu'il  faut 
être  bien  preste  pour  le  saisir  et,  enfermé  dans  mon 
banc,  je  ne  le  quitte  guère  du  moment  que  je  suis  en 
séance.  Je  vous  serai  obligé  de  dire  à  M.  Le  Forestier 

1.  Décret  du  14  septembre  déclarant  qu'Avignon  et  le  Comtat 
Venaissin  font  partie  de  l'Empire  français. 


—  109  — 

que  je  tâcherai  de  le  voir  demain  chez  lui,  après  son 
diner. 

Du  14,  au  matin. 

On  rassemble  en  ce  moment  beaucoup  de  gardes 
nationales  pour  maintenir  la  tranquillité  dans  Paris 
aujourd'huy.  On  aurait  désiré  que  le  Roy  eût  pu  prêter 
son  serment  au  Champ  de  Mars,  mais  on  a  été  retenu 
par  la  crainte  de  quelque  tentative  contre  lui.  Je  crois 
bien  qu'il  ne  viendra  à  la  salle  que  par  les  Thuilleries. 

M.  de  La  Fayette  a  bien  proposé  hier  d'ouvrir  enfin 
les  barrières,  de  laisser  chacun  libre  de  circuler.  Il  en 
résulte  qu  il  ne  faudrait  plus  de  certificats,  mais,  pour 
éviter  toute  difficulté,  je  crois  qu'il  vaut  mieux  s'en 
munir. 

GCL 

Paris,  19  septembre  *. 

La  Constitution,  mon  ami,  a  été  publiée  hier  au 
Champ  de  Mars,  devant  l'Hôtel  de  Ville  et  à  la  Bastille, 
avec  la  plus  grande  pompe  et  au  milieu  d'une  foule 
immense  qui  s'est  portée  partout.  De  superbes  illumi- 
nations ont  terminé  ce  jour  de  réjouissance.  Le  Cours- 
la-Reine  présentait  un  spectacle  tel  qu'on  n'en  avait  pas 
vu  jusqu'ici,  dans  quatre  guirlandes  de  lampions  depuis 
la  place  Louis  XV  jusqu'à  l'Étoile. 

Le  Roy,  la  Reine,  le  prince  royal,  Mme  et  Mlle  Elisa- 
beth ont  passé  dans  la  seule  voiture  qui  ait  eu  permis- 
sion de  passer  au  milieu  des  citoyens.  Ils  ont  été  suivis 
des  plus  vives  acclamations.  Malgré  la  crainte  d'un  peu 
de  pluie,  la  fête  a  eu  lieu  complètement.  Tout  s'est  passé 
dans  le  plus  grand  ordre.  J'étais  peut-être  le  seul  qui, 
me  portant  bien,  fût  à  9  h.  1/2  dans  son  lit. 

Hier,  plus  de  350  députés  nouveaux  étaient  inscrits 

1.  Il  doit  manquer  une  lettre  au  moins.  Le  14  septembre,  le  roi 
était  venu  dans  l'Assemblée  signer  et  accepter  la  Constitution. 


—  110  — 

aux  archives.  Ainsi  vous  voyez  qu'ils  se  rendent  ponc- 
tuellement. 

Nous  comptons  toujours  finir  avec  la  présidence  de 
Thouret,  c'est-à-dire  dimanche  prochain.  Je  vois  cepen- 
dant encore  quelques  projets  de  décrets  urgents  et  je 
suis  persuadé  qu'il  faudra  aller  jusqu'au  dernier  du  mois 
pour  ne  rien  laisser  en  souffrance.  Vous  aurez  néces- 
sairement quelques  semaines  à  passer  pour  vérifier  les 
pouvoirs,  vous  distribuer  en  comités,  prendre  connais- 
sance des  objets  urgens,  ce  qui  fera  un  intervalle  impos- 
sible à  éviter. 

Pour  nous,  nous  ne  pourrons  aller  longtems  :  chacun, 
occupé  de  son  départ,  se  livre  aux  soins  qu'il  exige  et 
les  assemblées  sont  peu  nombreuses. 

Ce  matin,  je  suis  chargé  par  un  décret  spécial  de 
vous  avertir  que  la  fin  de  notre  séance  est  fixée  au 
30  septembre  et  de  vous  presser,  ainsy  que  vos  collègues, 
de  vous  rendre  à  Paris.  Chaque  député  est  obligé  de 
remplir  ce  devoir  :  je  m'en  acquitte  et  je  vous  prie  de  le 
dire  à  MM.  Bissy  et  Malibert. 

CCLI 

Paris,  24  septembre. 

J'espère,  mon  ami,  que  nous  allons  révoquer  ce  matin 
le  décret  du  15  mai  sur  les  colonies  ^  Je  partirai  très 
content  si  nous  y  parvenons,  comme  je  l'espère  ;  malgré 
les  grands  principes  de  liberté  générale  et  l'illusion 
qu'ils  présentent  à  nombre  de  bons  esprits  et  les  vues 
secrètes  de  l'Angleterre  pour  le  faire  maintenir,  l'argent 
qu'elle  vient  de  répandre,  il  n'y  en  avait  hier  que  pour 
les  aveugles.  Plusieurs  Anglais  étaient  dans  les  tribunes 
et  applaudissaient  de  toutes  leurs  forces  à  chaque  mot 

1.  Le  17  août,  rapport  sur  les  mouvements  causés  à  Saint-Do- 
mingue par  le  décret  sur  les  gens  de  couleur.  Le  21,  M.  de 
Blanchelande  informe  l'Assemblée  que  ce  décret  a  répandu  la  cons- 
ternation et  le  désespoir  parmi  les  colons  de  Saint-Domingue. 


— 111  — 

tendant  à  maintenir  le  décret.  Il  a  fallu  en  venir  à  un 
appel  nominal  pour  sçavoir  si  on  ajournerait  à  la  pro- 
chaine législature.  J'ai  pensé  qu'ayant  fait  le  mal,  c'était 
à  nous  à  le  réparer  et  toute  notre  députation  a  rejeté 
Tajournement.  J'espère  que  la  majorité  aura  été  pour  le 
rejet  de  l'ajournement.  Il  était  6  heures  et  tems  d'aller 
dîner.  Je  suis  sorti  après  mon  rang,  mais  la  majorité 
était  évidente  pour  rejeter. 

On  va  décréter  quelques  bases  sur  l'éducation  ^,  la 
répartition  de  secours  par  département.  Nous  en  aurons 
70.000^  cette  année  pour  le  nôtre.  Nous  eussions  bien 
désiré  pouvoir  en  indiquer  l'emploi  dans  la  navigation 
de  la  Mayenne,  mais  il  n'y  a  pas  assez  de  données  sûres 
pour  une  pareille  entreprise.  Il  faudra  bien  chercher 
quelque  emploi  utile  dans  nombre  de  chemins  vicinaux 
qu'il  importe  de  rendre  praticables  pour  les  communi- 
cations. 

CCLII 

26  septembre. 

Je  joins  ici,  mon  ami,  un  numéro  de  VAmi  des  Pa- 
triotes :  il  est  en  partie  pour  les  nouveaux  députés. 

Notre  décret  sur  les  colonies  met  à  mes  yeux  la  Patrie 
en  sûreté,  rallie  à  la  Constitution  et  nos  colonies  et  les 
places  maritimes.  Brissot,  qui  jette  feu  et  flamme,  nous 
menace  de  le  faire  révoquer  par  la  seconde  législature. 
Je  ris  de  ses  fanfaronnades  et  son  dépit.  Nous  avions  fait 
le  mal,  le  voilà  réparé  et  je  dois  dire  que  le  côté  droit 
s'est  supérieurement  montré,  car  il  a  tenu  pied  :  tandis 
que  beaucoup  du  côté  gauche  sont  sortis  après  l'appel 
nominal,  presqu'aucun  du  côté  droit  n'ont  quitté  et  ils 
ont  donné  la  grande  majorité  sur  le  fond  du  décret. 
L'appel  nominal  n'avait  eu  lieu  que  sur  l'amendement 
de  Fermond  ^.  Ce  décret  m'a  ôté  un  poids  énorme  qui 

1.  ReoToyé  à  la  législation  suivante  sur  la  proposition  de  Buzot. 

2.  Defermon  (Joseph),  né  en  1756,  avocat,  député  de  Rennes. 


—  112  — 

m^oppresdait.  Je  voyais  notre  département  ruiné  sans 
aucun  espoir  ^  et  je  m'en  vais  content.  Il  a  pensé  me 
faire  battre  de  joye.  Je  ne  désemparai  la  salle  qu'à 
6  heures,  depuis  9.  Je  mangeai  précipitamment,  nous 
voulions  boire  une  bouteille  de  vin  de  Soterne  en  réjouis- 
sance. Nous  causâmes  avec  la  pétulance  que  donne  un 
événement  de  ce  genre  et  l'opposition  qu'on  avait 
éprouvée  ;  à  9  heures,  la  tête  et  toute  la  terre  me  tour- 
naient, je  n'eus  que  le  tems  de  retrouver  mon  gîte  et  me 
coucher.  C'était  pis  que  certain  jour  d'un  dîner  chez 
M.  Le  Goué,  d'après  l'acquisition  du  champ  au  dessus 
de  son  jardin. 

Dimanche  dernier,  je  n'avais  pris  aucune  part  aux 
illuminations,  mais,  hier  au  soir,  j'ai  été  voir  celles  que 
le  Roy  a  fait  faire  aux  Thuilleries  et  aux  Champs-Elysées. 
On  vous  répétera  qu'il  est  impossible  de  rien  voir  de 
plus  beau. 

Soyez  assuré,  mon  ami,  de  la  sincérité  du  Roy  pour 
ce  motif  que  c'est  son  plus  cher  intérêt.  Il  a  la  preuve  et 
du  comité  des  rapports  et  par  l'empereur  que  le  projet 
des  princes  est  de  le  faire  déclarer  incapable  de  régner, 
d'établir  Monsieur  régent  du  royaume.  Voyez  que  toutes 
les  intrigues  ont  tendu  à  faire  affermir  la  Constitution. 

Il  fallait  au  moins  quinze  jours  pour  discuter  les  bases  du 
plan  de  M.  l'évêque  d'Autun;  après  une  discussion  d'une 
heure  et  demie,  la  lecture  des  55  articles  qu'il  proposait 
seulement  de  décréter,  on  a  ajourné  à  la  prochaine  légis- 
lature. On  recueillera  encore  des  renseignements. 

Une  grande  nation  doit  sçavoir  et  récompenser  et 
punir.  La  nation  française  vient  de  faire  voir  ce  senti- 
ment dans  les  deux  circonstances  du  21  juin  et  du 
28  septembre.  11  n'y  a  point  eu  de  fade  adulation.  Ce 
sont  les  républicains  qui  désiraient  qu'on  condamnât  le 
Roy,  qui  ont  écrit  qu'on  l'adorait  aujourd'huy.  C'est  tou- 
jours le  même  système  que  le  public,  plus  juste,  plus  en 

1.  En  raison  sans  doute  du  commerce  des  toiles  avec  les 
Antilles. 


—  113  — 

mesure^  a  rejeté.  Il  a  eu  la  contenance  fière  le  21  juin,  il 
a  eu  la  même  dignité  dans  sa  joie  dernièrement.  J'ai 
circulé  hier  depuis  5  heures  jusqu'à  10  h.  1/2  ;  j'ai  passé 
au  milieu  de  plus  de  600  mille  âmes  pendant  4  heures  et 
je  n'ai  pas  entendu  un  seul  mot  plus  haut  l'un  que  l'autre  ; 
le  plus  grand  ordre,  le  plus  grand  calme  régnait  partout. 
Ce  n'était  pas  cette  turbulence  ancienne,  mais  le  senti- 
ment d'une  jouissance  calme.  Les  gens  qui  voyent  tout 
en  noir  appellent  ce  spectacle  un  spectacle  morne.  Ils 
aimeraient  mieux  cette  gaieté  vive  et  pétulente  que  com- 
mandait l'ancien  régime  à  volonté.  L'homme  plus  inté- 
ressé au  bonheur  du  peuple  aime  mieux  l'attitude  que  je 
remarque  depuis  la  Révolution.  Vale. 

Il  n'y  aura  encore  aucun  comité  de  formé  à  votre 
arrivée  que  celui  de  vérification  des  pouvoirs,  comité 
momentané  et  peu  important.  Ainsi  vous  aurez  le  tems 
d'arriver  et  de  voir  le  parti  qu'on  prendra,  de  suivre 
d'après  ce  qu'il  y  aura  à  faire.  Je  crois  qu'on  fera  sage- 
ment de  déterminer  le  nombre  des  comités,  de  distribuer 
l'Assemblée  dans  ceux  qu'on  établira,  en  laissant  à 
chacun  la  liberté  de  demander  le  comité  pour  lequel  il  se 
croirait  le  plus  d'aptitude. 

CGLIII 

Paris,  27  septembre. 

Vous  sçavez  de  ce  matin,  mon  ami,  que  nous  finissons 
le  30,  et  ce  jour-là  il  partira  au  moins  moitié  des  députés. 
Si  j'avais  une  voiture  à  moi,  je  partirais  le  même  jour. 
Notre  départ  se  trouve  fixé  du  3  au  5  :  ainsi  nous  serons 
en  route  dans  le  même  tems  et  nous  nous  rencontrerons 
probablement  dans  le  chemin. 

Je  vous  serai  obligé  de  laisser  ou  à  Madame,  ou  à 
M .  Pottier,  l'état  des  dépenses  que  vous  avez  bien  voulu 
faire  pour  que  je  puisse  régler  le  compte  de  ces  dépenses 
et  mettre  en  règle  cet  objet  qui  serait  rejeté  trop  loin  à 
votre  retour. 

8 


—  114  — 

Je  dois  vous  prévenir  qu'à  votre  arrivée  on  cherchera 
à  vous  faire  entrer  dans  quelque  cloub.  Mettez  de  la 
réserve  à  cet  égard  dans  votre  détermination  et  ne  vous 
décidez  ni  pour  les  uns  ni  pour  les  autres  que  lorsque  le 
tems  vous  aura  fait  connaître  celui  où  il  vous  conviendra 
le  mieux  d'aller,  si  vous  croyez  utile  de  vous  présenter 
dans  quelqu'un.  Le  mieux  est  bien  de  rester  indépendant, 
de  n'opiner  dans  l'Assemblée  que  d'après  sa  conviction. 

Je  ne  puis  vous  dire  la  manière  dont  l'Assemblée  nou- 
velle se  distribuera  en  comités.  Elle  n'aura  pas  besoin 
d'autant  de  comités  que  nous  en  avons  eu.  Celui  qui,  je 
crois,  vous  conviendrait  mieux,  serait  celui  des  finances, 
où  il  y  aura  toujours  un  travail  immense,  soit  dans  les 
détails,  soit  pour  les  opérations  de  la  comptabilité.  Vous 
aurez  encore  le  comité  d'agriculture  et  de  commerce  qui 
pourrait  vous  convenir.  Gomme  on  ne  se  connaîtra  pas 
assez,  il  faudra  nécessairement,  dans  le  commencement, 
que  le  choix  se  fasse  sur  la  demande  des  députés  d'entrer 
dans  tel  comité,  ou  sur  le  choix  qu'on  remettra  à  chaque 
département.  Dans  notre  Assemblée,  nos  premiers  choix 
se  sont  faits  par  généralités.  Ce  n'a  été  qu'après  huit  à 
neuf  mois  qu'on  a  composé  au  scrutin  général  quelques 
comités  importans. 

La  joie  a  été  la  même  presque  partout,  mais  il  faut 
convenir  que  le  peuple  de  Paris  s'est  montré  on  ne  peut 
plus  juste  et  plus  éclairé  dans  l'expression  de  sa  joie.  Il 
a  montré  et  la  dignité  et  la  modération  d'un  peuple  qui 
sçait  apprécier  la  liberté.  On  n'a  choqué  personne,  ni 
par  l'air  Ça  ira^  ni  par  aucune  provocation  vis-à-vis  des 
gens  les  plus  connus  pour  être  de  sentimens  opposés. 
Les  comédiens  italiens  ont  voulu  jouer  lundy  Richard 
Cœur  de  Lion^  où  est  cet  air  :  «  O  Richard,  ô  mon  Roy, 
l'univers  t'abandonne  ».  A  l'ouverture  du  spectacle,  on 
a  demandé  une  autre  pièce  et  il  s'est  élevé  un  peu  de 
tumulte.  A  la  fin,  les  comédiens  qui  n'avaient  pas  pré- 
paré d'autre  pièce,  ont  prié  de  la  laisser  jouer  et  elle  a  été 
jouée  très  tranquillement,  mais  ils  ne  la  donneront  plus. 


—  115  — 

Le  Roi  et  la  Reine  sont  allés  hier  à  TOpéra,  suivis 
d'une  foule  immense,  qui  n'a  cessé  de  crier  vive  le  Roy. 
Arrivés  à  TOpéra,  mêmes  applaudissemens.  L'orchestre 
fait  entendre  des  airs  de  fanfare,  on  recommence.  Enlln, 
au  moment  où  on  croit  que  la  pièce  de  Castor  et  Polliix 
va  commencer,  on  fait  silence,  et,  au  lieu  dei'ouverture, 
Torchestre  le  plus  nombreux  joue  Fair  :  OU  peut-on  être 
mieux  qu'au  sein  de  sa  famille?  Cet  air  a  fait  renou- 
veler les  plus  vifs  applaudissemens  et  la  pièce  n'a  com- 
mencé que  près  de  8  heures.  Les  billets  s'étaient  vendus 
jusqu'à  50#.  Nous  nous  en  sommes  aperçus  à  l'Assem- 
blée, où  a  été  reprise  l'aiTaire  de  l'indemnité  due  au 
prince  de  Monaco  pour  les  pertes  qu'il  essuyé  sur  les 
biens  à  lui  donnés  en  France  en  échange  de  ceux  que 
lui  ôte  l'Espagne  pour  avoir  livré  la  ville  de  Monaco  à  la 
France.  Comme  il  était  question  d'une  assez  forte  indem- 
nité, ceux  qui  n'aiment  qu'à  prendre  firent  tous  leurs 
efforts  pour  éloigner  le  projet  de  décret  du  comité  des 
Domaines  et  le  renvoyer  à  la  prochaine  législature. 
Après  trois  séances  de  discussions,  il  y  eut  doute  sur  la 
demande  en  ajournement.  Il  fallut  aller  à  Tappel  nominal, 
147  voix  ont  été  contre  l'ajournement  et  127  pour.  Ainsi, 
il  y  a  eu  au  plus  268  votans. 

Lisez  le  46*  numéro  du  journal  Y  Ami  des  Patriotes, 
faites  le  lire  à  M.  Bissy  et  remettez-le,  ainsi  que  ceux 
précédens,  à  M.  Pottier,  car  c'est  un  ouvrage  à  con- 
server. 

Adieu,  mon  ami  ;  faites  provision  de  santé,  ainsi  que 
M.  Bissy  ;  vous  aurez  beaucoup  à  travailler,  mais  avec 
du  courage,  on  surmonte  bien  des  obstacles. 

E.  Queruau-Lamerie. 


FIN 


ARMORIAL  DE  LA  MAYENNE 

(Suite). 


CHATEAU-GONTIER 

1.  René  Du  Gùesclin,  écuyer^  seigneur  de  Beaucè  <.  — 
D'argent  à  un  aigle  à  deux  têtes,  becquè  et  membre  de 
gueules,  et  un  bâton  de  même  posé  en  bandes,  brochant 
sur  le  tout, 

2.  Pierre  Armenault,  conseiller  du  Roi,  élu  à  Château- 
Gontier.  —  De  gueules  à  trois  têtes  de  léopards,  arrachées 
d'or,  posées  2  et  1. 

3.  René  Guérin,  conseiller  du  roi,  assesseur  en  la  maison 
de  Château-Gontier.  —  De  gueules  à  un  chevron  d'argent, 
accompagné  de  trois  échots  d'arbre  d'or,  posés  en  pal,  2  en 
chef  et  1  en  pointe. 

4.  Charles  o'Anthenaise.  —  D'argent  à  trois  jumelles 
de  gueules,  posées  en  bande. 

5.  Marc  de  Bréon,  écuyer.  —  D'argent  a  une  fasce  de 
gueules,  fleurdelisée  à  double  de  même,  de  trois  pièces 
dessus  et  de  terre  dessous. 

5.  Alexis  de  Lancrau,  écuyer.  —  D'argent  à  un  chevron 
de  sable,  accompagné  de  trois  roses  de  gueules,  posées 
2et  1. 

7.  Gédéon  de  Ridouet,  écuyer.  —  De  sable  à  trois  trian- 
gles d'or,  rangés  en  fasce,  accompagnés  de  trois  molettes 
de  même,  2  en  chef  et  1  en  pointe. 

8.  HoNORÉ-EusTACHE  DE  LA  Lande,  écuycr,  seigneur  de  la 

1.  Beaucé  faisait  partie  du  doyenné  de  Sablé.  -^  Nous  avons 
indiqué  en  italiques  les  4  articles  1,  68,  109  et  255,  qui,  bien  que 
situés  dans  la  circonscription  du  Mans  et  au  Maine,  appartenaient 
féodalement  par  exception  à  celle  de  Chàteau-Gontier,  c'est-à-dire 
à  r Anjou. 


—  117  — 

paroisse  de  Saint-Martin  de  Villenglose.  —  D'or  à  un  cor 
de  sable,  enguichë  de  même,  et  un  chef  de  gueules  chargé 
de  trois  étoiles  de  six  rais  d'or  et  soutenues  de  sable. 

9.  Renb  du  Tertre,  écuyer,  sieur  du  Tertre  de  Mée.  — 
D'argent  à  un  lion  de  sable,  couronné,  lampassé  et  armé  de 
gueules,  le  bout  de  la  queue  de  môme. 

10.  Le  corps  des  officiers  de  l'élection  de  Château-Gon- 
lier.  —  D'argent  à  une  palme  d'azur,  couchée  en  fasce  de 
dextre  à  senestre,  avec  ces  mots  autour  :  CURVATA 
RESURGET. 

11.  Gilles  Sourdille,  écuyer,  sieur  de  la  Morinière.  — 
D'azur  à  un  chevron  d'or,  accompagné  de  trois  molettes  de 
même,  2  en  chef  et  1  en  pointe  ;  celle-ci  soutenue  d'un 
croissant  aussi  d'or. 

12.  Charles  Artuis,  curé  de  Saint-Remy  de  Château- 
Gontier.  —  D'or  à  une  ancre  d'azur  accostée  de  deux  croisettes 
de  gueules  et  un  chef  dentelé  de  même. 

13.  Charles  Sourdille,  écuyer,  sieur  de  Chambresais. 

—  Comme  au  n**  11. 

14.  Jean  Gilles,  écuyer,  sieur  de  la  Grue.  —  D'argent  à 
trois  biches  passantes  de  gueules,  2  en  chef  et  1  en  pointe. 

15.  Pierre  Hérault,  conseiller  du  roi,  élu  à  Château- 
Gontier.  —  D'argent  à  un  chevron  d'azur,  surmonté  d'un 
croissant  de  gueules,  et  accompagné  de  trois  gerbes  de  blé, 
aussi  d'azur,  2  en  chef  et  1  en  pointe. 

16.  René  d'Hbliand,  écuyer,  seigneur  d'Ampoigné.  — 
D'or  à  trois  aigles  le  vol  abaissé  d'azur,  becqués,  langues  et 
ongles  de  gueules,  posés  2  et  1. 

17.  Pierre  de  la  Barre,  écuyer,  sieur  de  Buron.  —  De 
gueules  à  un  léopard  d'argent. 

18.  René  de  Pennard,  écuyer,  sieur  du  Port.  —  D'argent 
à  deux  bandes  de  gueules  (sic). 

19.  Germain  Hunaud  de  la  Chevalerie,  prieur  de  Daon. 

—  De  gueules  à  quatre  fasces  d'argent. 

20.  Guy  Pierres,  écuyer,  sieur  de  la  Querye.  —  D'or  à 
une  croix  pattée  de  gueules. 

21.  Charles  Jarret,  écuyer.  sieur  du  Bouloy.  —  D'argent 
à  une  hure  de  sanglier  de  sable,  défendue  d'argent,  éclairée 
et  arrachée  de  gueules. 

22.  Madeleine  d'Andigné,  dame  de  la  Vaugotière.  — 
D'argent  à  trois  aigles  de  gueules,  becqués  et  membres 
d'azur,  2  en  chef  et  1  en  pointe. 

23.  Antoine  Hercule  Leshenault  de  Bouille,  écuyer, 
seigneur  de  Saint-Sauveur-de-Flée.  —  D'or  à  trois  croix 


—  118  — 

pattées  de  gueules,  2  en  chef  et  1  en  pointe,  et  une  étoile 
d'azur  posée  en  abîme. 

24.  Alexandre  Hullin,  pnHre.  —  De  gueules  à  deux 
bandes  d'argent,  accompagnées  de  six  besants  de  même, 
3  en  chef,  posés  en  bande,  et  3  en  pointe,  posés  de  même. 

25.  Marguerite  de  la  Saugere,  fille.  —  De  sable  à  six 
fleurs  de  lis  d'argent,  posées  3,  2  et  1. 

26.  Jean  de  la  Barre,  écuyer,  sieur  de  la  Boulaye.  —  De 
gueules  à  un  léopard  d'argent. 

27.  Philippe-Léonor  des  Hayes.  écuyer,  sieur  de  Cry, 
major  du  régiment  d'infanterie  du  Berry.  —  Parti  d'argent 
et  de  gueules  à  trois  annelets,  2  en  chef  et  i  en  pointe,  de 
l'un  en  l'autre. 

28.  Feu  Alexis  de  Quatrebarres,  écuyer,  sieur  de  la 
Roussardière,  suivant  la  déclaration  d'Anne  de  Boul,  sa 
veuve.  —  De  sable  à  une  bande  d'argent  accostée  de  deux 
cotices  de  même. 

29.  Pierre  de  la  Haye,  écuyer,  sieur  de  Mongason.  — 
D'azur  à  trois  bandes  de  sable. 

30.  René  de  la  Haye,  écuyer,  sieur  du  Coudray.  —  De 
même. 

31.  Charles-François  de  Sales,  écuyer,  sieur  de  Miré. 
—  D'argent  à  trois  tourteaux  de  sable,  posés  2  et  1. 

32.  Charles-François  de  la  Saugèrb,  écuyer,  seigneur 
de  Gaubert.  —  Comme  à  l'art.  25. 

33.  François  Chailland,  conseiller  du  roi,  lieutenant 
particulier  en  la  sénéchausée  et  siège  présidial  de  Chàteau- 
Gontier.  —  D'or  à  une  hure  de  sanglier  de  sable,  accom- 
pagnée de  trois  roses  de  gueules,  2  et  1  ;  parti  d'argent  à 
un  écureuil  rampant  de  gueules. 

34.  René  Galichon,  conseiller  du  roi,  lieutenant  général 
du  présidial  de  Chàteau-Gontier.  —  D'azur  à  deux  tran- 
chières  ou  fers  de  faulx,  rangés  en  pal,  d'argent,  et  accostés 
en  fasce  de  deux  quintefeuilles  d'or. 

35.  Jean  Trochon  de  Beaumont,  conseiller  et  avocat  du 
roi  au  présidial  de  Château-Gontier.  —  D'argent  à  trois 
merlettes  de  sable,  posées  2  et  1. 

36.  Feu  Pierre  Descepeaux,  écuyer,  sieur  du  Houssay, 
d'après  la  déclaration  de  Catherine  Gandon,  sa  veuve.  — 
Vairé  d'argent  et  de  gueules. 

37.  Elie  Guilloteau,  conseiller  procureur  du  roi  de 
l'Hôtel  de  Ville,  substitut  et  avocat  au  présidial  de  Château- 
Gontier.  —  D'azur  à  un  aigle  à  deux  tètes  d'or,  couronné 
de  même. 


—  119  — 

38.  Simon  Chailland,  élu  à  Château-Gontier.  —  D'or  à 
trois  grappes  de  raisin  de  pourpre,  rangées  en  fasce  et 
accompagnées  de  deux  renards  passants  de  gueules,  Tun 
en  chef  et  l'autre  en  pointe. 

39.  Rbné  Gouesse,  conseiller  du  roi,  élu  à  Château-Gon- 
tier. —  D'azur  à  trois  épis  d'or,  tiges,  feuilles  et  mouvants 
d'une  terrasse  de  même,  surmontés  de  trois  étoiles  aussi 
d'or  rangées  en  chef. 

40.  François  Dublineau,  conseiller  du  roi,  président  au 
siège  de  l'élection  de  Château-Gontier.  —  D'azur  à  un  che- 
vron d'argent,  accompagné  en  chef  de  deux  étoiles  d'or,  et 
en  pointe  d'un  croissant  d'argent. 

41.  René  Rouvbay,  conseiller  du  roi,  lieutenant  au  siège 
de  l'élection  de  Château-Gontier.  —  De  sable  à  trois  fers  à 
cheval  d'argent,  2  et  1. 

42.  René  de  Quatrbbarbes,  écuyer,  sieur  de  Coudray.  — 
Comme  au  n°  28. 

43.  Antoine  Courboulay,  seigneur  de  la  Chalouère,  con- 
seiller du  roi,  receveur  général  des  consignations  d'Angers 
et  des  tailles  de  Château-Gontier.  —  D'azur  à  trois  épis  de 
blé  d'or,  tiges  et  feuilles  de  même,  rangés  en  pal,  et  au  chef 
cousu  de  gueules,  chargé  d'un  croissant  d'argent. 

44.  Jean  Vignon,  conseiller  du  roi,  élu  à  Château-Gontier. 

—  D'azur  à  un  lion  contourné  d'argent,  accompagné  de 
trois  étoiles  d'or,  2  et  1. 

45.  René  Fouquet,  conseiller  et  aumônier  du  roi.  — 
D'argent  à  un  écureuil  rampant  de  gueules. 

46.  La  communauté  des  maîtres  apothicaires  de  Château- 
Gontier.  —  D'argent  à  deux  vipères  tortillées  en  pal  et 
affrontées  de  gueules,  surmontées  d'une  couronne  d'or. 

47.  Jean-Charles  Gaultier  de  Brullon,  curé  de  Bierné. 

—  D'azur  à  une  rose  d'argent,  posée  en  cœur,  accompagnée 
en  chef  de  deux  (^toiles  d'or,  et  en  pointe  d'un  croissant  de 
même,  et  une  bordure  de  même. 

48.  Henry-François  de  Racappé,  écuyer,  seigneur  du 
Menil.  —  De  sable  à  six  roquets  d'argent,  posés  3,  2  et  1. 

49.  Mathurin  Dol'art,  conseiller  avocat  du  roi  en  la  séné- 
chaussée d'Anjou  et  siège  présidial  de  Château-Gontier, 
subdélégué  de  l'intendant  de  Tours.  —  D'azur  à  un  aigle  à 
deux  têtes,  le  vol  abaissé  d'or,  langue  et  (mglé  de  gueules, 
surmonté  d'une  étoile  d'or  et  soutenu  d'un  croissant  d'ar- 
gent. 

50.  Jacques  de  Lantivy,  écuyer.  —  De  gueules  à  une 
épée  d'argent,  posée  en  pal,  la  pointe  en  bas. 


—  120  — 

51.  Feu  Louis  Le  Clerc,  écuyer,  sieur  des  Aulnais, 
d'après  la  déclaration  de  Charlotte  Treton,  sa  veuve.  — 
D'argent  à  une  croix  engrêlée  de  gueules,  cantonnée  de 
quatre  aiglettes,  le  vol  abaissé  de  sable,  becquées  et  onglées 
de  gueules. 

52.  Feu  Thimothée  Bbillet,  écuyer,  sieur  de  la  Grée, 
d'après  la  déclaration  de  Marguerite  Guilloteau,  sa  veuve. 

—  De  sable  à  trois  têtes  et  cols  de  loup,  arrachées  d'argent, 
posées  2  et  1. 

53.  Gabriel  Amys,  conseiller  du  roi,  assesseur  civil  et 
criminel  en  la  sénéchaussée  et  siège  présidial  de  Château- 
Gontier.  —  D'argent  à  un  chevron  de  gueules,  accompagné 
de  trois  feuilles  de  vigne  de  sinople,  la  tige  en  haut,  2  et  1. 

54.  Joseph  Descbpeaux,  écuyer,  seigneur  du  Houssay.  — 
Voir  n*  36. 

55.  Amauby  de  Madaillan  de  Lespare,  chevallier,  sei- 
gneur de  risle  de  Chauvigny.  —  Tranché  d'or  sur  gueules, 
écartelé  d'azur  à  un  lion  d'or,  couronné  de  même. 

56.  René  de  la  Planche,  écuyer,  seigneur  de  Ruillé.  — 
D'azur  à  cinq  fasces  ondées  d'argent. 

57.  Henry-Alexandre  de  Cumont,  écuyer,  seigneur  du 
Puy.  —  D'azur  à  trois  croix  pattées  d'argent,  posées  2  et  1. 

48.  Tanneguy  de  la  Lande,  écuyer.  —  D'argent  à  un 
sautoir  de  gueules. 

59.  N.  d'Anthbnaise,  (»cuyer,  d'après  la  déclaration  de 
Renée  Esnault,  sa  veuve.  —  D'argent  à  trois  jumelles, 
posées  en  bande,  de  gueules. 

60.  Charles  Galichon,  sieur  de  Courchamp.  —  D'or  à  un 
coq  de  contrehermines,  crété,  becqué,  barbé  et  ongle  de 
gueules. 

61.  Feu  René  de  la  Chevalerie,  écuyer,  seigneur  de  la 
Touchardière,  d'après  la  déclaration  de  N.  Drouet,  sa  veuve. 

—  De  gueules  à  un  cheval  effaré  d'argent. 

62.  René  de  la  Chevalerie,  écuyer,  sieur  de  Manselière. 

—  De  même. 

63.  Daniel  de  la  Chevalerie,  écuyer,  sieur  de  la  Dau- 
merie.  —  De  même. 

64.  Jean  Cohon,  curé  de  Saint-Denis-d'Anjou.  —  D'azur 
à  une  fasce  d'argent,  accompagnée  en  chef  d'un  soleil  d'or 
et  en  pointe  de  trois  étoiles  de  même,  posées  2  et  1. 

65.  François  du  Buat,  écuyer,  sieur  du  Teillay. —  D'azur 
à  trois  quintefeuilles  d'or. 

66.  Le  Présidial  de  Château-Gontier.  —  D'azur  à  trois 
fleurs  dé  lys  d'or,  2  et  1. 


—  121  — 

67.  La  communauté  des  religieux  bénédictins  de  Saint- 
Jean-Bapliste  de  Château-Gontier.  —  D'argent  à  un  agneau 
passant  de  sable,  tenant  une  croix  longue  de  gueules,  d'où 
pend  un  étendard  au  guidon  d'azur,  chargé  d'un  dcusson 
lozangé  d'or  et  de  gueules. 

68.  Cet  article  n'est  icy  employé  que  pour  mémoirey 
attendu  quil  a  été  payé  et  enregistré  à  Paris,  René  Pois- 
son, écuyery  seigneur  de  Gastines.  —  De  gueules  à  un 
poisson  d'or. 

69.  François  de  Farcy,  écuyer,  et  N.  son  épouse.  —  D'or 
fretté  de  contrehermines,  et  un  chef  d'azur,  chargé  d'une 
couronne  à  l'antique  d'or. 

70.  Claude-Jacques  Foussier,  conseiller  du  Roi,  et  pro- 
cureur au  présidial  de  Château-Gontier.  —  D'or  à  un  che- 
vron d'azur,  accompagné  en  chef  de  deux  roses  de  gueules 
et  en  pointe  d'un  lion  de  même. 

71.  Erige  de  Bellanger,  ccuyer,  sieur  de  Romefort.  — 
Losange  de  gueules  et  d'or,  écartelé  d'azur  à  une  bande 
d'argent,  chargée  de  trois  croix  pattées  de  gueules. 

72.  Louis  d'Héliand,  écuyer,  sieur  d'Ampoigné.  —  Comme 
au  n«»  16. 

73.  Guillaume  Freseau,  écuyer.  —  De  sable  à  un  sautoir 
d'argent,  accompagné  de  quatre  coquilles  de  même. 

74.  Feu  René  Arnault,  suivant  la  déclaration  de  Marie 
Trochon,  sa  veuve.  —  Ecartelé  :  au  1*""  de  gueules  à  un  aigle 
à  deux  tètes  d'or  ;  au  2^  d  argent  à  un  lion  de  sable  ;  au  3** 
dazur  à  une  léte  et  col  de  cheval  arrachée  d'argent,  et  au  4" 
d'argent  à  4  fasccs  d'azur.- 

75.  Pierre-Emmanuel  de  Thibault,  chevalier,  seigneur 
de  la  Rochetulon.  —  D'argent  à  un  chevron  d  azur  et  au 
chef  de  même. 

76.  Emery  Le  Clerc,  écuyer,  sieur  de  Brion.  —  D'argent 
à  une  croix  engrêlée  de  gueules,  cantonnée  de  quatre 
aiglettes,  le  vol  abaissé  de  sable,  becquées  et  onglées  de 
gueules. 

77.  Pierre  Le  Clerc,  abbé  des  Aulnais.  —  De  même. 

78.  Henry  de  Martigny  et  N.  son  épouse.  —  D'or  à  deux 
fasces  vairées  de  sable  et  d'argent,  et  un  pal  de  gueules, 
brochant  sur  le  tout  ;  accolé  de  parti  d'argent  et  de  sinople 
à  deux  proboscides  ou  trompes  d'éléphants,  posées  en  pals 
de  Tun  en  l'autre. 

79.  Jean  Gaultier  de  Brullon,  prêtre,  chanoine  péni- 
tencier de  Québec,  au  Canada.  —  Comme  à  l'article  47. 

80.  Renée  Sourdille,  veuve  de  Pierre  Trochon,  premier 


—  122  — 

président  au  présidial  de  Château-Gontier.  —  Comme  au 
nMl. 

81.  N.  veuve  de  N.  Valierb.  —  D'or  à  une  bande  potencée 
de  six  pièces  d'azur,  accompagnée  de  deux  macles  de 
gueules.  1  en  chef  et  1  en  pointe. 

82.  Jacques  Gautbon,  écuyer,  conseiller  secrétaire  du 
roi.  —  D'azur  à  une  M  capitale  d'or. 

83.  Le  chapitre  de  Saint-Nicolas  de  Craon.  —  D'azur  à  un 
saint  Nicolas  d'or. 

84.  Le  chapitre  de  Saint-Just  de  la  ville  de  Château-Gon- 
tier. —  D'azur  à  un  saint  Just,  martyr,  d'argent,  vêtu  d'une 
tunique  sans  manches  de  gueules,  portant  sa  tête  entre  ses 
bras  ;  une  croisette  pattée  aussi  d'argent,  posée  en  chef,  et 
autour  ces  mots  :  SANCTI.  JUSTL  MARTIRIS. 

85.  Le  couvent  desUrsulines  du  faubourg  d'Azé  de  la  ville 
de  Château-Gontier.  —  D'azur  à  une  Assomption  de  la 
Sainte  Vierge  d'or,  avec  ces  mots  autour  :  NOSTRE  DAME 
DE  BURON. 

87.  Françoise  Le  Roy,  fille.  —  D'argent  à  trois  chevrons 
de  sable  et  une  fasce  en  devise  de  gueules,  brochant  sur 
le  tout. 

88.  Le  couvent  de  Saint-Clément  de  Craon.  —  D'azur 
semé  de  fleurs  de  lys  d'or,  à  une  ancre  d'argent,  brochant 
sur  le  tout. 

89.  Jacques  Grandet,  conseiller  du  Roi,  lieutenant  cri- 
minel en  la  sénéchaussée  de  Château-Gontier  et  siège  pré- 
sidial dudit  lieu.  —  D'azur  à  un  chevron  d'or,  accompagné 
en  pointe  d'une  coquille  de  même,  et  un  chef  cousu  d'azur 
chargé  de  trois  étoiles  d'or. 

90.  Mathurin  IIullin,  écuyer.  sieur  de  Saint-Amadour. 
—  De  gueules  à  deux  bandes  d'argent,  accompagnées  de 
six  besants  de  même,  posés  en  bande,  3  en  chef  et  3  en 
pointe. 

91.  La  communauté  des  tanneurs  de  Château-Gontier.  — 
De  sinople  à  une  vache  passante  d'or,  acornée  et  onglée  de 
gueules. 

92.  La  communauté  des  sergents  de  la  ville  de  Château- 
Gontier.  —  D'azur  à  une  sainte  Trinité  d'or,  posée  sur  une 
Champagne  nuagée  d'argent. 

93.  La  communauté  des  maîtres  menuisiers  de  la  ville  et 
faubourgs  de  Château-Gontier.  —  De  gueules  à  un  grand 
couteau  d'argent  posé  en  pal. 

94.  La  communauté  des  hôteliers  et  cabaretiers  delà  ville 
et  faubourgs  de  Château-Gontier.  —  De  gueules  à  un  saint 


—  123  — 

Nicolas  d'argent,   vêtu  pontificalemenl  d'une    chappe  de 
de  même,  ornée  d'or,  sa  mitre  et  sa  crosse  aussi  d'or. 

95.  La  communauté  des  maîtres  foulons  de  Château-Gon- 
tier.  —  D'azur  à  un  saint  Michel  foulant  aux  pieds  et  terras- 
sant un  diable,  le  tout  d'or. 

96.  La  communauté  des  chapeliers  et  corroyeurs  de  Châ- 
teau-Gontier.  —  D'or  à  un  chapeau  de  sinople,  posé  en 
corne,  et  accompagné  en  chef  de  2  lunes  d'azur  et  en  pointe 
de  2  pommelles  de  gueules. 

97.  La  communauté  des  bouchers  de  la  ville  et  faubourgs 
de  Chàteau-Gontier.  —  D'azur  à  un  saint  Barthélémy  d  or, 
tenant  de  sa  main  dextrc  un  couteau  et  de  sa  sénestre  un 
livre  de  gueules. 

98.  La  communauté  des  boulangers  de  Château-Gontier. 
—  D'azur  à  un  saint  Honoré  d'or. 

99.  Pierre  Descepeaux,  curé  de  Méral.  —  Comme  aux 
n'^  36  et  54. 

100.  René  Adam,  curé  de  Saint-Aignan  en  Craonnais.  — 
D*azur  à  une  croix  de  calvaire  d'or,  dont  le  pied  est  fiché 
dans  la  tête  d'un  serpent  d'argent,  ayant  la  queue  relevée  et 
accolée  au  montant  de  la  croix,  et  tenant  en  sa  gueule  une 
pomme  d'or. 

101.  René  du  Breuil,  chevalier,  seigneur  baron  d'Azé.  — 
D'or  à  deux  clefs  d'azur,  passées  en  sautoir  et  accompagnées 
de  quatre  lionceaux  de  gueules. 

102.  Simon  Bellier,  curé  de  Bazouges.  —  D'azur  à  un 
bélier  d'argent,  passant  en  fasce,  et  accompagné  de  six 
monticules  d'or,  rangés  3  en  chef  et  3  en  pointe. 

103.  Claude  Blanchard,  avocat  au  parlement.  —  D'azur 
à  un  lion  d'argent,  couronné,  lampassé  et  armé  de  gueules, 
le  bout  de  la  queue  de  même,  accosté  en  chef  de  deux 
étoiles  d'or. 

104.  Henry  de  Billeheust,  écuyer,  sieur  du  Chenel,  capi- 
taine au  régiment  de  dragons  de  Fonbeausard.  —  D'azur  à 
un  chevron  d'argent,  accompagné  de  trois  roses  de  même, 
2  en  chef  et  1  en  pointe. 

105.  René  de  Billeheust,  chevalier,  seigneur  d'Argen- 
ton,  lieutenant-colonel  au  régiment  de  dragons  de  Fon- 
beausard. —  De  même  qu'au  n°  104. 

(A  snîçrc).  Hippolyte  Sauvage. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


SEANCE  DU  31  JANVIER  1907 

La  séance  est  ouverte  à  2  heures  1/4,  sous  la  prési- 
dence de  M.  Moreau,  président. 

Sont  présents  :  M.  Moreau,  président;  M.  Trévédy, 
vice-président  ;  MM.  Alleaume,  Louis  Garnier,  Lau- 
rain.  Foulques  de  Quatrebarbes,  membres  titulaires  ; 
MM.  du  Bourg,  Edouard  Garnier  et  Morin,  membres 
correspondants. 

Se  font  excuser  :  MM.  Tabbé  Angot,  Goupil  et  Grosse- 
Duperon. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu  et 
adopté. 

Sur  la  proposition  de  MM.  Moreau  et  Goupil,  M.  Tabbé 
Cesbron,  secrétaire  de  Monseigneur  TEvôque  de  Laval, 
et  M.  Labbé,  pharmacien,  président  de  la  Société 
«  Mayenne -Sciences  »,  sont  élus  membres  corres- 
pondants. 

Sur  la  proposition  de  MM.  Grosse-Duperon  et  Moreau, 
M.  Tabbé  Auguste  Chantepie,  vicaire  à  la  Trinité  de 
Château-Gontier,  est  élu  membre  correspondant. 

Sur  la  proposition  de  M.  le  président,  la  Commission 
décide  d'adresser  à  M.  Tabbé  Angot  ses  meilleures  féli- 
citations pour  son  bel  ouvrage  :  VEpigraphie  de  la 
Mayenne, 

M.  Laurain  donne  lecture  d  un  marché  passé,  le  17 
février  1634,  devant  François  Périer,  notaire  à  Laval, 


—  125  — 

entre  Mathurin  Cheiineau,  marchand,  et  Jacquine  Gou- 
geon,  sa  femme,  d'une  part,  et  Ambroise  Cormier, 
«  maître  imprimeur  du  Roy  »  à  Laval,  d'autre.  De  cet  acte, 
il  résulte  que  les  conjoints  vendirent  à  Ambroise  Cormier 
c(  une  petite  bouticque  en  apentiz  contre  les  murailles  de 
la  maison  et  chambre  des  Comptes  »  sise  au  bas  de  la 
place  du  Pavé  de  Laval,  dont  remplacement  avait  été 
pris  à  rente  par  contrat  du  15  septembre  1587,  et  abou- 
tant  à  une  autre  boutique  appartenant  à  l'imprimeur. 
Cette  vente  fut  faite  moyennant  la  somme  de  80  livres 
tournois  en  argent  et  «  six  douzaines  de  paires  d'heures 
sans  doreure,  en  basse  relieure,  à  l'usage  du  Mans,  de 
rimpretion  du  dict  du  Cormyer.  »  Dès  le  27  avril  1634, 
les  vendeurs  donnaient  à  Cormier  quittance  des  heures 
qu'il  s'était  obligé  à  leur  livrer. 

Cet  acte  nous  fait  connaître  un  livre  sorti  des  presses 
de  l'imprimeur  lavallois  et  jusqu'à  présent  demeuré 
ignoré  de  ceux  qui  se  sont  occupés  de  l'histoire  de 
l'imprimerie  dans  notre  pays. 

M.  l'abbé  Boullier,  dans  ses  Recherches  historiques 
sur  réglise  de  la  Trinité  de  Laval  (p.  156),  dit  que  vers 
1700  cet  édifice  recevait  le  jour  par  vingt-deux  grandes 
fenêtres  ou  vitres  peintes  avec  un  grand  artifice  »,  mais, 
en  doutant  que  les  fenêtres  de  la  nef  aient  été  garnies 
de  vitraux  peints,  il  tient  pour  constant  au  contraire  que 
toutes  celles  du  chœur,  l'ont  été  sans  pouvoir  indiquer 
d'une  façon  complète  les  sujets  que  les  artistes  avaient 
traités. 

M.  Laurain  communique  un  acte  du  26  août  1652  passé 
entre  des  marguilliers  de  la  Trinité  et  Etienne  Bourgoing, 
maître  vitrier  à  Laval,  qui  peut  donner  quelques  rensei- 
gnements sur  cette  question.  Voici  l'acte  en  son  entier  : 

«  Au  vingt  sixiesme  jour  d'aoust  l'an  mil  six  cens  cin- 
quante-deux, après  midy,  par  devant  nous  Jean  Barais, 
notaire  au  comté  de  Laval  et  y  demeurant,  ont  esté 
présens  et  deuement  establyz.  M*  Jean  Duchesne,  doc- 
teur en  médecine,  et  Gilles  Lelong,  sieur  de  la  Rous- 


—  126  — 

sière,  advocat  6n  parlement  et  esleu  en  Télection  de 
Laval  et  y  demeurant,  d'une  part,  et  Estienne  Bour- 
going,  maistre  vitrier,  demeurant  en  cette  ville  de  Laval, 
lesquelz,  après  sub missions  à  ce  requises,  ont  faict  le 
marché  qui  ensuit,  qui  est  que  le  dict  Bourgoin  a  promis 
et  s'est  obligé  soubz  Thypotecque  de  tous  ses  biens  relever 
ce  qu'il  y  aura  à  relever  es  vittres  de  Téglise  de  la  Tri- 
nité du  dict  Laval,  sçavoir  en  deux  devant  l'autel  de 
sainct  Gorgon,  deux  devant  saint  Chritofle,  en  celle  de 
Judith,  sainct  Esprict,  la  Passion  ;  mettre  pièces  en 
toutes  les  dictes  vittres  et  encores  en  celles  du  fond  de 
l'église,  en  deux  devant  l'autel  saincte  Margueritte, 
deux  devant  sainct  Nicolas,  deux  devant  sainct  Sébas- 
tien, en  ra[r]bre  de  Jessé,  en  l'Adoration,  celle  devant 
Nostre-Dame  de  Pitié,  celle  devant  sainct  Joseph  et 
sainct  Michel,  devant  sainct  Pierre  et  sainct  Paul,  celle 
devant  Pierre  (sic)  et  es  quartz  de  vitrai  du  revestière 
et  chambre  du  conseil  ;  remettre  figures  où  il  y  en  a  de 
cassées,  fournir  de  plomb  nécessaire  es  dictes  vittres 
tant  à  relever  qu'à  mettre  pièces,  fournir  de  chaulx, 
sable  et  mortier  en  ce  qui  sera  nécessaire  pour  le  regard 
des  dictes  vittres,  tout  quoy  il  rendra  faict  en  bon  estât 
dans  le  premier  octobre  prochain  et  se  servira  des 
eschelles  de  l'église.  Et  pour  ce  faire,  luy  ont  les  dicts 
sieurs  procureurs  promis  payer  la  somme  de  quarante 
livres  lors  de  la  perfection  et  réfection  de  la  besogne  ; 
oultre  luy  ont  baillé  présentement  une  vieille  vittre 
cassée  en  morceaux  et  abandonnée  au  coing  de  la  dicte 
chambre  du  Conseil,  dont  et  de  tout  ce  que  dessus,  etc. 
Et  a  le  dict  Bourgoin  dict  ne  signer.  » 

M.  Laurain  communique  un  autre  acte  passé  devant 
Chevallier,  notaire  à  Laval,  portant  marché  entre  les 
habitants  de  Grenoux  et  François  Houdault  pour  la 
construction  d'un  autel.  L'acte  est  ainsi  conçu  : 

«  Du  seiziesme  jour  de  juin  mil  six  cens  soixante  et 
neuf  avant  midy,  par  devant  nous  Pierre  Chevallier, 
notaire  au  comté  pairrye  de   Laval  et  y  demeurant, 


-  127  - 

furent  présens  les  manans  et  habittans  de  la  parroisse 
de  Grenouz  deuement  congrégez  et  assemblés  au  son  de 
la  cloche  en  la  manière  accoustumée  en  forme  de  corps 
politicque,  à  Tissue  de  la  grande  messe  parochialle, 
dans  le  cimetière  de  la  dite  paroisse,  à  la  dilligence  de 
René  Rougeul,  sieur  de  la  Trotenière,  leur  procureur 
sindicq,  es  personnes  de  Jacques  Delabaste,  sieur  des 
Fourches,  Estienne  Mouton,  sieur  de  TOisonnière,  Ro- 
bert Radier,  Claude  Mestairie,  Pierre  Caris,  René 
Grignon,  Pierre  Deffay,  René  Moullard,  Michel  Gri- 
gnon,  Robert  Bourdet,  Âmbrois  Beuscher,  Jean  Bien, 
François  Grignon,  Sulpice  Behier,  Mathurin  Baratin, 
Jean  Baillif,  Mathurin  Deffay,  Robert  Fouassier,  Jacques 
Robe,  faisant  la  plus  saine  et  entière  partye  des  habit- 
tans de  la  dicte  parroisse,  ausquelz  a  esté  remonstré  par 
le  dict  Rougeul  que  le  grand  autel  de  la  dicte  parroisse 
n'estant  que  de  menuiserye,  laquelle  est  sur  le  poinct  de 
tomber  et  dans  laquelle  est  le  tabernacle,  où  repoze  le 
très  Sainct  Sacrement,  qui  n'est  pas  en  estât  de  contenir 
une  choze  si  précieuze  et  qu'il  est  nécessaire  d'en  faire 
construire  un  neuf  de  pierre  de  touffeau  et  marbre,  et 
mesme  que  c'estant  transporté  par  la  parroisse  en  assis- 
tance de  Messieurs  les  ecclésiastiques,  il  se  peult 
cognoistre  que  ce  qu'il  y  aura  de  fonds  en  la  fabrice  et 
la  libérallité  des  parroissiens  qui  c'est  cognue  par  les 
mémoires  qui  ont  esté  tenuz,  les  dicts  habittans  ayans 
envisagé  François  Houdault,  sieur  du  Fresne,  maistre 
architecte  demeurant  à  Laval,  parroisse  de  la  Saincte- 
Trinitté,  à  ce  présent,  et  ausquelz  ayans  propozé  leur 
desseing,  le  dict  Houdault,  après  avoir  considéré  l'es- 
pace, il  a  dessiné  la  façon  d'icelluy  sur  une  demie  feille 
de  parchemin  représenté  ans  dicts  habittans  qu'ilz  ont 
agréé  et  paraphé  du  dict  Houdault  et  de  nous  notaire  et 
attaché  à  ces  présentes,  le  dict  Houdault  a  promis  et 
s'est  obligé  de  construire  à  ses  frais  le  dict  autel  et 
fournir  de  touttes  sortes  de  matereaux  et  marbre  pour 
et  moiennant  la  somme  de  deux  cens  quatre  vingtz  livres 


—  128  —    . 

que  le  dict  Rougeul  au  dict  nom  et  les  dicts  habittans 
ont  promis  de  luy  payer  sçavoir  cinquante  livres  en 
commençant  l'ouvrage,  cent  livres  à  la  Toussainctz  pro- 
chaine et  les  cent  trente  livres  restans  trois  mois  après 
le  dict  jour  de  Toussainctz.  Et  oultre  promet  le  dict 
Rougeul  de  faire  voicturer  les  matereaux  à  ces  fraiz,  lequel 
autel  sera  rendu  faict  et  en  estât  d'y  céllébrer  la  saincte 
messe  dans  le  dict  jour  et  feste  de  Toussainctz  prochain. . . 
«  Faict  et  passé  dans  le, cimetière  de  la  dicte  parroisse 
es  présences  de  M^  Jean  de  GouUet,  prestre,  sacriste 
demeurant  au  bourg  Sainct-Jean,  etc.  s> 

M.  Laurain  communique  également  une  montrée  de 
l'abbaye  de  Clermont,  en  date  du  24  janvier  1661,  faite 
à  la  requête  de  Claude  Le  Breton,  sieur  de  la  Baugère, 
sénéchal  de  l'abbaye  et  représentant  de  Louis  de  Baradat, 
avec  le  concours  de  Jacques  Chevallier,  maçon  à  Olivet. 
Martin  Houssays,  charpentier,  Jean  Hocquedé,  couvreur 
à  Laval,  et  Pierre  Gaultier,  serrurier  à  la  Croix-aux- 
Venneurs.  L'église  était  presque  entièrement  décarrelée 
ainsi  que  le  chapitreau  qui  en  protégeait  la  grande  porte  ; 
un  pilier,  au  dehors  de  l'église  «  portant  sur  la  chapelle 
de  Saint- Julien  »,  crevé  de  tous  côtés,  devait  être  refait 
complètement.  Le  clocher,  emporté  par  la  pesanteur  des 
chevrons,  «  était  en  grand  péril  ».  La  visite  se  poursuit 
à  travers  toute  l'abbaye  et  montre,  par  les  réparations 
reconnues  nécessaires,  que  la  situation  était  assez  pré- 
caire. 

M.  Laurain  fait  connaître  quelques  extraits  d'un 
projet  d'aveu,  malheureusement  incomplet,  à  rendre  au 
comte  de  Laval  parle  seigneur  de  Poligné.  Ce  document, 
qui  appartient  à  notre  collègue  M .  Louis  Garnier,  peut  être 
daté  des  années  comprises  entre  1683  et  1697  ;  il  contient 
plus  d'un  détail  intéressant  pour  la  topographie  de 
Laval  et  les  familles  du  pays.  Il  mériterait  d'être  publié. 

Rien  n'étant  plus  à  Tordre  du  jour,  la  séance  est  levée 
à  4  heures. 


LES  EX-LIBRIS  MANCEAUX  y/ 


Antérieurs  au  XIX'  siècle 

(Suite). 


Sur  la  demande  de  plusieurs  membres  de  la  Société, 
pour  faire  suite  aux  Ex-libris  Manceaux,  nous  publierons 
les  fers  de  reliure  d'amateurs  de  cette  province,  anté- 
rieurs au  XIX*  siècle. 

Dès  aujourd'hui  nous  faisons  donc  appel  à  tous  ceux 
qui  possèdent  des  volumes  aux  armes  des  familles  du 
Maine,  les  priant  de  nous  les  signaler  et  les  remerciant 
d'avance  de  leur  précieux  concours. 


130  — 


Du  Cailnct  île   AforiAyuuir  Ir  Président 
i/i'^  OrçcrieAy  HLfciile/)  Cncx^aliéf:  Sei^mitr 
i/t'  C4tiirti/L?ù'^,S.  Rù/ entier,  Afoniiotc^ 
rauoez.orv.  &c. 


Chausson  de  Courtilloles. 

François-Louis  Chausson,  fils  de  Jacques-Paul,  che- 
valier, seigneur  de  Courtilloles,  au  Maine,  Saint- 
Higomer,  etc.,  conseiller  président  au  bailliage  et  siège 
présidial  d'Alençon  en  1743.  Il  épousa,  le  4  octobre 
174(),  Françoise-Magdeleine  de  Fleuriel  de  Chambillou, 
fdle  de  François  de  Fleuriel,  chevalier  de  Saint-Louis, 
Tun  des  deux  cents  chevau-légers  de  la  garde  du  Roi. 

En  avril  1766,  il  obtint  du  Roi  l'autorisation  de  changer 
le  nom  de  Chausson  contre  celui  de  Courtilloles  qui  lui 
fut  accordée  dans  les  termes  les  plus  honorables. 

Il  fut  aussi  maire  d'Alençon,  mourut  le  14  mars  1791 
et  fut  inhumé  avec  sa  femme  dans  la  chapelle  du  château 
de  Courtilloles. 


—  131  — 


DE    GaIGNON. 


Jacques  de  Gaignon,  marquis  de  Villaines,  baron  de 
Loupelande,  lieutenant  général  des  armées  du  Roi, 
gouverneur  des  ville  et  château  de  Niort,  épousa  : 
1*  Marie  Le  Prestre,  et  2*»  en  1725,  Antoinette-Claude 
d'Assé  de  Montfaucon.  Il  mourut  en  1738  laissant  des 
enfants  de  ses  deux  femmes. 

Cette  famille  possédait  depuis  1315  la  terre  de  Vil- 
laines,  érigée  en  comté  le  22  avril  1767. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'hermines  à  la  croix  de  gueules,  écartelé 
(tazur  à  3  oiseaux  d'argent. 


132  — 


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DU    H  ARDAS. 


Charles  du  IIardas,  dit  le  chevalier  d'Hauteville, 
chevalier  de  Saint-Louis,  lieutenant  de  cavalerie,  appar- 
tenait à  une  famille  originaire  d'Anjou  mais  fixée  au 
Maine  dès  1456.  II  était  fils  de  Pierre  du  Hardas,  sei- 
gneur d'ilauteville,  lieutenant  au  régiment  des  gardes 
du  Roi,  et  de  Louise-Bonne  d'Houlières.  Il  mourut  sans 
alliance  et  laissa  Hauteville  à  son  neveu  Charles,  marié 
en  1769  à  Françoise-Perrine-Madeleine  de  la  Corbière. 

Cette  famille  s'est  éteinte  à  la  fin  du  xix"  siècle. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'argent  à  6  tourteaux  de  gueules  y  3,2^1. 


—  133  — 


De  jSV-jVHkliI^b 


d'Héliand. 


Philippe- Pierre  (I'Héliand,  seigneur  d'Ampoigné, 
baron  d'Ingrandes  et  dWzé,  lieutenant  au  régiment 
dWnvers,  était  fils  de  Claude-René,  capitaine  au  régi- 
ment Dauphin,  et  de  Philippe  de  Hardouin.  Il  épousa,  le 
9  juin  1730,  Renée-Augustine  de  Juigné,  dame  de  Mol- 
lières  et  de  TIsle-du-Gast,  dont  il  eut  quatre  enfants. 

Cette  famille,  originaire  du  Maine,  a  été  maintenue 
dans  sa  noblesse  en  1668.  Elle  est  encore  représentée 
de  nos  jours. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'or  à  3  aigles  d'azur,  becquées,  mem- 
brées  de  gueules. 


—  134  — 


^:^^^'v':Vampoio^^% 


d'Héliand. 

Henri-René  d'IIÉLiANO,  dit  le  chevalier  d'Ampoigné, 
second  fils  du  précédent,  fut,  après  la  mort  de  son  père, 
comte  d'Héliand,  baron  d'Ingrandes.  D'abord  page  du 
duc  d'Orléans,  enseigne  au  régiment  des  gardes  fran- 
çaises, il  épousa,  le  24  octobre  1764,  Marie-Françoise 
Guérin,  fille  de  Jean,  conseiller  du  Roi,  et  de  Marguerite 
Le  Chanteux. 

Il  se  servit  successivement  de  deux  ex-libris.  Le  pre- 
mier, où  il  est  qualifié  chevalier  d'Ampoigné,  intervertit 
les  couleurs  et  les  émaux,  sans  doute  comme  brisure  de 
cadet  ;  plus  tard  il  fit  faire  le  suivant. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'azur  à  3  aigles  d'or  y  2  et  1, 


—  135  — 


d'Héliand. 


Henri-René  d'IIÉLiANO  fut  nommn  chevalier  de  Saint- 
Louis  et  reçu,  le  IG  décembre  1768,  dans  Tordre  de 
Saint-Lazare  et  du  Mont-Carmel.  Il  devint  comman- 
deur de  deuxième  classe  en  1787.  Sa  postérité  subsiste 
encore  à  Paris. 

Ces  trois  clichés  appartiennent  à  la  Société  française 
(les  Ex'libris  qui  nous  les  a  obligeamment  communiqués. 
On  peut  voir  un  article  dans  les  Archives  de  cette  Société, 
xii"  année,  p.  31  et  48. 

Armoiries  :  d*or  à  3  aigles  d'azur,  becquées,  mem- 
brées  de  gueules,  surmontées  d'un  lambel  de  gueules, 
au  chef  de  l'ordre,  devise  :  Probus. 


.î^  — 


Mr.    HlKiSSON    DE    VllLIERS  , 

CoûfciHcf    «0    PréCdial    dtt 
Mans. 

Hérisson. 


Joau  HÉRISSON  de  Villiers,  conseiller  au  présidial  du 
\UiU5*  en  1762,  fut  nommé  échevin  de  cette  ville  ;  il  épousa, 
U^  1 1  avril  1738,  Avertine  Hérisson,  sa  cousine,  fille  de 
Uonô,  avocat  au  parlement,  et  de  Marie-Louise  Fournier. 
Il  eut  un  iils,  Jean-René,  aussi  conseiller  au  siège  prési- 
dial du  Mans,  et  époux  de  Louise-Catherine  Mauny. 

("ollection  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  de  gueules  au  chevron  (Tor  accompagné 
de  o  hérissons  d'argent. 

Cet  ex-libris,  gravé  sur  bois,  a  dû  être  exécuté  au 
Mans  comme  plusieurs  autres. 


137  — 


HOISNARD. 


Ambroise-René  Hoisnard,  d'une  famille  qui  avait 
fourni  un  échevin  de  Laval  en  1662,  était  fils  d*Ambroise 
Hoisnard  et  de  Françoise  Pichot  de  la  Graverie.  Il  fut 
d'abord  avocat  au  parlement,  puis  procureur  du  Roi  à 
Laval  en  1788,  juge  au  tribunal  du  district  le  8  octobre 
1790,  démissionnaire  en  1792,  fut  interné,  quoique  déjà 
paralysé,  et  mourut  en  prison  le  14  juin  1796. 

Il  a  laissé  quinze  volumes  manuscrits  sur  Laval, 
actuellement  déposés  à  la  bibliothèque  de  cette  ville, 
fonds  Couanier. 

Collections  Bibliothèque  de  Laval,  de  Farcy. 

Écu  au  monogramme  double  entrelacé  A,  H. 


—  138  — 


et 


!!35ë 


m 


Inscrit  eu  Catalogue  Jei  Livres  fiS 
Je  U  Bihliotki^ue  commencée       P 

PAR  Monsieur 
Prêtre. 


Article  1 E. 
Numéro  0.1  Vj" 


^ 


=*W98fc 


=^ 


HOUDEBERT. 


Joseph  HouDEBERT  de  Saint-Aubin,  fils  de  Jean- 
Jacques,  seigneur  de  Saint-Aubin,  ancien  président  au 
grenier  à  sel  du  Lude,  et  de  Marie  Fontaines,  se  destina 
à  Tétat  ecclésiasti(]ue  ;  il  fut  vicaire,  puis  prêtre  habitué 
au  Lude.  Par  son  testament  il  légua  sa  bibliothèque  à 
rhôpital  de  la  Miséricorde  du  Lude,  pour  servir  au 
clergé  de  la  paroisse.  U  mourut  le  1*^  février  1784  à 
FAge  de  cinquante-quatre  ans. 

Malgré  qu'elle  ait  été  dispersée,  la  plus  grande  partie 
de  cette  bibliothèque  se  trouve  encore  à  Thôpital  du  Lude. 

Renseignements  fournis  par  M.  Tabbé  Louis  Calen- 
dini,  curé  de  ('hassillé. 

Grandeur  réelle,  0  m.  12  sur  0  m.  08. 


—  139  — 


DE    LaVERGNE, 

Louis-Élisabetli  de  Lavergne,  comte  de  Tressan,  sei- 
gneur du  Fay,  de  Broussin  au  Maine,  petit-neveu  de 
Louis  de  Lavergne,  mort  évèque  du  Mans  en  1712, 
lieutenant  général  des  armées  du  Roi,  fut  membre  de 
l'Académie  royale  des  sciences  de  Berlin.  Il  mourut  en 
1783  laissant  Tabbé  de  Tressan,  convoqué  aux  Etats 
généraux  de  1789. 

Bibliothèque  de  Laval. 

Armoiries  :  d argent  au  chef  de  gueules  chargé  de 
3  coquilles  d'argent  posé  sur  8  quartiers,  Brulart,  Béon, 
LéifiSy  Monteynard,  Montmorency^  la  Trémoille,  etc. 


—  140 


(jc  Jjbrr\\'*r  mnnctfHj  Cxnoman.  2)u£ià 
^ll^vbùatK:  CoU  KÀa^^undatûrii  an  I7pp 


Duc  DU  Maine. 


Louis-Auguste  de  Bourbon,  fils  naturel  de  Louis  XIV 
et  de  Madame  de  Montespan,  duc  du  Maine,  prince  de 
Doinbes,  comte  d'Eu,  fut  colonel  général  des  Suisses  et 
(îrisons  en  1670,  grand-maître  de  Fartillerie  de  France 
en  1688  ;  il  épousa  Anne-Louise  de  Bourbon-Condé. 

Il  légua  ses  livres  au  collège  des  jésuites  d'Eu  et  y 
fonda  en  1729  une  chaire  de  théologie  ;  il  mourut  le 
14  mai  1736. 

Voir  l'article  publié  dans  les  Archives  des  Collection- 
neurs d'EX'libris,  v"  année,  p.  66,  où  le  cuivre  ancien 
est  reproduit  de  grandeur  réelle,  0  m.  13  sur  0  m.  084. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  de  France  au  bâton  de  gueules  péri  en 
barre. 


—  141 


Oratoriens  du  Mans. 


En  1624,  Mgr  de  Beaumanoir  établit  les  prêtres  de 
l'Oratoire  au  séminaire  du  Mans  ;  en  1649,  Mgr  de 
Lavardin  y  réunit  un  collège  fondé  en  la  paroisse  Saint- 
Benoit  par  Jacques  du  Gué,  chanoine  du  Mans,  puis 
d'autres  bénéfices,  à  condition  que  la  Communauté  ins- 
truirait la  jeunesse  et  enseignerait  la  grammaire,  les 
humanités,  la  rhétorique  et  la  philosophie.  La  maison  fut 
rebâtie  sous  Mgr  de  Tressan  qui  y  fonda  une  chaire  de 
théologie. 

Collections  Mautouchet,  de  Farcy. 

Cet  ex-libris  gravé  sur  bois  renferme  un  monogramme 
D.  R.,  sans  doute  celui  du  supérieur  de  la  maison. 


—  142  — 


DE    MaRIDORT. 


Louis  de  Maridort,  chevalier,  seigneur  de  Saint- 
Ouën-en-Cliampagne,  Villedieu,  le  Bourg-le-Roi,  gen- 
tilhomme ordinaire  de  la  chambre  du  Roi,  était  lîls  aîné 
de  Gilles,  lieutenant  aux  gardes,  et  de  Françoise  de 
Vignoles.  Il  épousa,  en  16G1,  Suzanne  de  Crocelai,  fdle 
de  Michel,  seigneur  de  la  Violaye,  et  d'Anne  de  Bitaud. 
Cette  famille,  connue  dès  le  xv®  siècle,  est  Tune  des  plus 
distinguées  de  la  province  du  Maine.  Cette  branche  s'est 
éteinte  à  la  fin  du  xviii®  siècle. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'azur  à  3  gerbes  de  blé  d'or,  2  et  1. 


—  143  — 


MiDY, 


François  Midy,  né  en  1752  à  Limoges,  vint  à  Craon 
en  1783  comme  procureur  du  Roi  au  grenier  à  sel.  Il  prit 
part  au  mouvement  révolutionnaire  et  fut  choisi  par 
Esnue-Lavallée  comme  accusateur  public  au  tribunal 
criminel  de  la  Mayenne  (1793).  En  cette  qualité  il 
soutint  avec  énergie  en  1795  l'accusation  contre  les 
Terroristes.  L'année  suivante  il  fut  nommé  juge  au 
tribunal  du  département.  Sous  l'Empire,  Midy  s'établit 
avoué  à  Laval,  où  il  mourut  en  1807. 

Collections  de  la  Bibliothèque  de  Laval,  de  Farcy. 

Armoiries  fantaisistes. 


144  — 


DE  LrA  BIBf^IQTHE.QUE 


âiv  ItiJi^f . 


PiVERON. 


André-Christophe-Louis  Piveron,  chevalier,  seigneur 
de  Morlat,  était  fils  d'André-Denis,  entreposeur  des 
tabacs  à  Ernée,  et  de  Renée-Françoise  Jeudry.  Il  fut 
conseiller  du  Roi  en  ses  conseils,  son  procureur  général 
et  garde  des  sceaux  au  conseil  supérieur  des  Indes  à 
Pondichéry,  rentra  en  France  en  1787,  vivait  encore  le 
23  mars  1791  et  mourut  sans  alliance. 

M.  de  Brébisson  a  publié  cet  ex-libris  d'après  le 
cuivre  original  appartenant  à  M.  de  la  Messuzière,  dans 
les  Archives  de  la  Société  française  des  Ex-libris^ 
xiii*  année,  p.  140. 

Armoiries  :  écarte  lé  d*or  à  3  grenades  de  gueules 
(Piveron)  et  de  gueules  à  5  fusées  d'argent  en  fasce 
(d'Autre). 


145  — 


J-A  MARQUISl, 

MON TE S S ON 


Marquise  de  Montesson, 

Charlotte-Jeanne  Béraud  de  la  Haye  de  Riou,  d'une 
famille  originaire  du  Poitou  et  passée  en  Bretagne, 
épousa  Jean-Baptiste,  marquis  de  Montesson,  chevalier, 
seigneur  de  Bais,  etc.  Devenue  veuve  en  1769,  elle 
épousa  secrètement,  le  23  avril  1773,  Louis-Philippe, 
duc  d'Orléans,  chevalier  des  ordres  du  Roi  et  de  la 
Toison  d'or,  veuf  de  Louise-Henriette  de  Bourbon-Conti, 
morte  le  9  février  1759.  La  marquise  de  Montesson  était 
une  femme  de  lettres.  Sa  bibliothèque  fut  réunie  à  celle 
de  Pont-de-Veyle.  Elle  mourut  en  1806. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  d'argent  à  3  quintefeuilles  d'azur  qui 
est  de  Montesson,  accolé  de  gueules  au  loup  cervier 
passant  d'argent  accompagné  de  3  coquilles  de  même, 
2et  î. 


10 


—  146  — 


%ïl#35^ 


MURAT 


DE    MURAT. 

Claude-François,  comte  de  Murât,  marquis  de  Mont- 
fort,  fils  de  Claude-Jacques-Gosar,  comte  de  Gibertés, 
colonel  d'infanterie,  chevalier  de  Saint-Louis  et  de  Saint- 
Lazare,  et  de  Renée-Louise-Françoise  de  Bresseau,  mar- 
quise de  Montfort,  fut  d'abord  chevalier  de  Malte,  ]mis 
lieutenant  au  régiment  du  Roi  et  enfin  brigadier  de  ses 
armées.  Il  épousa,  en  1751,  Marie  de  Mascrani  qui,  en 
1754,  fut  marraine  de  la  grosse  cloche  de  Pont-de- 
Gennes. 

Collections  de  Brébisson,  Comte  Lair. 

Armoiries  :  iVazur  à  3  fasces  crénelées  d'argenty 
maçonnées  de  sable,  la  1^'  de  5  créneaux,  la  2^  de  4, 
la  3*  de  3  et  ouverte  en  porte  ronde  au  milieu. 


147  — 


MURAT 


DE  Mur  AT. 


C'est  sans  doute  au  même  Claude-François  de  Murât 
qu'il  faut  attribuer  cet  ex-libris. 

La  famille  de  Murât  qui  a  possédé  au  Maine  le  mar- 
quisat de  Montfort-Ie-Rotrou  et  les  fiefs  de  Champagne, 
Changé,  la  Buzardière,  le  Pont-de-Gennes,  est  origi- 
naire d'Auvergne  et  fort  ancienne. 

Collection  de  Brébisson. 

Mêmes  armoiries. 


—  148 


DE    MURAT. 


Louis,  marquis  de  Murât,  fils  du  précédent,  officier 
au  régiment  du  Roi,  épousa  Anne-Marie  de  Montsaulnin, 
dont  il  eut  plusieurs  enfants,  un  fils  mort  jeune  et  une 
fille,  Marie-Charlotte,  baptisée  le  4  novembre  1788.  Il 
fut  convoqué  pour  nommer  des  députés  lors  des  Etats 
généraux  de  1789. 

Collection  de  Brébisson. 

Mêmes  armoiries. 


—  149  — 


Négrier. 


René  Négrier,  écuyer,  conseiller  du  Roi  au  présidial 
du  Mans  et  de  Monsieur,  puis  maire  du  Mans  en  1786, 
était  d'une  famille  connue  au  Mans  depuis  le  commen- 
cement du  xvii*  siècle  et  qui  a  fourni  plusieurs  maires  de 
cette  ville,  entre  autres  N.  Négrier  de  Posset,  conseiller 
et  maire  titulaire  en  1772. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

'  Armoiries  :  d'argent  au  chevron  de  gueules,  accom^ 

pagné  de  3  têtes  de  Maure  de  sable  liées  de  même, 

accolé  coupé  d'argent  au  turc  issant  au  naturel  tenant 

une  épée  flamboyante  et  de  gueules  à  3  pals  d'argent. 


—  150  — 


''^^wmÈ^p^^^^ 


Nepveu. 


Pierre-Daniel-François  Nepveu,  éciiyer,  seigneur  de 
Houillon,  fils  (le  Pierre,  lieutenant  criminel  à  la  séné- 
chaussée (lu  Mans,  et  de  N.  de  Valetot,  servit  dans  la 
marine.  Embarqué  sur  la  Bretagne^  commandt^e  par 
M.  de  Dampierre,  comme  lieutenant  de  vaisseau,  il 
mourut  en  rade  de  Cadix  en  1783. 

Collections  d'Achon,  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'azur  à  3  besans  (Tor^  chargés  chacun 
d'une  croix  fleurdelisée  de  sable. 


—  151  — 


^^^.-â. 


tMlf^ 


DE    NlGOLAÏ. 

Aimard-Jean  de  Nicolaï,  marquis  de  Goussainville, 
seigneur  d'Osny,  colonel  du  régiment  de  dragons  de  son 
nom  en  1727,  fut  ensuite  conseiller  au  parlement  de 
Paris  et  pnmiier  président  en  la  chambre  des  comptes. 
Il  épousa  Madeleine  de  Vintimille  du  Luc.  C'était  le 
frère  de  Marie-Elizabeth  de  Nicolaï,  mariée,  en  1723,  à 
Louis-Charles  de  la  Chastre,  comte  de  Nancey. 

Cette  famille  a  possédé  au  Maine  les  seigneuries  de 
Moudan,  la  Varenne  et  Montfort-le-Rotrou. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcv. 

Armoiries  :  d'azur  à  la  levrette  courante  d'argent, 
colletée  de  gueules,  bordée,  bouclée  et  clouée  d'or. 


152  — 


DE  NoAiLLES,  Duchcssc  dc  la  Vallîère. 

Marie-Thérèse  de  Noailles,  fille  du  duc,  épousa,  le 
16  juin  1698,  Charles-François  de  la  Beaume-le-Blanc, 
marquis,  puis  duc  de  la  Vallière  en  1723,  qui  avait  hérité 
de  Marie-Anne,  légitimée  de  France,  princesse  de  Conti. 

Cet  ex-libris  servait  aux  livres  offerts  en  prix  par  la 
Duchesse. 

Sous  2  branches  de  lauriers  que  rattache  un  nœud, 
on  lit  : 

Ex  muni ficen lia, 

/.  D.  M.  T.  de  Noailles. 

D,  D.  de  la  Vallière, 

Et  au-dessous  : 

/.  P.  Douvry, 

Collection  d'Achon. 

Armoiries  :  coupé  de  gueules  et  d'or  au  lion  léopardé 
coupé  d'argent  sur  gueules  et  de  sable  sur  or,  couronné 
d'argent  à  r  antique,  accolé  de  gueules  à  la  bande  d'or. 

Les  écus  sont  de  grandeur  réelle,  mais  le  tout  mesure 
0  m.  14  sur  0  m.  08, 


—  153  — 


Potier. 


Léon  Potier,  duc  de  Gesvres  au  Maine,  marquis 
d'Annebault,  chevalier  des  ordres  du  Roi,  gouverneur 
du  Maine,  Laval  et  le  Perche,  épousa  :  1**  en  1651,  Marie- 
Françoise-Angélique  Duval,  et  2**,  en  1703,  étant  alors 
très  âgé,  Marie-Renée  de  Romillé,  fille  de  Louis,  marquis 
de  la  Chenelais.  II  mourut  Tannée  suivante,  laissant 
onze  enfants  de  sa  première  femme. 

La  famille  Potier,  originaire  de  Paris,  où  elle  a  donné 
plusieurs  présidents  au  parlement,  a  possédé  au  Maine 
outre  Gesvres,  Assé-Ie-Boisne,  Couptrain,  Courcité, 
Pré-en-Pail,  la  Poôté,  etc. 

Collections  de  Farcy,  Bibliothèque  de  Laval. 

Armoiries  :  d'azur  à  2  mains  dextres  d'or  au  franc 
quartier  échiqueté  d'argent  et  d'azur. 


—  154  — 


@  Jean-Baptiste-  ^ 
g  HenrT'Michel  ^ 
I   LE  PRINCE  ,   % 

S     Ecuier ,  au  Mans.     ® 


Le   Prin<:f. 

Jean-Baptiste-Henri-^Iichel  l^e  J*iti.M:K  d  Ardenav, 
d'une  famille  originaire  de  Bellrmo  Orru?),  tétait  iîls  de 
Jean-Baptiste-Jacques,  conseiller,  .secrt-kniH*  du  [loi  en 
1763,  et  de  Marie  Desportes.  Il  înV  jtij4:e  cnnsiil  et  maire 
du  Mans.  II  épousa,  le  13  fih  rior  \1V\\^  Marit^-Aiine- 
Louise  Godard  d'Assé,  dont  il  n'oiii  |jas  d'etilant,  et 
mourut  le  30  juin  1819,  laissant  irintr-re^sarUti  mëinoirf^.s 
qui  ont  été  publiés  en  18S0  par  l'aliln^  J'-snault.  ïl  s*^  stTvit 
d'abord  d'un  ex-libris  typographie |ih%  [luis  de  vvUn  uù 
ses  armes  sont  accolées  à  celtoH  ilf  sa  [cainje. 

Collections  Brière,  de  Bn'liissDu,  tpii  a  ]nddié  ces 
ex-libris  et  les  deux  suivants  dans  la  xn''  annéi^  des 
Archives  des  Collectionnems  tff!.v~ltbrLs\  j).  Tï, 

Armoiries  :  dazur  à  9  abeillrs  J  or  poser  s  rfine  en 
cœur  et  les  8  autres  en  orle  cf  t'iunrr^eittrs.  ar<'olp  : 
parti  (et  non  écartelé)  de  gueules  au  cygne  d'argent  sur 
une  terrasse  de  sinople  au  chef  (V azur  chargé  d'une 
étoile  d'argent  et  d'or  au  lion  rampant  de  sable  au 
chef  d'argent  chargé  d'une  hure  de  sable. 


—  155  — 


I 


DE     LA 
BIBLIOTHÈQUE 


D   t 


CHARLES-LOUIS 


LEPRINCE. 


No. 


Lk   Pkjnce. 

[.Duis-Charles  Le  I*|{in€i:  iIp  Beaufort,  frère  du  précé- 
dent, a  fait  reproiluij't*  oxaclf  nient  Tex-libris  qui  précède 
en  y  plaçant  les  arinoirios  de  sa  f(îmme.  H  habitait  Paris 
et,  pendant  la  TemMir.  Il  9ni  soin  de  recouvrir  son 
ex-Iibris  pur  une  Jïbiivjur  d'^  couverture  en  typographie. 

Collections  Bri^re  et  Ma  n  touche  t. 

Trois  de  cvs  cliclirs  wms  ont  été  communiqués  par  la 
Saciéî  ('  des  Ex  -  i  iù  i  is  Fi  y/  //  çff  is . 

Armoiries  :  Le  F^rifice,  accolé  de  gueules  à  C aigle 
éployée  d'argent ^ 


156  — 


Raison. 

Cet  ex-Hbris  manuscrit  est  celui  de  Pierre-François 
Raison,  président  au  grenier  à  sel  du  Mans.  Il  appar- 
tenait à  une  famille  d'avocats  au  présidial  et  naquit  en 
cette  ville  le  21  septembre  1750. 

M.  de  Brébisson  a  publié  cet  ex-libris  dans  la  vi"  année 
des  Archives  des  Collectionneurs  d'Ex-libriSy  p.  29, 
diaprés  celui  qui  se  trouve  sur  des  volumes  appartenant 
à  M.  Jules  Chappée. 


—  157  — 


Rocher. 


N.  Rocher  des  Perrés,  d'une  famille  du  Maine,  n'est 
connu  que  par  cet  ex-libris,  dont  le  cuivre  appartient  à 
M.  Engelmann,  24,  rue  de  l'Arcade,  à  Paris. 

Armoiries  :  dC argent  au  rocher  émergent  d'une  mer 
surmonté  d'une  fasce  d'azur  à  3  étoiles^  accolé  d'azur 
au  sanglier  d'or  accompagné  de  3  gerbes  de  blé  de 
même,  2  et  î.  Ces  armoiries,  qui  rappellent  celles  de  la 
famille  Pelisson,  sont  actuellement  portées  par  la  famille 
Le  Monnier  de  Lorière. 


—  158  — 


Abbaye  de  la  Roë. 

L'abbaye  de  la  Roë,  au  pays  de  Craon,  fut  fondée, 
en  1096,  par  Robert  d'Arbrissel,  pour  les  ermites  qui 
venaient  se  joindre  à  lui  et  auxquels  il  donna  la  règle 
des  chanoines  de  Saint-Augustin.  Elle  fut  dotée  par 
Renaud  de  Craon  et  enrichie  par  de  nombreux  bienfai- 
teurs. L'église  primitive  à  laquelle  on  ajouta  une  abside 
au  xiv"  siècle  eut  beaucoup  à  souffrir  des  protestants. 
L'abbaye  fut  reconstruite  au  xviii*  siècle  et  une  partie 
des  bâtiments  est  actuellement  occupée  par  la  mairie,  le 
presbytère,  etc. 

Le  cartulaire  et  le  chartrier  sont  conservés  aux 
archives  de  la  Mayenne. 

Le  chartrier  et  les  volumes  de  la  bibliothèque  por- 
taient un  ex-libris  dCazur  à  la  voue  dC argent. 

Collection  de  Farcy,  Archives  de  la  Mayenne. 


—  159  — 


Le  Roux. 


Cet  ex-libris  peut  être  considéré  comme  une  adresse 
et  réclame  de  graveur. 

En  effet,  ce  Le  Roux  a  gravé  plusieurs  ouvrages. 

Les  armoiries  qui  figurent  sur  son  ex-libris  sont  sans 
doute  des  spécimens  de  sa  manière  de  faire.  On  peut  les 
blasonner  :  écartelé  d'azur  au  chevron  d'or  accom^ 
pagne  de  3  losanges  de  même,  et  dargent  à  2 pals  de 
gueules,  à  la  barre  de  sinople^  brochante. 

Bibliothèque  de  Laval. 


160  — 


RUILLÉ. 


On  peut  en  dire  autant  de  Tex-libris  Ruillé. 

Ce  bois  est  certainement  Tun  des  meilleurs  qui  aient 
été  gravés  au  Mans  à  la  fin  du  xviii"  siècle. 

L'écu  soutenu  de  2  béliers  est  d'argent  au  bouquet 
de  fleurs  de  ,..  lié  d'un  nœud  de  ruban  de  gueules  au 
chef  de  même  chargé  de  3  étoiles  d'argent. 

Collection  Mautouchet. 


—  161  — 


DE    SaMSON. 

Alexandre-Paul-Louis-François  de  Samson,  chevalier, 
seigneur  de  Lorchère  et  lieutenant  au  régiment  de  Pen- 
thièvre-infanterie,  fils  de  Paul-Louis-François-Alexandre 
et  de  Marie-Françoise  Le  Rouge  de  Beaufou,  épousa,  le 
17  juillet  1781,  Marie- Augustine  de  Broc,  fille  de  Charles- 
Léonore,  comte  de  Broc,  et  de  Madeleine-Gabrielle-Renée 
de  Menon  de  Turbilly.  Il  mourut  le  31  juillet  1801,  lais- 
sant des  recherches  généalogiques  sur  sa  famille. 

Collection  de  Tabbé  L.  Calendini,  curé  de  Chassillé. 

Armoiries  :  écartelé  d'or  et  de  gueules  au  lion  de 
Cun  en  Vautre,  armé  et  lampassé  d'azur. 

(A  suivre). 


11 


SAINT-CLEMENT  DE  CRAON 

ET  LE  PrIORAT  DE  JACQUES  TeILLARD 


Dans  les  premiers  jours  de  juillet  1601  ^  arrivaient  à 
Saint-Clément  de  Craon  deux  dignitaires  de  l'abbaye  de 
Vendôme  :  le  grand  prieur  Jacques  Franchet,  bachelier 
en  droit  canon,  et  le  sacristain  Mathurin  de  Renusson, 
bachelier  en  théologie.  Ils  voulaient  examiner  à  fond 
Tétat  et  les  ressources  d'une  maison  où  tout  laissait 
grandement  à  désirer  et  où  les  amenait  le  désir  de 
mettre  un  peu  d'ordre  dans  la  vie  conventuelle  des 
religieux. 

Ils  devaient  savoir  pourtant  à  quoi  s'en  tenir.  Déjà, 
le  8  octobre  1595,  en  vertu  d'une  sentence  rendue  par 
Adrien  Jacquelot,  lieutenant  général  au  présidial  d'An- 
gers '-\  une  montrée  avait  eu  lieu.  Les  ruines,  assez 
considérables  alors,  s'étaient  accrues  encore  par  la  suite 
et  il  avait  fallu  une  nouvelle  montrée,  au  mois  d'août 
1598,  après  la  pacification.  Du  procès-verbal  qu'en 
rédigea  Jacob  Renou,  clerc  juré  et  commis  au  greffe  civil 
du  présidial  d'Angers,  descendu  avec  le  lieutenant  géné- 
ral Marin  Boylesve,  sieur  de  la  Marousière,  chez  l'hôtelier 
François  Cohon,  il  résulte  que  la  situation  du  prieuré 
était  lamentable. 

Le  prieur  Charles  Séguin  était  mort  au  mois  d'avril 

1.  Les  renseignements  qui  suivent  sont  extraits  pour  la  plupart 
de  documents  conservés  aux  Archives  de  Loir-et-Cher  (G  81  et  82). 

2.  Le  présidial  d'Angers  avait  été  transféré  à  Nantes,  par  les 
Ligueurs,  le  18  septembre  précédent. 


—  163  — 

1589,  et  le  légat  du  pape  avait  pourvu  du  bénéfice 
le  religieux  Georges  du  Plessis-Montgenard  qui  en 
avait  joui,  non  sans  de  multiples  contestations,  pendant 
une  administration  néfaste.  Au  temps  de  la  Ligue  en 
effet,  le  gouverneur  de  Craon,  Pierre  Le  Cornu  du 
Plessis  de  Cosmes,  avait  fait  de  Saint-Clément  une 
sorte  de  poste  avancé  où  les  qualités  belliqueuses  du 
prieur  avaient  pu  se  déployer  tout  à  Taise.  Le  capitaine 
Beaulieu,  qui  y  commandait  lors  du  siège  de  Craon  et 
qui  avait  trouvé  un  actif  lieutenant  dans  le  moine 
Michel  de  Chelu,  avait  été  énergiquement  aidé  par 
Georges  Duplessis  à  ruiner  la  closerie  du  Portail  qui 
gênait  la  défense.  On  dit  même  que  pour  s'entourer  de 
personnes  absolument  sûres,  le  prieur  avait  jeté  dehors 
tel  et  tel  moine  dont  les  attaches  ou  Torigine  ne  lui  sem- 
blaient pas  tout  à  fait  sans  reproche  :  ce  fut  le  sort  du 
frère  Charles  Dupont,  qui  était  venu  de  Vendôme,  ville 
soumise  au  roi,  et  qu'on  prétendait  avoir  des  intelli- 
gences avec  Bois-Dauphin.  Il  est  vrai,  pour  tout  dire, 
que  Dupont  avait  une  assignation  de  cent  écus  sur  les 
biens  du  prieuré  et  que  Duplessis  trouvait  plus  com- 
mode de  ne  lui  rien  payer  en  s'en  débarrassant. 

Les  religieux  n'étaient  pourtant  pas  nombreux  :  quatre 
en  1597,  mais  le  prieur  estimait  qu'il  n'avait  pas  trop 
de  revenus  à  percevoir  pour  se  dédommager  des  contri- 
butions qu'avait  levées  Joachim  de  la  Chesnaie,  seigneur 
de  la  Lande  de  Niafle  et  gouverneur  de  Chàteau-Gon- 
tier,  sur  les  deux  métairies  de  la  Bénardière  et  de  la 
Sevaudière,  en  Louvaines,  sans  compter  les  décimes  que 
le  général  Lafontaine  avait  prises  pour  lui.  Et  comme 
il  n'avait  personnellement  pas  de  bien,  qu'il  faisait 
quelques  aumônes  (aussi  peu  que  possible,  au  témoi- 
gnage de  René  de  Blerville)  tout  en  nourrissant  fort  mal 
ses  moines,  il  se  gardait  d'employer  aux  réparations  du 
couvent  les  sommes  qui  eussent  été  nécessaires  à  cette 
besogne,  si  bien  que  les  ruines  s'ajoutant  aux  ruines, 
on  évaluait,  en  août  1598,  à  plus  de  4.000  écus  les 


—  164  — 

dépenses  qu'il  était  urgent  de  faire  pour  remettre  les 
bâtiments  en  état. 

Georges  Duplessis  venait  d'ailleurs  de  passer  la  main 
et  de  résigner  son  bénéfice,  à  charge  d'une  pension  de 
100  livres,  à  un  étudiant  «  et  suppôt  de  l'Université 
d'Angers  »,  Jacques  Teillard.  Mais  en  lui  cédant  le 
prieuré,  Duplessis  ne  lui  garantissait  pas  une  paisible 
jouissance  :  depuis  dix  ans  en  effet  des  querelles  duraient 
au  sujet  du  possessoire  et  Teillard  trouva  immédiate- 
ment en  face  de  lui  le  moine  Charles  Gaultier,  dont  les 
prétentions  semblent  légères,  frère  Gilles  de  Requin, 
profès  de  la  Trinité  de  Vendôme,  bachelier  en  droit 
canon  et  suppôt  de  l'Université  d'Angers,  ainsi  que 
Jacques  Franchet,  religieux  de  Vendôme.  Le  conser- 
vateur des  privilèges  .de  l'Université,  appelé  à  trancher 
la  question,  s'était,  par  une  sentence  du  13  novembre 
1597,  prononcé  en  faveur  de  Teillard  qui  fut  confirmé 
par  un  arrêt  du  parlement  de  Paris  en  date  du  10  février 
1599. 

Le  nouveau  prieur  se  mit  immédiatement  à  l'œuvre. 
Mais  il  avait  fort  à  faire  pour  rétablir  l'ordre  parmi  ses 
moines  et  relever  les  murs  écroulés  de  son  couvent.  Au 
spirituel  d'abord,  sans  compter  le  scandale,  dont  le  sou- 
venir ne  s'était  pas  encore  effacé,  causé  par  le  meurtre 
de  M*  Christophe  Pinson,  prêtre  de  Saint-Clément,  que 
son  collègue  Eveillard  avait  tué,  en  1587,  d'un  coup 
d'arquebuse  dans  la  rue  du  bourg,  il  est  certain  que  les 
troubles  de  la  Ligue  n'avaient  en  rien  favorisé  la  prière 
et  le  recueillement  monacal.  Les  religieux  manquaient, 
en  1598,  d'une  bible,  d'un  graduel,  d'un  missel  même 
pour  chanter  leurs  offices  et  n'avaient  aucun  livre  de 
théologie.  Pourtant  les  passions  s'apaisant,  ils  étaient 
rentrés  en  possession  de  quelques  objets  pieux  qui  furent 
confiés  en  1601,  aux  soins  de  Michel  de  Chelu,  l'ancien 
lieutenant  du  capitaine  Beaulieu,  pourvu  alors  de  l'office 
de  sacristain,  en  dépit  des  prétentions  de  Georges 
Duplessis  et  de   René  de    Blerville.  Il  n'y  avait  pas 


—  165  — 

d'ailleurs  d'inventaire  ni  de  prise  en  charge  de  ces 
objets,  qui  en  valaient  cependant  la  peine.  C'était 
d'abord  «  une  croix  de  boys  couverte  d'argent  sur  une 
pommelle  de  cuivre  doré,  laquelle,  dit  le  procès-verbal, 
est  entière  fors  un  lambeau  d'argent  contenant  Finscrip- 
tion  qui  est  descloué,  et  besoin  de  reclouer  et  reserer 
ung  petit  rondeau  qui  est  dessus  la  teste  du  Crucifix, 
duquel  le  bout  d'abas  du  derrière  de  la  dicte  couverture 
d'argent  soubz  un  ange  élevé  en  bosse  où  est  besoin  de 
mettre  ung  clou  d'argent  et  cojitinuer  le  bore  d'argent 
au  mesme  endroit...  » 

C'était  ensuite  une  autre  petite  croix  couverte  d'ar- 
gent, dorée  sur  le  devant,  au  milieu  de  laquelle  se 
voyait  un  agneau,  et  garnie  de  pierreries  aux  quatre 
«  coins  ». 

C'étaient  encore  deux  calices,  avec  leurs  patènes, 
dont  le  plus  grand,  d'argent  doré,  laissait  voir  à  la 
patte  «  ung  crucifix  élevé  »  avec  le  nom  de  Saint-Clé- 
ment gravé  sur  la  partie  opposée  ;  l'autre  d'argent,  doré 
seulement  sur  la  cuve  et  à  la  pommelle,  était  dessoudé  ; 
un  troisième  était  en  réparation  chez  un  orfèvre  d'An- 
gers ;  un  quatrième  s'était  depuis  longtemps  égaré  entre 
les  mains  d'une  habitante  de  Craon. 

Si  Ton  joint  à  cela  deux  burettes  d'argent  et  un  encen- 
soir de  même  métal,  on  connaîtra  tout  le  mobilier  pré- 
cieux que  le  prieuré  de  Saint-Clément  possédait  en  1601. 
Je  me  trompe,  car  il  faut  signaler  particulièrement 
«  ung  épistolier  et  ung  évangelier  de  parchemin  escris 
à  la  main,  couvertz  tous  deulx  d'un  costé  d'argent  doré 
élevé  sçavoir  l'un  d'un  crucifix  et  de  deux  vierges, 
l'aultre  d'une  image  de  Dieu  le  père.  »  Chose  qui  peut 
sembler  singulière  !  le  maître  autel  n'avait  pas  de 
ciboire,  et  très  probablement  n'en  avait  jamais  eu.  Aussi 
les  visiteurs  enjoignirent-ils  à  Jacques  Teillard  de  faire 
construire  un  petit  tabernacle  où  seraient  enfermées, 
dans  un  vase  d'argent,  les  hosties  consacrées  qui 
seraient  nécessaires  pour  subvenir  aux  besoins  des  reli- 


—  166  — 

gieux  malades  et  que  le  semainier  renouvellerait  de 
mois  en  mois. 

Jusqu'alors  les  moines  de  Saint-Clément  s'étaient 
passés  de  cette  sainte  réserve.  Ne  pouvaient-ils  pas, 
à  Toccasion,  avoir  recours  au  curé  de  la  paroisse  dont 
les  offices  se  célébraient  dans  leur  église  ?  Cette  simul- 
tanéité des  offices,  outre  plusieurs  inconvénients,  avait 
même  pour  résultat  d'amener  une  certaine  cacophonie 
dont  le  clergé  paroissial  se  plaignait  vivement  et  à 
laquelle  les  visiteurs,  en  veine  de  réformes,  voulurent 
remédier. 

Ils  décidèrent  donc  que  les  religieux  entreraient  au 
chœur,  pour  dire  leurs  matines,  à  quatre  heures  les  jours 
de  fêtes  solennelles,  les  premiers  dimanches  de  chaque 
mois  et  les  jours  de  services  extraordinaires  ;  à  cinq 
heures,  les  autres  jours.  Les  matines  seraient  suivies 
immédiatement  de  prime  et  du  chapitre.  La  grand'messe, 
précédée  de  tierce  et  de  sexte,  serait  chantée,  chaque 
dimanche  et  les  jours  de  fêtes  solennelles,  à  huit  heures 
et  demie,  et  les  autres  jours,  comme  les  jours  déjeune, 
où  les  moines  entraient  au  chœur  à  neuf  heures,  la 
grand'messe  ne  devait  être  célébrée  qu'à  dix  heures, 
sauf  le  premier  dimanche  de  chaque  mois.  Quant  aux 
vêpres,  suivies  de  compiles,  elles  devaient  uniformé- 
ment commencer  à  trois  heures.  «  Et  pour  garder  au 
dit  service  divin,  ajoutaient  les  visiteurs,  la  révérence 
requise,  nous  enjoignons  très  expressément  de  reprandre 
le  service  de  Nostre-Dame  selon  l'ancienne  coustume  à 
basse  voix,  prononcer  le  tout  distinctement  et  articule- 
ment,  avec  attention  ad  ce  que  ung  costé  entende 
l'aultre...  Porteront  leurs  frocs  et  bonnez  carrez  cou- 
verts de  leurs  capuchons  durant  le  divin  service  et,  en 
aulbe,  l'amict  sur  le  bonnet...  » 

Ces  points,  d'ordre  purement  spirituel,  se  réglèrent 
sans  difficulté.  Mais  il  fallut  plus  d'examen  pour  ordonner 
la  vie  matérielle  du  couvent.  Le  nombre  des  religieux 
avait   augmenté  depuis  les  troubles    :   Saint-Clément 


—  167  — 

comptait  en  1601  douze  moines  ou  novices.  Ce  n'était 
pas  Taffaire  de  Teillard,  qui  voyait  avec  peine  le  plus 
clair  de  son  bénéfice  s'en  aller  en  victuailles.  Il  avait 
passé  à  cette  occasion  avec  ses  religieux,  le  10  août 
1599,  un  traité  dont  nous  ne  connaissons  pas  la  teneur, 
mais  qui  constitue  sans  doute  le  fondement  d'un  projet 
de  concordat  soumis  par  lui,  en  1601,  à  l'approbation 
des  visiteurs  de  Vendôme. 

Homologué  en  chapitre  général  et  approuvé  le  28  sep- 
tembre suivant  après  avoir  subi  quelques  retouches  assez 
importantes,  ce  règlement  portait  que,  dans  les  douze 
années  qui  suivraient,  le  nombre  des  religieux  serait 
réduit  à  six,  non  compris  le  prieur  et  un  novice  ;  que  ces 
religieux,  avec  le  novice  et  le  serviteur  du  sacristain, 
seraient  nourris  et  entretenus  par  le  prieur  ;  que  les 
douze  années  révolues,  leur  nombre  serait  porté  à 
neuf. 

«  Et,  ajoutaient  les  visiteurs,  afin  que  la  discipline 
puisse  refleurir  dans  le  cloître,  il  est  ordonné  que  tous 
les  religieux  feront  le  service  divin  aux  heures,  forme, 
attribution,  distinction,  révérence  selon  la  coustume 
ancienne  de  l'abbaye  de  Vendosme  et  ce  pendant  et 
jusques  à  ce  qu'il  aye  esté  pourveu  par  le  chapitre  d'un 
soubz-prieur  et  aultres  religieux  prestres  obédienciers, 
sera  tenu  le  prieur  fournir  aux  religieulz  de  deux  pres- 
tres séculiers  pour  leur  ayder  à  acquicter  le  service  du 
prieuré  ; 

«  Qu'ilz  porteront  la  couronne  régulière  avec  la  barbe 
courte,  sans  moustaches,  qu'ilz  feront  couper  de  troys 
sepmaines  en  troys  sepmaines,  et  es  festes  solennelles 
leurs  grands  frocs  avec  leurs  bonnetz  carrez  dedans  le 
chœur  et  Téglise  et  allans  processionnellement,  quelque 
lieu  que  ce  soit  ;  et  dedans  et  dehors  Tenclos,  leurs 
robbes  ou  soustanes  longues  avec  leurs  scapulaires  et 
le  bonnet  carré,  sinon  que  allans  dehors  en  temps  plu- 
vieux et  de  trop  grande  challeur  ou  froidure,  par  la  per- 
mission de  leur  supérieur  ou,  en  son  absence,  du  plus 


—  168  — 

ancien,  auquel  cas  pourront  porter  chapeaus  et  non 
autrement. 

«  Porteront  tous  leurs  habits  de  couleur  noire  et  de 
laine  seulement  et,  allans  hors  le  dit  prieuré  et  en  la 
ville  de  Craon,  par  permission  comme  dessus,  iront 
décemment  avec  leur  habit  régulier.  Leur  faysons 
expresses  inhibitions  et  deffenses  de  n'aller  ni  fréquenter 
cabaretz  ou  tavernes  du  dict  Craon  ny  des  environs,  ni 
hanter  compagnies  deshonnestes  et  scandaleuses  soubz 
grosses  peines  à  la  discrétion  du  supérieur. 

«  Et  à  ce  que  le  dict  prieuré  ne  soit  à  Tadvenir  tant 
commun  et  fréquenté,  enjoignons  au  dict  prieur  de  faire 
clore  de  muraille  le  portail  dict  de  Sainct-Benoist,  en 
laquelle  le  dict  secretain  fera  faire  une  petite  porte  de 
haulteur  comme  de  largeur  de  troys  pieds,  dont  le  dict 
prieur  fournira  de  boys  et  le  dict  secretain  de  ferreure, 
mesme  de  coureils  à  fermer  par  dedans  avec  une  bos- 
selle fermant  à  claif,  dont  le  dict  secretain  aura  une 
claif  et  le  soubz-prieur  l'aultre  et  sera  continuellement 
fermée,  faysans  défenses  de  n'introduire  personne  scan- 
daleuse ou  nuisible  à  peine  d'en  respondre  par  le  dict 
secretain  en  privé  nom,  comme  aussi  aura  une  claif 
dont  sera  continuellement  fermée  la  porte  pour  entrer  du 
logis  de  la  secretainerie  en  Tallée  de  la  cuisine,  salle 
ou  réfectoire  et  aux  dicts  cloistres  ;  et  seront  par  le 
portier  retenus  les  porcs  d'entrer  aux  dicts  cloistres... 

«  Et  arrivans  maladie  aux  dicts  religieulz,  le  dict 
prieur  les  fera  visiter  et  assister  de  médecin  selon  la 
nécessité,  retirer  et  accommoder  es  chambres  du  dict 
portail  qu'il  fera  distingué  de  cloyson  selon  la  forme 
ancienne,  les  meubler  et  garnir  à  cette  fin.  Et  con- 
viendra avec  les  dicts  religieulz  d'un  apothicaire  pour  les 
panser  en  leurs  maladies  ;  et  où  aulcun  d'eux  en  voul- 
droit  choysir  et  prandre  aultre  que  celluy  dont  aura  esté 
convenu,  ne  sera  le  dict  prieur  tenu  le  payer  des  dro- 
gues et  médicamens  qu'il  aura  fourni.  Sera  aussi  tenu 


—  169  — 

le  dict  prieur  changer  les  viandes  aux  religieulz  malades, 
selon  Tordonnance  du  dict  médecin,  et  leur  fournir  de 
garde  sans  fraulde.  » 

Mais  sans  plus  nous  attarder  aux  bagatelles  de  la 
porte,  examinons  avec  Jacques  Teillard  ce  qui  lui  tenait 
peut-être  le  plus  à  cœur  :  Tentretien  des  moines.  C'était 
là  une  grosse  question  qu'il  tâcha,  dans  son  projet,  de 
résoudre  avec  quelque  justice.  Les  députés  de  Vendôme 
en  examinèrent  soigneusement  le  détail  et,  s'inspirant 
de  ce  que  Ton  faisait  à  Tabbaye,  ils  formulèrent  les  pres- 
criptions suivantes  : 

«  Premièrement  que  le  dict  prieur  fournira  tant  pour 
les  dicts  religieulz  au  dict  nombre  et  au  serviteur  du 
secretain,  aux  jours  de  viande  seulement,  de  veau  depuis 
le  jour  de  Pasques  jusque  au  jour  de  Penthecoste, 
sçavoir  au  disner  à  bouillir  tout  le  hault  costé  de  veau 
avec  le  gigoteau  et  rouelle,  ou  la  teste  et  le  ventre  ou 
pour  l'un  d'iceux  l'un  des  dessus  dicts  membres  au 
chois  des  dicts  religieux  avec  un  competant  morceau  de 
salle,  oultre  cellui  du  desjeuner.  Et  au  souper  pour  le 
dict  temps  fournira  aux  dicts  religieulz  d'une  poitrine  ou 
espaule  et  demy  rongnon  de  veau  ou,  pour  icelluy,  une 
poitrine  aussi  à  leur  choix,  le  tout  lardé  et  rosti  et  oultre 
un  morceau  de  veau  et  salle  pour  faire  le  potage  ;  et  le 
dessert  selon  la  sayson. 

«  Et  depuis  le  dict  jour  de  Penthecoste  jusque  au 
mardi  gras,  fournira  au  disner  de  deux  pièces  de  bœuf 
ou  thore  telle  et  de  la  meilleure  qui  se  trouvera  en  la 
boucherie  de  la  dicte  ville  de  Craon,  à  l'achapt  de  laquelle 
pouront  les  dicts  religieulz  député  l'un  d'entr'eux,  chas- 
cune  pièce  poysant  quatre  livres,  avec  un  hault  costé  de 
mouton  entier  mis  en  deux,  aussi  du  meilleur,  oultre  le 
salle  comme  dessus.  Et  pour  le  souper,  d'un  gigot  et 
espaule  de  mouton  de  la  susdite  nature  rostis  ou  deux 
pièces  de  veau  à  rostir  telles  que  dessus  pour  les  dictes 
deux  pièces  de  mouton,  ou  moictié  d'un  et  moictié  d'aultre 
selon  la  commodité  du  pais,  oultre  le  morceau  de  veau 


—  170  — 

ou  mouton  avec  le  salle  pour  faiie  le  potage  ;  et  le  des- 
sert comme  dessus. 

«  Au  regard  de  Textraordinaire  des  festes  annuelles 
eschéantes  depuis  le  dit  jour  de  Pasques  inclusivement 
jusques  au  jour  de  la  Magdaleine,  qui  sont  de  TAscen- 
sion,  Penthecoste,  de  la  Trinité  d'esté  et  du  Sacre,  four- 
nira le  dict  prieur  deux  couples  de  pouletz  et  d'un  oyson 
farci  ou  pour  icelluy  un  gigot  ou  espaule  de  mouton  ou 
deux  rongnons  de  veau  rosti  au  chois  comme  dessus,  et 
ce  oultre  le  plat  des  officiers. 

«  Et  depuis  le  dict  jour  de  la  Magdalene  jusque  au 
jour  de  Toussainctz,  es  dictes  annuelles  qui  sontNostre- 
Dame  de  my-aoust  et  le  dict  jour  de  Toussainctz,  de 
deux  husteaudeaus  et  de  Tun  des  membres  cy  dessus, 
de  la  mesme  qualité. 

«  Et  depuis  le  jour  de  Toussainct  exclu  jusque  au  dict 
mardi  gras,  qui  sont  le  jour  des  Morts,  des  deux  fonda- 
teurs de  Sainct-Clément  et  de  la  Trinité  d'hyver,  de 
Noël,  des  Roys,  Chandeleur  et  dimanche  de  Septuagé- 
sime,  un  bon  et  compétant  chappon  avec  Tune  des  mes- 
mes  pièces  que  dessus  ou  deux  chappons,  le  tout  oultre 
l'ordinaire  cy-dcssus. 

«  Quant  aux  festes  triples  qui  sont  le  premier  jour  de 
Tan,  Sainct  Julian,  Sainct  Benoist,  Annunciation  Nostre- 
Dame,  les  premiers  fériers  des  festes  annuelles,  Quasi- 
modo,  Sainct  Eutrope,  Sainct  Bienheuré,  Sainct  Jehan, 
Visitation  et  patronage  de  Nostre-Dame,  Sainct  Pierre, 
Sainct  Benoist,  de  la  Magdalene,  Saincte  Anne,  Nativité 
Nostre-Dame,  Sainct  Michel,  Sainct  Martin,  Sainct 
André,  Sainct  Nicolas  et  Conception  Nostre-Dame,  et 
pareillement  aux  doubles  qui  sont  Sainct  Mathie,  Sainct 
Gregoyre,  seconds  fériors  des  annuelles,  Sainct  Am- 
broyse,  Sainct  Marc,  Sainct  Philippe,  Sainct  Barnabe 
et  Jacques,  Sainct  Barthelemi,  Sainct  Augustin,  Sainct 
Mathieu,  Sainct  Jhérosme,  Saint  Luc,  Sainct  Simon, 
Sainct  Thomas ,  arrivans  à  jour  de  chair,  fournira  le 
prieur  de  deux  pièces  de  roux,  sçavoir  deux  pouletz  et 


—  171  — 

un  hallebran  ou  hustaudeaux  et  oyson  selon  la  sayson, 
au  choix  comme  dessus.  Elles  dictes  annuelles  arrivans 
à  jour  de  poysson,  comme  le  jour  de  Pasques  fleuries  et 
les  vigiles  de  Pasques,  Penthecoste  et  Trinité  d'esté, 
fournira  le  dict  prieur,  oultre  l'ordinaire  cy  après  spé- 
cifié, deux  plats  du  meilleur  poysson  que  Ton  poura 
trouver  dans  la  dicte  ville,  oultre  le  plat  des  officiers. 

«  Et  les  dictes  triples  et  doubles  aussi  arrivans  à  jour 
maigre,  fournira  le  prieur  d'un  plat  de  marée  ou  aultre 
poisson  blanc,  au  choix  des  dicts  religieux,  se  s'en  trouve 
en  la  dicte  ville. 

«  Quant  aux  jours  ordinaires  de  poysson  de  toute 
l'année,  et  des  mercredis  et  advent,  seront  les  dicts  reli- 
gieuls  servis  au  disner  de  deux  plats  de  moulue  et  de 
deux  de  rayeton  ou  de  moulue  parée,  oultre  un  d'oeufs 
fricassez  et  le  dessert,  et  de  mesme  au  souper,  fors  es 
jours  de  caresme  et  de  jeusne,  qu'ils  ne  sont  servis  qu'au 
disner  seulement  ;  et  à  la  colation  de  peu  de  pain  et  vin. 

«  Mays  au  dict  caresme  sont  servis  au  disner  seule- 
ment, oultre  l'ordinaire,  chaque  jour,  d'une  carpe  bonne 
et  compétente,  et  aux  dimenches  de  deux  et  aux  ven- 
dredis d'un  plat  de  marée,  oultre  l'ordinaire,  s'il  s'en 
trouve. 

«  Touchant  le  pain  et  vin,  seront  les  dits  religieulz 
servis  de  pain  de  fleur  de  seigle,  et  vin  à  suffisant,  tant 
au  disner  que  souper,  et  au  matin  à  desjeuner  le  pot  de 
vin  d'ancienneté  et  d'un  pain  qui  se  servira  entre  sept 
et  huit  [heures]  du  matin,  et  autant  à  gouster  qui  sera  au 
premier  coup  de  vespres,  à  quelle  heure  ceux  qui  voul- 
dront  repaistre  se  trouveront  ensemble  et  l'heure  passée 
nul  ne  sera  servi. 

«  Et  où  il  se  commettroit  quelqu'abus  par  aulcuns 
des  dicts  religieulz,  leur  en  sera  baillé  seulement  à  cha- 
cun une  pinte  par  chacun  repas  du  disner  et  souper. 

«  Et  ne  pouront  introduire  les  dictz  religieulz  aulcuns 
séculiers  es  dicts  repas,  sinon  les  curé  et  officiers  de  la 
mayson  et  les  parens  des  dicts  religieulz  ou  personnes 


—  172  — 

de  qualité  par  quelques  foys,  avec  la  permission  du  dict 
soubz-prieur* 

«  Pour  la  nature  du  vin,  le  dict  prieur  en  fournira  aux 
dictz  religieulz  :  depuis  le  dict  jour  de  Toussainct  jusque 
à  Pasques,  du  vin  clairet  de  creu  de  Saint-Sulpice  ou 
Chasteau-Gontier  ;  et  le  reste  de  Tannée,  du  meilleur 
du  pays. 

«  Et  seront  servis  les  dicts  religieulz  retournans  des 
champs  par  permission  du  supérieur,  selon  l'heure  de 
leur  retour. 

«  Et  oultre  fournira  le  dict  prieur,  à  chacun  jour  des 
dictes  fêtes  annuelles  et  leurs  vigiles,  d'extraordinaire 
au  disner,  de  deux  pots  de  vin  blanc  d'Anjou  et  du  meil- 
leur, et  de  deux  pains  blancs,  et  le  jour  des  Roys  d'une 
fouasse  et  gasteau. 

«  Au  regard  du  vestière  des  dicts  religieux,  baillera 
à  chacun  des  prestres  seize  escus  deux  tiers  par  chacun 
an  par  quartes  de  l'année,  à  commencer  du  premier  jour 
d'aoust  prochain  venant,  sçavoir  quatre  escus  dix  sols  à 
chacun  des  derniers  jours  d'octobre,  janvier,  apvril  et  de 
juillet  prochains  venant  et  à  continuer  à  l'advenir  pour 
l'entretenement  de  tous  leurs  habits  et  linccus  de  lict.  » 

Les  dispositions  de  ce  règlement  furent,  semble-t-il, 
fidèlement  observées  pendant  cinq  années.  Il  est  vrai  que 
Teillard  n'avait  pu,  d'une  façon  immédiate,  juger  les 
conséquences  des  modifications  apportées  par  le  cha- 
])itre  général  à  son  premier  projet,  car,  dès  1602,  il  avait 
laissé  son  office  pour  se  faire  pourvoir  de  l'aumônerie 
de  Saint- Aubin  d'Angers  *.  Jacques  de  Saint-Offange 
lui  avait  succédé  à  Saint-Clément,  mais  ce  nouveau 
prieur,  qui  n'appartenait  pas  à  Vendôme  et  possédait 
Saint-Remy-la-Varenne,  ne  résida  point  à  Craon  -  où  il 
ne  mit  peut-être  jamais  les  pieds  et  ne  paraît  pas  s'être 
occupé  de  son  bénéfice  autrement  que  pour  en  toucher 
les  revenus. 

1.  Arch.  dép.  Mayenne.  H  137,  fol.  44  r«. 

2.  Id.,  H  144,  fol.  186  ro. 


—  173  — 

Ils  s'étaient  accrus  sans  doute  depuis  le  jour  où  le 
lieutenant  Marin  Boylesve  avait  constaté  le  mauvais 
état  du  prieuré  et  Teillard  pensa  qu'il  valait  encore 
mieux  en  jouir,  tout  en  s'acquittant  des  charges  dont  ils 
étaient  grevés,  que  de  les  abandonner  à  d'autres.  Aussi 
ne  tarda-t-il  pas  à  revenir  à  Saint-Clément,  sans  pour 
cela  renoncer  à  son  aumônerie  d'Angers  ;  dès  le  mois  de 
février  1606,  et  peut-être  avant  même,  il  avait  rem- 
placé Saint-Offange.  Tout  de  suite,  et  dans  un  but  fort 
louable,  il  acheta,  au  prix  de  4.200  livres  tournois,  de 
Charles  Cybel,  écuyer,  sieur  de  la  Robetterie,  mari  de 
Madeleine  de  Clerc,  et  de  René  des  Scepeaux,  écuyer, 
sieur  du  Coudray,  la  maison  seigneuriale,  les  métairies 
et  le  moulin  de  la  Chouaignes,  en  Saint-Clément,  mou- 
vant en  partie  de  l'Ile-Tison  ;  il  en  prit  possession,  avec 
les  solennités  requises  par  la  coutume  d'Anjou,  le  29  mai 
1606,  en  présence  de  François  Thibault,  notaire  de  la 
cour  de  Saint-Laurent-des-Mortiers,  en  résidence  à 
Craon,  de  M*  Abraham  Lasnier,  sieur  de  Villeneuve, 
de  sire  François  Cohon,  sieur  de  la  Touche,  et  du 
notaire  seigneurial  Bernard  Péju,  fermier  du  prieuré  ^ 
Presque  aussitcU  il  entreprit  d'améliorer  son  acquisition 
et  fit  construire  un  second  moulin  avec  le  logis  du 
meunier  2. 

Mais  déjà  un  changement  notable  s'était  s'était  opéré 
au  prieuré.  Les  religieux  de  Vendôme  y  avaient  envoyé, 
en  qualité  de  sous-prieur,  un  frère  Pierre  Gaultier  dont 
on  n'avait  guère  à  se  louer  et  qui,  contraint  à  partir 
c<  pour  ses  crimes  et  faultes  »,  versa  dans  le  protestan- 
tisme. François  Belot  lui  avait  succédé,  le  19  juillet 
1604;  puis,  sur  l'injonction  des  supérieurs  de  Vendôme, 
un  frère  de  Cugy  avait  dû  se  retirer  à  Craon  et  l'on 
avait  décidé  que  l'entretien  de  ce  moine  intraitable  serait 

1.  Arch.  de  la  Mayenne,  H  143,  fol.  150  ro. 

2.  Ces  immeubles  furent  donnés  au  prieuré  par  Teillard  pour 
assurer  le  service  d'une  fondation  qu'il  y  faisait  le  4  avril  1611 
(Arch.  de  Loire-et-Cher,  G  81). 


—  174  — 

à  la  charge  de  Teillard  ;  ses  déportements  n'ayaient  pas 
cessé  à  Saint-Clément  et  le  prieur  voyait  Tennui  qu^ils 
lui  causaient  s'ajouter  aux  difficultés  qu'il  éprouvait 
à  exécuter  le  concordat  de  1601.  Il  finit  par  renvoyer  à 
Tabbaye  le  moine  de  Cugy,  réputé  incorrigible,  en  sou- 
tenant que  les  obédienciers  ne  devaient  pas  rester  dans 
les  prieurés  plus  de  deux  ou  trois  ans  pour  n  y  pas  con- 
tracter de  mauvaises  habitudes,  et  s'a  visant  qu'il  n'était 
pas  licite  aux  religieux  de  Vendôme  de  mettre  des 
moines  en  obédience,  s'ils  ne  remplissaient  au  préa- 
lable le  nombre  porté  par  la  fondation  de  leur  abbaye,  il 
attaqua  comme  d'abus  Thomologation  de  1601.  11  se 
hâta  de  passer  un  nouvel  accord  avec  ses  propres  reli- 
gieux qui,  le  2  novembre  1607,  en  demandèrent  la  rati- 
fication. Mais  le  chapitre  n'entendit  en  aucune  façon 
déroger  au  concordat  ni  surtout  aux  modifications  qu'il 
avait  api>ortées  au  projet  du  prieur  et  blâma  les  moines 
de  Saint-( élément  «  d'avoir  voulu  faire  aucune  chose 
sans  en  sçavoir  premièrement  l'advis  et  résolution  »  de 
leurs  supérieurs.  Il  députa  à  Paris  frère  Charles 
Le  Mareux,  cellerier,  pour  faire  vider  l'appel,  en  lui 
assurant  une  provision  de  60  sols  par  jour. 

Devant  leurs  juges,  les  deux  parties  développèrent 
les  motifs  de  leurs  griefs  réciproques  et,  naturellement, 
eurent  soin  de  n'en  oublier  aucun. 

Teillard  constata  tout  d'abord  que  le  règlement  de 
1601  avait  été  établi  par  le  grand  prieur  Jacques  Fran- 
chet,  avec  lequel  il  avait  eu  déjà  maille  à  partir  pour 
la  possession  de  son  bénéfice,  et  laissa  entendre  que 
son  compétiteur  d'alors  avait  conservé  de  sa  défaite 
une  certaine  animosité  contre  lui.  Il  se  plaignit  ensuite 
qu'on  lui  eût  imposé  un  sous-prieur  avec  prééminence 
et  juridiction  spirituelle  sur  les  obédienciers  sans  que 
lui,  Teillard,  eût  à  émettre  un  avis  quelconque.  Les 
religieux  de  Vendôme  soutenaient  bien  que  le  droit 
leur  appartenait  d'agir  aiosi  et  donnaient  en  preuve  des 
nominations  antérieures.  Mais  Teillard  répliquait  que 


—  175  — 

les  institutions  précédentes  ne  prouvaient  rien  précisé- 
ment, car  les  maisons  où  elles  avaient  été  faites  étaient 
alors  possédées  en  commande  ou  se  trouvaient  sans 
prieur. 

C'est  au  sous-prieur  qu'incombait,  suivant  l'homolo- 
gation, le  droit  de  distribuer  les  deniers  de  la  bourse 
commune,  en  dehors  du  prieur  qui  n'en  pouvait  prendre 
connaissance,  mais  ce  dernier  par  contre  était  obligé  de 
nourrir  le  serviteur  de  l'autre  et  de  lui  donner  30  livres 
de  gages  et  200  fagots. 

Le  règlement  lui  ordonnait  d'entretenir  six  religieux, 
un  novice  et  le  serviteur  du  sacristain;  mais  l'homolo- 
gation ajoutait  qu'après  douze  ans,  il  aurait  neuf  moines 
à  sa  charge  avec  leurs  domestiques  qui  étaient  «  en 
grand  nombre  »,  parait-il.  Or  pour  s'en  tenir  au  sacris- 
tain, il  jouissait,  tout  net,  de  plus  de  500  livres  de  rente 
et  il  était  bien  juste  que  ce  revenu  lui  servit  à  entretenir 
son  personnel,  sans  qu'il  en  laissât  le  soin  à  d'autres. 

Quant  aux  religieux  de  Saint-Clément,  le  concordat 
fixait  qu'on  leur  baillerait  «  aux  jours  de  mercredy,  ven- 
dredi et  sabmedy  six  platz  de  poisson  et  deux  platz 
d'œufz  fricassez  tant  au  disner  que  au  soupper,  et 
encores  aus  dicts  vendredys  deux  platz  de  marée  oultre 
et  par-dessus  l'ordinaire  »  ;  qu'on  leur  fournirait  du 
clairet  de  Saint-Sulpice  ou  de  Chàteau-Gontier  pour 
leur  boisson  commune,  et  qu'aux  jours  de  fête  on  rem- 
placerait ce  petit  vin  par  du  vin  blanc  d'Anjou  «  et  des 
meilleurs.  » 

Mais  c'étaient  là  des  exigences  vraiment  par  trop 
excessives  et  fort  éloignées  de  la  simplicité  primitive  du 
cloitre  !  L'usage  de  Vendôme  n'attribuait  que  cinq  œufs 
à  chacun  des  moines.  Le  pays  de  Craon  produisait  de 
bon  vin  et,  en  en  mettant  sur  la  table  du  prieuré,  on 
s'exemptait  de  Timpôt  de  quatre  livres  et  demie  qu'on 
payait  par  pipe  passant  «  d'ung  tablier  à  l'autre  ».  Or, 
on  consommait  en  moyenne,  à  Saint-Clément,  plus  de 
quinze  pipes  du  prix  de  trente  écus. 


—  176  — 

Enfin  Teillard  ne  comprenait  pas  qu'on  attribuât  à 
chaque  religieux  une  somme  de  50  livres  pour  son 
vestiaire,  alors  qu'à  Vendôme  les  moines  n'en  tou- 
chaient que  40.  S'il  était  obligé  de  nourrir  ses  frères  et 
de  les  habiller,  à  quoi  bon  leur  constituer  une  bourse 
commune  ? 

En  vérité  les  revenus  ne  suffisaient  pas  à  toutes  ces 
dépenses.  La  maison  avait  bien  été  rebâtie  en  partie 
et  il  en  avait  coûté  plus  de  2.000  écus  à  Teillard  ;  mais 
les  récoltes  trahissaient  ses  légitimes  espérances  :  les 
gelées  de  1607  avaient  ruiné  vignes  et  blés  et  il  se  trou- 
vait en  déficit  de  400  livres  ;  encore  lui  fallait-il  acheter 
des  grains  pour  emblaver  ses  métairies. 

Frère  Teillard,  répliquaient  les  religieux  de  Vendôme, 
a  bien  mauvaise  grâce  à  se  plaindre,  car  le  revenu  de 
son  bénéfice  monte  au  moins  à  3.000  livres  et,  toutes 
charges  déduites,  il  lui  en  reste  800.  L'avarice  seule  le 
fait  crier  et  c'est  elle  qui  l'empêche  de  recevoir  à  Saint- 
Clément  plus  de  moines  qu'il  ne  fait.  Il  devrait  avoir 
quelque  pudeur  à  mêler  tant  de  détails  de  cuisine  à  un 
procès  où  se  traitent  de  plus  graves  questions.  Sans 
doute,  on  n'est  plus  au  temps  de  saint  Benoit,  mais  les 
demandes  qu'on  adresse  au  prieur  sont  fort  raisonnables 
et  ce  qu'on  lui  réclame  est  bien  inférieur  à  ce  que  reçoivent 
les  religieux  en  d'autres  couvents.  A  la  Roë,  par  exemple, 
chacun  d'eux  est  gratifié  de  5  setiers  de  froment,  mesure 
de  Paris,  de  deux  pipes  de  vin  et  de  5  sols  par  jour  ;  un 
règlement  établi  par  M.  Pelletier  leur  accorde  en  outre 
un  muid  de  blé,  trois  pipes  de  vin  et  25  écus  pour  supplé- 
ment de  pitance  :  le  spirituel  y  est  ordonné  par  les 
prieurs  de  Saint-Victor  et  de  Saint-Lazare  de  Paris.  Les 
moines  de  Bourgueil  touchent  100  setiers  de  blé,  40 
pipes  de  vin  d'Anjou,  2.000  livres  pour  leur  pitance, 
300  charretées  de  gros  bois,  4  charretées  de  foin.  Si  à 
Saint-Aubin  d'Angers  chaque  religieux  ne  perçoit,  sui- 
vant un  règlement  provisoire  dressé  durant  les  troubles, 
que  6  sols,  du  moins  dans  cette  somme  ne  sont  pas  com- 


—  177  — 

pris  le  pain,  le  vin  et  les  autres  commodités  parti- 
culières qu'ont  les  moines,  presque  tous  officiers,  et 
encore  leur  donne-t-on  au  déjeuner  trois  pintes  de  vin, 
mesure  d'Angers.  Vraiment  tout  cela  laisse  bien  loin 
derrière  soi  les  deux  pièces  de  rôti  qu'on  délivre  à  Saint- 
Clément,  les  jours  de  fête,  et  qui  peuvent  valoir,  à  elles 
deux,  tout  appareillées,  15  sols  pour  dix  ou  douze  per- 
sonnes. C'est  pure  honte  que  s'en  tenir  aux  100  livres 
assignées  jadis  sur  des  métairies  pour  assurer  les  vivres 
des  moines,  car  tout  augmente  de  prix  :  l'aune  de  drap 
qui  coûtait  4  Kvres  en  1575  en  vaut  8  maintenant  et 
l'habit  monacal  (vêtements  de  dessous,  scapulaire,  grand 
froc  et  bonnet)  revient  à  plus  de  50  livres. 

Les  raisons  invoquées  par  les  religieux  de  Vendôme 
n'entraînèrent  pas  la  conviction  des  juges  du  Grand- 
Conseil.  Ceux-ci,  pour  former  leur  conscience,  deman- 
dèrent avis  aux  prieurs  de  Saint-Germain-des-Prés  et 
de  Saint- Victor  et  au  sous-prieur  de  Saint-Germain-des- 
Champs  et,  complètement  éclaircis  sur  la  question  des 
vivres  et  du  vestiaire,  ils  rendirent,  le  l*'  mars  1608,  un 
arrêt  dans  lequel  ils  donnaient  raison  à  Teillard  sur 
presque  toute  la  ligne.  En  voici  le  dispositif  : 

«  Iceluy  nostre  dit  Grand  Conseil,  faisant  droit  sur 
les  dites  instances,  a  dit  qu'il  a  esté  mal  et  abusivement 
ordonné  et  procédé  par  lesdits  religieux,  prieur  et  cou- 
vent de  Vendosme,  bien  appelle  par  ledit  Teillard  et  luy 
a  permis  et  permet  d'instituer  un  sous-prieur  tel  des 
religieux  dudit  prieuré  de  Craon  que  bon  luy  sem- 
blera pour,  en  son  absence,  tenir  les  religieux  dudit 
prieuré  en  leur  devoir  et  discipline  et  faire  les  functions 
à  ladite  charge  appartenans. 

«  A  ordonné  et  ordonne  que  ledit  de  Cugy  sera  ren- 
voie en  ladite  abbaye  de  Vendosme  pour  luy  estre  faict 
son  procès  par  ses  supérieurs  en  la  manière  accous- 
tumée  et,  à  cette  fin,  que  les  informations  faictes  contre 
luy  seront  envoiées  en  ladite  abbaye  à  la  diligence  dudit 
Teillard  et  qu'il  ne  pourra  estre   envoyé  par  lesdits 

12 


—  178  — 

prieur,  religieux  et  couvent  de  Vendosme  audit  prieuré 
de  Craon  plus  de  six  religieux  et  un  novice  de  bonne 
vie,  mœurs  et  honneste  conversation  ;  et  où  ils  se  trou- 
veroint  autres,  les  pourra  ledit  Teillard  renvoier  à  ladite 
abbaye  de  Vendosme  pour  y  estre  par  lesdits  prieur  et 
religieux  pourveu  ainsy  que  de  raison  ;  et  néanmoins 
aura  ledit  Teillard  la  correction  et  discipline  de  tous  les 
religieux  dudit  prieuré. 

«  A  la  garde  des  clefs  des  portes  dudit  prieuré,  ouver- 
ture et  fermeture  d'icelles,  commettra  ledit  Teillard  un 
religieux  lay  ou  personne  capable  pour  nettoier  les 
cloistres,  dortoirs  et  chambres  des  religieux  et  les  servir 
estans  à  table,  et  lequel  sera  nourry  et  gagé  par  ledit 
prieur. 

«  Que  lesdits  religieux  n'auront  à  desjuner,  sinon  en 
cas  de  nécessité  et  par  la  permission  dudit  prieur  ou 
du  sous-prieur  en  son  absence,  sçavoir  demy  septier  de 
vin  et  trois  onces  de  pain  et  n'auront  aucunement  à 
gouster  ;  que  depuis  Pasques  jusques  à  la  Trinité  d'esté 
seront  servis  de  veau  et  salé,  ainsy  qu'il  est  porté  par 
lesdits  reiglemens  desdits  commissaires,  soit  à  disner 
soit  à  souper,  et  depuis  la  Trinité  jusques  à  Pasques 
auront  beuf  et  mouton  à  disner  suivant  ledit  reiglement, 
et  à  souper  deux  pièces  de  rosty,  sçavoir  un  gigot  et 
espaule  de  mouton  ou  autre  pièce  œquipolente.  Aux 
jours  de  mercredy  auront  seullement  cinq  œufs  accom- 
modez au  beurre,  suivant  l'antienne  coustume,  ou  bien, 
au  lieu  de  trois  œufs  à  disner,  un  plat  de  morue  ou 
poisson,  s'il  s'en  trouve,  et  deux  œufs  à  soupper.  Aux 
jours  commandez  par  la  reigle  Saint  Benoist,  jeusneront 
selon  qu'il  est  porté  par  ladite  reigle  et  leur  sera  donné 
du  poisson  ou  œufs  et  légumes  et  autres  choses  qui  se 
trouveront  au  pais  et  ce  à  disner  seullement,  et  au  soir 
une  chopinc  de  vin,  chacun  six  onces  de  pain  ;  et  aux 
jeusnez  commandez  par  l'Eglise  auront  demi  setier  de 
vin  à  leur  collation  et  deux  onces  de  pain  chacun  ;  aux 
jours  de  vendredy  et  sammedy   qui   ne    seront  point 


—  179  — 

jeusnes  de  reigle,  seront  servis  ainsy  qu'aux  jours  de 
mercredy.  Aux  temps  de  Tavant,  seront  servis  de  pois- 
çon  ou  œufs  et  légumes  et,  aux  temps  de  karesme,  de 
légumes  et  poisçon  comme  il  se  pourra  recouvrer  au 
pais.  Auront  du  pain  de  fleur  de  seigle  chacun  religieux 
deux  livres  par  jour,  Tune  à  disner,  l'autre  à  souper. 
Auront  du  vin  du  pais  et  creu  dudit  prieuré,  sainct  et 
net,  trois  chopines  chacun  par  jour,  sçavoir  une  tierce  à 
disner  et  autant  à  souper.  Lesdits  religieux  estans 
malades  seront  secouruz  du  médecin,  appothiquaire  et 
chyrurgien  et  en  leurs  dites  maladies  nourris  suivant 
Tordonnance  du  médecin.  Aux  quatre  festes  annuelles  et 
du  sacre,  Nostre-Dame  de  my-aoust,  ftîste  de  Saint-Clé- 
ment, TAssension,  la  Trinité,  Saint  Benoist  de  jullet,  la 
Nativité  de  Nostre-Dame,  Saint  Martin  d'hiver,  la 
Purifilcation  et  des  Roy  s,  auront  deux  pièces  de  rosty  à 
disner  et  une  pièce  à  soupper,  selon  les  saisons,  outre 
et  par-dessus  l'ordinaire,  comme  aussy  chacun  deux 
pintes  de  vin,  l'une  à  disner  et  l'autre  à  soupper. 

«  Qu'il  sera  fourny  par  ledit  Teillard  pour  chacun 
desdits  religieux  la  somme  de  cinquante  livres  par 
chacun  an,  lesquels  deniers  seront  mis  es  mains  de  l'un 
desdits  religieux  à  ce  commis  par  ledit  prieur,  de  l'avis 
de  sous-prieur  et  de  l'un  des  antiens,  par  lequel  sera 
fourny  le  vestiaire  auxdits  religieux,  ausquels  ledit 
prieur  a  accoustumé  d'en  bailler  selon  les  nécessités  de 
chacun  d'eux  ;  lesquelles  sommes  pour  ledit  vestiaire 
seront  premier  emploiez  les  deniers  destinez  d'ancienneté 
pour  ledit  vestiaire  desditz  religieux  appeliez  la  bource 
commune  ou  revenu  dudit  petit  couvent,  et  le  surplus 
sera  fourny  par  ledit  prieur,  comme  dit  est,  jusque  à  la 
concurrance  de  ladite  somme  de  cinquante  livres  chacun. 

«  Ne  pourront  lesdits  religieux  introduire  aucuns 
sécuUiers  esditz  repas,  sinon  les  curez  et  officiers  de  la 
maison  et  les  parans  desdits  religieux  ou  personne  de 
qualité  par  quelque  fois  et  ce  avecq  la  permission  dudit 
prieur  seullement. 


—  180  — 

«  Le  serviteur  du  secrétain  dudit  prieuré  ne  sera 
nourry  aux  dépens  dudit  prieur. 

«  Pour  ledit  reiglement  estre  observé  tant  que  ledit 
prieuré  sera  tenu  en  tiltre  par  un  religieux  dudit  ordre  ». 

Il  eût  été  plus  sage  de  régler  entre  soi,  par  un  arbi- 
trage, ces  querelles  intérieures  qui  n'intéressaient  que 
la  vie  monacale.  Mais  on  était  habitué  depuis  longtemps 
déjà  à  voir  l'autorité  laïque  intervenir  dans  les  contes- 
tations de  ce  genre  et  Ton  recourait  volontiers  à  elle. 
Du  moins  n'avait-on  pas  à  s'en  plaindre  encore  et  ses 
décisions  avaient  l'avantage  d'apaiser  les  différends 
pour  quelque  temps. 

C'est  ce  qu'elle  fit  à  Craon.  Le  prieur  en  profita  pour 
poursuivre  la  restauration  temporelle  du  couvent  en 
finissant  de  payer  l'acquisition  qu'il  avait  faite  de  la 
Chouaignes  et  en  revendiquant  quelques  pièces  déta- 
chées du  fief  de  la  Benehardière  en  Louvaines  (1609).  Le 
calme  paraissant  enfin  revenu  dans  les  esprits,  il  s'atta- 
qua à  l'œuvre  de  la  réformation  spirituelle  et  de  la  disci- 
pline. Il  y  avait,  là  aussi,  beaucoup  à  reprendre.  Les 
statuts  que  Teillard  donna  le  16  août  1611  nous  rensei- 
gnent à  cet  égard.  Nous  les  citerons  dans  leur  entier. 

«  Premièrement,  le  divin  service  estant  à  préférer  à 
touttes  choses,  exorte  tant  qu'il  luy  est  possible  et 
convie  le  dit  prieur  qu'aucun  des  dits  religieux  ne  se 
exempte  du  dit  service,  sinon  en  cas  de  maladye  ou 
excuze  légitime  faicte  au  dit  prieur  ou,  en  son  absense, 
au  soubz-prieur. 

«  Lequel  divin  service  ne  poura  estre  advancé  ni 
retardé  comme  on  a  acoutumé,  ains  au  contraire  cera  dict 
aux  heures  cy  après  dictes,  sinon  pour  cause  légitime 
qui  sera  jugée  par  le  prieur  ou,  en  son  absence,  par  le 
soub-prieur,  et  mesmes  aux  premiers  dimanches  des 
moys  et  autres  jours  auquelz  ilz  ont  abusivement  acou- 
tumé d'avancer  le  service  du  dit  prieuré  pour  après 
vacquer  au  service  des  trépassés  qui  se  faict  à  la  paroisse 
du  dit  Saint-Clément  auquel  ilz  ne  sont  obligés  que 


r 


—  181  — 

voluntairement  pour  participer  au  gain  de  la  dite 
parroisse. 

«  Pour  les  heures  du  divin  service,  Ton  sonnera 
matines  aux  jours  de  troys  leçons  et  férié  à  cinq  heures 
du  matin,  pour  entrer  au  cœur  à  cinq  et  denjye.  Aux 
festes  de  douze  leçons  et  en  chappe,  Ton  sonnera  à 
quatre  heures  et  demye  pour  entrer  au  cœur  à  cinq 
heures.  Aux  festes  doubles  et  triples,  Ton  sonnera  à 
quatre  heures  pour  entrer  au  cœur  à  quatre  heures  et 
demye.  Aux  festes  annuelles,  Ton  sonnera  à  troys 
heures  et  demye  pour  entrer  au  cœur  à  quatre  heures  et 
que  aux  fins  des  dix  sons  un  chacun  des  dits  religieux, 
soubz-prieur  et  segretain  se  rengent  incontinant  au 
cœur  de  la  dite  église  pour  y  célébrer  le  divin  service 
avec  beaucoup  plus  de  révérence,  dévotion  et  attention 
qu'ilz  n*ont  acoutumé  de  faire  par  le  passé,  et  enjoingt 
de  reprendre  à  Tadvenir,  dire  et  célébrer  tout  le  service 
de  Nostre-Dame  comme  elle  se  disent  à  Tabbaye  de 
Vandosme. 

«  Que  les  dictz  religieux  se  tiennent  droictz  en  leurs 
chères  et  non  assis,  sinon  aux  heures  auquelles  on  le 
peut  estre,  sans  élever  les  jambes  sur  le  lieu  où  Ton  a 
acoutumé  reposer  les  bras  lorsqu'on  est  à  genou. 

«  Pour  la  salmodie,  que  les  accens  y  soient  observés 
et  gardés  avec  la  médiation  et  sans  commencer  un 
verset  que  l'autre  ni  soit  fini,  comme  il  est  porté  par  les 
statuz  de  la  congrégation,  et  que  chacun  se  tienne  droict, 
la  teste  descouverte,  pendant  que  Ton  commence  le 
sainct  évangile,  Magnificat,  Benedictus,  chappitres, 
preces  et  oraisons,  préface  de  la  messe,  et  se  inclinant 
au  sainct  et  vénérable  nom  de  Jésus  et  Marie,  aux 
gloria,  aux  derniers  versets  des  himnes,  et  ce  tiennent  la 
teste  descouverte  en  célébrant  la  saincte  messe  et  com- 
menceant  Tœpitre  et  sainct  évangile,  suyvant  les  statuz 
de  la  congrégation. 

«  Pareillement  que  les  anciennes  cérémonye  gardée  et 
observée  en  Tabbaie  de  Vendomne,  soint  reprises  et 


—  182  — 

gardée  au  prieuré  et  suyvant  les  statuz  de  la  congré- 
gation. 

«  L'heure  de  prime  se  dira  tous  les  jours  à  huict 
heures  et  demye  avec  tierce  et  la  grande  messe,  puis 
sexte  et  à  Tissue  du  disner  nonne,  sinon  aux  jours  de 
jeusne  de  TEglise  et  de  la  reigle,  auquelz  elle  se  diront 
immédiatement  après  matines  et,  à  dix  heures  et  demye, 
tierce  et  sexte  jusqu'à  la  grande  messe,  après  laquelle 
ilz  diront  Theure  de  nonne. 

«  Tous  les  religieux  prestres  feront  le  rang  de  grandes 
messes  et  hebdomades,  sans  les  pouvoir  faire  dire  par 
d'autres  non  pas  mesme  par  prestres  séculiers,  sinon 
en  cas  de  maladye  ou  excuze  légitime  faicte  au  prieur 
ou,  en  son  absence,  au  soubz-prieur,  célébrant  la  saincte 
messe  tous  les  dimanche,  aux  festes  solennelles  et 
annuelles,  suyvant  les  status  de  la  congrégation,  et 
seront  à  Tadvenir  revestus  d'aubes  aux  festes  triples  et 
annuelles  suyvant  la  coutume  de  l'abbaye  de  Vandosme. 

«  Que  aucun  des  ditcz  religieux  ne  poura  prendre  sa 
reffection  ailleurs  qu'au  refectouer  dudict  prieuré,  sans 
l'exprès  congé  et  permission  du  prieur  ou,  en  son 
absence,  du  soubz-prieur,  auquel  refectouer  ilz  se  trou- 
veront immédiatement  après  le  divin  service  sans  aucun 
retardement  comme  il  est  porté  par  la  reigle  Monsieur 
Sainct  Benoist,  ayant  leurs  grands  frocs  et  bonnetz  carrés, 
où  se  fera  la  bénédiction  ordinaire  et  acoutumée  au  mou- 
tier  et  abbaye  de  Vandosme  et,  icelle  faicte,  prendront 
leur  reiîection  gardant  le  silence  pendant  que  la  lecture  se 
fera.  Et  après  la  réfection  prinse,  yront  à  l'église  chantant 
les  grâces  qui  ont  acoustumé  d'estre  dictes  au  dict  mou- 
tier  de  Vandosme  et  icelles  sonnée  au  cœur  et  église  du 
dict  prieuré,  suyvant  la  coutume  de  Vandosme  et  statuz 
de  la  congrégation,  lesquelles  fînye  ilz  diront  l'heure  de 
nonne,  sinon  aux  jours  de  jeusnes  auquelz  elles  seront 
dictes  h  l'yssue  de  la  dicte  grande  messe  comme  cy 
dessus. 

«  Pour  l'heure  de  vespres,  elles  se  diront  à  quatre 


—  183  — 

heures  suyvant  l'ancienne  coutume  du  dict  prieuré, 
sçavoir  depuis  Pasques  jusqu'à  la  Toussaintz  et  depuis 
la  Toussainctz  jusqu'au  premier  lundy  de  caresme  à 
Iroys  heures,  fors  et  excepté  les  festes  solennelles. 

«  Pour  l'heure  de  complie,  elles  se  diront  tant  en  esté 
qu'en  hyver  à  l'issue  de  soupper  ou  collation  des  dicts 
religieux,  suyvant  l'usance  de  la  dicte  abbaye  de  Van- 
dosme  et  de  la  reigle. 

«  Nous  exortons,  prions  et  commandons  que  à  l'adve- 
nir  il  ne  soit  mangé  chair  au  dit  reffectouer  aux  jours  de 
mercredi  ni  aux  jours  de  l'advent,  festes  de  Nostre- 
Dame  et  autres  jours  plus  à  plain  spécifiés  tant  par  les 
statuz  et  constitution  tant  du  moutier  de  Yandosme  que 
statuz  de  la  congrégation  par  les  dictz  religieux,  soubz- 
prieur  et  segretain  du  dict  prieuré. 

«  Pareillement  leur  enjoignons  de  jeûner  et  garder 
les  dictz  jeûnes  commendés  par  l'Eglise  ot  ceux  de  la 
reigle,  sur  lesquelz  jeûnes  de  la  reigle  le  soubz-prieur 
poura  dispencer. 

«  Leur  enjoignons  très  expressément  de  non  fréquenter 
ny  aler  aux  tavernes  ni  lieux  publicqtz  et  scandaleux. 

«  Tous  les  religieux  porteront  leurs  habitz  et  marque 
de  sainct  Benoit  tant  au  dedans  qu'au  dehors  le  dict 
prieuré,  ayant  la  couronne  aparente  et  barbe  rase  ;  ne 
porteront  à  l'advenir  aucun  linge  et  rabatz  empesés  ni 
grands  coletz  appelles  rotondes  garnis  de  peccadille  à 
la  façon  des  mondains,  ains  seront  vestuz  modestement 
et  dessamment  sans  porter  habitz  de  couleur  autre  que 
le  noir,  suyvant  le  dict  ordre  et  statuz  de  la  congré- 
gation. 

«  Les  religieux  ne  sortiront  le  dict  prieuré  sans 
l'exprès  congé  et  licence  du  prieur  ou,  en  son  absence, 
du  soubz-prieur,  excepté  le  segretain  qui  poura  vacquer 
à  ces  affaires  apprès  le  divin  service  auquel  il  ne  man- 
quera non  plus  qu'un  des  autres  dictz  religieux  et  sans 
pernocter  et  perdre  les  heures  d'iceluy  divin  service  ;  et 
les  portes  du  dict  prieuré  seront  fermée  jour  et  nuict  et 


—  184  — 

y  aura  un  portier  pour  ouvrir  les  portes  et  rendre  compte 
de  ceux  qui  entreront  et  sortyront,  suyvant  la  reigle  de 
sainct  Benoist. 

«  Le  segretain  du  dict  prieuré  fournira  le  luminaire 
qu'il  doibt  à  Téglise  et  fera  touttes  ces  charges  à  quoy  il  est 
tenu  à  cause  de  son  office  tant  à  Téglise  que  hors  ycelle.  » 

Le  calme  continua-t-il  à  régner  à  Saint-Clément  ? 
On  peut  le  croire,  car  Teillard,  qui  résidait  à  Angers, 
eut  la  main  heureuse  en  choissant  comme  sous-prieur 
Fobédiencier  Philippe  Pantin  que  les  moines  de  Ven- 
dôme venaient  d'envoyer  à  Craon  pour  trois  ans.  On 
n'eut  qu'à  se  louer  de  lui  et  de  son  administration.  Il 
avait  à  cela  quelque  mérite  :  la  communauté  qui  com- 
prenait, en  1614,  six  religieux  parmi  lesquels  l'ancien 
.ligueur  Georges  Duplessis,  alors  prieur  de  Saint- 
Eutrope,  comptait  quelques  fortes  têtes.  Dans  l'assem- 
blée capitulaire  du  26  mai.  Pantin  se  plaignit  vivement 
«  des  deffaultz  et  malversations  »  de  certains  de  ses 
frères,  et  en  particulier  du  n\auvais  exemple  donné  par 
Léonard  Franchet,  qui  menait  une  vie  «  scandaleuse  et 
desbordée  »  et  fréquentait  en  des  lieux  «  suspectz  et 
mal  nottés.  » 

Le  prêtre  René  Le  Fuzelier  ne  valait  pas  mieux, 
«  estant  fort  dissolu,  tant  en  ses  habits  que  mœurs  »  ; 
il  avait  même,  le  lundi  de  la  Pentecôte  précédente, 
«  licencieusement  et  sans  congé  »  quitté  la  maison, 
préférant  son  plaisir  au  divin  service,  qui  n'avait  pu 
être  assuré,  trois  autres  religieux  étant  malades,  que 
par  des  laïques. 

Frère  Pantin,  le  temps  de  son  obédience  terminé, 
demanda  l'autorisation  de  partir  pour  vaquer  à  ses 
affaires.  Le  chapitre  de  Vendôme  la  lui  accorda  sans 
doute,  car  en  1616  le  sous-prieur  était  Pierre  Gault. 

Mais  ce  dernier  ne  donna  pas  à  Teillard  la  même 
satisfaction  que  Pantin  :  nous  verrons  tout  à  l'heure 
pourquoi.  On  se  plaignit  de  part  et  d'autre  auprès  des 
religieux  de  Vendôme.  Teillard  alla  même  plus  loin  :  il 


—  185  — 

!  mit  le  sous-prieur  à  la  porte  de  Saint-Clément  avec 

deux  autres  obédienciers  :  Pierre  Massot  et  Pierre  Viau. 
I  Tous  trois  se  réfugièrent  à  Vendôme  ;  on  les  renvoya  à 

;  Craon  ;  ils  mandièrent  le  long  de  la  route.  On  délégua, 

r  pour  régler  le  différend,  Mathurin  Renusson,  sacriste 

de  l'abbaye,  et  David  Girard,  camérier,  qui  arrivèrent 
•  le  17  mars  1617  et  trouvèrent,  s'il  faut  en  croire  un 

factum  de  1623,  les  portes  du  prieuré  barricadées  et 
défendues  par  des  gens  de  guerre,  Tarquebuse  toute 
j  prête  à  tirer  sur  les  visiteurs  s'ils  essayaient  de  passer 

outre.  Ils  se  réfugièrent  à  rhôtellerie  du  Chapeau-Rouge 
où  ils  verbalisèrent  et  condamnèrent  Teillard,  par  pro- 
vision, à  payer  à  chacun  des  trois  religieux  expulsés 
12  sols  par  jour  à  compter  de  leur  renvoi  jusqu'à  leur 
réintégration  et  50  livres  par  an  pour  leur  vestiaire. 
Les  trois  obédienciers  qu'on  avait  autorisés  à  se  retirer 
à  Lesvières  portèrent  leur  cause  au  présidial  d'Angers 
à  qui  ils  demandèrent  confirmation  de  l'ordonnance 
provisoire  rendue  par  Renusson.  Mais  Teillard  appela 
comme  d'abus  de  cette  ordonnance,  en  mettant  en  avant 
le  règlement  de  1608  et  la  haine  que  lui  portait  le  sacris- 
tain de  Vendôme. 

Qu'en  advint-il  ?  Nous  ne  savons.  Le  conflit,  en  tout 
cas,  ne  fut  assoupi  que  momentanément.  Cette  question 
de  la  nourriture  des  obédienciers  devait  le  ranimer 
encore  plusieurs  fois.  Teillard  éprouvait  journellement 
des  «  incommodités  »  à  fournir  à  ses  religieux,  «  tant 
en  vivres  que  vestière  »,  ce  qu'il  leur  devait  pour  obéir  à 
l'arrêt  du  Grand  Conseil  et  ceux-ci  se  plaignaient  de  ne 
pas  recevoir  leurs  provisions  en  temps  utile.  Après 
divers  pourparlers,  les  religieux  de  Vendôme  donnèrent 
tout  pouvoir  à  Louis  Pillet,  prieur  de  Notre-Dame  et 
sous-prieur  de  Lesvières,  et  à  Etienne  Baudry,  sacristain 
de  Vendôme,  pour  traiter  avec  Teillard.  La  transaction, 
que  reçut  le  29  avril  1621  René  Serezin,  notaire  royal  à 
Angers,  se  fit  en  la  maison  de  Gabriel  du  Pineau, 
conseiller  au  présidial,  aux  conditions  suivantes  : 


—  186  — 

Pour  être  quitte  envers  les  obédienciers  de  tout  ce 
que  l'arrêt  de  1608  mettait  à  sa  charge,  Teillard  leur 
fournissait  une  somme  de  1580  livres,  payable  de  quatre 
en  quatre  mois  et  par  avance,  avec  40  charretées  de 
gros  bois  amenées  dans  la  cour  du  prieuré  ;  il  leur 
laissait  la  jouissance  des  closeries  de  la  Potterie  et  de 
la  Bucherie,  en  Livré,  avec  tout  le  petit  couvent  et 
le  jardin  de  la  Fontaine,  pour  la  fumure  duquel  il  s'en- 
gageait à  leur  donner  quatre  charretées  de  fumier  ;  ils 
avaient  en  outre  le  logement  qui  comprenait  entre 
autres  les  deux  chambres  hautes,  études  et  garde-robes 
du  portail. 

Les  religieux  ne  devaient  exploiter  ces  chambres,  dont 
Tentretien  leur  incombait,  que  pour  y  recevoir  leurs 
hôtes  de  passage  et  y  retirer  leurs  malades. 

Si  le  vin  de  leurs  provisions  ne  pouvait  se  conserver 
dans  le  bûcher  qu'on  leur  abandonnait,  le  prieur  leur 
céderait  portion  de  la  cave  de  son  logis. 

«  Mettra  le  dict  Teillard,  ajoutait  l'acte  de  tran- 
saction, pour  l'ameublement  des  diets  religieux  en  la 
chambre  de  chacun  d'eulx,  jusques  au  nombre  de  sept 
r(»ligieux,  un  lict  garny  semblable  à  la  condition  des 
relligieulx  et,  selon  le  sçavoir  du  dict  prieur  :  une  table, 
ung  coffre  et  un  scabeau  avec  un  seul  lict  pour  leurs 
serviteurs,  comme  à  semblable  il  meublera  l'une  des 
chambres  du  dict  portail  d'ung  lict,  d'une  couchette, 
d'une  table  et  d'une  bancelle,  d"une  chère,  une  paire  de 
landiers  et  une  palle  de  fuyer,  et  encore  leur  fournira  de 
potz,  poésies  à  fricasser,  de  broches,  landiers,  cramail- 
lères,  grille,  chaudron,  casse,  pelle  à  fuier  et  cuillières 
en  la  cuisine;...  et  encores  d'une  douzaine  d'escuelles 
moyennes,  siz  aultres  grandes  escuelles,  quatre  grands 
plats,  deus  douzaines  d'assiettes,  deux  sallières,  un 
vinaigrier,  deux  quartes  à  mettre  le  vin,  une  pinte,  une 
chopine,  ung  chopineau,  une  esguière,  le  tout  d'estain, 
et  deux  chandeliers,  une  lampe  de  cuisine  ;...  plus  douze 
nappes,  huict  douzaines  de  serviettes,  une  douzaine  et 


—  187  — 

demie  d^essus-mains  et  deux  douzaines  de  draps  de  toille 
de  brin  neufve.  » 

Un  setier  de  blé  au  médecin,  deux  setiers  au  chirurgien 
ordinaire  devaient  reconnaître  les  soins  qu'ils  apporte- 
raient aux  moines  de  Saint-Clément,  à  la  tête  desquels 
serait  placé  un  sous-prieur  nommé  par  ïeillard  sur  la 
présentation  du  grand  prieur. 

Ce  règlement  fut  ratifié  le  3  mai  par  les  religieux  de 
Vendôme,  mais  trois  obédienciers  de  Saint-Clément 
refusèrent  de  Taccepter  comme  préjudiciable  à  leurs 
intérêts.  On  passa  outre  à  leur  protestation. 

Parmi  eux  se  trouvait  un  nouvel  arrivé,  Pierre 
Brouard,  titulaire  de  la  chapelle  de  Saint-Pierre,  en 
Tabbaye  de  Vendôme,  que  trois  ordonnances  du  grand 
prieur,  Claude  Fouassier,  avaient  envoyé  à  Craon  ;  il 
en  avait  appelé  comme  d'abus  au  Grand  Conseil,  en 
vain  d'ailleurs,  car  un  arrêt  du  14  octobre  1621  avait 
mis  les  parties  hors  de  cour.  Il  était  donc  venu  à  Saint- 
Clément,  mais  il  y  avait  apporté  un  tel  esprit  qu'il  lassa 
vite  ses  supérieurs  ;  malgré  des  avertissements  répétés, 
il  se  dispensait  d'assister  aux  offices,  restait  des  semaines 
entières  sans  dire  la  messe,  cabalait  avec  le  prieur  de 
Saint-Laurent  de  l'Ermitage,  Pierre  Massot,  si  bien  que 
le  sous-prieur  Pillet,  harassé,  menaçait  de  tout  quitter 
et  que  Teillard  demandait  qu'on  donnât  à  ce  moine 
réfractaire  son  obédience  à  Lesvières. 

Mais  Lesvières  n'était  pas  à  l'abri  des  troubles  non 
plus.  François  Denyau,  un  obédiencier  de  Saint-Clément, 
n'avait-il  pas  tenté  d'y  «  remuer  contre  l'établissement 
des  vénérables  pères  »  qui  prenaient  alors  possession  de 
Vendôme  avec  la  Congrégation  de  Saint-Maur?  On  ne 
voulut  pas  y  introduire  un  nouvel  élément  de  discorde. 

Brouard  resta  donc  à  Craon,  aussi  incorrigible,  aussi 
«  inobédient  ».  Un  jour  qu'il  était  allé  à  Angers  pour 
assister  à  la  première  messe  de  son  frère  aux  Corde- 
liers  de  cette  ville,  il  rendit  visite  à  son  prieur,  à  Saint- 
Aubin.  Teillard  partait  précisément  pour  Villechien   : 


—  188  — 

Brouard  fit  mine  de  raccompagner  jusqu'à  la  sortie 
de  la  ville  ;  mais  lorsqu'ils  en  furent  à  deux  portées 
de  mousquet,  le  moine  commença  à  se  plaindre  à 
son  supérieur,  lui  reprochant  d'avoir  écrit  à  plusieurs 
reprises  contre  lui  à  Vendôme.  «  C'est  la  vérité,  lui 
répondit  Teillard,  je  ne  peux  trouver  bon  que  vous  rom- 
piez les  serrures  de  mon  logis  et  que  vous  malmeniez 
mes  serviteurs.  »  L'entretien  devint  aigre-doux,  si  bien 
que  Brouard  finit  par  traiter  le  prieur  de  «  lièvre  »  et 
de  «  veau  »  et  eût  peut-être  été  plus  loin,  si  l'autre  n** avait 
pas  été  accompagné. 

La  situation  de  Teillard  devenait  délicate.  Les  reli- 
gieux de  Vendôme  touchaient  alors  cent  écus  pour  leur 
pension.  Ceux  qu'on  avait  envoyés  aux  obédiences  et 
qui  ne  percevaient  que  50  livres,  comme  à  Craon,  s'y 
rendaient  impossibles  et  n'avaient  qu'un  désir  :  retourner 
à  l'abbaye  ;  tous  les  moyens  leur  semblaient  bons,  et 
comme  Brouard,  ils  se  vantaient  de  faire  tant  de  mal 
qu'on  serait  contraint  de  se  débarrasser  d'eux. 

En  attendant,  il  fallait  bien  essayer  de  quelque 
remède.  Au  matin  du  27  décembre  1622,  Teillard 
assembla  ses  religieux  et  leur  représenta  que  «  d'aul- 
cuns  ne  bougeoient  le  plus  souvent  de  la  ville  de  Craon 
et  fréquentoient  aulx  jeux  publicqs  de  la  bolle  et  jeux  de 
bille  »  avec  toutes  sortes  de  personnes  ;  qu'au  sortir  du 
jeu  ils  se  rendaient  aux  tavernes  et  cabarets  contre 
toute  bienséance  ;  qu'ils  sortaient  à  toute  heure  sans 
permission,  refusant  d'obéir  au  sous-prieur  comme  au 
prieur,  menant  un  genre  de  vie  absolument  contraire  à 
leur  profession.  Aussi  avait-il  dressé  un  règlement  dont 
le  greffier  du  prieuré,  le  notaire  Catherin  Desprez,  allait 
leur  donner  lecture.  Ce  règlement  était  ainsi  conçu  : 

«  Premièrement  que  le  service  divin  soict  laict  avecq 
attention  et  mieulx  que  par  le  passé  ; 

«  Que  les  accens  soient  faict  à  la  salmodie  ;  qu'on 
s'arrête  aux  virgulles,  au  poinct  où  se  doivent  faire  la 
médiation  de  chasque  verset  ;  que  l'on  ne  commence 


—  189  — 

poinct  ung  verset  que  Taultre  ne  soict  flni  et  qu'il  se 
face  une  pose  ou  intervalle  ; 

«  Que  tous  s'enclineront  lorsque  Ton  dict  Gloria 
Patry^  quant  on  prononce  le  sainct  nom  de  Jésus  et 
Maria  ; 

«  Que  tous  se  tiennent  droictz  quant  on  dict  les  chap- 
pitres  et  oraisons,  évangilles,  Te  Deum,  Benediclus, 
et  Magnificat  et  préface  de  la  Messe  ; 

«  Que  tous  doresnavant  diront  la  sainct  messe  tous 
les  dimanches,  festes  solennelles  et  festes  d'appostres, 
et  le  novice  communira  à  tout  le  moins  tous  les  premiers 
dimanches  de  chasque  mois  et  festes  solennelles  ; 

«  Que  tous  se  tiendront  droictz  en  leurs  chesres  sans 
avoir  les  jambes  pendues  sur  les  basses  chesres  et 
feront  les  cérymonyes  deues  et  accoustumées,  sans 
estre  à  Tadvenir  difformes  comme  ilz  sont  à  présent  ; 

«  Que  doresnavant  nul  n'apportera  aultre  livre  en 
Téglise  que  leur  bréviaire  pour  y  lire  durant  le  service 
divin,  ains  chanteront  tous  ensemble  ; 

«  Que  à  l'advenir  ilz  ne  porteront  de  grands  rabatz 
empesez  aiant  de  grandes  repinseures  qu'ilz  mettent 
par  dessus  leur  frocq  en  faczon  de  rotonde  imittant  par 
ce  moien  ceulx  qui  sont  mariez  et  au  monde,  chose  mal 
scéante  à  des  religieulx  ;  ains  porteront  de  petitz  rabatz 
convenables  avecq  toutte  modestie  à  leur  profession  et 
qualité  ; 

«  De  ne  plus  porter  des  soulliers  à  pont  levys  comme 
les  sécuUiers,  ains  suyvant  leur  profession  seullement; 

«  De  n'estre  plus  gantés  pendant  que  Ton  célèbre  le 
divin  service  ; 

«  Qu'ilz  garderont  les  jeusnes  de  TEglise  suyvant  et 
au  désir  de  Tarrest  de  nosseigneurs  du  Grand  Conseil  ; 

«  Qu'ilz  obéiront  audict  arrest  de  poinct  en  poinct  et 
presteront  patiance  à  ceulx  qui  sont  commis  par  ledit 
prieur  pour  leur  administrer  leurs  vivres  et  nouritures, 
sans  user  de  menaces,  injures  et  tymidations,  voullans 
avoir  de  force  chose  qui  ne  leur  est  deue  ; 


l 


—  190  — 

«  Que  à  Tadvenir  ils  ne  toucheront  aulcun  argent 
par  leurs  revestiaires,  ains  qu'il  leur  sera  emploie  selon 
les  nécessitez  d'un  chascun,  selon  qu'il  est  porté  pour  le 
susdict  arrest  de  nosseigneurs  du  Grand  Conseil  ; 

«  Que  nul  ne  sortira  de  la  maison  sans  avoir  au  préa- 
lable demandé  permission  au  soubz-prieur  ; 

«  Qu'il  ne  sera  loisible  ny  permis  à  aulcun  des  reli- 
gieulx  de  porter  chappeaulx  dedans  la  maison  ne  aulx 
envyrons  d'icelle  avec  le  bonnet  carré  ; 

«  Que  lorsqu'ilz  iront  en  la  ville  de  Craon  (aiant  sur 
ce  permission),  ilz  iront  aiant  leur  grande  robbe  et  leur 
scapulaire  dessus,  sans  qu'il  leur  soict  loisible  porter 
des  manteaulx; 

«  Leur  est  aussy  deiîendu  de  non  aller  ny  fréquenter 
aulx  tavernes  et  lieulx  publicqs. 

«  Que  le  secretain  fera  tirer  de  l'eau  tous  les  mattins 
par  son  serviteur,  qu'il  portera  au  revestière  tant  pour 
dire  les  messes  que  pour  laver  les  religieulx,  et  fournir 
et  mettre  des  serviettes  pour  essuier  leurs  mains.  » 

A  peine  Catherin  Desprez  eut-il  commencé  sa  lecture 
que  Brouard  se  mit  à  faire  du  bruit,  interrompant  le 
notaire,  sortant  du  chapitre  et  y  rentrant  à  plusieurs 
reprises,  ainsi  que  Massot  et  le  frère  Jaguelin,  si  bien 
qu'à  la  fin  le  sous-prieur  Pillet,  n'en  pouvant  plus,  pria 
Teillard  de  le  décharger  de  ses  fonctions. 

Un  vent  d'insubordination  souillait  décidément  sur  le 
prieuré.  Teillard  put  s'en  apercevoir  le  soir  même.  Car 
au  souper,  les  propos  méchants  allèrent  leur  train  de 
plus  belle.  Brouard  raconta  que  le  prieur  avait  marié 
une  de  ses  filles  avec  un  passementier  et  lui  avait  do'nné 
en  dot  500  écus  des  biens  de  la  maison  priorale  ;  qu'il 
en  avait  une  autre  à  laquelle  il  désirait  faire  pareil 
cadeau. 

Les  cinq  religieux  étaient  a  table.  On  leur  servit  un 
morceau  de  poitrine  de  veau,  avec  une  épaule,  un  cha- 
pon lardé  et  rôti,  quatre  pintes  de  vin,  des  poires  et 
des  châtaignes  pour  le  dessert.  Ce  n'était  pas  encore 


—  191  — 

assez  à  leur  gré.  Lorsque  les  deux  serviteurs  leur 
apportèrent  le  dessert,  Brouard  et  Massot  se  levèrent, 
claquèrent  les  portes,  vociférant,  réclamant  h  souper. 
Le  prieur,  qui  dînait  dans  la  cuisine  avec  le  frère  Pillet 
et  Téconome  Etienne  Jahier,  envoya  son  domestique, 
Guillaume  Perier,  s'informer  des  raisons  de  ce  vacarme. 
Perier  regarda  par  la  fenêtre  de  la  salle  ;  le  novice 
Jaguelin  Taperçut,  lui  jeta  un  v^rre  d'eau  au  visage  et 
éteignit  sa  chandelle.  Les  clameurs  continuèrent  quel- 
que temps,  entrecoupées  d'un  bruit  de  vitres  cassées, 
de  tables  renversées,  de  portes  frappées.  Puis,  les  reli- 
gieux, passant  par  le  petit  jardin,  se  rendirent  sous  les 
fenêtres  de  la  cuisine  où  ils  se  mirent  à  invectiver  Teil- 
lard,  en  l'appelant  maraud,  voleur,  sacrilège.  Cela  dura 
bien  une  heure.  Quand  Pillet  alla  se  coucher,  Brouard 
et  Massot  se  trouvaient  encore  dans  la  salle  ;  ils  l'apos- 
trophèrent à  son  tour  et,  comme  il  les  voyait  toujours 
furieux,  pour  ne  pas  les  exciter  davantage,  il  se  retira 
dans  sa  chambre. 

Pendant  ce  temps  le  sacristain  Bertrand  Nepveu  qui 
rentrait,  ayant  bu  plus  qu'il  ne  convenait,  comme  il 
avait  coutume,  paraît-il,  se  prenait  de  querelle  avec  le 
novice  Jaguelin  qu'il  traita  de  coquin.  Le  novice  riposta 
et  l'autre,  tout  penaud,  vint  se  plaindre  au  prieur. 

Le  lendemain,  aux  matines,  le  désordre  recommença. 
Aussi  le  29  décembre  Teillard  ordonna-t-il  que  Brouard 
se  retirerait,  dans  les  trois  jours,  devant  les  religieux 
de  Vendôme  pour  être  puni  par  eux  et  que,  faute  d'obéir, 
il  serait  expulsé.  Mais  lorsqu'on  voulut  signifier  l'ordon- 
nance, on  s'aperçut  que  le  moine  récalcitrant  était  sorti 
du  prieuré  ;  son  retour  fut  attendu  par  le  greffier,  au 
dehors,  près  de  la  petite  porte  entr'ouverte  ;  quand  il 
revint  de  quérir  un  notaire  pour  faire  une  sommation  au 
prieur,  il  voulut  entrer  de  force,  mais  quatre  ou  cinq 
personnes,  cachées  à  l'intérieur,  s'y  opposèrent.  Les 
injures  tombèrent  à  nouveau  sur  Teillard,  scandées  par 
des  coups  de  marteau  contre  la  porte. 


l 


—  192  — 

Le  soir,  le  novice,  appréhendant  une  juste  réprimande 
pour  son  altercation  de  la  veille  avec  le  sacristain,  sau- 
tait les  murs  et,  après  avoir  passé  la  nuit  hors  du  prieuré, 
partait  pour  Vendôme. 

Les  autres  mutins,  désireux  d'éviter  une  punition  trop 
désagréable,  faussèrent  les  serrures  des  prisons  en  y 
mettant  des  pierres,  si  bien  qu'il  fallut  tout  enlever  pour 
y  pourvoir.  Ils  firent  cause  commune  avec  Brouard 
expulsé  et  écrivirent  à  Vendôme  une  lettre  où  ils  expo- 
sèrent longuement  leurs  griefs  contre  Teillard  :  tout 
porte  presque  entièrement  sur  les  vivres  qui  n'avaient 
pas  la  qualité  requise.  «  M.  le  prieur,  estant  venu  à 
ceste  feste  de  Nouel,  disaient-ils,  nous  a  ordonné  quel- 
ques articles  qu'il  prétend  faire  pratiquer  céans  et  se 
couvre  de  piété  pour  exécuter  son  intention  qui  est  de 
nous  frustrer  de  toutes  nos  nécessités.  »  Il  commence 
tout  d'abord  par  nous  obliger  à  observer,  dans  le  ser- 
vice, les  points  et  virgules  ;  mais  nos  bréviaires  sont  à 
demi  rompus.  Quoi  qu'il  en  dise,  pas  un  de  nous  ne 
manque  de  se  découvrir  durant  l'Evangile  et  durant  la 
Communion,  sinon  lui-môme  qui,  «  la  nuict  de  Nouel 
célébrant  la  sainte  messe,  la  célébra  avec  son  bonnet  de 
nuict  affublé  d'un  amy  jusques  à  la  moitié  du  visage 
sans  l'oster  aucunement,  ny  mesmes  durant  l'Elévation 
du  Saint  Sacrement. 

((  Les  aultres  articles  sont  de  ne  sortir  sans  habit, 
ce  que  nous  avons  tousjours  practicqué,  fors  luy  qui, 
trois  mois  durant  qu'il  a  esté  icy,  a  esté  continuellement 
en  chausse  et  en  pourpoint  dans  la  maison  et  hors  icelle. 

«  Pour  nostre  nourriture,  elle  est  les  jours  maigres 
pour  toutes  choses  de  deux  œufs  à  disner  et  autant  à 
souper,  avec  un  chanteau  de  pain  noir  où  il  y  a  de  l'orge 
pour  toute  la  table,  et  chacun  une  chopine  de  vin  ;  pour 
les  jours  de  viande,  du  porc  ladre,  n'en  ayant  tué 
d'aultre,  avec  de  la  vache,  et  comme  des  restes  de  son 
souper  reschauffez  dans  le  pot  et  ce  en  si  petite  quantité 
que  nous  en  manquons  au  millieu  du  repas  et,  lorsque 


—  193  — 

nous  demandons  à  en  avoir  honestement,  on  nous  répond 
à  porte  clause  qu'avons  la  teste  légère  et  qu'il  ne  nous 
est  besoin  de  grand  repas. 

«  Nous  sommes  forclos  de  tout  le  pourpris  de  la  mai- 
son, sinon  le  dortoir  et  les  cloistres  où  nous  sommes 
enfermez.  » 

Rien  ne  vint  pourtant  de  Vendôme.  Brouard,  toujours 
expulsé,  porta  plainte  devant  la  sénéchaussée  d'Angers. 
L'affaire  se  plaida  le  2  janvier  1623,  et  lecture  faite  de 
l'arrêt  du  l'*"  mars  1608,  le  lieutenant  général,  François 
Lasnier,  sieur  de  Sainte-Gemmes,  renvoya  le  religieux 
révolté  devant  le  supérieur  de  Vendôme,  mais  il  décida 
que  Teillard  lui  paierait,  par  provision,  une  somme  de 
9  livres  pour  lui  permettre  de  faire  le  voyage  et  qu'il  lui 
rendrait  ses  hardes. 

A  la  signification  de  ce  jugement,  le  7  janvier,  Brouard 
réclama,  outre  les  9  livres  adjugées,  une  somme  de 
8  livres  6  sols  8  deniers  faisant  les  deux  tiers  de  sa 
quarte  de  vestiaire  échue  au  premier  jour  de  l'an.  Teil- 
lard protesta,  soutenant  que  l'arrêt  de  1608  ne  l'obligeait 
pas  à  donner  de  l'argent  à  ses  religieux  pour  leur  ves- 
tiaire, mais  que  les  50  livres  attribuées  à  chacun  d'eux 
devaient  être  employées,  selon  la  décision  du  sous- 
prieur  et  d'un  ancien  joints  à  lui.  Il  porta  l'affaire  devant 
le  Grand  Conseil  qui  la  retint. 

On  s'émut  enfin  à  Vendôme  et  l'on  délégua,  le  10  jan- 
vier, le  prieur  des  anciens  César  de  Savonnières,  pour 
suivre  l'information  ;  on  renvoya  en  même  temps  à 
Graon  Brouard  et  Jaguelin.  Immédiatement  Teillard 
en  appela  de  cette  dernière  décision.  On  adjoignit  à 
César  de  Savonnières  dom  Mai*tin  Tesnières,  prieur  des 
pères  de  la  Congrégation  de  Saint-Maur,  pour  statuer 
et  transiger  au  besoin  sur  cette  irritante  question  du 
vestiaire  et  des  vivres. 

Les  commissaires  arrivèrent  à  Craon  le  23  février  et 
descendirent  à  l'hôtel  des  Trois-Trompettes,  Teillard 
n'ayant  pas  voulu  les  recevoir  au  prieuré.  Ils  condam- 

13 


1 


—  194  — 

nèrent  le  lendemain  le  novice  Jaguelin  à  15  jours  de 
prison,  au  jeûne  au  pain  et  à  Teau  les  mercredis  et  ven- 
dredis de  la  quinzaine,  pour  être  sorti  de  la  maison 
conventuelle  sans  autorisation  et  sans  autre  sujet  que 
son  appréhension  d'une  réprimande. 

Chose  bizarre  !  A  cinq  heures  du  matin,  Teillard  était 
parti  pour  Angers  où  l'appelaient  de  prétendues  affaires 
urgentes  sans  laisser  à  personne,  en  l'absence  du  sous- 
prieur,  le  soin  de  le  représenter  auprès  des  commis- 
saires. Ceux-ci,  quelque  peu  surpris  d'un  tel  procédé, 
n'en  poursuivirent  pas  moins  leur  enquête  et  réglèrent 
certains  points  de  discipline  dans  les  six  articles  de 
l'ordonnance  suivante  : 

«  Les  religieux  prêtres  célébreront  la  sainte  messe, 
du  moings  tous  les  dimanches  et  festes  de  commande- 
ment, s'ilz  n'ont  légitime  excuse. 

«  Le  sacristain  renouvellera  les  saintes  hosties  de  la 
communion  tous  les  premiers  jours  ou  premiers  diman- 
ches des  moys  d'hosties  nouvellement  faictes. 

«  Le  dict  sieur  vénérable  prieur  fournira  le  plus  tost 
que  sa  commodité  permettra  d'ornementz,  parementz  et 
de  livres  de  chants  nécessaires,  comme  aussy  fera 
racommoder  les  chaires  du  cœur. 

«  Le  secrétain  pourvoira  la  sacristie  de  corporeaux, 
aulbes  et  aultres  linges  de  l'Eglise  aultant  qu'il  sera 
nécessaire  et  ce  dedans  trois  moys. 

«  Aulcun  religieux  ne  sortira  du  dict  prieuré  sans 
congé  du  dict  sieur  prieur  ou  soubz-prieur,  particulière- 
ment pour  aller  en  ville,  conformément  à  l'article  94  des 
statutz,  leur  défendant  aussy  expressément  de  n'aller 
boire  ny  manger  aux  tavernes. 

«  Sera  poui'veu  par  le  dict  sieur  prieur  d'un  servi- 
teur aux  religieux  pour  accommoder  leurs  chambres  et 
le  dortoir  et  pour  les  assister  lorsqu'ilz  seront  mala- 
des. » 

Enfin,  le  17  mars,  César  de  Savonnières  frappa  les 
coupables  dont  les  mutineries  avaient  nécessité  sa  venue 


—  195  — 

à  Craon.  Massot  devait,  en  chapitre  et  en  présence  de 
tous  les  religieux,  demander  pardon  à  Teillard  et  pro- 
tester de  son  obéissance  à  Tavenir.  Brouard  fut  con- 
damné à  tenir  prison  fermée  «  jusqu'au  vendredy  du 
Lazare  »,  à  jeûner  au  pain  et  à  Teau  le  mercredi  et  le 
vendredi  de  chaque  semaine  jusqu'à  Pâques  et  à  n'occu- 
per qu'un  siège  inférieur  aux  offices.  Quant  à  Jaguelin, 
on  le  condamna  à  recevoir  la  discipline  en  chapitre,  à 
jeûner  au  pain  et  à  l'eau  le  mercredi  et  le  jeudi  jusqu'à 
Pâques  et  à  rester  continuellement  «  dans  les  basses 
chères  »  jusqu'au  jour  «  du  Lazare.  » 

Cette  sentence  n'empêcha  pas  Teillard  de  suivre  sur 
l'appel  qu'il  avait  interjeté  au  Grand  Conseil  pour 
s'opposer  à  la  reiArée  de  Brouard  et  de  Jaguelin.  Le 
conflit  s'accentua,  car  les  anciens  de  Vendôme  attaquè- 
rent le  prieur  à  leur  tour,  et  tout  en  reconnaissant  les 
fautes  dont  s'étaient  rendus  coupables  les  deux  obédien- 
ciers,  ils  cherchèrent  à  prouver  que  toute  la  responsa- 
bilité en  incombait  à  Teillard. 

Il  y  avait  près  de  trente  ans  qu'il  jouissait  du  prieuré, 
sans  y  résider  réellement  quoique  la  maison  fût  conven- 
tuelle ;  la  charge  d'aumônier  qu'il  possédait  à  Saint- 
Aubin  était  incompatible  avec  son  bénéfice  de  Craon.  Il 
se  contentait  «  de  venir  sur  les  lieux  au  temps  de  la  ton- 
ture  »  et  emportait  la  toison  sans  se  soucier  du  reste. 
La  preuve  en  était  dans  le  mauvais  vouloir  qu'il  avait 
montré  chaque  fois  que  des  visiteurs  s'étaient  rendus  à 
Saint-Clément  pour  y  ramener  le  bon  ordre. 

Chose  plus  grave  1  On  l'accusait  de  méconnaître  les 
règlements  qu'il  avait  sollicités  et  d'être  lui-même  un 
sujet  de  scandale  pour  ses  frères.  Malgré  les  statuts  en 
effet,  il  avait  gardé  au  prieuré  des  femmes  et  des  filles, 
«  la  plupart  desquelles  oublieuses  de  leur  honneur  » 
s'étaient  abandonnées  à  ses  propres  domestiques.  Telle, 
parexemple,  cette  femme  qui,  vers  1615,  remplissait  les 
triples  fonctions  de  cuisinière,  de  boulangère,  de  dépen- 
sière et  servait  au  réfectoire  :  elle  avait  trois  enfants 


—  196  — 

sans  jamais  avoir  été  mariée  ;  telle  autre,  en  1621, 
servante  de  l'économe  qui  demeurait  au  logis  prioral, 
éprouva,  du  fait  de  son  maître,  certain  accident  où 
celui-ci  tenta  d'engager  la  responsabilité  d*un  pauvre 
garçon  qui  n'y  était  pour  rien. 

Et  lorsque  les  sous-prieurs  parlaient  à  Toillard  de 
ces  scandales  et  des  réformes  qu'il  nécessitaient,  comme 
aussi  des  soins  à  prendre  pour  Tornementation  de  Téglise 
et  les  secours  aux  malades,  le  prieur  cassait  purement 
et  simplement  ces  importuns  comme  frère  Dupont  naguère 
ou  auparavant  le  frère  Gault,  qui  lui  faisait  signifier  un 
acte  capitulaire  de  Vendôme  lui  ordonnant  de  chasser 
ses  servantes. 

Dans  quel  sens  le  Grand  Consei!  se  prononça-t-il  ? 
Nous  ne  savons.  Toujours  est-il  que  Brouard  et  Jaguelin 
ne  rentrèrent  pas  au  prieuré  et  qu  ils  furent  remplacés 
par  René  Laboureau  et  Jacques  Pineau.  Le  jour  où 
ceux-ci  arrivèrent  à  Saint-Clément,  on  donna  lecture  de 
la  sentence  rendue  par  César  de  Savonnièrcs  contre 
Massot  :  le  prieur  de  Saint-Laurent  refusa  d'obéir  et 
renouvela  ses  indécences,  se  promenant  de  long  en  large 
dans  le  chapitre,  par  bravade. 


La  position  devenait  vraiment  intenable  :  Teillard 
s'en  lassa  à  la  fin.  La  Congrégation  de  Saint-Maur 
s'était,  depuis  deux  ans,  introduite  à  Vendôme  :  le 
prieur  de  Saint-Clément  entra  en  pourparlers  avec  elle 
et,  le  3  août  1624,  passa,  à  Saint-Aubin  d'Angers,  avec 
dom  Martin  Tesnières,  prieur  de  la  Trinité,  et  dora 
Guillaume  Girard,  un  projet  de  traité  qui  fut  soumis,  le 
20  septembre  suivant,  aux  définiteurs  de  l'ordre,  dans 
le  chapitre  général  de  Jumièges,  et  adopté  par  eux.  Ce 
traité  reçut  sa  forme  authentique,  le  6  décembre,  chez 
René  Serezin,  notaire  à  Angers.  Saint-Clément  était 
désormais  incorporé  à  la  Congrégation  de  Saint-Maur. 


—  197  — 

Teillard  abandonnait  toute  juridiction  au  supérieur  ou 
sous-prieur  qui  serait  élu  par  les  pères  de  la  Congré- 
gation, ne  se  réservant  que  les  droits  honorifiques  et  de 
prééminence,  «  comme  de  célébrer  le  divin  office  aux 
festes  annuelles,  donner  les  bénédictions,  faire  les 
signes,  commencer  le  Te  Deum,  chanter  TEvangile,  à 
matines  entonner  les  antiennes  de  Benedictus  et  Magni- 
ficat^ dire  le  Pater  noster^  commencer  l'antienne  de  la 
Vierge  qui  se  dit  à  la  fin  de  chasque  heure  de  Toflice, 
donner  la  bénédiction  à  la  table,  terminer  la  réfection, 
faire  l'action  de  grâce  »,  sauf  pourtant  dans  les  cas  où  il 
y  aurait  un  frère  «  en  humiliation  de  pénitence  ».  Il 
devait  délivrer  aux  religieux  20  setiers  de  seigle  et 
6  setiers  d'orge,  mesure  de  Craon,  pour  les  aumônes 
ordinaires.  Il  leur  délaissait  au  surplus,  pour  leur  nour- 
riture et  leur  entretien,  outre  les  dîmes  d'Athée,  de  la 
Chapelle-Craonnaise,  de  Villerenard,  et  l'usage  du  bois 
dans  la  forêt  de  Craon,  les  métairies  de  la  Tronchais, 
de  la  Bouterie,  de  la  Hamelinièn»,  de  la  Cholière,  la 
Petite-Métairie,  les  closeries  du  petit  couvent  et  l'étang 
du  prieuré.  Il  se  réservait  pour  son  usage  10  char- 
retées de  bois,  le  logis  du  Portail  avec  tous  les  bâti- 
ments de  la  basse-cour  qu'il  devait  faire  enclore  de 
murailles  à  ses  frais,  et  le  jardin  de  la  Fontaine  ;  mais  il 
s'engageait  à  faire  construire  près  de  la  petite  porte  du 
couvent  une  chambre  pour  le  portier,  à  fournir  chaque 
année  aux  religieux  une  charretée  de  foin,  trois  airées 
de  paille,  quatre  charretées  de  fumier  ou  d'autre  engrais 
et  trois  busses  de  vin  ;  il  leur  donnait  enfin  une  somme 
de  mille  livres  pour  le  mobilier  et  les  ornements  dont  ils 
pourraient  avoir  besoin  en  prenant  possession  de  la 
maison  conventuelle. 

Les  Bénédictins  de  Saint-Maur  entrèrent  à  Saint- 
Clément  le  1*"^  juillet  1625  *.  Frère  Teillard  vit  à  peine 
les  réformes  qu'ils  y  apportèrent,  car  il  était  mort  en 

1.  Arch.  delà  Mayenne,  H  143,  fol.  190. 


I 


—  198  — 

1627  et  peut-être  même  dès  le  mois  d'avril  1626  K  Du 
moins  put-il  mourir  avec  Tespoir  de  jours  meilleurs 
pour  son  prieuré  et  la  satisfaction  d'avoir  aidé,  quoique 
bien  tardivement  et  non  sans  peine,  à  faire  régner  dans 
ses  cloîtres  si  longtemps  troublés  do  querelles  intes- 
tines, la  devise  bénédictint?  si  sereine  et  si  pleine  en 
sa  brièveté  :  pax,  la  paix  ! 

E.  Laurain. 


1.  Sentence  des  Requêtes  du  Palais  du  26  août  1628,  portant  que 
Mathurin  David,  avocat  à  Craon,  sera  payé  d'une  somme  de  30  livres 
pour  trois  années  de  ses  gages  de  procureur  fiscal  du  prieuré 
échues  au  décès  de  Teillard  (Arch.  de  la  Mayenne,  H  143,  fol.  49). 


\ 


L'ORIGINE  DES  SEIGNEURS  DE  LAVAL 


LA  FONDATION  DU  PRIEURÉ  D'AUYERS-LE-HAMON 

Les  origines  de  la  seigneurie  de  Laval,  que  M.  Ber- 
trand de  Broussillon  a  su  dégager  de  légendes  encom- 
brantes ^  n'ont  pas  encore  été  complètement  élucidées, 
et  une  discussion  a  eu  lieu  entre  M.  Tabbé  Angot  ^  et 
Fauteur  de  La  Maison  de  Laval  ^  au  sujet  du  premier 
de  ces  seigneurs,  Gui  !"",  qui  vivait  dans  la  première 
moitié  du  xi*  siècle.  Ce  personnage  a  été  identifié  par 
M.  Tabbé  Angot  avec  Guido  de  Danazeioy  seigneur 
qui  donna  aux  moines  de  Saint-Pierre-de-la-Couture  au 
Mans  Téglise  et  le  bourg  d'Auvers-le-Hamon  ^,  et  dont 
le  nom  doit  être  corrigé  et  traduit  en  celui  de  Gui 
dWvessé.  Cette  identification  permettrait,  prétend 
M.  Tabbé  Angot,  de  fixer  le  lieu  d'origine  des  seigneurs 
lavallois  :  ils  viendraient  d'Avessé  ^,  et  la  supposition 
serait  d'autant  plus  plausible  que  les  seigneurs  de  Laval 
ont  possédé  Avessé  jusqu'au  xvi*  siècle  ®.  L'hypothèse 
de  M.  Fabbé  Angot  repose  naturellement  sur  la  donation 


1.  La  Maison  de  Laval,  Paris,  t.  I. 

2.  Dictionnaire  de  la  Mayenne,  II,  p.  576-577  et  Note  sur  l'ori- 
gine  de  Guy  /**•  de  Laval  {Bull,  de  la  Comm.  hist.  de  la  Mayenne. 
XIX.  p.  408). 

3.  /.a  Maison  de  LMval,  I,  p.  V  et  ss. 

4.  Canton  de  Sablé  (Sarthe).  La  donation  a  été  publiée  dans  le 
Cartulaire  de  Saint-Pierre  de  la  Couture,  p.  14,  n»  x. 

5.  Canton  de  Brûlon  (Sarthe). 

6.  M.  Laurain  semble  avoir  approuvé  cette  supposition  (Bibl.  de 
de  VEc.  des  Ch.,  t.  LXIII,  1902,  p.  144). 


—  200  — 

d'Auvers-le-Hamon  et  la  confirmation  de  cette  donation 
parle  comte  Hugues  III,  mort  le  26  mars  1051  *,  puis- 
que c'est  par  ces  deux  actes  seulement  que  Guido  de 
Danazeio  nous  est  connu.  Il  importe  donc  avant  tout 
de  savoir  quelle  est  la  valeur  de  ces  deux  actes,  et  s'il 
est  permis  de  les  utiliser.  Cette  question  préjudicielle 
n'est  pas,  comme  nous  le  verrons,  une  question  oiseuse, 
et  nous  croyons  que,  si  on  Tavait  posée  plus  tôt,  le  débat 
auquel  ces  actes  ont  donné  lieu  ne  se  serait  pas  élevé. 
Il  nous  parait  cependant  utile  de  résumer  d'abord  ce  débat, 
d'autant  plus  que  les  arguments  produits  des  deux  côtés 
sont  fort  spécieux,  et  que  l'impossibilité  où  l'on  est 
d'adopter  comme  de  réfuter  complètement  les  uns  comme 
les  autres  contribuera  peut-être  à  justifier  les  conclusions 
que  nous  proposerons. 

La  donation  d'Auvers-le-IIamon  aux  moines  de  la 
Couture  est  faite  par  un  seigneur  qui  s'intitule  Guido 
de  Danazeio.  L'identification  de  ce  personnage  avec 
Gui  I"  de  Laval  trouve,  selon  M.  l'abbé  Angot,  sa  justi- 
fication dans  un  jugement  de  Guillaume  le  Bâtard  ^.  Aux 
termes  de  ce  jugement,  Gui  de-  Laval  donna  aux  moines 
de  Marmoutier  une  terre  que  ceux  de  Saint-Pierre-de- 
la-Couture  revendiquèrent  plus  tard  comme  appartenant 
à  leur  prieuré  d'Auvers,  et,  appelé  comme  témoin,  Gui 
reconnut  qu'il  avait  concédé  cette  terre  à  un  moine 
nommé  Guérin  pour  faire  un  bourg  en  lui  assignant 
comme  première  possession  l'église  d'Auvers.  M.  l'abbé 
Angot  montre  que,  postérieurement  à  cette  concession, 
Guido  de  Danazeio  donna  le  monastère  d'Auvers  à  la 
Couture  comme  l'avait  possédé  Guérin  3.  H  considère, 
par  conséquent,  comme  légitime  d'affirmer  que  Guido 
de  Danazeio  est  le  même  personnage  que  Gui  de  Laval  *, 

1.  Cart.  de  la  Couture,  p.  16,  n»  xi. 

2.  /.a  Maison  de  Laval,  l,  p.  39,  n*»  28. 

3.  «  Uli  Guarinus  possedit  »  (Cart.  de  la  Couture,  p.  15). 

4.  On  peut  ajouter,  pour  fortifier  T argumentation,  que  Guido  de 
Danazeio  fit  son  don  du  consentement  de  ses  deux  fils,  Jean  et 


—  201  — 

et  il  ajoute,  en  invoquant  le  motif  qu^on  a  rappelé  plus 
haut  *,  que  de  Danazeio  parait  être  une  faute  de  lecture  : 
le  terme  contenu  dans  Tacte  original  devait  être  de 
Avezeio. 

M.  Bertrand  de  Broussillon  a  présenté  plusieurs  objec- 
tions contre  cette  opinion  2.  Il  commence  par  déclarer 
qu'il  lui  paraît  impossible  d'identifier  Guida  de  Danazeio 
avec  Gui  d'Avessé,  parce  que  la  correction  proposée  par 
M.  Tabbé  Angot  est  invraisemblable-^;  en  second  lieu, 
dit  M.  de  Broussillon,  Gui  de  Laval  ne  prétend  pas  du 
tout  dans  le  jugement  de  Guillaume  le  Bâtard  avoir  fait 
don  de  Téglise  d'Auvers  à  Guérin  ;  en  troisième  lieu, 
Tallusion  qu'on  trouve  dans  la  donation  d'Auvers  à  la 
possession  du  moine  Guérin  ne  se  rapporte  pas  au 
monastère  d' Anvers,  mais  à  une  terre  située  devant  la 
porte  du  château  du  donateur  ;  en  quatrième  lieu,  il  est 
étrange  que  les  moines  .de  la  Couture  se  soient  laissé 
condamner  contre  ceux  de  Marmoutier  sans  alléguer  la 
donation  que  leur  aurait  faite  Gui  de  l'église  d'Auvers. 
M.  de  Broussillon  remarque,  en  outre,  que  la  donation 
d'Auvers  et  la  confirmation  de  cette  donation  présentent 
quelques  bizarreries  de  rédaction. 

La  valeur  de  ces  objections,  dont  quelques-unes  sont 
subtiles,  est  inégale,  et  nous  croyons  qu'on  serait  obligé 
de  s'en  tenir  aux  conclusions  de  M.  l'abbé  Angot  comme 
à  un  pis-aller,  si  un  tiers-parti  plus  radical  ne  nous  permet- 
tait de  rendre  la  discussion  inutile  en  supprimant  le 
problème.  Il  suffit,  pour  arriver  à  ce  résultat,  de  mon- 
trer que  les  deux  actes  qui  ont  donné  lieu  à  la  controverse, 

Hémon,  et  que  nous  savons  que  deux  des  fils  de  Gui  I*^''  de  Laval 
portaient  ces  noms  (La  Maison  de  Laval,  l,  p.  23). 

1.  Voir  plus  haut,  p.  200. 

2.  Loc.  cit. 

3.  Cet  objection  nous  semble  d'autant  plus  fondée  que  les  mots 
Guido  de  Danazeio  se  trouvaient  certainement  dans  l'orifçinal  de  la 
donation  d'Auvers,  car  le  rédacteur  du  ms.  B.  N.,  lat.  17.123,  dont 
la  copie  a  été  faite  sur  l'original  lui-même,  a  lu  le  nom  du  donateur 
comme  l'auteur  du  cartulaire  (p.  181). 


—  202  — 

la  fondation  du  prieuré  d'Auvers-Ie-Hamon  et  la  confir- 
mation de  cette  fondation,  sont  des  faux  rédigés  long- 
temps après  les  faits  qui  y  sont  indiqués.  Si,  non  content 
de  démontrer  leur  fausseté,  on  peut  retrouver  la  date 
de  leur  rédaction,  les  raisons  qui  ont  déterminé  les 
moines  à  les  fabriquer  et  les  procédés  dont  ils  ont  usé 
pour  le  faire,  on  sera  autorisé  à  conclure  que  tout 
débat  qui  reposerait  sur  le  témoignage  de  ces  actes  ne 
peut  être  que  stérile.  C'est  ce  que  nous  essaierons  de 
faire. 

Les  invraisemblances  que  renferment  ces  deux  actes  * 
ne  sont  pas  toutes  restées  inaperçues  ;  mais  on  s'est  con- 
tenté, après  Tauteur  du  Compendium  historiœ  abbatiœ 
Culturae  2,  d'y  voir  des  interpolations  ^  ;  cette  expli- 
cation, trop  indulgente,  est  insuffisante  ;  nous  examine- 
rons successivement  les  raisons  historiques  et  les  raisons 
diplomatiques  qui  nous  permettent  d'affirmer  que  les 
deux  actes  sont  faux  ;  ces  chartes  étant  solidaires  l'une 
de  l'autre,  nous  les  examinerons  simultanément. 

Nous  considérons  comme  des  preuves  historiques  de 
la  fausseté  d'un  acte  les  mentions  et  les  souscriptions  de 
personnages  qui  ne  vivaient  pas  à  l'époque  de  la  rédac- 
tion de  cet  acte  ou  qui  n'exerçaient  pas  alors  les  fonc- 
tions qui  leur  y  sont  attribuées.  L'identité  du  donateur 
n'a  jamais  été  établie,  mais  il  nous  semble  opportun  de 
réserver  cette  question  *.  La  confirmation  de  la  donation 
est  faite  par  le  comte  du  Maine  Hugues,  et  souscrite  par 
la  femme  et  le  fils  d'Hugues,  Berthe  et  Herbert.  On  doit 
identifier  ce  comte  avec  Hugues  III,  qui  épousa  la  com- 

1.  Ils  ont  été  publiés  par  les  bénédictins  de  Solesmes  d'après  le 
cartulaire  ms.  de  la  Couture  et  celui  d'Auvers-le-Hamon  ;  le  texte 
de  ces  deux  actes  nous  a  été,  en  outre,  conservé  dans  une  copie  de 
la  collection  Gaignières  (B.  N.,  lat.  17.123,  p.  181  et  185),  qui  nous 
semble  plus  correcte,  et  qui  contient  le  dessin  d'un  des  sceaux 
appendus  à  ces  actes. 

2.  Bibl.  du  Mans.  ms.  91. 

3.  Cart.  de  la  Couture,  p.  17,  note  1. 

4.  Voir  plus  loin,  p.  211. 


—  203  — 

tesse  Berthe  en  1046  ou  1047  ^  et  qui  mourut  le  26  mars 
1051  *  et  dater  la  conlirmation  ainsi  que  la  donation  ^ 
entre  les  années  1047  et  1051.  Or  la  confirmation  de  la 
donation  est  souscrite  par  Tévêque  du  Mans  Sifroi,  dont 
le  décès  a  eu  lieu  au  plus  tard  en  1005,  et  peut-être  dès 
997  ^  ;  l'impossibilité  est  manifeste.  La  souscription  de 
Tabbé  de  Vendôme  mérite  aussi  d'attirer  notre  attention, 
elle  est  ainsi  rédigée  :  S,  Avesgaudi  abbatis  Vindocinii, 
alors  que  Tabbé  en  fonction  était  de  1032  à  1045  Renaud 
et  de  1046  à  1082  Orri  ^.  Le  dispositif  de  Tacte  contient, 
en  outre,  le  nom  de  Tabbé  de  la  Couture  Joël,  et  ce  nom 
est  inexactement  indiqué  ;  car  en  1050,  Tabbé  de  la  Cou- 
ture s'appelait  Ascelin,  et  le  même  exerçait  encore  sa 
fonction  en  1068  ;  il  fut  alors  remplacé  par  Renaud,  qui 
ne  céda  la  place  à  Joël  qu'en  1073  ^.  L'inexactitude  est 
accompagnée  d'ailleurs  d'une  contradiction,  car  la  sous- 
cription de  l'abbé  Ascelin  se  trouve  à  la  fin  de  l'acte  de 
Guida  de  Danazeio^  et  les  deux  actes  sont  contem- 
porains. Les  autres  souscriptions  ne  fournissent  pas 
matière  à  la  critique,  soit  qu'elles  soient  historique- 
ment exactes,  soit  que  leur  inexactitude  soit  invérifiable. 
Si  on  examine  maintenant  la  forme  des  deux  actes, 
on  remarque  tout  d'abord  dans  l'acte  de  donation  la 
mention  de  «  deux  sceaux  en  cire  verte  sur  lacs  de  ruban 
de  soye  jaune  et  rouge  ^  »,  tet  dans  l'acte  de  confirmation 
celle  d'un  sceau  «  en  cire  verte  sur  lacs  de  parchemin  ^.  » 
Les  deux  premiers  sont  ceux  de  Guido  de  Danazeio  et 
du  comte  Hugues  III,  le  troisième  celui  d'Hugues  III  'K 

1.  Positions  des  thèses  de  l'Ec.  des  Ch.,  1907,  p.  112. 

2.  Halphen,  Le  comté  d'Anjou  au  Xh  siècle,  p.  75,  note  1. 

3.  La  comtesse  et  le  fils  du  comte  sont,  en  effet,  aussi  mentionnés 
dans  l'acte  de  donation. 

4.  Actus,  p.  352,  note  2. 

5.  Gallia  Christania,  VIII,  col.  1366-1367. 

6.  fbid.,  XIV,  col.  471-472. 

7.  B.  N.,  lat.  17.123,  p.  183. 

8.  Ibid.,  p.  186. 

9.  Nous  commençons  par  cette  anomalie  parce  qu'elle  est  la  plus 
grossière,  et  que  les  autres  sont  moins  susceptibles  de  nous  ren- 


1 


—  204  — 

Ces  trois  mentions  sont  plus  que  suspectes  dans  des 
actes  datés  entre  1047  et  1051.  Tout  d'abord  il  est  fort 
probable  que  le  comte  du  Maine,  Hugues  III,  n'a  jamais 
eu  de  sceau  ^  ;  si  Texistence  d'un  sceau  comtal  au  milieu 
du  XI*  siècle  est  peu  vraisemblable,  il  est,  pour  ainsi 
dire,  inadmissible  qu'un  seigneur  peu  important  comme 
Guido  de  Danazeio  ait  possédé  le  sien  alors  que  beau- 
coup de  grands  feudataires  n'en  avaient  pas  encore. 
En  second  lieu,  la  description  qui  a  été  faite  de  ces 
sceaux  ne  saurait  convenir  à  des  sceaux  de  cette  époque. 
Les  lacs  de  soie  avec  lesquels  ceux  du  comte  et  de  Guido 
de  Danazeio  étaient  attachés  à  la  charte  de  donation 
sont  un  mode  de  scellement  qui  n'apparaît  qu'à  la  fin  du 
XII*  siècle  2;  de  même  la  double  queue  de  parchemin, 
qu'on  voyait  certainement  dès  le  xiv®  siècle  ^  au  bas  de 
l'acte  de  confirmation  constitue  un  procédé  de  scelle- 
ment qu'on  ne  rencontre  qu'exceptionnellement  dans  les 
chancelleries  seigneuriales  de  la  première  moitié  du 
XI*  siècle  *.  La  cire  verte  n'a  été  employée  que  sous 
Louis  VII  dans  là  chancellerie  royale  ^  ;  à  plus  forte 
raison,  ne  doit-on  pas  la  rencontrer  dans  des  actes 
privés  du  milieu  du  xi*  siècle.  Le  type  de  sceau  du  comte 
que  le  copiste  du  ms.  B.  N.  lat.  17.123  a  dessiné  n'est 
pas  non  plus  celui  d'un  sceau  du  xi®  siècle.  C'est  le  type 
équestre  qui  apparaît  à  la  fin  du  xi*  siècle,  mais,  ne  se 
précise  qu'au  xii*  ^  ;  or  la  représentation  de  notre  sceau 

seigner  sur  la  fausseté  des  actes  que  sur  les  conditions  dans 
lesquelles  ils  ont  été  rédigés. 

1 .  Le  seul  signe  de  validation  qu'on  rencontre  dans  les  actes  de 
ce  comte  est  la  souscription  autographe;  le  comte  Hélie  lui-même, 
qui  régna  de  1092  à  1110,  se  servait  encore,  et  peut-être  exclusive- 
ment, de  ce  moyen  de  validation  {Positions  des  thèses  de  l'Ec,  des 
Ch.,  1907,  p.  110);  en  Anjou,  et  «  jusque  vers  1060,  il  semble  que 
les  comtes  se  soient  contentés,  pour  valider  les  actes,  d*y  tracer 
ou  d'y  faire  tracer  une  croix  »  (Halphen,  op.  cit.,  p.  240). 

2.  Giry,  Traité  de  diplomatique,  p.  643. 

3.  Cart.  de  la  Couture,  p.  17,  note  1. 

4.  Giry,  op.  cit.,  p.  641. 

5.  Ibid.,  p.  643. 

6.  Giry,  op.  cit.,  p.  646-647. 


—  205  — 

est  déjà  fort  nette  et,  pour  ainsi  dire,  classique.  D'autre 
part  les  sceaux  n'ont  pas  été  ajoutés  postérieurement, 
car  ceux  de  Guida  de  Danazeio  et  du  comte  sont  men- 
tionnés dans  Tannonce  des  signes  de  validation  de  la 
donation  et  rappelés  dans  le  dispositif  de  la  confirmation  ; 
le  sceau  du  comte  que  contient  Tacte  de  confirmation  y 
est  aussi  annoncé. 

Ces  remarques,  qui  ne  portent  que  sur  des  points 
spéciaux,  suffisent  cependant  à  discréditer  les  deux 
actes  ;  mais  le  soupçon  se  transformera  en  une  véritable 
certitude,  si  on  peut  déterminer  les  conditions  dans 
lesquelles  ces  actes  ont  été  faits  ;  cette  détermination  ne 
nous  semble  pas  impossible. 

Le  Cartulaire  de  la  Couture  contient  plusieurs  pièces 
relatives  à  quatre  procès  que  les  moines  eurent  à  sou- 
tenir au  sujet  de  leur  prieuré  d'Auvers-le-Hamon  *  ;  ces 
quatre  procès  semblent  avoir  eu  lieu  à  la  même  époque, 
car  tous  se  sont  produits  pendant  que  GeofTroi  de  Sonois 
était  prieur  d' Anvers,  et  il  est  possible  de  les  dater 
approximativement  grûce  aux  mentions  de  personnages 
connus  qui  y  intervinrent.  Le  sénéchal  du  Maine, 
Geoffroy  Mauchien,  qui  arbitra  les  procès  soutenus  par 
les  moines  contre  Bouchaud  de  Monceaux  ^^  Robert 
Botin  3  et  Guillaume  Sanguin  *,  exerça  sa  fonction  d'une 
date  postérieure  à  1154  jusqu'à  1202  ^.  L'épiscopat 
d'Hamelin,  évéque  du  Mans,  entre  les  mains  duquel  les 
moines  et  Brun  d'Auvers  compromirent  ^,  dura  de  1190 
à  1214  ^.  Le  décanat  de  Foulques,  doyen  de  Saint- 
Pierre-de-la-Cour,  qui  jugea  cette  dernière  contestation 
au  nom  de  Tévéque  et  des  deux  autres  arbitres  ^,  est 

1.  Cart.  de  la  Couture,  p.  125-130,  n»"  cliv-clxi. 

2.  Ibid.,  p.  126,  no  clv. 

3.  Ibid.,  p.  127,  11»  GLvii. 

4.  Ihid.,  p.  130,  no  clx. 

5.  BeautempS'Beaupré,  Coutumes  et  Institutions  de  l'Anjou  et 
du  Maine  antérieures  au  XVl^  siècle,  2«  partie,  t.  III,  p.  312-318. 

6.  Cart.  de  la  Couture,  p.  128-129,  n»"  clviii  et  clix. 

7.  Actus,  p.  473. 

8.  Cart.  de  la  Couture,  p.  128-129,  n©  clix. 


—  206  — 

daté  par  M.  Menjot  d'Elbenne  entre  les  années  1187  et 
1193  ^  Ces  procès  ne  sont  donc  pas  antérieurs  à  1190, 
ni  postérieurs  à  1193.  Or  on  constate  avec  surprise  que 
quelques-uns  des  points  litigieux  qui  y  sont  débattus 
sont  exposés  et  résolus  dans  Facte  de  fondation  du 
prieuré.  La  donation  du  bourg  d^Auvers  par  Guido  de 
Danazeio  est  accompagnée  de  celle  du  droit  de  voirie  *  ; 
or  une  des  clauses  de  Taccord  qui  intervint  entre  les 
moines  de  la  Couture,  d'une  part,  et  Brun  et  Gervais, 
son  fils,  chevaliers,  de  l'autre,  est  relative  au  droit  de 
justice,  c'est-à-dire  au  droit  de  voirie,  puisque  les  arbi- 
tres reconnaissent  aux  moines  le  pouvoir  de  juger  les 
voleurs  trouvés  dans  le  bourg  d'Auvers  ^.  La  concession 
du  droit  de  voirie  est  suivie  dans  l'acte  de  donation  de 
celle  de  coutumes  ;  Guido  de  Danazeio  ajoute  même, 
pour  étendre  la  portée  de  sa  générosité,  que  sa  conces- 
sion s'applique  aux  coutumes  qui  sont  perçues  sur  la 
voie  publique  comme  à  celles  qui  sont  perçues  en 
dehors  ^  ;  or  on  remarque  dans  un  acte  de  Gui  VI  de 
Laval,  qui,  comme  nous  le  verrons  plus  loin  ^,  est 
contemporain  des  procès,  une  libéralité  identique  : 
Gui  VI  donne,  en  effet,  aux  moines  d'Auvers  une  cou- 
tume à  percevoir  sur  le  chemin  comme  en  dehors  du 
chemin  ^.  Vient  ensuite  dans  l'acte  de  donation  la  con- 
cession d'un  four  et  d'un  pressoir  **  ;  or  deux  des  procès 
ont  l'un  pour  objet  accessoire  ^,  l'autre  pour  objet  uni- 

1.  Histoire  du  chapitre  de  Saint-Pierre-la-Cour,  p.  clxxx  ;  grâce 
à  l'obligeance  de  M.  Menjot  d'Elbenne,  nous  avons  pu  consulter  les 
bonnes  feuilles  de  cet  ouvrage. 

2.  «  Cuni  vicaria  omnium  hominum...  »  (Cart.  de  la  Couture, 
p.  14). 

3.  Ihid.,  p.  129,  n©  eux. 

4.  «  Omnes  consuetudines...  sive  in  publica  via,  sive  extra 
publicam  viam  »  (Ihid.,  p.  15). 

5.  P.  208, 

6.  «  Costumam...  in  via  et  extra  viam  »  [Cart.  de  la  Couture, 
p.  125). 

7.  «  Anuuo  quoque  eis  furnum  cum  pressorio  »  [Ibid.,  p.  15). 

8.  Ibid.,  p.  126,  no  clvi. 


—  207  — 

que  S  le  droit  de  four  à  Auvers,  et  dans  les  deux  cas 
l'arbitre  reconnaît  le  caractère  banal  du  four  monas- 
tique. L'énumération  contenue  dans  la  fondation  du 
prieuré  se  poursuit  par  la  donation  de  la  moitié  d'un 
moulin  et  de  la  mouture  du  blé  des  hommes  habitant  à 
Auvers  -  ;  or,  il  est  à  remarquer  que  la  longue  contes- 
tation, qui  eut  lieu  entre  les  moines  d'un  côté,  Brun 
d' Auvers  et  Gervais  son  fils  d'un  autre,  portait  préci- 
sément sur  la  mouture  du  bourg  d'Auvers  et  sur  un 
moulin  ^.  Les  autres  clauses  de  la  donation  ne  peuvent 
pas  être  rapprochées  des  conclusions  des  quatre  procès, 
mais  nous  croyons  que  les  coïncidences  que  nous  avons 
indiquées  sont  trop  significatives  pour  être  fortuites. 
L'intérêt  qu'avaient  les  moines  à  exhiber  la  donation 
de  Guida  de  Danazeio  résulte  avec  évidence  de  notre 
comparaison.  Il  est  d'ailleurs,  pour  ainsi  dire,  attesté 
par  les  faits,  car  une  charte  de  Gui  VI  de  Laval  '*,  qui, 
si  on  juge  par  les  souscriptions,  est  contemporaine^  des 
quatre  procès  ^,  contient  la  confirmation  des  droits  de 
coutume  et  de  four  possédés  par  les  moines  dans  le 
bourg  d' Auvers  ;  elle  prouve,  par  conséquent,  que  les 
moines  cherchaient  alors  à  justifier  leurs  prétentions. 

1.  Cart.  de  la  Couture,  p.  130,  n»  clx. 

2.  «  Medietatem  etiam  unius  molendini  eis  concedo  et  molturam 
omnium  eorum  hominum...  »  (Ibid.,  p.  15). 

8.  «  Cuni...  de  multura  burgi  de  Auvers  et  de  quodam  moleu- 
dino  controversia  fuisset  diutius  agitata...  »  (Ibid.,  p.  128,  n»  clix). 
On  peut  ajouter  qu'il  existe  une  relation  au  moins  apparente  entre 
les  conclusions  contenues  dans  l'arbitrage  et  les  termes  de  la  dona- 
tion :  les  arbitres  décidèrent,  en  effet,  que  les  chevaliers  Brun  et 
Gervais  conserveraient  des  droits  sur  le  moulin  de  la  Roche  appar- 
tenant aux  moines  et  que,  réciproquement,  les  moines  en  conser- 
veraient sur  celui  de  l'Etang,  appartenant  aux  chevaliers  ;  en  parti- 
culier la  mouture  sèche  devait  être  partagée  par  moitié  entre  les 
moines  et  les  chevaliers  {Ibid.,  p.  128,  n»  clix)  ;  de  même  le  géné- 
reux donateur  du  bourg  d'Auvers,  Guido  de  Danazeio,  ne  concédait 
aux  moines  que  la  moitié  du  moulin  (Ibid.,  p.  15). 

4.  Ibid.,  p.  125,  n®  cliv. 

5.  Foulques  l'Enfant  et  Robert  a  de  Espino  »,  souscripteurs  de 
cette  confirmation,  sont  mentionnés  dans  les  actes  CLV,  CLYI 
et  CLVII. 


—  208  — 

Or,  comme  nous  Favons  montré,  cette  justification  est 
pour  ainsi  dire  contenue  dans  Taete  de  donation  de 
Guida  de  Danazeio,  On  est  dès  lors  tout  naturelle- 
ment amené  à  appliquer  Tad âge  :  «  Is  fecit  oui  prodest  », 
et  à  conclure  que  les  moines,  ayant  perdu  ou  n'ayant 
jamais  possédé  l'acte  de  fondation  de  leur  prieuré 
d'Auvers-le-Hamon,  Font  fait  ou  refait  à  l'occasion  de 
leurs  procès  et  pour  les  besoins  de  leurs  causes. 

Il  est  plus  délicat  de  savoir  comment  les  moines  ont 
procédé  dans  leur  travail  de  falsification.  Les  clauses  de 
la  donation  leur  étaient  dictées  partiellement  par  les 
circonstances,  et  on  peut  supposer  qu'ils  ont  utilisé  le 
texte  du  jugement  de  Guillaume  le  Bâtard  *  ;  en  parti- 
culier la  mention  du  moine  Guérin  qu'on  trouve  dans  le 
dispositif  de  l'acte  de  fondation  ^  parait  lui  avoir  été 
empruntée.  Nous  montrerons  à  la  fin  de  cet  article  d'où 
provient  le  nom  du  donateur,  Guida  de  Danazeio.  Si  le 
rédacteur  de  l'acte  s'est  trompé  en  faisant  du  comte 
Hugues  III  un  contemporain  de  l'évéque  Sifroi  3,  il  est 
très  facile  d'expliquer  son  erreur  :  il  suffit,  en  effet,  qu'il 
ait  eu  recours,  pour  trouver  le  nom  de  l'évéque  qui 
vivait  à  l'époque  de  ce  comte,  à  un  acte  du  comte 
Hugues  I*%  par  exemple  à  la  donation  faite  aux  moines 
de  la  Couture  de  biens  situés  dans  le  Sonnois,  dans 
laquelle  figure  l'évéque  Sifroi  ^.  D'autre  part,  c'est  peut- 
être  en  compulsant  les  actes  qui  sont  relatifs  à  la  fon- 
dation du  prieuré  de  Solesmes  ^  qu'il  a  compris  l'utilité 
de  faire  suivre  la  donation  d'une  confirmation  comtale. 
Nous  ajouterons  qu'on  peut  retrouver  la  charte  à  l'aide 
de  laquelle  la  confirmation  d'Hugues  III  a  été  fabriquée. 
Cette  confirmation  contient,  en  effet,  en  dehors  de 
l'annonce  du  sceau,  quelques  formules  insolites  que  nous 

1.  Voir  plus  haut,  p.  201. 

2.  tt  Uti  Guarinus  possedit  »  {Cari,  de  la  Couture,  p.  15). 

3.  Voir  plus  haut,  p.  204. 

4.  Cart.  de  la  Couture,  p.  8,  n*»  vi. 

5.  Ibid.,  p.  10,  no  viii,  et  12,  n»  ix. 


—  209  — 

n'avons  pas  relevées  jusqu'ici,  et  que  nous  nous  croyons 
en  mesure  d'expliquer  en  la  rapprochant  d'une  charte  du 
comte  du  Maine,  Hélie,  où  est  relaté  le  don  de  la  cha- 
pelle de  Tennie  aux  moines  de  la  Couture  ^  Si  on  com- 
pare le  protocole  des  deux  actes,  on  est  supris  de  l'iden- 
tité des  formules  : 

Charte  d'Hugues  III  Charte  d'Hélie 

Ut  presentibus  et  futuris         Ut  presentibus  et  futuris 
ad  perpétuant  memoriam     ad  perpétuant  memoriam 
rcrf^a/ et  prorsus  percogni-     redeat,  ego,  Helias,  Ceno- 
tum  fiât,  ego,  Hugo,  Ceno-    manorum  contes,  sanum 
manensium  cornes  sanum     duxintus    litteris    nostris 
duximus    litteris    nostris    significare  pro  anime  mei 
signipcare  quatinus  don-     remedio...  [Ibid.,  f.  36), 
nus    Guido   de    Danazeio, 
miles  et  homo  noster,  pro 
anime  sue  remedio. . .  (Cart, 
de  la  Couture,  p.  16). 

Cette  identité  ne  peut  être  le  résultat  d'une  coïnci- 
dence fortuite,  et  le  rédacteur  de  l'acte  d'Hélie  n'a  pas 
copié  celui  d'Hugues  III,  car  la  formule  de  perpétuité 
appartient  au  xii*  siècle  2.  D'ailleurs,  ce  qui  est  décisif, 
le  faussaire  a  trahi  son  modèle  par  sa  maladresse  :  on  lit 
dans  le  dispositif  de  l'acte  d'Hugues  III  que  la  confir- 
mation fut  faite  à  la  demande  de  l'abbé  Joël,  et  cette 
mention  est  non  seulement  anachronique,  mais  encore 
en  contradiction  avec  la  souscription  de  l'abbé  de  la 
Couture,  que  contient  la  donation  d' Anvers  ^  ;  or  l'abbé 
Joël  est  précisément  le  donataire  du  comte  Hélie  dans 
l'acte  dont  nous  avons  cité  le  protocole.  On  peut  donc 
supposer  avec  la  plus  grande  vraisemblance  que  le  faus- 
saire a  reproduit  le  nom  de  l'abbé  qu'il  trouvait  dans 

1.  Cart.  de  la  Couture,  p.  36,  n®  xxv.  . 

2.  Giry.  op.  cit.,  p.  744. 

3.  Voir  plus  haut,  p.  204. 

14 


—  210  — 

son  modèle,  sans  s'apercevoir  ni  de  Tanachronisme,  ni 
de  la  contradiction. 

Mais  un  dernier  point,  et  le  plus  important  pour  This- 
torien,  reste  à  élucider  ;  les  érudits  du  Maine  ne  se  sont 
intéressés  si  particulièrement  aux  deux  actes  qu'on  a 
critiqués,  que  parce  qu'ils  ont  cru  y  trouver,  comme  on 
Ta  montré  plus  haut  *,  d  utiles  renseignements  sur  les 
seigneurs  de  Laval.  Nous  nous  sommes  abstenus  jus- 
qu'ici de  chercher  à  identifier  le  donateur  de  l'église  d' Au- 
vers-le-Hamon  ;  notre  étude,  il  est  vrai,  a  eu  pour  but 
et  peut-être  pour  résultat  de  discréditer  toutes  les  allé- 
gations qui  sont  contenues  dans  cette  donation  ;  mais  il 
est  possible  d'être  plus  précis  et  de  prouver  que  le  nom 
même  du  donateur  a  été  forgé  par  le  faussaire.  Car,  si 
le  nom  de  Gui  semble  avoir  été  emprunté  au  jugement  de 
Guillaume  le  Bâtard  2,  celui  de  la  seigneurie  de  Denazé 
qui  est  mise  à  côté  de  ce  nom  n'a  probablement  pas  été 
trouvé  dans  un  document  ancien  ;  on  remarque,  en  effet, 
que  le  premier  des  témoins  laïques  qui  souscrivirent  le 
jugement  rendu  par  l'évêque  du  Mans  dans  le  procès 
relatif  au  moulin  d'Auvers  fut  Hamelin  de  Denazé  3.  S'il 
parait  à  cette  place  dans  cet  acte,  c'est  certainement 
parce  qu'il  y  avait  à  la  fin  du  xii*  siècle  entre  sa  sei- 
gneurie et  le  prieuré  d'Auvers  des  relations,  dont  il  est 
d'ailleurs  difficile  de  déterminer  le  caractère  ;  il  est  à 
supposer  que  le  faussaire,  qui  avait  constaté  ces  rela- 
tions, a  jugé  conforme  à  la  vraisemblance  d'attribuer 
la  donation  de  l'église  d'Auvers  à  un  seigneur  de 
Denazé  ^. 

1.  Voir  plus  haut,  p.  201. 

2.  Il  en  est  de  même,  croyons-nous,  des  noms  des  fils  de  Guido 
de  Danazeio,  Jean  et  Hémon,  car  ce  sont  ceux  que  portaient  les 
fîls  de  Gui  de  Laval  mentionnés  dans  le  jugement. 

3.  «  De  laicis  :  Hamelino  (de)  Denace...  (Cart.  de  la  Couture, 
p.  129). 

4.  L'existence  de  la  seigneurie  de  Denazé  (canton  de  Craon, 
Mayenne)  au  milieu  du  xi^  siècle  est  d'ailleurs  très  problématique  : 
le  premier  acte  dans  lequel  elle  est  mentionnée  serait,  selon 
M.  l'abbé  Angot  (op.  cit.,   t.   II,  p.  27),  un  acte  rédigé  vers  1150 


—  211  — 

En  résumé,  la  donation  d'Auvers-le-Hamon  par  Guido 
de  Danazeio  aux  moines  de  la  Couture  et  la  confirma- 
tion de  cette  donation  parle  comte  du  Maine  Hugues  III 
sont  des  faux  *  qui  paraissent  avoir  été  fabriqués  par  les 
moines  de  Saint-Pierre-de-la-Couture,  entre  1190  et 
1193,  pour  justifier  certaines  prétentions  soulevées  à 
l'occasion  de  quatre  procès,  à  Taide  de  plusieurs  actes 
anciens  et  notamment  de  la  donation  de  la  chapelle  de 
Tennie  par  le  comte  Hélie  ;  le  prétendu  donateur,  Gui 
de  Denazé,  est  un  personnage  imaginaire,  et  il  est  vain 
de  chercher  à  Tidentifier  avec  le  premier  seigneur  de 
Laval,  quelque  séduisante  que  semble  l'identification. 

R.  Latouche. 


par  lequel  les  donateurs  du  cimetière  de  Saint-Barthélemy  permi- 
rent à  l'abbé  de  Saint-Faron  de  Meaux  de  céder  ses  droits  à  l'abbé 
de  la  Roê  ;  cet  acte  contient  une  liste  des  chevaliers  de  Denazé 
[milites  de  Danazeio). 

1.  Notons,  en  passant,  que,  si  l'acte  est  un  faux  de  la  fin  du 
xii«  siècle,  on  comprend  pourquoi  les  moines  de  la  Couture  ne 
l'ont  pas  exhibé  devant  Guillaume  le  Bâtard  en  réponse  aux  conclu- 
sions des  moines  de  Marmoutier. 


NOTES  SUR  LES  BUREAUX  DE  CHARITÉ  DE  LAVAL 

(1688-1808) 


APPENDICE 


Au  cours  de  notre  étude  sur  les  Bureaux  de  Charité 
de  Laval,  nous  avons  eu  Toccasion  de  parler  assez  lon- 
guement de  celui  de  la  paroisse  de  la  Trinité.  Nous 
avons  énuméré,  d'après  différentes  pièces,  les  recettes 
et  les  dépenses  dudit  Bureau,  mais  sans  entrer  dans  le 
détail  des  unes  et  des  autres. 

Un  heureux  hasard  nous  a  permis  de  nous  procurer  le 
document  qui  nous  manquait  pour  apprécier  ce  qu'était 
ce  Bureau  aux  débuts  de  la  Révolution,  la  source  de  ses 
revenus,  la  quotité  de  ses  dépenses  et  leur  nature  et 
pour  juger  de  l'importance  des  services  rendus  par  lui  à 
la  population  indigente  de  la  paroisse. 

C'est  un  Compte  rendu  aux  habitants  de  la  paroisse 
de  la  Sainte-Trinité  de  Laval  par  les  administrateurs 
du  Bureau  général  de  Charité  ^  à  partir  du  !•*"  décem- 
bre 1789  jusqu'au  1"  juin  1790.  Ce  compte,  daté  du 
l'*"  octobre  1790,  est  signé  de  MM.  J.  Turpin  du  Cor- 
mier, curé  et  président  ;  Jérôme-Charles  Frin,  secré- 
taire ;  Duchemin,  prêtre,  trésorier,  et  Touschard  de 
Saintes -Plennes,  prêtre,  secrétaire.  Il  contient  les 
comptes  de  leur  gestion  pendant  six  mois  seulement. 

1.  Angers,  Marne,  27  pages  in-4o. 


—  213  — 

L'année  de  charité,  d'après  le  règlement  du  Bureau, 
devait  commencer  le  !•''  juin  de  chaque  année,  mais  ces 
administrateurs  ayant  été  nommés  seulement  le  l**" 
décembre,  après  le  refus  des  habitants  de  Saint- Vénérand 
de  fondre  en  un  seul  les  Bureaux  des  deux  paroisses  de 
Laval,  leur  compte  embrasse  seulement  les  opérations 
du  second  semestre,  le  plus  important  et  le  plus  chargé 
du  reste. 

Dans  un  long  préambule,  ces  administrateurs  expo- 
sent les  origines  du  Bureau  de  charité  et  les  transfor- 
mations qu'il  a  subies,  mais  sans  entrer  dans  les  détails 
et  sans  fournir  aucune  date. 

Le  compte  rendu  est  divisé  en  trois  parties.  La  pre- 
mière concerne  la  composition  du  Bureau  général  de 
Charité,  celles  du  Bureau  particulier  et  des  comités  de 
de  charité  et  de  travail  ainsi  que  leurs  fonctions,  et  enfin 
les  obligations  des  sœurs  de  la  Providence  chargées  de 
porter  la  viande  et  le  bouillon  aux  malades,  de  leur 
fournir  les  remèdes  et  de  leur  prêter  le  linge  dont  ils 
ont  besoin,  de  distribuer  le  lait  et  la  farine  pour  faire  la 
bouillie  des  enfants  au-dessous  de  dix-huit  mois  et  de 
faire  Técole  gratuite  aux  petites  filles.  Nous  avons  énu- 
méré  ces  divers  services  dans  notre  travail. 

Les  pauvres  valides  reçoivent  les  secours  en  pain, 
considérés  comme  supplément  au  bénéfice  que  leur 
procure  leur  travail,  de  la  valeur  de  2  sols  par  jour  et 
pouvant  se  diviser  en  trois  quarts,  demi  et  quart  de 
secours,  selon  le  degré  de  détresse  de  l'indigent. 

Les  pauvres  invalides  sont  mis  en  pension  et  fournis 
de  tout  ce  dont  ils  ont  besoin. 

Les  enfants  en  bas  âge  reçoivent  le  lait  et  la  farine 
pour  faire  la  bouillie  ou  sont  mis  en  nourrice  s'ils  sont 
orphelins. 

Enfin  tous  sont  vêtus  par  le  Bureau,  autant  du  moins 
que  ses  ressources  le  lui  permettent. 

La  seconde  partie  contient  le  tableau  des  ressources 
diverses  et  des  dépenses  du  Bureau  de  Charité. 


214 


Les  recettes  comprennent  : 

V  Les  quêtes  faites  par  des  ecclésias- 
tiques les  jours  de  dimanches  et  fêtes, 
s'élevant  pour  six  mois  à  405#8  s. 

2®  Les  quêtes  faites  par  les  dames  et 
demoiselles  entre  elles  277  17 

3^  Les  dons  et  aumônes  faits  par  legs 
ou  testaments,  dont  (600 #  donnés  par 
M"'  Le  Balleur  et  5.432#  versés  par  les 
héritiers  de  M.  de  Beaumesnil,  prêtre)         6  185  11 

i^  Les  revenus  de  la  Charité,  consis- 
tant en  rentes  sur  divers  particuliers  ou 
en  bénéfices  sur  les  toiles  fabriquées  et 
vendues  pour  le  compte  du  Bureau  2  093  16 

5^  Quête  générale  ou  dons  d'étrangers  : 

I.  Produit  de  la  quête   faite  à   la 
Toussaint  4  213     2 

II.  Recettes  des  différents  quartiers 
touchées  mensuellement  : 

Cette  recette  a  été  si  faible  pour  les 
huit  premiers  quartiers,  compre- 
nant le  faubourg,  au-delà  des  Cor- 
deliers,    qu'elle   a  été  réunie   en 
une  seule 
Les  Tuyaux 
Les  Ursulines 
Tour  des  Bénédictines 
Intérieur  de  la  ville 
Rue  des  Chevaux 
Rue  Neuve  et  Val-de-Maine 
Rue  Renaise 
Tour  des  Capucins 
6^  Etoffes  et  grains  comprenant  172# 
10  s.  d'étoffes,  368  boisseaux  de  seigle 
vendu  environ  3#  suivant  l'époque  de  la 
vente  et  217  boisseaux  de  carabin  vendu 
autour  de  2yf  le  boisseau  1  797  13 


943  16 
201  2 
358 
898  5 
508  16 

1  756 

2  295  18 
1  059  12 

600 


j 


6    7 


—  215  — 

7*  Reliquat  du  compte  de  Tannée  pré- 
cédente 2  742 

Au  total  35  337#2s.7d. 

Non  compris  2.000  livres  de  riz  environ  qui  ont  été 
remises  à  la  Providence  pour  être  données  en  place  de 
farine  de  froment  pour  faire  la  bouillie  des  enfants  K 

Au  chapitre  des  dépenses  nous  trouvons  : 

1*  Le  pain,  à  deux  sols  la  livre,  fourni  dans  les  différents 
quartiers, avec  le  nombre  des  pauvres  qui  ont  été  secourus. 


Quartier  des  Ormeaux 

116  pauvres  9  997  livres  1/2 

Rue  Sainte-Catherine 

260      » 

20  110 

» 

Rue  Saint-Jean 

224       » 

17  785 

Franche-Comté  à  droite 

278      » 

23  841 

» 

1/4 

Franche-Comté  à  gauche 

182       » 

15  903 

Haut-de-Beauvais 

228      » 

17  147 

» 

1/2 

Cordeliers  à  Saint-Martin 

180      » 

15  425 

Patience  aux  Cordeliers 

160      » 

12  907 

» 

1/2 

Les  Tuyaux 

143      » 

10  058 

» 

1/4 

Les  Ursulines 

160       » 

10  357 

» 

1/2 

Tour  des  Bénédictines 

72       » 

4  615 

» 

Intérileur  de  la  ville 

73       » 

4  192 

» 

1/2 

Rue  des  Chevaux 

74      » 

6  241 

» 

1/4 

Val-de-Maine 

163        r> 

9  296 

» 

1/4 

Rue  Renaise 

85      » 

7  027 

» 

Tour  des  Capucins 

76      » 

5  550 

» 

Au  total,  il  y  a  eu  2.47 

4  pauvres 

secourus, 

auxquels 

il  a  été  distribué  189.636  livres  et 

un  quart 

de 

pain. 

soit 

18  943#12s 

.6d. 

Lait  fourni  pendant  six  mois 

781 

19 

9 

Habillements              » 

992 

12 

6 

Viande  et  farine         » 

741 

17 

6 

Dépenses  des  Sœurs  pour 

six  mois 

236 

16 

6 

Apothicairerie 

228 

Frais  divers 

232 

3 

3 

22  167  y^ 

2s 

.Od. 

1.  Nous  avons  exposé  dans  notre  précédent  travail  les  mesures 
prises  par  le  Bureau  pour  faire  accepter  ce  riz  de  la  population. 


—  216  — 

Au  total  22.167/^  2  s.  Cette  somme  déduite  des 
recettes  laissait  un  reliquat  de  13.170#  7  d.  qui  devaient 
suffire  aux  besoins  du  Bureau  pendant  les  six  mois 
d'été,  en  attendant  la  quête  du  1"  novembre. 

Les  administrateurs  font  remarquer  que  la  dépense 
pour  la  farine  destinée  aux  enfants  a  été  moins  forte 
pour  cette  année  que  pour  les  précédentes,  en  raison  des 
2.000  livres  de  riz  qui  ont  été  distribuées  en  farine  au 
lieu  de  froment. 

Les  dépenses  extraordinaires  comprennent  notam- 
ment :  I20#  payées  pour  l'apprentissage  d'un  enfant, 
82/^  11  s.  6  d.  pour  droit  de  tarif  sur  1.500  livres 
environ  de  riz  dont,  malgré  ses  réclamations,  le  Bureau 
n'a  pu  obtenir  la  remise. 

Enfin  celui-ci  a  eu  à  distribuer,  au  mois  de  février,  un 
millier  de  fagots  qui  ont  été  répartis  entre  tous  les  mal- 
heureux, en  raison  de  leur  pauvreté  et  de  la  quantité 
d'enfants  à  leur  charge. 

Comme  aujourd'hui  encore,  la  partie  de  la  ville  située 
au-delà  des  Cordeliers  était  celle  où  se  trouvaient  ras- 
semblés le  plus  grand  nombre  d'indigents.  Elle  avait 
été  divisée  en  huit  quartiers,  dans  lesquels  il  avait  été 
distribué  pour  13.318//^  10  s.  de  pain,  tandis  que,  pour  le 
reste  de  la  ville,  il  n'en  reste  que  pour  5.627 #.  Il  y  a  en 
effet  dans  ce  faubourg  1.628  pauvres  assistés  et  850  seu- 
lement pour  le  reste  de  la  paroisse. 

Nous  prenons  une  moyenne,  car  le  nombre  des  pau- 
vres varie  de  mois  en  mois,  ainsi  que  la  quantité  du 
pain  distribué.  Celle-ci  diminue  à  mesure  que  les  travaux, 
arrêtés  par  la  mauvaise  saison,  reprennent  peu  à  peu. 
Ainsi,  dans  le  quartier  des  Ormeaux,  on  a  distribué  de 
décembre  à  mars  1.890  livres  de  pain  par  mois,  1.572 
seulement  en  avril  et  945  en  mai. 

Ensuite  viennent  les  Tuyaux,  les  Ursulines  et  le  Val- 
de-Maine  qui  à  eux  trois  fournissent  468  pauvres,  tandis 
que  les  cinq  quartiers  de  la  ville  proprement  dite  n'en 
donnent  que  375  environ. 


—  217  — 

La  dernière  partie  concerne  les  travaux  exécutés 
pour  le  compte  du  Bureau  de  Charité.  Celui-ci  en  effet, 
en  même  temps  qu'il  fournissait  aux  indigents  des 
secours  en  nature,  s*efforçait  de  les  aider  en  leur  procu- 
rant du  travail  pendant  Thiver,  soit  à  Taide  de  fonds 
disponibles  dont  il  pouvait  faire  un  emploi  temporaire, 
soit  grâce  aux  prêts  qui  lui  étaient  faits  dans  ce  but  par 
des  personnes  charitables,  en  plus  de  leur  souscription 
lors  de  la  quête  générale. 

C'est  ainsi  que  pendant  Thiver  1789-1790,  le  Comité 
de  travail  avait  pu  prêter  au  District  de  Laval  une 
somme  de  2.400  livres  pour  la  continuation  des  travaux 
exécutés  sur  les  routes,  lesquels  avaient  dû  être  sus- 
pendus faute  de  ressources. 

Il  avait  également  prêté,  avec  Tautorisation  de  la 
Municipalité,  1.200  livres  au  prieur  des  Jacobins  pour 
occuper  les  ouvriers  maçons,  charpentiers  et  couvreurs 
qui  avaient  dû  abandonner  les  nouveaux  bâtiments 
construits  par  ces  religieux,  dont  les  biens  avaient  été 
placés  sous  séquestre,  ce  qui  avait  forcé  d'interrompre 
les  travaux.  Les  constructions  inachevées  auraient  pu 
péricliter  pendant  l'hiver,  si  le  prêt  du  Bureau  de  Cha- 
rité n'avaient  pas  permis  de  les  terminer  pour  le  profit 
de  la  nation  qui  s'en  était  emparée.  Nous  avons  parlé 
ailleurs  des  difficultés  qu'éprouva  le  Bureau  pour  se  faire 
rembourser  de  ladite  somme. 

Enfin  il  restait  à  trouver  du  travail  pour  les  ouvriers 
filassiers  et  les  fileuses  occupés  à  préparer  les  matières 
employées  pour  la  fabrication  des  toiles  qui  était  alors  le 
principal,  sinon  le  seul  commerce  de  la  ville. 

Le  Comité  de  travail  se  divisa  en  deux  sections,  l'une 
pour  les  lins,  l'autre  pour  la  filature. 

La  première  acheta  pour  819#  10  s.  de  lin  du  pays  et 
pour  1.623yf  17  s.  de  lin  de  Picardie,  formant  avec  les 
frais  de  transport  et  de  droits  d'entrée  un  total  de 
3.040#.  Ce  lin  fut  distribué  à  tous  les  ouvriers  poupe- 
liers  de  la  paroisse  qui  se  présentèrent  pour  en  avoir. 


—  218  — 

Les  poupées^  reguets  et  poupeaux  résultant  de  leur 
travail  furent  à  leur  tour  remis  aux  fileuses  qui  en 
demandèrent. 

Finalement  le  Comité  des  lins  comptait  sur  un  béné- 
fice de  150  livres,  qui  aurait  pu  être  plus  considérable, 
s'il  n'avait  pas  été  trompé  par  quelques  ouvriers  peu 
honnêtes. 

Mais  le  Comité  de  filature  est  en  perte  de  près  de 
300  livres,  un  certain  nombre  de  fileuses  n'ayant  point 
rendu  les  livres  de  fil  entières  ou  ayant  conservé  pour 
elles  les  poupées  qu'elles  avaient  reçues.  Toutefois, 
comme  il  n'a  été  remis  aux  fileuses  que  les  reguets,  les 
poupeaux  et  mille  livres  ou  environ  de  poupées^  sur 
deux  mille  neuf  cent  soixante  et  onze  livres  et  demie  qui 
lui  ont  été  fournis  par  le  Comité  des  lins,  le  Comité  de 
filature  espère  rattraper  cette  perte  sur  ce  qui  reste  à 
filer  et  sur  le  prix  du  fil  qui  sera  vendu  aux  fabricants  de 
toile  avec  un  léger  bénéfice. 

Telle  était  la  situation  du  Bureau  de  Charité  de  la 
paroisse  de  la  Trinité  au  commencement  de  la  Révo- 
lution. Ses  administrateurs  doivent  toutefois  reconnaître 
que,  par  suite  des  événements,  ses  ressources  ont  dimi- 
nué, alors  que  le  nombre  des  indigents  avait  au  con- 
traire augmenté.  Aussi  avait-on  dil  employer  de  suite 
en  charités,  au  lieu  de  chercher  un  placement  avanta- 
geux, les  sommes  données  au  Bureau  par  legs  ou 
testaments. 

II  n'en  résulte  pas  moins  que  les  administrateurs  de 
ce  Bureau  de  charité  avaient  accompli  tout  leur  devoir 
en  venant  en  aide  aux  indigents  par  tous  les  moyens  qui 
étaient  en  leur  pouvoir  et  que  les  habitants  de  la  paroisse 
de  la  Trinité  savaient,  même  dans  les  moments  de  crise, 
se  montrer  généreux  dans  leurs  aumônes  pour  les  mal- 
heureux. 

E.  Queruau-Lamerie. 


TÂBLEill  DE  LA  PROVINCE  Dl'  NAINE  \y 

1762-1766 


Il  existe  k  la  bibliothèque  municipale  de  Tours,  sous 
le  n*^  1212,  un  manuscrit  in-folio  qui  a  pour  titre  : 
«  Tableau  de  la  généralité  de  Tours  depuis  1762 
jusques  et  y  compris  1766  *.  »  Ce  travail  considérable 
qui  renferme  xlii-1054  pages  et  trois  cartes,  a  été 
attribué,  sans  raisons  bien  certaines,  à  M.  de  Voglie, 
ingénieur  en  chef  de  la  généralité  de  Tours.  M.  Dumas 
a  démontré  en  1892  qu'il  avait  été  rédigé  à  la  suite  d'une 
enquête  ordonnée  par  le  contrôleur  général  L'Averdy. 
11  est  divisé  en  trois  sections,  comprenant  chacune  une 
des  trois  provinces  dépendant  de  la  généralité  de  Tou- 
raine  et  se  termine  par  un  résumé  général.  Les  rensei- 
gnements fournis  par  cet  important  document  sur  toutes 
les  branches  de  l'administration  sont  très  variés. 

La  partie  relative  à  la  province  de  Touraine  a  été 
publiée  en  1863  par  Tabbé  Chevalier  {Annales  de  la 
Société  d'agriculture.,.  d'Indre-et-Loire,  t.  XLI)  et 
celle  qui  est  consacrée  à  T Anjou  par  M.  Tabbé  Uzureau 
{Mémoires  de  la  Société  nationale  d agriculture. . .  d'An- 
gers,  et  tirage  à  part,  1898).  Ces  deux  publications  ont 
été  fort  appréciées  des  érudits.  Nous  avons  pensé  qu'il 
en  serait  de  même  pour  la  partie  qui  traite  du  Maine 

1.  La  Bibliothèque  de  Château-Gontier  possède  une  copie  de 
ce  manuscrit,  reliée  en  veau,  dorée  sur  tranches,  aux  armes  de 
Turgot  (n®  11). 


—  220  — 

restée  inédite  jusqu'à  présent  dans  son  ensemble  :  c'est 
pour  cette  raison  que  nous  la  donnons  ici. 

A.  Grosse-Duperon. 

Le  Maine  fut  subjugué  par  les  Romains  environ 
50  ans  avant  la  naissance  de  Jésus-Christ.  Les  Francs 
ayant  depuis  conquis  la  Gaule,  cette  province  fut  le 
partage  d'un  prince  nommé  Rigomer  qui  s'en  fit  cou- 
ronner roy  et  qui  fut  tué  de  la  main  de  Glovis  l'an  510. 
Elle  fut  ensuite  gouvernée  par  des  Comtes  qui  finirent 
par  s'en  rendre  propriétaires.  L'an  1127,  elle  lut  unie 
aux  Comtés  de  Touraine  et  d'Anjou  par  le  mariage 
d'Eremburge,  unique  héritière  d'Elie  de  la  Flèche,  comte 
du  Maine,  avec  Foulques,  5*  comte  d'Anjou.  Son  petit- 
fils  Henri  II,  aïant  depuis  hérité  de  la  couronne 
d'Angleterre,  le  Maine  resta  sous  la  puissance  des 
Anglois  jusqu'à  sa  réunion  à  la  couronne  de  France  en 
1202,  par  Philippes- Auguste  qui  la  confisqua,  ainsi  que 
la  Touraine  et  l'Anjou,  sur  Jean,  roy  d'Angleterre,  pour 
crime  de  félonie.  Louis  VIII,  roi  de  France,  donna  cette 
province  par  testament  en  1226  à  Jean  son  4*  fils  qui 
mourut  jeune  :  il  étoit  frère  de  saint  Louis  qui,  étantmonté 
sur  le  thrône  do  France,  la  donna  en  appanage  en  1246 
à  Charles  son  frère,  comte  de  Provence,  roy  de  Naples, 
lequel  la  transmit  à  Charles  le  Boiteux,  son  fils  aîné,  et 
celui-ci  à  Charles  de  France,  comte  de  Vallois,  son 
gendre,  dont  le  fils  Philij)pes  de  Vallois,  parvenu  à  la 
couronne  de  France,  la  réunit  au  Domaine.  Jean  son 
fils  en  jouit  quehjue  tems  à  litre  d'appanage  jusqu'à  ce 
qu'étant  devenu  roi  de  France,  il  errigea  le  Maine  en 
comté  pairie  en  faveur  de  son  second  fils,  Louis  l*""  duc 
d'Anjou,  chef  de  la  seconde  branche  des  rois  de  Naples. 
Charles,  3*  fils  de  Louis  second,  eut  en  partage  le  comté 
du  Maine  du  consentement  du  roy  de  France  Charles  VII. 
Son  fils,  Charles  II,  dernier  de  celte  race,  institua  son 
héritier  le  roi  Louis  XI  le  10  décembre  1481,  et  par  ce 
moïcn  le  Maine  se  trouva  encore  réuni  à  la  Couronne 


—  221  — 

jusqu'à  ce  qu'il  fût  donné  de  rechef  en  appanage,  pre- 
mièrement à  Henry  III,  alors  duc  d'Anjou  depuis  roi  de 
Pologne  et  de  France,  et  ensuite  à  François,  duc  d'Alen- 
çon,  qui  mourut  sans  postérité  en  1584,  ce  qui  fit  de 
nouveau  réunir  le  comté  du  Maine  au  domaine  de  la 
couronne  dont  il  a  toujours  fait  partie  depuis  cette 
époque.  Le  roy  Louis  XIIII  donna  en  1673  cette  pro- 
vince en  appanage  à  son  fils  naturel  Louis-Auguste 
légitimé  de  France  qui  a  porté  en  conséquence  le  titre 
de  duc  du  Maine.  Ses  fils  le  prince  de  Dombe  et  le 
comte  d'Eu  ne  l'ont  pas  conservé. 

Le  Maine  est  composé  de  4  Elections  qui  sont  celles 
du  Mans,  de  Lavalle,  de  Mayenne  et  de  Chàteauduloir 
qui  contiennent  ensemble  562  paroisses  touttes  taillables  ; 
il  est  borné  au  nord  par  la  Normandie,  à  l'orient  par  le 
Perche  et  le  Vendômois,  au  midy  par  la  Touraine  et  à 
loccident  par  l'Anjou  et  la  Bretagne.  Sa  plus  grande 
longueur  du  midy  au  septentrion  depuis  la  Suze  en 
Anjou  jusqu'au  delà  de  Pré-en-Pail,  frontière  de  Nor- 
mandie, est  de  16  lieues;  sa  plus  grande  largeur  depuis 
la  Ferté- Bernard,  joignant  la  généralité  d'Orléans, 
jusqu'à  la  Gravelle,  frontières  de  Bretagne,  est  de 
32  lieues;  sa  superficie  est  de  436  lieues  de  25  au 
degré. 

Le  Maine  est  arrosé  par  32  rivières  et  ruisseaux  dont 
4  seulement  portent  batteaux  qui  sont  la  Mayenne,  le 
Loir,  la  Sarthe  et  l'Huisne  qui  touttes  se  jettent  dans 
la  Loire. 

La  noblesse  n'est  pas  nombreuse  dans  cette  province, 
c'est  à  peu  près  comme  en  Anjou  ;  le  nombre  des  terres 
titrées  y  est  moins  grand. 

Les  Manceaux  passent  pour  être  actifs,  industrieux 
et  attachés  à  leurs  intérêts,  ce  qui  probablement  leur  a 
donné  la  réputation  d'aimer  la  chicanne  et  d'être  pro- 
cessifs. Ils  ont  de  l'esprit,  de  la  finesse  et  de  la  constance 
dans  leurs  entreprises,  ils  sont  plus  sobres  et  plus  labo- 
rieux que  les  Tourangeaux  et  Angevins  :  leur  terrein 


-  .  222 

^    .     .    -n  général  plus  cultivé  en  est  une 

«uauit  de  grands  hommes  en  différens 

«:>.  ie«  philosophes ,  des  mathématiciens, 

..  a^  rt?s  habiles. 

..  .  :   (u  Mans  du  tems  de  Gharlemagne  étoit 

,ue  celle  de  F  Anjou  et  de  la  Normandie  : 

.vii*cr»att  Taloit  un  denier  et  demi  normand  et 

.ti>  .lugevins,  d'où  est  venu  le  proverbe  qui 

..t  .1  tjte  appliqué  aux  habitans  du  Maine  qu'un 

■  viut  un  Normand  et  demi. 


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ARMORIAL  DE  LA  MAYENNE 

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106.  Philippe  Capon,  écuyer,  lieutenant  de  la  compagnie 
Duhenel  au  régiment  de  dragons  de  Fonbeausard.  —  Coupé 
au  1"  d'or  à  un  aigle  d'azur  ;  au  2*  d'azur  à  trois  coqs  d'or, 
posés  2  et  1. 

107.  Jean  de  Robert,  lieutenant  au  régiment  de  dragons 
de  Fonbeausard.  —  De  sinople  à  un  chevron  d'or. 

108.  Jean-Baptiste  du  Buat,  chevalier,  seigneur  de 
Volènes.  —  De  sinople  à  cinq  coquilles  d'argent  posées  en 
sautoir. 

109.  François  Dean,  sieur  de  la  Poulletrie,  receveur  des 
consignations  de  Sablé,  —  D'argent  à  une  fasce  de  gueules^ 
surmontée  de  trois  roses  de  même, 

110.  Jean  Marie,  sieur  de  la  Touchardière.  — De  gueules 
à  un  chevron  d'or. 

111.  Guy  Théard.  —  De  gueules  à  un  sautoir  d'or. 

112.  Marie-Anne  Millet,  femme  de  Henry-François  de 
Racappé,  écuyer,  sieur  du  Menil.  —  Tranché  d'or  et  d'azur 
à  une  étoile  à  huit  rais  de  l'un  et  l'autre  (voir  le  n*  48). 

113.  Pierre  Orain,  curé  de  Laubrières.  — Fascé  d'argent 
et  de  gueules  de  six  pièces. 

114.  Françoise  de  Juigné.  demoiselle.  —  D'argent  à  trois 
fasces  de  gueules. 

115.  Madeleine  de  Boisjourdan,  veuve  de  François  Gau- 
thier de  Brûlon,  écuyor.  —  D'or  semé  de  fleurs  de  lys 
d'azur,  à  trois  lozanges  de  gueules,  2  en  chef  et  1  en  pointe. 

116.  Jean  Chevillard,  curé  de  la  paroisse  de  Brain.  — 
D'azur  à  un  chevron  d'argent,  chargé  de  trois  tourteaux 
d'azur. 

(1)  Voir  les  articles  précédents  :  no»  67,  68,  70,  71,  72  et  73. 


—  232  — 

117.  Françoise-Marie  de  Brbon,  femme  d'Alexis  de 
Lancreau,  écuyer.  —  (Voir  les  n*'  5  et  6). 

118.  Le  prieuré  de  Gennes.  —  D'azur  à  un  chevron  d'or, 
accompagné  en  chef  de  deux  croissants  d'argent,  et  en  pointe 
d'une  rencontre  de  bœuf  de  même. 

119.  René  Pi  au,  greffier  de  l'hôtel  de  ville  de  Château- 
Gontier.  —  D'argent  à  une  bande  de  gueules. 

120.  René  d'IIéliand,  sieur  de  la  Gravelle,  conseiller  du 
Roi,  premier  président  en  la  sénéchaussée  et  siège  présidial 
de  Château-Gontier,  et  Marie-Angélique  de  la  Porte,  sa 
femme.  —  D'azur  à  trois  lacs  d'argent,  posées  2  et  1. 
Accolé  de  sable  à  une  porte  ouverte  d'argent. 

121.  René  de  Cantineau,  écuyer,  sieur  de  Saint-Philbert, 
et  Louise  Guilloteau,  sa  femme.  —  De  sable  à  3  molettes 
d'argent,  posées  2  et  1  ;  accolé  de  même. 

122.  La  communauté  des  médecins  de  Château-Gontier. 

—  D'argent  à  une  bande  d'azur,  chargée  de  trois  larmes 
d'argent. 

123.  Renée  Rollet,  femme  de  François  Dublineau,  con- 
seiller du  Roy.  président  en  l'élection  de  Château-Gontier. 

—  D'argent  à  un  chevron  de  gueules,  accompagné  de  3 
cors  de  chasse  de  sable,  liés  de  même,  viroles  et  embou- 
chés d'or. 

124.  René  Deszerée,  conseiller  du  Roi  et  son  procureur 
en  l'élection  de  Château-Gontier.  —  De  gueules  à  trois 
croix  croisettées  d'or. 

125.  Suzanne  du  Bois-Guihbneuc,  femme  d'Amaury  de 
Madaillan,  chevalier,  seigneur  de  Chauvigny  [et]  de  l'Isle. 

—  D'argent  à  un  aigle  à  deux  têtes  de  sable  (voir  l'art.  55). 

126.  Feu  N.  Martineau  de  Fourmentières.  —  De  gueules 
à  un  marteau  d'or. 

127.  Marguerite  de  Beaumanoir,  veuve  de  N.  Martineau 
de  Fourmentières.  —  D'or  à  deux  fasces  de  gueules. 

128.  Le  corps  des  officiers  du  grenier  à  sel  de  Château- 
Gontier.  —  D'azur  à  deux  pelles  d'or,  passées  en  sautoir. 

129.  Madeleine  DE  Fontenelles,  femme  d'Honoré-Eustache 
de  la  Lande,  seigneur  de  Saint-Martin-de- Villenglose.  —  De 
gueules  à  trois  quintefeuilles  d'argent. 

130.  Louis  Peu,  curé  de  Villiers.  —  D'or  à  une  bande  de 
sable. 

131.  René  de  Buhigné,  greffier  en  l'élection  de  Château- 
Gontier.  —  De  sinople  à  trois  têtes  de  léopard  d'or. 

132.  Jacques  du  Val,  écuyer,  conseiller  du  Roi,  et  ancien 
lieutenant  en  la  maréchaussée  de  Château-Gontier.  —  De 


—  233  — 

gueules  à  un  chevron  d'or  accompagné  en  pointe  d'un  lion 
de  même. 

133.  Philippe  du  Buat,  écuyer,  sieur  de  Chanteil,  et 
Marie  de  Lantivy,  sa  femme.  —  D'or  à  un  bœuf  de  sable  ; 
accolé  de  gueules  à  une  épée  d'argent,  posée  en  pal,  la 
pointe  en  bas. 

134.  Anne  de  Juigné,  fille  noble.  —  D'or  à  une  croix  de 
gueules. 

135.  Pebrine  Bbllallée,  veuve  de  Jean  Minaut,  écuyer. 

—  De  gueules  à  trois  chiens  d^argent,  courants  l'un  sur 
l'autre. 

136.  Dedorà  de  Leviston,  femme  de  Gédéon  de  Ridouet, 
écuyer.  —  D'argent  à  trois  carreaux  de  gueules,  posés  2 
et  1  (voir  le  n*  7). 

137.  François  Minaut,  écuyer.  —  D'argent  à  3  mouche- 
tures d'hermines  de  sable,  2  et  1. 

138.  Le  prieur  de  Fourmentières.  —  D'argent  à  une 
fourmi  de  sable. 

139.  Jacques  Adam,  curé  de  Saint-Clément  de  Craon.  — 
D'or  à  une  bande  componée  d'argent  et  de  sable. 

140.  Guillaume  Brillet,  écuyer,  sieur  de  Lagrée.  — 
D'azur  à  trois  trèfles  d'or. 

141.  Jean  Gastineau,  curé  d'Athée.  —  D'argent  à  une 
croix  ancrée  d'azur. 

142.  Le  prieuré  de  Chemazé.  —  D'argent  à  un  cœur  de 
gueules,  enflammé  de  même. 

143.  La  communauté  des  couvreurs,  charpentiers,  char- 
rons, menuisiers  et  maçons  de  Craon.  —  D'azur  à  une 
équerre  d'or,  accompagnée  en  chef  d'un  rabot  de  même,  et 
en  pointe  d'une  truelle  d'argent. 

144.  La  communauté  des  marchands  de  la  ville  de  Craon. 

—  D'azur  à  un  chiffre  d'or. 

145.  Le  prieuré  de  Saint-Georges  du  Mesnil.  —  D'azur  à 
un  saint  Georges  d'argent. 

146.  René  Hamon,  sieur  de  la  Randiette.  —  Bandé 
d'argent  et  de  gueules  de  six  pièces. 

147.  Pierre  Hamon,  curé  d'Azé.  —  D'argent  à  un  loup 
passant  de  sable. 

148.  Julien  Binet,  marchand.  —  De  gueules  à  trois 
coquilles  d'or,  2  et  1. 

149.  Noël  Houdemont,  marchand.  —  Paie  d'or  et  d'azur 
de  six  pièces. 

150.  N.  veuve  de  N.  Le  Masson.  —  D'azur  à  un  griffon 
dor,  surmonté  d une  étoile  de  même. 


—  234  — 

151.  François  de  Torchard,  écuyer,  sieur  de  la  Cheval- 
lerie.  —  D'or  à  un  aigle  de  sable. 

152.  François  db  la  Lande,  curé  de  Saint- Sulpice.  —  De 
gueules  à  un  oigne  d'argent. 

153.  Charlotte  Girault,  femme  de  Charles  Jarret, 
écuyer,  sieur  du  Boullay.  —  D'argent  à  deux  loups  de 
gueules  passants  l'un  sur  l'autre. 

154.  Jean  Lenfantin,  curé  de  La  Selle.  —  D'or  à  un 
sautoir  de  gueules. 

155.  René  Le  Vanier,  curé  de  Denazé.  —  De  sable  à  un 
sautoir  d'or. 

156.  Louis  d'Héliand,  prévôt  de  la  maréchaussée  de  Châ- 
teau-Gontier.  —  D'azur  à  une  bande  d'argent,  surmontée 

*  d'un  lion  de  même. 

157.  Augustin  Paillard,  notaire.  —  De  gueules  à  trois 
bandes  d'argent. 

158.  La  communauté  des  cordonniers  et  savetiers  de 
Craon.  —  D'azur  à  un  soulier  d'argent. 

159.  La  communauté  des  serruriers,  taillandiers,  maré- 
chaux et  cloutiers  de  la  ville  de  Craon.  —  D'azur  à  une 
enclume  d'or. 

160.  François  Bionneau,  sieur  du  Saulay,  conseiller  au 
présidial  de  ChAteau-Gontier.  —  De  sable  à  une  bande 
d'argent,  chargé  de  trois  molettes  de  gueules. 

161.  N.  veuve  de  N.  I^challier.  —  De  gueules  à  trois 
quintefeuilles  d'or,  posées  en  bande. 

162.  Elie  Houdemont,  l'aîné.  —  Fascé  d'or  et  de  sable  de 
six  pièces. 

163.  Thomas  Esnu,  marchand.  — De  gueules  à  une  bande 
d'or,  chargée  d'un  lion  de  sable. 

164.  René  Robert,  sénéchal  de  la  baronnie  de  Craon.  — 
Echiqueté  d'or  et  de  gueules. 

165.  François  Heuzé,  contrôleur  au  grenier  à  sel  de 
Craon.  —  D'azur  à  deux  fasces  d'argent. 

166.  Joseph  Garaud.  marchand.  —  D'azur  à  un  sautoir 
dargent. 

167.  Thomas  Vallée,  chanoine  de  Saint-Nicolas  de  Craon. 

—  D'or  à  un  lion  de  sinople,  lampassé  et  armé  de  gueules. 

168.  Louis  IlÉNAULT,  chanoine  de  Saint-Nicolas  de  Craon. 

—  D'or  à  un  lion  de  sinople,  lampassé  et  armé  de  gueules. 

169.  Jean  Pabot,  chanoine  de  Saint-Nicolas  de  Craon.  — 
D'azur  à  six  besants  d'or,  posés  3,  2  et  1. 

170.  René  Valette,  chanoine  de  Saint-Nicolas  de  Craon. 

—  De  gueules  à  une  tour  d'or. 


—  235  — 

171.  René  Hénault,  marchand  de  Craon.  —  D'or  à  trois 
trèfles  de  sinople. 

172.  Jean  Boucault,  chanoine  de  Saint-Nicolas  de  Craon. 
—  D'argent  à  une  croix  fleuronnée  de  gueules. 

173.  Nicolas  Bbrnier,  marchand  à  Craon.  —  D'or  à  trois 
fasces  de  gueules. 

174.  René  Alard,  le  jeune,  marchand  à  Craon.  —  Bande 
de  gueules  et  d'argent,  de  six  pièces. 

175.  N.  veuve  de  N.  Armand  Raymond.  —  D'argent  à  une 
croix  chargée  de  cinq  coquilles  d'or. 

176.  René  Gallois,  maître  chirurgien  à  Craon.  —  D'or  à 
une  bande  fuselée  de  gueules. 

177.  La  communauté  des  notaires  de  Craon.  —  D'azur  à 
une  écritoire  d'or. 

178.  La  communauté  des  merciers,  vendeurs  de  fayence 
et  autres  menues  marchandises  de  la  ville  de  Château-Gon- 
lier.  —  D'azur  à  une  tasse  d'argent. 

179.  Jacques  Galais,  sieur  de  la  Billetière.  —  De  gueules 
à  un  sautoir  d'argent. 

180.  Jacques  Houdemont,  marchand.  —  D'argent  à  un  cor 
de  chasse  de  sable. 

181.  La  communauté  des  notaires  de  ChAleau-Gontier.  — 
D'azur  à  deux  plumes  à  écrire  d'argent,  passées  en  sautoir, 
et  un  chef  de  France. 

182.  Jean  Piquet,  curé  de  Loigné.  —  D'azur  à  3  tours 
d'argent. 

183.  Jean  Briand,  procureur  du  Roi  au  grenier  à  sel  de 
Craon.  —  Fascé  d'or  et  de  sinople  de  six  pièces. 

184.  François-Michel  Gaultier  de  Bruslon,  ocuyer,  sieur 
de  la  Glorière.  —  D'azur  à  3  bandes  d'or. 

185.  La  communauté  des  rôtisseurs,  poulaillers,  pâtis- 
siers et  bouchers  de  Craon.  —  Dazur  à  un  bœuf  passant 
d'or,  accompagné  en  chef  d'un  coq  d'argent  et  en  pointe 
d'une  lardoire  de  même. 

186.  La  communauté  des  boulangers  et  meuniers  de 
Craon.  —  D'azur  à  trois  pains  dor,  posés  en  fasce. 

187.  Pierre  Vieil,  conseiller  du  Roi,  grenetier  au  grenier 
à  sel  de  Craon.  —  De  gueules  à  3  cornets  d'or. 

188.  François  Drouard.  conseiller  du  Roi,  président  du 
grenier  à  sel  de  Craon.  —  D'or  à  une  fasce  d'azur,  chargée 
de  trois  besants  d'or. 

189.  Jean  Trouillet,  prêtre,  prieur  commendataire  du 
prieuré-cure  de  Livré.  —  D'or  à  une  branche  de  chêne  de 
sinople,  posée  en  pal,  garnie  de  4  feuilles  de  même  et  de 
3  glands  d'or,  encoquelés  aussi  de  sinople. 


—  236  — 

190.  Jérôme-Pierre  Gallais,  conseiller  au  présidial  de 
Château-Gontier,  et  assesseur  de  la  maréchaussée.  —  D'azur 
à  3  lions  d'or. 

191.  René  Guérin,  sieur  de  la  Gendronnière,  conseiller 
au  présidial,  et  garde-scel  de  la  chancellerie  de  Châleau- 
Gonlier.  —  D'argent  à  une  fasce  de  sable,  accompagnée  de 
trois  molettes  de  même. 

192.  Pierre  Rigault,  sieur  de  la  Menievère,  conseiller 
du  Roi,  en  la  maréchaussée  et  siège  présidial  de  Château- 
Gontier.  —  D'or  à  une  fasce  de  gueules,  accompagnée  en 
chef  de  2  étoiles  d'azur,  et  en  pointe  d'un  aigle  de  sinople 
le  vol  abaissé. 

196.  Le  couvent  des  religieuses  hospitalières  de  la  ville 
de  Château-Gontier.  —  D'or  à  une  croix  recroisettée  de 
gueules. 

194.  Charles  Louveau,  sieur  de  la  Françoisière,  commis- 
saire des  montres  de  la  maréchaussée  de  Château-Gontier. 
—  D'argent  à  un  chevron  d'azur,  accompagné  de  2  roses 
de  gueules  tigées  et  feuillées  de  même,  et  boutonnées  d'or, 
et  en  pointe  d'un  aigle  le  vol  abaissé  de  sable. 

195.  Alexandre  Caudron,  conseiller  honoraire  au  prési- 
dial de  Château-Gontier.  —  D'argent  à  deux  chevrons  de 
gueules. 

196.  Gilles  Armeneau,  prêtre,  chapelain  de  la  Vernis- 
sière.  —  D'or  à  une  croix  pattée  de  gueules. 

197.  Olivier  Le  Lardeux,  marchand.  —  D'argent  à  un 
taureau  de  gueules,  rampant  en  barre. 

198.  René  Alaire,  curé  de  Longue.  —  D'or  à  3  aigles  de 
sable. 

199.  Renée  Goyau,  veuve  de  Charles  Alaire.  —  De  sinople 
à  3  lions  d'argent. 

200.  Charles  Poisson.  —  Echiqueté  d'or  et  d'azur. 

201.  Simon  Jarry.  —  De  gueules  à  trois  fasces  d'or. 

202.  Bonaventure  Buhigné,  curé  de  Châtelain.  —  D'or  à 
3  pals  de  sable. 

203.  Le  prieuré  d'Azé.  —  D'azur  au  bâton  pastoral  d'or. 

204.  Jean  Trochon,  conseiller  du  Roi,  élu  en  l'élection  de 
Château-Gontier.  —  D'azur  à  trois  pommes  de  pin  d'or. 

205.  Jean  Noyer,  curé  de  Houssay.  —  D'argent  à  une 
croix  engrélée  de  sable. 

206.  François-Denis  de  Baigneux,  curé  de  Cosmes.  — 
D'argent  à  3  fasces  d'azur. 

207.  Jacques  Dubois,  écuyer,  sieur  de  la  Gourdinière.  — 
D'argent  à  3  lions  de  gueules. 


—  237  — 

208.  Philibert  Pbrnot,  curé  d'Ampoigné.  —  D'or  à  5 
trèfles  d'azur,  posés  en  sautoir. 

209.  Chàrlbs-François  de  Là  Manière,  curé  de  Peuton. 

—  De  gueules  à  deux  léopards  d'or  affrontés. 

210.  Claude-Charles  Robert,  curé  de  Marigné,  près 
Marigné-Peuton.  —  D'or  à  3  fasces  ondées  d'azur. 

211.  René  Sevignb,  curé  de  Saint-Poix.  —  D'azur  à  trois 
pals  d'argent. 

212.  Jean  Denis,  marchand.  —  De  sable  à  deux  chevrons 
d'argent. 

213.  François  Hubert,  curé  de  Pommerieux.  —  De 
gueules  à  un  aigle  d'argent. 

214.  Fleurt  Harangot,  lieutenant  de  la  justice  ordinaire 
de  Craon.  —  De  gueules,  fretté  d'argent. 

215.  N.  Allard,  avocat  fiscal  à  Craon.  —  D'azur  à  un 
paon  rouant  d'or. 

216.  N.  Gendry,  grefSer  de  la  justice  ordinaire  de  Craon. 

—  D'argent  à  3  chevrons  de  sable. 

217.  Le  corps  des  officiers  du  grenier  à  sel  de  Craon.  — 
D'azur  à  2  pelles  d'or,  posées  en  pal. 

218.  Jacques  Cherbonnière,  marchand.  —  D'or  à  un  lion 
d'azur. 

219.  Christophe  des  Fuzeaux,  conseiller  du  Roi,  grenetier 
au  grenier  à  sel  de  Craon.  —  D'or  à  un  griffon  d'azur. 

220.  René  Allard,  marchand.  —  De  sable  à  un  cochon 
d'argent. 

221.  René  Vieil,  marchand.  —  Paie  d'argent  et  de 
gueules  de  six  pièces. 

222.  Julien  Jamet,  marchand.  —  Echiqueté  d'or  et  de 
sable. 

223.  Joseph  Lebreton,  curé  de  Simple.  —  D'azur  à  un 
léopard  d'argent. 

223.  N.  Chailland  de  la  Feronnière.  —  D'azur  à  trois 
têtes  de  léopards  d'or. 

225.  Julien  Fournier,  sieur  de  la  Reauté.  —  D'azur  à 
trois  chevrons  d'or. 

226.  François  Boudeseul,  docteur  en  médecine  à  Craon. 

—  De  gueules  à  trois  fasces  ondées  d'or. 

227.  Syhphorien  Dubibr,  procureur  fiscal  de  la  justice 
ordinaire  de  Craon.  —  D'argent  à  une  croix  de  gueules, 
chargée  de  cinq  rayes  d'or. 

228.  Jean  de  Saint-Giles,  conseiller  du  Roi,  receveur  au 
grenier  à  sel  de  Craon.  —  D'or  à  un  aigle  de  gueules, 
becqué  et  membre  d'azur. 


—  238  — 

229.  La  communauté  des  avocats  de  Craon.  —  De  gueules 
à  trois  fasces  ondées  d'or. 

230.  Thqmas  Morderet,  marchand.  —  D'azur  à  deux 
épées  d'argent  en  sautoir. 

231.  La  ville  de  Craon.  —  De  gueules  à  un  sautoir 
d'argent. 

232.  François  Paillard,  sieur  de  la  Prouverie,  notaire. 
—  D'or  à  une  bande  d'azur. 

233.  Pierre  Reigon,  sieur  de  la  Pigerie.  —  D'or  à  trois 
aigles  de  gueules. 

234.  La  communauté  des  chirurgiens  de  Craon.  —  D'azur 
à  trois  lancettes  d'or,  posées  2  et  1. 

235.  N.  femme  de  N.  Despkeseaux,  écuyer,  sieur  de 
Desroches.  —  D'argent  à  un  chevron  d'azur,  accompagné 
de  trois  cœurs  de  gueules. 

236.  Joseph  Tandron.  curé  de  Marigné.  —  D'argent  à  une 
croix  ancrée  de  sable. 

237.  René  Piau,  curé  de  Saint-Denis-d'Anjou.  —  De 
gueules  à  trois  étoiles  d'argent. 

238.  Rolland  Theullier,  notaire.  —  D'azur  à  un  lion 
d'azur. 

239.  René  Périer,  lieutenant  de  justice  ordinaire  de 
Saint-Denis-d'Anjou.  —  De  gueules  à  un  château  sommé  de 
trois  tours  d'or. 

240.  Urbain  Gubnier,  marchand.  —  D'argent  à  un  aigle 
de  sable. 

241.  Etienne  Mesnier,  marchand.  —  De  gueules  à  un 
léopard  d'or. 

242.  Guillaume  de  La  Lande,  prêtre  habitué  en  la 
paroisse  de  Saint-Martin.  —  D'or  à  trois  fasces  ondées 
d'azur. 

243.  René  Farion,  curé  de  Grez-en-Bouère.  —  D'or  à  une 
bande  vivrée  d'azur. 

244.  Martin  Chevrollier,  curé  de  Gennes.  —  De  gueules 
à  trois  bandes  d'argent. 

245.  Jean-Baptise  d'Andigné  de  Ribou,  curé  de  Ruillé.  — 
D'argent  à  une  croix  ancrée  de  sable. 

246.  Françoise-Antoinette  Leshenault,  femme  de  René 
de  La  Planche,  écuyer,  sieur  de  Ruillé.  —  De  sable  à  un 
sautoir  componé  d'argent. 

247.  N.,  femme  d'ALEXANDRE  de  Cumont,  chevalier,  sei- 
gneur du  Puy.  —  D'argent  à  trois  jumelles  de  gueules. 

248.  Martin  Cuotard,  curé  de  la  paroisse  de  Longue- 
fuye.  —  De  sinople  à  trois  macles  d'argent. 


—  239  — 

249.  Le  prieuré  de  Villiers.  —  D'azur  à  trois  coquilles 
d'argent,  posées  2  et  1. 

250.  Hélie  Houdemont,  marchand.  —  D'argent  à  une 
bande  de  sable. 

251.  René  Bournan,  curé  de  Chemiré.  —  D'or  à  un 
chêne  de  sinople. 

252.  Victor  Prud'hommbau,  curé  de  Mée.  —  De  gueules  à 
une  fasce  d'argent. 

253.  IsAAC  Pbllez,  curé  de  Gastines.  —  D*azur  à  un 
cigne  d'argent. 

254.  François  Alard,  curé  de  Chérancé.  —  D'or  à  trois 
fasces  de  sinople. 

255.  N.  DuPLEssis,  curé  et  doyen  de  Saint-Germain.  — 
D'or  à  un  lion  de  gueules. 

256.  Marie  nliÉLiANo,  veuve  de  Guillaume  Le  Clerc, 
chevalier,  seigneur  de  la  Ferrière.  —  De  même  qu'aux 
n*'  16  et  72. 

H  y  a  lieu  d'ajouter  à  ces  listes  : 

257.  Jeanne  Baugrand,  veuve  de  Pierre  Esnault,  sieur  de 
la  Girardière,  conseiller  du  Roi  en  l'élection  de  Château- 
Gontier.  —  D'azur  à  une  fasce  d'argent,  chargée  de  trois 
roses  de  gueules. 

RÉCAPITULATION 

Personnes 224  à  20#  4.480# 

Corporations     ....  4  à  25#  100# 

Communautés   ....  21  à  25  #  525  # 

Chapitres 2  à  25#  50# 

Couvante 5  à  25#  125  # 

Prieurés 7  à  25#  175# 

Ville là  50#        ,  50# 

TotaL  5.505# 

En  plus  le  sou  pour  livre. 

HippoLYTK  Sauvage. 


LA  COMPAGNIE  DE  GENDARMERIE 

de  la  Mayenne 


Ij" Annuaire  de  la  Mayenne  /?oMri874  adonné(p.  114 
et  suivantes)  un  historique  sommaire  de  la  compagnie 
de  gendarmerie  du  département.  Malgré  les  renseigne- 
ments très  précis  que  renferme  cet  historique,  bien  des 
points  ont  été  laissés  dans  Tombre.  C'est  ainsi  que 
l'auteur  nous  dit  que  le  département  comprenait  16  bri- 
gades en  vertu  des  lois  organiques  du  17  février  1791  et 
29  avril  1792  ;  que,  de  1792  à  1798,  deux  brigades  nou- 
velles furent  créées  et  pourtant,  quelques  lignes  plus 
loin,  il  compte  31  brigades,  dont  18  à  cheval,  antérieu- 
rement au  29  pluviôse  an  VIII.  En  réalité  la  composition 
de  la  compagnie  de  la  Mayenne  subit  diverses  transfor- 
mations dont  la  lettre  suivante  nous  apporte  un  témoi- 
gnage. On  venait  de  réduire  les  brigades  au  nombre  de 
13  et  Tadministration  centrale  estimait  ce  nombre  par 
trop  insuffisant.  Elle  faisait  valoir,  en  même  temps 
qu'elle  appuyait  de  toutes  ses  forces  la  nomination  du 
sieur  Durocher  au  grade  de  capitaine  au  lieu  du  sieur 
Desmazières,  les  raisons  qui  militaient  en  faveur  de  la 
création  de  16  nouvelles  brigades,  qui  ne  furent  pas 
toutes  concédées,  et  qu'elle  estimait  nécessaires,  «  les 
esprits  n'étant  nullement  à  la  hauteur  de  la  Révolution  » 
dans  le  département,  pour  rassurer  «  les  patriotes  inti- 
midés. » 


—  241  — 

Au  Ministre  de  la  Guerre 
Bureau  de  la  Gendarmerie  nationale  * 

Laval,  le  16  frimaire  an  YI  de  la  République. 

Citoyen  ministre, 

Les  opérations  que  vous  avez  prescrites  par  vos  circu- 
laires des  11  thermidor  et  12  fructidor  derniers  relative- 
ment à  la  réorganisation  de  la  gendarmerie  nationale  et 
au  placement  de  chaque  brigade  dans  notre  département 
sont  terminées  depuis  longtemps,  mais  nous  avons  vu 
avec  peine  que  loin  d'augmenter  la  force  de  ce  corps, 
votre  lettre  du  11  thermidor  la  diminue  de  trois  bri- 
gades. Nous  étions  loin  de  nous  attendre  à  une  sem- 
blable réduction.  La  position  topographique  de  notre 
arrondissement  nous  donnait  la  certitude  qu'au  moins 
nos  seize  brigades  seraient  conservées.  Faut-il  énu- 
mérer  ici  tous  les  droits  qu'il  peut  faire  valoir  à  cet 
égard  ?  Ne  sait-on  pas  que  le  pays  est  partout  couvert, 
que  les  chemins  de  traverse  sont  mauvais  en  général  et 
coupés  par  des  montagnes,  des  fondrières,  des  bocages; 
que  les  hayes  qui  bordent  ces  passages  étroits,  étant 
élevées  et  touffues,  les  rendent  très  dangereux  ?  Ne 
sait-on  pas  que,  dans  un  tel  pays,  les  brigands  trouvent 
une  infinité  de  retraites  ?  Et  dans  quel  tems  encore  nous 
fait-on  éprouver  une  diminution  de  force  aussi  précieuse  ? 
Lorsqu'à  peine  nous  sommes  échapés  aux  horreurs  de 
la  guerre  civile  la  plus  cruelle,  lorsque  tout  fait  un 
devoir  au  gouvernement  de  placer  au  milieu  de  nous  des 
sentinelles  vigilantes  prêtes  à  saisir  et  à  éteindre  les 
nouvelles  torches  que  la  malveillance  cherche  à  ral- 
lumer ! 

En  vain  nous  dira-t-on  que  le  calme  est  rétabli,  que 
la  résurrection  des  troubles  est  impossible,  que  les  habi- 
tons des  campagnes  ont  actuellement  les  yeux  ouverts 

1.  Arch.  de  la  Mayenne,  L,  Correspondance  du  bureau  de  police 
administrative  et  militaire,  n»  587. 

16 


—  242  — 

sur  leurs  propres  intérêts  et  qu'ils  ne  souffriront  pas  que 
de  nouveaux  brigands  se  forment  au  milieu  d'eux.  A  cela 
nous  répondons  qu'il  est  vrai  que  la  grande  majorité  de 
ce  département  veut  conserver  la  paix  dont  il  jouit, 
mais  que  la  plupart,  plongés  dans  Tapathie  et  Tengour- 
dissement,  tremblent  encore  et  sont  saisis  d'effroi  à 
Taspect  de  deux  ou  trois  brigands  qui  parcourent  les 
campagnes  ;  que  courbés  sous  le  joug  de  la  terreur  ils 
n'ont  même  pas  le  courage  de  les  dénoncer. 

Quels  moyens  donc  employer  pour  les  faire  sortir  de 
la  funeste  léthargie  dans  laquelle  ils  sont  plongés? Nous 
n'en  connaissons  point  de  plus  efficace  qu'une  distri- 
bution de  brigades  de  gendarmerie  assez  rapprochées 
les  unes  des  autres  pour  pouvoir  se  porter  au  moins  une 
fois  par  décade  dans  chaque  commune.  Ces  tournées 
bien  combinées  donneroient  l'éveil  aux  autorités  consti- 
tuées sur  toutes  les  trames  qui  pourroient  troubler  la 
tranquillité  publique.  Habitués  à  visiter  les  mêmes  lieux, 
les  gendarmes  formeroient  des  liaisons  avec  les  habi- 
tons des  campagnes  ;  leur  bonne  conduite  et  le  soin 
qu'ils  prendroient  de  préserver  leurs  personnes  et  leurs 
propriétés  les  rendroient  bientôt  maîtres  de  leur  con- 
fiance et  leur  procureroient  les  renseignemens  les  plus 
utiles  sur  la  conduite  de  tous  les  individus  dont  la  sur- 
veillance ne  doit  jamais  s'écarter. 

Appelles  par  la  loi  à  veiller  au  maintien  du  calme  et  à 
solliciter  pour  nos  administrés  toutes  les  institutions 
qui  peuvent  tendre  à  leur  bonheur,  nous  osons  donc 
vous  proposer,  citoyen  ministre,  une  augmentation  de 
brigades  de  gendarmerie  dans  notre  département  en 
vous  désignant  les  lieux  où  il  convient  de  les  placer  ; 
nous  sommes  si  convaincus  de  la  nécessité  de  cette 
demande  que  depuis  longtems  elle  vous  seroit  parvenue 
si  nous  n'avions  voulu  consulter  les  administrations 
municipales  des  ci-devant  chefs-lieux  de  districts,  plus 
à  portée  que  nous  de  donner  des  renseignemens  certains 
sur  les  localités.  Nous  allons  donc  vous  indiquer  les 


i 


—  243  — 

communes  où  le  placement  de  nouvelles  brigades  de 
gendarmerie  devient  indispensable. 

Lassay.  D'après  la  loi  du  29  brumaire  dernier,  cette 
commune  va  devenir  le  siège  du  tribunal  correctionnel 
fixé  à  Vilaines  par  celle  du  19  vendémiaire  an  IV  :  elle 
a  absolument  besoin  d'une  brigade  de  gendarmerie  pour 
mettre  à  exécution  les  réquisitoires  du  président  de  ce 
tribunal.  Cette  commune,  composée  de  2.250  habitans, 
renferme  un  bâtiment  national  propre  au  casernement. 
Il  s'y  tient  des  foires  et  marchés  et  le  commerce  y  est 
assez  actif.  Cette  brigade  aura  à  parcourir  les  cantons 
de  Lassay,  Thubœuf  et  la  Chapelle-Moche,  composés  de 
quatorze  communes  ;  elle  correspondra  avec  celle  de 
Pré-en-Pail  éloignée  de  4  lieues,  celle  du  Ribay  de 
5  lieues,  celle  de  Vilaines  de  5  lieues  et  celle  de  Dom- 
front,  département  de  l'Orne. 

Ambrières.  Cette  commune,  composée  de  1.989  habi- 
tans, a  également  besoin  d'une  brigade.  Située  à  deux  gran- 
des lieues  de  Mayenne,  elle  tiendroit  la  correspondance 
avec  Domfront  dans  le  département  de  l'Orne  et  protè- 
geroit  la  grande  route  qui  la  traverse  ;  elle  surveilleroit 
en  outre  tout  le  nord  du  ci-devant  district  de  Mayenne 
qui  est  absolument  dégarni.  Il  y  a  en  outre  à  Ambrières 
quatre  foires  par  an  et  tous  les  samedy  (v.  s.)  un  marché 
considérable  qui  réunit  un  grand  nombre  d'individus. 

Bais.  Cette  commune,  composée  de  1.815  âmes,  ayant 
deux  foires  par  an  et  un  marché  considérable  tous  les 
samedis  a  également  droit  à  l'établissement  d'une  bri- 
gade. Eloignée  de  4  lieues  de  Mayenne,  elle  surveilleroit 
une  grande  étendue  de  terrein,  elle  établiroit  une  com- 
munication avec  Sillé  (département  de  la  Sarthe),  elle 
veilleroit  à  la  sûreté  de  la  grande  route,  d'autant  plus 
dangereuse  qu'il  y  a  dans  les  environs  beaucoup  de  bois. 

Martigné.  Cette  commune  renfermant  une  population 
de  1.580  âmes  est  traversée  par  la  grande  route  de  Paris 
à  Brest.  Elle  est  éloignée  de  2  lieues  et  1/2  de  Mayenne 
et  de  5  lieues  et  1/2  de  Laval.  La  brigade  qui  y  seroit 


—  244  — 

établie  faciliteroit  la  correspondance  et  la  conduite  des 
prisonniers,  elle  protège roit  la  grande  route  où  passent 
les  diligences,  les  malles  et  une  infinité  de  voitures  pour 
la  République  et  pour  les  particuliers.  En  passant  le  bac 
de  Montgiroux,  elle  pourroit  se  porter  au  besoin  dans  le 
canton  d'Alexain,  voisin  de  la  forêt  de  Mayenne. 

GoRRON.  Cette  commune,  ayant  une  population  de 
1.600  habitans,  possédoit  une  brigade  de  gendarmerie 
auparavant  la  réorganisation  qui  a  eu  lieu  en  exécution 
de  la  loi  du  25  pluviôse  dernier.  Elle  y  étoit  et  seroit 
encore  infiniment  utile.  Le  mercredy  de  chaque  semaine, 
il  s'y  tient  un  marché  considérable  ;  cet  endroit  est  à 
3  lieues  de  pays  d'Ernée,  à  4  de  Mayenne,  à  3  d'Am- 
brières,  à  2  1/2  de  Veaucé,  à  5  de  Domfront  (départe- 
ment de  rOrne),  à  5  de  Mortain  et  à  3  du  Teilleul  (dépar- 
tement de  la  Manche).  Gorron  est  comme  un  point 
central  au  milieu  de  toutes  ces  communes  plus  ou  moins 
conséquentes  par  leur  population  leurs  foires  et  leurs 
marchés.  La  brigade  qui  y  seroit  établie,  outre  l'avan- 
tage qu'elle  ofTriroit  en  facilitant  la  communication  avec 
toutes  les  communes  précitées,  auroit  un  arrondissement 
de  plus  de  25  lieues  quarrées  à  parcourir. 

Landivi,  peuplé  de  1.633  habitans,  réclame  par  sa 
situation  topographique  l'établissement  d'une  brigade 
de  gendarmerie.  II  est  à  3  lieues  du  pays  de  Saint- 
Hilaire-du-Harcouet,  à  4  de  Mortain,  à  2  de  Louvigné, 
à  3  de  Fougères,  à  5  d'Ernée,  à  4  de  Gorron,  à  3  de 
Montaudin  et  à  1  lieue  de  Fouge rôles.  Il  y  a  foires  et 
marchés  à  Landivy  et  dans  chacune  des  communes 
ci-dessus  citées  ;  la  brigade  qui  y  seroit  établie  auroit 
un  arrondissement  d'au  moins  25  lieues  quarrées  où 
faire  des  tournées. 

Le  Bourgnkuf-la-Forêt,  ayant  une  population  de 
1.438  âmes,  appelle  également  une  brigade  de  gendar- 
merie. Cette  commune  est  à  3  lieues  de  pays  d'Ernée, 
à  4  de  Laval,  à  3  de  la  Gravelle,  à  3  de  Vitré  et  à  4  de 
Fougères.  Elle  a  donné  naissance  à  la  Chouannerie,  la 


—  245  — 

guerre  civile  y  a  été  très  active  ;  elle  est  comme  isolée  et 
reléguée  dans  les  terres  et  pourroit  encore  servir  de 
repaire  à  de  nouveaux  brigands  ;  son  sol  et  celui  des 
communes  voisines  sont  couverts  de  vastes  bois.  La 
brigade  qui  y  seroit  établie  seroit  fort  utile  pour  pro- 
téger les  marchés  et  foires  de  Saint-Ouen  et  la  manu- 
facture de  la  forge  du  Port-Brillet.  Les  tournées  qu'elle 
auroit  à  faire  comprendroient  encore  au  moins  20  lieues 
quarrées. 

La  Roe,  ayant  une  population  de  580  âmes,  mérite 
aussi  par  sa  position  rétablissement  d'une  brigade.  Le 
bourg  de  la  Roë  est  à  2  lieues  et  1/2  de  la  Guerche, 
3  lieues  de  Graon,  2  de  Guillé.  Il  est  à  1  lieue  de  dis- 
tance de  la  forêt  de  la  Guerche,  à  1  lieue  de  la  forêt  de 
Craon,  à  un  quart  de  lieue  des  bois  de  Saint-Michel  et  des 
Royères.  Il  y  a  au  bourg  de  la  Roë  neuf  foires  par  an,  il 
y  a  en  outre  un  marché  tous  les  vendredy  de  Tannée.  Le 
passage  de  la  Roë  est  considérable  :  ce  bourg  est  tra- 
versé par  le  chemin  de  Châteaugontier  et  Craon  à  la 
Guerche,  Ghâteaugiron  et  Rennes  ;  il  possède  d'ailleurs 
un  superbe  bâtiment  national  propre  au  casernement. 

CuiLLÉ,  ayant  une  population  de  991  âmes,  sollicite 
aussi  le  placement  d'une  brigade.  Le  bourg  de  Guillé 
est  à  3  lieues  de  Gossé,  2  lieues  de  la  Roë,  4  lieues  de 
Craon  ;  il  y  a  un  marché  tous  les  mercredis  de  chaque 
semaine  et  six  foires  par  an.  Il  n'est  également  éloigné 
que  d'une  lieue  de  Laubrières,  où  il  y  a  deux  foires  par 
an,  et  de  2  lieues  de  Méral,  où  il  y  a  douze  foires  par 
ans.  Guillé  est  situé  sur  la  grande  route  de  Gossé  à  la 
Guerche  et  à  Rennes.  Ce  passage  est  très  important.  La 
maison  ci-devant  presbytérale  serviroit  de  caserne. 

Grez-en-Bouère.  Cette  commune,  composée  de 
874  habitans,  appelle  par  sa  position  l'établissement 
d'une  brigade.  Elle  a  trois  foires  par  an,  elle  possède 
aussi  un  bureau  d'enregistrement  qui  seroit  exposé  au 
brigandage  s'il  n'y  étoit  constament  établi  une  force 
armée.  Le  bourg  de  Grez  est  éloigné  de  3  lieues  de 


—  246  — 

Meslay,  de  4  lieues  de  Châteaugontier  et  de  Banée,. 
8  lieues  de  Laval  et  4  lieues  de  Sablé  département  de 
la  Sartlie  .  La  brigade  qui  y  seroit  établie  aoroit  aa 
moins  vingt  communes  à  parcourir. 

Ballée.  Cette  commune,  peuplée  de  611  individus^  a 
trois  foires  par  an.  Le  bourg  est  éloigné  de  4  lieues  de 
Grez,  de  8  lieues  de  Château-Gontier,  de  8  lieues  de 
Laval,  de  2  lieues  de  Meslay  et  de  3  lieues  de  Sablé 
(département  de  la  Sarthe}.  La  brigade  qu  on  établiroit 
dans  cette  commune  tiendroit  la  correspondance  avec 
tous  les  endroits  ci-dessus  désignés  et  surveilleroit  la 
conduite  des  malveillans  répandus  dans  les  communes 
voisines. 

Daoti .  Cette  commune,  peuplée  de  786  habitans,  a  été 
Tune  des  plus  en  proie  aux  horreurs  de  la  chouannerie  ; 
elle  renferme  un  grand  nombre  d'individus  qui  ont  besoin 
d'être  surveillés.  La  brigade  qui  y  seroit  fixée  ouvriroit 
la  correspondance  avec  Château-Gontier,  éloigné  de 
2  lieues,  avec  Grez  de  4  lieues,  avec  Ballée  de  8  lieues, 
et  avec  Sablé  (département  de  la  Sarthe),  éloigné  de 
5  lieues. 

MoNTSÙRS.  Cette  commune,  peuplée  de  857  habitans, 
a  sept  foires  par  an,  un  marché  tous  les  huit  jours.  La 
brigade  qui  y  seroit  placée  oorrespondroit  avec  Laval, 
distant  de  4  lieues,  Evron,  distant  de  3  lieues,  Vaiges, 
(listant  de  3  lieues,  et  Martigné,  distant  de  3  lieues. 

Meslay.  Cette  commune,  peuplée  de  1.173  habitans, 
a  eu  de  tout  tems  une  brigade  de  gendarmerie  ;  elle  lui 
a  été  enlevée  par  la  réduction  qui  a  eu  lieu.  Sa  position 
sur  la  grande  route  de  Tours,  éloignée  de  4  lieues  de 
Laval  et  de  4  lieues  de  Sablé  (département  de  la  Sarthe), 
appelle  le  rétablissement  de  cette  brigade.  Cette  com- 
mune possède  en  outre  quatre  foires  par  an  et  un  marché 
tous  les  jeudis  de  chaque  semaine.  La  brigade  corres- 
pondroit  avec  Château-Gontier,  distant  de  4  lieues  ; 
Grez,  distant  de  3  lieues  ;  Ballée,  distant  de  2  lieues,  et 
Vaiges,  aussi  distant  de  3  lieues. 


—  247  — 

Sainte -Suzanne.  Cette  commune,  peuplée  de 
1.700  âmes,  a  un  marché  chaque  semaine  et  sept  foires 
par  an.  La  brigade  qu'on  y  établiroit  correspondroit 
avec  Évron,  éloigné  de  1  lieue  et  1/2  ;  Vaiges,  éloigné 
de  3  lieues,  et  Sillé  (département  de  la  Sartho\  égale- 
ment éloigné  de  3  lieues. 

Chemeré,  peuplé  de  1.200  âmes,  a  un  marché  par 
semaine  et  deux  foires  par  an.  La  brigade  qu'on  placeroit 
dans  cette  commune  ouvriroit  la  correspondance  avec 
celle  de  Vaiges  éloignée  de  1  lieue  et  i/2,  celle  de 
Meslay  de  2  lieues  et  1/2,  celle  d'Evron  de  3  lieues  et  1/2 
et  celle  de  Sablé  de  4  lieues  et  i/2.  Une  force  publique 
quelconque  est  d'autant  plus  nécessaire  dans  cette  com- 
mune que  longtems  elle  a  été  le  foyer  du  fanatisme  et 
que  la  fertilité  de  son  sol  y  attire  les  mal  intentionnés 
qui  y  trouvent  des  moyens  faciles  d'existence. 

Si  vous  pensiez,  citoyen  ministre,  que  la  proposition 
que  nous  vous  faisons,  n'entrât  point  dans  les  vues  du 
gouvernement,  soit  à  raison  des  dépenses  qu'occasion- 
neroit  cette  augmentation  de  force  publique,  soit  pour 
tout  autre  motif,  nous  allons  d'avance  fixer  vos  regards 
sur  un  moyen  qui,  en  économisant  les  deniers  publics, 
rendra  la  surveillance  plus  active  et  répandra  sur  notre 
territoire  une  force  réelle  sur  laquelle  les  autorités  cons- 
tituées auront  lieu  de  compter. 

Les  lois  des  28  septembre  1791,  20  messidor  an  III  et 
3  brumaire  an  IV  ordonnent  l'établissement  de  gardes 
champêtres  dans  toutes  les  communes  rurales  de  la 
République  ;  malgré  les  dispositions  imporatives  de  ces 
lois  dont  nous  avons  rappelle  l'exécution  par  différentes 
circulaires,  nous  n'avons  pu  parvenir  à  faire  nommer  de 
gardes  champêtres  que  dans  cent  cinquante  communes 
de  notre  ressort.  Les  habitans  des  campagnes  voyant 
la  négligence  de  ces  gardes  murmurent  contre  un  éta- 
blissement qui  leur  paroît  inutile  et  qui  augmente  la 
masse  de  leurs  impôts.  Les  gardes  champêtres  ne  rece- 
vant qu'un  modique  traitement  de    100,  200  ou  300H- 


—  248  — 

au  plus,  dont  ils  ne  sont  pas  même  payés  à  Téchéance 
de  chaque  terme,  se  livrent  à  d'autres  travaux  et  aban- 
donnent les  campagnes  à  la  dévastation.  Ne  vaudroit-il 
pas  mieux  établir  dans  chaque  chef-lieu  de  canton  une 
brigade  de  gendarmerie  à  pied  composée  de  trois  ou 
quatre  hommes  qui  rempliroient  les  fonctions  de  gardes 
champêtres,  de  commis  piétons,  et  qui  par  leur  réunion 
en  imposeroient  facilement  à  quelques  brigands  qui  ne 
sont  forts  que  de  la  timidité  et  de  l'oppression  des  habi- 
tans  des  campagnes.  Le  gouvernement  trouveroit  encore 
en  cela  un  moyen  de  réaliser  une  partie  des  promesses 
faites  aux  braves  deffenseurs  de  la  Patrie  à  qui  ces 
places  seroient  exclusivement  réservées. 

Au  reste,  pour  prouver  d'une  manière  victorieuse  que 
ce  nouvel  établissement  augmenteroit  peu  les  charges 
de  l'Etat,  nous  allons  établir  un  calcul  bien  simple.  Cha- 
cun des  cantons  de  notre  arrondissement  est  composé 
de  quatre  communes  ;  chacune  de  ces  communes  doit 
avoir  un  garde  champêtre  recevant  au  moins  un  traite- 
ment de  200 H-  par  an. 

Voilà  pour  ces  quatre  gardes  champêtres  .  .  .       800^ 
Pour  traitement  d'un  commis  piéton  chargé  de 
l'apport  et  du  rapport  des  dépêches  300# 
par  an 300^ 

Total 1.100^ 

Les  iAOO-H-  pourroient  donc  être  employées  au  traite- 
ment des  gendarmes  à  pied  que  nous  proposons  d'éta- 
blir et  le  gouvernement,  ne  faisant  qu'un  léger  sacrifice 
de  400/^  ou  500//^  pour  chaque  brigade,  accorderoit 
aux  deffenseurs  de  la  Patrie  la  récompense  la  plus  digne 
d'eux,  c'est-à-dire  du  travail  et  les  moyens  de  réprimer 
les  ennemis  du  dedans,  comme  ils  ont  terrassé  ceux  du 
dehors. 

Nous  vous  prions  instamment,  citoyen  ministre,  de 
peser  dans  votre  sagesse  les  deux  mesures  que  nous 
mettons  sous  vos  yeux  pour  l'augmentation  d'une  force 


—  249  — 

publique  qui  sera  si  utile  dans  notre  arrondissement, 
surtout  à  la  paix  générale.  Si  vous  ne  pouvez  vous  arrê- 
ter à  la  seconde  qui  nous  parolt  cependant  la  plus 
efficace  et  la  plus  digne  de  fixer  les  regards  d'un  gou- 
vernement paternel,  l'intérêt  public  nous  ordonne  de 
vous  dire  que  treize  brigades  de  gendarmerie  sont  insuf- 
fisantes dans  notre  arrondissement  et  qu'il  est  absolu- 
ment indispensable  d'en  augmenter  le  nombre  et  d'en 
établir  de  nouvelles  dans  les  lieux  que  nous  vous 
indiquons. 

Salut  et  respect. 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


SEANCE   DU  18  AVRIL  1907 

La  séance  est  ouverte  à  deux  heures,  sous  la  prési- 
dence de  M.  Emile  Moreau,  président. 

Sont  présents  :  M.  Moreau,  président;  MM.  Grosse- 
Duperon  et  Trévédy,  vice-présidents  ;  MM.  Alleaume, 
marquis  de  Beauchesne,  Louis  Garnier,  Goupil,  Gou- 
vrion,  Laurain,  Léon  de  Lorière,  Richard,  membres 
tituhiires  ;  MM.  Edouard  Garnier,  Labbé  et  Auguste 
Morin,  membres  correspondants. 

Se  fait  excuser  M.  Tabbé  Angot. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu  et 
adopté. 

M.  le  Président  souhaite  la  bienvenue  à  M.  Labbé  qui 
assiste  pour  la  première  fois  à  une  séance. 

M.  Laurain  communique  la  note  suivante  de  M.  Tabbé 
Angot  : 

Le  chartrier  de  Montguerré  possède  un  registre 
in-folo  qui  débute  ainsi  :  «  Michel  Poyvet,  sieur  de 
«  Valmary,  conseiller  et  procureur  du  roy  au  grenier  à 
«  sel  de  Mayene,  juge  subdélégué  par  Vincent  Hotten- 
«  cey,  chevalier,  seigneur  de  Fontenay,  conseiller  du 
«  roy  en  ses  Conseils,  maistre  des  requestes  ordinaire 
«  de  son  hostel  départi  en  la  généralité  de  Tours  pour 
«  Texécution  de  Tarrest  obtenu  par  Monseigneur 
«  rÉminentissime  cardinal  Masariny,  pair  de  France, 
«  duc  de  Mayene,  le  cinquiesme  jour  d'octobre  dernier.  » 


—  251  — 

«  Le  premier  article  est  daté  du  8  avril  1658  ;  le  der- 
nier du  14  juin  1660.  Ce  côté  du  registre  contient 
53  feuillets.  Le  registre  contient  en  outre,  en  commen- 
çant par  Tautre  côté,  37  feuillets,  en  tête  desquels  est 
rintitulé  suivant  : 

«  Ordonnances  rendus  sur  le  fait  de  la  commission 
a  touchant  Télargissement  des  grands  chemins  et  le 
«  rétablissement  d'iceux.  » 

«  Le  premier  article  date  du  17  juin  1658,  le  dernier 
du  7  juin  1660.  » 

«  Je  verrai,  ajoute  M.  Tabbé  Angot,  si  Ton  peut  tirer, 
par  analyse,  quelques  renseignements  d'un  intérêt  un 
peu  général  et  j'y  suis  autorisé  par  M.  le  comte  de 
Hercé.  » 

M.  Richard  expose  les  grandes  lignes  dune  étude 
qu'il  vient  d'écrire,  à  l'aide  de  documents  appartenant  à 
notre  collègue  M.  Louis  Garnier,  sur  le  Jardin  Berset 
et  les  autres  cercles  créés  à  Laval  entre  1763  et  1793. 
Cette  étude  sera  insérée  au  Bulletin. 

M.  de  Beauchesne  entretient  la  Commission  d'un 
voyage  qu'il  fît  l'an  dernier  en  Angleterre,  compare 
l'architecture  civile  et  militaire  de  ce  pays  avec  celle  de 
notre  contrée  et  annonce  une  prochaine  étude  sur  le 
fameux  capitaine  anglais  d'Arundel. 

M.  Gouvrion  présente  une  tabatière  en  cuivre  datant 
du  xvii'  siècle,  d'un  travail  curieux,  et  portant  une 
inscription  en  langue  flamande  ou  en  hollandais. 

M.  Grosse-Duperon  présente  un  carreau  émaillé 
bleu  sur  fond  blanc,  de  forme  octogonale,  venant  peut- 
être  de  Delft.  Dans  l'écu  soutenu  à  dextre  et  à  senestre 
par  une  licorne  et  surmonté  d'un  cimier  sur  lequel 
repose  un  caméléon,  on  voit  un  homme  à  cheval  sur  un 
dragon  tourné  à  droite  et  s'apprétant  à  lancer  une 
flèche.  Au-dessous  la  légende  :  Opiferque  per  orbem 
dicor. 


—  252  — 

Ce  carreau,  percé  de  trous  pour  être  accroché  le  long 
d'un  mur,  a  dû  appartenir  à  un  apothicaire  dont  il  vante 
le  secours  bienfaisant. 

M.  Laurain  mentionne,  dans  le  manuscrit  latin  de  la 
Bibliothèque  nationale  n*'  17.036,  f*  275  v%  l'analyse 
d'un  acte,  en  date  du  28  mai  1490,  portant  approbation 
par  Philippe  de  Luxembourg,  évéque  du  Mans,  d'un 
appointement  rendu  entre  frère  André  Dammouche, 
prêtre,  prieur  de  Priz,  et  Jean  des  Baux  (M.  Tabbé  Ângot 
écrit  avec  plus  de  raison  .probablement  Jean  Desvaux), 
curé  de  Montflours,  Monte  fat  uo.  Cet  acte  fait  connaître 
un  nouveau  prieur  de  Priz. 

M.  Laurain  communique  une  série  d'actes  concernant 
un  «  faiseur  d'images  »  lavallois  inconnu  jusqu'à  pré- 
sent, Pierre  Meignan.  C'est  d'abord  une  convention,  du 
28  février  1665,  par  laquelle  le  dit  Meignan,  revenant 
sur  un  précédent  marché  avec  René  Lebeau  à  qui  il 
s'engageait  à  montrer,  l'espace  de  deux  mois  durant, 
à  a  faire  des  figures  de  terre  »  moyennant  une  somme 
de  quarante  livres,  se  restraint  à  celle  de  neuf  livres,  à 
la  condition  que  son  élève  n'exercera  jamais  son  métier 
dans  la  ville  ni  dans  le  comté  de  Laval.  La  seconde  est 
un  marché,  passé  le  17  août  1665,  entre  le  sculpteur  et 
Jean  Jamault,  marchand,  exécuteur  testamentaire  de 
feu  M"  Michel  Corbeau,  prêtre,  en  vertu  duquel  Meignan 
s'obligeait  à  fournir  à  l'église  d'Erbrée  «  une  figure  de 
la  Sainte  Vierge  de  quatre  piedz  de  haulteur  »  étoffée 
«  de  la  carnation  du  visage  de  peinture  à  l'huille  »,  pour 
le  prix  net  de  quarante  livres.  Cette  statue  n'existe  plus 
à  Erbrée,  à  moins  qu'il  ne  faille  l'identifier  avec  une 
«  figure  »  de  la  Vierge  qui  achève  de  périr  dans  le  cime- 
tière de  cette  localité. 

Quoiqu'il  travaillât  pour  le  dehors,  notre  homme  trou- 
vait son  métier  sans  doute  peu  lucratif,  car  il  essaya  de 
faire  un  tisserand  de  son  fils  Sulpice  qu'il  plaça  en 
apprentissage  chez  Nicolas  Daulsé,  rue  de  la  Croix- 


—  253  — 

Bidault.  Ce  dernier  promettait,  le  7  février  1672,  de 
«  montrer  à  son  pouvoir  Testât  de  tixier,  mesmes  à 
cognoistre  et  achepter  le  fil  la  dernière  année  au  dit 
Sulpice  Meignan,  le  nosrir,  coucher  et  lever  en  sa  maison, 
luy  faire  reblanchir  son  linge  quand  on  fera  la  laissive  » 
deux  ans  durant,  sans  autre  redevance  que  le  travail  de 
Tapprenti.  Mais  celui-ci  se  lassa  assez  vite  et  quitta 
son  patron,  qui  réclama  au  «  faiseur  d'images  en  bosse  » 
la  «  représentation  de  son  fils  »  à  peine  de  tous  dom- 
mages. On  finit  par  s'accorder  et  par  résilier  le  contrat 
d'allouement  moyennant  une  somme  de  six  livres  que 
Pierre  Meignan  paya  le  15  février  1673,  deux  mois  après 
en  avoir  pris  l'engagement. 

M.  Laurain  présente  un  cahier  de  trente-deux  feuillets 
contenant  une  Analyse  que  Laurent-Charles  Meignan^ 
ex-agent  et  procureur  syndic  du  district  de  Château- 
Gontier  fournit  au  commissaire  du  directoire  exécutif 
près  r administration  centrale  du  département  de  la 
Mayenne^  des  diligences  qu'il  a  faites  près  son  admi- 
nistration pour  l'exécution  des  lois  et  des  mesures  de 
salut  public  et  de  sûreté  générale.  Écrit  le  25  frimaire 
an  IV,  ce  mémoire  nous  renseigne  exactement,  parfois 
pourtant  d'une  façon  trop  sommaire,  sur  tous  les  détails 
de  l'administration  à  Château-Gontier  depuis  le  12  juillet 
1790.  La  Commission  décide  que  des  extraits  de  cet 
important  document  seront  publiés  dans  le  Bulletin. 

Rien  n'étant  plus  à  l'ordre  du  jour,   la  séance  est 
levée  à  4  heures  1/2. 


BIBLIOGRAPHIE 


L'autel  des  Cannes  d'Angers,  par  P.  de  Farcy.  — 
Angers,  Germain  et  Grassin,  1906.  In-8°,  6  pages. 

La  plaquette  de  notre  collègue  nous  fait  connaître  le 
marché  passé,  le  5  mars  1638,  entre  les  exécuteurs  testa- 
mentaires d'Hercule  de  Charnacé,  ambassadeur  ordinaire  de 
France  en  Hollande,  et  deux  architectes  angevins,  François 
Picard  et  Pierre  Biardeau,  pour  la  reconstruction  de  Fautel 
des  Carmes  d'Angers  et  le  tombeau  de  M.  de  Charnacé  et 
de  sa  femme  Jeanne  de  Maillé-Brézé.  Cet  acte,  mentionné 
déjà  par  C.  Port  dans  son  Dictionnaire  (v°  Biardeau)  nous 
intéresse  à  plus  d'un  titre  et  nous  apprend  que  le  marbre  de 
Laval  était  déjà  fort  prisé  par  nos  voisins. 

E.  Laurain. 

Cent  ans  de  vie  Vitréenne,  par  Frain  de  la  Gaulayrie. 
—  Vitré,  imp.  Gilles,  1907.  In-8°,  254  pages. 

«  Un  violent  amour  pour  notre  pays,  la  ferme  assurance 
que  ce  sentiment  est  profondément  ancré  au  cœur  de  tous 
ceux  qui  le  liront,  c'est  pour  commencer  ce  récit  notre 
seule  excuse,  »  nous  déclare  l'auteur  au  seuil  de  son  nouvel 
ouvrage. 

L'amour  du  pays  s'y  fait  sentir  à  chaque  page  et  vraiment 
si  notre  collègue  avait  besoin  de  quelque  excuse  pour  avoir 
écrit  les  Cent  ans  de  çie  Vitréenne,  il  ne  pourrait  en  invo- 
quer de  meilleure.  Mais  l'excuse  est  inutile  et  personne  à 
Vitré  mieux  que  lui  n'est  capable  d'entraîner  à  sa  suite  plus 
de  curieux  pour  la  visite,  jusque  dans  les  moindres  objets, 
d'une  ville  si  pleine  encore  de  souvenirs.  Son  livre  a  donc 
été  le  bien  venu  pour  ceux  à  qui  il  s'adresse  particulièrement 
et  personne,  sauf  peut-être  notre  collègue,  n'en  marquera 
d'étonnement. 

Ce  n'est  pas  à  proprement  dire  une  histoire  de  Vitré  pen- 


—  255  — 

dant  le  xv^  siècle,  mais  une  série  de  causeries  familières  où 
sont  racontées,  dans  une  langue  qui  n'est  pas  sans  charme, 
à  la  manière  des  auteurs  de  jadis,  des  choses  très  diverses 
qui  se  passèrent  à  Vitré  ou  aux  environs  ou  qui  intéressent 
les  seigneurs  de  l'endroit  et  les  manants  du  pays  :  tout  cela 
émaillé  de  réflexions  piquantes,  d'observations  ingénieuses, 
comme  en  aurait  un  quidam,  né  malin,  très  observateur  et 
bonhomme,  heureux  de  montrer  à  un  étranger  toutes  les 
curiosités  de  la  ville  qu'il  habite.  Et  c'est  ainsi  que 
M.  Frain  nous  montre  comment  et  par  qui  fut  achevé  le 
château  de  Vitré,  nous  expose  les  relations  du  duc  Jean  V 
et  des  Vitréens,  nous  fait  assister  à  la  déconfiture  des 
Anglais  à  la  Brossinière,  au  convoi  funèbre  de  Jeanne  de 
Laval,  madame  l'Aînée,  aux  fêtes,  aux  travaux  des  ancêtres, 
nous  retrace  leurs  besoins,  leurs  aspirations,  leurs  doléances 
et  leurs  plaisirs.  Il  nous  serait  difficile  de  le  suivre  à  travers 
ce  fourmillement  d'hommes  et  de  choses  que  l'historien  eût 
dédaignés,  mais  que  Térudit  salue  avec  empressement,  inter- 
roge avec  curiosité  ou  rappelle  avec  gratitude  pour  le  plus 
grand  profit  de  tous  :  Vilrt'ens  ou  Lavallois.  Vitré  et  Laval 
eurent  en  effet  au  xv*"  siècle  des  relations  si  fréquentes  qu'il 
est  presque  impossible  à  celui  qui  s'occupe  de  l'une  d'igno- 
rer l'autre  et  que  leur  histoire  se  complète  mutuellement. 
Les  Lavallois  (je  ne  parle  que  pour  eux)  doivent  donc 
savoir  gré  à  M.  Frain  de  son  livre. 

Quant  à  l'économiste,  qu'il  soit  du  nord  ou  du  midi,  il  est 
sûr  de  recueillir  ample  moisson  de  renseignements  dans  ces 
pages  où  se  profilent  tour  à  tour  les  silhouettes  vivantes  de 
grands  seigneurs,  de  bourgeois  cossus,  de  marchands 
entreprenants  et  d'artisans  habiles.  Rien  ne  vaut,  pour  lui, 
comme  les  extraits  pris  dans  les  papiers  de  Jean  de  Gennes 
et,  pour  citer  un  exemple,  comme  le  récit  des  fêtes  qui  célé- 
brèrent, en  1501,  l'entrée  à  Vitré  de  la  comtesse  de  Laval. 
Mais  de  là,  comme  d'ailleurs,  les  conclusions  qu'il  tirera  ne 
devront  pas  être  très  rigoureuses,  car  nous  n'avons  aucun 
étalon  certain  pour  comparer  les  choses  d'autrefois  à  celles 
d'aujourd'hui.  M.  Frain  remarque  qu'il  n'était  pas  facile  de 
t^nir  au  xv«  siècle  une  comptabilité  commerciale  ;  mais  cela 
était  encore  moins  facile  qu'il  le  laisserait  croire,  car  les 
monnaies  réelles,  sonnantes  ou  de  poids,  comme  l'on  disait, 
furent  loin  d'avoir  toujours  la  même  valeur  intrinsèque. 
Pour  ne  parler  que  des  écus  à  la  couronne,  dont  l'équivalent 
lui  échappe,  ils  valurent  25  sols  tournois  en  1435-1436,  et 
27  sols  6  deniers  de  1446  à  1456  ;  ils  étaient  montés  jusqu'à 


—  256  — 

35  sols  sous  Charles  VIII  et  sous  Louis  XII  (ordonnances 
des  30  juillet  1487,  24  avril  1488,  1498  et  1511),  mais  en 
1596,  leur  valeur  était  presque  doublée  et  montait  à  64  sols. 
Aussi  est-il  impossible  d'établir  d'une  façon  certaine  le  pou- 
voir libérateur  de  l'argent,  et  les  évaluations  des  érudits,  si 
différentes  entre  elles,  sont  déconcertantes  :  il  ne  faut  donc 
les  accepter  qu'avec  réserve  ;  il  y  a  tant  d'éléments  divers 
dont  on  doit  tenir  compte  !  C'est  là  une  remarque  générale 
que  j'ai  voulu  faire  à  propos  du  livre  de  M.  Frain,  car  les 
esprits  curieux  éprouvent  naturellement  le  besoin  de  pré- 
ciser certains  renseignements  un  peu  vagues  de  leur  nature 
et  d'affirmations  en  affirmations  qui  se  transmettent  dun 
ouvrage  à  un  autre,  on  arrive  à  des  erreurs.  Ce  n'est  pas 
pour  cela  qu'écrit  M.  Frain. 

Il  me  permettra  de  lui  signaler  également  une  faute  d'im- 
pression que  je  trouve  à  la  page  108,  dans  l'inscription  qui 
nous  fait  connaître  les  travaux  accomplis  à  l'église  Notre- 
Dame  de  Vitré,  sous  la  direction  de  Macé  Vettier.  Ce 
trésorier 

Fit  commencer,  U  Teille  de  Saint  Jehan, 

Les  chapelles  ainsy  que  chacun  sait 

Et  pan  de  mur  au  costé  vers  le  cloître 

Par  sages  gens  qui  firent  la  devise 

Mieux  qu'ils  pouvoient  pour  cette  église  croître. 

Croître  est  réclamé  par  la  rime  et  par  la  mesure  au  lieu 
de  cloîtrée, 

E.  Laurain. 


Histoire  de  la  Maison  de  Baglion.  —  Un  vol.  in-4<'  orné 
de  46  planches  hors  texte,  50  francs  ;  sans  les  gravures, 
20  francs. 

Nous  annonçons  ici  avec  plaisir  l'apparition  de  cet  impor- 
tant ouvrage  concernant  une  famille  historique.  U  intéresse 
très  particulièrement  la  Mayenne  où  les  Baglioni  de 
Pérouse  vinrent  se  fixer  au  xv®  siècle  et  qu'ils  n'ont  jamais 
cessé  d'habiter. 

Cette  histoire  est  écrite  par  un  des  représentants  de  la 
famille  qui  a  consacré  à  son  œuvre  des  années  de  travail  et 
un  talent  remarquable  d'artiste. 


VIE  DE  ROBERT  D'ARBRISSEL 


Sous  le  titre  général  :  Die  ersten  Vanderprediger 
Frankreichs,  Studien  zur  Geschichtt  der  Mônchtums^ 
M.  Joliannes  von  Walter,  professeur  de  théologie  à 
Gottingen,  a  entrepris  une  série  d'études  sur  les  prédi- 
cateurs ambulants,  dont  le  premier  fascicule,  paru  il  y  a 
quatre  ans  *,  est  tout  entier  consacré  à  Robert  d'Ar- 
brissel.  Nous  donnons  ci-après  la  traduction  de  la  partie 
biographique  de  cet  ouvrage,  revue  par  Tauteur  qui  a 
modifié  sur  quelques  points,  minimes  d'ailleurs,  ses 
premières  conclusions.  Nous  avons  cru  pouvoir  laisser 
de  côté  la  critique  des  sources  qui  comprend  à  elle  seule 
la  moitié  de  la  brochure  (p.  9-94)  ;  les  érudits  qui  vou- 
dront dans  Tavenir  se  renseigner  auprès  des  écrivains 
qui  nous  ont  parlé  du  fondateur  de  Fontevrault,  devront 
se  reporter  à  cette  étude  de  critique  historique.  Il  nous 
suffit  de  résumer  ici  en  peu  de  mots  le  jugement  que 
M.  J.  von  Walter  porte  sur  chacun  d'eux. 

§  I.  —  Biographies. 
A.  —  «  Vie  de  Robert  »  par  Baudry  de  DoL 

Baudry,  évoque  de  Dol,  entreprit  d'écrire  l'histoire  de 
Robert  à  la  prière  de  Pétronille  de  Chemillé,  première 

1.  Leipzig,  Dieterich'sche  Verlags-  Buchhandlung,  Theodor  Wei- 
cher,  1903.  In-8<>,  195  p.  —  La  critique  des  sources  s'étend  des 
pages  9  à  94  ;  la  vie  de  Robert  d'Arbrissel  va  des  pages  95  à  180  ; 
les  pages  181-195  contiennent  la  lettre  de  Marbode  et  la  règle  de 
Fontevrault. 

17 


—  258  — 

abbesse  de  Fontevrault.  II  ne  possédait  pas  de  documents 
écrits  sur  son  héros,  mais  il  Ta  connu  personnellement 
et  a  écrit  d'après  ses  souvenirs.  Sa  a  Biographie  »  devrait 
donc  être  un  document  de  premier  ordre.  Toutefois,  il 
ne  faut  pas  oublier  qu'il  Ta  rédigée  dans  sa  vieillesse, 
que  sa  mémoire  avait  des  défaillances,  qu'il  a  passé  sous 
silence  mainte  circonstance  qui  nous  intéresserait 
aujourd'hui  et  que,  enfin,  il  n'était  point  exempt  d'une 
certaine  vanité  et  recherchait  la  réputation  d'un  écrivain 
brillant.  On  ne  doit  donc  pas  accepter  ses  dires  sans  les 
vérifier. 

B.  —  «  Vie  »  cT André, 

La  biographie  désignée  sous  le  titre  de  Vie  d'André 
n'a  pas  pour  auteur  le  prêtre  de  ce  nom.  On  ne  sait  par 
qui  elle  a  été  écrite,  mais  il  est  certain  qu'elle  émane 
d'un  moine  de  la  congrégation  de  Fontevrault.  Cette 
Vie,  ainsi  que  celle  de  Baudry,  a  dû  être  rédigée  dans 
les  premières  années  qui  ont  suivi  la  mort  de  Robert. 
Elle  a  pour  but  de  compléter  la  Vie  de  Baudry,  et  ne 
raconte  que  la  dernière  année  de  la  carrière  de  Robert. 
Composée  d'après  les  dires  de  témoins  oculaires  et 
d'après  les  souvenirs  personnels  de  l'auteur,  la  Vie 
d'André  a  une  grande  valeur  historique.  Si  elle  contient 
sur  le  dernier  voyage  de  Robert  des  détails  qui  ne  nous 
intéressent  plus  guère,  elle  complète  sur  des  points 
importants  le  récit  de  l'évoque  de  Dol. 


§  II.  —  Lettres  adressées  a  Robert. 

Nous  verrons  plus  loin  de  quelle  façon  Robert  vivait 
au  milieu  de  la  foule  qui  le  suivait  dans  ses  pérégrina- 
tions. Le  peu  de  soin  qu'il  prenait  pour  maintenir  l'ordre 
parmi  ses  disciples  et  les  épreuves  dangereuses  aux- 
quelles, par  zèle  ascétique,  il  exposait  sa  vertu  et  sa 


—  259  — 

réputation  furent  souvent  une  cause  d'étonnement  et 
presque  de  scandale  dans  le  clergé  ;  on  se  vit  amené  à 
lui  reprocher  ces  pratiques  de  pénitence  exagérées  et  à 
lui  conseiller  plus  de  prudence.  Tel  est  Tobjetdes  lettres 
de  Marbode,  évêque  de  Rennes,  et  de  Geoffroy  de 
Vendôme. 

A.  Lettre  de  Marbode.  —  Il  y  a  toute  raison  d'ad- 
mettre que,  conformément  à  la  tradition,  cette  lettre  a 
bien  pour  auteur  Marbode  lui-même  et  que  le  personnage 
auquel  il  s'adresse  est  bien  Robert  d'Arbrissel.  Les 
reproches  que  Tévèque  de  Rennes  adresse  au  moine 
errant  sont  de  diverse  nature.  Les  principaux  sont 
d'abord  la  trop  grande  liberté  de  Robert  dans  ses  rap- 
ports avec  les  femmes,  puis  le  tort  qu'il  cause  au  clergé 
séculier  en  faisant  connaître  ses  vices  et  en  détournant 
le  peuple  de  ses  pasteurs;  enfin,  le  scandale  qu'il  a 
donné  en  quittant  son  couvent  et  la  direction  de  ses 
frères.  Puis  il  le  menace  de  l'excommunication.  La  date 
de  cette  lettre  est  incertaine  ;  toutefois,  il  est  vrai- 
semblable de  la  placer  dans  les  premières  années  qui 
suivirent  la  fondation  de  Fontevrault.  Elle  est  pour  nous 
un  document  important  :  elle  nous  permet  en  effet  de 
dire  avec  certitude  que  l'influence  de  Robert  d'Ar- 
brissel  lui  vient  avant  tout  de  son  rôle  de  prédicateur 
errant,  et  nous  montre  quelle  position  prit  une  partie 
des  évoques  vis-à-vis  du  mouvement  dont  il  fut  le 
centre. 

B.  Lettre  de  Geoffroy  de  Vendôme,  —  La  lettre  de 
Geoffroy  de  Vendôme  n'est  pas  moins  authentique  que  la 
précédente  et  son  but  est  le  même  :  là  aussi,  il  est  ques- 
tion des  rapports  de  Robert  avec  les  femmes  qu'il  dirige  : 
il  ne  doit  pas,  comme  c'est  sa  coutume,  se  montrer  trop 
indulgent  et  familier  avec  les  unes,  tandis  qu'il  traite  les 
autres  avec  une  sévérité  exagérée.  Cet  écrit,  qui  est 
aussi  une  source  de  premier  ordre,  date,  comme  la 
lettre  de  Marbode,  des  premières  années  de  l'établisse- 
ment de  Fontevrault. 


—  260  — 

C.  Deux  lettres  d'Yves  de  Chartres.  —  Parmi  les 
lettres  d'Yves  de  Chartres,  il  s*en  trouve  deux  adressées 
à  un  certain  anachorète  du  nom  de  Robert.  Il  y  a  tout 
lieu  de  croire,  sans  toutefois  qu'on  puisse  en  donner  la 
preuve  matérielle,  que  ce  personnage  est  bien  Robert 
d'Ârbrissel.  Dans  ce  cas  les  lettres  dateraient  de  Tannée 
1095.  Elles  ne  fournissent  pas  de  matériaux  nouveaux  à 
rhistorien,  mais  du  moins  elles  nous  livrent  des  docu- 
ments intéressants  pour  la  caractéristique  de  notre 
personnage. 


§  III.  —  Exhortation  a  Hermengarde  de  Bretagne. 

Nous  possédons  une  exhortation  de  Robert  d'Arbrissel 
à  Hermengarde,  duchesse  de  Bretagne.  Elle  date  du 
début  du  xii*  siècle  et  est,  sans  nul  doute,  authentique. 
Cet  écrit  contient  des  conseils  d'ordre  général  et  d'autres 
qui  se  rapportent  à  des  laits  intimes.  Il  y  a  donc  lieu  de 
croire,  malgré  le  titre  Sermo...,  que  nous  avons  entre 
les  mains,  non  un  discours  prononcé  en  public,  mais 
une  lettre  particulière  écrite  à  la  duchesse.  Toutefois  le 
ton  de  cet  écrit  est  le  ton  d'un  sermon,  et  nous  pouvons, 
d'après  lui,  nous  faire  une  idée  de  la  prédication  de 
Robert.  Il  a  dû  être  rédigé  en  1109  ou  1110. 


§  IV.  —  La  Règle  de  Fontevrault. 

La  Règle  de  Fontevrault  nous  est  parvenue  en  trois 
rédactions  différentes.  Si  nous  les  comparons  toutes 
trois  à  l'analyse  de  la  Règle  donnée  par  la  Vie  d'André, 
nous  arrivons  à  cette  conclusion  qu'aucune  des  trois 
rédactions  n'est  l'original,  mais  que  la  plus  simple  est 
aussi  la  plus  voisine  du  texte  primitif.  Cette  rédaction 
peut  être  considérée  comme  un  document  authentique 
pour  l'histoire  de  l'activité  de  Robert. 


r  ' 


—  261  — 

§  V.  —  Chartes,  Chroniques,  Sources  diverses. 

Nous  possédons  de  nombreuses  chartes  relatives  aux 
débuts  de  Fontevrault.  Plusieurs  d'entre  elles  font 
mention  de  Robert. 

Nous  en  avons  quatre  de  Robert  lui-même  : 

1.  Acte  par  lequel  Robert  place  Fontevrault  et  tous 
les  prieurés  de  cet  ordre  qui  se  trouvaient  dans  le  dio- 
cèse de  Poitiers,  sous  la  protection  de  Pierre,  évêque  de 
cette  ville  (19  juin  1109); 

2.  Acte  par  lequel  Robert  se  dessaisit  en  faveur  de 
Girard  de  Salles  de  tous  ses  droits  sur  deux  endroits  de 
la  forêt  de  Cadouin,  qu'il  avait  acquis  sous  son  propre 
nom  pour  être  remis  à  Girard  (11  juillet  1115)  ; 

3.  Quittance  de  Robert  pour  une  maison  donnée  à  Fon- 
tevrault par  un  certain  Foulques  Forellus  (1115-1117  ?); 

4.  Lettre  adressée  au  nom  de  Robert  par  Pierre  de 
Sully  à  Raoul  de  Tours  (1144). 

Un  certain  nombre  de  chartes  qu'il  serait  trop  long 
d'énumérer  ici  et  quelques  autres  écrits  peuvent  encore 
nous  fournir  des  renseignements  sur  Robert.  On  trouve 
mention  de  celui-ci  dans  la  Vie  de  Bernard  de  Thiron,  dans 
le  Rouleau  de  Mort  de  Vital  de  Savigny,  dans  Pierre  le 
Vénérable  et  quelques  autres.  Au  sujet  de  la  mort  de 
Robert  nous  ne  possédons  rien  de  certain,  si  ce  n'est  l'acte 
dressé  le  jour  de  son  enterrement  par  Foulques  d'Anjou, 
car  l'oraison  funèbre  de  Léger  de  Bourges  est  apocryphe. 

Quant  aux  chroniques,  elles  nous  disent  peu  de  choses 
de  Robert.  Voici  celles  qui  le  mentionnent  : 

1.  Chronique  de  Guillaume  de  Newburgh. —  2.  Chro- 
nique de  Guillaume  de  Malmsbury.  —  3.  Chronicon 
Turonense  magnum.  —  4.  Chronicon  S.  Albini  Ande- 
gavensis.  —  5.  Brève  Chronicon  S,  Florentini  Salmu- 
rensis,  —  6.  Chronicon  S,  Sergii  Andegavensis.  — 
7.  Chronicon  Malleacense. 

J.  Cahour, 

Bibliothécaire  de  La^al. 


—  262 


VIE  DE  ROBERT  D'ARBRISSEL 


I 
Enfance  et  jeunesse  de  Robert 

Robert  naquit  à  Arbrissel  (aujourd'hui  Arbresec, 
Ille-et- Vilaine,  à  6  kilomètres  de  Re tiers).  Son  père 
Damaliochus  était  prêtre  et  descendait  lui-même  de 
prêtres.  Depuis  le  premier  historien  de  Fontevrault, 
Niquet,  on  s'est  vainement  efforcé  de  révoquer  ce  fait  en 
doute  ou  bien  on  a  affirmé  que  Damaliochus  n'était 
devenu  prêtre  que  plus  tard  ;  on  est  allé  jusqu'à 
omettre  dans  l'édition  de  la  Vie  de  Baudry  les  mots 
presbyteri  fîlius,  ex  presbyteris  on'undus.  La  mère  de 
Robert  s'appelait  Orguendis  ou  Oruandis.  Le  Martyro- 
loge de  Fontevrault  mentionne  aussi  un  frère,  du  nom 
de  Fulchodius.  Robert  nous  dit  lui-même  que,  lors  de 
sa  naissance,  son  père  était  un  vieillard  et  sa  mère  une 
pauvre  femme.  Ils  demeuraient  à  Arbrissel,  puisque 
leur  fils  est  appelé  indigène  et  habitant  (indigena  et 
colonus)  de  ce  village.  Leur  vie  devait  être  modeste, 
mais  non  des  plus  pauvres  :  Robert  en  effet  sur  son  lit 
de  mort  se  reproche  d'avoir  mangé  étant  enfant  chez  sa 
mère  des  mets  trop  recherchés. 

Nous  ignorons  la  date  de  sa  naissance.  D.  Plaine,  se 
fondant  sur  ce  fait  que  le  Martyrologe  de  Fontevrault 
l'appelle  senex  et  pie  nus  dierum,  prétend  qu'il  devait 
avoir  atteint  au  moins  l'âge  de  70  ans  et  il  veut  en 
déduire  l'époque  de  sa  naissance.  Ce  raisonnement 
paraît  au  moins  singulier.  Le  calcul  de  Pétigny  semble 
plus  vraisemblable.  Partant  de  ce  fait,  affirmé  par 
Baudry,  que  Robert  étudia  à  Paris  sous  Grégoire  VII  et 


—  263  — 

considérant  d'ailleurs  que  Tàge  des  étudiants  oscille 
entre  quinze  et  vingt-cinq  ans,  il  place  la  naissance  de 
notre  personnage  entre  1055  et  1060  et  donne  la  préfé- 
rence à  cette  dernière  date.  Mais  tout  cela  ne  repose  que 
sur  des  hypothèses  et  ne  peut  prétendre  qu'à  une  pro- 
babilité relative.  L'oraison  funèbre  de  Léger  fournit  une 
indication  plus  précise  :  «  Robert,  y  est-il  dit,  a  vogué 
pendant  soixante-dix  ans  en  prudent  marin  sur  la  mer 
du  monde  ».  Donc  Robert,  mort  comme  nous  le  verrons 
plus  loin  en  1117,  serait  né  en  1047.  Mais  l'oraison 
funèbre  de  Léger  n'est  qu'un  document  falsifié  sans 
aucune  valeur.  Une  seule  chose  est  bien  établie  :  c'est 
que  Robert  a  vu  le  jour  au  milieu  du  xi*  siècle. 

De  sa  jeunesse  nous  savons  peu  de  chose.  A-t-il  eu, 
comme  Pétigny  l'affirme,  pour  premier  maître  son  père, 
qui  devait  avoir,  en  tant  que  prêtre,  une  certaine  cul- 
ture ?  C'est  possible,  bien  que  ce  ne  soit  pas  rigoureuse- 
ment prouvé.  Jeune  homme,  il  se  distinguait  par  une 
infatigable  ardeur  voyageuse  et  par  une  grande  curio- 
sité scientifique.  Il  parcourut  les  provinces  pour  satis- 
faire sa  soif  d'apprendre,  jusqu'au  jour  où,  sous  le 
pontificat  de  Grégoire  VII,  il  eût  trouvé  à  Paris  la  ville 
d'études  qui  répondait  à  ses  désirs.  Là  enseignait  alor^ 
Anselme  de  Laon,  le  disciple  d'Anselme  de  Cantorbery. 
C'est  lui  sans  doute  qui  dirigea  les  études  'théologiques 
de  Robert. 

On  doit  d'ailleurs  reconnaître  que  ce  dernier  ne  tient 
aucune  place  dans  l'histoire  du  dogme.  Il  n'a  exposé  à 
ses  contemporains  aucune  doctrine  nouvelle.  Qu'on  ne 
s'étonne  donc  pas  si  nos  sources,  qui  donnent  une  idée 
si  exacte  de  ses  opinions  morales  et  religieuses,  sont 
muettes  sur  sa  théologie. 

Il  est  pourtant  bien  certain  qu'il  a  possédé  une  cul- 
ture théologique  relativement  étendue.  Il  déclare  lui- 
même  sur  son  lit  de  mort  que  le  Seigneur  lui  a  fait  la 
grâce  d'acquérir  la  science  des  choses  divines,  et  d'ail- 
leurs son  Exhortation  à  Hermengarde  montre  bien 


\ 


\ 


—  264  — 

qu'il  la  possédait.  Sa  connaissance  de  TEcriture  Sainte 
s'y  manifeste  par  une  foule  de  citations.  Il  cite  deux  fois 
saint  Augustin. 

C'est  sans  doute  pendant  son  séjour  à  Paris  qu'il  fut 
ordonné  prêtre,  car  à  Rennes,  où  il  fut  appelé  dans  la 
suite,  il  fut  nommé  archiprétre. 

Robert,  nous  dit  Baudry,  était  dès  sa  jeunesse  un 
homme  d'une  grande  pureté  de  mœurs.  L'historien 
ajoute  qu'on  fondait  déjà  sur  lui  de  grandes  espérances. 
Mais  est-ce  bien  la  vérité  ?  On  peut  en  douter  car 
Baudry,  racontant  ailleurs  la  vie  d'un  autre  saint,  dit 
exactement  la  même  chose  et  presque  dans  les  mêmes 
termes.  Un  passage  de  Marbode  prouve  au  contraire  que 
ses  premières  années  ne  furent  pas  sans  tache.  Bien 
plus,  cet  homme  qui  combattit  si  énergiquement  la 
simonie,  s'en  est  lui-même  rendu  coupable  lors  de 
Télection  d'un  évêque  de  Rennes.  En  tout  cas,  il  est  cer- 
tain qu'il  sut  attirer  sur  lui  l'attention  de  ses  compa- 
triotes et  qu'on  fut  amené  à  le  rappeler  dans  son  pays. 

II 
Robert  a  Rennes  et  a  Angers 

Sylvestre  de  la  Guerche,  évêque  de  Rennes,  plaça 
Robert  près  de  lui.  Sylvestre  était  un  homme  de  guerre 
de  famille  noble.  Dans  une  campagne  contre  l'Anjou  en 
1066,  Gonan  II  de  Bretagne  avait  assiégé  sa  résidence 
de  Pouancé  et  s'en  était  emparé.  En  1076,  Sylvestre  fut 
nommé  évêque  de  Rennes  sans  avoir  été  auparavant 
ordonné  clerc.  Gette  circonstance,  ainsi  qu'un  duel  qu'il 
avait  eu  avant  son  entrée  en  fonctions,  détermina  le 
légat  de  Grégoire  VII,  Hugues  de  Die,  à  le  frapper  con- 
formément aux  lois  canoniques  ;  mais,  grâce  aux 
prières  de  ses  amis  et  aussi  dans  la  pensée  que  le 
nouvel  évêque  pourrait  être  de  quelque  utilité  à  son 
diocèse,  il  se  borna  à  le  suspendre.  Si  le  rude  guerrier 


{ 


—  265  — 

n'était  pas  très  cultivé,  le  bien  de  son  diocèse  lui  tenait 
à  cœur.  Il  espérait  en  attirant  à  lui  des  gens  instruits, 
qui  étaient  rares  dans  la  sauvage  Bretagne,  relever  le 
niveau  intellectuel  et  moral  de  son  diocèse.  On  lui 
recommanda  Robert.  C'était,  lui  dit-on,  un  de  ses  diocé- 
sains, homme  éminent  par  sa  science  et  ses  mœurs  et 
d'une  robuste  santé.  L'évéque  se  rendit  en  personne  à 
Paris,  exposa  à  Robert  dans  quelle  situation  difficile  se 
trouvait  son  diocèse,  sous  la  direction  du  demi-laïc 
qu'il  était  et  le  pria  d'être  son  conseiller  et  son  porte- 
parole  dans  les  affaires  de  TEglise.  Tel  est  du  moins 
le  récit  de  Baudry.  Toutefois  on  a  l'impression  que  cette 
version,  exacte  dans  ses  grandes  lignes,  a  été  embellie 
en  faveur  de  Robert.  Il  est  peu  vraisemblable  en  effet 
que  Tévéque  ait  donné  tout  de  suite  une  telle  autorité  à 
un  prêtre  qu'il  ne  connaissait  pas.  C'est  plutôt  peu  à  peu, 
pendant  son  séjour  à  Rennes,  que  Robert  s'est  acquis  ce 
poste  de  confiance. 

Robert  n'était  pas  homme  à  négliger  les  devoirs  d'une 
charge  qu'il  avait  acceptée.  Il  mit  dès  le  début  toute  son 
ardeur  à  l'accomplissement  de  ses  nouvelles  fonctions  et 
se  montra  partisan  zélé  de  la  réforme  grégorienne.  Il 
combattit  l'investiture  des  laïcs,  le  mariage  des  prêtres, 
la  simonie  :  il  s'éleva  contre  les  unions  illégitimes  des 
laïcs  et  s'efforça  d'apaiser  les  conflits.  Il  occupait  à 
Rennes  le  poste  d'archiprêtre.  Mais  son  zèle  pour  la 
réforme  lui  attira  l'inimitié  des  clercs  du  diocèse.  Cette 
amère  expérience  explique  le  jugement  pessimiste  qu'il 
porte  sur  le  clergé  de  Bretagne  encore  dans  son  Exhor- 
tation à  Hermengarde,  Il  parait  d'ailleurs  avoir  com- 
plètement dominé  l'évêque. 

Mais  il  ne  resta  que  quatre  ans  près  de  lui  :  Sylvestre 
en  effet,  selon  le  Chronicon  Britannicum  *,  mourut  en 
1093,  et  la  haine  du  clergé  força  Robert  à  s'éloigner.  Il 
alla  à  Angers  et  s'y  consacra  sans  doute  à  des  études 

1.  Édit.  Morice,  t.  I,  p.  103. 


—  266  — 

scientifiques  à  Técole  de  la  cathédrale  qui  ilorissait 
sous  la  direction  de  Marbode.  Mais  ces  travaux  ne  Tem- 
péchaient  pas  de  se  livrer  à  des  exercices  de  piété.  Sa 
tendance  à  Fascétisme  se  faisait  jour.  Il  veillait  et  jeû- 
nait, portait  un  cilice  pour  mortifier  sa  chair  et  passait 
son  temps  à  lire  et  à  méditer.  Sa  piété  était  sincère  :  il 
dissimulait  en  effet  son  cilice  sous  d'autres  vêtements. 
Nous  ne  savons  par  ailleurs  presque  rien  de  son  séjour 
à  Angers.  C'est  à  la  même  époque,  semble-t-il,  ou  un 
peu  plus  tard,  qu'il  se  rendit  coupable  de  simonie.  Le 
passage  de  la  Vie  d'André  *  relatif  à  l'aveu  que  fait 
Robert  de  cette  faute  est  très  général  et  laisse  champ 
libre  à  l'hypothèse,  car  l'expression  dum  esset  sœcularis 
a  peut-être  été  ajoutée  par  André  en  manière  d'excuse. 
Robert  a  assisté  à  l'ordination  de  deux  évêques  de 
Rennes  :  celle  de  Sylvestre  de  la  Guerche  (1076)  et  celle 
de  Marbode  (1096).  A  laquelle  des  deux  se  rapporte 
l'aveu  de  Robert  ?  Il  est  difficile  de  le  savoir.  Lors  de 
l'élection  de  Marbode  il  était  déjà,  du  moins  d'après 
Baudry,  en  opposition  déclarée  avec  les  simoniaques. 
S'il  l'avait  été  lui-même,  ses  actes  eussent  été  en  con- 
tradiction par  trop  flagrante  avec  ses  principes.  Mais 
d'autre  part.  Sylvestre  ne  l'a  connu,  selon  Baudry,  que 
quatre  ans  avant  de  mourir.  Robert  n'a  donc  guère  pu 
participer  à  son  élection.  Eu  outre,  dans  les  dernières 
années  de  Sylvestre,  il  a  tenu  à  Rennes  une  place  très 
importante  qui  put  lui  permettre  de  jouer  un  rôle  décisif 
dans  l'élection  de  son  successeur.  Les  arguments  en 
faveur  de  cette  dernière  hypothèse  me  semblent  les  plus 
probants  :  Robert  a  failli  à  son  devoir  lors  de  l'élection 
de  Marbode.  Mais  de  quelle  nature  fut  sa  faute?  S'est-il 
laissé  corrompre  ?  a-t-il  voulu  corrompre  quelqu'un  ? 
A-t-il  enfin  convoité  pour  lui-même  le  siège  épiscopal  ? 
Nous  ne  le  savons  pas.  En  tous  cas  il  est  certain  que, 

1.  Voici  le  texte  du  passage  :  «  Dum  adhuc  esset  saecularis,  in 
«  ordinationc  cujusdam  Khedonensis  episcopi  in  venenum  simonias 
«  semel  incident.  » 


—  267  — 

malgré  sa  faute,  il  inaugura  dès  son  séjour  à  Angers  la 
vie  ascétique  qu'il  devait  mener  jusqu'à  sa  mort. 

III 
Les  Ermites  de  la  forêt  de  Graon 

Après  deux  ans  au  moins  de  séjour  à  Angers,  par 
conséquent  vers  1095,  Robert,  renonçant  au  monde,  se 
retira  dans  la  solitude.  Qu'est-ce  qui  Vy  détermina  ? 
Nous  rignorons,  car  Baudry  dit  seulement  :  «  Dies 
«  affuit,  quo  ad  eremum  diu  concupitam  convolavit  ».  Il 
n'indique  pas  non  plus  le  lieu  de  retraite  choisi  par 
Robert  :  nous  savons  seulement  que  c'était  une  forêt. 
Toutefois  la  fondation  de  Tabbaye  de  La  Roë  en  1096, 
dont  les  premiers  habitants  furent  les  disciples  de 
Robert,  justifie  suffisamment  Topinion  commune  qui 
donne  pour  séjour  à  notre  ermite  la  forêt  de  Craon 
(Mayenne).  Il  s'y  adonna  complètement  aux  pratiques 
ascétiques  :  veiller,  jeûner,  prier,  coucher  sur  la  terre 
nue,  porter  des  vêtements  grossiers,  se  raser  sans  eau, 
telles  sont  les  mortifications  qu'il  s'imposait.  Il  prenait 
au  sérieux  la  vie  d'ascète.  Nous  en  avons  un  témoi- 
gnage dans  les  deux  lettres  d'Yves  de  Chartres  (n°'  34 
et  37),  qui,  si  elles  sont  réellement  adressées  à  Robert, 
doivent  être  placées  à  cette  époque.  Selon  son  habitude, 
Yves  l'exhorte  paternellement  à  ne  pas  commencer  par 
le  plus  difficile,  c'est-à-dire  par  la  vie  d'anachorète,  mais 
à  faire  d'abord  son  apprentissage  de  la  vie  spirituelle 
dans  un  cloître.  On  sent  que  l'évêque  rend  pleine  jus- 
tice aux  efforts  de  Robert  et  l'avertit  seulement  des 
dangers  qu'offre  la  vie  érémi tique.  Il  lui  écrit  :  «  Sic 
«  enim  decens  est,  ut  ab  imis  inchoans  ad  summa  pro- 
«  veharis,  non  ut  a  summis  incipiens  ad  imadilabaris  ». 
C'est  tout  à  fait  la  même  exhortation  que  Marbode  lui 
donnait  :  «  Nam  sicut  ad  ima  non  est  recidendum,  sic 
«  nec  a  summis  incipiendum  ratio  decet  ».  Robert  était 


—  268  — 

une  nature  généreuse  :  le  mesquin  et  le  banal  ne  le 
satisfaisaient  pas.  Il  cherchait  toujours  à  atteindre  le 
but  le  plus  élevé,  à  se  rapprocher  de  l'idéal. 

Nous  ne  rendrions  pas  pleine  justice  à  Robert  si  nous 
nous  bornions  à  ces  renseignements  sur  lui.  Il  ne  cher- 
chait pas  à  accomplir  des  tours  de  force  d'ascétisme  :  la 
pénitence  était  pour  lui  un  moyen  et  non  un  but.  Baudry 
nous  dit  que  ses  mortifications  corporelles  étaient  peu 
de  chose  à  côté  des  combats  qui  se  livraient  en  lui.  Ce 
passage,  dans  lequel  nous  sommes  tentés  de  ne  voir,  à 
cause  de  Pemphase,  qu'une  simple  déclamation,  le 
caractérise  pourtant  bien.  Il  voulait  arriver  à  la  vraie 
piété  intérieure.  Le  jugement  qu'il  porte  sur  l'ascétisme 
dans  son  Exhortation  à  Hermengarde  le  prouve  assez  ^ 
On  croit  entendre  un  prédicateur  pénétré  de  l'esprit  de 
l'Evangile  et  non  le  premier  ascète  de  son  temps. 

Un  homme  qui  unit  la  piété  intérieure  à  une  puissante 
personnalité  exerce  toujours  une  grande  influence  sur 
son  entourage.  Robert  possédait  en  outre  une  éloquence 
captivante  :  «  Redolebat  in  eo  quodammodo  odor  divinse 
((  facundise,  nam  rarus  erat  similis  eloquentife  ».  Telles 
sont  les  paroles  de  Baudry. 

C'est  ainsi  qu'il  groupa  autour  de  lui  une  troupe  de 
disciples.  Au  début  il  n'avait  qu'un  seul  prêtre  près  de 
lui.  Néanmoins  une  foule  de  personnes  se  mettaient  en 
route  pour  l'entendre  :  les  uns  retournaient  chez  eux 
édifiés  par  ses  paroles  :  d'autres,  captivés  par  sa  per- 
sonnalité, restaient  avec  lui.  Il  se  forma  alors  une  véri- 
table colonie  d'ermites.   Là,  se  trouvèrent  réunis  des 

1.  «  Discretionem  tene  in  omnibus,  in  abstinentia,  in  jejuniis,  in 
«  vigiliis,  in  orationibus.  Utere  cibo,  et  potu,  et  somno,  tantum  ut 
«  possis  sufferre  laborem  propter  utilitatem  aliorum,  non  propter 
«  te.  Non  dico,  ut  nutrias  carnem  tuam,  quia  qui  nutrit  camem 
a  nutrit  hostem.  Sed  dico,  ne  intemperanter  occidas  carnem,  quia 
«  qui  occidit  carnem,  occidit  civem.  Non  est  seductus  primus  per 
«  delectabiles  cibos,  sed  per  fructum  arboris.  Esau  per  esum  lenti- 
«  culœ  perdidit  primogenita,  non  per  esum  gallinœ.  Helias  comedit 
«  carnem  et  raptus  est  in  cœlum.  Christus  comedit  piscem  et  bibit 
«  vinum.  Esca  et  potus  non  est  regnum  Dei,  sed  gratia  et  pax.  » 


—  269  — 

hommes  dont  quelques-uns  ont  joué  un  grand  rôle.  Nous 
ne  connaissons  parmi  eux  que  les  suivants  :  Bernard  de 
Thiron,  Vital  de  Savigny,  Raoul  de  la  Futaie,  Hervé  de 
la  Sainte-Trinité,  le  prêtre  Quintinus,  un  autre  Hervé 
et  un  ermite  appelé  Pierre  ^  Raoul  est  désigné  par  le 
biographe  de  Bernard  comme  un  des  chefs  de  la  colonie 
à  côté  de  Bernard  lui-même,  de  Vital  et  de  Robert.  Il 
avait  été  moine  de  Saint-Jouin  de  Marnes,  puis  il  se  joi- 
gnit dans  la  suite  à  Robert  et  fonda  près  de  Rennes, 
sur  le  terrain  appelé  Nid-de  Merle,  le  couvent  de  femmes 
de  Saint-Sulpice.  Il  lui  donna  l'organisation  de  Fonte- 
vrault.  Il  mourut  le  16  août  1129. 

Hervé  de  la  Sainte-Trinité,  ainsi  nommé  de  Tabbaye 
de  ce  nom,  où  il  avait  été  moine,  à  Vendôme,  vivait  en 
un  lieu  appelé  Calonna  ^,  à  six  lieues  d'Angers,  avec  une 
recluse  du  nom  d'Eva.  Geoffroi  de  Vendôme  lui  adressa 
trois  lettres  :  la  première  est  un  écrit  d'édification,  les 
deux  autres  parlent  des  disciples  de  Hervé  que  celui-ci 
avait  envoyés  au  couvent  de  Vendôme  près  de  Geoffroi. 
Deux  chartes  de  l'abbaye  de  la  Roë  nous  apprennent 
qu'il  a  été  avec  Robert.  D'après  l'une,  il  se  trouve  à 
Angers  en  1107  pour  faire  uiï  versement  à  l'abbaye  de 
Saint-Maurice  :  d'après  l'autre,  tous  deux  sont  présents 
lors  de  la  reconnaissance  de  l'abbaye  par  le  pape. 

Les  deux  documents  mentionnent  encore,  outre  Robert 
et  Hervé,  le  prêtre  Quintinus,  sans  doute  le  second  abbé 
de  la  Roê,  dont  l'entrée  en  fonction  est  postérieure  à 
1102.  Il  est  aussi  nommé  à  côté  de  Robert  dans  l'acte  de 
donation  de  Zacharie.  L'acte  de  reconnaissance  de 
la  Roê  mentionne  de  plus  un  second  Hervé  :  c'est  sans 
doute  le  même  que  le  troisième  abbé  de  la  Roë.  Quant 
à  l'ermite  Pierre,  c'est  le  même  qui  reçut  chez  lui  l'ermite 
Bernard  de  Thiron. 


1.  Sur  Bernard  de  Thiron  et  Vital  de  Savigny  on  pourra  con- 
sulter du  même  auteur  :  Die  Wanderprediger  Frankreichs,  neue 
Folge,  1906. 

2.  Chalonnes-sur-Loire. 


—  270  — 

Tels  sont  les  hommes  dont  on  peut  affirmer  arec  cer- 
titude qu'ils  ont  vécu  dans  Termitage  de  la  forêt  de 
Craon.  Nous  connaissons  en  outre  un  certain  nombre  de 
compagnons  de  Robert,  sans  pouvoir  dire  toutefois 
exactement  quand  ils  se  sont  joints  à  lui.  Le  plus  impor- 
tant est  sans  conteste  Girard  de  Salles.  Nous  possédons 
une  pièce  par  laquelle  Robert  renonce  à  tout  droit  sur  le 
terrain  de  Cadouin,  concédé  nominalement  à  lui,  mais 
en  réalité  à  Girard.  11  nomme  ce  dernier  :  «  Socius 
«  meus,  inter  necessarios  amicissimus.  » 

Un  autre  disciple  de  Robert,  qui  plus  tard  se  sépara 
de  son  maître,  fut  Roger  qui  bâtit  la  cellule  de  Font- 
Douce  et  la  céda  plus  tard  à  un  autre  ermite.  Dans 
Tacte  relatif  au  traité  entre  les  moines  de  Redon  et  Mar- 
moutiers,  Robert  est  nommé  en  compagnie  d'un  ermite 
appelé  Grapbio. 

Lobineau  cite  encore  comme  disciple  de  Robert  un  autre 
ermite  de  la  forêt  de  Fougères,  Engelger.  Les  deux 
lettres  adressées  par  lui  à  Marbode  prouvent  au  moins 
qu'il  n'a  pas  été  étranger  au  mouvement  provoqué  par 
Robert.  La  suscription  de  la  dernière  le  désigne  sous 
le  nom  d'ermite  :  on  lui  reproche  de  détourner  les  laies 
des  sacrements  conférés  par  des  prêtres  indignes  et  on 
l'exhorte  à  l'indulgence  à  l'égard  de  ces  derniers.  S'il  veut 
prendre  de  nouvelles  mesures,  lui  dit-on,  il  faut  qu'il  suive 
la  voie  hiérarchique.  Si  on  compare  ces  paroles  avec  ce 
que  Marbode  dit  à  Robert  du  toii;  qu'il  fait  aux  prêtres, 
on  reconnaît  l'identité  des  tendances  des  deux  hommes. 

Au  bord  de  l'Oudon,  affluent  de  droite  de  la  Mayenne, 
le  moine  Salomon  édifia  le  couvent  de  femmes  de  Nioi- 
seau.  D'après  l'acte  se  rapportant  à  ce  fait,  il  aurait 
fondé  plusieurs  communautés  de  religieuses.  Celle  dont 
nous  parlons  fut  établie  dans  un  lieu  désert.  C'était  aussi 
comme  nous  le  verrons,  l'habitude  de  Robert.  Ce  fait, 
ainsi  que  la  situation  du  couvent  dans  les  environs  de 
Craon,  prouve  que  Lobineau  a  raison  de  penser  que  ce 
Salomon  a  été  aussi  avec  Robert. 


—  271  — 

On  voit  que  beaucoup  d'hommes,  dont  quelques  uns 
sont  des  personnages  importants,  s'étaient  groupés 
autour  de  Robert.  L'influence  de  celui-ci  sur  son  entou- 
rage a  donc  été  profonde  et  durable.  Les  ermites  de  la 
forêt  ont  toujours  été  en  rapport  et  en  étroite  communi- 
cation intellectuelle  les  uns  avec  les  autres.  On  se  réu- 
nissait pour  s'entretenir  de  l'état  de  TÉglise  et  des  inté- 
rêts des  âmes. 

Le  rouleau  de  mort  de  Vital  de  Savigny  nous  apprend 
que,  à  Dompierre  où  il  habitait,  Robert,  Bernard  et 
d'autres  encore  se  réunissaient  pour  s'entretenir  de  ces 
questions.  Il  y  avait  même  sans  doute  parmi  eux  une 
sorte  d'organisation.  Ils  avaient  des  chefs,  «  principes  » 
ou  «  magistri  ».  C'étaient  notamment  Robert,  Vital, 
Bernard  et  Raoul.  Ils  avaient  des  assemblées  :  on  y 
discutait  des  questions  d'intérêt  commun,  par  exemple 
l'admission  de  nouveaux  membres.  C'est  ainsi  que  Vital 
convoque  ses  confrères,  et  dans  cette  réunion  on  reçoit 
Bernard.  En  même  temps  on  décide  que  ce  dernier  par- 
courra la  forêt  sous  la  conduite  de  quelques  anacho- 
rètes, pour  chercher  un  lieu  convenable  où  il  puisse 
s'établir. 

L'occupation  des  ermites  était  le  travail  manuel, 
l'agriculture  et  le  jardinage.  L'ermite  Pierre  chez  qui 
Bernard  se  décide  à  demeurer  ne  connaît  rien  à  l'agri- 
culture :  il  gagne  donc  sa  vie  à  tourner  du  bois.  La 
nourriture  des  ermites  était  extrêmement  frugale.  Le 
seul  repas  du  jour  pris  après  les  vêpres  se  composait  de 
fruits  sauvages  et  d'herbes.  Les  jours  de  fête  on  ajoutait 
un  peu  de  sel.  Le  récit  de  l'arrivée  de  Bernard  dans 
l'ermitage  de  Pierre  est  une  véritable  idylle  :  Pierre  est 
si  joyeux  de  voir  le  nouveau  venu  s'établir  près  de  lui 
qu'il  l'invite,  ainsi  que  les  ermites  qui  l'ont  amené,  à 
prendre  un  repas  avec  lui.  Mais  dans  sa  cellule  il  ne 
trouve  pas  même  assez  de  nourriture  pour  lui  seul.  Il  prend 
donc  ses  paniers  et  va  chercher  dans  la  forêt  des  noi- 
settes et  d'autres  fruits.  Il  découvre  par  hasard  dans  un 


—  272  — 

arbre  creux  une  ruche  pleine  de  miel,  et  rapporte  son 
butin  à  l'ermitage  ;  «  essetque  opulentum  convivium,  nisi 
«  panis  deesset,  dignior  pars  epularum  »,  ajoute  le 
biographe  de  Bernard.  Non  moins  primitives  que  les  mets 
sont  les  habitations.  Pierre  s'était  construit  dans  les 
ruines  d'une  église  une  hutte  en  écorce.  La  tempête  en 
détruisit  la  meilleure  partie.  Pour  protéger  le  reste,  il 
l'avait  attaché,  avec  des  cordes  faites  de  tiges  de  plantes, 
aux  branches  d'un  chêne  qui  la  dominait. 

On  voit  que  la  vie  des  ermites  était  vraiment  ascé- 
tique. Nous  savons  comment  Robeii;  faisait  pénitence  : 
on  nous  rapporte  la  même  chose  de  Bernard  et  de  Vital. 

Les  plus  notables  ermites  avaient  des  disciples  : 
Geoffroi  de  Vendôme  prie  Hervé  de  la  Sainte-Trinité 
de  lui  envoyer  des  clercs  capables  ;  une  autre  fois  il  lui 
affirme,  pour  le  rassurer,  que  les  clercs  envoyés  par  lui 
à  Vendôme  ne  font  pas  du  tout,  comme  on  le  prétend,  le 
déshonneur  du  couvent.  Ces  textes  prouvent  que  Hervé 
a  eu  des  disciples  et  qu'il  les  envoyait  à  Vendôme, 
n'ayant  pas  lui-même  fondé  de  communauté.  Les  disci- 
ples de  Vital  le  prient  de  fonder  un  couvent  où  ils  seront 
sous  sa  direction.  Bernard  de  Thiron  devient  le  disciple 
de  l'ermite  Pierre  :  il  apprend  de  lui  à  tourner,  et  doit 
s'occuper  de  la  cuisine.  De  même  près  de  Robert  s'étaient 
rassemblés  des  clercs  en  grand  nombre.  Â  leur  demande 
il  en  forma  une  communauté  de  chanoines  réguliers.  Ils 
se  construisirent  une  habitation  commune  et  vécurent 
sous  la  direction  de  Robert.  Telle  est  d'après  Baudry 
l'origine  des  chanoines  Augustins  de  la  Roê.  Le  terrain 
fut  donné  par  Renaud  de  Craon.  L'acte  de  cession  fut 
fait  à  Angers  chez  l'évêque  Geoffroi  le  11  février  1096, 
et  signé  de  plusieurs  prélats  présents.  On  peut  penser 
que  Robert  a  choisi  la  règle  des  chanoines  pour  pouvoir 
se  livrer  à  la  prédication. 

A  cette  époque  le  pape  Urbain  était  à  Angers  où  il 
prêchait  la  croisade  :  le  10  février,  il  avait  consacré 
l'église  Saint-Nicolas.   11  put  donc  confirmer  l'acte  le 


—  273  — 

lendemain  de  la  signature,  c'est-à-dire  le  12.  Cette  con- 
firmation eut  lieu  en  présence  de  Robert  et  de  cinq  autres 
frères  du  couvent.  Le  25  mai  de  Tannée  suivante,-  Geof- 
froi  d'Angers  consacra  un  autel  et  un  cimetière  à  la  Roë, 
et  Robert,  se  rendant  à  Angers  avec  Hervé  etQuintinus, 
déclara  au  chapitre  de  Saint-Maurice  qu'il  donnerait  trois 
solidi  du  revenu  annuel  de  son  abbaye.  Il  est  enfin  pro- 
bable que  c'est  de  cette  époque,  où  Robert  nous  apparaît 
toujours  accompagné  de  Quintinus,  que  date  Tacte  par 
lequel  Zacharie  donna  à  Tabbé  de  Saint- Aubin  d'Angers 
l'église  de  la  Celle-Guerchoise.  En  cette  circonstance 
Robert  et  Quintinus  servent  encore  de  témoins. 

Nous  ne  trouvons  plus  le  nom  de  Robert  dans  les 
documents  de  la  Roë  datés  d'une  époque  postérieure.  Il 
n'a  dirigé  que  peu  de  temps  la  communauté  :  un  champ 
d'activité  plus  vaste  s'ouvrait  à  lui  :  le  pape  l'avait  appelé 
à  être  prédicateur  errant. 

IV 
Robert  prédicateur  errant 

C'est  un  fait  constant  dans  l'histoire  que  l'on  ne  juge 
les  hommes  du  passé  que  par  ce  qui  subsiste  de  leur 
œuvre.  Robert  n'est  généralement  connu  que  comme 
fondateur  de  l'ordre  de  Fontevrault.  C'est  assurément 
un  point  de  vue  trop  restreint,  car  ce  qui  fait  avant  tout 
l'importance  de  notre  personnage,  c'est  son  rôle  comme 
prédicateur  errant.  Il  ne  faut  pas  s'étonner  si  ce  côté  de 
son  activité  est  resté  dans  l'ombre;  le  prédicateur  s'efforce 
d'agir  sur  ses  contemporains  et  non  sur  la  postérité.  Et 
toutefois  l'historien  doit  rechercher  quelle  place  a  tenue 
son  héros  au  milieu  des  hommes  de  son  temps. 

Ce  ne  fut  pas  seulement  la  confirmation  solennelle  de 
la  donation  laite  par  Renaud  de  Craon  qui  appela  Robert 
à  Angers  en  février  1096  :  le  pape  aussi  avait  entendu 
parler  de  son  talent  comme  prédicateur  et  voulait  le  con- 

18 


—  274  — 

naître.  En  présence  de  la  foule  immense  accourue  pour 
la  dédicace  de  Saint-Nicolas,  il  lui  ordonne  de  prêcher  à 
sa  manière  ordinaire.  Le  sermon  impressionne  virement 
le  pontife  :  il  confie  au  prédicateur  la  fonction  de  prédi- 
cateur errant.  Conformément  à  la  coutume  de  TEglise, 
Robert  refuse,  et  le  Pape  le  nomme  second  seminiverbus 
de  Dieu  après  lui-même. 

Ce  mot  qu'on  écrit  aussi  Seminwerbius  est  une  tra- 
duction du  grec  omepiioAGyoç  :  mais  les  gens  pieux  du 
moyen  âge  le  considéraient  comme  une  qualification 
honorifique  :  on  le  donnait  souvent  aux  prédicateurs 
célèbres.  Ce  terme  ne  désigne  donc  pas  une  fonction  : 
c'est  seulement  un  titre  d'honneur  K 

En  sa  nouvelle  qualité  de  prédicateur,  Robert  com- 
mence à  parcourir  les  diocèses  voisins,  et  ses  discours 
lui  valent  bientôt  une  foule  de  disciples.  Tout  d'abord 
il  les  installe  à  son  abbaye  de  la  Roë.  Mais  de  cette 
façon  le  nombre  des  moines  dépasse  vite  celui  que 
l'Eglise  avait  fixé  et  les  frères  protestent.  Pourtant 
Robert  ne  veut  en  chasser  aucun.  Ses  devoirs  d'abbé  ne 
sont  pas  conciliables  avec  ceux  de  prédicateur  errant  : 
il  se  décide  donc  à  renoncer  à  sa  charge.  En  présence  de 
Tévêque  Geoffroy  II  d'Angers,  sa  résolution  est  exa- 
minée :  l'évéque  l'approuve  et  les  chanoines  lui  rendent 
sa  liberté.  Cet  événement  se  place  dans  les  dernières 
années  du  xi*  siècle.  En  1097  en  effet,  Robert  était  encore 
abbé,  et  en  1100  ou  au  début  de  1101  fut  fondée  l'abbaye 
de  Fontevrault.  Son  successeur  à  la  Roë  fut  son  com- 
pagnon, le  prêtre  Quintinus,  qui  toutefois  ne  fut  sacré 
qu'en  1102.  C'est  donc  d'une  façon  tout-à-fait  régulière 
que  Robert  a  résigné  ses  fonctions,  et  Marbode  avait  tort 

1.  C*est  ainsi  que  Baudry  nous  raconte  les  débuts  de  Robert 
dans  la  prédication.  Mais  on  peut  douter  que  le  pape  ait  pris 
l'initiative  d'en  faire  un  prédicateur.  Il  est  plus  vraisemblable  que 
Robert  ait  demandé  au  pontife  la  permission  de  prêcher  et  que 
celui-ci  la  lui  ait  accordée  après  s'ctre  assuré  de  son  talent  d'ora- 
teur. Si  Urbain  II  eût  joué  ici  le  rôle  que  lui  prête  Baudry,  Robert 
n'eût  pas  été  le  seul  prédicateur  qu'il  eût  nommé  de  cette  façon. 


—  275  — 

de  le  menacer  pour  ce  motif  des  censures  ecclésias- 
tiques. 

Dès  lors  Robert  ne  voulut  plus  se  fixer  en  aucun  lieu  : 
libre  de  tout  lien,  il  put  vaquer  sans  contrainte  à  ses 
devoirs  de  prédicateur.  De  quelle  nature  était  donc  sa 
prédication  et  comment  prêchait-il  ?  Il  faut  tout  d'abord 
dissiper  un  malentendu.  On  prétend  souvent  que  le  pape 
appela  Robert  pour  prêcher  la  Croisade.  Les  sources  ne 
nous  apprennent  rien  sur  ce  point.  Assurément  il  ne  faut 
pas  rejeter  de  prime  abord  cette  hypothèse.  Urbain,  qui 
vint  lui-même  à  Angers  pour  prêcher  la  Croisade,  peut 
très  bien  avoir  chargé  Robert  de  Tannoncer  aussi.  Mais 
réfléchissons  que  Baudry ,  son  biographe,  a  écrit  en  outre 
une  histoire  de  la  Croisade  :  ne  serait-il  pas  étrange 
qu'il  ait  oublié  Robert,  si  celui-ci  avait  joué  un  rôle 
important  dans  ces  événements  ?  L'hypothèse  en  ques- 
tion n'est  donc  plus  vraisemblable,  du  moins  si  nous 
nous  en  tenons  aux  sources. 

Quels  étaient  donc  les  thèmes  de  ses  discours  ?  L'au- 
teur de  la  Vie  d'André  caractérise  ainsi  sa  prédication  : 
«  Tantam  namque  priedicationis  sanctœ  gratiam  ei 
«  donaverat  ut  cum  communem  sermocinationem  populo 
îc  faceret  unusquisque  quod  sibi  conveniat  acciperet.  » 
Ces  paroles  sont  un  témoignage  du  caractère  édifiant  de 
ses  sermons,  mais  ne  nous  disent  pas  quel  en  était  le 
sujet.  Baudry  est  encore  plus  précis  lorsqu'il  dit  : 
«  Sermo  ejus  non  poterat  esse  non  eflicax  quia,  ut  ita 
«  dixerim,  omnibus  omnia  erat  :  pœnitentibus  lenis, 
«  austerus  vitiosis,  lugentibus  blandus  et  facilis,  virga 
«  irreverentium,  baculus  senum  et  vacillantium  ».  Mais 
il  a  aussi  d'autres  passages  qui  nous  fournissent  tous 
les  renseignements  désirables.  Robert  prêchait  la  péni- 
tence :  cela  se  déduit  clairement  des  paroles  suivantes  : 
«  In  sermocinando  contra  peccatores  videbatur  invecti- 
«  vus,  peccati  vero  desertores  affectu  paterno  consola- 
«  batur  ».  Il  ressort  la  même  chose  des  paroles  de 
Pierre  de  Poitiers  :  «  In  nostro  tempore  quidam  vir 


—  276  — 

«  apostolicus  nomine  Robertus  de  Herbressello,  verbo 
«  divinâe  praBdicationis  sagaciter  invigilans  et  tonitruo 
«  sanctœ  exhoriationis  plures  tam  viros  quam  mulieres 
«  a  sœculari  luxu  revocans  ».  Robert  se  montre  pessi- 
miste dans  ses  jugements  sur  Tétat  moral  et  social  de 
son  temps.  Son  Exhortation  à  llermengarde  est  pleine 
de  citations  bibliques  qui  opposent  les  maximes  des 
vrais  fidèles  à  celles  du  monde  et  déplorent  les  maux  du 
siècle.  «  Intelligentibus  Deum...  vita  pra^sens  miseria 
«  est.  Omnis  caro  fenum,  omnis  gloria  ejus  flos  feni. 
«  Quibuslibet  pretiosis  vestibus  caro  induatur,  caro  sem- 
«  per  erit  caro.  Scriptum  est  :  Yanitas  vanitatum  et 
«  omnia  vanitas.  Et  quidquid  sub  sole  est,  vanitas  est  et 
«  adlictio  spiritus  ». 

C'est  le  ton  ordinaire  de  sa  prédication.  On  ne  sau- 
rait s'en  étonner  si  Ton  songe  à  la  façon  dont  il  apprécie 
ses  contemporains  :  «  Les  clercs  sont  tous,  dit-il,  du 
petit  au  grand,  des  simoniaques  ;  les  princes  sont 
injustes,  adultères,  brigands  ;  les  peuples  ignorent  la 
loi  de  Dieu.  La  terre  est  inondée  de  mensonge,  d'adul- 
tère et  de  meurtre  :  mais  Dieu  dans  sa  colère  a  livré  son 
peuple  à  l'esprit  malin  ». 

C'est  contre  les  clercs  que  Robert  s'est  élevé  avec  \e 
plus  d'âpreté.  Marbode  se  plaint  amèrement  de  ce  qu'il 
découvre  sans  pitié  au  peuple  les  péchés  des  ecclésias- 
tiques, des  plus  élevés  aussi  bien  que  des  moindres,  et 
cela  aussi  bien  en  leur  présence  qu'en  leur  absence. 
«  Ces  attaques,  ajoute  l'évéque,  ne  servent  à  rien,  qu'à 
aigrir  ceux  qui  en  sont  l'objet,  loin  de  les  corriger  ;  le 
peuple  d'ailleurs  s'autorise  des  faiblesses  des  dignitaires 
de  l'Eglise  pour  excuser  les  siennes.  Puis  il  tire  des 
leçons  de  Robert  des  conséquences  pratiques  :  beaucoup 
de  prêtres  ont  été  abandonnés  par  leurs  ouailles  : 
celles-ci  se  sont  attachées  au  moine  errant  et  à  ses  dis- 
ciples et  lui  rendent  les  honneurs  (ju'elles  ne  doivent 
qu'à  leurs  propres  pasteurs.  Tous  ces  prêtres  se  sont 
plaints  que  Robert  les  ait  condamnés  dans  sa  prédica- 


—  277  — 

tion  et  leur  ait  causé  un  préjudice  à  la  fois  matériel  et 
moral  ».  Les  motifs  qui  poussaient  Robert  à  en  agir 
ainsi,  auraient  été,  d'après  Marbode,  bien  mesquins  et 
bien  bas.  «  Il  veut,  dit  Tévêque,  rabaisser  le  clergé 
pour  s'élever  soi-même  aux  yeux  du  peuple.  Beaucoup 
de  gens  ont  interprété  sa  conduite  de  cette  façon,  cela 
trahit  en  lui  le  vieil  homme  :  c'est  diabolique,  digne 
d'un  homme  attaché  aux  vanités  du  monde  pour  ne  pas 
dire  d'un  animal,  et  ne  convient  pas  à  un  ascète,  à  un 
prédicateur  errant.  Il  peut  bien  nier  qu'il  ait  eu  ces 
mauvaises  intentions,  mais  les  funestes  effets  de  sa  pré- 
dication sont  indéniables  ».  Ces  paroles  trahissent  une 
haine  contenue.  Qu'on  ne  s'étonne  donc  pas  si  Marbode 
a  cherché  une  occasion  de  censurer  Robert,  s'il  a  cru  la 
trouver  dans  son  départ,  pourtant  parfaitement  régu- 
lier, de  la  Roë,  et  l'ait  menacé  des  peines  canoniques. 
On  voit  combien  était  grand  l'antagonisme. 

Marbode  n'est  pas  le  seul  évéque  qui  se  posa  en 
adversaire  de  Robert.  Rainaud  d'Angers,  d'après  la 
lettre  de  Roscelin  à  Abélard,  lui  a  demandé  de  renvoyer 
à  leurs  maris  toutes  les  femmes  qui  le  suivaient  : 
Robert  n'a  jamais  voulu  y  consentir. 

Toutefois  cet  antagonisme  de  Rainaud  et  de  Robert 
n'a  jamais  abouti  à  une  haine  irréconciliable.  Rainaud, 
en  «ffet,  assistera  à  l'enterrement  de  Robert.  Nous 
voyons  aussi  Geoffroi,  abbé  de  Vendôme,  élever  ses 
griefs  contre  Robert. 

Cette  lutte  avec  le  haut  clergé  fait  apparaître  sous  un 
jour  tout  nouveau  le  mouvement  dont  notre  héros  fut  le 
centre.  Robert  est  l'homme  du  peuple  qui,  si  besoin 
est,  sait  tenir  tête  aux  supérieurs  ecclésiastiques.  Il  ne 
faut  donc  accepter  que  sous  réserves  l'aiRrmation  de 
Baudry  :  «  Erat  acceptus  episcopis  et  clericis  ».  Mais  il 
ne  faut  pas  non  plus  exagérer.  Robert  n'a  jamais  songé 
à  une  révolution  contre  l'ordre  ecclésiastique  :  c'est 
ainsi  qu'il  exhorte  Hermengarde,  désirant  se  séparer 
d'avec  son  mari,  à  se  conformer  entièrement  aux  déci- 


—  278  — 

sions  de  TÉglise  ;  elle  a  voulu  renoncer  au  monde,  mais 
elle  ne  peut  d'après  la  loi  vivre  séparée  de  son  époux  ; 
qu'elle  fasse  donc  la  volonté  de  Dieu  et  non  la  sienne. 

Il  y  a  eu  aussi  dans  Tépiscopat  des  hommes  qui 
prirent  nettement  parti  pour  Robert.  Baudry  était  de 
ceux-là.  Sa  biographie  le  prouve.  Nous  verrons  au  para- 
graphe suivant  combien  les  succès  de  Robert  et  la  pros- 
périté de  Fontevrault  tinrent  au  cœur  de  Pierre  de 
Poitiers.  Les  évêques  de  Périgueux  et  de  Toulouse  s'in- 
téressèrent à  la  création  dans  leurs  diocèses  de  couvents 
de  femmes  de  la  congrégation  de  Fontevrault.  Il  en  est 
de  même  de  Léger  de  Bourges,  qui  fut  sans  doute  lié 
intimement  avec  Robert.  Nous  voyons  par  là  comment 
il  faut  se  représenter  la  rivalité  de  Robert  et  du  clergé  ; 
ce  n'a  pas  été  une  inimitié  générale  :  Robert  a  été  tenu 
en  haute  estime  par  beaucoup  de  dignitaires  ecclésias- 
tiques. 

Robert,  dans  sa  prédication,  se  montrait  donc  bien 
fidèle  à  ses  idées  pessimistes  sur  ses  contemporains  et 
en  particulier  sur  les  clercs.  Mais  quel  était  le  contenu 
positif  de  cette  prédication  ?  Nous  avons  plus  haut 
dépeint  Robert  comme  un  homme  d'une  vraie  piété  inté- 
rieure, et  c'est  bien  l'opinion  que  se  faisaient  de  lui  ses 
contemporains.  Baudry  nous  dit  :  «  Hypocrisim  a  se 
«  funditus  extirpebat  ».  Comme  prédicateur,  il  nous 
apparaît  sous  un  jour  semblable.  Ce  qu'il  demande  à  ses 
auditeurs,  c'est  d'avoir  la  piété  intérieure. 

U Exhortation  à  Hermengarde  est  en  ce  sens  carac- 
téristique. «  Qu'elle  soit  à  la  ville,  au  palais,  couchée 
sur  son  lit  d'ivoire,  ou  vêtue  d'habits  précieux,  qu'elle 
paraisse  à  l'armée,  qu'elle  siège  au  tribunal  ou  soit 
assise  au  festin,  partout  la  duchesse  doit  avoir  Dieu  en 
son  cœur.  Mais  Dieu  sera  en  elle  si  elle  a  la  charité  ». 
Robert  cite  dans  ce  sens  les  paroles  de  saint  Augustin  : 
«  Dilige  et  fac  quodcumque  vis  » . 

Autant  il  insiste  sur  la  piété  intérieure,  autant  il  met 
ses  auditeurs  en  garde  contre  l'hypocrisie  :  «  Tu  vero, 


—  279  — 

a  remota  omni  vanitate  et  simulatione,  veritatem  tene  )>, 
dit-il  à  Hermengarde.  L'hypocrisie  d'une  vertu  est  pire 
que  le  vice  opposé.  Cette  idée  est  développée  aussi  dans 
les  six  antithèses  du  début  de  l'exhortation  :  c'est  donc 
dans  ce  sens  que  Robert  interprète  l'idée  aristotélique 
que  la  vertu  tient  le  milieu  entre  deux  vices.  Com- 
mentant le  sermon  sur  la  montagne,  il  parle  de  l'hypo- 
crisie dans  Taumône,  dans  le  jeûne  et  dans  la  prière. 
Parlant  de  la  prière,  il  s'exprime  d'une  façon  tout  évan- 
gélique  :  «  N'imitez  pas,  dit-il,  les  clercs,  les  moines  et 
les  ermites  qui  souvent  font  de  longues  prières  pour 
paraître  saints  aux  yeux  du  monde.  Il  faut  prier  en  peu 
de  mots.  La  prière  du  cœur  plaît  à  Dieu,  non  celle  des 
lèvres.  Nous  pouvons  toujours  prier  avec  le  cœur,  sinon 
avec  la  bouche  ».  Mais  comment  arriver  à  réaliser  cet 
idéal  de  piété  ?  Robert  répond  à  cette  question  comme 
Tont  fait  tous  ses  contemporains  :  il  faut  renoncer  au 
monde.  Il  insiste  surtout  sur  Tidée  de  la  pauvreté  com- 
plète. Il  a  appelé  ses  disciples  «  pauperes  Christi  »  et  le 
but  qu'il  propose  à  chacun  est  de  a  suivre  nu  Je  Christ 
nu  sur  la  Croix,  —  nudus  nudum  Christum  in  cruce 
a  sequi  ».  Avant  Norbert  de  Xanten,  Robert  a  imité  la 
vie  pauvre  et  instable  de  Jésus  et  prêché  la  pénitence. 
En  ce  qui  le  concerne  lui-même,  il  met  sérieusement  en 
pratique  les  conseils  qu'il  donne. 

Baudry  oppose  en  termes  énergiques  la  vie  pauvre 
de  Robert  à  celle  des  riches  prélats  de  son  temps  : 
«  Gontemporanei  nostri,  nos  quoque  pontifîces  et  abba- 
«  tes,  clerici  et  sacerdotes  in  labores  alienos  introivimus 
«  et  de  eorum,  quam  pertulerunt,  penuria  impignati 
«  sumus  et  forsitan  parum  profecimus  et,  quod  perti- 
«  mescendum  est,  fortassis  ad  imperium  nostrum  dic- 
<(  tum  est  :  «  Prodiit  quasi  ex  adipe  iniquitas  eorum  ». 
«  Robertus  iste,  iste  inquam  Robertus,  omnimodo  pro 
«  Christo  pauperatus,  exula  patria  et  a  propriis  cogna- 
«  tionibus,  turbis  quibus  prœdicaverat  circumseptus,  ne 
«  illis  déesse  videretur,  in  Fontevraldensi  solitudine 


—  280  — 

«  sine  cujusiibet  reditus  pecunia  multas  pauperibus 
«  mansiones  œdificavit  propter  Christum  ». 

Cela  montre  en  même  temps  que  Robert  voulait  inspi- 
rer à  ses  disciples  Tamour  de  cette  même  pauvreté  : 
«  Iste  rêvera  pauperibus  evangelizavit,  pauperes  voca- 
«  vit,  pauperes  collegit  ».  Telles  sont  les  paroles  par 
lesquelles  Baudry  caractérise  sa  propagande.  Envers 
ces  pauvres,  dit-il,  Hermengarde  doit  surtout  se  mon- 
trer bienfaisante. 

Mais  ceux  qui  renoncent  aux  biens  terrestres  ne  sont 
pas  les  seuls  vrais  pauvres.  Hermengarde  elle-même, 
au  milieu  de  ses  richesses,  doit  se  livrer  à  la  pratique  de 
la  pauvreté  volontaire  :  «  Inter  dignitates  et  honores, 
«  inter  divitias  et  sericos  pannos,  inter  virum  et  pueros 
«  dilectos  et  parentes  divites,  suspirans  cum  propheta 
«  die  :  «  Ego  autem  mendica  sum  et  pauper  ;  Dominus 
«  sollicitus  est  mei  ». 

Elle  suivra  ce  conseil  dans  cette  vie  où  tout  n'est  que 
tentation  en  ne  se  laissant  pas  enorgueillir  par  la  for- 
tune ni  abattre  par  le  malheur  :  qu'elle  craigne  Dieu  et 
observe  ses  commandements,  car  quiconque  agit  ainsi 
peut  être  tranquille.  Dieu  ne  le  laissera  manquer 
de  rien. 

Cet  exposé  montre  quelle  conception  profonde  Robert 
avait  de  la  paupertas  Christi,  Les  pauperes  Christi  ce 
ne  sont  pas  seulement  les  moines  qui  renoncent  à  tout, 
c'est  aussi  la  puissante  et  riche  princesse  :  c'est  qu'il 
importe  avant  tout  à  l'homme  d'être  vraiment  et  inté- 
rieurement à  Dieu  et  de  briser  tous  les  liens  qui  le  ratta- 
chent au  monde.  Telle  est  bien  l'idée  que  Robert,  ainsi 
que  nous  l'avons  vu  plus  haut,  se  faisait  de  la  vie  ascé- 
tique. Ces  idées,  Robert  a  su  les  exprimer  d'une  façon 
extrêmement  captivante.  Celui  qui  a  dû  se  frayer  un 
chemin  à  travers  les  phrases  longues  et  filandreuses  des 
prédicateurs  de  ce  temps  est  charmé  par  le  style  précis 
et  lapidaire  de  notre  prédicateur.  On  est  frappé  de  voir 
combien  V Exhortation  à  Hermengarde  contient  peu  de 


—  281  — 

phrases  incidentes  :  la  plupart  du  temps  Fauteur  s'ex- 
prime en  courtes  propositions  principales.  Il  aime  Tan- 
tithèse,  comme  le  montre  le  début  de  l'ouvrage,  et  ne 
craint  pas  le  paradoxe.  Les  citations  de  TEcriture 
abondent.  Il  les  explique  parfois  par  des  allégories  sin- 
gulières, ce  dont  on  ne  saurait  d'ailleurs  être  surpris. 
A  travers  la  prédication  de  Robert  souflle  un  esprit 
nouveau,  cet  esprit  propre  à  tout  homme  fort  et  d'une 
vraie  religion  intérieure.  £t  cette  manière  ne  manquait 
pas  son  effet  sur  les  contemporains.  L'impression  qu'on 
en  ressentait  était  rendue  encore  plus  forte  par  l'appa- 
reil dans  lequel  Robert  se  présentait  au  peuple.  Nu-pieds, 
en  vêtements  grossiers,  amaigri  par  les  jeûnes  ininter- 
rompus, les  veilles  et  la  prière,  gai  et  aimable  de  visage, 
coupant  fréquemment  ses  discours  de  larmes  et  de  san- 
glots, tel  il  nous  apparaît  dans  Baudry. 

La  description  de  Marbode  est  encore  plus  impres- 
sionnante :  «  Il  parcourt  la  campagne  nu-pieds,  une 
longue  barbe  pendant  sur  la  poitrine  :  ses  cheveux  sont 
coupés  tout  autour  sur  son  front  ;  il  porte  un  habit  de 
pénitent  usé,  sali,  dont  les  trous  laissent  en  partie  voir 
son  corps  ».  Il  lui  reproche  ensuite  de  porter  un  costume 
qui  ne  convient  ni  à  un  chanoine  régulier,  ni  à  un 
prêtre  :  «  Robert,  continue- t-il,  ne  fait  que  s'attirer 
l'horreur  du  public  :  il  vaudrait  mieux  porter  modeste- 
ment des  habits  luxueux  que  des  haillons  avec  ostenta- 
tion. S'il  veut  se  distinguer  par  sa  sainteté  et  imiter 
saint  Jean-Baptiste,  qu'il  fasse  d'abord  ce  qu'ont  fait  les 
apôtres  et  les  martyrs  :  ensuite  il  s'élèvera  à  la  hauteur 
de  celui  qui  fut  le  plus  grand  parmi  les  hommes.  Qu'il 
prenne  garde  à  l'effet  qu'il  produit.  Il  verra  que  tous  les 
hommes  sages  rient  de  lui,  le  prennent  pour  un  insensé  ; 
déjà  on  commence  à  le  railler  :  il  ne  manque  plus, 
dit-on,  qu'une  marotte,  pour  être  un  fou  accompli  ». 

Marbode  a-t-il  raison  ?  Robert  a-t-il  réellement  pro- 
duit cet  effet-là  sur  certaines  personnes?  En  tous  cas, 
il  cite  lui-même  ailleurs  une  déclaration  de  Robert  qui 


—  282  — 

prouve  que  son  prestige  sur  le  peuple  était  encore  accru 
par  son  extérieur.  Il  dit  :  «  Hoc  tibi  non  tam  apud  sim- 
<(  plices,  ut  dicere  soles,  auctoritatem,  quam  apud 
«  sapientes  furoris  suspicionem  comparât  ».  Robert 
n'eut  pas  fait  cette  déclaration  s'il  n'avait  pas  eu  la  cer- 
titude que  son  vêtement  et  sa  manière  d'être  faisaient 
de  l'effet.  Assurément  cette  conduite  est  loin  de  celle  du 
jeune  ascète  d'autrefois  qui  cachait  un  cilice  sous  ses 
vêtements  pour  mieux  honorer  Dieu  en  secret  :  il  vise 
maintenant  à  l'effet,  mais  il  n'en  est  pas  moins  incon- 
testable que  sa  réputation  de  sainteté  en  était  aug- 
mentée. 

Le  peuple  accourait  en  foule  innombrable  là  où  Robert 
devait  se  faire  entendre.  A  la  fin  de  sa  Vie^  Baudry 
résume  brièvement  ce  qui,  dans  Robert,  lui  a  paru 
caractéristique.  «  Turbis  quibus  praedicaverat  circum- 
«  septus  »  est  un  des  traits  qu'il  note.  Et  Marbode  con- 
firme cette  déclaration.  «  Videmus  ad  te  turbas  undique 
«  confluentes  ».  Mais  on  ne  se  bornait  pas  à  écouter 
Robert  :  ses  auditeurs  le  suivaient  même  dans  ses 
courses  :  «  Sexus  utriusque  plures  adjuncti  sunt  ei  »,  dit 
Baudry.  Robert  avait  pour  principe  de  ne  renvoyer 
personne.  II  aurait  craint  en  le  faisant  de  se  rendre  cou- 
pable. Il  agissait  déjà  ainsi  dans  la  forêt  de  Craon  et, 
quand  il  devint  prédicateur  errant,  il  continua  à  suivre 
la  même  règle  de  conduite.  De  grands  personnages  et 
des  gens  frappés  du  mépris  public,  des  riches  et  des 
pauvres,  des  hommes  et  des  femmes,  lui  faisaient 
escorte.  Tous  depuis  Bertrade,  la  femme  illégitime  du 
roi,  et  la  duchesse  Hermengarde,  jusqu'aux  prostituées, 
étaient  captivés  par  ses  discours,  le  suivaient,  entraient 
dans  les  couvents  fondés  par  lui  ou  le  prenaient  pour 
conseiller  et  confident.  Le  nombre  de  ses  disciples  croît 
toujours  et  il  fait  son  possible  pour  l'augmenter  encore. 
«  Affluentia  gratiarum  Dei  onmes  allicit,  neminem  repel- 
«  lit,  quia  vult  omnes  homines  salvos  fieri  »,  dit 
Baudry. 


—  283  — 

Dans  le  but  de  gagner  au  Christ  un  nombre  toujours 
plus  grand  de  fidèles,  il  ne  prend  plus  le  temps  de  s'oc- 
cuper des  prosélytes  qu'il  a  faits  :  il  les  abandonne  à 
eux-mêmes.  On  dirait  que  des  flots  d'enthousiasme  reli- 
gieux se  répandent  sur  le  monde  au  milieu  duquel  il  vit. 
Il  est  hors  de  doute  que  ses  disciples  ont  été  extrême- 
ment nombreux  :  les  affirmations  de  Marbode  son 
adversaire  le  prouvent.  Nous  avons  déjà  vu  que  les 
prêtres  se  plaignaient  de  voir  leurs  paroissiens  les  quit- 
ter pour  s'attacher  à  Robert. 

«  Il  a  tant  de  prosélytes,  continue  Marbode,  qu'ils 
parcourent  en  troupes  les  provinces,  reconnaissables  à 
leurs  longues  barbes  et  à  la  saleté  de  leurs  vêtements. 
Si  on  leur  demande  qui  ils  sont,  ils  se  nomment  eux- 
mêmes  ((  homines  Magistri  »,  voulant  témoigner  par 
cette  expression  un  peu  vague  de  la  situation  préémi- 
nente de  leur  maître.  On  s'explique  dès  lors  les  termes 
par  lesquels  GeofTroi  de  Vendôme  caractérise  cette 
situation  exceptionnelle  :  «  Tu  quidem  in  mundo  quasi 
tt  montem  excelsum  ascendisti  ac  per  hoc  in  te  linguas 
«  et  oculos  hominum  convertisti  »,  et  on  est  disposé  à 
croire  André  lorsqu'il  raconte  l'histoire  suivante  en 
s'appuyant  sur  un  témoin  oculaire  :  Robert,  lors  de  son 
dernier  voyage,  avait  été  arrêté  par  des  brigands  ;  ils  le 
relâchèrent  en  apprenant  que  leur  prisonnier  était  le 
célèbre  Robert  d'Arbrissel. 

Mais  la  façon  dont  Robert  voyageait  suivi  de  ses  dis- 
ciples pouvait  donner  prise  à  la  critique.  Nous  avons  vu 
qu'il  avait  avec  lui  des  gens  des  deux  sexes  :  «  Mulieres 
«  cum  hominibus  oportebat  habitare,  »  dit  Baudry.  Vn 
tel  état  de  choses  pouvait-il  se  prolonger  sans  amener 
des  désordres  et  des  scandales  ?  Robert  aurait  dit  qu  il  se 
tiendrait  pour  satisfait  s'il  pouvait,  ne  fût-ce  qu'une 
seule  nuit,  empêcher  le  mal.  Ceci  est  corroboré  par  ce 
que  Marbode  raconte  dans  un  autre  passage  :  «  Quand 
au  cours  d'une  de  ses  pérégrinations  la  troupe  est  sur- 
prise par  la  nuit,  Robert  fait  coucher  les  hommes  d'un 


—  284  — 

côté  et  les  femmes  de  l'autre.  Lui-même  prend  place  au 
milieu  pour  surveiller  les  siens  et  annonce  les  veilles  de 
la  nuit  ». 

Cet  état  de  choses  ne  pouvait  durer.  Déjà  on  racontait 
que  Robert,  tout  en  invitant  les  siens  à  être  saints  en 
apparence,  leur  promettait  qu'ils  pourraient  se  livrer  en 
secret  au  plaisir  avec  les  femmes.  Et  déjà,  dans  les 
lieux  où  Robert  laissait  des  femmes  pour  secourir  les 
pèlerins,  des  excès  avaient  été  commis. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  pour  les  disciples  de 
Robert,  que  Marbode  a  des  craintes  ;  il  blâme  Robert 
lui-même  d'une  trop  grande  familiarité  avec  les  femmes 
qui  l'accompagnent.  «  Il  n'agit  d'ailleurs,  dit  l'évêque, 
de  cette  façon,  que  pour  des  motifs  d'ascétisme.  AOn 
d'expier  les  fautes  qu'il  a  commises  aiitrefois,  il  veut 
s'exposer  à  la  tentation  pour  avoir  le  mérite  de  la 
vaincre.  Il  permet  aux  femmes  de  le  suivre  dans  ses 
voyages  et  de  prendre  part  à  ses  entretiens  ».  Marbode 
considère  aussi  sous  le  même  point  de  vue  les  campe- 
ments nocturnes  dont  nous  avons  parlé.  Longuement 
il  expose  à  Robert  les  dangers  de  cette  pratique. 
«  Même  si  on  admet  que  Tâme  de  Robert  ne  courre 
pas  de  danger,  sa  réputation  souffrira  de  tout  cela. 
Mais  Robert  n'appartient  point  à  ces  hommes  insen- 
sibles que  la  nature  a  rendus  rebelles  à  la  tentation  et 
qui  n'ont  par  suite  aucun  mérite  à  être  vertueux  ;  au 
contraire,  il  est  de  ceux  qui  doivent  faire  des  efforts  pour 
rester  vertueux  et  qui  mériteront  ainsi  une  place  d'hon- 
neur dans  le  ciel.  Ceux-là  ont  peine  à  résister  aux  tenta- 
tions des  sens  quand  ils  sont  seuls  :  que  serait-ce  donc 
si  on  approche  trop  près  le  feu  de  la  paille  ?  D'ailleurs 
en  tous  cas,  l'àme  de  Robert  ne  saurait  rester  pure, 
quand  même  il  garderait  son  corps  chaste  ;  car  on  ne  se 
laisserait  pas  suivre  par  des  femmes  si  on  n'était  pas 
tourmenté  par  la  passion  charnelle  ». 

Geoffroi  s'exprime  de  la  même  façon  et  peut-être  plus 
clairement  encore  :  «  Feminarum  quasdam,  ut  dicitur, 


—  285  — 

«  nimis  familiariter  tecum  habitare  permittis,  quibus 
«  privata  verba  saepius  loqueris  et  cum  ipsis  etiam  et 
a  inter  ipsas  noetu  freqenter  cubare  non  erubescis  ».  Il 
reproche  à  Robert  la  même  chose  que  Marbode.  «  Ce 
qu'il  fait,  dit-il,  est  contraire  au  bon  sens;  la  sainte  Ecri- 
ture le  défend.  Qu'il  n'ait  pas,  continue-t-il,  trop  de  con- 
fiance dans  sa  sainteté  :  qu'il  ne  se  croie  pas  à  l'abri  du 
péché.  Il  doit  se  défier  d'autant  plus  de  lui-même  qu'il 
est  tenu  en  plus  haute  estime  par  ses  contemporains  et 
que  sa  responsabilité  serait  plus  lourde  si,  par  sa  propre 
chute,  il  entraînait  quelqu'un  des  siens.  » 

Marbode  aussi  bien  que  Geoffroi  ne  rapportent  que 
des  bruits,  comme  le  prouvent  les  expressions  «  ut  dici- 
«  tur,  ut  refertur  »,  qui  reviennent  sans  cesse  sous  leur 
plume.  Ces  bruits  ont-ils  un  fondement  ?  On  a  souvent 
affirmé  que  non.  Cependant  le  seul  fait  qu'on  a  contesté 
l'authenticité  des  lettres  de  GeofTroi  et  de  Marbode  est 
une  preuve  qu'on  sentait  vivement  combien  ces  lettres 
étaient  compromettantes  pour  Robert.  Quoique  le  vrai 
motif  qui  a  porté  les  auteurs  à  les  prétendre  fausses  se 
comprenne  facilement,  il  faut  pourtant  que  Thistorien 
donne  une  réponse  objective  à  la  question  :  les  bruits 
que  l'on  répandait  sur  Robert  étaient-ils  fondés  ? 

Robert  est  accusé  de  deux  côtés  différents  d'avoir 
admis  le  syncisactisme  et  les  reproches,  il  faut  l'avouer, 
ont  pris  des  deux  côtés  une  forme  concrète.  Geoffroi 
cite  une  parole  de  Robert  qui  s'y  rapporte  :  «  Hune  tibi 
«  videris,  ut  asseris,  Domini  Salvatoris  digne  bajulare 
c<  crucem,  cum  extinguere  conaris  maie  accensum  carnis 
«  ardorem  ».  Dans  tout  ce  que  nous  possédons  d'ailleurs 
de  sources  nous  ne  trouvons  rien  qui  soit  de  nature  à 
affaiblir  ce  soupçon.  Au  contraire,  il  est  toujours  ques- 
tion, quand  on  parle  de  Robert,  des  femmes  qui  s'étaient 
jointes  à  lui.  Et  notamment  ce  qui  suit  parait  digne  de 
remarque  :  pourquoi  les  bruits  qui  couraient  sur  Robert 
ont-ils  justement  pris  cette  forme  alors  qu'ils  auraient 
pu  être  tout  différents  ?  C'est  d'autant  plus  surprenant 


—  286  — 

que  Geoffroi  appelle  ce  que  Robert  faisait  <«  novum  et 
«  inauditum  genus  martyrii  ».  Si  cette  sorte  d'ascétisme 
était  seulement  inconnue  et  inouïe,  comment  s'imaginer 
que  les  bruits  répandus  ont  eu  justement  cette  forme  ? 
Le  plus  simple  aurait  pourtant  été  de  désigner  Robert 
comme  un  hypocrite  qui  veut  paraître  saint,  et  en  parti- 
culier sert  ses  passions.  Ces  considérations  me  font 
croire  que  les  bruits  répandus  sur  Robert  ont  eu  un  fon- 
dement réel. 

Comment  Robert  est-il  venu  à  ce  genre  de  mortifi- 
cation ?  L'exemple  de  son  compagnon  Hervé  qui  habitait 
avec  une  récluse,  Heva,  a-t-il  exercé  quelqu'influence  sur 
lui,  ou  bien  Robert  a-t-il  pensé  de  lui-même  à  ce  genre 
de  pénitence,  comme  le  prétend  Marbode,  pour  expier 
ses  fautes  d'autrefois  ?  On  ne  saurait  trancher  la  ques- 
tion. Ce  qui  est  sûr,  c'est  que  tout  cela  a  fort  nui  à  sa 
bonne  réputation  :  il  aurait  exercé  une  plus  grande 
influence  s'il  se  fût  borné  aux  pratiques  ordinaires  de  la 
pénitence.  Toutefois  les  bonnes  relations  qu'il  a  plus 
tard  entretenues  avec  Geoffroi  nous  donnent  à  penser 
qu'il  évita  dans  la  suite  de  choquer  ainsi  l'opinion 
publique. 

Robert  a  mené  toute  sa  vie  l'existence  de  prédicateur 
décrite  dans  ce  paragraphe.  Pétigny,  il  est  vrai,  divise 
bien  sa  carrière,  après  qu'Urbain  II  l'eût  appelé  à  la 
prédication,  en  deux  périodes  :  dans  la  première,  il  aurait 
travaillé  comme  missionnaire  apostolique  ;  dans  la 
seconde,  qui  commence  à  l'établissement  du  couvent  de 
Fontevrault,  il  aurait  été  l'organisateur  de  cette  congré- 
gation de  femmes.  Mais  le  récit  de  Baudry  contredit 
cette  division.  D'après  lui,  Robert,  abandonnant  à  d'au- 
tres le  soin  d'organiser  définitivement  Fontevrault,  ne 
cessa  jamais  de  parcourir  le  pays  en  préchant.  Le  récit 
de  ses  tournées,  qui  fera  l'objet  des  pages  suivantes, 
confirme  cette  assertion,  ainsi  que  le  fait  qu'il  est  mort 
au  cours  d'un  de  ses  voyages.  C'est  aussi  ce  que  prouve 
la  lettre  de  Marbode  qui,  si  la  date  que  nous  lui  assi- 


—  287  — 

gnons  est  exacte,  fait  aussi  allusion  à  des  prédications 
de  Robert  postérieurement  à  la  fondation  de  Fonte- 
vrault. 

Tel  est  d'après  les  sources  le  tableau  de  la  carrière 
de  Robert.  On  a  mis  Norbert  en  parallèle  avec  Waldes  : 
On  pourrait  faire  la  même  chose  avec  plus  de  précision 
epcore  pour  Robert.  Dans  beaucoup  de  cas  Tanalogie 
saute  aux  yeux  :  c'est  bien  ce  même  type  de  prédicateur 
errant  auquel  les  femmes  elles-mêmes  s'attachent,  qui 
exhorte  à  la  pénitence,  qui  se  met  en  opposition  avec 
une  partie  de  l'épiscopat,  qui  refuse  le  serment,  qui 
impose  l'obligation  de  la  pauvreté  non  seulement  aux 
aux  religieux  de  Fontevrault  mais  encore  aux  gens  du 
monde  puisqu'Hermengarde  elle-même  doit  imiter  la 
pauvreté  du  Christ,  qui  appelle  les  siens  du  nom  de 
«  pauvres  ».  Plus  on  le  considère,  plus  la  comparaison 
parait  justifiée.  Norbert  en  arrive  finalement  à  entrer 
dans  la  hiérarchie  ecclésiastique  et  devient  archevêque 
de  Magdebourg  et  organisateur  des  Prémontrés  ;  dans 
la  vie  de  Robert,  la  fondation  de  Fontevrault  est  plutôt 
un  simple  épisode  :  il  a  reconnu  que  sa  mission  supé- 
rieure était  de  prêcher  les  pauvres  :  nous  avons  devant 
nous  un  nouvel  idéal  de  piété  qui  cherche  partout  à  se 
faire  jour. 

De  la  vie  extérieure  de  Robert  il  faut  mention- 
ner ce  qui  suit  :  d'après  G.  Port,  il  aurait  entrepris 
son  premier  voyage  en  compagnie  d'Urbain  jusqu'au 
concile  de  Tours.  Cette  affirmation  repose  évidemment 
sur  ce  fait  que,  à  ce  concile,  le  21  mars  1096,  l'éta- 
blissement de  la  Roë  fut  confirmé  pour  la  seconde 
fois. 

Mais  dans  ce  second  acte  de  confirmation  ne  figure 
pas  le  nom  de  Robert  ;  la  présence  de  ce  dernier 
à  Tours  n'est  donc  qu'une  hypothèse  vraisemblable 
d'ailleurs,  si  Ton  considère  que  la  confirmation  des  pri- 
vilèges de  l'abbaye  n'aura  guère  pu  avoir  lieu  en  dehors 
de  la  présence  de  l'abbé.  Mais  doit-on  conclure  de  là  à 


i 


—  288  — 

un  voyage  fait  en  compagnie  du  pape  ?  Voilà  ce  qui  est 
contestable. 

Quant  à  Thypothèse  d'un  séjour  de  Robert  à  Toulouse 
en  1098,  elle  me  paraît  dénuée  de  fondement.  Il  est  bien 
cité  comme  témoin  dans  un  acte  par  lequel  Philippia, 
épouse  de  Guillaume  d'Aquitaine  et  de  Poitiers,  fait  une 
donation  au  couvent  de  Saint-Sernin.  Mais  ce  document 
n'est  pas  daté  et  s'il  nous  a  été  transmis  en  môme 
temps  qu'un  autre  de  l'année  1098  qui  mentionne  une 
donation  de  Philippia  et  de  Guillaume,  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'ils  soient  de  la  même  date.  Au  contraire  nous  rentrons 
dans  le  domaine  des  faits  historiques  en  aflirmant  que 
Robert  a  pris  part  au  concile  de  Poitiers.  Ce  concile  a 
été  tenu  sous  la  présidence  des  cardinaux  Jean  et  Benoît 
et  commença  le  18  novembre  1100.  Le  roi  de  France 
Philippe  y  fut  excommunié  à  cause  de  son  union  adul- 
tère avec  Bertrade.  Il  y  eut  à  cette  occasion  uhe  scène 
tumultueuse,  et  Robert,  aussi  bien  que  son  compagnon 
Bernard  de  Thiron,  prit  énergiquement  parti  pour  les 
cardinaux. 

Aussitôt  après  le  concile  eut  lieu  la  fondation  de  Fon- 
tevrault.  C'est  du  moins  ce  que  dit  la  Chronicon 
magnum  Turonense  qui  fixe  cette  fondation  à  l'année 
1100,  tandis  que  la  chronique  de  Saint-Florent  à  Saumur 
indique  1101.  Il  n'est  pas  possible  de  décider  avec  certi- 
tude entre  ces  deux  années.  Si  on  considère  qu'autrefois 
l'année  ne  commençait  pas  en  janvier  comme  aujour- 
d'hui, on  pourra  dire  que,  selon  toute  vraisemblance, 
Fontevrault  fut  établi  dans  la  première  moitié  de  l'année 
1101  (nouveau  style)  puisque  Robert,  à  la  fin  de  juin  1101, 
se  trouvait  en  Bretagne.  Là  il  prit  part  à  la  translation 
solennelle  d'une  relique  apportée  par  les  Croisés  et  que 
Gautier  de  Lohéac  donnait  à  Téglise  de  ce  lieu.  Robert, 
désigné  dans  l'acte  relatif  à  cette  translation  sous  le  nom 
de  sanctissimus  homo^  nous  apparaît  ici  entouré  d'une 
foule  de  disciples.  Marbode  n'avait  donc  pas  tout  à  fait 


—  289  — 

tort,  quand  il  lui  reprochait  de  négliger  quelque  peu  les 
couvents  qu'il  avait  fondés. 

En  1104,  Robert  assista  selon  La  Mainferme  au  con- 
cile de  Baugency,  où  la  levée  de  Texcommunication  qui 
avait  frappé  le  roi  aurait  eu  lieu,  sans  l'opposition  for- 
maliste de  quelques  évéques. 

h" Exhortation  à  Hermengarde  doit  être  rapportée 
à  Tannée  1109  ou  1110.  En  cette  dernière  année  nous 
retrouvons  Robert  en  Bretagne.  Dans  cette  province,  au 
concile  de  Nantes,  un  traité  avait  été  passé  entre  les 
moines  de  Marmoutiers  et  ceux  de  Redon  relativement 
au  prieuré  de  Béré  près  de  Chàteaubriant  (Loire-Infé- 
rieure). La  ratification  de  cette  convention  eut  lieu  à 
Redon  en  présence  de  Robert. 

En  1111,  nous  le  trouvons  à  Angers  où  un  différend 
entre  lui  et  Guillaume,  abbé  de  Saint-Florent  de  Sau- 
mur,  fut  tranché  psir  Hildebert  de  Tours,  Pierre  de  Poi- 
tiers et  Rainaud  d'Angers,  en  présence  de  Foulques  V 
d'Anjou. 

C'est  peut-être  à  l'année  1112  qu'il  faut  rapporter  la 
lettre  de  Pascal  II  à  Raoul  de  Tours  dans  laquelle, 
entre  autres  choses,  le  pape  nomme  Robert  arbitre  entre 
Payen  et-  Archembaud  qui  tous  deux  briguaient  la 
charge  d'abbé  de  Saint- Aubin.  Il  faut  que  la  curie  ait  eu 
Robert  en  haute  estime  pour  avoir  fait  de  lui  l'un  des 
juges  de  ce  long  différend. 

En  1113,  il  est  dans  le  Berry  où  quelques  barons  et 
Léger  de  Bourges  renoncent  en  faveur  du  prieuré  de  la 
congrégation  de  Fonte vrault  qu'il  avait  fondé  à  Orsan, 
à  tous  leurs  droits  sur  ce  lieu. 

En  1114,  nous  trouvons  Robert  à  Fontevrault,  comme 
le  prouve  un  acte  de  Geoffroi  de  Vendôme  d'après  lequel 
cet  abbé  e1^  son  couvent  se  mettent  en  union  de  prières 
avec  Fontevrault.  Cette  même  année,  on  mentionne  la 
présence  de  Robert  à  Toulouse.  Il  y  établit,  à  la  prière 
de  révoque  Amelius,  quelques  prieurés  de  l'ordre  de 
Fontevrault.    Parmi   ceux-ci  on   nomme   celui  d'Espi- 

19 


—  290  — 

nasse  qui  fut  donné  à  Robert  par  Philippia,  femme  de 
Guillaume  d'Aquitaine.  Également  à  Toulouse,  Robert 
servit  de  témoin  lors  d'un  traité  entre  Philippia  et  Ber- 
nard Aton,  vicomte  de  Béziers.  Peut-être  le  document 
sus-mentionné  qui  porte  la  signature  de  Philippia  et  de 
Robert  est-il  aussi  de  la  même  année. 

En  juillet  1115,  nous  retrouvons  Robert  à  Fontevrault 
où  il  renonce  en  faveur  de  Girard  de  Salles  à  son  droit 
sur  Cadouin. 

Nous  avons  des  indications  très  précises  sur  la  vie  de 
Robert  en  1116. 

Nous  apprenons  d'abord  que  Robert  fut  atteint  d'une 
grave  maladie.  «  Cum  ingravescente  corporis  ejus  infir- 
«  mitate  aliisque  aBgrititudinibus  pristinis  cœpit  repente 
«  destitui  viribus  ».  Dans  sa  jeunesse  il  avait  joui  d'une 
robuste  santé.  Baudry  l'appelle  «  corpore  vegetus  ». 
Mais  ses  incessantes  pratiques  d'ascétisme  avaient  ruiné 
son  tempérament.  Le  passage  d'André  cité  ci-dessus 
parle  d'autres  maladies  dont  il  fut  aussi  atteint,  et 
Baudry  raconte  que,  à  la  fin  de  sa  vie,  il  ne  lui  était 
plus  possible  d'aller  à  pied  :  il  lui  fallait  une  monture 
pour  accomplir  ses  voyages.  Sa  maladie  de  1116  parait 
avoir  été  particulièrement  grave.  Il  sentit  la  mort  appro- 
cher. Il  se  vit  donc  amené  à  prendre  des  mesures  pour 
assurer  l'existence  de  sa  fondation  dans  l'avenir.  C'est 
d'abord  le  vœu  de  stabilité  qu'il  fait  jurer  par  tous  les 
moines,  puis  la  réunion  de  septembre  où  fut  discutée  la 
question  de  savoir  si  une  abbesse  devait  être  placée  à  la 
tête  de  la  Congrégation  et  si  elle  devait  être  élue  parmi 
les  vierges  ou  parmi  les  converses  ;  c'est  enfin  l'élec- 
tion de  Pétronille  et  la  fixation  par  écrit  de  la  règle. 
Tous  ces  événements  seront  exposés  au  paragraphe 
suivant. 

Après  le  règlement  des  affaires  de  Fontevrault  et  sa 
guérison,  il  se  prépara  à  faire  la  re vision  du  prieuré  de 
Haute-Bruyère,  nouvellement  fondé.  Peu  auparavant  il 
avait  envoyé  Pétronille  avec  les  religieuses  désignées 


—  291  — 

pour  ce  prieuré.  Toutefois  il  semble  qu'il  les  rejoignit 
bientôt  ;  car  quand  il  vint  à  Chartres,  comme  nous  le 
verrons  tout  à  Theure,  il  avait  avec  lui  Bernard  de 
Thiron  et  Pétronille  et  il  envoie  les  religieuses  à  Haute- 
Bruyère  avec  la  prieure  Aqgardis. 

C'est  un  conflit  entre  Yves  de  Chartres  et  Bernier 
de  Bonneval  auquel  personne  encore  n'avait  su  mettre 
fin  qui  amena  à  Chartres  le  pacifique  Robert,  afin  de 
tenter  une  réconciliation  ;  il  y  réussit  d'ailleurs  par- 
faitement. Ensuite  Robert  célébra  la  fête  de  Noël  à 
Haute-Bruyère  et  organisa  ce  couvent.  Entre  temps,  le 
23  décembre,  Yves  était  mort  et,  lors  de  l'élection  de 
son  successeur,  un  conflit  s'était  encore  élevé  entre  le 
comte  Thibault  et  les  chanoines  de  Chartres  ;  le  comte 
Thibault  s'était  laissé  aller  à  des  violences  contre  ces 
derniers  et  avait  fait  chasser  l'évêque  Geoffroi  qu'ils 
avaient  élu.  En  vain  Bernard  de  Thiron  s'était  efforcé 
d'apaiser  la  querelle.  Robert,  retombé  malade  à  Haute- 
Bruyère,  ne  voulut  pas  néanmoins  refuser  aux  chanoines 
le  secours  qu'ils  lui  demandaient  :  il  réussit  à  changer 
le  cœur  du  comte  en  faveur  des  chanoines.  Bien  plus 
la  simonie  qui  était  encore  en  usage  sous  Yves  et  sous 
Geoffroi  prit  fin  grâce  à  Robert  et  les  clercs  promirent 
de  s'en  abstenir. 

Quittant  Chartres,  Robert  se  rendit  accompagné  de 
Bernard  de  Thiron  à  Blois  où  il  visita  et  consola  le 
comte  Guillaume  de  Nevers  retenu  prisonnier  par  Thi- 
bault de  Chartres.  Puis  il  se  sépara  de  Bernard  et  se 
rendit  dans  le  Berry.  C'est  durant  ce  voyage  qu'eut 
lieu  son  aventure  avec  les  brigands  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut. 

Il  rentra  dans  le  prieuré  d'Orsan  et  y  resta  quinze 
jours  pour  y  attendre  Pétronille  qui  était  revenue  de 
Chartres  à  Fonte vrault.  Après  son  arrivée,  il  se  mit  en 
route  pour  se  rendre  quelque  part  —  on  ne  sait  où  — 
où  on  l'avait  invité  à  prêcher.  Il  arriva  avec  Pétronille 
dans  le  couvent  de  Déols  ;    il  y  fut  accueilli  cordiale- 


—  292  — 

ment,  apaisa  un  conflit  survenu  entre  ce  couvent  et  Fon- 
tevrault  et  fit  un  sermon  qui  produisit  une  profonde 
impression.  Ce  fut  sa  dernière  prédication,  car  il  repartit 
et  mourut  en  route. 

Ce  coup  d'œil  sur  la  carrière  de  Robert  montre  qu*il 
exerça  son  ministère  pour  ainsi  dire  dans  tout  l'ouest  de 
la  France.  Chartres,  Toulouse,  Périgueux  et  la  Bretagne 
furent  les  limites  de  son  champ  d'action  :  on  voit  com- 
bien il  fut  étendu. 

La  Vie  d'André  peut  dire  de  lui  avec  raison  :  «  Hic 
«  itaque  Robertus,  jam  plurimos  annos  indefessus  praedi- 
«  cator  non  solum  adjacentibus  verum  etiam  exteris 
«  nationibus  verba  Dei  distribuerai .  » 


CHARTES  DE  FONTAINE-DANIEL 

ET  DE  MONTGUYON 


MM.  Grosse-Duperon  et  Gouvrion  ont  publié  et  tra- 
duit le  Cartulaire  de  Vabbaye  cistercienne  de  Fon- 
taine-Daniel^.  Le  volume  qu'ils  ont  donné  a  été  composé 
àTaide  du  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale,  fonds 
latin,  n**  5.475,  qui  fait  partie  de  la  collection  Gaignières, 
et  de  quelques  pièces  inédites  conservées  aux  Archives 
de  la  Manche. 

Mais  sans  parler  du  manuscrit  latin  n"  17.036  de  la 
Bibliothèque  nationale  qui  reproduit  textuellement  plu- 
sieurs chartes  déjà  comprises  au  cartulaire  de  Gai- 
gnières,  et  qu'on  pouvait  omettre  puisqu'il  n* apportait 
rien  de  nouveau,  il  est  un  autre  recueil,  peu  considérable, 
il  est  vrai,  qui  a  échappé  à  leurs  consciencieuses  recher- 
ches. C'est  le  manuscrit  n®  1.254  des  nouvelles  acquisi- 
tions latines  de  notre  grand  dépôt. 

Il  a  son  histoire,  que  laissent  soupçonner  à  chaque 
page  des  traces  d^eau  et  de  fumée. 

Trouvé  sous  les  décombres  du  Palais  de  justice  incen- 
dié en  1871,  un  maçon  l'oublia  sur  une  table  chez  un 
traiteur  de  la  rue  du  Pélican  ;  il  y  servit,  pendant  plus 
de  deux  ans,  de  jouet  à  un  enfant  qui  ne  parait  pas  en 
avoir  endommagé  un  seul  feuillet  ;  un  commis  de  librairie 
l'y  rencontra  au  mois  de  mai  1874  :  il  fut  remis  bientôt  à 
l'établissement  de  la  rue  de  Richelieu  ^. 

Malgré  le  titre  qu'il  continue  à  porter,  ce  n'est  point 

1.  Mayenne,  Poirier-Béalu,  1896,  in-8»,  431  pp. 

2.  Bibl.  de  l'Ecole  des  Chartes,  t.  XXXY,  p.  323. 


—  294  — 

un  cartulaire  de  Savigny.  Dans  les  86  chartes  qu^il  con- 
tient encore  aujourd'hui,  la  plupart  du  xii*  et  du  xiii* 
siècle,  la  célèbre  abbaye  normande  n'est  représentée  en 
eiïet  que  par  une  douzaine  de  documents  ;  le  plus  grand 
nombre,  45  exactement,  intéresse  Tabbaye  de  Fontaine- 
Daniel  ;  14  concernent  le  prieuré  de  Montguyon.  Mais 
qu'elles  proviennent  de  ces  établissements  religieux  ou 
qu'elles  aient  été  prises  dans  les  chartriers  d'Evron,  de 
Quittay,  de  Saint-Mars-sur-la-Futaie  ou  même  dans  ceux 
de  Saint-Jacques  d'Ernée  ou  de  l'Habit,  toutes  ces  pièces 
se  réfèrent  aux  seigneurs  de  Mayenne  en  vue  d'une  his- 
toire généalogique  desquels  cette  compilation,  d'une 
écriture  soignée^  a  été  formée  au  commencement  du 
xviii'  siècle. 

En  tenant  compte  même  de  certains  indices  fournis 
par  une  copie  de  Guyard  de  la  Fosse  que  lui  a  commu- 
niquée jadis  M.  Plihon,  libraire  à  Rennes,  M.  Tabbé 
Angot  ne  serait  pas  éloigné  de  croire  que  le  volume  si 
merveilleusement  sauvegardé  des  fureurs  de  la  Com- 
mune, a  été  composé  pour  ou  par  l'historien  de  Mayenne. 
La  chose  n'est  pas  sans  vraisemblance. 

Nous  n'oserons  pas  aller  jusque-là  pourtant  :  Tétat 
actuel  du  manuscrit  1.254,  certaines  omissions  qu'on  y 
constate  dans  quelques  chartes  et  qui  ne  se  retrouvent 
pas  dans  les  preuves  imprimées  de  Guyard  de  la  Fosse, 
ne  nous  y  autorisent  pas  complètement  ;  mais  nous  pou- 
vons admettre  que  le  recueil  original  de  l'historien 
mayennais  a  servi  de  fondement  à  ce  travail. 

Sans  être  d'une  pureté  absolue,  les  textes  qu'il  con- 
tient sont  néanmoins  établis,  en  général,  d'une  façon 
suffisante  et  n'appellent  que  des  corrections  faciles.  Mais 
il  a  en  outre  l'avantage  de  nous  les  faire  connaître  dans 
leur  intégralité,  alors  que  le  cartulaire  de  Gaignières, 
comme  tous  les  recueils  que  nous  lui  devons,  se  borne 
le  plus  souvent  aux  mentions  généalogiques  et  biogra- 
phiques qu'on  rencontre  dans  les  chartes  et  que,  prenant 
certaines  libertés  qui  ne  sont  pas  de  mise  chez  un  simple 


j 


—  295  — 

éditeur,  il  laisse  de  côté  de  nombreux  détails  que  l'histoire 
des  institutions  ne  saurait  négliger. 

C'est  à  ce  manuscrit  1.254  des  nouvelles  acquisitions 
latines  que  nous  empruntons  la  plupart  de  nos  docu- 
ments. 

D'autres  recueils  nous  ont  fourni  quelques  pièces, 
comme  le  22.329  latin  de  la  Bibliothèque  nationale  dont 
le  titre  général  est  inexact  et  qui  renferme  des  docu- 
ments relatifs,  non  pas  seulement  à  la  Bretagne,  mais 
à  TAnjou  et  au  Maine.  Nous  devons  aussi  une  men- 
tion spéciale  au  cabinet  Brière  :  il  possède  sur  Fontaine- 
Daniel,  entre  autres  actes,  deux  chartes  inédites,  incon- 
nues par  ailleurs,  conservées  en  copies  du  xvii*  siècle, 
malheureusement  assez  fautives,  que  M.  Tabbé  Brière, 
continuant  les  traditions  paternelles,  nous  a  communi- 
quées avec  une  bonne  grâce  dont  nous  ne  saurions  trop 
le  remercier. 

Nous  ne  voulons  pas  relever  ici  tous  les  renseigne- 
ments que  rhistoire  des  mœurs  ou  des  institutions  peut 
recueillir  dans  les  textes  qui  vont  suivre.  Il  est  une 
remarque  cependant  que  nous  devons  faire,  car  nous  ne 
pensons  pas  qu'elle  ait  jamais  été  faite  et  elle  n'est 
pas  sans  importance.  On  sait  quel  embarras  l'on 
éprouve  souvent  pour  dater  les  chartes  du  moyen  âge 
dont  les  formules  ne  contiennent  pas  en  elles-mêmes 
d'indications  assez  précises  et  les  érudits  se  sont  laissés 
aller  un  peu  trop  facilement  à  attribuer  indistinctement 
au  style  de  Pâques  toutes  celles  qu'ils  voyaient,  avec 
certitude,  antérieures  à  la  grande  fête  catholique.  En 
réalité,  le  style  chronologique  a  varié  non  seulement 
avec  les  pays,  mais  encore  avec  les  parties  qui  passaient 
les  actes.  Il  semble  bien  par  exemple,  comme  on  l'a  déjà 
observé,  que  dès  la  fin  du  xi®  siècle,  l'usage  régulier 
était,  à  Marmoutier,  de  commencer  l'année  à  Pâques  et 
il  se  peut  que  la  grande  abbaye  ait  importé  cet  usage 
dans  ses  diverses  possessions.  Il  n'en  allait  pas  de  même 
à  Fontaine-Daniel. 


—  296  — 

Fondée  d'abord,  peut-être  en  1197,  près  da  Boai^- 
Nouvel,  à  la  Herperie,  sur  un  sol  infertile  et  connue  sous 
le  nom  de  Clairet,  cette  abbaye  fut  transférée  en  1205  dans 
la  forêt  de  Salair,  en  Saint-Georges-Buttavent.  Les  moines 
prirent  possession  de  leur  nouveau  couvent  le  jour  de  T  As- 
cension, qui  tombait  cette  année-là  le  19  mai.  Nous  con- 
naissons ce  détail  par  une  charte  de  Tévéque  du  Mans 
Hamelin  qui  confirmait  au  nouvel  établissement  toutes 
les  donations  à  lui  faites  par  le  seigneur  de  Mayenne  *. 
Or  peu  de  temps  auparavant,  en  vue  même  de  la  trans- 
lation qui  allait  s'opérer  et  pour  alimenter  les  aumônes 
du  portier  aux  pauvres  passants,  Juhel  donnait  la  dîme 
des  revenus  qu'il  pouvait  percevoir  sur  des  essarts  de 
la  forêt  de  Fosselouvain  et  sur  sa  terre  de  Grolay.  Cette 
donation,  dont  l'acte  fut  passé  à  la  Herperie  et  porte  la 
date  du  30  mars  1205  *,  est  visée  dans  la  charte  de  con- 
firmation solennelle  que  Juhel  déposa  sur  l'autel  de 
Salair,  le  19  mai  suivant.  Comme  Pâques  tomba  cette 
année-là  le  10  avril,  il  s'en  suit,  de  toute  évidence,  qu'à 
Fontaine-Daniel  Tannée  commençait  antérieurement  et 
que  l'on  y  employait  soit  le  style  de  la  (Circoncision, 
soit  le  style  de  l'Annonciation. 

Une  autre  charte  renferme  une  allusion  à  la  campagne 
de  Juhel  contre  les  Albigeois.  Au  moment  de  partir  pour 
la  croisade,  le  baron  de  Mayenne  abandonna  à  son 
abbaye  tous  les  droits  qu'il  avait  pu  conserver  jus- 
qu'alors sur  les  immeubles  par  lui  concédés  auparavant, 
ne  se  réservant  que  la  justice  à  sang  sur  les  hommes 
des  religieux.  L'acte  de  cotte  nouvelle  largesse  fut  dressé 
le  4  février  1210,  cum  iter  peregrinationis  arriperem 
ad  debellandum  contra  hostes  fidei  nostre^  contra  vide- 
licet  Albigenses  herelicos ,  nous  apprend  Juhel  lui- 
même  3.   Or  au  témoignage  de  Pierre  des  Vaux-de- 

1.  Grosse-Duperon  et  Gouvrion,  Cart.  de  Fontaine- Daniel, 
no  XX,  p.  37. 

2.  Cf.  ci-après,  n®  v. 

3.  Cf.  ci-après,  n»  xiii. 


—  297  — 

Cernay,  le  baron  de  Mayenne  arriva  en  Languedoc  avec 
Tévêque  de  Paris,  Enguerrand  de  Coucy,  Robert  de 
Courtenay  et  plusieurs  autres,  vers  le  milieu  du  carême, 
en  1211  *.  Notre  document  doit  donc  être  daté  du 
4  février  1211  (n.  st.)  et,  en  précisant  le  point  de  départ 
de  Tannée,  nous  aide  à  le  fixer,  soit  au  l*'*"  mars,  ce  qui 
est  peu  vraisemblable,  soit  au  25  mars. 

Si  Ton  prête  attention  à  un  accord  conclu  entre  Tab- 
baye  de  Savigny,  dans  la  juridiction  de  laquelle  le  lieu 
de  Salair  était  compris,  et  celle  de  Clairet  qui  allait  y 
être  transférée,  on  verra  que  cet  acte  2,  passé  le  24  mars 
1204,  veille  de  TAnnonciation,  ne  peut  appartenir  qu'à 
Tannée  1205,  selon  notre  façon  de  compter,  puisqu'il  y 
est  question  de  tracer  les  limites  au-delà  desquelles  les 
deux  communautés  religieuses  renonçaient  à  élever  des 
constructions  ou  à  acquérir  de  nouveaux  domaines  et 
qu'il  ne  s'agissait  pas,  encore  aux  débuts  de  Tannée  1204, 
autant  qu'on  en  peut  juger  du  moins  par  les  termes  de 
la  confirmation  de  Thibaud  de  Mathefelon,  d'aban- 
donner la  Herperie  pour  le  bois  de  Salair. 

Nous  conclurons  donc  qu'à  Mayenne,  au  commence- 
ment du  xiii'  siècle,  l'usage  était  d'employer  le  style  de 
l'Annonciation. 

E.  Laurain. 


1.  «  Anno  Verbi  incarnati  MCCX,  ciroa  mediam  quadragesimam 
venerunt  de  Francia  crucesignali  nobileset  potentes  episcopusvide- 
licet  Parisiensis  P[elriis],  Ingelranniis  de  Cociaco,  Robertiis  de  Cor- 
tiniaco,  Juellns  de  Meduana  et  plures  alii.  »  (Hist.  de  France, 
t.  XIX,  p.  43). 

2.  Cf.  plus  loin,  n»  iv. 


—  298  — 


CHARTES  DE  FONTAINE-DANIEL 


I 


Vers  1198.  —  Confirmation  par  Maurice  de  Craon  de  la 
donation  faite  par  sa  sœur  Constance  de  20  sous  ange- 
vins  de  rente  à  prendre  sur  sa  part  du  trépas  de  la  Loire 
à  Chantocè, 

A.  Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  125'i,  fol.  32  ro. 

B.  Guyard  de  la  Fosse,  Histoire  des  seigneurs  de  Mayenne, 

preuves,   p.   xvii. 
Grosse-Duperon,  Cariulaire  de  Fontaine-Daniel,  p.  13,  n»  ix. 

Universis  fidelibus  présentes  litteras  inspecturis  Mauri- 
tius,  dominus  Credoni,  salutem.  Noverit  universitas  vcstra 
quod  Constantia,  soror  mea,  pro  salute  anime  sue  dédit  et 
concessit  in  perpetuam  eleemosynam  Dco  et  monachis 
abbatie  de  Clareio  quam  dominus  Juhellus,  frater  meus, 
statuit  apud  Herperiam,  viginti  solides  andegavensium  • 
annui  redditus  in  maritagio  suo  quod  ipsa  capiebat  in  passa- 
gio  Ligeris  apud  Chantocium  *,  in  média  quadragesima 
reddendos  per  manum  illius  qui  passagium  recipiet.  Hanc 
autem  eleemosynam  dédit  predicta  soror  mea  ad  emendum 
oleum  ad  usum  lampadis  que  die  et  nocte  in  eeclesia  arde- 
bit.  Actum  est  hoc  in  eadem  abbatia  quando  conventus  eam 
primum  intravit  ',  testibus  his  domino  Juhello  de  Meduana, 
domina  Isabcl  maire  mea.  domina  Gervasia,  Gaufrido 
abbate  Clarimontis,  fralre  Laurentio  abbate  Clareii  et  toto 
conventu.  Quod  ut  firmius  teneatur,  ego  Mauritius  hanc 
eleemosynam  ad  petitionem  prefate  sororis  mee  concessi  et 
presenti  charta  confirmavi. 

1.  Andegavenses  A. 

2.  Chantocum  A. 

3.  Quando  in  com'entum  ea  primum  intravit  A. 


299  — 


II 

1198-1204.  —  Donation  par  Thibault  de  Mathefelon^  à  Vab- 
baye  de  Clairet^  de  8  livres  angei^ines  de  rente  annuelle 
et  d*un  homme  à  Craon,  et  à  Vabbaye  de  Clermont  de 
7  livres  à  prendre  sur  le  travers  de  Craon. 

A.  Bibl.  nat.,  Ut.  n.  acq.  1254,  fol.  32  to. 

B.  Arch.  de  la  Sarthe,  fds  municipal  738,  p.  29,  ex  titulo  orig. 

C.  Guyard  de  la  Fosse,  Histoire  des  seigneurs  de  Mayenne, 

preuves,  p.  xviii. 
Grosse-Duperon,  Cartulaire  de  Fontaine- Daniel,  p.  14. 

Universis  fidelibus  présentes  litteras  inspecturis  Theobal- 
dus  de  Mathefelon  salutem.  Noverit  univcrsitas  vestra  quod 
ego  Theobaldus  dedi  et  concessi  in  perpetuam  eleemosynam, 
pro  salute  anime  mee,  monachis  abbatie  nove  que  fundata  * 
est  apud  Harperiam,  octo  libras  andegavensium  *  annui 
redditus  et  unum  hominem  liberum  et  quietum  apud  Craon  ', 
et  abbatie  Clarimontis  septem  libras  in  passagio  de  Craon, 
et  concessi  in  puram  eleemosynam  utrique  abbatie  quicquid 
habent  in  terra  domini  Juhelli  ex  dono  et  concessione  ipsius. 
Quod  ut  ratum  sit,  sigillo  meo  confirmari  feci,  teste  Petro 
decano  *  Sabolii,  Aalardo  *  clerico,  Vuillelmo  clerico  et  plu- 
ribus  aliis. 

III 

1198-1204.  —  Donation  à  Vabbaye  de  Clairet  par  Juhel  de 
Mayenne,  de  Robin  d* Anjou  et  de  Vhébergement  du  juif 
Salonion  et  abandon  par  le  dit  Robin  d'une  rente  de 
cent  sous  à  prendre  sur  ses  biens, 

A.  Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254.  fo  26  vo. 

B.  Arch.  de  la  Sarlhe,  fonds  municipal  738,  p.  25,  ex  titulo  orig. 

C.  Guyard  de  la  Fosse,  Histoire  des  seigneurs  de  Mayenne, 

preuves,  p.  xvi. 
Grosse-Duperon,  Cartulaire  de  Fontaine- Daniel,  p.  15,  n"  xi. 

Universis  fidelibus  présentes  inspecturis  litteras  Juhellus, 
dominus  Meduane,  salutem  in  Domino.  Noverit  universitas 

1.  Facienda  B. 

2.  Andegavenses  A. 

3.  Creon  B. 

4.  Scano  A,  B. 

5.  Ricardo  C  ;  Arcado  B. 


—  300  — 

vestra,  quod  ego,  pro  salute  anime  mee,  dedi  et  concessi  in 
perpetuum  Deo  et  béate  Marie  et  abbatie  mee  de  Clareio  S 
quam  ego  fundavi  apud  Ilarperiam,  Robinum  de  Ande- 
gavia  et  heredem  ejus,  liberum'  et  quietum  ab  omnibus 
consuetudinibus,  taulliis  et  redevantiis,  censibus  et  auxîHis 
et  panagiis  '  et  ab  omnibus  que  ad  me  et  heredem  meum 
pertinent  ;  dedi  insuper  monachis  ejusdem  abbatie  totum 
herbergamentum  quod  fuit  Salomonis  judei  de  Meduana, 
cum  omnibus  pertinentiis  et  colunbero*,  ita  quod  semper  in 
eodem  herbergamento  ad  servitium  suum  habeant  unum 
hominem  liberum  et  quietum,  videlicet  prefatum  Robinum 
et  post  ipsum  heredem  suum.  Idem  autem  Robinus,  pro 
salute  anime  sue  et  patris  sui  et  fratris,  dédit  monachis  in 
perpetuam  eleemosynam  centum  solidos  annui  redditus 
super  omnes  res  suas.  Quod  ut  firmius  teneatur,  présentes 
[litteras]  sigillo  meo  confirmari  feci. 


IV 

1205  (n.  st.),  24  mars.  —  Accord  entre  Vabbaye  de  Sangny 
et  Vabbaye  de  Fontaine- Daniel  portant  limitation  des 
territoires  dans  lesquels  les  deux  établissements  pourront 
êleçer  des  constructions  ou  acquérir  des  immeubles.   . 

Arch.  nat.,  L  969  (Orig.  parchemin;  sceaux  disparus). 

Cyrographum. 
Notum  sit  presentibus  et  futuris  quod  cum  abbas  et 
mônachi  Savignienses,  ad  pelitionem  domini  Juhelli  de 
Meduana,  concessissent  ut  abbatia,  que  apud  Harpereiam 
fundata  erat,  intra  terminos  abbatie  Savigniensis  transfer- 
retur,  videlicot  in  locum  de  Saleto  qui  nomine  Fons  Danielis 
appellatur,  ad  pacis  et  caritatis  integritatem  inter  ulramque 
abbatiam  pcrpetuo  conservandam,  talis  ad  invicem  compo- 
silio  amicabiliter  firmata  est.  Monachi  Savignienses  acquirere 
poterunt  licenter  terras  et  pasturas  et  edificare  grangias  et 
bergereias  usque  ad  vicum  Sancti  Georgii  de  Quiteio, 
circumquaque  extra  forestam  de  Meduana,  sicuti  eis  licebat 
antequam  abbatia  illa  fundaretur.  Monachi  vero  de  Fonte 


1.  Clarion. 

2.  Librum  B. 

3.  Paganiis  B. 

4.  Colimbero  A. 


—  301  — 

Danielis  extra  predictam  forestam  nec  grangias  nec  berge- 
reîas  edificabunt  a  predicto  vico  Sancti  Georgii  et  a  castello 
de  Ambreriis  versus  Savigniacum  nec  alibi  circa  Savignia- 
cum  per  tantum  spacium  terrarum  quantum  a  vico  Sancti 
Georgii  usque  Savigniacum  continetur.  Omnia  autem  alia, 
que  eis  data  fuerint  in  elemosinam  infra  predictos  terminos, 
recipere  poterunt  et  licite  possidere.  Emptiones  tamen  infra 
dictos  terminos  facere  non  poterunt  quas  monachi  Savi- 
gnienses  pro  eodem  precio  sibi  voluerint  retinere  ;  et  quo- 
niam  dominus  Juhellus  de  Meduana  et  Isabel,  mater  ejus,  et 
Mauricius  de  Creono,  Petrus  et  Amaurricus,  fratres  ejus,  et 
Flaoisa  de  Lavalle  et  Constantia,  sorores  eorum,  et  Guillel- 
mus  de  Guirchia,  antequam  abbatia  de  Fonte  Danielis  fun- 
daretur,  se  dederant  monasterio  Savigniensi  et  ibi  sibi 
elegerant  sepulturam,  eos  monachi  de  Fonte  Danielis  reci- 
pere non  valebunt. 

Quod  ut  firmiter  futuris  tcmporibus  observetur,  presenti 
cyrographo  confirmatum  est,  cujus  pars  altéra  sigillis  abba- 
lum  Cisterciensis,  Clarevallensis,  Savigniensis,  altéra  vero 
sigillis  abbatum  Cisterciensis,  Clarevallensis,  Clarimonten- 
sis  et  de  Fonte  Danielis  munita  est.  Actum  anno  ab  incar- 
natione  Domini  millesimo  ducentesimo  quarto,  vigilia 
dominice  Annuntiationis. 


1205,  30  mars.  La  Herperie.  —  Donation  de  la  dime  des 
retenus  produits  par  les  essarts  de  la  forêt  de  fosse- 
lou9ain  et  par  la  terre  de  Grolay, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  27  ro. 

Universis  fidelibus  présentes  Htteras  inspecturis  Juhellus, 
dominus  Meduane,  salutem.  Noverit  universitas  vestra  quod 
ego,  pro  sainte  anime  mee  et  antecessorum  et  heredum  meo- 
rum,  dedi  et  concessi  in  puram  et  perpetuam  eleemosynam 
omnino  liberam  et  quietam,  Deo  et  béate  Marie  et  abbatie 
de  Saleto  totam  decimam  partem  redditus  mei  de  terra 
examplata  in  foresta  et  circa  forestam  de  Fossaloven,  et  de 
terra  de  Groleio,  quocumque  modo  illum  redditum  habitu- 
rus  sum  ego,  vel  hères  meus,  sive  in  bladio,  sive  in  pecu- 
nia.  Et  si  ego  vel  hères  meus  aliquo  tempore  amplius  de 
terra,  que  et  in  predicta  foresta  vel  circa  illam  [fuerit],  vel  de 
terra  Groleii  examplarifecerimus,  deomni  redditu  quem  inde 


—  302  — 

habituri  sumus  predicte  abbatie  monachi  decimam  partem 
habebunt  :  bec  autem  pars  décima  semper  reddenda  est 
annuatim  festo  sancti  Remigii,  ita  quod  ad  portam  dicte 
abbatie  erogabitur  pauperibus  sive  in  pane,  sive  in  pannis, 
sive  aliis  rébus,  prout  abbati  et  portario  Saleti  secunduni 
tempus  utilius  visum  fuerit.  Quod  ut  firmius  teneatur, 
sigillo  meo  ego  Juhellus  confirmari  feci.  Actum  est  anno  ab 
incarnatione  Domini  millesimo  ducentesimo  quinto,  tertio 
kalendas  aprilis,  apud  Harperiam. 


VI 

1207,  16  octobre,  Mayenne.  —  Donation  par  Juhel  de 
Mayenne  de  Georges  Durely  de  Gorron^  et  abandon  par 
le  dit  Durel  de  son  hébergement  de  Gorron. 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fo  27  r». 

Universis  sancte  ecclesie  fîliis  presens  scriptum  inspectu- 
ris  Jubellus,  dominus  Meduane  et  Dinani,  etemam  in 
Domino  salutem.  Noverit  universitas  vestra  quod  ego,  pro 
sainte  anime  mee,  patris  et  matris  mee  et  omnium  anteces- 
sorum  meorum,  dedi  et  concessi  in  puram  et  perpetuam 
eleemosynam  Deo  et  béate  Marie  de  Fonte  Danielis  et 
monachis  ibidem  divina  celebrantibus  unum  hominem  apud 
Gorrum  videlicet  Georgium  Durel,  etheredem  ejus,  liberum 
et  quietum  per  totam  terram  meam  ab  omnibus  consuetu- 
dinibus,  tailliis  et  redevantiis  c\  auxiliis  et  ab  omnibus 
rébus  que  ad  me  et  ad  meum  pertinent  heredem.  Ipse  autem 
Georgius  Durel  hujus  franchisie  non  immemor,  pro  sainte 
anime  sue,  patris  et  matris  sue,  dédit  monachis  dicte  abba- 
tie totum  herbergamentum  suum  de  Gorrum,  in  quo  dicti 
monachi  semper  unum  hominem  habebunt,  qui  eis  ad 
eorum  descensus  ^  et  ad  proprios  eorum  servientes  suflicien- 
ter  providebit  necessaria.  Dédit  insuper  prefatis  monachis 
unam  marcham  argenti  singulis  annis  capiendam  die  cir- 
cumcisionis  Domini  super  omnem  hereditatem  suam  de 
Gorrum,  et  super  medietariam,  que  est  super  aquam  de 
Gegneis  in  terra  de  Laval,  donec  d ictus  Georgius  aliquam 
faciat  emptionem  in  qua  monachi  dictam  marcham  argenti 
ad  suam  possint  capere  utilitatem.  Dederunt  etiam  dictus 
Georgius  et  uxor  ejus  abbatie  de  Fonte  Danielis,  in  qua 

1.  Dascensus  in  codice. 


—  303  — 

elegerunt  sepulturam,  ad  obitum  eorum,  omnes  partes  suas 
de  mobilibus  suis  faciendo  rationabilem  eleemosynam  sacer- 
dotî  SUD  vel  quibus  debuerint,  cum  concilio  tamen  monacho- 
rum.  Sciendum  vero  est  quod  heres  dicli  Georgii  omnia 
tenementa  patris  sui  et  franchisiam  tenebit  de  monachis, 
reddendo  eis  illud  servitium  et  illam  redevantiam,  quam 
pater  suus  annuatim  eisdem  monachis  reddebat  :  si  vero 
hanc  redevantiam  dîctus  heres  Georgii  sepedictis  monachis 
reddere  noluerit  aut  nequiverit,  supradictum  herberga- 
mentum,  in  quo  habetur  franchisia,  monachis  remanebit, 
et  in  omni  hereditate  sua  ubicumque  sit  unam  marcham 
argenti  perpetui  redditus  capient  [aut]  eisdem  monachis  a 
dicto  Georgio,  vel  herede  ejus,  alio  loco  assignabitur.  Ut 
autem  hec  eleemosyna  firma  et  stabilis  perseveret,  ego 
Juhellus  presentem  paginam  sigilli  mei  impressione  feci 
communiri.  Actum  apud  Meduanam  anno  gratie  millesimo 
ducentesimo  septimo,  septimo  decimo  kalendas  novem- 
bris. 


VII 

1208.  —  Donation  par  Maurice  de  Craon  d'une  rente  de 
six  liçres  angevines  à  prendre  sur  le  trépas  de  la  Loire 
à  Chantocé, 

Cabinet  Brière,  au  Mans  ;  copie  sur  papier,  du  xviie  s. 

Universis  Christi  fidelibus  presentem  paginam  inspectu- 
ris,  Mauricius,  dominus  Credonensis,  salulem.  Noverit  uni- 
versitas  vestra  quod  ego,  pro  salute  anime  mee,  patris  mei 
et  matris  mee  et  antecessorum  et  heredum  meorum,  dedi 
Deo  et  béate  Marie  et  abbatie  de  Fonte  Danielis  et  monachis 
ibidem  Deo  servientibus  in  perpetuam  elemosinam  vi  libras 
andegavensium  in  passagio  meo  de  Chantoceio  videlicet  in 
passagio  Ligeris,  per  manum  illius  qui  redditum  illum  sive 
ad  firmam  sive  aliquo  alio  modo  recipiet  annis  singulis 
capiendas.  Hoc  autem  sciendum  quod  hec  elemosina  his 
terminis  monachis  débet  reddi,  scilicet  in  festo  sancti 
Michaelis  lx  solidi  andegavensium  et  in  festo  beati  Flo- 
rentii  alii  lx  solidi  assignantur.  Ut  autem  hec  elemosina 
perpetuum  robur  obtineat  et  ut  *  absque  dilatione  reddant. 
ego  Mauricius,   Credonensis  dominus,  presentem  cartam 

1.  V  m  codice. 


—  304  — 

feci  sigilli  mei  munimine  roborari.  Actum  apud  Credonium 
anno  gracie  M*'  CC*  VIII°,  presentibus  Ysabelle,  karissima 
maire  ^  mea,  Raginaldo  de  Monte  Ernaudi.  Andréa  Rcnulii, 
Jolianne  Bigot  et  pluribus  aliis. 


VIII 

1208,  29  avril.  Mayenne.  —  Donation  de  Robin  d* Anjou 
par  Juhel  de  Mayenne, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  28  r». 

Noverint  universi  présentes  pariterque  fuiuri  quod  ego 
Juhellus,  dominus  Meduane,  pro  salute  anime  mee  et  ante- 
cessorum  et  lieredum  meorum,  Deo  et  béate  Marie  de 
Fonte  Danielis  et  monachis  ibidem  Deo  servientibus,  in 
puram  et  perpetuam  eleemosynam  dedi  et  concessi  Robi- 
num  de  Andegavia  et  heredes  ejus  ab  omnibus  tailliis  et 
redevantiis  et  auxiliis  et  ab  omnibus  mihi  et  meis  heredibus 
pertinentibus  liberos  et  quietos,  cum  herbergamento  Salo- 
monis  judsei  et  omnibus  ad  herbergamentum  illud  pertinen- 
tibus, et  cum  Robini  tenementis.  Pro  hac  vero  franchisia, 
dabat  idem  Robinus  dictis  monachis  singulis  annis  centum 
solidos  cenomanensium  de  quibus  centum  solidis  isdem 
Robinus  ab  illis  monachis  quatuor  libras  cenomanensium  * 
émit,  pro  quibus  quatuor  libris  cenomanensium  '  ipse  Robi- 
nus dédit  monachis  centum  libras  cenomanensium  ^,  quas 
ipse  habebat  super  totum  feodum  Ranulphi  Le  Flamand  de 
Gegniez  ;  et  ita  Robinus  et  ejus  heredes  eisdem  monachis, 
pro  omnibus  redevantiis,  singulis  annis  in  Nativitate  Domini, 
viginti  solidos  cenomanensium  reddent,  qui  viginti  solidi, 
super  omnia  ejusdem  Robini  tenementa  assignantur.  Insu- 
per isdem  Robinus  medietatem  partis  omnium  mobilium, 
que  sibi  contingerint  ad  diem  obitus  sui,  in  eleemosynam 
dédit  dictis  monachis  et  concessii.  Si  autem  aliquis  here- 
dum  Michaelis  de  Andegavia  in  supradictis  contentionem 
aliquam  moverit,  dictus  Robinus  super  omnia  sua  pepigit 
monachis  liée  omnia  liberare.  Quod  ut  ratum  in  perpetuum 
teneatur,  ego  Juhellus,  dominus  Meduane,  ad  monachorum 

1.  Mater  in  codice. 

2.  Cenomanenses  in  codice. 

3.  Cenomanensibus  in  codice. 

4.  Cenomanenses  in  codice. 


—  305  — 

et  Robîni  petitionem,  presentem  chartam  sigîUi  mei  feci 
munîmine^  roborari. 

Actum   apud  Meduanam  in  mei  presentia,  anno  gratie 
millesimo  ducentesimo  octavo,  tertio  kalendas  maii. 


IX 

1208.  mai.  Châtillon.  —  Exemption  de  péage  accordée  par 
André  de  Vitré  pour  toute  marchandise  achetée  ou  {ten- 
due par  l'abbaye, 

Bibl.  nat.,  fr.  22329,  p.  768. 

Noveritis  universi  présentes  pariter  et  futuri  quod  ego 
Andréas  de  Vitreo  monachis  Fontis  Danielis,  pro  sola  Dei 
retributione,  franckisiam  et  quitantiam  per  totam  terram 
meam  de  omnibus  que  emerint  vel  vendiderint  vel  per  eam 
terram  in  eundo  et  redeundo  transferri  fecerint  dedi  in 
puram  eleemosinam  et  concessi.  Ut  autem  hoc  sit  [stabile]. 
sigillum  meum  feci  apponi.  Actum  apud  Chastelum,  anno 
gratie  millesimo  ducentesimo  octavo,  die  Ascensionis  Do- 
mini,  mense  maio. 


1209.  —  Exemption  de  péage  accordée  par  Guillaume  de 
la  Guerche  pour  toute  marchandise  achetée  ou  rendue 
par  l'abbaye, 

Bibl.  nat.,  fr.  22329,  p.  775. 

Noveritis  universi  présentes  pariter  et  futuri  quod  ego 
Guillelmus  de  Guirchia,  pro  salute  anime  mee,  antecesso- 
rum  et  heredum  meorum,  dedi  abbatie  de  Fonte  Danielis 
franchisiam  et  quittantiam  per  totam  terram  meam  de 
[omnibus  que  emerint  vel  vendiderint  vel  per  eam  terram 
in  eundo  et  redeundo  transferri  fecerint.  Ut  autem  hoc  sit 
lirmum,  sigillum  meum  feci  apponi].  Actum  anno  gratie 
millesimo  ducentesimo  nono. 


1.  Munime  in  codice. 


20 


—  306  — 


XI 


1209.  —  Donation  par  Isabelle  de  Mayenne  du  moulin  de 
Grenoux  ai^ec  la  mouture  du  Bourgnou^ly  de  la  Her- 
perie  et  de  Belgeard. 

Bibl.  muD.  de  Laral,  fds  Couanier,  mss.  12207,  n^  6  (Original, 
parchemin  ;  sceau  disparu). 

Universis  presentem  paginam  inspecturis,  Isabel  de  Me- 
duana,  salutem.  Noveritis  quod  ego  pro  salute  anime  mee, 
patris  mei  et  matris  mee  et  infantum  meonim.  dedi  Deo  et 
béate  Marie  et  abbatie  de  Fonte  Danîelis  in  perpetuam  ele- 
mosinam  molendinum  de  Grenor  cum  tola  molta  de  Har- 
peria  et  de  Burgo  novello  et  de  Brolio  Legardis  quam 
molendinum  de  Brolio  Legardis  capere  non  poterit.  Volo 
igitur  et  constituo  ut  predicta  abbatia  hanc  elemosinam 
libère  et  pacifiée  teneat  et  possideat.  Ut  autem  hoc  ratum 
et  stabile  sit  in  perpetuum,  presentem  cartam  sigilli  mei 
feci  munimine  roborari.  Actum  anno  gracie  M*  CC*  IX*. 


XII 

1210  (n.  st.),  23  janvier.  —  Donation  par  Juhel  de  Mayenne 
du  droit  de  pêche  dans  la  rivière  la  Mayenne  depuis  le 
pont  de  Mayenne  jusqu  au  pont  Landry. 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254.  fol.  30  v». 

Universis  Christi  fidelibus  presentem  paginam  inspec- 
turis vel  audituris,  Juhellus,  Meduane  et  Dinani  dominus, 
salutem  in  eo  qui  salus  est  omnium.  Noverit  universitas 
vestra  quod  ego,  pro  salute  anime  mee,  patris  mei  et  matris 
mee  et  uxoris  mee  Gervasie,  et  omnium  antecessorum  et 
heredum  meorum,  dedissem  dudum  aliquas  partes  ri  parie 
mee  Meduane  cum  terris  et  superadjacentibus  abbatie  mee 
de  Fonte  Danielis  et  monachis  in  ea  Deo  servientibus  in 
perpetuam  eleemosynam,  quas  tamen,  ut  dolentes  referunt, 
nequeunt  pacifiée  et  utiliter  possidere.  Hinc  est  quod  humili 
petitioni  eorum  inclinatus,  do  amodo  ipsis  in  perpetuum 
ipsam  totam  ripariam  meam  Meduane  a  ponte  Meduane 
usque  ad  pontem  Landrini  cum  omnibus  dominiis  et  juribus 
meis  ad  exercendum  et  piscandum  in  omnibus  et  singulis 
ratibus  meis  pacifiée  et  quiète  et  in  omnibus  piscatoriis 


—  307  — 

factis  et  faciendis,  retinendo  vel  emittendo  aquam  per  se  et 
per  quos  voluerint,  sicut  et  ego  et  predecessores  mei  hacte- 
nus  consuevimus  facere,  et  uti  nihil  de  ea  vel  ejus  perti- 
nentiis  a  terminis  supradictis  retinens  mihi  vel  heredibus 
meis  prêter  divinam  retributionem .  Quod  ut  ratum  sit  in 
perpetuum,  presentem  feci  chartam  sigilli  mei  testimonio 
confirmari.  Actum  anno  incarnationis  dominice  millesimo 
ducentesimo  nono,  mense  januarii,  in  crastino  sancti  Vin- 
centii  martyris. 


XIII 

1211  (n.  st.),  4  février.  —  Abandon  par  Juhel  de  Mayenne^ 
partant  pour  la  croisade  contre  les  AlbigeoiSy  de  tous 
les  droits  qu'il  avait  gardés  sur  les  immeubles  possédés 
par  l'abbaye,  sans  réserve  autre  que  la  justice  à 
sang, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  31  r». 
Bibl.  nat.,  fr.  22329,  fol.  763  ro.  (Extrait). 
Grosse-Duperon,  Cartulaire  de  Fontaine-Daniel,  p.  80,  n®  xlx. 

Universis  Christi  fidelîbus  presentem  paginam  inspectupis 
vel  audiluris  Juhellus,  Meduane  et  Dinani  dominus,  salu- 
lem  in  eo  qui  salus  est  omnium.  Noverit  universitas  vestra 
quod  ego,  eum  iter  peregrinationis  arriperem  ad  debellan- 
dum  contra  hostes  fidei  nostre,  contra  videlicet  Albigenses 
hereticos,  ppo  salute  anime  mee,  patris  mei  et  matris  mee  et 
uxoris  mee  Gervasie,  et  omnium  antecessorum  et  heredum 
meorum,  dedi  Deo  et  béate  Marie  et  abbatie  mee  de  F'onte 
Danielis  quam  fundavi  et  monachis  ibidem  Deo  servientibus. 
in  puram  et  perpetuam  eleemosynam,  perpetuam  libertatem 
et  quittantiam  ab  omnibus  que  mihi  vel  meis  heredibus  per- 
tinent in  universis  terris,  pratis,  piscationibus,  in  aquis  et 
in  nemoribus,  in  omnibus  insuper  que  ex  dono  meo  vel  ab 
aliis  eleemosyna  acquisierant,  que  tune  temporis  possidebant. 
Dedi  eliam  dictis  monachis  in  perpetuam  eleemosynam 
quicquid  redditus  vel  juris  habebam  in  omnibus  supradictis 
que,  ut  dictum  est,  prefati  monachi  tune  temporis  posside- 
bant. Hoc  autem  sciendum  quod  in  supradictis  nihil,  prêter 
divinam  retributionem,  mihi  vel  meis  heredibus  reservavi, 
excepto  quod  si  de  hominibus  eorumdem  monachorum  ali- 
quis  aliquid  forifecerit,  pro  quo  secundum  judicium  terre 
membrum  vel  vitam  perdere  meruerit,  meum  erit  ipsum 


—  308  — 

capere  et  de  eo  judicium  et  justitiam  facere,  ita  tamen  quod 
ejus  mobilia  monachis  ex  integro  remanebunt.  Yolo  igitur 
et  precîpio  firmîterque  constituo  ut  he  supradicte  libertates 
prefatis  monachis  iirmissime  teneantur.  Quod  ut  ratum  sit 
in  perpetuum,  presentem  feci  chartam  sigilli  mei  testimonio 
confirmari.  Actum  anno  inearnationis  dominice  millésime 
ducentesimo  decimo,  mense  februarii,  die  crastino  sancti 
Blasii. 


XIV 

1211.  —  Affranchissement  concédé  par  Juhel  de  Mayenne 
à  Marie,  sœur  de  Gautier  LeveleSy  et  à  Etienne^  fils 
de  Morgue  de  Rechonia,  à  charge  de  12  deniers  de  rente 
annuelle  payables  à  l'abbaye  de  Fontaine-Daniel,  le 
Jour  de  Noël, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  31  v». 

Ego  Juhellus  de  Meduana^  dominus  et  Dinani,  notum 
facio  universis  presens  scriptum  inspecturis  quod  ego  con- 
cessi  Marie,  sorori  Gallerii  Leveles  \  et  Slephano,  filio 
Rorgues  de  Rechonia,  et  heredibus  quos  dicta  Maria  habe- 
bit  de  eodem  Stephano,  libertatem  habendam  et  tenendam 
pep  totam  terram  pacifiée  et  quiète.  Si  vero  dictus  Stepha- 
nus  nature  solverit  debitum  sine  herede  habendo  de  dicta 
Maria  et  eadem  Maria  alium  virum  duxerit  qui  non  sit  de 
meis  burgensibus,  ego  predictam  libertatem  concedo  eidem 
viro  et  heredibus  illius  quos  habebit  de  predicta  Maria, 
habendam  et  tenendam  pacifice  et  quiète.  Item  franchivi  * 
eidem  Marie  et  heredibus  suis  domum  defuncti  Radulphi 
Fabri,  et  hortum  eidem  pertinentem,  que  dictus  Galterius 
dédit  in  puram  eleemosynam  eidem  Marie  et  suis  heredibus. 
nia  et  heredes  sui  pro  tàli  franchisia  reddent  singulis  annis 
duodecim  denarios  in  die  natali  Domini  Deo  et  abbatie  de 
Fonte  Danielis.  Ut  autem  hoc  ratum  habeatur  et  inconcus- 
sum,  ego  3,  pro  amore  et  servicio  dicti  Galterii,  presens 
scriptum  sigilli  mei  testimonio  confirmavi.  Actum  anno  gra- 
tie  millesimo  ducentesimo  undecimo. 


1.  Des  documents  postérieurs  donnent  la  forme  Levesel. 

2.  Franchavi  in  codice. 

3.  Egro  in  codice. 


309 


XV 

1212.  —  Donation  par  Jiihel  de  Mayenne  de  la  terre 
d'Hugues  Bretely  échue  au  donateur  par  la  forfaiture  de 
Marthey  fille  du  dit  Bretely  et  de  son  mari  Geoffroy 
Bicolne  qui  s'étaient  retirés  en  Angleterre. 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254.  fol.  28  r». 

Grosse  -  Duperon ,    Cartulaire    de   Fontaine  -  Daniel ,   p.    93, 
n»  Lxiv. 

Sciant  omnes  qui  hoc  audierint  vel  viderint  quod  ego 
Juhellus,  dominus  Meduane  et  Dinani,  pro  salute  anime  mee, 
in  puram.  liberam  ab  omnibus  et  quietam  et  perpetuam 
eleemosynam  dedi  Deo  et  abbatie  mee  de  Fonte  Danielis 
omnem  terram  Hugonis  Bretel,  cum  omnibus  pertinentiis 
suis,  quicquid  autem  ^  in  mea  potestate  ad  eum  spectabat  jure 
hereditario,  que  ad  me  devenerint  jure  hereditario  possi- 
denda,  forifacto  Agathe  filie  ejus  et  heredis,  et  Gaufridi 
Bicolne  mariti  ejus,  secundum  judicium  factum  in  curia 
domini  régis  contra  omnes  illos  qui  ab  ipso  in  Angliam 
cum  inimicis  ejus  et  regni  ejus  voluntate  *  propria  recesse- 
runt.  Quod  ut  firmum  et  ratum  sit  in  posterum,  ego,  qui 
hujus  eleemosyne  conservator  sum  pariter  et  protector,  ad 
majorem  iirmitatem  presentem  chartam  feci  sigilli  mei  tes- 
timonio  confirmari.  Actum  anno  gratie  millesimo  ducente- 
simo  duodecimo. 


XVI 

1215,  1*""  avril.  —  Assignation  d'une  rente  de  vingt  sous 
mansais  à  prendre  sur  la  préçoté  de  Mayenne  pour  être 
distribués  aux  {voyageurs  de  Clteaujr  et  aux  pauvres, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  f»  28  y». 

Grosse-Duperon,    Cartulaire    de    Fontaine-Daniel,    p.    105, 
n*»  Lxxx. 

Noverint  universi  présentes  et  posteri  quod  ego  Juhellus, 
Meduane  et  Dinani  dominus,  assignavi  vigintî  solides  ceno- 
manensium  ^  percipiendos   singulis  annis  in   festo  sancti 

1.  Aut  in  codice. 

2.  YoluDtati  in  codice. 

3.  Cenomaoenses  in  codice. 


—  310  — 

Joannis  Baptiste  in  prepositura  mea  de  Meduana,  quos 
abbas  de  Fonte  Danielis,  pro  sainte  anime  mee  et  anteces- 
sorum  et  heredum,  in  via  capituli  Cisterciensis  ordinis 
peregrinis  et  pauperibiis  erogabit.  Ut  autem  hoc  fîrmum 
sit  in  perpetuum,  sigilli  mei  presens  scriptum  feci  testimo- 
nio  roborari.  Aetum  kalendas  aprilis  anno  gratie  millesimo 
ducentesimo  decimo  quinto. 


XVII 

1216.  —  Donation  par  Isabelle  de  Mayenne  (Tun  marc 
d'argent  de  rente  à  prendre  sur  la  recette  des  cens  du 
Bourgnouvelj  pour  le  repos  de  l'dme  de  Pierre  de 
Craon, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fo  29  r». 

Noverint  omnes  qui  bec  viderini  vel  audierint  quod  ego 
Isabel  de  Meduana.  cum  voluntate  dilecti  filii  mei.  dedi 
abbatie  noslre  de  Fonte  Danielis  unam  marquam  argenti 
annui  reditus.  in  censibus  meis  de  Burgo  novo  festo  omnium 
Sanctorun  capiendam  per  manum  illius  qui  dictos  census 
recipiet  quoquo  modo,  pro  anima  carissimi  filii  mei  Pétri 
de  Credone  et  omnium  aliorum  filiorum  meorum.  Sciendum 
vepo  est  quod  si  serviens  meus  vel  ille  qui  census  meos 
recipiet  ad  dictum  terminum  dictam  marquam  requisitus 
non  persolverit,  de  pena  irremissibili.  si  monacki  ita  volue- 
rint,  cum  septem  solidis  conomanensium  •  emendabit.  Quod 
ut  firmius  in  perpetuum  conservetur,  ego  presentem  char- 
tam  feci  sigilli  mei  testimonio  r<oborari.  Actum  anno  gratie 
millesimo  ducentesimo  sexto  decimo. 


XVIII 

1216.  —  Confirmation  par  Maurice  de  Craon  de  la 
donation  faite  par  sa  sœur  Constance  d'une  rente  de 
20  sols  tournois  à  prendre  sur  le  trépas  de  la  Loire  à 
Chantocé, 

Cabinet  Brière  au  Mans,  copie  sur  papier,  du  xvii^  siècle. 

Universis  Christi  fidelibus  presens  scriptum  inspecturis 
Amauricus,  dominus  Credonis,  salutem  in  Domino.  Sciatis 

1.  Cenomanensibus  in  codice. 


—  311  — 

quod  soror  mea  Constancia  < ,  pro  salute  anime  '  fratris  mei  et 
sui  Pétri  de  Credone,  dédit  in  puram  et  perpetuam  elemosi- 
nam  et  concessit  abbatie  de  P'onte  Danielis  et  monachis  ibi- 
dem Deo  servientibus  viginti  solides  turonensium  perpetui 
redditus.  apud  Chantoceium  in  passagio  Ligeris  singulis 
annis  similiter  dimidia  quadragesima  capiendos  cum  aliis 
viginti  solidis  ^  quos  antea  ipsi  monaclii  ex  dono  ipsius 
Constancie  in  dicto  passagio  habebant  per  manum  illius 
qui  illud  passagium  recipiet  quoquo  modo.  Hanc  autem  ele- 
mosinam  ego  Âmaurious,  ad  petitionem  prefate  sororis  mee, 
prefatis  monachis  bona  fide  concessi  perpetuo  possidendam. 
Et  ut  hoc  firmius  in  perpetuum  teneatur,  presentem  [car- 
tam]  feci  sigiili  mei  testimonio  roborari.  Actum  anno  gratie 
M"  ce*  sexto  decimo. 


XIX 

1216.  —  Assignation  par  Juhel  de  Mayenne,  sur  la  ferme 
de  Lassay,  d'une  somme  de  vingt  Usures  à  prendre  le 
22  juillet  de  chaque  année  jusqu'à  Vachèvement  du  dor^ 
toir  de  l'abbaye  commencé  par  Isabelle  de  Mayenne. 

Bibl.  nal.,  lat.  n.  acq.  1254,  fo  29  vo. 

Grosse  -  Duperon   CarUilaire    de   Fontaine  -  Daniel ,    p.    110, 
n»  Lxxxv. 

Universis  presens  scriptum  inspecturis  Juhellus  de 
Meduana,  dominus  et  Dinani,  salutem.  Sciatis  quod  ego, 
ad  preces  carissime  matris  mee  Isabelis  de  Meduana, 
concessi  in  puram  eleomosynam  monachis  meis  de  Fonte 
Danielis  quod  si  eam  mori  contigerit  antequam  perficeretur 
dormitorium  Fontis  Danielis  cum  pertinentiis  suis,  quod 
ipsa  inceperat,  viginti  libre  cenomanensium  ^,  quas  ad  hoc 
assignaverat  in  firma  de  Lacaio,  singulis  annis  festo  béate 
Marie  Madgalene  similiter  caperentur,  donec  totum  opus 
dormitorii  cum  suis  pertinentiis  ex  integro  perficeretur.  Ut 
autem  hoc  firmius  teneatur,  presens  scriptum  feci  sigiili 
mei  testimonio  roborari.  Âctum  anno  gratie  millesimo 
ducentesimo  decimo  sexto. 


1.  Quo  Catherina  soror  mea  Constancia  in  codice. 

2.  Catherini  in  codice. 

3.  Solidos  in  codice. 

4.  Cenomanenses  in  codice. 


312 


XX 

1218.  —  Donation  par  Juhel  de  Mayenne  de  ses  halles  de 
Mayenne  aifec  tout  droit  de  juridiction^  à  la  résen^e  de 
la  justice  à  sang. 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  29  r». 

Universis  Christi  fidelibiis  presens  scriptum  inspecturis 
Juhellus,  Meduane  et  Dinani  dominus,  saluicm.  Noverit 
universitas  vestra  quod,  in  honorem  bealorum  apostolorum 
Simonis  et  Jude  et  pro  salute  anime  mee,  patris  mei  et 
matris  mee  et  uxoris  mee  et  antecessorum  et  heredum  meo- 
rum,  dedi  Deo  et  béate  Marie  et  abbatie  mee  de  Fonte 
Danielis  quam  fimdavi,  omnes  cohuas  meas  de  villa  Meduane 
cum  omnibus  perlinentiis  suis,  et  concessi  in  puram  et  per- 
petuam  eleemosynam  possidendas,  ita  libère  et  quiète  ut 
nullus  possit  aliquid  facere  per  quod  predictarum  cohuarum 
redditus  minuatur.  Preteroa  jussi  et  institui  ut  omnes  ven- 
dentos  et  ementes  in  predicta  villa  Meduane,  tam  de  blado 
quam  de  omnibus  aliis  rébus  pro  quibus  stalla  tenere  vel 
conducere  debent,  justitia  et  discretione  servientis  quem  ibi 
habebunt  monachi  in  predictas  cohuas  venire  cogantur,  qui 
servions  potestatem  habebit  plenariam  tam  in  villa  Meduane 
quam  in  omni  castellania  capiendi  omnes  illos  vel  res  eorum 
qui  se  a  prefatis  cohuis  subtraxerint  et  cmendationem  eorum, 
que  sibi  adjudicabitur,  capere  poterit,  si  tamen  monachis 
placuerit.  Si  vero  aliquis  de  redditu  cohuarum  servienti 
monachorum  contendere  aut  vim  inferre  presumpserit,  tune 
serviens  meus  feodalis,  ad  petitionem  servientis  monachorum, 
illum  rapiet  vel  res  ipsius  et  ei  tradet,  mediante  judicio, 
puniendum.  Dedi  etiam  prefatis  monachis  omnia  jura  et 
expleta  que  pro  occisione  et  excessibus  cohuarum  potest 
provenire  ;  sed  si  forte  aliquis  in  prefatis  cohuis  aliquem 
interfecerit.  de  interfectore  justitiam  mihi  retinui  faciendam, 
excepto  quod  si  interfector  de  hominibus  fuerit  monacho- 
rum ipsi  res  ejus  et  capitalia  habebunt  absolute.  Si  vero 
accident  quod  predicte  cohue  quolibet  incendio  combu- 
rantur  aut  omnia  vetustate  vel  guerrarum  infortunio  devas- 
tentur,  [volo]  ut  merramentum  in  foresta  meacapiant  monaclii 
ad  ipsas  faciendas  et  reparandas  et  quadrigas  féodales  [ad] 
merramentum  cohuis  necessarium  subvehendum.  Ut  autem 
hec  eleemosyna  in  parte  pro  anima  Mauritii  *  de  Credone, 

1.  Mauritius  in  codice. 


—  313  — 

fratris  mei,  facta  nulla  possit  alicujus  machinatione  violari 
et  ut  perenne  robur  obtineat,  presentem  chartam  sigilli  mei 
munimine  roboravi.  Actum  anno  gratie  millesimo  ducente- 
simo  octavo. 


XXI 

1219.  —  Donation  d'Herbert  Do  par  Juhel  de  Mayenne. 
Bibl.  nal.,  lai.  n.  acq.  1254,  f»  28  r<». 

Universis  presens  scriptum  inspecturis  Juhellus  de  Me- 
duana,  dominus  Dinani,  salutem.  Noverilis  quod  ego,  pro 
salute  anime  mee  et  antecessorum  et  heredum  meorum, 
dedî  Deo  et  béate  Marie  et  monachis  abbatie  mee  de  Fonte 
Danielis  in  perpetuam  eleemosynam  hominem  meum  Her- 
bertum  Do  et  heredes  ejus,  cum  omnibus  tenementis  ejus, 
liberos  ab  omnibus  que  ad  me  et  ad  heredes  meos  perti- 
nent, et  immunes.  Quod  ut  ratum  et  stabile  teneatur  in 
perpetuum,  presenlcm  paginam  feci  sigilli  mei  testimonio 
roborari,  anno  gralie  millesimo  ducenlesimo  decimo  nono. 

(A  suivre). 


1  H1«ISTR4T  RÊYOLliTIONNÂIRE 

FRANÇOIS    MIDY 

(1752-1807). 


I 

Le  personnage  dont  nous  allons  entretenir  le  lecteur 
n'est  pas  un  grand  homme  et  aucun  de  ses  actes  ne 
parait  de  nature  à  attirer  l'attention  sur  lui.  C'est  un 
simple  bourgeois,  un  petit  magistrat  de  petite  ville  de 
province,  qui,  poussé  par  les  événements,  eût  pu,  lui 
aussi,  jouer  un  rôle  pendant  la  Révolution,  comme  ses 
amis  Volney  et  Esnue-Lavallée,  si  son  honnêteté,  et 
peut-être  aussi  le  soin  de  sa  santé,  ne  l'avaient  maintenu 
dans  les  rôles  subalternes. 

Du  reste,  son  intelligence  véritable  (il  était  avocat  en 
Parlement)  *,  mais  ordinaire  en  somme,  ne  le  portait 
pas  à  prononcer  des  discours  et  à  se  mettre  en  avant.  Il 
se  contentait  de  remplir  avec  exactitude  les  différents 
postes  qui  lui  furent  confiés  successivement. 

Si  nous  parlons  de  lui,  c'est  qu'il  est  le  type  de  beau- 
coup de  magistrats  de  son  époque.  Surpris  par  la  Révo- 
lution, rallié  par  intérêt  au  nouvel  ordre  de  choses, 
cherchant  à  s'y  faire  une  place,  hurlant  peut-être  parfois 


1.  Il  prend  ce  titre  au  bas  d'une  lettre  du  7  février  1790  adressée 
à  M.  Treilhard. 


—  315  — 

aTec  les  loups,  c'est-à-dire  les  puissants  du  jour,  mais 
bornant  à  des  paroles  l'expression  de  ses  opinions 
républicaines,  il  recula  toujours  devant  des  actes  qui 
eussent  répugné  à  sa  conscience.  Aussi,  d'abord  comme 
receveur  des  Vingtièmes  et  procureur  du  Roy  au  gre- 
nier à  sel  de  Craon,  comme  juge  au  Tribunal  de  cette 
ville,  comme  accusateur  public  près  le  Tribunal  criminel 
de  département,  puis  comme  juge  au  Tribunal  civil  de 
Laval,  enfin  comme  avoué  près  ce  Tribunal,  vers  la  fin 
de  sa  vie,  s'était-il  fait  partout  de  nombreux  amis,  dont 
il  nous  a  encore  été  donné  de  connaître  quelques-uns, 
qui  avaient  conservé  de  lui  un  excellent  souvenir  et  van- 
taient son  urbanité  et  son  zèle  pour  rendre  service  à  tous 
ceux  qui  s'adressaient  à  lui. 

François  Midy  était  né  à  Limoges  le  8  juin  1752  ^ 
Dans  une  lettre  du  29  janvier  1791,  adressée  au  Comité 
des  pensions  de  l'Assemblée  Nationale,  dans  le  but 
d'obtenir  un  secours,  il  raconte  les  malheurs  de  sa  jeu- 
nesse jusqu'à  son  arrivée  en  Anjou  2. 

«  Le  sieur  Midy  n'a  éprouvé  depuis  qu'il  existe  que 
des  événements  malheureux.  A  l'âge  de  treize  ans,  il  a 
perdu  son  père,  receveur  ancien  et  alternatif  des  tailles 
de  rÉlection  de  Bourganeuf,  généralité  de  Limoges. 
Trop  jeune  encore  pour  être  reçu  dans  ces  charges,  sa 
mère,  pour  les  lui  conserver,  fut  obligée  de  donner  un 
homme  au  Roi.  Elle  fit  donc  recevoir  dans  ces  charges 
le  sieur  Ronchon,  commis  de  son  mari,  pour  les  exercer 
jusqu'à  la  majorité  de  son  fils.  II  en  coûta  10.000  livres. 
A  peine  le  sieur  Ronchon  fut-il  pourvu,  qu'il  augmenta 
ses  dépenses  et  parvint,  aidé  des  receveurs  généraux 
qu'il  trompait,  à  faire  un  vuide  dans  la  caisse  de  plus  de 
50.000  livres.  Sa  caisse  étant  vérifiée,  il  fut  destitué. 
Pour  remplir  ce  déficit,  on  s'attaqua  aux  charges  qui 

1.  Fils  de  Léonard  Midy  et  de  Marie  Laury. 

2.  Craon,  de  même  que  Chàteau-Gontier,  faisait  partie  de  l'An- 
jou. En  1790,  ces  deux  villes  et  leurs  alentours  avaient  été  réunies 
ftu  nouveau  département  de  U  Mayenne. 


—  316  — 

furent  vendues  en  1775  par  arrêt  du  Conseil,  où  le  sieur 
Midy  avait  été  en  instance  pendant  plus  de  cinq  ans. 

«  Par  ces  événemens  le  sieur  Midy,  sans  fortune,  eut 
recours  à  M.  Turgot,  alors  contrôleur  général,  qui  Fho- 
norait  de  sa  protection.  M.  Turgot  ne  put  lui  donner 
dans  ce  moment  qu'une  place  dans  la  Régie  des  messa- 
geries. 11  se  livra  avec  zèle  à  ce  nouvel  établissement 
pour  le  service  public.  Il  a  eu  le  malheur,  à  Yalenciennes, 
de  perdre  le  bout  du  doigt  de  la  main  droite  par  la  mala- 
dresse d'un  postillon  de  la  Poste.  M.  de  Cluni  détruisit 
cette  Régie  et  le  sieur  Midy  fut  supprimé  avec  les  autres 
employés. 

«  Ce  fut  alors  que  M.  Dailly,  qui  avait  connu  les 
malheurs  du  sieur  Midy,  étant  chez  M.  d'Ormesson, 
intendant  des  Finances,  parla  de  lui  à  M.  Necker  et  lui 
fit  donner  la  place  de  contrôleur  des  Vingtièmes.  11  fut 
nommé  à  cet  emploi  le  1"  juin  1778,  avec  1.200  livres 
pour  appointemens,  frais  de  voyages,  de  tournées,  de 
bureau  et  tous  autre  frais  quelconques.  Il  lui  fut  assi- 
gné rÉlection  de  Chàteaugontier.  » 

Suit  rénumération  des  travaux  exécutés  par  lui, 
d'abord  sous  les  yeux  de  l'inspecteur  résidant  à  Laval, 
puis  à  Château-Gontier.  Mais  il  fut  atteint  d'une  grave 
maladie,  occasionnée  «  par  l'assiduité  du  travail  du 
cabinet,  et  qui,  lui  obstruant  tous  les  viscères,  l'obligea 
à  interrompre  ses  travaux  ».  Cette  maladie,  «  dont  il  ne 
s^est  jamais  remis  complètement,  étant  depuis  ce 
moment  sujet  à  de  fréquents  accès  de  goutte  »,  avait 
duré  du  mois  d'août  1781  au  mois  de  mai  1783.  Une  fois 
guéri,  Midy  songea  à  se  marier. 

«  Quelque  temps  après,  j'eus  l'occasion  de  connaître 
M**'  Déan,  anglaise,  filleule  de  Monsieur  *  et  de 
^jrne  Adélaïde  ^^  alors  pensionnaire  au  couvent  des 
Ursulines  d'Argenteuil,  aujourd'hui  mon  épouse.  Je  me 
donnai  des  soins  pour  obtenir  l'agrément  du  prince  et  de 

1.  Le  comte  de  Provence,  frère  de  Louis  XVI,  depuis  Louis  XVIIL 

2.  Fille  de  Louis  XV  et  tante  du  Roi. 


—  317  — 

princesse.  Sur  les  informations  qu'ils  firent  prendre,  ils 
voulurent  bien  me  Taccorder.  Toute  notre  fortune  con- 
sistait alors  en  une  place  qui  me  valait  1.500  livres, 
dans  la  charge  de  procureur  du  Roi  au  grenier  à  sel  de 
Craon,  du  produit  de  600  livres  ^,  en  une  pension  de 
400  livres  et  300  livres  sur  les  Économats,  au  total 
2.800  livres.  Je  comptais  encore  sur  une  gratification 
annuelle  que  M"'  Adélaïde  avait  eu  la  bonté  d'accorder 
à  mon  épouse.  Mais,  depuis  mon  mariage,  en  1783,  je  n'ai 
touché  ni  la  pension  de  Monsieur,  ni  cette  gratification  ^.  » 

En  somme  les  revenus  des  époux  Midy  étaient  réduits 
à  2.400  livres,  à  supposer  qu'il  n'eût  aucune  ressource 
personnelle,  dont  il  a  évité  de  parler,  et  dans  une  petite 
somme,  minime  sans  doute,  qu'il  devait  toucher  en  qua- 
lité de  sénéchal  de  l'abbaye  bénédictine  de  Nyoiseau 
près  Segré  '^. 

Cette  situation  était  peu  brillante,  mais  permettait 
encore  au  ménage  Midy  de  vivre  honorablement,  lorsque 
la  Révolution  de  1789  vint  tarir  la  plupart  de  ces  reve- 
nus. Les  Vingtièmes  supprimés,  plus  de  receveur;  la 
gabelle  renversée,  plus  de  procureur  du  Roi  au  grenier 
à  sel  ;  la  pension  de  M™'  Midy  sur  les  Economats  était 
bien  menacée.  Les  ressources  sur  lesquelles  pouvait 
compter  le  ménage  disparaissaient  successivement. 
Midy  ne  cesse  cependant  de  solliciter  de  tous  côtés. 
11  écrit  à  Madame  Adélaïde,  à  son  intendant,  l'abbé  de 
Ruallin,  à  un  parent,  M.  Midy  de  la  Gréneraie,  conseil- 
ler au  Parlement  de  Rouen  et  collègue  de  l'abbé  de 
Ruallin,  à  M.  Dailly  son  protecteur  ^,  à  Volney,  au 

1.  M^I'  Déan  apportait  en  dot  une  somme  de  12.000  livres 
employée  en  l'acquisition  de  cette  charge. 

2.  Lettre  du  25  décembre  1789  adressée  à  M.  l'abbé  de  Ruallin, 
conseiller  clerc  au  Parlement  de  Rouen  et  intendant  de  Mesdames, 
tantes  du  roi. 

3.  Midy  écrit  à  diverses  reprises  à  Tévéque  d'Autun,  à  Treilhard, 
membres  du  Comité  ecclésiastique  de  l'Assemblée  Nationale,  etc., 
pour  le  règlement  des  affaires  de  cette  abbaye. 

4.  Premier  commis  des  finances  pour  les  impositions.  Sans 
doute  le  même  que  M.  d'Ailly,  député  de  Chaumont  en  Yexin  à 
TAssemblée  Nationale. 


—  318  — 

Comité  des  Pensions  de  TAssemblée  nationale,  pour 
obtenir  des  secours  ou  une  pension.  Rien  ne  lui  réussit. 
Les  revenus  de  Mesdames  de  France  étaient  bien  dimi- 
nués et  ne  leur  laissaient  plus  le  moyen  de  répandre 
leurs  bienfaits  autour  d'elles,  et  les  finances  de  la  France 
étaient  tellement  obérées  qu'elles  ne  permettaient  pas 
d'accueillir  les  demandes  qui  affluaient  de  tous  côtés. 
Tout  s'effondrait  devant  ce  pauvre  Midy  qui  ne  pouvait 
plus  compter  que  sur  le  remboursement  de  sa  charge  de 
procureur  du  Roi  au  grenier  à  sel.  C'était  bien  peu. 
Aussi  jugea-t-il  prudent  d'adhérer  au  nouvel  ordre  de 
choses,  qui  sans  doute  pourrait  remplacer  en  partie  ce 
qu'il  perdait;  tout  en  continuant  cependant  à  solliciter 
de  tous  côtés  des  secours  qu'il  ne  devait  jamais  obtenir. 
11  avait  du  reste  déjà  commencé  son  évolution  quel- 
ques mois  auparavant.  C'est  lui,  probablement,  qui 
rédigea  le  Cahier  des  doléances  de  la  paroisse  de 
Saint- Aignan-sur-Roë,  lequel  «  renferme  tout  un  pro- 
gramme de  gouvernement,  fait  par  un  candidat  à  la 
députation,  mais  ne  s'occupe  pas  des  intérêts  locaux  ». 
Midy  fut  l'un  des  deux  députés  choisis  par  la  dite 
paroisse  pour  faire  partie  de  l'Assemblée  préliminaire 
du  Tiers-Etat  réunie  à  x\ngers  le  9  mars  1789.  Mais  il 
ne  fut  pas  conservé  au  nombre  des  électeurs  réduits  au 
quart  appelés  à  nommer  les  députés  aux  États-Géné- 


raux 


1 


Au  mois  de  juillet  1789,  à  la  nouvelle  de  la  prise  de 
la  Bastille,  toutes  les  villes  de  France  voulurent  avoir 
leur  milice  nationale.  Craon  suivit  l'exemple  donné  par 
les  villes  voisines.  Elle  aussi  eut  sa  garde  bourgeoise, 
composée  de  six  compagnies  et  commandée  par  le  pré- 
sident du  grenier  à  sel,  Doussault.  Midy  faisait  partie 
de  l'état-major  2. 

1.  Laurain,  Les  doléances  de  Saint- Aignan-sur-Roë,  dans  la 
Revue  du  Maine,  1902,  pages  73  et  s.,  et  Abbé  Angot,  Dictionnaire 
de  la  Mayenne,  t.  III,  p.  46. 

2.  (20  juillet). 


—  319  — 

On  ne  voit  pas  cette  garde  intervenir  dans  Témeute 
qui  se  produisit,  au  commencement  du  mois  d'août, 
contre  le  seigneur  de  Craon,  le  marquis  de  la  Forêt 
d'Ârmaillé.  Après  le  14  juillet,  celui-ci,  ne  se  sentant 
plus  en  sûreté  à  Paris,  était  revenu  secrètement  à  son 
château,  où  il  se  tenait  confiné.  Cependant  sa  présence 
fut  signalée  à  Craon.  Aussitôt  la  ville  se  souleva  pour 
exiger  de  lui  l'abandon  d'une  prairie  qu'il  avait  enclose 
dans  son  parc  et  qui  auparavant  servait  de  promenade 
aux  habitants.  M.  Doussault  accourut  au  château,  suivi 
de  quelques  amis  et  de  ses  officiers,  pour  protéger 
M.  d'Armaillé  contre  les  menaces  de  la  foule  qui  avait 
déjà  arraché  les  grilles,  enfoncé  les  portes  et  envahi 
tous  les  appartements.  Le  marquis  avait  d'abord  refusé 
de  rendre  la  prairie,  mais  il  dut  céder  enfin  et  laisser 
brûler  son  chartrier  *. 

Peu  de  temps  après  il  se  forma,  parmi  les  gardes 
nationaux,  une  compagnie  de  volontaires,  composée  de 
jeunes  gens  aisés  qui,  pouvant  disposer  de  leui:  temps, 
s'étaient  offerts  pour  faire  le  service  des  patrouilles  de 
jour  et  de  nuit,  les  jours  de  dimanches  ou  de  fêtes  et 

1.  De  Bodard,  Chroniques  Craonnaises,  pages  374  et  s.,  et 
Amende  honorable  d'un  gros  marquis  devenu  tambour  ou  relation 
de  ce  qui  est  arrivé  au  marquis  d*A...,  seigneur  de  Craon  en  Anjou. 
Paris,  Guillemain  Junior,  7  pages  in-S».  —  Cette  brochure  est 
écrite  sous  forme  de  lettre,  datée  du  15  août  1789,  et  adressée  à  un 
citoyen  de  Craon  habitant  Paris  (Volney  peut-être).  M.  de  Bodard, 
qui  avait  pu  encore  interroger  plusieurs  témoins  oculaires,  dit  que 
la  brochure  a  beaucoup  exagéré  les  détails  de  cette  émeute  et  les 
avanies  qu'eut  à  subir  M.  d'Armaillé.  Le  fond  seul  du  récit  serait 
exact,  c'est-à-dire  l'abandon  de  la  prairie  et  le  brûlement  du  char- 
trier. M.  André  Joubert,  Les  troubles  de  Craon  du  12  juillet  au 
ÎO  septembre  1189  d'après  un  document  inédit,  émet  la  même  opi- 
nion. —  Y.  Les  premiers  troubles  de  la  Révolution  dans  la  Mayenne» 
par  Y.  Duchemin  et  R.  Triger,  pp.  42  et  43.  D'après  le  document 
publié  par  M.  André  Joubert,  les  insultes  et  les  menaces  contre 
M.  d'Armaillé  se  produisirent  du  26  juillet  au  6  août.  Des  commis- 
saires. Lavallée,  Chartier,  Daigremont  et  Basille,  inventorièrent 
son  chartrier  et  firent  porter  tous  les  titres  féodaux  au  comité 
créé  récemment  par  la  Garde  Nationale.  Il  n'y  est  pas  question  du 
brûlement  de  ces  titres. 


—  320  — 

ceux  de  foires  ou  de  marchés  pour  éviter  aux  artisans 
ce  service  fatigant  qui  les  eût  tenus  éloignés  de  leur  tra- 
vail. Ils  choisirent  pour  officiers  MM.  Allard  et  Mercier, 
capitaines,  et  Midy  pour  commandant.  Celui-ci  s'em- 
pressa de  charger  sa  sœur  de  broder  un  drapeau  pour 
les  volontaires. 

Ceux-ci  avaient  promis  soumission  à  M.  Doussault  et 
aux  officiers  de  Tétat-major.  Mais,  le  15  novembre  1789, 
une  patrouille,  commandée  par  un  de  ces  officiers,  fut 
insultée  dans  les  rues  de  Craon  et  les  volontaires  refu- 
sèrent dès  lors  d'obéir  à  d'autres  que  leurs  capitaines. 
L'affaire  s'envenima  et  Midy,  au  nom  des  volontaires, 
adresse  plusieurs  lettres,  tant  à  Volney  qu'au  général 
La  Fayette,  comme  commandant  des  gardes  nationales 
de  France,  en  faisant  valoir  les  services  rendus  par  ces 
volontaires  pour  la  libre  circulation  des  grains  et  pour  la 
répression  d'une  émeute  qui  menaçait  de  brûler  le  gre- 
nier à  sel.  11  demandait  ce  qu'il  devait  faire  dans  la  cir- 
constance. Tous  les  deux  l'invitent  à  essayer  de  calmer 
les  volontaires  et  de  les  maintenir,  en  attendant  le  vote 
de  la  loi  portant  organisation  des  gardes  nationales  de 
France. 

L'affaire  paraissait  apaisée,  quand  une  autre  patrouille 
fut  à  son  tour  insultée,  le  16  février  1790,  par  des  gardes 
nationaux.  Les  officiers  de  cette  garde,  réunis  chez  leur 
commandant,  firent  venir  les  insulteurs  et  les  condam- 
nèrent à  12  heures  de  prison.  Mais  la  municipalité 
récemment  créée  intervint,  contestant  aux  officiers  le 
droit  de  condamner  des  citoyens  à  l'emprisonnement. 
Cette  fois  tout  l'état-major  ^  était  intéressé  à  défendre 
sa  décision  contre  la  municipalité  qui  finit  par  se  calmer 
et  une  entente  intervint.  Mais  les  volontaires,  se  voyant 
en  butte  aux  insultes  de  la  populace,  préférèrent  se  dis- 
soudre et  rentrer  dans  les  rangs  de  la  garde  nationale. 

1.  Outre  le  commandant  et  les  officiers  des  volontaires,  cette 
réunion  comprenait  les  autres  capitaines  :  MM.  Daigremont, 
Demot,  Robert,  Dugré  et  Letort  de  l'Hommeau. 


—  321  — 

Midy  en  fut  pour  son  drapeau,  dont  il  dut  faire  modifier 
les  broderies  pour  ToiFrir  à  la  garde  nationale. 

Une  première  municipalité  avait  été  en  effet  nommée 
à  Craon  le  14  février  1790.  Elle  se  composait  de  M.  de 
la  Vallée  fils,  avocat,  maire  *  ;  Jamet,  procureur  de  la 
commune  ;  Douasne,  bourgeois,  Lenseigne,  perruquier, 
Deniau,  marchand,  Nupied,  tanneur,  et  Monnier,  bou- 
langer, officiers  municipaux,  et  de  douze  notables.  C'est 
cette  municipalité  qui  eut  à  remplacer  le  18  février 
M.  Dumont,  principal  du  Collège,  récemment  décédé. 
Les  électeurs,  au  nombre  de  soixante-quinze,  choisirent 
M.  Tabbé  MarsoUier,  bénéficier  à  la  Selle-Craonnaise, 
qui  obtint  61  voix  2. 

Par  suite  de  la  nouvelle  division  de  la  France  en 
départements,  les  pays  de  Craon  et  de  Château-Gontier 
Turent  détachés  de  TAnjou  et  réunis  au  Bas-Maine  pour 
former  le  département  de  la  ^layenne.  Celui-ci  devait 
comprendre  sept  districts,  dont  Tun  serait  établi  à 
Craon  ^. 

Il  fallut  d'abord  procéder  à  l'organisation  de  l'admi- 
nistration départementale,  composée  d'un  Conseil  géné- 
ral de  trente-huit  membres  qui  devaient  désigner  huit 
d'entre  eux  pour  former  le  Directoire.  Celui-ci,  assisté 
d'un  Procureur-Général-Syndic,  devait  siéger  à  Laval  et 
s'occuper  des  affaires  courantes. 

Les  électeurs  du  Département,  réunis  à  Laval,  au 
nombre  de  397,  du  28  juin  au  7  juillet,  choisirent  pour 
représenter  le  District  de  Craon  au  Conseil  général, 
Besnard  de  TAnsaudière  ;  Basile  ^,  avocat  à  Craon  ; 


1.  Prançois-Joachim  Esnue-Lavallée,  le  futur  conventionnel. 

2.  Ses  compétiteurs  étaient  M.  Dirmand,  chanoine  à  Craon,  qui 
obtint  13  voix,  et  le  vicaire  d'Athée,  lequel,  d'après  Midy,  passait 
pour  joueur  et  ivrogne,  et  n'eut  qu'une  seule  voix. 

3.  Les  autres  districts  étaient  Laval,  Evron,  Mayenne,  Lassay, 
Emée  et  Château-Gontier. 

4.  Sébastien-François,  époux  de  Marie-Henriette  Esnue-Laval- 
lée,  né  à  Craon,  le  11  mars  1749,  mort  en  1806,  juge  à  la  Cour 
d'Appel  d'Angers. 

21 


—  322  — 

Chevalier,  notaire  à  Saint-Poix  ;  Rondelou  de  Latouche, 
notaire  à  Cossé,  et  Nupied-IIuardière,  de  Cuillé.  Ce 
dernier  fut  désigné  par  le  Conseil  pour  faire  partie  du 
Directoire. 

On  dut  ensuite  procéder  à  l'élection  des  membres  du 
district  de  Craon,  composé  également  d'un  Conseil  et 
d*un  Directoire.  Les  choix  se  portèrent  sur  Basile,  curé 
de  Livré,  nommé  président  ;  Chevalier,  huissier  à  Saint- 
Aignan;  Halligon  le  jeune,  de  Laubrières;  Fronteau  du 
Verger,  de  Denazé,  et  Trottry,  de  Cossé,  membres  du 
Directoire,  et  Pannetier,  Procureur-Syndic.  Les  autres 
membres  du  Conseil  furent  :  Doudet,  de  Saint- Aignan  ; 
Besnard  de  la  Boussardière,  de  Bouchamp  ;  Rabeau, 
de  Chérancé  ;  Morillon,  de  Méral,  et  Mettereau  de 
la  Roë. 

Mais  le  président,  M.  Basile,  ayant  refusé,  au  mois 
de  janvier  1791,  le  serment  constitutionnel,  dut  se  retirer 
et  fut  remplacé,  le  28  février,  par  Morillon,  fermier  à  la 
Subrardière.  En  même  temps,  M.  Chartier,  feudiste  à 
Craon,  entrait  au  Directoire  en  remplacement  de  Hal- 
ligon, démissionnaire  K 

Jusque  là  Midy,  dont  nous  suivons  ici  les  notes,  n'avait 
rien  obtenu,  mais  il  espérait  bien  trouver  sa  place  lors 
de  l'élection  des  juges  au  Tribunal  de  District. 

Ces  élections  eurent  lieu  vers  la  fin  de  l'année  1790  et 
furent  nommés  :  Esnue-Lavallée,  déjà  maire  de  la  ville, 
président  ;  Chassebœuf,  sans  doute  le  père  de  Volney  ; 
Doussault,  qui  devait  remplacer  au  mois  de  novembre 
suivant  le  président  nommé  député  à  l'Assemblée  Légis- 
lative 2  ;  Lacroix  et  Chauvet,  juges  ;  Douasne,  Midy, 
Lecomte-Chauvinières  et  Houdmon,  suppléants. 

Midy  eut  une  nouvelle  déception.  Mais,  Chaudet 
ayant  donné  sa  démission,  il  entrevit  le  moyen  de  pren- 

1.  Jacques- Anne-Nicolas,  époux  de  Victoire-Jeanne  Esnue- 
Lavallée. 

2.  D'après  M.  l'abbé  Angot.  C'est  Delacroix  qui  fut  nommé 
Président. 


à 


—  323  — 

dre  sa  place.  Régulièrement,  c'était  le  premier  suppléant 
qui  devait  être  appelé  à  remplacer  le  juge  démission- 
naire. Or  Midy  entreprit  de  faire  annuler  Télection  de 
Douasne,  de  telle  sorte  que,  devenant  alors  le  premier 
des  suppléants,  ce  fût  lui  qui  fut  appelé  à  occuper  le 
siège  de  Chaudet.  Il  entra  aussitôt  en  campagne  et 
rédigea  des  protestations  adressées  à  la  municipalité, 
au  district,  au  département,  au  ministre  de  la  Justice, 
établissant  que  le  sieur  Douasne,  ayant  pris  en  1789, 
sur  le  rôle  des  tailles,  la  qualité  de  bourgeois,  ne  rem- 
plissait pas  les  qualités  prescrites  par  la  Proclamation 
du  Roy  du  24  août  1790.  Celui-ci  répond  à  la  protestation 
de  son  compétiteur.  Midy  riposte  et  finalement  obtient 
gain  de  cause.  Il  est  autorisé  à  solliciter  des  lettres 
patentes  pour  prendre  place  comme  juge  au  tribunal. 

L'installation  de  celui-ci  avait  eu  lieu  le  24  janvier, 
mais  celle  de  Midy  ne  put  avoir  lieu  que  le  4  avril.  En 
même  temps  que  lui,  était  admis  en  qualité  de  Com- 
missaire du  Roy,  Basile,  en  remplacement  de  M.  Lau- 
reau  *,  dont  l'élection  avait  été  également  annulée  pour 
les  mêmes  motifs  que  celle  de  Douasne.  Midy  profita  de 
l'occasion  pour  prononcer  un  discours,  dont  nous  trou- 
vons la  copie  dans  ses  papiers,  pour  protester  de  son 
dévouement  à  la  Constitution  et  au  nouvel  ordre  de 
choses,  auquel  répondit  le  président. 

Cette  fois  notre  homme  était  pourvu.  Le  nouveau 
régime  lui  avait  procuré  une  place  qui  lui  permettait  de 
vivre  désormais  sans  inquiétudes  et  d'envisager  l'avenir 
sans  craintes.  Il  ne  devait  pas  regretter  de  s'être  rallié 
à  la  Révolution.  Aussi,  pour  donner  des  gages  à  ses 
amis,  n'hésita-t-il  pas,  le  9  avril,  à  accepter  la  prési- 
dence du  Club  dit  «  les  Amis  de  la  Constitution  »  formé  par 
vingt  citoyens  réunis  aux  Jacobins  -^  avec  Chartier  et 
Le  Sucq  pour  secrétaires  et  Deniau  pour  trésorier. 

1.  Sans  doute  Joseph,  ancien  procureur  au  Châtelet  de  Paris,  élu 
en  l'an  V-1797  député  au  Conseil  des  Cinq-Cents. 

2.  Ancien  couvent  des  Dominicains. 


—  324  — 

En  entrant  au  tribunal,  Esnue-Lavallée  avait  dû  aban- 
donner la  mairie,  où  il  fut  remplacé  par  Nupied,  tanneur. 
Douasne  ayant  aussi  donné  sa  démission,  il  manquait 
deux  officiers  municipaux  qui  furent  pris  parmi  les  nota- 
bles formant  le  conseil  de  la  municipalité,  Leroy,  mégis- 
sier,  et  Lebreton  l'aîné  *. 

Nous  trouvons  ces  renseignements  dans  un  fragment 
de  journal  rédigé  par  Midy  du  3  janvier  au  12  avril 
1791.  On  rencontre  aussi  dans  ces  feuillets  quelques 
notes  sur  les  petits  événements  dont  la  ville  est  le  théâtre. 

C'est  ainsi  qu'il  raconte,  d'après  des  témoins  ocu- 
laires, la  scène  dont  l'église  paroissiale  de  Saint-Clé- 
ment fut  le  théâtre  et  dans  laquelle  le  curé  de  Craon  et 
son  vicaire  refusèrent  de  prêter  le  serment  constitu- 
tionnel, d'abord  le  16,  puis  le  23  janvier,  en  présence  du 
maire  de  Craon,  Nupied,  de  celui  de  Saint-Clément, 
Boisseau,  et  des  officiers  municipaux  de  ces  deux  com- 
munes 2. 

Il  énumère  ensuite  les  prestations  de  serment  de 
quelques  curés  des  environs  Esnue-Lavallée  ^  de  Saint- 

1.  Les  autres  notables  étaient  Moreau,  boulanger  ;  Vuillaume, 
menuisier  ;  Gohier,  marchand  ;  Gendry,  boulanger  ;  Dugpré  père, 
mégissier  ;  Robinas,  vitrier  ;  Ganne,  forgeron  en  œuvres  blanches  ; 
Barrocher,  ferblantier  ;  Besnard,  prêtre  ;  Leroy,  tanneur  ;  Benot, 
charpentier,  et  Robert,  cordonnier. 

On  ne  voit  plus  figurer  sur  cette  liste  Forget,  sellier,  et  Joullain, 
marchand,  nommés  au  mois  de  février  1790. 

2.  Saint-Clément,  situé  dans  un  faubourg  populeux,  était  l'église 
paroissiale  de  Craon  avant  1791.  La  ville  proprement  dite  avait 
seulement  une  église  collégiale,  Saint-Nicolas,  desservie  par  des 
chanoines  et  qui  est  devenue  depuis  lors  le  siège  de  la  paroisse. 
Cela  explique  pourquoi  le  maire  et  les  officiers  municipaux  de 
Craon  s'étaient  transportés  à  Saint-Clément,  qui  venait  d'être  érigée 
en  commune  distincte,  avec  les  membres  de  cette  municipalité, 
pour  recevoir  le  serment  de  M.  Huau  de  la  Bernarderie,  considéré 
comme  curé  de  Craon,  et  de  son  vicaire,  Bouchard. 

La  commune  de  Saint-Clément,  créée  en  1791,  subsista  seu- 
lement jusqu'en  1812.  Elle  fut  alors  supprimée  et  annexée  à  la  ville 
de  Craon. 

3.  Joachim-Thomas  Esnue-Lavallée,  oncle  du  Conventionnel, 
assermenté   le  6  janvier,   était  curé  de  Saint-Michel  depuis  plus 


—  325  — 

Michel,  Moche  de  Simple,  Rousseau  de  Méral,  Létard 
de  Cossé  et  ses  vicaires. 

Il  enregistre  en  môme  temps  les  ventes  de  biens  natio- 
naux effectuées  à  Craon,  avec  les  noms  des  acquéreurs. 
Dès  le  10  janvier,  on  met  en  vente  le  prieuré  de  Saint- 
Clément  *,  sur  une  offre  de  79.000  livres.  Il  est  adjugé 
seulement  le  24,  pour  92.600  livres,  à  MM.  Besnard  de 
l'Ansaudière  et  Lair  de  la  Motte.  Au  15  avril,  le  produit 
de  ces  ventes  atteignit  941.218  livres.  Parmi  les  acqué- 
reurs on  trouve  le  curé  de  Saint-Michel,  Esnue-Lavallée 
et  Midy  lui-même,  qui,  de  concert  avec  Chartier,  achète 
les  closeries  des  Gaignardières  pour  14.400  livres. 

C'était  sans  doute  le  produit  d'un  petit  héritage  qu'il 
venait  de  recueillir  par  suite  du  décès  d'un  oncle  habi- 
tant Rochechouart.  Vers  le  môme,  temps,  il  touche  la 
moitié  du  prix  de  sa  charge  de  procureur  du  roi  au 
grenier  à  sel,  montant  à  6.000  livres.  Aussitôt,  en 
homme  pratique,  il  plaça  une  partie  de  cet  argent  en 
viages,  sur  sa  tête  et  celle  de  sa  femme,  à  MM.  de  la 
Trottry  frères,  de  Cossé,  et  leurs  femmes,  pour  une  rente 
annuelle  de  432  livres. 

Désormais  Midy  est  hors  de  peine.  Avec  la  rente  des 
époux  Trottry,  son  traitement  de  juge,  le  second  rem- 
boursement de  sa  charge,  qu'il  dut  employer  aussi  avan- 
tageusement, et  quelques  petits  biens  nationaux,  il  se 
trouvait  plus  riche  qu'il  eût  jamais  été.  Aussi  a-t-il  bien 
oublié  et  Madame  Adélaïde  et  le  comte  de  Provence  qui 
ne  peuvent  plus  lui  être  utiles.  Président  du  club  de 
Craon,  lié  avec  les  membres  du  parti  avancé,  Esnue- 
Lavallée  et  ses  beaux-frères,  Basile  et  Chartier,  il 
compte  bien  faire  son  chemin,  certain  que  tant  que 
durera  le  gouvernement  républicain  il  conservera  sa 
place,  s'il  n'en  obtient  pas  une  autre  plus  avantageuse, 
comme  cela  devait  arriver  en  1793,  lorsqu'il  fut  appelé 

de  quarante  ans.  Il  resta  dans  sa  paroisse  et  y  mourut  le  14  février 
1792. 

1.  Prieuré  bénédictin  établi  à  Saint-Clément. 


—  326  — 

comme  accusateur  public  au  tribunal  criminel  de  dépar- 
tement par  la  protection  d'Esnue-Lav allée. 

Homme  modéré  toutefois,  il  aura  soin  de  ne  pas  se 
compromettre.  On  le  traitera  peut-être  plus  tard  de 
buveur  de  sang  ^,  en  raison  de  ses  anciennes  liaisons, 
mais  sans  pouvoir  articuler  contre  lui  un  acte  quelconque 
et  précis.  Ce  qui  lui  permettra,  après  la  chute  de  Robes- 
pierre, de  poursuivre  les  Jacobins  et  les  Terroristes, 
créatures  comme  lui  d^Esnue-Lavallée,  mais  qui  n'ont 
pas  observé  la  même  prudence. 

Pendant  les  deux  années  suivantes,  nous  perdons  de 
vue  le  citoyen  Midy.  S'il  continua  à  tenir  note  de  ses 
correspondances,  ses  papiers  concernant  cette  époque 
de  sa  vie  ne  nous  sont  pas  parvenus.  Il  est  probable 
qu'il  se  contenta  de  remplir  ses  fonctions  de  juge  avec 
exactitude,  se  bornant,  pour  se  maintenir  dans  les 
bonnes  grâces  de  ses  protecteurs,  d'assister  régulière- 
ment aux  réunions  de  la  Société  des  Amis  de  la  Cons- 
titution et  d'y  applaudir  aux  motions  quelconques  qui  y 
étaient  présentées  par  ses  amis.  Toutefois  il  est  au  nom- 
bre des  électeurs  appelés,  le  2  septembre  1792,  à  élire 
les  députés  à  la  Convention  Nationale.  Il  fut  même 
nommé  le  second  des  députés  suppléants  à  cette  assem- 
blée (scrutin  du  7  septembre),  mais  ne  fut  pas  appelé  à 
y  prendre  place,  la  députation  de  la  Mayenne  étant 
restée  entière  jusqu'à  la  fin. 

Quelques  mois  plus  tard  éclata  la  guerre  de  Vendée. 
Lorsque  les  royalistes  eurent  passé  la  Loire,  le  18  octo- 
bre 1793,  et  eurent  occupé  Candé  et  Segré,  la  ville  de 
Craon  craignit  d'être  envahie  à  son  tour  et  les  fonction- 
naires de  tous  ordres  s'empressèrent  de  l'abandonner. 

Midy,  qui  venait  d'être  appelé  comme  accusateur 
public  au  Tribunal  criminel  du  département  de  la 
Mayenne,  comme  nous  le  dirons  plus  loin,  se  trouvait  à 
Laval  quand  les  Vendéens,  maîtres  de  Château-Gontier, 

1.  Lettre  de  Chartier  du  30  germinal  an  III. 


—  327  — 

Tinrent  pour  Tattaquer.  Laval  dut  être  évacuée  à  son 
tour.  Mais  les  administrateurs  du  département,  pour 
éviter  que  les  détenus,  prêtres  réfractaires  et  suspects, 
parmi  lesquels  se  trouvaient  quelques  patriotes,  fussent 
délivrés  par  les  Vendéens,  résolurent  de  les  faire  conduire 
loin  du  théâtre  de  la  guerre.  Le  23,  au  matin,  on  fit 
sortir  les  prisonniers,  liés  par  quatre,  et  on  les  dirigea, 
avec  une  escorte,  sur  Mayenne.  Mélouin,  ancien  prêtre 
du  département  de  Maine-et-Loire,  dirigeait  le  convoi, 
mais  le  quitta  en  cette  ville.  Là,  une  première  division 
fut  opérée  entre  les  prisonniers.  Les  prêtres,  séparés  de 
leurs  compagnons,  furent  emmenés  à  Lassay,  pour  être 
conduits  à  Rambouillet.  Les  autres  furent  dirigés  sur  le 
Ribay  et  Javron.  Le  convoi  y  fut  rejoint  par  divers  fonc- 
tionnaires, partis  après  eux  de  Laval,  et  parmi  ceux-ci 
le  citoyen  Midy.  Celui-ci  s'intéressa  aux  prisonniers 
patriotes,  presque  tous  anciens  fonctionnaires  destitués 
et  arrêtés  pour  cause  de  fédéralisme,  Frin-Gormeré, 
Lefèvre-Champorin,  Guitet,  Gorbineau,  etc..  et  parmi 
eux  Enjubault-Bouessay,  emprisonné  uniquement  parce 
qu'il  était  le  frère  d'ËnjubauIt-la-Roche,  alors  proscrit. 
Lorsque  le  convoi  partit,  par  Pré-en-Pail,  pour  Alençon, 
il  les  fit  séparer  des  autres  suspects  et  obtint  du  con- 
ventionnel Letourneur  qu'ils  fussent  maintenus  dans  les 
prisons  d'AIençon  tandis  que  les  autres  prisonniers 
étaient  dirigés  sur  Ghartres. 

Plus  tard,  lorsque  les  terroristes  de  Laval  furent 
poursuivis  à  leur  tour,  Enjubault-Bouessay  rédigea  un 
mémoire,  daté  du  6  nivôse  an  III-27  décembre  1794, 
pour  dénoncer  les  cruautés  exercées  contre  sa  famille, 
ses  amis  et  lui-même,  avec  l'indication  des  noms  des 
personnes  qui  pouvaient,  par  leurs  témoignages,  établir 
la  réalité  des  faits  énoncés  par  lui.  Il  rend  justice  dans 
cette  pièce  à  l'humanité  du  citoyen  Midy. 

«  G'est  à  Javron  qu'un  homme  sensible  et  bon  prit 
sous  sa  garde  treize  détenus  patriotes,  pour  les  sous- 
traire aux  dangers  qu'ils  éprouvaient  à  chaque  instant 


—  328  — 

et  les  conduire  avec  sécurité  à  Alençon,  où  ils  arrivèrent 
tous  ensemble,  vers  les  onze  heures  du  soir.  Les  soins 
généreux,  les  attentions  touchantes  du  citoyen  Midy 
adoucirent  le  malheur  de  leur  pénible  situation.  » 

Ce  mémoire,  adressé  au  citoyen  Midy  lui-même,  a 
peut-être  exagéré  quelque  peu  Téloge  de  sa  bonté.  Il 
n'en  est  pas  moins  vrai  que  son  intervention  fut  très 
favorable  aux  prisonniers.  Peut-être  même  leur  avait- 
elle  sauvé  la  vie.  Après  le  départ  de  Letourneur,  ils 
obtinrent  de  Garnier  de  Saintes  un  nouvel  arrêté,  con- 
iirmatif  du  premier,  ordonnant  qu'ils  fussent  maintenus 
dans  les  prisons  à  Alençon.  Aussi.,  malgré  les  réclama- 
tions répétées  du  Comité  révolutionnaire  de  Laval  qui 
eût  voulu  les  livrer  au  tribunal,  présidé  par  Clément,  qui 
venait  de  condamner  à  mort  Enjubault-la-Roche  et  Jour- 
dain-Durocher  comme  fédéralistes  et  n'eût  sans  doute 
pas  hésité  à  faire  subir  le  même  sort  à  ces  détenus,  les 
autorités  du  département  de  l'Orne  refusèrent  de  les 
livrer  en  s'appuyant  sur  les  arrêtés  des  représentants 
du  peuple.  De  telle  sorte  que  ces  prisonniers  purent 
attendre  en  sûreté  la  chute  de  Robespierre  et  leur  mise 
en  liberté.  Et  l'on  comprend  qu'ils  aient  conservé  des 
sentiments  de  reconnaissance  envers  le  citoyen  Midy, 
auquel  il  avait  fallu  un  certain  courage  pour  oser  s'inté- 
resser à  des  prisonniers,  au  risque  d'être  lui-même  con- 
sidéré comme  suspect. 

(A  suivre). 


LE  CADAVRE  DE  MARIE  JAGUELIN 


Le  7  février  1718,  sur  les  trois  heures  de  Taprès- 
midi,  le  lieutenant  général  criminel  en  la  sénéchaussée 
d'Anjou  et  siège  présidial  de  Château-Gontier,  François 
Pillegault,  seigneur  de  TOuvrinière,  accompagné  du 
sieur  Guilbault  de  la  Roberie,  faisant  fonction  de  procu- 
reur du  roi,  du  greffier  ordinaire  Joseph  Garnier  et  de 
quelques  autres  personnes,  se  rendit  au  cimetière  de 
Saint- Jean- Baptiste  de  ChAteau-Gontier  pour  procéder 
à  Texhumation  du  cadavre  de  Marie  Jaguelin.  Le  bruit 
courait  avec  persistance  que  cette  brune,  de  grande 
taille,  décédée  le  4  février  précédent,  à  Tâge  de  trente 
ans  environ,  et  enterrée  dès  le  lendemain  sur  les  deux 
heures  de  l'après-midi,  n'était  pas  morte  de  sa  belle 
mort  :  la  justice  voulait  savoir  à  quoi  s'en  tenir  *. 

On  manda  le  sacriste  de  peine  de  la  paroisse  et, 
lorsque  le  cadavre  eut  été  porté  dans  une  petite  cour  voi- 
sine de  l'église  et  déposé  sur  un  coffre,  l'écuyer  Jacques 
Duval,  lieutenant  de  prévôt  de  la  maréchaussée,  le  recon- 
nut formellement  pour  être  celui  de  la  fille  de  feu  Etienne 
Jaguelin  et  de  Jacquine  Cadots,  hôtelière.  Le  médecin 
Pierre  Arthuys  et  le  chirurgien  Delafuye  s'en  empa- 
rèrent alors  pour  en  faire  l'autopsie  et  ils  remarquèrent 
«  à  la  partie  inférieure  de  la  membrane  interne  de  l'esto- 
mac plusieurs  excoriations  de  différente  grandeur  avec 
plusieurs  matières  mucilagineuses  et  sanguinolentes  qui 
s'étoint  séparées  de  la  substance  de  la  ditte  membrane.  » 

1.  Arch.  de  la  Mayenne,  B  2.742. 


—  330  — 

Mais  leur  attention  fut  vite  attirée  par  le  volume  prodi- 
gieux de  la  matrice,  tout  autre  chez  la  défunte  qu'il  ne 
devait  être  «  chez  une  fille.  »  Il  en  retirèrent  un  enfant 
mâle,  bien  constitué,  d'environ  six  mois.  Les  excoria- 
tions de  l'estomac  leur  parurent  avoir  été  causées  «  par 
Faction  de  quelque  poison  caustique  et  arsenical,  comme 
sublimé  ou  arsenic,  ou  bien  par  le  suc  de  quelque  plante 
acre  et  mordicante,  comme  le  savinier,  la  persicaire  ou 
morcheval.  »  Elles  avaient  amené  la  mort  simultanée 
de  la  mère  et  de  Tenfant.  Dès  Tinstant,  les  juges  étaient 
parfaitement  éclaircis  sur  le  cas  de  Marie  Jaguelin.  Elle 
s'était  empoisonnée,  soit  que,  cherchanttout  simplement 
à  se  faire  avorter,  la  drogue  qu'elle  avait  prise  dans  ce 
but  ait  produit  un  résultat  plus  rapide  et  plus  violent 
qu'elle  n'en  espérait,  soit  qu'elle  ait  voulu  réellement 
disparaître,  frappée  d'une  inconsolable  peine  d'amour. 
Mais  dans  l'une  comme  dans  l'autre  hypothèse,  le 
crime  appelait  une  punition  exemplaire.  L'ordonnance 
de  1670  était  d'ailleurs  formelle  sur  ce  point  et  la  procé- 
dure réglée  jusque  dans  ses  moindres  détails.  «  Si  un 
homme  s'est  précipité,  desfaict  ou  homicide,  écrivait  le 
domaniste  Jehan  Bacquet,  la  cognoissance  du  délict 
n'appartient  pas  au  juge  royal,  ny  la  confiscation  au 
roy,  ains  la  cognoissance  en  appartient  au  juge  du  haut 
justicier  au  territoire  duquel  le  délict  a  esté  commis,  et 
le  juge  du  haut  justicier  pour  faire  le  procès  fera  procès 
verbal  du  lieu  auquel  le  défunct  aura  esté  trouvé  pendu 
et  estranglé  ou  autrement  homicide  ;  fera  visiter  le  corps 
mort  par  barbiers  ;  informera,  à  la  requeste  du  procu- 
reur fiscal,  de  la  vie  et  mœurs  du  défunct  et  comme  il 
s'est  homicide  ou  pendu,.,  et  de  la  cause  pour  quoy  il 
s'est  desfaict.  Ce  fait,  le  juge,  par  l'advis  des  parens  du 
défunct  ou  d'office,  créera  un  curateur  au  corps  mort 
pour  le  défendre,  dire  et  alléguer  pour  sa  justification 
tout  ce  que  bon  luy  semblera  *.  »  La  loi  civile  en  effet, 

1.  Bacquet,  Traicté  des  droits  de  justice,  chap.  VII,  n«  15. 


—  331  — 

dans  les  questions  de  cette  sorte,  cédait,  pour  ainsi 
dire,  le  pas  à  la  loi  canonique.  Les  conciles  condam- 
naient comme  anathèmes  ceux  qui,  se  donnant  intention- 
nellement la  mort,  détruisaient  l'œuvre  de  Dieu,  et  ils 
privaient  leur  dépouille  de  la  sépulture  ecclésiastique. 
Il  importait  donc  d'avoir  des  preuves  convaincantes  du 
suicide  volontaire  et  de  fournir  au  mort  un  curateur  qui 
défendit  sa  mémoire  par  tous  les  moyens  en  son  pou- 
voir. Pour  Marie  Jaguelin,  le  praticien  François  Letes- 
sier  fut  chargé  d'office  de  ce  soin. 

L'histoire  de  la  malheureuse  était  banale  entre  toutes. 
Un  clerc  de  la  ville,  Antoine  Garsel,  l'avait  remarquée  ; 
elle  s'était  laissée  conter  fleurette  de  très  près,  de  trop 
près.  Mais  la  mère  du  galant,  qui  voyait  avec  déplaisir 
l'assiduité  de  son  fils,  vint  un  jour  chez  l'hôtesse  lui 
reprocher  de  souffrir  pareille  chose.  Jacquine  Cadots, 
qui  n'y  avait  peut-être  pas  vu  malice  jusqu'alors,  défen- 
dit le  soir  même  à  Garsel  de  pousser  plus  avant.  Outré 
de  dépit  à  cette  défense,  le  jeune  homme  prit  un  chande- 
lier qu'il  trouva  à  portée  de  la  main,  et  le  lança  si  vio- 
lemment sur  la  veuve,  qu'il  lui  cassa  deux  côtes.  Après 
un  tel  exploit,  il  lui  était  difficile  de  revenir.  Il  s'en  con- 
sola d'ailleurs  très  vite.  C'était  aux  premiers  jours  de 
décembre  1717. 

Presque  dans  le  même  temps,  Perrine  Sayeux  qui 
travaillait  chez  un  droguiste  de  la  paroisse  Saint-Remy, 
Jean  Le  Thayeux,  sieur  de  la  Bertinière,  se  rendit  un 
jour,  sur  les  9  heures  du  matin,  chez  l'hôtesse  pour  y 
acheter  du  vin.  Marie  Jaguelin  était  seule  :  la  servante 
la  chargea  d'emplir  sa  bouteille  pendant  qu'elle  devait 
faire  une  course  chez  le  père  de  son  maître.  Quand  elle 
fut  de  retour,  la  bouteille  l'attendait  sur  une  table  de  la 
chambre  basse  ;  dans  la  chambre  voisine,  dont  la  porte 
était  entr'ouverte,* Marie  Jaguelin  clarifiait  une  potion 
qu'elle  avait  fait  bouillir  dans  une  petite  marmite  posée 
près  d'elle.  La  domestique  l'interrogea  :  «  Que  voulez- 
vous  faire  de  cette  damnée  drogue  ?  Dieu  que  cela  pue  ! 


—  332  — 

—  Vous  êtes  folle,  »  répondit  Tautre.  Perrine  n*en  partit 
pas  moins  avec  l'idée  que  Marie  se  médicamentait  au 
«  savignié.  » 

Deux  semaines  plus  tard,  le  18  décembre,  un  closier 
de  la  Jarossais  en  Loigné,  nommé  Michel  Bodin,  vint 
dans  la  matinée  boire  chopine  avec  le  nommé  Lepré, 
couvreur  d'ardoise  du  faubourg  d'Azé,  et,  comme  il  gelait 
assez  fort,  il  s'approcha  du  feu  pour  se  chauffer  les 
pieds.  11  aperçut  Marie  qui  surveillait  un  mélange  nau- 
séabond. «  Quelle  drogue  faites-vous  donc  bouillir-là?  » 
lui  demanda-t-il.  «  Cela  pue  comme  la  peste.  Allons  ! 
tirez-moi  cela  :  j'en  ai  mal  au  cœur.  »  Marie  alors  écarta 
son  poêlon  où  Bodin  entrevit  des  herbes  assez  sem- 
blables au  myrte,  avec  ses  petites  feuilles  vertes.  Lepré 
qui  les  vit  également,  se  mit  à  rire  et  glissa  dans 
l'oreille  de  Bodin  :  «  Ce  sont  des  herbes  qui  guérissent 
les  maladies  des  filles  !  » 

A  quelques  jours  de  là,  vers  le  l'*"  janvier,  Louise 
Collas,  la  femme  du  droguiste  voisin  Le-Thayeux,  se 
chauffait  un  après-midi  avec  Perrine,  sa  servante, 
quand  elle  vit  entrer  chez  elle  la  fille  Jaguelin.  Celle-ci 
l'aborda  et  lui  demanda,  à  mi-voix,  une  poudre  pour 
tuer  des  rats  qui  l'empêchaient  de  dormir.  —  «  Je  n'ai 
pas  d'arsenic,  »  lui  affirma  la  marchande.  —  «  Ne  pour- 
riez-vous  pas  en  avoir  ?  »  lui  répartit  l'autre  ;  «  cela  me 
ferait  plaisir.  »  Marie  revint  trois  jours  plus  tard  en 
effet,  mais  la  marchande  avait  eu  quelque  soupçon  et 
refusa  de  délivrer  à  la  fille  Jaguelin  ce  qu'elle  désirait. 

Celle-ci  n'avait  pas  cependant  perdu  toute  espé- 
rance et  elle  essayait,  vainement  d'ailleurs,  de  ramener 
l'infidèle.  Mais  le  l'*"  février,  ayant  appris  que  son 
galant  était  à  boire  chez  le  nommé  Poirier,  son  voisin, 
elle  tenta  un  dernier  coup  :  elle  alla  le  trouver,  le  supplia 
de  revenir  à  elle,  n'essuya  qu'un  refus.  Elle  partit  le 
cœur  gros.  Le  soir  une  camarade,  Françoise  Lelavandier 
vint  la  voir  :  elle  était  étendue  sur  son  lit,  toute  en  lar- 
mes et,  pensant  que  c'était  bien  fini  désormais,  elle  san- 


—  333  — 

glotait,  déclarant  qu'elle  n'y  pourrait  résister  et  qu'elle 
en  mourrait. 

Le  lendemain,  un  peu  calmée,  avec  un  peu  d'espoir 
peut-être  encore,  vers  une  heure  de  l'après-midi,  elle 
pria  sa  camarade  d'aller  chercher  Carsel  qui  devait 
assister  aux  vêpres  à  Saint-Just,  car  elle  tenait  à  lui 
dire  deux  mots.  Puis,  endolorie  au  souvenir  de  l'aban- 
don trop  certain,  désemparée  et  le  cœur  lui  crevant,  elle 
se  mit  à  parler  de  son  convoi  qui  serait  lugubre,  car  sa 
mère  n'y  appellerait  pas  les  pauvres  de  Saint-Joseph  ; 
elle  voulut  même  donner  de  l'argent  à  sa  jeune  cama- 
rade, pour  en  avoir  quelques-uns. 

Enfin  le  4  février,  vers  7  heures  du  matin,  la  veuve 
Jaguelin  venait  de  se  lever.  Elle  appela  sa  fille  qui  cou- 
chait dans  une  petite  chambre  au-dessus  de  l'auberge 
et  lui  ordonna  de  descendre  dans  la  salle  du  bas.  — 
«  Tout  à  l'heure  »,  répondit-elle.  Elle  descendit  en  effet 
quelques  instants  après  :  elle  paraissait  très  gaie. 
L'hôtesse,  qui  avait  un  fils  très  malade,  sortit  pour 
prendre  de  ses  nouvelles.  Presque  aussitôt  Marie 
remonta  dans  sa  chambre.  Â  7  heures  1/2,  la  femme 
d'un  cardeur  de  laine  qui  demeurait  à  l'auberge,  Per- 
rine  Moreau,  en  passant  près  de  la  porte  entr'ouverte, 
l'aperçut  fouillant  dans  son  armoire  que  Marie  s'em- 
pressa de  fermer  au  bruit.  A  l'interrogation  de  Perrine, 
elle  ne  répondit  pas,  mais  elle  la  suivit  dans  la  salle 
basse.  Les  deux  femmes  échangèrent  quelques  paroles  : 
et  presque  aussitôt  la  fille  Jaguelin  fut  prise  de  vo- 
missements. «  Qu'avez- vous  donc  ?  »  lui  dit  l'autre. 
«  Avez-vous  bu  de  mauvaise  eau-de-vie  ?  »  Elle  n'obtint 
pas  de  réponse.  Là-dessus,  elle  partit  pour  les  halles,  en 
vue  des  provisions  à  faire.  Lorsqu'elle  rentra,  vers  8 
heures,  elle  trouva  Marie  couchée  sur  le  lit  de  sa  mère, 
vomissant  toujours.  Comme  le  mal  empirait  à  toute  minute, 
elle  courut  prévenir  l'hôtesse  qu'elle  rencontra  au  haut 
de  la  rue  Dorée.  «  Marion,  votre  fille,  est  bien  mal,  lui 
dit-elle,  revenez-vous-en  vite.  » 


—  334  — 

Les  deux  femmes  hâtèrent  le  pas.  —  «  Qu'as-tu  donc 
Marion  ?  »  demanda  la  mère  en  entrant  dans  la  salle  et 
en  voyant  sa  fille  toute  tremblante.  —  «  Je  suis  bien 
malade  !  J'ai  froid  !  »  repartit  Marie. 

Les  vomissements  continuaient.  Les  deux  femmes 
firent  chauffer  des  serviettes  qu'elles  lui  mirent  sur  le 
ventre,  renouvelant  le  linge  de  temps  en  temps.  Mais  la 
fille  Jaguelin  se  plaignait  de  la  soif.  Perrine  Moreau  cou- 
rut chez  Poirier,  l'hôte  voisin,  chercher  du  vin  blanc, 
dont  elle  rapporta  une  chopine  du  meilleur  :  elle  fit  une 
rôtie,  qu'elle  trempa  dans  le  vin.  Marie  se  mit  à  boire 
et  parut  se  calmer  :  elle  finit  par  s'assoupir. 

Vers  une  heure,  elle  voulut  se  lever,  s'assit  auprès 
du  feu  et,  comme  on  lui  plaçait  un  oreiller  sur  le  dossier 
de  sa  chaise,  une  faiblesse  la  prit  entraînant  la  tête  vers 
la  cheminée.  La  mère  cria  à  l'aide  ;  une  voisine,  la  femme 
Aurat,  accourut  ;  on  manda  le  sieur  de  la  Rouette,  un 
chirurgien,  pour  appliquer  des  ventouses  à  la  madade  ; 
quand  il  arriva,  elle  était  morte. 

Son  cadavre  attendait,  dans  la  conciergerie  de  la  pri- 
son, que  la  justice  se  prononçât.  Mais  le  curateur  devait 
auparavant  fournir  de  défenses.  Les  moyens  dont  il  usa 
ne  lui  coûtèrent  guère  :  il  nia  tout  purement  et  simple- 
ment, même  la  grossesse,  pourtant  évidente,  repoussant 
comme  une  calomnie  les  dépositions  concordantes  des 
témoins,  prétendant  qu'au  surplus  il  ne  savait  rien  de  ce 
qu'on  lui  demandait.  Il  était  difficile  à  un  praticien  d'être 
plus  malhabile.  Dès  le  lendemain  de  son  interrogatoire, 
il  avait  d'ailleurs  quitté  Château-Gontier  et  les  juges  se 
voyaient  obligés  de  le  remplacer  par  l'adjoint  ordinaire 
Jean  Le  Rat.  Celui-ci  ne  fut  pas  meilleur,  nia  tout  éga- 
lement et  affirma  simplement,  debout  derrière  le  bureau, 
que  Marie  Jaguelin  passait  dans  le  monde  pour  une  fille 
sage. 

Le  12  février,  dans  la  chambre  du  conseil,  les  neuf 
juges  assemblés  adoptèrent  les  conclusions  du  rappor- 


—  335  — 

teur  François  Pillegault,  conformes  à  celles  du  procureur 
du  roi  qu'elles  modifiaient  cependant  sur  un  point  de 
détail.  Il  déclarèrent  <(  Marie  Jaquelin  deuement  atteinte 
et  convaincue  de  s'estre  deffaite  et  homicidée  soy  mesme 
avec  poison  ;  d'avoir  faict  pèrrir  avec  elle  l'enfant  dont 
elle  estoit  enceinte  et  d'avoir  recellé  sa  grossesse.  Pour 
réparation  publicque  de  quoy,  »  il  fut  décidé  que  sa 
mémoire  demeurerait  «  condamnée,  exteinte  et  suprimée 
à  perpétuité  »  et  que  son  cadavre  serait  «  attaché  par 
l'exécutteur  de  la  haulte  justice  sur  une  claye,  traîné 
la  teste  en  bas,  la  face  contre  terre,  par  les  rues  et  caroiz 
ordinaires  »  de  Chàteau-Gontier  «  jusques  à  la  place 
publicque,  pour  y  estre  pendue  par  les  piedz  à  une 
potence  »  ;  qu'il  y  demeurerait  attaché  pendant  une 
heure,  ayant  un  écriteau  portant  ces  mots  :  «  Homicide 

DE  SOY  MESME  PAR  POISON  AVEC  DESTRUCTION  d'eNFANT 
DONT  ELLE  ESTOIT  ENCEINTE,  ET  RECELLEMENT  DE  GROS- 
SESSE, et  ensuitte  jette  au  feu  »,  et  que  ses  cendres 
seraient  semées  au  vent,  «  l'enfant  préalablement  extrait 
du  cadavre  pour  estre  porté  dans  le  lieu  ordinaire  »  où 
Ton  enterrait  les  enfants  morts-nés  de  la  paroisse  de 
Saint- Jean-l'Ëvangéliste . 

La  sentence  fut  exécutée  le  jour  même,  à  trois  heures 
de  l'après-midi.  Nos  documents  ne  disent  pas  si  les  juges 
de  Château-Gontier  avaient  été  contraints,  comme  il 
arriva  à  certains  de  leurs  collègues,  de  saupoudrer  le 
cadavre  de  sel  pour  le  conserver  jusqu'à  la  fin  de  la 
procédure. 

E.  Laurain, 


ORIGINE  DE  GUY  r  DE  LAVAL 

Réponse  à  M.  Robert  Latouche 


M.  Robert  Latouche  revient  à  son  tour,  après  M.  A. 
Bertrand  de  Boussillon  et  moi,  sur  la  question  de  l'ori- 
gine du  premier  Guy  de  Laval.  Je  Ten  avais  prié,  sachant 
qu'il  préparait  une  thèse  sur  les  comtes  du  Maine.  Sa 
conclusion,  que  je  vais  discuter,  est  que  les  deux  chartes 
de  la  Couture  sur  lesquelles  je  m'appuyais  pour  identi- 
fier Guy  de  Danazeio  avec  Guy  de  Laval  étant  fausses, 
on  n'en  saurait  rien  tirer.  Elles  ont  été  fabriquées  de 
toutes  pièces  au  xii*  siècle,  dit  M.  Latouche,  par  les 
moines  de  la  Couture,  pour  s'attribuer  des  droits  fiscaux 
et  utiles  sur  Anvers,  au  cours  d'un  procès  où  ces  droits 
avaient  besoin  d'être  établis,  et  les  noms  de  personnages 
qu'on  y  fait  intervenir  ont  été  pris  au  hasard  dans  les 
documents  que  les  moines  pouvaient  avoir  sous  la  main. 
Guy  de  Danazeio,  en  particulier,  pourrait  bien  être  de 
la  famille  d'un  Hamelinus  de  Denacé^  cité  au  Cartulaire 
de  la  Couture  (p.  129). 

L'interprétation  des  motifs  qui  ont  déterminé  la  rédac- 
tion des  articles  d'une  charte  prétendue  fausse  du  xi^  ou 
du  xii"  siècle,  est  délicate.  On  pourrait  fournir  d'autres 
explications  que  celles  de  M.  Latouche.  De  même  la 
façon  dont  auraient  été,  d'après  lui,  raccolés  les  acteurs 
ou  témoins,  est  fort  compliquée.  Mais  enfin,  je  n'ai  pas 
lieu  d'insister  sur  ces  points  qui  n'intéressent  pas  la 
question  en  cause  :  l'identification  de  Guy  de  Laval  avec 
Guido  de  Danazeio.  Les  moines,  faussaires  ou  non, 
pouvaient  avoir  un  texte  plus  ou  moins  intact  dont  ils 


—  337  — 

auraient  pris  la  trame  historique  et  modifié  les  passages 
intéressant  leurs  droits,  et  qu'ils  auraient  complété  par 
Tadjonction  de  formules  et  de  noms  propres,  sans  se 
soucier  des  anachronismes.  On  peut  même  soutenir  que 
les  religieux  ont  simplement  reconstitué  de  mémoire  un 
document  dont  ils  n'avaient  plus  le  texte.  Quoi  qu'il  en 
soit,  Guy  de  Laval  est  bien  le  même  personnage  que 
Guido  de  Denazeio, 

Un  jugement  qui  n'est  pas  contesté,  rendu  en  1064 
par  Guillaume  le  Bastard,  nous  apprend  que,  Guy  !•'' 
de  Laval  ayant  donné  à  l'abbaye  de  Marmoutier  un  ter- 
rain dans  le  faubourg  de  Laval,  les  moines  de  la  Cou- 
ture intervinrent,  protestant  que  ce  terrain  dépendait  de 
leur  église  d'Auvers,  parce  que  Guy  l'avait  donné  à  un 
moine  nommé  Guérin,  à  condition  qu'il  dépendrait  de 
cette  église  d'Auvers. 

C'est  le  contraire,  répondait  Guy  :  j'ai  donné  ce  ter- 
rain au  moine  Guérin  pour  y  construire  un  monastère 
dont  il  devait  être  abbé,  et  auquel  il  devait  soumettre 
tout  d'abord  l'église  d'Auvers  et  tout  ce  qu'il  pourrait 
acquérir  ailleurs. 

Quelque  temps  après,  Guy  fit  devant  Guillaume 
le  Bastard  le  serment  suivant  :  Je  n'ai  jamais  voulu  que 
le  terrain  en  litige  fût  soumis  à  l'église  d'Auvers,  ni 
quand  je  l'ai  donné  au  moine  Guérin,  ni  quand  j'ai  donné 
l'église  elle-même  aux  moines  de  la  Couture.  —  Je 
traduis  en  style  direct  pour  éviter  toute  possibilité  d'am- 
phibologie. 

On  doit  savoir,  pour  comprendre  ces  donations  succes- 
sives, que  le  moine  Guérin,  au  cours  de  ses  projets 
d'érection  d'abbaye  dans  le  faubourg  de  Laval,  était 
mort  assassiné.  L'église,  seule  partie  du  monastère  qu'il 
eût  achevée,  existe  encore.  Après  cette  mort  tragique, 
Guy  de  Laval  donna  le  terrain  du  faubourg  de  Laval 
aux  religieux  de  Marmoutier  ;  c'est  ce  terrain  que  reven- 
diquaient les  moines  de  la  Couture.  Ils  le  firent  d'ailleurs 
en  vain,  car  Guillaume  le  Bastard  rendit  une  sentence 

22 


—  338  — 

conforme  aux  affirmations  de  Guy  de  Laval  et  favorable 
à  Tabbé  de  M armoutier.  Celui-ci  avait  déjà  bâti  dans  cet 
emplacement  le  prieuré  de  Saint-Martin,  dont  les  édi- 
fices sont  toujours  debout. 

Guy  de  Laval,  qui,  évidemment,  avait  donné  Téglise 
d'Auvers  d'abord  à  Guérin,  en  gratifia  ensuite  après  la 
mort  de  ce  dernier  et  le  renversement  de  ses  projets, 
Tabbaye  de  la  Couture.  Dans  le  pays  de  son  origine, 
Guy  de  Laval  était  encore  connu  sous  le  nom  de  Guide 
de  Danazeio, 

Si  Ton  admet  la  traduction  que  je  propose  du  serment 
de  Guy  de  Laval,  et  je  ne  vois  pas  comment  on  la  con- 
testerait, si  Guy  affirme  avoir  donné  aux  moines  de  la 
Couture  Téglise  d'Âuvers,  ma  thèse  est  prouvée  par 
là  même.  C'est  Guy  de  Laval  qui  a  donné  Téglise 
d'Âuvers  à  la  Couture,  c'est  lui  qui  est  le  fondateur  du 
prieuré. 

Je  ne  suppose  pas  qu'on  veuille  traduire  le  texte  du 
serment  de  Guy  de  façon  à  faire  du  moine  Guérin  le 
donateur  de  l'église  d*Auvers.  Du  reste,  le  fît-on,  que  les 
relations  entre  Laval  et  Auvers,  entre  Guy  de  Laval  et  ce 
qui  fut  la  Champagne  du  Maine,  ne  laisseraient  pas 
quand  même  de  paraître  évidentes  dans  le  texte  authen- 
tique, et  rendraient  encore  certaine  l'identification  de 
Guy  de  Laval  avec  Guido  de  Danazeio^  par  le  rappro- 
chement du  jugement  de  Guillaume  le  Bastard  et  des 
chartes  X  et  XI  du  Cartulaire  de  la  Couture. 

Les  trois  actes,  celui  de  Guillaume  le  Bastard,  qui  est 
authentique,  et  ceux  de  la  Couture  qu'on  peut  contester, 
concordent  parfaitement  pour  les  faits  historiques  qu'ils 
relatent. 

Les  relations  de  Laval  et  de  ses  seigneurs  avec  Auvers 
continuèrent  longtemps  après  la  fondation  du  prieuré 
d'Auvers  :  en  1158,  quand  il  fut  convenu  que  l'église 
de  la  Trinité  de  Laval  serait  desservie  par  quatre  moines 
de  la  Couture,  on  stipula  que  l'un  des  quatre  serait  pris 
au  prieuré  d'Auvers,  et  le  revenu  suffisant  pour  son 


—  339  — 

entretien  prélevé  sur  le  temporel  de  ce  même  prieuré  ; 
AuyersAe'Hamon  doit  son  surnom  à  Fun  des  fils  de  Guy 
de  Laval  ;  enfin,  la  Champagne  du  Maine  resta  pendant 
des  siècles  dans  la  féodalité  des  seigneurs  de  Laval. 

La  mention  du  moine  Guérin  dans  la  charte  des  reli- 
gieux de  la  Couture  est,  de  son  côté,  la  preuve  qu'ils 
étaient  renseignés  sur  les  origines  de  leurs  possessions. 

Enfin,  nous  avons  une  raison  positive  pour  identifier 
Guy  de  Laval  avec  Guida  de  Danazeio  :  c'est  que  les 
enfants  de  Guy  de  Laval  étaient  Hamon,  celui  qui  a 
donné  son  nom  à  Auvers-le-Hamon,  et  Jean,  qui  fut  reli- 
gieux de  Marmoutier.  Ce  sont  aussi  les  noms  des  enfants 
qu'on  donne  à  Guida  de  Danazeio.  Ces  rencontres-là 
ne  sont  pas  fortuites  à  la  même  époque,  sur  ce  même 
terrain;  c'est  une  preuve  d'une  identité  déjà  indiquée 
partant  d'autres  circonstances. 

Guy  de  Laval  est  donc  bien  originaire  de  la  Champagne 
du  Maine. 

Si  l'on  mé  demande,  maintenant,  d'où  Guy  de  Laval 
tirait  ce  premier  nom  sous  lequel  il  est  connu  ?  Assu- 
rément, répondrai-je,  pas  de  Denazé,  en  Anjou.  Comme 
il  fallait  chercher  une  localité  de  la  Champagne  du 
Maine,  j'avais  jusqu'ici  cru  qu'il  s'agissait  d'Avessé, 
possession  des  Laval,  et  la  forme  du  nom  rendait  pos- 
sible la  dérivation,  moyennant  une  faute  facile  à  com- 
mettre par  un  copiste,  la  confusion  des  lettres  n  et  u. 
M.  Latouche  veut  bien  m'apprendre  qu'il  y  a  dans  la 
Champagne  du  Maine  une  ancienne  seigneurie  du  nom 
de  Denezé  et  que  ce  nom  pourrait  être  celui  qu'on  trouve 
porté  encore,  dans  une  charte  de  la  Couture,  par  un 
Hamelinus  [de]  Denacé.  J'admettrais  très  bien  cette 
hypothèse  :  Guy  de  Laval  aurait  tiré  son  premier  nom 
de  Denezé,  de  Danazeia,  au  lieu  d'Avessé,  Ai^azeia^ 
que  j'avais  proposé. 

Alph.  Angot. 


LES  EX-LIBRIS  MANCEAUX 

Antérieurs  au  XIX®  siècle 

(Suite). 


Nous  pensions  terminer  aujourd'hui  l'étude  des  ex- 
libris  manceaux  antérieurs  au  xix®  siècle.  De  bien- 
veillantes communications  dont  nous  n'avons  encore  pu 
profiter  nous  permettront  cependant  de  donner  dans  le 
prochain  fascicule  trois  beaux  ex-libris  que  nous  n'avions 
pu  nous  procurer. 

Nous  faisons  à  nouveau  appel  à  l'obligeance  de  nos 
collègues  qui  posséderaient  des  reliures  armoriées,  les 
priant  de  nous  signaler  celles  qui  proviennent  d'amateurs 
manceaux. 


341  — 


DE    SaVONNIÈRES, 


Timoléon-Madelon-François,  marquis  de  Savonnières, 
seigneur  d'Entredeuxbois  et  de  Savigné-sous-le-Lude, 
d'une  famille  originaire  d'Anjou,  fut  successivement 
capitaine,  aide-major,  lieutenant-chef  d'une  brigade  des 
gardes  du  corps,  mestre  de  camp  commandant  de  cava- 
lerie et  chevalier  de  Saint-Louis.  Il  avait  épousé  en  1770, 
Anne-Marie-Marguerite- Victoire  Nau  de  L'Étang. 

En  1789,  il  comparut  à  TAssemblée  du  Maine  et  à 
celle  de  l'Anjou. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  de  gueules,  à  la  croùc  patlée  et  alaisee 
d'or. 


—  342  — 


DE    TaSCHER. 


Alexandre-François,  chevalier  de  Tascher,  fils  de 
Pierre-Louis,  seigneur  de  Pouvray  et  de  la  Salle,  et  de 
Brigitte  Le  Breton,  d'abord  capitaine  au  corps  royal 
d'artillerie,  puis  lieutenant  des  maréchaux  de  France  à 
Bellesme,  fut  nommé  chevalier  de  Saint-Louis  en  1763, 
et  mourut  sans  alliance. 

Gettte  famille  fut  maintenue  dans  sa  noblesse 
en  1667,  par  les  intendants  d'Orléans  et  d'Alençon. 

Deux  Tascher  comparurent  à  l'Assemblée  du  Maine 
en  1789. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  cTargenty  à  3  fasces  d'azur  chargées 
chacune  de  3  sautoirs  d'argent,  au  chef  cousu  de 
même  chargé  de  2  soleils  de  gueules. 


343  — 


?Ii^lli]llillll[|[|||lll[|;MaM!.lîh:i>  J 


EX  LIBHIS 
1   D.D-  LE    TEIXIER 
DK  COl^RTANVAViX. 


7'!!'ii;'::i!":Mi;:i:Piiiiil'^:^i.K4^ 


Le  Tellier. 


François-Michel-César  Le  Tellier,  marquis  de  Monl- 
mirail,  puis  de  Courtanvaux,  capitaine-colonel  des 
Cent-Suisses,  colonel-lieutenant  du  régiment  Royal, 
épousa  Louise- Antoine  de  Gontaut-Biron,  et  mourut  le 
1"  juillet  1781. 

Il  était  arrière-petit-fils  de  François-Michel,  marquis 
de  Louvois,  ministre  et  secrétaire  d'Etat,  et  d'Anne 
de  Souvré,  marquise  de  Courtanvaux  et  de  Souvré,  au 
Maine. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'azur^  à  3  lézards  d'argent  posés  en 
pal,  au  chef  cousu  de  gueules  chargé  de  3  étoiles  d'or. 


344  — 


Le  ^rE55IERDEl-AP0MERIE 

officier  au  corps  du  Génie. 

Le  Tessier. 

Etienne-Pierre  Le  Tessier  de  la  Pomerie,  lieutenant 
à  Técole  de  Mézières  en  1764,  ingénieur  en  1766,  capi- 
taine, puis  lieutenant-colonel  du  génie,  chevalier  de 
Saint-Louis  en  1791,  épousa  le  5  prairial  an  VI,  Renée- 
Françoise  Nepveu  de  Bellefille,  et  mourut  à  la  Vieillère 
(Sarthe),  le  17  novembre  1819. 

Son  fils,  qui  servit  dans  les  mousquetaires  rouges, 
épousa  en  1835,  Caroline-Louise  Jarret  de  la  Mairie,  et 
en  eut  trois  enfants  :  M"'  Brunet  de  la  Charie,  M"'  Marie 
de  la  Pomerie  et  M"®  Charles  d'Achon. 

Communiqué  par  M.  d'Achon  et  collection  du  Comte 
Lair. 

Armoiries  :  de  gueules^  au  mouton  passant  dar^ 
gent^  au  chef  cousu  cTazur  chargé  de  3  étoiles  d'argent. 


—  345  — 


DE    ThIESLIN 


Charles  de  Thieslin,  chevalier,  seigneur  de  Lorière, 
d'une  famille  originaire  de  Normandie,  mais  établie  au 
Maine  où  elle  a  possédé  de  nombreuses  seigneuries, 
vivait  en  1703  et  fut  parrain  d'une  de  ses  nièces,  fille  de 
Charles  de  Baigneux  et  de  Louise  de  Thieslin. 

A  cette  famille  appartenaient  Marie-Louise  de  Thieslin, 
femme  d'André  de  Maillé  de  la  Tour-Landry,  et  Char- 
lotte-Claudine, mariée  à  Guy  Le  Bel  de  la  Jallière. 

Collections  de  Farcy,  musée  de  Laval. 

Armoiries  :  d*azut\  à  6  gerbes  de  lin  d'or  liées  de 
gueules  et  posées  3,2  et  1, 


—  346 


Duc    DE    LA    TrÉMOILLE 


Charles-Armand-René,  duc  de  la  Trémoille  et  de 
Thouars,  pair  de  France,  comte  de  Laval,  baron  de  Vitré 
et  premier  gentilhomme  de  la  chambre  du  Roi,  épousa 
le  27  janvier  1725,  Marie-Hortense-Victoire  de  la  Tour 
d*Auvergne,  dont  nous  donnons  Tex-Hbris  à  la  page 
suivante.  Il  mourut  le  23  mai  1741,  laissant  un  fils 
mineur. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  écartelé  aux  1  et  4'  d'azur  à  3  fleurs  de 
lis  d'or,  aux  2  et  3'  contrécartelé en  sautoir^  palléd'or 
et  de  gueules  et  d'argent  à  V aigle  de  sable,  sur  le  tout 
d*or  au  chevron  de  gueules,  accompagné  de  3  aiglettes 
d'azur,  becquées,  membrées  de  gueules. 


—  347  — 


Duchesse  de  la  Trémoille. 


Marie-Hortense-Victoire  de  la  Tour  d* Auvergne, 
duchesse  de  la  Trémoille,  était  fille  d'Emmanuel-Théo- 
dore de  la  Tour  d'Auvergne,  duc  de  Bouillon,  comte 
d'Evreux,  baron  de  la  Tour  d'Auvergne,  grand  cham- 
bellan de  France,  et  de  Marie-Armande-Victoire  de  la 
Trémoille. 

Elle  était  veuve  quand  Tardieu  fils  grava  ce  bel 
ex-libris  pour  elle. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  de  la  Trémoille,  accolé  :  écartelé  aux  1 
et  4'  (Cazur,  semé  de  fleurs  de  Us  d'or,  à  la  tour  d'ar- 
gent  (la  Tour)  ;  au  2"  d'or  à  trois  tourteaux  de  gueules 
(Boulogne)  ;  au  4*  coticé  d'or  et  de  gueules  (Turenne)  ; 
sur  le  tout  parti  d'or  au  gonfanon  de  gueules  (Auver- 
gne), et  de  gueules  à  la  fasce  d'argent  (Bouillon). 


—  348  — 


Duc    DE    LA    TrÉMOILLE. 


Ce  bel  ex-libris  est  celui  de  Jean-Bretagne-Charles- 
Godefroy,  duc  de  la  Trémoille,  pair  de  France,  comte 
de  Laval,  baron  de  Vitré,  fils  des  précédents.  Il  fut  colonel 
des  grenadiers  de  P'rance,  puis  d'Artois,  brigadier  et 
maréchal  de  camp  ;  veuf  de  Marie-Geneviève  de  Durfort, 
\}  épousa  le  24  juin  1763,  Marie-Maximilienne-Louise, 
princesse  de  Salm-Kyrbourg,  dont  il  eut  entr'autres 
enfants  le  prince  de  Talmont,  général  des  armées  ven- 
déennes, marié  à  Henriette  d'Argoug'es,  fusillé  à  Laval 
le  29  janvier  1794. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  comme  précédemment. 


—  349  — 


Duchesse  de  la  Trémoille. 


Marie-Maximilienne-Louise,  princesse  de  Salm-Kir- 
BOURG,  fut  la  seconde  femme  du  duc  de  la  Trémoille. 
Elle  était  née  le  19  mai  1744,  du  mariage  de  Philippe- 
Joseph,  prince  de  Salm-Kirbourg,  et  de  Marie-Thérèse- 
Josèphe,  princesse  d*Hornes. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  Ecartelé  aux  1  et  4*  de  sable,  au  léopard 
lionne  d'argent  lampassé  de  gueules  (Wildegraves)  ; 
aux  2*  et  3*  d'or  au  lion  de  gueules  couronné  d'azur 
(Ringrave)  ;  sur  le  tout  parti  au  V  de  gueules  à 
3  lions  d'or  (Kyrburg)  ;  au  2*  coupé  de  gueules  à 
2  saumons  d'argent  accompagnés  de  4  croisettes  de 
même  (de  Salm),  et  d'azur  à  la  fasce  d'or  (Vinslingen). 


—  350  — 


Joatvic^lrochon  m  prcstatmi  ruria  rcnomancnsidecanns 


Trochon. 


Jean  Trochon,  écuyer,  conseiller  au  présidial  du 
Mans,  épousa  N.  Le  Vahier.  Il  était  fils  de  Jean  Tro- 
chon, écuyer,  banquier  au  Mans,  créateur  des  blanchis- 
series de  cire  de  cette  ville,  et  de  Marie  Meignan. 

Cette  famille,  originaire  de  Château-Gontier  et  qui  a 
formé  de  très  nombreuses  branches,  y  est  encore  repré- 
sentée de  nos  jours. 

Collections  de  M.  Mautouchet,  Comte  Lair,  de  Farcy. 

On  trouve  le  même  avec  une  légende  un  peu  diffé- 
rente. 

Armoiries  :  d'argent  à  3  merlettes  de  sable,  2  et  î. 


—  351  — 


Le  Veneur. 


Alexis-Paul-Michel  Le  Veneur,  vicomte  de  Tillières, 
né  en  1746,  officier  au  régiment  du  Roi-Infanterie,  était 
fils  cadet  de  Jacques-Tanneguy  Le  Veneur,  comte  de 
Tillières,  seigneur  de  Lignières-la-Doucelle,  au  Maine, 
maréchal  de  camp  des  armées  du  Roi,  et  de  Michelle- 
Julie-Françoise  Bouchard  d*  Aube  terre. 

Son  frère,  François,  fut  convoqué  aux  Etats-Géné- 
raux, province  du  Maine. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  d'argent^  à  la  bande  d'azur  chargée 
de  3  sautoirs  d'or^  et  non  freitée  d'or  comme  le  dit 
La  Chesnaye-Desbois. 


—  352  — 


Le  Veneur. 


Armand-Charles-Hector-Henri  Le  Veneur,  vicomte 
de  Tillières,  neveu  du  précédent,  né  le  16  novembre  1786, 
était  fils  cadet  d'Alexis -Paul- Michel -Tanneguy  Le 
Veneur,  maréchal  de  camp,  président  de  la  noblesse 
d'Alençon,  créé  comte  de  TEmpire  en  1810,  et  d'Hen- 
riette-Gharlotte  de  Verdelin. 

Famille  originaire  de  Normandie  où  elle  a  possédé  les 
comtés  de  Garrouges  et  de  Tillières. 

Collections  du  Comte  Lair,  de  Farcy. 

Armoiries  :  comme  ci-dessus. 


—  353 


Marquise  de  Voyer  d'Argenson. 

Marc-René,  marquis  de  Voyer  d'Argenson,  d'une 
famille  des  plus  anciennes  de  Touraine,  maréchal  de 
camp,  inspecteur  de  cavalerie,  directeur  des  haras, 
avait  épousé  le  10  janvier  1744,  Jeanne-Marie-Constance 
deMxiLLY,  fille  de  Joseph- Augustin,  comte  de  Mailly, 
marquis  d'Haucourt,  seigneur  de  la  Roche  de  Vaux,  au 
Maine,  chevalier  du  Saint-Esprit,  maréchal  de  camp, 
blessé  à  Rosbach,  et  de  Constance-Colbert  de  Torcy. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  écartelé  aux  1  et  4*  d'azur  à  2  lions 
léopardés  couronnés  dor^  armés ^  lampassés  de  gueules 
(de  Voyer)  ;  aux  2'  et  3*  d'argent,  à  la  fasce  de  sable 
(de  Gueffault)  ;  sur  le  tout  d'azur,  au  lion  ailé  d'or 
tenant  un  livre  ouvert  d'argent  (Venise)  ;  accolé  d'or, 
à  3  maillets  de  sinople  2  et  1. 


23 


—  354  — 


DU    BOUCHET. 


Nous  avons  déjà  publié  Tex-libris  du  comte  de  Sour- 
ches.  Celui-ci  peut  être  attribué  à  son  grand'père, 
Louis-François  du  Bouchet,  marquis  de  Sourches,  gou- 
verneur des  provinces  du  Maine,  de  Laval,  du  Perche,  et 
des  ville  et  château  du  Mans,  époux  de  Marie-Geneviève 
de  Chambes  de  Montsoreau.  Il  mourut  le  4  mars  1716. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  d'argent  à  2  fasces  de  sable. 


—  355  — 


Bourdon. 


Claude- Augustin  Bourdon  de  Grammont,  fils  de 
Claude-Augustin  et  de  Félicité-Marie  Bouchard  de  la 
Poterie,  naquit  à  Château-Gontier  le  28  septembre  1772  ; 
officier  de  marine,  chevalier  de  Saint-Louis,  il  servit  en 
Espagne  et  périt  à  Quiberon.  Sa  famille,  originaire  de 
Normandie,  descendait  directement  de  Pierre  d'Arc, 
frère  de  la  Pucelle  d'Orléans,  par  Antoinette  Ribault 
du  Mesnil  (1577).  Ce  qui  explique  qu'il  portait  les  armoi- 
ries de  Jeanne  d'Arc  au  lieu  de  celles  de  sa  famille  qui 
étaient  d'azur  au  bourdon  de  pèlerin  dor  en  pal^ 
soutenu  de  deux  lions  affrontés  de  même,  arméSy  lam- 
passés  de  gueules. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  d'azur  à  Vépée  d'argent  en  pal  pom- 
metée  d'or,  surmontée  d'une  couronne  royale  d'or  et 
accostée  de  2  fleurs  de  lis  de  même. 


—  356  — 


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DUMANS. 

Nous  avons  déjà  publié  un  ex-libris  de  Michel-René- 
François  DuMANS.  M.  Vabbé  Angot  nous  en  commu- 
nique un  autre  du  môme,  mais  un  peu  antérieur,  puis- 
qu'il ne  porte  que  la  qualification  de  seigneur  de  Bourg- 
levêque. 

Cet  ex-libris  a  été  gravé  par  Andouard  et  porte  son 
nom  :  il  est  facile  de  constater  que  les  deux  sont  bien 
Tœuvre  de  ce  graveur  dont  nous  donnons  l'étiquette 
page  suivante. 


357  — 


Collection  de  Farcy. 

Armoiries  :  rf'or  à  la  fasce  de  gueules  chargée  de 
3  étoiles  d'argent  et  accompagnée  d'une  merlette  de 
sable  en  pointe. 


%  AnDOUARD, Marchand  Libraire  % 

<►  &  Relieur  »  demeuranc  à  Laval  >  tient  •<► 

^  un  aflortîment  de  plufiears  qualités  4h 

T  de  Papiers  à  lettres  &  autres  >  de  toutes  ^ 

?  grandeurs  :  il  fait  &  vend  d&  très-  ^ 

^  bonne  Encre  >  Plumes  ,  Cires  &  Pains  i^ 

4y  à  cacheter  >  rouge  6c  noir*  ^i^ 


Andouard. 

Gabriel  Andouard,  libraire,  graveur  et  imprimeur 
à  Laval,  est  surtout  connu  pour  avoir  gravé  cinq  vues 
du  vieux  Laval  dessinées  par  Sicot.  On  a  aussi  de  lui 
quelques  vignettes. 


—  358 


DU  Plessis-Chatillon. 


César-Antoine  du  Plessis-Chatillon,  comte  de  Ru- 
gles,  fils  de  César-Antoine  et  de  N.  Le  Clerc  de  Cour- 
celles,  petit-fils  de  Pierre  oi  de  N.  de  Goué,  mourut 
en  1767,  sans  postérité.  Cette  famille,  Tune  des  plus 
anciennes  du  Maine,  est  connue  depuis  1274,  et  la  bran- 
che ainée  s'est  éteinte  en  1754. 

Communiqué  par  M.  Tabbé  Angot,  et  provient  d'un 
volume  du  presbytère  de  Chailland. 

Armoiries  :  d'argent  à  3  quintefeuilles  de  gueules. 


—  359  — 


DU    PUY    DU    Fou. 


Gabriel  du  Puy  du  Fou,  né  le  18  juin  1610,  fils  de 
René,  sire  du  Puy  du  Fou,  de  Champagne  et  de  Pesche- 
seul,  au  Maine,  marquis  de  Combronde,  et  de  Diane 
de  la  Touche-Limousinière,  acheta  120.000  -H-  une  charge 
de  conseiller  au  pariement  de  Paris.  Il  avait  épousé  en 
mars  1630,  Madeleine  de  Bellièvre,  fille  de  Nicolas, 
président  au  pariement  de  Paris,  et  de  Claude  Brûlart. 

Cette  famille  est  originaire  du  Poitou. 

Ce  bel  ex-libris  gravé  par  Picart  mesure  0,20  sur  0,21  ; 
il  est  ici  réduit  au  tiers. 

Collection  du  Comte  Lair. 

Armoiries  :  écartelé  de  gueules  à  3  macles  d'argent^ 
et  d'azur  à  la  bande  d'argent  côtoyée  de  2  cotices 
potencées  et  contre-potencées  d'or  (Champagne). 


TiBLEAD  DE  LA  PROVINCE  W  NAINE 

1762-1766 
(Suite) 


Pour  tirer  tout  le  profit  possible  du  document  dont 
nous  avons  commencé  la  publication  et  dont  le  lecteur 
pourra  voir  la  suite  dans  le  présent  fascicule,  il  serait 
d'une  incontestable  utilité  de  posséder  tous  les  rapports 
que  les  intendants  dressèrent  au  xviii*  siècle.  C'est  sans 
contredit,  écrivait  feu  notre  collègue  M.  Chardon,  la 
source  des  renseignements  les  plus  précieux  sur  le 
Maine.  Malheureusement,  ajoutait-il,  à  part  ceux  de 
Miromesnil,  ils  sont  tous  inédits.  Et  il  citait  un  passage 
fort  curieux  emprunté  à  un  document  de  ce  genre,  daté 
de  1748,  dû  à  l'intendant  Savalette  de  Magnanville. 
Mais  par  une  regrettable  habitude,  que  partagent  d'ail- 
leurs encore  beaucoup  d'érudits,  il  oubliait  de  nous  dire 
où  se  trouve  le  manuscrit  de  ce  mémoire  «  intitulé  Elec- 
tion du  Maine,  127  feuillets  in-folio,  relié  en  veau 
plein  ^  »  Quelqu'un  de  nos  collègues  pourrait-il  réparer 
l'omission  de  M.  Chardon  ?  Nous  l'en  remercierions  bien 
volontiers. 


1.   Voyages  et  voyageurs  dans  le  Maine  (Le  Mans,  A.  de  Saint- 
Denis,  1906,  in-S»),  p.  10,  note. 


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PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


SEANCE  DU  6  AOUT  1907 

La  séance  est  ouverte  à  2  h.  1/4,  sous  fa  présidence 
de  M.  Moreau,  président. 

Sont  présents  :  M.  Moreau,  président  ;  MM.  Grosse- 
Duperon  etTrévédy,  vice-présidents  ;  MM.  Louis  Gar- 
nier,  Goupil,  L.  de  la  Beauluère,  Laurain,  membres 
titulaires  ;  MM.  Tabbé  Chantepie,  Edouard  Garnier, 
Tabbé  Lardeux  et  Auguste  Morin,  membres  correspon- 
dants. 

Se  font  excuser  :  MM.  l'abbé  Angot,  de  Courtillolles 
d'Angleville,  comte  Léopold  de  Quatrebarbes,  Richard. 

Le  procès-verbtil  de  la  précédente  séance  est  lu  et 
adopté. 

M.  le  président  annonce  le  décès  de  M.  Thuau,  mem- 
bre titulaire. 

Réné-Auguste  Thuau,  né  à  Champigné  (Maine-et- 
Loire),  le  9  février  1844,  entra  vers  1855  au  Collège  de 
Chàteau-Gontier,  où  il  trouva  comme  condisciple  un 
peu  plus  âgé  que  lui  un  de  nos  anciens  collègues  qui  Fa 
précédé  de  plusieurs  années  dans  la  tombe,  M.  Jules 
Raulin.  Les  palmarès  de  Tépoque  nous  attestent  que 
Tun  et  Tautre  furent  des  élèves  brillants  et  restèrent  tou- 
jours, à  peu  près  dans  toutes  les  matières,  à  la  tête  de 
leurs  classes  respectives.  M.  Thuau  sortit  de  l'institu- 
tion deux  ans  après  M.  Raulin,  en  1863,  et  il  emporta,  du 
bon  chanoine  Descars,  ce  témoignage  qu'il  avait,  durant 

24 


—  370  — 

le  cours  entier  de  ses  études,  «  montré  de  l'application, 
fait  preuve  de  talent  et  obtenu  les  succès  les  plus  distin- 
gués ».  Reçu  bachelier  es  lettres,  le  4  novembre  delà 
même  année,  par  la  Faculté  de  Poitiers,  il  alla  suivre 
les  cours  de  droit  à  Paris,  où  Pavait  devancé  encore  son 
camarade  Raulin,  et  il  obtint,  le  29  décembre  1866,  son 
diplôme  de  licencié  avec  une  thèse  sur  les  Transactions 
et  le  Concordat  (De  Transacthnibus.  La  Transaction, 
Du  Concordat,  —  Paris,  Retaux  frères,  1866.  In-8", 
56  p.),  qui  lui  valut  du  président  Duverger  et  des  suf- 
fragants  Ortolan,  Valroger,  Labbé  et  Léveillé,  les  éloges 
les  plus  flatteurs.  Il  revint  alors  auprès  de  sa  famille  à 
Angers,  et  lit  son  stage  dans  Tétude  de  M*  Bougère  ; 
le  8  décembre  1869,  il  était  reçu  comme  successeur 
de  M.  Touchard,  notaire  à  Meslay.  C'est  là  qu'il  est 
mort,  après  37  ans  de  vie  ministérielle  et  de  dévoue- 
ment à  la  ville  où  il  avait  (ixé  sa  demeure  et  aux 
habitants  dont  il  était  devenu  rapidement  le  concitoyen 
le  plus  actif  et  le  plus  écouté.  On  ne  se  fit  pas  faute  de 
mettre  à  Tépreuve  sa  bonne  volonté  et  ses  connaissances 
juj'idiques.  On  l'appela,  dès  le  début,  au  Conseil  muni- 
cipal et,  à  chaque  élection,  il  se  vit  reijouveler  son  man- 
dat par  un  nombre  de  voix  grandissant.  Il  entrait  en 
même  temps  à  la  Société  de  secours  mutuels  dont  il 
devint  le  secrétaire  en  1878  et  dont  il  revisa  les  statuts 
au  mois  de  mai  1900.  Puis  il  fut  nommé  membre  du 
bureau  de  bienfaisance,  par  arrêté  préfectoral  en  date  du 
21  janvier  1875,  administrateur  de  l'hospice  de  sa  com- 
mune, en  1880  ;  il  était  déjà  administrateur  de  la  Caisse 
d'épargne.  Il  dut  même,  en  cette  qualité,  prendre  la  plume 
pour  ses  collègues  contre  la  Caisse  centrale  de  Laval  ;  il 
montra  que  la  succursale  de  Meslay,  fondée  en  1872,  dans 
des  conditions  onéreuses  pour  la  municipalité  qui  voyait 
là  une  œuvre  de  prévoyance  à  encourager,  avait  malgré 
tout  prospéré  jusqu'au  jour  où  la  Caisse  de  Laval, 
oublieuse  des  promesses  faites  ou  tout  au  moins  d'enga- 
gements tacites,   était  venue  créer  deux  concurrentes 


—  371  — 

voisines  dans  les  cantons  mêmes  où  celle  de  Meslay 
avait  le  mieux  réussi  ;  Tintervention  de  M.  Thuau  nous 
valut  les  Observations  présentées  au  nom  de  la  suc- 
cursale  de  Meslay  à  MM.  les  directeurs  de  la  Caisse 
centrale  de  Laval  (Laval,  imp.  Mayennaise,  1900.  In-8®, 
11  p.).  Mais  ce  n'était  pas  assez,  à  son  sens,  que  de 
défendre  une  œuvre  dont  rintluence  heureuse  se  faisait 
sentir  sur  les  populations  au  milieu  desquelles  il  vivait, 
il  voulut  encore  mettre  à  leur  disposition  un  autre  orga- 
nisme dont  il  escomptait  pour  elles  le  plus  grand  profit.  Il 
participait  ainsi  à  la  fondation  de  la  Caisse  de  crédit  agri- 
cole de  Meslay,  dont  il  rédigeait  les  statuts  et  le  règle- 
ment :  Caisse  de  crédit  agricole  et  de  dépôts  du  canton 
de  Meslay.  Statuts  (Château-Gontier,  Leclerc,  1903. 
In-8",  12  p.).  —  Caisse  de  crédit  agricole  et  de  dépôts 
du  canton  de  Meslay.  Règlement  (Chàteau-Gontier, 
Leclerc,  1903.  In-8%  4  p.). 

Les  questions  agricoles,  en  effet,  l'intéressaient  à  dou- 
ble titre  :  comme  membre  du  comice  et  comme  notaire. 
Aussi,  lorsqu'en  1899,  sur  l'initiative  du  Syndicat  des 
agriculteurs  de  la  Mayenne,  le  Conseil  général  eut  émis 
Tavis  qu'il  y  avait  lieu  peut-être  de  reviser  les  usages 
ruraux  du  département  et  que  des  commissions  locales 
eurent  été  désignées  à  cet  effet,  choisit-on  notre  collègue 
pour  l'arrondissement  de  Laval.  Les  usages  de  l'arron- 
dissement contiennent  un  article  dont  la  teneur  est  loin 
de  rallier  tous  les  suffrages,  parce  qu'on  l'applique  à 
la  fois  aux  baux  à  colonie  partiaire  et  aux  baux  à  prix 
d'argent.  Cet  article  dispose  que  «  les  bestiaux,  autres 
que  les  mâles  destinés  à  la  reproduction  et  les  animaux 
d'une  valeur  exceptionnelle,  restent  sur  le  lieu  au  compte 
du  propriétaire  et  du  fermier  successeur,  qui  rembourse 
au  fermier  sortant  la  totalité  ou  la  part  à  laquelle  celui-ci 
a  droit,  sur  estimation  faite  au  cours  du  moment  ».  De 
longues  discussions  se  sont  élevées  au  sujet  de  la  valeur 
juridique  de  cette  disposition  spéciale  ;  M.  Thuau  en 
examina  la  légalité  dans  une  brochure  intitulée  :  La  loi 


—  372  — 

et  l'usage.  Etude  sur  rarticle  2018  du  Code  civil  et 
l'article  58  du  Recueil  des  usages  ruraux  de  l'arron- 
dissement de  Laval  au  point  de  vue  civil  et  fiscal 
(Laval,  imp.  Mayennaise,  1901.  In-8**,  15  p.).  Son  opi- 
nion fut  combattue  par  Thonorable  ]\I.  Le  Breton,  prési- 
dent du  Syndicat  des  agriculteurs  ;  notre  collègue  con- 
tinua la  polémique  et  VEcho  de  la  Mayenne  donna 
de  lui  dans  son  n®  du  5  octobre  1902,  un  nouvel  examen 
de  la  question  sous  le  titre  de  :  Revision  des  usages 
ruraux.  Réponse  à  Monsieur  Le  Breton,  président  du 
Comice  agricole  de  Laval  (Tirage  à  part  :  Laval, 
L.  Auvray,  1902.  In-8%  8  p.). 

On  peut  dire  que  M.  Thuau  parlait  au  nom  de  la  Com- 
pagnie des  notaires  de  l'arrondissement,  dans  ses  deux 
brochures  où  il  soutenait  Tillégalité  d'une  disposition  qu'il 
jugeait  contraire  au  droit  ancien  et  au  droit  moderne. 
«  Son  expérience  des  affaires,  la  rectitude  de  son  juge- 
ment, la  délicatesse,  la  franchise  et  la  loyauté  de  son 
caractère  »  lui  avaient  en  effet,  comme  on  Ta  justement 
remarqué,  conquis  une  autorité  légitime  sur  ses  con- 
frères, et  ceux-ci,  dès  le  4  mai  1874,  l'avaient  envoyé  à 
la  Chambre  ;  ils  lui  renouvelèrent  son  mandat  chaque 
fois  que  les  règlements  permettaient  sa  réélection,  et  ils 
firent  de  lui  leur  président  en  1895,  et  de  1897  à  1906. 

La  Compagnie  siégeait  alors,  et  depuis  1838  au 
moins,  dans  un  local  qu'on  lui  avait  attribué  sous  les 
combles  du  Palais  de  Justice  ;  elle  avait  centralisé  là  pres- 
que toutes  les  anciennes  minutes  des  notaires  de  Laval 
et  de  quelques  études  rurales  supprimées  pendant  la 
Révolution  ou  par  la  loi  du  25  ventôse  an  XL  Pour  faci- 
liter les  recherches  dans  ce  dépôt,  on  n'avait  qu'un 
tableau  très  sommaire  dressé  vers  1843  et  qui  n'était 
plus  exact  (s'il  l'avait  jamais  été),  depuis  qu'en  1864,  en 
vertu  d'instructions  ministérielles,  un  certain  nombre  de 
minutes,  conservées  au  greffe  du  Tribunal,  avaient  été 
versées  aux  Archives  départementales.  Sous  l'impulsion 
de   notre  collègue,  la  Compagnie,  pour  obéir  au  vœu 


—  373  — 

émis  par  le  Comité  régional  des  notaires  de  la  Cour 
d'Angers,  décida  de  refondre  le  registre-minutier.  Ce 
travail,  facilité  singulièrement  par  les  longues  recher- 
ches que  M.  Durget  fît  à  cette  occasion,  parut  en  1897, 
avec  une  introduction  de  quelques  pages  écrites  par 
M.  Thuau,  sur  Y  Organisation  du  notariat  dans  Fan- 
cien  comté  et  V arrondissement  de  Lac^a/*.  Notre  collègue 
pensait  ainsi  fournir  la  meilleure  réponse  aux  reproches 
que  les  Sociétés  savantes  et  la  Direction  des  Archives 
de  France  adressent  aux  notaires,  depuis  nombre  d'an- 
nées, en  les  accusant  de  laisser  leurs  minutes  dans  un 
désordre  complet,  sans  aucun  souci  de  leur  conservation, 
et  tout  au  moins  d'empêcher,  en  fait,  les  érudits  de  pro- 
fîter  des  multiples  renseignements  qu'elles  renferment. 
Il  croyait  sincèrement  que  les  douze  Compagnies  du 
ressort,  qui  avaient  adopté  le  vœu  du  Comité  régio- 
nal, s'empresseraient  de  dresser  leur  registre-minutier, 
comme  avait  fait  celle  de  Laval  et  comme  l'avaient  fait 
quelque  temps  auparavant  les  Chambres  de  Mamers  et 
de  La  Flèche.  Il  dut  bien  avouer  par  la  suite  que  sa  foi 
était  optimiste  et  reconnaître  que  les  circonstances  qui 
l'avaient  singulièrement  favorisé  ne  se  retrouvent  pas 
partout  :  voilà  plus  de  quinze  ans  passés  depuis  l'adop- 
tion du  vœu  et  neuf  Chambres  en  sont  encore  au  même 
point. 

La  refonte  du  registre  n'est  pas  la  seule  amélioration 
que  M.  Thuau  réalisa.  Le  local  où  se  réunissait  la  Com- 
pagnie, dans  les  greniers  du  Palais  de  Justice,  n'était 
ni  décent  ni  solide  ;  il  fallut  songer  un  beau  jour  à  l'aban- 
donner. Dès  1894,  on  se  préoccupa  de  cette  éventualité 
et  l'on  jeta  les  yeux  sur  la  maison  qui  fait  le  coin  de  la 
rue  Saint-André  et  de  la  rue  Renaise  ;  mais  les  frais 
d'installation  joints  au  loyer  demandé  parurent  trop  con- 
sidérables ;  on  continua  à  chercher  et  l'on  pensa  à  la 
Caisse  d'épargne  ;  des  pourparlers  furent  engagés  avec 

1.  Registre-minutier  des  notariats  et  anciens  tabellionnages  de 
l'arrondissement  de  Laval  (Laval,  A.  Goupil,  1897). 


—  374  — 

radministration,  mais  ils  n'aboutirent  pas,  et  Ton  finit 
par  se  résoudre  à  louer  Timmeuble  du  quai  Sadi-Garnot. 

Cette  translation  soulevait  une  question  importante  : 
celle  des  anciennes  minutes  que  le  nouveau  local,  trop 
petit,  ne  pouvait  contenir  ;  il  ne  présentait  pas,  par  ail- 
leurs, toutes  les  garanties  désirables  contre  les  craintes 
d'incendie.  M.  Thuau,  qui  était  entré  dans  notre  Com- 
mission au  mois  de  décembre  1899,  dut  examiner  une 
solution  à  laquelle  il  répugnait  tout  d'abord.  Les  exem- 
ples donnés  par  les  chambres  d'Ângouléme,  de  Bourges, 
de  Besançon,  de  Lille,  de  Toulouse  et  de  Mâcon  lui 
montrèrent  qu'il  n'y  avait  dans  la  mesure  prise  par  elles 
rien  d'illégal  et  qu'au  contraire,  tout  en  débarrassant 
les  notaires  d'une  responsabilité,  plus  apparente  qu'ef- 
fective, il  est  vrai,  et  d'un  encombrement  certain,  elle 
mettait  à  la  disposition  des  érudits  une  multitude  de 
documents  qu'il  leur  était  impossible  de  consulter  d'autre 
façon.  Il  estima  donc  et  amena  ses  confrères  à  estimer 
que  les  archives  départementales,  organisées  pour  la 
conservation  des  documents  des  administrations  publi- 
ques, offraient  le  meilleur  abri  pour  les  actes  notariés 
de  l'ancien  régime,  et  les  minutes,  centralisées  au 
palais  de  justice,  furent  annexées  aux  collections  de  la 
Préfecture.  Cette  solution  parut  si  heureuse  à  notre 
collègue  qu'il  voulut  en  tirer  avantage  pour  lui-même  et 
joindre  au  versement  de  la  Chambre  les  actes  de  son 
étude  de  Meslay.  Mais  en  dépit  d'une  promesse  plusieurs 
fois  renouvelée  et  de  dispositions  prises,  il  ne  trouva 
jamais  le  temps  de  faire  le  dépôt  qu'il  s'était  promis. 
Nous  ne  pouvons  que  le  regretter.  L'exemple,  venu  de 
lui,  eût  été  suivi  :  il  avait  assez  d'autorité  pour  former 
des  convictions  au  modèle  de  la  sienne  et  ceux  qu'il 
n'aurait  pu  entraîner  avec  la  seule  raison,  il  les  eût 
amenés  par  le  désir  de  lui  être  agréables  :  car  on 
l'aimait. 

Cet  angevin  en  effet,  dont  l'abord  semblait  un  peu 
froid,  qui  laissait  volontiers  venir,   par  habitude   de 


—  375  — 

métier  sans  doute,  avait  Taccueil  ouvert,  savait  prendre 
et  s'était  formé  un  cercle  d'amis  au  milieu  desquels  sa 
présence  était  un  gage  certain  d'entrain  et  de  franche 
gaieté  ;  il  se  dépensait  pour  le  plaisir  de  tous  comme 
il  se  dépensait  pour  le  bien  de  sa  compagnie,  semait 
les  bons  mots,  jetait  à  l'occasion  quelque  couplet  facile, 
péché  de  jeunesse  dans  lequel  il  retombait  volontiers, 
pour  retenir  plus  longtemps  le  charme  des  heures 
joyeuses  qui  s'envolent.  Le  souvenir  n'est  pas  perdu  de 
ces  chansons  qu'il  rimait  pour  ses  intimes,  sans  autre 
prétention  que  de  leur  faire  oublier  et  d'oublier  un  peu 
lui-même  l'ennui  des  affaires,  et  plus  d'un  pourrait  encore 
redire  le  Diner  de  la  procédure^  le  Barreau  de  Laval, 
la  Sainte-Cécile^  les  Menuisiers  et  ce  programme  d'une 
fête  qu'il  donna  le  31  décembre  1894,  où  il  montrait 

confondus  dans  un  long  tourbillon 
Sur  le  rythme  entraînant  de  nos  valses  légères 
Les  sombres  habits  noirs  avec  les  robes  claires. 

La  belle  humeur  l'accompagnait  partout  et  toujours  : 
ses  lettres  en  sont  pleines  ;  aucune  ne  nous  en  laisse  une 
impression  aussi  vive  que  la  lettre  dans  laquelle  il  racon- 
tait à  sa  manière  les  fêtes  données  à  Ghâteau-Gontier 
en  rhonneur  du  poète  Loyson  et  qu'il  terminait  par  le 
sonnet  que  voici  : 

Dimanche  on  érigeait  le  buste  de  Loyson  : 
Ce  fut  un  flot  sans  fin  de  prose  académique  ; 
Quand  Séché  termina,  Fouassier,  dans  sa  réplique, 
Complimenta  Theuriet  en  maître  de  maison. 

Sylvestre  nous  montra,  conteur  à  sa  façon, 
Loyson  le  royaliste  aimant  la  République 
Des  lettres  ;  De  Schepper  mil  son  œuvre  en  musique  : 
Marseillaise  et  sonnet  suivaient  à  Tunisson. 

Flots  d'éloquence  en  prose,  en  vers,  flots  d'harmonie, 
En  cascades  tombaient  sur  l'image  d'airain, 
Ce  que  voyant  le  Ciel  se  mit  de  la  partie. 

Il  ouvrit  à  son  tour  son  écluse,  et  soudain 

Il  trempa  jusqu'aux  os,  pressés  autour  du  buste. 

Citadins  en  gants  blancs  et  foule  en  habit  fruste. 


—  376  — 

Cette  belle  humeur  lui  avait  fait  la  vie  douce  ;  il  ne 
se  plaignit  pas  quand  il  se  sentit  frappé  ;  il  fit  très 
simplement  le  sacrifice  de  ses  affections  et  de  ses  espé- 
rances, cachant  aux  siens  le  mal  qui  le  minait,  et  quand 
la  mort  vint  le  prendre  le  29  avril  dernier,  il  put  la 
regarder  sans  crainte,  au  souvenir  de  tous  ceux  à  qui  il 
avait  été  utile  et  des  amitiés  qu'il  laissait. 

11  fut  pour  nous  un  collègue  dévoué,  aidant  de  tout 
son  pouvoir  ceux  qui  s'adressaient  à  lui  pour  leurs 
recherches,  communiquant  à  qui  les  lui  demandait  ses 
vieilles  minutes  en  attendant  de  les  confier  aux  archives 
départementales,  donnant  tous  les  renseignements  qu'il 
pouvait  rencontrer  sur  sa  route.  Il  suivait  avec  intérêt 
nos  travaux  et  les  Congrès  de  la  Société  française 
d'archéologie  dont  il  était  avec  son  vieil  ami,  notre 
collègue,  M.  Dubel,  un  adepte  des  plus  chauds  et  des 
plus  curieux.  Sa  mort  fut  pour  nous,  comme  pour  tous 
ceux  qui  l'ont  connu  et  fréquenté,  une  perte  sensible,  et 
nous  nous  faisons  un  devoir  de  renouveler  à  sa  veuve 
et  à  ses  enfants  l'expression  de  nos  unanimes  regrets 
et  de  notre  douloureuse  sympathie. 

M.  le  Président  souhaite  la  bienvenue  à  M.  l'abbé 
Chantepie  qui  assiste  pour  la  première  fois  à  une  séance. 

M.  Laurain,  au  nom  de  M.  Œhlert,  communique 
une  lettre  de  M.  Emile  Rivière,  directeur  à  l'Ecole 
des  Hautes  Etudes,  annonçant  qu'il  a  trouvé  dans  les 
registres  du  Chàtelet,  aux  Archives  nationales,  trois 
actes  intéressant  Âmbroise  Paré. 

La  Commission  décide  de  faire  exécuter  une  copie 
in-extenso  de  ces  trois  documents  pour  les  insérer  dans 
son  Bulletin^  s'il  y  a  lieu.  Elle  vote  le  crédit  nécessaire 
pour  couvrir  cette  dépense. 

M.  l'abbé  Chantepie  communique  le  texte  d'une  ins- 
cription sur  ardoise  qu'il  a  trouvée  dans  le  clocher  de 
la  Trinité  à  Chàteau-Gontier. 


—  377 


(de  ar  JEAN 
5TE'HAYER 


^Vdesmotte  / 

G{,  le^«ETLES 
S  NOTABLE$ 
E    CETTE 

Cette  inscription  doit  être  lue  ainsi  : 

POSÉE  PAR  M^^^ll  LE  CURÉ  PRI  ||  EUR  DE  S.  JEAN  ||  BAPTISTE 
HAYER  II  ,  CURÉ  DE  LA  TRI  |1  NITÉ,  DESMOTTE  jj  MARG***"  ET 
LES  PLUS  II  NOTABLES  ||  DE  CETTE  ||  PARROISSE.  ||  BALLU. 

René-François  Hayer,  né  vers  1753  à  Saint-Laurent- 
des-Mortiers,  ancien  professeur  du  collège  de  Chateau- 
Gontier  avant  la  Révolution,  déporté  pour  refus  de 
serment,  prit  possession,  le  26  mai  1803,  des  églises 
de  Saint-Jean  et  de  Saint-Remi  ;  il  passait  pour  instruit 
et  pour  conciliant  aux  yeux  du  sous-préfet  Meignan, 
qui  proclamait  dans  une  note  l'heureux  succès  de  son 
zèle  tempéré  de  douceur. 


—  378  — 

M.  Laurain  donne  lecture  d'un  acte  relatif  à  une  dona- 
tion faite  par  Marguerite  de  la  Roë  aux  Clarisses  de 
Laval,  en  1523  ;  voici  ce  texte  assez  curieux  : 

«  Aujourd'huy  quatriesme  d'octobre  mil  six  cens 
«  quatre  vingt  treize,  sur  les  deux  heures  précises 
«  après  midy,  nous  Jacques  Lemoyne,  notaire  réservé 
«  au  comté  pairie  de  Laval  y  demeurant,  sommes  en 
«  présence  et  ce  requérant  noble  Joseph  Delaunay, 
«  sieur  de  Montalleuz  et  de  la  terre,  fief  et  seigneurie 
«  de  Mécorbon,  demeurant  au  dit  Laval,  parroisse  de  la 
«  Sainte  Trinité,  et  encores  en  présence  des  tesmoins 
«  cy  après,  transportés  en  Téglise  des  dames  religieuses 
«  de  Patience  de  cette  ville,  sistuée  au  faubourg  Saint- 
ce  Martin,  sur  la  plainte  qu'il  nous  a  fait  que  les  dites 
((  religieuses  ne  satisfont  point  depuis  un  très  long 
«  temps  à  leur  obligation  de  chanter  solennellement  en 
«  leur  église  annuellement  le  jour  et  feste  de  Saint 
«  François,  sur  les  deux  heures  après  midy,  après  avoir 
«  préalablement  sonné  la  cloche,  la  prose  Benedicta  ex 
«  cœlorum  regina,  etc.,  pour  l'indemnité  qui  leur  auroit 
«  esté  accordée  par  les  seigneurs  de  la  dite  terre  de 
«  Mécorbon  pour  raison  du  lieu  et  métayrie  du  Douaire, 
«  parroisse  de  Monjean,  apartenant  aux  dites  dames 
<c  religieuses  suivant  leurs  déclarations  rendues  aux 
«  pieds  de  la  dite  seigneurie,  conformes  aux  tiltres  con- 
«  cernans  la  dite  indemnité,  pour  raporter  acte  de  ce 
«  que  nous  aurions  veu  et  entendu. 

«  Sur  quoy,  après  avoir  entendu  dans  la  dite  église 
«  fraper  l'heure  de  deux  sus  dite  et  avoir  attendu  jusques 
«  environ  l'heure  de  trois,  sans  avoir  entendu  sonner 
«  aucune  cloche,  sans  avoir  vœu  aucuns  cierges  alumés 
«  ny  entendu  aucunement  chanter  les  dites  religieuses, 
«  nous  nous  sommes  retirés  avec  les  dits  tesmoins  et 
«  décerné  le  présent  acte  au  dit  sieur  de  Mécorbon  qui 
«  a  protesté  de  se  pourvoir  par  les  voyes  de  droit.  Fait 
«  et  arresté  en  la  dite  église  en  présence  de  Vincent 
«  Jamelin,  marchand,  et  Jean  Le  Comte,  archer  en  la 


—  379  — 

«  maréchaussée  du  dit  Laval,  y  demeurant,  tesmoins 
«  qui  ont  signé  avec  le  dit  sieur  de  Mécorbon  et  nous, 
«  notaire  royal.  » 

M.  le  Président  donne  lecture  d^une  lettre  à  lui 
adressée  par  M.  Picot  (96,  rue  Folie- Méricourt,  à  Paris), 
signalant  un  dolmen  près  de  la  ferme  du  Petit- Vieux- 
Sou  en  Brécé,  un  autre  dolmen  de  T  autre  côté  de  la 
Colmont,  près  de  la  Chaise,  à  deux  kilomètres  du  précé- 
dent, et  un  polissoir  au  même  endroit.  M.  Moreau  estime 
que,  sauf  vérification,  il  s'agit  là  des  deux  monuments 
étudiés  jadis  dans  le  Bulletin  par  M.  Faucon  ;  il  prie  le 
Secrétaire  de  demander  à  M.  Picot  de  plus  amples 
renseignements . 

M.  Laurain  communique  un  mémoire  écrit  par  Enju- 
bault-Bouessay ,  indiquant  les  griefs  de  Taccusation  et  les 
témoins  à  entendre  dans  le  procès  intenté  aux  terroristes. 

Rien  n'étant  plus  à  Tordre  du  jour,  la  séance  est  levée 
à  4  heures  1/4. 


BIBLIOGRAPHIE 


Le  Bas-Vendômois,  de  Montoiie  à  La  Ghartre-sar-le- 
Loir.  Excursions  sur  les  rives  du  Loir  et  de  la  Braye  au 
pays  du  poète  Ronsard,  par  L.-A.  Hallopeau.  —  La 
Chaplre-sur-le-Loir,  imp.  J.  Moire,  1906.  In-8*,  312  p., 
illust.  de  nombreux  dessins  par  Mme  Hallopeau. 

Le  Bas- Vendômois  est  un  pays  charmant  qui  mérite  d'être 
connu  des  touristes  et  des  archéologues.  Pour  attirer  Tat- 
tention  des  uns  et  rappeler  aux  autres  ce  auils  ont  pu  étu- 
dier dans  des  courses  parfois  rapides,  M.  Hallopeau  se 
propose  de  donner,  sur  la  vallée  du  Loir,  un  ouvrage 
important.  Mais  en  attendant,  il  nous  offre  le  petit  volume 
dont  le  titre,  un  peu  long,  est  ci-dessus  transcrit.  Cette 
sorte  d'essai  ne  prétend  pas  décrire  d'une  façon  complète  le 
terroir  Vendômois  :  Tauteur  a  soin  de  nous  en  avertir.  Ce 
sont  de  précieux  débris,  les  légendes  et  les  traditions 
pieuses  de  la  province,  qu'il  veut  signaler  au  passade,  con- 
server au  moins  dans  le  souvenir.  Il  faut  l'en  féliciter.  On 
la  déjà  fait  et  je  ne  puis  que  m'unir  à  ceux  qui  m'ont 
devancé  en  louant  cette  étude  archéologique,  remplie  de 
renseignements  de  tout  genre.  Faire  connaître  mieux  et 
d'un  plus  ^rand  nombre  ce  que  quelques  privilégiés  ont 
seuls  pu  voir,  c'est  déià  sauver  en  quelque  sorte  ce  que  la 
ruine  menace,  c'est  du  moins  en  retarder  la  disparition. 
Vingt-cinq  communes  sont  ici  décrites  en  des  pages  qu'il- 
lustrent 65  gravures  et  dans  lesquelles  se  déroule  l-histoire 
sommaire  des  fiefs  qui  se  partageaient  leur  territoire  autre- 
fois, des  seigneurs  qui  les  possédèrent,  des  curés  et  des 
prieurs  qui  dirigèrent  les  paroisses  et  les  institutions  reli- 
gieuses, le  relevé  des  inscriptions  (pierres  tombales,  souve- 
nirs de  fondations,  etc.)  qui  existent  encore.  Signalons  à  ce 
propos  un  petit  bénitier  en  marbre  rouge  qu'on  peut  voir 
dans  l'église  de  Vancé  :  il  fut  donné  en  1735  par  le  sieur 
Leclerc  de  Gemarcé.  bourgeois  de  Laval,  et  provient  de 
notre  pays,  vraisemblablement  de  Sainl-Berthevin  où  la 
famille  Leclerc  de  Gemarcé  avait  quelques  biens. 

Je  ne  sais  si  M.  Hallopeau  a  relevé  dans  son  volume 
toutes  les  inscriptions  dont  furent  ornés  les  châteaux  et  les 


—  381  — 

églises  de  ces  vingt-cinq  paroisses,  mais  je  constate  qu'elles 
sont  peu  nombreuses.  Les  mentions  très  courtes  qu'il  en 
fait  (un  mot  lui  suffisant  parfois)  ne  permettent  pas  d'avoir 
une  opinion  bien  nette  ni  de  leur  facture  ni  de  leur  quan- 
tité, mais  je  m'étonne,  à  priori^  que  dans  un  pays  où 
les  monuments  artistiques  ne  manquent  pas,  elles  soient 
relativement  assez  rares  et  si  peu  anciennes.  Est-ce  que 
réellement,  comme  semble  le  prouver  l'ouvrage  récent  de 
notre  collègue,  M.  l'abbé  Angot,  malgré  ses  1.600  inscrip- 
tions, et  comme  on  serait  tenté  de  le  croire  avec  les  travaux 
analogues  de  l'Anjou  et  de  la  Touraine,  l'art  épigraphique 
fut  surtout  un  art  parisien,  une  mode  très  longtemps  floris- 
sante dans  l'Ile-de-France,  suivie  de  loin  seulement  par  les 
autres  provinces  ?  Je  me  pose  cette  question  en  lisant  le 
volume  de  M.  Hallopeau,  et  c'est  là  un  point  secondaire. 
Mais  qu'on  soit  amené  par  la  lecture  de  cette  «  Excursion  » 
à  se  la  poser,  celle-là  et  d'autres  semblables,  ce  n'est  pas  le 
moindre  mérite  du  livre,  et  nous  pouvons  bien  augurer  de 
celui  que  l'auteur  nous  promet  '. 

E.  Laurain. 

Les  généraux  des  paroisses  bretonnes.  Saint-Martin 
de  Vitré,  par  F.  Duine.  —  Paris,  J.  Gamber,  1907.  ln-8% 
56  pages. 

M.  l'abbé  Duine  a  mis  à  profit  son  court  passage  comme 
vicaire  à  Saint-Martin  de  vitré  ;  plus  heureux  en  cela  que 
le  regretté  Paris- Jallobert  à  qui  les  archives  de  cette 
paroisse  restèrent  fermées,  par  suite  de  la  rivalité  qui  exis- 
tait entre  Notre-Dame  et  Saint-Martin  (et  nous  voyons  là 
sur  le  vif  l'esprit  particulariste  et  jaloux  des  petites  villes 
de  province),  M.  Duine  a  pu  les  déchiffrer  tout  à  l'aise  et  sa 
lecture  nous  vaut  l'excellente  brochure  qu'il  présente  aujour- 
d'hui au  public.  Des  éphémérides  qui  nous  mettent  sous  les 
yeux  les  faits  les  plus  curieux  de  rhistoire  de  Saint-Martin 
depuis  1693,  époque  à  laquelle  commencent  les  «  délibéra- 
tions »  de  la  fabrique,  nous  ne  dirons  rien,  après  avoir 
signalé  l'assemblée  extraordinairement  tenue  le  26  octobre 
1748,  à  la  requête  des  trésoriers  de  la  Chapelle-d'Erbrée, 
«  pour  opposer  le  passage  des  bêtes  à  corne  de  la  province 
du  Maine  en  celle  de  Bretaigne  ».  Mais  nous  devons  men- 
tionner à  part  l'étude  sur  a  les  généraux  »  qui  sert  d'intro- 
duction à  ces  éphémérides  et  qui  nous  apprend  en  quelaues 
pages  succinctes  et  précises  plus  que  bien  des  monographies 
vommineuses.  Il  s'agit  là  des  paroisses  bretonnes,  sans  doute  ; 
il  y  avait  dans  le  gouvernement  de  ces  paroisses,  sous  l'ancien 
régime,  des  particularités  qui  ne  se  voyaient  pas  dans  le 

1.  Signalons  p.  24,  lig.  5,  la  faute  typographique  Gouffière  pour 
Gouffier. 


—  382  — 

Maine,  par  exemple,  et  encore  moins  dans  FUe-de-France  ; 
mais  il  y  avait  aussi  bien  des  points  de  ressemblance,  et 
Tétat  lamentable  dans  lesquels  se  trouvaient  les  églises  et  le 
clerçé  dans  la  première  moitié  du  xvii«  siècle  n  était  pas 
si)écial  à  la  Bretagne.  Aux  preuves  qu'en  donne  M.  Taobé 
Duine  pour  le  diocèse  de  Beauvais,  vivifié  alors  pourtant 
par  la  mission  de  saint  Vincent  de  Paul  qui  était  venu 
s'installer  quelque  temps  à  Liancourt,  à  Tappel  de  M.  du 
Plessis,  on  peut  ajouter  celle  qui  se  lit  dans  la  vie  de  labbé 
Bourdoise  à  propos  du  diocèse  de  Bourses.  «  Les  prêtres 
y  sont  dans  une  ignorance  effroyable,  disait  Tarchidiacre 
Boisseau;  de  quarante  confesseurs  il  n'y  en  a  pas  six  qui 
sçachent  quana  le  mensonge  est  péché  mortel  ou  véniel... 
11  y  en  a  qui  n'entendent  pas  un  mot  de  latin  et  d  autres  qui 
ne  sçavent  presque  pas  lire.  On  en  a  trouvé  un  qui.  étant 
curé  depuis  vingt  ans,  ne  sçavoit  pas  la  forme  de  i  absolu- 
tion ny  quelle  partie  du  corps  il  falloit  oindre  lorsqu'on 
donnoit  lExtrèmonction.  On  ne  parle  point  des  autres 
désordres  :  l'yvrognerie,  l'impureté,  l'avarice,  régnent 
presque  partout...  U  y  en  a  qui  ne  peuvent  dire  ce  qu'ils 
font  quand  ils  disent  la  messe,  et  qui  mettent  dans  le  taber- 
nacle des  bouts  de  cierges,  de  la  bougie,  de  l'argent  et  des 
papiers  avec  les  saintes  hosties  »  ^  La  pauvreté  du  clergiS 
n'était  pas,  en  certains  diocèses,  la  raison  la  moins  forte 
do  ces  désordres.  Il  semble  bien  pourtant  que  le  Bas- 
Maine  était  en  meilleure  posture,  puisque  on  se  contentait, 
pour  asseoir  le  titre  clérical,  d'une  rente  de  50  livres,  alors 
qu'en  Bretagne  on  exigeait  GO  livres  communément  et  que 
1  évèque  de  Dol,  Mgr  de  Sourches,  porta  même  à  100  livres 
la  valeur  du  bénéhce  ou  le  revenu  annuel,  net  de  toutes 
charges,  dont  devait  jouir  tout  aspirant  au  sous-diaconat. 

Cette  esquisse  de  la  vie  paroissiale  en  Bretagne  est  évi- 
demment rapide,  mais  on  y  rencontre  une  quantité  de 
renseignements  qui  comportent  une  utile  comparaison  avec 
ce  qui  se  passait  ailleurs.  M.  Duine  a  beaucoup  lu,  beaucoup 
retenu  et,  en  érudit  très  averti,  il  sait  quelle  direction  il  doit 
faire  prendre  à  l'esprit  du  lecteur  pour  l'amener  à  déve- 
lopper ses  propres  connaissances.  11  y  a  profit  à  se  laisser 
Fuider  par  lui.  Je  souhaite  que  nous  en  ayons  souvent 
occasion. 

E.  Laurain. 

Dictionnaire  pratique  de  droit  rural  et  des  usages 
ruraux  du  département  de  la  Mayenne,  par  G.  Grimod 
et  H.  GuBRANGER.  —  Laval,  Vve  A.  Goupil,  1907.  In-lO, 
xvi-358  p. 

L'ouvrage  que  MM.  Grimod,  avocat  à  Laval,   et  Gué- 

1.  Descourveaux,  La  vie  de  M.  Bourdoise,  p.  363. 


—  383  — 

ranger,  juge  de  paix  à  Chailland.  viennent  de  publier  sort 
de  la  nature  habituelle  de  nos  lectures  :  nous  n  hésitons  pas 
à  le  recommander  cependant  en  raison  des  services  qu'il 
peut  rendre  actuellement  et  des  renseignements  multiples 
qu'il  pourra  fournir  à  ceux  qui,  dans  quelque  temps,  étudie- 
ront, pour  ne  citer  qu'un  exemple,  les  méthodes  culturales 
de  notre  pays,  les  transformations  par  lesquelles  elles  auront 
passé  et  les  diverses  questions  qui  s'y  rattachent. 

Dressé  en  forme  de  dictionnaire,  suivant  Tordre  alpha- 
bétique et  sur  le  modèle  qu'avaient  tracé  MM.  Robert  et 
Gasté  en  1873,  ce  petit  livre  comprend  sous  chaaue  mot  une 
analyse  concise  du  droit  rural  général  applicable  à  toute  la 
France  et  un  exposé  sommaire  des  usages  ruraux  générale- 
ment suivis  dans  les  diverses  contrées  du  département. 
Autant  que  nous  en  pouvons  juger,  il  est  fort  bien  compris 
et  répond  d'une  façon  adéquate  au  but  que  les  auteurs  se 
sont  proposé  d'atteindre.  Il  faut  regretter  pourtant  qu'ils 
l'aient  rédigé,  semble-t-il,  un  peu  au  fur  et  à  mesure  de 
l'impression  ;  on  sent  dans  leur  marche  comme  une  légère 
hésitation  qui  ne  se  fût  pas  produite  avec  un  texte  entiè- 
rement arrêté  d'avance  et  on  n'aurait  pas  à  constater,  comme 
il  nous  est  arrivé  une  ou  deux  fois,  à  propos  du  mot  aitrage 
par  exemple,  l'omission  d'articles  auxquels  le  corps  du  texte 
renvoie  cependant. 

L'entreprise,  il  est  vrai,  ne  se  présentait  pas  sans  de 

grosses  difficultés  et,  sauf  l'ouvrage  de  MM.  Robert  et  Gasté 
ont  nous  parlions  tout  à  Theure,  qui  s'étendait  à  tout  le 
ressort  de  la  Cour  d'Angers,  rien  encore  dans  la  littérature 
du  Bas-Maine  ne  pouvait  aider  les  auteurs  dans  leur  travail. 
En  dehors  des  recueils  de  jurisprudence  que  les  magis- 
trats et  les  avocats  formaient  au  xviii'^  siècle  pour  leur  ins- 
truction personnelle  (celui  de  Pichot  est  le  meilleur  en  ce 
fenre  qui  nous  soit  parvenu)  et  qui  contiennent  certains 
étails  de  droit  rural,  on  ne  peut  guère  citer,  sous  Vancien 
régime,  que  le  Traité  sur  les  différents  usages  de  la  cam- 
pagne que  René-Jean-Baptiste  éerveau  écrivit  en  1766.  Au 
XIX*  siècle,  il  fallut  attendre  la  création  des  comices  agri- 
coles dans  notre  département  pour  voir  apparaître  les  pre- 
miers recueils  proprement  dits,  et  il  semble  bien  que  le 
comice  de  Château-Gontier  ait  donné  l'exemple  en  établis- 
sant, en  janvier  1840,  sous  la  présidence  du  sous-préfet,  ce 
qui  se  pratiquait  journellement  alors.  Les  cantons  de  Craon, 
Cossé-Ie- Vivien  et  Saint-Aignan  dont  les  intérêts  étaient 
sur  plus  d'un  point  opposés  aux  intérêts  des  autres  can- 
tons de  l'arrondissement,  suivirent  peu  après  et  publièrent, 
en  1842,  leurs  usages  dont  ils  modifièrent  en  1846  quel- 

2ues  articles.  Il  en  fut  de  même  pour  les  deux  cantons  de 
.aval  qui  donnèrent  les  leurs  en  1843,  sous  la  présidence 
de  M.  Queruau-Lamerie.  Mais  au  mois  de  février  1855,  le 


—  384  — 

ministre  de  rAgriculture  prescrivit  aux  préfets  d*organiser 
dans  chaaue  canton  une  commission  chargée  de  rassembler 
et  de  réaiger  les  usaees  ayant  acquis  par  leur  généralité 
force  de  loi.  On  obéit  dans  la  Mayenne  à  cette  prescription. 
Pourtant  les  commissions  cantonales  de  Tarrondissement  de 
Laval,  à  en  croire  MM.  Grimod  et  Guéranger,  «  ne  paraissent 
pas  avoir  rédigé  de  procès-verbaux  de  leurs  travaux  gui 
auraient  pu  contrarier  ceux  de  la  commission  de  revision 
de  Laval  qui  tenait  à  uniformiser  tous  les  usafi'es  de  l'arron- 
dissement. »  Il  n'y  aurait  eu  qu'une  exception  :  la  commission 
de  Chailland. 

Il  y  en  eut  d'aiitres,  pour  dire  vrai,  car  Evron,  Loiron, 
Meslavy  Montsûrs  et  Sainte-Suzanne  envoyèrent  également 
à  la  Préfecture  leurs  cahiers,  qu'il  n'eût  peut-être  pas  été 
inutile  de  consulter  pour  1  éclaircissement  ae  certains  points. 
Faut-il  mentionner  en  outre  lessai  de  statistique,  fort  curieux 
(c'est  une  pièce  de  vers),  s'il  n'a  rien  d'officiel,  gue  publia 
M.  Hamara  pour  la  commune  de  Saint-Mars-sur-la-Futaie  ? 
MM.  Grimoa  et  Guéranger  ont  un  peu  négligé  la  bibliogra- 

Ï)hie  de  leur  sujet  ;  mais  on  peut  leur  passer  condamnation 
à-dessus,  car  ils  n'allaient  pas  jusqu'à  prétendre  écrire  un 
chapitre  d'histoire  et  il  faut  prendre  leur  ouvrage  comme  ils 
le  présentent,  c'est-à-dire  comme  un  dictionnaire  pratique 
de  droit  rural.  A  ce  litre,  il  mérite  d'être  répandu. 

E.  Laurain. 


wr^m^^m^^^^ 


VIE  DE  ROBERT  D'ARBRISSEL 

(Fin). 


Robert  fondateur  de  la  Congrégation 

DE  FoNTEVRAULT 

Selon  Pétigny,  c'est  la  lettre  de  Marbode  qui  a  déter- 
miné Robei*t  à  fonder  pour  les  siens  rétablissement  de 
Fontevrault.  Cette  affirmation  est  inexacte.  La  lettre  de 
Marbode  suppose  que  les  disciples  de  Robert  avaient 
déjà  des  établissements  fixes  et  rien  n'autorise  à  penser 
que  Fontevrault  ne  comptait  pas  au  nombre  de  ces  fon- 
dations. Mais  ce  qui  est  vrai  dans  les  dires  de  Pétigny, 
c'est  que  l'état  de  choses  supposé  par  des  lettres  de 
Marbode  rendait  nécessaire  la  création  de  ces  établisse- 
ments. Robert  était  accompagné  d'une  foule  de  per- 
sonnes dont  le  nombre  croissait  de  jour  en  jour.  Il  n'était 
pas  admissible  que  cette  masse  de  peuple  le  suivit  pas  à 
pas  dans  ses  courses  à  travers  la  moitié  de  la  France. 
C'est  pour  cela  qu'il  fut  contraint  de  fonder  ça  et  là  des 
couvents  où  il  pût  donner  à  ses  disciples  le  vivre  et  le 
couvert.  Le  nombre  des  siens  augmentait-il  ?  Il  envoyait 
les  nouveaux  venus  dans  un  des  couvents  existant  déjà 
ou  bien  il  en  créait  de  nouveaux.  C'est  à  des  circonstances 
de  cette  nature  que  Fontevrault  dut  sa  fondation. 

A  la  limite  des  comtés  d'Anjou,  de  Touraine  et  de 

25 


—  386  — 

Poitou,  Robert  trouva  un  lieu  qui  lui  parut  convenable  à 
l'établissement  d'un  couvent.  Ce  lieu  qui  portait  depuis 
des  temps  immémoriaux  le  nom  de  Fons  Evraldi^  Fonte- 
vrault,  était  situé  dans  le  voisinage  de  Candes,  au  dio- 
cèse de  Poitiers.  C'était  une  vallée  peu  hospitalière  et 
couverte  de  broussailles. 

Elle  lui  fut  donnée  par  Adélaïde  surnommée  Riveria, 
fille  de  Guy  et  d'Aremburge,  à  l'effet  d'y  construire  une 
chapelle  en  l'honneur  de  la  Sainte  Vierge.  D'après  Bau- 
dry,  Robert  aurait  préféré  ce  lieu  désert  à  tout  autre, 
dans  la  pensée  que  ses  disciples,  hommes  et  femmes, 
pourraient  y  vivre  sans  qu'il  arrivât  rien  de  fâcheux.  Je 
crois  difficilement  que  Robert  se  soit  laissé  guider  par 
un  tel  motif  :  en  effet,  le  séjour  dans  un  lieu  inhospi- 
talier ne  saurait  empêcher  les  abus  s'ils  ne  sont  pré- 
venus par  une  stricte  discipline.  Voici  au  contraire 
quelque  chose  qui  mérite  attention.  Dans  le  document 
par  lequel  Pierre  de  Poitiers  concède  à  Robert  et  à  sa 
Congrégation  le  lieu  dit  «  Tuçon  »,  on  trouve  l'intéres- 
sant passage  suivant  :  «  Cum  itaque  vir  quidam  magnœ 
«  religionis  et  bona^  opinionis  nomine  Robertus  de 
«  Arbrissello  loca  solitaria  et  divinis  cultibus  idonea 
«  vigilantia  {ou  vigilanti)  cura  diligenter  inquireret,  in 
«  quibus  sanctimoniales  feminas,  quas  ad  serviendum 
«  Deo  viventi  congregaverat,  coUocare  valeret,  quidam 
«  vir...  ipsum...  obnixis  precibus  exoravit,  in  supra- 
«  dicto  loco  (Tuçon)  ecclesiam  sedificare  dignaretur  ». 

La  Vie  d'André  contient  une  déclaration  analogue  : 
«  Despiciebat  rêvera  inter  castella  vel  vicos  conventus 
«  suse  sancta3  religionis  habere,  nimirum  aperte  cognos- 
«  cens  proposito  sanctœ  religionis  talia  nocere  ». 

Le  principe  qui  guida  Robert  dans  son  choix  est 
celui-ci  :  au  culte  divin  conviennent  les  lieux  solitaires. 
On  reconnaît  à  ce  trait  l'ancien  ermite  qui  veut  étendre 
son  idéal  à  la  vie  cénobitique  elle-même.  Robert  n'est 
pas  le  seul  qui  ait  pensé  ainsi  :  ses  compagnons  ont  eu 
aussi  la  même  idée.  Les  promoteurs  du  mouvement  reli- 


—  387  — 

gieux  de  cette  époque  s'efforcent  de  restaurer  la  vie 
monastique  selon  les  principes  qui  avaient  présidé  autre- 
fois à  son  institution. 

On  conçoit  donc  fort  bien  que  Robert  ait  choisi  Fon- 
tevrault  comme  premier  lieu  d'établissement  pour  ses 
disciples.  Cela  se  fit,  comme  nous  l'avons  vu,  à  la  fin  de 
1100  ou  au  début  de  1101. 

C'était  un  monde  fort  mêlé  qui  s'était  réuni  à  Fonte- 
vrault  sous  la  direction  de  Robert  :  des  vieux  et  des 
jeunes,  des  riches  et  des  pauvres  y  étaient  admis  ;  on 
n'excluait  même  pas  les  lépreux  et  les  prostituées.  Si 
Robert  voulait  maintenir  l'ordre  et  la  discipline  dans 
cette  troupe  d'hommes  et  de  femmes,  il  fallait,  de  toute 
nécessité,  les  séparer  d'après  leur  sexe.  Au  début,  il  est 
vrai,  on  dut  se  contenter  de  misérables  huttes  pour  se 
protéger  contre  les  intempéries,  et  Robert  sépara  les 
hommes  des  femmes  en  astreignant  ces  dernières,  selon 
Baudry,  à  une  stricte  clôture.  Il  y  en  avait  pourtant 
quelques-unes  qui  étaient  chargées  de  servir  les  pauvres 
et  les  pèlerins.  Bientôt  aussi  on  construisit  un  oratoire. 
Mais  tout  cela  était  fort  primitif  et  ne  devait  pas  tarder 
à  devenir  insuffisant.  Le  nombre  des  disciples  de  Robert 
croissait  rapidement  et  les  cabanes  devenaient  trop 
petites.  Peut-être  même  la  clôture  des  femmes  n'était- 
elle  pas  assez  sévère,  car  quelques-unes,  dont  la  conver- 
sion n'était  pas  suffisamment  profonde,  retournèrent  à 
leur  vie  de  péché.  Tel  est  du  moins  le  récit  de  Marbode. 
Robert  dut  donc  agrandir  ses  bâtiments.  Tout  d'abord 
on  élargit  l'oratoire  élevé  en  l'honneur  de  la  Vierge.  La 
construction  parait  en  avoir  duré  assez  longtemps.  Dans 
la  bulle  du  5  avril  1112,  Pascal  II  parle  du  «  cœnobium 
<K  in  honorem  beatœ  Mariœ  semper  virginis  consecran- 
«  dum  ».  La  bulle  de  Callixte  II  du  15  septembre  1119, 
dans  laquelle  ce  pape  dit  qu'il  a  consacré  l'oratoire, 
prouve  que  non  seulement  le  cloître,  comme  l'indique 
le  «  cœnobium  »,  mais  encore  l'église  de  Fontevrault, 
n'avaient  pas  encore  reçu  de  consécration.  Robert  n'a 


—  388  — 

donc  pas  vu  consacrer  l'église  dont  il  avait  posé  la  pre- 
mière pierre. 

En  même  temps  on  travaillait  aux  bâtiments  conven- 
tuels de  Fontevrault  :  en  effet  il  y  en  a  quatre.  On  éta- 
blit dans  un  lieu  plus  éloigné  les  locaux  destinés  aux 
hommes  :  ils  y  vivaient  partagés  en  petits  groupes  :  les 
femmes,  elles  aussi,  étaient  réparties  en  des  locaux 
séparés.  Enfin  Robert  fit  établir  pour  les  lépreux  un 
couvent  à  part,  ils  y  avaient  un  lieu  destiné  exclusive- 
ment à  leurs  repas.  Robert  parait  avoir  témoigné  à  ces 
malheureux  une  sollicitude  toute  particulière.  L'église 
dédiée  à  la  Sainte  Vierge  dépendait  du  couvent  prin- 
cipal des  femmes  ;  mais  il  y  avait  aussi  d'autres  cha- 
pelles à  Fontevrault.  La  section  des  hommes  possédait 
sans  aucun  doute  un  oratoire  élevé  en  Thonueur  de 
saint  Jean  Tévangéliste. 

Ainsi  était  née  une  colonie  religieuse.  Mais  de  quoi 
vivait  tout  ce  monde  ?  Baudry  fait  à  cette  question  deux 
réponses  contradictoires  :  d'une  part,  il  raconte  que  les 
religieux  vivaient  de  leur  travail  ;  ailleurs,  il  dit  que 
Dieu  inspira  aux  gens  des  alentours  de  fournir  tout  ce 
qui  leur  était  nécessaire  aux  habitants  de  Fontevrault 
qui  pendant  ce  temps  vivaient  sans  soucis  et  que  d'ail- 
leurs Robert  veillait  à  ce  qu'ils  ne  manquassent  de 
rien.  La  contradiction  apparaît  moins  flagrante  quand 
on  réduit  les  exagérations  de  Baudry  à  de  justes  pro- 
portions. En  réalité  les  religieux  ont  vécu  à  la  fois  de 
leur  travail  et  de  la  charité  des  habitants  du  voisinage. 

Marbode  émet  cette  affirmation  étrange  qu'il  n'y  avait 
à  Fontevrault  aucune  règle,  et  que  chacun  vivait  à  sa 
fantaisie.  Mais  c'est  encore  une  exagération,  puisque 
Marbode  lui-même  parle  de  «  praecepta  novae  perfec- 
«  tionis  »  et  cite  quelques-uns  de  ces  préceptes.  L'acte 
de  Pierre  de  Poitiers  relatif  à  la  confirmation  de  la  nou- 
velle fondation  en  1106  prouve  l'existence  d'une  règle, 
et  Baudry  nous  en  fait  connaître  plusieurs  articles. 

En  ce  qui  concerne  l'admission  de  nouveaux  membres, 


—  389  — 

Robert  se  montrait  fort  libéral  :  il  avait  pris  pour  prin- 
cipe de  ne  renvoyer  personne.  Bien  que  Baudry  Ten 
loue  sans  réserve,  il  faut  pourtant  avouer  que  Marbode 
n'avait  pas  tort  en  le  mettant  en  garde  contre  les  dan- 
gers de  cette  pratique.  «  Des  hommes  et  des  femmes,  lui 
<K  dit-il,  sont  transportés  par  tes  discours  ;  tu  les  reçois 
«  sans  songer  que  leur  enthousiasme  n'est  que  passager  ; 
«  tu  ne  les  éprouves  même  pas,  dit-on,  en  te  tenant  pour 
«  satisfait  si  ton  nom  a  été  prononcé  sur  eux.  Mais  ils 
«  n'en  deviennent  pas  meilleurs,  ajoute-t-il,  les  scandales 
«  survenus  parmi  eux  le  prouvent  abondamment  ». 

La  vie  à  Fontevrault  n'était  pas  non  plus  entravée 
par  un  formalisme  trop  étroit,  du  moins  si  l'on  en  juge 
par  les  paroles  de  Baudry.  Tous  étaient  attachés  les  uns 
aux  autres  par  les  liens  de  la  charité  fraternelle.  L'amer- 
tume dans  les  propos,  l'envie,  la  discorde  étaient  égale- 
ment inconnues,  jamais  on  ne  répondait  avec  aigreur. 
Il  était  défendu  de  jurer. 

On  ignorait  le  bavardage  et  les  vains  propos,  parfois 
même  on  devait  garder  le  silence  ;  il  fallait  marcher  la 
tête  inclinée,  les  yeux  baissés.  Les  femmes  dans  leur 
étroite  clôture  devaient  prier,  chanter  des  psaumes, 
méditer.  Naturellement  elles  échangeaient  dès  leur  entrée 
leurs  vêtements  ordinaires  contre  l'habit  religieux.  Les 
hommes  travaillaient  et  s'occupaient  de  l'entretien  maté- 
riel. S'ils  étaient  prêtres,  ils  chantaient  les  psaumes  et 
disaient  la  messe.  Marbode  nous  dit  que  les  disciples  de 
Robert  s'en  allaient  en  troupes  à  travers  les  provinces, 
reconnaissables  à  leurs  longues  barbes  et  à  leurs  habits 
sales.  S'ils  le  faisaient,  c'était  évidemment  sur  l'ordre 
de  leur  maître,  et  ces  voyages  avaient  le  même  but  que 
ceux  de  Robert  lui-même.  C'est  une  preuve  nouvelle 
que  la  fondation  de  quelques  couvents  n'était  pas  la 
seule  préoccupation  de  celui-ci.  C'était  aussi  sur  son 
ordre  qu'on  portait  l'habit  de  pénitent. 

Naturellement  Robert  était  à  la  tête  de  l'établissement 
bien  qu'il  n'eût  pas  pris  le  titre  d'abbé. 


—  390  — 

Le  nouveau  couvent  était  placé  sous  la  protection 
toute  spéciale  de  Tévéque  Pierre  de  Poitiers,  dans  le 
diocèse  duquel  il  se  trouvait.  Pierre  avait  les  moines  en 
haute  estime  :  Yves  de  Chartres  lui  reproche  de  les  esti- 
mer au  point  de  les  placer  au-dessus  de  tous  les  clercs  ;  il 
n'est  donc  pas  surprenant  que  dans  son  voyage  à  Rome 
il  ait  insisté  près  du  pape  pour  obtenir  la  confirmation  de 
la  communauté.  Il  l'obtint  :  à  la  condition  que  les  droits 
des  évoques  de  Poitiers  seraient  toujours  respectés,  le 
couvent  fut  placé  sous  la  protection  du  pape  et  toutes 
ses  possessions  présentes  et  futures  furent  confirmées. 

Le  document  de  Pascal  II,  à  ce  relatif,  est  daté  du 
25  avril  1105.  Après  son  retour  à  Poitiers,  Pierre  fit  en 
1106  un  acte  par  lequel,  se  fondant  sur  la  bulle  du 
pape,  il  approuvait,  lui  aussi,  la  création  de  Robert. 

Après  la  fondation  de  Fontevrault,  Robert  ne  se  crut 
pas  obligé  de  rester  plus  longtemps  en  personne  dans 
le  nouveau  monastère,  il  avait  à  remplir  ses  devoirs  de 
prédicateur  et  ne  voulait  pas  y  faillir.  Et  même  pendant 
son  séjour  à  Fontevrault,  on  doit  avouer  que  les  progrès 
des  travaux  de  construction  ne  le  préoccupaient  guère.  Il 
mit  donc  à  la  tête  de  l'établissement  deux  femmes  d'un 
esprit  aussi  sage  que  pratique.  L'une  d'elles  s'appelait 
Hersende  et  appartenait  à  une  famille  très  noble.  «  Spreta 
«  sua,  qua  prselucebat,  nobilitate  choris  feminarum  adhœ- 
«  serat  »,  dit  Baudry  en  parlant  d'elle.  Son  père  était 
Hubert  !•'  de  Champagne  et  sa  mère  Agnès  de  Clairvaux 
et  Mathefelon.  Elle  s'était  mariée  deux  fois.  Son  premier 
mari,  un  certain  Foulques,  n'est  guère  connu.  Elle 
épousa  en  secondes  noces  Guillaume  de  Montsoreau, 
également  d'une  famille  noble  fort  connue  à  l'époque, 
dit  Baudry  dans  son  épitaphe. 

De  cette  union  naquit  un  fils,  Etienne.  Après  la  mort 
de  son  mari,  Hersende  entra  au  couvent  de  Fontevrault 
et  ne  tarda  pas  à  en  devenir  prieure.  C'est  bien  ce  que 
rapporte  Baudry  :  «  Elle  avait,  dit-il,  des  fonctions  de 
«  surveillance  et  de  représentation.  » 


—  391  — 

Le  «  Gallia  Christiana  »,  d'après  le  Martyrologe  de 
Fontevrault,  place  sa  mort  le  10  novembre  1109.  Son 
tombeau  se  trouve  à  Fontevrault. 

A  côté  d'elle  nous  trouvons  la  haute  et  noble  dame  de 
Chemillé.  Niquet  ne  sait  pas  exactement  si  elle  était  de 
naissance  une  Chemillé  ou  bien  si  elle  est  entrée  par  un 
mariage  dans  cette  famille.  Il  incline  vers  cette  dernière 
hypothèse.  Ménage  a  prouvé  qu'il  avait  raison  en 
démontrant  que  Pétronille  de  Chemillé  était  fille  de 
Bouchard  de  Craon  et  de  sa  femme  Texelina.  Son  mari 
était  sans  doute  Orri  le  Roux  de  Chemillé  ;  elle  avait  eu 
plusieurs  enfants.  Parmi  ceux-ci  le  Martyrologe  de  Fon- 
taine cite  deux  fils  :  Pierre  et  Aléard.  Baudry  loue  son 
grand  sens  pratique.  Elle  fut  prieure  après  la  mort 
d'Hersende. 

Après  avoir  pris  les  mesures  nécessaires  à  la  conti- 
nuation des  travaux  de  construction  à  Fontevrault  et 
fait  en  sorte  que  la  bonne  administration  de  l'abbaye  fût 
assurée,  Robert  reprit  ses  voyages.  Toutefois  ces  cour- 
ses errantes  n'étaient  point  inutiles  à  la  prospérité  de 
l'abbaye,  car  de  tous  côtés  il  recevait  des  donations  en 
faveur  de  celle-ci.  Il  suffit  de  parcourir  la  liste  des  pos- 
sessions de  Fontevrault  énumérées  dans  la  bulle  de  Cal- 
lixte  II,  et  qui  dans  Migne  n'occupe  pas  moins  de  deux 
colonnes,  pour  se  convaincre  que  M.  Daru  a  raison  en 
disant  que  le  nom  de  pauperes  Christi  ne  convient  plus 
guère  aux  hôtes  de  ce  monastère,  et  la  comtesse  Arem- 
burge  d'Anjou  pouvait  dire  de  Robert  :  «  Ecclesiam  ad 
«c  usum  sanctœ  congregationis  ejusdem  loci  sanctimo- 
«  nalium,  divina  disponente  clementia,  ditare  largiter 
«  invigilavit  ». 

Néanmoins  on  reconnaît  ici  aussi  quelles  influences 
avaient  formé  l'esprit  de  Robert.  Le  désir  immodéré 
d'enrichir  leur  couvent  était  général  parmi  les  moines 
de  ce  temps,  on  tirait  à  soi  tout  ce  qu'on  pouvait.  Mai- 
nier,  abbé  de  Saint-Evroult-en-Ouche,  avait  donné  pour 
mission  à  quelques  moines  de  rapporter  à  la  commu- 


—  392  — 

nauté  toutes  les  richesses  qu'ils  pourraient  trouver. 
Goisbert  de  Chartres,  religieux  du  même  couvent,  savait 
guérir  les  maladies  et  poussait  les  gens  qu'il  avait  sou- 
lagés à  faire  des  dons  à  Tabbaye.  Robert  de  Grand- 
mesnil,  au  dire  d'Orderic  Vital,  sur  le  point  d'entrer  dans 
le  même  couvent,  vola  au  profit  du  monastère  dont  il 
allait  devenir  moine  plusieurs  de  ses  parents,  sous  pré- 
texte que  cela  profiterait  à  leur  salut  éternel.  Ce  fait  est 
caractéristique  ;  ce  qui  l'est  encore  plus,  c'est  que 
Orderic  n'a  pas  un  mot  de  blâme  pour  l'auteur  de  cette 
action.  Avec  une  naïveté  inouie,  il  écrit  :  «  Multos 
«  labores  pro  subventione  pauperis  ecclesidB  sustinuit, 
«  opesque  parentum  suorum  qui  divitiis  abundabant 
«  m\iltoties  rapuit  et  pro  sainte  eorum  ad  subsidia  fide- 
«  lium  caritative  distribuit  ».  C'est  ainsi  que  les  choses 
se  passaient  en  Normandie,  ce  n'était  guère  mieux  sans 
doute  en  Bretagne  et  en  Anjou. 

Robert  ne  s'est  pas  montré  avide  comme  les  moines 
que  nous  venons  de  parler.  Il  hésitait  parfois  longtemps 
avant  d'accepter  un  terrain  qui  lui  était  offert.  Il  le  refusait 
même  quand  un  autre  lui  semblait  avoir  quelque  droit  sur 
ce  terrain  :  il  préférait  la  paix.  Le  fait  suivant  le  prouve  : 

Un  homme  noble,  nommé  Foucaud,  offrant  à  Robert 
pour  y  établir  des  religieuses  le  lieu  désert  appelé  Tuçon 
(diocèse  de  Poitiers),  Robert  refuse  d'en  prendre  posses- 
sion avant  d'avoir  la  permission  de  Tévêque  Pierre  de 
Poitiers.  Foucaud  se  procure  cette  autorisation  et  Robert 
fait  commencer  la  construction  d'une  église.  Mais  les 
moines  de  Nanteuil  élèvent  des  prétentions  sur  ce  lieu 
et  Robert  fait  aussitôt  arrêter  les  travaux.  Les  moines 
toutefois  ne  pouvant  pas  prouver  leur  droit,  l'évêque 
invite  Robert  à  continuer  son  église,  il  se  refuse  à  le 
faire  avant  que  les  moines  aient  consenti  de  bon  gré  et 
il  ne  fait  reprendre  le  travail  que  lorsque  Foucaud  a 
trouvé  moyen  de  dédommager  les  moines  d'une  autre 
façon.  On  voit  que  là  encore  Robert  a  donné  une  preuve 
de  vraie  piété  intérieure. 


—  393  — 

De  toutes  les  donations  qui  furent  faites  à  Robert, 
une  partie  fut  affectée  à  la  fondation  de  couvents  de 
femmes.  Le  privilège  de  Pascal  II,  en  1105,  nomme  déjà 
expressément  cinq  fondations  de  cette  sorte.  En  1109 
Robert  en  cite  quelques  autres  dans  le  diocèse  de  Poi- 
tiers. Avec  le  temps  beaucoup  d'autres  s'ajoutèrent  à 
ce  nombre,  certaines  d'entre  elles  se  trouvaient  dans 
des  provinces  éloignées.  En  1119  la  congrégation  était 
répandue  et  avait  des  possessions  pour  ainsi  dire  dans 
toute  la  France,  dans  la  Maine,  dans  l'Anjou,  à  Poitiers, 
à  Limoges,  en  Périgord,  à  Toulouse,  en  Berry,  à 
Orléans,  près  de  Paris  et  en  Bretagne. 

En  moins  de  vingt  années  était  née  une  puissante  con- 
grégation. Le  nombre  de  ses  membres  s'élevait  à  près 
de  3.000.  Des  personnes  de  la  plus  haute  noblesse,  des 
princes  même,  y  entrèrent.  Nous  avons  déjà  cité  Her- 
sende,  Pétronille  et  sa  sœur  Agnès. 

La  duchesse  Hermengarde  de  Bretagne  a  pris  le 
voile  à  Fontevrault  :  le  Martyrologe  l'appelle  «  mona- 
cha  ».  Agnès,  épouse  d'AIard,  seigneur  d'Orsan,  quitta 
son  époux  et  devint  religieuse  de  la  nouvelle  congréga- 
tion, elle  fut  prieure  d'Orsan.  Philippa,  épouse  de 
Guillaume  d'Aquitaine  et  de  Poitiers,  dominée  par  la 
personnalité  de  Robert,  prit  le  voile  à  Fontevrault  ou 
au  couvent  d'Espinasse  fondé  par  elle  (1115).  Enfin  Ber- 
trade,  la  maîtresse  de  Philippe,  roi  de  France,  se  fit  reli- 
gieuse et  entra  au  couvent  de  Haute-Bruyère.  A  titre 
d'ancienne  épouse  de  Foulques  IV  d'Anjou,  elle  s'inté- 
ressait particulièrement  à  Fontevrault,  que  celui-ci  et 
son  fils  Foulques  V  protégeaient.  On  ne  saurait  d'après 
cela  s'étonner  que  des  familles  princières  se  soient  très 
vivement  intéressées  à  cet  ordre  :  cela  est  vrai  non  seu- 
lement de  la  famille  d'Anjou,  mais  encore  du  roi  de 
France  Louis  VI.  Baudry  a  donc  raison  d'écrire  : 
«  Mittebant  in  pauperrimi  Fontebraldensis  cœnobii 
«  gazopilacium  reges  et  consules  larga  donaria.  ». 

Ainsi  prospérait  Tordre  de  Fontevrault  grâce  à  la 


—  394  — 

faveur  des  grands.  Robert  se  vit  donc  forcé  de  lui  don- 
ner une  plus  forte  organisation. 

Nous  avons  déjà  vu  qu'il  n'avait  pas  voulu  d'un  trop 
grand  formalisme  dans  son  couvent.  Il  lui  importait  bien 
davantage  de  voir  régner  chez  les  siens  une  véritable 
piété  intérieure.  Il  est  de  fait  qu'il  ne  possédait  aucun 
talent  d'organisateur.  Marbode  résume  dans  les  termes 
suivant  les  reproches  qu'il  lui  a  adressés  :  «  Ergo  et 
«  super  hoc  exitu  tua  culpatur  religio,  quia  in  introitu 
«  non  est  habita  mater  virtutum,  discretio  ». 

Geoffroi  de  Vendôme,  d'autre  part,  dit  qu'il  n'entend 
rien  au  gouvernement  des  femmes,  traitant  les  unes 
trop  sévèrement,  les  autres  avec  une  indulgence  exa- 
gérée. Mais  malgré  tout  cela  une  organisation  était 
nécessaire  et  Robert  se  trouvait  en  face  d'une  tâche 
pour  laquelle  il  n'était  pas  fait.  Les  erreurs  qu'il  commit 
en  voulant  l'accomplir  sont  cause,  en  partie,  de  ce  que 
le  grand  mouvement  suscité  par  lui  se  perdit  pour  ainsi 
dire  dans  la  Congrégation  de  Fontevrault. 

Considérons  la  règle  qui  fut  donnée  à  la  congrégation 
en  1116  :  remarquons  d'abord  que  cette  règle,  composée 
par  Robert,  n'a  pas  la  prétention  d'introduire  de  nou- 
veaux principes  dans  la  vie  monastique  ;  tout  au  con- 
traire la  règle  bénédictine  servira  toujours  de  norme  à 
Fontevrault.  Le  problème  qui  préoccupe  à  cette  époque 
les  religieux  est  celui-ci  :  suivra-t-on  à  la  lettre  la  règle 
bénédictine  ?  Nous  ne  savons  pas  comment  Robert  a 
tranché  la  question.  Mais  le  seul  fait  que  ses  fidèles 
compagnons  Girard  de  Salles,  Bernard  de  Tiron,  Vital 
de  Savigny,  ont  exigé  dans  leurs  couvents  l'étroite 
observance,  ce  seul  fait,  dis-je,  nous  incline  à  croire  que 
Robert  a  agi  de  même.  Cette  conclusion  est  d'ailleurs 
confirmée  par  l'examen  de  la  règle.  Cette  règle,  qui 
d'après  la  Vie  d'André  était  divisée  en  quatre  parties, 
contient,  autant  que  nous  pouvons  en  juger  par  les 
fragments  qui  en  ont  subsisté,  ce  qui  suit  : 

I.  —  Des  prescriptions  motivées  parle  caractère  mixte 


—  395  — 

de  la  congrégation.  Telles  sont  :  le  devoir  imposé  à  tous 
d'obéir  à  Pétronille,  abbesse  à  la  fois  du  couvent  des 
hommes  et  de  celui  des  femmes,  la  défense  d'introduire 
sans  sa  permission  aucun  étranger  dans  la  communauté 
des  moines,  et  celle  d'administrer  aux  religieuses  les 
derniers  sacrements  ailleurs  que  dans  la  chapelle.  Cette 
dernière  défense  est  une  conséquence  de  la  clôture  ; 

II.  —  Des  prescriptions  qui  renouvellent,  parfois  en 
l'aggravant,  la  règle  bénédictine.  Nous  avons  vu  plus 
haut  que,  à  certaines  époques,  le  silence  était  prescrit 
aux  gens  de  Fontevrault  ;  désormais  la  règle  sera  plus 
sévère  :  seules  les  religieuses  ayant  à  s'occuper  des 
soins  matériels  pourront  parler  ;  les  autres  devront 
garder  le  silence  et  ne  communiquer  entre  elles  que  par 
signes  en  cas  de  nécessité  absolue.  Ce  précepte  a  fait  une 
certaine  impression  sur  les  contemporains  :  Guillaume 
de  Malmsburys'étonne  ironiquement  que  Robert  ait  réussi 
à  réduire  au  silence  une  telle  troupe  de  femmes.  Mais 
cette  prescription  du  silence  ne  contient  aucune  idée 
nouvelle  :  la  règle  bénédictine  commandait  fréquem- 
ment le  silence,  Robert  n'a  fait  que  la  rendre  plus 
sévère. 

Il  en  est  de  même  pour  l'usage  de  la  viande  :  la  règle 
bénédictine  la  permet  aux  malades  et  aux  infirmes, 
Robert  la  défend  complètement. 

Il  y  a  à  côté  de  cela  des  préceptes  calqués  sur  la  règle 
bénédictine.  Ce  sont,  par  exemple,  les  préceptes  relatifs 
aux  vêtements  qui  ne  doivent  que  protéger  le  corps  du 
froid  et  non  être  un  instrument  de  vanité.  D'après  la  Vie 
d'André,  Robert  a  tiré  directement  cette  prescription 
de  la  règle  des  Bénédictins.  Il  en  est  de  même  de.  ce  qui 
concerne  Toilice  canonique  et  le  renoncement  à  toute 
propriété  personnelle. 

Baudry  nous  dépeint  les  religieux  marchant  la  tête 
inclinée  et  les  yeux  baissés.  Cela  aussi  me  parait  une 
réminiscence  du  chapitre  VII  de  la  règle  bénédictine. 

III.  —  La  règle  de  Robert  défend  à  la  communauté 


—  396  — 

d*accepter  en  don  des  églises  paroissiales  ou  des  dîmes 
provenant  de  celles-ci.  Nous  avons  déjà  dit  que  c'était 
là  une  des  exigences  des  réformateurs  des  ordres 
monastiques.  Il  était  aussi  défendu  de  laisser  les  laïcs 
empiéter  sur  les  biens  de  la  Congrégation. 

IV.  —  En  quatrième  lieu,  nous  trouvons  des  pres- 
criptions d'ordre  général  et  d'autres  d'ordre  ascétique  : 
aux  premières  se  rapportent  la  défense  de  jurer  et  de 
s'en  rapporter  au  jugement  de  Dieu,  par  le  feu  et  le  duel 
judiciaire,  et  aussi  la  nécessité  de  faire  choisir  l'abbesse 
parmi  les  converses.  Parmi  les  dispositions  d'ordre 
ascétique  il  faut  citer  la  suivante  :  les  religieux  doivent 
se  faire,  trois  fois  l'an,  pratiquer  la  saignée.  Il  y  avait 
enfin  des  dispositions  établies  de  façon  à  répondre  à  la 
situation  particulière  de  Fontevrault.  Les  restes  des 
repas  doivent  êtres  portés  à  la  porte  du  couvent  des 
femmes  et  distribués  aux  pauvres.  Les  prescriptions 
énumérées  sous  les  n**'  2  et  3  prouvent  bien  que  Robert 
était  partisan  de  la  réforme  monastique.  Cela  devient 
évident  si  nous  ajoutons  qu'il  faisait  aux  moines  une 
obligation  du  travail.  Ce  qui  est  particulier  dans  la  fon- 
dation de  Robert,  c'est  l'organisation  qu'il  lui  donna. 
Peu  avant  sa  mort,  il  mit  à  la  tête  de  la  Congrégation 
entière  non  un  homme  mais  une  femme. 

Hersende  était  morte  et  le  choix  tomba  sur  Pétronille, 
prieure  de  Fontevrault.  Comme  Pierre  de  Poitiers  était 
mort  dans  l'exil  où  Guillaume  d'Aquitaine  l'avait 
envoyé,  Robert  appela  près  de  lui  plusieurs  dignitaires 
de  l'Eglise  de  Poitiers  pour  s'entretenir  avec  eux  de 
l'élection  de  l'abbesse.  On  avait  deux  questions  à  exa- 
miner :  pouvait-on  mettre  une  femme  à  la  tête  de  la 
Congrégation  et,  d'autre  part,  Pétronille,  qui  avait  été 
mariée,  pouvait-elle  être  abbesse  du  couvent? 

Pour  la  première  question,  Robert  craignait  (avec  rai- 
son) de  l'opposition.  —  La  Vie  d'André  lui  met  les 
paroles  suivantes  dans  la  bouche  :  «  Scitis...  quod 
«  quidquid  in  mundo  œdificavi,  ad  opus  sanctimonia- 


—  397  — 

«  lium  nostranim  feci  eisque  potestatem  omnem  faculta- 
«  tum  mearum  prœbui,  et,  quod  bis  majus  est,  et  me  et 
<c  meos  discipulos  pro  animarum  nostrarum  salute  earum 
ce  servitio  submisi.  Quamobrem  disposai  cum  vestro  con- 
«  silio,  huic  congre gationi,  donec  sum  superstes,  abba- 
«  tissam  ordinare  ;  ne  forte  (quod  absit  !)  post  obitum 
«  meum  aliquis  prsesumat  huic  mese  définition!  contra- 
«  dicere  ». 

On  voit  que,  d'après  la  Vie^  Robert  se  serait  consacré 
presque  exclusivement  aux  femmes  et  leur  aurait  donné 
toute  sa  sollicitude  (ce  qui  d'ailleurs  n'est  pas  tout  à 
fait  exact).  Lui-même  ainsi  que  ses  disciples  se  seraient 
subordonnés  entièrement  à  elles  et  on  aurait  pour  ce 
motif  mis  une  abbesse  à  la  tète  de  la  communauté. 

En  ce  qui  concerne  la  seconde  question,  Robert 
aurait  trouvé  plus  convenable  à  la  dignité  de  sa  fonda- 
tion de  mettre  une  vierge  à  la  tète  de  celle-ci.  Mais 
comme  on  pouvait  craindre  qu'elle  ne  s'entendit  pas 
assez  aux  choses  du  monde,  il  jugeait  indispensable 
pour  assurer  l'avenir  de  Tordre  de  nommer  une  femme 
qui  connût  les  affaires  du  siècle.  Un  archiprêtre  d'An- 
gers mit  fin  à  tous  les  scrupules  en  rappelant  que  le 
pape  Urbain  II  avait  permis  en  une  certaine  circons- 
tance d'élire  une  femme  qui  avait  été  mariée  quatre 
fois.  Tous  les  dignitaires  présents  se  rangèrent  à  cet 
avis.  Pétronille  fut  élue  et  l'élection  approuvée  par  le 
légat  Girard  d'Ângouléme  et  Pascal  II.  Ainsi  Pétronille 
avait  sous  ses  ordres  les  prieurs,  hommes  et  femmes,  de 
tous  les  monastères  particuliers. 

Quel  est  le  caractère  de  cette  congrégation  mixte  ? 
Robert  a-t-il  voulu  introduire  un  nouveau  principe  dans 
le  monde  monastique  .^  Si  non,  comment  comprendre 
cette  organisation  singulière  ? 

Les  deux  chroniqueurs  anglais  qui  s'étendent  longue- 
ment sur  la  fondation  de  Fontevrault  ne  parlent  que  de 
rétablissement  d'une  congrégation  de  femmes.  Guil- 
laume de  Malmsbury  dit  par  exemple  :  «  Illud  egregium 


—  398  — 

«  sanctimonalium  monasteriom  apud  Fontem  Ebraldi 
«  coDsirueret  ».  Le  récit  de  Guillaame  de  Newbargh 
est  plus  remarquable  encore  :  il  parle  d'une  convention 
conclue  entre  Robert,  Bernard  de  Tiron  et  Vital  de 
Savigny,  d'après  laquelle  le  soin  des  femmes  aurait  été 
confié  à  Robert  tandis  que  les  deux  autres  auraient  eu 
la  direction  des  hommes.  Bien  que  l'historien  s'appuie 
sur  une  ancienne  tradition,  son  histoire  n'est  qu'une 
légende,  car  Robert  aussi  bien  que  Vital  s'est  occupé 
des  hommes  et  des  femmes.  Mais  le  fait  qu'une  légende 
postérieure  attribue  à  Robert  la  direction  exclusive  des 
religieuses  est  intéressant  si  on  considère  d'ailleurs  les 
documents  contemporains  de  Robert  qui  se  rapportent  à 
Fontevrault.  Dans  l'acte  de  fondation,  Pascal  II  ne 
mentionne  que  les  religieuses  et,  bien  que  Pierre  de 
Poitiers,  dans  l'acte  de  confirmation,  dit  que  Robert  a 
enlevé  au  monde  des  hommes  et  des  femmes,  néanmoins 
il  ne  parle  lui  aussi  que  du  couvent  des  religieuses.  Dans 
la  lettre  de  Robert  à  Pierre  de  Poitiers  (1109)  où  il  lui 
demande  de  prendre  l'ordre  sous  sa  protection,  nous 
trouvons  bien  mentionnés  des  hommes,  mais,  chose 
remarquable,  ils  sont  appelés  viri  et  non  monachi  ou 
fratres.  Dans  les  actes  de  donation  et  de  confirmation 
rapportés  par  Migne  (il  y  en  a  environ  soixante-dix),  il 
est  bien  question  des  frères,  mais  ils  ne  sont  que  six 
fois  mentionnés  comme  tels  :  quatre  fois  on  lit  que  des 
frères  ont  été  appelés  comme  témoins,  et  par  deux  fois 
il  est  question  de  couvents  de  moines.  On  a -l'impression 
que  les  frères  jouent  un  rôle  tout  secondaire,  et  que  par- 
tout on  tient  à  affirmer  que  Fontevrault  est  une  commu- 
nauté de  femmes. 

Considérons  d'ailleurs  ce  que  Baudry  dit  des  occupa- 
tions des  moines  :  ceux  d'entre  eux  qui  sont  prêtres, 
dit-il,  s'occupent  du  culte  ;  les  autres  ont  à  vaquer  aux 
soins  matériels.  Si  Ton  tient  compte  de  tout  cela  il  faut 
reconnaître  que  Mabillon  a  pu  contester  l'unité  d'orga- 
nisation de  Fontevrault.  Cette  organisation  n^a  pas  été 


—  399  — 

primitivement  autre  chose  que  celle  de  toutes  les  com- 
munautés mixtes.  Ces  communautés  ont  été  de  deux 
sortes  :  dans  les  unes,  les  moines  avaient  leur  abbé 
comme  les  religieuses  avaient  leur  abbesse  ;  dans  les 
autres,  il  n'y  avait  qu'une  abbesse  chargée  de  la  direc- 
tion des  religieuses,  et  dans  un  édifice  séparé  vivaient 
quelques  moines  chargés  de  l'entretien  des  religieuses, 
n'ayant  pas  eux-mêmes  d'abbé  à  cause  de  leur  petit 
nombre  et  soumis  par  cela  même  à  l'abbesse.  Fonte- 
vrault  serait,  d'après  Mabillon,  une  communauté  de 
cette  dernière  sorte.  Mais  il  n'y  avait  pas  seulement  une 
poignée  de  moines. 

Robert  avait  l'habitude,  comme  nous  l'apprend  la  Vie 
d'André,  toutes  les  fois  qu'il  fondait  un  couvent  de 
femmes,  d'adjoindre  à  celles-ci  des  moines  destinés  à 
leur  service.  Il  mettait  les  couvents  de  femmes  sous  le 
vocable  de  la  Sainte  Vierge  et  ceux  d'hommes  sous 
celui  de  saint  Jean  l'Evangéliste.  Les  moines  avaient 
leurs  prieurs.  Pourtant  le  lien  qui  les  unissait  aux 
religieuses  était  assez  lâche;  nous  savons  que  les  péré- 
grinations des  disciples  de  Robert  à  travers  la  France 
ont  été  accomplies  par  son  ordre.  Sentant  sa  mort 
approcher,  il  dut  se  poser  la  question  :  que  deViendront 
les  hommes  qui  s'étaient  groupés  autour  de  lui  ?  Jus- 
qu'alors il  avait  été  le  lien  qui  avait  tout  retenu  ensem- 
ble, les  hommes  et  les  femmes.  Mais  comment  devaient 
maintenant  s'organiser  les  hommes  ?  La  Vie  d'André 
répond  à  cette  question  :  l'année  qui  précéda  sa  mort, 
Robert  appela  près  de  lui  ses  disciples  et  leur  demanda 
s'ils  étaient  disposés,  comme  par  le  passé,  à  rester  au 
service  des  religfieuses,  en  d'autres  termes  s 'ils  voudraient 
faire  le  vœu  de  stabilité.  Ils  n'acceptèrent  pas  unanime- 
ment :  «  Pêne  omnes  unanimi  voce  dixerunt  »,  rapporte 
André.  Le  pape  Callixte  II  dut  ordonner  formellement  à 
ceux  qui  avaient  promis  de  tenir  leur  engagement.  Et 
Honorius  II,  dans  la  bulle  du  l"''  novembre  1126, 
défendit  aux  moines  de  quitter  le  couvent  sans  y  être 


—  400  — 

autorisés.  On  voit  par  là  que  Tordre  établi  par  Robert 
n'a  pas  toujours  été  suivi. 

Cela  donné,  nous  pouvons  former  notre  jugement  sur 
la  Congrégation.  Robert  n'a  pas  voulu  de  prime  abord 
établir  une  congrégation  mixte  ;  il  a  encore  bien  moins 
voulu,  par  principe,  subordonner  les  hommes  aux 
femmes.  Cette  idée  que  Nique t,  évidemment  sous  l'im- 
pression du  mouvement  qui  eut  lieu  de  son  temps  à 
Fontevrault,  a  cherché  à  faire  prévaloir,  a  souvent  été 
reprise  par  la  suite.  On  a  même  appelé  Robert  le 
«  Chevalier  errant  du  monachisme  »  ;  on  a  voulu  voir 
en  lui  un  adepte  de  cette  piété  qui  confondit  la  religion 
et  la  galanterie  chevaleresque.  Mais  Robert  n'avait  rien 
d'un  chevalier  errant.  Caractérisons  donc  en  peu  de 
mots  son  œuvre  comme  fondateur  de  la  Congrégation. 
Moitié  pour  des  motifs  ascétiques,  moitié  dans  la  pensée 
qu'il  ne  devait  repousser  personne,  il  rassemble  des 
femmes  autour  de  lui.  Il  parcourt  le  pays,  suivi  de 
celles-ci  comme  d'une  troupe  d'ascètes  ;  puis  de  méchants 
bruits  l'obligent  à  établir  la  demeure  des  femmes  dans 
des  couvents.  Il  doit  être  considéré  comme  leur  chef 
bien  qu'il  ait  refusé  le  titre  d'abbé.  Des  disciples  hommes 
les  servent,  tout  eii  continuant  leurs  courses  de  propa- 
gande, et  ne  sont  tenus  à  rester  près  d'elles  par  aucune 
règle. 

On  s'explique  donc  aisément  que  la  tradition  anglaise 
représente  Robert  comme  le  fondateur  d'une  congréga- 
tion de  femmes  et  que  dans  les  plus  anciens  documents 
les  moines  n'apparaissent  qu'au  second  plan.  Ce  n'est 
qu'en  1116  qu'on  commence  à  se  demander  sérieu- 
sement ce  qu'on  doit  faire  de  ceux-ci.  Robert  essaie  de 
les  lier  parle  vœu  de  stabilité  au  monastère  de  femmes, 
mais  il  se  heurte  dès  le  début  à  une  opposition,  et  les 
sévères  admonestations  par  lesquelles  les  papes  rap- 
pellent les  moines  à  l'observance  de  leurs  engagements 
montrent  assez  combien  ils  auraient  été  disposés  à  s'en 
dispenser. 


—  401  — 

Le  mouvement  créé  par  Robert  a  été  grand  à  son 
débuts  mais  il  n'a  pas  duré.  Soit  que,  dominé  par  la  sin- 
gulière conception  qu'il  avait  parfois  de  Tascétisme,  il 
ait  dispersé  ses  forces  en  se  mettant  au  service  de  la 
partie  féminine  de  ses  disciples,  soit  qu'il  ait  manqué 
du  talent  d'organisateur  en  subordonnant  les  moines 
aux  religieuses  et  en  mettant  les  uns  et  les  autres  sous 
les  ordres  d'une  abbesse,  en  tous  cas  Robert  s'est  créé 
à  lui-même  des  obstacles  ;  cette  magnifique  floraison 
n'a  pas  donné  les  fruits  qu'elle  promettait  :  elle  n'a  pro- 
duit que  la  congrégation  de  Fontevrault,  asile  de 
grandes  dames  dégoûtées  du  monde. 

VI 
Mort  de  Robert. 

Il  nous  reste  encore  à  dire  quelques  mots  de  la  mort 
de  Robert.  Nous  devons  à  la  piété  de  ses  disciples  des 
détails  exacts  sur  ses  derniers  jours. 

Notre  récit  a  conduit  Robert  jusqu'à  son  dernier  ser- 
mon à  Déols.  De  là  il  se  mit  en  route  pour  répondre  à 
une  invitation  qui  lui  avait  été  faite  et  c'est  vers  le  nord 
qu'il  se  dirigea.  Il  quitta  Déols  un  vendredi.  Mais  pen- 
dant le  voyage  il  dut  fréquemment  descendre  de  cheval 
et  se  plaignit  à  de  nombreuses  reprises  d'un  violent 
malaise.  Il  tenait  toutefois  à  aller  jusqu'à  Graçay 
(Cher),  afin  que  ceux  qui  l'avaient  invité  ne  doutassent 
pas  de  sa  bonne  intention  et  vissent  bien  que  seul  son 
manque  de  force  l'avait  obligé  à  s'arrêter.  Il  put  accom- 
plir son  désir  et  passa  la  nuit  à  Graçay.  Le  lendemain 
il  se  sentit  incapable  d'aller  plus  loin  et  demanda  à  être 
porté  sur  une  civière  au  prieuré  d'Orsan.  On  voulut 
retenir  le  malade  à  Graçay,  mais  il  persista  dans  sa 
résolution.  Peut-être,  se  sentant  mourir,  voulait-il  rendre 
le  dernier  soupir  dans  un  monastère  de  son  ordre  afin 
que  celui-ci  pût  entrer  plus  facilement  en  possession  de 

26 


—  402  — 

sa  dépouille  mortelle  ;  c'est  du  moins  ce  que  prétend  la 
Vie  d'André.  Ce  jour-là  on  arriva  à  Issoudun,  où  on 
s'arrêta.  Là  encore  les  hôtes  de  Robert  cherchèrent  à  le 
retenir  ;  il  n'y  consentit  pas  mais  voulut  atteindre  le  but 
de  son  voyage,  Orsan,  où  il  fit  appeler  aussi  Pétronille 
et  la  prieure  Ângardis  ;  lui-même  arriva  le  dimanche. 
La  prieure  Agnès  fut  profondément  affligée  en  le  voyant 
arriver  malade.  Le  soir  il  exprima  son  vœu  d'être 
enterré  à  Fontevrault.  Le  lundi  il  reçut  le  viatique, 
l'extrême-onction  le  lendemain,  puis  communia  de  nou- 
veau en  s'accusant  amèrement  de  ses  fautes. 

Il  envoya  à  Léger,  archevêque  de  Bourges,  son  ami 
intime,  à  ce  que  suppose  la  Vie  d'André,  un  messager 
pour  le  prier  de  venir  le  voir.  Celui-ci  arriva  à  Orsan 
et  fit  entourer  la  ville  de  sentinelles  ;  les  habitants  de  la 
ville  en  firent  autant  dans  le  but  évident  d'empêcher  que 
le  cadavre  de  Robert  ne  fût  enlevé  secrètement  ou  de 
vive  force  et  de  conserver  à  la  ville  cette  précieuse 
relique.  Léger  ne  fut  pas  le  seul  à  visiter  Robert  ;  les 
seigneurs  du  pays  y  vinrent  aussi  et  pour  tous  il  sut 
trouver  un  mot  de  consolation  et  d'exhortation.  Avant 
tous  les  autres  arrivèrent  Pétronille  et  Angardis  de 
La  Puye  (c'est  un  monastère  de  l'ordre  qui  se  trouvait 
dans  la  Vienne).  La  première  ne  pouvait  cacher  son 
désespoir  en  songeant  à  la  mort  imminente  de  Robert  ; 
l'autre  avait  encore  une  ombre  d'espoir.  Le  mercredi, 
le  troisième  jour  avant  sa  mort,  Robert  eut  un  long 
entretien  avec  Léger;  selon  la  Vie  d'André,  il  y  exprima 
encore  son  désir  d'être  enterré  non  à  Bethléem,  ni  à 
Jérusalem,  ni  à  Rome,  ni  à  Cluny,  mais  dans  la  boue  de 
Fontevrault  avec  ses  chers  disciples  qui  désiraient,  il 
le  savait  bien,  attendre  avec  lui  le  jugement  dernier. 
D'ailleurs,  ajouta-t-il,  j'ai  encore  un  autre  motif  de 
souhaiter  que  mon  corps  demeure  à  Fontevrault  ;  j'espère 
en  effet  que,  si  quelque  conflit  vient  à  s'élever  entre  les 
religieux,  mon  tombeau  placé  au  milieu  d'eux  et  le  sou- 
venir de  ma  vie  pourront  servir  à  les  réconcilier. 


—  403  — 

En  réalité,  Tentretien  ne  dut  pas  avoir  tout  à  fait  la 
forme  qu'André  rapporte  ;  notamment  la  dernière  partie 
où  Robert  motive  son  désir  de  reposer  à  Fontevrault 
ressemble  fort  à  une  œuvre  d'imagination  destinée  à 
adoucir  des  conflits  nés  dans  la  communauté.  Etant 
donné  les  sentiments  si  chrétiens  exprimés  par  lui  tant 
de  fois,  il  n'est  guère  vraisemblable  qu'il  ait  marqué 
l'espoir  d'avoir  après  sa  mort  quelque  autorité  auprès 
de  Dieu  et  promis  d'intercéder  pour  les  siens. 

Tout  particulièrement  intéressant  est  son  jugement 
sur  Cluny.  Qu'il  l'ait  prononcé  lui-môme  ou  qu'il  lui  ait 
été  attribué  par  l'auteur  qui  était  son  disciple,  peu 
importe;  en  tous  cas  il  montre  bien  la  tendance  de  la 
réforme  monastique  ;  Cluny  est  nommé  aussitôt  après 
Bethléem,  Jérusalem  et  Rome.  Mais  le  trait  qu'il  choisit 
pour  le  caractériser  est  remarquable  :  «  Ubi  iiunt  pul- 
«  chrœ  processiones  ».  Et  malgré  cela,  Robert  préfère 
encore  pour  sa  sépulture  la  boue  de  Fontevrault.  On  ne 
voit  nulle  part  d'antagonisme  entre  deux  partis  oppo- 
sés, mais  l'idéal  de  la  vie  monastique  est  devenu  tout 
autre. 

Le  désir  de  Robert  d'être  emmené  à  Fontevrault 
contrecarrait  les  projets  de  Léger.  Il  déclara  que  lui- 
même  ne  pouvait  y  déférer  et  que,  seul,  Âlard,  seigneur 
d'Orsan,  avait  qualité  pour  décider.  Robert  fit  donc 
venir  la  prieure  Agnès,  qui  avait  été  l'épouse  d'Alard, 
et  lui  ordonna  de  faire  en  sorte  que  son  vœu  s'accom- 
plit ;  elle  le  promit.  Cette  conversation  avec  Léger  eut 
lieu  comme  nous  l'avons  dit  un  mercredi,  troisième 
jour  avant  la  mort  de  Robert.  Celui-ci  est  donc  mort  un 
vendredi.  Le  récit  d'André,  daté  jusqu'ici  très  exacte- 
ment, cesse  à  cet  endroit  de  l'être  ;  on  ne  sait  donc  pas 
quel  jour  ont  eu  lieu  les  événements  suivants. 

Il  me  parait  vraisemblable  que  les  faits  rapportés 
dans  le  chapitre  YII  se  sont  passés  aussitôt  après  l'en- 
tretien avec  Léger,  que  Robert  s'est  confessé  pour 
la  dernière  fois  dans  la  nuit  du  mercredi  au  jeudi  et  que 


—  404  — 

ensuite  il  est  tombé  dans  un  état  de  coma  qui  a  duré 
deux  jours.  L'expression  «  non  longe  post  »  dans  la 
dernière  phrase  de  la  Vie  d'André  embrasse  donc  une 
période  de  deux  jours.  On  peut  s'expliquer  ainsi  le 
silence  de  l'auteur  sur  ces  deux  jours  ;  l'agonie  avait 
déjà  commencé  et  aucun  fait  digne  de  remarque  ne 
s'était  accompli.  Nous  savons  seulement  que  le  jeudi 
eut  lieu  une  réunion  où  on  s'entendit  sur  l'enterrement 
de  Robert  et  que  Léger  avait  promis  de  ne  pas  assister 
à  cette  réunion. 

Nous  suivons  maintenant  le  récit  d'André  pour  les 
derniers  événements  qui  ont  eu  lieu  après  l'entretien 
avec  Léger.  Ceux  qui  entouraient  le  moribond  lui  con- 
seillèrent de  prier  en  attendant  la  mort  ;  il  suivit  leur 
conseil  après  les  avoir  fait  sortir.  Il  pria  pour  toute 
l'Église,  depuis  le  pape  et  tous  les  chefs  de  l'Eglise 
jusqu'aux  moines  qui  le  recevaient,  ses  bienfaiteurs,  ses 
ennemis  ;  il  n'oublia  pas  même  Guillaume  d'Aquitaine, 
alors  excommunié.  Pendant  ce  temps,  la  nuit  était 
venue.  Lorsque  Robert  eut  achevé  sa  prière,  il  ordonna 
au  frère  Pierre  d'appeler  près  de  lui  le  prêtre  André.  Il 
se  fit  apporter  par  celui-ci  une  croix,  descendit  de  son  lit, 
s'agenouilla  devant  la  croix  et  fit  sa  profession  de  foi, 
c'est-à-dire  qu'il  récita  le  Credo  en  l'entremêlant  d'his- 
toires bibliques  et  de  sentences  dogmatiques.  Enfin  il 
parla  de  sa  famille,  remercia  Dieu  de  ses  innombrables 
bienfaits  et  fit  sa  confession  ;  il  s'accusa  des  fautes  sui- 
vantes :  il  avait  mangé  étant  enfant,  chez  sa  mère,  des 
mets  trop  recherchés;  il  s'était  rendu  coupable  de 
simonie  à  l'élection  d'un  évéque  de  Rennes  ;  il  n'avait 
pas  bien  employé  le  talent  de  prédicateur  et  la  science 
que  Dieu  lui  avait  donnés  ;  enfin  il  avait  rassemblé  un 
grand  nombre  de  religieuses  qui  servaient  Dieu  parfaite- 
ment, mais  lui-même  n'avait  fait  que  se  laisser  louer  par 
elles.  Pour  finir,  il  demanda  à  Dieu  pardon  de  ses 
péchés  et  le  supplia  de  le  rappeler  à  lui  au  plus  tôt  ; 
il  ne  tarda  pas  à  être  exaucé. 


—  405  — 

En  ce  qui  concerne  la  date  de  la  mort,  nous  ne  savons 
qu^une  chose  d'après  la  Vie  d'André,  c'est  qu'elle  eut 
lieu  un  vendredi.  Pour  le  reste,  les  avis  sont  partagés. 
La  Chronique  de  Maillezais  dit  que  Robert  mourut  le 
24  février;  celle  de  Saint- Aubin,  ainsi  que  la  tradition  de 
Fontevrault,  dit  le  25. 

En  ce  qui  concerne  Tannée,  les  deux  chroniques  sus- 
mentionnées ainsi  que  celle  de  Saint-Serge  d'Angers 
disent  que  cet  événement  arriva  en  1116,  ce  qui  fait  1117 
selon  la  manière  actuelle  de  compter  puisque  les  deux 
derniers  mois  de  1116  seraient,  d'après  le  nouveau 
style,  les  deux  premiers  de  1117.  Ceci  concorde  avec  la 
note  du  Martyrologe  de  Fontevrault  qui  désigne  l'an- 
née 1120  comme  la  quatrième  après  la  mort  de  Robert 
et  se  trouve  confirmé  principalement  par  un  acte  de 
Foulques  V  dressé  le  jour  de  l'enterrement  et  qui  porte 
la  date  de  1117. 

Le  calcul  suivant  porte  à  croire  que  Robert  mourut 
en  1116;  si  Pétronille  a  été  élue  abbesse  au  mois  d'oc- 
tobre qui  a  précédé  la  mort  de  Robert,  et  si  d'autre  part 
nous  la  voyons  en  juin  1116  signer  déjà  comme  abbesse, 
il  faut  en  conclure  que  Robert  mourut  en  1116.  Le 
Nécrologe  de  Fontevrault  paraît  indiquer  l'année  1118; 
il  dit  en  effet  que  Robert  fut  enlevé  le  25  février  1117, 
c'est-à-dire  1118  selon  le  nouveau  style. 

Le  fait  qu'il  disparut  de  ce  monde  peu  après  Yves  de 
Chartres  ne  nous  donne  non  plus  aucune  indication  cer- 
taine. Le  Nécrologe  de  Chartres  fait  mourir  ce  dernier 
en  1115,  mais  d'autres  admettent  qu'il  mourut  en  1116. 
Nous  voyons  donc  que  la  plupart  des  données  que  nous 
possédons  nous  inclinent  à  prononcer  en  faveur  de  1117. 

L'indication  du  Nécrologe  de  Fontevrault  n'est  corro- 
borée par  rien  et  nous  avons  d'ailleurs  des  raisons  de 
douter  de  son  authenticité  en  ce  qui  concerne  Robert.  Il 
me  semble  donc  vraisemblable  de  croire  que  le  chiffre 
de  1116  a  été  plus  tard  falsifié  en  1117.  Le  calcul  donné 
précédemment  ne  justifie  pas  suffisamment  la  date  de 


—  406  — 

1116  (il  faut  toutefois  admettre  une  erreur  dans  le  texte 
du  document).  Robert  est  donc  mort  sans  doute  en  1117. 

Mais  la  conséquence  de  tout  cela  est  que  Robert  n'a 
pu  mourir  le  24  ni  le  25  février.  Ces  deux  jours-là 
étaient  en  effet  un  samedi  et  un  dimanche.  Comme 
Robert  est  mort  un  vendredi,  c'est  évidemment  le  23 
qu'il  est  mort. 

Selon  le  vœu  de  Robert,  son  corps  fut  apporté  à  Fon- 
tevrault  et  enterré  en  présence  de  Léger,  de  Raoul  de 
Tours,  de  Rainaud  d'Angers,  de  Foulques  V  et  d'une 
masse  énorme  de  peuple.  Le  prieuré  d'Orsan  a  conservé 
son  cœur  comme  une  relique.  Plus  tard,  un  fragment  en 
a  été  donné  aux  religieuses  de  Chemillé,  ainsi  qu'une 
partie  de  ses  ossements.  Son  corps  a  été  mis  dans  un 
cercueil  devant  l'autel  de  l'église  de  Notre-Dame  à 
Fontevrault. 


AVANT  BOSSUET 


GOHON 

ÉVÊQUE  DE  NImES  ET  DE  DOL,  PRECEPTEUR  DES  NEVEUX 

DE  Mazarin,  Prédicateur  du  Roi. 


Préface 


En  1902,  j'ai  publié  chez  Gamber,  à  Paris,  un  travail 
bio-bibliographique  intitulé  :  Un  politique  et  un  orateur 
au  XV !P  siècle  :  CohoUy  évêque  de  Nimes  et  de  DoL 
Aujourd'hui,  je  voudrais  préciser  quelques  dates,  insis- 
ter sur  quelques  traits,  citer  des  sources  négligées  ou 
nouvelles.  Même  après  ce  supplément,  il  resterait  beau- 
coup à  faire  si  l'on  collectionnait  dans  une  minutieuse 
enquête  les  moindres  actions  et  souvenirs  du  person- 
nage ^  Mais,  en  politique  comme  en  littérature,  quoique 

1.  On  découvrira  bon  nombre  de  pièces  qui  intéressent  les  faits 
et  gestes  de  Cobon  ou  Tbistoire  de  sa  famille,  en  fouillant  les 
Inventaires  des  Archives  départementales,  qui  ont  été  publiés.  Ces 
précieux  recueils  m'avaient  permis  d'utiliser,  dans  mon  étude  parue 
en  1902,  plusieurs  documents  des  archives  départementales  et 
communales  de  Nimes.  Ajoutons  encore  : 

Gard,  série  E  (t.  III,  Nimes,  Cbastanier,  190^).  E.  726  (p.  60 
et  61  de  l'Inventaire). 

Indre-et-Loirb,  série  /T  (Tours.  Arrault,  1891).  H.  732  (p.  238 
de  l'Inventaire). 

Maine-et-Loire,  série  E  (t.  I«,  Paris,  Durand,  1863).  E.  2052 
(p.  221  de  l'Inventaire). 


—  408  — 

curieux  à  étudier,  il  fut  trop  secondaire  pour  qu^on  se 
désespère  de  ne  pas  arracher  aux  archives  le  plus  petit 
document  qui  lui  est  consacré.  Aussi,  je  compte  que  mes 
collègues  de  la  Commission  historique  et  archéologique 
de  la  Mayenne  daigneront  excuser  les  lacunes  qu'ils 
constateront  dans  mes  recherches.  J'ai  d'autant  plus 
besoin  de  leur  indulgence  que  Gohon  relève  à  juste  titre 
de  leur  juridiction  scientifique.  M.  Angot  ne  lui  a-t-il 
pas  consacré  un  article  dans  son  admirable  Diction- 
naire  historique,  topographique  et  biographique  de 
la  Mayenne  ?  ^  La  brochure  de  M.  Planté,  qui  a  pour 
titre  :  Une  généalogie  bourgeoise  au  XVI/^  siècle^  ne 
nous  permet-elle  pas  de  connaître  la  famille  de  l'évêque 
de  Nîmes  et  de  Dol  ?  ^  Enfin,  M.  Laurain,  le  savant 
archiviste  du  département,  a  bien  voulu  me  communi- 
quer, avec  une  bonne  grâce  dont  je  le  remercie,  la  liste 
de  quelques  livres  qui  sont  conservés  à  Laval,  après 
avoir  appartenu  à  Cohon  3. 

Ce  deuxième  essai  comprendra  une  partie  surtout 


Mayenne,  série  B  (t.  II,  Laval,  Barnéoud,  1904).  B.  2979,  2990, 
3112  (p.  169,  191,  346  de  l'Inventaire). 

Sarthe,  série  G  (Le  Mans,  Monnoyer,  1876).  G.  20,  21  (p.  27,  31, 
34  de  l'Inventaire). 

1.  Laval,  Goupil,  t.  I",  p.  688-691. 

2.  Laval,  Leroux,  in-S®  de  55  p. 

3.  L'inventaire  et  encan  du  mobilier  de  Cohon  nous  apprend  que 
la  bibliothèque  du  prélat  renfermait  300  ouvrages  environ,  la  plu- 
part de  théologie.  Mais  les  volumes  relatifs  à  l'histoire,  tant  de 
France  que  des  provinces,  ne  manquaient  pas  (A.  Puech,  La  vie  de 
nos  ancêtres  d'après  leurs  livres  de  raison.  Nimes,  1888,  p.  405- 
409).  Les  neuf  ouvrages  de  la  Bibliothèque  municipale  de  Laval, 
qui  portent  les  armoiries  de  Cohon  gravées  sur  les  plats  (Dans  le 
catalogue  actuel,  n»»  224,  229,  233,  257,  286,  4023,  4096,  4158. 
34.809),  manifestent  bien  les  goûts  de  l'évêque  lettré,  curieux  des 
lois  et  de  la  politique.  L'attention  se  porte  de  préférence  sur  une 
édition  des  OEuvres  morales  et  meslées  de  Plutarque  (traduction 
d'Amyot),  parce  que  ce  livre  est  le  bréviaire  des  orateurs  du 
temps  ;  et  nous  voyons  avec  plaisir  une  édition  de  Cicéron,  par 
Lambin,  imprimée  à  Genève,  en  1615  :  sans  doute,  ce  fut  pour  le 
jeune  homme  une  arme  de  chevet.  Car  la  culture  de  Cohon  est 
toute  latine  et  son  moule  oratoire  tout  cicéronien, 


—  409  — 

biographique,  et  une  partie  principalement  littéraire.  — 
Quel  fut  Thomme  et  quel  fut  l'orateur  ?  —  Les  deux 
chapitres  réunis  auront  pour  but  d'esquisser  la  vie, 
d'analyser  les  idées  et  l'art  de  notre  prélat. 


Première  Partie.  —  L'Homme. 

Le  4  septembre  1595,  —  trois  mois  avant  Chapelain, 
qui  lui  survécut  quatre  années,  —  naquit  Anthyme- 
Denis  Cohon  K  II  était  fils  d'un  cirier,  établi  à  Craon, 
et  de  Renée  Halay.  Pierre  Le  Cornu,  gouverneur  de  la 
ville  pour  la  Ligue,  fut  son  parrain.  Maître  Jehan 
Cohon,  son  oncle,  avait  un  canonicat  à  la  cathédrale  du 
Mans.  Il  envoya  son  neveu  étudier  à  Angers,  puis  à 
Paris. 

D'un  libelle  de  la  Fronde,  on  peut  retenir,  sans  crainte 
de  se  tromper,  semble-t-il,  que  le  jeune  homme  se  fai- 
sait remarquer  à  la  fois  par  sa  fierté  dédaigneuse  et  par 
l'agrément  de  sa  conversation  ^.  Plus  tard,  il  deviendra 

1.  Pour  parler  exactement,  c'est  le  4  septembre  1595  que  fut  bap- 
tisé Cohon.  Mais,  à  cette  époque,  conformément  à  l'esprit  de 
l'Eglise,  le  baptême  avait  ordinairement  lieu  le  jour  de  la  nais- 
sance. 

2.  «  Hé  quoy,  ne  vous  souvient  il  plus  de  vostre  vie  passée, 
quand  votre  arrogance  et  votre  gloire  vous  fit  chasser  du  colege... 
vous  estiez  fils  d'un  pauvre  savetier...  il  est  vray  qu'en  tirant  vos 
rivets  aux  jours  de  récréation  et  de  congé,  vous  estiez  d'une  con- 
versation assez  agréable,  là,  on  vous  voyoit  assez  complaisant, 
aimant  mieux  à  l'exemple  de  ce  grand  Romain,  estre  le  premier 
dans  votre  grenier,  que  le  second  dans  la  ville  de  Rome  »  (Adver- 
iissement  au  sieur  Cohon,  evesque  de  Dol  et  de  fraude  :  par  les 
cuistres  de  l'Université  de  Paris.  M.DC.XLIX.  —  F.  Duine, 
Cohon,  no  8,  p.  8).  Le  fait,  pour  notre  héros,  de  posséder  une 
«  hotte  garnie  de  toutes  sortes  d'outils  nécessaires  au  mestier, 
pour  refaire  un  soulier,  et  travailler  pour  autruy  en  cas  de  besoin  » 
semble  assurément  une  invention  pure  de  pamphlétaire,  qui  veut 
humilier.  Mais  il  est  curieux  de  rencontrer  tel  passage  du  prédi- 
cateur, qui  s'harmonise  à  merveille  avec  la  profession  indiquée. 
Voyons,  dit  l'orateur  à  son  auditoire,  «  en  quoi  mettez-vous  la 
bonté  d'un  soulier  ?  L'exemple  est  peut-être  trop  familier,  mais  il 


—  410  — 

docteur  en  droit  ^  l'oncle  résignera  sa  prébende  en  sa 
faveur,  et  la  fortune  ne  cessera  de  sourire  à  Theureux 
titulaire  de  nombreux  bénéfices.  Un  an  avant  de  mourir, 
l'évéque  écrivait  à  son  neveu  Anthyme-Denis,  à  qui  il 
avait  cédé  le  doyenné  du  Folgoêt  et  dont  il  plaisantait 
l'humeur  instable  et  mystique  :  «  Puisque  cinq  cens 
escus  de  rente  vous  peuvent  satisfaire,  vous  aurès, 
après  ma  mort,  quatre  ving  fois  ce  revenu  »  ^.  En  1632, 
—  date  de  naissance  pour  Bourdaloue  et  Fléchier,  —  sa 
réputation  de  grand  prédicateur  était  si  bien  établie  que. 
Tannée  suivante,  il  était  nommé  par  la  cour  à  l'évéché 
de  Nimes.  La  Bruyère  dira  :  «  le  métier  de  la  parole 
ressemble  en  une  chose  à  celui  de  la  guerre  :  il  y  a  plus 
de  risque  qu'ailleurs,  mais  la  fortune  y  est  plus  rapide  »  ^. 
Le  Saint-Siège  fit  attendre  son  acquiescement  jusqu'au 
23  juin  1634  4. 

Dans  l'assemblée  du  clergé  de  1635,  Cohon  prit  une 
place  importante.   Ce  fut  l'honneur  de  sa  vie  de  ne 

ne  laisse  pas  d'être  propre  !  En  ce  qu'il  couvre  le  pied  et  lui  sert  à 
marcher  sans  douleur.  C'est  pourquoi  il  doit  tellement  être  ajusté 
avec  le  pied  qu'il  ne  soit  ni  trop  petit  ni  trop  grand.  S'il  est  trop 
étroit,  il  le  blesse  ;  s'il  est  trop  large,  il  le  fait  tomber.  »  (Bibl. 
Nat.,  ms.  fr.  9639,  fol.  120.  —  F.  Duine,  Cohon,  p.  62,  n»  26). 

1.  Robert  Triger,  Etude  historique  sur  Douillet-le-Joly,  Mamers, 
Fleury,  1884.  In-4o  de  384  p.  (Sur  Mgr  Cohon,  p.  14*9-156,  168, 
323).  —  Dans  la  liste  des  licenciés  en  théologie  de  la  Sorbonne, 
de  1373  à  1788  (Bibl.  Nat.,  ms.  lat.  15.440),  je  n'ai  pas  vu  le  nom  de 
Cohon.  —  M.  l'abbé  Angot  m'écrit  que,  sous  la  date  de  1623,  il  l'a 
trouvé  avec  le  titre  de  docteur  en  décrets  (dans  les  Insinuations 
ecclésiastiques  du  diocèse  du  Mans). 

2.  Prosper  Falgairolle,  Lettres  intimes  de  Monseigneur  Cohon, 
Nîmes,  1891.  —  Lettre  du  3  septembre  1669. 

3.  La  Bruyère,  Les  Caractères,  ch.  XV  :  De  la  chaire. 

4.  Voici  une  série  de  pièces  des  Archives  Vaticanes,  dont  je  dois 
la  connaissance  à  M.  l'abbé  Mollat,  confrère  d'une  érudition  si  dis- 
tinguée, et  qui  m'ont  fourni  des  dates  exactes  pour  la  biogpraphie 
de  Cohon. 

a)  D'après  les  schedx  de  Garampi  : 

23  juin  1634.  Cohon  devient  évêque  de  Nîmes.  —  2  mai  1644. 
Hector  d'Ouvrier  est  transféré  à  Nimes  «  per  cessionem  Anthimi 
Dionisii  de  Cohon  ».  —  19  novembre  1646.  Cohon  devient  évêque 
de  Dol  par  la  translation  de  Mgr  d'Ouvrier  à  Nimes.  —  13  novem- 


—  411  — 

jamais  servir  les  factions,  qui  représentaient  Tintérét 
privé,  mais  le  roi,  qui  symbolisait  la  patrie.  Or  la  ques- 
tion d'accorder  à  Louis  XIII  un  secours  considérable 
s'étant  présentée,  deux  partis  se  formèrent  :  celui  de  la 
Cour,  ayant  à  sa  tête  l'archevêque  de  Bordeaux,  prési- 
dent de  l'assemblée,  et  celui  de  l'Eglise,  qui  eut  pour 
chef  l'oratorien  Harlay  de  Sancy,  évêque  de  Saint-Malo. 
Mgr  de  Nimes  lutta  contre  les  arguments  de  ce  dernier 
et  s'anima.  L'autre,  dans  une  vive  apostrophe,  répondit  : 
<x  Vous  devriez  mourir  de  honte.  L'Eglise  vous  a  tiré  de 
la  poussière  ;  de  quel  front  osez-vous  la  trahir  »  *  ?  Tel 
était  le  reproche  coutumier  des  adversaires  de  Cohon  : 

bre  1652.  Robert  Cupif  est  transféré  de  Léon  à  Dol  «  per  cessio- 
nem  Anthimi  Dionisii  Cohon  n,  —  27  août  1657.  Mgr  «  de  Cohon  » 
devient  évêque  de  Nîmes  par  la  mort  d'Hector  d'Ouvrier. 

b)  D'après  la  collection  des  Lettere  di  Vescovi  e  Prelati  : 

20  juillet  1650.  Robert  Cupif  écrit  au  Pape  :  «  Ecclesiœ  Dolensi 
Regia  designatus  clementia,  Sanctitati  Yestrae  21  novembris  1649 
tertîam  (epistolam)  rescripsi,  pro  g^atiarum  actione  quod  13*  sep- 
tembris  dicti  anni  1649  ad  tam  insignem  me  consistorialiter  dignata 
esset  transferre  Ecclesiam.  »  Puis  le  Chapitre  de  Dol  proteste  que 
la  discipline  se  relâche  dans  le  diocèse  et  que  depuis  six  ans  aucun 
évêque  ne  l'a  visité.  Il  demande  que  les  bulles  de  Robert  Cupif 
soient  expédiées.  Suit  un  Mémoire  <c  circa  bullas  et  annatam 
Dolensis  ecclesiœ  »  (René  de  Rieux  ayant  pris  le  siège  de  Léon, 
Cupif  n'a  pu  jouir  des  revenus  qui  lui  appartenaient,  il  se  déclare 
à  court  d'argent  et  sollicite  une  réduction  sur  la  taxe  des  bulles  et 
l'annate  à  payer). 

l^r  décembre  1650.  Cupif  sollicite  encore  le  gratis  des  bulles.  Il 
n'a  plus  l'église  de  Notre-Dame  du  Folgoêt,  que  possède  depuis 
deux  ans  Anthime  Cohon,  évêque  de  Nimes. 

(En  janvier  1906,  et  dans  les  numéros  suivants,  les  Annales  de 
Saint' Louis'deS' Français  ont  publié  un  précieux  inventaire  des 
Lettere  di  Vescowi), 

c)  D'après  la  collection  des  Lettere  di  Particolari  : 

1  décembre  1655.  Lettre  des  chanoines  de  Nimes  demandant  au 
Pape  de  nommer  Cohon  à  Nimes.  —  Puis  deux  lettres  envoyées  à 
la  même  date,  sur  le  même  sujet,  par  le  sénat  de  Nimes,  par  les 
«  consules  et  consiliarii  domus  publicœ  civitatis  Nemausensis.  » 

1.  Batterel,  Mémoires  domestiques  pour  servir  à  l'histoire  de 
l'Oratoire»  publié  par  Ingold,  t.  I",  Paris,  Picard,  1902,  p.  206.  — 
Je  n'oserais  pas  garantir  l'absolue  authenticité  de  ce  trait.  Fût-il 
légendaire,  qu'il  mériterait  encore  d'être  conservé,  parce  qu'il  peint 
à  merveille  un  état  mental. 


—  412  — 

vous  êtes  de  race  inférieure,  vous  n'avez  droit  qu'à 
rhumble  silence  ^  !  Il  faut  d'ailleurs  avouer  que  sa  con- 
duite n'était  pas  non  plus  de  nature  à  réduire  ses  enne- 
mis à  l'admiration.  Durant  sa  première  administration 
diocésaine  il  manqua  de  doigté.  Sa  situation  rendue 
intenable  le  détermina  à  permuter  avec  un  méridional, 
Hector  d'Ouvrier,  aimable  et  sage  prélat  de  Dol  2.  Par 
cette  combinaison,  tous  les  deux  se  rapprochaient  de 
leur  pays  natal.  Le  2  mai  1644,  Hector  d'Ouvrier  était 
nommé  à  Nîmes  par  le  pape  ;  donc  la  démission  de  Cohon 
était  acceptée. 

Celui-ci  se  rendit  à  Paris.  De  la  capitale,  il  écrivait  le 
3  septembre  au  président  de  Solorgues,  à  Nîmes,  une 
lettre  qui  nous  paraît  assez  caractéristique  pour  que 
nous  la  citions  en  entier  ^.  Elle  montre  le  prélat  fidèle  à 
ses  amitiés,  —  un  des  beaux  côtés  de  son  âme,  —  et 
laisse  voir  qu'il  jugeait  le  protestantisme  anti-national  ^. 

1.  Schomberg  parlant  de  l'évêque  de  Nimes,  en*1638,  l'appelle 
petit  fripon  et  prie  Brézé  de  ne  pas  permettre  à  ces  petites  gens 
de  manquer  aux  personnes  de  condition  (Duine,  Cohon,  p.  25-26). 

2.  En  consultant  les  actes  capitulaires  et  le  registre  de  la  com- 
munauté de  ville,  Mgr  d'Ouvrier  nous  est  apparu  comme  un  pré- 
lat désireux  de  favoriser  sa  cité,  dont  la  vie  municipale  l'intéresse» 
et  avide  de  bien  remplir  ses  devoirs  épiscopaux.  A  ce  dernier  point 
de  vue,  il  n'est  pas  inutile  de  lire,  malgré  sa  pompe  dithyram- 
bique, une  épitre  adressée,  en  1640,  par  frère  Albert  Le  Grand,  à 
Monseigneur  de  Dol,  pour  lui  dédier  la  ravissante  légende  de  saint 
Budoc.  On  voit  que  le  prélat  observait  la  résidence,  accomplissait 
les  visites  diocésaines,  conférait  les  saints  ordres  régulièrement, 
prêchait  lui-même.  Avec  cela,  il  était  affable  et  ami  des  livres. 
Lorsque  les  chanoines  apprirent  la  nouvelle  de  sa  mort,  ils  firent 
célébrer  un  service  et  témoignèrent  leur  vif  regret  de  la  perte 
«  d'un  si  digne  prélat  »,  qui  avait  a  heureusement  gouverné  »  le 
diocèse  pendant  «  14  ans  »,  conservant  toujours  une  «  grande  ami- 
tié »  pour  son  Chapitre. 

3.  Ménard,  Histoire  de  Nimes,  t.  VI,  Preuves,  p.  15.  —  Cette 
lettre  a  été  reproduite  dans  les  Annales  catholiques  de  Nîmes, 
p.  650.  (Dans  cette  revue,  n»"  de  mars,  mai,  août,  décembre  1862  et 
janvier  1863,  ÏEtude  sur  Mgr  Anthime-Denys  Cohon,  par  l'abbé 
Prouvèze,  est  malheureusement  incomplète,  le  périodique  ayant 
cessé  de  paraître). 

4.  En  1638,  dans  la  harangue  qu'il  adressait  à  Louis  XIII,  Cohon 
lui  disait  au  nom  des  Etats  du  Languedoc  :  Votre  présence.  Sire, 


—  413  — 

Ainsi  pensaient  les  contemporains.  <c  Monsieur,  disait- 
il,  ce  que  je  fais  ici  pour  votre  contentement  n^est 
qu*un  faible  retour  de  votre  affection  et  de  vos  bons 
offices.  Assurez-vous  que,  tant  que  je  vivrai,  je  serai 
dans  cette  cour  votre  tenant  et  votre  second  contre  tous 
ceux  qui  vous  feront  querelle.  M.  de  la  Baume  vous  fera 
savoir  le  train  que  votre  affaire  a  pris;  et  moi.  Monsieur, 
je  vous  donne  ma  parole  que  je  ne  perdrai  point  haleine 
en  la  poursuite  qui  s'en  fera  dans  le  conseil,  où  je  défen- 
drai hautement  '  votre  personne  et  votre  compagnie. 
Tune  par  pure  obligation,  Tautre  par  intérêt  de  cons- 
cience, ne  croyant  pas  qu'on  la  puisse  affaiblir  sans  don- 
ner cours  à  rhérésie  et  sans  blesser  VÉtat  aussi  bien 
que  V Église.  Par  les  effets,  vous  connaîtrez  si  c'est  mon 
cœur  qui  parle,  et  si  je  suis  en  vérité  ou  seulement  en 
apparence,  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  assuré 
serviteur.  » 

Le  30  décembre,  les  chanoines  de  Dol  députèrent 
deux  des  leurs  «  pour  aller  jusques  a  Cran  saluer  et 
faire  le  compliment  de  la  part  du  chapitre  »  au  nouvel 
évêque  ^  Et,  toujours  pleins  d'urbanité,  ils  choisirent, 
le  17  février  1645,  plusieurs  d'entre  eux  «  pour  aller 
au  devant  de  monseigneur  de  Dol  jusques  a  Rennes  et 
luy  tenir  compaignie  jusques  a  Dol  »  ^.  Toutefois,  Rome 

a  rétabli  dans  cette  province  «c  vingt-deux  diocèses,  où  l'hérésie 
avait  bâti  ses  forts  et  ses  retranchements  sur  la  ruine  de  nos 
temples,  et  où  Vhonneur  des  rois  n'était  pas  moins  flétri  que  le 
culte  de  Dieu.  Depuis  votre  passage,  nous  y  voyons  partout  des 
autels  redressés,  les  factions  éteintes,  les  violences  désarmées,  et 
enfin  les  desseins  de  République,  qui  se  couvaient  sous  les  bastions 
de  nos  villes  rebelles,  ont  disparu  à  l'éclat  de  votre  épée,  si  bien 
que  maintenant  elles  sont  amoureuses  de  leur  subjection  autant 
qu'elles  étaient  jalouses  de  leur  fatale  liberté,  et,  pour  être  parta- 
gés par  les  maximes  de  la  Foi,  nous  ne  le  sommes  plus  par  celles 
de  l'Etat.  »  (Voir  F.  Duine,  Cohon,  p.  47,  no  87;  p.  48,  49.  —  Je 
suis  ici  le  texte  imprimé,  qui  parut  à  Paris,  en  1655,  dans  les 
Harangues  célèbres  recueillies  par  Maitre  L.  G). 

1.  Archiv.  départ,  de  Rennes»    Chapitre  de  Dol,   Actes  capitu- 
laires,  G.  368. 

2.  £od,  loc. 


—  414  — 

ne  lui  témoignait  pas  une  sympathie  égale  ;  il  demeurait 
sans  bulles.  C'est  pourquoi,  le  24  avril,  les  chanoines 
donnèrent  commission  au  grand-chantre  «  d'écrire  une 
lettre  missive  »  à  Sa  Sainteté,  «  au  nom  du  total  du 
chapitre,  »  pour  déclarer  a  la  nécessité  qu'ils  avoient 
d'obtenir  un  evesque  »  en  règle  ^  Cette  démarche  causa 
peu  d'émotion  au  Saint- Père.  Car,  le  19  novembre  1646, 
seulement,  Cohon  fut  transféré  canoniquement  sur  le 
siège  de  Saint-Samson  ^.  En  attendant  les  pièces  indis- 
pensables, il  faisait  une  apparition  aux  États  de  Bre- 
tagne afin  d'examiner  quels  avantages  il  pourrait  bien 
tirer  des  hommes  et  des  choses  3,  puis  il  cédait  sa  charge 
de  gouverneur  de  la  ville  à  son  neveu  Marin  Chereau, 
et  installait  son  autre  neveu  François  Chereau  dans  le 
chapitre  de  la  cathédrale  ^.  Les  postes  d'observation 
étant  ainsi  occupés  par  ses  créatures,  il  passait  son 
temps  à  Paris,  avec  plus  de  tranquillité.  L'évéché  breton 
lui  donnait  l'argent  et  les  chaires  de  la  capitale  la  gloire. 
En  1648,  la  politique  devenait  particulièrement  inté- 
ressante. Pour  s'attacher  plus  étroitement  à  la  fortune 
du  ministre,  il  profita  de  ce  que  Robert  Cupif,  évêque 

1.  Archiv,  départ,  de  Rennes,  Chapitre  de  Dol,  Actes  capitu- 
laires,  G.  368. 

2.  Cohon,  qui  ne  tenait  nullement  à  exercer  les  fonctions  épisco- 
pales  dans  son  diocèse,  ne  mit  aucun  empressement  à  user  de  la 
décision  du  Saint-Siège.  Enfin,  le  lundi  6  avril  1648,  Messieurs  les 
chanoines  ayant  examiné  les  pièces  présentées  par  M.  de  la  Guihom- 
merais,  alloué  de  la  ville  de  Dinan,  consentirent  que  ledit  sieur 
prit  possession  de  Tévéché  de  Dol,  pour  messire  Anlhyme-Denys 
Cohon,  «  sauf  et  sans  preiudice  de  tous  les  droitz  du  chapitre  de 
céans  »  (Les  feuilles  de  1648  se  trouvent  dans  la  liasse  G.  370).  Or 
l'année  n'était  pas  finie  que  l'évéque  troquait  sa  cathédrale  contre 
des  biens  plus  avantageux  (24  novembre  1648). 

3.  La  première  séance  des  Etats  eut  lieu  le  12  janvier  1645  et 
la  dernière  le  12  mars  1645.  Un  vendredi,  3  février,  n  Monsieur 
l'évéque  de  Dol  »  entra  «  en  l'assemblée  »  et  prit  place  «  au  dessous 
de  M.  de  Vannes  ».  Le  9  février,  Monsieur  de  Saint-Brieuc  entra 
en  l'assemblée  et  prit  place  «  au  dessous  de  Monsieur  de  Dol.  » 
(Archiy.  départ,  de  Bennes,  Etats  de  Bret.,  C.  2654). 

4.  F.  Duine,  Le  château  de  Dol  (dans  les  Annales  de  la  Société 
historique  et  archéologique  de  Saint-Malo,  année  1906,  p.  138-143). 


—  415  — 

de  Léon,  —  dont  il  connaissait  peut-être  la  famille  ange- 
vine, —  se  débattait  en  des  difficultés  inextricables.  Et 
se  prêtant  un  rôle  généreux,  il  lui  abandonna  son  siège 
épiscopal,  en  échange  des  riches  bénéfices  que  possé- 
dait ce  cousin  du  célèbre  Nicolas  Foucquet  ^  Excellente 
affaire  ! 

Le  7  février  1649,  le  Chapitre  de  Saint-Samson  élit 
des  collègues  qui  devront  aller  à  Rennes  saluer  et  com- 
plimenter «  Monsieur  Cupif,  ancien  evesque  de  Léon  et 
maintenant  nommé  a  Fevesché  de  Dol  ^.  »  Lorsque,  le 
26  mars,  les  chanoines  lui  présentèrent  leurs  hommages 
dans  son  château  et  manoir  épiscopal  de  Dol,  ils  le 

1.  Les  Cupif  se  prétendaient  originaires  d'Ecosse.  Ils  avaient 
quelque  bien  en  Basse-Bretagne.  François  Fouquet,  échevin  de  la 
ville  d'Angers,  bisaïeul  du  fameux  surintendant,  épousa  Lézine 
Cupif,  sœur  de  Jean  Cupif,  maire  d'Angers  (Gilles  Ménage,  Seconde 
partie  de  l'Hist.  de  Sablé,  Le  Mans,  1844,  p.  141,  142,  146).  La 
mère  de  notre  prélat  était  une  Grimaudet.  Sa  terre  seigneuriale 
des  Vieilles-Métairies  tomba  par  héritage  entre  les  mains  de  l'évé- 
que  de  Léon  et  de  Dol,  qui,  à  cette  occasion,  ne  manqua  point  de 
soutenir  plusieurs  procès  (Bibl.  Nat.,  Eo.  Fm.  33.559,  p.  739  ; 
Thoisy,  431,  fol.  175).  Sur  la  famille  de  Mgr  Cupif.  on  pourra 
consulter  diverses  pièces  des  archives  départementales  du  Maine- 
et-Loire  (E.  2180).  Dans  la  liste  des  licenciés  en  théologie  de  la 
Sorbonne  (Bibl.  Nat.,  ms.  lat.  15.440),  je  constate  que  François 
Cupif  fut  rangé  parmi  ces  gradués  en  1628,  mais,  dans  la  suite,  on 
ajouta  cette  note  :  «  apostavit  a  fide  an.  1637.  »  Nouveaux  débats  de 
«  Monsieur  l'evesque  de  Dol  »  devant  dame  Thémis,  en  1653  et 
1654.  Ce  passage  d'un  factum  mérite  d'être  relevé  :  «  l'intimé  n'a 
point  cessé  d'être  évêque  de  Léon  par  son  fait,  il  n'a  permuté  ni 
résigné  :  le  Roy  a  voulu,  pour  des  considérations  d'Etat  et  qui  ne 
sont  point  du  fait  de  l'intimé,  le  transférer  à  l'évéché  de  Dol  ;  en 
quoi  on  lui  a  fait  perdre  plus  de  huit  mille  livres  de  son  revenu  ; 
il  s'en  est  défendu  tant  qu'il  a  pu  ;  même  encore  après  la  mort  de 
M.  de  Rieux,  arrivée  le  8«  mars  1651,  il  a  demandé  à  retourner  à 
l'évéché  de  Léon,  duquel  il  n'a  point  donné  démission  ;  le  roy  ne 
l'a  pas  voulu,  et,  par  ainsi,  ce  n'est  point  par  son  fait  qu'il  a  cessé 
d'être  évêque  de  Léon  »  (Bibl.  Nat..  Fo.  Fm.  4892).  Chacun  sait 
que  René  de  Rieux,  évêque  de  Léon,  fut  déposé,  à  la  sollicitation 
de  Richelieu,  pour  affaires  politiques.  Robert  Cupif  fut  alors  cano- 
niquement  pourvu  de  ce  siège.  Toutefois,  en  1646,  l'ancien  prélat 
ayant  été  réhabilité,  des  contestations  surgirent  auxquelles  les 
lignes  précédentes  font  allusion. 

2.  Acte»  eapitulaires,  G.  368. 


—  416  — 

prièrent,  suivant  Tusage,  d'accepter  la  régence  spiri- 
tuelle du  diocèse  pendant  la  vacance  de  Tévéché  et  le 
nommèrent  à  cette  fin  vicaire  général  ^  A  la  vérité,  le 
13  septembre ,  Cupif  fut  agréé  et  proclamé  en  consis- 
toire, mais  ses  bulles  tardèrent  à  venir.  Le  20  juil- 
let 1650,  il  en  sollicita  le  gratis.  Et  le  vénérable  Cha- 
pitre, pour  hâter  l'arrivée  du  document  pontifical, 
confiait  au  Saint-Père  que  depuis  six  ans  on  n'avait  pas 
fait  de  tournée  pastorale  dans  le  diocèse,  ce  qui  n'exal- 
tait nullement  les  vertus  sacerdotales  de  Cohon.  Ce 
dernier,  qui  n'oubliait  jamais  ses  intérêts  et  ses  rela- 
tions, parut  à  Dol  dans  les  premiers  jours  d'août  1652, 
et  les  chanoines,  fidèles  aux  traditions,  déboursèrent 
quatre  livres  «  pour  pain ,  vin  et  bouteilles  présenté  a 
Monsieur  Cohon  evesque  de  Dol  l'ancien  2.  »  Quelques 
mois  plus  tard,  13  novembre,  Cupif  recevait  ses  bulles  ; 
et,  le  16  février  1653,  il  fit  dans  sa  cathédrale  une  entrée 
solennelle.  Ce  jour,  il  gratifia  les  chanoines  de  ro^C£^//im 
pacis  3.  Trait  délicieux,  pour  ceux  qui  n'ignorent  pas  la 
conduite  de  ce  prélat  pittoresque,  —  il  faut  bien 
employer  des  euphémismes  !  —  lequel  s'intitulait  cardi- 
nal de  Dol  4,  excommuniait  les  enfants  de  chœur,  recher- 
chait les  procédés  les  plus  désagréables  à  son  Chapitre, 
et  s'abîmait  dans  des  poursuites  judiciaires  ridicules. 
Comme  partout  ailleurs,  le  diocèse  était  en  proie  à  la 
misère  matérielle  et  morale.  «  Le  pauvre  peuple  »  souf- 
frait de  la  «  grande  disette  »  ^  ;  les  clercs  se  souciaient 

1.  Actes  capitulaires,  G.  368. 

2.  C'est  dans  leur  réunion  du  9  août  1652  que  les  chanoines 
donnent  mandat  de  payer  la  somme  dépensée  au  passage  de  Cohon 
(Actes  capitulaires,  G.  368). 

3.  Le  dimanche  16  février  1653,  Cupif  célébra  la  messe  dans  la 
Cathédrale,  puis,  étant  entré  en  chapitre,  il  donna  aux  chanoines 
Vosculum  pacis  (Actes  capitulaires,  G.  368). 

4.  F.  Duine,  Cohon,  p.  2^ 

5.  Le  6  mai  1650,  les  chanoines  «  pieusement  touchés  de  la 
nécessité  et  grande  disette  ou  le  pauvre  peuple  est  reduict  mainte- 
nant a  cause  de  la  cherté  de  vivre  »  ordonnent  «  aux  despendz  de 
leur  manse  »  des  aumônes,  qui  devront  être  distribuées  par  François 


—  417  — 

peu  de  leur  dignité  sacrée  et  les  gentilshommes  augmen- 
taient le  désordre.  Aussi  bien,  un  vent  de  folie  et  de 
détresse  soufflait  sur  la  France. 

Pendant  les  années  les  plus  agitées,  Cohon  resta 
auprès  de  la  cour.  Il  avait  le  goût  des  manœuvres  poli- 
tiques et  dessinait  volontiers  un  geste  hardi.  Le  6  jan- 
vier 1649,  la  reine,  le  roi,  et  Mazarin  quittèrent  Paris 
en  secret  et  les  troupes  royales  enveloppèrent  prompte- 
ment  la  ville.  Le  siège  dura  trois  mois.  Moment  grave  : 
«  On  ne  parlait  publiquement  dans  Paris  que  de  répu- 
blique et  de  liberté,  en  alléguant  l'exemple  de  l'Angle- 
terre ;  et  on  disait  que  la  monarchie  était  trop  vieille  et 
qu'il  était  temps  qu'elle  finit  K  »  Pendant  le  blocus, 
Cohon  s'agitait  dans  la  capitale.  Connu  pour  ses  senti- 
ments de  courtisanerie,  il  était  réduit  à  changer  «  de 
gîte  tous  les  soirs  ^.  »  Il  trouvait  moyen  néanmoins 
d'envoyer  les  nouvelles  au  ministre  et  dénonçait  le  jeu 
de  Catilina  dont  se  régalait  le  coadjuteur.  Mazarin 
répondait  par  quelques-unes  de  ces  bonnes  lettres 
—  confidentielles  —  qui  sont  destinées  au  public.  Le 
27  janvier,  par  exemple  :  «  Je  suis  incapable,  écrivait-il, 

Chereau,  «  chanoine  trésorier  leur  confrère  »,  neveu  de  Mgr  Cohon 
(Actes  capitulaires,  G.  368).  —  Prendrai-je  la  liberté  de  renvoyer  le 
lecteur  à  mon  Histoire  civile  et  politique  de  Dol,  3«  partie,  chap.  II 
(Paris,  Gamber,  1908)  ? 

1.  Mémoires  de  Montglat,  quinzième  campagne  (Edition  Michaud, 
Paris,  1838,  p.  217). 

2.  Les  partisans  de  la  cour  gardent  à  Paris  «  un  silence  forcé  et 
sont  dans  un  rabais  digne  de  compassion.  Pour  moi,  qui  ne  suis 
pas  un  des  plus  tièdes  ni  des  plus  inconnus,  j'ai  vu  trois  jours 
entiers  ma  vie  mal  assurée  et  tout  mon  bien  en  proie,  réduit  à  me 
tenir  caché,  changeant  de  gîte  tous  les  soirs  et  ne  trouvant  aucun 
passage  pour  sortir,  quoique  je  reçusse  des  billets  à  toute  heure 
qui  pressaient  mon  départ.  »  (Lettre  de  Cohon  à  Mazarin,  14  jan- 
vier 1649,  citée  par  A.  Chéruel,  Hist.  de  France  pendant  la  mino- 
rité de  Louis  XIV,  t.  III,  Paris,  Hachette,  1879,  p.  148-149). 

Dans  l'ouvrage  cité,  M.  Chéruel  a  employé,  d'après  les  archives 
du  Ministère  des  Affaires  Etrangères  (France,  t.  CXXII,  pièces 
6.  7,  20,  29,  36  et  42),  six  lettres  inédites  de  Cohon,  particulière- 
ment intéressantes,  qui  vont  du  14  janvier  au  29  janvier  1649,  et 
qui  sont  toutes  adressées  à  Mazarin. 

27 


—  418  — 

lorsqu'il  s'agit  du  service  du  roi,  de  conserver  le  moin- 
dre souvenir  de  ce  qui  s'est  fait  contre  moi  ^  »  Il  advint 
qu'une  des  lettres  de  Cohon  fut  interceptée.  Courroux 
parmi  les  frondeurs.  Un  contemporain  inscrit  dans  son 
journal  2  : 

Jeudi,  18  février  1649.  «  Temps  froid  et,  après  dîner, 
neipre.  Confirmation  de  ce  qu'on  disait  hier  que,  sur  ce 
qu'une  lettre  fut  interceptée,  écrite  par  l'évêque  de  Dol, 
Cohon,  il  a  été  arrête  et  a  des  gardes  dans  son  logis.  » 

Mercredi,  24  février  1649.  «  L'évêque  d'Aire  n'a  plus  de 
gardes  et  va  librement  partout  ;  celui  de  Dol  est  gardé  et 
on  dit  au  Parlement  qu'il  y  répondra,  nonobstant  ses 
exceptions  et  déclinements  de  juridiction.  » 

Les  plaisants  —  combien  lourde  habituellement,  mais 
combien  abondante  la  littérature  pamphlétaire  de  la 
Fronde  —  les  plaisants  chantonnaient  ^  : 

1.  Saint-Germain-en-Laye,  27  janvier  1649,  Mazarin  à  l'évêque 
de  Dol  (Chéruel,  Lettres  du  cardinal  Mazarin,  t.  III,  Paris,  1883, 
p.  279).  De  Compiègne,  le  14  mai  1649,  Mazarin  écrivait  encore  à 
l'évêque  de  Dol  :  u  II  faut  faire  autant  d'amis  que  l'on  peut,  et  je 
vous  prie  que  cette  acquisition  soit  l'une  de  vos  plus  sérieuses 
applications,  assurant  un  chacun,  comme  il  est  vrai,  que  je  perdrai 
entièrement  la  mémoire  des  choses  passées  et  qu'il  ne  m'en  res> 
tera  aucune  aigreur  contre  ceux  qui  peuvent  y  avoir  eu  part,  pourvu 
qu'ils  rentrent  dans  le  bon  chemin  et  dans  les  sentimens  qu'ils 
doivent  pour  le  service  du  roi.  »  (Eod.  loc,  p.  341). 

Dans  mon  Cohon  (n®  72,  p.  31),  j'ai  donné,  d'après  d'Avenel,  une 
analyse  des  autres  lettres  adressées  par  Mazarin  à  l'évêque  de 
Nîmes  et  de  Dol,  et,  dans  le  Bulletin  hist.  et  archéol.  de  la  Mayenne 
(2«  série,  t.  XXII,  année  1906,  p.  348),  j'ai  publié  l'analyse  de  lettres 
inédites  adressées  à  Mazarin  par  l'évêque  de  Nîmes  et  de  Dol. 

2.  Journal  des  guerres  civiles  de  Dubuisson-Aubenay,  1648-1652, 
publié  par  Gustave  Saige,  Paris,  1883-1885,  t.  I,  pp.  162,  173. 

3.  Ces  vers  sont  extraits  d'une  ballade  qui  obtint  deux  éditions 
en  1649.  Elle  est  la  seconde  parmi  Les  bnlades  servant  a  l'Histoire 
reveuës  et  augmentées.  A  Paris,  chez  Nicolas  Yivenay.  M.DC.LII 
(Cet  opuscule  in-quarto  de  12  pages  comprend  cinq  ballades.  Il  est 
placé  à  kl  fin  d'un  recueil  de  pièces,  qui  porte  à  la  Bibl.  Nat.  la 
cote  Lb"  5256).  [Voir  Moreau,  Bibliographie  des  Mazarinades, 
no  562  et  no  570]. 

On  retrouvera  le  nom  du  prélat  dans  la  troisième  ballade  de  la 
même  plaquette.  A  peine,  dit  le  satirique,  Mazarin  fut-il  maté  par 
le  vainqueur  de  Rocroy  : 


—  419  — 

«  Ma  foi  !  Jules  n'est  pas  un  grand  épouvantail, 

«  A  peine  ferait-il  tressaillir  un  conil  K 

«  Et  ce  grand  homme,  né  sous  le  poisson  d'avril, 

«  N'a  d'autre  estimateur  que  le  prélat  de  Dol... 

Tout  n'était  pas  sur  ce  ton  innocent.  On  maudissait 
sa  «  plume  mercenaire  »  qui  répliquait  aux  libelles  de 
la  révolte  ;  attachons-le,  criait-on,  à  la  queue  d'un  che- 
val, afin  de  lui  faire  mesurer  «  les  longueurs  et  lar- 
geurs »  des  rues  de  la  ville  ;  destinons  à  cet  insolent 
une  «  gaillarde  exécution  ^.  »  On  comprendra  sans  peine 
la  faveur  dont  il  jouit  auprès  de  la  Reine-Mère  et  de  Son 
Eminence.  Ainsi  le  crédit  de  Cohon  et  sa  réputation 
d'éloquence  lui  valurent  l'honneur  de  prêcher,  le  6  ji^in 
1654,  le  sermon  préparatoire  à  la  solennité  du  sacre  de 
Louis  XIV. 

Si  l'on  néglige  les  débuts  du  prédicateur,  il  semble 
qu'on  puisse  diviser  en  trois  périodes  sa  carrière  oratoire. 
La  première  va  de  1626  environ  au  milieu  de  l'année 
1648  ;  c'est  la  période  d'enthousiasme,  de  progrès  et  de 
fécondité.  —  La  littérature  profane  produisait  alors 
VAstreey  dont  les  deux  premiers  volumes  parurent  vers 
1610,  et  le  premier  recueil  de  lettres  de  Balzac,  qui 
date  de  1624.  Le  Cid  est  la  fleur  immortelle  de  1636.  Et 
Vaugelas,  en  1647,  publia  ses  remarques  sur  notre  lan- 

«  Que  plus  triste  et  confus  qu'un  pauvre  condamné, 
«  De  tous  ses  Courtisans  il  fut  abandonné, 
«  Et  le  nommé  Cohon  ses  singes  mal  mena. 
Les  singes  en  question  sont  les  neveux  du  cardinal.  Car,  d'après 
Y Adveriissement  au  sieur  Cohon  par  les  cuistres  de  l Université  de 
Paris,  l'évêque  de  Dol  était  chargé  de  «  gouverner  les  singes  et  les 
majots  y*  du  ministre.  Et  l'on  ajoutait  :  «  Vous  leur  faites  repeter 
leurs  leçons,  les  tenez  chez  vous  en  pension,  et  les  aprenez  à  sauter 
et  faire  des  tours  de  souplesse.  » 

1.  Conil  (et  dans  le  vieux  français  :  connin)  veut  dire  :  lapin 
(cuniculus).  —  Au  troisième  vers,  la  locution  :  né  sous  le  poisson 
d'avril  signifie  :  né  au  jour  des  mauvais  présents  et  des  tromperies. 

2.  Nouvelle  proposition  faicte  par  les  bourgeois  de  la  ville  et 
faux'hourgs  de  Paris,  a  messieurs  de  Parlement,  contre  la  lettre 
du  sieur  Cohon,  evesque  de  Dol.  Paris,  M.DC.XLYIIII.  In-4o  de 
8  p.  (Duine,  Cohon,  n«>9,  p.  9). 


—  420  — 

gue.  Cohon  était  trop  de  son  tefnps,  pour  échapper  à 
l'influence  des  livres  qu'il  était  de  bon  goût  d'appré- 
cier. —  La  seconde  période  s'étend  jusqu'en  1655.  Elle 
est  traversée  par  les  préoccupations  de  la  politique  ; 
l'évêque  monte  en  chaire  beaucoup  plus  rarement;  tou- 
tefois il  a  reçu  le  dernier  vernis  de  la  cour  et  de  la  ville, 
sa  formation  littéraire  est  terminée,  et  quelques  cir- 
constances solennelles  le  mettent  à  même  de  déployer 
avec  éclat  les  ressources  de  son  talent.  —  Déjà  se  fai- 
sait entendre  une  voix  qui  devant  la  postérité  dominera 
toutes  les  autres  :  Bossuet,  âgé  de  vingt-sept  ans,  pro- 
nonçait à  Metz  son  panégyrique  de  saint  Bernard,  si 
chaud,  si  coloré,  une  des  merveilles  de  la  parole  fran- 
çaise. Il  existait  même  une  bonne  école  d'éloquence  reli- 
gieuse :  le  séminaire  oratorien  de  Saint-Magloire  de 
Paris.  Les  fruits  de  cette  maison  seront  particulière- 
ment précieux  sous  la  direction  du  Père  Senault,  homme 
d'une  rare  politesse,  écrivain  d'une  véritable  distinction. 
Il  apprit  à  beaucoup  le  prix  des  bienséances  et  le  respect 
du  styje  *.  —  La  troisième  période  comprendrait  le 


1.  Senault  «  travailla  douze  ou  quinze  ans,  de  son  propre  aveu,  à 
se  polir  le  style,  sans  discontinuer  l'étude  de  la  théologie,  de 
r  Ecriture-Sain  te  et  des  Pères,  où  il  se  fit  un  fond  inépuisable  de 
doctrine.  Simon  prétend  qu'il  lisait  sans  cesse  le  Plutarque  de  la 
traduction  d'Amyot,  nonobstant  son  vieux  langage,  pour  former  sur 
ce  modèle  le  tour  de  ses  phrases  et  de  ses  périodes,  et  qu'il  fai- 
sait revoir  tous  ses  écrits  pour  le  style  au  célèbre  M.  Conrart.  » 
(Batterel,  Mém.  pour  l'hist.  de  l'Oratoire,  publié  par  Ingold  et 
Bonnardet,  Paris,  Picard,  1904,  p.  3).  Son  premier  ouvrage  est 
une  Paraphrase  sur  Job,  qui  parut  en  1637  (eod.  loc,  p.  4).  La 
prédication  de  Senault  obtint  un  succès  très  vif  (eod.  loc,  p.  16-17). 
Et  son  influence  sur  la  manière  oratoire  de  son  époque  fut  très 
marquée  (eod.  loc,  p.  14).  En  1656,  il  était  supérieur  de  Saint- 
Magloire,  mais  j'ignore  depuis  combien  de  temps.  Cette  année,  il 
donna  le  premier  volume  de  ses  Panégyriques  des  saints  (voir  eod, 
loc,  p.  13-14).  Il  «  s'appliqua,  lors  qu'il  fut  élu  supérieur  de  Saint- 
Magloire,  à  former  de  jeunes  ecclésiastiques  à  la  prédication  ;  il 
leur  donnoit  des  règles  et  leur  fournissoit  des  matières  dans  des 
conférences  publiques  où  il  les  exerçoit  après  leur  en  avoir  donné 
l'exemple  »  (Perrault,  Les  hom.  illustres  qui  ont  paru  en  France 
pendant  ce  siècle,  Paris,  Dezallier,  1696,  t.  I,  p.  14). — Dans  la  thèse 


—  421  — 

second  épiscopat  nlmois  de  Cohon.  Bien  peu  de  mor- 
ceaux de  cette  dernière  phase  nous  ont  été  conservés. 
Au  reste,  le  prélat  avait  le  mérite  d'être  absorbé  par 
l'administration  diocésaine.  Certes,  il  se  divertit  tou- 
jours à  l'étude  (c'est  son  mot  ^),  mais  il  compose  sans 
doute  très  rarement.  Soit  avec  le  secours  de  ses  notes 
d'autrefois,  soit  au  bonheur  de  l'improvisation,  il  nourrit 
son  troupeau  de  la  doctrine  catholique. 

Cohon  était  donc  arrivé  à  son  apogée  oratoire  en 
même  temps  qu'à  son  zénith  politique.  Sa  voix  allait 
décroître.  L'âge  est  inflexible.  Son  autorité  n'avait  plus 
les  mêmes  aliments,  l'heure  critique  de  la  royauté  étant 
passée.  Désormais  les  courtisans  songeraient  que  le  (ils 
d'un  marchand  cirier  n'est  jamais,  suivant  l'expression 
méprisante  de  l'aristocratie,  qu'un  «  cuistre  violet  »  ^. 

de  P.  Jacquinet  (Des  prédicat,  du  XVII*  s.  avant  Bossuet,  Paris, 
1863,  p.  182-200),  les  pages  consacrées  au  Père  Senault  se  liront 
toujours  avec  plaisir. 

Enfin,  vers  le  même  temps,  un  laïque  tentait  d'organiser  à  Paris 
une  école  d'éloquence  religieuse.  Le  cours  durait  trois  mois.  11  se 
tenait  les  mardi,  mercredi  et  vendredi,  de  deux  heures  à  quatre. 
On  payait  trois  louis  d'or  pour  le  suivre.  Il  était  dirigé  par  Jean 
de  Sourdier,  pasteur  calviniste,  qui  s'était  converti.  (L'éloquence 
de  la  chaire  ou  la  rhétorique  des  prédicateurs,  par  I.  D.  S., 
escuyer,  sieur  de  Richesource.  A  Paris,  chez  l'autheur,  place 
Dauphine,  aux  deux  Croissans,  1665.  —  Bibl.  Nat.,  Invent.  X 
18.611.  —  L'achevé  d'imprimer  pour  la  première  fois  est  du 
17  mars  1662).  Les  exercices  d'éloquence  que  l'écrivain  avait  insti- 
tués devaient  apprendre,  dit-il,  à  composer  judicieusement,  à  pro- 
noncer agréablement,  à  critiquer  un  discours,  à  présider  une 
assemblée. 

1.  Lettre  à  ses  nièces,  !•'  septembre  1663  (Falgairolle,  loc.  cit., 
p.  10). 

2.  Le  mot  est  de  Saint-Simon.  Il  est  cité  et  commenté  par 
M.  Lavisse  (Hist.  de  France,  t.  VII,  I,  Paris,  1906,  p.  396).  —  En 
1654,  monseigneur  subit  un  procès  qui  étala  aux  yeux  de  la  ville 
les  humbles  origines  de  sa  famille.  On  rappela  que  son  frère, 
«  Monsieur  Cohon  le  jeune  »,  exerçait,  en  1626,  la  profession  de 
«  marchand  cierger  »,  qu'il  épousa  en  premières  noces  «  une  che- 
tive  femme  de  Craon  en  Anjou  »,  qu'il  ne  possédait  «  aucuns 
biens  »,  et  qu'il  fréquentait  le  «  cabaret.  »  Quelques  mois  après  sa 
consécration  épiscopale.  Monseigneur,  grâce  à  son  crédit,  lui  fit 
épouser  damoiselle  Le  Breton,  «  fille  de  bonne  maison,  belle»  et  de 


—  422  — 

L'évêché  de  Paris  ne  saurait  lui  échoir.  A  Thomme  avisé 
de  se  retirer  à  propos,  en  épousant  une  église  de  marque 
honorable.  Justement,  le  20  juin  1655,  Hector  d'Ouvrier 
mourait.  Grâce  à  Mazarin,  Cohon  fut  nommé  une  seconde 
fois  évêque  de  Nîmes.  Toutefois,  la  chose  fut  laborieuse. 
En  eiïet,  de  Rome  où  il  s'était  réfugié,  le  cardinal  de 
Retz  lança,  le  20  octobre  *,  un  interdit  contre  «  ce  pré- 
lat sans  conscience  »  ^,  qui,  au  mépris  des  lois  cano- 
niques, avait  fait  les  ordinations  dans  la  capitale.  Des 
canonistes  dévoués  au  ministre  déclarèrent  nulle  la  sen- 

tres  excellente  nourriture,  avec  beaucoup  d'argent  »  ;  de  plus,  il  le 
fit  gratifier  d'un  grenier  à  sel  «  du  bourg  d'Ernée  au  Maine  ». 
Hélas  !  Jean  maltraita  Suzanne,  se  lança  dans  la  débauche,  grugea 
les  écus  de  la  recette  royale,  fut  séparé  de  biens  d'avec  sa  femme. 
Moins  par  indélicatesse  que  par  habileté,  l'évêque  prétendit  con- 
server l'administration  de  la  dot.  Conflit.  Parmi  les  documents  de 
cette  affaire,  conservés  à  la  Nationale  et  à  la  Mazarine  (F.  Duine, 
Cohon,  p.  11-12,  n«  16;  p.  33,  n»  76),  je  choisirai  une  lettre  que  le 
«  sieur  de  Dol  n  adressait  à  son  frère  le  26  août  1637.  Elle  me 
parait  caractéristique  du  ton  naturel  du  prélat,  qui,  lorsqu'il  ne  se 
surveillait  pas,  pratiquait  volontiers  le  magna  nunc  ore  sonandum, 
—  indice  du  tempérament  oratoire. 

«  Mon  frère,  n'étes-vous  pas  le  plus  infâme  de  tous  les  hommes, 
«  d'avoir  mangé  deux  mille  écus  du  bien  du  roi,  qu'il  a  fallu 
«  reprendre  sur  les  deniers  de  votre  femme,  à  mille  francs  près 
«  que  vous  m'avez  prêtes.  Que  fussions-nous  devenus.  Monsieur 
«  Laisné  et  moi,  si  vous  eussiez  plus  longtemps  manié  cette  recette 
«.  sous  notre  caution  ?  Désespéré  que  vous  êtes,  n'aurez-vous 
«  jamais  le  cœur  de  gagner  votre  vie  sans  vous  attendre  au  bien 
«  d'autrui.  Allez  à  la  guerre  porter  un  mousquet. 

«  Vous  me  reprochez  que  votre  femme  ne  vous  veut  pas  voir, 
«  parce  que  je  lui  avais  promis  des  choses  que  je  n'ai  pas  faites. 
«  Il  est  vrai  que  je  lui  ai  fait  espérer  des  avantages  qu'elle  n'a  pas 
«  reçus  de  moi  et  que  jamais  elle  ne  recevra.  Mais,  sans  cela,  com- 
«  ment  vous  pouvais-je  marier  ?  Il  fallait  nécessairement  tromper 
a  quelqu'un  d'un  homme  qui  n'a  ni  courage,  ni  bien,  ni  prudence 
«  pour  en  gagner  ou  pour  le  conserver.  N'espérez  jamais  de  moi  ni 
«  secours  ni  faveur,  puisque  vous  ne  méritez  autre  chose  que  de 
«  mourir  sur  un  fumier.  » 

1.  Duine,  Cohon,  n»  18,  p.  12-13.  La  Bibliothèque  Nationale 
possède  un  exemplaire  de  cet  interdit  du  20  octobre  1655  ;  il  est 
coté  :  Ms.  fr.  6564. 

2.  Cette  qualification  est  de  M.  A.  Gazier,  dans  sa  thèse  de  doc- 
torat sur  Les  dernières  années  du  Cardinal  de  Retz  (Paris, 
Thorin,  1875). 


—  423  — 

tence  de  Tancien  coadjuteur  * .  Et  Cohon  officia  pontifi- 
calement  le  jour  de  la  Toussaint  dans  Téglise  des 
Feuillants.  Mais,  constate  Tun  des  écrivains  qui  ont  le 
mieux  scruté  l'histoire  religieuse  du  xvii'  siècle,  «  les 
évéques  présents  à  Paris  s'émurent  d'une  telle  infraction 
aux  lois  de  TÉglise  ;  ils  témoignèrent  hautement  leur 
indignation,  et  firent  comprendre  à  Mazarin  que  cet 
exemple  ne  serait  imité  de  personne  »  ^.  Aussi,  bien  que 
le  7  décembre  1655,  Cohon  fit  appuyer  sa  candidature 
en  cour  papale  par  les  autorités  ecclésiastiques  et  civiles 
de  son  nouveau  siège,  il  lui  fallut  attendre  ses  bulles 
jusqu'au  27  août  1657.  Lorsqu'il  les  tint,  on  glissa  dans 
Toflicielle  Gazette  de  France  une  note.  Datée  de  Rome, 
28  août,  elle  annonçait  que  le  Souverain  Pontife  avait 
présidé  le  consistoire  et  que  «  S.  M.  Très  Chrétienne  » 
avait  «  réuni  »  Tévêque  «  à  sa  première  épouse,  afin  de 
satisfaire  aux  vœux  et  aux  désirs  de  tous  les  ordres  de 
la  ville  et  du  diocèse  »  de  Nîmes,  «  qui  avaient  réclamé 
la  protection  du  cardinal  Mazarin,  pour  obtenir  le  retour 
de  ce  prélat,  dont  ils  connaissaient  le  mérite  »  ^.  Ma  foi, 
comme  dit  Goldoni,  «  Bravo,  signor  Pantalone  !  Mi 
piace  il  vostro  brio.  » 

Avant  de  prendre  une  seconde  fois  possession  de  son 
siège,  nous  voyons  le  prélat  s'intéresser  à  une  affaire 
qui  troublait  son  diocèse  d'origine.  En  1654,  Mgr  Henry 
Arnauld  avait  donné  des  statuts  synodaux  qui  blessaient 
les  réguliers.  Carmes,  Jacobins,  Récollets,  Augustins, 
déclamaient  et  réclamaient  en  faveur  de  leurs  privi- 
lèges ^.  La  querelle  prenait  des  proportions  fâcheuses. 
Cohon  participa  à  des  conférences  qui  se  tinrent  à 
Angers  pour  tâcher  de  terminer  ce  différend  à  l'amiable. 

1.  Daine,  Cohon,  no  26,  p.  16. 

2.  Gazier,  loc.  cit.,  p.  30. 

3.  Gazette  de  France,  année  1657,  p.  977.  —  Ce  passage  de  la 
Gazette  est  invoqué  par  le  Ms.  lat.  17.027  de  la  Bibl.  Nat.  (p.  233). 

4.  Batterel,  Mémoires  domestiques  pour  servir  à  l'histoire  de 
iOratoire,  publié  par  Ingold  et  Bonnardet,  t.  II,  Paris,  Picard, 
1903,  p.  471  et  saiv. 


—  424  — 

Il  défendit  la  juridiction  épiscopale.  «  Vous  chicanez  », 
disait-il  aux  religieux  :  aucun  évêque  de  France  n'a 
«  fait  d'ordonnance  à  votre  égard  si  douce  et  si  modérée 
que  Monseigneur  d'Angers  »  ^  —  Cette  décision  était 
conforme  aux  principes  de  Tévêque  de  Nîmes  et  de  Dol  : 
un  prélat  doit  agir  en  maître  dans  son  diocèse.  D'ail- 
leurs le  ton  d'autocrate  n'était-il  pas  cher  à  celui  qui 
écrivait  à  son  neveu  :  «  Ne  vous  accoustumez  pas,  s'il 
vous  plaist,  à  suivre  vos  volontez,  quand  les  miennes 
vous  paroistront  »  •. 

Enfin,  aux  derniers  jours  de  1657,  il  entra  dans 
Nîmes  et  s'appliqua  immédiatement  à  l'œuvre  de  res- 
tauration et  d'unité  catholiques.  Dès  1658,  il  fatigue  la 
cour,  à  laquelle  il  propose  sans  cesse  une  action  éner- 
gique vis-à-vis  des  protestants  ^.  Comme  il  n'était  pas 
homme  à  reculer  devant  le  but  à  atteindre,  il  avait  mul- 
tiplié ses  appuis.  Le  chancelier  Séguier  lui  assurait  un 
précieux  concours  ^.  Le  Père  Ânnat,  confesseur  de 
Louis  XIV,  lui  était  dévoué  ^.  Jugé  avec  nos  idées 
modernes  —  nos  idées,  je  ne  puis  dire,  hélas!  nos  habi- 

1.  Extrait  des  principales  faussetez  commises  par  l'autheur  des 
reflexions  sur  le  livre  de  la  deffense  des  ordonnances  de  Monsei- 
gneur l'evesque  d'Angers...  Angers,  1657  (Exemplaire  à  la  Bibl. 
Nat.,  Lk^  62).  —  Cet  ouvrage  était  sans  doute  de  ï'oratorien  Boni- 
chon  (Batterel,  loc.  cit.,  p.  474).  L'auteur  s'appuie  sur  l'autorité 
de  «  Monseigneur  de  Nismea  »,  aux  pages  9,  30,  33,  71. 

2.  Cohon  à  son  neveu  Ânthyme-Denis,  8  septembre  1660  (Falgai- 
rolle,  loc.  cit.,  p.  18). 

3.  Bulletin  de  la  Mayenne,  loc.  cit.,  p.  348.  En  cette  année  1658, 
Cohon  respire  un  véritable  entrain  de  jeune  évêque  (Falgairolle, 
p.  11,  p.  16-18  :  lettres  de  1658  adressées  par  l'évêque  à  sa  nièce 
et  à  son  neveu;  Duine,  Cohon,  p.  3  ;  p.  17,  n»  28  ;  p.  27,  n»  63  ; 
p.  31,  no  72;  p.  45,  n»  83). 

4.  Duine,  Cohon,  n»  80,  p.  37-43.  —  «  Ne  manquez  pas  de  voir, 
selon  mes  ordres,  M.  le  Chancelier  »  (A  son  neveu,  14  novem- 
bre 1663,  Falgairolle,  loc.  cit.,  p.  31). 

5.  n  Jetez  votre  première  et  principale  conGance  en  la  bonté  du 
R.  P.  Annat,  auquel  je  désire  que  vous  soyez  obligé  comme  moi  de 
tous  vos  accroissements  »  (A  son  neveu,  27  juin  1663);  «  ne  man- 
quez pas  de  lui  embrasser  les  genoux  »  (A  son  neveu,  10  novem- 
bre 1663)  ;  car  il  est  «  votre  bienfaiteur  et  le  mien  »  (A  son  neveu, 
21  août  1669.  —  Falgairolle,  loc.  cit.,  p.  22,  p.  30,  p.  54). 


—  425  — 

tudes  —  de  tolérance  et  de  liberté  de  conscience,  Cohon 
excite  des  sentiments  peu  sympathiques.  Bientôt,  il  eut 
la  joie  de  recevoir  la  cour  ^  Car,  la  paix  glorieuse  des 
Pyrénées  ayant  été  conclue  le  7  novembre  1659,  et  le 
mariage  de  Louis  XIV  avec  Marie-Thérèse  d'Autriche 
ayant  été  décidé.  Leurs  Majestés  qui  se  trouvaient  à 
Bordeaux  dans  l'expectative  de  cet  heureux  traité  réso- 
lurent de  passer  Thiver  en  Languedoc  et  en  Provence, 
«  attendant  avril,  auquel  le  roi  d'Espagne  devoit  partir 
de  Madrid  pour  amener  Finfante  »  ^.  C'est  ainsi  que  le 
8  janvier  1660,  Son  Éminence  arriva  dans  Nimes  et 
reçut  le  compliment  de  Tévéque.  Le  lendemain,  entrée 
du  roi  ^.  Un  an  plus  tard,  Mazarin,  «  après  avoir  donné 
la  paix  à  la  chrétienté,  »  mourut,  manifestant  «  un  atta- 
chement incompréhensible  pour  l'argent  jusqu'au  dernier 
soupir  »  ^.  En  1666,  ce  fut  le  tour  d'Anne  d'Autriche. 
«  Toute  la  cour  lit  une  grande  perte  à  sa  mort,  parce 
qu'elle  rabattoit  l'impétuosité  de  la  jeunesse  du  roi  son 
fils.  »  '^  Le  l*"^  mars,  Cohon,  outre  le  service  funèbre 
organisé  par  son  Chapitre,  ordonna  un  office  solennel, 
«  avec  toute  la  pompe  qui  pouvoit  rendre  cette  cérémo- 
nie plus  éclatante  et  signaler  sa  reconnaissance  envers 
son  Auguste  Bien-faictrice^.  »  De  fait,  avec  la  dispari- 


1.  Nous  sortirions  du  cadre  de  cette  notice,  si  nous  parlions  du 
rôle  que  le  prélat  joua  dans  les  États  du  Languedoc,  durant  son 
second  épiscopat  nimois,  notamment  en  1658  et  1662.  Disons  toute- 
fois que,  trompé  par  de  spécieuses  raisons,  il  put  se  croire  bon 
Français  et  grand  Évéque,  en  soutenant,  avec  une  ardeur  toujours 
égale,  le  dangereux  absolutisme  du  roi,  et  en  préparant,  dans  la 
mesure  de  ses  forces,  l'odieuse  révocation  de  l'Edit  de  Nantes. 

2.  Mémoires  de  Montglat,  Trêve  générale  (Edition  Michaud, 
p.  344). 

3.  Gazette  de  France,  année  1660,  p.  82. 

4.  Mémoires  de  Montglat,  Paix  générale  (Edition  Michaud, 
p.  349). 

5.  Mém.  de  Montglat,  Paix  générale  (Edit.  Michaud,  p.  358). 

6.  Gazette  de  France,  année  1666,  p.  335-336.  —  Le  1«'  juil- 
let 1663,  Cohon  disait  à  son  neveu  :  «  Je  suis  mortellement  affligé 
de  la  rechute  de  la  Reine-Mère,  et  je  crains  avec  raison  qu'elle 
retarde  vos  affaires  »  (Falgairolle,  loc.  cit.,  p.  23). 


—  426  — 

tion  du  cardinal  et  de  la  reine-mère,  tout  un  monde 
s'évanouissait  pour  Mgr  de  Nîmes.  Parfois  on  répandait 
aussi  Tannonce  de  sa  mort  à  lui  ;  le  vieillard  en  souriait  ^  ; 
il  vivait  toujours  d'une  activité  et  d'une  persévérance 
qui  étonnent,  attentif  aux  triomphes  de  l'Eglise,  zélé 
pour  ses  intérêts  propres  et  ceux  de  sa  famille.  Il  fonda 
le  «  monastère  de  l'Annonciation,  de  l'ordre  de  Sainte 
Ursule  )),  et,  le  10  septembre  1668,  il  célébra  l'ouverture 
de  la  chapelle,  «  avec  de  fort  belles  cérémonies,  en  pré- 
sence de  tous  les  Corps,  et  d'une  infinité  de  personnes 
de  marque  ^.  »  En  ce  temps-là,  grandissait  la  renommée 
de  celui  qui  deviendra  un  jour  son  successeur  et  le  pré- 
lat le  plus  exquis  du  siège  de  Nîmes.  Fléchier,  —  c'est  lui 
que  nous  désignons,  —  mérite  de  former  avec  Bourda- 

1.  Le  2  juin  1666,  Cohon  écrivait  à  son  neveu  :  «  Ma  santé  est 
parfaite,  quoique  tous  les  trois  mois  les  aspirants  de  la  Cour  me 
tuent  sans  me  toucher  et  m'enterrent  tout  vif  par  leurs  fausses 
gazettes  »  (Kalgairolle,  loc.  cit.,  p.  46).  En  1665,  au  commence- 
ment de  mai,  il  se  rendait  encore  à  Paris  (eod.  loc,  p.  43,  p.  44). 
«  J'en  trouve  l'air  bien  doux  »,  aurait-il  pu  dire  avec  le  gentil  men- 
teur de  Corneille.  Vers  la  mi-avril  de  1667,  le  vieillard  tenta  de 
faire  un  nouveau  voyage  à  la  Cour,  mais  la  fatigue  Tobligea  de 
s'arrêter  en  Avignon  {eod.  loc,  p.  51,  52). 

Richelieu  avait  sa  troupe  de  prédicateurs,  comme  il  avait  sa 
troupe  de  comédiens.  Et  Cohon  se  rappelait  avec  plaisir  le  temps 
où,  orateur  estampillé  par  l'Etat,  il  logeait  rue  Traversière  (Kal- 
gairolle, loc.  cit.,  p.  27),  derrière  le  Palais -Royal  (Duine,  loc.  cit., 
p.  18).  —  La  rue  Traversière  était  ainsi  nommée  parce  qu'elle  per- 
mettait de  traverser  de  la  rue  Saint-Honoré  dans  celle  de  Richelieu. 
Cette  rue  Traversière  est  la  rue  Molière  d'aujourd'hui. 

D'après  un  pamphlet  de  la  Fronde  (Avertissement  au  sieur 
Cohon,  par  les  cuistres  de  l'Université  de  Paris},  avant  d'être  voi- 
sin du  cardinal  Mazarin,  Cohon.  lorsqu'il  étudiait  à  Paris,  habitait 
rue  des  Quatre- Vents.  Ainsi  n'était-il  pas  éloigné  de  la  Sorbonne. 
Le  collège  du  Mans  (qui  fut  plus  tard  réuni  au  collège  Louis-le- 
Grand)  se  trouvait  dans  le  même  quartier.  Il  avait  été  fondé  pour 
des  boursiers  du  diocèse  manceau.  Le  futur  évéque  profita  peut- 
être  de  cette  institution.  A  vrai  dire,  dès  1613,  les  revenus  de  la 
maison  étaient  tellement  diminués  que  les  bourses  furent  suppri- 
mées ou  du  moins  suspendues.  Serait-ce  un  tel  fait  qui  aurait 
fourni  prétexte  au  libelliste  d'afiirmer  que  le  jeune  Anthyme-Denis 
fut  expulsé  a  du  colege  »  et  réduit  à  tendre  la  main  aux  écoliers  ? 

2.  Gazette  de  France,  année  1668,  p.  1007. 


—  427  — 

loue  et  Massillon  le  triumvirat  de  la  prédication  classi- 
que, aux  nuances  fines,  riches  et  variées.  De  cette 
prédication,  Cohon,  tant  célébré  de  son  vivant,  perdu 
dans  le  plus  sombre  oubli  après  son  décès  ^  ne  fut  pas 
l'un  des  précurseurs  les  moins  dignes  d'être  rappelé.  Le 
7  novembre  1670,  il  rendit  Tàme,  «  ayant,  le  jour  précé- 
dent, reçeu  les  sacremens,  avec  une  très  grande  dévo- 
tion, en  présence  de  ses  chanoines,  lesquels  reçeurent  sa 
profession  de  Foy,  qu'il  accompagna  d'un  petit  discours 
fort  touchant,  et  plein  d'édification  ^.  »  Il  n'y  avait  pas 
trois  mois  que  l'éloquence  —  Bossuet  —  avait  atteint 
sa  perfection  suprême.  Sur  le  cercueil  d'Henriette 
d'Angleterre,  une  voix  émue  avait  chanté  le  «  triomphe 
de  la  mort  »,  et,  dans  une  langue  souveraine,  avait 
peint  à  «  nos  cœurs  enchantés  de  l'amour  du  monde  »  la 
grande  vanité  des  choses  humaines. 

Tel  est  Teffet  engendré  par  le  recul  du  temps,  que, 
dans  cette  ville  de  Nîmes,  où  la  lutte  catholique  devait 
idéaliser  les  travailleurs  de  Torthodoxie,  Monseigneur 
Anthyme-Denis  Cohon,  —  qui  se  raillait  de  la  piété 
simple  et  ardente  de  la  Bretagne  3,  —  a  perdu  ses  traits 

1.  Pas  un  mot  de  Cohon  dans  le  Dict.  des  prédicat,  français, 
publié  à  Lyon,  en  1757  ;  ni  dans  le  Dict.  des  caractères  et  portraits 
tirés  des  oraisons  funèbres,  qui  ont  paru  depuis  1530  jusques 
en  illl,  rédigé  par  Roland  (Paris,  1777,  2  vol.) 

A  la  vérité,  l'académicien  Ménard,  au  xviii^  siècle,  n'oublie  pas 
le  vieil  orateur,  mais  il  en  parle  dans  une  histoire  purement  locale 
(F.  Duine,  Cohon,  p.  19,  no  32  et  n»  34). 

2.  Gazette  de  France,  année  1670,  p.  1142.  —  Cohon  fut  inhumé 
le  13  novembre.  L'évéque  d'Orange  présida  la  cérémonie  et  le 
R.  P.  Bresson,  jésuite,  prononça  l'oraison  funèbre  (Eod.  loc). 

3.  Un  neveu  de  Cohon  semblait  avoir  une  âme  éthrrée.  L'évé- 
que cherche  à  lui  inculquer  la  notion  des  réalités.  D'après  sa  doc- 
trine, l'homme  digne  de  ce  nom  doit  montrer  u  une  élévation  de 
cœur  avec  les  semences  de  piété.  »  Les  sentiments  religieux  peu- 
vent s'accommoder  avec  la  vie  du  siècle  et  ne  sauraient  contrarier  le 
bel  essor  des  ambitions  légitimes.  Que  ceux  qui  tiennent  au  «  style 
apostolique  »  et  veulent  que  leur  existence  ressemble  aux  «  romans 
spirituels  »  aillent  «  vivre  parmi  les  ours,  n  Cher  neveu,  dit  le  pré* 
lat,  retirez-vous  donc  au  milieu  des  Bas-Bretons,  demeurez  au 
Folgoët,  «  la  dévotion  y  est  dans  un  degré  suprême  »  :  voilà  votre 
aflfaire  !  (Falgairolle,  loc.  cit.,  p.  38,  56,  59,  et  passim). 


—  428  — 

trop  terrestres  et  n'a  plus  conservé  sur  son  visage  que  la 
douce  lumière  de  la  foi.  Parmi  les  vitraux  de  la  cathé- 
drale, exécutés  dans  la  seconde  moitié  du  xix'  siècle, 
sur  Tordre  d'un  prélat  plein  de  doctrine,  on  Ta  repré- 
senté vêtu  du  rochet  et  suggérant  à  Louis  XIII  Tacte 
par  lequel  ce  prince  consacra  la  France  à  la  Vierge  *. 
Ainsi  rien  n'aura  manqué  à  la  destinée  de  Tévéque  de 
Nîmes  et  de  Dol  :  non  pas  même  une  pieuse  légende  ! 

(A  suivre).  F.  Duine. 

1.  Ces  vitraux  furent  placés  sous  l'épiscopat  de  Mgr  Besson 
(Alph.  Réeb,  Un  évêq.  ami  et  correspond,  de  Mazarin,  p.  27*  ; 
brochure  in-8o  de  27  p.,  Nimes,  1888  ;  Extrait  de  la  Revue  du 
Midi),  —  F.  Duine,  Cohon,  p.  65,  n©  46  ;  p.  61,  n»  24. 


APPENDICE 

Cet  article  était  composé,  lorsque  M.  Laurain  m'a  informé  que, 
d'après  une  communication  de  M.  Queruau-Lamerie,  notre  collègue, 
il  y  avait  à  la  bibliothèque  d* Angers,  parmi  les  ma9U6crits  du  fonds 
Grille  (Biographie),  plusieurs  pièces  concernant  Cohon  : 

1®  Une  notice  (2  pages  in-folio)  de  l'abbé  Grandet  ; 

2o  Une  lettre  à  l'abbé  Grandet,  curé  de  Sainte-Croix  et  directeur 
du  séminaire,  du  9  décembre  1700,  envoyée  par  un  frère  Collino, 
du  couvent  de  Craon,  lequel  déclare  n'exister  dans  la  bibliothèque 
de  la  maison  aucune  œuvre  du  prélat  ; 

3o  Une  note  manuscrite  de  Toussaint  Grille  sur  Cohon. 


m  MAGISTRAT  REVOLIJTIOPÂIRI 

FRANÇOIS    MIDY 

(1752-1807). 
(Suite). 


II 

A  la  nouvelle  des  événements  des  30  et  31  mai, 
!•'  et  2  juin  1793  et  de  l'expulsion  de  la  Convention  de 
trente-deux  députés  Girondins,  les  administrateurs  du 
département  de  la  Mayenne,  du  district  et  de  la  muni- 
cipalité de  Laval,  ainsi  que  les  membres  des  divers  tri- 
bunaux siégeant  en  cette  ville,  avaient  cru  devoir 
protester  contre  ces  événements  et  avaient  envoyé  deux 
commissaires  porter  leur  arrêté  à  la  Convention  ^ 

Puis,  entraînés  par  les  discours  de  députés  envoyés 
par  les  départements  de  Bretagne  et  de  Normandie,  ils 
avaient  ordonné  la  formation  d'un  bataillon  de  volon- 
taires qui  partit  pour  Caen  se  mettre  aux  ordres  de 
Wimpfen. 

Mayenne  avait  aussi  fourni  son  contingent,  tandis  que 
les  autres  districts  ne  bougeaient  pas,  ou,  comme  Lassay 
et  Craon  ^,  s'étaient  prononcés  contre  ce  mouvement. 

1.  Jourdain-Dnrocher  et  Hubert. 

2.  Patries  des  conventionnels  Grosse  -  Durocher  et  Esnne- 
LaTtllée. 


—  430  — 

A  Craon  même,  le  10  juin,  dans  une  séance  du  direc- 
toire, après  les  conclusions  du  procureur  syndic  Ghartier 
tendant  à  rejeter  l'adresse  présentée  par  le  département 
à  la  Convention,  Midy,  qui  était  membre  du  Conseil, 
exposa  qu'il  ne  voyait  dans  cette  démarche,  «  calquée 
sur  celle  du  département  d'Isle-et- Vilaine,  que  le  germe 
de  la  guerre  civile,  les  moyens  d'établir  le  fédéralisme 
et  les  efforts  des  riches  pour  détruire  l'effet  des  décrets 
de  l'impôt  progressif,  de  la  taxe  de  guerre  et  de  l'impôt 
forcé. 

«  La  Convention,  ajouta-t-il,  a  fait  une  proclamation 
sur  les  événements  qui  excite  la  solicitude  du  départe- 
ment :  elle  est  libre.  Les  décrets  qu'elle  a  rendu  sont 
favorable  au  peuple,  la  force  armée  qu'on  veut  envoyer 
à  Paris  n'a  d'autre  objet  que  de  protéger  et  deffendre 
les  ennemis  du  peuple,  les  complices  de  Dumouriés,  de 
Pith  et  de  Cobourg,  et  de  faire  rapporter  ces  décrets 
salutaires. 

«  La  levée  d'une  force  armée  pour  se  porter  à  Paris 
et  contre  Paris  est  le  comble  de  l'ingratitude  lorsque 
cette  ville  a  cent  mille  hommes  aux  frontières  ou  à  l.a 
Vendée  ;  elle  est  levée  sans  réquisition  légale  dans  le 
moment  même  ou  la  Convention  déclare  qu'elle  est  libre. 

«  Le  département  a  donc  fait  un  acte  de  souveraineté, 
il  a  empiété  sur  le  pouvoir  du  corps  législatif  auquel 
appartient  le  droit  d'ordonner  une  levée  de  force  armée. 
Dans  quels  tems  cette  levée  est-elle  ordonnée?  Dans 
un  tems  de  trouble  où  le  département  de  la  Mayenne 
voit  ses  limites  menacées  par  l'armée  contre-révolution- 
naire !  Elle  est  levée,  cette  force  armée,  avec  un  prétexte 
qui  fait  le  contraste  le  plus  piquant  avec  la  lenteur  qu'on 
a  mis  à  fournir  un  détachement  pour  aller  s'opposer  au 
passage  de  la  Loire  que  faisoit  craindre  la  déroute  de 
Beaupréau... 

«  En  conséquence,  je  demande  qu'il  soit  arrêté  que 
les  mesures  prises  par  le  département  et  les  autorités 
constituées  de  Laval  seront  désapprouvées  ;  qu'aucuns 


—  431  — 

commissaires  pris  dans  cette  administration  ne  seront 
nommés,  qu'au  contraire  il  sera  fait  une  adresse  à  la 
Convention  pour  adhérer  à  touttes  les  mesures  et  aux 
décrets  qu'elle  a  rendus  depuis  le  31  mai  dernier,...  en 
lui  demandant  de  renvoyer  au  tribunal  révolutionnaire 
les  auteurs  et  instigateurs  de  pareilles  mesures  ;  que 
chaque  membre  de  cette  administration  renouvellera 
dans  cet  instant  le  serment  de  vivre  ou  mourir,  de 
maintenir  de  tout  son  pouvoir  Tunité  de  la  République 
française,  de  respecter  les  propriétés  et  les  personnes, 
et  d'être  constamment  attaché  à  la  cause  du  peuple.  » 

L'arrêté  du  directoire  de  Craon  fut  moins  violent  que 
ne  le  demandait  Midy  ;  on  se  contenta  de  prier  le  dépar- 
tement de  désavouer  son  adresse  du  7  juin  comme  sur- 
prise par  un  premier  mouvement,  et  d'enjoindre  aux 
municipalités  une  surveillance  exacte  pour  empêcher 
toute  levée  illégale  *. 

Aussitôt  que  l'on  connut  la  défaite  de  Pacy-sur-Eure, 
les  administrateurs  de  Mayenne,  dès  le  19  juillet,  et  ceux 
de  Laval,  le  23,  s'empressèrent  d'ordonner  le  retour  des 
volontaires  et  de  rétracter  leurs  précédents  arrêtés. 
Il  était  déjà  trop  tard.  En  apprenant  la  prochaine  arrivée 
à  Laval  des  conventionnels  Thirion  et  Esnue-Lavallée, 
envoyés  en  mission  dans  la  Mayenne,  tous  les  fonction- 
naires compromis  crurent  devoir  adresser  leurs  démis- 
sions aux  Représentants  du  Peuple  qui  refusèrent  de 
les  accepter.  Toutefois  quelques-uns  parvinrent  à  se 
faire  considérer  comme  démissionnaires,  tandis  que 
tous  les  autres  se  virent  destitués  et  menacés  d'être 
arrêtés.  Ils  s'empressèrent  de  prendre  la  fuite  et  de  se 
cacher.  Quatre  seulement  furent  guillotinés  ^  ;  cinq 
furent  emprisonnés  à  Laval,  puis  à  Alençon.  Les  autres 
réussirent  à  échapper  au  sort  qui  les  menaçait,   et. 


1.  Arch.  de  la  Mayenne,  L  50. 

2.  Jourdain  et  £njubault-la-Roche  père,  exécutés  à  Laval,  Enju- 
bault-la-Roche  fils  et  Sourdille-Lavalette,  guillotinés  à  Paris. 


—  432  — 

parmi  ceux-ci,  Moulin,  président,  et  Baguelin  ^  accusa- 
teur public  près  le  Tribunal  criminel. 

Les  Conventionnels  arrivèrent  à  Laval  vers  la  fin  de 
septembre  et  par  divers  arrêtés,  datés  du  3  au  8  octobre, 
procédèrent  au  remplacement  des  fonctionnaires  desti- 
tués. Thirion  étant  étranger  au  département,  c'est 
Esnue-Lavallée  qui  sans  doute  se  chargea  de  choisir  les 
candidats  à  ces  nombreuses  places.  Il  désigna  pour 
président  du  tribunal  criminel  son  beau-frère  Basile, 
notaire  et  défenseur  officieux  à  Craon,  et  pour  accusa- 
teur public,  son  ancien  collègue  au  tribunal  de  la  même 
ville,  François  Midy. 

L'installation  de  ce  tribunal  subit  des  retards  causés 
par  les  événements.  Les  Vendéens  avaient  envahi 
Laval  le  22  octobre.  Ils  en  repartirent  le  1"  novembre. 
La  Commission  Félix  d'Angers  ^  fut  alors  envoyée  à 
Laval,  d'où  elle  partit  le  7  frimaire  (27  novembre)  au 
retour  des  Vendéens,  emmenant  les  prisonniers  et  les 
suspects  détenus  dans  les  prisons.  La  ville  avait  dû  être 
évacuée  de  nouveau.  Ce  n'est  qu'après  la  déroute  du 
Mans  3  et  le  passage  des  royalistes  en  fuite  que  le  tri- 
bunal put  s'organiser. 

La  Commission  Proust  d'Angers  ^  était  venue  à  son 
tour  siéger  à  Laval.  Lorsqu'elle  fut  partie  pour  Sablé, 
elle  fut  remplacée  par  la  Commission  Clément,  récem- 
ment créée  par  Bourbotte  et  son  collègue  Bissy,  spécia- 
lement pour  le  département   de   la   Mayenne   ^.    Les 

1.  Baguelin  parait  avoir  suivi  à  Caen  les  volontaires  de  la 
Mayenne. 

2.  Créée  à  Angers  le  13  juillet  1793  et  présidée  d'abord  par 
Parein  et  à  partir  du  mois  d'octobre  par  Félix. 

3.  Le  23  frimaire  (13  décembre  1793). 

4.  Etablie  à  Angers,  le  15  frimaire  an  II  (5  décembre),  par  Bour- 
botte, Esnue-Lavallée,  Francastel  et  Prieur  de  la  Marne.  Venant 
du  Mans,  elle  arriva  à  Laval  le  l'^'  nivôse  (21  décembre)  et  en  repar- 
tit le  12  pour  Sablé. 

5.  Formée  à  Laval  le  2  nivôse,  elle  siégea  d'abord  à  Mayenne  et 
Ernée  avant  de  rentrer  à  Laval  le  12,  pour  remplacer  la  Commis- 
sion Proust. 


—  433  — 

Conventionnels  avaient  attribué  à  ces  commissions 
révolutionnaires  la  compétence  la  plus  étendue  et  il  ne 
restait  à  juger  par  les  tribunaux  criminels  que  les  cri- 
mes de  droit  commun  ou  les  délits  commis  contre  la  loi 
du  maximum,  en  somme  peu  de  chose. 

Basile  et  Midy,  réputés  ardents  révolutionnaires, 
n'étaient  point  des  hommes  sanguinaires.  Au  fond 
c'étaient  des  modérés  qui  sans  doute  criaient  bien  fort 
pour  se  faire  valoir  auprès  des  Jacobins  et  conserver  leurs 
places.  Ils  n'eurent  du  reste  ni  Tun  ni  l'autre  l'occasion, 
dans  leurs  nouvelles  fonctions,  de  se  compromettre  par 
leur  ardeur  révolutionnaire. 

C'est  seulement  dans  les  premiers  jours  du  mois  de 
nivôse,  à  la  suite  de  la  troisième  invasion  de  Laval  par 
les  Vendéens  et  d'une  troisième  évacuation  de  la  ville 
par  les  autorités,  réfugiées  à  Rennes  cette  fois,  que  le 
tribunal  criminel  put  être  installé. 

Midy  a  conservé  des  notes  sur  ses  opérations  du 
9  nivôse  an  II  (27  décembre  1793)  au  1"  vendémiaire 
an  III  (22  septembre  1794).  Nous  y  trouvons  bien  peu  de 
chose  à  relever. 

Au  mois  de  pluviôse,  un  sieur  Chesneau  est  condamné 
à  un  mois  de  prison  pour  avoir  donné  du  blé  noir  ou  sar- 
sazin  à  une  oie  pour  l'engraisser.  Quelques  semaines 
plus  tard,  Midy  apprend  qu'un  prêtre  a  été  arrêté  à 
Château-Gontier  et  que  la  femme  qui  l'avait  recueilli 
avait  été  amenée,  ainsi  que  sa  domestique,  dans  les  pri- 
sons de  Laval.  Pour  les  sauver  peut-être,  Midy  réclame 
le  dossier  de  cette  affaire.  Mais  l'accusateur  public  près 
la  Commission  révolutionnaire  lui  fit  remettre  un 
extrait  de  l'arrêté  des  représentants  du  peuple,  du 
l^"^  pluviôse  précédent,  qui  attribuait  la  connaissance  de 
ce  genre  d'affaires  à  son  tribunal. 

A  ce  moment,  le  conventionnel  François -Primau- 
dière  se  trouvait  à  Laval  où  il  avait  été  envoyé  pour  pro- 
céder à  l'épuration  des  autorités  constituées.  Par  arrêté 

28 


—  434  — 

du  15  germinal  (4  avril),  il  confirma  les  pouvoirs  des 
membres  du  tribunal  criminel. 

Il  n'en  fut  pas  de  même  de  la  Commission  révolu- 
tionnaire présidée  par  Clément.  Celle-ci  fut  dissoute. 
Les  anciens  prêtres,  Volcler  et  Guilbert,  le  juge  de 
paix  Marie-CoUinière,  l'imprimeur  Faur  et  le  forgeron 
Pannard  sont  rendus  à  leurs  chères  études.  La  nouvelle 
commission,  formée  par  ce  représentant  du  peuple, 
était  composée  de  Huchedé,  président,  Lecler,  Germe- 
rie,  Boisard,  juges,  et  Publicola  Garot,  accusateur 
public,  qui  continuèrent  Tœuvre  de  leurs  prédécesseurs. 
Ce  nouveau  tribunal  commença  ses  séances  le  18  germi- 
nal. Il  les  interrompit  de  nouveau  du  9  floréal  (28  avril) 
au  10  prairial  (29  mai),  sur  Tordre  du  représentant  Lai- 
gnelot,  sans  doute  en  exécution  de  la  loi  du  27  germinal 
(16  avril)  qui  ordonnait  le  renvoi  devant  le  tribunal 
révolutionnaire  de  Paris  de  tous  les  prévenus  de  cons- 
piration qui  seraient  saisis  sur  un  point  quelconque  de 
la  République,  en  môme  temps  que  leurs  complices. 
Cette  loi  emportait  la  suppression  de  tous  les  tribunaux 
révolutionnaires  existant  dans  les  départements. 

Pendant  cet  intervalle,  on  avait  amené  dans  les  pri- 
sons de  Laval  une  femme  Granger,  de  la  commune  de 
Ménil,  accusée  d'avoir  échangé  du  fil  contre  de  la  farine. 
Mais  Midy  avait  ordonné  son  renvoi  dans  les  prisons  de 
Chàteau-Gontier,  «  attendu  que  la  prison  de  Laval  est 
«  pleine  de  Chouans  et  de  gens  suspects  d'être  de  leur 
«  horde,  au  nombre  de  plus  de  trois  cents  ;  que  l'air  en 
«  est  très  malsain,  la  Commission  révolutionnaire  ayant 
«  suspendu  ses  travaux  par  ordre  du  Comité  de  Salut 
«  public,  les  prisons  s'encombrent  et  les  maladies  con- 
«  tagieuses  en  seront  la  suite.  »  C'est  une  nouvelle 
preuve  d^humanité  que  nous  devons  relever  à  l'actif  du 
citoyen  Midy  *. 

La  Commission  révolutionnaire  reprit  ses  séances  le 

1.  Lettre  du  9  floréal 


—  435  — 

11  prairial.  Une  nouvelle  loi  du  19  floréal  (8  mai),  avait 
autorisé  le  Comité  de  Salut  public  à  maintenir  ces  tribu- 
naux en  fonctions  là  où  il  le  jugerait  utile.  C'est  ainsi 
que  furent  rétablis,  après  une  suspension  plus  ou  moins 
longue,  ceux  d'Arras,  de  Bordeaux,  de  Nimes,  de  Noir- 
moutiers  et  enfin  de  Laval.  Ce  dernier  devait  continuer 
à  siéger  jusqu'au  18  vendémiaire  an  III  (9  octobre  1794). 
A  ce  moment,  Robespierre  était  mort  depuis  plusieurs 
mois  déjà  (9  thermidor  an  II),  guillotiné  à  son  tour  avec 
son  frère  et  ses  principaux  complices.  La  Convention 
avait  mis  fin  au  régime  néfaste  de  la  Terreur,  en 
envoyant  dans  les  départements  des  commissaires  avec 
mission  d'amener  l'apaisement  par  des  mesures  répara- 
trices. Leur  premier  soin  devait  êtr«  de  faire  disparaître 
ces  commissions  extraordinaires  qui  avaient  fait  couler 
tant  de  sang  partout  où  elles  avaient  été  maintenues. 
Le  représentant  du  peuple  Boursault  était  désigné  pour 
se  rendre  dans  la  Mayenne.  Le  tribunal  révolution- 
naire n'avait  pas  attendu  son  arrivée  à  Laval  pour  sus- 
pendre ses  séances  dès  le  18  vendémiaire.  Boursault 
n'arriva  que  vers  la  fin  du  mois  suivant  et  c'est  seule- 
ment par  arrêté  du  25  brumaire  an  III  (15  novem- 
bre 1794)  qu'il  supprima  ce  tribunal. 

Mais  il  ne  se  borna  pas  à  cette  mesure.  Il  fit  mettre  en 
liberté  de  nombreux  prisonniers  détenus  comme  sus- 
pects dans  les  prisons  de  Laval,  mit  fin  aux  poursuites 
dirigées  contre  les  anciens  fonctionnaires  destitués  pour 
cause  de  fédéralisme,  ordonna  au  contraire  l'arrestation 
des  plus  violents  terroristes  et  enfin  renouvela  les  auto- 
rités. Toutefois  Basile  fut  laissé  à  la  tête  du  tribunal 
criminel  et  Midy  conserva,  au  moins  provisoirement, 
ses  fonctions  d'accusateur  public  près  de  ce  tribunal  *. 

Mais  les  notes  de  Midy  sur  cette  période  ne  nous  sont 
pas  parvenues,   soit  qu'il  ait  négligé  d'en  tenir,   soit 


1.  Dans  une  lettre  du  17  brumaire  an  III,  Chartier  félicite  Midy 
d'avoir  été  maintenu  dans  ses  fonctions  par  une  loi. 


—  436  — 

qu'elles  aient  été  perdues.  Du  reste  il  allait  se  trouver 
chargé  d'une  grosse  affaire  qui  devait  l'occuper  pendant 
de  longs  mois  et  au  sujet  de  laquelle  il  a  conservé 
comme  toujours  un  dossier. 

Le  23  brumaire  (13  novembre),  Boursault,  éclairé  sur 
les  crimes  commis  au  nom  de  la  République  par  les 
Jacobins  de  Laval,  résolut  de  faire  arrêter  les  plus  cou- 
pables d'entre  eux.  Quantin  et  Bescher,  membres  du 
département  ;  Le  Roux  fils,  agent  national  de  la  com- 
mune ;  Faur,  officier  municipal  et  juge  de  la  Commis- 
sion Clément  ;  Huchedé,  président,  et  Garot,  accusa- 
teur public  de  la  seconde  commission,  tous  six  en  même 
temps  membres  du  Comité  révolutionnaire  de  Laval  ; 
Saint-Martin-Rigaudière,  agent  national  du  district  de 
Lassay  ;  Pottier,  ancien  prêtre  et  agent  national  du 
district  de  Mayenne,  et  Julio t-Lérardière,  ex-juge  au 
tribunal  de  Lassay  et  membre  du  Département,  furent 
mis  en  prison.  On  perquisitionna  dans  leurs  papiers, 
dans  ceux  du  tribunal  et  du  comité  révolutionnaires, 
au  département,  à  la  municipalité,  etc.,  et  Midy  fut 
chargé  d'instruire  contre  eux. 

Dès  le  11  frimaire,  il  informait  Boursault  du  résultat 
de  ses  premières  investigations  (1*'  décembre  1794). 

«  L'inventaire  des  papiers  de  la  Commission  révolu- 
tionnaire a  été  fini  hier.  Je  dois  rendre  justice  à  cette 
commission  :  il  m'a  paru  y  avoir  beaucoup  d'ordre  et  les 
pièces  concernant  chaque  accusé  étaient  enliassées 
exactement,  mais  je  ne  puis  te  cacher  la  surprise  où 
j'ai  été  de  ne  trouver  pour  toute  pièce  de  procédure  de 
la  commission  Clément,  Le  Faur,  Pannard,  Marie, 
Volclerc,  que  les  interrogatoires  et  le  jugement,  et,  en 
les  parcourant,  le  cœur  se  soulève  d'indignation  en 
voyant  des  individus  condamnés  à  mort,  lorsque, 
d'après  leurs  interrogatoires,  il  ne  résultait  aucune 
charge.  Si,  d'après  ces  pièces,  on  examinait  la  conduite 
de  cette  commission,  il  n'est  personne  qui  ne  frémit 
d'horreur  de  voir  les  lois  violées  aussi  indignement.  Il 


—  437  — 

parait  que,  pour  éviter  cet  examen,  cette  Commission  a 
soustrait  toutes  les  pièces  qui  lui  avaient  été  remises  et 
avaient  servi  à  ses  jugements.  C'est  une  prévarication 
qui  mérite  la  sévérité  des  lois. 

«  J'ai  cru  de  mon  devoir,  citoyen  représentant,  de  te 
faire  part  de  ce  que  j'ai  aperçu  en  parcourant  ces  pièces. 
J'y  ai  trouvé  aussi  plusieurs  exemplaires  d'un  jugement 
de  cette  commission  qui  m'a  paru  un  chef-d'œuvre  de 
bêtise.  » 

Après  avoir  réuni  toutes  ces  pièces,  Midy  procéda  aux 
interrogatoires  des  détenus.  Ceux-ci  se  prolongèrent  du 
18  frimaire  au  10  nivôse.  Ils  sont  très  détaillés,  embras- 
sent une  quantité  de  faits  et  durèrent  chacun  plusieurs 
journées,  notamment  ceux  de  Quantin  (3  jours)  et  de 
Bescher  (terminé  le  second  jour  à  minuit)  ^ 

En  même  temps  qu'il  instruisait  à  Laval  contre  les 
inculpés,  Midy  s'inquiétait  de  savoir  si  ceux-ci  n'avaient 
pas  été  en  rapport  avec  les  Jacobins  de  Paris  et  notam- 
ment avec  Robespierre.  Il  avait  eu  l'occasion,  pendant 
la  Terreur,  de  rendre  des  services  à  plusieurs  membres 
de  la  famille  du  médecin  Plaichard-Choltière,  député  à 
la  Convention,  qui  lui  en  avait  conservé  une  vive  recon- 
naissance. Aussi  avait-il  accepté  volontiers  de  faire 
les  commissions  de  son  ami,  de  le  tenir  au  courant  des 
événements  et  de  lui  donner  à  l'occasion  des  conseils  ou 


1.  On  ne  trouve  pas  d'interrogatoire  relatif  à  Huchedé,  qui  sans 
doute  s'était  empressé  de  disparaître  pour  éviter  l'emprisonnement. 
II  n'en  existe  pas  non  plus  concernant  Yolcler,  également  en  fuite, 
Saint-Martin-Rigaudière  et  Juliot-Lérardière,  l'instruction  de  leur 
affaire  paraissant  avoir  été  faite  à  Lassay,  lieu  de  leur  domicile, 
de  même  que  celle  dirigée  contre  Pottier,  ancien  prêtre  marié,  le 
fut  à  Mayenne. 

Cependant  Juliot<Lérardière  avait  été  arrêté  à  Laval.  Nous  avons 
sous  les  yeux  une  lettre,  datée  du  18  pluviôse  an  III  de  la  Répu- 
blique démocratique,  adressée  à  Midy,  pour  réclamer  la  remise 
d'un  certificat,  délivré  par  un  officier  de  santé  et  constatant  ses 
infirmités,  pour  qu'il  l'adresse  à  l'autorité  supérieure,  laquelle, 
plus  compatissante,  lui  donnera  la  liberté  d'aller  se  médicamenter 
dans  sa  chambre. 


—  438  — 

des  avis  ^  C'est  donc  à  lui  que  Midy  s'est  adressé  pour 
avoir  copie  des  lettres  envoyées  à  Robespierre  par  les 
détenus  de  Laval.  Le  Conventionnel  lui  répond  le 
28  frimaire  : 

«  Pour  ce  que  tu  demandes  des  copies  des  lettres 
qu'on  t'a  dit  que  les  détenus  avaient  écrit  à  Robespierre, 
il  faut,  si  tu  veux  les  avoir,  que  tu  les  demandes  ofRciel- 
lement  à  la  commission  créée  par  la  Convention  pour 
l'examen  des  papiers  de  Robespierre  et  que  tu  donnes 
les  noms  des  individus  que  tu  crois  avoir  écrit. 

«  De  même,  pour  ce  qui  regarde  la  dénonciation  faite 
par  eux  contre  cinq  membres  de  la  députation,  ce  serait 
au  Comité  de  Sûreté  générale  qu'il  faudrait  de  même 
t' adresser  officiellement.  C'est  là  ce  qu'on  m'a  répondu 
à  l'une  et  à  l'autre  administration  lorsque  je  les  ai  con- 
sultées sur  ces  deux  objets.  » 

Midy  s'empresse  de  suivre  le  conseil  donné  par  Plai- 
chard-Choltière  qui  s'occupe  d'activer  les  recherches  et 
lui  en  annonce  le  résultat  négatifdans  une  nouvelle  lettre 
du  17  nivôse  : 

«  J'ai  été  un  peu  en  retard  pour  répondre  à  tes  deux 
lettres,  parce  que  les  recherches  que  tu  demandais  au 
Comité  de  Sûreté  générale  sur  Huchedé  et  Tulot  ont  été 
longues  à  faire,  ainsi  que  celles  que  tu  as  pareillement 
demandées  à  la  commission  chargée  de  Texamen  des 
papiers  et  correspondances  de  Robespierre  et  consorts  ; 
toutes,  quoique  très  exactes,  ont  été  infructueuses.  Nulle 
trace  des  premiers  au  Comité  de  Sûreté  générale,  ni  à 
la  Police  ;  point  de  correspondance  à  la  commission  de 
la  part  de  ceux  que  tu  me  désignes,  ni  d'autres  de  cette 
clique.  Ainsi  je  ne  vois  pas  que  tu  aies  de  lumières  à 
espérer  de  ce  côté-là,  à  moins  qu'il  ne  s'en  découvre 
quelques  traces  dans  les  pièces  qui  seront  imprimées  à 
la  suite  des  rapports  qui  doivent  se  faire  sur  les  papiers 

1.  Plaichard-Choltière  (René-François),  né  à  Laval  le  10  octo- 
bre 1740,  médecin  député  à  la  Convention  puis  au  Conseil  des 
Anciens  jusqu'en  1797,  mort  le  25  août  1815. 


—  439  — 

et  corresjpondances  trouvés  chez  Robespierre  et  qui 
sont  entre  les  mains  de  la  commission  chargée  de  cette 
besogne.  » 

Et  comme  Midy  lui  a  posé  un  certain  nombre  de 
questions  au  sujet  des  inculpés  qui  sont  actuellement 
poursuivis  et  ceux  dont  il  se  propose  de  provoquer 
l'arrestation,  le  Conventionnel  ajoute  : 

«  J'ai  communiqué  tes  questions  au  Comité  de  légis- 
lation qui  m'a  répondu  que  son  intention  et  celle  de  la 
Convention  n'était  point  de  répondre  à  toutes  les  deman- 
des de  ce  genre  ;  que  les  membres  des  tribunaux  avaient 
des  lois  pour  les  diriger  et  que  jamais  le  Comité  ne 
répondrait  à  tant  de  questions  qu'on  ne  leur  faisait  que 
pour  se  décharger  de  la  responsabilité.  Tu  vois  que 
puisqu'ils  le  prennent  dans  ce  sens,  il  faudra  bien  te 
résoudre  à  te  conduire  suivant  tes  propres  lumières. 
Je  suis  fâché  de  ne  pas  avoir  pu  réussir  à  t'en  procurer 
davantage. 

a  II  faut  d'ailleurs  te  dire  que  l'intention  de  la  Conven- 
tion et  celle  des  comités  n'est  pas  qu'on  recherche  trop 
scrupuleusement  les  coupables  de  cette  espèce  sur  les 
mesures  ultra  -  révolutionnaires  qu'ils  ont  prises  dans 
un  temps,  mais  bien  sur  les  vols,  les  dilapidations,  les 
vexations  qu'ils  ont  commises  pour  la  plupart.  Notre 
collègue  Boursault,  dans  la  lettre  qu'il  nous  écrivit  pour 
nous  informer  des  incarcérations  qu'il  avait  fait  faire  et 
des  informations  qu'il  t'avait  chargé  de  faire  sur  les 
différents  individus  coupables,  nous  disait  bien  qu'il 
n'entendait  par  là  qu'il  n'en  serait  fait  de  recherches  que 
sur  les  objets  dont  je  te  fais  mention.  Laignelot  s'est 
exprimé  de  même  lorsque  je  lui  ai  fait  voir  les  questions 
que  tu  me  chargeais  de  présenter  au  Comité  de  légis- 
lation. Ainsi,  d'après  ces  réponses  et  les  avis,  tu  pren- 
dras aisément  ton  parti  et  tu  sauras,  d'après  la  loi, 
suivre  la  route  sûre  pour  ne  point  encourir  le  blâme  ou 
la  repréhension.  » 

Tandis  que  s'échangeait  cette  correspondance,  Midy 


—  440  — 

n'avait  pas  perdu  son  temps.  Aussitôt  les  interrogatoires 
des  prévenus  terminés,  il  avait  commencé  à  entendre 
les  nombreux  témoins,  plus  de  deux  cent  trente,  qui  lui 
avaient  été  désignés  et  qui  vinrent  déposer  des  faits 
dont  ils  avaient  eu  connaissance.  Pour  éviter  sans  doute 
le  reproche  de  partialité,  on  n'entendit  ni  les  anciens 
fonctionnaires  destitués,  ni  les  suspects  conduits  à  Doué, 
à  Chartres  ou  Âlençon.  Mais  leurs  parents,  leurs  amis, 
leurs  voisins,  leurs  employés  ou  domestiques,  furent 
entendus,  ainsi  que  bien  d'autres  citoyens  qui  vinrent 
dénoncer  les  faits  dont  ils  avaient  été  les  témoins.  Du 
reste  les  pièces  saisies  au  domicile  des  inculpés  ou  com- 
muniquées par  les  diverses  administrations  de  Laval,  et 
les  papiers  et  jugements  du  tribunal  révolutionnaire 
suffisaient  pour  établir  leur  culpabilité.  Des  vols,  des 
extorsions  d'argent,  commis  au  préjudice  des  détenus, 
des  dilapidations  du  linge  ou  d'objets  provenant  des 
églises,  des  actes  d'inhumanité  furent  relevés  contre 
eux.  De  ces  dépositions  résultèrent  les  preuves  de  faits 
si  monstrueux  que  Midy  fut  amené  à  étendre  son  instruc- 
tion et  à  y  comprendre  de  nouveaux  inculpés,  en  dehors 
de  ceux  dont  Boursault  avait  ordonné  l'arrestation,  tels 
que  Mélouin,  ancien  membre  du  Département,  Clément, 
Marie -CoUinière,  Pannard,  président  et  juges,  et 
Volcler,  accusateur  public  du  premier  tribunal  révolu- 
tionnaire, les  membres  de  l'ancien  comité,  etc..  Cette 
nouvelle  instruction  semblait  devoir  devenir  aussi  volu- 
mineuse que  la  première.  Enfin  le  premier  dossier  est 
terminé  et  Midy  le  transmet  au  Tribunal  criminel  qui 
n'ose  se  prononcer  et  décide  l'envoi  des  pièces  au  Comité 
de  Sûreté  générale  de  la  Convention.  Mais  les  partisans 
des  inculpés  se  déclaraient  en  leur  faveur  et  Midy  joint 
au  dossier  une  lettre  dans  laquelle  il  soumet  au  Comité, 
sur  le  danger  de  faire  juger  les  prévenus  à  Laval,  ses 
appréhensions  qui  devaient  être  partagées  sans  doute 
par  Basile  (26  pluviôse  an  III-14  février  1795)  : 

«  J'ignore,  citoyens  représentants,  le  parti  que  vous 


—  441  — 

prendrez  sur  cette  affaire,  mais  je  crois  devoir  vous 
observer  que  ces  individus  et  d'autres  détenus  dont 
j'instruis  la  procédure,  ont  encore  de  nombreux  parti- 
sans qui  répandent  dans  le  public  que,  lorsque  ces 
hommes  étaient  en  place,  on  ne  manquait  de  rien  et 
font  une  comparaison  perfide  du  prix  des  denrées  sous 
les  administrations  renouvelées  par  le  représentant 
Boursault  et  celles  dont  ils  étaient  membres.  Ces  déte- 
nus, de  leurs  prisons,  répandent  avec  profusion  dans  le 
public  des  écrits  tendant  à  égarer  l'opinion  publique  et 
à  jeter  de  l'incertitude  dans  les  esprits  sur  la  bonté  des 
principes  adoptés  par  la  Convention  Nationale  depuis  le 
9  thermidor. 

«  Si  ces  individus  sont  jugés  à  Laval,  il  peut  en  résul- 
ter beaucoup  d'inconvénients.  Des  mouvements  sont  à 
craindre  ;  qu'on  consulte  sur  cela  le  représentant  Bau- 
dran  ^  et  les  autorités  constituées. 

«  Il  existe  dans  ce  département  deux  partis  bien 
prononcés  :  celui  de  leurs  partisans,  qui  regrettent  les 
mesures  de  rigueur,  et  celui  qui  veut  l'exécution  des  lois 
et  de  la  justice. 

a  Les  jurés  qui  doivent  prononcer  sur  cette  affaire,  si 
elle  est  renvoyée  au  tribunal  de  la  Mayenne,  seront 
nécessairement  de  l'un  ou  de  l'autre  parti.  Les  uns  les 
regardent  comme  des  patriotes  opprimés  qui  ont  agi 
pour  le  salut  du  peuple  conformément  aux  principes 
révolutionnaires.  Les  autres,  ayant  à  gémir  sur  le  sort 
qu'ils  ont  fait  éprouver  à  leurs  parents,  à  leurs  amis,  ne 
voient  en  eux  que  des  oppresseurs,  des  tyrans  et  des 
hommes  de  sang.  Les  uns  et  les  autres  ne  pourront  gar- 
der cette  impartialité  si  nécessaire  aux  augustes  fonc- 
tions de  juré. 

«  Ce  département,  citoyens  représentants,  comme 
vous  l'a  dit  le  citoyen  Letourneur  de  la  Sarthe,  votre 
collègue,  a  éprouvé  tous  les  genres  d'oppression.  Si  un 

1.  Baudran  avait  remplacé  Boursault  dans  la  Mayenne. 


—  442  — 

Carrier  y  eût  été  en  mission,  il  n'eût  pas  manqué  de 
nombreux  agents.  Mais  le  Ciel  nous  en  ayant  préservé, 
néanmoins  ces  hommes  pervers,  dans  l'espace  de  quel- 
ques mois,  ont  fait  connaître  tout  ce  que  le  despotisme  a 
de  plus  atroce.  Le  ressentiment  des  hommes  de  bien  est 
profondément  gravé  dans  leurs  cœurs.  Celui  des  oppres- 
seurs ne  Test  pas  moins  contre  les  gens  de  bien  et  la  crainte 
du  retour  de  la  Terreur  glace  encore  le  cœur  des  citoyens. 

«  C'est  à  vous,  citoyens  représentants,  à  peser  tout, 
combiner  tout  et  j'ai  rempli  mon  devoir  en  vous  présen- 
tant ces  observations.  » 

Midy,  en  adressant  cette  lettre  au  Comité  de  Sûreté 
générale,  avait,  comme  toujours,  prié  Plaichard-Chol- 
tière  d'appuyer  sa  demande  auprès  de  ses  collègues. 
Celui-ci  lui  répond  le  8  ventôse  : 

«  J'ai  conféré  avec  plusieurs  de  mes  collègues  du 
Comité  de  Sûreté  Générale  sur  l'objet  de  ta  lettre  que  tu 
me  recommandais  d'appuyer.  C'est  Laignelot  qui  a  été 
chargé  du  rapport  et  de  la  décision  du  Comité,  suivant 
ce  qu'il  m'a  dit  hier  que  je  m'en  suis  informé.  On  n'y  est 
point  de  l'avis  du  renvoi  que  tu  aurais  désiré  si  forte- 
ment par  amour  de  la  paix  et  de  Téquité  qui  doit  être  la 
seule  base  de  tout  jugement.  Le  Comité  prétend  même 
n'avoir  pas  le  droit  de  prononcer  sur  pareil  renvoi  et 
que  cela  est  de  la  compétence  du  Comité  de  législation  ; 
ainsi  te  voilà  aussi  avancé  que  tu  étais  et  Laignelot  est 
chargé  de  la  réponse  qu'il  m'a  dit  t'avoir  envoyée.  » 

Tenant  compte  de  cet  avis,  Midy  se  tourne  vers  le 
Comité  de  législation,  puisque  c'est  celui-ci  qui  peut 
donner  une  solution  conforme  à  ses  désirs.  Fort  de 
l'opinion  de  ses  collègues  au  tribunal  criminel,  certain 
de  l'appui  de  la  municipalité  qui  craint  que  le  jugement 
des  accusés  ne  soit  un  sujet  de  trouble  dans  la  ville, 
sentiment  partagé  par  tous  les  fonctionnaires  et  les  gens 
modérés,  il  entreprit  de  faire  signer  une  pétition  deman- 
dant le  renvoi  des  accusés  devant  un  tribunal  étranger. 

Plaichard-Choltière  lui  écrit  encore  le  23  ventôse  : 


—  443  — 

«  J'ai  beaucoup  tardé  à  répondre  à  ta  lettre,  les  diffé- 
rents objets  qu'elle  contenait  étant  de  la  plus  haute  impor- 
tance. J'ai  pris  du  temps  pour  voir  si  on  ne  pourrait  pas 
parvenir  au  but  si  raisonnable  que  tu  désires.  Quelque 
temps  après,  je  reçus  un  paquet  adressé  sous  mon  cou- 
vert à  mon  collègue  Boursault.  Il  m'a  donné  communi- 
cation des  pièces  qu'il  contenait  et  les  a  déposées 
ensuite  au  Comité  de  Sûreté  générale.  Mais  quand  je 
lui  ai  demandé  des  nouvelles  de  ses  démarches  à  cet 
égard,  il  m'a  paru  qu'il  n'était  pas  satisfait  et  qu'on 
mettait  de  l'indifférence  sur  toutes  ces  sortes  de  repré- 
sentations. J'en  ai  pris  par  moi-même  des  informations 
et  jusqu'ici  le  Comité  n'a  rien  statué.  Il  m'est  revenu 
qu'il  devait  être  présenté  une  pétition  de  la  commune 
ou  d'un  grand  nombre  de  citoyens  de  notre  commune 
pour  demander  que  les  détenus  soientjugésparun  autre 
tribunal,  mais,  comme  ces  nouvelles  ne  sont  que  des 
bruits,  je  te  les  donne  comme  tels,  et  entre  nous  seulement, 
pour  que  tu  en  fasses  l'usage  que  la  prudence  te  dictera.  » 

Cette  lettre  n'était  qu'une  suite  de  la  précédente  et 
Midy,  quand  il  la  reçut,  s'occupait  déjà  de  réunir  le 
plus  grand  nombre  possible  de  signatures,  espérant  que 
le  Comité  de  législation,  en  constatant  le  nombre  des 
pétitionnaires,  se  déciderait  à  renvoyer  les  détenus 
devant  le  tribunal  criminel  d'un  autre  département. 

Sans  attendre  une  solution  qui  pouvait  tarder  quelque 
peu,  il  attaqua  l'instruction  de  la  seconde  affaire  concer- 
nant les  individus  dont  il  avait  déjà  ordonné  l'arres- 
tion  ou  qu'il  se  proposait  de  faire  incarcérer.  Cette  fois 
encore  il  fallut  entendre  de  nombreux  témoins.  Le  pau- 
vre homme  était  à  bout  de  forces.  Obligé  de  s'occuper  des 
affaires  courantes  (et  on  comprend  qu'il  ait  négligé  d'en 
tenir  note),  d'assister  aux  fréquentes  audiences  du  tri- 
bunal nécessitées  par  la  mise  en  liberté  de  nombreux 
suspects  et  des  chouans  ou  présumés  tels  détenus  dans 
les  prisons,  il  ne  lui  restait  que  les  matinées  ou  les 
soirées  pour  entendre  les  témoins  cités  à  son  cabinet. 


—  444  — 

Pendant  ce  temps,  les  inculpés  vivaient  tranquille- 
ment en  prison,  recevant  leurs  parents  et  leurs  amis, 
protestant  de  leur  innocence,  bien  certains  qu'ils  ne 
seraient  pas  condamnés  et  comptant  sur  leurs  protec- 
teurs ou  leurs  partisans  pour  détourner  le  coup  dont 
ils  étaient  menacés.  Bien  plus,  Bescher  fait  imprimer 
une  brochure  :  Premier  dialogue  entre  un  patriote 
détenu  et  un  ami  de  la  vérité  ^  dans  laquelle  il  conteste 
les  faits  relevés  contre  lui  et  reproduit  les  certificats 
qu'il  a  obtenus  de  la  municipalité  de  Chàteau-Gontier. 
Garot  suit  son  exemple  en  publiant  une  Première  lettre 
d'Augustin  Garot  à  ses  concitoyens  ^,  datée  de  la  mai- 
son de  justice  à  Laval  le  25  pluviôse  an  III,  pour 
repousser  les  accusations  portées  contre  lui  et  contenant 
les  certificats  à  lui  délivrés  par  la  même  municipalité. 

Tous  les  deux  se  plaignent  des  lenteurs  de  la  procé- 
dure et  Garot  adresse  môme  au  conventionnel  Baudran 
une  pétition  pour  dénoncer  les  négligences  du  citoyen 
Midy.  Dans  un  post-scriptum  il  le  plaisante  même  et  se 
moque  de  lui.  «  Pourquoi  tant  attendre  à  me  rendre  à  la 
société.  Mais  Taccusateur  public  manque  de  bois  aujour- 
d'hui. Demain  il  tombera  de  Teau  ou  de  la  neige.  Il 
n'aura  pas  de  parapluie.  Je  crains  que  les  jours  suivants 
il  n'ait  la  goutte.  »  Baudran  transmet  cette  plainte  à 
Midy  le  pressant  d'activer  l'affaire  3. 

Celui-ci  répond  au  Conventionnel  en  invoquant  ses 
nombreuses  occupations.  Pour  la  première  affaire,  les 
pièces  ont  été  envoyées  au  Comité  de  Sûreté  générale 
qui  n'a  pas  encore  répondu.  Pour  la  seconde,  il  a  déjà 
entendu  quatre-vingt-quatre  témoins  et  travaille  tous 
les  jours  jusqu'à  deux  heures  du  matin.  Il  est  épuisé  et 


1.  Chez  Faur,  Grandpré  et  Portier,  15  p.  în-8. 

2.  Chez  Faur,  Grandpré  et  Portier,  15  p.  in-8.  De  même  que  Bes- 
cher a  renoncé  au  prénom  de  Brutus  dont  il  s'était  affublé,  Garot 
à  repris  son  nom  d'Augustin  et  répudié  celui  plus  pompeux  de 
Valérius-Publicola. 

3.  La  lettre  de  Baudran  est  datée  du  29  pluviôse  (17  féyrier). 


—  445  — 

demande  au  Conventionnel  de  lui  nommer  un  substitut 
pour  le  seconder  à  l'audience  et  dans  les  affaires 
ordinaires. 

Justement  à  quelques  jours  de  là,  par  suite  de  ce  sur- 
menage, Midy  est  attaqué  de  la  goutte.  La  crise  se  pro- 
longe, et,  le  21  ventôse,  n'ayant  pas  reçu  de  réponse  de 
Baudran,  il  s'adresse  au  Comité  de  législation  de  la 
Convention  pour  réclamer  un  substitut,  invoquant  sa 
santé  et  les  intérêts  des  prévenus. 

«  Je  n'ai  pu  répondre  plus  tôt  à  votre  circulaire  du 
8  ventôse,  parce  qu'atteint  par  la  goutte  depuis  le  9  de 
ce  mois  je  suis  obligé  de  garder  le  lit. 

c<  Le  Représentant  du  peuple  Boursault,  fit  mettre  en 
arrestation  le  23  brumaire  dernier  les  citoyens  Saint- 
Martin,  agent  national  du  district  de  Lassay,  Pottier, 
ex-prétre,  ex -agent  national  du  district  de  Mayenne, 
Juliot-Lérardière,  ex -juge  du  tribunal  du  district  de 
Lassay  et  membre  du  département  de  la  Mayenne  ; 
Quentin,  Bescher,  membres  du  département,  ex-mem- 
bres du  comité  révolutionnaire  de  Laval  ;  Le  Roux  fils, 
agent  national  de  la  commune  et  ex-membre  du  comité 
révolutionnaire  de  Laval  ;  Faur,  officier  municipal  et 
ex-membre  de  la  commission  révolutionnaire  établie 
dans  ce  département;  Huchedé  et  Garot,  ex-membres 
du  comité  révolutionnaire  de  la  commune  de  Laval. 

«  Partie  des  pièces  relatives  à  ces  citoyens  m'ont  été 
remises  le  14  frimaire  dernier,  de  la  part  du  représen- 
tant du  peuple  Boursault,  par  l'agent  national  du 
district  de  Laval.  J'ai  examiné  ces  pièces  et  j'ai  procédé 
à  l'interrogatoire  de  ces  différents  citoyens.  Par  suite  de 
l'instruction,  j'ai  décerné  des  mandats  d'amener  contre 
Mélouin,  ex -membre  du  département  et  du  comité  révo- 
lutionnaire de  la  commune  de  Laval.  Je  l'ai  interrogé. 
J'ai  pareillement  décerné  un  mandat  d'amener  contre 
Volcler,  ex-maire  de  Lassay  et  accusateur  public  de  la 
Commission  révolutionnaire  établie  dans  ce  départe- 
ment. Il  s'est  échappé  et  il  est  actuellement  à  la  tète 


—  446  — 

d'une  bande  de  scélérats,  sur  le  district  de  Lassay,  qui 
vole  et  pille  partout  où  elle  passe. 

«  Il  y  a  quatre  affaires  distinctes  relatives  à  ces  parti- 
culiers, mais  qui  ont  des  ramifications  très  étendues. 

«  Le  22  pluviôse  dernier,  j'ai  fait  mon  rapport  au  tri- 
bunal assemblé  relatif  à  Saint-Martin,  Julio t-Lérardière 
et  Volcler,  pour  décider  si  les  délits  qui  leur  sont 
imputés  étaient  de  sa  compétence.  Mon  rapport  conte- 
nait l'extrait  des  pièces  de  la  procédure  et  de  cent  trente 
déclarations  de  témoins.  Le  23  du  même  mois  le  tribunal 
a  décidé  que  les  pièces  seraient  renvoyées  au  Comité  de 
Sûreté  générale,  conformément  à  la  loi  du  8  du  même 
mois.  Le  25  pluviôse,  j'ai  chargé  à  la  poste  les  pièces 
qui  leur  sont  relatives. 

«  Relativement  aux  autres  détenus  j'ai  recueilli  quan- 
tité de  pièces  à  charge  et  j'ai  entendu  cent  et  quelques 
témoins.  Il  résulte  que  j'aurais  à  décerner  des  mandats 
d'amener  contre  les  citoyens  Pannard,  maréchal  à 
Mayenne  et  juge  de  la  Commission  révolutionnaire, 
Clément,  notaire  public  à  Ernée,  président  de  la  Com- 
mission, Marie,  juge  de  paix  à  la  Croixille,  juge  de  la 
dite  Commission  qui  a  commis  les  actes  atroces  qu'on 
puisse  reprocher  à  une  commission  de  sang,  mais 
impossible  de  me  procurer  un  secrétaire.  L'obligation 
où  je  suis  de  suivre  les  affaires  ordinaires  du  tribunal, 
d'assister  à  toute  l'instruction,  exécution  des  jugements, 
d'entretenir  une  correspondance  active  avec  les  diffé- 
rentes autorités  constituées  du  département,  les  séances 
multipliées  que  le  tribunal  a  été  obligé  de  tenir  pour 
l'exécution  de  la  loi  d'amnistie  du  12  frimaire  *  et  du 
29  nivôse,  enfin  cette  multiplicité  de  travaux  occasionnée 
par  la  position  malheureuse  où  se  trouve  notre  départe- 
ment, entouré  de  Chouans,  apportent  forcément  une 
longueur  dans  les  affaires  qu'il  n'est  pas  en  mon  pou- 


1.  Proclamation  d'une  amnistie  en  faveur  des  Chouans  qui  dépo- 
seraient les  armes. 


—  447  — 

voir  d'éviter,  malgré  un  travail  opiniâtre  de  douze  à 
quinze  heures  par  jour,  auquel  ma  santé  n'a  pu  résister. 

«  J'ai  demandé  au  représentant  du  peuple  Baudran 
un  substitut  dont  il  est  impossible  que  le  tribunal  se 
passe  pour  activer  ses  travaux.  Il  a  dû  vous  faire  passer 
ma  pétition  à  cet  effet.  L'intérêt  de  la  chose  publique  et 
de  la  justice  nécessite  cette  mesure.  Elle  est  d'autant 
nécessaire  que  les  partisans  de  ces  individus  sont  plus 
nombreux. 

«  Dévoué  tout  entier  à  la  chose  publique,  je  n'ai 
ménagé  ni  mes  peines  ni  mes  veilles  ;  mais  les  forces 
de  l'homme  ont  un  terme  :  les  miennes  n'ont  pu  résister 
à  un  travail  opiniâtre.  Il  est  donc  absolument  nécessaire, 
citoyens  représentants,  que  vous  me  fassiez  nommer 
un  substitut  pour  partager  mes  travaux  et  suivre  les 
affaires  du  tribunal  jusqu'à  mon  rétablissement.  » 

Midy  ne  semble  pas  avoir  réussi  dans  sa  demande. 
Enfin  les  dossiers  sont  prêts  et  remis  au  tribunal 
criminel  le  2  floréal  (21  avril).  Garnier-Duféray,  juge  et 
président  du  jury  d'accusation,  procède  à  de  nouveaux 
interrogatoires  des  détenus,  Bescher,  Garot,  Le  Roux, 
Mélouin,  Quantin  et  Faur,  du  4  au  6  floréal.  Puis  il  se 
décide  à  entreprendre  un  supplément  d'information  et 
entend,  du  12  au  20  floréal,  cent  dix-sept  nouveaux  témoins 
et  le  jury  renvoie  les  détenus  devant  le  tribunal  criminel. 

Toutefois  pour  éviter  l'agitation  fomentée  par  les  amis 
des  inculpés,  la  municipalité  de  Laval  vraisemblable- 
ment obtint  des  représentants  du  peuple  en  mission 
dans  l'Ouest  un  arrêté  ordonnant  le  transfèrement  des 
prisonniers  à  Alençon,  en  attendant  que  le  Comité  de 
législation  ait  statué  sur  la  demande  qui  lui  était  sou- 
mise relative  à  la  désignation  d'un  tribunal  autre  que 
celui  de  la  Mayenne  pour  juger  les  accusés.  C'est  seule- 
ment le  30  prairial  (18  juin)  qu'intervint  une  loi  (n**  6.478) 
donnant  satisfaction  aux  habitants  de  Laval  : 

«  Le  tribunal  criminel  du  département  de  l'Orne 
jugera  les  prévenus  de  crimes,  d'assassinats,  de  vols, 


—  448  — 

de  concussion,  de  dilapidations  de  deniers  publics  et 
généralement  de  crimes  et  délits  commis  ou  exercés 
pour  abus  ou  usurpation  de  pouvoirs  dans  le  départe- 
ment de  la  Mayenne,  notamment  dans  la  commune  de 
Laval,  ensemble  les  complices  des  dits  prévenus  trans- 
férés des  prisons  de  Laval  en  celles  d'Alençon  par  ordre 
des  représentants  du  peuple  Guezno  et  Guermeur,  etc.  » 

Les  inculpés  avaient  été  en  effet  transférés  à  Alençon 
dès  le  mois  de  floréal  *.  C'est  donc  à  Taccusateur  public 
de  rOrne  qu'incombait  le  soin  de  poursuivre  l'affaire. 
Celui-ci  écrit  à  Midy  le  5  messidor  (23  juin),  pour  lui 
demander  de  lui  envoyer  le  dossier  de  l'affaire  concer- 
nant ces  détenus. 

Cependant  Midy,  déployant  un  zèle  plutôt  intempestif 
en  ce  moment,  continuait  son  enquête.  Il  avait  entendu 
encore  plus  de  cent  témoins  et  lancé  des  mandats 
d'arrêt  contre  les  membres  du  tribunal  présidé  par 
Clément  et  ceux  du  premier  Comité  révolutionnaire. 
Enfin  son  dossier  est  prêt  et  remis  au  tribunal  criminel 
et  Garnier-Duféray  procède  à  l'interrogatoire  des  incul- 
pés, savoir,  le  15  prairial  Marie-Collinière  et  Pannard  ^ 
(mandat  d'arrêt  du  12)  ;  le  18,  Cliolet  et  Lemercier  ;  le 
15  messidor,  Pierre  Boisard,  fils  jeune  ;  le  18,  Louis- 
Zacharie  Thulot  (mandat  d'arrêt  du  25  prairial),  prêtre 
marié,  rentré  dans  le  département  d'Eure-et-Loire,  dont 
il  était  originaire,  et  arrêté  par  le  lieutenant  de  gendar- 
merie de  Châteauneuf-en-Thimerais. 

Mais  le  vent  avait  changé  et  cette  instruction  ne 
parait  pas  avoir  abouti.  La  réaction  thermidorienne 
avait  subi  un  temps  d'arrêt.  On  avait  bien  ordonné 
l'arrestation  de  quelques  Conventionnels  les  plus  com- 
promis, parmi  lesquels  Esnue-Lavallée.  Mais  la  Con- 
vention jugea  prudent  de  s'arrêter.  Si  on  eût  continué, 
un  quart  au  moins  de  l'assemblée  eût  été  emprisonné. 

1.  Lettre  de  Pottier,  datée  d'Alençon,  le  20  floréal  (8  mai  1794). 

2.  Clément  parait  s'être  caché  pour  éviter  les  poursuites  dirigées 
contre  lui,  de  même  que  Guilbert,  Chédeville  et  plusieurs  autres. 


—  449  — 

Les  dénonciations  affluaient.  Trop  de  gens  eussent  été 
condamnés  dans  les  départements  qui,  pour  se  couvrir, 
invoquaient  les  ordres  des  représentants  du  peuple  en 
mission.  On  décida  donc,  tout  en  paraissant  vouloir 
poursuivre  les  coupables,  d'arrêter  les  instructions 
dirigées  contre  eux,  en  attendant  qu'une  amnistie  géné- 
rale vînt  les  rendre  à  la  liberté. 

Les  détenus  d'Alençon,  informés  par  leurs  amis  de 
cet  état  d'esprit  de  la  Convention,  lui  adressèrent  une 
pétition  pour  demander  la  suspension  des  poursuites 
dirigées  contre  eux.  Une  loi  (n®  6.703)  du  17  thermidor 
(4  août)  fit  droit  à  leur  demande. 

«  La  Convention  nationale,  sur  la  pétition  ^  des 
citoyens  Mélouin,  Le  Roux  fils,  R.  F.  Bescher,  Faur, 
Auguste  Garot,  Juliot-Lérardière  et  Quentin,  ex-fonc- 
tionnaires publics  du  département  de  la  Mayenne, 
décrète  la  suspension  de  toute  procédure  qui  pourrait 
être  dirigée  contre  eux  et  renvoie  la  dite  pétition  à  son 
Comité  de  législation  pour  lui  en  faire  son  rapport  dans 
trois  jours.  » 

Nous  ne  savons  quelle  fut  la  réponse  du  Comité  de 
législation,  mais  la  loi  qui  suspendait  les  procédures 
commencées  reçut  son  exécution.  Les  détenus  restèrent 
provisoirement  en  prison,  jusqu'au  moment  où  l'amnistie 
du  4  brumaire  an  IV  (26  octobre  1795),  vint  les  rendre  à 
la  liberté  et  annuler  toutes  les  procédures  dirigées  con- 
tre eux. 

Pendant  que  Midy  poursuivait  son  instruction  contre 
les  terroristes,  il  s'était  vu  un  instant  sur  le  point  de 
perdre  sa  place.  Le  25  germinal  (14  avril  1795)  un  arrêté 
de    Baudran,    confirmé   par   Guezno   et  Guermeur   le 

1.  Nous  sommes  surpris  de  ne  pas  trouver  sur  cette  pétition  les 
noms  de  Pottier  et  Saint-Martin-Rigaudière  ;  peut-être  avaient-ils 
été  mis  provisoirement  en  liberté  pour  cause  de  santé. 

Suivant  M.  l'abbé  Angot,  Volcler  aurait  été  arrêté  le  12  lévrier 
1795.  Cependant  nous  ne  trouvons  aucune  mention  de  son  nom 
dans  la  procédure,  et  dans  sa  lettre  du  11  mars  citée  plus  haut, 
Midy  le  dit  encore  en  fuite. 

29 


—  450  — 

3  floréal  suivant,  avait  une  fois  encore  renouvelé  les 
autorités  du  département  de  la  Mayenne.  Les  anciens 
fonctionnaires  destitués  pour  adhésion  au  fédéralisme 
reprenaient  les  fonctions  qu'ils  avaient  occupées  autre- 
fois. Moulin  était  replacé  à  la  tête  du  tribunal  cri- 
minel et  Basile  reprenait  la  route  de  Craon,  où  il  ouvrit 
une  étude  de  notaire.  Midy  aurait  dû  le  suivre.  Mais 
Baguelin  qui  avait  obtenu  d^autres  fonctions  à  Mayenne 
et  ne  tenait  peut-être  pas  à  revenir  de  suite  à  Laval 
pour  s'occuper  de  la  grosse  affaire  dite  des  terroristes, 
préféra  attendre  un  moment  plus  propice  pour  reprendre 
son  poste  d'accusateur  public  et  refusa  les  offres  de 
Baudran. 

Midy  resta  donc  en  fonctions  K  Mais  il  comprenait 
que  sa  situation  n'était  que  provisoire.  Aussi,  en  pré- 
vision d'une  destitution  qu'il  sentait  prochaine,  songea- 
t-il  à  trouver  une  autre  place  qui  lui  permettrait  de  vivre 
à  Laval,  n'ayant  pas  envie  de  rentrer  à  Craon,  où  quel- 
ques souvenirs  auraient  pu  le  gêner  et  où  plusieurs  de 
ses  amis  venaient  d'être  désarmés  par  ordre  du  repré- 
sentant du  peuple  2.  H  chercha  donc  à  obtenir  un 
emploi  dans  les  bureaux  de  l'Administration  du  Dépar- 
tement et,  comme  toujours,  il  s'adresse  à  Plaichard- 
Choltière  pour  le  prier  d'appuyer  sa  demande.  Celui-ci 
lui  répond  le  25  floréal,  en  lui  annonçant  qu'il  est  com- 
pris dans  le  nombre  des  fonctionnaires  de  l'ancien 
régime  auxquels  la  Convention  vient  d'accorder  une 

1.  Lettre  de  Basile  du  30  thermidor  (19  juillet),  a  On  m'a  appris 
que  tu  es  toujours  en  fonctions  et  que  Baglin  a  été  admis  à  opter 
pour  la  place  qu'il  occupe  à  Mayenne.  Je  ne  sais  si  je  dois  te  faire 
compliment  sur  cet  événement.  Pour  moi  je  suis  bien  plus  heureux 
qu'à  Laval.  Je  me  suis  présenté  au  district,  en  vertu  du  décret  du 
24  brumaire,  et  j'ai  été  admis  à  exercer  mes  fonctions  de  notaire,  b 

2.  Chartier,  agent  national  du  district,  nommé  juge  au  tribunal 
par  Boursault,  le  5  frimaire  an  III,  venait  d'être  désarmé,  sur 
l'ordre  de  Baudran,  dans  la  nuit  du  29  au  30  germinal  en  même 
temps  que  les  deux  Jamet,  Yuillaume,  Mériau,  Le  Secq,  etc.. 
anciens  membres  de  la  Société  populaire.  Lettre  de  Chartier  du 
30  germinal. 


—  451  — 

pension  et  en  même  temps  qu'il  Ta  recommandé  à  son 
collègue  Serveau  ^  «  J'ai  communiqué  ta  lettre  à  mon 
collègue  Serveau  qui  m'a  promis  d'écrire  à  son  frère  ^ 
en  ta  faveur.  Je  ne  crois  pas  qu'il  soit  difficile  de  l'inté- 
resser pour  toi.  Il  a  l'âme  bonne  et  sensible  à  la  recon- 
naissance. » 

Il  s'agissait  évidemment  de  la  place  de  chef  du 
bureau  de  la  liquidation  des  créances  des  émigrés  au 
Département  qui  fut  en  effet  accordée  à  Midy  vers  cette 
époque  3,  aux  appointements  mensuels  de  297  livres 
10  sols,  outre  les  indemnités  fixées  par  le  Comité  des 
finances. 

Ses  embarras  n'étaient  pas  terminés  pourtant.  La 
pension  qu'il  réclamait  depuis  1790  lui  avait  bien  été 
accordée,  mais  il  ne  pouvait  en  jouir,  faute  d'avoir 
produit  utilement  certaines  pièces.  Il  avait  encouru  la 
déchéance  et  un  long  temps  devait  encore  s'écouler  avant 
qu'il  fût  admis  à  en  toucher  les  termes  *.  Et  voilà  qu'il 
apprend  qu'une  dénonciation  contre  lui  a  été  adressée 
au  Comité  de  Sûreté  générale,  sans  doute  par  quelque 
compétiteur  évincé  ou  par  des  partisans  des  Jacobins 
poursuivis.  Cette  fois  encore  il  a  recours  à  Plaichard- 
Choltière  qui  le  rassure  dans  une  lettre  du  25  prairial. 
«  Tu  es  informé  vraisemblablement  que  l'on  n'a  point 
trouvé  au  Comité  de  Sûreté  générale  la  dénonciation  faite 


1.  Serveau  (François),  dit  Touchevalier,  né  vers  1749,  avocat  à 
Evron,  nommé  député  à  la  Convention,  puis  au  Conseil  des  Cinq- 
Cents,  dont  il  sortit  en  l'an  V,  mort  le  7  avril  1826. 

2.  Serveau  (René-Jean-Baptiste),  dit  Touchebaron,  né  à  Evron  le 
2  septembre  1740,  juge  civil  et  criminel  de  cette  ville  avant  1789, 
nommé  membre  du  département  de  la  Mayenne,  destitué  par 
Esnue-Lavallée  pour  fédéralisme,  rétabli  dans  ses  fonctions  le 
13  floréal  an  III  par  Guezno  et  Guermeur. 

3.  Lettre  de  Chartier  du  10  messidor  an  III  (28  juin  1795)  et 
Arch.  de  la  Mayenne,  L,  délibérations  du  département,  reg. 
n»  46,  fol.  107   ro. 

4.  D'après  une  lettre  de  Plaichard-Choltière  du  l»'  brumaire 
an  V  (22  octobre  1796),  Midy  n'avait  pas  encore  à  cette  époque  tou- 
ché sa  pension,  en  raison  de  la  déchéance  encourue  par  lui. 


—  452  — 

contre  toi.  Je  ne  sais  ce  qu'elle  est  devenue.  Serveau, 
Ducléré  ^  et  moi  nous  avons  fait  la  recherche  à  plusieurs 
reprises  sans  pouvoir  la  découvrir  nulle  part.  »  Cette 
dénonciation  parait  n'avoir  eu  aucune  suite  et  Midy 
resta  en  fonctions  jusqu'au  mois  de  brumaire  an  IV. 

Pendant  les  derniers  mois  de  l'an  III,  il  semble  avoir 
cumulé  ses  fonctions  d'accusateur  avec  celles  de  chef  du 
bureau  de  liquidation  au  Département,  en  prévision  sans 
doute  du  moment  où  les  premières  lui  seraient  retirées. 
Plaichard-Choltière  dans  une  lettre  du  24  fructidor  se 
plaint  de  ne  plus  recevoir  de  ses  nouvelles.  «  Je  ne 
savais  à  quoi  attribuer  un  si  long  silence,  si  ce  n'est  à 
l'immensité  des  affaires  dont  tu  as  dû  être  accablé, 
ayant  deux  postes  aussi  importants  et  embarrassants  à 
remplir.  »  Midy  était  un  laborieux,  mais  c'était  malgré 
tout  beaucoup  de  besogne  pour  un  seul  homme  et  l'on 
comprend  qu'il  ait  négligé  de  tenir  note  des  affaires 
dont  il  fut  chargé  à  cette  époque,  sauf  un  petit  cahier 
où  il  mentionne  simplement  le  jugement  de  plusieurs 
voleurs  ou  faussaires. 

(A  suwre),  E.  Queruau-Lamerie. 


1.  Sans  doute  Paillard-Ducléré  (François),  ancien  fermier  des 
Octrois  de  Laval,  détenu  sous  la  Terreur  et  élargi  le  25  juin  1794. 
Nous  ne  voyons  pas  en  quelle  qualité  il  put  prendre  part  à  ces 
recherches. 


DES  RAPES  A  TABAC 


Le  tabac  fut  introduit  en  France  vers  1561,  sous  forme 
de  tabac  à  priser,  par  Tambassadeur  Nicot  de  Yillemain. 
En  ayant  usé  en  Portugal,  il  pensa  faire  acte  de  bon  cour- 
tisan en  offrant  à  la  reine  Catherine  de  Médicis  le  pre- 
mier paquet  de  tabac  importé  dans  notre  pays.  La  reine 
prit  goût  à  cette  poudre,  en  deiânt  même  enthousiaste, 
la  mit  en  vogue,  et  dès  lors  tous  les  courtisans  usèrent 
à  qui  mieux  mieux  de  la  poudre  de  la  reine.  Tel  fut  le 
premier  nom  donné  au  tabac  à  priser. 

Mais  dès  le  début  il  fallut  songer  à  transformer  en 
poudre  le  tabac  qui  était  importé  sous  forme  de  carottes^ 
c*est-à-dire  de  longs  rouleaux  soigneusement  ficelés  et 
que  Ton  coupait  en  morceaux.  C'est  alors  que  parurent, 
au  commencement  du  xvii®  siècle,  les  râpes  à  tabac. 

Ces  râpes  se  composaient  d'une  valve  elliptique  assez 
allongée  dans  la  concavité  de  laquelle  était  insérée  une 
râpe  métallique  plate  rappelant  la  râpe  à  fromage  qui 
sert  dans  nos  cuisines.  C'est  sur  cette  râpe  métallique 
que  les  priseurs  pulvérisaient  leur  carotte  de  tabac.  Ils 
avaient  ainsi  l'avantage  d'avoir  toujours  du  tabac  frais 
ne  le  râpant  qu'au  moment  de  priser. 

C'est  à  tort  que  certains  auteurs  prétendent  que  les 
râpes  à  tabac  furent  importées  de  Strasbourg,  vers  1690, 
par  des  soldats  ou  grivois  d'où  le  nom  de  grivoises  donné 
aussi  aux  râpes  à  tabac.  Ce  nom  peut  dater  de  cette 
époque;  mais  l'objet  existait  en  France  depuis  le  com- 
mencement du  siècle.  D'autres  auteurs  prétendent  que  le 
nom  de  grivoise  aurait  été  donné  en  raison  de  certains 


—  454  — 

sujets  légers  ou  grivois  représentés  sur  les  râpes  ;  mais 
nous  n'avons  rencontré  que  très  peu  de  râpes  ainsi  ornées 
et  nous  ne  pensons  point  que  ces  exceptions  aient  pu  faire 
généraliser  cette  appellation. 

Vers  le  milieu  du  xviii*  siècle,  Tusage  de  la  râpe  à  tabac 
commença  à  disparaître.  Déjà  à  cette  époque  les  fermiers 
de  tabac  vendaient  du  tabac  tout  râpé  et  nous  trouvons 
dans  certains  inventaires  la  mention  :  Machines  à  râper ^ 
moudre  et  tamiser  plusieurs  bouts  de  taba^  à  la  fois. 
La  vente  du  tabac  râpé  rendait  inutile  l'emploi  de  la  râpe 
à  tabac.  Cependant,  malgré  les  mesures  énergiques  qui 
furent  prises,  certains  débitants  ne  se  faisaient  pas  faute 
d'ajouter  au  tabac  râpé  force  autres  matières.  Aussi  les 
raffinés  continuèrent -ils  à  faire  usage  de  la  râpe.  Au 
xix*  siècle,  le  roi  Louis  XVIII  fut  un  des  derniers  à  s'en 
servir.  Dans  quelques  contrées  cependant  l'usage  de  la 
râpe  persista  jusque  vers  1850  et,  à  cette  époque,  on 
s'en  servait  encore  dans  le  Jura  et  en  Auvergne. 

C'est  alors  qu'une  ère  nouvelle  s'ouvrit  pour  les  râpes 
à  tabac  qui,  d'objets  d'usage  courant,  devinrent  objets 
de  collection.  Nous  en  trouvons  dans  presque  tous  les 
musées  et  dans  nombre  de  cabinets.  En  effet,  cette  valve 
dont  nous  avons  parlé  et  qui  contenait  la  râpe  en  fer, 
était  faite  en  diverses  matières  et  plus  ou  moins  ornée, 
selon  le  rang  et  la  fortune  de  son  propriétaire.  Les 
unes,  assez  simples  de  travail  et  même  grossièrement 
sculptées,  sont  néanmoins  intéressantes  et  nous  prouvent 
que  l'usage  du  tabac  à  priser  existait  dans  toutes  les 
classes  de  la  société.  Ainsi,  nous  en  rapportant  aux 
attributs  professionnels  qui  les  ornent,  nous  pouvons 
citer  :  un  jardinier,  un  maréchal-ferrant,  un  chapelier, 
etc.,  comme  propriétaires  de  certaines  râpes.  Les  autres, 
et  ce  sont  surtout  celles  qui  nous  sont  parvenues,  étaient 
des  plus  richement  décorées  et  le  travail  qui  les  enjo- 
livait leur  a  donné  droit  d'entrée  dans  les  collections. 

Les  râpes  ont  été  faites  principalement  en  bois  et  en 
ivoire  ;  mais  l'écaillé,  l'émail  de  Limoges,  le  fer,  le  cuivre, 


—  455  — 

l'onyx,  Tagate,  la  laque,  l'argent,  Tor  ont  été  aussi  em- 
ployés pour  leur  fabrication.  Au  xviii*  siècle,  nous  trou- 
vons même  des  râpes  en  paille  comme,  à  cette  époque, 
on  aimait  faire  des  menus  objets.  En  Allemagne,  il  a  été 
fabriqué  des  râpes  montées  sur  des  bois  de  cerf  et,  en 
Russie,  d'autres  furent  faites  en  os  de  morse,  probable- 
ment à  Arkangel,  où  ce  genre  de  travail  était  exécuté.  Il 
a  été  fait  aussi  des  râpes  en  faïence,  le  plus  souvent  de 
Rouen  ;  mais  il  ne  nous  en  est  parvenu  qu'un  très  petit 
nombre.  Les  musées  de  Cluny,  de  Rouen  et  quelques 
rares  collections  en  possèdent.  Ces  râpes  datent  de  la 
fin  du  règne  de  Louis  XIV,  vers  1689,  moment  où  le  roi 
décida  de  se  mettre  en  faïence,  comme  l'écrit  Saint- 
Simon.  Les  râpes  d'argent  et  d'or  ne  nous  sont  pas  par- 
venues, ayant  été  fondues  très  probablement.  Nous  n'en 
avons  trouvé  dans  aucun  musée  et  l'indication  nous  en 
est  simplement  donnée  par  divers  documents. 

Nous  avons  dit  que  les  râpes  étaient  presque  toutes 
de  forme  allongée  et  de  dimensions  semblables,  environ 
20  centimètres  de  long  et  6  centimètres  de  large,  mais 
l'imagination  de  certains  ouvriers  a  quelquefois  modifié 
cette  forme.  Les  uns  ont  fait  des  râpes  doubles  munies 
de  couvercles  qui  se  rabattaient  sur  la  râpe  de  fer  et 
permettaient  de  placer  plus  facilement  la  râpe  dans  la 
poche  de  l'habit.  Les  autres  munissaient  la  râpe  à  l'une 
de  ses  extrémités  d'une  tabatière  dans  laquelle  s'écou- 
lait le  tabac  râpé.  L'existence  de  ces  tabatières  facilitait 
la  tâche  du  priseur  qui  autrement  devait  avoir  une 
tabatière  distincte,  ou,  avec  l'habitude,  ne  râper  que  la 
quantité  de  tabac  qui  lui  était  nécessaire  et  qu'il  faisait 
glisser  par  secousse  dans  le  creux  qui  se  forme  sur  la 
main  à  la  base  du  pouce  et  de  l'index  lorsque  ceux-ci 
sont  étendus  et  écartés.  D'autres  enfin  fabriquaient  des 
râpes  selon  le  goût  ou  la  profession  de  leurs  clients. 
C'est  ainsi  que  nous  trouvons  des  râpes  en  forme  de 
poisson,  de  bateau,  de  violon,  de  guitare,  de  botte  ou  de 
sabot.  Mais  ce  ne  sont  là  que  des  exceptions,  et  les  râpes 


—  456  — 

sans  couvercle,  à  la  grille  apparente,  furent  les  plus  nom- 
breuses. Ces  râpes  devaient  être  plutôt  utilisées  chez  soi 
que  mises  dans  la  poche,  et  le  fait  que  toutes  les  râpes 
en  émail,  matière  essentiellement  fragile,  sont  sans  cou- 
vercle, tendrait' à  prouver  cette  hypothèse.  Nous  avons 
entendu  parler  de  râpes  pourvues  d'un  compartiment 
pour  renfermer  la  carotte,  mais  nous  n'en  ayons  rencon- 
tré dans  aucun  musée  ;  les  priseurs  devaient  mettre  leurs 
carottes  de  tabac,  ainsi  que  leurs  râpes,  dans  une  des 
deux  grandes  poches  de  Thabit.  Signalons  encore  des 
râpes  de  petit  modèle  qui  devaient  être  des  râpes  de 
dames,  car  les  dames  prisaient  aussi.  M'"*  de  Simiane, 
petite-fillê  de  M™*  de  Sévigné,  chargeait  son  amie, 
jyjme  d^uffé,  de  lui  cuvoycr  des  carottes  de  tabac;  et  la 
princesse  Palatine,  dans  des  lettres  écrites  en  1712  et 
1715,  déplorait  cet  usage  en  voyant  «  toutes  les  femmes 
avec  le  nez  sale  » . 

La  décoration  des  râpes  à  tabac  fut  variée  à  Tinfini 
et,  comme  nous  le  disons  plus  haut,  les  plus  nombreuses 
et  les  plus  intéressantes  à  examiner  sont  en  bois  et  en 
ivoire. 

Toutes  les  essences  de  bois  ont  été  employées  à  la 
fabrication  des  râpes  :  chêne,  noyer,  bois  fruitiers,  bois 
des  îles,  etc.,  mais  c'est  surtout  en  buis  que  furent  faites 
les  plus  belles,  la  qualité  de  ce  bois  se  prêtant  mieux  à 
de  fines  sculptures. 

Presque  toutes  les  râpes  en  bois  furent  fabriquées  en 
France  et  en  Allemagne.  Les  râpes  allemandes  se  recon- 
naissent à.  un  manque  absolu  de  caractère  artistique;- 
longues,  étroites  et  légèrement  courbes,  elles  sont  ornées 
de  motifs  décoratifs  presque  toujours  faits  d'incrusta- 
tions de  nacre,  d'ivoire  ou  de  cuivre.  En  France  furent 
fabriqués  les  plus  beaux  spécimens  des  râpes  en  bois. 
L'on  attribue  à  Bagard  nombre  de  râpes  du  xvii*  siècle; 
mais,  nous  basant  sur  les  études  de  M.  Wiener,  l'érudit 
conservateur  du  musée  de  Nancy,  nous  estimons  que 
Bagard  n'a  jamais  dû  s'adonner  à  la  confection  des  râpes 


Râpe  à  tabac  (xviii'  siècle  . 

(Musée    de    Laval.    —    Invent,    n"    102). 


Râpe  à  tabac  (fer  damasquiné,  xvii*  sièclo). 

(Musée  de  Laval.  —  Invciit.  ii"  '*<)). 


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—  457  — 

à  tabac.  Certes  en  Lorraine,  soit  dans  les  ateliers  de 
Lupot,  de  Mirecourt,  soit  dans  les  nombreux  couvents  où 
Ton  travaillait  les  bois  dits  de  Sainte-Lucie,  des  râpes 
ont  été  fabriquées  en  masse  ;  mais  cette  fabrication  s'était 
étendue  dans  toute  la  France  et  il  existait  à  Paris  plu- 
sieurs ateliers  d'où  sont  sorties  des  râpes  et  non  des 
moins  belles. 

Les  râpes  en  bois  sont  ornées  avec  une  diversité 
innombrable.  Les  unes  représentent  les  armes  royales  ; 
d'autres,  datées  de  l'année  de  la  naissance  d'un  dauphin, 
figurent  ses  armoiries,  d'autres  encore  rappellent  les 
armes  de  certaines  villes.  Mais  c'était  là  des  râpes  ba- 
nales, des  râpes  achetées  toutes  faites.  Les  râpes  les 
plus  belles  sont  ornées  des  armoiries  de  leur  propriétaire 
et  c'est  parmi  elles  que  nous  trouvons  de  véritables  chefs- 
d'œuvre  de  petite  sculpture. 

La  collection  Alain,  que  l'on  put  admirer  à  l'exposi- 
tion de  1900  à  la  rétrospective  des  manufactures  de  tabac, 
nous  offrait  une  remarquable  série  de  râpes  en  buis.  Les 
unes  représentaient  des  sujets  religieux  :  la  »Crèche  et 
les  Rois  Mages,  le  Baptême  du  Christ,  saint  Pierre, 
saint  Nicolas.  D'autres  étaient  ornées  d'armoiries, 
d'autres  encore  portaient  des  devises. 

Les  devises  ont  joué  un  rôle  assez  important  dans 
l'ornementation  des  râpes  en  bois.  Pour  la  plupart, 
c'étaient  des  devises  d'amour.  Ces  devises,  qui  presque 
toujours  entouraient  des  cœurs,  nous  font  penser  que 
les  râpes  ainsi  ornées  étaient  des  cadeaux  de  mariage  et 
formaient  la  réponse  au  peigne  que  tout  fiancé,  au  xvii* 
siècle,  donnait  à  sa  fiancée.  Sur  une  des  râpes  qui  figu- 
raient dans  la  collection  Alain  nous  voyons  la  devise  : 
Fidélité  mérite  amour  entourant  une  dame,  en  costume 
de  cour  d'époque  Louis  XIV,  caressant  un  chien;  sur 
une  autre  râpe  très  finement  sculptée  et  ornée  d'armoi- 
ries cette  devise  :  Amour  hait  orgueil  entourant  un 
amour  qui  marche  sur  la  queue  d'un  paon.  D'autres  por- 
tent des  devises  plus  simples  :  Je  soupire  pour  vous^ 


—  458  — 

Unis  jusqu'à  la  mort^on  encore  :  Je  ne  suis  pas  double 
entourant  un  cœur  enflammé.  Cette  dernière  devise  orne 
une  râpe  des  plus  curieuses  en  forme  de  crécelle. 

Les  sculpteurs  sur  bois  s'inspirèrent  aussi  pour  la  dé- 
coration des  râpes  des  fables  de  La  Fontaine,  des  per- 
sonnages de  la  comédie  italienne,  de  scènes  de  chasse; 
certains  même  fabriquèrent  la  râpe  satirique,  telle  que 
celle  représentant  un  docteur  et  un  âne  s'embrassant 
avec  autour  la  légende  :  Similis  simili  gaudet.  Des  orne- 
ments purement  décoratifs  enjolivent  certaines  râpes; 
pour  beaucoup  les  ouvriers  se  sont  inspirés  des  motifs 
de  Bérain,  et  ainsi  nous  sont  parvenues  quelques  pièces 
belles  de  style  et  de  travail. 

Parmi  les  musées  possédant  de  jolies  séries  de  râpes 
en  bois  nous  citerons  ceux  du  Louvre,  de  Cluny,  d'Or- 
léans, de  Bourges,  de  Boulogne-sur-Mer,  du  Mans,  de 
Lille,  d'Angers,  de  Saint-Pétersbourg  et  de  Kensington 
muséum  (Londres),  etc.,  etc. 

Etudions  maintenant  les  râpes  en  ivoire  que  nous  ren- 
controns aussi  nombreuses  et  aussi  variées  que  celles  en 
bois.  Sur  elles  point  de  devises.  La  forme  générale  est 
presque  toujours  la  même,  mais  nous  ne  trouvons  pas, 
parmi  les  râpes  en  ivoire,  les  formes  variées  et  fan- 
taisistes que  nous  avons  signalées  pour  les  premières. 
Néanmoins  nous  connaissons  quelques  râpes  en  ivoire 
en  forme  de  bateau  et  nous  avons  souvent  rencontré 
une  forme  de  râpe  qui  n'existe  qu'en  ivoire.  Nous  vou- 
lons parler  des  râpes  représentant  des  personnages 
découpés.  Dans  ces  râpes,  la  tête  du  personnage  est 
traversée  par  un  conduit  qui  servait  à  écouler  le  tabac 
râpé,  conduit  fermé  par  un  bouchon  d'ivoire  ou  d'argent. 
Ces  râpes  représentent  des  personnages  mythologiques  : 
Junon,  Mercure,  Jupiter ,  Mars;  des  personnages  allé- 
goriques :  les  Colonies,  des  Acteurs  de  la  comédie  ita- 
lienne, des  Suiveurs,  des  Moines.  Les  râpes  en  ivoire 
de  forme  ordinaire  nous  sont  parvenues  en  plus  grand 
nombre.  Pour  la  plupart,  elles  ont  été  fabriquées  à  Paris 


—  459  — 

et  à  Dieppe  où  les  ateliers  étaient  très  renommés  à  cette 
époque.  Bien  qu'on  puisse  faire  à  ces  ateliers  le  reproche 
d'avoir  reproduit  presque  toujours  les  mêmes  dessins,  ils 
ont  exécuté  parfois  de  fort  belles  pièces  qui  sont  main- 
tenant pour  notis  des  spécimens  très  précieux  de  Tart 
de  l'ivoirerie  aux  xvii«  et  xviii*  siècles. 

Presque  toutes  les  râpes  en  ivoire  sont  décorées  de 
personnages  ou  de  groupes.  Les  sujets  qui  ont  le  plus 
inspiré  les  ivoiriers  d'autrefois  furent  des  scènes  ga-* 
lantes  :  le  Baiser  de  la  Villageoise,  Seigneur  offrant 
une  bourse  à  une  jeune  femme;  des  scènes  bucoliques  : 
Berger  couronnant  une  bergère.  Berger  jouant  de  la 
flûte  ;  des  personnages  allégoriques  :  les  Colonies, 
la  Victoire;  des  scènes  tirées  des  contes  ou  des  fables 
de  La  Fontaine  :  le  Cuvier,  le  Meunier,  son  fils  et  l'âne, 
des  Musiciens,  des  Acteurs  de  la  comédie  italienne  et 
surtout  des  personnages  mythologiques  :  Vénus,  Diane, 
Pomone,  Jupiter,  Vulcain  et  Phaëton.  Parmi  les  râpes 
en  ivoire  nous  en  avons  trouvé  quelques-unes  à  sujets 
grossiers  plutôt  que  grivois.  Les  buveurs,  les  fumeurs 
ont  été  d'une  grande  ressource  pour  les  ivoiriers  dans 
l'ornementation  des  râpes.  Ce  sont  ces  sujets  qui  ont  fait 
penser  à  certains  auteurs,  mais  à  tort  à  notre  avis,  que 
ces  râpes  devaient  être  de  fabrication  flamande. 

Les  sujets  religieux  ont  peu  inspiré  les  ivoiriers;  nous 
signalerons  néanmoins,  au  musée  de  Dieppe,  une  jolie 
râpe  représentant  la  scène  de  l'Annonciation. 

D'intéressantes  séries  de  râpes  en  ivoire  se  trouvent 
dans  les  musées  de  Cluny,  d'Orléans,  de  Poitiers,  de 
Berlin,  de  Bruxelles,  de  Londres  (collection  Wallace)  et 
dans  nombre  de  collections  particulières.  Dans  celle  de 
M"'  Alain  nous  avons  remarqué  notamment  une  fort 
belle  râpe  en  ivoire  peint  représentant  le  Triomphe  de 
Vénus  et  constituant  un  spécimen  unique,  à  notre  con- 
naissance, parmi  les  râpes  parvenues  jusqu'à  nous. 

Mais,  en  dehors  des  râpes  en  bois  et  en  ivoire,  les 
râpes  en  fer  méritent  aussi  de  fixer  notre  attention. 


—  460  — 

Presque  toutes  les  râpes  intéressantes  faites  en  cette 
matière  sont  en  fer  damasquiné  d'or  et  d'argent.  Elles 
ont  ordinairement  la  forme  de  celles  que  nous  pouvons 
admirer  au  musée  de  Laval.  Les  sujets  qui  les  ornent 
sont  toujours  dans  le  même  esprit  :  ccéur  avec  devise 
d'amour,  personnages  bibliques  :  Estker,  Judith^  rin- 
ceaux Louis  XV,  guirlandes  de  fleurs  et  ornements 
Louis  XVI.  Des  râpes  ayant  appartenu  à  des  chasseurs 
sont  ornées  de  têtes  de  cerfs.  D'autres  en  forme  de  pois- 
son, les  unes  unies,  les  autres  damasquinées  d'argent 
pour  simuler  les  écailles,  ont  dû  être  destinées  à  de  fer- 
vents pêcheurs. 

Les  jolies  râpes  en  fer  sont  peu  nombreuses.  La  collec- 
tion de  ferronnerie  Le  Secq  des  Tournelles,  actuellement 
exposée  au  musée  des  Arts  Décoratifs  de  Paris,  en  offre 
plusieurs  beaux  spécimens  ;  mais  rares  sont  les  musées 
en  renfermant  même  une  seule  intéressante.  Nous  pou- 
vons citer  ceux  de  Dijon,  de  Compiègne,  de  Langres  et 
de  Laval. 


Parmi  les  recherches  que  j'ai  faites  dans  les  divers 
musées,  il  m'a  été  donné  d'étudier  le  joli  ensemble  des 
râpes  à  tabac  du  musée  de  Laval.  Elles  sont  au  nombre 
de  six  : 

L'une  (Invent.  n°  102)  double,  en  noyer  sculpté,  est 
ornée  sur  son  couvercle  des  armes  de  la  famille  de  la 
Roussardière,  famille  de  la  Mayenne  à  laquelle  M.  l'abbé 
Àngot  a  consacré  un  article  des  plus  intéressants  dans 
son  Dictionnaire  de  la  Mayenne  (t.  III,  pp.  363-364). 
Cette  râpe,  qui  provient  de  la  collection  Bourgneuf  et  a 
figuré,  à  juste  titre,  à  l'exposition  rétrospective  de  1900, 
est  un  des  beaux  spécimens  de  la  fabrication  française. 

Une  autre  râpe  (Invent,  n®  46),  double  également,  est 
en  fer  damasquiné  d'or  et  d'argent.  D'époque  Louis  XIV, 
elle  est  richement  décorée.  Sur  son  couvercle,  au  centre, 
dans  un  médaillon,  est  figurée  une  femme  appuyée  sur 


Hàpe  h  tabac  (hois  vt  ivoire,  xviii*  siècle). 

(Musf'e  de  F. aval.  —  Inveiit.  ri"  1128). 


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Râpe  à  tabac  [ter,  xviii*  siècle). 

(Musée    de    Laval.    —    Invenl.    n®    1305). 


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—  461  — 

une  ancre.  Au-dessous  de  cette  allégorie  la  devise  :  Je 
me  repose  sur  la  constance.  Au  revers,  dans  un  médail- 
lon central,  est  représenté  le  buste  de  Minerve,  Des 
pièces  analogues  et  aussi  bien  conservées  sont  rares. 
Cette  râpe  supporte  aisément  la  comparaison  avec  celles 
^de  la  collection  Le  Secq  des  Tournelles  que  nous  men- 
tionnons ci-dessus. 

Le  musée  de  Laval  en  possède  une  autre  (Inv.  1302) 
en  fer  damasquiné,  double  comme  la  précédente,  mais 
dont  les  ornements  ont  malheureusement  disparu  sous 
les  effets  nocifs  de  la  rouille.  Une  quatrième  (Inv.  1305), 
en  fer  également,  de  forme  étroite  et  allongée,  est  ornée 
de  rinceaux  dorés  ;  elle  n'avait  pas  de  couvercle. 

La  cinquième  râpe  (Inv.  1128)  de  forme  oblongue,  en 
bois  gravé,  est  ornée  sur  les  côtés  de  colonnettes  torses 
en  ivoire  ;  elle  tire  son  originalité  de  ce  qu'elle  est  munie 
de  quatre  petites  roulettes  en  ivoire,  ce  qui  permettait 
de  la  poser  sur  une  table  et  de  la  déplacer  facilement. 
Le  couvercle  à  glissière  est  orné  de  rinceaux  et  porte  la 
date  de  1740.  De  fabrication  allemande,  des  râpes  de 
ce  modèle  existent  dans  des  musées  étrangers  (South 
Kensington  muséum  de  Londres,  Bruxelles,  Francfort- 
sur-Mein),  mais  sont  rares  dans  les  musées  français. 

La  dernière  râpe  (Inv.  2034)  est  en  bois  fruitier, 
toute  unie,  mais  intéressante  dans  sa  simplicité,  car 
elle  montre  bien  que  jadis  chacun  avait  sa  râpe,  depuis 
les  plus  riches  jusqu'aux  plus  humbles. 

Je  suis  heureux  d'avoir  pu  admirer  ces  belles  pièces 
grâce  à  l'obligeance  de  M.  Œhlert,  le  distingué  conser- 
vateur du  musée  de  Laval.  Et  je  n'ai  pu  résister  au  plai- 
sir de  décrire  ces  objets  si  étroitement  liés  à  la  vie  de 
chacun  aux  xvii^  et  xviii*  siècles  et  qui  font  revivre  à 
nos  yeux  tout  un  passé  de  patience  et  de  raffinement,  car 
si  cette  coutume  était  encore  en  usage,  qui  se  donnerait 
la  peine  et  prendrait  le  temps  de  râper  son  tabac  ! 

M.  Alaret. 


TABLEiC  DE  LA  PROVINCE  W  UfflE 

1762-1766 

(Suite) 


Nous  avons,  dans  le  dernier  numéro  du  Bulletin^ 
adressé  à  nos  lecteurs  éventuels  une  question  au  sujet 
d'un  manuscrit  cité,  sans  référence  aucune,  par  feu  notre 
collègue  M.  Chardon.  Nous  n'avons  reçu  aucune  réponse. 
Nous  prenons  donc  la  liberté  de  poser  à  nouveau  la 
demande  que  nous  faisions  au  mois  de  septembre  der- 
nier et  de  prier  nos  collègues  de  nous  dire,  s'ils  le  peu- 
vent, où  se  trouve  le  Mémoire  écrit,  en  1748,  par  l'inten- 
dant Savalette  de  Magnanville,  «  intitulé  Election  du 
Maine,  127  feuillets  in-folio,  relié  en  veau  plein  *  », 


1.  H.  Chardon  :   Voyages  et  Voyageurs  dans  le  Maine,  p.  10, 
note. 


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CHARTES  DE  FONTAINE-DANIEL 

(Suite). 


XXII 

1220,  20  mai.  Viterbe.  —  Confirmation  par  le  pape  Hono- 
rius  III  des  biens  de  Fontaine- Daniel, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  26  r<». 

Grosse-Duperon,  Cartulaire  de  Fontaine-Daniel,  p.  124,  n®  en. 

Si  qua  igitur  in  futurum  ecclesiastica  secularisve  persona 
hanc  nostre  constitutionis  paginam  sciens  contra  eam  temere 
venire  tentaverit,  secundo  tertio ve  commonita,  nisi  reatum 
suum  congrua  satisfactione  correxerit,  potestatis  honorisque 
sui  careat  dignitate  reamque  se  divino  judicio  existere  de 
perpetrata  iniquitate  cognoscat  et  a  sacratissimo  corpore 
ac  sanguine  Dei  et  Domini  nostri  Jesu  Christi  aliéna  fiât 
atque  in  extremo  examine  districte  subjaceat  ultioni  ;  cunc- 
tis  autem  eidem  loco  sua  jura  servantibus  sit  pax  Domini 
nostri  Jesu  Christi,  quatenus  et  hic  fructum  bone  actionis 
percipiant  et  apud  districtum  judicem  premia  eternœ  pacis 
inveniant.  Amen.  Amen.  [Datum  Viterbii,  per  manum  Guil- 
lelmi,  sancte  Romane  ecclesie  vice  cancellarii,  duodecimo 
kalendas  junii,  indictione  octava,  anno  incarnationis  domi- 
nice  millesimo  ducentesimo  vigesimo],  pontificatus  vero 
domini  Honorii  pape  tertii  anno  quarto. 

XXIII 

1220.  —  Donation  par  Juhel  de  Mayenne  d'un  coin  de  terre 
et  de  boiSy  sis  entre  Saint-Georges-Buttaçent  et  la  forêt 
de  Mayenne,  avec  l'autorisation  de  construire  un  chemin 


—  472  — 

fieffé  à  travers  la  foret  et  de  creuser  un  étang,  pour 
V amélioration  du  bourg  de  l'abbaye. 
Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  29  r». 

Noverinl  universi  tam  présentes  quam  posteri  quod  ego 
Juhellus,  Meduane  et  Dinani  dominus,  pro  salute  anime 
mee  et  antecessorum  et  successorum  meorum,  dedi  Deo  et 
béate  Marie  et  abbatie  mee  de  Fonte  Danielis  et  monachis 
ibidem  Deo  servientibus,  in  perpetuam  eleemosynam,  quem- 
dam  angulum  nemoris  et  terre,  qui  est  inter  terram  Sancti 
Georgii  examplatam  et  magnam  forestam,  sicuti  ri  vus  fontis 
domini  Auberti  usque  in  Anvorie  aquam  et  sicut  rivus 
Anvorie  usque  ad  veterem  pontem  Sancti  Geoi^ii  illum 
dividit  a  foresta.  Preterea  concessî  dictis  monachis,  ad 
meliorationem  burgi  eorum  quod  construxerunt  in  prefata 
terra  prope  forestam,  quod  cheminum  feodatum  facerent  per 
forestam  meam  ita  quod  per  médium  dicti  burgi  tenderet, 
et  alterum  cheminum,  quod  erat  inferius.  remaneret  et  in 
perpetuum  obstrueretur.  Dcdi  etiam  prefatis  monachis 
quamdam  plateam  ad  unum  stagnum  faciendum  in  eadem 
aqua  Anvorie  prope  dictum  burgum  monachorum  quantum 
in  longum  et  in  latum  extendere  se  poterit  aqua  stagni. 
Dedi  insuper  hominibus  in  supradicto  burgo  manentibus 
illam  quittantiam  et  liberlatem  in  foresta  mea  quam 
habebant  homines  monachorum  in  burgo  Sancti  Georgii 
manentium  illo  tempore  quo  dictum  burgum  monachi  con- 
struxerunt. Insuper  dedi  prefatis  monachis  in  eodem  burgo 
quasdam  nundinas  in  festo  sancti  Luce  annis  singulis  con- 
gregandas  libéras  ab  omnibus  que  mihi  pertinent  et  qui- 
etas,  excepto  quod  in  eisdem  nundinis  duodecim  denarios 
capiam  annuatim  et  ideo  dictas  nundinas  teneor  custodire. 
Ut  autem  hoc  ratum  et  stabile  et  ut  in  perpetuum  firmius 
teneatur,  ego  Juhellus,  Meduane  et  Dinani  dominus,  presen- 
tem  chartam  sigilli  mei  testimonio  coufirmavi.  Actum  anno 
gratie  M*  CC»  XX^ 

XXIV 

1220.  —  Donation  par  Juhel  de  Mayenne  d'un  marché  au 
bourg  de  Saint-Georges-BuCtavent  et  de  foires  au  même 
lieu. 
Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  29  r». 

Noverint  universi  tam  présentes  quam  posteri  quod  ego 
Juhellus,   Meduane  et  Dinani  dominus,  pro  salute  anime 


—  473  — 

mee  et  antecessorum  et  successorum  meorum,  dedi  Deo  et 
béate  Marie  et  abbatie  mee  de  Fonte  Danielis  et  monachis 
ibidem  Deo  servientibus,  in  perpetuam  eleemosynam,  in 
burgo  Sancti  Georgii  nuncupato  de  Boutavent,  mercatum 
ibidem  qualibet  die  martis  annis  singulis  ibidem  congregan- 
dum,  et  etiam  quasdam  nundinas  in  festo  sancti  Lucse 
annis  singulis  ibidem  congregandas,  libéras  ab  omnibus  que 
ad  me  pertinent  et  quietas  ;  et  ideo  dictum  mercatum  et 
diclas  nundinas  teneor  custodire.  Ut  autem  hoc  ratum  et 
stabile  et  ut  in  perpetuum  firmius  teneatur,  ego  Juhellus, 
Meduane  et  Dinani  dominus,  presentem  chartam  sigilli  mei 
testimonio  feci  confirmari.  Actum  anno  gratie  millesimo 
ducentesimo  vicesimo. 


XXV 

1226.  25-31  mars.  —  Confirmation  par  Dreux  de  MellOy 
seigneur  de  Mayenne  et  de  Loches ^  de  diverses  donations 
faites  par  Juhel  de  Mayenne, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  32  yo. 

Universis  Christi  fidelibus  presentem  paginam  inspec- 
turis  Drocho  de  Melloto,  dominus  Meduane  et  Locharum, 
salutem  in  Domino.  Universitati  vestre  notum  facio  quod 
cum  controversia  versaretur  inter  me,  ex  una  parte,  et 
abbatem  et  monachos  Fontis  Danielis,  ex  altéra,  super  qui- 
busdam  eloemosynis,  donationibus,  acquisitionibus  et  liber- 
tatibus  a  defuncto  Juliello  prcdecessore  nostro,  quondam 
domino  Meduane,  fundatore  ecclesie  béate  Marie  Fontis 
Danielis,  predictis  monachis  pro  salute  anime  sue  et  ante- 
cessorum et  heredum  suorum  in  puram  et  perpetuam  elee- 
mosynam  collatis,  tandem  *  in  presentia  venerabilis  patris 
Mauritii  Cenomanensis  episcopi  constituti,  ad  pacem  deve- 
nimus  *  in  hune  modum  quod  ego  confirmo  et  approbo 
omnes  eleemosynas,  donationes,  acquisitiones  et  libertates 
a  dicto  Juhello  predictis  monachis  collatas,  prout  in  chartis 
ejusdem  Juhelli  quas  habent  dicti  monachi  continetur  in 
bec  verba  : 

In  nomine  sancte  et  individue  Trinitatis,  ego  Juhellus,  de 
Meduana  et  Dinano  dominus,  notum  facio  omnibus  presen- 

1.  Tamen  in  codice. 

2.  Debemus  in  codice. 


—  474  — 

tibus  et  posteris  preseniem  paginam  inspecturis  vel  auditu- 
ris  quod  ego,  pro  salute  anime  mee.  patris  mei  et  matris 
mee  et  uxoris  mee  Gervasise  et  omnium  antecessorum  et 
heredum  meorum,  dedi  in  puram  et  perpetuam  eleemosy- 
nam  et  concessi  Deo  et  béate  Marie  et  abbatie  mee  de  Fonte 
Danielis  et  monachis  ibidem  Deo  servientibus ,  ipsum 
locum  ubi  si  ta  est  abbatia,  et  nemora  de  Saleto  et  de  Poyl- 
leio  cum  omnibus  pertinentiis  eorumdem,  et  duo  stagna  facta 
in  Anvoria  et  totum  parcum  meum  de  Meduana,  et  totam 
terram  que  fuit  Raginaldi  Falconarii,  insuper  et  terram  et 
homines  de  Loreia  cum  omni  nemore  suo  usque  in  aquam 
d'Arum  et  aliis  pertinentiis  suis.  Dedi  etiam  dicte  abbatie 
terram  ubi  situm  est  burgum  novum  monachorum  cum  sta- 
gno  subjacente  et  cheminum  per  idem  burgum,  perpetuo 
feodatum,  insuper  et  terram  et  homines  de  Chauvoneria  et 
de  Cepeleria  et  de  Rupe  Freemborc.  Dedi  etiam  prefatis 
monachis  molendina  mea  de  Meduana  cum  molta  eisdem 
molendinis  pertinente  et  totam  aquam  meam  de  Meduana 
que  incipit  a  ponte  Meduane  versus  vadum  de  Brives,  cum 
piscariis  quas  in  eadem  aqua  habebant.  Item  dedi  iisdem 
monachis  grangias  de  Alodio,  de  Champoio  et  de  Gaudine- 
ria  cum  Salice  Raginaldi,  et  plateam  unam  ad  stagnum 
faciendum  in  haya  de  Bleine,  insuper  et  terram  que  est  inter 
abbatiam  et  parcum  quem  emi  ab  Huberto  d'Andoileio.  Item 
dedi  eisdem  monachis  omnes  cohuas  meas  de  Meduana,  cum 
pertinentiis  earumdem,  ita  quod  nil  potero  in  postcrum 
facere  vel  heredcs  mei  pro  quo  redditus  earum  minuatur. 
Dedi  etiam  ad  opus  pauperum  porte  abbatie  decimam  par- 
tem  totius  mei  redditus  de  Fossaloven  et  de  Groleio,  tam 
in  blado  quam  in  nummis,  insuper  et  duas  partes  décime 
bladi  parrochie  Sancti  Albini  et  quandam  mazuram  in  qua 
habebunt  monachi  unum  hominem  liberum  ab  omnibus  que 
ad  me  pertinent  et  quietum.  Dedi  etiam  eisdem  monachis 
apud  Gorrum  Georgium  de  Gorram  et  heredes  ejus,  apud 
Herveriam  Radulphum  Le  Cirer  et  Michaelem  de  Mota  et 
IIa[mel]inum  Menard  et  Christianum  *  Britonem  et  heredes 
eorum,  apud  Meduanam  Robinum  de  Andegavia  et  Stepha- 
num  Beslu  et  heredes  eorum,  apud  Carcerem  Joannem  Pipe- 
rarium  et  heredes  ejus,  liberos  ab  omnibus  que  ad  me  perti- 
nent, et  triginta  sextarios  frumenti  apud  castrum  Carceris. 
Item  dedi  dictis  monachis  quicquid  habebam  in  Normania, 
videlicet  maneria  mea  de  Re villa  et  de  Fonteneto  Paganelli  et 

1.  Xanum  in  codice. 


—  475  — 

de  Moschamps,  cum  omnibus  pertinentiis  eonimdem.  Dedi 
etiamassensuGervasie  uxoris  mee  Vuillermum  filium  Ordene 
et  Gaufridum  Balot  apud  Divam  *  cum  coheredibus  eorum 
liberos  et  quietos  et  sexaginta  solidos  cenomanensium  * 
perpetui  redditus  in  auxilio  de  Romilleio.  Item  dedi  eisdem 
monachis  et  concessi  medietariam  de  Burgo  novo  cum  prato 
quod  est  in  foresta  eidem  medietarie  pertinente,  insuper  et 
pratum  quod  fuit  domini  Galterii  de  Meduana.  Dedi  etiam 
eisdem  pratum  de  Marcilleio  cum  pertinentiis  suis  et  quen- 
dam  redditum  sotularium  ad  usus  pauperum  portae,  quod 
vulgaritep  coutagium  nuncupatur.  Fecerunt  etiam  prefati 
monachi  plures  acquisitiones  in  terra  mea  a  pluribus  fideli- 
bus  tam  emptione  quam  eleemosyna,  in  quibus  dedi  eis  in 
eleemosynam  quicquid  juris  habebam  in  illis  acquisitionibus, 
prout  in  munimentis,  que  super  hoc  habent  de  me,  plenius 
continetur.  Item  dedi  eis  in  omnibus  forestis  meis  usagium 
suum  videlicet  nemus  vivum  ad  sedificandum  et  mortuum 
ad  calefaciendum,  et  pasturam  et  lecteriam  et  de  suis  pro- 
priis  porcis  pasnagium.  Dedi  etiam  libertatem  et  quitan- 
tiam  eis  et  hominibus  eorum  per  totam  terram  meam,  tam 
Cenomanie  quam  Britannie,  et  ut  emendo  et  vendendo  et 
transeundo  liberi  sint  et  immunes  et  propriarum  rerum 
suarum  passagiis  ad  me  pertinentibus  et  coustumiis. 
Sciendum  vero  est  quod  si  aliquis  hominum  monachorum 
aliquid  forifecerit  pro  quo,  secundum  terre  judicium,  mem- 
brum  vel  vitam  mereatur  amittere,  meum  erit  de  eo  judi- 
cium  et  justitiam  facere.  ita  quod  res  illius  hominis  prefatis 
monachis  ex  integro  remanebunt.  Volo  etiam  et  precipio  ut 
hsec  omnia  supradicta  in  pace  teneant  et  possideant  prefati 
monachi  et  ut  his  omnibus  ad  majorem  domus  sue  utilita- 
tem  possent  uti  prout  melius  sibi  viderint  expedire.  Ut 
autem  hoc  firmius  teneatur,  presentem  chartam  sigilli  mei 
munimine  confirmavi. 

Universis  Christi  fidelibus  presens  scriptum  inspecturis 
Juhellus  de  Meduana,  Dinani  dominus,  salutem.  Noverit 
universitas  vestra  quod  cum  abbatie  mee  de  Fonte  Danielis 
in  fundatione  sua  nemora  de  Saleto  et  de  Poylleio,  que  erant 
dominica  mea  sine  alterius  parte,  totum  parcum  meum  de 
Meduana,  cum  eorumdem  pertinentiis,  ita  quod  monachi 
dicte  abbatie  nemora  de  Saleto  et  de  Poylleio  in  terram  ara- 
bilem  redigere  non  possent,  pasturam  et  lecteriam  in  foresta 

1.  Dinam  in  codice. 

2.  Cœnomanenses  in  codice. 


—  476  — 

mea,  vivum  etiam  nemus  ad  aedificia  dicte  abbatie  cons- 
truenda  et  reparanda  cum  ostensione  servientis  mei,  et 
mortuum  nemus  ad  focum,  pro  salute  anime  mee,  patris  [mei] 
et  matris  mee,  antecessorum  et  heredum  meorum  nec  non  et 
Gervasie  uxoris  mee,  in  puram  et  perpeluam  eleemosynam 
ego  dedissem,  volens  tamen  postea  dicte  abbatie  mee,  cum 
essem  in  procinctu  itineris  de  Angb'a  cum  domino  rege 
Francorum,  ampliare  donationes  et  declarare  libertates,  dedi 
et  concessi  dicte  abbatie  monachis  quod  Saletum  et  Poyl- 
leium  cum  eorumdem  pertinentiis  in  terram  arabilem  rédi- 
gèrent et  traderent  cultoribus,  si  hoc  sibi  utile  judicarent. 
Augmentavi  insuper  et  dedi  dicte  abbatie  mee  monachis  in 
omnibus  forestis,  nemoribus  et  hayis  meis  usagium  ad  opus 
ipsius  abbatie  et  omnium  domorum  suarum  et  rerum  sua- 
rum,  ubicumque  sint,  sine  aliqua  ostensione  alicujus  ser- 
vientis mei.  Dedi  etiam  dictis  monachis,  si  *  aliquando 
eveniret  quod  cum  auxilio  meo  ipsi  Buronem  de  Erqueneio 
acquirerent  a  Gaufrido  de  Erqueneio  ad  grangiam  facien- 
dam,  in  augmentationem  illius  grangie  omnia  plana  Mobt, 
sicut  mete  ea  dividunt  a  foresta.  Preterea  sciendum  est 
quod  si  aliquis  hominum  monachorum  de  alto  burgo  Sancti 
Georgii  de  Boutavent  et  de  medietaria  burgi  novi  qui  illud 
jus  habent  in  foresta  mea  ad  vivum  nemus  ad  œdificandum 
et  ad  mortuum  ad  ardendum  (quod  habent  burgenses  mei  de 
Meduana)  capiclur  ad  forifactum  in  foresta  mea.  purgabit  se 
in  curia  monachorum  sicut  facerent  burgenses  mei  in  curia 
mea,  et  si  aliquis  de  dictis  hominibus  vel  de  aliis  hominibus 
monachorum,  de  quolibet  loco  sit,  de  forifacto  foreste  mee 
vel  de  qualibet  alia  re  judicio  convictus  fuerit,  monachi 
emendam  si  voluerint  habebunt  et  mihi  restaurabitur  dam- 
num  meum.  Adhuc  ego  volens  dicte  abbatie  mee  plus 
declarare  libertiUes,  concessi  eisdem  monachis  quod  si 
aliquis  hominum  eorumdem  placitabit  in  curia  mea  de  illis 
que  non  sunt  de  feodo  eorum  cum  homine  meo  vel  extraneo 
et  convictus  fuerit  vel  se  pacificabit,  de  eo  emendam  habe- 
bunt monachi  sicut  haberent,  si  placitaret  in  curia  ipsorum. 
Sane  concessi  monachis  abbatie  mee  quod  ipsi  in  terris  et  in 
feodis  eorum  et  in  omnibus  manentibus  tam  aubenis  quam 
feodatis  in  ipsis  terris,  et  in  cohuis  et  in  omnibus  earumdem 
plateis  sicut  sunt  extra  porticus  burgensium  Meduane, 
excepto  quod  habebo  die  mercatus  mei  et  nundinarum  mea- 
rum  et  tenebo  curias  et  placita  que  evenient  in  cohuis  vel  in 

1 .  Ut  si  in  codice. 


—  477  — 

earumdem  plateis,  exceptis  câusis  que  eveniunt  occasione 
cohuarum  et  exceptis  omnibus  causis  hominum  monacho- 
rum  que  pertinent  ad  monachos,  habeant  tantum  jus,  tantam 
potestatem,  tantam  franchisiam  quantum  jus,  quantam 
potestatem,  quantam  franchisiam  habeo  in  terra  mea  domi- 
nica,  excepte  quod  tenebo  bella  hominum  monachorum  de 
illis  rébus  de  quibus  secundum  humanum  judicium  débet 
homo  amittere  membrum  vel  vitam  et  cathalium,  et  emen- 
dam  habebunt  monachi  illorum  qui  convicti  fuerunt  et  etiam 
de  meo  homine  si  placitabit  coram  ipsis  ;  in  omnibus  chemi- 
nis,  viis  et  semitis  euntibus  per  terram  monachorum  con- 
cessi  eisdem  quicquid  juris  habebam,  excepto  forifacto 
coustumie  mee,  ab  omnibus  transeuntibus.  In  quocunque 
vero  loco  homo  dictorum  monachorum  vel  aubenus  vel 
eorum  serviens  vel  res  ipsorum  capientur  in  terra  mea  vel 
arrestabuntur,  de  ipsis  habebunt  monachi  curiam  ;  similiter 
monachi  de  omnibus  causis  suis  tenebunt  curiam,  exceptis 
illis  bellis  de  quibus  débet  homo  perdere  membrum  vel 
vitam,  et  tamen  monachi  habebunt  de  convictis  sive  pacifi- 
catis  emendam  judicatam.  Porro  si  monachi  aliquo  tempore 
terras  grangiarum  de  Parco,  de  Genharderia  et  de  Burone, 
si  forte  acquisierint,  tradent  cultoribus  excolendas,  manentes 
in  dictarum  grangiarum  terris,  habeant  in  foresta  mea  vivum 
nemus  cum  ostensione  servientis  mei,  et  mortuum  sine 
ostensione,  pasturam  et  lecteriam  besliis  eorum,  exceptis 
capris,  et  excepto  quod  non  intrabunt  prala  quando  defendi 
debent,  nec  anliqua  defensa  nec  pasturam  hominum  de 
Sancto  Georgio  de  Boutavent.  Concessi  vero  prefatis  mona- 
chis  angulum  terre  qui  est  subter  calciatam  de  Sancto 
Georgio  et  extenditur  usque  ad  rivum  porte  qui  est  in 
capite  calciate  versus  forestam,  sicut  idem  ri  vus  currit 
usque  ad  planchas  Renesesches  et  a  dicto  rivo  versus  Sanc- 
tum  Georgium.  lias  autem  libertates  et  libertatum  declara- 
tiones  feci  monachis  abbatie  mee  ne  heredes  mei  haberent 
aliquam  partem  cum  monachis  per  quam  injuste  eos  possent 
molestare.  Volo  igitur  et  precipio  ut  hœc  omnia  dona  mea 
que  abbatie  mee  feci  teneatur  defendere  hères  meus,  et  ut 
perennem  obtineat  firmitatem  et  ut  omnes  homines  abba- 
tie et  res  eorum  ubicumque  sint,  libère  sint  per  totam  terram 
meam  penitus  et  immunes  ab  omnibus  que  ad  me  et  hère- 
dem  meum  pertinent.  Quod  ut  iirmius  et  tutius  in  posterum 
habeatur,  ego  presentem  paginam  ad  majorem  firmitatem 
sigilli  mei  impressione  feci  roborari.  Dedi  eliam  dictis 
monachis  in  omnibus  dictis  forestis,  nemoribus  et  omnibus 


—  478  — 

hayis  pasturam  et  lecteriam  omnibus  suarum  propriarum 
bestiarum  generibus,  ubi  et  quando  voluerint,  exceptis  pra- 
tis  ab  initio  menais  aprilis  quoad  defalcentur. 

Hec  autem  supradicta  et  alia  que  in  chartulis  eorumdem 
monachorum  sigillo  dicti  Juhelli  sigillatis  donata  reperiun- 
tur,  omnia  confirme  et  approbo  et  promitto  in  bona  fide  me 
in  posterum  servaturum.  Quod  ut  ratum  et  perpetuum 
habeatur  presentem  paginam  sigillo  meo  confirmavi.  Actum 
anno  Domini  millesimo  ducentesimo  vicesimo  sexto,  mense 
martii. 


XXVI 

1226,  mai.  —  Confirmation  par  Isabelle  de  Mayenne  de 
Vaccord  passé  entre  Dreux  de  Mello,  son  mari,  et  l'ab- 
baye de  Fontaine- Daniel  y  au  sujet  des  donations  faites 
par  feu  Juhel  de  Mayenne, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254.  fol.  35  ro. 

Grosse-Duperon ,    Cartulaire   de   Fontaine -Daniel,    p.    132, 
no   cxvii. 

Universis  fidelibus  presens  scriptum  inspecturis  ego  Isa- 
bellis,  domina  Meduane,  salutem  in  Domino.  Noveritis  quod 
cum  controversie  verterentur  inter  nobilem  virum  dominum 
Drochonem  de  Melloto,  maritum  meum,  et  me  ex  una  parle, 
et  abbatem  et  conventum  Fontis  Danielis  ex  altéra,  super 
quibusdam  eleemosynis,  donationibus,  acquisitionibus  et 
libertatibus  a  defuncto  Juhello,  quondam  pâtre  meo  et 
domino  Meduane,  fundatore  ecclesie  béate  Marie  de  Fonte 
Danielis,  predictis  monachis,  pro  salute  anime  sue  et  ante- 
cessorum  et  heredum  suorum,  in  puram  et  perpetuam  elee- 
mosynam  collatis,  de  quibus  controversiis  diclus  Drocho, 
maritus  meus,  et  dicti  monachi  ad  pacem  devenerunt  coram 
venerabili  pâtre  Mauritio,  Cenomanensi  episcopo,  illam 
compositionem  firmam  et  ratam  habeo  et  eam  confirmo, 
sicut  in  litteris  ejusdem  Drochonis  quas  super  dicUm  com- 
positionem habent  predicti  monachi  plenius  continelur. 
Insuper  sciendum  est  quod  omnes  eleemosynas,  acquisi- 
tiones,  donationes  et  libertates  quas  fecit  idem  Juhellus, 
pater  meus,  dictis  monachis,  sicut  in  chartulis  dicti  Juhelli 
quas  habent  dicti  monachi  plenissime  continelur,  ratas  et 
firmas  habeo  et  ad  majorem  securitatem  sigilli  mei  impres- 
sione  approbo  et  contirmo  et  in  bona  fide  me  promitto  in 


—  479  — 

posterum  servaturum.  Actum  anno  Domini  millesimo  ducen- 
tesimo  vicesimo  sexto,  mense  maii. 


XXVII 

1228.  —  Lettre  à  Maurice,  éçêgue  du  Mans,  par  laquelle 
Dreux  de  Mello  et  sa  femme  Isabelle  lui  demandent 
d'approuver  l'assignation  qu'ils  font  d'une  rente  de 
10  livres  10  sous  en  remplacement  d'une  somme  de 
1,000  livres  donnée  par  Juhel  pour  la  construction  du 
dortoir  et  de  l'église. 

A.  Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  35  ▼<>. 

B,  Grosse-Duperon,  Cartulaire  de  Fontaine-Daniel,  p.  137, 
n»  cGzziii. 

Venerabili  patri  ac  discrelo  domino  Mauritio,  Dei  gratia 
Cenomanensi  episcopo,  Drocho  de  Melloto,  dominus  Locha- 
rum  et  Meduane,  et  Isabellis,  uxor  sua,  domina  Meduane, 
salutem  in  Domino.  Noveritis  quod  nos  tenebamur  persol- 
vere  monachis  de  Fonte  Danielis  mille  libras  ad  fabricam 
ecclesie  et  dormitorii  abbatie  de  Fonte  Danielis  ex  donatio- 
nibus  factis  a  Juhello  bone  memorie  quondam  domino 
Meduane,  sed  quia  ad  presens  dictam  summam  pecunie 
reddere  non  valemus  et  dicti  monachi  sine  magno  damno  et 
gravi  periculo  expectare  nequeunt  ^,  eisdem  monachis  dedi- 
mus  et  assignavimus  pro  dicta  summa  pecunie  *  decem 
libras  et  decem  solidos  perpetui  redditus  :  decem  libras 
cum  novem  denariis  minus  in  baronia  de  Erneia  '  in  tallia 
augustali,  et  decem  [solidos]  et  novem  denarios  in  preposi- 
tura  Meduane,  ita  tamen  quod  si  nos  vel  alius  hères 
Meduane,  quicumque  fuerit  ille,  voluerit  compositionem 
istam  revocare  vel  contra  ire  vel  eisdem  monachis  super 
hoc  aliquam  molestiam  inferre,  in  instanti  teneatur  dictis 
monachis  mille  libras  turonensium  *  persolvere.  Unde  roga- 
mus  paternitatem  vestram  quatenus  monachis  dicte  abbatie 
super  hoc  litteras  vestras  conferre  dignemini  ad  majorem 
confirmationem  et  in  testimonium  veritatis.  Valete.  Actum 
anno  gratie  millesimo  ducentesimo  vigesimo  octavo. 

1.  Nequeverint  B. 

2.  Prœdictam  summam  pecunîœ  decem  libras  A. 

3.  Decem  libras  cum  novem  denariis  in  baronia  de  Nerer...  et 
decem  et  novem  denarios  in  prepositura  Meduane  A. 

4.  Turonenses  A  ;  Cenomanenses  B. 


480  — 


XXVIII 

1235.  octobre.  Ré  ville.  —  Abandon,  au  prix  de  i3  livres 
tournois,  à  l'abbaye  de  Fontaine-Daniel,  par  Richard 
et  Alain  Géduin,  de  trois  acres  de  terre,  sises  à  Résille, 
qu'ils  tenaient  du  seigneur  de  Mayenne, 

Bibl.  municip.  de  Laval,  fds  Couanier,  no  12207,  p.  9  (Original 
parchemin  ;  sceaux  disparus). 

Universis  présentes  litteras  inspecturis  Ricardus  Geduin 
et  Alanus  Geduin  in  Domino  salutem.  Noverint  universi 
quod  cum  nos  teneremus  ab  abbate  et  conventu  Fontis 
Danielis  terram  de  Thoth,  scilicet  très  acras  terre  sitas 
juxta  culturam  de  Thoth  sicuti  eamdem  terram  quondam 
tenueramus  a  defuncto  Juhello,  domino  Meduane,  ita  sane 
quod  pro  illa  tenenda  et  habenda  tenebamur  nos  et  heredes 
nostri  déferre  in  Angliam  dominum  Meduane  et  heredes 
ejus  et  ipsorum  nuncios  quociens  ipsi  vellent  in  Angliam 
transfretare  ;  preterea  cum  nos  prenominatum  servicium 
dictis  abbati  et  conventui  Fontis  Danielis  nec  vellemus  nec 
possemus  persolvere,  supradictam  terram  de  Thoth  et 
quidquid  in  ipsa  habebamus  nos  et  heredes  nostri  et  habere 
poteramus  sepedictis  abbati  et  conventui  reddimus  ex  inte- 
gro  et  reliquimus  possidendam  in  perpetuum  et  habendam 
tali  modo  quod  in  ipsa  terra  et  ejusdem  pertinentiis  nos  vel 
heredes  nostri  nichil  omnino  poterimusdeceteroreclamare. 
Sciendum  est  insuper  quod  dicti  abbas  et  conventus  pro 
redditione  et  quitatione  jam  dicte  terre  dederunt  et  persol- 
verunt  nobis  xiii*^'"  libras  turonensium,  de  quibus  nos 
tenuimus  pro  pagatis.  Preterea  sciendum  est  quod  si  nos 
vel  heredes  nostri  dictam  terram  non  possemus  vel  nolle- 
mus  guarantizare  predictis  abbati  et  conventui  imperpetuum 
et  defendere,  nos  et  nostri  heredes  pro  ipsa  terra  tenemur 
et  bona  fide  concessimus  terram  equivalentem  in  tenemen- 
tis  nostris  assignare  competenter  monachis  superius  nomi- 
natis  et  omnia  dampna  inde  habita  eisdem  ex  integro 
restaurare.  Hanc  autem  quitationem  et  reditionem  fecimus 
nos  de  voluntate  nostra  in  ecclesia  beati  Martini  de  Regis- 
villa  in  auditu  et  presentia  parochianorum  et  presentem 
cartulam  sigillis  nostris  confirmavimus  in  veritatis  per- 
henne  testimonium  et  munimen.  Actum  anno  Domini 
M«  ce*  XXX<>  V,  mense  octobris. 


—  481  — 


XXIX 

1235,  octobre.  Réville.  —  Abandon  par  Richard  Géduin 
de  la  terre  de  «  Toth  »,  sise  à  Ré^fille, 

Bibl.  municip.  de  Laval,  fds  Couanier,  n»  12207,  p.  8  (Original 
parchemin  ;  sceau  disparu). 

Notum  sit  omnibus  preseniibus  et  futuris  quod  ego 
Ricardus  Geduin,  filius  Herberti  Geduin,  reddidi  abbati  et 
conventui  Fontis  Danielis  terram  de  Thoth,  scilicet  très 
acras  terre  sitas  juxta  culturam  de  Thoth,  sicuti  Herbertus 
pater  meus  et  ego  eamdem  terram  quondam  tenueramus  a 
domino  Juhello  Meduane  defuncto,  ita  sane  quod  pro  illa 
tenenda  et  habenda  tenebamur  nos  et  heredes  nostri  déferre 
in  Anglia  dominum  Meduane  et  heredes  cjus  et  ipsorum 
nuncios  quociens  ipsi  vellent  in  Angliam  transfretare.  Et 
sciendum  quod  cum  ego,  post  decessum  patris  mei,  preno- 
minatum  servicium  dictis  abbati  et  conventui  Fontis  Danielis 
quibus  dictus  Juhellus,  dominus  Meduane,  dédit  quidquid 
habebat  vel  habere  poterat  in  manerio  Regisville,  sci- 
licet in  terris,  in  redditibus,  in  serviciis  et  in  omnibus  aliis 
rebus,  non  vellem  nec  possem  persolvere,  supradictam  ter- 
ram de  Thoth  et  quidquid  in  ipsa  habebam  et  habere  pote- 
ram  sepedictis  abbati  et  conventui  reddidi  ex  integro 
possidendam  in  perpetuum  et  habendam  tali  modo  quod  in 
ipsa  terra  et  ejusdem  pertinentiis  que  ad  me  vel  ad  heredes 
meos  pertinebant  vel  pertinere  poterant,  ego  Ricardus  et 
heredes  mei  nichil  omnino  poterimus  de  cetero  reclamare. 
Sciendum  est  insuper  quod  sepedicti  abbas  et  conventus 
pro  redditione  et  quitatione  sepedicte  terre  dederunt  et  per- 
solverunt  mihi  et  Alano,  fratri  meo,  xiii*^°*  libras  turonen- 
sium,  assensu  cujus  Alani  feci  redditionem  istam  et 
quitationem.  Preterea  sciendum  est  quod  si  ego  et  heredes 
mei  non  possemus  vel  nollemus  guarantizare  dictam  terram 
predictis  abbati  et  conventui  in  perpetuum  et  defendere, 
ego  et  heredes  mei  pro  ipsa  terra  tenemur  et  bona  fîde  con- 
cessi  terram  equivalentem  in  tenementis  nostris  assignare 
competenter  monachis  superius  nominatis  et  omnia  dampna 
inde  habita  eisdem  ex  integro  restaurare.  Hanc  autem  red- 
ditionem et  quitationem  feci  de  voluntate  mea  propria  in 
ecclesia  beati  Martini  de  Regisvilla,  in  auditu  et  presencia 
parochianorum  et  presentem  carlulam  sigillo  meo  confir- 
mavi  in  veritatis  perpétue  testimonium  et  munimen.  Actum 
anno  Domini  M*  CC^  XXX*  V®,  mense  octobris. 

31 


—  482  — 


XXX 

1237.  —  Accord  entre  Dreux  de  Mello  et  V abbaye  de  Fort-- 
taine-Daniely  portant  donation  par  le  premier  dune  terre 
sise  entre  le  chemin  d'Ernée  et  l'étang  du  Fauconnier, 

Bibl.  nat.,  Ut.  n.  acq.  1254,  fol.  36  r^. 

Universis  présentes  litteras  inspecluris  Drocho  de  Mel- 
loio,  dominus  Locharum  et  Meduane,  et  Isabellis,  uxor 
ejusdem,  domina  Meduane  et  Locharum,  salutem  in  Domino. 
Noveritis  quod  cum  contentio  verteretur  in  curia  offîcialis 
Cenomanensis  inter  nos  ex  una  parte  et  abbatem  et  con- 
ventum  Fontis  Danielis  ex  altéra,  super  hoc  quod  nos  tradi- 
deramus  cultoribus  quandam  partem  foreste  nostre  Meduane 
extirpandam  et  in  terram  arabilem  redigendam  in  qua  dicti 
abbas  et  conventus  et  plures  eorum  homines  plenarium  usa- 
gium  habebant,  tandem  sopita  est  predicta  contentio  sub 
hac  forma  videlicet  quod  nos  dedimus  et  concessimus  pre- 
nominato  abbati  et  conventui,  ad  omnimodam  voluntatem 
eorum  faciendam  in  perpeluum,  totam  terram  cum  nemore 
sitam  inter  cheminum  de  Erneia  et  stagnum  de  Falconeria, 
sicut  aqua  dividit,  que  derivatur  a  Ponte  Gelbert  usque  ad 
stagnum  de  Falconeria,  et  a  meta  posita  a  servientibus 
nostris  juxta  dictum  Pontem  Gelbert  directe  usque  ad  vêtus 
fossatum  situm  juxta  quercum  que  vocatur  Très  fratres,  et 
a  dicto  fossato  directe  usque  ad  quercum  sitam  juxta  chemi- 
num de  Erneia  a  dictis  servientibus  marquatam,  et  a  dicta 
quercu  sicut  cheminum  de  Erneia  descendit  usque  ad  caput 
calciate  de  Boutavent  et  a  dicta  calciata  usque  ad  stagnum 
de  Falconeria  superius  nominatum.  Sciendum  tamen  est 
quod  pratum  vocatum  Landreniomer,  infra  predictas  metas 
situm,  in  donatione  ista  non  continetur,  quia  ad  ipsos  de 
fundatione  sue  abbatie  pertinebat.  Preterea  sciendum  est 
quod  si  prenominati  abbas  et  conventus  in  predicta  terra 
mansionarios  constituerint,  ilii  mansionarii  eandem  habe- 
bunt  libertatem  et  eandem  franchisiam  quam  habent  homi- 
nes eorum  de  Boutavent  et  des  Coudrois  intra  Buronem  de 
Erqueneio  et  de  Parco  in  foresta  nostra  de  Meduana  per 
totam  terram  nostram  in  Cenomania  constitutam.  Item 
sciendum  est  quod,  si  nos  vel  heredes  nostri  aliquo  tempore 
supradictam  terram  reclamaverimus  vel  retractaverimus, 
sepediclis  monachis  pro  damnis  tenebimur  persolvere  sine 
dilatione  ducentas  marquas  argenti  et,  si  in  ipsis  persolven- 


—  483  — 

dis  moram  fecerimus,  tenebimur  nos  et  heredes  nostri 
omnia  damna  habita  in  dilatione  persolvendi  dictos  denarios 
ipsis  monachis  ex  integro  restaurare.  Item  sciendum  est 
quod  si  aliqui  religiosi  vel  seculares  vel  quelibet  alia  per- 
sona  in  omnibus  supradictis  rébus  aliquid  juris  reelamave- 
rint  et  obtinuerint,  nos  et  heredes  nostri  sepedicle  abbatie 
redditum  pro  redditu  equivalentem  reddere  tenebimur  et 
assignari  in  castellania  Meduane  et  omnia  damna  inde 
habita  restaurare.  Hec  autem  omnia  suprascripta  tenemur 
nos  et  heredes  nostri  deffendere  et  garantire  in  perpetuum 
nominale  abbatie  contra  omnes  homines  bona  flde,  sicut 
dictum  est,  firmiter  et  inviolabiliter  observare.  Sane  prefati 
monachi  quitaverunt  nobis  quicquid  juris  ipsi  et  homines 
ipsorum  reclamabant  in  prefata  illa  parte  foreste  Meduane 
quam  tune  temporis  tradideramus  cultoribus  excolendam. 
Preterea  concessimus  prefatis  abbati  et  conventui  quartam 
partem  passagii  omnium  quadrigarum  per  pontem  Meduane 
transeuntium  quam  ex  donatione  nobilis  viri  Theobaldi  de 
Matlefelon  in  perpetuam  habent  eleemosynam  per  manum 
allocatorum  suorum  vel  per  manum  suam  de  cetero  recipien- 
dam,  prout  sibi  viderint  utilius  expedire,  ita  videlicet  quod 
nos  et  heredes  nostri  totum  predictum  passagium  recipiemus 
tribus  septimanis,  quarta  vero  septimana  semper  proximo 
postventura  prefati  abbas  et  conventus  similiter  totum  réci- 
pient passagium  quadrigarum  in  perpetuum  ipsi  vel  allo- 
cati  eorum  per  manum  suam  libère  et  quiète  ;  si  vero  décima 
septimana  que  ratione  décime  ad  prioratum  pertinet  Meduane 
in  eadem  quarta  septimana  evenerit,  prior  Meduane  in  eadem 
septimana  percipiet  dictum  passagium,  prenominati  vero 
abbas  et  conventus  illud  percipient  semper  septimana  pro- 
ximo subsequenti  eo  modo  quo  superius  est  expressum.  Hic 
modus  in  perpetuum  tenebitur  videlicet  quod  sepedicti 
abbas  et  conventus  totam  coustumam  quadrigarum  per  dic- 
tum pontem  Meduane  transeuntium  in  quarta  septimana  per 
manum  et  per  districtionem  ipsorum  percipient  et  habebunt. 
Quod  ut  ratum  et  stabile  permaneat,  ego  dictus  Drocho, 
Locharum  et  Meduane  dominus,  presentem  chartam  sigil- 
lavi  et  confirmavi.  Et  ego  dicta  Isabellis,  domina  Meduane 
et  Locharum,  uxor  predicti  domini  Drochonis  de  Melloto, 
ducta  voluntate  spontanea,  non  coacta,  presentem  chartam 
cum  assensu  et  voluntate  dicti  Drochonis  de  Melloto,  domini 
mei,  sigillo  meo  sigillavi  et  me  obligavi  fide  prestita  corpo- 
rali  omnia  que  in  presenti  bac  *  charta  et  in  omnibus  aliis 

1 .  Hœc  in  codice. 


—  484  — 

chartis,  quas  prefati  abbas  et  conventus  habent,  sigillo  meo 
et  sigillo  dicti  domini  mei  Drochonis  continentur,  firmiteret 
inviolabiliter  observare,  renuntians  omni  exceptioni  juris  et 
facti  que  mihi  et  heredibus  meis  posset  competere,  fide 
prestita  corporali.  Datum  anno  Domini  millesimo  ducente- 
simo  tricesimo  septimo. 

XXXI 

1239,  juillet.  —  Donation  par  Dreux  de  Mello  et  Isabelle^ 
sa  femme,  de  cent  sous  mançais  à  prendre  sur  la  pré- 
voté de  Mayenne  au  jour  anniversaire  de  leur  décès. 

Bibl.  nat.,  Ut.  n.  acq.  1254,  fol.  42  v». 
Gro^^^-l^ni^eTonXartulaire  de  Fontaine-Daniel,  p.  165,  n<>cLvii. 

Omnibus  présentes  li lieras  inspecluris  Drocho  de  Mel- 
loto,  dominas  Locharum  et  Meduane,  et  Elizabeth,  ejus  uxor, 
domina  Meduane  et  hères,  salutem.  Noverit  universitas 
vestra  quod  nos  unanimiter  dedimus  in  puram  et  perpetuam 
eleemosynam  monachis  Fontis  Danielis  centum  solidos  ceno- 
manensium  *  annui  redditus  annuatim  percipiendos  et  capien- 
dos  in  firma  nostra  de  Meduana  in  festo  omnium  Sanctorum 
pro  anniversariis  nostris  die  nostri  obitus  singulis  annis  in 
perpetuum  faciendis.  Volumus  etiam  et  concedimus  quod 
dicti  centum  solidi  dictis  monachis  solvantur,  cum  alterum 
nostrum  mori  contigerit,  ac  si  ambo  decessissemus.  Ego 
aulem  predicta  Elizabeth  dictam  eleemosynam  volui,  dedi, 
concessi  spontanea,  non  coacta,  promittens  iîde  data  corpo- 
rali quod  contra  dictam  eleemosynam,  ut  dictum  est,  perme 
vel  per  alium  non  veniam  in  futurum.  In  cujus  rei  testimo- 
nium  et  memoriam  présentes  litteras  sigillorum  nostrorum 
munimine  fecimus  roborari.  Actum  anno  Domini  millesimo 
ducentesimo  tricesimo  nono,  mense  julio. 

XXXII 

1244.  —  Duplicata  par  Dreux  de  Mello  et  Isabelle,  sa 
femme,  de  deux  chartes,  l'une  de  1231  portant  donation 
des  terre  de  la  Bohorrière,  de  la  Huerie  et  de  la  Barbot- 
tiere  ;  Vautre  de  i2k2  portant  donation  de  la  Haie  sur 
Anxure, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  37  v». 
1.  Cenomanenses  in  codice. 


—  485  — 

Universis  présentes  litteras  inspecturis  Drocho  de  Mel- 
loto,  dominus  Locharum  et  Meduane,  et  Isabellis,  uxor 
ejus,  hères  et  domina  Meduane,  salutem  in  Domino.  Roga- 
verunt  nos  abbas  et  conventus  Fontis  Danielis  ut  renovare- 
mus  eis  duo  paria  litteranim  quas  eisdem  olim  dederamus 
diversis  temporibus,  sigillis  nostris  sigillatas,  sub  forma 
[de]  verbo  ad  verbum  inferius  annotata  : 

Universis  fidelibus  présentes  litteras  inspecturis  Drocho 
de  Melloto,  Locharum  dominus  et  Meduane,  et  Isabellis,  ejus 
uxor,  salutem  in  Domino.  Noveritis  quod  nos,  pro  amore 
Dei  et  salute  animarum  nostrarum  et  antecessorum  et  here- 
dum  nostrorum,  dedimus  in  puram  etperpetuam  eleemosy- 
nam  Deo  et  abbatie  de  Fonte  Danielis  et  fratribus  ibidem 
Deo  servientibus  terram  de  la  Bohorrière  et  terram  de  la 
Huerie  et  terram  de  la  Barbotière,  cum  pratis  et  omnibus 
juribus  ad  easdem  terras  et  prata  pertinentibus,  que  omnia 
tenebunt  abbas  et  fratres  dicte  abbatie  perpetuo  libère,  paci- 
fiée et  quiète,  ita  videlicet  quod  neque  nos  neque  succes- 
sores  neque  heredes  nostri  in  predictis  rébus  et  feodis 
aliquid  juris  vel  consuetudinis  poterimus  de  cetero  recla- 
mare.  Dicti  vero  abbas  et  monachi  predicte  abbatie  et  homi- 
nes  dictorum  monachorum  quitaverunt  nobis  omnia  damna 
et  injurias  que  dictis  hominibus  cum  aqua  stagni  nostri  de 
Bafleche  feceramus.  In  cujus  testimonium  présentes  litteras 
eis  dedimus  sigillorum  nostrorum  munimine  roboratas. 
Actum  anno  gratie  millesimo  ducentesimo  tricesimo  primo. 

Item. 

Universis  présentes  litteras  inspecturis  Drocho  de  Melloto, 
dominus  Locharum  et  Meduane,  et  Isabellis,  uxor  ejus, 
salutem  in  Domino.  Noveritis  quod  nos  pro  salute  anima- 
rum nostrarum  dedimus  in  puram  et  perpetuam  eleemo- 
synam  Deo  et  béate  Marie  de  Fonte  Danielis  et  monachis 
ibidem  Deo  servientibus  haiam  desuper  Ansuram  cum 
aqua  et  omnibus  pertinentiis  ejus,  prout  sita  est  a  molen- 
dino  de  TAngrunière  usque  ad  Montem  Gerouil,  et  haiam 
de  Gou  cum  aqua  et  omnibus  pertinentiis  prout  sita  est 
a  métis  foreste  Meduane  usque  ad  aquam  Ansure,  et 
quicquid  juris  habebamus  et  habere  poteramus  in  perpe- 
tuum  nos  et  heredes  nostri  in  dictis  haiis  hinc  et  inde  et 
aquis  cum  omnibus  pertinentiis  earum  tam  melioratis  quam 
meliorandis,  cum  omni  jure  et  dominio,  nihil  omnino  in 
premissis  nobis  et  nostris  heredibus  retinentes,  volentes  ut 
eadem  in  perpetuum  quieta  et  libéra  possideant  et  eisdem 


—  486  — 

possint  uti  tam  ipsi  quam  illi  quibus  ea  tradiderint  jure 
perpetuo  absque  contradictione  aliqua,  prout  voluerint  et 
sibi  melius  judicaverint  expedire.  Hec  autem  omnia  tenemur 
eisdem  nos  et  heredes  nostri  garantizare  et  defendere 
quieta  *  et  libéra  in  eternum.  Ego  vero  Isabellis,  spontanea 
voluntate,  non  coacta,  prcmissa  eisdem  de  licentia  domini 
mei  confirmavi.  In  cujus  rei  testimonium  et  munimen  pré- 
sentes litteras  sigillorum  nostrorum  munimine  roboravimus. 
Actum  anno  Domini  millesimo  ducentesimo  quadragesimo 
secundo. 

Nos  vero  de  premissis  conscii,  volentes  ut  premissa 
omnia  et  singula  dicti  monachi  perpetuo  pacifiée  posside- 
rent,  présentes  litteras  eisdem  monachis  sub  sigillorum  nos- 
trorum munimine  unanimi  voluntate  duximus  renovandas. 
Actum  anno  Domini  millesimo  ducentesimo  quadragesimo 
quarto. 

XXXIII 

1244.  —  Concession  par  Dreux  de  Mello  et  Isabelle,  sa 
femme,  du  droit  de  justice  sur  toutes  les  possessions  de 
r  abbaye. 

Bibl.  nat.»  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  38  r». 

Universis  présentes  litteras  inspecturis  Drocho  de  Mel- 
loto,  dominus  Locharum  et  Meduane,  et  Isabellis,  uxor  ejus, 
hères  et  domina  Meduane,  salutem.  Noveritis  quod  nos,  pro 
sainte  animarum  nostrarum,  in  puram  et  perpetuam  eleemo- 
synam,  unanimi  voluntate  et  consensu,  omnimodam  liberta- 
tem,  franchisiam,  jurisdictionem,  justitiam  altam  et  bassam 
dedimus  et  concessimus  abbati  et  conventui  Fontis  Danielis 
in  omnibus  rébus  et  possessionibus  et  quasi  possessionibus 
quas  possident  vel  quasi  possident,  dantes  eisdem  mona- 
chis quicquid  juris  habebamus  et  habere  poteramus  nos  et 
successores  nostri  in  premissis  omnibus  et  singulis  per 
totam  terram  nostram  undecumque  habucrint  res  predictas  ; 
et  ne  aliquis  in  posierum  ipsos  super  premissis  [perturbare] 
présumât,  volumus,  statuimus  et  gratiamus  obligantes  super 
hoc  nos  et  successores  nostros  et  omnia  bona  nostra  mobi- 
lia  et  immobilia  ut  quicumque,  tam  nostrum  quam  succes- 
sorum  nostrorum  omnium  et  singulorum,  premissis  omnibus 
et  singulis  que  continentur  in  chartis  omnibus  et  singulis 

1.  Quita  in  codice 


—  487  — 

quas  habent  dicti  monachi  undecumque  eas  habuerint  per 
se  vel  per  alium  vel  per  alios  contraierit  vel  quoquo  modo 
contraire  attentaverit,  quandocumque  et  quotiescumque  in 
perpetuum  hoc  presumptum  fuerit,  centum  marquas 
argenti  eisdem  monachis  nomine  pêne  sine  mora  solvere 
teneatur  et  omnia  damna  que  dictis  monachis  vel  alicui 
vel  aliquibus  pertinentibus  eisdem  pro  premissis  illata 
fuerint  ex  intregro  restaurare,  omnibus  premissis  et  sin- 
gulis  ad  utilitatem  monachorum  predictorum  robore  perpé- 
tue valituris.  Ego  vero  Isabellis  predicta.  de  premissis  fide- 
liter  observandis  et  de  non  veniendo  contra  per  me  vel  per 
alium  vel  per  alios,  pia  et  bona  et  spontanea  ducta  voluntate, 
non  coacta,  de  licentia  mariti  mei  domini  Drochonis  de 
Melloto,  fidem  prestiti  corporalem.  In  cujus  rei  testimo- 
nium  et  fidem  présentes  litteras  dedimus  sigillorum  nostro- 
rum  munimine  roboratas.  Actum  anno  Domini  millésime 
ducentesimo  quadragesimo  quarto. 


XXXIV 

1244.  —  Notification  par  le  doyen  de  Mayenne  y  Renaud^  de 
la  donation  du  droit  de  justice  faite  à  l'abbaye  par  Dreux 
de  Mello  et  sa  femme  Isabelle. 

A.  Arch.  de  la  Sarthe,  fonds  municipal  738,  p.  59.  —  Ex  titulo. 

B.  Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  41  r©. 

C.  Guyard  de  la  Fosse,  Histoire  des  seigneurs  de  Mayenne, 
preuves,  p.  xxxvi. 

Universis  présentes  litteras  inspecturis  Raginaldus,  deca- 
nus  de  Meduana,  salutem.  Noveritis  quod  nobilis  vir  Dro- 
cho  de  Melloto,  dominus  Locharum  et  Meduane,  [et  Isabellis, 
uxor  ejus,  hères  et  domina  Meduane]  S  in  nostra  pré- 
senta constituti,  recognoverunt  injure  coram  nobis  se  pro 
salute  animarum  suarum,  in  puram  eleemosynam  unanimi 
voluntate  et  consensu  omnimodam  libertatem,  franchi- 
siam,  potestatem,  juridictionem,  justitiam  altam  videlicet 
et  bassam  dédisse  et  concessisse  abbati  et  conventui  Fontis 
Danielis,  Cisterciensis  ordinis.  Cenomanensis  diœcesis,  in 
omnibus  rébus  et  possessionibus  et  quasi  possessionibus 
quas  possident  et  quasi  possident  tam  ipsi  monachi  quam 
homines  eorum  et  omnes  alii  eorumdem  monachorum  occa- 


1.  Les  mots  entre  crochets  se  trouvent  dans  A  et  dans  C. 


—  488  — 

sione,  quocumque  modo  premissa  omniaetsingula-posside- 
rint  Yel  quasi  possiderint,  dantes  eisdem  monachis  quic- 
quid  juris  babebant  et  habere  poterant  ipsi  nobiles  et 
eorum  saccessores  in  premissis  omnibus  et  singulis  per 
totam  terram  suam  undecumque  dicti  monachi  habuerint 
res  predictas.  Et  ne  aliquis  in  posterum  ipsos  monachos 
super  premissis  omnibus  et  singulis  perturbare  presumeret*, 
▼oluerunt,  statuenint  et  concesserunt  et  gratiaverunt  *,  obli- 
gantes  super  hoc  se  et  suceessores  suos  et  omnia  bona  sua 
mobilia  et  immobilia,  ut  quicumque,  tam  ipsorum  nobilium 
quam  successorum  suorum  omnium  et  singulorum,  premissis 
omnibus  et  singulis  Tel  illis  rébus  omnibus  et  singulis  [que 
continentur  in  cartîs  omnibus  et  singulis]  '  quas  habent 
dicti  monachi,  umdecumque  easdem  chartas  habuerint,  per 
se  vel  per  alium  vel  per  alios  contraiverit  *  vel  quoquo 
modo  contraire  attentaverit  quandocumque  et  quotiescumque 
hoc  in  perpetuum  presumptuum  fuerit,  centum  marquas  ' 
argenti  eisdem  monachis  nomine  pœne  sine  mora  solvere 
teneatur,  et  omnia  damna  que  eisdem  monachis  vel  alicui 
vel  aliquibus  pertinentibus  eisdem  pro  premissis  vel  super 
premissis  omnibus  et  singulis  illata  fuerint  ex  integro  rcs- 
taurare,  omnibus  premissis  et  singulis  ad  utilitatem  predic- 
torum  monachorum  robore  perpetuo  nihilominus  valituris. 
Dicta  vero  Isabellis,  pia  et  bona  et  spontanea  ducta  volun- 
taie,  non  coacta,  quod  etiam  tune  temporis  fatebatur  de 
licentia  mariti  sui  domini  Drochonis  predicti,  de  premissis 
omnibus  et  singulis  in  perpetuum  [fideliter]  •  observandis 
et  de  non  veniendo  contra  per  se  vel  per  alium  vel  per 
alios,  in  manu  nostra  fîdem  prestitit  corporalem.  Nos  vero 
a  dictis  nobilibus  presentialiter  rcquisiti  premissa  omnia  et 
singula  ordinaria  potesiate  per  nostras  litteras  présentes 
confirmavimus  et  easdem  litteras,  ad  petitionem  dictorum 
nobilium,  predictis  monachis  dedimus  sigilli  nostri  muni- 
mine  roboratas  in  premissorum  omnium  testimonium  et 
munimen.  Actum  anno  gratie  millesimo  CC®  quadragesimo 
quarto. 


1.  Presnrnserit^^. 

2.  Garantisaverunt  A  et  C. 

3.  Les  mots  entre  crochets  se  trouvent  dans  A  et  dans  C. 

4.  Contraierit  A, 

5.  Marchas  A, 

6.  A  et  C, 


—  489  — 


XXXV 

1246.  —  Donation  par  Dreux  de  Mello  et  sa  femme  Isabelle 
de  tous  leurs  droits  sur  les  Perrouins  et  sur  les  places 
{voisines. 

Bibl.  nat..  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  41  vo. 

Grosse -Dnperon,    Cartulaire    de   Fontaine  -  Daniel,  p.    193, 
qo  clxxxiii. 

Universis  présentes  litteras  inspecturis  Drocho  de  Melloto, 
Locharum  et  Meduane  dominus,  et  Isabellis,  uxor  sua.  do- 
mina Meduane  et  hères,  salutem  in  Domino.  Noveritis  quod 
nos  unanimi  consensu  et  voluntate  dedimus  et  concessimus, 
pro  salute  animarum  nostrarum  et  antecessorum  nostrorum, 
Deo  et  abbatie  Fontis  Danielis  et  monachis  ibidem  Deo  ser- 
vientibus,  quicquid  nos  et  heredes  nostri  habebamus  et  habere 
poteramus  in  Perrina  que  quondam  fuit  Gondoini  de  Roines, 
militis,  et  in  plateis  circa  Perrinam  a  domo  Gaufridi  Seirrat 
usque  in  aqua  Meduane,  ita  quod  nos  et  heredes  nostri  in 
dicta  Perrina  et  in  dictis  plateis  et  in  mansionariis  ibidem 
manentibus  nihil  juris  de  celero  poterimus  reclamare.  Dedi- 
mus etiam  et  concessimus  quod  mansionarii  in  dicta  Perrina  * 
et  in  dictis  plateis  habebunt  eandem  libertatem,  communi- 
tatem  et  quitantiam  quam  habent  alii  homines  dictorum 
monachorum  in  tota  terra  nostra  Meduane.  Quod  ut  ratum 
et  fîrmum  in  posterum  perseveret,  présentes  litteras  sigil- 
lorum  nostrorum  impressione  dignum  duximus  roborandas. 
Actum  anno  gratie  Domini  millesimo  ducentesimo  quadra- 
gesimo  sexto. 

XXXVI 

1248,  juin.  —  Assignation  sur  la  prévôté  de  Mayenne  de 
quatre  livres  tournois  léguées  par  Gervaise  de  Dinan  sur 
ses  moulins  d'Argentely  sis  au  pays  de  Dinan. 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  42  r». 

Grosse -Duperon,    Cartulaire   de   Fontaine  -  Daniel,    p.    205, 
no  cxc. 

Universis  présentes  litteras  inspecturis  Drocho  de  Melloto, 
dominus  Locharum  et  Meduane.  et  Isabellis,  uxor  ejus,  hères 
et  domina  Meduane,  salutem  in  Domino.  Noveritis  quod  nos 

1.  Le  manuscrit  répète  ici  le  dernier  membre  de  la  phrase 
précédente. 


—  490  — 

dedimus  et  concessimus  abbati  et  convenlui  Fontis  Danielis, 
Cisterciensis  ordinis,  quatuor  libras  turonensium  *  annui 
redditus  percipiendas  in  prepositura  Meduane  et  firma  ejus- 
dem  prepositure  singulis  annis  per  manum  prepositi  ejus- 
dem  ville  in  nativitate  Marie  Virginis,  in  concambio  quatuor 
librarum  turonensium  quas  eisdem  monachis  legaverat  in 
testamento  suo  Gervasia,  quondam  domina  Dinani,  cujus 
ego  Isabellis  predicta  filia  sum  et  hères,  et  assignaverat 
easdem  percipiendas  in  perpetuum  in  molendinis  suis  de 
Argantel,  in  territorio  Dinani,  pro  anniversario  suo  singulis 
annis  in  dicto  monasterio  in  perpetuum  faciendo.  Et  scien- 
dum  quod  prepositus  Meduane,  qui  fuerit  pro  tempore,  in 
perpetuum  tenebitur  reddere  dictis  monachis,  si  dicte  qua- 
tuor libre  turonensium  *  persolute  non  fuerint  prefixo  ter- 
mino,  singulis  annis  duos  solidos  cenomanensium  '  pro  pena 
singulis  hebdomadis  post  prefixum  terminum,  donec  eisdem 
monachis  super  dictis  quatuor  libri  turonensium  *  [in]  dicta 
prepositura  et  ejus  firma  a  nobis  eisdem  assignatis  fuerit  ple- 
narie  satisfactum.  Sciendum  est  etiam  quod  dicti  duo  solidi 
nunquam  computabuntur  in  sortem  si  eos  aliquando  pro 
pena  solvi  contigerit,  prout  superius  est  expressum.  In  cujus 
rei  testimonium  predictis  monachis  présentes  litteras  dedi- 
mus sigillorum  nostrorum  munimine  roboratas.  Actum  anno 
Domini  millesimo  ducentesimo  quadragesimo  octavo,  mense 
junii. 

XXXVII 

1248,  17  juillet.  — Notification  par  Gui,  éçêque  d'Auxerre, 
de  la  donation  de  100  sous  tournois  à  prendre  sur  la 
ferme  de  Mayenne^  faite  en  1239  par  Dreux  de  Mello  et 
sa  femme  Isabelle, 

Bibl.  nat.,  lat.  n.  acq.  1254,  fol.  42  ro. 

Grosse -Duperon,    Cartulaire    de   Fontaine  -  Daniel,   p.    206, 
no  cxci. 

Omnibus  présentes  litteras  inspecturis  Guido,  Dei  gratia 
Autissiodorensis  episcopus,  in  Domino  salutem.  Notum  fac- 
tum  sit  universis  quod  cum  carissimus  avunculus  noster 
Drocho  de  Melloto,  dominus  Locharum  et  Meduane,  cruce 

1.  Turonenses  in  codice. 

2.  Turonenses  in  codice. 

3.  Cenomanenses  in  codice. 

4.  Turonensibus  in  codice. 


—  491  — 

signatus  vellet  in  terre  sancte  subsidium  proficiscî,  idem 
Drocho  et  Elisabeth^  uxor  ejus,  in  nostra  presentia  consti- 
tuti,  recognoverunt  quod  cum  alias  videlicet  anno  Domini 
millesimo  ducentesimo  tricesimo  nono,  mense  julii,  idem 
Drocho  cruce  signatus  vellet  in  terre  sancte  subsidium  trans- 
fretare,  in  puram  et  perpetuara  eleemosynam^  legaverunt, 
dederunt  et  concesserunt  predicti  Drocho  et  Elisabeth  mo- 
nachis  de  Fonte  Danielis  centum  solidos  cenomanensium 
annui  redditus  annuatim  percipiendos  et  capiendos  in  firma 
sua  de  Meduana,  in  festo  Omnium  Sanctorum^  pro  anniver- 
sariis  dictorum  Drochonis  et  Elizabeth  die  obitus  ipsorum 
singulis  annis  in  perpetuo  faciendis,  ita  quod  dicti  centum 
solidi  dictis  monachis  solvantur,  cum  alterum  ipsorum  mori 
contigerit,  ac  si  ambo  pariter  decessissent.  Nos  autem,  ad 
petitionem  dictorum  Drochonis  et  Elisabeth,  sigillum  nos- 
trum  presentibus  litteris  duximus  apponendum.  Datum  anno 
Domini  millesimo  ducentesimo  quadragesimo  octavo,  die 
veneris  proxima  ante  festum  béate  Marie  Magdalene. 

(A  suivre). 

1.  Memoriam  m  codice. 


NOTE  RECTIFICATIVE 

Une  erreur  de  classement  nous  a  fait  mettre  sous  le  n^  XX  et 
dater  de  1218  une  charte  qui  aurait  dû  porter  le  n»  X  et  dont  la 
date  réelle  est  1208.  Nos  lecteurs  ont  rectifié  d'eux-mêmes  cette 
erreur  et  nous  n'y  serions  pas  revenu  si  la  charte  n'avait  quelque 
importance  et  ne  nous  servait  à  fixer  l'époque  où  mourut  Maurice 
de  Craon.  La  donation  de  Juhel  de  Mayenne,  en  effet,  accordant  à 
Tabbaye  de  Fontaine-Daniel  ses  halles  et  tout  droit  de  juridiction, 
fut  faite  en  partie  pour  le  repos  de  l'âme  de  Maurice  de  Craon  qui, 
la  même  année,  suivant  une  pièce  du  Cabinet  Brière  (charte  n»  YII), 
avait  constitué  une  rente  de  six  livres  angevines  à  prendre  sur  le 
trépas  de  la  Loire  à  Chantocé.  Or  un  acte  du  Cartulaire  d'Évron 
nous  apprend  que  le  seigneur  de  Craon  est  mort  le  25  juillet.  Il 
faut  donc  placer  cet  événement  le  25  juillet  1208. 

Lire  de  même  (n°  XYIII,  p.  310)  Amaury  au  lieu  de  Maurice. 


TESTINENT  DE  JEAN  LORENCIN 

BOUROEOIS     DE     LAVAL 

(12  août  1420) 


Sachent  tous  présens  et  avenir  que  pardevant  Jean 
Rousin,  clerc  tabellion  juré  de  nostre  cour  de  Laval  et 
notaire  de  la  cour  dudit  lieu,  aujourd'huy  a  été  présent 
personnellement  estably  Jean  Lorencin,  bourgeois, 
demeurant  en  la  ville  de  Laval,  étant,  par  la  grâce  de 
Dieu  notre  Créateur,  sain  en  pensée,  mémoire  et  enten- 
dement, combien  que  son  corps  soit  aucunement  détenu 
et  occupé  en  maladie,  lequel  dit  Lorencin  veut,  advise 
et  délibère,  a  fait,  devisé  et  ordonné  et  encore  par  la 
teneur  de  cest  présente,  fait,  devise  et  ordonne  son 
testament  et  dernière  volonté  en  la  forme  qui  s'en  suit. 

f  Au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint  Esprit.  Amen. 

Je  Jean  Lorencin  devant  dit,  considérant  et  attendant 
qu'il  n'est  chose  plus  certaine  de  la  mort,  ne  plus  dou- 
teuse et  incertaine  de  Theure  d'icelle,  et  pour  ce  à  cette 
fin  que  icelle  mort  jà  n'advienne  ne  me  trouve  aucune- 
ment dépourveu,  ne  voulant  nullement  décéder  intestat, 
mais  des  biens  et  choses  que  Dieu  en  ce  monde  m'a 
donnés  et  prestes  à  la  louange  de  luy  et  au  remède 
de  mon  âme  voulant  et  désirant  salutairement  disposer 
et  ordonner,  faire  et  ordonner  notre  derraine  volonté, 
dernier  devis  et  ordonnance  de  mesdits  biens  et  choses 
en  la  manière  et  forme  qui  s'ensuivent. 


—  493  — 

Premièrement,  je  présente  mon  âme  à  Dieu  mon  père, 
créateur,  à  la  glorieuse  Vierge  Marie,  sa  très  chère 
mère,  à  monseigneur  saint  Michel  et  à  toute  la  céleste 
cour  et  compagnie  de  Paradis,  et  mon  corps  quand  il 
sera  décédé  à  la  sépulture  de  notre  mère  Sainte  Eglise, 
laquelle  ma  sépulture  je  eslie  et  veux  estre  faite  en 
Téglise  de  la  Trinité  de  Laval,  devant  Tautel  monsei- 
gneur saint  Pierre.  Pour  icelle  ma  sépulture  estre  faite, 
je  donne  et  laisse  au  curé  et  fabrice  d'icelle  église  par 
moitié  la  somme  de  cent  sols  une  fois  payez,  ou  cinq  sols 
tournois  de  rente,  laquelle  qu^il  plaira  à  mes  héritiers. 

Item^  je  veux  et  ordonne  mes  recours  et  amendements 
estre  bien  et  deument  faits  et  les  debtes  que  je  dois  estre 
bien  et  loyalement  payez,  et  les  legs  et  ordonnances 
estre  bien  et  entièrement  accomplis,  ainsi  que  cy  après 
sont  exprimez  et  déclarez,  par  les  mains  de  mes  exécu- 
teurs cy  après  nommez. 

Item  y  je  veux  et  ordonne  deux  cent  messes  estre  dit- 
tes  et  célébrées  pour  le  salut  de  mon  âme,  tant  es  jours 
de  mon  obit  et  sepme  que  es  autres  jours  ensuivants, 
le  plus  tost  que  faire  se  pourra  ;  et  veux  et  ordonne  que 
es  jours  d'entre  mon  obit  et  sepme  soit  dite  une  vigile  et 
messe  à  note  et  la  prière  faite  pour  moy  par  chacun 
d'iceux  jours  pour  le  salut  et  remède  de  mon  âme. 

Item  en  outre,  je  veuil  et  ordonne  que  le  jour  de  mon 
obit  entour  de  mon  corps  ait  douze  torches  de  cire,  belles 
et  honnestes,  autant  au  jour  de  mon  sepme,  es  jours 
ensuivants  et  dedans  Tan,  qui  pourroient  le  nombre  de 
mille  messes  estre  dites  et  célébrées  pour  le  salut  et 
remède  des  âmes  de  mes  feus  père  et  mère  et  de  moy, 
des  père  et  mère  de  ma  femme  et  de  tous  mes  parents  et 
amis  défunts. 

Item  y  je  donne  et  laisse  perpétuellement  par  héritage 
à  la  Confrairie  aux  prestres  de  Laval,  une  pièce  de  terre 
que  j'ay  auprès  du  Bourg-Hercent,  devant  le  lieu  de  la 
Phelipotière,  au  fief  de  TEpine,  pour  demeurer  quitte  et 
déchargé  de  dix  sols  tournois  de  rente  que  madite  famé 


—  494  —  j 

et  moy  laissasmes  par  an  à  ladite  confrairie  pour  estre 
reçus  confrères  sur  icelle  ;  et  pour  ce  que  ladite  pièce  de  j 

terre  vaut  plus  que  les  dix  sols  de  rente,  je  veuil  et  | 

ordonne  que  ladite  confrairie  soit  tenue  faire  dire  et 
célébrer  chacun  an  perpétuellement  à  tel  jour  que  je 
décéderay  une  messe  de  Requien  pour  madite  femme  et 
pour  moy. 

Item ,  je  donne  et  laisse  à  Bertrand  Rallet  mon  che- 
val, mon  épée,  mon  bacinet,  mon  herbergeon  et  mes 
avant-bras. 

Item,  je  donne  et  laisse  audit  Bei^rand  et  ses  hairs  la 
maison  où  demeure  de  présent  Jeanne  Bachenière,  sise 
en  la  ville  de  Laval  près  la  maison  feu  Macé  Bonneau, 
parmy  ce  que  ledit  Bertrand  acquittera  et  payera  cha- 
cun an  d'icelle  maison  dix  sols  de  rente  au  jour  de  sainte 
Nativité,  cinq  deniers  maille  de  cens  à  Madame  de  Laval. 

Item^  je  donne  et  laisse  à  ma  filleule,  la  fille  Jeanne 
Rousseau,  dix  livres  tournois,  une  fois  payées. 

Item  à  la  mère  dudit  Jean  (sic)  cent  sols  ;  à  la  fille 
de  ladite  mère,  dix  livres,  une  fois  payées. 

Item,  je  donne  et  laisse  à  Jeanne,  fille  bastarde  de 
mon  feu  père,  la  somme  de  quinze  livres  tournois  une 
fois  payée  et  un  lit  de  toile  et  deux  paires  de  linceuls  et 
une  couverture. 

Item,  je  donne  et  laisse  à  Pierre,  frère  de  ladite 
Jeanne,  cent  sols  tournois  une  fois  payés,  un  lit  de  toile 
et  deux  paires  de  linceuls  et  une  couverture. 

Item,  je  donne  et  laisse  à  ma  chambrière  que  j'ay  de 
présent  soixante  sols  tournois,  une  fois  payé,  outre  ses 
salaires  et  moitive. 

Item,  je  donne  et  laisse  perpétuellement  au  curé 
et  fabrique  de  l'église  du  Bourgneuf  la  Forest  dix  sols 
tournois  de  rente  que  me  doit  chacun  an  un  nommé  André 
Jouse  du  Plessie,  d'icelle  paroisse,  pour  estre  recom- 
mandé chacun  an  perpétuellement  chacun  dimanche  en 
ladite  église  et  estre  participant  aux  prière  et  oraison 
d'icelle. 


—  495  — 

Item  y  je  donne  à  tous  mes  métayers  tous  les  jours  de 
charrois  du  pays  d'Anjou  qu'ils  me  doivent  de  tout  le 
temps  passé. 

Item^  je  donne  et  laisse  à  Gilot  Cheverier  soixante 
sols  tournois  une  foiz  payé. 

Item^  je  donne  et  laisse  à  Jean  Lelavandier  soixante 
sols  tournois,  une  fois  payé. 

Item^  je  veuille  et  ordonne  un  veage  estre  fait  à  Mon- 
seigneur Saint-Michel  du  Mont  de  la  Tumbe,  un  autre 
veage  à  Nostre-Dame  de  Roche  Amadour,  et  en  outre 
à  Monseigneur  Saint-Jacques  en  Galice,  et  à  chacun 
d'eux  je  donne  et  laisse  cinq  sols  tournois  une  fois  donné 
pour  oblation. 

Item^  je  donne  et  laisse  aux  églises  de  la  Trinité  de 
Laval,  de  Saint-Tugal,  Saint-François,  Saint-Martin, 
Sainte-Catherine,  de  Nostre-Dame  de  Pris,  du  Cimetière- 
Dieu,  de  Saint-Julien,  de  Saint-Etienne,  de  Nostre-Dame 
d'Avénière,  de  Saint-Nicolas,  à  chacune  d'icelle,  cinq  sols 
tournois,  une  fois  payé. 

Item,  je  donne  et  laisse  aux  frères  mineurs  de  Saint- 
François  de  Laval  quarante  sols  tournois,  une  fois  payé. 

Item,  je  donne  et  laisse  aux  pauvres  de  la  Maison 
Dieu  de  Saint- Julien  de  Laval  vingt  sols  tournois,  une 
fois  payé. 

Item,  je  donne  et  laisse  à  la  Charité  de  Nostre-Dame 
de  Pris  trente  sols  tournois,  une  fois  payé. 

Item,  je  donne  et  laisse  à  Marie  Valette,  sœur  dudit 
Bertrand,  la  somme  de  dix  livres  tournois  une  fois  payé, 
pour  prier  Dieu  pour  Tâme  de  moy. 

Item,  je  donne  et  laisse  à  Jeanne  de  Soveroy  (Sauve- 
ray  ?)  ma  très  chère  et  très  amie,  femme  et  épouse,  en 
pure  aumosne,  la  somme  de  cent  livres  tournois  une  fois 
payée. 

Itemy  confesse  devoir  à  Jamet  Lefranc,  et  au  nommé 
Courberon,  charpentier,  la  somme  de  vingt  sols  tour- 
nois. 

Item,  je  veuil  fonder  et  ordonner  une  chapellenie  per- 


—  496  — 

pétuelle  de  deux  messes  par  chacune  sepmaine  estre 
deservie  et  célébrée  en  ladite  église  de  la  Trinité  de 
Laval,  à  Tautel  de  Monseigneur  Saint-Pierre,  pour  le 
salut  des  âmes  de  tous  mes  amis  et  parens  deffunts  et  de 
moy,  à  la  fondation  et  dotation  de  laquelle  dite  chapel- 
lenie  je  donne  et  laisse  la  métairie  de  la  Durandais  et 
la  métairie  de  Domin,  sises  en  la  paroisse  du  Bourgneuf 
de  la  Forest,  ainsi  qu'elles  se  poursuivent  et  compor- 
tent, leurs  appartenances,  sans  aucune  réservation  ;  et 
vueil  et  ordonne  que  la  présentation,  droit  de  patronage 
d*icelle  dite  chapelle  soit  et  appartienne  perpétuellement 
à  Simon  Rousel  et  à  son  principal  hoir  et  à  leurs  succes- 
seurs successivement,  et  la  collation,  provision  et  toute 
autre  autre  disposition  à  R.  P.  en  Dieu  Mgr  Tévesque 
du  Mans  et  à  ses  successeurs.  En  laquelle  chapellenie 
je  veuil  que  maistre  Jean  André,  prestre,  soit  le  premier 
chapelain  présenté  et  que  d'icelle  il  soit  pourveu  et  receu 
et  ordonné,  que  nul  autre  ne  puisse  obtenir  ladite  cha- 
pellenie. Et  en  outre  vueil  que  les  diligences  de  la  fon- 
dation et  du  droit  de  finance,  d'amortissement  et  d'indem- 
nité des  dites  choses  héritaux  et  de  toutes  autres  choses 
qui  à  ladite  fondation  seront  convenables  et  nécessaires, 
seront  faites  à  mes  despens  par  les  mains  de  mon  exécu- 
teur le  plus  tost  qu'il  pourra. 

Item^  je  retiens  et  détiens  le  revenu  de  tous  mes  héri- 
tages de  trois  ans  prochains  venant  après  mon  déceds, 
avec  tous  et  chacun  mes  biens  meubles  pour  convertir 
en  mon  exécution  et  sans  aucune  réserve  demeureront 
de  mesdits  bien  meubles  et  des  revenus  de  mes  héri- 
tages par  lesdits  trois  ans,  madite  exécution  première- 
ment accomplie.  Je  vueil  et  ordonne  que  iceluy  résidu 
soit  donné  et  attribué  par  les  mains  de  mesdits  exécuteurs 
à  pauvres  gens,  à  pauvres  passants  et  à  pauvres  orphe- 
lins, et  autrement  en  telle  manière  qu'ils  verront  le  plus 
profitable  pour  le  salut  et  remède  de  mon  àme. 

Item,  quant  à  l'exécution  de  cest  dit  mon  présent  tes- 
tament ou  derraine  volonté  faire  exécuter  et  loyalement 


—  497  — 

accomplir,  je  eslie,  fais,  nomme,  constitue,  départie, 
ordonne  mes  exécuteurs,  c'est  à  savoir  ladite  Jeanne  de 
Soveroy,  ma  très  amée  compagne  et  espouse,  Macé 
Hatin  (Hatry  ?),  Messire  Jean  Pommeron,  prestre,  et 
Simon  Rousel  et  deux  d'iceux  pour  le  tout.  Auxquels 
mes  exécuteurs  je  donne  plein  pouvoir,  autorité  et  man- 
dement spécial  de  celuy  mon  testament  et  derraine 
volonté  faire  exécuter,  enterriner  et  loyalement  accom- 
plir en  la  manière  dessus  déclarée,  et  généralement  de 
faire  toutes  et  chacunes  les  choses  qui  à  madite  exécu- 
tion seront  nécessaires  et  convenables  et  que  moy  même 
ferois  et  faire  pourrois,  si  je  vivois  et  en  ma  personne  y 
estois,  jaçoit  qu'aucune  chose  y  eût  qui  requiert  mande- 
ment plus  spécial 

(Révoque  tous  testaments  antérieurs...,  donne  dix 
livres  à  chacun  des  exécuteurs). 

Je  vueil  et  requiers  que  iceluy  testament  soit  scellés 
des  sceaux  establis  et  dont  on  use  au  contracts  de  la  cour 
de  Laval  et  du  scel  de  la  court  du  doyen  dudit  lieu. 

Et  nous  le  garde  desdits  sceaux  de  la  cour  de  Laval, 
à  la  requeste  dudit  testateur  et  à  la  relation  dudit  Rous- 
sin,  tabellion  des  susdits,  auquel  ajoutons  plenière 
foy,  lesdits  sceaux  avons  mis  et  apposés  en  tesmoin  de 
vérité. 

Ce  fut  fait  et  passé  en  la  présence  de  Jean  Rousseau, 
de  Jeanne  Gust  et  de  Michel  Saibouez,  le  douze  du  mois 
^        d'aoust,  Tan  de  grâce  mil  quatre  cent  ving^  ^ 

1.  Arch.  de  la  Mayenne,  E,  Copie  du  xviiie  siècle  très  fautive. 
Le  pouillé  de  1508  mentionne  la  chapellenie  fondée  par  notre  bour- 
geois :  «  Capellania  fundata  per  defunctum  Johannem  Laurentii, 
in  ecclesia  de  Trinitate  Lavallis,  ad  altare  Sancti  Pétri  »  (Longnon, 
Pouillés  de  la  province  de  Tours,  p.  129). 


32 


LA  CHAPELLE  DES  BÉNÉDICTINES  DE  LASSAT 


A  la  demande  des  habitants  de  Lassay,  écrit  M.  Tabbé 
Ângot,  le  prieuré  de  Sainte-Scolastique  de  Laval  con- 
sentit à  leur  envoyer  quelques  religieuses  que  la  supé- 
rieure, Louise  Le  Boul,conduisitetinstallaprovisoirement 
en  1631  dans  une  maison  voisine  de  la  chapelle  de  Saint- 
Sauveur.  Cette  chapelle  leur  fut  affectée,  et  Charles  de 
Beaumanoir,  évéque  du  Mans,  approuva  leur  établisse- 
ment par  lettres  du  23  juillet  1632  ^  Mais  la  maison 
prospérant,  la  prieure,  Jeanne  de  la  Crossonnière,  par 
actes  des  5  octobre  1634,  15  septembre  1636  et  12  mars 
1644,  attestés  de  M«  François  Héreau,  notaire  à  Lassay, 
acquit  de  M*  Jean  Thoumin,  sieur  de  Montaigu,  de 
M»  François  Bellaillé,  avocat,  et  d'Olivier  Lottin,  le  lieu 
de  Montaigu,  dans  la  ville,  dont  elle  voulait  faire  le 
couvent  et  Tenclos  y  attenant.  Elle  présenta  alors 
requête  à  Josias  de  Madaillan,  seigneur  de  la  Baroche- 
Gondouin,  qui,  par  acte  du  30  novembre  1634,  avait 
promis  de  recevoir  d'elle  «  le  droit  d'indemnité  »  ;  ce 
droit  fut  modéré  à  12  pistoles  d'or  d'Espagne  payées 
comptant,  mais  en  faisant  remise  du  surplus,  il  imposa 
la  charge  d'un  service  annuel  et  perpétuel  qui  devait  se 
célébrer  le  2  janvier  et  se  réserva  la  faculté  d'élever  à 
ses  frais  une  chapelle  à  côté  de  celle  des  religieuses,  d'y 
mettre  un  banc  et  ses  armoiries. 

Par  acte  du  4  février  1641,  René  du  Bellay,  chevalier 
de  l'ordre  du  roi,  comte  de  la  Feuillée  et  seigpieur  du 

1.  Dictionnaire  historique  de  la  Mayenne,  t.  II,  p.  553. 


—  499  — 

Bois-Thibault,  acheta,  devant  Marin  Frenot,  notaire, 
de  François  de  Madaillan  et  de  Françoise  de  Gilbert, 
sa  femme,  les  fiefs  de  Saint-Fraimbault,  la  Drouardière 
et  la  Baroche-Gondouin  dans  la  mouvance  desquels 
était  situé  le  couvent  ;  les  religieuses  rendirent  obéis- 
sance les  10  et  13  octobre  1656,  et  employèrent  dans 
leur  dénombrement  les  conditions  qui  leur  avaient  été 
imposées  en  1634.  Les  seigneurs  d'ailleurs  n'usèrent 
point  de  la  faculté  qu'ils  s'étaient  réservée,  tout  en 
maintenant  leur  droit,  chaque  fois  que  l'occasion  s'en 
présentait. 

Ainsi,  lorsqu'en  1744,  les  religieuses  résolurent  de 
mettre  bas  leur  chapelle  primitive,  une  enquête  se  fit 
par  le  sénéchal  de  la  juridiction  sur  l'état  des  lieux  et 
la  nécessité  qu'il  y  avait  de  reconstruire  un  édifice  jugé 
par  trop  incommode.  Pichot  de  la  Grave  rie,  qui  était 
alors  sénéchal  du  Bois-Thibault  et  de  qui  nous  tenons 
ces  détails,  nous  a  conservé  dans  ses  papiers  le  procès- 
verbal  qu'il  dressa  à  cette  occasion  ;  cette  pièce  de  pro- 
cédure nous  a  semblé  assez  intéressante  pour  être 
publiée  ici  :  nous  la  donnons  ci-dessous  sans  plus  de 
commentaire,  en  ajoutant  toutefois  que,  d'après  M.  l'abbé 
Angot,  la  chapelle  était  réédifiée  en  1749.  Celle  du  sei- 
gneur ne  devait  jamais  sortir  de  terre. 

«  Du  ving^-cinquième  jour  de  juin  1744  *. 

«  Nous,  René  Pichot  de  la  Graverie,  etc.,  sénéchal 
des  fiefs  et  seigneuries  du  Bois-Thibault,  etc.,  sommes 
à  la  requête  et  en  présence  de  M*  René  Le  Tord,  sieur 
de  la  Malvandière,  notaire  royal,  greffier,  en  exécution 
de  notre  ordonnance  du  ving^  de  ce  mois,  transporté  à 
l'église  et  maison  des  dames  religieuses  du  couvent  de 
Notre-Dame  de  Grâce  de  Montagu  de  Lassay  où  étant, 
sur  les  trois  heures  de  relevée,  avons  trouvé  M®  Jacques 
Blanchet,  prêtre,  leur  chapelain  et  leur  procureur,  qui 
nous  a  dit  et  représenté  que  les  dites  dames  religieuses, 

1.  Bibl.  de  Laval,  fds  Couanier,  n»  12224,  fol.  200  ro. 


—  500  — 

ayant  remarqoé  qoe  leur  église  n'étoii  pas  assez  grande 
et  spacieuse  pour  y  faire  le  service  divin  ;  que  d'ailleurs 
elle  est  trop  basse  et  mal  constroite  et  le  chœur  où  se 
placent  les  dites  dames  trop  petit,  incommode  et  obscur, 
elles  avoient  pris  le  dessein  de  faire  construire  à  neuf 
une  autre  église  plus  grande  et  plus  commode  et  de 
faire  faire  un  chœur  pour  elles,  proche  la  dite  nouvelle 
église,  et  qu^elles  étoient  dans  Fintention  de  faire  cons- 
truire les  dites   église  et   chœur   au   dessus   de  leur 
maison,  dans  le  terrain  du  jardin  et  d'une  cour  qui  sont 
sortis  du  champ  nommé  le  Pont,  entouré  du  chemin  ten- 
dant de  Lassay  à  Mayenne,  du  champ  appartenant  au 
sieur  Fortou,  prêtre,  et  du  jardin  et  enclos  des  dites 
dames  ;  que  pour  cet  effet  elles  en  ont  donné  avis  à 
Mademoiselle  Marie- Vincente-CIarisse  du  Mats  du  Bros- 
say,  dame  de  cette  seigneurie  du  Bois-Thibault,  dans  la 
mouvance  de  laquelle  seigneurie  sont  situés  Téglise, 
maison  et  enclos  et  le  terrain  et  champ  où  elles  veulent 
faire  leurs  dites  église  et  chœur,  ce  qui  nous  a  donné 
lieu  d'entrer  dans  Téglise  actuelle  des  dites  dames  située 
dans  la  mouvance  de  cette  seigneurie  ;  laquelle  église 
nous  avons  remarquée  être  trop  petite,  n'être  pas  conve- 
nable pour  faire  le  service  divin,  qu'il  n'y  a  point  de 
sacristie,  ce  qui  oblige  le  prêtre  célébrant  de  s'habiller 
proche  l'autel  ;  qu'elle  ne  peut  contenir  que  très  peu  de 
personnes,  quoiqu'il  y  ait  souvent  aflluence  de  monde 
pour  assister  à  la  messe  et  aux  vespres  ;  que  le  chœur 
des  dites  dames  religieuses  n'est  pas  assez  spacieux,  se 
trouve  très  obscur  et  incommode  et  que,  par  consé- 
quent, leur  dessein  pour  faire  construire  une  église  et 
chœur  est  très  louable  et  absolument  nécessaire,  ce  qui 
nous  a  engagé  de  nous  transporter  avec  le  dit  sieur 
Blanchet  et  le  procureur  fiscal  sur  le  terrain  destiné 
pour  y  construire  la  dite  nouvelle  église,  sacristie  et  le 
chœur  des  dites  dames  religieuses  proche  et  au  dessus 
de  la  maison  des  dites  dames  dans  le  jardin,  cour  et  le 
dit  champ  du  Pont  où  le  dit  sieur  Blanchet  nous  a  fait 


—  501  — 

remarquer  que  cette  église  sera  bâtie  dans  le  dit  jardin, 
cour  et  mesme  dans  remplacement  d'une  petite  maison 
qui  se  trouve  existante  et  qui  sera  démolie  ;  que  cette 
église  aura  environ  60  pieds  de  long  sur  22  de  large  et 
que  le  chœur  des  dites  dames  sera  entre  Tancien  parloir 
et  la  dite  église,  de  sorte  que  nous  avons  remarqué  que 
cette  église,  sacristie  et  chœur  se  trouveront  dans  le 
terrain  de  cette  mouvance,  au  moyen  de  quoi  observons 
qu'il  n'est  fait  aucun  préjudice  ni  novation  aux  droits  de 
Mademoiselle  dame  de  cette  seigneurie  du  Bois-Thi- 
bault, en  conséquence  des  indemnités  ci-devant  accor- 
dées aux  dites  dames  religieuses,  datées  et  énoncées 
dans  notre  procès-verbal  du  dit  jour  vingt  du  présent 
mois,  et  en  se  soumettant  les  dites  dames  religieuses  et 
en  s'obligeant  d'exécuter,  par  rapport  à  la  nouvelle 
église,  sacristie  et  chœur,  les  conditions  rapportées  dans 
les  dits  actes  d'indemnité  et  dans  les  anciennes  obéis- 
sances rendues  à  cette  seigneurie  et  entre  autres  que 
Mademoiselle  et  ses  successeurs  propriétaires  de  cette 
seigneurie  auront  la  faculté  de  faire  construire  à  leurs 
frais,  quand  bon  leur  semblera,  une  chapelle  à  côté  de  la 
dite  nouvelle  église,  d'y  faire  placer  un  banc  et  armes 
au  dedans  de  la  dite  chapelle,  mesme  au  dehors. 

«  Pour  à  quoi  parvenir,  nous  nous  sommes  transportés 
au  parloir  externe  des  dites  dames  religieuses  où  nous 
avons  trouvé  dame  Henriette  du  Hardas  d'Hauteville, 
supérieure,  Jeanne  Le  Marchand,  discrète  et  secrétaire 
du  chapitre,  Françoise  du  Fay,  boursière,  et  Marie 
Dupin,  seconde  dépositaire,  toutes  religieuses  professes 
de  chœur,  auxquelles  avons  fait  donner  lecture  de  ce  que 
dessus  par  notre  greffier  ;  après  quoi  elles  ont  dit 
approuver  et  confirmer  le  rapport  fait  par  le  dit  sieur 
Blanchet  et  consentir  exécuter,  à  Tégard  de  la  nouvelle 
église  et  chœur  qu'elles  se  disposent  de  faire  construire, 
les  obligations  et  conditions  rapportées  dans  les  actes 
d'indemnité  datées  dans  notre  dit  procès-verbal  du 
25  juin  du  présent  mois  et  que  Mademoiselle,  comme 


—  502  — 

dame  propriétaire  de  cette  seigneurie  du  Bois-Thibault, 
et  ses  successeurs  propriétaires  de  la  même  seigneurie 
auront  la  faculté  de  faire  construire,  quand  bon  leur 
semblera  et  aux  frais  de  Mademoiselle  et  de  ses  dits 
successeurs,  une  chapelle  à  côté  de  la  dite  nouvelle 
église,  d'y  faire  placer  un  banc  et  armes  conformément 
aux  dits  actes  d'indemnité,  n'entendant  les  dites  reli- 
gieuses faire  aucun  préjudice  ni  novation  aux  droits  de 
Mademoiselle  et  de  ses  successeurs  propriétaires  de 
cette  seigneurie,  lesquels  seront  exercés  ainsi  qu'ils 
l'auroient  pu  être,  si  la  dite  nouvelle  église  n'étoit  pas 
construite. 

«  De  tout  quoi  avons  donné  acte  aux  parties,  les  en 
avons  jugées.  Fait  et  donné  au  parloir  des  dites  dames 
religieuses  les  jour  et  an  que  dessus.  » 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


SEANCE  DU  12  DECEMBRE 

La  séance  est  ouverte  à  deux  heures,  sous  la  prési- 
dence de  M.  Moreau,  président. 

Sont  présents  :  M.  Emile  Moreau,  président  ; 
M.  Trévédy,  vice-président  ;  MM.  AUeaume,  marquis 
de  Beauchesne,  Goupil,  Gouvrion,  Laurain,  comte  Foul- 
ques de  Quat rebarbes,  membres  titulaires  ;  M.  Morin, 
membre  correspondant. 

Se  font  excuser  :  MM.  Tabbé  Angot,  Labbé,  Léon 
de  Lorière  et  Richard. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu  et 
adopté. 

La  Commission  procède  à  l'élection  d'un  membre  titu- 
laire en  remplacement  de  M.  Thuau,  décédé.  M.  Chiron 
du  Brossay  est  nommé  par  acclamation. 

M.  Laurain  donne  lecture  d^une  lettre  de  M.  Emile 
Rivière,  directeur  à  FEcole  des  Hautes -Etudes,  de 
laquelle  il  résulte  que  les  trois  actes  trouvés  par  lui 
dans  les  registres  du  Châtelet  et  relatifs  à  Ambroise 
Paré,  ont  été  connus  par  M.  Le  Paulmier,  qui  les  a  déjà 
publiés. 

A  ce  propos,  M.  de  Beauchesne  dit  qu'il  a  trouvé  éga- 
lement, dans  les  registres  du  Parlement  de  Paris,  un 
acte  assez  curieux  sur  le  grand  chirurgien  Lavallois  ;  il 
en  donnera  communication  dans  une  de  nos  prochaines 
réunions. 


—  504  — 

Conformément  au  désir  exprimé  par  la  Commission, 
M.  Laurain  a  écrit  à  M.  Picot  pour  lui  demander  des 
renseignements  complémentaires  sur  les  deux  monu- 
ments signalés  par  lui  au  Petit-Vieux-Sou  de  Brecé,  et 
lui  a  envoyé  Tétude  de  M.  Faucon.  M.  Picot  lui  a  immé- 
diatement adressé  la  lettre  suivante  : 

ce  J'ai  remarqué,  en  suivant  le  bord  de  la  Colmont, 
Fénorme  pierre  qui  borde  Teau  (mentionnée  par 
M.  Faucon)  ;  pour  moi,  ce  n'est  pas  un  monument  méga- 
lithique. J'ignorais  dans  le  taillis  à  gauche  l'embryon  de 
dolmen  qu'il  signale  ;  aussi  ne  me  suis-je  pas  dérangé 
pour  le  voir.  Mais  cela  vous  indique  combien  cette 
vallée  est  riche  en  monuments  inconnus,  perdus  dans  la 
brousse.  M.  Faucon  parle  bien  de  ces  restes  de  dolmen, 
mais  il  ignore  qu'à  1.500  mètres  il  y  en  a  un  complet  et 
très  important,  puisque,  si  nos  souvenirs  sont  fidèles, 
l'allée  ne  compte  pas  moins  de  sept  pierres  de  chaque 
côté,  ce  qui  donne,  avec  les  pierres  de  couverture, 
22  pierres  environ. 

«  Il  est  situé  sur  un  chemin  qui  va  de  la  lande  du 
Grand- Vieux-Sou  au  Petit- Vieux-Sou,  dans  l'angle  d'un 
champ  à  droite,  dépendant  de  la  ferme  du  Petit- Vieux- 
Sou  et  appartenant  à  M""  Varière,  tout  à  côté  de  la 
barrière.  Le  bois  ayant  été  coupé,  on  le  voit  du  chemin 
couronnant  un  tumulus  inculte.  Trois  des  pierres  de 
couverture  sont  seules  en  place,  les  autres  sont  renver- 
sées. Je  crois  ce  dolmen  plus  important  que  celui  de  la 
Conterie,  que  je  connais  fort  bien. 

«  L'autre  dolmen  est  sur  l'autre  rive  de  la  Colmont, 
en  haut  de  la  colline.  La  lande  où  il  est  situé  se  trouve 
derrière  les  bâtiments  de  la  ferme  du  Rocher.  Une  seule 
pierre  de  couverture  est  en  place,- les  autres  sont  à  côté. 

«  Non  loin,  se  voit  une  pierre  plate,  mesurant  un 
mètre  en  tout  sens,  sur  la  surface  de  laquelle  apparais- 
sent sept  stries  longitudinales.  C'est  un  polissoir. 

«  A  la  Chaise,  ferme  voisine,  dans  un  champ  joignant 
le  jardin,  s'élève  un  menhir  droit  et  effilé,  haut  de  deux 


—  505  — 

mètres  ;  il  semble  reposer  sur  une  base  grossièrement 
taillée  en  cône.  » 

M.  Moreau  pense  qu'il  y  a  lieu,  lorsque  la  bonne 
saison  sera  venue,  d'organiser  une  petite  excursion 
pour  étudier  ces  monuments  mégalithiques.  M.  Gou- 
vrion  désigne  à  ce  propos  un  vieil  habitant  de  Brecé, 
nommé  Trohel,  qui  connaît  merveilleusement  toute  la 
région  et  servirait  volontiers  de  guide  à  ceux  des  mem- 
bres de  la  Commission  qui  désireraient  prendre  part  à 
cette  excursion. 

M.  de  Quatrebarbes  présente  trois  photographies 
prises  par  lui  au  monument  des  Provenchères  en  train 
de  disparaître  sous  la  pioche  des  démolisseurs.  La  Com- 
mission décide  qu'elles  seront  publiées  dans  le  Bulletin^ 
en  même  temps  qu'une  note  explicative  de  M.  l'abbé 
Angot. 

M.  de  Quatrebarbes  s'intéresse  toujours  à  la  publica- 
tion du  Cartulaire  de  la  Roë.  Il  se  fait  fort  d'obtenir  com- 
munication de  la  copie  exécutée  jadis  par  M.  de  Bodard, 
dans  le  cas  où  les  auteurs  voudraient  ajouter  des  anno- 
tations au  texte  du  Cartulaire.  Après  un  échange 
d'observations,  M.  Laurain  veut- bien  se  charger  du 
travail  critique  que  demande  la  publication  projetée  par 
MM.  de  Farcy  et  Planté.  Il  s'entendra  à  ce  sujet  avec 
nos  deux  collègues. 

M.  de  Beauchesne,  au  nom  de  M.  l'abbé  Calendini  et 
de  la  Société  historique  de  La  Flèche,  invite  la  Commis- 
sion à  un  Congrès  qui  se  tiendra,  sous  la  présidence 
de  M.  Lefevre-Pontalis,  à  la  Flèche  même,  dans  les 
premiers  jours  de  juin.  Des  programmes  détaillés  de 
cette  réunion  seront  adressés  ultérieurement. 

Rien  n'étant  plus  à  l'ordre  du  jour,  la  séance  est 
levée  à  quatre  heures. 


BIBLIOGRAPHIE 


Les  Quatorze  prêtres  martyrs  de  Laval,  21  janvier  1794. 

—  Laval,  imp.  de  la  Croix  de  la  Mayenne^  1907.  —  In-8*, 
xiv-34  p. 

Le  16  mai  1817,  un  chanoine  Leveau,  chapelain  de  Thôpi- 
tal  du  Mans,  écrivait  à  M.  Duchemin  de  Villiers,  alors  pro- 
cureur du  roi  à  Laval,  la  lettre  suivante  *  : 

«  Monseigneur  notre  évèque,  pour  Fhonneur  de  notre 
religion,  pour  Tédification  des  fidèles,  est  dans  le  dessein 
de  faire  transmettre  à  la  postérité  le  martyre  de  tous  les 
ecclésiastiques  qui  sont  morts  sur  l'échaffaud  pour  la  reli- 
gion et  la  foy  de  Jésus-Christ  dans  notre  diocèse,  c'est-à- 
dire  pour  refus  des  sermens  exigés  par  ceux  qui  nous  gou- 
vernoient  avec  autant  d'injustice  que  de  violence  dans  les 
malheureux  tems  de  la  Révolution,  et  c'est  de  la  part  de 
notre  digne  prélat  que  je  suis  chargé  de  prendre,  auprès 
des  personnes  respectables  en  qui  j'ai  confiance,  les  rensei- 
gnements convenables  à  ce  sujet,  sur  le  martyre  de  nos 
dignes  confrères  de  sainte  mémoire  qui  ont  été  sacrifiés  à 
Laval,  dans  votre  propre  ville  et. dans  les  environs 

«  Je  vous  prie  donc  de  mettre  par  écrit  tous  les  différens 
renseignemens,  c'est-à-dire  de  nous  faire  connoître  tout  ce 
que  vous  pourrez  sçavoir  de  bien  certain  et  de  bien  authen- 
tique sur  leur  martyre  et  sur  le  refus  de  leur  serment  qui  en 
étoit  la  cause.  C'est  d'après  tous  les  renseignemens  conve- 
nables que  M.  l'abbé  Caron,  prêtre  du  diocèse  de  Rennes, 
recueille  de  toutes  les  parties  de  la  France  auprès  des 
évéques,  que  ce  digne  ecclésiastique  va  faire  l'histoire  du 
martyre  de  tous  les  prêtres  qui  ont  été  sacrifiés  pour  la  foi 
pendant  la  Révolution.  Vous  voyez  dès  le  premier  abord  que 
c'est  l'histoire  en  abrégé  que  j'ai  l'honneur  de  vous  deman- 
der du  martyre  de  nos  quatorze  confrères  guillotinés  à  Laval, 

1.  Bibl.  municip.  de  Laval,  fds  Couanier,  ms.  F,  fol.  239. 


—  507  — 

dont  M.  le  doyen  étoit  le  premier;  de  celui  de  M.  Tabbë 
Lorgueil,  guillotiné  aussi  à  Laval  ;  du  prêtre  de  la  Temple- 
rie  qui  fui  massacré  par  des  soldats  révolutionnaires  qui  le 
trouvèrent  caché  dans  les  commencements* que  j'étois  à  la 
Gravelle,  après  mon  retour  de  Rambouillet,  ce  qui  m'in- 
quiéta beaucoup  moi-même  ;  mais  heureusement  qu'il  y 
avoit  à  la  Gravelle  une  troupe  très  modérée  qui  ne  me  fit 
aucune  peine.  Il  fui  massacré  aussi  sur  la  place  Hardy  par 
des  hussards  révolutionnaires  un  bon  prêtre  qui  avoit  été 
caché  jusqu'alors  depuis  quelque  temps  à  Laval  ^ 

«  J'étois  à  Rambouillet  avec  nos  chers  confrères  dans  les 
tems  que  nos  quatorze  confrères  furent  guillotinés  à  Laval... 
C'est  seulement  sur  le  martyre  des  prêtres  que  nous  vous 
demandons  les  renseignements  abrégés,  afin  que  la  mémoire 
en  soit  consignée  dans  l'histoire  et  perpétuée  parmi  les 
fidèles  et  pour  l'honneur  de  la  religion  et  de  ces  mêmes 
martyrs,  et  pour  l'édification  et  l'encouragement  des  vrais 
fidèles  dans  les  temps  difficiles.  » 

A  ces  préoccupations  dont  nous  parle  l'abbé  Leveau  au 
sujet  de  ses  quatorze  confrères  que  l'âge  ou  les  infirmités 
avaient  retenus  à  Laval,  répond  la  brochure  présente,  à 
celles-là  et  à  celles  qui  déjà  en  1839  poussaient  Mgr  Bou- 
vier, évêque  du  Mans,  à  faire  une  information  régulière  en 
vue  d'une  canonisation  possible  de  ces  prêtres  «  généreux.  » 
Mais  l'auteur  anonyme  du  travail  retarde  évidemment,  car 
il  ne  connaît,  parmi  ses  prédécesseurs  que  l'abbé  BouUier, 
excellent  sans  doute  en  la  matière,  et  l'abbé  Couanier  de 
Launay,  qui  ne  nous  apprend  rien.  V Histoire  de  Vhglise 
du  Mans  y  quoiqu'il  la  cite  quelque  part,  sans  précision 
aucune,  paraît  ne  pas  lui  être  familière  et  cependant  ce 
qui  concerne  la  Révolution  dans  notre  pays  est  ce  qu'il  y  a 
de  mieux  traité  dans  l'œuvre  de  D.  Piolin  :  le  bénédictin  a 
eu  entre  les  mains  le  dossier  constitué  par  l'abbé  BouUier, 
y  compris  probablement  les  pièces  communiquées  au  cha- 
noine Morisseau  et  que  ce  dernier  prit  sur  lui  de  donner  à 
l'évêché  sans  l'assentiment  du  curé  de  la  Trinité.  Egalement 
inconnus  les  Documents  du  regretté  F.  Le  Coq,  si  pleins 

1.  «  Ce  Monsieur  avoit  été  pris  auprès  de  Barbé  ;  on  l'amena  au 
général  qui  fit  un  signe  aux  hussards  :  ils  le  menèrent  sous  les 
arbres  dans  le  même  moment  et,  au  grand  étonnement  de  tout  le 
monde,  ils  le  massacrèrent  à  coups  de  sabres.  Après  sa  mort,  ils 
se  jouaient  de  son  corps  en  faisant  passer  leurs  chevaux  par  des- 
sus. »  (Récit  de  l'abbé  Langlois,  vicaire  de  la  Trinité,  en  1817.  — 
BibL  de  Laval,  fds  Couanier,  ms.  F,  fol.  245). 


—  508  — 

dans  les  notices  individuelles  consacrées  aux  membres  du 
clergé  mayennais  qui  virent  la  Révolution  ;  également 
inconnu,  Tadmirable  Dictionnaire  historique  de  la  Mayenne 
de  notre  collègue  M.  l'abbé  Angot  dont  Ton  aurait  pu,  bien 
qu'on  voulût  faire  avant  tout  œuvre  de  vulgarisation,  s'ins- 
pirer sur  plus  d'un  point.  On  a  cru  les  remplacer  digne- 
ment par  V Histoire  de  l'Eglise  de  Rohrbacher,  mais  Tidée 
paraît  singulière  et  il  serait  venu  à  peu  de  monde  la  pensée 
d'aller  chercher  dans  cette  compilation  vieillotte  des  rensei- 
gnements particuliers  et  d  informatiçn  directe  sur  Laval. 

11  n'y  a  donc  rien  de  nouveau  dans  cette  brochure,  et 
cependant,  même  après  les  auteurs  que  nous  venons  de 
nommer,  il  eût  été  facile,  en  interrogeant  autour  de  soi, 
d'ajouter  quelques  détails  aux  récits  connus,  en  peignant 
cette  émulation  qui  excita  les  deux  paroisses  de  la  Trinité  et 
d'Avénières  à  s'emparer  des  dépouilles  des  prêtres  enterrés 
à  la  Croix-Bataille,  qui  aboutit  à  une  exhumation  nocturne 
et  à  une  veillée  funèbre  autour  de  la  chapelle  de  Saint-Roch 
au  cimetière  d'Avénières.  Bien  plus,  grâce  à  la  représentation 
de  la  chapelle  de  la  Croix-Bataille,  le  lecteur,  insuffisamment 
prévenu,  pourrait  croire  que  ce  monument  fut  élevé  en 
l'honneur  des  prêtres  suppliciés.  Rien  n'est  moins  juste. 
La  chapelle,  qui  d'ailleurs  ne  fut  jamais  achevée,  devait  être 
consacrée  à  la  mémoire  du  prince  de  Talmont  et  perpétuer 
le  souvenir  de  la  bataille  d'Entrammes.  Quand  l'idée  vint  de 
la  construire,  les  ossements  des  quatorze  prêtres  reposaient, 
depuis  plusieurs  années,  en  dépit  d'un  arrêté  préfectoral  du 
3  août  1816  et  des  efforts  du  clergé  lavallois,  dans  l'église 
d'Avénières.  L'auteur  paraît  ignorer  tout  cela  :  on  ne  peut 
que  le  regretter. 

Ë.  Laurain. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


TRAVAUX  ORIGINAUX  ET  DOCUMENTS 

Les  ex-libris  manceaux  aDtérieurs  au  xix"  siècle,  par  M.  P. 

DE  Farcy 17.  129,  340 

La  Poursuite  après  la  bataille  du  Mans  par  le  détachement 

du  général  de  Schmidt,   du  13  au  17  janvier  1871  (fin), 

publié  par  M.  E.  Moreau 49 

La  Sépulture  de  Jeanne  de  Laval,  veuve  de  du  Guesclin  et 

de  Guy  XII  de  Laval,  par  M.  J.  Trévédy 70 

Lettres   de   Michel-René    Maupetit,    député   à  l'Assemblée 

nationale    constituante    (1789-1791)    (fin),    publiées    par 

M.  E.  Queruau-Lamerie 87 

Armoriai  de  la  Mayenne  (/?n),  publié  par  M.  H.  Sauvage.  .  116,231 
Saint-Clément  de  Craon  et  le  Priorat  de  Jacques  Teillard, 

par  M.  E.  Laurain 162 

L'Origine   des    Seigneurs   de    Laval.    —    La   fondation    du 

prieuré  d'Auvers-le-Hamon,  par  M.  R.  Latouche  ....  199 
Notes  sur  les  bureaux  de  charité  de  Laval  (1683-1803).  — 

Appendice.  —  Par  M.  E.  Queruau-Lamerie 212 

Tableau  de  la  province   du  Maine,    1762-1766,   publié  par 

M.  A.  Grosse-Duperon 219,360,462 

La  Compagnie  de  gendarmerie  de  la  Mayenne 240 

Vie  de  Robert  d'Arbrissel,  traduite  par  M.  J.  Cahour  .  257,  385 
Chartes  de  Fontaine-Daniel  et  de  Montguyon,  publiées  par 

M.  E.  Laurain 293,471 

Un  Magistrat  révolutionnaire,   François  Midy  (1752-1807), 

par  M.  E.  Queruau-Lamerib 314,429 

Le  Cadavre  de  Marie  Jaguelin,  par  M.  E.  Laurain 329 

Origine  de  Guy  l^^  de  Laval.  Réponse  à  M.  Robert  Latouche, 

par  M.  l'abbé  A.  Angot 336 

Avant  Bossuet.  Cohon,  évéque  de  Nîmes  et  de  Dol,  précep- 

t^r   des   neveux   de   Mazarin,   prédicateur  du   Roi,    par 

F.  DuiNE 407 

Des  Râpes  à  Tabac,  par  M.  Alaret 453 

Testament  de  Jean  Lorencin,  bourgeois  de  Laval  (12  août 

1420) 492 

La  Chapelle  des  Bénédictines  de  Lassay 498 


—  510  — 


PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 

Séance  du  31  Janvier  1907 124 

—  18  Avril  1907 250 

—  6  Août  1907 369 

—  12  Décembre  1907 503 

BIBLIOGRAPHIE 

L'Autel  des  Carmes  d'Angers,  par  P.  de  Farcy 254 

Cent  ans  de  vie  Vitréenne,  par  Frain  de  la  Gal'layrie.    .    .       254 

Histoire  de  la  Maison  de  Baglion 256 

Le  Bas-Vendômois,  de  Montoire  à  La  Chartre-sur-le-Loir. 

—  Excursions  sur  les  rives  du  Ij)ir  et  de  la  Braye  au 

pays  du  poète  Ronsard,  par  L.-A.  Hallopeau 380 

Les  généraux  des  paroisses    bretonnes.    Saint-Martin   de 

Vitré,  par  F.  Dui?ie 381 

Dictionnaire  pratique  de  droit  rural  et  des  usages  ruraux 

du  département  de  la  Mayenne,  par  G.   Grimod   et   H. 

Guéraivger 382 

Les   Quatorze  prêtres  martyrs  de  Laval,  2Î  janvier  il9i.       506 

TABLE    DES    NOMS    D'AUTEURS 

TRAVAUX  ORIGINAUX  ET  DOCUMENTS 
MM. 

Alaret  (M.) 453 

Angot(A.) 336 

Cahour  (J.) 257.385 

Farcy  (P.  de) 17.  129,  340 

Grosse-Duperon  (A.) 219,  360,  462 

Laurain(E.) 162,293,329,471 

Latouche  (R.) 199 

Moreau  (E.) 49 

Queruau-Lamerie  (E.) 87,  212,  314,  429 

Sauvage  (H.) 116.  231 

Trévédy  (J.) 70 

Von  Walter  (J.) 257.385 

COMPTES    RENDUS    ET    BIBLIOGRAPHIE 

Laurain  (Ernest) 254,380,381,382,506 

OUVRAGES    MENTIONNÉS    DANS    LA    BIBLIOGRAPHIE 

Duine  (F.) '381 

Farcy  (P.  de) 254 

Frain  de  la  Gaulayrie 254 

Grimod  (G.)  et  Guéranger  (H.) 382 

Hallopeau  (L.-A.) 380 


—  511  — 


TABLE  DES  GRAVURES 


Ex-Iibris  d'Auvrecher-d'Angerville 18 

—  de  Beaumont-d'Autichamp 19 

—  de  Bailleul 20 

—  de  Bailleul ' 21 

—  du  Bellay 22 

—  du  Bellay 23 

—  BignoD 24 

—  Bignon 25 

—  Bignon 26 

—  du  Bouchet 27 

—  Le  Bouyer 28 

—  Le  Bouyer 29 

—  de  Chamillarl 30 

—  de  Champagne 31 

—  de  Champagne 32 

—  Collégiale  Saint-Just  de  Château-Gontier  ....  33 

—  de  Chavagnac 34 

—  Chotard  de  Boisjousse 35 

—  Le  Clerc 36 

—  Le  Clerc 37 

—  de  Clermont 38 

—  Constantin 39 

—  de  Courtarvel 40 

—  Marquise  de  Courtarvel,  née  de  Lambert  ....  41 

—  Dumans 42 

—  de  Farcy  de  Cuillé 43 

—  Foucquet 44 

—  Foucquet 45 

—  Gendry 46 

—  de  la  Goupillière 47 

—  Chausson 48 

—  Chausson  de  Courtilloles 130 

—  de  Gaignon 131 

—  du  Hardas 132 

—  d'Héliand 133 

—  d'Héliand.   . 134 

—  d'Héliand 135 

—  Hérisson 136 

—  Hoisnard 137 

—  Houdebert 138 

—  de  Lavergne 139 

—  Duc  du  Maine 140 

—  Oratoriens  du  Mans 141 


\ 


—  512  — 

Ex-libris  de  Maridort 142 

—  Midy 143 

—  Piveron 144 

—  Marquise  de  Montesson 145 

—  de  Murât 146 

—  de  Murât 147 

—  de  Murât 148 

—  Négrier 149 

—  Nepveu 150 

—  de  Nicolaï 151 

—  de  Noailles,  Duchesse  de  la  Vallière 152 

—  Potier 153 

—  Le  Prince 154 

—  Le  Prince 155 

—  Raison 156 

—  Rocher 157 

—  Abbaye  de  la  Roë 148 

—  Le  Roux 159 

—  Ruillé 160 

—  de  Samson 161 

—  de  Savonnières 341 

—  de  Tascher 342 

—  LeTellier 343 

—  Le  Tessier 344 

—  de  Thieslin 345 

—  Duc  de  la  Trémoille 346 

—  Duchesse  de  la  Trémoille 347 

—  Duc  de  la  Trémoille • 348 

—  Duchesse  de  la  Trémoille 349 

—  Trochon 350 

—  Le  Veneur 351 

—  Le  Veneur 352 

—  Marquise  de  Voyer  d'Argenson 353 

—  du  Bouchet 354 

—  Bourdon 355 

—  Dumans 356 

—  Andouard 357 

—  du  Plessis-Chatillon 358 

—  du  Puy  du  Fou 359 

Râpe  à  tabac  (fer  damasquiné,  xvii«  siècle) 456 

RApe  à  tabac  (xviiic  siècle) 457 

Râpe  à  tabac  (bois  et  ivoire,  xyiii^  siècle) 460 

Râpe  à  tabac  (fer,  xviii«  siècle) 461 


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550174 
BULLETIN 

DE  LA  COMMISSION 

HISTORIQUE  ET  ÂRGHlOLOGIQUË 

DE  LA  MAYENNE 

C.nÉKK    PAR    ABRÈTÉ    PKÉFKCTOnAI,    DU    17    JANVIKB    1878. 


DKIXIEME   SKniE 
TOMTi:    VHVGT-TItOISlÈiMK 

1907 


Publication    Trimestrielle 


LAVAL 

IMPRIMEHIK-LIHRAIIUK    V    A.    GÔIIPIL 

1907 


X 


^  ' 


73. 


liPF" 


SOMMAIRE  : 

Titiv  el  \ÂsW  doH  Membres  do  la  Commission     .     .         5-7 

Les  ex-Iibris  maiieeaux,  «Tiil/M-ii^urs  au  xix®  siècle, 
par  P.  DE  Fahcv. /    .     .  17 

La  poursuite  après  la  bataille  du  Mans  par  lo 
détachement  <lu  oén<  rai  de  Schmidl  du  13  au 
17  Jauvicu"  1871.  publié  par  M.  Km.  Moreàu  f/ï/iy.  4Î> 

La  Sr'pulture  de  Jeanne  de  Laval,  veuve  de  du 
(iuesclin  el  d(»  Guy  Xll  de  Laval,  par  J.  Trévédy.  70 

Lettres  de  Michel-Kené  Maupetit,  Député  à  l'Assem- 
blée Nationale  Constituante  (1789-1791).  publiées 
par  M.  K.  (^)i  khuau-Lamkiue  ^///?y .    '.....  87 

Armoriai  de  la  Mayenne,  publié  par  M.  Hippolyle 

Sai  VACK  isniie} IKJ 

Procès-verbaux  des  st^ances 124 

(iHwruKs  : 

Ex-iibris  d'Auvrecher  d'An{<erville .  fK 

—  *    (te  B^'aumontd'Autichamp 19 

—  do  Kailleul H^ 

—  de  Hailleul .: 21 

—  du  t^<*lhiy ..;.,.  5*2 

—  du  Bella.v 2.'i 

—  Bignon.   , ;   .   .  24 

—  Bignon 25 

—  Bignon.   .  .  . 2B 

—  du  Bouchet 27 

—  Le  Bouyer *J8 

—  Le  Bouyep .v9 

—  de  ChamiBart 30 

—  de  Champagne.  : 3i 

—  de  Champagne .....  32 

—  CoUégiale  Saint-.îust  de  Chàteau-Gonlier ,  .'i3 

—  de  Ctiavagnac 34 

—  Ctiotard  de  Boisjou.s.se 35 

Le  Clerc 36 

—  Le  ChM-c 37 

—  de  Clermont 38 

—  Consluntiu. .  2& 

—  do  Courtarvel • 40 

—  Marquise  de  Courtarvel,  née  de  I^ambert 41 

—  Duman.s 42 

—  de  Karcy  de  Cuillé. 43 

—  Fuuc<iiiet 44 

—  Foucquet 45 

—  Gendry 46 

—  de  la  (ioupillière 47 

—        Chaus.son 48 


rw' 


BULLETIN 


DE  LA  COiMMISSION 


HISTORIQUE  ET  ARCHlOLOGIOlJE 

DE  LA  MAYENNE 

CRKKK    PAH    AHRP.TÉ    PItÉKhICTORAI.    DU    17    JANVIER    1878. 


DEUXIEME   SERIE 
TOME    Virs'GtT-'rFlOISlÈME 

1907 


Publication    Trimestrielle 


LAVAL 
LMPRLMEFUE-LIBHAIKIE    V    A.    GOUPIL 

1907 


'4. 


SOMMAIRE  : 

Les  ex-libris  manceaux,  antérieurs  au  xix"  siècle, 

par  P.  DE  Farcy  (suite) 129 

Saint-Clémenl  de  Craon  et  le  Priorat  de  Jacques 

Teillard,  par  E.  Laurain 162 

L'origine  des  Seigneurs  de  Laval,  par  R.  Latouchk  199 

Notes  sur  les  Bureaux  de  Charité  de  Laval  (1683- 

1803),  par  M.  E.  Queruau-Lamerie' 212 

Tableau  de  la  Province  du  Maine  (1762-1766),  par 

M.  A.  Grosse-Dupkron 219 

Armoriai  de  la  Mayenne,  publié  par  M.  Hippolyte 

Sauvage  {fin} •    .     .     .     .  232 

La  Compagnie  de  Gendarmerie  de  la  Mayenne   .     .  240 

Procès-verbaux  des  séances     ........  250 

Bibliographie 254 

Gravures  : 

Ex-libris  Chausson  de  Courtilloles 130 

—  de  Gaignon i'M 

—  du  Bardas i3îè 

—  d'Héliand 133 

—  d'Héliand 134 

—  d'Héliand 135 

—  Hérisson 136 

—  Hoisnard 137 

—  Houdebert 138 

—  de  Lavergne 139 

— .       Duc  du  Maine *.  .  140 

—  Oratoriens  du  Mans 141 

—  de  Marldort .' 142 

—  Midy 143 

—  Piveron 144 

—  Marquise  de  Montesson 14:> 

—  de  Murât 146 

—  de  Murât 147 

^        de  Murât 148 

—  Négrier 149 

—  Nepveu loO 

—  de  Nicolaï 'loi 

de  Noailles,  Duchesse  de  Vallière 153 

—  Potier li>3 

—  Lh?  Prince li>^ 

—  ^  Le  Prince 153 

—  "  Raison -  .  .  156 

—  Rocher 157 

—  Abbaye  de  la  RoO 158 

Le  Roux 159 

—  Ruillé 160 

de  Samson 161 


INOEXEO. 


BULLETIN       / 


DE  LA  COMMISSION 


HISTORIQUE  ET  ARCHÉOLOGIÛl 

DE  LA  MAYENNE 

CBÉÉE    PAR    ARRÊTÉ    PRÉFECTORAb    DU    17   JANVIER    1878. 


DEUXIEME    SERIE 
TOME    VlîVOT-TKOlSlÈlMli: 

1907 


Publication   Trimestrielle 


LAVAL 
IMPRIMERIE-LIBRAIRIE    V"   A.    GOUPIL 

1907 


5. 


SOMMAIRE  : 

Vie  cit'  UuUert  d'Arbrissel,  traduite  par  J.  Cahoxjr  .         257 

(lliaries    d(î    I\)iitaiiie-Daniel    ol    de    Monl^yon, 

jHiblitH's  i)ar  K.  Lauhain 293 

Un  Magistral  révolulionnairo,  Krangois  Midy  (1752- 

1807i.  par  E.  Qi'EKUAu-I^AMEniE 314 

Le  cadavre  de  Majne  Jaguelin,  par  K.  Laurain    .     .         329 

Origine  de  (luy  i"^  de  Laval.  K«*pouse  à  M.  iiobert 

l^atouche.  par  l'abbé  A.  Angot.     .     .     .     .     .     .         33(> 

Les  ex-libris  nianceaiix,  antérieurs  au  xix^'  siècle, 

par  P.  DE  Farcy  isuiie) 340 

Tableau  de  la  Province  du  Maine  (1762-1760),  par 

M.  A.  Grosse-Duperon  ^«w^ypj .         360 

Procès-verbaux  des  séances 369 

Bibliographie 380 


(tHAVUKKS 


Ex-Iibris  de  Savonnièros 

(]«»  Tascher 

—  he  Tellier 

—  Le  Tessier 

de  Thieslin 

—  DiR"  de  la  Trémoille 

—  Duchftsse  do  la  Trémoillo.  .  .  . 

—  Duc  de  la  Trémoille 

—  Duchesse  de  lu  Trémoille.  .  .  . 

—  Trochon 

—  Le  Veueur 

—  Le  Veneur 

—  Marquise  de  Voyer  d'Argenson.. 

—  du  Bouchel  

Bourdon  

—  Dunnans .  . 

—  Aiidouard 

—  du  Plessis-Chatillon 

~   du  Puy  du  Fou 


342 
343 
344 
345 
344j 
347 
348 
349 
.150 
351 
352 
353 
354 
^5 
356 
357 
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BULLETIN 


DE  LA  COMMISSION 


HISTORIQUE  ET  ARCHÉOLOGIQUE 

DE  LA  MAYENNE 


CRÉÉE    PAR    ARRÊTÉ    PRÉFECTORAL    DU    il   JANVIER   1878. 


DEUXIEME   SERIE 
TOMIO    VINOT-TROISIÈME 

1907 


PubHcation   Trimestrielle 


-  LAVAL 
IMPRIMERIE-LIBRAIRIE    V   A.   GOUPIL 

1907 


76. 


SOMMAIRE  : 

Vie  de  Robert  d^Arbrissel,  traduile  par  J .  Cahour  (fin)  385 

Avant  Bossuel.  —  Cohon,  Evèque  de  Nîmes  et  de 
Dol,  Précepteur  des  neveux  de  Mazarin,  Prédica- 
teur du  Roi,  par  F.  Duine 407 

Un  Magistrat  révolutionnaire,  François  Midy  (1752- 

1807),  par  K.  Qubruau-Lamerie  (suite}   ....  429 

Des  râpes  à  tabac,  par  M.  Alaret     ......  453 

Tableau  de  la  Province  du  Maine  (1762-1766),  par 

M.  A.  Grosse-Duperon  (suite) 462 

Charles  de  Fontaine-Daniel  (suite) 471 

Testament  de  Jean  Lorencin,  bourgeois  de  Laval 

(12  août  1420) 492 

La  Chapelle  des  Bénédictins  de  Lassay .....  498 

Procès-verbaux  des  séances     .     .  -, 503 

Bibliographie    .     .     ,     .    \     J\ 506 

Table  des  matières     .     -    ^  -   %îi ^^ 

Table  des  gravures 511 

Gravuuks  : 

Râpe  à  tabac  (fer  damasquiné,  xvii®  siècle)      .     .     .  456 

Râpe  à  tabac  (xviii*  siècle) 457 

Râpe  à  tabac  (bois  et  ivoire,  xviii*  siècle)  ....  460 

Râpe  à  tabac  (fer,  xviii*  siècle) 461 


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