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IvJ".
!*l
i
COMMISSION
HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE
DE LA MAYENNE
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BULLETIN
DE LA COMMISSION
HISTORiOi ET AltCHiOLOGlOi
DE LA MAYENNE
CRÉÉE PAR ARRÊTÉ PRÉFECTORAL DU 17 JANVIER. 1878.
DEUXIEME SERIE
TOME VIISOT-TrVOlSIÈAlE
1907
LAVAL
IMPKI.MERIE-LIBHAIRIE V A. GOUPIL
1907
550174
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ÂIBRES DE LA COMMISSION
Membres titulaires.
Date de MM
l'admission. ^^*^"-
1895 ALLEAUME (A.), peintre verrier, 49, rue de
Bootz, Laval.
1884 ANGOT (Fabbé Alphonse), Sainte-Gemme-le-
Robert (Mayenne).
1884 BEAUGHESNE (marquis de), licencié es lettres,
château de Lassay (Mayenne), château de la
Roche-Talbot, commune de Souvigné, par
Sablé (Sarthe), et 8, avenue Marceau, Paris.
1892 CHAPPÉE (Jules), Port-Brillet (Mayenne), et
8, rue Oudinot, Paris.
1893 DURGET (Charles), ancien notaire, 9, rue de
Tours, Laval.
1882 FARCY (Paul de), inspecteur de la Société fran-
çaise d'Archéologie pour le département de la
Mayenne, Saint-Martin-la-Forét, à Angers
(Maine-et-Loire).
1878 GARNI ER (Louis), architecte, membre de la
Commission d'architecture, 34, rue Joinville,
Laval.
1897 GOUPIL (Albert), licencié es lettres, imprimeur,
quai Jehan-Fouquet, Laval.
1897 GOUVRION (Emile), rue Volney, Mayenne.
1887 GROSSE-DUPERON (A.), ^, juge de paix, rue
Jacques-Labitte, Mayenne.
1886 LA BEAULUÈRE (Louis de), château de la
Drujeotterie, Entrammes (Mayenne).
— 8 —
1896 LAURAIN (Ernest), Q, ancien élève de TÉcole
des Chartes, archiviste de la Mayenne, 18,
rue du Lycée, Laval.
1878 LEMONNIER DE LORIÈRE (Léon), membre
de la Société pour la conservation des monu-
ments historiques, conseiller général, Épineu-
le-Séguin, par Chemcré-le-Roi (Mayenne).
1878 MOREAU (Emile), *, JJ, membre de plusieurs
Sociétés savantes, 8, rue du Lieutenant, Laval.
1878 ŒHLERT (Daniel), * , i[|, ancien vice-président
de la Société géologique de France, membre
non résident du Comité des travaux scientifi-
ques au ministère de Tlnstruction publique,
membre correspondant de Tlnstitut, 29, rue de
Bretagne, Laval.
1884 PLANTÉ (Jules), ancien notaire, Saint-Martin-
la-Forêt, à Angers (Maine-et-Loire).
1895 QUATREBARBES (comte Foulques de), château
de la Motte-Daudier, par Craon (Mayenne).
1879 RICFIARD (Jules-Marie), ^Q», archiviste paléo-
graphe, correspondant du ministère des Beaux-
Arts, conseiller général, 2, place du Gast, Laval.
1887 ÏRÉVEDY (Julien), ancien président du tribunal
de Quimper, 1, rue de la Préfecture, Laval.
COMPOSITION DU BUREAU
Président honoraire, M. Floucaud de Fourcroy, 0. ^ ,
Président, M. More au, ^,1|QI,
[ MM. Trkvédy,
Vice-Présidents] de Farcy,
( Grosse-Duperon, ^Q>,
Secrétaire, M. Laurai>', ^,
Trésorier, M. Durget,
Trésorier-adjoint, M. Goupil.
— 9 —
Membres correspondants.
MM.
1889 Achon (Ch. d'), château de la Roche, à Gennes
(Maine-et-Loire).
1899 Angot (Edmond), docteur-médecin, 11, rue du
Jeu-de-Paume, Laval.
1891 Anis (Fabbé A.), licencié es lettres, la Renaudie,
par Saint-Privat-des-Prés (Dordogne).
1885 Argentré (comte d*), château de la Bermondière,
par Couterne (Orne).
1895 Auguste (Fabbé Alphonse), licencié es lettres,
professeur au Collège de Juilly (Seine-et-
Marne).
1897 Auguste (Pabbé Henri), curé de Saint-Berthevin-
la-Tannière (Mayenne).
1896 Aveneau de la Grancière (Paul), château de
Beaulieu, en Bignan (Morbihan), et 19, rue
Pasteur, Vannes (Morbihan).
1878 Barbe, ancien membre titulaire, ancien conser-
vateur du camp de Jublains, juge de paix à
Conlie (Sarthe).
1885 Bertrand de Broussillon (comte), archiviste paléo-
graphe, président de la Société des Archives his-
toriques du Maine, 15, rue de Tascher, Le Mans.
1903 Boullard, procureur de la République à Segré
(Maine-et-Loire).
1906 Brou (Prosper), ancien pharmacien, 96, rue du
Pont-de-Mayenne, Laval.
1907 Cesbron (F abbé Emile), secrétaire particulier de
Monseigneur TEvêque de Laval.
1907 Chantepie (F abbé Auguste), vicaire à la Trinité
de Château-Gontier.
1904 Chartier (Louis), 11, place du Gast, Laval.
— 10 —
1885 Chiron du Brossay (Emmanuel), ancien directeur
de l'Enregistrement, avenue Carnot, Château-
Gontier.
1878 Cornée (Ferdinand), i[|, ancien membre titulaire,
316, rue Solférino, Lille (Nord).
1900 Courtillolles d'Angleville (Antoine de), château
d'Assé-le-Bérenger, par Evron (Mayenne).
1903 Groulbois (F abbé Jules), curé-doyen de Cossé-le-
Vivien (Mayenne).
1900 Delaunay (D*" Paul), ancien interne des hôpitaux,
membre de la Société française d'Histoire de
la Médecine, 44, avenue Thiers, Le Mans.
1905 Demé (l'abbé), vicaire à la Cathédrale, Laval.
1901 Desvignes (l'abbé J.), curé doyen de la Suze
(Sarthe).
1903 Du Bourg (comte Joseph), rue Marmoreau, Laval.
1886 Duval (Louis), IJI. P., ancien élève de l'École des
Chartes, archiviste du département de l'Orne,
correspondant du ministère de l'Instruction
publique et des Beaux- Arts, Alençon (Orne).
1891 Fleury (Gabriel), i[|i, imprimeur, Mamers (Sarthe).
1878 Floucaud de Fourcroy, O. éjt, inspecteur des
Ponts et Chaussées honoraire, président hono-
raire de la Commission, Saint-Malo (Ille-et-
Vilaine).
1890 Frain de la Gaulairio (Edouard), conservateur-
adjoint de la bibliothèque. Vitré (Ille-et- Vilaine).
1906 Garnier (Edouard), architecte, rue de Bel- Air,
à Laval.
1891 Gougeon de la Thébaudière (Ambroise), 2, rue Le
Bastard, Rennes, et au Bois-Jarry, en Erbrée,
par Vitré (Ille-et- Vilaine).
1898 Guétron (l'abbé), licencié es lettres, vicaire à
Juvigné-des-Landes (Mayenne).
1907 Labbé (Emile), docteur en pharmacie, pharma-
cien, président de Mayenne-Sciences^ rue des
Serruriers, Laval.
— 11 —
1904 La Broise (baron de), château de Brée, par
Montsûrs.
1886 La Chesnais (Maurice), O. ^, ancien chef de
bureau au ministère de la Guerre, THuisserie
(Mayenne), et 21, rue du Cherche-Midi, Paris.
1891 Lair (Jules), archiviste paléographe, membre de
rinstitut, 11, rue Croix-des-Petits-Champs,
Paris.
1897 Lardeux (l'abbé), licencié es lettres, supérieur de
l'Institution Saint-Michel, à Château-Gontier.
1902 Leblanc (Edmond), avocat, conseiller général,
député, Mayenne.
1886 Ledru (l'abbé Ambroise), 43, rue de TAbbaye-
Saint- Vincent, Le Mans.
1903 Letourneurs (Edouard), château du Tertre, Nuillé
sur-Vicoin (Mayenne).
1889 Letourneurs (Henri), avocat, château de Gre-
nusse, Argentré (Mayenne).
1891 Liger (F.), château de Courmenant, par Sillé-le-
Guillaume (Sarthe).
1901 Lorière (Edouard de), château de Moulin-Vieux,
par Avoise (Sarthe).
1878 Maître (Léon), i} l. P., archiviste de la Loire-
Inférieure, Nantes (Loire-Inférieure).
1905 Marchais (l'abbé), curé de Soulgé-le-Bruant.
1888 Menjot d'Elbenne (vicomte), château de Couléon,
par Tuffé (Sarthe).
1896 Métais (l'abbé), chanoine, secrétaire de TEvêché,
Chartres (Eure-et-Loir).
1898 Montalembert (André de), 122, rue de Grenelle,
Paris, et château du Coudray, c°* de Saint-
Denis-du-Maine, par Meslay (Mayenne).
1878 Morin, architecte. Vitré (lUe-et- Vilaine).
1892 Morin (Auguste), 39, rue de Bretagne, Laval.
1884 Morisset (Martial), docteur-médecin, Mayenne.
1901 Mouchet (Raymond), ancien président du Tribunal
de commerce, 49, rue Solférino, Laval.
— 12 —
1898 Patry (M^), ^^ chanoine honoraire, curé-archi-
prêtre de Notre-Dame de Mayenne.
1897 Perrot (Paul), notaire, rue Vieille-de-la-Halle,
Mayenne.
1904 Poirier-Béalu, président du Tribunal de com-
merce, Mayenne.
1886 Ponthault (André), 7, rue de IVHôtel-de- Ville,
Mayenne.
1892 Quatrebarbes (comte Léopold de), château de
Noirieux, par Bierné (Mayenne).
1879 Queruau-Lamerie (Emile), 6"*, rue des Arènes,
Angers (Maine-et-Loire).
1902 Raguenet de Saint- Albin (Olivier), au château des
Arcis, par Meslay (Mayenne), et rue. Etienne-
Dolet, 3, à Orléans (Loiret).
1905 Raulin de Réalcamp (D*' Jules), 171, boulevard
du Montparnasse, Paris.
1885 Salles (Auguste), ^, professeur agrégé au lycée
Janson de Sailly, 34, rue Saint-Didier, Paris.
1903 Sars (V*** Albert de), château de Bellebranche,
par Bouère (Mayenne).
1885 Sauvage (Hippolyte', ^ I. P., ancien juge de
paix du canton de Couptrain, 53, boulevard
Bineau, Paris-Neuilly.
1904 Sauvé (le chanoine Henri), martre des cérémonies
de l'église Cathédrale, rue du Lycée, Laval.
1903 Sigoigne (Fabbé Anselme), curé de Saint-Mars-
sur-la-Futaie (Mayenne).
1886 Simonet, ancien ingénieur des Ponts et Chaussées,
Château-Gontier.
1889 Sinoir (Emile), professeur agrégé au lycée, 7, rue
des Ruisseaux, Laval.
1903 Tanqucrel des Planches (Robert de), ancien atta-
ché au Muséum d'histoire naturelle de Paris,
docteur en médecine, 212, rue de Rivoli,
Paris.
1878 Tirard, place des Halles, à Ernée (Mayenne).
- 13 —
1885 Tranchant (Charles), O. ^ , I^^H. P., ancien élève
de rÉcole des Chartes, membre du Comité des
travaux historiques, 28, rue Barbet-de-Jouy,
Paris.
1894 Tribouillard (rabbé), supérieur du Collège de
rimmaculée-Conception, Laval.
1884 Triger (Robert), président de la Société du Maine,
château des Talvasières, près Le Mans (Sarthe).
1897 Turquet (Alphonse- Alexandre), notaire, 9, rue
Souchu-Servinière, Laval.
1899 Uzureau (Pabbé F.), aumônier de la prison,
Angers (Maine-et-Loire).
1906 Verger (l'abbé Eugène), curé-doyen de Villaines-
la-Juhel (Mayenne).
LISTE DES MEMBRES DÉCÉDÉS
DEPUIS LA CRÉATION DE LA COMMISSION
Membres titulaires.
Date de la MM.
mort.
1882 CUILLER (l'abbé), chancelier de TÉvêché, Laval.
1883 MARCHAL (Charles), jgt, ancien ingénieur en
chef du département, ancien maire de Laval.
— LE FIZELIER (Jules), secrétaire général de la
Commission.
1891 JÔUBERT (André), Les Lutz, Daon (Mayenne).
1894 COUANIER DE LAUNAY (Fabbé), chanoine
honoraire de Laval.
1896 MARTONNE (Alfred de), archiviste de la
Mayenne, secrétaire-adjoint de la Commission.
1897 PERROT (Ernest), ^, propriétaire, vice-prési-
dent de la Commission, Laval.
1899 POINTEAU (Charles), aumônier de l'hôpital,
Craon.
1900 SOUCHU-SERVINIÈRE (Théophile), ancien
député, vice-président de la Commission, Laval.
— 14 —
1902 LEBLANC (Edmond), ancien député, conseiller
général, vice-président de la Commission,
Mayenne.
— RAULIN (Jules), avocat, Mayenne.
1903 LECOMTE (Auguste), j^, ingénieur en chef du
département de la Mayenne.
1906 CHEDEAU (Charles), || L P. (Mayenne).
1907 THUAU (René), notaire à Meslay (Mayenne).
Membres correspondants.
MM.
1881 Legras, ^ , ingénieur en chef des travaux mariti-
mes à Lorient, ancien membre titulaire.
1883 Prévost (Jacques-Ferdinand), O. ^j général du
génie en retraite.
1886 Ravault (Athanase-Henri), notaire, Mayenne.
— Savary (Georges), professeur d'histoire au lycée
de Laval.
1887 Charles (l'abbé Robert), vice-président de la
Société du Maine, Le Mans.
— Duchemin (Victor-Tranquille), i||, archiviste de la
Sarthe, ancien membre titulaire.
— Bonneserre de Saint-Denis, Angers.
1888 Bernard (Almire), S*-Pierre-sur-Orthe (Mayenne).
— Chaplain-Duparc, Paris.
1889 CourtilloUes (de), château de CourtilloUes, près
d'Alençon.
1890 Trouillard (Charles), avocat, Mayenne.
1891 Montozon (S. de), Château-Gontier.
1892 Foucault (l'abbé Martin), Saint-Fraimbault-de-
Lassay (Mayenne).
— Piolin (dom Paul), Solesmes (Sarthe).
1893 Chomereau (Charles), Laval.
1895 Abraham (Tancrède), ancien membre titulaire,
Paris.
— Beauchesne (marquis de), château de Lassay
(Mayenne).
— 15 —
1895 Laigneau, curé de Bourg-Philippe (Mayenne).
— La Sicotière (de), sénateur, Alençon.
— Palustre (Léon), ancien directeur de la Société
française d'archéologie, Tours.
1897 Delaunay (Edouard), procureur de la République,
Pont-l'Évéque (Calvados).
— Goupil (Auguste), libraire, Laval.
— Maillard (l'abbé Joseph), curé de Gennes.
1898 Delépine (l'abbé Etienne), curé de Sacé (Mayenne).
— Magaud (Henri), propriétaire, Laval.
1899 Beauchamp de Monthéard (baron Emmanuel de),
Paris.
— Contades (comte Gérard de), Saint-Maurice-du-
Désert (Orne).
— Gadbin (René), Château-Gontier.
1901 Coutard (l'abbé Albert-Clément), curé de Vallon
(Sarthe).
— Gillard (l'abbé Joseph), curé de Couesmes.
— Montagu (Emmanuel), instituteur à Hardanges
(Mayenne).
1902 La Broise (Henri-Charles-Paul-Georges de), «4* ^
ancien membre titulaire, Paris.
1904 Dubel (Isidore), i|| I. P., maire de Saint-Ouen-
des-Toits (Mayenne).
1905 Paris-Jallobert (l'abbé Paul), recteur de Balazé
(lUe-et- Vilaine).
— Gerbault (Georges), le Buard, c°* de Changé
(Mayenne).
1906 Brou (Charles), ancien élève de l'École des Char-
tes, bibliothécaire de la ville, Laval.
— Appert (Jules), i||, villa des Cèdres, place du
Champ-de-Foire, Fiers (Orne).
— Chardon (Henri), i||, avocat, Mayenne.
— Le Coq (Frédéric), Ernée (Mayenne.
LES EX-LIBRIS MANCEAUX i/
Antérieurs au XIX® siècle
En entreprenant aujourd'hui la reproduction des
ex-libris de Tancienne province du Maine (Sarthe et
Mayenne), accompagnée de courtes notices sur leurs
possesseurs, nous espérons être utiles à ceux qui
s'intéressent à son histoire locale, soit qu'il s'agisse
d'établissements religieux, soit qu'il s'agisse de laïques,
nobles, magistrats ou marchands.
Il est parfois difficile de savoir pour qui ces petites
gravures, trop souvent anonymes, ont été faites. En les
groupant par province, suivant l'exemple de plusieurs
travaux de ce genre, les recherches deviendront plus
restreintes et les attributions plus certaines.
Avant de commencer ce travail, nous tenons à adresser
nos sincères remerciements à tous ceux qui nous ont
encouragés et qui, par leurs bienveillantes communica-
tions, ont facilité notre travail. Nommons tout d'abord
les président et vice-président de la Société française
d'Ex-libris, MM. Charles d'Achon, de Brébisson, Comte
Lair, la Bibliothèque de Laval, M. Mautouchet, de
Rémacle, etc.
Nous faisons appel à tous les collectionneurs qui
pourraient posséder d'autres ex-libris du Maine, anté-
rieurs au XIX* siècle.
P. DE Farcy.
2
— 18
d'Auvrecher d'Angerville.
Thomas-Robert-Nicolas cI'Auvrecher^ comte d'Anger-
ville, (l'une famille ancienne de Normandie, servit dans
la marine. 11 avait épousé le l*'" septembre 1767, Augus-
tine-Marie-Lucy d'Auray de Saint-Poix, fdie de Bœuve
d'Auray, marquis de Saint-Poix. Elle lui apporta en dot
les seigneuries de la Maroutière et de Loigné, près
Château-Gontier. C'est à ce titre qu'il est cité ici. On
trouve, de 1772 à 1782, des lettres signées de lui pour
convoquer aux assises de son fief de Loigné.
Il avait fait graver un premier ex-libris où la ban-
derole ne porte aucun nom. Plus tard, en 1778, il en fit
faire un autre plus grand et plus finement gravé, que
Ton trouve collé sur le premier. C'est celui-là que M. de
Brébisson a publié dans les Archives de la Société des
Collectionneurs d'Ex-libris, xi® année, p. 72.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : d'or à 2 quintefeuilles de sable posées
Cune au canton sénestre, Vautre en pointe^ au lion-
ceau passant de même au premier canton.
— IO-
DE Beaumont d'Autichamp.
Jean-Thérèse-Louis de Beaumont, marquis d'Auti-
champ et de Château-Gontier le 26 février 1761, né à
Angers le 17 mai 1738, était fils de Louis-Joseph, colonel
du régiment d^Enghien, lieutenant du Roi à Angers, et
de Marie-Célestine-Perrine Locquet de Grandville. Il eut
une brillante carrière militaire : chevalier de Saint-Louis
à vingt ans, colonel de dragons, maréchal de camp en
1780, il émigra et entretint à ses frais le corps des
hommes d'armes à cheval, à Tarmée de Coudé. Nommé
gouverneur du Louvre sous la Restauration, il y fut
blessé lors de la Révolution de juillet 1830 et mourut
Tannée suivante, sans enfants de Marie-Charlotte de
Maussion, veuve du marquis de Vastan.
On trouve le même ex-libris, d'un format plus petit,
0 m. 045 sur 0 m. 04. Voir les Archives de la Société
française des Collectionneurs d'Ex-libris, xii* année,
p. 171, dont le président a bien voulu nous communiquer
le cliché.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : de gueules à la fasce d'argent chargée
de S fleurs de lys d'azur.
— 20 —
DE BaILLEUL.
Nicolas-Louis de Bailleul, marquis de Château-
Gontier, était fils de Louis-Dominique, président à mor-
tier et surintendant des finances, et de Marie Le Ragois
de Bretonvilliers, qui avait fait ériger la baronnie de
Ghâteau-Gontier en marquisat le 31 juillet 1656. Il la
tenait de son père, Nicolas, aussi président au parlement
de Paris, surintendant des finances, qui Tavait acquise
en 1643. Nicolas-Louis, veuf de Louise Girard, morte
à Ghâteau-Gontier le 17 septembre 1688, épousa en
secondes noces Charlotte du Fresne, et mourut en 1714,
laissant un fils qui, avec ses co-héritiers, vendit en 1739
le marquisat de Ghâteau-Gontier à Félix Aubry, marquis
de Vastan.
J*ai publié dans le Bulletin de La Commission his-
torique et archéologique de la Mayenney 1900, Taveu
rendu au Roi, le 29 juillet 1669, par Louis- Dominique de
Bailleul, marquis de Ghâteau-Gontier.
(Collection du Gomte Lair.
Armoiries : parti d'hermines et de gueules^
— 21 —
DE BaILLEUL.
Le Chevalier de Bailleul, dont Tex-libris, fait au
pochoir, figure ici, appartenait à une autre branche,
restée en Normandie, son pays d'origine. Il était fils de
Charles- Pierre de Bailleul, président à mortier au par-
lement de Normandie, et de N. Brinon. Il entra dans la
seconde compagnie des mousquetaires de la Garde ordi-
naire du Roi et était en 1769 enseigne à drapeau dans
le régiment des gardes françaises.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : parti cT hermines et de gueules.
— 22 —
DU Bellay.
Charles, marquis du Bellay, prince d'Yvetot, baron
de Commequiers, était fils puîné de Martin, chevalier
des ordres du Roi, et de Louise de Savonnières, sa pre-
mière femme, petit-fils de René, baron de la Lande,
qui avait épousé Marie du Bellay, fille et héritière de
Martin, sieur de Langey, et d'Isabelle Chenu, princesse
d'Yvetot. Il servit avec son père et son frère aîné et eut
le commandement d(3 Tarrière-ban d'Anjou. Il épousa,
le 19 septembre 1632, Blanche-Sophie de Rieux, fille de
Jean, marquis d'Acerac, et de Madeleine d'Espinay.
Avec lui s'éteignit la branche des du Bellay, princes
d'Yvetot. C'est à cause de cette principauté que son écu
est surmonté d'une couronne royale, à Fantique.
Collections du Comte Lair, Mautouchet.
Armoiries : d'argent à la bande fuselée de gueule^
accostée de 6 fleurs de lys d'azur en orle.
23 —
DU Bellay.
Guillaume, marquis du Bellay, seigneur de la Courbe,
lîls de François-René, marquis du Bellay, et de Marie-
Suzanne de Rochechouart, fut colonel du régiment de
Brie, brigadier des armées du Roi. En 1741, il passa au
service du roi des Deux-Siciles, qui le fit maréchal de
camp. Il mourut à Naples en 1752, sans alliance.
Il fut après Martin, son frère, évêque de Fréjus, le
dernier mâle de l'illustre famille du Bellay et descendait
en ligne directe de Jean du Bellay, qui s'établit au
Maine, par son mariage avec Jeanne de Logé, dame du
Bois-Thibault.
Collection de M. Mautouchet, au Mans.
Armoiries : dC argent à la bande fuselée de gueules
accostée de 6 fleurs de lys d'azur en orle.
— 24
BiGNON.
La famille Bignon est originaire de Saint-Denis-
d^Anjou, où on la trouve établie dès le commencement
du XVI® siècle. Rolland, fils cadet de Brient, fut avocat
au parlement de Paris, et de lui descendirent cinq
générations d'hommes éminents par leurs vertus et
honorés des plus belles charges de la magistrature.
Son arrière-petit-fils, Jérôme Bignon, né en 1658, fut
avocat au Chàtelet, conseiller au parlement, intendant
de Rouen, conseiller d'Etat et prévôt des marchands de
Paris en 1708. Il mourut le 25 décembre 1726, sans
enfants de Françoise-Marthe Billard. On trouve ce
même ex-libris, avec au-dessous ces mots : Vinea mea
electa.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : (Tazur^ à la croix de calvaire d'argent
posée sur une terrasse de sinople (Toà sort un cep
de vigne qui entoure la dite croix^ laquelle est can-
tonnée de 4 flammes d'argent.
— 25
BiGNON.
Jean-Paul Bignon, frère cadet du précédent, fut abbé
de Saint-Quentin-en-FIsle, doyen de Téglise collégiale
de Saint-Germain-rAuxerrois, conseiller d'État, doyen
du Conseil, Tun des quarante de TAcadémie française,
bibliothécaire du Roi après son père et son grand-père.
Il mourut le 14 mars 1743, au château de TIsle-Belle,
près Meulan.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : semblables aux précédentes.
— 26 —
BiGNON.
Jérôme-Frédéric Bignon, fils d'Armand- Jérôme, avo-
cat général au Grand Conseil, commandeur des ordres,
prévôt des marchands et bibliothécaire du Roi, et de
Marie- Angélique-Blanche Hue de Vermanoir, naquit le
11 janvier 1747 et fut nommé conseiller aux requêtes du
palais en 1766, et bibliothécaire du Roi en survivance.
Il épousa en 1764 une D"" de Ilennot du Rozel, dont il
eut des enfants.
Collection de M. Engelmann, vice-président de la
Société française des Collectionneurs d'Ex-libris.
Armoiries ; semblables aux précédentes.
— 21 —
DU BOUCHET.
Louis-Uilaire du Bouchet, dit le comte de Sourches,
né le 13 septembre 1716, était fils de Louis-François,
seigneur de la Ronce, d'abord chevalier de Malte, lieu-
tenant général des armées du Roi, puis mari d'Hilaire-
Ursule de Thiersault. Il fut capitaine de dragons au
régiment de Languedoc, chevalier de Saint-Louis, et fut
blessé à la tète de son régiment, qu'il commandait à la
bataille de Plaisance. Il épousa Louise-Françoise Le
Voyer, dont postérité.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : écartelé aux i" et k^ d argent à 2 fasces
de sable, aux 2^ et 3^ d'azur, semé de fleurs de lys
d^ argent, au lion de même, couronné d'or, brochant,
qui est de Chambes-Montsoreau.
28 —
^ —
Le Bouyer.
Cet ex-libris fort bien gravé est celui d'un des mem-
bres de la famille Le Bouyer de Saint-Gervais, sans
doute le père de celui quit suit.
Collection de Farcy.
Armoiries : d'or à 3 têtes de lion d'azur, arrachées
de gueules, au chef de même.
EX LIBRIS
Le Bouyer St. Gervais
(Voir page suivante)
— 29 —
DE
^
BIBLIOTBtQUt
U
.LE BOUtER
HOIfHOVDOV
Le Bouyer.
Charles-François-Alexandre Le Bouyer de Saint-
Gervais, vicomte de Monthoudou, d'une famille ancienne
de Normandie alliée à celle du grand poète Corneille,
épousa Marguerite-Angélique Le Boulleur, fille de Fran-
çois Le Boulleur de Brotz et de Catherine Nicole.
Pendant la Révolution, il se servait d'une étiquette
supprimant son titre seigneurial.
M. de Brébisson a publié cet ex-libris dans les
Archives de la Société française des Collectionneurs
d'Ex'libriSy x* année, p. 70.
Il appartient à M. de Monthoudou, qui nous Ta obli-
geamment communiqué.
Armoiries : d'or à 3 têtes de lion arrachées d'azur^
lampassées de gueules^ au chef de même.
— 30 —
i^r^
DE ChAMILLART.
Louis-Michel de Chamillart, comte de la Suze et de
Courcelles, baron de Pirmil, né le 8 février 1701), était
fds de Michel, marquis de Cany, grand maréchal dos
logis de la maison du Roi, et de Marie-Françoise de
Rochechouart. Il succéda à la charge de son père, fut
colonel des dragons, lieutenant général des armées du
Roi, gouverneur du Mont-Dauphin. Il avait épousé en
février 1748 Anne-Madeleine Chauvelin, fille de Ger-
main-Louis, marquis de Grosbois, garde des sceaux de
France, et d'Anne Cahouet de Beauvais. Il mourut le
27 mars 1774, laissant deux enfants.
Sur quelques exemplaires on a ajouté à Tencre, sous
Técusson, ces mots : de Courcelles.
Collections du Comte Lair, de Farcy, musée de Laval.
Armoiries : écartelé aux i" et 4* d'azur à la levrette
d'argent colletée de gueules, au chef d'or chargé de
3 étoiles de sable ; aux 2^ et 3^ fascé onde d'argent et
de gueules de 6 pièces!, qui est de Rochechouart.
— 31 —
DE Champagne.
Guillaume-François de Champagne, seigneur de Moiré,
né le 16 février 1703, était fils de René, seigneur de
Moiré, et de Françoise-Jacquine Louet. Il épousa, le
10 février 1727, Renée-Anne de La Planche, fille de
René-Jean-Baptiste et d'Anne Brault. Il mourut le
27 février 1761, laissant cinq enfants, dont Taîné était
le suivant.
Cet ex-libris, non signé, doit être attribué à Tardieu :
nous en publierons un absolument semblable, aux armes
des la Trémoïlle, et qui porte cette signature. Il faut
remarquer que le chef est ici indiqué d'azur au lieu de
gueules.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : d*hermines au chef de gueules.
— 32 —
DE Champagne.
René-François de Champagne, marquis de Champa-
gne, vicomte des Perriers, (ils du précédent, capitaine
au régiment d'Auxbnne, chevalier de Saint-Louis en
1763, épousa, le 13 février 17G5, Jeanne Tahureau, fdle
d'Etienne, sieur de Couture, colonel au corps royal de Tar-
tillerie, et de Jeanne-Françoise Prudhommme de Mille.
Cet ex-libris, gravé avant 1763, a été publié dans
les Archives de la Société des Collectionneurs d^ Ex-
libris, XIII* année, p. 20, et le cliché nous a été obli-
geamment communiqué par M. Engelman, vice-président
de cette société.
Armoiries : d'hermines au chef de gueules.
— â3
Collégiale Saint-Just de Chateau-Gontier.
Cet ex-libris fort rare est celui de la collégiale Saint-
Just de Chàteau-Gontier, fondée au xii® siècle, par le
seigneur de Chàteau-Gontier, pour son propre usage.
On voit encore, place du Château, les ruines de la
chapelle.
On conserve à Fhôpital Saint-Joseph de cette ville
des burettes en argent et un plateau où les mômes
armoiries sont gravées. Au moment de la Révolution,
les chanoines sauvèrent certains objets et en firent don
à leur mort aux paroisses qu'ils habitaient. C'est ainsi
que le reliquaire du bras de Saint-Just, fabriqué au
XV* siècle, par Gervais Tressart, de Chàteau-Gontier,
donné d'abord à l'église Saint-Remi, est actuellement
déposé à Saint-Jean, proche de l'ancienne collégiale.
Collection de Farcy.
Armoiries : d'azur semé de fleurs de lys d*or à la
croix haute d! argent.
3
— 34 —
DE GhAVAGNAC.
Angélique-René-Heiiri-Gilles de Chavagnac, dit le
comte de Chavagnac, né le 14 janvier 1732, était fils de
Gilles-Henri-Louis-Clair, marquis de Chavagnac, d'une
famille originaire d'Auvergne, et d'Anne-Angélique-
Renée de Froullay de Tessé ; il épousa, le 21 juin 1761,
N. des Escotais de Chantilly, fille de Michel-Rolland,
comte des Escotais, et d'Anne-Geneviève Pineau de
Viennay.
Cet ex-libris a été reproduit au xix' siècle, pour un
des membres de cette famille.
Collections du Comte Lair, de Farcy, musée de Laval.
Armoiries : de sable à 3 fasces d'argent surmontées
de 3 quintefeuilles de même en chef.
Alias : d*argent à 2 fasces de sable surmontées de
3 roses de même.
— 35 —
1Î.X Liln-isCliotard
l>c Boifjouffc
"Ym^P
Ce curieux ex-libris, fait au pochoir, est celui de
Joseph- Augustin-Frédéric Chotard de Boisjousse, gen-
tilhomme servant de M. le comte d'Artois, en 1787, qui
épousa, le 15 ventôse an XI, Brigitte Gaultier de Brûlon,
fille de Louis- Jean- Jacques, sieur de Vaux, et de Brigitte
du Bois de Maquillé, dont il eut deux filles. Il était veuf de
Marie-Louise Le Moyne de la Borderie, dont il avait eu un
fils, Marie-Louis-Joseph, mort à 13 ans, le 19 juin 1792.
Collection de M. Engelmann.
Armoiries : de gueules au lion d'hermines ?
— 36 —
Le Clerc.
Cet ex-libris, aux armes des Le Clerc de Juigné, u'a
pu être identifié. Il est posé sur une croix de Malte (?) et
Ton trouve des volumes portant un éeusson absolument
semblable, mais sans les palmes.
Collection Mautouchet.
Armoiries : d'argent à la croix de gueules dentelée
de sable cantonnée de 4 aiglettes éployées de même,
becquées, membrées de gueules.
— 37 —
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Le Clerc.
Jacques-Gabriel-Louis Le Clerc marquis de Juigné,
baron de Champagne, servit aux Mousquetaires en 1742,
colonel du régiment de Blaisois, puis de Forez et enfin
de Champagne, brigadier des armées du Roi et maré-
chal de camp en 1762. Il épousa, le 17 mars 1768,
Charlotte Thiroux, fille de Philibert, seigneur de Cham-
meville, et de Geneviève-Thérèse de Colabeau. En 1774,
il fut envoyé en qualité de ministre plénipotentiaire de
France près l'impératrice de Russie. Il était frère aine
d'Antoine-Éléonore-Léon, nommé en 1781 archevêque
de Paris.
Collection Mautouchet.
Armoiries : dC argent à la croix de gueules engrèlée
de sable cantonnée de 4 aiglettes de même becquées et
onglées de gueules.
38 —
Gaspard de Clermont.
DE ClERMONT.
Gaspard de Clermont, issu d'uiK^ branche? cadotto de
la maison do Cl(»rmont-Gall(n*and(', brisait ses armoi-
ries d'une étoile d'argent en cht»f; il servait dans la
cavîilerie. Outre les deux (»x-Iibris ri-dessus, il en avait
de manuscrits. Sur un exemplaire de V Histoire des Rois
de Sicile et de Naples, des maisons d* Anjou, in-4**,
Paris, 1707, il avait écrit dans un encadrement à raies :
« de la bibliothè(iu(? dcî (Gaspard de Clermont, chef
« d'escadron au régiment cavalerie d'Orléans, Paris,
« 1788. »
Collections du Comte Lair et de Farcy.
Armoiries : d'azur à 3 chevrons d'or, celui du chef
brisé^ surmonté d'une étoile d'argent.
39 —
laMGiWITfPlIlfiiiîillJlinM
Constantin.
Robert Constantin, sieur de Montriou, Laiinay,
Malabry, etc., né en 1625, abbé de Brignon, conseiller
au parlement de Bretagne le 12 juin 1655, était fils de
Jacques Constantin de Montriou, conseiller, maître des
comptes de Bretagne, et d'Anne Martineau. Il fut main-
tenu dans sa noblesse avec ses frères en 1670 et vivait
encore en 1689.
Il existe un autre ex-libris plus petit, exactement
semblable à celui-ci.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : d'azur au rocher dor mouvant d'unç
mer d'argent.
40 —
If^^if Jlfjtir J* i^ fèc
DE COURTARVEL.
Louis-François-René, marquis de Courtarvel, issu
d'une famille d'ancienne chevalerie, naquit le 19 décembre
1759, du mariage de René-César, dit le comte de Cour-
tarvel, et de Marie-Françoise-Tliérèse des Ligneris. Il
suivit la carrière militaire ; maître de camp au régiment
de Penthièvre-dragons, colonel du régiment de Vivarais,
maréchal de camp. A la Restauration, il fut nommé lieu-
tenant-général et appelé à la pairie le 5 novembre 1827.
Il avait épousé, en juillet 1783, Marie-Louise de Lam-
bert, dont Tex-libris suit.
Les ornements qui accompagnent son bel ex-libris
rappellent ses services.
Collection de M. de Rémacle.
Armoiries : d'azur au sautoir dCor cantonné de
16 losanges de même, posés 4 dans chaque canton^
4 en croix et 12 en or le.
— 41 —
|lii!i)tir.H.pp-LnMBKtii
A
?
/
^-—^■-y:\
Marquise de Gourtarvel, née de Lambert.
Cet ex-libris, fort rare, est celui de la femme du mar-
quis de Gourtarvel dont on vient de voir Tex-libris.
Marie-Louise de Lambert, d'une famille de chevalerie
de TAngoumois, était fille d'Henri-Joseph de Lambert,
maréchal de camp des armées du Roi, et de demoiselle
Anisson du Perron. Elle mourut à Paris, le 29 avril 1839.
Collection de Farcy.
Armoiries : de Courtarvel, accolé coupé emmanché
de gueules et cCargent, de 3 pièces sur 2 et 2 demies.
— 42 —
îbc la. ULotajwe. !> c oK' ^
I j tittianx oe C^n a La tJ* Ut eut c rua. nt
DUMANS.
La seigncMirie de Bourg-rEvéque, au Maine, avait été
acquise en 1732, par Jac([ues Dumans, prêtre, conseiller
au parlement, abbé de Barzelles. Cet ex-libris doit être
celui d'un de s(»s petits-neveux : Micliel-René-François
Dumans, ([ui fut lic^uteiuint des maréchaux de France,
eomm<» l'indiquent lc\s attributs qui accompagnent Técu.
Il fut convoqué aux Etats-généraux de 1789. Cet ex-libris
est Tœuvre d'Andouard, graveur à Laval.
Collection de Farcy.
Armoiries : (Tor à la fasce de gueules chargée de
3 étoiles d'argent et accompagnée en pointe d'une
merlette de sable.
— 43 —
DE F ARC Y DE CuiLLE.
Jacques-Gabriel- Annibal de Farcy, dit le marquis de
Cuillé, était fils de Jacques-Daniel- Annibal, sieur de
Cuillé, conseiller au parlement de Bretagne, et de
Pélagie Gourio de Lanoster. Conseiller au parlement en
1746, il fut nommé président à mortier en 1756; il se
trouva mêlé à toutes les luttes du parlement au sujet des
privilèges de la province, de 1765 à 1788. Retiré à son
château de Cuillé au moment de la Révolution, il y fut
grossièrement insulté (»t vit son château brûlé et piHé.
Il mourut à Rennes, en 1794. Il laissait trois lilles de
son union avec Cath<;rine-Françoise- Jeanne de Bahuno.
Sa petite-fille. M™* de Ravenel, a porté la terre de Cuillé
dans la famille de Moncuit qui la possèdt; encore.
Collection de Farcy. Voir Tarticle paru dans les
Archives de la Société française des Collectionneurs
d'eX'libris^ ix" année, p. 21.
Armoiries : d'or fretté cCazur de 6 pièces^ au chef
de gueules.
— 44 —
FOUCQUET.
La simplicité de cet ex-libris de la famille Foucquet
ne me parait pas autoriser son attribution au surinten-
dant des finances dont les volumes sont ornés d'un
écusson avec lambrequins des plus riches et compliqués.
Peut-être se rattache-t-il à la branche de la Bouche-
follière, restée dans le Craonnais et dont un membre,
François-René, fut conseiller au parlement de Bretagne
en 1697. Le père de celui-ci, président à Rennes, habitait
Chàteau-Gontier dans un hôtel qui sert aujourd'hui de
musée.
Collection de Farcy.
Armoiries : (T argent à V écureuil grimpant de gueules.
-45 -
FOUCQUET.
René-François de Foucquet de la BouchefoUière, dit
le comte de Foucquet, fils de François-René, eut une
brillante carrière militaire. Lieutenant de dragons en
1721, puis capitaine, il servit en Lorraine, en Bohême,
puis à l'armée du Rhin au siège de Mons. Brigadier en
1747, il passa en Italie et en Allemagne, et fut nommé
lieutenant-général des armées du Roi en 1762. 11 avait
épousé demoiselle de Berwich. Il y eut une enquête
pour les preuves de la comtesse de Foucquet, pour être
présentée à la cour en 1782.
Collection de M. Engelmann.
Armoiries : d'argent à V écureuil grimpant de gueules.
— 46 —
De la Bibliothèque - de M^.
JEaN-CoN STANTIN GeNDRY
DE Boisgiray, PrctPC, Dod.
en Médecine «Chanoine deCraon,
& Prieur ComaiAndacaire de S*
Georges de la Balluë.
Gendry.
Cette étiquette se trouvait collée sur un livre de
médecine : Francisci Deleboe, Syhii opéra medica,
Amsterdam y 1679, In-^^^ qui porte aussi cette mention
manuscrite, Constantinus Gendry de Boisgiray^ doctor
medicus, 1119. Celui-ci exerçait à Craon, en 1722 : c'était
le père de Jean-Constantin Gendry de Boisgiray, prêtre,
docteur en médecine, chanoine de Craon, et prieur com-
mandataire de Saint-Georges de la Ballue, membre
dépendant de Tabbaye de la Roë.
Collection de Farcy.
— 47 —
DE LA GOUPILLIÈRE.
Pierre-Guillaume-Louis de la Goupillière, dit le
marquis de Dollon, né le 12 août 1741, était fils de
Pierre-Gaspard et de Marie Bordel de Viantais. Il était
lieutenant au régiment du Roi-infanterie. Cette famille
ancienne, originaire dé la paroisse de Saint-Hilaire-du-
Lierru, s'est éteinte à la fin du xix** siècle.
Collection de Farcy, Mau touche t.
Armoiries : d'argent à 3 renards passants de gueules
posés en pal.
— 48 —
Chausson.
Jacques-Paul Chausson, écuyer, seigneur du Saussay
et des Orgeries, lieutenant général et particulier, ancien
civil et criminel et commissaire enquêteur examinateur
au bailliage d'Alençon, pour la vicomte d'Exmes et Trun,
épousa, le 19 janvier 1712, Catherine Alliot du Hamel ;
il mourut revêtu de sa charge, en 1738.
Cet ex-libris appartient à M. A. de Courtilloles d'An-
gleville, qui nous Ta obligeamment communiqué.
Armoiries : dUor au lion d'azur au chef de gueules
chargé de 3 besans d'argent^ écartelé d'or à 3 fusées
de sinople accolées en fasce^ qui est Alliot.
(A suivre).
J
LA POURSUITE
APRÈS LA BATAILLE DU MANS
par le détachement du général de Schmidt
DU 13 AU 17 JANVIER 1871
(Fin).
16 Janvier.
Le 16 janvier au matin, le général de Schmidt trouva
Saint'Jean-sur-Erve abandonné par Tennemi. Toujours
inquiet de son flanc droit, et croyant avoir contre lui
des forces bien supérieures, T amiral Jauréguiberry, dès
qu'il eut reçu le compte-rendu de Tentrée des troupes
allemandes dans Sainl-Jean^ avait donné le soir du 15
Tordre de la retraite sur LavaL L'évacuation de sa posi-
tion, très étendue et qui présentait, en raison du terrain
très accidenté, de grandes difficultés pour la retraite,
s'accomplit sans bruit dans l'obscurité de la nuit. Dans
la crainte que les Allemands n'attaquassent encore pen-
dant la nuit, cette retraite fut exécutée en toute hâte par
Vaiges jusqu'à Soulgé-le-B ruant ; on y bivouaqua à
minuit et le 16 au matin on reprit la marche sur Laval.
Le général de Schmidt s'était mis en mouvement à
huit heures du matin en trois colonnes : la colonne prin-
cipale était sur la route de Saint- Jean à Vaiges^ pendant
4
— 50 —
que le détachement Mûnchhausen de Sainte-Suzanne et
les troupes détachées pendant la nuit à Thorigné mar-
chaient également sur Vaiges par Saint-Pierre-sur^
Erve ; en outre le 4® escadron du 6" rég* de dragons se
porta de Bannes, par Saulges, sur La Bazouge-de-
Chemeré.
Sur les trois routes la cavalerie poussée en avant prit
un grand nombre d'isolés et de traînards.
Le 3' escadron du 6® dragons, à la tête de la colonne
du milieu, atteignit Vaiges sans s'être heurté à de plus
forts détachements ennemis. Le général de Schmidt
prescrivit à l'escadron de pousser jusqu'à Soulgé-le-
Bruant et ordonna de faire autant de prisonniers que
possible. On réussit même, par une marche rapide, à
atteindre une colonne d'infanterie serrée qui fut attaquée
et forcée de déposer les armes. Lorsque Tescadron arriva
au Bignon *, il était tellement affaibli d'avoir laissé des
hommes à la garde des prisonniers, et détaché des
patrouilles de chaque côté de la route, qu'il parut impos-
sible de pousser plus loin la poursuite.
Le lieutenant comte de Moltke II fut donc envoyé avec
une patrouille sur Soulgé. Lorsque cet officier entra
avec beaucoup de hardiesse dans le village, il vit tout à
coup en face de lui une grande troupe de cavalerie à
rangs serrés. En tournant sur le verglas son cheval
s'abattit et il fut fait prisonnier avec sa troupe qui ne
voulut pas l'abandonner. Le commandant de l'escadron,
capitaine comte Schulembourg, partit aussi vite que
possible, avec le reste de l'escadron, pour délivrer le
camarade ; mais il fut reçu par le feu d'une chaine de
tirailleurs, qui avait pris position à l'est de Soulgé des
deux côtés de la route, et dut rétrograder.
La colonne de droite heurta dans sa marche de
Sainte-Suzanne sur Saint-Léger^ à l'est de cette der-
nière localité, un bataillon ennemi avec un peu de cava-
1. Ferme près de Soulgé.
— 51 —
lerie, qui étaient sur le point de se retirer sur Saint-
Léger. Le major de Mûnchhausen fit mettre ses deux
pièces en batterie et tirer sur Tennemi. Ses deux esca-
drons suivirent l'adversaire jusqu'à Saint-Léger ; le
détachemeilt retourna sur Vaiges,
A la colonne de gauche il fut reconnu par les patrouilles
de dragons qu'une brigade de cavalerie ennemie s'était
retirée le matin de La Bazouge-de-Chemeré sur Laçai;
plusieurs ordonnances françaises, qui devaient y porter
des lettres et des ordres, furent faites prisonnières par
les patrouilles allemandes.
Peu après midi le général de Schmidt avait son déta-
chement réuni à Vaiges j et le répartissait à Saint-Léger^
Vaiges, La Bazouge-de-Ckemeréj Saint-Jean et Saint-
Pierre. Les avant-postes furent envoyés dans la direc-
tion d'i^t^ro/i, la Chapelle-Rainsouin, Soulgé, Bazougers
et Meslay.
Dans le cours de la journée il avait été fait plus de
mille prisonniers, qui avaient été envoyés à la 20* divi-
sion. Ils étaient presque tous du 16' corps dont, au dire
d'un colonel français prisonnier, deux divisions avaient
pris part au combat du jour précédent.
Les rapports parvenus jusqu'à trois heures après-midi
firent connaître qu'une arrière-garde ennemie occupait
encore un bois à l'ouest de Soulgé; mais le reste des
forces était en pleine retraite sur Laval. La Chapelle-
Rainsouin fut trouvé inoccupé par l'ennemi ; mais à
midi des troupes avaient encore traversé cette localité.
Saint-Christophe était occupé par deux compagnies
d'infanterie françaises.
Les efforts des derniers jours rendaient désirable de
relever l'infanterie du détachement. La 20* division avait
donc ordonné que les !•'' et 2^ bataillons du 92° régiment
et le 1*' bataillon de fusiliers du 56** marcheraient à sa
place. Pour épargner à son infanterie une seconde mar-
che dans la même journée, et comme les bataillons dési-
gnés pour la relève ne pouvaient arriver le 16, à cause
— 52 —
de la longueur de la marche, qu'à peine jusqu'à la pre-
mière- ligne, le général de Schmidt ne fixa la relève
qu'au lendemain.
Le gros du X® corps, venant de Longues^ avait atteint
le 16 la région de Saint-Denis-d'Ovques. Le colonel
de Valentini, commandant la 39* brigade d'infanterie,
se posta à Bernay avec un détachement mixte. Le
colonel Lehmann occupa le même jour Silli-le-Guil-
laume et s'assura que l'adversaire était parti dans la
direction ouest. La 2* division de cavalerie se porta à
Vernie, Le IX** corps cantonna à Conlie. Le XIII® corps
entra sans combat à Alençon^ d'où l'ennemi s'était éga-
lement mis en retraite.
Le commandant en chef de la IP armée se vit alors
amené à arrêter la poursuite. Les nouvelles parvenues
au grand état-major de Sa Majesté avaient fait consi-
dérer comme vraisemblable que l'armée française du
Nord allait de nouveau prendre l'offensive. On était donc
conduit à réunir la première armée sur la Somme^ et
afin de pouvoir retirer celles de ses forces qui se trou-
vaient sur la basse Seine^ le direction supérieure ordonna
que le XIII* corps, pris sur la II* armée, se mettrait en
marche sur Rouen en leur lieu et place. Comme il résul-
tait de là un affaiblissement sensible de son armée, le
prince Frédéric-Charles décida de ne pas suivre l'adver-
saire avec de plus de grosses masses au delà de Conlie
et du ruisseau de Vaiges. Les IX* et X* furent arrêtés
sur ces positions et le premier fut chargé de l'évacuation
du camp de Conlie, Comme aile droite de l'armée, la
4« division de cavalerie devait prendre position sur
la Sarthe près d^Alençon.
17 Janvier.
Avant que ces ordres ne parvinssent au X* corps
d'armée, le général de Schmidt avait déjà donné ses
instructions pour continuer le 17 la marche sur Laval,
— 53 —
Les rapports qui lui étaient parvenus pendant la nuit
contenaient les renseignements suivants :
Saint'Christophe et Châtres avaient été trouvés inoc-
cupés. A Evron et au nord on avait remarqué de grands
feux de bivouacs et des vedettes. D'après le dire des
habitants, le 16 à midi, des colonnes d'infanterie s'étaient
portées de Châtres sur Evron. Cette localité était encore
occupée par de Tinfanterie régulière et trois pièces qui
étaient également venues de Châtres. A Soulgé^ il y
avait de l'infanterie qui, paralt-il, était plus faible que le
détachement se trouvant à Ei^ron. A Chemeré-le-Roi^
huit mille hommes, partis de Sable\ avaient bivouaqué
dans la nuit du 15 au 16, et s'étaient mis en marche le 16 au
matin sur Laval, par Bazougers et Forcé. Bazougers
était encore occupé par une forte infanterie ennemie.
En raison de ces renseignements, le général de
Schmidt fît éclairer le 17 au matin sur Evron par le
5* escadron du 15* rég* de uhlans et sur Bazougers par
le 2" escadron du 6' rég* de dragons. Ce dernier trouva
Bazougers inoccupé par l'ennemi. Son chef, le premier
lieutenant de Trotha, y laissa ses bagages sous la pro-
tection d'un demi-peloton, envoya un peloton sur la
grande route Sablé-Laval et un autre par Louvigné
sur Forcée pendant que lui-même, avec le reste de son
escadron, se portait sur Forcé par le chemin direct. Il
fit en route soixante-quatre prisonniers qu'il envoya
sous escorte, en sorte qu'il n'arriva à Force qu'avec un
peloton. Bien que ce village fût occupé par l'ennemi, le
premier lieutenant de Trotha y pénétra dans l'espoir
d'amener, par une marche décidée, l'adversaire à se
retirer. Mais les dragons reçurent des coups de feu de
tous les côtés et leur brave chef tomba de cheval percé
de nombreuses balles. Les autres pelotons, qui accou-
rurent, furent aussi accueillis par un feu violent, et
l'escadron dut reculer sur Bazougers ^
1. (Im. présente note ne fait pas partie du texte allemand). Le
hasard a mis sous nos yeux un récit français du même épisode.
— 54 —
Le relèvement de Tinfanterie avait eu lieu ; toutefois
les fusiliers du 56* régt n'arrivèrent que plus tard ; ce
bataillon n'avait qu'une force de 280 hommes, de sorte
qu'on en avait formé un demi-bataillon de deux compa-
gnies, sous les ordres d'un premier lieutenant.
Après avoir rassemblé la majeure partie des forces de
son détachement sur la grande route, à l'ouest de
Vaiges^ le général de Schmidt se mit en marche sur
Laval. Les trois escadrons du 2*^ rég* de dragons, qui le
devançaient au trot, trouvèrent Soulgé déjà évacué par
Nous l'empruntons à une brochure publiée en 1872 : Les Francs-
Tireurs de la Sarthe, par le marquis de Poudras.
« il janvier. Nous dirigeant de Meslay sur Laval, nous faisons
la grande halte à Forcé. Comme nous nous disposons à repartir,
une trentaine de dragons allemands débouchent par le chemin de
Bazougers et se répandent dans les métairies à l'extrémité du
village. Trois de mes francs-tireurs, qui achevaient leur repas,
surpris par un groupe de ces audacieux visiteurs, ont juste le
temps de sauter sur leurs fusils et, se jetant résolument au dehors,
ils en arrêtent deux au moment où ils mettent pied à terre. A la
vue des francs-tireurs, les autres s'enfuient ; mais l'alarme est
donnée et ils sont vigoureusement poursuivis par les capitaines
Fleury et Tétart, à la tête de leurs compagnies. Plusieurs des
cavaliers sont blessés et ils ont un cheval tué. Nos prisonniers
appartiennent aux dragons de Magdebonrg : leur escadron est tout
proche et il précède une colonne de huit à dix mille hommes qui
se trouve à une journée en arrière ; ces troupes sont sous les
ordres du général Schmidt. »
« Le bataillon se reforme sur la route de Laval. Tout à coup
nous apercevons au loin un fort détachement de cavalerie qui vient
par la route de Meslay. Nous supposons d'abord que c'est une de
nos reconnaissances, quand, ces cavaliers prenant le trot, nous dis-
tinguons bientôt leurs casques noirs. — Mes francs-tireurs sont là,
immobiles, l'arme au pied, et ce n'est pas sans stupéfaction que
nons voyons ces hommes s'avancer sans avoir l'air de s'occuper de
nous. Ils sont environ 60 ou 80. L'officier qui les commande se
détache aussitôt en brandissant son sabre. Mais le lieutenant
Saybaud ajuste le cheval, il tire et la balle va frapper le cheval en
plein poitrail. — L'officier allemand se dégage lestement et prompt
comme l'éclair il court droit au lieutenant et, avant que celui-ci ail
eu le temps de se mettre sur la défensive, lui porte un vigoureux
coup de pointe dans le ventre. Le lieutenant Saybaud tombe et
avec lui son héroïque assaillant, qui venait d'être foudroyé. Cet
officier si audacieux se nommait le baron Gustave von Trotha. J'ai
su deptiis qu'il était cousin du comte de Bismarck, v (£1. M.)
— 55 —
Tennemi ; toutefois le 1*' escadron, qui marchait en tête,
prit encore un certain nombre de traînards.
Le passage de la Jouanne fut également trouvé inoc-
cupé. Ce n'est qu'au sud de Bonchamp que le l®*" esca-
dron, après avoir traversé la Jouanne^ se heurta à une
ligne d'infanterie ennemie, qui le reçut par un feu vio-
lent. Cet escadron recula donc jusqu'à l'est de Bon-
champ^ où il continua à observer l'ennemi.
Lorsque vers midi le général de Schmidt fit reposer
son gros sur la route, à l'endroit où elle coupe la route
à'Argentré à Louvigné^ il reçut du 1" escadron du 15*
rég' de uhlans, qui était en reconnaissance sur l'aile
droite par La Chapelle- Rainsouin sur Montsûrs, avis
que des colonnes ennemies, fortes de deux à trois mille
hommes environ, avaient quitté la grande route à Mont-
sûrs et s'étaient rendues à Argent ré. Le général envoya
donc le colonel d'Alvensleben, avec les deux bataillons
du régiment d'infanterie de Brunswick, le 3® escadron
du 15*^ rég* de uhlans et les deux sections de la 2*^ bat-
terie à cheval, vers Argentré^ pour y attaquer l'adver-
saire. Le chef de détachement fit mettre les pièces en
batterie sur une hauteur située au nord de la localité,
d'où elles pouvaient battre la route. — Mais les Français
s'infléchirent dans la direction du nord.
Le détachement du colonel d'Alvensleben cantonna le
soir à Argentré et dans les fermes environnantes, tandis
que le général de Schmidt faisait halte, avec le gros de
son détachement, derrière la Jouanne^ car à ce moment
il avait reçu du général commandant le X'' corps l'ordre
« de ne pas s'exposer, mais de continuer à observer. »
Le général de Schmidt se porta, de sa personne, sur
la grande route de Laval, pour reconnaître la position
ennemie. Il envoya à quatre heures et demie, au géné-
ral commandant, le résultat de ses observations :
« Les reconnaissances de tous les escadrons ont fait
« connaître que l'ennemi occupe fortement le passage de
« la Jouanne à Saint-Céneré, et que quelques colonnes
— 56 —
« en retraite se sont portées par Montsurs dans la direc-
<( tion de Châlons pour se rendre à Laval. L'ennemi,
« en dehors de sa position de Lavaly a porté sur son
« aile gauche de forts détachements pour recueillir ses
« colonnes, en sorte que maintenant je suis malheureu-
« sèment hors d'état de leur couper la retraite.
« J'ai reconnu la position de l'ennemi devant Laval.
« Cette position se trouve immédiatement de ce côté-ci
« de cette ville, dans la vallée. 11 a très fortement
« occupé à cet endroit un ravin avec une ligne de tirail-
« leurs, juste au point où la chaussée fait un coude à
« gauche ^ Sur la route, immédiatement en avant de la
« ville, il a placé des pièces et des mitrailleuses, avec
« lesquelles il ouvrira le feu dès que le tournant de la
« route aura été évacué par les détachements qui sont
« de ce côté-ci. Je fais faire des patrouilles par l'esca-
« dron de Bothmer, de Tavant-garde, pour obliger Ten-
« nemi à montrer ses forces ; il a reçu de nombreux
« coups de fusil et de mitrailleuse, et l'ennemi a tiré
« longtemps sur les bâtiments situés de ce côté-ci
« du coude de la chaussée -.
« De plus, l'escadron en reconnaissance sur le flanc
« gauche, devant Forcée a de nouveau reçu des coups
« de feu : la cavalerie de Tavant-garde a eu par suite
« deux hommes et deux chevaux tués et trois hommes
« blessés.
« J'ai cru, dans ces circonstances, et comme j'ai
« ordre d'éviter tout combat sérieux, devoir m'abstenir
« d'une attaque vigoureuse, d'autant plus que le batail-
« Ion de fusiliers du 56* rég* me fait encore défaut.
« J'ai désigné, comme cantonnements d'alerte :
« Argentréj Louvigné^ Forcéy Soulgé, avec des avant-
« postes vers Saint-Céneré, La Chapelle^ Bonchamp^
« Laval.
« Comme la position sur la Jouanne est de beaucoup
1. A Barbé (E. M.)
2. Les maisons de Barbé (E. M.)
— 57 —
« meilleure que celle que Fennemi tient actuellement,
« comme d'ailleurs de nombreux trains de chemin de
« fer partent constamment de Laval^ je crois que Ten-
« nemi évacuera la position lorsque ses colonnes du
« 21* corps seront arrivées à Laval par Châlons et
« Louverné.
« L'escadron devant Forcé a également perdu trois
« hommes et deux chevaux, car cette localité est forte-
<x ment occupée par de l'infanterie ennemie ; il a fait
« quarante prisonniers.
« L'ennemi est passé aujourd'hui par Bazougers^
« avec six mille hommes et quatre pièces. Le 17* corps
« français doit avoir effectué sa retraite par Château-
« Gontier. Aujourd'hui, dans la matinée, deux ou trois
« régiments d'infanterie et quelques escadrons se sont
« retirés de Monisurs par Argentré sur Laval. Les pri-
« sonniers qui y ont été faits sont de la réserve du
« 14* rég* d'artillerie, du 9* rég* d'artillerie, du 64* ba-
« taillon de marche d'infanterie, du 11* bataillon de
« marche de chasseurs à pied. Tous appartiennent au
« 17* corps, ce qui ne confirmerait pas, par conséquent,
« la retraite de ce corps sur Château-Gontier, De tous
« côtés il a encore été fait des prisonniers. »
Les troupes du détachement furent cantonnées, des
deux côtés de la grande route, dans les localités men-
tionnées au rapport ci-dessus. Le 1^*^ bataillon du
56* rég* fournit les avant-postes sur la Jouanne. Le
l*' escadron du 2* dragons, envoyé vers Bonchamp,
fut relevé le soir par le 3® escadron du même régiment.
Le !•'' escadron avait été auparavant attaqué, dans
l'obscurité, par des patrouilles françaises d'infanterie et
de cavalerie. Le capitaine de Bothmer les repoussa par
le feu de ses dragons, qui avaient mis pied à terre,
armés de fusils chassepot.
Le soir, arriva encore du flanc droit la nouvelle,
envoyée par le 5* escadron du 15* rég* de uhlans, qu'à
cinq heures de l'après-midi, les dernières troupes de l'en-
— 58 —
nemi, spahis et cuirassiers, avaient traversé Monts urs
dans la direction de Laval. L'escadron avait pénétré
dans Monlsurs après plusieurs pertes inutiles et y avait
fait trente-deux prisonniers.
Les pertes de la totalité du détachement Schmidt
s'élevaient, pour la journée du 17 janvier, à 1 officier,
5 hommes et 2 chevaux.
Le général commandant le X* corps d'armée avait
décidé de faire approcher, le jour suivant, le gros de la
20* division plus près du détachement du général de
Schmidt, attendu que les seules forces de ce dernier
pouvaient difficilement arriver à briser la résistance de
l'ennemi et précipiter la continuation de sa retraite. La
19* division devait ne pas bouger et observer vers
Sainte-Suzanne et Brulon,
Mais le mouvement en avant de la 20® division ne fut
pas mis à exécution, car, dans la nuit du 18 janvier, le
commandant supérieur fit savoir qu'on n'avait pas en
vue d'aller plus loin vers l'ouest avec la IP armée.
18 Janvier.
La poursuite de l'adversaire par le détachement de
Schmidt arrivait donc à sa fin par suite de ces prescrip-
tions. Il n'est pas sans intérêt toutefois d'examiner ses
actes pendant les derniers jours si on veut avoir une
idée complète de l'activité de son chef durant cette par-
tie de la campagne.
Suivant les ordres du général commandant le X* corps,
le général de Schmidt devait reculer, le 18 janvier, sur
Vaiges et ses environs et s'y tenir en observation.
Cependant, dans la nuit, il reçut de ses avant-postes
des rapports spécifiant que l'ennemi s'était retiré de sa
|)Osition antérieure, que des feux de bivouac avaient été
éteints et que des clameurs, ainsi que des roulements
de voitures considérables, avaient été entendus. Quel-
ques patrouilles étaient parvenues sur la grande route
— 59 —
au coude de la route, à Test de Laval ^ sans avoir reçu
de coups de feu. Le 17 à dix heures du soir, et le 18 à
dix heures du matin, on avait entendu des détonations
qui faisaient croire à la destruction des ponts de la
Mayenne.
De tout ceci il semblait résulter qu^une retraite géné-
rale des Français était en cours d'exécution. Par suite,
le général de Schmidt, après s'être personnellement
assuré le matin qu'on ne pouvait voir de l'ennemi que
de faibles patrouilles, résolut, avant de se retirer, de
rechercher avec exactitude quelles forces et quels
moyens de combat se trouvaient encore à Laval.
Il chargea donc le colonel von Alvensleben d'une
grande reconnaissance qu'il devait conduire àWrgentré
sur Laval avec le !•' bataillon du 92* rég*, les 3* et
5* escadrons du 15* rég* de uhlans et une section de la
2* batterie à cheval, pendant qu'en même temps le
!•'' bataillon du 56* et le l**" et le 2* escadrons du 2* dra-
gons devaient s'avancer de Soulgé par la grande route.
La colonne d'Alvensleben se heurta, au nord de Bon-
champ^ à l'infanterie ennemie, qui fut repoussée par un
choc vigoureux des l*"* et 4® compagnies du 92* rég*.
Malgré la difficulté des chemins, les Brunswickois pour-
suivirent vivement l'ennemi qui se retira en complet
désordre .sur Laval, Mais le l**" bataillon du 56* rég'
s'approchait maintenant par la grande route. 11 avait
employé en première ligne les 2* et 3* compagnies. En
s'approchant davantage de Laval on se heurta, à l'est
et au nord de la ville, à des forces françaises considé-
rables qui s'y tenaient prêtes au combat en de bonnes
positions. La colline au nord de la ville, sur laquelle se
trouvaient des constructions étendues 2, assurait notam-
1. C'est-à-dire A la chaussée de V étang de Barbé (E. M.)
2. Quartier du Séminaire. Ces constructions s'aperçoivent très
bien du champ dans lequel le colonel d'Alvensleben avait placé ses
deux pièces. Ce champ est situé sur la route d'Argentré, au haut
et à droite de la petite cote très rapide que l'on monte en venant
de Barbé et avant le passage à niveau du chemin de fer (E. M.)
— 60 —
ment un important point d'appui. Les lignes de tirail-
leurs allemands furent couvertes par un feu très vif
d'infanterie venant de la hauteur et par celui de quel-
ques batteries établies non loin de là. On pouvait
encore voir des batteries établies sur Tautre rive de la
Mayenne,
Cependant, le combat d'infanterie devenant toujours
plus vif, le colonel d'Alvensleben fit mettre ses deux
pièces en batterie ; mais bientôt il reçut Tordre du géné-
ral de Schmidt de rompre le combat et de se retirer. Le
détachement du colonel d'Alvensleben, aussi bien que le
l®*" bataillon du 56% rompirent donc le combat avec
ordre et calme et reculèrent, faiblement poursuivis par
Tennemi, derrière la Jouanne^ où le reste du détache-
ment avait pris une position de soutien.
Le but de la reconnaissance était atteint. On avait
constaté que l'intention de l'adversaire était de conser-
ver Laval et on l'avait obligé à montrer ses forces qui
se montaient à au moins huit bataillons, six batteries de
canons et une batterie de mitrailleuses.
Après avoir rassemblé son détachement sur la grande
route, le général de Schmidt se mit en mouvement sur
Vaiges et y établit ses troupes, ainsi qu'à Saint-Léger^
La Bazouge-de-Chemeré^ Saint- Jean-sur-Erveei Saint-
Pierre-sur-Erve^ pendant que les petits postes étaient
envoyés vers La Chapelle- Rainsouin^ Soulgé ei Bazou-
gers^ afin de continuer à observer l'ennemi.
Un escadron de chasseurs à cheval, s'avançant de
Saint- Jean-sur-Mayenne^ fut repoussé par le 3® esca-
dron du IS** uhlans. En même temps, une forte détona-
tion, venant de la même direction, indiquait que le pont
situé au dit lieu sur la Mayenne, avait sauté.
Le détachement avait fait, le 18, environ cent prison-
niers. Ses pertes, en cette journée, atteignaient : 1 ofii-
cier, 7 hommes et 2 chevaux ^ .
1. Savoir : pour le régiment d'infanterie de Brunswick, n® 92 :
1 officier et 2 hommes tués, 3 hommes blessés ; pour le régiment
— él-
is Janvier.
La retraite des Allemands amena les Français à pous-
ser de nouveau, dans la nuit du 18 au. 19 janvier, leurs
troupes avancées jusqu'à la Jouanne,
Le 19 à deux heures du matin, Argentré fut occupé
par environ trois escadrons, et à onze heures et demie
du matin, des détachements de cavalerie cherchèrent
encore à s'avancer plus loin. Trois escadrons s'avan-
cèrent de Saint'Céneré et Montsurs sur La Chapelle-
Rainsouin^ et deux escadrons de Forcé sur Bazougers.
Pendant que la cavalerie française était forcée à la
retraite devant cette dernière localité, le 2^ escadron du
2''rég^de dragons dut évacuer La Chapelle-Rainsouin.
11 se retira dans la direction de Vaiges^ perdant 1 homme
tué et 1 blessé. Renforcé par deux escadrons du 15* rég*
de uhlans venus de Vaiges et Saint-Léger^ il rentra vers
cinq heures de l'après-midi en possession de son canton-
nement.
A midi, le 19, eut lieu par les soins de la 20* division,
une nouvelle relève d'une partie de l'infanterie du déta-
chement. Les deux bataillons du 92« rég* d'infanterie et
le bataillon des fusiliers du 56« revinrent à la division,
et à leur place le 79« d'infanterie et l'état-major de la
39« brigade d'infanterie furent affectés au détachement.
Les rapports des patrouilles arrivés le 19 disaient que
Forcé continuait à être fortement occupé par l'infanterie
ennemie. A Laval avait lieu un grand mouvement de
chemins de fer.
20 Janvier.
Le 20 janvier, des détachements français s'avancèrent
encore contre les avant- postes allemands. Ainsi dans la
matinée, les postes occupant La Chapelle-Rainsouin^
de dragons de Brandebourg, n» 2 : 1 cavalier et 2 chevaux tués,
1 cavalier blessé.
— 62 —
Soulgé et Bazougers^ furent de nouveau attaqués par
rinfanterie ennemie, sans qu'à aucun endroit on en vint
à un combat sérieux. L'ennemi s'abstenait de continuer
l'attaque dès qu'il remarquait que les troupes allemandes
n'évacuaient pas leurs positions sans résistance. La nuit,
l'attention de l'ennemi n'était pas très grande, de sorte
que les patrouilles allemandes pouvaient s'approcher
jusqu'à trois quarts de mille ^ de Lavaly tandis que le
jour elles ne pouvaient pas dépasser la Jouanne. Évron
et Saint-Christophe furent ce jour-là occupés par
l'ennemi.
Le général de Schmidt regrettait beaucoup qu'il ne
lui fût pas permis de se rendre maître de Laval, ce qui
eût fait tomber en sa possession la ligne de la Mayenne,
tandis que maintenant l'adversaire pouvait utiliser cette
ville comme point de départ et d'appui de ses mouve-
ments.
Pour pouvoir s'opposer à des entreprises plus consi-
dérables de l'ennemi, le général de Schmidt ajouta de
l'infanterie aux avant-postes et fit relever le 2* dragons,
qui se trouvait jusque-là aux avant-postes, par le 15* rég'
de uhlans.
Les réquisitions de vivres pratiquées dans les environs
donnèrent de bons résultats ; par contre les contributions
en argent rapportèrent peu, parce que le gouvernement
français avait déjà levé des impôts importants dans la
région et, d'après les dires des employés à ce service,
avait même fait déjà main basse sur les caisses des
œuvres pies.
21 Janvier
Le 21 janvier, on apprit que l'adversaire avait évacué
Evron, Saint-Christophe, Montsûrs et Châtres^ sur
quoi cette dernière localité avait été de nouveau occupée
par les troupes allemandes.
1. Exactement 5.649 m.
— 63 —
Il n'avait pas échappé au général de Schmidt que les
Français, surtout avec leur cavalerie, poursuivaient main-
tenant les avant-postes avec plus d'activité et d'assu-
rance que précédemment. Il rendit compte au général
en chef qu'il avait l'intention d'envoyer le 22 de grandes
reconnaissances sur la position ennemie au-delà de la
Jouanne pour se rendre compte avec quelles forces elle
était occupée. Dans ce but il voulait, en se faisant sou-
tenir à La Chapelle-Rainsouin, Soulgé et BazougerSy
marcher ce jour-là, vers dix heures du matin, au-delà
des avant-postes, sur Laval et Forcé y avec un bataillon,
deux ou trois escadrons, et deux pièces.
Cette entreprise ne fut pas exécutée, le commandant
supérieur de la II* armée ayant ordonné le relèvement
du X* corps par le III*. Le 22 janvier, le X* corps se
remit en marche sur Le Mans, Le général de Schmidt
retira ce jour-là les avant-postes jusqu'à la hauteur de
Saint'DeniS'cC Orgues, Le jour suivant eut lieu la dislo-
cation de son détachement.
OBSERVATIONS
Pour pouvoir apprécier à sa juste valeur la façon dont
s'est comporté le détachement de Schmidt dans la pour-
suite après la bataille, il est nécessaire de se représenter
les circonstances qui lui ont rendu la tâche si difficile.
Les unités mises le 13 janvier, au ManSy sous le com-
mandement du général avaient toutes pris part aux
combats des jours précédents, et par suite exécuté des
marches considérables. Le froid persistant, la neige et
les routes glacées, augmentaient encore la fatigue des
troupes, dont les rangs s'étaient en outre déjà fortement
éclaircis. Les officiers surtout faisaient défaut, si bien
que plusieurs compagnies étaient commandées par des
— 64 —
vice-feldwebels. On avait bien reçu des renforts à plu-
sieurs reprises ; mais naturellement, chez des recrues
formées à la hâte, te déchet était plus considérable ;
beaucoup n'étaient pas en état de résister aux fatigues
d'une campagne d'hiver. Dans les combats le défaut de
cadres subalternes se faisait également sentir, car sou-
vent des pelotons isolés se trouvaient chargés de
missions obligeant à prendre un parti soi-même et sans
hésitation et dans l'exécution desquelles le jeune soldat
avait besoin de direction et d'exemple.
Les effets d'habillement, et en particulier la chaussure
de l'infanterie, avaient beaucoup souffert et la plupart
n'étaient même plus susceptibles de réparations. Pas
une compagnie qui n'eût un certain nombre d'hommes
en pantalons de toile par un froid de 5 ou 6 degrés. Si
dans la cavalerie et dans l'artillerie la situation était un
peu moins mauvaise, surtout en ce qui concerne les
cadres et les effectifs, d'un autre côté l'état glissant des
routes rendait la marche de ces armes très difficile. Par
suite de la rigueur de la température et de l'abondance
de la neige, leurs mouvements, principalement sur les
routes non ferrées, étaient très pénibles. On glissait
tellement, que souvent les cavaliers étaient obligés de
conduire leurs chevaux par la figure ; c'est tout au plus
si on pouvait renouveler journellement les clous à glace
et les crampons des chevaux des officiers, des sous-offi-
ciers et des cavaliers désignés pour le service des
patrouilles. Le soir du 15 janvier survint le dégel ; mais
les routes n'en restèrent pas moins longtemps en très
mauvais état.
La région entre la Sarthe et la Mayenne a un carac-
tère montagneux, en raison de nombreuses chaînes de
collines qui, bien que d'une faible hauteur, présentent
des pointes de rochers sévères et dépouillées. Une grande
quantité de ruisseaux et cours d'eau, affiuents de la
Sarthe et de la Mayenne y qui traversent presque per-
pendiculairement en ligne droite la route du Mans à
— 65 —
Lavaly offrent des coupures favorables à la défense,
avec leurs rives peu profondes mais très escarpées.
Le terrain, généralement fertile, est couvert d'un
réseau de routes très étendu, augmenté encore par des
chemins conduisant aux nombreuses fermes, la plupart
isolées, qui s'y rencontrent. Mais ces constructions sont,
comme dans beaucoup de régions du nord de TÂUe-
magne, entourées de murs et de haies, et les chemins
creux ont des coudes si fréquents qu'il est très difficile
d'observer le pays et de s'y mouvoir. Comme en outre
on manquait de cartes convenables, c'est un fait remar-
quable, à l'actif de la cavalerie, qu'elle ait pu constam-
ment redseigner le général de Schmidt sur les mouvements
et les positions des Français. Il est vrai que la t&che lui
fut facilitée par les indications que fournirent les prison-
niers et celles qu'on trouva dans des lettres inter-
ceptées.
Le terrain n'était pas moins défavorable à l'infanterie
allemande. La difficulté de l'embrasser d'un coup d'œil
la mettait en danger constant de s'égarer dès qu'elle
s'écartait de la grande route. Ce furent toutes ces
circonstances qui déterminèrent le général de Schmidt à
suivre simplement l'ennemi front contre front, sans
chercher à le tourner autrement qu'avec de l'infanterie,
au cœur même des engagements qu'on avait avec lui.
D'ailleurs, dans toutes les rencontres, on n'avait pour
se guider que le bruit de l'artillerie et de la mousque-
terie, de sorte qu'il était difficile de maintenir la liaison
des divers corps entre eux et la direction du combat.
Ce fut donc une chance pour l'armée battue d'avoir à
exécuter sa retraite à travers un terrain semblable. Tant
sur la Vigre que sur VErve et sur la Jouanne les Fran-
çais réussirent à opposer une assez longue résistance et
les moindres détachements, souvent même quelques
isolés ou traînards, parvinrent à tenir le poursuivant en
échec et à le tromper sur le chiffre véritable des forces
qu'il avait devant lui.
5
— 66 —
Il faut encore mentionner que l'exécution tardive de la
poursuite assura à l'adversaire le temps de s'arracher
au contact immédiat du vainqueur. L'entrée simultanée
au Mans des III* et X' corps avait pour conséquence
naturelle de mélanger fortement ensemble les éléments
de ces corps. On pensa donc qu'il fallait tout d'abord
assurer l'ordre et la cohésion. Il arriva en outre que la
cavalerie mise à la disposition du X* corps n'avait pas
pris part au combat du 12 janvier et que, par suite, elle
était restée au sud du Mans^ de sorte qu'il lui était diffi-
cile de traverser cette ville où on combattait encore dans
l'obscurité, ou de la contourner.
La brièveté des jours mettait toujours trop* tôt un
terme aux opérations de la poursuite. Dès cinq heures
de l'après-midi l'obscurité devenait complète et les com-
bats engagés cessaient d'eux-mêmes. Les troupes allaient
s'installer dans les fermes et les localités environnantes,
qu'en raison de leur dissémination elles n'atteignaient
qu'assez tard, et même le matin il fallait beaucoup de
temps pour reformer le détachement.
Une autre condition, qui doit être prise en considé-
ration avant toute autre, c'est le faible effectif du déta-
chement. Celui-ci ne comptait, au commencement de la
poursuite, que 3 bataillons et demi, 11 escadrons et une
batterie et deux tiers à cheval, au total environ 2.200
hommes d'infanterie, 1.400 de cavalerie et 10 pièces.
Ces forces suffisaient pour chasser les traînards, atta-
quer et disperser les petits détachements, inquiéter et
accélérer la retraite du reste des troupes, mais non point
pour briser la résistance des grands corps constitués et
bien installés dans des positions favorables.
Considéré à ces différents points de vue, l'effet produit
par le détachement de Schmidt poursuivant une partie
de l'armée ennemie en retraite sur la route du Mans à
Laifal peut être au total regardé comme satisfaisant.
Le chef de ce détachement a poursuivi avec vigueur et
ténacité son but qui était de ne pas laisser à l'adversaire
— 67 —
le temps de rassembler ses isolés et ses traînards et de
réorganiser ses troupes. Cette réorganisation devait
d'abord avoir lieu derrière la Vègre, mais fut empêchée
par l'attaque des Allemands sur Chassillé contre les
troupes du 16* corps. Puis, par son apparition sur YErve,
le général de Schmidt contraignit une seconde fois les
Français à continuer leur retraite, et il eût réalisé son
intention de leur enlever Laval s'il n'en eût été empêché
par l'ordre formel de ne pas continuer la poursuite au-
delà de la Jouanne *.
En outre les poursuivants avaient fait, pendant les
journées du 13 au 17 janvier, un riche butin. Le déta-
chement avait livré au X* corps plusieurs milliers de
prisonniers, d'importantes provisions de toute sorte
ainsi que de nombreux chevaux et voitures. La plus
grande partie du 16' corps était fortement ébranlée lors-
qu'elle arriva à la Mayenne. Ce n'est qu'à Laval^ et au
bout de quelques jours, que l'amiral Jauréguiberry qui
le commandait parvint à réunir ses troupes dispersées
et à les réorganiser.
Il est à examiner s'il était possible au poursuivant,
avec les moyens dont il disposait, de causer un dommage
plus grand encore à l'ennemi.
Le général de Schmidt a tenu groupées le plus possible
les faibles forces de son détachement et n'a pas cru pou-
voir en distraire une partie plus considérable pour l'en-
voyer sur une route parallèle à la ligne de retraite de
l'ennemi et tomber sur le flanc de celui-ci.
Il n'y a pas moins lieu de remarquer que, pendant
tout le temps de leur retraite, les Français se sont tou-
jours crus menacés d'être tournés sur leurs flancs.
L'expulsion des chasseurs d'Afrique qui se trouvaient à
Loué et la nouvelle de l'occupation de Loué par un
détachement allemand le soir du 14 inquiétèrent au plus
1. CeUe assertion est hasardée. L'auteur ne connaît pas la
position de Laval. (E. M.).
— es-
haut point les divisions françaises à Joué-en-CharnU et
Montreuil; elles se mirent aussitôt en situation de com-
battre, attendirent l'attaque pendant plusieurs heures
pendant une nuit froide d'hiver et se retirèrent même
avant le jour jusque derrière VErve, De même le jour
suivant, l'occupation de la Bussonnière et l'attaque entre-
prise dans l'obscurité par la 8® compagnie du 91* rég*
d'infanterie contre Saint- Jean amenèrent l'amiral Jauré-
guiberry à évacuer la position de VErve et à reculer
encore pendant la nuit sur Soulgé.
Dans le premier cas (Loué), les localités situées au
nord de la grande route étaient exclusivement utilisées
comme cantonnements par les troupes allemandes, et ce
furent seulement des sentinelles et des postes portés en
avant pour la surveillance qui causèrent l'alerte de
l'adversaire. Dans le second cas (Saint-Jean), le général
français crut sa position en danger par le développement
tactique de forces insignifiantes et sa route de retraite
menacée, alors que la Bussonnière était déjà évacuée le
15 au soir et qu'en outre, le détachement entré dans
Saint'Jean s'était retiré après un combat de courte
durée. Mais il est certain que l'effet produit eût été bien
plus grand si les attaques dont il s'agit avaient pu avoir
lieu réellement et avec des forces plus considérables.
Les troupes ennemies, déjà fortement ébranlées dans
leur constitution, eussent difficilement résisté à une
attaque de nuit et leur situation fût devenue très critique
si, le lendemain matin, elles eussent reçu dans leur flanc,
au lieu du choc de quelques escadrons isolés, celui d'un
grand corps de cavalerie. II est probable que, dans ce
cas, une partie des troupes du 16« corps se fussent trou-
vées contraintes de s'écarter de leur ligne de retraite
pour se porter plus au nord, et fussent alors tombées
sur le 17^ corps, ce qui aurait notablement augmenté le
désordre.
Ainsi les opérations que nous venons de décrire d'un
détachement de poursuite peuvent être présentées comme
— 69 —
une nouvelle preuve à Fappui d'un principe que Texpé-
rience a déjà mis en lumière, à savoir que, dans une
poursuite, on peut obtenir des résultats incompara-
blement plus considérables si, se contentant de suivre,
avec une faible partie des forces, Tennemi sur la route
de retraite, on cherche avec tout le reste, surtout la
cavalerie et Tartilterie à cheval, à le gagner de vitesse
par une route parallèle, afin de pouvoir, par ce moyen,
soit donner dans le flanc de sa colonne de marche, soit
lui barrer entièrement le passage.
LA SEPULTURE DE JEANNE DE LAVAL
Veuve de du Guesclin et de Guy XII de Laval
Les cinq premiers seigneurs de Laval, jusqu'à Guy IV,
ont eu leur sépulture à Marmoutier, la célèbre abbaye
bénédictine de Tours.
Vers 1150, Emma, veuve de Guy IV, et son fils
Guy V, fondèrent Tabbaye de Clermont. Emma y mar-
qua sa tombe ; et après elle tous ses successeurs y vin-
rent prendre place, jusqu'à Béatrix de Bretagne, veuve
de Guy X, morte en 1382. Les seigneurs de Laval deve-
nant seigneurs de Vitré (15 mars 1252, n. st.) y trou-
vèrent Téglise collégiale de la Madeleine, fondée en 1209
par André II de Vitré *. En cette église furent inhumés
Guy X, tué au combat de la Roche-Derrien (18 juin 1347),
et son fils Guy XI, mort Tannée suivante (22 septembre)
d'une blessure reçue dans la même rencontre. Mais,
après eux, Guy XII, frère de Guy XI, mort le 21 avril
1412, et sa première femme, Louise de Chàteaubriant,
morte le 27 novembre 1383, furent inhumés à Cler-
mont.
Guy XII et sa seconde femme, Jeanne de Laval-Châ-
tillon, avaient, en 1397, fondé le couvent de Saint-Fran-
çois à Laval, et bâti l'église devenue l'église paroissiale
1. Guy VII de Laval avait épousé Philippe de Vitré, fille d'André
(en 1239). André fut tué auprès de saint Louis, en Egypte, le
8 février 1251 (n. st.) Il laissait un fils âgé de deux ans, qui mourut
le 15 mars 1252 (n. st.)
— vi-
de Notre-Dame : comme fondateurs^ ils y avaient droit
d'enfeu au milieu devant le grand autel, et là fut
inhumé en 1404, leur fils le comte de Gavre.
Leur fille unique, Anne, épousa Jean de Montfort (la
Cane) en Bretagne. A la mort de Guy XII (21 avril
1412), Jean de Monfort, devenu du chef de sa femme
sire de Laval, prit le nom de Guy XII I. Comme il reve-
nait de Terre-Sainte, il mourut à Rhodes, le 12 août
1414, et y fut inhumé.
En 1444, Anne augmentait l'importance du chapitre
de Saint-Tugal par l'annexion de la chapelle des Trois-
Maries, et en agrandissait l'église collégiale. Elle y
choisit sa sépulture ; auprès d'elle furent inhumés ses
trois fils et les seigneurs leurs sucesseurs jusqu'à
Guy XVII, dernier des Montfort-Laval, mort le 25 mai
1547.
Renée de Rieux, dite Guyonne la folle, bien que
calviniste, fut aussi inhumée à Saint-Tugal, le 13 décem-
bre 1567. Guy-Paul de Coligny, dit Guy XIX, mort le
15 avril 1586, au château de Taillebourg, y eut sa
sépulture. Enfin son fils Guy XX, qui avait abjuré le
calvinisme, périt le 3 décembre 1605 dans une expédi-
tion en Hongrie; et, le 10 février 1609, son corps fut
inhume dans Téglise des Jacobins (Dominicains) de Laval
et son cœur fut déposé à Saint-Tugal.
Les La Trémoïlle qui succédèrent aux Coligny-Laval
n'ont pas eu leur sépulture à Laval.
Nous avons nommé plus haut Jeanne de Laval-Ghâ-
tillon, seconde femme de Guy XII et sa veuve. Il y a
doute sur le lieu de sa sépulture en 1433 ; ce doute vient
non de l'absence de son épitaphe, mais de ce qu'il y en
a deux qui semblent contradictoires, l'une à Clermont,
l'autre à Saint-François de Laval.
Nous donnerons tout à l'heure les textes de ces deux
épitaphes ; mais auparavant rappelons quelques dates et
quelques faits qui rendront plus clairs les détails dans
lesquels nous devrons entrer.
— 72 —
Jeanne de Laval-ChAtillon, née en Bretagne vers
1353, épousa en premières noces le connétable du Gues-
clin (21 janvier 1374). Devenue veuve, le 13 juillet 1380,
eUe épousa, le 22 juillet 1384, son cousin issu de germain
Guy XII, seigneur de Laval.
Guy XII était cousin germain du duc Jean IV de Bre-
tagne, et son mariage fit Jeanne cousine du duc et tante
à la mode de Bretagne de Jean V et de son frère Arthur,
le connétable de Richemont.
Anne resta veuve, le 12 août 1414, avec cinq enfants,
deux filles et trois fils, savoir : Guy XIV, André,
depuis le maréchal de Lohéac, Louis, seigneur de Chà-
tillon, etc.
Le 17 juillet 1439, jour de son sacre, le roi Charles VII
érigea la seigneurie de Laval en comté ; et nous verrons
des inscriptions attribuant rétroactivement ce titre à
Guy XII.
Jeanne de Laval-Chàtillon survécut à Guy XII jus-
qu'au 27 décembre 1433 *.
La première des épitaphes de Jeanne de Laval est
encore en partie lisible dans Téglise transformée en
grange de Tancienne abbaye de Clermont, commune du
Genest : la voici :
« Cy gisent Guy, comte de Laval, sire de Vitré et de
« Gavre, qui décéda le xxi* jour d'avril Tan MCCCG
(c et XII ; et Jehanne, comtesse de Laval, dame de Chas-
« teillon, Bescherel et Tinténiac, sa compaigne, seulle
« fille et héritière de Messire Jean de Laval, sire du dit
1. Je citerai souvent La Maison de Laval, Cartulaires de Laval et
Vitré, par le comte Bertrand de Broussillon, membre de la Com-
mission historique et archéologique de la Mayenne. L'auteur a
publié ce «avant ouvrage dans le Bulletin de la Commission,
années 1894 à 1902, tomes VIII à XVI. Publié depuis en cinq volu-
mes grand in-8o, il a été couronné par l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres.
— 73 —
« lieu de Chasteillon, laquelle dame trépassa le xxvii*
« jour de décembre Tan MCCCGXXX et III. — Anima
« eorum sine fine requiescant in pace. Amen, » ^
La seconde épitaphe, qui n'existe plus, marque la sépul-
ture de Jeanne dans Téglise de Saint-François (les Cor-
deliers) de Laval :
« Ci-^st dame Jehanne, comtesse de Laval, fille héri-
tt tière de Messire Jehan de Laval, sire de Chastillon,
« Mellay, Tinténiac et Bescherel, jadis Temme de Messire
« Guy comte de Laval, laquelle décéda le XVII* jour de
« décembre de Tan mil CGCG XXXIII. Priez Dieu pour
« son âme ^. »
Dans une note l'auteur de La Maison de Laval fait
remarquer que « le texte de cette seconde épitaphe est
en opposition avec l'épitaphe publiée sous le n^ 1103 ; et
il ajoute : « Ne faudrait-il pas admettre que le corps de
a Jeanne fut déposé à Clermont et que son cœur fut
« porté aux Cordeliers ? Le Baud cependant, à la page
« 74 de ses Chroniques, affirme que la sépulture lui fut
« donnée aux Cordeliers. »
Nous donnerons plus loin la phrase de Le Baud dans
laquelle M. de Broussillon a vu une objection à l'opinion
par lui exprimée ; mais disons d'abord que voilà la ques-
tion très bien posée.
Il ne s'agit pas en effet de s'inscrire en faux contre
Tune des épitaphes ; il s'agit de les interpréter ou mieux
de les concilier; rien de plus simple, si l'on admet le
dépôt du corps, la vraie sépulture, en un lieu, et le
dépôt du cœur, en un autre.
Nous ajouterons qu'au xv* siècle comme au xvi*,
1. Voir la tombe de Guy XII et de Jeanne de Laval, Maison de
iMval, Bulletin, t. XIII (1897), planche no 97, en regard de la page
164. L épitaphe est imprimée sous le n» 1103, p. 479.
2. Cette seconde épitaphe est ïmj^Tiiné^ ( Maison de Laval, Bull.,
t. XIV (1898), no 1276, p. 188, avec une note (n» 1) sur laquelle nous
allons revenir. M. de Broussillon fait connaître qu'il a emprunté
cette épitaphe au livre d'un érudit lavallois, M. de la Beauluère,
Communautés et chapitres de Laval, p. 339.
— 74 —
l'art de rembaumement était perdu ^ , le transport du
corps entier ne se faisait guère ; le transport d'un cœur
était facile et était en usage. Jeanne de Laval en avait
eu Texemple tout près d'elle. Son premier époux du
Guesclin mourait en Languedoc ; prévoyant que son
corps ne serait pas porté si loin, n'avait-il pas ordonné
le dépôt de son cœur aux Jacobins de Dinan ^ ?
Le partage supposé par M. de Broussillon admis,
reste la question de savoir quelle église a reçu le corps
de Jeanne de Laval et quelle église a reçu son cœur.
Lorsque, en 1897, M. de Broussillon imprimait l'épi-
taphe de Guy XII et de Jeanne à Clermont, cette épi-
taphe lui semblait la preuve du dépôt des deux corps à
Clermont. Cette commune sépulture avait assez de
vraisemblance. Aux xv' et xvi* siècles, c'était un usage
ordinaire que la même tombe reçût les deux époux ^,
Or Guy XII n'avait pas été inhumé dans la tombe de sa
première femme * existant encore à Clermont.
1. On faisait bouillir les corps jusqu'à ce que les chairs fussent
détachées des ossements ; on inhumait les parties molles et on
emportait seulement les os. C'est ainsi qu'il fut fait pour le roi
saint Louis, mort devant Tunis en 1270. L'Eglise (Boniface VIII,
en 1300) condamna cette pratique comme une détestable barbarie.
Cf. Cantu, Hist. universelle, XI, p. 391. Mais la pratique persista.
Le Nécrologe de Saint-François de Quimper dit : « Cujus escarum
ossa fuerunt delata ad conventum islum, » en parlant d'un compa-
gnon breton de du Guesclin mort en Espagne, en 1369, etc., etc.
2. Recommandation verbale postérieure à son testament du
9 juillet et au codicille du lendemain, par lesquels il avait ordonné
sa sépulture en l'église des Jacobins de Dinan.
Ses entrailles furent, avant le 23 juillet, inhumées chez les Domi-
nicains du Puy, où un tombeau fut élevé qui existe encore ; et le
corps, mal embaumé, fut bouilli, le 28 juillet, à Montferrant (qui
fait aujourd'hui partie de Clermont-Ferrant) ; les chairs furent
inhumées dans le chœur de l'église des Frères mineurs sans que
rien en marquât la place. Le roi réclama le corps (c'est-à-dire les
ossements) pour Saint-Denis ; le cœur seul fut porté à Dinan. Cf.
Les quatre sépultures de du Guesclin, par J. Trévédy.
3. En preuve voir le Nécrologe des Cordeliers de Quimper,
publié en 1888 par J. Trévédy. Une dame du Juch (seigneurie voisine
de Quimper), mariée deux fois, a été inhumée avec ses deux maris.
4. Voici son épitaphe. Maison de Laval, 1897, n® 839, p. 300 :
« Ci gist noble dame Louise de Chasteaubriant, dame de Laval et
Vitré, trépassée le XXIIIe de novembre MCCCLXXXIII. >
— 75 —
Remarquons que, si Guy XII a été inhumé à Glermont
en 1412, Fépitaphe n'a pu être gravée qu'après la mort
de Jeanne, en 1433 ^ C'est Anne, leur fille, et son fils
Guy XIV qui ont ordonné la tombe. Comment douter de
l'exactitude de l'inscription ?
Mais, plus tard, la lecture de l'épitaphe de Jeanne aux
Cordeliers fit naître un doute que confirma la phrase de
rhistorien Le Baud, à laquelle nous renvoie M. de Brous-
sillon et que voici :
« En celuy an (1433), le 27* jour de décembre, tres-
« passa Madame Jeanne, comtesse de Laval, et fut
« ensépulturée au couvent des frères mineurs du dit lieu de
« Laval que M' Guy XII son mary et elle avoient fondé et
« fait édiffier. » -.
L'afiirmation de Le Baud nous parait un sérieux argu-
ment en faveur de la sépulture aux Cordeliers.
On sait que la mère de Le Baud était fille naturelle de
Patri de Chàteaugiron, oncle de Jean, sire, puis (1451)
baron de Derval, mari d'Hélène de Laval, fille de Guy XIV
et d'Isabelle, fille du duc Jean V ^. La parenté de Le
Baud avec le baron et la baronne de Derval lui valut
plus d'un bénéfice à Laval et à Vitré ; il devint maître
de la chambre des comptes de Laval et fut investi de
la confiance de Guy XIV et de Guy XV. Nul n'était
mieux placé que lui pour être exactement renseigné par
Guy XIV lui-même sur les circonstances de la sépulture.
Faut-il ajouter que Jeanne de Laval, fille de Guy XIV
et seconde femme du roi René, avait choisi Le Baud
pour « historiographe et orateur », et qu'il lui dédia ses
Chroniques de Vitré? Comment la reine qui, avant son
1. L'épitaphe (voir ci-dessus) donne la date de sa mort.
2. Chroniques de Vitré, p. 74.
3. C'est à Jean, baron de Derval, que Le Baud présente son
Histoire de Bretagne dans l'estampe imprimée par D. Lobineau
(Histoire de Bretagne, en regard de la page 822). La légende
donne à Le Baud les titres que voici : chanoine de la Madeleine de
Vitré, chantre de Saint- Tugual (sic) de Laval, aumônier de Guy XV,
depuis nommé à l'évêché de Rennes.
— 76 —
mariage, avait passé vingi-deux ans auprès de sa grand*
mère Anne et de son père, n'auraii-eUe pas relevé une
inexactitode sur la sépultore de sa bisaîenle ?
Voici da reste un fait contemporain qni semble con-
firmer Taffirmation de Thistorien.
En mars 1428, Laval avait été pris par les Anglais.
A ce moment, Jeanne et sa fille s'étaient réfugiées en
Bretagne, au château de Vitré. Quand Laval fut repris,
le 28 septembre 1429, les dames de Laval n y revinrent
pas, la place étant encore sous la menace des Anglais,
maîtres de tout le Maine. Au contraire à Vitré, la fron-
tière bretonne leur était une sauvegarde, car la Bretagne
n'était pas en guerre avec T Angleterre *.
Mais, à trois lieues en deçà de Vitré, à la firontière,
les Anglais étaient les maîtres du plat pays. Pour y
passer, ceux qui tenaient la cause française avaient
besoin de sauf-conduits.
Faisant argent de tout, les Anglais accordaient ces
sauf-conduits avec une sorte de prodig^té.... mais
moyennant finance ^. Jeanne de Laval se mourait à Vitré
i. Jean V était, quoi qu'on ait dit, farorablc à la cause française.
Il antorisait son frère à accepter l'épée de connétable et se^ che-
Taliers ji servir en France ; mais il persistait à garder nne neutra-
lité officielle dont les Anglais dorent se contenter. C'est pourquoi
le château de Vitré était un sûr asile pour les dames de Laral.
2. Siméon Luce, Le Maine sous la domination anglaise en 1433
et 1434 (V. les curieuses pages 11 et 15).
Les Anglais tiraient un gros revenu de ces sauf-conduits. Ceux
pour aller en pèlerinage au Mont- Saint-Michel étaient les plus
chers, 4 et même 6 saints d'or. Le salut valait 15 sons ; 4 saints =
60 sous, on 3 livres, et la livre de ce temps vaut, selon Leber
(1845) 41 fr. 25 de notre monnaie ; 3 livres =^ 123,75. Les pèlerins,
unis en petites sociétés d'ordinaire sept personnes, obtenaient un
sauf-conduit collectif. Du 18 octobre 1432 au 31 mars (cinq mois et
demi), 58 personnes prirent des sauf-conduits au Mans. Nous
pouvons compter 8 sauf-conduits à 4 saints, prix minimum ; il fut
encaissé par le receveur du Mans 990 francs au minimum.
Rien ne montre mieux jusqu'à quel point les Anglais faisaient
argent de tout. Saint Michel était regardé comme le protecteur de
la France et les pèlerins allaient le prier pour la France. De plus
le Mont-Saint-Michel était alors investi par les Anglais ; et pourtant
ils accordaient des sauf-conduits même à des chevaliers pèlerins.
— 77 —
an mois de décembre 1433. Sa fille, ses trois petits-fils
l'entouraient. Prévoyant une mort prochaine, ils se pré-
cautionnèrent de sauf-conduits pour venir dans le Maine
inhumer leur mère et aïeule, et quatre-vingts gentils-
hommes ou chevaliers se joignirent à eux.
Or, le receveur des Anglais qui délivre au Mans ces
sauf-conduits les a libellés ainsi :
« Pour aller de Vitré à Laval Saint-François et à
« l'abbaye de Clermont sépulturer Jeanne de Laval. Les
« sauf-conduits sont valables pour quinze jours com-
« mençant le jour et l'heure (!) que dame Jehanne, à
« présent en article de mort, ira de vie à trépas-
« sèment. » ^
Ainsi deux cérémonies funèbres paraissent prévues :
Tune aux Cordeliers, l'autre à Clermont. Faut-il attacher
quelque intérêt à l'ordre dans lequel les lieux sont
nommés ? Saint-François est nommé le premier. Est-ce
avec intention ? Serait-ce pour indiquer que la cérémonie
principale, le dépôt du corps, se fera à Saint-François ?
Remarquons-le en effet. Quelques heures ni une
journée ne suffiront pas à ces obsèques solennelles. Le
délai demandé et accordé comme nécessaire est de
quinze jours. Il est clair que l'inhumation du corps de la
décédée doit se faire d'abord et sans délai. Après quoi,
selon l'usage du temps, des services funèbres seront
célébrés ; et, ces derniers finis, le cœur sera à son tour
« ensépulturé ».
Ajoutons que l'abbaye de Clermont était à peu de
distance de la route suivie par le convoi funèbre, et qu'il
eût semblé tout naturel, au cas de l'inhumation à Cler-
mont, de nommer ce lieu le premier.
Enfin un sauf-conduit, comme un passeport ou une
1. Siméon Luce, Le Maine...,, p. 17-18. — Bertrand de Brous-
sillon, Maison de Laval (Bull, de la Comm. hist. de la Mayenne,
t. XIV, p. 188, no 1275). Mention du sauf-conduit en d'autres
ternies ; mais « pour aller de Vitré aux Cordeliers de Laval à
l'abbaye de Clermont. v
— 78 —
feuille de route, marque un itinéraire obligatoire. Anne,
ses fils et les personnes qui les accompagnent doivent
donc venir à Laval avant d'aller à Clermont.
Pour toutes ces raisons, n'y a-t-il pas apparence que
le cortège funèbre est venu droit à Laval pour une pre-
mière sépulture, qui a été la principale, celle du corps ;
et qu'il s'est rendu ensuite à Clermont pour y déposer le
cœur dans le tombeau de Guy XII ?
Voilà comment les termes du sauf-conduit anglais
confirment, selon nous, l'affirmation de Le Baud. Mais
ces inductions ne sont pas une preuve certaine. Nous
allons, je crois, trouver cette preuve ailleurs.
Voici maintenant des renseignements publiés seu-
lement en 1902 et que l'érudit auteur de la Maison de
Las^al^ écrivant en 1897 et 1898, ne connaissait pas.
Qu'on nous permette ici quelques détails.
En 1636, Laval reçut la visite d'un militaire, diplo-
mate, collectionneur infatigable de curiosités de tout
genre. Il se nommait Nicolas Baudot, seigneur du
Buisson et d'Âubenay. Il signe Dubuisson-Aubenay ,
Il accompagnait, comme gentilhomme d'escorte, Jean
d'Etampes Valençay, commissaire du roi aux Etats de
Bretagne qui allaient s'ouvrir à Nantes. Dubuisson
avait parcouru plusieurs contrées de l'Europe ; il ne
connaissait pas la Bretagne ; il ne manqua pas d'en faire
le tour, prenant par le nord et continuant par la côte sud.
Il résida à Nantes pendant la tenue des Etats, et, reve-
nant de Nantes à Alençon, il passa par Laval.
Il est à peine croyable que, dans une excursion si
rapide, ce voyageur ait pu voir — et si bien — tant de
choses et prendre assez de notes pour rédiger sou Itiné-
raire de Bretagne^ qui, récemment publié, tient deux
volumes in-4* *.
1. Archives de Bretagne, recueil d'actes et chroniques publié
par la Société des Bibliophiles Bretons. — Dubuisson- Aubenay,
— 79 —
A Laval, Dubuisson n^a pas manqué de visiter le
couvent des Cordeliers. Entrons-y avec lui. Il va nous
montrer les tombes seigneuriales de Laval.
Non qu'il ait vu ces tombes dans Téglise même. Selon
le droit elles avaient occupé la place prééminente au
milieu du chœur, devant Tautel contemporain de l'église
que Guy XII et Jeanne avaient bâtie de 1394 à 1397.
Deux siècles et demi plus tard, cet autel gothique était
passé de mode, disons mieux, semblait pure barbarie !
Un peu avant le passage de Dubuisson, les Corde-
liers, sans se préoccuper du style de l'église,* l'avaient
remplacé par le très bel autel que décrit notre voyageur,
autel qui existe encore et qui — il faut l'espérer — sera
respecté.
Voici comment s'exprime Dubuisson * :
« L'église des Cordeliers est belle et spacieuse ; et
« depuis peu y ont fait un autel en. façon de ault portail
« à 2 ou 3 étages en ordre de colonnes de marbres de
« Laval...
m Ce grand autel avec son frontispice sépare la nef
« d'avec le chœur des religieux, et est assis où posé jus-
ce tement où jadis étaient deux grandes tombes plates de
« cuivre fin d'excellente gravure : l'une d'une effigie de
« femme dont le visage et les mains étaient de marbre
« blanc et pour la légende il y ha écrit ceci :
c Ci gist dame Jeanne, comtesse de Laval, fille héri-
C TIÈRE de MESSIRE JEAN DE LaVAL, SIRE DE GhASTILLON, DE
< MELLAY et DE TlNTÉNIAC ET DE BeSCHEREL, JADIS FAME DE
• MESSIRE Guy, comte de Laval ', laquelle décéda le
« 27e JOUR de décembre L'AN MIL CGGC TRENTE-TROIS. PrIEZ
C Dieu pour son ame. > ^
Itinéraire de Bretagne en 1636, par MM. Maître et de Berthou,
2 YoL in«4<>, avec introduction et notes très instructives.
1. Voir Itinéraire, t. II, p. 189-191.
2. J'ai fait remarquer plus haut (p. 72) que dans les inscriptions
postérieures à l'érection de Laval en comté, le titre de comte et
comtesse sont donnés rétroactivement, mais à tort, à Guy XII.
3. Je copie le texte de Dubuisson qui a quelque peu rajeuni
lorthographe du xv® siècle.
— so-
ft Elle (la tombe) ha les armes pleines de Laval et à
« ses deux costés elle ha deux enfans aussy gravés avec
a escriteaus sur leur teste, Tun ainsy : Guy de Laval, et
« l'autre Françoys de Laval.
« L'autre tombe est gravée d'un homme armé gpisant,
« avec ceste légende autour :
c Ci GiST Guy, sire de Gavre, seul fils desdits messire
c Guy ET DAME Jehanne, comte et comtesse du dit lieu
c DE Laval ^ qui décéda le 25« jour de mars de l'an mil
c CGCC ET trois. Priez Dieu pour son ame. > (Lire 1404,
n. st.).
Cette dernière épitaphe est celle de Guy, héritier de
Laval, mort prématurément. Jouant à la paume sur la
terrasse du château, il tomba d'une hauteur de vingt
mètres au moins dans le fossé dit aujourd'hui rue du
Val-de-Mayenne .
Les mots <c seul fils » de Guy XII doivent s'entendre
en ce sens qu'au temps de sa mort, il restait le fils
unique du seigneur de Laval ; mais il avait eu des frères
décédés avant lui. C'est ce que fait remarquer Dubuisson :
« Voilà un fils mort trente ans avant sa mère ; et
« falloit que ses frères Guy et François fussent morts
« encore avant lui. Aussi la mère les a-t-elle représentés
« tous deux enfants dessus sa tombe pour dire qu'elle les
« avoit ensevelis et estoient morts jeunes. »
Cela semble de toute évidence, et Dubuisson révèle
ainsi deux enfants de Guy XII qui, à notre connaissance,
ne figurent dans aucune généalogie ^.
Pour construire leur nouvel autel, les Cordeliers
avaient enlevé les tombes ; mais ils s'étaient bien gardés
1. Même observation que ci-dessus, p. 79, n. 2.
2. On lit pourtant dans Ogée, Dictionnaire de Bretagne, v® Vitré,
Annotateur, t. II, p. 976 : « Guy XII avait eu de son second mariage
deux fils et une fille. L'ainé de tous se tua en jouant k la paume ;
le second l'avait précédé dans la tombe ». Dubuisson nous apprend
qu'un autre fils était mort avant Guy. Ogée ne parlait pas des fils de
Guy XII (qu'il nomme Guy XI), mais seulement de Anne, dont le
mari (Jean de Montfort) prit le nom de Guy XII (lire Guy XIII).
— 81 —
de les détruire et même de les abandonner sans soin,
comme il a été fait trop souvent. Dubuisson a vu ces
tombes. Continuons à le lire :
« Ces tombes sont resserrées dans une chambre du
« monastère et elles doivent être remises dans le chœur
« des religieux. Leurs légendes ci-dessus rapportées
« sont transcriptes sur un parchemin encastillé en bois,
« comme un tableau, gardé dans la sacristie où il y ha
« ainsy :.... * »
Cette inscription, que j'abrège ici, constate la fonda-
tion du monastère par Guy XII et Jeanne de Laval, la
prise de possession des Frères mineurs en mai 1397, en
présence des fondateurs, de leur fils aîné, Guy, comte
de Gavre, et du seigneur de Chàtillon, père de la fonda-
trice 2. Suivent ces mots qui, pour nous, ont surtout un
vif intérêt :
« leelle dame Jehanne, fondatrice, est inhumée céans,
<c au milieu du devant du grand autel, couverte d'une
« grande tombe de cuivre.... » — dont la description a
été donnée plus haut. Suit la mention de Tinhumation
de Guy de Gavre, à gauche de sa mère, et dont nous
avons ci-dessus donné Tépitaphe.
1. Voici le texte entier : « Messire Guy de Laval, comte de
Laval, XII« du nom (fils de Guy X) et de dame Béatrix, fille jadis
de sire Artus, duc de Bretagne, fut le fondateur. Dame Jeanne,
fille de sire Jean de Laval, seigneur de Chastillon, de Mellay et de
Bescherel et espouse du dit messire Guy, comte de Laval, fut la
fondatrice. Lequel couvent fut basti es années 1394, 1395, 1396, et
le jour saint Yves en may 1397 furent mis au convent de céans les
Frères mineurs de l'observance par messires les RR. PP. en Dieu
Messieurs les abbés de Clermont et de Bellebranche, commissaires
2. Il fut inhumé à la chapelle Saint-Tugal dans le château de
Laval. Dubuisson décrit ainsi sa sépulture : « Au coin évangélique
de Tautel il y a une tombe plate de cuivre gravée d'un personnage
armé gisant avec cette légende :
I Cy gist noble et puissant seigneur sire Jehan de Laval, che-
« valier, sire de Chastillon, de Mellay et de Montjean, qui décéda
« le 8« jour de septembre, l'an de grâce 1398. Priez Dieu pour son
a âme. »
Voir ci-dessus p. 79 et p. 80.
6
— 82 —
Mais revenons aux deux effigies d'enfants gravées
sur la tombe de Jeanne de Laval. Les deux sont morts
enfants, comme ils sont représentés ; Tun est Guy, mort
probablement avant la naissance de l'autre Guy, en 1389;
autrement celui-ci n'aurait pas reçu ce nom. François
était mort avant 1404, date de la mort de Guy, autrement
Tépitaphe de Guy ne dirait pas qu'il est seul fils du
seigneur de Laval.
Le mariage de Guy XII et de Jeanne est du 28 mai
1384. Anne est née la première au début de 1385. Le
premier Guy naquit après elle ; mais il n'était plus
en 1389, quand sa sœur avait quatre ans. Comment s'en
souviendrait-elle ? Peut-être en est-il de même de Fran-
çois ? Après plus de trente ans passés, est-ce Anne qui
songera à faire graver l'image de ses frères avec leura
noms sur la tombe de sa mère ? Ce n'est pas probable.
N'est-ce pas plutôt Jeanne de Laval qui, marquant sa
sépulture auprès de celle de son fils mort adolescent,
aura voulu rappeler le souvenir des deux enfants qu'elle
a pleures ?
Ce motif pouvait suffire à Jeanne de Laval pour qu'elle
choisit sa sépulture aux Cordeliers ; mais peut-être en
a-t-elle eu un autre ?.
Interrogeons sa vie.
En janvier 1374 (n. st.) Jeanne épousa le connétable
du Guesclin. — Ce mariage a de quoi surprendre.
La maison du Guesclin était ancienne, mais assez
obscure ; elle n'avait pas — il s'en faut ! — le lustre des
Montmorency-Laval : c'est le connétable qui a fait
l'illustration de sa famille. — D'autre part, Jeanne ne
pouvait avoir plus de vingt et un ans. Du Guesclin, né
en 1320, aurait pu être son père, il avait cinquante-
trois ans. Comment a-t-il été choisi par une jeune fille
d'un grand nom, héritière de belles seigneuries ? Ce
n'était assurément pas la beauté et l'élégante tournure
-83-
du connétable qui avaient pu la charmer. Non, il était à
ses yeux tel que le dépeint son naïf biographe :
Je crois^ qu'il n'est si laid de Rennes à Dinan,
Camus était et noir, nialostru et massant *.
Quelle raison a donc déterminé le choix de Jeanne ?
Est-ce l'ambition ? Donnant sa main au connétable,
aspirait-elle à devenir une des plus grandes dames de
France ? Le caractère de Jeanne permet d'attribuer son
mariage à un sentiment plus élevé.
La seigneurie de Tinténiac avait pour chef-lieu le châ-
teau de Montmuran. En 1354, pendant les guerres de la
succession de Bretagne, et vers le temps de la naissance
de Jeanne, son aïeule maternelle Jeanne de Combourg
avait pour hôtes à Montmuran Arnoul d'Andrehrem,
maréchal de France, commandant T armée royale en
Bretagne, plusieurs chevaliers et du Guesclin alors
écuyer. Un jour elle leur donnait un grand festin. Or, à
deux lieues de Montmuran, était Bécherel, au pouvoir
des Montfort et dont le capitaine était un anglais de
renommée Hugues de Calverly. Il sort de Bécherel
comptant surprendre Montmuran et ses hôtes. Mais du
Guesclin Ta prévenu ; il a placé des archers en embus-
cade sur la route. L'alarme est donnée à Montmuran ;
tous les convives s'arment. Un furieux combat s'engage.
Calverly est amené à Montmuran prisonnier, et du
Guesclin y rentre chevalier. Voilà un événement décisif
dans sa vie.
C'est donc à Montmuran et comme près du berceau de
Jeanne, que le futur connétable a trouvé le point de
départ de ses hautes destinées.
Le père de Jeanne n'est pas nommé parmi les com-
battants de Montmuran, mais peu après, il en était
1. La statue équestre de du Guesclin a été inaugurée à Dinan,
le 20 juillet 1902. A cette fête il a été (beaucoup trop selon nous)
question de la laideur du héros. Il est vrai qu'un poète a chanté
qu' 8 on l'aimait pour sa laideur si belle ». Fut-ce le cas de Jeanne
de Laval ?
— 84 —
seigneur • ; et que de fois il a dû rappeler devant sa fille
enfant et jeune fille un événement qui illustre le nom de
Montmuran, et célébrer les exploits qui valurent à du
Guesclin la chevalerie !
Or, nous allons voir Jeanne, bientôt octogénaire, gar-
dant une ardeur presque juvénile au service de la France ;
nous pouvons nous la figurer à vingt ans, animée d'une
sorte d'enthousiasme belliqueux. Du Guesclin, vain-
queur et chevalier à Montmuran, est devenu son héros ;
et, quand elle lui donne sa main, elle estime que Thon-
neur est pour elle ; et elle va se montrer digne du titre
qu'elle garda fièrement de veuve de du Guesclin.
Trente-cinq ans après la mort du connétable, Jeanne
verra la France envahie de nouveau, vaincue à Âzincourt.
Peu après, les Anglais maîtres du Haut-Maine menacent
ses possessions et celles de sa fille la dame de Laval.
Elles ont, il est vrai, un moyen que d'autres ont employé
de sauvegarder leurs domaines : prêter serment au
Roi anglais... Mais elles sont fidèles Françaises et le
refusent.
En 1427, exaspéré parles manques de foi de son beau-
frère le Dauphin, depuis Charles VII, Jean V a signé le
traité de Troyes et prétend le faire signer par tous ses
barons. Six seulement lui désobéissent; et parmi eux les
dames de Laval et leurs fils, dont un, Guy, l'aîné, est
fiancé à une fille du duc.
Or, de tous les refus opposés au duc, le plus méri-
toire est celui de la maison de Laval ; le duc mécontent
ne va-t-il pas retirer la parole donnée à Guy de Laval ?
et les domaines des Laval en France ne sont-ils pas les
plus exposés aux coups de l'ennemi ?
La vengeance des Anglais ne se fait pas attendre :
les châteaux de Montsûrs et Meslay appartenant à
1. Vers 1358, il en prend le titre. Le Baud, Chronique, p. 61.
Contrat de mariage de Catherine de Laval avec Olivier de Clisson.
— Le Baud ne donne pas la date que je prends dans Maison de
Laval, Bull, de 1897, n» 702, p. 185.
— 85 —
Jeanne sont brûlés (septembre 1427). La ville de Laval
est surprise (13 mars 1428), et trois jours après, André,
second fils d'Anne, est contraint de rendre le château.
Les dames de Laval ont à payer une lourde rançon,
16.000 écus d'or ou peut-être même 41.000 K Elles
empruntent au plus vite ; elles entendent qu'André
puisse reprendre l'épée. Après trois mois, André est
libre.
Sans perdre un moment, elles rassemblent leurs hom-
mes. Vont-elles essayer de reprendre Laval, dont les
bourgeois les appellent et qu'occupe une garnison peu
nombreuse ? Non ! à l'appel de leur cousin le connétable
de Richemont, elles envoient leurs deux fils aînés et leurs
troupes à Jeanne d'Arc. Pour ces ardentes patriotes, le
plus pressant intérêt n'est pas de reprendre leur ville,
mais de sauver Orléans.
Les deux frères arrivent le 7 juin : trop tard ! Orléans
est sauvé sans eux ; mais ils seront le 17 à Patay, avec
Jeanne d'Arc et Richemont ; et, plus heureux que le con-
nétable, ils seront au sacre du roi, le 17 juillet.
Le jour même, le roi Charles Vil érigeait la seigneurie
de Laval en comté « et donnait par là à ses seigneurs
un rang éminent dans la noblesse française ^. »
A cette nouvelle, la douairière de Laval a pu se dire
que ce titre ne payait pas les quelques jours de service
de ses petits-fils adolescents, mais qu'il était le prix de
la généreuse obstination à la cause française d'elle-même
et de sa digne fille.
Pour les Anglais comme pour les Manceaux encore
1. Le chiffre de la rançon fut 16.000 selon les uns pour André de
Lohéac, plus 25.000, selon les autres pour la garnison.
Un écu d'or en 1427 = 23 sous ; 16.000 écus = 363.000 sous
= 18.400 livres à 20 sous. La livre selon Leber (1843) vaut 41,25
de nos jours. 18.000 livres = 759.000 fr.
25.000 écus = 33.750 livres = 1.393.000 francs.
Si la rançon a été de 16.000 + 25.000 = 41.000 écus ; elle repré-
sentait 2 millions 150.000 fr. en 1845, un peu plus aujourd'hui.
2. Maison de Laval, Bull, de 1898, p. 49.
— 86 —
asservis, Jeanne de Laval représentait la résistance à
l'envahisseur; à ce titre, elle se savait adorée de ses
compatriotes et en haine aux Anglais. Son cortège funè-
bre trouvera sur la route de Vitré à Laval plus d'un
parti anglais. Jeanne n'avait-elle pas voulu affronter
encore une fois les Anglais, et les contraindre à saluer
le cercueil de la veuve de du Guesclin ?
Anne survécut à sa mère pendant trente-trois ans, et
comme elle, octogénaire, mourut au château de Vitré,
le 28 janvier 1466. Plus heureuse que sa mère, elle
avait vu son cousin Richemont reprenant enfin l'épée de
la France, menant pendant vingt ans la guerre sainte et
vainqueur à Formigny (1450), et son fils André, amiral
puis maréchal de France, remportant à Castillon (1453)
une victoire dont le prix sera la capitulation de Bordeaux
et le départ définitif des Anglais de la Guyenne.
J. Trévédy,
Ancien président du Tribunal de Quimper.
Les pages qui précèdent ont été écrites il y a trois ans. J'avais
été incité à ce petit travail par la lecture de ï Itinéraire de Dubuisson-
Aubenay, dont le second volume parut en 1902. Dans le premier
volume de son Epigraphie de la Mayenne, qui vient de paraître,
Térudit abbé Angot a reproduit les renseignements de Dubuisson
cités plus haut. Il admet la sépulture de Jeanne de Laval aux
Cordeliers. Son autorité décide la question.
L'église des Cordeliers fut saccagée à la (in du xvni<: siècle, mais
on ne dit pas qu'on ait fouillé les tombeaux pour jeter au vent,
comme il fut fait en beaucoup de lieux, les restes qu'ils gardaient.
Il est vraisemblable que les sépultures mentionnées plus haut
existent encore au-devant du grand autel.
LETTRES
DE
MICHEL-RENÉ MAUPETIT
Député
A l'assemblée nationale constituante
1789-1791.
(Fin).
Je ne vous dirai pas que je croye au rassemblement
des forces de toutes les puissances voisines pour nous
attaquer. Quatre cent mille hommes armés, tous les
vaisseaux prétendus de l'Angleterre, de la Suède, de la
Russie, de la Hollande, de TEspagne, ne nous feront
qu'accélérer davantage le décret qui arrêtera la présente
rédaction. Mais, sans rien craindre, il ne faut pas moins
se tenir préparé à tout événement et je crois bien que si
tous les ennemis si nombreux qu'on fait marcher ici et
arriver comme des balons se présentaient en effet,
qu'on ne s'effrayerait pas et que partout ces esclaves du
despotisme apprendraient ce que peuvent des hommes
libres qui veulent défendre leur liberté et leur patrie.
Beaucoup de gens sont surpris de ne rien trouver sur
le clergé dans la Constitution, mais en définissant ce
que c'est qu'une constitution, qu'elle n'est que la délé-
— 88 —
galion des pouvoirs, on verra qu'il est difficile d'y faire
entrer autre chose que les pouvoirs réels qui embrassent
l'universalité des citoyens ; or les prêtres de la religion
catholique n'embrassent pas l'universalité, puisqu'il y a
un cinquième du royaume protestant, juif ou calviniste.
Cet article ne peut donc être que réglementaire et relé-
gué dans la partie législative ; tout au plus pourrait-on
y faire entrer la circonscription des évêchés dans les
limites des départemens, mais ce n'est toujours là qu'un
objet partiel et relatif aux 4/5 et non à la totalité des
citoyens français.
Ici on remarquera la précision et la clarté du style.
Adieu. Je félicite les électeurs de la conduite qu'ils ont
tenue vis-à-vis de M. le curé de Mayenne *.
CCXL
Paris, 7 aoust.
Aujourd'hui, mon ami, commence la discussion sur la
révision de la Constitution. Malgré ce qu'en ont débité
quelques journalistes amis de Brissot et ses échos, à
quelques foibles additions près, c'est un monument qui
ne sera pas restreint dans les limites de la France, que
beaucoup de nations s'empresseront d'adopter. Notre
siècle ne se passera pas sans qu'on le voye s'établir
dans une partie de l'Europe.
Je n'ai entendu jusqu'ici que des reproches peu fondés
contre la rédaction du comité, et j'ai vu au contraire
beaucoup plus de monde en louer la classification, la
méthode, la netteté et la clarté. Thouret exposera sûre-
ment ce matin les motifs qui ont déterminé le comité à
changer dans quelques articles le texte de quelques
décrets, soit à raison de la liaison à donner à l'ensemble,
soit pour faire disparaître des équivoques.
Je crois bien qu'on contestera fortement dans l'article
1. Probablement en lui laissant l'usage de son presbytère.
— 89 —
transitoire des abus passés au régime nouveau, les
expressions : « La loi ne reconnaît plus de vœux religieux,
a ni aucun autre engagement qui serait contraire aux
« droits naturels et à la Constitution ». La généralité de
cette thèse est une grande vérité qui, une fois admise,
présente bien des conséquences ; vous les déduirez faci-
lement sans que je les énumère, mais vous sentirez
aussi combien cet article pourra exciter de réclamations.
Adieu. Les bruits d'attaques se dissipent, les effets
remontent, l'argent qui était monté à 21 0/0 est redes-
cendu à 14 et, au moyen de l'émission prochaine de
monnoye de cuivre et de métal, de pièces de 15 s., il
retombera encore.
CCXLI
Paris, 9 aoust.
J'aurais voulu, mon ami, tenir avec nous aujourd'hui
plusieurs de nos concitoyens. Arrivés à 6 h. 1/2 pour
dhier, avec M. le Gouverneur et plusieurs députés, chez
un restaurateur où nous mangeons parfois, nous n'avons
pu trouver de places que dans une salle où étaient réu-
nis déjà plusieurs militaires. Là, chacun a récité ce
qu'on lui mandait de sa province et on a ensuite renchéri
sur le nombre de faits annonçant le désordre, la persécu-
tion, les atteintes à la propriété, à la liberté, à la tran-
quillité. Ce que j'aurais voulu qu'on eût entendu, c'est
la conséquence que chacun tirait de l'impossibilité de
voir subsister une pareille anarchie, la satisfaction
qu'exprimaient ces messieurs d'un pareil ordre de
choses et les conclusions assez justes, si cela continuait,
que la dite Constitution n'avait pas besoin d'autres enne-
mis, qu'il était inutile d'en aller chercher au loin, que le
plus sûr moyen était de voir la continuation des désor-
dres, des persécutions, de la violation des propriétés et
des personnes et assurément il n'y avait rien à dire sur
la conclusion qu'ils tiraient. C'est au moment que cette
— 90 —
conversation se soutenait que je reçois votre lettre et
que je la lis. J'aurais pu aussi, d'après, citer mon trait
historique. Mais trop péniblement affecté, je vous avoue
que j'en ai mieux senti encore combien on donnait en
effet d'espoir à ces Messieurs en ne faisant pas exécuter
les lois, en y laissant substituer les passions, les vio-
lences et les idées individuelles. Je me flatte cependant
qu'après la tranquillité dont a joui notre ville elle ne sera
pas troublée, que nos citoyens qui se sont montrés jus-
qu'ici dignes de la liberté continueront de la bien servir
en surveillant ceux qui seraient tentés d'y nuire, mais
en respectant leurs droits lorsqu'ils ne commettront
aucun acte extérieur que la loi condamne, ou les livrant
à la vengeance de la loi si en effet ils y résistent.
Encore quelques jours et la Constitution sera irrévo-
cablement arrêtée : alors plus d'incertitudes, plus de
craintes; la nation aura un gouvernement qu'avec de
l'union intérieure toutes les forces réunies de l'Europe
ne pourront ébranler. Qu'on ne dise pas que c'est dans
le tumulte, au milieu du désordre, de l'anarchie, qu'elle
a été définitivement arrêtée. La Municipalité de Paris a
senti la défaveur que ce fut avec le drapeau rouge arboré
qu'on discutât le plan de cette Constitution et l'a fait
retirer ^ D'ailleurs malgré le grand nombre de per-
sonnes suspectes, tous jouissent de la plus grande
liberté. Une grande surveillance sur les démarches
maintient la tranquillité, prévient les désordres; on
laisse parler librement, mais on ne permet aucune réu-
nion trop marquante; on fait passer de fortes patrouilles
au milieu des groupes, on les croise de tous les côtés et
par là on prévient sans commotion, sans persécution,
sans attaques individuelles tous les complots.
Je pense que votre première me tranquillisera sur les
troubles que vous appréhendiez et que, tranquille jus-
qu'ici, l'affermissement de la Constitution ne coûtera à
1. Le 6 août.
— 91 —
notre patrie ni regrets, ni aucune atteinte à Tordre et à
la tranquillité publique.
J'ai vu ici hier M. de Brossard qui me paroît n'at-
tendre icy que la conclusion d'une affaire pour retourner
à Mayenne. M. de la Pannissaie ^ n'attendra pas la
liquidation du grenier à sel. Il compte repartir vers le 15.
M. le Gouverneur en a encore pour douze à quinze jours
avant d'être payé.
Comme j'ignore totalement la position des choses à
l'égard de la forêt, que je n'ai su qu'incidemment la
fourrière de quelques bestiaux, je ne vous demande plus
de la faire cesser, dès que vous croyez la conservation
de la forêt attachée à cette mesure. Dans un dernier
décret sur les lois rurales, vous verrez que les proprié-
taires de forêts peuvent, vis-à-vis des particuliers,
racheter de gré à gré le droit de pacage ou de parcours
que les titres des particuliers pourraient leur donner. On
a senti combien cette faculté importoit à la conservation
des bois : malheureusement on ne pourra de cette ses-
sion s'occuper des règlements pour leur plus sûre con-
servation.
Je viens de recevoir deux lettres de M. de la Chaux,
dont la tranquillité paraît menacée à la suite de dénon-
ciations de la part du curé de Céaulcé 2. M. de la Chaux
m'assure de la droiture de ses intentions dans le pro-
jet qu'il avait eu de former une garde nationale à
Céaulcé, pour y maintenir la tranquillité et se garantir
dlncursions hostiles de mauvais sujets ; le curé paraît
avoir pris de l'inquiétude à cet égard, avoir été à Dom-
front et à Mayenne déclamer contre M. de la Chaux. Il
y a longtems que l'un et l'autre sont mal ensemble. Si
vous pouvez quelque chose pour rétablir la tranquillité
dans cette paroisse, je vous serai obligé de vous
1. François- Robert Tanquerel de la Panissaie.
2. Thomas-Julien Jardin, curé de Céaulcé, avait prêté le ser-
ment à la Constitution civile du Clergé et s'était déclaré partisan
des idées nouvelles.
— 92 —
y employer. A Tâge où est M. de la Chaux et avec ses
infirmités, je ne crois pas qu'on puisse lui supposer des
vues dangereuses et je n'ai jamais remarqué dans ses
lettres ni plaintes, ni regrets ; au contraire je l'ai vu très
content de la suppression de la gabelle, de la dixme, et
ne s'occuper que de quelques inconvéniens attachés à
l'organisation des municipalités et à l'autorité que par
elles le curé prenait dans sa paroisse.
Je vous ai toujours trouvé prévenu contre la Maré-
chaussée ; je crois cependant la nouvelle gendarmerie
instituée de manière à ne pouvoir compromettre la sûreté
des citoyens et propre à maintenir la tranquillité et à pré-
venir bien des désordres.
Adieu, mon ami ; donnez-moi de vos nouvelles pour
vendredy. Avec de l'union parmi les patriotes, de la
surveillance, la ferme résolution de faire régner la loi,
nous serons bien forts et les intrigues viendront toujours
échouer contre cette force innombrable d'une nation
aimant et voulant la liberté.
CCXLII
Paris, 12 aoust.
Sûrement, mon ami, la révision essuyera et a déjà
essuyé bien des critiques et des difficultés, d'autant plus
que, quoique deux années et demi de travail nous ayent
mûri de deux siècles, nous ne sommes pas encore assez
mûrs, ou il règne encore trop de corruption, trop de
petites passions qui étouffent les grands principes d'un
sage gouvernement. Vous verrez le tems que nous a fait
perdre la discussion du marc d'argent; revoyez si vous
en avez le loisir qui sont ceux qui se sont le plus opposés
à ce décret et voyez que ce sont ceux qui l'ont plus for-
tement combattu, qui aujourd'hui ont discuté avec plus
de chaleur pour le maintenir.
Le maintien de la Constitution est évidemment dans
le corps électoral; s'il est, ou corruptible, ou facile à
— 93 —
séduire, quel choix espérer ? Et des choix dépend Taffer-
missement ou le renversement de la Constitution. Heu-
reusement ce matin on a éludé la plus forte difliculté en
ajournant à la fin la décision de cet article important.
J'espère qu'il passera dès qu'il n'y aura plus à craindre
que la révocation n'eût servi de prétexte à en demander
d'autres *.
Mais où j'ai vu combien nous étions encore en arrière
et combien la Nation entière y serait, c'est à l'occasion
du rapport demandé du décret qui force de concentrer
dans les départemens le choix des députés. Je sais bien
que ce décret n'eût été adopté ni exécuté dans presque
aucun département, mais qu'il eût pu contribuer à élever
le corps législatif par la facilité de nommer des sujets du
premier mérite. L'obmission de ce décret était un des
plus sûrs garands de l'unité de l'empire et des principes
constitutionnels. On a voulu à peine écouter le comité et
Thouret n'a pu que dire très en précis les moyens qu'il
aurait développés si on lui en eût laissé le tems. Le
décret a été rapporté et d'après vous ne penserez plus
qu'on donne trop au Roy, car sans un pouvoir unique
qui devienne le centre de parties différentes, vous ne
voyez point d'unité de mouvement. Ce n'est plus qu'une
complication de rouages, qu'une division d'intérêts qui
bientôt feraient de notre gouvernement le gouvernement
de l'Allemagne.
Le Roy ne pourra abuser du pouvoir avec des législa-
tures fermes et bien composées, mais, sans unité d'ac-
tion, ce n'est plus qu'une machine incohérente qui ne
pourrait longtems se soutenir.
Il y a beaucoup à présumer que nous n'aurons pas de
guerre ; malgré cela, il ne faut jurer de rien et ne s'en
pas moins préparer à la faire. Si ce n'était le dernier des
maux, je ne sçais si, pour reconquérir l'armée, pour
i. Décret qui annule un précédent décret qui exigeait que
les citoyens éligibles à la députation payassent une contribution
au moins égale à la valeur du marc d'argent (55 livres).
— 94 —
remettre de Tunion dans les sentimens, les approches
d'un pareil fléau n'auraient pas dans ce moment autant
de désavantages qu'on pourrait le craindre. On ne peut
venir à bout de rétablir l'apparence de la discipline dans
les régimens. Le premier coup de canon ramènerait, je
l'espère, les esprits vers un seul but et tout marcherait
ensemble. Cependant, comme ce serait trop payer cet
avantage, j'aime autant encore qu'on ne nous attaque
point, que les puissances sentent enfin le poids énorme
de cette force armée et qu'on finisse par n'avoir plus que
les citoyens à garder les frontières.
Il n'y a pas de jour qu'on n'annonce tantôt le 14, tan-
tôt le 20, tantôt le 25, pour une émeute, pour quelque
complot. On se tient sur ses gardes, les sentinelles sont
doublées, on suit les pas de tous les gens suspects et
j'espère que si ces complots sont réels, ils seront encore
à ajouter aux tentatives inutiles.
Distribuez force patentes, faites payer l'à-compte des
contributions, nous faisons presser le département de
finir son repartement pour que les districts puissent agir
et ensuite les municipalités.
J'avais mandé à M. le Commandeur * qu'il ne pouvait
plus porter la croix ni le ruban de Malte, mais c'était
une erreur de ma part, la défense du premier article ne
concerne que les ordres français ; quant aux ordres
étrangers, ils sont réservés par le quatrième article et il
peut la porter. Je vous serai obligé de le lui dire. Je
m'en suis informé au Comité ; tout ce qu'il résulte, c'est
qu'il ne pourra exercer aucun droit de cité.
CCXLIII
Paris, 15 août.
Nous avançons, mon ami, l'acte constitutionnel, mal-
gré la cabale odieuse qui s'est acharnée contre le comité,
1. Alexandre Lenormand, chevalier de l'ordre de Malte, pourvu
de la commanderie de Quittay en Saiut-Georges-de-Buttavent.
— 95 —
qui, lui prêtant des vues d'intérêt personnel, a prétendu
que le comité avait mis- plusieurs réticences pour se
ménager les moyens de parvenir au Ministère. Si le
comité eût, comme il se Tétait proposé, donné la note
des articles déclarés constitutionnels qu'il rejetait, il eût
peut-être évité l'apparence des reproches qu'on fondait
sur cette réticence, mais la vérité est qu'on l'eût égale-
ment persécuté, parce que, Barnave se trouvant au
nombre des réviseurs, la haine qu'on porte aux Lameth,
dont il est l'organe, aurait toujours eu son effet. Si, d'un
côté, il est résulté de l'esprit de méfiance que le parti
des démagogues outrés a montré dans cette circons-
tance des moments orageux et des disputes scanda-
leuses, ces démissions ont fourni à Barnave l'occasion
de développer une énergie et une force que jusqu'ici il
avait peu montrée.
Indifférent à tous les partis, ne jugeant que d'après
mes réflexions, je suis intimement convaincu que le rap-
port qu'on a fait du décret pour ne nommer les députés
que dans les départe mens, celui de ne pouvoir entrer
dans le ministère qu'après deux ans, ôtant beaucoup de
force au pouvoir exécutif*, entretiennent entre les deux
pouvoirs une division nuisible, priveront le corps légis-
latif de beaucoup de gens à talens qui eussent considéré
ce poste comme le moyen de parvenir aux premiers
emplois et qu'à force de craindre la corruption, qui sera
toujours inévitable, on entretiendra une antipathie telle
entre les deux pouvoirs que difficilement la machine
pourra marcher, ce qui forcera à revenir à une Conven-
tion, objet des désirs de Brissot et de ses échos, parce
que, sûrs que le corps législatif prendra le dessus, que
le pouvoir exécutif sera avili, il n'y aura qu'un pas à
faire pour le sistème favori du républicanisme. Alors
tous les ambitieux auront beau jeu, ils pourront intri-
1. Sur la motion de Buzot, avec défense d'accepler des pensions,
traitements ou emplois pendant le même laps de temps.
— 96 —
guer, ruiner à Taise, grossir et s'agrandir dans le
mouvement comme les insectes dans la corruption.
Mais quel gouvernement pour une nation aussi popu-
leuse et où les vertus austères des anciennes républi-
ques seront éloignées, d*une nation vieillie et qui ne
peut être de si tôt rajeunie dans ses mœurs ! Vous verrez
reparaître la même chaleur sur les conventions lorsque
cet article sera agité. On entraînera encore l'assemblée
à en marquer le terme prochain, toujours dans les mêmes
vues de Brissot et de son parti. Si, en effet, on ne met
pas plus d'équilibre dans ce qui reste à terminer, je serai
le premier à voter pour un terme prochain, tant il serait
difficile que la machine prit son mouvement au milieu
des frottemens dont on Ta embarrassée.
Cette matière, par ses abstractions, est difficile à
saisir, mais quand on y réfléchira, on verra que réelle-
ment on ne donne pas assez de force au pouvoir exécutif
et trop de raideur au pouvoir législatif. On avilit trop la
dignité suprême du chef de la nation, lorsqu'il fallait la
relever surtout d'après l'avilissement où des conseils
perfides venaient de la plonger. Il n'y aura que faiblesse,
que doute, qu'incertitude dans les ministres, point
d'unité d'action, point de vigueur, dès lors partout les
opérations seront entravées, les administrateurs ne se
contraindront pas dans les bornes de leurs pouvoirs;
les cloubs de leur côté, enhardis par la faiblesse, conti-
nueront sans mission, sans droit, sans titre, d'influencer
les administrations, les tribunaux, peut-être même le
corps législatif, et alors ce ne sera plus un gouverne-
ment un et indivisible, mais une anarchie de sections
diverses. Déjà l'expérience ne le prouve que trop, puis-
que un cloub de Gray , en Franche-Comté, vient d'arrêter
le départ d'un régiment d'après les ordres du Ministre
et contre la demande d'un commandant que la Consti-
tution rend responsable et qui ne peut porter les troupes
où la sûreté de son commandement l'exige.
— 97 —
CCXLIV
Paris, 17 août.
J'ai été rassuré, mon ami, par votre avant-dernière
lettre, lorsque j'ai vu que vous ne me parliez plus de la
suite du projet qui avait occupé les esprits. Je vois avec
plaisir que nos concitoyens savent se modérer : rien ne
peut leur faire plus d'honneur et faire augurer de leurs
progrès dans l'esprit public et les principes de la vraie
liberté. Il serait à désirer qu'on pensât de même dans
toutes les provinces. Je crains bien que les griefs qu'on
articule journellement contre les prêtres ne portent
l'Assemblée à de nouvelles mesures de rigueur qui ne
peuvent donner au clergé qu'un air favorable de persé-
cution, lorsque le seul moyen serait de ne pas s'aperce-
voir d'eux, tant qu'ils ne se portent pas à des actes trop
publics et à livrer aux tribunaux, comme perturbateurs,
ceux qui se permettent des actes extérieurs répréhen-
sibles. Tout autre mesure sera imprudente et n'aura que
les phis mauvais effets. Ce sera comme pour le serment,
que je pense comme vous avoir été très impolitique.
Je ne pense pas qu'il faille être totalement tranquille
sur quelques mouvemens hostiles de la part de l'Autriche
et de la Prusse. Les dernières nouvelles annoncent quel-
ques projets, mais qui ne pourront toujours se réaliser
avant la fin de notre constitution. On a fini ce matin les
articles imprimés, il reste quelques articles additionnels
sur les Municipalités, la Convention, quelques autres
ajoui-nés : le comité a promis de les rapporter pour ven-
dredy ou samedy ; viendra ensuite celui pour la présen-
tation au Roy, mais au moins notre mission pourra être
terminée lundy ou mardy au plus tard. Quant à la Cons-
titution, en vous attendant, nous ferons les articles de
détail les plus pressans et puis vous viendrez nous rem-
placer et il est bien tems que nous cédions la place : nous
sommes usés, vous serez tous frais; vous en vaudrez
7
— 98 —
bien mieux pour montrer l'énergie et le courage néces-
saires, si les circonstances deviennent difficiles. Nous
en avons eu notre part, vous trouverez comme nous
dans Topinion publique, dans le courage de la nation,
des moyens de résistance.
Le Ministre de la guerre travaille de toutes ses forces
à nous mettre en état de défense sur toutes les fron-
tières.
Quant au Roy, on prendra les précautions en levant
sa garde pour qu'il ne puisse non plus abuser de sa
liberté. On assure qu'il ne quittera pas Paris, qu'il Ta
déjà annoncé ; on le suivra de près au demeurant et
moins que jamais il trouverait le moyen de s'évader.
Je vous félicite de votre expédition des patentes ; accé-
lérez les impôts, car nous sommes toujours forcés de
remplacer et il est tems qu'on ne prenne plus sur la
caisse de l'extraordinaire pour les remboursemens.
Vale.
Je vous prie de dire à M. Grosse que j'ai reçu ses
pièces. Je verrai demain le bureau de liquidation et le
tems où le remboursement pourra avoir lieu. On ne peut
y aller que chacun à son tour et je serais bien satisfait
si je pouvais espérer le remboursement avant mon
départ. Je crains bien qu'il ne soit différé à un temps
plus éloigné.
CGXLV
Paris, 22 aoust.
J'étais bien persuadé, mon ami, que vous aviez fait
tous vos efforts pour prévenir la violence qu'on a exercée
contre M. de Gheverus et je n'en gémissais que davan-
tage sur l'inutilité de vos soins et de vos représenta-
tions dans un tems où il faut enfin que Tordre et la loi
régnent, à peine de voir la Gonstitution anéantie. L'As-
semblée n'a plus aujourd'hui le tems nécessaire pour
redonner au pouvoir exécutif la force suffisante de
— 99 —
répression de ces mouvemens partiels. Ce sera Tobjet
de première force de la nouvelle législature et les députés
témoins de toutes ces infractions sentiront mieux que
nous encore combien il importe que l'autorité des corps
constitués soit maintenue et respectée ; que des volontés
partielles ne s'élèvent plus au-dessus de la loi, que ses
formes soient suivies, lorsque des citoyens auront des
demandes, des plaintes à former, mais que la force, en
aucun cas, ne peut prendre la place des représentations ;
que c'est le moyen d'assurer à tous la tranquillité, le tra-
vail, les ressources dans le commerce et l'industrie.
Avec un ordre de choses contraire, on rompt tous les
liens sociaux et bientôt le despotisme reparaîtrait. J'es-
père que vos collègues, dans l'absence que vont, faire
les électeurs, prendront toutes les précautions pour
prévenir de nouveaux désordres et que vos soins pour
éclairer nos concitoyens sur leurs vrais intérêts auront
contribué, autant que les moyens de sûreté, à rétablir
la tranquillité.
Actuellement, mon ami, occupez-vous de bons choix
pour la prochaine législature. On redoute ces choix, on
a les plus grandes craintes qu'il ne porte sur les esprits
les plus exaltés, qu'ils ne veuillent de nouveau renverser
l'édifice de la Constitution. Je ne partage pas ces craintes,
j'espère au contraire que, n'ayant plus heureusement à
compromettre leur popularité par aucune destruction,
contens de n'avoir plus que des opérations utiles et
agréables à faire, ils s'appliqueront à achever l'édifice
dont les bases sont posées, à lui donner dans les détails
la force, l'union des parties que le tems ne nous a pas
permis d'y mettre et que, par la marche concordante
avec le pouvoir exécutif, la nation, paisible dans l'inté-
rieur par le respect pour la loi, reprendra au dehors sa
consistance et sa considération extérieure.
J'ai vu, mon ami, par l'effet d'une forte intrigue, le
moment où le remboursement de nos ofiices allait rece-
voir la question préalable proposée par M. Merlin. Je
55017
— 100 —
me suis remué pour prévenir le coup, en demandant et
faisant soutenir le renvoi à la prochaine législature et
cela a été prononcé. Nous avions un si faible rapporteur
qu'il a plutôt nui à son projet de décret qu'il ne Ta
défendu.
Ce matin nous reprenons les articles constitutionnels
ajournés ou renvoyés au comité. Je les joins. On assure
que le Roy ne quittera pas Paris, qu'il acceptera. Aussi
cette semaine doit voir terminer cette grande opération.
On redouble de soin et de vigilence pour prévenir toute
attaque particulière, seul obstacle qu'on puisse apporter
à l'achèvement de l'ouvrage.
Adieu, bon voyage, faites de bons choix : j'espère
apprendre de vous votre élection. Vale.
CGXLVI
31aoust91.
M. de Soulgé, mon ami, vous remettra les journaux
des Débats que je lui ai adressés.
J'attends avec impatience le courrier de vendredy
pour connaître les cinq autres députés de notre départe-
ment ^ Je ne sais trop si, ne consultant que votre intérêt,
je dois désirer de vous y trouver. La mission ne sera
pas encore de cette fois très agréable et le tems pourra
ne faire trouver peut-être que trop de motifs de se
consoler de n'être pas élu. Si cependant les députés
ressemblent à ceux de plusieurs départemens dont déjà
la nomination est connue, il y a tout lieu de croire,
d'après l'idée qu'on nous en a donnée, qu'ils auront et la^
fermeté convenable pour faire marcher le gouvernement
et la modération nécessaire pour rassurer les esprits. Je
le désire bien et il y faudra la plus grande circons-
1. Les électeurs de la Mayenne, réunis le 25 août, avaient élu
députés MM. Dalibourg, de Sainte-Suzanne, Bissy le jeune, juge à
Mayenne, Paigis, électeur de Grez-en-Bouère, pour les premiers
députés.
— 101 —
pection de la part de la nouvelle législature, car les
républicains prennent malheureusement un grand ascen-
dant dans beaucoup de pai*ties de Tempire, et si leur
opinion est malheureusement partagée par la nouvelle
législature, si elle ne donne pas aux administrateurs,
ministres ou autres, la force nécessaire pour faire res-
pecter leurs actes, c'en est fait ; il n'y a plus ni tranqui-
lité, ni loix, ni gouvernement. Le pouvoir le plus arbi-
traire se trouvera réparti sur tous les points de l'Etat
divisé en mille sociétés partielles qui régiront l'empire,
subjugueront tous les pouvoirs, le corps législatif même.
Voilà où tend Brissot et ses adhérens nombreux qui ne
veulent que détruire les autorités déléguées et amener
ainsi la dissolution de l'État.
11 parait, mon ami, que vous trouverez, à votre retour
à Mayenne, beaucoup de fermentation. Je compte sur
votre prudence, sur vos efforts, sur la réunion de tous
les bons esprits pour prévenir tout trouble.
Monsieur votre frère part aujourd'hui : il a reçu hier
son remboursement; ainsi il n'aura pas perdu son tems,
ny de momens pour quitter ce pays-cy. Il s'est laissé
préoccuper l'âme de terreurs, de frayeurs paniques. Il
voit tout en noir, parce qu'il parait avoir beaucoup plus
écouté de mécontens que d'autres. Le nombre, à la
vérité, en est assez grand icy, mais il y a toujours une
forte majorité pour le bien et le maintien de la consti-
tution.
Voulez- vous bien dire à M. Le Forestier que j'ai vu
hier M. de La Fayette, qui m'a assuré ne pas perdre de
vue l'objet de la demande renfermée dans le paquet que
je lui avais remis. Il n'a pas eu encore assez de tems
pour pouvoir répondre.
Adieu, mon ami; si vous n'êtes pas nommé, je crois
que vous pourrez vous en consoler. Nous aurons le plaisir
de nous revoir et de causer plus à l'aise et de tâcher de
coopérer ensemble à la tranquillité de notre ville et au
bonheur de nos concitoyens, si enfin ils veulent être
— 102 —
sages et profiter de ces avantages de la Constitution par
leur plus grande soumission à ce qu'elle prescrit. Vale.
GGXLVII
2 septembre 1791.
Je m'étais trop pressé, mon ami, de vous montrer le
revers de la médaille par ma dernière. J'apprends votre
nomination sur laquelle je ne comptais plus, persuadé
que la nomination se ferait par district, Mayenne après
la part de Laval ^ J'en suis bien aise, puisque cela vous
procure votre nomination. Dépêchez-vous de venir nous
relever. Nous vous verrons arriver avec un grand
plaisir. Si vous voulez même, j'espère que nous pour-
rons vous céder notre logement qui est très commode,
très agréable, par sa proximité de l'Assemblée. Cepen-
dant, si nous y avons été deux, c'était un peu la diffi-
culté de trouver où me loger mieux ailleurs. Au fond
l'appartement n'est bon que pour un. Il coûte GO-H- et
G-H- pour la domestique et pour la portière par mois. Il
est au premier, dans une maison sûre et tranquille. Nous
aurions bien gagné à nous y loger dès notre arrivée à
Paris. Si cela vous convient, j'en parlerai à nos demoi-
selles qui, je crois bien, à notre sollicitation, pourront
se résoudre à continuer de donner leur logement. Ce
sont deux demoiselles d'une société très douce qui ne
vous gêneront en rien. On est libre d'aller et venir
quand on veut, quelques mots en passant tiennent lieu
de visite et on n'est pas assujeti à des conversations
longues qui peuvent gêner quand on est tenu à des
heures fixes et à un travail réglé.
Nous n'avons pu terminer ce matin encore la Consti-
tution. A la lecture du dernier article nous avons été
accrochés jusqu'à 4 heures, uniquement sur la rédac-
1. Les autres députi^s élus étaient : Grosse-Durocher, de Lassay,
Dupont-Grandjardin, maire de Mayenne, Esnue-Lavallée, de Craon»
Chevalier-Malibert, de Mayenne, et Richard de Villiers, d'Ernée.
— 103 —
tion, car on était d'accord sur le fond. Il a fallu renvoyer
à demain, pour laisser le comité à portée de présenter
une rédaction convenable ; vous en jugerez sur le Journal
des Débais,
Cela ne retardera pas l'expédition à faire de l'acte
constitutionnel. On a dû y travailler aussitôt après la
séance. J'espère dès lors que lundy on la pourra pré-
senter au Roy qui, dit-on, ne tardera pas à l'accepter et
à indiquer le jour où il en jurera l'exécution. Si vous
êtes curieux d'en voir la cérémonie, il faudra vous
apprêter le plus tôt possible. Il eût été à désirer qu'on
eût pu attendre l'arrivée des nouveaux députés, mais je
crois qu'il est urgent de presser ce moment pour couper
court à toutes les tentatives, à tous les complots et
mettre un terme à tous les mouvemens révolutionnaires
et prévenir les prétendus manifestes dont on cherche
toujours à effrayer le public.
A présent ce sera à mou tour de vous dire : faites donc
cecy, pressez donc tel objet. Je m'en acquitterai et
j'aurai l'expérience qu'avec la meilleure volonté, on ne
peut pas toujours faire ce qu'on voudrait.
CCXLVIII
Paris, 7 septembre 91.
Je ne fais que recevoir, mon ami, votre lettre datée du
27 au 30 du mois dernier.
J'ai été dans ma paroisse dimanche et lundy, ce qui
vous a empêché de recevoir aujourd'hui l'envoi ordi-
naire. Vous aurez déjà sçu que la Constitution a été ter-
minée samedy, présentée au Roy le même jour; vous
avez sa réponse et on continue d'assurer que vendredy
ou samedy il s'expliquera délînitivemnt pour accepter. Il
ne doit, dit-on, demander que la suppression des diffé-
rons sermens, tant pour l'armée que pour l'Eglise, et en
cela il prouvera mieux que de toute autre manière son
désir de voir la fin de la Révolution devenir celle de
— 104 —
tous les troubles et sa ferme volonté de rétablir la paix
et Tordre dans le royaume et d'affermir ainsi la Consti-
tution.
Je vous ai devancé, mon ami, pour notre logement.
J'attends votre réponse sur le prix qui pourra être réduit
kGOH- au total, si vous êtes seul, parce que nos demoi-
selles pourraient reprendre un petit cabinet qui ne vous
serait pas utile étant seul. Vous ne pourrez trouver de
logement aussi commode et aussi sûr nulle part, à moins
de 72#. Ainsi aussitôt que j'aurai votre réponse j'arrê-
terai avec ces demoiselles.
Il est nécessaire que vous arriviez du 20 au 25 au
plus tard : la fin de notre session paraît décidément fixée
à ce terme, pour être libres au l«r octobre au plus tard.
Vous verrez dans VAmi des Patriotes que je joins les
principales dispositions nécessaires aux membres de la
nouvelle législature. Je suis très convaincu que de leur
patriotisme, de leur fermeté à maintenir la constitution,
à soutenir les autorités déléguées, à arrêter la trop
grande autorité des clubs, dépend le bonheur de la
France. S'ils se laissent subjuguer par les idées exa-
gérées de tous les gens gagés et soldés pour répandre
Tanarchie, il n'est plus de paix pour personne, il n'y a
plus de société et ce bel empire ne peut tarder à périr
de toutes les innovations, les dénonciations, les troubles
que répandent les républicains. Ils ont besoin d'un tel
état de subversion pour se rendre redoutables, pour se
nourrir au milieu des troubles et y faire leurs affaires.
Ils ont partout des trompettes, des échos, qui répètent
de tous côtés qu'il ne faut qu'un seul pouvoir. C'est en
effet le plus sûr moyen que bientôt il n'y en ait aucun
qui pût réprimer et d'assurer à la seule force individuelle
les moyens d'envahir, de prendre partout ce qui lui
conviendrait, de forcer par l'anarchie et le trouble le
peuple et la nation, à faire comme les Danois, à deman-
der à un guerrier de prendre l'empire et de réprimer
comme il l'entendrait ceux qui voudraient substituer leur
— 105 —
volonté à la loi. D'après les diiTérens rapports de nos
collègues, il parait qu'il pourra y avoir une majorité de
gens sages attachés à la Constitution qui, comme celle
de rassemblée actuelle, sans être d'aucun parti, mais
fidèle à n'écouter que la raison, à rejeter tout ce qui
n'est que spécieux et métaphysique, n'a écouté que ce
qui convient à une nation corrompue et qu'on ne peut
espérer de rappeler à des mœurs que parle temps et par
les institutions les plus sages.
J'espère que vos collègues, au moins le plus grand
nombre, se rangeront de ce parti et laisseront ceux qui
voudront s'égarer donner dans toutes les exagérations
que leur peu d'études leur feront trouver superbes, mais
des gens instruits et expérimentés se garderont bien de
tomber dans de pareils systèmes, que l'esprit et l'imagi-
nation peuvent enfanter sans obstacle, mais que l'expé-
rience journalière repousse. C'est ainsi qu'on a égaré
cette majorité sur les colonies et qu'on finirait, par ces
grandes et faciles idées d'égalité et de liberté, d'égarer
et de perdre le reste de cet empire.
Les enfants ne font rien dans les collèges depuis deux
ans : je vais remmener le mien et l'envoyer, ou à la
Flèche, ou à Chàteaugontier. Je crois bien que l'ordre
aussi pourra se rétablir dans les collèges, mais il faudra
avant un bon plan d'éducation. Il va paraître aujour-
d'huy ou demain ; dans la crainte quel es premiers essais
ne soient pas heureux, j'aime autant remmener mon fils
dans des villes où il aura moins d'objets de distrac-
tion. Je ne changerai de dessein qu'autant que je verrai
Tordre et la subordination bien rétablies et un plan bien
conçu et facile suivre et à faire exécuter.
Adieu, mon ami ; faites promptement vos préparatifs
pour partir. Je me chargerai avec plaisir de suivre pour
vous ce dont vous êtes chargé à Mayenne, dans les
différens objets qui vous intéressent. Comptez sur moi
comme je me suis reposé sur vous. Vale.
106
CGXLIX
Paris, 13 septembre.
La constitution est acceptée du Roy, mon ami, sans
aucune restriction. Vous ressentirez, à la lecture de sa
lettre, le même plaisir qu'elle a fait à F Assemblée. Elle
y a été applaudie avec le plus vif enthousiasme et demain
il vient en jurer Texécution.
Cet heureux événement assure votre prochain départ
et vous obligera à vous rendre plus tôt que le 18 octo-
bre, car sûrement on finira au plus tard avec le mois et
les députés arrivent journellement. En général, les nomi-
nations, de Taveu des bons citoyens, de ceux qui ne
prennent pas l'exagération, si naturelle aux petits esprits,
pour le vrai patriotisme sont bonnes et vous aurez une
forte législature. On parle de M. Ducastel, de Rouen *,
comme un homme d'un mérite égal à Thouret et d'une
repartie aussi vive que Mirabeau. Pour un abbé Fauchet *,
un Brissot, il se trouvera cinquante bonnes têtes bien
organisées en état de pulvériser toutes ces omelettes
soufflées.
Vous serez payé et de votre voyage et, aux premiers
jours du mois, du mois qui finit : ainsi il ne vous faut pas
quinze louis pour les premières avances indispensables.
Tout ce qui vous sera nécessaire pour n'avoir pas à
échanger, à porter du papier, sera d'avoir quelque argent
monnoyé pour différens petits besoins qu'on ne peut
remplir avec du papier.
1. Ducastel (J.-B. -Louis), célèbre avocat de Rouen, ne semble pas
avoir eu la notoriété que lui prédit Maupctit. Il parait s'être
occupé surtout du travail des comités.
2. Fauchet (Claude), né à Bornes (Nièvre) en 1744, grand vicaire
de Bourges et prédicateur du Roi. Ayant été rayé de la liste, il
se tourna vers le peuple et devint un de ses libellistes. Evéque
constitutionnel du Calvados, député à l'Assemblée Législative,
puis à la Convention, guillotiné le 31 octobre 1793 comme appar-
tenant au parti Girondin.
— 107 —
D'après votre dernière j'avais retenu votre logement
icy et je vous en félicite. Il vous coûtera bO-H- par mois,
étant seul, au moyen que ces dames retiennent un petit
cabinet qui vous sera inutile, parce que vous aurez celui
où je couche, où mettre vos papiers, votre linge sale.
Vous ne trouveriez qu'un grenier pour 24 ou SO-H- par
par mois, et il n'est pas décent qu'un député soit si mal
logé lorsqu'il est convenablement payé. Vous ne trou-
verez pas de logement plus commode, à meilleur compte
et plus à proximité, et, ce que j'en considère, plus
décent ni plus sûr. Vous n'avez qu'un pas pour vous
rendre à la salle, aux comités. Vous serez nécessaire-
ment d'un comité. Cela donne des relations, occasionne
des visites. Il faut donc être décemment logé.
Mon fils m'assure qu'on ne reçoit plus de pension-
naires à Louis-le-Grand. Vous pourrez alors le mettre
à Navarre, où la pension est moins chère qu'au premier
et où les enfans sont mieux suivis, mieux nourris et
mieux surveillés encore. La pension est je crois de
550#; au surplus, ou Madame d'Hercé, ou M. du Mery,
pourront vous le dire.
On va probablement adapter aux collèges de Paris le
plan nouveau d'éducation proposé par M. l'ancien évé-
que d'Autun et on dit que, pour ménager le moyen de
disposer ces collèges, la rentrée n'aura lieu qu'à la
Toussaint. Jusqu'à ce moment vous aurez la facilité
d'avoir votre fils avec vous. Il coucherait dans le petit
cabinet que j'occupe. Vous pourrez même vous informer
de pensions. Je n'ai pas eu occasion d'en connaître, ni
de les apprécier. Il y en a plusieurs à Paris, où on suit
déjà à peu près le plan d'éducation proposé. Tout ce que
j'en sçais, c'est qu'elles sont fort chères. La Lande a
mis son fils dans une de ce genre, où il perd l.OOO-H-
à 1.200# par an que lui coulte cette pension.
Aux termes du décret, il ne vous faut qu'extrait du
procès-verbal de votre élection. Encore le président a-t-il
dû l'envoyer pour tous. Mais il est bon d'avoir son
— 108 —
extrait particulier au besoin. Autrement on dépend du
premier nommé qui en est porteur. Je ne vois pas qu'on
puisse vous demander votre contribution, aujourd'hui
surtout, on y regarderait moins qu'avant le décret de
suppression du marc d'argent.
M. de Noailles a cherché à jnter Talarme assez mal à
propos. On peut dire de M. Duportail que c'est un
homme de peu d'esprit, mais on ne peut suspecter son
patriotisme. Ce n'est pas lui qui a fait les fusils, ceux
qu'on a distribués dans l'intérieur sont des fusils faits il
y a dix ou quinze ans, il n'a pu les donner que comme
les ont fournis les magasins où ils étaient. Ils se sentent
nécessairement du vice de l'ancien régime.
Si vous voulez pour la majorité être sages et modérés,
avoir de la vigueur pour faire exécuter les lois, res-
pecter les autorités constituées, votre législature pourra
être aussi agréable que la nôtre a été difficile et orageuse.
Vous n'avez point d'opposition trop forte à redouter, le
nombre des exagérés sera petit et, si vous m'en croyez,
vous ne suivrez aucun cloub ; on est plus libre dans son
opinion et au surplus, aujourd'hui que la Constitution est
faite, il n'en faudrait plus nulle part : l'ordre serait plus
promptement et plus invariablement rétabli.
J'aurais bien autant aimé que ce fut la seconde légis-
lature qui se fût emparée d'Avignon. Mais l'empres-
sement que mettent les députés de Provence et de
Languedoc à faire prononcer sur cette affaire me fait
bien craindre que la législature actuelle ne prenne sur
elle cette démarche impolitique K
Je n'ai pu rejoindre encore M. de La Fayette : il vient
bien quelquefois faire une apparition à l'Assemblée,
mais il est toujours si occupé, si interrompu, qu'il faut
être bien preste pour le saisir et, enfermé dans mon
banc, je ne le quitte guère du moment que je suis en
séance. Je vous serai obligé de dire à M. Le Forestier
1. Décret du 14 septembre déclarant qu'Avignon et le Comtat
Venaissin font partie de l'Empire français.
— 109 —
que je tâcherai de le voir demain chez lui, après son
diner.
Du 14, au matin.
On rassemble en ce moment beaucoup de gardes
nationales pour maintenir la tranquillité dans Paris
aujourd'huy. On aurait désiré que le Roy eût pu prêter
son serment au Champ de Mars, mais on a été retenu
par la crainte de quelque tentative contre lui. Je crois
bien qu'il ne viendra à la salle que par les Thuilleries.
M. de La Fayette a bien proposé hier d'ouvrir enfin
les barrières, de laisser chacun libre de circuler. Il en
résulte qu il ne faudrait plus de certificats, mais, pour
éviter toute difficulté, je crois qu'il vaut mieux s'en
munir.
GCL
Paris, 19 septembre *.
La Constitution, mon ami, a été publiée hier au
Champ de Mars, devant l'Hôtel de Ville et à la Bastille,
avec la plus grande pompe et au milieu d'une foule
immense qui s'est portée partout. De superbes illumi-
nations ont terminé ce jour de réjouissance. Le Cours-
la-Reine présentait un spectacle tel qu'on n'en avait pas
vu jusqu'ici, dans quatre guirlandes de lampions depuis
la place Louis XV jusqu'à l'Étoile.
Le Roy, la Reine, le prince royal, Mme et Mlle Elisa-
beth ont passé dans la seule voiture qui ait eu permis-
sion de passer au milieu des citoyens. Ils ont été suivis
des plus vives acclamations. Malgré la crainte d'un peu
de pluie, la fête a eu lieu complètement. Tout s'est passé
dans le plus grand ordre. J'étais peut-être le seul qui,
me portant bien, fût à 9 h. 1/2 dans son lit.
Hier, plus de 350 députés nouveaux étaient inscrits
1. Il doit manquer une lettre au moins. Le 14 septembre, le roi
était venu dans l'Assemblée signer et accepter la Constitution.
— 110 —
aux archives. Ainsi vous voyez qu'ils se rendent ponc-
tuellement.
Nous comptons toujours finir avec la présidence de
Thouret, c'est-à-dire dimanche prochain. Je vois cepen-
dant encore quelques projets de décrets urgents et je
suis persuadé qu'il faudra aller jusqu'au dernier du mois
pour ne rien laisser en souffrance. Vous aurez néces-
sairement quelques semaines à passer pour vérifier les
pouvoirs, vous distribuer en comités, prendre connais-
sance des objets urgens, ce qui fera un intervalle impos-
sible à éviter.
Pour nous, nous ne pourrons aller longtems : chacun,
occupé de son départ, se livre aux soins qu'il exige et
les assemblées sont peu nombreuses.
Ce matin, je suis chargé par un décret spécial de
vous avertir que la fin de notre séance est fixée au
30 septembre et de vous presser, ainsy que vos collègues,
de vous rendre à Paris. Chaque député est obligé de
remplir ce devoir : je m'en acquitte et je vous prie de le
dire à MM. Bissy et Malibert.
CCLI
Paris, 24 septembre.
J'espère, mon ami, que nous allons révoquer ce matin
le décret du 15 mai sur les colonies ^ Je partirai très
content si nous y parvenons, comme je l'espère ; malgré
les grands principes de liberté générale et l'illusion
qu'ils présentent à nombre de bons esprits et les vues
secrètes de l'Angleterre pour le faire maintenir, l'argent
qu'elle vient de répandre, il n'y en avait hier que pour
les aveugles. Plusieurs Anglais étaient dans les tribunes
et applaudissaient de toutes leurs forces à chaque mot
1. Le 17 août, rapport sur les mouvements causés à Saint-Do-
mingue par le décret sur les gens de couleur. Le 21, M. de
Blanchelande informe l'Assemblée que ce décret a répandu la cons-
ternation et le désespoir parmi les colons de Saint-Domingue.
— 111 —
tendant à maintenir le décret. Il a fallu en venir à un
appel nominal pour sçavoir si on ajournerait à la pro-
chaine législature. J'ai pensé qu'ayant fait le mal, c'était
à nous à le réparer et toute notre députation a rejeté
Tajournement. J'espère que la majorité aura été pour le
rejet de l'ajournement. Il était 6 heures et tems d'aller
dîner. Je suis sorti après mon rang, mais la majorité
était évidente pour rejeter.
On va décréter quelques bases sur l'éducation ^, la
répartition de secours par département. Nous en aurons
70.000^ cette année pour le nôtre. Nous eussions bien
désiré pouvoir en indiquer l'emploi dans la navigation
de la Mayenne, mais il n'y a pas assez de données sûres
pour une pareille entreprise. Il faudra bien chercher
quelque emploi utile dans nombre de chemins vicinaux
qu'il importe de rendre praticables pour les communi-
cations.
CCLII
26 septembre.
Je joins ici, mon ami, un numéro de VAmi des Pa-
triotes : il est en partie pour les nouveaux députés.
Notre décret sur les colonies met à mes yeux la Patrie
en sûreté, rallie à la Constitution et nos colonies et les
places maritimes. Brissot, qui jette feu et flamme, nous
menace de le faire révoquer par la seconde législature.
Je ris de ses fanfaronnades et son dépit. Nous avions fait
le mal, le voilà réparé et je dois dire que le côté droit
s'est supérieurement montré, car il a tenu pied : tandis
que beaucoup du côté gauche sont sortis après l'appel
nominal, presqu'aucun du côté droit n'ont quitté et ils
ont donné la grande majorité sur le fond du décret.
L'appel nominal n'avait eu lieu que sur l'amendement
de Fermond ^. Ce décret m'a ôté un poids énorme qui
1. ReoToyé à la législation suivante sur la proposition de Buzot.
2. Defermon (Joseph), né en 1756, avocat, député de Rennes.
— 112 —
m^oppresdait. Je voyais notre département ruiné sans
aucun espoir ^ et je m'en vais content. Il a pensé me
faire battre de joye. Je ne désemparai la salle qu'à
6 heures, depuis 9. Je mangeai précipitamment, nous
voulions boire une bouteille de vin de Soterne en réjouis-
sance. Nous causâmes avec la pétulance que donne un
événement de ce genre et l'opposition qu'on avait
éprouvée ; à 9 heures, la tête et toute la terre me tour-
naient, je n'eus que le tems de retrouver mon gîte et me
coucher. C'était pis que certain jour d'un dîner chez
M. Le Goué, d'après l'acquisition du champ au dessus
de son jardin.
Dimanche dernier, je n'avais pris aucune part aux
illuminations, mais, hier au soir, j'ai été voir celles que
le Roy a fait faire aux Thuilleries et aux Champs-Elysées.
On vous répétera qu'il est impossible de rien voir de
plus beau.
Soyez assuré, mon ami, de la sincérité du Roy pour
ce motif que c'est son plus cher intérêt. Il a la preuve et
du comité des rapports et par l'empereur que le projet
des princes est de le faire déclarer incapable de régner,
d'établir Monsieur régent du royaume. Voyez que toutes
les intrigues ont tendu à faire affermir la Constitution.
Il fallait au moins quinze jours pour discuter les bases du
plan de M. l'évêque d'Autun; après une discussion d'une
heure et demie, la lecture des 55 articles qu'il proposait
seulement de décréter, on a ajourné à la prochaine légis-
lature. On recueillera encore des renseignements.
Une grande nation doit sçavoir et récompenser et
punir. La nation française vient de faire voir ce senti-
ment dans les deux circonstances du 21 juin et du
28 septembre. 11 n'y a point eu de fade adulation. Ce
sont les républicains qui désiraient qu'on condamnât le
Roy, qui ont écrit qu'on l'adorait aujourd'huy. C'est tou-
jours le même système que le public, plus juste, plus en
1. En raison sans doute du commerce des toiles avec les
Antilles.
— 113 —
mesure^ a rejeté. Il a eu la contenance fière le 21 juin, il
a eu la même dignité dans sa joie dernièrement. J'ai
circulé hier depuis 5 heures jusqu'à 10 h. 1/2 ; j'ai passé
au milieu de plus de 600 mille âmes pendant 4 heures et
je n'ai pas entendu un seul mot plus haut l'un que l'autre ;
le plus grand ordre, le plus grand calme régnait partout.
Ce n'était pas cette turbulence ancienne, mais le senti-
ment d'une jouissance calme. Les gens qui voyent tout
en noir appellent ce spectacle un spectacle morne. Ils
aimeraient mieux cette gaieté vive et pétulente que com-
mandait l'ancien régime à volonté. L'homme plus inté-
ressé au bonheur du peuple aime mieux l'attitude que je
remarque depuis la Révolution. Vale.
Il n'y aura encore aucun comité de formé à votre
arrivée que celui de vérification des pouvoirs, comité
momentané et peu important. Ainsi vous aurez le tems
d'arriver et de voir le parti qu'on prendra, de suivre
d'après ce qu'il y aura à faire. Je crois qu'on fera sage-
ment de déterminer le nombre des comités, de distribuer
l'Assemblée dans ceux qu'on établira, en laissant à
chacun la liberté de demander le comité pour lequel il se
croirait le plus d'aptitude.
CGLIII
Paris, 27 septembre.
Vous sçavez de ce matin, mon ami, que nous finissons
le 30, et ce jour-là il partira au moins moitié des députés.
Si j'avais une voiture à moi, je partirais le même jour.
Notre départ se trouve fixé du 3 au 5 : ainsi nous serons
en route dans le même tems et nous nous rencontrerons
probablement dans le chemin.
Je vous serai obligé de laisser ou à Madame, ou à
M . Pottier, l'état des dépenses que vous avez bien voulu
faire pour que je puisse régler le compte de ces dépenses
et mettre en règle cet objet qui serait rejeté trop loin à
votre retour.
8
— 114 —
Je dois vous prévenir qu'à votre arrivée on cherchera
à vous faire entrer dans quelque cloub. Mettez de la
réserve à cet égard dans votre détermination et ne vous
décidez ni pour les uns ni pour les autres que lorsque le
tems vous aura fait connaître celui où il vous conviendra
le mieux d'aller, si vous croyez utile de vous présenter
dans quelqu'un. Le mieux est bien de rester indépendant,
de n'opiner dans l'Assemblée que d'après sa conviction.
Je ne puis vous dire la manière dont l'Assemblée nou-
velle se distribuera en comités. Elle n'aura pas besoin
d'autant de comités que nous en avons eu. Celui qui, je
crois, vous conviendrait mieux, serait celui des finances,
où il y aura toujours un travail immense, soit dans les
détails, soit pour les opérations de la comptabilité. Vous
aurez encore le comité d'agriculture et de commerce qui
pourrait vous convenir. Gomme on ne se connaîtra pas
assez, il faudra nécessairement, dans le commencement,
que le choix se fasse sur la demande des députés d'entrer
dans tel comité, ou sur le choix qu'on remettra à chaque
département. Dans notre Assemblée, nos premiers choix
se sont faits par généralités. Ce n'a été qu'après huit à
neuf mois qu'on a composé au scrutin général quelques
comités importans.
La joie a été la même presque partout, mais il faut
convenir que le peuple de Paris s'est montré on ne peut
plus juste et plus éclairé dans l'expression de sa joie. Il
a montré et la dignité et la modération d'un peuple qui
sçait apprécier la liberté. On n'a choqué personne, ni
par l'air Ça ira^ ni par aucune provocation vis-à-vis des
gens les plus connus pour être de sentimens opposés.
Les comédiens italiens ont voulu jouer lundy Richard
Cœur de Lion^ où est cet air : « O Richard, ô mon Roy,
l'univers t'abandonne ». A l'ouverture du spectacle, on
a demandé une autre pièce et il s'est élevé un peu de
tumulte. A la fin, les comédiens qui n'avaient pas pré-
paré d'autre pièce, ont prié de la laisser jouer et elle a été
jouée très tranquillement, mais ils ne la donneront plus.
— 115 —
Le Roi et la Reine sont allés hier à TOpéra, suivis
d'une foule immense, qui n'a cessé de crier vive le Roy.
Arrivés à TOpéra, mêmes applaudissemens. L'orchestre
fait entendre des airs de fanfare, on recommence. Enlln,
au moment où on croit que la pièce de Castor et Polliix
va commencer, on fait silence, et, au lieu dei'ouverture,
Torchestre le plus nombreux joue Fair : OU peut-on être
mieux qu'au sein de sa famille? Cet air a fait renou-
veler les plus vifs applaudissemens et la pièce n'a com-
mencé que près de 8 heures. Les billets s'étaient vendus
jusqu'à 50#. Nous nous en sommes aperçus à l'Assem-
blée, où a été reprise l'aiTaire de l'indemnité due au
prince de Monaco pour les pertes qu'il essuyé sur les
biens à lui donnés en France en échange de ceux que
lui ôte l'Espagne pour avoir livré la ville de Monaco à la
France. Comme il était question d'une assez forte indem-
nité, ceux qui n'aiment qu'à prendre firent tous leurs
efforts pour éloigner le projet de décret du comité des
Domaines et le renvoyer à la prochaine législature.
Après trois séances de discussions, il y eut doute sur la
demande en ajournement. Il fallut aller à Tappel nominal,
147 voix ont été contre l'ajournement et 127 pour. Ainsi,
il y a eu au plus 268 votans.
Lisez le 46* numéro du journal Y Ami des Patriotes,
faites le lire à M. Bissy et remettez-le, ainsi que ceux
précédens, à M. Pottier, car c'est un ouvrage à con-
server.
Adieu, mon ami ; faites provision de santé, ainsi que
M. Bissy ; vous aurez beaucoup à travailler, mais avec
du courage, on surmonte bien des obstacles.
E. Queruau-Lamerie.
FIN
ARMORIAL DE LA MAYENNE
(Suite).
CHATEAU-GONTIER
1. René Du Gùesclin, écuyer^ seigneur de Beaucè <. —
D'argent à un aigle à deux têtes, becquè et membre de
gueules, et un bâton de même posé en bandes, brochant
sur le tout,
2. Pierre Armenault, conseiller du Roi, élu à Château-
Gontier. — De gueules à trois têtes de léopards, arrachées
d'or, posées 2 et 1.
3. René Guérin, conseiller du roi, assesseur en la maison
de Château-Gontier. — De gueules à un chevron d'argent,
accompagné de trois échots d'arbre d'or, posés en pal, 2 en
chef et 1 en pointe.
4. Charles o'Anthenaise. — D'argent à trois jumelles
de gueules, posées en bande.
5. Marc de Bréon, écuyer. — D'argent a une fasce de
gueules, fleurdelisée à double de même, de trois pièces
dessus et de terre dessous.
5. Alexis de Lancrau, écuyer. — D'argent à un chevron
de sable, accompagné de trois roses de gueules, posées
2et 1.
7. Gédéon de Ridouet, écuyer. — De sable à trois trian-
gles d'or, rangés en fasce, accompagnés de trois molettes
de même, 2 en chef et 1 en pointe.
8. HoNORÉ-EusTACHE DE LA Lande, écuycr, seigneur de la
1. Beaucé faisait partie du doyenné de Sablé. -^ Nous avons
indiqué en italiques les 4 articles 1, 68, 109 et 255, qui, bien que
situés dans la circonscription du Mans et au Maine, appartenaient
féodalement par exception à celle de Chàteau-Gontier, c'est-à-dire
à r Anjou.
— 117 —
paroisse de Saint-Martin de Villenglose. — D'or à un cor
de sable, enguichë de même, et un chef de gueules chargé
de trois étoiles de six rais d'or et soutenues de sable.
9. Renb du Tertre, écuyer, sieur du Tertre de Mée. —
D'argent à un lion de sable, couronné, lampassé et armé de
gueules, le bout de la queue de môme.
10. Le corps des officiers de l'élection de Château-Gon-
lier. — D'argent à une palme d'azur, couchée en fasce de
dextre à senestre, avec ces mots autour : CURVATA
RESURGET.
11. Gilles Sourdille, écuyer, sieur de la Morinière. —
D'azur à un chevron d'or, accompagné de trois molettes de
même, 2 en chef et 1 en pointe ; celle-ci soutenue d'un
croissant aussi d'or.
12. Charles Artuis, curé de Saint-Remy de Château-
Gontier. — D'or à une ancre d'azur accostée de deux croisettes
de gueules et un chef dentelé de même.
13. Charles Sourdille, écuyer, sieur de Chambresais.
— Comme au n** 11.
14. Jean Gilles, écuyer, sieur de la Grue. — D'argent à
trois biches passantes de gueules, 2 en chef et 1 en pointe.
15. Pierre Hérault, conseiller du roi, élu à Château-
Gontier. — D'argent à un chevron d'azur, surmonté d'un
croissant de gueules, et accompagné de trois gerbes de blé,
aussi d'azur, 2 en chef et 1 en pointe.
16. René d'Hbliand, écuyer, seigneur d'Ampoigné. —
D'or à trois aigles le vol abaissé d'azur, becqués, langues et
ongles de gueules, posés 2 et 1.
17. Pierre de la Barre, écuyer, sieur de Buron. — De
gueules à un léopard d'argent.
18. René de Pennard, écuyer, sieur du Port. — D'argent
à deux bandes de gueules (sic).
19. Germain Hunaud de la Chevalerie, prieur de Daon.
— De gueules à quatre fasces d'argent.
20. Guy Pierres, écuyer, sieur de la Querye. — D'or à
une croix pattée de gueules.
21. Charles Jarret, écuyer. sieur du Bouloy. — D'argent
à une hure de sanglier de sable, défendue d'argent, éclairée
et arrachée de gueules.
22. Madeleine d'Andigné, dame de la Vaugotière. —
D'argent à trois aigles de gueules, becqués et membres
d'azur, 2 en chef et 1 en pointe.
23. Antoine Hercule Leshenault de Bouille, écuyer,
seigneur de Saint-Sauveur-de-Flée. — D'or à trois croix
— 118 —
pattées de gueules, 2 en chef et 1 en pointe, et une étoile
d'azur posée en abîme.
24. Alexandre Hullin, pnHre. — De gueules à deux
bandes d'argent, accompagnées de six besants de même,
3 en chef, posés en bande, et 3 en pointe, posés de même.
25. Marguerite de la Saugere, fille. — De sable à six
fleurs de lis d'argent, posées 3, 2 et 1.
26. Jean de la Barre, écuyer, sieur de la Boulaye. — De
gueules à un léopard d'argent.
27. Philippe-Léonor des Hayes. écuyer, sieur de Cry,
major du régiment d'infanterie du Berry. — Parti d'argent
et de gueules à trois annelets, 2 en chef et i en pointe, de
l'un en l'autre.
28. Feu Alexis de Quatrebarres, écuyer, sieur de la
Roussardière, suivant la déclaration d'Anne de Boul, sa
veuve. — De sable à une bande d'argent accostée de deux
cotices de même.
29. Pierre de la Haye, écuyer, sieur de Mongason. —
D'azur à trois bandes de sable.
30. René de la Haye, écuyer, sieur du Coudray. — De
même.
31. Charles-François de Sales, écuyer, sieur de Miré.
— D'argent à trois tourteaux de sable, posés 2 et 1.
32. Charles-François de la Saugèrb, écuyer, seigneur
de Gaubert. — Comme à l'art. 25.
33. François Chailland, conseiller du roi, lieutenant
particulier en la sénéchausée et siège présidial de Chàteau-
Gontier. — D'or à une hure de sanglier de sable, accom-
pagnée de trois roses de gueules, 2 et 1 ; parti d'argent à
un écureuil rampant de gueules.
34. René Galichon, conseiller du roi, lieutenant général
du présidial de Chàteau-Gontier. — D'azur à deux tran-
chières ou fers de faulx, rangés en pal, d'argent, et accostés
en fasce de deux quintefeuilles d'or.
35. Jean Trochon de Beaumont, conseiller et avocat du
roi au présidial de Château-Gontier. — D'argent à trois
merlettes de sable, posées 2 et 1.
36. Feu Pierre Descepeaux, écuyer, sieur du Houssay,
d'après la déclaration de Catherine Gandon, sa veuve. —
Vairé d'argent et de gueules.
37. Elie Guilloteau, conseiller procureur du roi de
l'Hôtel de Ville, substitut et avocat au présidial de Château-
Gontier. — D'azur à un aigle à deux tètes d'or, couronné
de même.
— 119 —
38. Simon Chailland, élu à Château-Gontier. — D'or à
trois grappes de raisin de pourpre, rangées en fasce et
accompagnées de deux renards passants de gueules, Tun
en chef et l'autre en pointe.
39. Rbné Gouesse, conseiller du roi, élu à Château-Gon-
tier. — D'azur à trois épis d'or, tiges, feuilles et mouvants
d'une terrasse de même, surmontés de trois étoiles aussi
d'or rangées en chef.
40. François Dublineau, conseiller du roi, président au
siège de l'élection de Château-Gontier. — D'azur à un che-
vron d'argent, accompagné en chef de deux étoiles d'or, et
en pointe d'un croissant d'argent.
41. René Rouvbay, conseiller du roi, lieutenant au siège
de l'élection de Château-Gontier. — De sable à trois fers à
cheval d'argent, 2 et 1.
42. René de Quatrbbarbes, écuyer, sieur de Coudray. —
Comme au n° 28.
43. Antoine Courboulay, seigneur de la Chalouère, con-
seiller du roi, receveur général des consignations d'Angers
et des tailles de Château-Gontier. — D'azur à trois épis de
blé d'or, tiges et feuilles de même, rangés en pal, et au chef
cousu de gueules, chargé d'un croissant d'argent.
44. Jean Vignon, conseiller du roi, élu à Château-Gontier.
— D'azur à un lion contourné d'argent, accompagné de
trois étoiles d'or, 2 et 1.
45. René Fouquet, conseiller et aumônier du roi. —
D'argent à un écureuil rampant de gueules.
46. La communauté des maîtres apothicaires de Château-
Gontier. — D'argent à deux vipères tortillées en pal et
affrontées de gueules, surmontées d'une couronne d'or.
47. Jean-Charles Gaultier de Brullon, curé de Bierné.
— D'azur à une rose d'argent, posée en cœur, accompagnée
en chef de deux (^toiles d'or, et en pointe d'un croissant de
même, et une bordure de même.
48. Henry-François de Racappé, écuyer, seigneur du
Menil. — De sable à six roquets d'argent, posés 3, 2 et 1.
49. Mathurin Dol'art, conseiller avocat du roi en la séné-
chaussée d'Anjou et siège présidial de Château-Gontier,
subdélégué de l'intendant de Tours. — D'azur à un aigle à
deux têtes, le vol abaissé d'or, langue et (mglé de gueules,
surmonté d'une étoile d'or et soutenu d'un croissant d'ar-
gent.
50. Jacques de Lantivy, écuyer. — De gueules à une
épée d'argent, posée en pal, la pointe en bas.
— 120 —
51. Feu Louis Le Clerc, écuyer, sieur des Aulnais,
d'après la déclaration de Charlotte Treton, sa veuve. —
D'argent à une croix engrêlée de gueules, cantonnée de
quatre aiglettes, le vol abaissé de sable, becquées et onglées
de gueules.
52. Feu Thimothée Bbillet, écuyer, sieur de la Grée,
d'après la déclaration de Marguerite Guilloteau, sa veuve.
— De sable à trois têtes et cols de loup, arrachées d'argent,
posées 2 et 1.
53. Gabriel Amys, conseiller du roi, assesseur civil et
criminel en la sénéchaussée et siège présidial de Château-
Gontier. — D'argent à un chevron de gueules, accompagné
de trois feuilles de vigne de sinople, la tige en haut, 2 et 1.
54. Joseph Descbpeaux, écuyer, seigneur du Houssay. —
Voir n* 36.
55. Amauby de Madaillan de Lespare, chevallier, sei-
gneur de risle de Chauvigny. — Tranché d'or sur gueules,
écartelé d'azur à un lion d'or, couronné de même.
56. René de la Planche, écuyer, seigneur de Ruillé. —
D'azur à cinq fasces ondées d'argent.
57. Henry-Alexandre de Cumont, écuyer, seigneur du
Puy. — D'azur à trois croix pattées d'argent, posées 2 et 1.
48. Tanneguy de la Lande, écuyer. — D'argent à un
sautoir de gueules.
59. N. d'Anthbnaise, (»cuyer, d'après la déclaration de
Renée Esnault, sa veuve. — D'argent à trois jumelles,
posées en bande, de gueules.
60. Charles Galichon, sieur de Courchamp. — D'or à un
coq de contrehermines, crété, becqué, barbé et ongle de
gueules.
61. Feu René de la Chevalerie, écuyer, seigneur de la
Touchardière, d'après la déclaration de N. Drouet, sa veuve.
— De gueules à un cheval effaré d'argent.
62. René de la Chevalerie, écuyer, sieur de Manselière.
— De même.
63. Daniel de la Chevalerie, écuyer, sieur de la Dau-
merie. — De même.
64. Jean Cohon, curé de Saint-Denis-d'Anjou. — D'azur
à une fasce d'argent, accompagnée en chef d'un soleil d'or
et en pointe de trois étoiles de même, posées 2 et 1.
65. François du Buat, écuyer, sieur du Teillay. — D'azur
à trois quintefeuilles d'or.
66. Le Présidial de Château-Gontier. — D'azur à trois
fleurs dé lys d'or, 2 et 1.
— 121 —
67. La communauté des religieux bénédictins de Saint-
Jean-Bapliste de Château-Gontier. — D'argent à un agneau
passant de sable, tenant une croix longue de gueules, d'où
pend un étendard au guidon d'azur, chargé d'un dcusson
lozangé d'or et de gueules.
68. Cet article n'est icy employé que pour mémoirey
attendu quil a été payé et enregistré à Paris, René Pois-
son, écuyery seigneur de Gastines. — De gueules à un
poisson d'or.
69. François de Farcy, écuyer, et N. son épouse. — D'or
fretté de contrehermines, et un chef d'azur, chargé d'une
couronne à l'antique d'or.
70. Claude-Jacques Foussier, conseiller du Roi, et pro-
cureur au présidial de Château-Gontier. — D'or à un che-
vron d'azur, accompagné en chef de deux roses de gueules
et en pointe d'un lion de même.
71. Erige de Bellanger, ccuyer, sieur de Romefort. —
Losange de gueules et d'or, écartelé d'azur à une bande
d'argent, chargée de trois croix pattées de gueules.
72. Louis d'Héliand, écuyer, sieur d'Ampoigné. — Comme
au n«» 16.
73. Guillaume Freseau, écuyer. — De sable à un sautoir
d'argent, accompagné de quatre coquilles de même.
74. Feu René Arnault, suivant la déclaration de Marie
Trochon, sa veuve. — Ecartelé : au 1*"" de gueules à un aigle
à deux tètes d'or ; au 2^ d argent à un lion de sable ; au 3**
dazur à une léte et col de cheval arrachée d'argent, et au 4"
d'argent à 4 fasccs d'azur.-
75. Pierre-Emmanuel de Thibault, chevalier, seigneur
de la Rochetulon. — D'argent à un chevron d azur et au
chef de même.
76. Emery Le Clerc, écuyer, sieur de Brion. — D'argent
à une croix engrêlée de gueules, cantonnée de quatre
aiglettes, le vol abaissé de sable, becquées et onglées de
gueules.
77. Pierre Le Clerc, abbé des Aulnais. — De même.
78. Henry de Martigny et N. son épouse. — D'or à deux
fasces vairées de sable et d'argent, et un pal de gueules,
brochant sur le tout ; accolé de parti d'argent et de sinople
à deux proboscides ou trompes d'éléphants, posées en pals
de Tun en l'autre.
79. Jean Gaultier de Brullon, prêtre, chanoine péni-
tencier de Québec, au Canada. — Comme à l'article 47.
80. Renée Sourdille, veuve de Pierre Trochon, premier
— 122 —
président au présidial de Château-Gontier. — Comme au
nMl.
81. N. veuve de N. Valierb. — D'or à une bande potencée
de six pièces d'azur, accompagnée de deux macles de
gueules. 1 en chef et 1 en pointe.
82. Jacques Gautbon, écuyer, conseiller secrétaire du
roi. — D'azur à une M capitale d'or.
83. Le chapitre de Saint-Nicolas de Craon. — D'azur à un
saint Nicolas d'or.
84. Le chapitre de Saint-Just de la ville de Château-Gon-
tier. — D'azur à un saint Just, martyr, d'argent, vêtu d'une
tunique sans manches de gueules, portant sa tête entre ses
bras ; une croisette pattée aussi d'argent, posée en chef, et
autour ces mots : SANCTI. JUSTL MARTIRIS.
85. Le couvent desUrsulines du faubourg d'Azé de la ville
de Château-Gontier. — D'azur à une Assomption de la
Sainte Vierge d'or, avec ces mots autour : NOSTRE DAME
DE BURON.
87. Françoise Le Roy, fille. — D'argent à trois chevrons
de sable et une fasce en devise de gueules, brochant sur
le tout.
88. Le couvent de Saint-Clément de Craon. — D'azur
semé de fleurs de lys d'or, à une ancre d'argent, brochant
sur le tout.
89. Jacques Grandet, conseiller du Roi, lieutenant cri-
minel en la sénéchaussée de Château-Gontier et siège pré-
sidial dudit lieu. — D'azur à un chevron d'or, accompagné
en pointe d'une coquille de même, et un chef cousu d'azur
chargé de trois étoiles d'or.
90. Mathurin IIullin, écuyer. sieur de Saint-Amadour.
— De gueules à deux bandes d'argent, accompagnées de
six besants de même, posés en bande, 3 en chef et 3 en
pointe.
91. La communauté des tanneurs de Château-Gontier. —
De sinople à une vache passante d'or, acornée et onglée de
gueules.
92. La communauté des sergents de la ville de Château-
Gontier. — D'azur à une sainte Trinité d'or, posée sur une
Champagne nuagée d'argent.
93. La communauté des maîtres menuisiers de la ville et
faubourgs de Château-Gontier. — De gueules à un grand
couteau d'argent posé en pal.
94. La communauté des hôteliers et cabaretiers delà ville
et faubourgs de Château-Gontier. — De gueules à un saint
— 123 —
Nicolas d'argent, vêtu pontificalemenl d'une chappe de
de même, ornée d'or, sa mitre et sa crosse aussi d'or.
95. La communauté des maîtres foulons de Château-Gon-
tier. — D'azur à un saint Michel foulant aux pieds et terras-
sant un diable, le tout d'or.
96. La communauté des chapeliers et corroyeurs de Châ-
teau-Gontier. — D'or à un chapeau de sinople, posé en
corne, et accompagné en chef de 2 lunes d'azur et en pointe
de 2 pommelles de gueules.
97. La communauté des bouchers de la ville et faubourgs
de Chàteau-Gontier. — D'azur à un saint Barthélémy d or,
tenant de sa main dextrc un couteau et de sa sénestre un
livre de gueules.
98. La communauté des boulangers de Château-Gontier.
— D'azur à un saint Honoré d'or.
99. Pierre Descepeaux, curé de Méral. — Comme aux
n'^ 36 et 54.
100. René Adam, curé de Saint-Aignan en Craonnais. —
D*azur à une croix de calvaire d'or, dont le pied est fiché
dans la tête d'un serpent d'argent, ayant la queue relevée et
accolée au montant de la croix, et tenant en sa gueule une
pomme d'or.
101. René du Breuil, chevalier, seigneur baron d'Azé. —
D'or à deux clefs d'azur, passées en sautoir et accompagnées
de quatre lionceaux de gueules.
102. Simon Bellier, curé de Bazouges. — D'azur à un
bélier d'argent, passant en fasce, et accompagné de six
monticules d'or, rangés 3 en chef et 3 en pointe.
103. Claude Blanchard, avocat au parlement. — D'azur
à un lion d'argent, couronné, lampassé et armé de gueules,
le bout de la queue de même, accosté en chef de deux
étoiles d'or.
104. Henry de Billeheust, écuyer, sieur du Chenel, capi-
taine au régiment de dragons de Fonbeausard. — D'azur à
un chevron d'argent, accompagné de trois roses de même,
2 en chef et 1 en pointe.
105. René de Billeheust, chevalier, seigneur d'Argen-
ton, lieutenant-colonel au régiment de dragons de Fon-
beausard. — De même qu'au n° 104.
(A snîçrc). Hippolyte Sauvage.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
SEANCE DU 31 JANVIER 1907
La séance est ouverte à 2 heures 1/4, sous la prési-
dence de M. Moreau, président.
Sont présents : M. Moreau, président; M. Trévédy,
vice-président ; MM. Alleaume, Louis Garnier, Lau-
rain. Foulques de Quatrebarbes, membres titulaires ;
MM. du Bourg, Edouard Garnier et Morin, membres
correspondants.
Se font excuser : MM. Tabbé Angot, Goupil et Grosse-
Duperon.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et
adopté.
Sur la proposition de MM. Moreau et Goupil, M. Tabbé
Cesbron, secrétaire de Monseigneur TEvôque de Laval,
et M. Labbé, pharmacien, président de la Société
« Mayenne -Sciences », sont élus membres corres-
pondants.
Sur la proposition de MM. Grosse-Duperon et Moreau,
M. Tabbé Auguste Chantepie, vicaire à la Trinité de
Château-Gontier, est élu membre correspondant.
Sur la proposition de M. le président, la Commission
décide d'adresser à M. Tabbé Angot ses meilleures féli-
citations pour son bel ouvrage : VEpigraphie de la
Mayenne,
M. Laurain donne lecture d un marché passé, le 17
février 1634, devant François Périer, notaire à Laval,
— 125 —
entre Mathurin Cheiineau, marchand, et Jacquine Gou-
geon, sa femme, d'une part, et Ambroise Cormier,
« maître imprimeur du Roy » à Laval, d'autre. De cet acte,
il résulte que les conjoints vendirent à Ambroise Cormier
c( une petite bouticque en apentiz contre les murailles de
la maison et chambre des Comptes » sise au bas de la
place du Pavé de Laval, dont remplacement avait été
pris à rente par contrat du 15 septembre 1587, et abou-
tant à une autre boutique appartenant à l'imprimeur.
Cette vente fut faite moyennant la somme de 80 livres
tournois en argent et « six douzaines de paires d'heures
sans doreure, en basse relieure, à l'usage du Mans, de
rimpretion du dict du Cormyer. » Dès le 27 avril 1634,
les vendeurs donnaient à Cormier quittance des heures
qu'il s'était obligé à leur livrer.
Cet acte nous fait connaître un livre sorti des presses
de l'imprimeur lavallois et jusqu'à présent demeuré
ignoré de ceux qui se sont occupés de l'histoire de
l'imprimerie dans notre pays.
M. l'abbé Boullier, dans ses Recherches historiques
sur réglise de la Trinité de Laval (p. 156), dit que vers
1700 cet édifice recevait le jour par vingt-deux grandes
fenêtres ou vitres peintes avec un grand artifice », mais,
en doutant que les fenêtres de la nef aient été garnies
de vitraux peints, il tient pour constant au contraire que
toutes celles du chœur, l'ont été sans pouvoir indiquer
d'une façon complète les sujets que les artistes avaient
traités.
M. Laurain communique un acte du 26 août 1652 passé
entre des marguilliers de la Trinité et Etienne Bourgoing,
maître vitrier à Laval, qui peut donner quelques rensei-
gnements sur cette question. Voici l'acte en son entier :
« Au vingt sixiesme jour d'aoust l'an mil six cens cin-
quante-deux, après midy, par devant nous Jean Barais,
notaire au comté de Laval et y demeurant, ont esté
présens et deuement establyz. M* Jean Duchesne, doc-
teur en médecine, et Gilles Lelong, sieur de la Rous-
— 126 —
sière, advocat 6n parlement et esleu en Télection de
Laval et y demeurant, d'une part, et Estienne Bour-
going, maistre vitrier, demeurant en cette ville de Laval,
lesquelz, après sub missions à ce requises, ont faict le
marché qui ensuit, qui est que le dict Bourgoin a promis
et s'est obligé soubz Thypotecque de tous ses biens relever
ce qu'il y aura à relever es vittres de Téglise de la Tri-
nité du dict Laval, sçavoir en deux devant l'autel de
sainct Gorgon, deux devant saint Chritofle, en celle de
Judith, sainct Esprict, la Passion ; mettre pièces en
toutes les dictes vittres et encores en celles du fond de
l'église, en deux devant l'autel saincte Margueritte,
deux devant sainct Nicolas, deux devant sainct Sébas-
tien, en ra[r]bre de Jessé, en l'Adoration, celle devant
Nostre-Dame de Pitié, celle devant sainct Joseph et
sainct Michel, devant sainct Pierre et sainct Paul, celle
devant Pierre (sic) et es quartz de vitrai du revestière
et chambre du conseil ; remettre figures où il y en a de
cassées, fournir de plomb nécessaire es dictes vittres
tant à relever qu'à mettre pièces, fournir de chaulx,
sable et mortier en ce qui sera nécessaire pour le regard
des dictes vittres, tout quoy il rendra faict en bon estât
dans le premier octobre prochain et se servira des
eschelles de l'église. Et pour ce faire, luy ont les dicts
sieurs procureurs promis payer la somme de quarante
livres lors de la perfection et réfection de la besogne ;
oultre luy ont baillé présentement une vieille vittre
cassée en morceaux et abandonnée au coing de la dicte
chambre du Conseil, dont et de tout ce que dessus, etc.
Et a le dict Bourgoin dict ne signer. »
M. Laurain communique un autre acte passé devant
Chevallier, notaire à Laval, portant marché entre les
habitants de Grenoux et François Houdault pour la
construction d'un autel. L'acte est ainsi conçu :
« Du seiziesme jour de juin mil six cens soixante et
neuf avant midy, par devant nous Pierre Chevallier,
notaire au comté pairrye de Laval et y demeurant,
- 127 -
furent présens les manans et habittans de la parroisse
de Grenouz deuement congrégez et assemblés au son de
la cloche en la manière accoustumée en forme de corps
politicque, à Tissue de la grande messe parochialle,
dans le cimetière de la dite paroisse, à la dilligence de
René Rougeul, sieur de la Trotenière, leur procureur
sindicq, es personnes de Jacques Delabaste, sieur des
Fourches, Estienne Mouton, sieur de TOisonnière, Ro-
bert Radier, Claude Mestairie, Pierre Caris, René
Grignon, Pierre Deffay, René Moullard, Michel Gri-
gnon, Robert Bourdet, Âmbrois Beuscher, Jean Bien,
François Grignon, Sulpice Behier, Mathurin Baratin,
Jean Baillif, Mathurin Deffay, Robert Fouassier, Jacques
Robe, faisant la plus saine et entière partye des habit-
tans de la dicte parroisse, ausquelz a esté remonstré par
le dict Rougeul que le grand autel de la dicte parroisse
n'estant que de menuiserye, laquelle est sur le poinct de
tomber et dans laquelle est le tabernacle, où repoze le
très Sainct Sacrement, qui n'est pas en estât de contenir
une choze si précieuze et qu'il est nécessaire d'en faire
construire un neuf de pierre de touffeau et marbre, et
mesme que c'estant transporté par la parroisse en assis-
tance de Messieurs les ecclésiastiques, il se peult
cognoistre que ce qu'il y aura de fonds en la fabrice et
la libérallité des parroissiens qui c'est cognue par les
mémoires qui ont esté tenuz, les dicts habittans ayans
envisagé François Houdault, sieur du Fresne, maistre
architecte demeurant à Laval, parroisse de la Saincte-
Trinitté, à ce présent, et ausquelz ayans propozé leur
desseing, le dict Houdault, après avoir considéré l'es-
pace, il a dessiné la façon d'icelluy sur une demie feille
de parchemin représenté ans dicts habittans qu'ilz ont
agréé et paraphé du dict Houdault et de nous notaire et
attaché à ces présentes, le dict Houdault a promis et
s'est obligé de construire à ses frais le dict autel et
fournir de touttes sortes de matereaux et marbre pour
et moiennant la somme de deux cens quatre vingtz livres
— 128 — .
que le dict Rougeul au dict nom et les dicts habittans
ont promis de luy payer sçavoir cinquante livres en
commençant l'ouvrage, cent livres à la Toussainctz pro-
chaine et les cent trente livres restans trois mois après
le dict jour de Toussainctz. Et oultre promet le dict
Rougeul de faire voicturer les matereaux à ces fraiz, lequel
autel sera rendu faict et en estât d'y céllébrer la saincte
messe dans le dict jour et feste de Toussainctz prochain. . .
« Faict et passé dans le, cimetière de la dicte parroisse
es présences de M^ Jean de GouUet, prestre, sacriste
demeurant au bourg Sainct-Jean, etc. s>
M. Laurain communique également une montrée de
l'abbaye de Clermont, en date du 24 janvier 1661, faite
à la requête de Claude Le Breton, sieur de la Baugère,
sénéchal de l'abbaye et représentant de Louis de Baradat,
avec le concours de Jacques Chevallier, maçon à Olivet.
Martin Houssays, charpentier, Jean Hocquedé, couvreur
à Laval, et Pierre Gaultier, serrurier à la Croix-aux-
Venneurs. L'église était presque entièrement décarrelée
ainsi que le chapitreau qui en protégeait la grande porte ;
un pilier, au dehors de l'église « portant sur la chapelle
de Saint- Julien », crevé de tous côtés, devait être refait
complètement. Le clocher, emporté par la pesanteur des
chevrons, « était en grand péril ». La visite se poursuit
à travers toute l'abbaye et montre, par les réparations
reconnues nécessaires, que la situation était assez pré-
caire.
M. Laurain fait connaître quelques extraits d'un
projet d'aveu, malheureusement incomplet, à rendre au
comte de Laval parle seigneur de Poligné. Ce document,
qui appartient à notre collègue M . Louis Garnier, peut être
daté des années comprises entre 1683 et 1697 ; il contient
plus d'un détail intéressant pour la topographie de
Laval et les familles du pays. Il mériterait d'être publié.
Rien n'étant plus à Tordre du jour, la séance est levée
à 4 heures.
LES EX-LIBRIS MANCEAUX y/
Antérieurs au XIX' siècle
(Suite).
Sur la demande de plusieurs membres de la Société,
pour faire suite aux Ex-libris Manceaux, nous publierons
les fers de reliure d'amateurs de cette province, anté-
rieurs au XIX* siècle.
Dès aujourd'hui nous faisons donc appel à tous ceux
qui possèdent des volumes aux armes des familles du
Maine, les priant de nous les signaler et les remerciant
d'avance de leur précieux concours.
130 —
Du Cailnct île AforiAyuuir Ir Président
i/i'^ OrçcrieAy HLfciile/) Cncx^aliéf: Sei^mitr
i/t' C4tiirti/L?ù'^,S. Rù/ entier, Afoniiotc^
rauoez.orv. &c.
Chausson de Courtilloles.
François-Louis Chausson, fils de Jacques-Paul, che-
valier, seigneur de Courtilloles, au Maine, Saint-
Higomer, etc., conseiller président au bailliage et siège
présidial d'Alençon en 1743. Il épousa, le 4 octobre
174(), Françoise-Magdeleine de Fleuriel de Chambillou,
fdle de François de Fleuriel, chevalier de Saint-Louis,
Tun des deux cents chevau-légers de la garde du Roi.
En avril 1766, il obtint du Roi l'autorisation de changer
le nom de Chausson contre celui de Courtilloles qui lui
fut accordée dans les termes les plus honorables.
Il fut aussi maire d'Alençon, mourut le 14 mars 1791
et fut inhumé avec sa femme dans la chapelle du château
de Courtilloles.
— 131 —
DE GaIGNON.
Jacques de Gaignon, marquis de Villaines, baron de
Loupelande, lieutenant général des armées du Roi,
gouverneur des ville et château de Niort, épousa :
1* Marie Le Prestre, et 2*» en 1725, Antoinette-Claude
d'Assé de Montfaucon. Il mourut en 1738 laissant des
enfants de ses deux femmes.
Cette famille possédait depuis 1315 la terre de Vil-
laines, érigée en comté le 22 avril 1767.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : d'hermines à la croix de gueules, écartelé
(tazur à 3 oiseaux d'argent.
132 —
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'dkaiitP/'uilU. ---
DU H ARDAS.
Charles du IIardas, dit le chevalier d'Hauteville,
chevalier de Saint-Louis, lieutenant de cavalerie, appar-
tenait à une famille originaire d'Anjou mais fixée au
Maine dès 1456. II était fils de Pierre du Hardas, sei-
gneur d'ilauteville, lieutenant au régiment des gardes
du Roi, et de Louise-Bonne d'Houlières. Il mourut sans
alliance et laissa Hauteville à son neveu Charles, marié
en 1769 à Françoise-Perrine-Madeleine de la Corbière.
Cette famille s'est éteinte à la fin du xix" siècle.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : d'argent à 6 tourteaux de gueules y 3,2^1.
— 133 —
De jSV-jVHkliI^b
d'Héliand.
Philippe- Pierre (I'Héliand, seigneur d'Ampoigné,
baron d'Ingrandes et dWzé, lieutenant au régiment
dWnvers, était fils de Claude-René, capitaine au régi-
ment Dauphin, et de Philippe de Hardouin. Il épousa, le
9 juin 1730, Renée-Augustine de Juigné, dame de Mol-
lières et de TIsle-du-Gast, dont il eut quatre enfants.
Cette famille, originaire du Maine, a été maintenue
dans sa noblesse en 1668. Elle est encore représentée
de nos jours.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : d'or à 3 aigles d'azur, becquées, mem-
brées de gueules.
— 134 —
^:^^^'v':Vampoio^^%
d'Héliand.
Henri-René d'IIÉLiANO, dit le chevalier d'Ampoigné,
second fils du précédent, fut, après la mort de son père,
comte d'Héliand, baron d'Ingrandes. D'abord page du
duc d'Orléans, enseigne au régiment des gardes fran-
çaises, il épousa, le 24 octobre 1764, Marie-Françoise
Guérin, fille de Jean, conseiller du Roi, et de Marguerite
Le Chanteux.
Il se servit successivement de deux ex-libris. Le pre-
mier, où il est qualifié chevalier d'Ampoigné, intervertit
les couleurs et les émaux, sans doute comme brisure de
cadet ; plus tard il fit faire le suivant.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : d'azur à 3 aigles d'or y 2 et 1,
— 135 —
d'Héliand.
Henri-René d'IIÉLiANO fut nommn chevalier de Saint-
Louis et reçu, le IG décembre 1768, dans Tordre de
Saint-Lazare et du Mont-Carmel. Il devint comman-
deur de deuxième classe en 1787. Sa postérité subsiste
encore à Paris.
Ces trois clichés appartiennent à la Société française
(les Ex'libris qui nous les a obligeamment communiqués.
On peut voir un article dans les Archives de cette Société,
xii" année, p. 31 et 48.
Armoiries : d*or à 3 aigles d'azur, becquées, mem-
brées de gueules, surmontées d'un lambel de gueules,
au chef de l'ordre, devise : Probus.
.î^ —
Mr. HlKiSSON DE VllLIERS ,
CoûfciHcf «0 PréCdial dtt
Mans.
Hérisson.
Joau HÉRISSON de Villiers, conseiller au présidial du
\UiU5* en 1762, fut nommé échevin de cette ville ; il épousa,
U^ 1 1 avril 1738, Avertine Hérisson, sa cousine, fille de
Uonô, avocat au parlement, et de Marie-Louise Fournier.
Il eut un iils, Jean-René, aussi conseiller au siège prési-
dial du Mans, et époux de Louise-Catherine Mauny.
("ollection du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : de gueules au chevron (Tor accompagné
de o hérissons d'argent.
Cet ex-libris, gravé sur bois, a dû être exécuté au
Mans comme plusieurs autres.
137 —
HOISNARD.
Ambroise-René Hoisnard, d'une famille qui avait
fourni un échevin de Laval en 1662, était fils d*Ambroise
Hoisnard et de Françoise Pichot de la Graverie. Il fut
d'abord avocat au parlement, puis procureur du Roi à
Laval en 1788, juge au tribunal du district le 8 octobre
1790, démissionnaire en 1792, fut interné, quoique déjà
paralysé, et mourut en prison le 14 juin 1796.
Il a laissé quinze volumes manuscrits sur Laval,
actuellement déposés à la bibliothèque de cette ville,
fonds Couanier.
Collections Bibliothèque de Laval, de Farcy.
Écu au monogramme double entrelacé A, H.
— 138 —
et
!!35ë
m
Inscrit eu Catalogue Jei Livres fiS
Je U Bihliotki^ue commencée P
PAR Monsieur
Prêtre.
Article 1 E.
Numéro 0.1 Vj"
^
=*W98fc
=^
HOUDEBERT.
Joseph HouDEBERT de Saint-Aubin, fils de Jean-
Jacques, seigneur de Saint-Aubin, ancien président au
grenier à sel du Lude, et de Marie Fontaines, se destina
à Tétat ecclésiasti(]ue ; il fut vicaire, puis prêtre habitué
au Lude. Par son testament il légua sa bibliothèque à
rhôpital de la Miséricorde du Lude, pour servir au
clergé de la paroisse. U mourut le 1*^ février 1784 à
FAge de cinquante-quatre ans.
Malgré qu'elle ait été dispersée, la plus grande partie
de cette bibliothèque se trouve encore à Thôpital du Lude.
Renseignements fournis par M. Tabbé Louis Calen-
dini, curé de ('hassillé.
Grandeur réelle, 0 m. 12 sur 0 m. 08.
— 139 —
DE LaVERGNE,
Louis-Élisabetli de Lavergne, comte de Tressan, sei-
gneur du Fay, de Broussin au Maine, petit-neveu de
Louis de Lavergne, mort évèque du Mans en 1712,
lieutenant général des armées du Roi, fut membre de
l'Académie royale des sciences de Berlin. Il mourut en
1783 laissant Tabbé de Tressan, convoqué aux Etats
généraux de 1789.
Bibliothèque de Laval.
Armoiries : d argent au chef de gueules chargé de
3 coquilles d'argent posé sur 8 quartiers, Brulart, Béon,
LéifiSy Monteynard, Montmorency^ la Trémoille, etc.
— 140
(jc Jjbrr\\'*r mnnctfHj Cxnoman. 2)u£ià
^ll^vbùatK: CoU KÀa^^undatûrii an I7pp
Duc DU Maine.
Louis-Auguste de Bourbon, fils naturel de Louis XIV
et de Madame de Montespan, duc du Maine, prince de
Doinbes, comte d'Eu, fut colonel général des Suisses et
(îrisons en 1670, grand-maître de Fartillerie de France
en 1688 ; il épousa Anne-Louise de Bourbon-Condé.
Il légua ses livres au collège des jésuites d'Eu et y
fonda en 1729 une chaire de théologie ; il mourut le
14 mai 1736.
Voir l'article publié dans les Archives des Collection-
neurs d'EX'libris, v" année, p. 66, où le cuivre ancien
est reproduit de grandeur réelle, 0 m. 13 sur 0 m. 084.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : de France au bâton de gueules péri en
barre.
— 141
Oratoriens du Mans.
En 1624, Mgr de Beaumanoir établit les prêtres de
l'Oratoire au séminaire du Mans ; en 1649, Mgr de
Lavardin y réunit un collège fondé en la paroisse Saint-
Benoit par Jacques du Gué, chanoine du Mans, puis
d'autres bénéfices, à condition que la Communauté ins-
truirait la jeunesse et enseignerait la grammaire, les
humanités, la rhétorique et la philosophie. La maison fut
rebâtie sous Mgr de Tressan qui y fonda une chaire de
théologie.
Collections Mautouchet, de Farcy.
Cet ex-libris gravé sur bois renferme un monogramme
D. R., sans doute celui du supérieur de la maison.
— 142 —
DE MaRIDORT.
Louis de Maridort, chevalier, seigneur de Saint-
Ouën-en-Cliampagne, Villedieu, le Bourg-le-Roi, gen-
tilhomme ordinaire de la chambre du Roi, était lîls aîné
de Gilles, lieutenant aux gardes, et de Françoise de
Vignoles. Il épousa, en 16G1, Suzanne de Crocelai, fdle
de Michel, seigneur de la Violaye, et d'Anne de Bitaud.
Cette famille, connue dès le xv® siècle, est Tune des plus
distinguées de la province du Maine. Cette branche s'est
éteinte à la fin du xviii® siècle.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : d'azur à 3 gerbes de blé d'or, 2 et 1.
— 143 —
MiDY,
François Midy, né en 1752 à Limoges, vint à Craon
en 1783 comme procureur du Roi au grenier à sel. Il prit
part au mouvement révolutionnaire et fut choisi par
Esnue-Lavallée comme accusateur public au tribunal
criminel de la Mayenne (1793). En cette qualité il
soutint avec énergie en 1795 l'accusation contre les
Terroristes. L'année suivante il fut nommé juge au
tribunal du département. Sous l'Empire, Midy s'établit
avoué à Laval, où il mourut en 1807.
Collections de la Bibliothèque de Laval, de Farcy.
Armoiries fantaisistes.
144 —
DE LrA BIBf^IQTHE.QUE
âiv ItiJi^f .
PiVERON.
André-Christophe-Louis Piveron, chevalier, seigneur
de Morlat, était fils d'André-Denis, entreposeur des
tabacs à Ernée, et de Renée-Françoise Jeudry. Il fut
conseiller du Roi en ses conseils, son procureur général
et garde des sceaux au conseil supérieur des Indes à
Pondichéry, rentra en France en 1787, vivait encore le
23 mars 1791 et mourut sans alliance.
M. de Brébisson a publié cet ex-libris d'après le
cuivre original appartenant à M. de la Messuzière, dans
les Archives de la Société française des Ex-libris^
xiii* année, p. 140.
Armoiries : écarte lé d*or à 3 grenades de gueules
(Piveron) et de gueules à 5 fusées d'argent en fasce
(d'Autre).
145 —
J-A MARQUISl,
MON TE S S ON
Marquise de Montesson,
Charlotte-Jeanne Béraud de la Haye de Riou, d'une
famille originaire du Poitou et passée en Bretagne,
épousa Jean-Baptiste, marquis de Montesson, chevalier,
seigneur de Bais, etc. Devenue veuve en 1769, elle
épousa secrètement, le 23 avril 1773, Louis-Philippe,
duc d'Orléans, chevalier des ordres du Roi et de la
Toison d'or, veuf de Louise-Henriette de Bourbon-Conti,
morte le 9 février 1759. La marquise de Montesson était
une femme de lettres. Sa bibliothèque fut réunie à celle
de Pont-de-Veyle. Elle mourut en 1806.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : d'argent à 3 quintefeuilles d'azur qui
est de Montesson, accolé de gueules au loup cervier
passant d'argent accompagné de 3 coquilles de même,
2et î.
10
— 146 —
%ïl#35^
MURAT
DE MURAT.
Claude-François, comte de Murât, marquis de Mont-
fort, fils de Claude-Jacques-Gosar, comte de Gibertés,
colonel d'infanterie, chevalier de Saint-Louis et de Saint-
Lazare, et de Renée-Louise-Françoise de Bresseau, mar-
quise de Montfort, fut d'abord chevalier de Malte, ]mis
lieutenant au régiment du Roi et enfin brigadier de ses
armées. Il épousa, en 1751, Marie de Mascrani qui, en
1754, fut marraine de la grosse cloche de Pont-de-
Gennes.
Collections de Brébisson, Comte Lair.
Armoiries : iVazur à 3 fasces crénelées d'argenty
maçonnées de sable, la 1^' de 5 créneaux, la 2^ de 4,
la 3* de 3 et ouverte en porte ronde au milieu.
147 —
MURAT
DE Mur AT.
C'est sans doute au même Claude-François de Murât
qu'il faut attribuer cet ex-libris.
La famille de Murât qui a possédé au Maine le mar-
quisat de Montfort-Ie-Rotrou et les fiefs de Champagne,
Changé, la Buzardière, le Pont-de-Gennes, est origi-
naire d'Auvergne et fort ancienne.
Collection de Brébisson.
Mêmes armoiries.
— 148
DE MURAT.
Louis, marquis de Murât, fils du précédent, officier
au régiment du Roi, épousa Anne-Marie de Montsaulnin,
dont il eut plusieurs enfants, un fils mort jeune et une
fille, Marie-Charlotte, baptisée le 4 novembre 1788. Il
fut convoqué pour nommer des députés lors des Etats
généraux de 1789.
Collection de Brébisson.
Mêmes armoiries.
— 149 —
Négrier.
René Négrier, écuyer, conseiller du Roi au présidial
du Mans et de Monsieur, puis maire du Mans en 1786,
était d'une famille connue au Mans depuis le commen-
cement du xvii* siècle et qui a fourni plusieurs maires de
cette ville, entre autres N. Négrier de Posset, conseiller
et maire titulaire en 1772.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
' Armoiries : d'argent au chevron de gueules, accom^
pagné de 3 têtes de Maure de sable liées de même,
accolé coupé d'argent au turc issant au naturel tenant
une épée flamboyante et de gueules à 3 pals d'argent.
— 150 —
''^^wmÈ^p^^^^
Nepveu.
Pierre-Daniel-François Nepveu, éciiyer, seigneur de
Houillon, fils (le Pierre, lieutenant criminel à la séné-
chaussée (lu Mans, et de N. de Valetot, servit dans la
marine. Embarqué sur la Bretagne^ commandt^e par
M. de Dampierre, comme lieutenant de vaisseau, il
mourut en rade de Cadix en 1783.
Collections d'Achon, de Farcy.
Armoiries : d'azur à 3 besans (Tor^ chargés chacun
d'une croix fleurdelisée de sable.
— 151 —
^^^.-â.
tMlf^
DE NlGOLAÏ.
Aimard-Jean de Nicolaï, marquis de Goussainville,
seigneur d'Osny, colonel du régiment de dragons de son
nom en 1727, fut ensuite conseiller au parlement de
Paris et pnmiier président en la chambre des comptes.
Il épousa Madeleine de Vintimille du Luc. C'était le
frère de Marie-Elizabeth de Nicolaï, mariée, en 1723, à
Louis-Charles de la Chastre, comte de Nancey.
Cette famille a possédé au Maine les seigneuries de
Moudan, la Varenne et Montfort-le-Rotrou.
Collections du Comte Lair, de Farcv.
Armoiries : d'azur à la levrette courante d'argent,
colletée de gueules, bordée, bouclée et clouée d'or.
152 —
DE NoAiLLES, Duchcssc dc la Vallîère.
Marie-Thérèse de Noailles, fille du duc, épousa, le
16 juin 1698, Charles-François de la Beaume-le-Blanc,
marquis, puis duc de la Vallière en 1723, qui avait hérité
de Marie-Anne, légitimée de France, princesse de Conti.
Cet ex-libris servait aux livres offerts en prix par la
Duchesse.
Sous 2 branches de lauriers que rattache un nœud,
on lit :
Ex muni ficen lia,
/. D. M. T. de Noailles.
D, D. de la Vallière,
Et au-dessous :
/. P. Douvry,
Collection d'Achon.
Armoiries : coupé de gueules et d'or au lion léopardé
coupé d'argent sur gueules et de sable sur or, couronné
d'argent à r antique, accolé de gueules à la bande d'or.
Les écus sont de grandeur réelle, mais le tout mesure
0 m. 14 sur 0 m. 08,
— 153 —
Potier.
Léon Potier, duc de Gesvres au Maine, marquis
d'Annebault, chevalier des ordres du Roi, gouverneur
du Maine, Laval et le Perche, épousa : 1** en 1651, Marie-
Françoise-Angélique Duval, et 2**, en 1703, étant alors
très âgé, Marie-Renée de Romillé, fille de Louis, marquis
de la Chenelais. II mourut Tannée suivante, laissant
onze enfants de sa première femme.
La famille Potier, originaire de Paris, où elle a donné
plusieurs présidents au parlement, a possédé au Maine
outre Gesvres, Assé-Ie-Boisne, Couptrain, Courcité,
Pré-en-Pail, la Poôté, etc.
Collections de Farcy, Bibliothèque de Laval.
Armoiries : d'azur à 2 mains dextres d'or au franc
quartier échiqueté d'argent et d'azur.
— 154 —
@ Jean-Baptiste- ^
g HenrT'Michel ^
I LE PRINCE , %
S Ecuier , au Mans. ®
Le Prin<:f.
Jean-Baptiste-Henri-^Iichel l^e J*iti.M:K d Ardenav,
d'une famille originaire de Bellrmo Orru?), tétait iîls de
Jean-Baptiste-Jacques, conseiller, .secrt-kniH* du [loi en
1763, et de Marie Desportes. Il înV jtij4:e cnnsiil et maire
du Mans. II épousa, le 13 fih rior \1V\\^ Marit^-Aiine-
Louise Godard d'Assé, dont il n'oiii |jas d'etilant, et
mourut le 30 juin 1819, laissant irintr-re^sarUti mëinoirf^.s
qui ont été publiés en 18S0 par l'aliln^ J'-snault. ïl s*^ stTvit
d'abord d'un ex-libris typographie |ih% [luis de vvUn uù
ses armes sont accolées à celtoH ilf sa [cainje.
Collections Brière, de Bn'liissDu, tpii a ]nddié ces
ex-libris et les deux suivants dans la xn'' annéi^ des
Archives des Collectionnems tff!.v~ltbrLs\ j). Tï,
Armoiries : dazur à 9 abeillrs J or poser s rfine en
cœur et les 8 autres en orle cf t'iunrr^eittrs. ar<'olp :
parti (et non écartelé) de gueules au cygne d'argent sur
une terrasse de sinople au chef (V azur chargé d'une
étoile d'argent et d'or au lion rampant de sable au
chef d'argent chargé d'une hure de sable.
— 155 —
I
DE LA
BIBLIOTHÈQUE
D t
CHARLES-LOUIS
LEPRINCE.
No.
Lk Pkjnce.
[.Duis-Charles Le I*|{in€i: iIp Beaufort, frère du précé-
dent, a fait reproiluij't* oxaclf nient Tex-libris qui précède
en y plaçant les arinoirios de sa f(îmme. H habitait Paris
et, pendant la TemMir. Il 9ni soin de recouvrir son
ex-Iibris pur une Jïbiivjur d'^ couverture en typographie.
Collections Bri^re et Ma n touche t.
Trois de cvs cliclirs wms ont été communiqués par la
Saciéî (' des Ex - i iù i is Fi y/ // çff is .
Armoiries : Le F^rifice, accolé de gueules à C aigle
éployée d'argent ^
156 —
Raison.
Cet ex-Hbris manuscrit est celui de Pierre-François
Raison, président au grenier à sel du Mans. Il appar-
tenait à une famille d'avocats au présidial et naquit en
cette ville le 21 septembre 1750.
M. de Brébisson a publié cet ex-libris dans la vi" année
des Archives des Collectionneurs d'Ex-libriSy p. 29,
diaprés celui qui se trouve sur des volumes appartenant
à M. Jules Chappée.
— 157 —
Rocher.
N. Rocher des Perrés, d'une famille du Maine, n'est
connu que par cet ex-libris, dont le cuivre appartient à
M. Engelmann, 24, rue de l'Arcade, à Paris.
Armoiries : dC argent au rocher émergent d'une mer
surmonté d'une fasce d'azur à 3 étoiles^ accolé d'azur
au sanglier d'or accompagné de 3 gerbes de blé de
même, 2 et î. Ces armoiries, qui rappellent celles de la
famille Pelisson, sont actuellement portées par la famille
Le Monnier de Lorière.
— 158 —
Abbaye de la Roë.
L'abbaye de la Roë, au pays de Craon, fut fondée,
en 1096, par Robert d'Arbrissel, pour les ermites qui
venaient se joindre à lui et auxquels il donna la règle
des chanoines de Saint-Augustin. Elle fut dotée par
Renaud de Craon et enrichie par de nombreux bienfai-
teurs. L'église primitive à laquelle on ajouta une abside
au xiv" siècle eut beaucoup à souffrir des protestants.
L'abbaye fut reconstruite au xviii* siècle et une partie
des bâtiments est actuellement occupée par la mairie, le
presbytère, etc.
Le cartulaire et le chartrier sont conservés aux
archives de la Mayenne.
Le chartrier et les volumes de la bibliothèque por-
taient un ex-libris dCazur à la voue dC argent.
Collection de Farcy, Archives de la Mayenne.
— 159 —
Le Roux.
Cet ex-libris peut être considéré comme une adresse
et réclame de graveur.
En effet, ce Le Roux a gravé plusieurs ouvrages.
Les armoiries qui figurent sur son ex-libris sont sans
doute des spécimens de sa manière de faire. On peut les
blasonner : écartelé d'azur au chevron d'or accom^
pagne de 3 losanges de même, et dargent à 2 pals de
gueules, à la barre de sinople^ brochante.
Bibliothèque de Laval.
160 —
RUILLÉ.
On peut en dire autant de Tex-libris Ruillé.
Ce bois est certainement Tun des meilleurs qui aient
été gravés au Mans à la fin du xviii" siècle.
L'écu soutenu de 2 béliers est d'argent au bouquet
de fleurs de ,.. lié d'un nœud de ruban de gueules au
chef de même chargé de 3 étoiles d'argent.
Collection Mautouchet.
— 161 —
DE SaMSON.
Alexandre-Paul-Louis-François de Samson, chevalier,
seigneur de Lorchère et lieutenant au régiment de Pen-
thièvre-infanterie, fils de Paul-Louis-François-Alexandre
et de Marie-Françoise Le Rouge de Beaufou, épousa, le
17 juillet 1781, Marie- Augustine de Broc, fille de Charles-
Léonore, comte de Broc, et de Madeleine-Gabrielle-Renée
de Menon de Turbilly. Il mourut le 31 juillet 1801, lais-
sant des recherches généalogiques sur sa famille.
Collection de Tabbé L. Calendini, curé de Chassillé.
Armoiries : écartelé d'or et de gueules au lion de
Cun en Vautre, armé et lampassé d'azur.
(A suivre).
11
SAINT-CLEMENT DE CRAON
ET LE PrIORAT DE JACQUES TeILLARD
Dans les premiers jours de juillet 1601 ^ arrivaient à
Saint-Clément de Craon deux dignitaires de l'abbaye de
Vendôme : le grand prieur Jacques Franchet, bachelier
en droit canon, et le sacristain Mathurin de Renusson,
bachelier en théologie. Ils voulaient examiner à fond
Tétat et les ressources d'une maison où tout laissait
grandement à désirer et où les amenait le désir de
mettre un peu d'ordre dans la vie conventuelle des
religieux.
Ils devaient savoir pourtant à quoi s'en tenir. Déjà,
le 8 octobre 1595, en vertu d'une sentence rendue par
Adrien Jacquelot, lieutenant général au présidial d'An-
gers '-\ une montrée avait eu lieu. Les ruines, assez
considérables alors, s'étaient accrues encore par la suite
et il avait fallu une nouvelle montrée, au mois d'août
1598, après la pacification. Du procès-verbal qu'en
rédigea Jacob Renou, clerc juré et commis au greffe civil
du présidial d'Angers, descendu avec le lieutenant géné-
ral Marin Boylesve, sieur de la Marousière, chez l'hôtelier
François Cohon, il résulte que la situation du prieuré
était lamentable.
Le prieur Charles Séguin était mort au mois d'avril
1. Les renseignements qui suivent sont extraits pour la plupart
de documents conservés aux Archives de Loir-et-Cher (G 81 et 82).
2. Le présidial d'Angers avait été transféré à Nantes, par les
Ligueurs, le 18 septembre précédent.
— 163 —
1589, et le légat du pape avait pourvu du bénéfice
le religieux Georges du Plessis-Montgenard qui en
avait joui, non sans de multiples contestations, pendant
une administration néfaste. Au temps de la Ligue en
effet, le gouverneur de Craon, Pierre Le Cornu du
Plessis de Cosmes, avait fait de Saint-Clément une
sorte de poste avancé où les qualités belliqueuses du
prieur avaient pu se déployer tout à Taise. Le capitaine
Beaulieu, qui y commandait lors du siège de Craon et
qui avait trouvé un actif lieutenant dans le moine
Michel de Chelu, avait été énergiquement aidé par
Georges Duplessis à ruiner la closerie du Portail qui
gênait la défense. On dit même que pour s'entourer de
personnes absolument sûres, le prieur avait jeté dehors
tel et tel moine dont les attaches ou Torigine ne lui sem-
blaient pas tout à fait sans reproche : ce fut le sort du
frère Charles Dupont, qui était venu de Vendôme, ville
soumise au roi, et qu'on prétendait avoir des intelli-
gences avec Bois-Dauphin. Il est vrai, pour tout dire,
que Dupont avait une assignation de cent écus sur les
biens du prieuré et que Duplessis trouvait plus com-
mode de ne lui rien payer en s'en débarrassant.
Les religieux n'étaient pourtant pas nombreux : quatre
en 1597, mais le prieur estimait qu'il n'avait pas trop
de revenus à percevoir pour se dédommager des contri-
butions qu'avait levées Joachim de la Chesnaie, seigneur
de la Lande de Niafle et gouverneur de Chàteau-Gon-
tier, sur les deux métairies de la Bénardière et de la
Sevaudière, en Louvaines, sans compter les décimes que
le général Lafontaine avait prises pour lui. Et comme
il n'avait personnellement pas de bien, qu'il faisait
quelques aumônes (aussi peu que possible, au témoi-
gnage de René de Blerville) tout en nourrissant fort mal
ses moines, il se gardait d'employer aux réparations du
couvent les sommes qui eussent été nécessaires à cette
besogne, si bien que les ruines s'ajoutant aux ruines,
on évaluait, en août 1598, à plus de 4.000 écus les
— 164 —
dépenses qu'il était urgent de faire pour remettre les
bâtiments en état.
Georges Duplessis venait d'ailleurs de passer la main
et de résigner son bénéfice, à charge d'une pension de
100 livres, à un étudiant « et suppôt de l'Université
d'Angers », Jacques Teillard. Mais en lui cédant le
prieuré, Duplessis ne lui garantissait pas une paisible
jouissance : depuis dix ans en effet des querelles duraient
au sujet du possessoire et Teillard trouva immédiate-
ment en face de lui le moine Charles Gaultier, dont les
prétentions semblent légères, frère Gilles de Requin,
profès de la Trinité de Vendôme, bachelier en droit
canon et suppôt de l'Université d'Angers, ainsi que
Jacques Franchet, religieux de Vendôme. Le conser-
vateur des privilèges .de l'Université, appelé à trancher
la question, s'était, par une sentence du 13 novembre
1597, prononcé en faveur de Teillard qui fut confirmé
par un arrêt du parlement de Paris en date du 10 février
1599.
Le nouveau prieur se mit immédiatement à l'œuvre.
Mais il avait fort à faire pour rétablir l'ordre parmi ses
moines et relever les murs écroulés de son couvent. Au
spirituel d'abord, sans compter le scandale, dont le sou-
venir ne s'était pas encore effacé, causé par le meurtre
de M* Christophe Pinson, prêtre de Saint-Clément, que
son collègue Eveillard avait tué, en 1587, d'un coup
d'arquebuse dans la rue du bourg, il est certain que les
troubles de la Ligue n'avaient en rien favorisé la prière
et le recueillement monacal. Les religieux manquaient,
en 1598, d'une bible, d'un graduel, d'un missel même
pour chanter leurs offices et n'avaient aucun livre de
théologie. Pourtant les passions s'apaisant, ils étaient
rentrés en possession de quelques objets pieux qui furent
confiés en 1601, aux soins de Michel de Chelu, l'ancien
lieutenant du capitaine Beaulieu, pourvu alors de l'office
de sacristain, en dépit des prétentions de Georges
Duplessis et de René de Blerville. Il n'y avait pas
— 165 —
d'ailleurs d'inventaire ni de prise en charge de ces
objets, qui en valaient cependant la peine. C'était
d'abord « une croix de boys couverte d'argent sur une
pommelle de cuivre doré, laquelle, dit le procès-verbal,
est entière fors un lambeau d'argent contenant Finscrip-
tion qui est descloué, et besoin de reclouer et reserer
ung petit rondeau qui est dessus la teste du Crucifix,
duquel le bout d'abas du derrière de la dicte couverture
d'argent soubz un ange élevé en bosse où est besoin de
mettre ung clou d'argent et cojitinuer le bore d'argent
au mesme endroit... »
C'était ensuite une autre petite croix couverte d'ar-
gent, dorée sur le devant, au milieu de laquelle se
voyait un agneau, et garnie de pierreries aux quatre
« coins ».
C'étaient encore deux calices, avec leurs patènes,
dont le plus grand, d'argent doré, laissait voir à la
patte « ung crucifix élevé » avec le nom de Saint-Clé-
ment gravé sur la partie opposée ; l'autre d'argent, doré
seulement sur la cuve et à la pommelle, était dessoudé ;
un troisième était en réparation chez un orfèvre d'An-
gers ; un quatrième s'était depuis longtemps égaré entre
les mains d'une habitante de Craon.
Si Ton joint à cela deux burettes d'argent et un encen-
soir de même métal, on connaîtra tout le mobilier pré-
cieux que le prieuré de Saint-Clément possédait en 1601.
Je me trompe, car il faut signaler particulièrement
« ung épistolier et ung évangelier de parchemin escris
à la main, couvertz tous deulx d'un costé d'argent doré
élevé sçavoir l'un d'un crucifix et de deux vierges,
l'aultre d'une image de Dieu le père. » Chose qui peut
sembler singulière ! le maître autel n'avait pas de
ciboire, et très probablement n'en avait jamais eu. Aussi
les visiteurs enjoignirent-ils à Jacques Teillard de faire
construire un petit tabernacle où seraient enfermées,
dans un vase d'argent, les hosties consacrées qui
seraient nécessaires pour subvenir aux besoins des reli-
— 166 —
gieux malades et que le semainier renouvellerait de
mois en mois.
Jusqu'alors les moines de Saint-Clément s'étaient
passés de cette sainte réserve. Ne pouvaient-ils pas,
à Toccasion, avoir recours au curé de la paroisse dont
les offices se célébraient dans leur église ? Cette simul-
tanéité des offices, outre plusieurs inconvénients, avait
même pour résultat d'amener une certaine cacophonie
dont le clergé paroissial se plaignait vivement et à
laquelle les visiteurs, en veine de réformes, voulurent
remédier.
Ils décidèrent donc que les religieux entreraient au
chœur, pour dire leurs matines, à quatre heures les jours
de fêtes solennelles, les premiers dimanches de chaque
mois et les jours de services extraordinaires ; à cinq
heures, les autres jours. Les matines seraient suivies
immédiatement de prime et du chapitre. La grand'messe,
précédée de tierce et de sexte, serait chantée, chaque
dimanche et les jours de fêtes solennelles, à huit heures
et demie, et les autres jours, comme les jours déjeune,
où les moines entraient au chœur à neuf heures, la
grand'messe ne devait être célébrée qu'à dix heures,
sauf le premier dimanche de chaque mois. Quant aux
vêpres, suivies de compiles, elles devaient uniformé-
ment commencer à trois heures. « Et pour garder au
dit service divin, ajoutaient les visiteurs, la révérence
requise, nous enjoignons très expressément de reprandre
le service de Nostre-Dame selon l'ancienne coustume à
basse voix, prononcer le tout distinctement et articule-
ment, avec attention ad ce que ung costé entende
l'aultre... Porteront leurs frocs et bonnez carrez cou-
verts de leurs capuchons durant le divin service et, en
aulbe, l'amict sur le bonnet... »
Ces points, d'ordre purement spirituel, se réglèrent
sans difficulté. Mais il fallut plus d'examen pour ordonner
la vie matérielle du couvent. Le nombre des religieux
avait augmenté depuis les troubles : Saint-Clément
— 167 —
comptait en 1601 douze moines ou novices. Ce n'était
pas Taffaire de Teillard, qui voyait avec peine le plus
clair de son bénéfice s'en aller en victuailles. Il avait
passé à cette occasion avec ses religieux, le 10 août
1599, un traité dont nous ne connaissons pas la teneur,
mais qui constitue sans doute le fondement d'un projet
de concordat soumis par lui, en 1601, à l'approbation
des visiteurs de Vendôme.
Homologué en chapitre général et approuvé le 28 sep-
tembre suivant après avoir subi quelques retouches assez
importantes, ce règlement portait que, dans les douze
années qui suivraient, le nombre des religieux serait
réduit à six, non compris le prieur et un novice ; que ces
religieux, avec le novice et le serviteur du sacristain,
seraient nourris et entretenus par le prieur ; que les
douze années révolues, leur nombre serait porté à
neuf.
« Et, ajoutaient les visiteurs, afin que la discipline
puisse refleurir dans le cloître, il est ordonné que tous
les religieux feront le service divin aux heures, forme,
attribution, distinction, révérence selon la coustume
ancienne de l'abbaye de Vendosme et ce pendant et
jusques à ce qu'il aye esté pourveu par le chapitre d'un
soubz-prieur et aultres religieux prestres obédienciers,
sera tenu le prieur fournir aux religieulz de deux pres-
tres séculiers pour leur ayder à acquicter le service du
prieuré ;
« Qu'ilz porteront la couronne régulière avec la barbe
courte, sans moustaches, qu'ilz feront couper de troys
sepmaines en troys sepmaines, et es festes solennelles
leurs grands frocs avec leurs bonnetz carrez dedans le
chœur et Téglise et allans processionnellement, quelque
lieu que ce soit ; et dedans et dehors Tenclos, leurs
robbes ou soustanes longues avec leurs scapulaires et
le bonnet carré, sinon que allans dehors en temps plu-
vieux et de trop grande challeur ou froidure, par la per-
mission de leur supérieur ou, en son absence, du plus
— 168 —
ancien, auquel cas pourront porter chapeaus et non
autrement.
« Porteront tous leurs habits de couleur noire et de
laine seulement et, allans hors le dit prieuré et en la
ville de Craon, par permission comme dessus, iront
décemment avec leur habit régulier. Leur faysons
expresses inhibitions et deffenses de n'aller ni fréquenter
cabaretz ou tavernes du dict Craon ny des environs, ni
hanter compagnies deshonnestes et scandaleuses soubz
grosses peines à la discrétion du supérieur.
« Et à ce que le dict prieuré ne soit à Tadvenir tant
commun et fréquenté, enjoignons au dict prieur de faire
clore de muraille le portail dict de Sainct-Benoist, en
laquelle le dict secretain fera faire une petite porte de
haulteur comme de largeur de troys pieds, dont le dict
prieur fournira de boys et le dict secretain de ferreure,
mesme de coureils à fermer par dedans avec une bos-
selle fermant à claif, dont le dict secretain aura une
claif et le soubz-prieur l'aultre et sera continuellement
fermée, faysans défenses de n'introduire personne scan-
daleuse ou nuisible à peine d'en respondre par le dict
secretain en privé nom, comme aussi aura une claif
dont sera continuellement fermée la porte pour entrer du
logis de la secretainerie en Tallée de la cuisine, salle
ou réfectoire et aux dicts cloistres ; et seront par le
portier retenus les porcs d'entrer aux dicts cloistres...
« Et arrivans maladie aux dicts religieulz, le dict
prieur les fera visiter et assister de médecin selon la
nécessité, retirer et accommoder es chambres du dict
portail qu'il fera distingué de cloyson selon la forme
ancienne, les meubler et garnir à cette fin. Et con-
viendra avec les dicts religieulz d'un apothicaire pour les
panser en leurs maladies ; et où aulcun d'eux en voul-
droit choysir et prandre aultre que celluy dont aura esté
convenu, ne sera le dict prieur tenu le payer des dro-
gues et médicamens qu'il aura fourni. Sera aussi tenu
— 169 —
le dict prieur changer les viandes aux religieulz malades,
selon Tordonnance du dict médecin, et leur fournir de
garde sans fraulde. »
Mais sans plus nous attarder aux bagatelles de la
porte, examinons avec Jacques Teillard ce qui lui tenait
peut-être le plus à cœur : Tentretien des moines. C'était
là une grosse question qu'il tâcha, dans son projet, de
résoudre avec quelque justice. Les députés de Vendôme
en examinèrent soigneusement le détail et, s'inspirant
de ce que Ton faisait à Tabbaye, ils formulèrent les pres-
criptions suivantes :
« Premièrement que le dict prieur fournira tant pour
les dicts religieulz au dict nombre et au serviteur du
secretain, aux jours de viande seulement, de veau depuis
le jour de Pasques jusque au jour de Penthecoste,
sçavoir au disner à bouillir tout le hault costé de veau
avec le gigoteau et rouelle, ou la teste et le ventre ou
pour l'un d'iceux l'un des dessus dicts membres au
chois des dicts religieux avec un competant morceau de
salle, oultre cellui du desjeuner. Et au souper pour le
dict temps fournira aux dicts religieulz d'une poitrine ou
espaule et demy rongnon de veau ou, pour icelluy, une
poitrine aussi à leur choix, le tout lardé et rosti et oultre
un morceau de veau et salle pour faire le potage ; et le
dessert selon la sayson.
« Et depuis le dict jour de Penthecoste jusque au
mardi gras, fournira au disner de deux pièces de bœuf
ou thore telle et de la meilleure qui se trouvera en la
boucherie de la dicte ville de Craon, à l'achapt de laquelle
pouront les dicts religieulz député l'un d'entr'eux, chas-
cune pièce poysant quatre livres, avec un hault costé de
mouton entier mis en deux, aussi du meilleur, oultre le
salle comme dessus. Et pour le souper, d'un gigot et
espaule de mouton de la susdite nature rostis ou deux
pièces de veau à rostir telles que dessus pour les dictes
deux pièces de mouton, ou moictié d'un et moictié d'aultre
selon la commodité du pais, oultre le morceau de veau
— 170 —
ou mouton avec le salle pour faiie le potage ; et le des-
sert comme dessus.
« Au regard de Textraordinaire des festes annuelles
eschéantes depuis le dit jour de Pasques inclusivement
jusques au jour de la Magdaleine, qui sont de TAscen-
sion, Penthecoste, de la Trinité d'esté et du Sacre, four-
nira le dict prieur deux couples de pouletz et d'un oyson
farci ou pour icelluy un gigot ou espaule de mouton ou
deux rongnons de veau rosti au chois comme dessus, et
ce oultre le plat des officiers.
« Et depuis le dict jour de la Magdalene jusque au
jour de Toussainctz, es dictes annuelles qui sontNostre-
Dame de my-aoust et le dict jour de Toussainctz, de
deux husteaudeaus et de Tun des membres cy dessus,
de la mesme qualité.
« Et depuis le jour de Toussainct exclu jusque au dict
mardi gras, qui sont le jour des Morts, des deux fonda-
teurs de Sainct-Clément et de la Trinité d'hyver, de
Noël, des Roys, Chandeleur et dimanche de Septuagé-
sime, un bon et compétant chappon avec Tune des mes-
mes pièces que dessus ou deux chappons, le tout oultre
l'ordinaire cy-dcssus.
« Quant aux festes triples qui sont le premier jour de
Tan, Sainct Julian, Sainct Benoist, Annunciation Nostre-
Dame, les premiers fériers des festes annuelles, Quasi-
modo, Sainct Eutrope, Sainct Bienheuré, Sainct Jehan,
Visitation et patronage de Nostre-Dame, Sainct Pierre,
Sainct Benoist, de la Magdalene, Saincte Anne, Nativité
Nostre-Dame, Sainct Michel, Sainct Martin, Sainct
André, Sainct Nicolas et Conception Nostre-Dame, et
pareillement aux doubles qui sont Sainct Mathie, Sainct
Gregoyre, seconds fériors des annuelles, Sainct Am-
broyse, Sainct Marc, Sainct Philippe, Sainct Barnabe
et Jacques, Sainct Barthelemi, Sainct Augustin, Sainct
Mathieu, Sainct Jhérosme, Saint Luc, Sainct Simon,
Sainct Thomas , arrivans à jour de chair, fournira le
prieur de deux pièces de roux, sçavoir deux pouletz et
— 171 —
un hallebran ou hustaudeaux et oyson selon la sayson,
au choix comme dessus. Elles dictes annuelles arrivans
à jour de poysson, comme le jour de Pasques fleuries et
les vigiles de Pasques, Penthecoste et Trinité d'esté,
fournira le dict prieur, oultre l'ordinaire cy après spé-
cifié, deux plats du meilleur poysson que Ton poura
trouver dans la dicte ville, oultre le plat des officiers.
« Et les dictes triples et doubles aussi arrivans à jour
maigre, fournira le prieur d'un plat de marée ou aultre
poisson blanc, au choix des dicts religieux, se s'en trouve
en la dicte ville.
« Quant aux jours ordinaires de poysson de toute
l'année, et des mercredis et advent, seront les dicts reli-
gieuls servis au disner de deux plats de moulue et de
deux de rayeton ou de moulue parée, oultre un d'oeufs
fricassez et le dessert, et de mesme au souper, fors es
jours de caresme et de jeusne, qu'ils ne sont servis qu'au
disner seulement ; et à la colation de peu de pain et vin.
« Mays au dict caresme sont servis au disner seule-
ment, oultre l'ordinaire, chaque jour, d'une carpe bonne
et compétente, et aux dimenches de deux et aux ven-
dredis d'un plat de marée, oultre l'ordinaire, s'il s'en
trouve.
« Touchant le pain et vin, seront les dits religieulz
servis de pain de fleur de seigle, et vin à suffisant, tant
au disner que souper, et au matin à desjeuner le pot de
vin d'ancienneté et d'un pain qui se servira entre sept
et huit [heures] du matin, et autant à gouster qui sera au
premier coup de vespres, à quelle heure ceux qui voul-
dront repaistre se trouveront ensemble et l'heure passée
nul ne sera servi.
« Et où il se commettroit quelqu'abus par aulcuns
des dicts religieulz, leur en sera baillé seulement à cha-
cun une pinte par chacun repas du disner et souper.
« Et ne pouront introduire les dictz religieulz aulcuns
séculiers es dicts repas, sinon les curé et officiers de la
mayson et les parens des dicts religieulz ou personnes
— 172 —
de qualité par quelques foys, avec la permission du dict
soubz-prieur*
« Pour la nature du vin, le dict prieur en fournira aux
dictz religieulz : depuis le dict jour de Toussainct jusque
à Pasques, du vin clairet de creu de Saint-Sulpice ou
Chasteau-Gontier ; et le reste de Tannée, du meilleur
du pays.
« Et seront servis les dicts religieulz retournans des
champs par permission du supérieur, selon l'heure de
leur retour.
« Et oultre fournira le dict prieur, à chacun jour des
dictes fêtes annuelles et leurs vigiles, d'extraordinaire
au disner, de deux pots de vin blanc d'Anjou et du meil-
leur, et de deux pains blancs, et le jour des Roys d'une
fouasse et gasteau.
« Au regard du vestière des dicts religieux, baillera
à chacun des prestres seize escus deux tiers par chacun
an par quartes de l'année, à commencer du premier jour
d'aoust prochain venant, sçavoir quatre escus dix sols à
chacun des derniers jours d'octobre, janvier, apvril et de
juillet prochains venant et à continuer à l'advenir pour
l'entretenement de tous leurs habits et linccus de lict. »
Les dispositions de ce règlement furent, semble-t-il,
fidèlement observées pendant cinq années. Il est vrai que
Teillard n'avait pu, d'une façon immédiate, juger les
conséquences des modifications apportées par le cha-
])itre général à son premier projet, car, dès 1602, il avait
laissé son office pour se faire pourvoir de l'aumônerie
de Saint- Aubin d'Angers *. Jacques de Saint-Offange
lui avait succédé à Saint-Clément, mais ce nouveau
prieur, qui n'appartenait pas à Vendôme et possédait
Saint-Remy-la-Varenne, ne résida point à Craon - où il
ne mit peut-être jamais les pieds et ne paraît pas s'être
occupé de son bénéfice autrement que pour en toucher
les revenus.
1. Arch. dép. Mayenne. H 137, fol. 44 r«.
2. Id., H 144, fol. 186 ro.
— 173 —
Ils s'étaient accrus sans doute depuis le jour où le
lieutenant Marin Boylesve avait constaté le mauvais
état du prieuré et Teillard pensa qu'il valait encore
mieux en jouir, tout en s'acquittant des charges dont ils
étaient grevés, que de les abandonner à d'autres. Aussi
ne tarda-t-il pas à revenir à Saint-Clément, sans pour
cela renoncer à son aumônerie d'Angers ; dès le mois de
février 1606, et peut-être avant même, il avait rem-
placé Saint-Offange. Tout de suite, et dans un but fort
louable, il acheta, au prix de 4.200 livres tournois, de
Charles Cybel, écuyer, sieur de la Robetterie, mari de
Madeleine de Clerc, et de René des Scepeaux, écuyer,
sieur du Coudray, la maison seigneuriale, les métairies
et le moulin de la Chouaignes, en Saint-Clément, mou-
vant en partie de l'Ile-Tison ; il en prit possession, avec
les solennités requises par la coutume d'Anjou, le 29 mai
1606, en présence de François Thibault, notaire de la
cour de Saint-Laurent-des-Mortiers, en résidence à
Craon, de M* Abraham Lasnier, sieur de Villeneuve,
de sire François Cohon, sieur de la Touche, et du
notaire seigneurial Bernard Péju, fermier du prieuré ^
Presque aussitcU il entreprit d'améliorer son acquisition
et fit construire un second moulin avec le logis du
meunier 2.
Mais déjà un changement notable s'était s'était opéré
au prieuré. Les religieux de Vendôme y avaient envoyé,
en qualité de sous-prieur, un frère Pierre Gaultier dont
on n'avait guère à se louer et qui, contraint à partir
c< pour ses crimes et faultes », versa dans le protestan-
tisme. François Belot lui avait succédé, le 19 juillet
1604; puis, sur l'injonction des supérieurs de Vendôme,
un frère de Cugy avait dû se retirer à Craon et l'on
avait décidé que l'entretien de ce moine intraitable serait
1. Arch. de la Mayenne, H 143, fol. 150 ro.
2. Ces immeubles furent donnés au prieuré par Teillard pour
assurer le service d'une fondation qu'il y faisait le 4 avril 1611
(Arch. de Loire-et-Cher, G 81).
— 174 —
à la charge de Teillard ; ses déportements n'ayaient pas
cessé à Saint-Clément et le prieur voyait Tennui qu^ils
lui causaient s'ajouter aux difficultés qu'il éprouvait
à exécuter le concordat de 1601. Il finit par renvoyer à
Tabbaye le moine de Cugy, réputé incorrigible, en sou-
tenant que les obédienciers ne devaient pas rester dans
les prieurés plus de deux ou trois ans pour n y pas con-
tracter de mauvaises habitudes, et s'a visant qu'il n'était
pas licite aux religieux de Vendôme de mettre des
moines en obédience, s'ils ne remplissaient au préa-
lable le nombre porté par la fondation de leur abbaye, il
attaqua comme d'abus Thomologation de 1601. 11 se
hâta de passer un nouvel accord avec ses propres reli-
gieux qui, le 2 novembre 1607, en demandèrent la rati-
fication. Mais le chapitre n'entendit en aucune façon
déroger au concordat ni surtout aux modifications qu'il
avait api>ortées au projet du prieur et blâma les moines
de Saint-( élément « d'avoir voulu faire aucune chose
sans en sçavoir premièrement l'advis et résolution » de
leurs supérieurs. Il députa à Paris frère Charles
Le Mareux, cellerier, pour faire vider l'appel, en lui
assurant une provision de 60 sols par jour.
Devant leurs juges, les deux parties développèrent
les motifs de leurs griefs réciproques et, naturellement,
eurent soin de n'en oublier aucun.
Teillard constata tout d'abord que le règlement de
1601 avait été établi par le grand prieur Jacques Fran-
chet, avec lequel il avait eu déjà maille à partir pour
la possession de son bénéfice, et laissa entendre que
son compétiteur d'alors avait conservé de sa défaite
une certaine animosité contre lui. Il se plaignit ensuite
qu'on lui eût imposé un sous-prieur avec prééminence
et juridiction spirituelle sur les obédienciers sans que
lui, Teillard, eût à émettre un avis quelconque. Les
religieux de Vendôme soutenaient bien que le droit
leur appartenait d'agir aiosi et donnaient en preuve des
nominations antérieures. Mais Teillard répliquait que
— 175 —
les institutions précédentes ne prouvaient rien précisé-
ment, car les maisons où elles avaient été faites étaient
alors possédées en commande ou se trouvaient sans
prieur.
C'est au sous-prieur qu'incombait, suivant l'homolo-
gation, le droit de distribuer les deniers de la bourse
commune, en dehors du prieur qui n'en pouvait prendre
connaissance, mais ce dernier par contre était obligé de
nourrir le serviteur de l'autre et de lui donner 30 livres
de gages et 200 fagots.
Le règlement lui ordonnait d'entretenir six religieux,
un novice et le serviteur du sacristain; mais l'homolo-
gation ajoutait qu'après douze ans, il aurait neuf moines
à sa charge avec leurs domestiques qui étaient « en
grand nombre », parait-il. Or pour s'en tenir au sacris-
tain, il jouissait, tout net, de plus de 500 livres de rente
et il était bien juste que ce revenu lui servit à entretenir
son personnel, sans qu'il en laissât le soin à d'autres.
Quant aux religieux de Saint-Clément, le concordat
fixait qu'on leur baillerait « aux jours de mercredy, ven-
dredi et sabmedy six platz de poisson et deux platz
d'œufz fricassez tant au disner que au soupper, et
encores aus dicts vendredys deux platz de marée oultre
et par-dessus l'ordinaire » ; qu'on leur fournirait du
clairet de Saint-Sulpice ou de Chàteau-Gontier pour
leur boisson commune, et qu'aux jours de fête on rem-
placerait ce petit vin par du vin blanc d'Anjou « et des
meilleurs. »
Mais c'étaient là des exigences vraiment par trop
excessives et fort éloignées de la simplicité primitive du
cloitre ! L'usage de Vendôme n'attribuait que cinq œufs
à chacun des moines. Le pays de Craon produisait de
bon vin et, en en mettant sur la table du prieuré, on
s'exemptait de Timpôt de quatre livres et demie qu'on
payait par pipe passant « d'ung tablier à l'autre ». Or,
on consommait en moyenne, à Saint-Clément, plus de
quinze pipes du prix de trente écus.
— 176 —
Enfin Teillard ne comprenait pas qu'on attribuât à
chaque religieux une somme de 50 livres pour son
vestiaire, alors qu'à Vendôme les moines n'en tou-
chaient que 40. S'il était obligé de nourrir ses frères et
de les habiller, à quoi bon leur constituer une bourse
commune ?
En vérité les revenus ne suffisaient pas à toutes ces
dépenses. La maison avait bien été rebâtie en partie
et il en avait coûté plus de 2.000 écus à Teillard ; mais
les récoltes trahissaient ses légitimes espérances : les
gelées de 1607 avaient ruiné vignes et blés et il se trou-
vait en déficit de 400 livres ; encore lui fallait-il acheter
des grains pour emblaver ses métairies.
Frère Teillard, répliquaient les religieux de Vendôme,
a bien mauvaise grâce à se plaindre, car le revenu de
son bénéfice monte au moins à 3.000 livres et, toutes
charges déduites, il lui en reste 800. L'avarice seule le
fait crier et c'est elle qui l'empêche de recevoir à Saint-
Clément plus de moines qu'il ne fait. Il devrait avoir
quelque pudeur à mêler tant de détails de cuisine à un
procès où se traitent de plus graves questions. Sans
doute, on n'est plus au temps de saint Benoit, mais les
demandes qu'on adresse au prieur sont fort raisonnables
et ce qu'on lui réclame est bien inférieur à ce que reçoivent
les religieux en d'autres couvents. A la Roë, par exemple,
chacun d'eux est gratifié de 5 setiers de froment, mesure
de Paris, de deux pipes de vin et de 5 sols par jour ; un
règlement établi par M. Pelletier leur accorde en outre
un muid de blé, trois pipes de vin et 25 écus pour supplé-
ment de pitance : le spirituel y est ordonné par les
prieurs de Saint-Victor et de Saint-Lazare de Paris. Les
moines de Bourgueil touchent 100 setiers de blé, 40
pipes de vin d'Anjou, 2.000 livres pour leur pitance,
300 charretées de gros bois, 4 charretées de foin. Si à
Saint-Aubin d'Angers chaque religieux ne perçoit, sui-
vant un règlement provisoire dressé durant les troubles,
que 6 sols, du moins dans cette somme ne sont pas com-
— 177 —
pris le pain, le vin et les autres commodités parti-
culières qu'ont les moines, presque tous officiers, et
encore leur donne-t-on au déjeuner trois pintes de vin,
mesure d'Angers. Vraiment tout cela laisse bien loin
derrière soi les deux pièces de rôti qu'on délivre à Saint-
Clément, les jours de fête, et qui peuvent valoir, à elles
deux, tout appareillées, 15 sols pour dix ou douze per-
sonnes. C'est pure honte que s'en tenir aux 100 livres
assignées jadis sur des métairies pour assurer les vivres
des moines, car tout augmente de prix : l'aune de drap
qui coûtait 4 Kvres en 1575 en vaut 8 maintenant et
l'habit monacal (vêtements de dessous, scapulaire, grand
froc et bonnet) revient à plus de 50 livres.
Les raisons invoquées par les religieux de Vendôme
n'entraînèrent pas la conviction des juges du Grand-
Conseil. Ceux-ci, pour former leur conscience, deman-
dèrent avis aux prieurs de Saint-Germain-des-Prés et
de Saint- Victor et au sous-prieur de Saint-Germain-des-
Champs et, complètement éclaircis sur la question des
vivres et du vestiaire, ils rendirent, le l*' mars 1608, un
arrêt dans lequel ils donnaient raison à Teillard sur
presque toute la ligne. En voici le dispositif :
« Iceluy nostre dit Grand Conseil, faisant droit sur
les dites instances, a dit qu'il a esté mal et abusivement
ordonné et procédé par lesdits religieux, prieur et cou-
vent de Vendosme, bien appelle par ledit Teillard et luy
a permis et permet d'instituer un sous-prieur tel des
religieux dudit prieuré de Craon que bon luy sem-
blera pour, en son absence, tenir les religieux dudit
prieuré en leur devoir et discipline et faire les functions
à ladite charge appartenans.
« A ordonné et ordonne que ledit de Cugy sera ren-
voie en ladite abbaye de Vendosme pour luy estre faict
son procès par ses supérieurs en la manière accous-
tumée et, à cette fin, que les informations faictes contre
luy seront envoiées en ladite abbaye à la diligence dudit
Teillard et qu'il ne pourra estre envoyé par lesdits
12
— 178 —
prieur, religieux et couvent de Vendosme audit prieuré
de Craon plus de six religieux et un novice de bonne
vie, mœurs et honneste conversation ; et où ils se trou-
veroint autres, les pourra ledit Teillard renvoier à ladite
abbaye de Vendosme pour y estre par lesdits prieur et
religieux pourveu ainsy que de raison ; et néanmoins
aura ledit Teillard la correction et discipline de tous les
religieux dudit prieuré.
« A la garde des clefs des portes dudit prieuré, ouver-
ture et fermeture d'icelles, commettra ledit Teillard un
religieux lay ou personne capable pour nettoier les
cloistres, dortoirs et chambres des religieux et les servir
estans à table, et lequel sera nourry et gagé par ledit
prieur.
« Que lesdits religieux n'auront à desjuner, sinon en
cas de nécessité et par la permission dudit prieur ou
du sous-prieur en son absence, sçavoir demy septier de
vin et trois onces de pain et n'auront aucunement à
gouster ; que depuis Pasques jusques à la Trinité d'esté
seront servis de veau et salé, ainsy qu'il est porté par
lesdits reiglemens desdits commissaires, soit à disner
soit à souper, et depuis la Trinité jusques à Pasques
auront beuf et mouton à disner suivant ledit reiglement,
et à souper deux pièces de rosty, sçavoir un gigot et
espaule de mouton ou autre pièce œquipolente. Aux
jours de mercredy auront seullement cinq œufs accom-
modez au beurre, suivant l'antienne coustume, ou bien,
au lieu de trois œufs à disner, un plat de morue ou
poisson, s'il s'en trouve, et deux œufs à soupper. Aux
jours commandez par la reigle Saint Benoist, jeusneront
selon qu'il est porté par ladite reigle et leur sera donné
du poisson ou œufs et légumes et autres choses qui se
trouveront au pais et ce à disner seullement, et au soir
une chopinc de vin, chacun six onces de pain ; et aux
jeusnez commandez par l'Eglise auront demi setier de
vin à leur collation et deux onces de pain chacun ; aux
jours de vendredy et sammedy qui ne seront point
— 179 —
jeusnes de reigle, seront servis ainsy qu'aux jours de
mercredy. Aux temps de Tavant, seront servis de pois-
çon ou œufs et légumes et, aux temps de karesme, de
légumes et poisçon comme il se pourra recouvrer au
pais. Auront du pain de fleur de seigle chacun religieux
deux livres par jour, Tune à disner, l'autre à souper.
Auront du vin du pais et creu dudit prieuré, sainct et
net, trois chopines chacun par jour, sçavoir une tierce à
disner et autant à souper. Lesdits religieux estans
malades seront secouruz du médecin, appothiquaire et
chyrurgien et en leurs dites maladies nourris suivant
Tordonnance du médecin. Aux quatre festes annuelles et
du sacre, Nostre-Dame de my-aoust, ftîste de Saint-Clé-
ment, TAssension, la Trinité, Saint Benoist de jullet, la
Nativité de Nostre-Dame, Saint Martin d'hiver, la
Purifilcation et des Roy s, auront deux pièces de rosty à
disner et une pièce à soupper, selon les saisons, outre
et par-dessus l'ordinaire, comme aussy chacun deux
pintes de vin, l'une à disner et l'autre à soupper.
« Qu'il sera fourny par ledit Teillard pour chacun
desdits religieux la somme de cinquante livres par
chacun an, lesquels deniers seront mis es mains de l'un
desdits religieux à ce commis par ledit prieur, de l'avis
de sous-prieur et de l'un des antiens, par lequel sera
fourny le vestiaire auxdits religieux, ausquels ledit
prieur a accoustumé d'en bailler selon les nécessités de
chacun d'eux ; lesquelles sommes pour ledit vestiaire
seront premier emploiez les deniers destinez d'ancienneté
pour ledit vestiaire desditz religieux appeliez la bource
commune ou revenu dudit petit couvent, et le surplus
sera fourny par ledit prieur, comme dit est, jusque à la
concurrance de ladite somme de cinquante livres chacun.
« Ne pourront lesdits religieux introduire aucuns
sécuUiers esditz repas, sinon les curez et officiers de la
maison et les parans desdits religieux ou personne de
qualité par quelque fois et ce avecq la permission dudit
prieur seullement.
— 180 —
« Le serviteur du secrétain dudit prieuré ne sera
nourry aux dépens dudit prieur.
« Pour ledit reiglement estre observé tant que ledit
prieuré sera tenu en tiltre par un religieux dudit ordre ».
Il eût été plus sage de régler entre soi, par un arbi-
trage, ces querelles intérieures qui n'intéressaient que
la vie monacale. Mais on était habitué depuis longtemps
déjà à voir l'autorité laïque intervenir dans les contes-
tations de ce genre et Ton recourait volontiers à elle.
Du moins n'avait-on pas à s'en plaindre encore et ses
décisions avaient l'avantage d'apaiser les différends
pour quelque temps.
C'est ce qu'elle fit à Craon. Le prieur en profita pour
poursuivre la restauration temporelle du couvent en
finissant de payer l'acquisition qu'il avait faite de la
Chouaignes et en revendiquant quelques pièces déta-
chées du fief de la Benehardière en Louvaines (1609). Le
calme paraissant enfin revenu dans les esprits, il s'atta-
qua à l'œuvre de la réformation spirituelle et de la disci-
pline. Il y avait, là aussi, beaucoup à reprendre. Les
statuts que Teillard donna le 16 août 1611 nous rensei-
gnent à cet égard. Nous les citerons dans leur entier.
« Premièrement, le divin service estant à préférer à
touttes choses, exorte tant qu'il luy est possible et
convie le dit prieur qu'aucun des dits religieux ne se
exempte du dit service, sinon en cas de maladye ou
excuze légitime faicte au dit prieur ou, en son absense,
au soubz-prieur.
« Lequel divin service ne poura estre advancé ni
retardé comme on a acoutumé, ains au contraire cera dict
aux heures cy après dictes, sinon pour cause légitime
qui sera jugée par le prieur ou, en son absence, par le
soub-prieur, et mesmes aux premiers dimanches des
moys et autres jours auquelz ilz ont abusivement acou-
tumé d'avancer le service du dit prieuré pour après
vacquer au service des trépassés qui se faict à la paroisse
du dit Saint-Clément auquel ilz ne sont obligés que
r
— 181 —
voluntairement pour participer au gain de la dite
parroisse.
« Pour les heures du divin service, Ton sonnera
matines aux jours de troys leçons et férié à cinq heures
du matin, pour entrer au cœur à cinq et denjye. Aux
festes de douze leçons et en chappe, Ton sonnera à
quatre heures et demye pour entrer au cœur à cinq
heures. Aux festes doubles et triples, Ton sonnera à
quatre heures pour entrer au cœur à quatre heures et
demye. Aux festes annuelles, Ton sonnera à troys
heures et demye pour entrer au cœur à quatre heures et
que aux fins des dix sons un chacun des dits religieux,
soubz-prieur et segretain se rengent incontinant au
cœur de la dite église pour y célébrer le divin service
avec beaucoup plus de révérence, dévotion et attention
qu'ilz n*ont acoutumé de faire par le passé, et enjoingt
de reprendre à Tadvenir, dire et célébrer tout le service
de Nostre-Dame comme elle se disent à Tabbaye de
Vandosme.
« Que les dictz religieux se tiennent droictz en leurs
chères et non assis, sinon aux heures auquelles on le
peut estre, sans élever les jambes sur le lieu où Ton a
acoutumé reposer les bras lorsqu'on est à genou.
« Pour la salmodie, que les accens y soient observés
et gardés avec la médiation et sans commencer un
verset que l'autre ni soit fini, comme il est porté par les
statuz de la congrégation, et que chacun se tienne droict,
la teste descouverte, pendant que Ton commence le
sainct évangile, Magnificat, Benedictus, chappitres,
preces et oraisons, préface de la messe, et se inclinant
au sainct et vénérable nom de Jésus et Marie, aux
gloria, aux derniers versets des himnes, et ce tiennent la
teste descouverte en célébrant la saincte messe et com-
menceant Tœpitre et sainct évangile, suyvant les statuz
de la congrégation.
« Pareillement que les anciennes cérémonye gardée et
observée en Tabbaie de Vendomne, soint reprises et
— 182 —
gardée au prieuré et suyvant les statuz de la congré-
gation.
« L'heure de prime se dira tous les jours à huict
heures et demye avec tierce et la grande messe, puis
sexte et à Tissue du disner nonne, sinon aux jours de
jeusne de TEglise et de la reigle, auquelz elle se diront
immédiatement après matines et, à dix heures et demye,
tierce et sexte jusqu'à la grande messe, après laquelle
ilz diront Theure de nonne.
« Tous les religieux prestres feront le rang de grandes
messes et hebdomades, sans les pouvoir faire dire par
d'autres non pas mesme par prestres séculiers, sinon
en cas de maladye ou excuze légitime faicte au prieur
ou, en son absence, au soubz-prieur, célébrant la saincte
messe tous les dimanche, aux festes solennelles et
annuelles, suyvant les status de la congrégation, et
seront à Tadvenir revestus d'aubes aux festes triples et
annuelles suyvant la coutume de l'abbaye de Vandosme.
« Que aucun des ditcz religieux ne poura prendre sa
reffection ailleurs qu'au refectouer dudict prieuré, sans
l'exprès congé et permission du prieur ou, en son
absence, du soubz-prieur, auquel refectouer ilz se trou-
veront immédiatement après le divin service sans aucun
retardement comme il est porté par la reigle Monsieur
Sainct Benoist, ayant leurs grands frocs et bonnetz carrés,
où se fera la bénédiction ordinaire et acoutumée au mou-
tier et abbaye de Vandosme et, icelle faicte, prendront
leur reiîection gardant le silence pendant que la lecture se
fera. Et après la réfection prinse, yront à l'église chantant
les grâces qui ont acoustumé d'estre dictes au dict mou-
tier de Vandosme et icelles sonnée au cœur et église du
dict prieuré, suyvant la coutume de Vandosme et statuz
de la congrégation, lesquelles fînye ilz diront l'heure de
nonne, sinon aux jours de jeusnes auquelz elles seront
dictes h l'yssue de la dicte grande messe comme cy
dessus.
« Pour l'heure de vespres, elles se diront à quatre
— 183 —
heures suyvant l'ancienne coutume du dict prieuré,
sçavoir depuis Pasques jusqu'à la Toussaintz et depuis
la Toussainctz jusqu'au premier lundy de caresme à
Iroys heures, fors et excepté les festes solennelles.
« Pour l'heure de complie, elles se diront tant en esté
qu'en hyver à l'issue de soupper ou collation des dicts
religieux, suyvant l'usance de la dicte abbaye de Van-
dosme et de la reigle.
« Nous exortons, prions et commandons que à l'adve-
nir il ne soit mangé chair au dit reffectouer aux jours de
mercredi ni aux jours de l'advent, festes de Nostre-
Dame et autres jours plus à plain spécifiés tant par les
statuz et constitution tant du moutier de Yandosme que
statuz de la congrégation par les dictz religieux, soubz-
prieur et segretain du dict prieuré.
« Pareillement leur enjoignons de jeûner et garder
les dictz jeûnes commendés par l'Eglise ot ceux de la
reigle, sur lesquelz jeûnes de la reigle le soubz-prieur
poura dispencer.
« Leur enjoignons très expressément de non fréquenter
ny aler aux tavernes ni lieux publicqtz et scandaleux.
« Tous les religieux porteront leurs habitz et marque
de sainct Benoit tant au dedans qu'au dehors le dict
prieuré, ayant la couronne aparente et barbe rase ; ne
porteront à l'advenir aucun linge et rabatz empesés ni
grands coletz appelles rotondes garnis de peccadille à
la façon des mondains, ains seront vestuz modestement
et dessamment sans porter habitz de couleur autre que
le noir, suyvant le dict ordre et statuz de la congré-
gation.
« Les religieux ne sortiront le dict prieuré sans
l'exprès congé et licence du prieur ou, en son absence,
du soubz-prieur, excepté le segretain qui poura vacquer
à ces affaires apprès le divin service auquel il ne man-
quera non plus qu'un des autres dictz religieux et sans
pernocter et perdre les heures d'iceluy divin service ; et
les portes du dict prieuré seront fermée jour et nuict et
— 184 —
y aura un portier pour ouvrir les portes et rendre compte
de ceux qui entreront et sortyront, suyvant la reigle de
sainct Benoist.
« Le segretain du dict prieuré fournira le luminaire
qu'il doibt à Téglise et fera touttes ces charges à quoy il est
tenu à cause de son office tant à Téglise que hors ycelle. »
Le calme continua-t-il à régner à Saint-Clément ?
On peut le croire, car Teillard, qui résidait à Angers,
eut la main heureuse en choissant comme sous-prieur
Fobédiencier Philippe Pantin que les moines de Ven-
dôme venaient d'envoyer à Craon pour trois ans. On
n'eut qu'à se louer de lui et de son administration. Il
avait à cela quelque mérite : la communauté qui com-
prenait, en 1614, six religieux parmi lesquels l'ancien
.ligueur Georges Duplessis, alors prieur de Saint-
Eutrope, comptait quelques fortes têtes. Dans l'assem-
blée capitulaire du 26 mai. Pantin se plaignit vivement
« des deffaultz et malversations » de certains de ses
frères, et en particulier du n\auvais exemple donné par
Léonard Franchet, qui menait une vie « scandaleuse et
desbordée » et fréquentait en des lieux « suspectz et
mal nottés. »
Le prêtre René Le Fuzelier ne valait pas mieux,
« estant fort dissolu, tant en ses habits que mœurs » ;
il avait même, le lundi de la Pentecôte précédente,
« licencieusement et sans congé » quitté la maison,
préférant son plaisir au divin service, qui n'avait pu
être assuré, trois autres religieux étant malades, que
par des laïques.
Frère Pantin, le temps de son obédience terminé,
demanda l'autorisation de partir pour vaquer à ses
affaires. Le chapitre de Vendôme la lui accorda sans
doute, car en 1616 le sous-prieur était Pierre Gault.
Mais ce dernier ne donna pas à Teillard la même
satisfaction que Pantin : nous verrons tout à l'heure
pourquoi. On se plaignit de part et d'autre auprès des
religieux de Vendôme. Teillard alla même plus loin : il
— 185 —
! mit le sous-prieur à la porte de Saint-Clément avec
deux autres obédienciers : Pierre Massot et Pierre Viau.
I Tous trois se réfugièrent à Vendôme ; on les renvoya à
; Craon ; ils mandièrent le long de la route. On délégua,
r pour régler le différend, Mathurin Renusson, sacriste
de l'abbaye, et David Girard, camérier, qui arrivèrent
• le 17 mars 1617 et trouvèrent, s'il faut en croire un
factum de 1623, les portes du prieuré barricadées et
défendues par des gens de guerre, Tarquebuse toute
j prête à tirer sur les visiteurs s'ils essayaient de passer
outre. Ils se réfugièrent à rhôtellerie du Chapeau-Rouge
où ils verbalisèrent et condamnèrent Teillard, par pro-
vision, à payer à chacun des trois religieux expulsés
12 sols par jour à compter de leur renvoi jusqu'à leur
réintégration et 50 livres par an pour leur vestiaire.
Les trois obédienciers qu'on avait autorisés à se retirer
à Lesvières portèrent leur cause au présidial d'Angers
à qui ils demandèrent confirmation de l'ordonnance
provisoire rendue par Renusson. Mais Teillard appela
comme d'abus de cette ordonnance, en mettant en avant
le règlement de 1608 et la haine que lui portait le sacris-
tain de Vendôme.
Qu'en advint-il ? Nous ne savons. Le conflit, en tout
cas, ne fut assoupi que momentanément. Cette question
de la nourriture des obédienciers devait le ranimer
encore plusieurs fois. Teillard éprouvait journellement
des « incommodités » à fournir à ses religieux, « tant
en vivres que vestière », ce qu'il leur devait pour obéir à
l'arrêt du Grand Conseil et ceux-ci se plaignaient de ne
pas recevoir leurs provisions en temps utile. Après
divers pourparlers, les religieux de Vendôme donnèrent
tout pouvoir à Louis Pillet, prieur de Notre-Dame et
sous-prieur de Lesvières, et à Etienne Baudry, sacristain
de Vendôme, pour traiter avec Teillard. La transaction,
que reçut le 29 avril 1621 René Serezin, notaire royal à
Angers, se fit en la maison de Gabriel du Pineau,
conseiller au présidial, aux conditions suivantes :
— 186 —
Pour être quitte envers les obédienciers de tout ce
que l'arrêt de 1608 mettait à sa charge, Teillard leur
fournissait une somme de 1580 livres, payable de quatre
en quatre mois et par avance, avec 40 charretées de
gros bois amenées dans la cour du prieuré ; il leur
laissait la jouissance des closeries de la Potterie et de
la Bucherie, en Livré, avec tout le petit couvent et
le jardin de la Fontaine, pour la fumure duquel il s'en-
gageait à leur donner quatre charretées de fumier ; ils
avaient en outre le logement qui comprenait entre
autres les deux chambres hautes, études et garde-robes
du portail.
Les religieux ne devaient exploiter ces chambres, dont
Tentretien leur incombait, que pour y recevoir leurs
hôtes de passage et y retirer leurs malades.
Si le vin de leurs provisions ne pouvait se conserver
dans le bûcher qu'on leur abandonnait, le prieur leur
céderait portion de la cave de son logis.
« Mettra le dict Teillard, ajoutait l'acte de tran-
saction, pour l'ameublement des diets religieux en la
chambre de chacun d'eulx, jusques au nombre de sept
r(»ligieux, un lict garny semblable à la condition des
relligieulx et, selon le sçavoir du dict prieur : une table,
ung coffre et un scabeau avec un seul lict pour leurs
serviteurs, comme à semblable il meublera l'une des
chambres du dict portail d'ung lict, d'une couchette,
d'une table et d'une bancelle, d"une chère, une paire de
landiers et une palle de fuyer, et encore leur fournira de
potz, poésies à fricasser, de broches, landiers, cramail-
lères, grille, chaudron, casse, pelle à fuier et cuillières
en la cuisine;... et encores d'une douzaine d'escuelles
moyennes, siz aultres grandes escuelles, quatre grands
plats, deus douzaines d'assiettes, deux sallières, un
vinaigrier, deux quartes à mettre le vin, une pinte, une
chopine, ung chopineau, une esguière, le tout d'estain,
et deux chandeliers, une lampe de cuisine ;... plus douze
nappes, huict douzaines de serviettes, une douzaine et
— 187 —
demie d^essus-mains et deux douzaines de draps de toille
de brin neufve. »
Un setier de blé au médecin, deux setiers au chirurgien
ordinaire devaient reconnaître les soins qu'ils apporte-
raient aux moines de Saint-Clément, à la tête desquels
serait placé un sous-prieur nommé par ïeillard sur la
présentation du grand prieur.
Ce règlement fut ratifié le 3 mai par les religieux de
Vendôme, mais trois obédienciers de Saint-Clément
refusèrent de Taccepter comme préjudiciable à leurs
intérêts. On passa outre à leur protestation.
Parmi eux se trouvait un nouvel arrivé, Pierre
Brouard, titulaire de la chapelle de Saint-Pierre, en
Tabbaye de Vendôme, que trois ordonnances du grand
prieur, Claude Fouassier, avaient envoyé à Craon ; il
en avait appelé comme d'abus au Grand Conseil, en
vain d'ailleurs, car un arrêt du 14 octobre 1621 avait
mis les parties hors de cour. Il était donc venu à Saint-
Clément, mais il y avait apporté un tel esprit qu'il lassa
vite ses supérieurs ; malgré des avertissements répétés,
il se dispensait d'assister aux offices, restait des semaines
entières sans dire la messe, cabalait avec le prieur de
Saint-Laurent de l'Ermitage, Pierre Massot, si bien que
le sous-prieur Pillet, harassé, menaçait de tout quitter
et que Teillard demandait qu'on donnât à ce moine
réfractaire son obédience à Lesvières.
Mais Lesvières n'était pas à l'abri des troubles non
plus. François Denyau, un obédiencier de Saint-Clément,
n'avait-il pas tenté d'y « remuer contre l'établissement
des vénérables pères » qui prenaient alors possession de
Vendôme avec la Congrégation de Saint-Maur? On ne
voulut pas y introduire un nouvel élément de discorde.
Brouard resta donc à Craon, aussi incorrigible, aussi
« inobédient ». Un jour qu'il était allé à Angers pour
assister à la première messe de son frère aux Corde-
liers de cette ville, il rendit visite à son prieur, à Saint-
Aubin. Teillard partait précisément pour Villechien :
— 188 —
Brouard fit mine de raccompagner jusqu'à la sortie
de la ville ; mais lorsqu'ils en furent à deux portées
de mousquet, le moine commença à se plaindre à
son supérieur, lui reprochant d'avoir écrit à plusieurs
reprises contre lui à Vendôme. « C'est la vérité, lui
répondit Teillard, je ne peux trouver bon que vous rom-
piez les serrures de mon logis et que vous malmeniez
mes serviteurs. » L'entretien devint aigre-doux, si bien
que Brouard finit par traiter le prieur de « lièvre » et
de « veau » et eût peut-être été plus loin, si l'autre n** avait
pas été accompagné.
La situation de Teillard devenait délicate. Les reli-
gieux de Vendôme touchaient alors cent écus pour leur
pension. Ceux qu'on avait envoyés aux obédiences et
qui ne percevaient que 50 livres, comme à Craon, s'y
rendaient impossibles et n'avaient qu'un désir : retourner
à l'abbaye ; tous les moyens leur semblaient bons, et
comme Brouard, ils se vantaient de faire tant de mal
qu'on serait contraint de se débarrasser d'eux.
En attendant, il fallait bien essayer de quelque
remède. Au matin du 27 décembre 1622, Teillard
assembla ses religieux et leur représenta que « d'aul-
cuns ne bougeoient le plus souvent de la ville de Craon
et fréquentoient aulx jeux publicqs de la bolle et jeux de
bille » avec toutes sortes de personnes ; qu'au sortir du
jeu ils se rendaient aux tavernes et cabarets contre
toute bienséance ; qu'ils sortaient à toute heure sans
permission, refusant d'obéir au sous-prieur comme au
prieur, menant un genre de vie absolument contraire à
leur profession. Aussi avait-il dressé un règlement dont
le greffier du prieuré, le notaire Catherin Desprez, allait
leur donner lecture. Ce règlement était ainsi conçu :
« Premièrement que le service divin soict laict avecq
attention et mieulx que par le passé ;
« Que les accens soient faict à la salmodie ; qu'on
s'arrête aux virgulles, au poinct où se doivent faire la
médiation de chasque verset ; que l'on ne commence
— 189 —
poinct ung verset que Taultre ne soict flni et qu'il se
face une pose ou intervalle ;
« Que tous s'enclineront lorsque Ton dict Gloria
Patry^ quant on prononce le sainct nom de Jésus et
Maria ;
« Que tous se tiennent droictz quant on dict les chap-
pitres et oraisons, évangilles, Te Deum, Benediclus,
et Magnificat et préface de la Messe ;
« Que tous doresnavant diront la sainct messe tous
les dimanches, festes solennelles et festes d'appostres,
et le novice communira à tout le moins tous les premiers
dimanches de chasque mois et festes solennelles ;
« Que tous se tiendront droictz en leurs chesres sans
avoir les jambes pendues sur les basses chesres et
feront les cérymonyes deues et accoustumées, sans
estre à Tadvenir difformes comme ilz sont à présent ;
« Que doresnavant nul n'apportera aultre livre en
Téglise que leur bréviaire pour y lire durant le service
divin, ains chanteront tous ensemble ;
« Que à l'advenir ilz ne porteront de grands rabatz
empesez aiant de grandes repinseures qu'ilz mettent
par dessus leur frocq en faczon de rotonde imittant par
ce moien ceulx qui sont mariez et au monde, chose mal
scéante à des religieulx ; ains porteront de petitz rabatz
convenables avecq toutte modestie à leur profession et
qualité ;
« De ne plus porter des soulliers à pont levys comme
les sécuUiers, ains suyvant leur profession seullement;
« De n'estre plus gantés pendant que Ton célèbre le
divin service ;
« Qu'ilz garderont les jeusnes de TEglise suyvant et
au désir de Tarrest de nosseigneurs du Grand Conseil ;
« Qu'ilz obéiront audict arrest de poinct en poinct et
presteront patiance à ceulx qui sont commis par ledit
prieur pour leur administrer leurs vivres et nouritures,
sans user de menaces, injures et tymidations, voullans
avoir de force chose qui ne leur est deue ;
l
— 190 —
« Que à Tadvenir ils ne toucheront aulcun argent
par leurs revestiaires, ains qu'il leur sera emploie selon
les nécessitez d'un chascun, selon qu'il est porté pour le
susdict arrest de nosseigneurs du Grand Conseil ;
« Que nul ne sortira de la maison sans avoir au préa-
lable demandé permission au soubz-prieur ;
« Qu'il ne sera loisible ny permis à aulcun des reli-
gieulx de porter chappeaulx dedans la maison ne aulx
envyrons d'icelle avec le bonnet carré ;
« Que lorsqu'ilz iront en la ville de Craon (aiant sur
ce permission), ilz iront aiant leur grande robbe et leur
scapulaire dessus, sans qu'il leur soict loisible porter
des manteaulx;
« Leur est aussy deiîendu de non aller ny fréquenter
aulx tavernes et lieulx publicqs.
« Que le secretain fera tirer de l'eau tous les mattins
par son serviteur, qu'il portera au revestière tant pour
dire les messes que pour laver les religieulx, et fournir
et mettre des serviettes pour essuier leurs mains. »
A peine Catherin Desprez eut-il commencé sa lecture
que Brouard se mit à faire du bruit, interrompant le
notaire, sortant du chapitre et y rentrant à plusieurs
reprises, ainsi que Massot et le frère Jaguelin, si bien
qu'à la fin le sous-prieur Pillet, n'en pouvant plus, pria
Teillard de le décharger de ses fonctions.
Un vent d'insubordination souillait décidément sur le
prieuré. Teillard put s'en apercevoir le soir même. Car
au souper, les propos méchants allèrent leur train de
plus belle. Brouard raconta que le prieur avait marié
une de ses filles avec un passementier et lui avait do'nné
en dot 500 écus des biens de la maison priorale ; qu'il
en avait une autre à laquelle il désirait faire pareil
cadeau.
Les cinq religieux étaient a table. On leur servit un
morceau de poitrine de veau, avec une épaule, un cha-
pon lardé et rôti, quatre pintes de vin, des poires et
des châtaignes pour le dessert. Ce n'était pas encore
— 191 —
assez à leur gré. Lorsque les deux serviteurs leur
apportèrent le dessert, Brouard et Massot se levèrent,
claquèrent les portes, vociférant, réclamant h souper.
Le prieur, qui dînait dans la cuisine avec le frère Pillet
et Téconome Etienne Jahier, envoya son domestique,
Guillaume Perier, s'informer des raisons de ce vacarme.
Perier regarda par la fenêtre de la salle ; le novice
Jaguelin Taperçut, lui jeta un v^rre d'eau au visage et
éteignit sa chandelle. Les clameurs continuèrent quel-
que temps, entrecoupées d'un bruit de vitres cassées,
de tables renversées, de portes frappées. Puis, les reli-
gieux, passant par le petit jardin, se rendirent sous les
fenêtres de la cuisine où ils se mirent à invectiver Teil-
lard, en l'appelant maraud, voleur, sacrilège. Cela dura
bien une heure. Quand Pillet alla se coucher, Brouard
et Massot se trouvaient encore dans la salle ; ils l'apos-
trophèrent à son tour et, comme il les voyait toujours
furieux, pour ne pas les exciter davantage, il se retira
dans sa chambre.
Pendant ce temps le sacristain Bertrand Nepveu qui
rentrait, ayant bu plus qu'il ne convenait, comme il
avait coutume, paraît-il, se prenait de querelle avec le
novice Jaguelin qu'il traita de coquin. Le novice riposta
et l'autre, tout penaud, vint se plaindre au prieur.
Le lendemain, aux matines, le désordre recommença.
Aussi le 29 décembre Teillard ordonna-t-il que Brouard
se retirerait, dans les trois jours, devant les religieux
de Vendôme pour être puni par eux et que, faute d'obéir,
il serait expulsé. Mais lorsqu'on voulut signifier l'ordon-
nance, on s'aperçut que le moine récalcitrant était sorti
du prieuré ; son retour fut attendu par le greffier, au
dehors, près de la petite porte entr'ouverte ; quand il
revint de quérir un notaire pour faire une sommation au
prieur, il voulut entrer de force, mais quatre ou cinq
personnes, cachées à l'intérieur, s'y opposèrent. Les
injures tombèrent à nouveau sur Teillard, scandées par
des coups de marteau contre la porte.
l
— 192 —
Le soir, le novice, appréhendant une juste réprimande
pour son altercation de la veille avec le sacristain, sau-
tait les murs et, après avoir passé la nuit hors du prieuré,
partait pour Vendôme.
Les autres mutins, désireux d'éviter une punition trop
désagréable, faussèrent les serrures des prisons en y
mettant des pierres, si bien qu'il fallut tout enlever pour
y pourvoir. Ils firent cause commune avec Brouard
expulsé et écrivirent à Vendôme une lettre où ils expo-
sèrent longuement leurs griefs contre Teillard : tout
porte presque entièrement sur les vivres qui n'avaient
pas la qualité requise. « M. le prieur, estant venu à
ceste feste de Nouel, disaient-ils, nous a ordonné quel-
ques articles qu'il prétend faire pratiquer céans et se
couvre de piété pour exécuter son intention qui est de
nous frustrer de toutes nos nécessités. » Il commence
tout d'abord par nous obliger à observer, dans le ser-
vice, les points et virgules ; mais nos bréviaires sont à
demi rompus. Quoi qu'il en dise, pas un de nous ne
manque de se découvrir durant l'Evangile et durant la
Communion, sinon lui-môme qui, « la nuict de Nouel
célébrant la sainte messe, la célébra avec son bonnet de
nuict affublé d'un amy jusques à la moitié du visage
sans l'oster aucunement, ny mesmes durant l'Elévation
du Saint Sacrement.
(( Les aultres articles sont de ne sortir sans habit,
ce que nous avons tousjours practicqué, fors luy qui,
trois mois durant qu'il a esté icy, a esté continuellement
en chausse et en pourpoint dans la maison et hors icelle.
« Pour nostre nourriture, elle est les jours maigres
pour toutes choses de deux œufs à disner et autant à
souper, avec un chanteau de pain noir où il y a de l'orge
pour toute la table, et chacun une chopine de vin ; pour
les jours de viande, du porc ladre, n'en ayant tué
d'aultre, avec de la vache, et comme des restes de son
souper reschauffez dans le pot et ce en si petite quantité
que nous en manquons au millieu du repas et, lorsque
— 193 —
nous demandons à en avoir honestement, on nous répond
à porte clause qu'avons la teste légère et qu'il ne nous
est besoin de grand repas.
« Nous sommes forclos de tout le pourpris de la mai-
son, sinon le dortoir et les cloistres où nous sommes
enfermez. »
Rien ne vint pourtant de Vendôme. Brouard, toujours
expulsé, porta plainte devant la sénéchaussée d'Angers.
L'affaire se plaida le 2 janvier 1623, et lecture faite de
l'arrêt du l'*" mars 1608, le lieutenant général, François
Lasnier, sieur de Sainte-Gemmes, renvoya le religieux
révolté devant le supérieur de Vendôme, mais il décida
que Teillard lui paierait, par provision, une somme de
9 livres pour lui permettre de faire le voyage et qu'il lui
rendrait ses hardes.
A la signification de ce jugement, le 7 janvier, Brouard
réclama, outre les 9 livres adjugées, une somme de
8 livres 6 sols 8 deniers faisant les deux tiers de sa
quarte de vestiaire échue au premier jour de l'an. Teil-
lard protesta, soutenant que l'arrêt de 1608 ne l'obligeait
pas à donner de l'argent à ses religieux pour leur ves-
tiaire, mais que les 50 livres attribuées à chacun d'eux
devaient être employées, selon la décision du sous-
prieur et d'un ancien joints à lui. Il porta l'affaire devant
le Grand Conseil qui la retint.
On s'émut enfin à Vendôme et l'on délégua, le 10 jan-
vier, le prieur des anciens César de Savonnières, pour
suivre l'information ; on renvoya en même temps à
Graon Brouard et Jaguelin. Immédiatement Teillard
en appela de cette dernière décision. On adjoignit à
César de Savonnières dom Mai*tin Tesnières, prieur des
pères de la Congrégation de Saint-Maur, pour statuer
et transiger au besoin sur cette irritante question du
vestiaire et des vivres.
Les commissaires arrivèrent à Craon le 23 février et
descendirent à l'hôtel des Trois-Trompettes, Teillard
n'ayant pas voulu les recevoir au prieuré. Ils condam-
13
1
— 194 —
nèrent le lendemain le novice Jaguelin à 15 jours de
prison, au jeûne au pain et à Teau les mercredis et ven-
dredis de la quinzaine, pour être sorti de la maison
conventuelle sans autorisation et sans autre sujet que
son appréhension d'une réprimande.
Chose bizarre ! A cinq heures du matin, Teillard était
parti pour Angers où l'appelaient de prétendues affaires
urgentes sans laisser à personne, en l'absence du sous-
prieur, le soin de le représenter auprès des commis-
saires. Ceux-ci, quelque peu surpris d'un tel procédé,
n'en poursuivirent pas moins leur enquête et réglèrent
certains points de discipline dans les six articles de
l'ordonnance suivante :
« Les religieux prêtres célébreront la sainte messe,
du moings tous les dimanches et festes de commande-
ment, s'ilz n'ont légitime excuse.
« Le sacristain renouvellera les saintes hosties de la
communion tous les premiers jours ou premiers diman-
ches des moys d'hosties nouvellement faictes.
« Le dict sieur vénérable prieur fournira le plus tost
que sa commodité permettra d'ornementz, parementz et
de livres de chants nécessaires, comme aussy fera
racommoder les chaires du cœur.
« Le secrétain pourvoira la sacristie de corporeaux,
aulbes et aultres linges de l'Eglise aultant qu'il sera
nécessaire et ce dedans trois moys.
« Aulcun religieux ne sortira du dict prieuré sans
congé du dict sieur prieur ou soubz-prieur, particulière-
ment pour aller en ville, conformément à l'article 94 des
statutz, leur défendant aussy expressément de n'aller
boire ny manger aux tavernes.
« Sera poui'veu par le dict sieur prieur d'un servi-
teur aux religieux pour accommoder leurs chambres et
le dortoir et pour les assister lorsqu'ilz seront mala-
des. »
Enfin, le 17 mars, César de Savonnières frappa les
coupables dont les mutineries avaient nécessité sa venue
— 195 —
à Craon. Massot devait, en chapitre et en présence de
tous les religieux, demander pardon à Teillard et pro-
tester de son obéissance à Tavenir. Brouard fut con-
damné à tenir prison fermée « jusqu'au vendredy du
Lazare », à jeûner au pain et à Teau le mercredi et le
vendredi de chaque semaine jusqu'à Pâques et à n'occu-
per qu'un siège inférieur aux offices. Quant à Jaguelin,
on le condamna à recevoir la discipline en chapitre, à
jeûner au pain et à l'eau le mercredi et le jeudi jusqu'à
Pâques et à rester continuellement « dans les basses
chères » jusqu'au jour « du Lazare. »
Cette sentence n'empêcha pas Teillard de suivre sur
l'appel qu'il avait interjeté au Grand Conseil pour
s'opposer à la reiArée de Brouard et de Jaguelin. Le
conflit s'accentua, car les anciens de Vendôme attaquè-
rent le prieur à leur tour, et tout en reconnaissant les
fautes dont s'étaient rendus coupables les deux obédien-
ciers, ils cherchèrent à prouver que toute la responsa-
bilité en incombait à Teillard.
Il y avait près de trente ans qu'il jouissait du prieuré,
sans y résider réellement quoique la maison fût conven-
tuelle ; la charge d'aumônier qu'il possédait à Saint-
Aubin était incompatible avec son bénéfice de Craon. Il
se contentait « de venir sur les lieux au temps de la ton-
ture » et emportait la toison sans se soucier du reste.
La preuve en était dans le mauvais vouloir qu'il avait
montré chaque fois que des visiteurs s'étaient rendus à
Saint-Clément pour y ramener le bon ordre.
Chose plus grave 1 On l'accusait de méconnaître les
règlements qu'il avait sollicités et d'être lui-même un
sujet de scandale pour ses frères. Malgré les statuts en
effet, il avait gardé au prieuré des femmes et des filles,
« la plupart desquelles oublieuses de leur honneur »
s'étaient abandonnées à ses propres domestiques. Telle,
parexemple, cette femme qui, vers 1615, remplissait les
triples fonctions de cuisinière, de boulangère, de dépen-
sière et servait au réfectoire : elle avait trois enfants
— 196 —
sans jamais avoir été mariée ; telle autre, en 1621,
servante de l'économe qui demeurait au logis prioral,
éprouva, du fait de son maître, certain accident où
celui-ci tenta d'engager la responsabilité d*un pauvre
garçon qui n'y était pour rien.
Et lorsque les sous-prieurs parlaient à Toillard de
ces scandales et des réformes qu'il nécessitaient, comme
aussi des soins à prendre pour Tornementation de Téglise
et les secours aux malades, le prieur cassait purement
et simplement ces importuns comme frère Dupont naguère
ou auparavant le frère Gault, qui lui faisait signifier un
acte capitulaire de Vendôme lui ordonnant de chasser
ses servantes.
Dans quel sens le Grand Consei! se prononça-t-il ?
Nous ne savons. Toujours est-il que Brouard et Jaguelin
ne rentrèrent pas au prieuré et qu ils furent remplacés
par René Laboureau et Jacques Pineau. Le jour où
ceux-ci arrivèrent à Saint-Clément, on donna lecture de
la sentence rendue par César de Savonnièrcs contre
Massot : le prieur de Saint-Laurent refusa d'obéir et
renouvela ses indécences, se promenant de long en large
dans le chapitre, par bravade.
La position devenait vraiment intenable : Teillard
s'en lassa à la fin. La Congrégation de Saint-Maur
s'était, depuis deux ans, introduite à Vendôme : le
prieur de Saint-Clément entra en pourparlers avec elle
et, le 3 août 1624, passa, à Saint-Aubin d'Angers, avec
dom Martin Tesnières, prieur de la Trinité, et dora
Guillaume Girard, un projet de traité qui fut soumis, le
20 septembre suivant, aux définiteurs de l'ordre, dans
le chapitre général de Jumièges, et adopté par eux. Ce
traité reçut sa forme authentique, le 6 décembre, chez
René Serezin, notaire à Angers. Saint-Clément était
désormais incorporé à la Congrégation de Saint-Maur.
— 197 —
Teillard abandonnait toute juridiction au supérieur ou
sous-prieur qui serait élu par les pères de la Congré-
gation, ne se réservant que les droits honorifiques et de
prééminence, « comme de célébrer le divin office aux
festes annuelles, donner les bénédictions, faire les
signes, commencer le Te Deum, chanter TEvangile, à
matines entonner les antiennes de Benedictus et Magni-
ficat^ dire le Pater noster^ commencer l'antienne de la
Vierge qui se dit à la fin de chasque heure de Toflice,
donner la bénédiction à la table, terminer la réfection,
faire l'action de grâce », sauf pourtant dans les cas où il
y aurait un frère « en humiliation de pénitence ». Il
devait délivrer aux religieux 20 setiers de seigle et
6 setiers d'orge, mesure de Craon, pour les aumônes
ordinaires. Il leur délaissait au surplus, pour leur nour-
riture et leur entretien, outre les dîmes d'Athée, de la
Chapelle-Craonnaise, de Villerenard, et l'usage du bois
dans la forêt de Craon, les métairies de la Tronchais,
de la Bouterie, de la Hamelinièn», de la Cholière, la
Petite-Métairie, les closeries du petit couvent et l'étang
du prieuré. Il se réservait pour son usage 10 char-
retées de bois, le logis du Portail avec tous les bâti-
ments de la basse-cour qu'il devait faire enclore de
murailles à ses frais, et le jardin de la Fontaine ; mais il
s'engageait à faire construire près de la petite porte du
couvent une chambre pour le portier, à fournir chaque
année aux religieux une charretée de foin, trois airées
de paille, quatre charretées de fumier ou d'autre engrais
et trois busses de vin ; il leur donnait enfin une somme
de mille livres pour le mobilier et les ornements dont ils
pourraient avoir besoin en prenant possession de la
maison conventuelle.
Les Bénédictins de Saint-Maur entrèrent à Saint-
Clément le 1*"^ juillet 1625 *. Frère Teillard vit à peine
les réformes qu'ils y apportèrent, car il était mort en
1. Arch. delà Mayenne, H 143, fol. 190.
I
— 198 —
1627 et peut-être même dès le mois d'avril 1626 K Du
moins put-il mourir avec Tespoir de jours meilleurs
pour son prieuré et la satisfaction d'avoir aidé, quoique
bien tardivement et non sans peine, à faire régner dans
ses cloîtres si longtemps troublés do querelles intes-
tines, la devise bénédictint? si sereine et si pleine en
sa brièveté : pax, la paix !
E. Laurain.
1. Sentence des Requêtes du Palais du 26 août 1628, portant que
Mathurin David, avocat à Craon, sera payé d'une somme de 30 livres
pour trois années de ses gages de procureur fiscal du prieuré
échues au décès de Teillard (Arch. de la Mayenne, H 143, fol. 49).
\
L'ORIGINE DES SEIGNEURS DE LAVAL
LA FONDATION DU PRIEURÉ D'AUYERS-LE-HAMON
Les origines de la seigneurie de Laval, que M. Ber-
trand de Broussillon a su dégager de légendes encom-
brantes ^ n'ont pas encore été complètement élucidées,
et une discussion a eu lieu entre M. Tabbé Angot ^ et
Fauteur de La Maison de Laval ^ au sujet du premier
de ces seigneurs, Gui !"", qui vivait dans la première
moitié du xi* siècle. Ce personnage a été identifié par
M. Tabbé Angot avec Guido de Danazeioy seigneur
qui donna aux moines de Saint-Pierre-de-la-Couture au
Mans Téglise et le bourg d'Auvers-le-Hamon ^, et dont
le nom doit être corrigé et traduit en celui de Gui
dWvessé. Cette identification permettrait, prétend
M. Tabbé Angot, de fixer le lieu d'origine des seigneurs
lavallois : ils viendraient d'Avessé ^, et la supposition
serait d'autant plus plausible que les seigneurs de Laval
ont possédé Avessé jusqu'au xvi* siècle ®. L'hypothèse
de M. Fabbé Angot repose naturellement sur la donation
1. La Maison de Laval, Paris, t. I.
2. Dictionnaire de la Mayenne, II, p. 576-577 et Note sur l'ori-
gine de Guy /**• de Laval {Bull, de la Comm. hist. de la Mayenne.
XIX. p. 408).
3. /.a Maison de LMval, I, p. V et ss.
4. Canton de Sablé (Sarthe). La donation a été publiée dans le
Cartulaire de Saint-Pierre de la Couture, p. 14, n» x.
5. Canton de Brûlon (Sarthe).
6. M. Laurain semble avoir approuvé cette supposition (Bibl. de
de VEc. des Ch., t. LXIII, 1902, p. 144).
— 200 —
d'Auvers-le-Hamon et la confirmation de cette donation
parle comte Hugues III, mort le 26 mars 1051 *, puis-
que c'est par ces deux actes seulement que Guido de
Danazeio nous est connu. Il importe donc avant tout
de savoir quelle est la valeur de ces deux actes, et s'il
est permis de les utiliser. Cette question préjudicielle
n'est pas, comme nous le verrons, une question oiseuse,
et nous croyons que, si on Tavait posée plus tôt, le débat
auquel ces actes ont donné lieu ne se serait pas élevé.
Il nous parait cependant utile de résumer d'abord ce débat,
d'autant plus que les arguments produits des deux côtés
sont fort spécieux, et que l'impossibilité où l'on est
d'adopter comme de réfuter complètement les uns comme
les autres contribuera peut-être à justifier les conclusions
que nous proposerons.
La donation d'Auvers-le-IIamon aux moines de la
Couture est faite par un seigneur qui s'intitule Guido
de Danazeio. L'identification de ce personnage avec
Gui I" de Laval trouve, selon M. l'abbé Angot, sa justi-
fication dans un jugement de Guillaume le Bâtard ^. Aux
termes de ce jugement, Gui de- Laval donna aux moines
de Marmoutier une terre que ceux de Saint-Pierre-de-
la-Couture revendiquèrent plus tard comme appartenant
à leur prieuré d'Auvers, et, appelé comme témoin, Gui
reconnut qu'il avait concédé cette terre à un moine
nommé Guérin pour faire un bourg en lui assignant
comme première possession l'église d'Auvers. M. l'abbé
Angot montre que, postérieurement à cette concession,
Guido de Danazeio donna le monastère d'Auvers à la
Couture comme l'avait possédé Guérin 3. H considère,
par conséquent, comme légitime d'affirmer que Guido
de Danazeio est le même personnage que Gui de Laval *,
1. Cart. de la Couture, p. 16, n» xi.
2. /.a Maison de Laval, l, p. 39, n*» 28.
3. « Uli Guarinus possedit » (Cart. de la Couture, p. 15).
4. On peut ajouter, pour fortifier T argumentation, que Guido de
Danazeio fit son don du consentement de ses deux fils, Jean et
— 201 —
et il ajoute, en invoquant le motif qu^on a rappelé plus
haut *, que de Danazeio parait être une faute de lecture :
le terme contenu dans Tacte original devait être de
Avezeio.
M. Bertrand de Broussillon a présenté plusieurs objec-
tions contre cette opinion 2. Il commence par déclarer
qu'il lui paraît impossible d'identifier Guida de Danazeio
avec Gui d'Avessé, parce que la correction proposée par
M. Tabbé Angot est invraisemblable-^; en second lieu,
dit M. de Broussillon, Gui de Laval ne prétend pas du
tout dans le jugement de Guillaume le Bâtard avoir fait
don de Téglise d'Auvers à Guérin ; en troisième lieu,
Tallusion qu'on trouve dans la donation d'Auvers à la
possession du moine Guérin ne se rapporte pas au
monastère d' Anvers, mais à une terre située devant la
porte du château du donateur ; en quatrième lieu, il est
étrange que les moines .de la Couture se soient laissé
condamner contre ceux de Marmoutier sans alléguer la
donation que leur aurait faite Gui de l'église d'Auvers.
M. de Broussillon remarque, en outre, que la donation
d'Auvers et la confirmation de cette donation présentent
quelques bizarreries de rédaction.
La valeur de ces objections, dont quelques-unes sont
subtiles, est inégale, et nous croyons qu'on serait obligé
de s'en tenir aux conclusions de M. l'abbé Angot comme
à un pis-aller, si un tiers-parti plus radical ne nous permet-
tait de rendre la discussion inutile en supprimant le
problème. Il suffit, pour arriver à ce résultat, de mon-
trer que les deux actes qui ont donné lieu à la controverse,
Hémon, et que nous savons que deux des fils de Gui I*^'' de Laval
portaient ces noms (La Maison de Laval, l, p. 23).
1. Voir plus haut, p. 200.
2. Loc. cit.
3. Cet objection nous semble d'autant plus fondée que les mots
Guido de Danazeio se trouvaient certainement dans l'orifçinal de la
donation d'Auvers, car le rédacteur du ms. B. N., lat. 17.123, dont
la copie a été faite sur l'original lui-même, a lu le nom du donateur
comme l'auteur du cartulaire (p. 181).
— 202 —
la fondation du prieuré d'Auvers-Ie-Hamon et la confir-
mation de cette fondation, sont des faux rédigés long-
temps après les faits qui y sont indiqués. Si, non content
de démontrer leur fausseté, on peut retrouver la date
de leur rédaction, les raisons qui ont déterminé les
moines à les fabriquer et les procédés dont ils ont usé
pour le faire, on sera autorisé à conclure que tout
débat qui reposerait sur le témoignage de ces actes ne
peut être que stérile. C'est ce que nous essaierons de
faire.
Les invraisemblances que renferment ces deux actes *
ne sont pas toutes restées inaperçues ; mais on s'est con-
tenté, après Tauteur du Compendium historiœ abbatiœ
Culturae 2, d'y voir des interpolations ^ ; cette expli-
cation, trop indulgente, est insuffisante ; nous examine-
rons successivement les raisons historiques et les raisons
diplomatiques qui nous permettent d'affirmer que les
deux actes sont faux ; ces chartes étant solidaires l'une
de l'autre, nous les examinerons simultanément.
Nous considérons comme des preuves historiques de
la fausseté d'un acte les mentions et les souscriptions de
personnages qui ne vivaient pas à l'époque de la rédac-
tion de cet acte ou qui n'exerçaient pas alors les fonc-
tions qui leur y sont attribuées. L'identité du donateur
n'a jamais été établie, mais il nous semble opportun de
réserver cette question *. La confirmation de la donation
est faite par le comte du Maine Hugues, et souscrite par
la femme et le fils d'Hugues, Berthe et Herbert. On doit
identifier ce comte avec Hugues III, qui épousa la com-
1. Ils ont été publiés par les bénédictins de Solesmes d'après le
cartulaire ms. de la Couture et celui d'Auvers-le-Hamon ; le texte
de ces deux actes nous a été, en outre, conservé dans une copie de
la collection Gaignières (B. N., lat. 17.123, p. 181 et 185), qui nous
semble plus correcte, et qui contient le dessin d'un des sceaux
appendus à ces actes.
2. Bibl. du Mans. ms. 91.
3. Cart. de la Couture, p. 17, note 1.
4. Voir plus loin, p. 211.
— 203 —
tesse Berthe en 1046 ou 1047 ^ et qui mourut le 26 mars
1051 * et dater la conlirmation ainsi que la donation ^
entre les années 1047 et 1051. Or la confirmation de la
donation est souscrite par Tévêque du Mans Sifroi, dont
le décès a eu lieu au plus tard en 1005, et peut-être dès
997 ^ ; l'impossibilité est manifeste. La souscription de
Tabbé de Vendôme mérite aussi d'attirer notre attention,
elle est ainsi rédigée : S, Avesgaudi abbatis Vindocinii,
alors que Tabbé en fonction était de 1032 à 1045 Renaud
et de 1046 à 1082 Orri ^. Le dispositif de Tacte contient,
en outre, le nom de Tabbé de la Couture Joël, et ce nom
est inexactement indiqué ; car en 1050, Tabbé de la Cou-
ture s'appelait Ascelin, et le même exerçait encore sa
fonction en 1068 ; il fut alors remplacé par Renaud, qui
ne céda la place à Joël qu'en 1073 ^. L'inexactitude est
accompagnée d'ailleurs d'une contradiction, car la sous-
cription de l'abbé Ascelin se trouve à la fin de l'acte de
Guida de Danazeio^ et les deux actes sont contem-
porains. Les autres souscriptions ne fournissent pas
matière à la critique, soit qu'elles soient historique-
ment exactes, soit que leur inexactitude soit invérifiable.
Si on examine maintenant la forme des deux actes,
on remarque tout d'abord dans l'acte de donation la
mention de « deux sceaux en cire verte sur lacs de ruban
de soye jaune et rouge ^ », tet dans l'acte de confirmation
celle d'un sceau « en cire verte sur lacs de parchemin ^. »
Les deux premiers sont ceux de Guido de Danazeio et
du comte Hugues III, le troisième celui d'Hugues III 'K
1. Positions des thèses de l'Ec. des Ch., 1907, p. 112.
2. Halphen, Le comté d'Anjou au Xh siècle, p. 75, note 1.
3. La comtesse et le fils du comte sont, en effet, aussi mentionnés
dans l'acte de donation.
4. Actus, p. 352, note 2.
5. Gallia Christania, VIII, col. 1366-1367.
6. fbid., XIV, col. 471-472.
7. B. N., lat. 17.123, p. 183.
8. Ibid., p. 186.
9. Nous commençons par cette anomalie parce qu'elle est la plus
grossière, et que les autres sont moins susceptibles de nous ren-
1
— 204 —
Ces trois mentions sont plus que suspectes dans des
actes datés entre 1047 et 1051. Tout d'abord il est fort
probable que le comte du Maine, Hugues III, n'a jamais
eu de sceau ^ ; si Texistence d'un sceau comtal au milieu
du XI* siècle est peu vraisemblable, il est, pour ainsi
dire, inadmissible qu'un seigneur peu important comme
Guido de Danazeio ait possédé le sien alors que beau-
coup de grands feudataires n'en avaient pas encore.
En second lieu, la description qui a été faite de ces
sceaux ne saurait convenir à des sceaux de cette époque.
Les lacs de soie avec lesquels ceux du comte et de Guido
de Danazeio étaient attachés à la charte de donation
sont un mode de scellement qui n'apparaît qu'à la fin du
XII* siècle 2; de même la double queue de parchemin,
qu'on voyait certainement dès le xiv® siècle ^ au bas de
l'acte de confirmation constitue un procédé de scelle-
ment qu'on ne rencontre qu'exceptionnellement dans les
chancelleries seigneuriales de la première moitié du
XI* siècle *. La cire verte n'a été employée que sous
Louis VII dans là chancellerie royale ^ ; à plus forte
raison, ne doit-on pas la rencontrer dans des actes
privés du milieu du xi* siècle. Le type de sceau du comte
que le copiste du ms. B. N. lat. 17.123 a dessiné n'est
pas non plus celui d'un sceau du xi® siècle. C'est le type
équestre qui apparaît à la fin du xi* siècle, mais, ne se
précise qu'au xii* ^ ; or la représentation de notre sceau
seigner sur la fausseté des actes que sur les conditions dans
lesquelles ils ont été rédigés.
1 . Le seul signe de validation qu'on rencontre dans les actes de
ce comte est la souscription autographe; le comte Hélie lui-même,
qui régna de 1092 à 1110, se servait encore, et peut-être exclusive-
ment, de ce moyen de validation {Positions des thèses de l'Ec, des
Ch., 1907, p. 110); en Anjou, et « jusque vers 1060, il semble que
les comtes se soient contentés, pour valider les actes, d*y tracer
ou d'y faire tracer une croix » (Halphen, op. cit., p. 240).
2. Giry, Traité de diplomatique, p. 643.
3. Cart. de la Couture, p. 17, note 1.
4. Giry, op. cit., p. 641.
5. Ibid., p. 643.
6. Giry, op. cit., p. 646-647.
— 205 —
est déjà fort nette et, pour ainsi dire, classique. D'autre
part les sceaux n'ont pas été ajoutés postérieurement,
car ceux de Guida de Danazeio et du comte sont men-
tionnés dans Tannonce des signes de validation de la
donation et rappelés dans le dispositif de la confirmation ;
le sceau du comte que contient Tacte de confirmation y
est aussi annoncé.
Ces remarques, qui ne portent que sur des points
spéciaux, suffisent cependant à discréditer les deux
actes ; mais le soupçon se transformera en une véritable
certitude, si on peut déterminer les conditions dans
lesquelles ces actes ont été faits ; cette détermination ne
nous semble pas impossible.
Le Cartulaire de la Couture contient plusieurs pièces
relatives à quatre procès que les moines eurent à sou-
tenir au sujet de leur prieuré d'Auvers-le-Hamon * ; ces
quatre procès semblent avoir eu lieu à la même époque,
car tous se sont produits pendant que GeofTroi de Sonois
était prieur d' Anvers, et il est possible de les dater
approximativement grûce aux mentions de personnages
connus qui y intervinrent. Le sénéchal du Maine,
Geoffroy Mauchien, qui arbitra les procès soutenus par
les moines contre Bouchaud de Monceaux ^^ Robert
Botin 3 et Guillaume Sanguin *, exerça sa fonction d'une
date postérieure à 1154 jusqu'à 1202 ^. L'épiscopat
d'Hamelin, évéque du Mans, entre les mains duquel les
moines et Brun d'Auvers compromirent ^, dura de 1190
à 1214 ^. Le décanat de Foulques, doyen de Saint-
Pierre-de-la-Cour, qui jugea cette dernière contestation
au nom de Tévéque et des deux autres arbitres ^, est
1. Cart. de la Couture, p. 125-130, n»" cliv-clxi.
2. Ibid., p. 126, no clv.
3. Ibid., p. 127, 11» GLvii.
4. Ihid., p. 130, no clx.
5. BeautempS'Beaupré, Coutumes et Institutions de l'Anjou et
du Maine antérieures au XVl^ siècle, 2« partie, t. III, p. 312-318.
6. Cart. de la Couture, p. 128-129, n»" clviii et clix.
7. Actus, p. 473.
8. Cart. de la Couture, p. 128-129, n© clix.
— 206 —
daté par M. Menjot d'Elbenne entre les années 1187 et
1193 ^ Ces procès ne sont donc pas antérieurs à 1190,
ni postérieurs à 1193. Or on constate avec surprise que
quelques-uns des points litigieux qui y sont débattus
sont exposés et résolus dans Facte de fondation du
prieuré. La donation du bourg d^Auvers par Guido de
Danazeio est accompagnée de celle du droit de voirie * ;
or une des clauses de Taccord qui intervint entre les
moines de la Couture, d'une part, et Brun et Gervais,
son fils, chevaliers, de l'autre, est relative au droit de
justice, c'est-à-dire au droit de voirie, puisque les arbi-
tres reconnaissent aux moines le pouvoir de juger les
voleurs trouvés dans le bourg d'Auvers ^. La concession
du droit de voirie est suivie dans l'acte de donation de
celle de coutumes ; Guido de Danazeio ajoute même,
pour étendre la portée de sa générosité, que sa conces-
sion s'applique aux coutumes qui sont perçues sur la
voie publique comme à celles qui sont perçues en
dehors ^ ; or on remarque dans un acte de Gui VI de
Laval, qui, comme nous le verrons plus loin ^, est
contemporain des procès, une libéralité identique :
Gui VI donne, en effet, aux moines d'Auvers une cou-
tume à percevoir sur le chemin comme en dehors du
chemin ^. Vient ensuite dans l'acte de donation la con-
cession d'un four et d'un pressoir ** ; or deux des procès
ont l'un pour objet accessoire ^, l'autre pour objet uni-
1. Histoire du chapitre de Saint-Pierre-la-Cour, p. clxxx ; grâce
à l'obligeance de M. Menjot d'Elbenne, nous avons pu consulter les
bonnes feuilles de cet ouvrage.
2. « Cuni vicaria omnium hominum... » (Cart. de la Couture,
p. 14).
3. Ihid., p. 129, n© eux.
4. « Omnes consuetudines... sive in publica via, sive extra
publicam viam » (Ihid., p. 15).
5. P. 208,
6. « Costumam... in via et extra viam » [Cart. de la Couture,
p. 125).
7. « Anuuo quoque eis furnum cum pressorio » [Ibid., p. 15).
8. Ibid., p. 126, no clvi.
— 207 —
que S le droit de four à Auvers, et dans les deux cas
l'arbitre reconnaît le caractère banal du four monas-
tique. L'énumération contenue dans la fondation du
prieuré se poursuit par la donation de la moitié d'un
moulin et de la mouture du blé des hommes habitant à
Auvers - ; or, il est à remarquer que la longue contes-
tation, qui eut lieu entre les moines d'un côté, Brun
d' Auvers et Gervais son fils d'un autre, portait préci-
sément sur la mouture du bourg d'Auvers et sur un
moulin ^. Les autres clauses de la donation ne peuvent
pas être rapprochées des conclusions des quatre procès,
mais nous croyons que les coïncidences que nous avons
indiquées sont trop significatives pour être fortuites.
L'intérêt qu'avaient les moines à exhiber la donation
de Guida de Danazeio résulte avec évidence de notre
comparaison. Il est d'ailleurs, pour ainsi dire, attesté
par les faits, car une charte de Gui VI de Laval '*, qui,
si on juge par les souscriptions, est contemporaine^ des
quatre procès ^, contient la confirmation des droits de
coutume et de four possédés par les moines dans le
bourg d' Auvers ; elle prouve, par conséquent, que les
moines cherchaient alors à justifier leurs prétentions.
1. Cart. de la Couture, p. 130, n» clx.
2. « Medietatem etiam unius molendini eis concedo et molturam
omnium eorum hominum... » (Ibid., p. 15).
8. « Cuni... de multura burgi de Auvers et de quodam moleu-
dino controversia fuisset diutius agitata... » (Ibid., p. 128, n» clix).
On peut ajouter qu'il existe une relation au moins apparente entre
les conclusions contenues dans l'arbitrage et les termes de la dona-
tion : les arbitres décidèrent, en effet, que les chevaliers Brun et
Gervais conserveraient des droits sur le moulin de la Roche appar-
tenant aux moines et que, réciproquement, les moines en conser-
veraient sur celui de l'Etang, appartenant aux chevaliers ; en parti-
culier la mouture sèche devait être partagée par moitié entre les
moines et les chevaliers {Ibid., p. 128, n» clix) ; de même le géné-
reux donateur du bourg d'Auvers, Guido de Danazeio, ne concédait
aux moines que la moitié du moulin (Ibid., p. 15).
4. Ibid., p. 125, n® cliv.
5. Foulques l'Enfant et Robert a de Espino », souscripteurs de
cette confirmation, sont mentionnés dans les actes CLV, CLYI
et CLVII.
— 208 —
Or, comme nous Favons montré, cette justification est
pour ainsi dire contenue dans Taete de donation de
Guida de Danazeio, On est dès lors tout naturelle-
ment amené à appliquer Tad âge : « Is fecit oui prodest »,
et à conclure que les moines, ayant perdu ou n'ayant
jamais possédé l'acte de fondation de leur prieuré
d'Auvers-le-Hamon, Font fait ou refait à l'occasion de
leurs procès et pour les besoins de leurs causes.
Il est plus délicat de savoir comment les moines ont
procédé dans leur travail de falsification. Les clauses de
la donation leur étaient dictées partiellement par les
circonstances, et on peut supposer qu'ils ont utilisé le
texte du jugement de Guillaume le Bâtard * ; en parti-
culier la mention du moine Guérin qu'on trouve dans le
dispositif de l'acte de fondation ^ parait lui avoir été
empruntée. Nous montrerons à la fin de cet article d'où
provient le nom du donateur, Guida de Danazeio. Si le
rédacteur de l'acte s'est trompé en faisant du comte
Hugues III un contemporain de l'évéque Sifroi 3, il est
très facile d'expliquer son erreur : il suffit, en effet, qu'il
ait eu recours, pour trouver le nom de l'évéque qui
vivait à l'époque de ce comte, à un acte du comte
Hugues I*% par exemple à la donation faite aux moines
de la Couture de biens situés dans le Sonnois, dans
laquelle figure l'évéque Sifroi ^. D'autre part, c'est peut-
être en compulsant les actes qui sont relatifs à la fon-
dation du prieuré de Solesmes ^ qu'il a compris l'utilité
de faire suivre la donation d'une confirmation comtale.
Nous ajouterons qu'on peut retrouver la charte à l'aide
de laquelle la confirmation d'Hugues III a été fabriquée.
Cette confirmation contient, en effet, en dehors de
l'annonce du sceau, quelques formules insolites que nous
1. Voir plus haut, p. 201.
2. tt Uti Guarinus possedit » {Cari, de la Couture, p. 15).
3. Voir plus haut, p. 204.
4. Cart. de la Couture, p. 8, n*» vi.
5. Ibid., p. 10, no viii, et 12, n» ix.
— 209 —
n'avons pas relevées jusqu'ici, et que nous nous croyons
en mesure d'expliquer en la rapprochant d'une charte du
comte du Maine, Hélie, où est relaté le don de la cha-
pelle de Tennie aux moines de la Couture ^ Si on com-
pare le protocole des deux actes, on est supris de l'iden-
tité des formules :
Charte d'Hugues III Charte d'Hélie
Ut presentibus et futuris Ut presentibus et futuris
ad perpétuant memoriam ad perpétuant memoriam
rcrf^a/ et prorsus percogni- redeat, ego, Helias, Ceno-
tum fiât, ego, Hugo, Ceno- manorum contes, sanum
manensium cornes sanum duxintus litteris nostris
duximus litteris nostris significare pro anime mei
signipcare quatinus don- remedio... [Ibid., f. 36),
nus Guido de Danazeio,
miles et homo noster, pro
anime sue remedio. . . (Cart,
de la Couture, p. 16).
Cette identité ne peut être le résultat d'une coïnci-
dence fortuite, et le rédacteur de l'acte d'Hélie n'a pas
copié celui d'Hugues III, car la formule de perpétuité
appartient au xii* siècle 2. D'ailleurs, ce qui est décisif,
le faussaire a trahi son modèle par sa maladresse : on lit
dans le dispositif de l'acte d'Hugues III que la confir-
mation fut faite à la demande de l'abbé Joël, et cette
mention est non seulement anachronique, mais encore
en contradiction avec la souscription de l'abbé de la
Couture, que contient la donation d' Anvers ^ ; or l'abbé
Joël est précisément le donataire du comte Hélie dans
l'acte dont nous avons cité le protocole. On peut donc
supposer avec la plus grande vraisemblance que le faus-
saire a reproduit le nom de l'abbé qu'il trouvait dans
1. Cart. de la Couture, p. 36, n® xxv. .
2. Giry. op. cit., p. 744.
3. Voir plus haut, p. 204.
14
— 210 —
son modèle, sans s'apercevoir ni de Tanachronisme, ni
de la contradiction.
Mais un dernier point, et le plus important pour This-
torien, reste à élucider ; les érudits du Maine ne se sont
intéressés si particulièrement aux deux actes qu'on a
critiqués, que parce qu'ils ont cru y trouver, comme on
Ta montré plus haut *, d utiles renseignements sur les
seigneurs de Laval. Nous nous sommes abstenus jus-
qu'ici de chercher à identifier le donateur de l'église d' Au-
vers-le-Hamon ; notre étude, il est vrai, a eu pour but
et peut-être pour résultat de discréditer toutes les allé-
gations qui sont contenues dans cette donation ; mais il
est possible d'être plus précis et de prouver que le nom
même du donateur a été forgé par le faussaire. Car, si
le nom de Gui semble avoir été emprunté au jugement de
Guillaume le Bâtard 2, celui de la seigneurie de Denazé
qui est mise à côté de ce nom n'a probablement pas été
trouvé dans un document ancien ; on remarque, en effet,
que le premier des témoins laïques qui souscrivirent le
jugement rendu par l'évêque du Mans dans le procès
relatif au moulin d'Auvers fut Hamelin de Denazé 3. S'il
parait à cette place dans cet acte, c'est certainement
parce qu'il y avait à la fin du xii* siècle entre sa sei-
gneurie et le prieuré d'Auvers des relations, dont il est
d'ailleurs difficile de déterminer le caractère ; il est à
supposer que le faussaire, qui avait constaté ces rela-
tions, a jugé conforme à la vraisemblance d'attribuer
la donation de l'église d'Auvers à un seigneur de
Denazé ^.
1. Voir plus haut, p. 201.
2. Il en est de même, croyons-nous, des noms des fils de Guido
de Danazeio, Jean et Hémon, car ce sont ceux que portaient les
fîls de Gui de Laval mentionnés dans le jugement.
3. « De laicis : Hamelino (de) Denace... (Cart. de la Couture,
p. 129).
4. L'existence de la seigneurie de Denazé (canton de Craon,
Mayenne) au milieu du xi^ siècle est d'ailleurs très problématique :
le premier acte dans lequel elle est mentionnée serait, selon
M. l'abbé Angot (op. cit., t. II, p. 27), un acte rédigé vers 1150
— 211 —
En résumé, la donation d'Auvers-le-Hamon par Guido
de Danazeio aux moines de la Couture et la confirma-
tion de cette donation parle comte du Maine Hugues III
sont des faux * qui paraissent avoir été fabriqués par les
moines de Saint-Pierre-de-la-Couture, entre 1190 et
1193, pour justifier certaines prétentions soulevées à
l'occasion de quatre procès, à Taide de plusieurs actes
anciens et notamment de la donation de la chapelle de
Tennie par le comte Hélie ; le prétendu donateur, Gui
de Denazé, est un personnage imaginaire, et il est vain
de chercher à Tidentifier avec le premier seigneur de
Laval, quelque séduisante que semble l'identification.
R. Latouche.
par lequel les donateurs du cimetière de Saint-Barthélemy permi-
rent à l'abbé de Saint-Faron de Meaux de céder ses droits à l'abbé
de la Roê ; cet acte contient une liste des chevaliers de Denazé
[milites de Danazeio).
1. Notons, en passant, que, si l'acte est un faux de la fin du
xii« siècle, on comprend pourquoi les moines de la Couture ne
l'ont pas exhibé devant Guillaume le Bâtard en réponse aux conclu-
sions des moines de Marmoutier.
NOTES SUR LES BUREAUX DE CHARITÉ DE LAVAL
(1688-1808)
APPENDICE
Au cours de notre étude sur les Bureaux de Charité
de Laval, nous avons eu Toccasion de parler assez lon-
guement de celui de la paroisse de la Trinité. Nous
avons énuméré, d'après différentes pièces, les recettes
et les dépenses dudit Bureau, mais sans entrer dans le
détail des unes et des autres.
Un heureux hasard nous a permis de nous procurer le
document qui nous manquait pour apprécier ce qu'était
ce Bureau aux débuts de la Révolution, la source de ses
revenus, la quotité de ses dépenses et leur nature et
pour juger de l'importance des services rendus par lui à
la population indigente de la paroisse.
C'est un Compte rendu aux habitants de la paroisse
de la Sainte-Trinité de Laval par les administrateurs
du Bureau général de Charité ^ à partir du !•*" décem-
bre 1789 jusqu'au 1" juin 1790. Ce compte, daté du
l'*" octobre 1790, est signé de MM. J. Turpin du Cor-
mier, curé et président ; Jérôme-Charles Frin, secré-
taire ; Duchemin, prêtre, trésorier, et Touschard de
Saintes -Plennes, prêtre, secrétaire. Il contient les
comptes de leur gestion pendant six mois seulement.
1. Angers, Marne, 27 pages in-4o.
— 213 —
L'année de charité, d'après le règlement du Bureau,
devait commencer le !•'' juin de chaque année, mais ces
administrateurs ayant été nommés seulement le l**"
décembre, après le refus des habitants de Saint- Vénérand
de fondre en un seul les Bureaux des deux paroisses de
Laval, leur compte embrasse seulement les opérations
du second semestre, le plus important et le plus chargé
du reste.
Dans un long préambule, ces administrateurs expo-
sent les origines du Bureau de charité et les transfor-
mations qu'il a subies, mais sans entrer dans les détails
et sans fournir aucune date.
Le compte rendu est divisé en trois parties. La pre-
mière concerne la composition du Bureau général de
Charité, celles du Bureau particulier et des comités de
de charité et de travail ainsi que leurs fonctions, et enfin
les obligations des sœurs de la Providence chargées de
porter la viande et le bouillon aux malades, de leur
fournir les remèdes et de leur prêter le linge dont ils
ont besoin, de distribuer le lait et la farine pour faire la
bouillie des enfants au-dessous de dix-huit mois et de
faire Técole gratuite aux petites filles. Nous avons énu-
méré ces divers services dans notre travail.
Les pauvres valides reçoivent les secours en pain,
considérés comme supplément au bénéfice que leur
procure leur travail, de la valeur de 2 sols par jour et
pouvant se diviser en trois quarts, demi et quart de
secours, selon le degré de détresse de l'indigent.
Les pauvres invalides sont mis en pension et fournis
de tout ce dont ils ont besoin.
Les enfants en bas âge reçoivent le lait et la farine
pour faire la bouillie ou sont mis en nourrice s'ils sont
orphelins.
Enfin tous sont vêtus par le Bureau, autant du moins
que ses ressources le lui permettent.
La seconde partie contient le tableau des ressources
diverses et des dépenses du Bureau de Charité.
214
Les recettes comprennent :
V Les quêtes faites par des ecclésias-
tiques les jours de dimanches et fêtes,
s'élevant pour six mois à 405#8 s.
2® Les quêtes faites par les dames et
demoiselles entre elles 277 17
3^ Les dons et aumônes faits par legs
ou testaments, dont (600 # donnés par
M"' Le Balleur et 5.432# versés par les
héritiers de M. de Beaumesnil, prêtre) 6 185 11
i^ Les revenus de la Charité, consis-
tant en rentes sur divers particuliers ou
en bénéfices sur les toiles fabriquées et
vendues pour le compte du Bureau 2 093 16
5^ Quête générale ou dons d'étrangers :
I. Produit de la quête faite à la
Toussaint 4 213 2
II. Recettes des différents quartiers
touchées mensuellement :
Cette recette a été si faible pour les
huit premiers quartiers, compre-
nant le faubourg, au-delà des Cor-
deliers, qu'elle a été réunie en
une seule
Les Tuyaux
Les Ursulines
Tour des Bénédictines
Intérieur de la ville
Rue des Chevaux
Rue Neuve et Val-de-Maine
Rue Renaise
Tour des Capucins
6^ Etoffes et grains comprenant 172#
10 s. d'étoffes, 368 boisseaux de seigle
vendu environ 3# suivant l'époque de la
vente et 217 boisseaux de carabin vendu
autour de 2yf le boisseau 1 797 13
943 16
201 2
358
898 5
508 16
1 756
2 295 18
1 059 12
600
j
6 7
— 215 —
7* Reliquat du compte de Tannée pré-
cédente 2 742
Au total 35 337#2s.7d.
Non compris 2.000 livres de riz environ qui ont été
remises à la Providence pour être données en place de
farine de froment pour faire la bouillie des enfants K
Au chapitre des dépenses nous trouvons :
1* Le pain, à deux sols la livre, fourni dans les différents
quartiers, avec le nombre des pauvres qui ont été secourus.
Quartier des Ormeaux
116 pauvres 9 997 livres 1/2
Rue Sainte-Catherine
260 »
20 110
»
Rue Saint-Jean
224 »
17 785
Franche-Comté à droite
278 »
23 841
»
1/4
Franche-Comté à gauche
182 »
15 903
Haut-de-Beauvais
228 »
17 147
»
1/2
Cordeliers à Saint-Martin
180 »
15 425
Patience aux Cordeliers
160 »
12 907
»
1/2
Les Tuyaux
143 »
10 058
»
1/4
Les Ursulines
160 »
10 357
»
1/2
Tour des Bénédictines
72 »
4 615
»
Intérileur de la ville
73 »
4 192
»
1/2
Rue des Chevaux
74 »
6 241
»
1/4
Val-de-Maine
163 r>
9 296
»
1/4
Rue Renaise
85 »
7 027
»
Tour des Capucins
76 »
5 550
»
Au total, il y a eu 2.47
4 pauvres
secourus,
auxquels
il a été distribué 189.636 livres et
un quart
de
pain.
soit
18 943#12s
.6d.
Lait fourni pendant six mois
781
19
9
Habillements »
992
12
6
Viande et farine »
741
17
6
Dépenses des Sœurs pour
six mois
236
16
6
Apothicairerie
228
Frais divers
232
3
3
22 167 y^
2s
.Od.
1. Nous avons exposé dans notre précédent travail les mesures
prises par le Bureau pour faire accepter ce riz de la population.
— 216 —
Au total 22.167/^ 2 s. Cette somme déduite des
recettes laissait un reliquat de 13.170# 7 d. qui devaient
suffire aux besoins du Bureau pendant les six mois
d'été, en attendant la quête du 1" novembre.
Les administrateurs font remarquer que la dépense
pour la farine destinée aux enfants a été moins forte
pour cette année que pour les précédentes, en raison des
2.000 livres de riz qui ont été distribuées en farine au
lieu de froment.
Les dépenses extraordinaires comprennent notam-
ment : I20# payées pour l'apprentissage d'un enfant,
82/^ 11 s. 6 d. pour droit de tarif sur 1.500 livres
environ de riz dont, malgré ses réclamations, le Bureau
n'a pu obtenir la remise.
Enfin celui-ci a eu à distribuer, au mois de février, un
millier de fagots qui ont été répartis entre tous les mal-
heureux, en raison de leur pauvreté et de la quantité
d'enfants à leur charge.
Comme aujourd'hui encore, la partie de la ville située
au-delà des Cordeliers était celle où se trouvaient ras-
semblés le plus grand nombre d'indigents. Elle avait
été divisée en huit quartiers, dans lesquels il avait été
distribué pour 13.318//^ 10 s. de pain, tandis que, pour le
reste de la ville, il n'en reste que pour 5.627 #. Il y a en
effet dans ce faubourg 1.628 pauvres assistés et 850 seu-
lement pour le reste de la paroisse.
Nous prenons une moyenne, car le nombre des pau-
vres varie de mois en mois, ainsi que la quantité du
pain distribué. Celle-ci diminue à mesure que les travaux,
arrêtés par la mauvaise saison, reprennent peu à peu.
Ainsi, dans le quartier des Ormeaux, on a distribué de
décembre à mars 1.890 livres de pain par mois, 1.572
seulement en avril et 945 en mai.
Ensuite viennent les Tuyaux, les Ursulines et le Val-
de-Maine qui à eux trois fournissent 468 pauvres, tandis
que les cinq quartiers de la ville proprement dite n'en
donnent que 375 environ.
— 217 —
La dernière partie concerne les travaux exécutés
pour le compte du Bureau de Charité. Celui-ci en effet,
en même temps qu'il fournissait aux indigents des
secours en nature, s*efforçait de les aider en leur procu-
rant du travail pendant Thiver, soit à Taide de fonds
disponibles dont il pouvait faire un emploi temporaire,
soit grâce aux prêts qui lui étaient faits dans ce but par
des personnes charitables, en plus de leur souscription
lors de la quête générale.
C'est ainsi que pendant Thiver 1789-1790, le Comité
de travail avait pu prêter au District de Laval une
somme de 2.400 livres pour la continuation des travaux
exécutés sur les routes, lesquels avaient dû être sus-
pendus faute de ressources.
Il avait également prêté, avec Tautorisation de la
Municipalité, 1.200 livres au prieur des Jacobins pour
occuper les ouvriers maçons, charpentiers et couvreurs
qui avaient dû abandonner les nouveaux bâtiments
construits par ces religieux, dont les biens avaient été
placés sous séquestre, ce qui avait forcé d'interrompre
les travaux. Les constructions inachevées auraient pu
péricliter pendant l'hiver, si le prêt du Bureau de Cha-
rité n'avaient pas permis de les terminer pour le profit
de la nation qui s'en était emparée. Nous avons parlé
ailleurs des difficultés qu'éprouva le Bureau pour se faire
rembourser de ladite somme.
Enfin il restait à trouver du travail pour les ouvriers
filassiers et les fileuses occupés à préparer les matières
employées pour la fabrication des toiles qui était alors le
principal, sinon le seul commerce de la ville.
Le Comité de travail se divisa en deux sections, l'une
pour les lins, l'autre pour la filature.
La première acheta pour 819# 10 s. de lin du pays et
pour 1.623yf 17 s. de lin de Picardie, formant avec les
frais de transport et de droits d'entrée un total de
3.040#. Ce lin fut distribué à tous les ouvriers poupe-
liers de la paroisse qui se présentèrent pour en avoir.
— 218 —
Les poupées^ reguets et poupeaux résultant de leur
travail furent à leur tour remis aux fileuses qui en
demandèrent.
Finalement le Comité des lins comptait sur un béné-
fice de 150 livres, qui aurait pu être plus considérable,
s'il n'avait pas été trompé par quelques ouvriers peu
honnêtes.
Mais le Comité de filature est en perte de près de
300 livres, un certain nombre de fileuses n'ayant point
rendu les livres de fil entières ou ayant conservé pour
elles les poupées qu'elles avaient reçues. Toutefois,
comme il n'a été remis aux fileuses que les reguets, les
poupeaux et mille livres ou environ de poupées^ sur
deux mille neuf cent soixante et onze livres et demie qui
lui ont été fournis par le Comité des lins, le Comité de
filature espère rattraper cette perte sur ce qui reste à
filer et sur le prix du fil qui sera vendu aux fabricants de
toile avec un léger bénéfice.
Telle était la situation du Bureau de Charité de la
paroisse de la Trinité au commencement de la Révo-
lution. Ses administrateurs doivent toutefois reconnaître
que, par suite des événements, ses ressources ont dimi-
nué, alors que le nombre des indigents avait au con-
traire augmenté. Aussi avait-on dil employer de suite
en charités, au lieu de chercher un placement avanta-
geux, les sommes données au Bureau par legs ou
testaments.
II n'en résulte pas moins que les administrateurs de
ce Bureau de charité avaient accompli tout leur devoir
en venant en aide aux indigents par tous les moyens qui
étaient en leur pouvoir et que les habitants de la paroisse
de la Trinité savaient, même dans les moments de crise,
se montrer généreux dans leurs aumônes pour les mal-
heureux.
E. Queruau-Lamerie.
TÂBLEill DE LA PROVINCE Dl' NAINE \y
1762-1766
Il existe k la bibliothèque municipale de Tours, sous
le n*^ 1212, un manuscrit in-folio qui a pour titre :
« Tableau de la généralité de Tours depuis 1762
jusques et y compris 1766 *. » Ce travail considérable
qui renferme xlii-1054 pages et trois cartes, a été
attribué, sans raisons bien certaines, à M. de Voglie,
ingénieur en chef de la généralité de Tours. M. Dumas
a démontré en 1892 qu'il avait été rédigé à la suite d'une
enquête ordonnée par le contrôleur général L'Averdy.
11 est divisé en trois sections, comprenant chacune une
des trois provinces dépendant de la généralité de Tou-
raine et se termine par un résumé général. Les rensei-
gnements fournis par cet important document sur toutes
les branches de l'administration sont très variés.
La partie relative à la province de Touraine a été
publiée en 1863 par Tabbé Chevalier {Annales de la
Société d'agriculture.,. d'Indre-et-Loire, t. XLI) et
celle qui est consacrée à T Anjou par M. Tabbé Uzureau
{Mémoires de la Société nationale d agriculture. . . d'An-
gers, et tirage à part, 1898). Ces deux publications ont
été fort appréciées des érudits. Nous avons pensé qu'il
en serait de même pour la partie qui traite du Maine
1. La Bibliothèque de Château-Gontier possède une copie de
ce manuscrit, reliée en veau, dorée sur tranches, aux armes de
Turgot (n® 11).
— 220 —
restée inédite jusqu'à présent dans son ensemble : c'est
pour cette raison que nous la donnons ici.
A. Grosse-Duperon.
Le Maine fut subjugué par les Romains environ
50 ans avant la naissance de Jésus-Christ. Les Francs
ayant depuis conquis la Gaule, cette province fut le
partage d'un prince nommé Rigomer qui s'en fit cou-
ronner roy et qui fut tué de la main de Glovis l'an 510.
Elle fut ensuite gouvernée par des Comtes qui finirent
par s'en rendre propriétaires. L'an 1127, elle lut unie
aux Comtés de Touraine et d'Anjou par le mariage
d'Eremburge, unique héritière d'Elie de la Flèche, comte
du Maine, avec Foulques, 5* comte d'Anjou. Son petit-
fils Henri II, aïant depuis hérité de la couronne
d'Angleterre, le Maine resta sous la puissance des
Anglois jusqu'à sa réunion à la couronne de France en
1202, par Philippes- Auguste qui la confisqua, ainsi que
la Touraine et l'Anjou, sur Jean, roy d'Angleterre, pour
crime de félonie. Louis VIII, roi de France, donna cette
province par testament en 1226 à Jean son 4* fils qui
mourut jeune : il étoit frère de saint Louis qui, étantmonté
sur le thrône do France, la donna en appanage en 1246
à Charles son frère, comte de Provence, roy de Naples,
lequel la transmit à Charles le Boiteux, son fils aîné, et
celui-ci à Charles de France, comte de Vallois, son
gendre, dont le fils Philij)pes de Vallois, parvenu à la
couronne de France, la réunit au Domaine. Jean son
fils en jouit quehjue tems à litre d'appanage jusqu'à ce
qu'étant devenu roi de France, il errigea le Maine en
comté pairie en faveur de son second fils, Louis l*"" duc
d'Anjou, chef de la seconde branche des rois de Naples.
Charles, 3* fils de Louis second, eut en partage le comté
du Maine du consentement du roy de France Charles VII.
Son fils, Charles II, dernier de celte race, institua son
héritier le roi Louis XI le 10 décembre 1481, et par ce
moïcn le Maine se trouva encore réuni à la Couronne
— 221 —
jusqu'à ce qu'il fût donné de rechef en appanage, pre-
mièrement à Henry III, alors duc d'Anjou depuis roi de
Pologne et de France, et ensuite à François, duc d'Alen-
çon, qui mourut sans postérité en 1584, ce qui fit de
nouveau réunir le comté du Maine au domaine de la
couronne dont il a toujours fait partie depuis cette
époque. Le roy Louis XIIII donna en 1673 cette pro-
vince en appanage à son fils naturel Louis-Auguste
légitimé de France qui a porté en conséquence le titre
de duc du Maine. Ses fils le prince de Dombe et le
comte d'Eu ne l'ont pas conservé.
Le Maine est composé de 4 Elections qui sont celles
du Mans, de Lavalle, de Mayenne et de Chàteauduloir
qui contiennent ensemble 562 paroisses touttes taillables ;
il est borné au nord par la Normandie, à l'orient par le
Perche et le Vendômois, au midy par la Touraine et à
loccident par l'Anjou et la Bretagne. Sa plus grande
longueur du midy au septentrion depuis la Suze en
Anjou jusqu'au delà de Pré-en-Pail, frontière de Nor-
mandie, est de 16 lieues; sa plus grande largeur depuis
la Ferté- Bernard, joignant la généralité d'Orléans,
jusqu'à la Gravelle, frontières de Bretagne, est de
32 lieues; sa superficie est de 436 lieues de 25 au
degré.
Le Maine est arrosé par 32 rivières et ruisseaux dont
4 seulement portent batteaux qui sont la Mayenne, le
Loir, la Sarthe et l'Huisne qui touttes se jettent dans
la Loire.
La noblesse n'est pas nombreuse dans cette province,
c'est à peu près comme en Anjou ; le nombre des terres
titrées y est moins grand.
Les Manceaux passent pour être actifs, industrieux
et attachés à leurs intérêts, ce qui probablement leur a
donné la réputation d'aimer la chicanne et d'être pro-
cessifs. Ils ont de l'esprit, de la finesse et de la constance
dans leurs entreprises, ils sont plus sobres et plus labo-
rieux que les Tourangeaux et Angevins : leur terrein
- . 222
^ . . -n général plus cultivé en est une
«uauit de grands hommes en différens
«:>. ie« philosophes , des mathématiciens,
.. a^ rt?s habiles.
.. . : (u Mans du tems de Gharlemagne étoit
,ue celle de F Anjou et de la Normandie :
.vii*cr»att Taloit un denier et demi normand et
.ti> .lugevins, d'où est venu le proverbe qui
..t .1 tjte appliqué aux habitans du Maine qu'un
■ viut un Normand et demi.
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ARMORIAL DE LA MAYENNE
(Fin)K
106. Philippe Capon, écuyer, lieutenant de la compagnie
Duhenel au régiment de dragons de Fonbeausard. — Coupé
au 1" d'or à un aigle d'azur ; au 2* d'azur à trois coqs d'or,
posés 2 et 1.
107. Jean de Robert, lieutenant au régiment de dragons
de Fonbeausard. — De sinople à un chevron d'or.
108. Jean-Baptiste du Buat, chevalier, seigneur de
Volènes. — De sinople à cinq coquilles d'argent posées en
sautoir.
109. François Dean, sieur de la Poulletrie, receveur des
consignations de Sablé, — D'argent à une fasce de gueules^
surmontée de trois roses de même,
110. Jean Marie, sieur de la Touchardière. — De gueules
à un chevron d'or.
111. Guy Théard. — De gueules à un sautoir d'or.
112. Marie-Anne Millet, femme de Henry-François de
Racappé, écuyer, sieur du Menil. — Tranché d'or et d'azur
à une étoile à huit rais de l'un et l'autre (voir le n* 48).
113. Pierre Orain, curé de Laubrières. — Fascé d'argent
et de gueules de six pièces.
114. Françoise de Juigné. demoiselle. — D'argent à trois
fasces de gueules.
115. Madeleine de Boisjourdan, veuve de François Gau-
thier de Brûlon, écuyor. — D'or semé de fleurs de lys
d'azur, à trois lozanges de gueules, 2 en chef et 1 en pointe.
116. Jean Chevillard, curé de la paroisse de Brain. —
D'azur à un chevron d'argent, chargé de trois tourteaux
d'azur.
(1) Voir les articles précédents : no» 67, 68, 70, 71, 72 et 73.
— 232 —
117. Françoise-Marie de Brbon, femme d'Alexis de
Lancreau, écuyer. — (Voir les n*' 5 et 6).
118. Le prieuré de Gennes. — D'azur à un chevron d'or,
accompagné en chef de deux croissants d'argent, et en pointe
d'une rencontre de bœuf de même.
119. René Pi au, greffier de l'hôtel de ville de Château-
Gontier. — D'argent à une bande de gueules.
120. René d'IIéliand, sieur de la Gravelle, conseiller du
Roi, premier président en la sénéchaussée et siège présidial
de Château-Gontier, et Marie-Angélique de la Porte, sa
femme. — D'azur à trois lacs d'argent, posées 2 et 1.
Accolé de sable à une porte ouverte d'argent.
121. René de Cantineau, écuyer, sieur de Saint-Philbert,
et Louise Guilloteau, sa femme. — De sable à 3 molettes
d'argent, posées 2 et 1 ; accolé de même.
122. La communauté des médecins de Château-Gontier.
— D'argent à une bande d'azur, chargée de trois larmes
d'argent.
123. Renée Rollet, femme de François Dublineau, con-
seiller du Roy. président en l'élection de Château-Gontier.
— D'argent à un chevron de gueules, accompagné de 3
cors de chasse de sable, liés de même, viroles et embou-
chés d'or.
124. René Deszerée, conseiller du Roi et son procureur
en l'élection de Château-Gontier. — De gueules à trois
croix croisettées d'or.
125. Suzanne du Bois-Guihbneuc, femme d'Amaury de
Madaillan, chevalier, seigneur de Chauvigny [et] de l'Isle.
— D'argent à un aigle à deux têtes de sable (voir l'art. 55).
126. Feu N. Martineau de Fourmentières. — De gueules
à un marteau d'or.
127. Marguerite de Beaumanoir, veuve de N. Martineau
de Fourmentières. — D'or à deux fasces de gueules.
128. Le corps des officiers du grenier à sel de Château-
Gontier. — D'azur à deux pelles d'or, passées en sautoir.
129. Madeleine DE Fontenelles, femme d'Honoré-Eustache
de la Lande, seigneur de Saint-Martin-de- Villenglose. — De
gueules à trois quintefeuilles d'argent.
130. Louis Peu, curé de Villiers. — D'or à une bande de
sable.
131. René de Buhigné, greffier en l'élection de Château-
Gontier. — De sinople à trois têtes de léopard d'or.
132. Jacques du Val, écuyer, conseiller du Roi, et ancien
lieutenant en la maréchaussée de Château-Gontier. — De
— 233 —
gueules à un chevron d'or accompagné en pointe d'un lion
de même.
133. Philippe du Buat, écuyer, sieur de Chanteil, et
Marie de Lantivy, sa femme. — D'or à un bœuf de sable ;
accolé de gueules à une épée d'argent, posée en pal, la
pointe en bas.
134. Anne de Juigné, fille noble. — D'or à une croix de
gueules.
135. Pebrine Bbllallée, veuve de Jean Minaut, écuyer.
— De gueules à trois chiens d^argent, courants l'un sur
l'autre.
136. Dedorà de Leviston, femme de Gédéon de Ridouet,
écuyer. — D'argent à trois carreaux de gueules, posés 2
et 1 (voir le n* 7).
137. François Minaut, écuyer. — D'argent à 3 mouche-
tures d'hermines de sable, 2 et 1.
138. Le prieur de Fourmentières. — D'argent à une
fourmi de sable.
139. Jacques Adam, curé de Saint-Clément de Craon. —
D'or à une bande componée d'argent et de sable.
140. Guillaume Brillet, écuyer, sieur de Lagrée. —
D'azur à trois trèfles d'or.
141. Jean Gastineau, curé d'Athée. — D'argent à une
croix ancrée d'azur.
142. Le prieuré de Chemazé. — D'argent à un cœur de
gueules, enflammé de même.
143. La communauté des couvreurs, charpentiers, char-
rons, menuisiers et maçons de Craon. — D'azur à une
équerre d'or, accompagnée en chef d'un rabot de même, et
en pointe d'une truelle d'argent.
144. La communauté des marchands de la ville de Craon.
— D'azur à un chiffre d'or.
145. Le prieuré de Saint-Georges du Mesnil. — D'azur à
un saint Georges d'argent.
146. René Hamon, sieur de la Randiette. — Bandé
d'argent et de gueules de six pièces.
147. Pierre Hamon, curé d'Azé. — D'argent à un loup
passant de sable.
148. Julien Binet, marchand. — De gueules à trois
coquilles d'or, 2 et 1.
149. Noël Houdemont, marchand. — Paie d'or et d'azur
de six pièces.
150. N. veuve de N. Le Masson. — D'azur à un griffon
dor, surmonté d une étoile de même.
— 234 —
151. François de Torchard, écuyer, sieur de la Cheval-
lerie. — D'or à un aigle de sable.
152. François db la Lande, curé de Saint- Sulpice. — De
gueules à un oigne d'argent.
153. Charlotte Girault, femme de Charles Jarret,
écuyer, sieur du Boullay. — D'argent à deux loups de
gueules passants l'un sur l'autre.
154. Jean Lenfantin, curé de La Selle. — D'or à un
sautoir de gueules.
155. René Le Vanier, curé de Denazé. — De sable à un
sautoir d'or.
156. Louis d'Héliand, prévôt de la maréchaussée de Châ-
teau-Gontier. — D'azur à une bande d'argent, surmontée
* d'un lion de même.
157. Augustin Paillard, notaire. — De gueules à trois
bandes d'argent.
158. La communauté des cordonniers et savetiers de
Craon. — D'azur à un soulier d'argent.
159. La communauté des serruriers, taillandiers, maré-
chaux et cloutiers de la ville de Craon. — D'azur à une
enclume d'or.
160. François Bionneau, sieur du Saulay, conseiller au
présidial de ChAteau-Gontier. — De sable à une bande
d'argent, chargé de trois molettes de gueules.
161. N. veuve de N. I^challier. — De gueules à trois
quintefeuilles d'or, posées en bande.
162. Elie Houdemont, l'aîné. — Fascé d'or et de sable de
six pièces.
163. Thomas Esnu, marchand. — De gueules à une bande
d'or, chargée d'un lion de sable.
164. René Robert, sénéchal de la baronnie de Craon. —
Echiqueté d'or et de gueules.
165. François Heuzé, contrôleur au grenier à sel de
Craon. — D'azur à deux fasces d'argent.
166. Joseph Garaud. marchand. — D'azur à un sautoir
dargent.
167. Thomas Vallée, chanoine de Saint-Nicolas de Craon.
— D'or à un lion de sinople, lampassé et armé de gueules.
168. Louis IlÉNAULT, chanoine de Saint-Nicolas de Craon.
— D'or à un lion de sinople, lampassé et armé de gueules.
169. Jean Pabot, chanoine de Saint-Nicolas de Craon. —
D'azur à six besants d'or, posés 3, 2 et 1.
170. René Valette, chanoine de Saint-Nicolas de Craon.
— De gueules à une tour d'or.
— 235 —
171. René Hénault, marchand de Craon. — D'or à trois
trèfles de sinople.
172. Jean Boucault, chanoine de Saint-Nicolas de Craon.
— D'argent à une croix fleuronnée de gueules.
173. Nicolas Bbrnier, marchand à Craon. — D'or à trois
fasces de gueules.
174. René Alard, le jeune, marchand à Craon. — Bande
de gueules et d'argent, de six pièces.
175. N. veuve de N. Armand Raymond. — D'argent à une
croix chargée de cinq coquilles d'or.
176. René Gallois, maître chirurgien à Craon. — D'or à
une bande fuselée de gueules.
177. La communauté des notaires de Craon. — D'azur à
une écritoire d'or.
178. La communauté des merciers, vendeurs de fayence
et autres menues marchandises de la ville de Château-Gon-
lier. — D'azur à une tasse d'argent.
179. Jacques Galais, sieur de la Billetière. — De gueules
à un sautoir d'argent.
180. Jacques Houdemont, marchand. — D'argent à un cor
de chasse de sable.
181. La communauté des notaires de ChAleau-Gontier. —
D'azur à deux plumes à écrire d'argent, passées en sautoir,
et un chef de France.
182. Jean Piquet, curé de Loigné. — D'azur à 3 tours
d'argent.
183. Jean Briand, procureur du Roi au grenier à sel de
Craon. — Fascé d'or et de sinople de six pièces.
184. François-Michel Gaultier de Bruslon, ocuyer, sieur
de la Glorière. — D'azur à 3 bandes d'or.
185. La communauté des rôtisseurs, poulaillers, pâtis-
siers et bouchers de Craon. — Dazur à un bœuf passant
d'or, accompagné en chef d'un coq d'argent et en pointe
d'une lardoire de même.
186. La communauté des boulangers et meuniers de
Craon. — D'azur à trois pains dor, posés en fasce.
187. Pierre Vieil, conseiller du Roi, grenetier au grenier
à sel de Craon. — De gueules à 3 cornets d'or.
188. François Drouard. conseiller du Roi, président du
grenier à sel de Craon. — D'or à une fasce d'azur, chargée
de trois besants d'or.
189. Jean Trouillet, prêtre, prieur commendataire du
prieuré-cure de Livré. — D'or à une branche de chêne de
sinople, posée en pal, garnie de 4 feuilles de même et de
3 glands d'or, encoquelés aussi de sinople.
— 236 —
190. Jérôme-Pierre Gallais, conseiller au présidial de
Château-Gontier, et assesseur de la maréchaussée. — D'azur
à 3 lions d'or.
191. René Guérin, sieur de la Gendronnière, conseiller
au présidial, et garde-scel de la chancellerie de Châleau-
Gonlier. — D'argent à une fasce de sable, accompagnée de
trois molettes de même.
192. Pierre Rigault, sieur de la Menievère, conseiller
du Roi, en la maréchaussée et siège présidial de Château-
Gontier. — D'or à une fasce de gueules, accompagnée en
chef de 2 étoiles d'azur, et en pointe d'un aigle de sinople
le vol abaissé.
196. Le couvent des religieuses hospitalières de la ville
de Château-Gontier. — D'or à une croix recroisettée de
gueules.
194. Charles Louveau, sieur de la Françoisière, commis-
saire des montres de la maréchaussée de Château-Gontier.
— D'argent à un chevron d'azur, accompagné de 2 roses
de gueules tigées et feuillées de même, et boutonnées d'or,
et en pointe d'un aigle le vol abaissé de sable.
195. Alexandre Caudron, conseiller honoraire au prési-
dial de Château-Gontier. — D'argent à deux chevrons de
gueules.
196. Gilles Armeneau, prêtre, chapelain de la Vernis-
sière. — D'or à une croix pattée de gueules.
197. Olivier Le Lardeux, marchand. — D'argent à un
taureau de gueules, rampant en barre.
198. René Alaire, curé de Longue. — D'or à 3 aigles de
sable.
199. Renée Goyau, veuve de Charles Alaire. — De sinople
à 3 lions d'argent.
200. Charles Poisson. — Echiqueté d'or et d'azur.
201. Simon Jarry. — De gueules à trois fasces d'or.
202. Bonaventure Buhigné, curé de Châtelain. — D'or à
3 pals de sable.
203. Le prieuré d'Azé. — D'azur au bâton pastoral d'or.
204. Jean Trochon, conseiller du Roi, élu en l'élection de
Château-Gontier. — D'azur à trois pommes de pin d'or.
205. Jean Noyer, curé de Houssay. — D'argent à une
croix engrélée de sable.
206. François-Denis de Baigneux, curé de Cosmes. —
D'argent à 3 fasces d'azur.
207. Jacques Dubois, écuyer, sieur de la Gourdinière. —
D'argent à 3 lions de gueules.
— 237 —
208. Philibert Pbrnot, curé d'Ampoigné. — D'or à 5
trèfles d'azur, posés en sautoir.
209. Chàrlbs-François de Là Manière, curé de Peuton.
— De gueules à deux léopards d'or affrontés.
210. Claude-Charles Robert, curé de Marigné, près
Marigné-Peuton. — D'or à 3 fasces ondées d'azur.
211. René Sevignb, curé de Saint-Poix. — D'azur à trois
pals d'argent.
212. Jean Denis, marchand. — De sable à deux chevrons
d'argent.
213. François Hubert, curé de Pommerieux. — De
gueules à un aigle d'argent.
214. Fleurt Harangot, lieutenant de la justice ordinaire
de Craon. — De gueules, fretté d'argent.
215. N. Allard, avocat fiscal à Craon. — D'azur à un
paon rouant d'or.
216. N. Gendry, grefSer de la justice ordinaire de Craon.
— D'argent à 3 chevrons de sable.
217. Le corps des officiers du grenier à sel de Craon. —
D'azur à 2 pelles d'or, posées en pal.
218. Jacques Cherbonnière, marchand. — D'or à un lion
d'azur.
219. Christophe des Fuzeaux, conseiller du Roi, grenetier
au grenier à sel de Craon. — D'or à un griffon d'azur.
220. René Allard, marchand. — De sable à un cochon
d'argent.
221. René Vieil, marchand. — Paie d'argent et de
gueules de six pièces.
222. Julien Jamet, marchand. — Echiqueté d'or et de
sable.
223. Joseph Lebreton, curé de Simple. — D'azur à un
léopard d'argent.
223. N. Chailland de la Feronnière. — D'azur à trois
têtes de léopards d'or.
225. Julien Fournier, sieur de la Reauté. — D'azur à
trois chevrons d'or.
226. François Boudeseul, docteur en médecine à Craon.
— De gueules à trois fasces ondées d'or.
227. Syhphorien Dubibr, procureur fiscal de la justice
ordinaire de Craon. — D'argent à une croix de gueules,
chargée de cinq rayes d'or.
228. Jean de Saint-Giles, conseiller du Roi, receveur au
grenier à sel de Craon. — D'or à un aigle de gueules,
becqué et membre d'azur.
— 238 —
229. La communauté des avocats de Craon. — De gueules
à trois fasces ondées d'or.
230. Thqmas Morderet, marchand. — D'azur à deux
épées d'argent en sautoir.
231. La ville de Craon. — De gueules à un sautoir
d'argent.
232. François Paillard, sieur de la Prouverie, notaire.
— D'or à une bande d'azur.
233. Pierre Reigon, sieur de la Pigerie. — D'or à trois
aigles de gueules.
234. La communauté des chirurgiens de Craon. — D'azur
à trois lancettes d'or, posées 2 et 1.
235. N. femme de N. Despkeseaux, écuyer, sieur de
Desroches. — D'argent à un chevron d'azur, accompagné
de trois cœurs de gueules.
236. Joseph Tandron. curé de Marigné. — D'argent à une
croix ancrée de sable.
237. René Piau, curé de Saint-Denis-d'Anjou. — De
gueules à trois étoiles d'argent.
238. Rolland Theullier, notaire. — D'azur à un lion
d'azur.
239. René Périer, lieutenant de justice ordinaire de
Saint-Denis-d'Anjou. — De gueules à un château sommé de
trois tours d'or.
240. Urbain Gubnier, marchand. — D'argent à un aigle
de sable.
241. Etienne Mesnier, marchand. — De gueules à un
léopard d'or.
242. Guillaume de La Lande, prêtre habitué en la
paroisse de Saint-Martin. — D'or à trois fasces ondées
d'azur.
243. René Farion, curé de Grez-en-Bouère. — D'or à une
bande vivrée d'azur.
244. Martin Chevrollier, curé de Gennes. — De gueules
à trois bandes d'argent.
245. Jean-Baptise d'Andigné de Ribou, curé de Ruillé. —
D'argent à une croix ancrée de sable.
246. Françoise-Antoinette Leshenault, femme de René
de La Planche, écuyer, sieur de Ruillé. — De sable à un
sautoir componé d'argent.
247. N., femme d'ALEXANDRE de Cumont, chevalier, sei-
gneur du Puy. — D'argent à trois jumelles de gueules.
248. Martin Cuotard, curé de la paroisse de Longue-
fuye. — De sinople à trois macles d'argent.
— 239 —
249. Le prieuré de Villiers. — D'azur à trois coquilles
d'argent, posées 2 et 1.
250. Hélie Houdemont, marchand. — D'argent à une
bande de sable.
251. René Bournan, curé de Chemiré. — D'or à un
chêne de sinople.
252. Victor Prud'hommbau, curé de Mée. — De gueules à
une fasce d'argent.
253. IsAAC Pbllez, curé de Gastines. — D*azur à un
cigne d'argent.
254. François Alard, curé de Chérancé. — D'or à trois
fasces de sinople.
255. N. DuPLEssis, curé et doyen de Saint-Germain. —
D'or à un lion de gueules.
256. Marie nliÉLiANo, veuve de Guillaume Le Clerc,
chevalier, seigneur de la Ferrière. — De même qu'aux
n*' 16 et 72.
H y a lieu d'ajouter à ces listes :
257. Jeanne Baugrand, veuve de Pierre Esnault, sieur de
la Girardière, conseiller du Roi en l'élection de Château-
Gontier. — D'azur à une fasce d'argent, chargée de trois
roses de gueules.
RÉCAPITULATION
Personnes 224 à 20# 4.480#
Corporations .... 4 à 25# 100#
Communautés .... 21 à 25 # 525 #
Chapitres 2 à 25# 50#
Couvante 5 à 25# 125 #
Prieurés 7 à 25# 175#
Ville là 50# , 50#
TotaL 5.505#
En plus le sou pour livre.
HippoLYTK Sauvage.
LA COMPAGNIE DE GENDARMERIE
de la Mayenne
Ij" Annuaire de la Mayenne /?oMri874 adonné(p. 114
et suivantes) un historique sommaire de la compagnie
de gendarmerie du département. Malgré les renseigne-
ments très précis que renferme cet historique, bien des
points ont été laissés dans Tombre. C'est ainsi que
l'auteur nous dit que le département comprenait 16 bri-
gades en vertu des lois organiques du 17 février 1791 et
29 avril 1792 ; que, de 1792 à 1798, deux brigades nou-
velles furent créées et pourtant, quelques lignes plus
loin, il compte 31 brigades, dont 18 à cheval, antérieu-
rement au 29 pluviôse an VIII. En réalité la composition
de la compagnie de la Mayenne subit diverses transfor-
mations dont la lettre suivante nous apporte un témoi-
gnage. On venait de réduire les brigades au nombre de
13 et Tadministration centrale estimait ce nombre par
trop insuffisant. Elle faisait valoir, en même temps
qu'elle appuyait de toutes ses forces la nomination du
sieur Durocher au grade de capitaine au lieu du sieur
Desmazières, les raisons qui militaient en faveur de la
création de 16 nouvelles brigades, qui ne furent pas
toutes concédées, et qu'elle estimait nécessaires, « les
esprits n'étant nullement à la hauteur de la Révolution »
dans le département, pour rassurer « les patriotes inti-
midés. »
— 241 —
Au Ministre de la Guerre
Bureau de la Gendarmerie nationale *
Laval, le 16 frimaire an YI de la République.
Citoyen ministre,
Les opérations que vous avez prescrites par vos circu-
laires des 11 thermidor et 12 fructidor derniers relative-
ment à la réorganisation de la gendarmerie nationale et
au placement de chaque brigade dans notre département
sont terminées depuis longtemps, mais nous avons vu
avec peine que loin d'augmenter la force de ce corps,
votre lettre du 11 thermidor la diminue de trois bri-
gades. Nous étions loin de nous attendre à une sem-
blable réduction. La position topographique de notre
arrondissement nous donnait la certitude qu'au moins
nos seize brigades seraient conservées. Faut-il énu-
mérer ici tous les droits qu'il peut faire valoir à cet
égard ? Ne sait-on pas que le pays est partout couvert,
que les chemins de traverse sont mauvais en général et
coupés par des montagnes, des fondrières, des bocages;
que les hayes qui bordent ces passages étroits, étant
élevées et touffues, les rendent très dangereux ? Ne
sait-on pas que, dans un tel pays, les brigands trouvent
une infinité de retraites ? Et dans quel tems encore nous
fait-on éprouver une diminution de force aussi précieuse ?
Lorsqu'à peine nous sommes échapés aux horreurs de
la guerre civile la plus cruelle, lorsque tout fait un
devoir au gouvernement de placer au milieu de nous des
sentinelles vigilantes prêtes à saisir et à éteindre les
nouvelles torches que la malveillance cherche à ral-
lumer !
En vain nous dira-t-on que le calme est rétabli, que
la résurrection des troubles est impossible, que les habi-
tons des campagnes ont actuellement les yeux ouverts
1. Arch. de la Mayenne, L, Correspondance du bureau de police
administrative et militaire, n» 587.
16
— 242 —
sur leurs propres intérêts et qu'ils ne souffriront pas que
de nouveaux brigands se forment au milieu d'eux. A cela
nous répondons qu'il est vrai que la grande majorité de
ce département veut conserver la paix dont il jouit,
mais que la plupart, plongés dans Tapathie et Tengour-
dissement, tremblent encore et sont saisis d'effroi à
Taspect de deux ou trois brigands qui parcourent les
campagnes ; que courbés sous le joug de la terreur ils
n'ont même pas le courage de les dénoncer.
Quels moyens donc employer pour les faire sortir de
la funeste léthargie dans laquelle ils sont plongés? Nous
n'en connaissons point de plus efficace qu'une distri-
bution de brigades de gendarmerie assez rapprochées
les unes des autres pour pouvoir se porter au moins une
fois par décade dans chaque commune. Ces tournées
bien combinées donneroient l'éveil aux autorités consti-
tuées sur toutes les trames qui pourroient troubler la
tranquillité publique. Habitués à visiter les mêmes lieux,
les gendarmes formeroient des liaisons avec les habi-
tons des campagnes ; leur bonne conduite et le soin
qu'ils prendroient de préserver leurs personnes et leurs
propriétés les rendroient bientôt maîtres de leur con-
fiance et leur procureroient les renseignemens les plus
utiles sur la conduite de tous les individus dont la sur-
veillance ne doit jamais s'écarter.
Appelles par la loi à veiller au maintien du calme et à
solliciter pour nos administrés toutes les institutions
qui peuvent tendre à leur bonheur, nous osons donc
vous proposer, citoyen ministre, une augmentation de
brigades de gendarmerie dans notre département en
vous désignant les lieux où il convient de les placer ;
nous sommes si convaincus de la nécessité de cette
demande que depuis longtems elle vous seroit parvenue
si nous n'avions voulu consulter les administrations
municipales des ci-devant chefs-lieux de districts, plus
à portée que nous de donner des renseignemens certains
sur les localités. Nous allons donc vous indiquer les
i
— 243 —
communes où le placement de nouvelles brigades de
gendarmerie devient indispensable.
Lassay. D'après la loi du 29 brumaire dernier, cette
commune va devenir le siège du tribunal correctionnel
fixé à Vilaines par celle du 19 vendémiaire an IV : elle
a absolument besoin d'une brigade de gendarmerie pour
mettre à exécution les réquisitoires du président de ce
tribunal. Cette commune, composée de 2.250 habitans,
renferme un bâtiment national propre au casernement.
Il s'y tient des foires et marchés et le commerce y est
assez actif. Cette brigade aura à parcourir les cantons
de Lassay, Thubœuf et la Chapelle-Moche, composés de
quatorze communes ; elle correspondra avec celle de
Pré-en-Pail éloignée de 4 lieues, celle du Ribay de
5 lieues, celle de Vilaines de 5 lieues et celle de Dom-
front, département de l'Orne.
Ambrières. Cette commune, composée de 1.989 habi-
tans, a également besoin d'une brigade. Située à deux gran-
des lieues de Mayenne, elle tiendroit la correspondance
avec Domfront dans le département de l'Orne et protè-
geroit la grande route qui la traverse ; elle surveilleroit
en outre tout le nord du ci-devant district de Mayenne
qui est absolument dégarni. Il y a en outre à Ambrières
quatre foires par an et tous les samedy (v. s.) un marché
considérable qui réunit un grand nombre d'individus.
Bais. Cette commune, composée de 1.815 âmes, ayant
deux foires par an et un marché considérable tous les
samedis a également droit à l'établissement d'une bri-
gade. Eloignée de 4 lieues de Mayenne, elle surveilleroit
une grande étendue de terrein, elle établiroit une com-
munication avec Sillé (département de la Sarthe), elle
veilleroit à la sûreté de la grande route, d'autant plus
dangereuse qu'il y a dans les environs beaucoup de bois.
Martigné. Cette commune renfermant une population
de 1.580 âmes est traversée par la grande route de Paris
à Brest. Elle est éloignée de 2 lieues et 1/2 de Mayenne
et de 5 lieues et 1/2 de Laval. La brigade qui y seroit
— 244 —
établie faciliteroit la correspondance et la conduite des
prisonniers, elle protège roit la grande route où passent
les diligences, les malles et une infinité de voitures pour
la République et pour les particuliers. En passant le bac
de Montgiroux, elle pourroit se porter au besoin dans le
canton d'Alexain, voisin de la forêt de Mayenne.
GoRRON. Cette commune, ayant une population de
1.600 habitans, possédoit une brigade de gendarmerie
auparavant la réorganisation qui a eu lieu en exécution
de la loi du 25 pluviôse dernier. Elle y étoit et seroit
encore infiniment utile. Le mercredy de chaque semaine,
il s'y tient un marché considérable ; cet endroit est à
3 lieues de pays d'Ernée, à 4 de Mayenne, à 3 d'Am-
brières, à 2 1/2 de Veaucé, à 5 de Domfront (départe-
ment de rOrne), à 5 de Mortain et à 3 du Teilleul (dépar-
tement de la Manche). Gorron est comme un point
central au milieu de toutes ces communes plus ou moins
conséquentes par leur population leurs foires et leurs
marchés. La brigade qui y seroit établie, outre l'avan-
tage qu'elle ofTriroit en facilitant la communication avec
toutes les communes précitées, auroit un arrondissement
de plus de 25 lieues quarrées à parcourir.
Landivi, peuplé de 1.633 habitans, réclame par sa
situation topographique l'établissement d'une brigade
de gendarmerie. II est à 3 lieues du pays de Saint-
Hilaire-du-Harcouet, à 4 de Mortain, à 2 de Louvigné,
à 3 de Fougères, à 5 d'Ernée, à 4 de Gorron, à 3 de
Montaudin et à 1 lieue de Fouge rôles. Il y a foires et
marchés à Landivy et dans chacune des communes
ci-dessus citées ; la brigade qui y seroit établie auroit
un arrondissement d'au moins 25 lieues quarrées où
faire des tournées.
Le Bourgnkuf-la-Forêt, ayant une population de
1.438 âmes, appelle également une brigade de gendar-
merie. Cette commune est à 3 lieues de pays d'Ernée,
à 4 de Laval, à 3 de la Gravelle, à 3 de Vitré et à 4 de
Fougères. Elle a donné naissance à la Chouannerie, la
— 245 —
guerre civile y a été très active ; elle est comme isolée et
reléguée dans les terres et pourroit encore servir de
repaire à de nouveaux brigands ; son sol et celui des
communes voisines sont couverts de vastes bois. La
brigade qui y seroit établie seroit fort utile pour pro-
téger les marchés et foires de Saint-Ouen et la manu-
facture de la forge du Port-Brillet. Les tournées qu'elle
auroit à faire comprendroient encore au moins 20 lieues
quarrées.
La Roe, ayant une population de 580 âmes, mérite
aussi par sa position rétablissement d'une brigade. Le
bourg de la Roë est à 2 lieues et 1/2 de la Guerche,
3 lieues de Graon, 2 de Guillé. Il est à 1 lieue de dis-
tance de la forêt de la Guerche, à 1 lieue de la forêt de
Craon, à un quart de lieue des bois de Saint-Michel et des
Royères. Il y a au bourg de la Roë neuf foires par an, il
y a en outre un marché tous les vendredy de Tannée. Le
passage de la Roë est considérable : ce bourg est tra-
versé par le chemin de Châteaugontier et Craon à la
Guerche, Ghâteaugiron et Rennes ; il possède d'ailleurs
un superbe bâtiment national propre au casernement.
CuiLLÉ, ayant une population de 991 âmes, sollicite
aussi le placement d'une brigade. Le bourg de Guillé
est à 3 lieues de Gossé, 2 lieues de la Roë, 4 lieues de
Craon ; il y a un marché tous les mercredis de chaque
semaine et six foires par an. Il n'est également éloigné
que d'une lieue de Laubrières, où il y a deux foires par
an, et de 2 lieues de Méral, où il y a douze foires par
ans. Guillé est situé sur la grande route de Gossé à la
Guerche et à Rennes. Ce passage est très important. La
maison ci-devant presbytérale serviroit de caserne.
Grez-en-Bouère. Cette commune, composée de
874 habitans, appelle par sa position l'établissement
d'une brigade. Elle a trois foires par an, elle possède
aussi un bureau d'enregistrement qui seroit exposé au
brigandage s'il n'y étoit constament établi une force
armée. Le bourg de Grez est éloigné de 3 lieues de
— 246 —
Meslay, de 4 lieues de Châteaugontier et de Banée,.
8 lieues de Laval et 4 lieues de Sablé département de
la Sartlie . La brigade qui y seroit établie aoroit aa
moins vingt communes à parcourir.
Ballée. Cette commune, peuplée de 611 individus^ a
trois foires par an. Le bourg est éloigné de 4 lieues de
Grez, de 8 lieues de Château-Gontier, de 8 lieues de
Laval, de 2 lieues de Meslay et de 3 lieues de Sablé
(département de la Sarthe}. La brigade qu on établiroit
dans cette commune tiendroit la correspondance avec
tous les endroits ci-dessus désignés et surveilleroit la
conduite des malveillans répandus dans les communes
voisines.
Daoti . Cette commune, peuplée de 786 habitans, a été
Tune des plus en proie aux horreurs de la chouannerie ;
elle renferme un grand nombre d'individus qui ont besoin
d'être surveillés. La brigade qui y seroit fixée ouvriroit
la correspondance avec Château-Gontier, éloigné de
2 lieues, avec Grez de 4 lieues, avec Ballée de 8 lieues,
et avec Sablé (département de la Sarthe), éloigné de
5 lieues.
MoNTSÙRS. Cette commune, peuplée de 857 habitans,
a sept foires par an, un marché tous les huit jours. La
brigade qui y seroit placée oorrespondroit avec Laval,
distant de 4 lieues, Evron, distant de 3 lieues, Vaiges,
(listant de 3 lieues, et Martigné, distant de 3 lieues.
Meslay. Cette commune, peuplée de 1.173 habitans,
a eu de tout tems une brigade de gendarmerie ; elle lui
a été enlevée par la réduction qui a eu lieu. Sa position
sur la grande route de Tours, éloignée de 4 lieues de
Laval et de 4 lieues de Sablé (département de la Sarthe),
appelle le rétablissement de cette brigade. Cette com-
mune possède en outre quatre foires par an et un marché
tous les jeudis de chaque semaine. La brigade corres-
pondroit avec Château-Gontier, distant de 4 lieues ;
Grez, distant de 3 lieues ; Ballée, distant de 2 lieues, et
Vaiges, aussi distant de 3 lieues.
— 247 —
Sainte -Suzanne. Cette commune, peuplée de
1.700 âmes, a un marché chaque semaine et sept foires
par an. La brigade qu'on y établiroit correspondroit
avec Évron, éloigné de 1 lieue et 1/2 ; Vaiges, éloigné
de 3 lieues, et Sillé (département de la Sartho\ égale-
ment éloigné de 3 lieues.
Chemeré, peuplé de 1.200 âmes, a un marché par
semaine et deux foires par an. La brigade qu'on placeroit
dans cette commune ouvriroit la correspondance avec
celle de Vaiges éloignée de 1 lieue et i/2, celle de
Meslay de 2 lieues et 1/2, celle d'Evron de 3 lieues et 1/2
et celle de Sablé de 4 lieues et i/2. Une force publique
quelconque est d'autant plus nécessaire dans cette com-
mune que longtems elle a été le foyer du fanatisme et
que la fertilité de son sol y attire les mal intentionnés
qui y trouvent des moyens faciles d'existence.
Si vous pensiez, citoyen ministre, que la proposition
que nous vous faisons, n'entrât point dans les vues du
gouvernement, soit à raison des dépenses qu'occasion-
neroit cette augmentation de force publique, soit pour
tout autre motif, nous allons d'avance fixer vos regards
sur un moyen qui, en économisant les deniers publics,
rendra la surveillance plus active et répandra sur notre
territoire une force réelle sur laquelle les autorités cons-
tituées auront lieu de compter.
Les lois des 28 septembre 1791, 20 messidor an III et
3 brumaire an IV ordonnent l'établissement de gardes
champêtres dans toutes les communes rurales de la
République ; malgré les dispositions imporatives de ces
lois dont nous avons rappelle l'exécution par différentes
circulaires, nous n'avons pu parvenir à faire nommer de
gardes champêtres que dans cent cinquante communes
de notre ressort. Les habitans des campagnes voyant
la négligence de ces gardes murmurent contre un éta-
blissement qui leur paroît inutile et qui augmente la
masse de leurs impôts. Les gardes champêtres ne rece-
vant qu'un modique traitement de 100, 200 ou 300H-
— 248 —
au plus, dont ils ne sont pas même payés à Téchéance
de chaque terme, se livrent à d'autres travaux et aban-
donnent les campagnes à la dévastation. Ne vaudroit-il
pas mieux établir dans chaque chef-lieu de canton une
brigade de gendarmerie à pied composée de trois ou
quatre hommes qui rempliroient les fonctions de gardes
champêtres, de commis piétons, et qui par leur réunion
en imposeroient facilement à quelques brigands qui ne
sont forts que de la timidité et de l'oppression des habi-
tans des campagnes. Le gouvernement trouveroit encore
en cela un moyen de réaliser une partie des promesses
faites aux braves deffenseurs de la Patrie à qui ces
places seroient exclusivement réservées.
Au reste, pour prouver d'une manière victorieuse que
ce nouvel établissement augmenteroit peu les charges
de l'Etat, nous allons établir un calcul bien simple. Cha-
cun des cantons de notre arrondissement est composé
de quatre communes ; chacune de ces communes doit
avoir un garde champêtre recevant au moins un traite-
ment de 200 H- par an.
Voilà pour ces quatre gardes champêtres . . . 800^
Pour traitement d'un commis piéton chargé de
l'apport et du rapport des dépêches 300#
par an 300^
Total 1.100^
Les iAOO-H- pourroient donc être employées au traite-
ment des gendarmes à pied que nous proposons d'éta-
blir et le gouvernement, ne faisant qu'un léger sacrifice
de 400/^ ou 500//^ pour chaque brigade, accorderoit
aux deffenseurs de la Patrie la récompense la plus digne
d'eux, c'est-à-dire du travail et les moyens de réprimer
les ennemis du dedans, comme ils ont terrassé ceux du
dehors.
Nous vous prions instamment, citoyen ministre, de
peser dans votre sagesse les deux mesures que nous
mettons sous vos yeux pour l'augmentation d'une force
— 249 —
publique qui sera si utile dans notre arrondissement,
surtout à la paix générale. Si vous ne pouvez vous arrê-
ter à la seconde qui nous parolt cependant la plus
efficace et la plus digne de fixer les regards d'un gou-
vernement paternel, l'intérêt public nous ordonne de
vous dire que treize brigades de gendarmerie sont insuf-
fisantes dans notre arrondissement et qu'il est absolu-
ment indispensable d'en augmenter le nombre et d'en
établir de nouvelles dans les lieux que nous vous
indiquons.
Salut et respect.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
SEANCE DU 18 AVRIL 1907
La séance est ouverte à deux heures, sous la prési-
dence de M. Emile Moreau, président.
Sont présents : M. Moreau, président; MM. Grosse-
Duperon et Trévédy, vice-présidents ; MM. Alleaume,
marquis de Beauchesne, Louis Garnier, Goupil, Gou-
vrion, Laurain, Léon de Lorière, Richard, membres
tituhiires ; MM. Edouard Garnier, Labbé et Auguste
Morin, membres correspondants.
Se fait excuser M. Tabbé Angot.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et
adopté.
M. le Président souhaite la bienvenue à M. Labbé qui
assiste pour la première fois à une séance.
M. Laurain communique la note suivante de M. Tabbé
Angot :
Le chartrier de Montguerré possède un registre
in-folo qui débute ainsi : « Michel Poyvet, sieur de
« Valmary, conseiller et procureur du roy au grenier à
« sel de Mayene, juge subdélégué par Vincent Hotten-
« cey, chevalier, seigneur de Fontenay, conseiller du
« roy en ses Conseils, maistre des requestes ordinaire
« de son hostel départi en la généralité de Tours pour
« Texécution de Tarrest obtenu par Monseigneur
« rÉminentissime cardinal Masariny, pair de France,
« duc de Mayene, le cinquiesme jour d'octobre dernier. »
— 251 —
« Le premier article est daté du 8 avril 1658 ; le der-
nier du 14 juin 1660. Ce côté du registre contient
53 feuillets. Le registre contient en outre, en commen-
çant par Tautre côté, 37 feuillets, en tête desquels est
rintitulé suivant :
« Ordonnances rendus sur le fait de la commission
a touchant Télargissement des grands chemins et le
« rétablissement d'iceux. »
« Le premier article date du 17 juin 1658, le dernier
du 7 juin 1660. »
« Je verrai, ajoute M. Tabbé Angot, si Ton peut tirer,
par analyse, quelques renseignements d'un intérêt un
peu général et j'y suis autorisé par M. le comte de
Hercé. »
M. Richard expose les grandes lignes dune étude
qu'il vient d'écrire, à l'aide de documents appartenant à
notre collègue M. Louis Garnier, sur le Jardin Berset
et les autres cercles créés à Laval entre 1763 et 1793.
Cette étude sera insérée au Bulletin.
M. de Beauchesne entretient la Commission d'un
voyage qu'il fît l'an dernier en Angleterre, compare
l'architecture civile et militaire de ce pays avec celle de
notre contrée et annonce une prochaine étude sur le
fameux capitaine anglais d'Arundel.
M. Gouvrion présente une tabatière en cuivre datant
du xvii' siècle, d'un travail curieux, et portant une
inscription en langue flamande ou en hollandais.
M. Grosse-Duperon présente un carreau émaillé
bleu sur fond blanc, de forme octogonale, venant peut-
être de Delft. Dans l'écu soutenu à dextre et à senestre
par une licorne et surmonté d'un cimier sur lequel
repose un caméléon, on voit un homme à cheval sur un
dragon tourné à droite et s'apprétant à lancer une
flèche. Au-dessous la légende : Opiferque per orbem
dicor.
— 252 —
Ce carreau, percé de trous pour être accroché le long
d'un mur, a dû appartenir à un apothicaire dont il vante
le secours bienfaisant.
M. Laurain mentionne, dans le manuscrit latin de la
Bibliothèque nationale n*' 17.036, f* 275 v% l'analyse
d'un acte, en date du 28 mai 1490, portant approbation
par Philippe de Luxembourg, évéque du Mans, d'un
appointement rendu entre frère André Dammouche,
prêtre, prieur de Priz, et Jean des Baux (M. Tabbé Ângot
écrit avec plus de raison .probablement Jean Desvaux),
curé de Montflours, Monte fat uo. Cet acte fait connaître
un nouveau prieur de Priz.
M. Laurain communique une série d'actes concernant
un « faiseur d'images » lavallois inconnu jusqu'à pré-
sent, Pierre Meignan. C'est d'abord une convention, du
28 février 1665, par laquelle le dit Meignan, revenant
sur un précédent marché avec René Lebeau à qui il
s'engageait à montrer, l'espace de deux mois durant,
à a faire des figures de terre » moyennant une somme
de quarante livres, se restraint à celle de neuf livres, à
la condition que son élève n'exercera jamais son métier
dans la ville ni dans le comté de Laval. La seconde est
un marché, passé le 17 août 1665, entre le sculpteur et
Jean Jamault, marchand, exécuteur testamentaire de
feu M" Michel Corbeau, prêtre, en vertu duquel Meignan
s'obligeait à fournir à l'église d'Erbrée « une figure de
la Sainte Vierge de quatre piedz de haulteur » étoffée
« de la carnation du visage de peinture à l'huille », pour
le prix net de quarante livres. Cette statue n'existe plus
à Erbrée, à moins qu'il ne faille l'identifier avec une
« figure » de la Vierge qui achève de périr dans le cime-
tière de cette localité.
Quoiqu'il travaillât pour le dehors, notre homme trou-
vait son métier sans doute peu lucratif, car il essaya de
faire un tisserand de son fils Sulpice qu'il plaça en
apprentissage chez Nicolas Daulsé, rue de la Croix-
— 253 —
Bidault. Ce dernier promettait, le 7 février 1672, de
« montrer à son pouvoir Testât de tixier, mesmes à
cognoistre et achepter le fil la dernière année au dit
Sulpice Meignan, le nosrir, coucher et lever en sa maison,
luy faire reblanchir son linge quand on fera la laissive »
deux ans durant, sans autre redevance que le travail de
Tapprenti. Mais celui-ci se lassa assez vite et quitta
son patron, qui réclama au « faiseur d'images en bosse »
la « représentation de son fils » à peine de tous dom-
mages. On finit par s'accorder et par résilier le contrat
d'allouement moyennant une somme de six livres que
Pierre Meignan paya le 15 février 1673, deux mois après
en avoir pris l'engagement.
M. Laurain présente un cahier de trente-deux feuillets
contenant une Analyse que Laurent-Charles Meignan^
ex-agent et procureur syndic du district de Château-
Gontier fournit au commissaire du directoire exécutif
près r administration centrale du département de la
Mayenne^ des diligences qu'il a faites près son admi-
nistration pour l'exécution des lois et des mesures de
salut public et de sûreté générale. Écrit le 25 frimaire
an IV, ce mémoire nous renseigne exactement, parfois
pourtant d'une façon trop sommaire, sur tous les détails
de l'administration à Château-Gontier depuis le 12 juillet
1790. La Commission décide que des extraits de cet
important document seront publiés dans le Bulletin.
Rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance est
levée à 4 heures 1/2.
BIBLIOGRAPHIE
L'autel des Cannes d'Angers, par P. de Farcy. —
Angers, Germain et Grassin, 1906. In-8°, 6 pages.
La plaquette de notre collègue nous fait connaître le
marché passé, le 5 mars 1638, entre les exécuteurs testa-
mentaires d'Hercule de Charnacé, ambassadeur ordinaire de
France en Hollande, et deux architectes angevins, François
Picard et Pierre Biardeau, pour la reconstruction de Fautel
des Carmes d'Angers et le tombeau de M. de Charnacé et
de sa femme Jeanne de Maillé-Brézé. Cet acte, mentionné
déjà par C. Port dans son Dictionnaire (v° Biardeau) nous
intéresse à plus d'un titre et nous apprend que le marbre de
Laval était déjà fort prisé par nos voisins.
E. Laurain.
Cent ans de vie Vitréenne, par Frain de la Gaulayrie.
— Vitré, imp. Gilles, 1907. In-8°, 254 pages.
« Un violent amour pour notre pays, la ferme assurance
que ce sentiment est profondément ancré au cœur de tous
ceux qui le liront, c'est pour commencer ce récit notre
seule excuse, » nous déclare l'auteur au seuil de son nouvel
ouvrage.
L'amour du pays s'y fait sentir à chaque page et vraiment
si notre collègue avait besoin de quelque excuse pour avoir
écrit les Cent ans de çie Vitréenne, il ne pourrait en invo-
quer de meilleure. Mais l'excuse est inutile et personne à
Vitré mieux que lui n'est capable d'entraîner à sa suite plus
de curieux pour la visite, jusque dans les moindres objets,
d'une ville si pleine encore de souvenirs. Son livre a donc
été le bien venu pour ceux à qui il s'adresse particulièrement
et personne, sauf peut-être notre collègue, n'en marquera
d'étonnement.
Ce n'est pas à proprement dire une histoire de Vitré pen-
— 255 —
dant le xv^ siècle, mais une série de causeries familières où
sont racontées, dans une langue qui n'est pas sans charme,
à la manière des auteurs de jadis, des choses très diverses
qui se passèrent à Vitré ou aux environs ou qui intéressent
les seigneurs de l'endroit et les manants du pays : tout cela
émaillé de réflexions piquantes, d'observations ingénieuses,
comme en aurait un quidam, né malin, très observateur et
bonhomme, heureux de montrer à un étranger toutes les
curiosités de la ville qu'il habite. Et c'est ainsi que
M. Frain nous montre comment et par qui fut achevé le
château de Vitré, nous expose les relations du duc Jean V
et des Vitréens, nous fait assister à la déconfiture des
Anglais à la Brossinière, au convoi funèbre de Jeanne de
Laval, madame l'Aînée, aux fêtes, aux travaux des ancêtres,
nous retrace leurs besoins, leurs aspirations, leurs doléances
et leurs plaisirs. Il nous serait difficile de le suivre à travers
ce fourmillement d'hommes et de choses que l'historien eût
dédaignés, mais que Térudit salue avec empressement, inter-
roge avec curiosité ou rappelle avec gratitude pour le plus
grand profit de tous : Vilrt'ens ou Lavallois. Vitré et Laval
eurent en effet au xv*" siècle des relations si fréquentes qu'il
est presque impossible à celui qui s'occupe de l'une d'igno-
rer l'autre et que leur histoire se complète mutuellement.
Les Lavallois (je ne parle que pour eux) doivent donc
savoir gré à M. Frain de son livre.
Quant à l'économiste, qu'il soit du nord ou du midi, il est
sûr de recueillir ample moisson de renseignements dans ces
pages où se profilent tour à tour les silhouettes vivantes de
grands seigneurs, de bourgeois cossus, de marchands
entreprenants et d'artisans habiles. Rien ne vaut, pour lui,
comme les extraits pris dans les papiers de Jean de Gennes
et, pour citer un exemple, comme le récit des fêtes qui célé-
brèrent, en 1501, l'entrée à Vitré de la comtesse de Laval.
Mais de là, comme d'ailleurs, les conclusions qu'il tirera ne
devront pas être très rigoureuses, car nous n'avons aucun
étalon certain pour comparer les choses d'autrefois à celles
d'aujourd'hui. M. Frain remarque qu'il n'était pas facile de
t^nir au xv« siècle une comptabilité commerciale ; mais cela
était encore moins facile qu'il le laisserait croire, car les
monnaies réelles, sonnantes ou de poids, comme l'on disait,
furent loin d'avoir toujours la même valeur intrinsèque.
Pour ne parler que des écus à la couronne, dont l'équivalent
lui échappe, ils valurent 25 sols tournois en 1435-1436, et
27 sols 6 deniers de 1446 à 1456 ; ils étaient montés jusqu'à
— 256 —
35 sols sous Charles VIII et sous Louis XII (ordonnances
des 30 juillet 1487, 24 avril 1488, 1498 et 1511), mais en
1596, leur valeur était presque doublée et montait à 64 sols.
Aussi est-il impossible d'établir d'une façon certaine le pou-
voir libérateur de l'argent, et les évaluations des érudits, si
différentes entre elles, sont déconcertantes : il ne faut donc
les accepter qu'avec réserve ; il y a tant d'éléments divers
dont on doit tenir compte ! C'est là une remarque générale
que j'ai voulu faire à propos du livre de M. Frain, car les
esprits curieux éprouvent naturellement le besoin de pré-
ciser certains renseignements un peu vagues de leur nature
et d'affirmations en affirmations qui se transmettent dun
ouvrage à un autre, on arrive à des erreurs. Ce n'est pas
pour cela qu'écrit M. Frain.
Il me permettra de lui signaler également une faute d'im-
pression que je trouve à la page 108, dans l'inscription qui
nous fait connaître les travaux accomplis à l'église Notre-
Dame de Vitré, sous la direction de Macé Vettier. Ce
trésorier
Fit commencer, U Teille de Saint Jehan,
Les chapelles ainsy que chacun sait
Et pan de mur au costé vers le cloître
Par sages gens qui firent la devise
Mieux qu'ils pouvoient pour cette église croître.
Croître est réclamé par la rime et par la mesure au lieu
de cloîtrée,
E. Laurain.
Histoire de la Maison de Baglion. — Un vol. in-4<' orné
de 46 planches hors texte, 50 francs ; sans les gravures,
20 francs.
Nous annonçons ici avec plaisir l'apparition de cet impor-
tant ouvrage concernant une famille historique. U intéresse
très particulièrement la Mayenne où les Baglioni de
Pérouse vinrent se fixer au xv® siècle et qu'ils n'ont jamais
cessé d'habiter.
Cette histoire est écrite par un des représentants de la
famille qui a consacré à son œuvre des années de travail et
un talent remarquable d'artiste.
VIE DE ROBERT D'ARBRISSEL
Sous le titre général : Die ersten Vanderprediger
Frankreichs, Studien zur Geschichtt der Mônchtums^
M. Joliannes von Walter, professeur de théologie à
Gottingen, a entrepris une série d'études sur les prédi-
cateurs ambulants, dont le premier fascicule, paru il y a
quatre ans *, est tout entier consacré à Robert d'Ar-
brissel. Nous donnons ci-après la traduction de la partie
biographique de cet ouvrage, revue par Tauteur qui a
modifié sur quelques points, minimes d'ailleurs, ses
premières conclusions. Nous avons cru pouvoir laisser
de côté la critique des sources qui comprend à elle seule
la moitié de la brochure (p. 9-94) ; les érudits qui vou-
dront dans Tavenir se renseigner auprès des écrivains
qui nous ont parlé du fondateur de Fontevrault, devront
se reporter à cette étude de critique historique. Il nous
suffit de résumer ici en peu de mots le jugement que
M. J. von Walter porte sur chacun d'eux.
§ I. — Biographies.
A. — « Vie de Robert » par Baudry de DoL
Baudry, évoque de Dol, entreprit d'écrire l'histoire de
Robert à la prière de Pétronille de Chemillé, première
1. Leipzig, Dieterich'sche Verlags- Buchhandlung, Theodor Wei-
cher, 1903. In-8<>, 195 p. — La critique des sources s'étend des
pages 9 à 94 ; la vie de Robert d'Arbrissel va des pages 95 à 180 ;
les pages 181-195 contiennent la lettre de Marbode et la règle de
Fontevrault.
17
— 258 —
abbesse de Fontevrault. II ne possédait pas de documents
écrits sur son héros, mais il Ta connu personnellement
et a écrit d'après ses souvenirs. Sa a Biographie » devrait
donc être un document de premier ordre. Toutefois, il
ne faut pas oublier qu'il Ta rédigée dans sa vieillesse,
que sa mémoire avait des défaillances, qu'il a passé sous
silence mainte circonstance qui nous intéresserait
aujourd'hui et que, enfin, il n'était point exempt d'une
certaine vanité et recherchait la réputation d'un écrivain
brillant. On ne doit donc pas accepter ses dires sans les
vérifier.
B. — « Vie » cT André,
La biographie désignée sous le titre de Vie d'André
n'a pas pour auteur le prêtre de ce nom. On ne sait par
qui elle a été écrite, mais il est certain qu'elle émane
d'un moine de la congrégation de Fontevrault. Cette
Vie, ainsi que celle de Baudry, a dû être rédigée dans
les premières années qui ont suivi la mort de Robert.
Elle a pour but de compléter la Vie de Baudry, et ne
raconte que la dernière année de la carrière de Robert.
Composée d'après les dires de témoins oculaires et
d'après les souvenirs personnels de l'auteur, la Vie
d'André a une grande valeur historique. Si elle contient
sur le dernier voyage de Robert des détails qui ne nous
intéressent plus guère, elle complète sur des points
importants le récit de l'évoque de Dol.
§ II. — Lettres adressées a Robert.
Nous verrons plus loin de quelle façon Robert vivait
au milieu de la foule qui le suivait dans ses pérégrina-
tions. Le peu de soin qu'il prenait pour maintenir l'ordre
parmi ses disciples et les épreuves dangereuses aux-
quelles, par zèle ascétique, il exposait sa vertu et sa
— 259 —
réputation furent souvent une cause d'étonnement et
presque de scandale dans le clergé ; on se vit amené à
lui reprocher ces pratiques de pénitence exagérées et à
lui conseiller plus de prudence. Tel est Tobjetdes lettres
de Marbode, évêque de Rennes, et de Geoffroy de
Vendôme.
A. Lettre de Marbode. — Il y a toute raison d'ad-
mettre que, conformément à la tradition, cette lettre a
bien pour auteur Marbode lui-même et que le personnage
auquel il s'adresse est bien Robert d'Arbrissel. Les
reproches que Tévèque de Rennes adresse au moine
errant sont de diverse nature. Les principaux sont
d'abord la trop grande liberté de Robert dans ses rap-
ports avec les femmes, puis le tort qu'il cause au clergé
séculier en faisant connaître ses vices et en détournant
le peuple de ses pasteurs; enfin, le scandale qu'il a
donné en quittant son couvent et la direction de ses
frères. Puis il le menace de l'excommunication. La date
de cette lettre est incertaine ; toutefois, il est vrai-
semblable de la placer dans les premières années qui
suivirent la fondation de Fontevrault. Elle est pour nous
un document important : elle nous permet en effet de
dire avec certitude que l'influence de Robert d'Ar-
brissel lui vient avant tout de son rôle de prédicateur
errant, et nous montre quelle position prit une partie
des évoques vis-à-vis du mouvement dont il fut le
centre.
B. Lettre de Geoffroy de Vendôme, — La lettre de
Geoffroy de Vendôme n'est pas moins authentique que la
précédente et son but est le même : là aussi, il est ques-
tion des rapports de Robert avec les femmes qu'il dirige :
il ne doit pas, comme c'est sa coutume, se montrer trop
indulgent et familier avec les unes, tandis qu'il traite les
autres avec une sévérité exagérée. Cet écrit, qui est
aussi une source de premier ordre, date, comme la
lettre de Marbode, des premières années de l'établisse-
ment de Fontevrault.
— 260 —
C. Deux lettres d'Yves de Chartres. — Parmi les
lettres d'Yves de Chartres, il s*en trouve deux adressées
à un certain anachorète du nom de Robert. Il y a tout
lieu de croire, sans toutefois qu'on puisse en donner la
preuve matérielle, que ce personnage est bien Robert
d'Ârbrissel. Dans ce cas les lettres dateraient de Tannée
1095. Elles ne fournissent pas de matériaux nouveaux à
rhistorien, mais du moins elles nous livrent des docu-
ments intéressants pour la caractéristique de notre
personnage.
§ III. — Exhortation a Hermengarde de Bretagne.
Nous possédons une exhortation de Robert d'Arbrissel
à Hermengarde, duchesse de Bretagne. Elle date du
début du xii* siècle et est, sans nul doute, authentique.
Cet écrit contient des conseils d'ordre général et d'autres
qui se rapportent à des laits intimes. Il y a donc lieu de
croire, malgré le titre Sermo..., que nous avons entre
les mains, non un discours prononcé en public, mais
une lettre particulière écrite à la duchesse. Toutefois le
ton de cet écrit est le ton d'un sermon, et nous pouvons,
d'après lui, nous faire une idée de la prédication de
Robert. Il a dû être rédigé en 1109 ou 1110.
§ IV. — La Règle de Fontevrault.
La Règle de Fontevrault nous est parvenue en trois
rédactions différentes. Si nous les comparons toutes
trois à l'analyse de la Règle donnée par la Vie d'André,
nous arrivons à cette conclusion qu'aucune des trois
rédactions n'est l'original, mais que la plus simple est
aussi la plus voisine du texte primitif. Cette rédaction
peut être considérée comme un document authentique
pour l'histoire de l'activité de Robert.
r '
— 261 —
§ V. — Chartes, Chroniques, Sources diverses.
Nous possédons de nombreuses chartes relatives aux
débuts de Fontevrault. Plusieurs d'entre elles font
mention de Robert.
Nous en avons quatre de Robert lui-même :
1. Acte par lequel Robert place Fontevrault et tous
les prieurés de cet ordre qui se trouvaient dans le dio-
cèse de Poitiers, sous la protection de Pierre, évêque de
cette ville (19 juin 1109);
2. Acte par lequel Robert se dessaisit en faveur de
Girard de Salles de tous ses droits sur deux endroits de
la forêt de Cadouin, qu'il avait acquis sous son propre
nom pour être remis à Girard (11 juillet 1115) ;
3. Quittance de Robert pour une maison donnée à Fon-
tevrault par un certain Foulques Forellus (1115-1117 ?);
4. Lettre adressée au nom de Robert par Pierre de
Sully à Raoul de Tours (1144).
Un certain nombre de chartes qu'il serait trop long
d'énumérer ici et quelques autres écrits peuvent encore
nous fournir des renseignements sur Robert. On trouve
mention de celui-ci dans la Vie de Bernard de Thiron, dans
le Rouleau de Mort de Vital de Savigny, dans Pierre le
Vénérable et quelques autres. Au sujet de la mort de
Robert nous ne possédons rien de certain, si ce n'est l'acte
dressé le jour de son enterrement par Foulques d'Anjou,
car l'oraison funèbre de Léger de Bourges est apocryphe.
Quant aux chroniques, elles nous disent peu de choses
de Robert. Voici celles qui le mentionnent :
1. Chronique de Guillaume de Newburgh. — 2. Chro-
nique de Guillaume de Malmsbury. — 3. Chronicon
Turonense magnum. — 4. Chronicon S. Albini Ande-
gavensis. — 5. Brève Chronicon S, Florentini Salmu-
rensis, — 6. Chronicon S, Sergii Andegavensis. —
7. Chronicon Malleacense.
J. Cahour,
Bibliothécaire de La^al.
— 262
VIE DE ROBERT D'ARBRISSEL
I
Enfance et jeunesse de Robert
Robert naquit à Arbrissel (aujourd'hui Arbresec,
Ille-et- Vilaine, à 6 kilomètres de Re tiers). Son père
Damaliochus était prêtre et descendait lui-même de
prêtres. Depuis le premier historien de Fontevrault,
Niquet, on s'est vainement efforcé de révoquer ce fait en
doute ou bien on a affirmé que Damaliochus n'était
devenu prêtre que plus tard ; on est allé jusqu'à
omettre dans l'édition de la Vie de Baudry les mots
presbyteri fîlius, ex presbyteris on'undus. La mère de
Robert s'appelait Orguendis ou Oruandis. Le Martyro-
loge de Fontevrault mentionne aussi un frère, du nom
de Fulchodius. Robert nous dit lui-même que, lors de
sa naissance, son père était un vieillard et sa mère une
pauvre femme. Ils demeuraient à Arbrissel, puisque
leur fils est appelé indigène et habitant (indigena et
colonus) de ce village. Leur vie devait être modeste,
mais non des plus pauvres : Robert en effet sur son lit
de mort se reproche d'avoir mangé étant enfant chez sa
mère des mets trop recherchés.
Nous ignorons la date de sa naissance. D. Plaine, se
fondant sur ce fait que le Martyrologe de Fontevrault
l'appelle senex et pie nus dierum, prétend qu'il devait
avoir atteint au moins l'âge de 70 ans et il veut en
déduire l'époque de sa naissance. Ce raisonnement
paraît au moins singulier. Le calcul de Pétigny semble
plus vraisemblable. Partant de ce fait, affirmé par
Baudry, que Robert étudia à Paris sous Grégoire VII et
— 263 —
considérant d'ailleurs que Tàge des étudiants oscille
entre quinze et vingt-cinq ans, il place la naissance de
notre personnage entre 1055 et 1060 et donne la préfé-
rence à cette dernière date. Mais tout cela ne repose que
sur des hypothèses et ne peut prétendre qu'à une pro-
babilité relative. L'oraison funèbre de Léger fournit une
indication plus précise : « Robert, y est-il dit, a vogué
pendant soixante-dix ans en prudent marin sur la mer
du monde ». Donc Robert, mort comme nous le verrons
plus loin en 1117, serait né en 1047. Mais l'oraison
funèbre de Léger n'est qu'un document falsifié sans
aucune valeur. Une seule chose est bien établie : c'est
que Robert a vu le jour au milieu du xi* siècle.
De sa jeunesse nous savons peu de chose. A-t-il eu,
comme Pétigny l'affirme, pour premier maître son père,
qui devait avoir, en tant que prêtre, une certaine cul-
ture ? C'est possible, bien que ce ne soit pas rigoureuse-
ment prouvé. Jeune homme, il se distinguait par une
infatigable ardeur voyageuse et par une grande curio-
sité scientifique. Il parcourut les provinces pour satis-
faire sa soif d'apprendre, jusqu'au jour où, sous le
pontificat de Grégoire VII, il eût trouvé à Paris la ville
d'études qui répondait à ses désirs. Là enseignait alor^
Anselme de Laon, le disciple d'Anselme de Cantorbery.
C'est lui sans doute qui dirigea les études 'théologiques
de Robert.
On doit d'ailleurs reconnaître que ce dernier ne tient
aucune place dans l'histoire du dogme. Il n'a exposé à
ses contemporains aucune doctrine nouvelle. Qu'on ne
s'étonne donc pas si nos sources, qui donnent une idée
si exacte de ses opinions morales et religieuses, sont
muettes sur sa théologie.
Il est pourtant bien certain qu'il a possédé une cul-
ture théologique relativement étendue. Il déclare lui-
même sur son lit de mort que le Seigneur lui a fait la
grâce d'acquérir la science des choses divines, et d'ail-
leurs son Exhortation à Hermengarde montre bien
\
\
— 264 —
qu'il la possédait. Sa connaissance de TEcriture Sainte
s'y manifeste par une foule de citations. Il cite deux fois
saint Augustin.
C'est sans doute pendant son séjour à Paris qu'il fut
ordonné prêtre, car à Rennes, où il fut appelé dans la
suite, il fut nommé archiprétre.
Robert, nous dit Baudry, était dès sa jeunesse un
homme d'une grande pureté de mœurs. L'historien
ajoute qu'on fondait déjà sur lui de grandes espérances.
Mais est-ce bien la vérité ? On peut en douter car
Baudry, racontant ailleurs la vie d'un autre saint, dit
exactement la même chose et presque dans les mêmes
termes. Un passage de Marbode prouve au contraire que
ses premières années ne furent pas sans tache. Bien
plus, cet homme qui combattit si énergiquement la
simonie, s'en est lui-même rendu coupable lors de
Télection d'un évêque de Rennes. En tout cas, il est cer-
tain qu'il sut attirer sur lui l'attention de ses compa-
triotes et qu'on fut amené à le rappeler dans son pays.
II
Robert a Rennes et a Angers
Sylvestre de la Guerche, évêque de Rennes, plaça
Robert près de lui. Sylvestre était un homme de guerre
de famille noble. Dans une campagne contre l'Anjou en
1066, Gonan II de Bretagne avait assiégé sa résidence
de Pouancé et s'en était emparé. En 1076, Sylvestre fut
nommé évêque de Rennes sans avoir été auparavant
ordonné clerc. Gette circonstance, ainsi qu'un duel qu'il
avait eu avant son entrée en fonctions, détermina le
légat de Grégoire VII, Hugues de Die, à le frapper con-
formément aux lois canoniques ; mais, grâce aux
prières de ses amis et aussi dans la pensée que le
nouvel évêque pourrait être de quelque utilité à son
diocèse, il se borna à le suspendre. Si le rude guerrier
{
— 265 —
n'était pas très cultivé, le bien de son diocèse lui tenait
à cœur. Il espérait en attirant à lui des gens instruits,
qui étaient rares dans la sauvage Bretagne, relever le
niveau intellectuel et moral de son diocèse. On lui
recommanda Robert. C'était, lui dit-on, un de ses diocé-
sains, homme éminent par sa science et ses mœurs et
d'une robuste santé. L'évéque se rendit en personne à
Paris, exposa à Robert dans quelle situation difficile se
trouvait son diocèse, sous la direction du demi-laïc
qu'il était et le pria d'être son conseiller et son porte-
parole dans les affaires de TEglise. Tel est du moins
le récit de Baudry. Toutefois on a l'impression que cette
version, exacte dans ses grandes lignes, a été embellie
en faveur de Robert. Il est peu vraisemblable en effet
que Tévéque ait donné tout de suite une telle autorité à
un prêtre qu'il ne connaissait pas. C'est plutôt peu à peu,
pendant son séjour à Rennes, que Robert s'est acquis ce
poste de confiance.
Robert n'était pas homme à négliger les devoirs d'une
charge qu'il avait acceptée. Il mit dès le début toute son
ardeur à l'accomplissement de ses nouvelles fonctions et
se montra partisan zélé de la réforme grégorienne. Il
combattit l'investiture des laïcs, le mariage des prêtres,
la simonie : il s'éleva contre les unions illégitimes des
laïcs et s'efforça d'apaiser les conflits. Il occupait à
Rennes le poste d'archiprêtre. Mais son zèle pour la
réforme lui attira l'inimitié des clercs du diocèse. Cette
amère expérience explique le jugement pessimiste qu'il
porte sur le clergé de Bretagne encore dans son Exhor-
tation à Hermengarde, Il parait d'ailleurs avoir com-
plètement dominé l'évêque.
Mais il ne resta que quatre ans près de lui : Sylvestre
en effet, selon le Chronicon Britannicum *, mourut en
1093, et la haine du clergé força Robert à s'éloigner. Il
alla à Angers et s'y consacra sans doute à des études
1. Édit. Morice, t. I, p. 103.
— 266 —
scientifiques à Técole de la cathédrale qui ilorissait
sous la direction de Marbode. Mais ces travaux ne Tem-
péchaient pas de se livrer à des exercices de piété. Sa
tendance à Fascétisme se faisait jour. Il veillait et jeû-
nait, portait un cilice pour mortifier sa chair et passait
son temps à lire et à méditer. Sa piété était sincère : il
dissimulait en effet son cilice sous d'autres vêtements.
Nous ne savons par ailleurs presque rien de son séjour
à Angers. C'est à la même époque, semble-t-il, ou un
peu plus tard, qu'il se rendit coupable de simonie. Le
passage de la Vie d'André * relatif à l'aveu que fait
Robert de cette faute est très général et laisse champ
libre à l'hypothèse, car l'expression dum esset sœcularis
a peut-être été ajoutée par André en manière d'excuse.
Robert a assisté à l'ordination de deux évêques de
Rennes : celle de Sylvestre de la Guerche (1076) et celle
de Marbode (1096). A laquelle des deux se rapporte
l'aveu de Robert ? Il est difficile de le savoir. Lors de
l'élection de Marbode il était déjà, du moins d'après
Baudry, en opposition déclarée avec les simoniaques.
S'il l'avait été lui-même, ses actes eussent été en con-
tradiction par trop flagrante avec ses principes. Mais
d'autre part. Sylvestre ne l'a connu, selon Baudry, que
quatre ans avant de mourir. Robert n'a donc guère pu
participer à son élection. Eu outre, dans les dernières
années de Sylvestre, il a tenu à Rennes une place très
importante qui put lui permettre de jouer un rôle décisif
dans l'élection de son successeur. Les arguments en
faveur de cette dernière hypothèse me semblent les plus
probants : Robert a failli à son devoir lors de l'élection
de Marbode. Mais de quelle nature fut sa faute? S'est-il
laissé corrompre ? a-t-il voulu corrompre quelqu'un ?
A-t-il enfin convoité pour lui-même le siège épiscopal ?
Nous ne le savons pas. En tous cas il est certain que,
1. Voici le texte du passage : « Dum adhuc esset saecularis, in
« ordinationc cujusdam Khedonensis episcopi in venenum simonias
« semel incident. »
— 267 —
malgré sa faute, il inaugura dès son séjour à Angers la
vie ascétique qu'il devait mener jusqu'à sa mort.
III
Les Ermites de la forêt de Graon
Après deux ans au moins de séjour à Angers, par
conséquent vers 1095, Robert, renonçant au monde, se
retira dans la solitude. Qu'est-ce qui Vy détermina ?
Nous rignorons, car Baudry dit seulement : « Dies
« affuit, quo ad eremum diu concupitam convolavit ». Il
n'indique pas non plus le lieu de retraite choisi par
Robert : nous savons seulement que c'était une forêt.
Toutefois la fondation de Tabbaye de La Roë en 1096,
dont les premiers habitants furent les disciples de
Robert, justifie suffisamment Topinion commune qui
donne pour séjour à notre ermite la forêt de Craon
(Mayenne). Il s'y adonna complètement aux pratiques
ascétiques : veiller, jeûner, prier, coucher sur la terre
nue, porter des vêtements grossiers, se raser sans eau,
telles sont les mortifications qu'il s'imposait. Il prenait
au sérieux la vie d'ascète. Nous en avons un témoi-
gnage dans les deux lettres d'Yves de Chartres (n°' 34
et 37), qui, si elles sont réellement adressées à Robert,
doivent être placées à cette époque. Selon son habitude,
Yves l'exhorte paternellement à ne pas commencer par
le plus difficile, c'est-à-dire par la vie d'anachorète, mais
à faire d'abord son apprentissage de la vie spirituelle
dans un cloître. On sent que l'évêque rend pleine jus-
tice aux efforts de Robert et l'avertit seulement des
dangers qu'offre la vie érémi tique. Il lui écrit : « Sic
« enim decens est, ut ab imis inchoans ad summa pro-
« veharis, non ut a summis incipiens ad imadilabaris ».
C'est tout à fait la même exhortation que Marbode lui
donnait : « Nam sicut ad ima non est recidendum, sic
« nec a summis incipiendum ratio decet ». Robert était
— 268 —
une nature généreuse : le mesquin et le banal ne le
satisfaisaient pas. Il cherchait toujours à atteindre le
but le plus élevé, à se rapprocher de l'idéal.
Nous ne rendrions pas pleine justice à Robert si nous
nous bornions à ces renseignements sur lui. Il ne cher-
chait pas à accomplir des tours de force d'ascétisme : la
pénitence était pour lui un moyen et non un but. Baudry
nous dit que ses mortifications corporelles étaient peu
de chose à côté des combats qui se livraient en lui. Ce
passage, dans lequel nous sommes tentés de ne voir, à
cause de Pemphase, qu'une simple déclamation, le
caractérise pourtant bien. Il voulait arriver à la vraie
piété intérieure. Le jugement qu'il porte sur l'ascétisme
dans son Exhortation à Hermengarde le prouve assez ^
On croit entendre un prédicateur pénétré de l'esprit de
l'Evangile et non le premier ascète de son temps.
Un homme qui unit la piété intérieure à une puissante
personnalité exerce toujours une grande influence sur
son entourage. Robert possédait en outre une éloquence
captivante : « Redolebat in eo quodammodo odor divinse
(( facundise, nam rarus erat similis eloquentife ». Telles
sont les paroles de Baudry.
C'est ainsi qu'il groupa autour de lui une troupe de
disciples. Au début il n'avait qu'un seul prêtre près de
lui. Néanmoins une foule de personnes se mettaient en
route pour l'entendre : les uns retournaient chez eux
édifiés par ses paroles : d'autres, captivés par sa per-
sonnalité, restaient avec lui. Il se forma alors une véri-
table colonie d'ermites. Là, se trouvèrent réunis des
1. « Discretionem tene in omnibus, in abstinentia, in jejuniis, in
« vigiliis, in orationibus. Utere cibo, et potu, et somno, tantum ut
« possis sufferre laborem propter utilitatem aliorum, non propter
« te. Non dico, ut nutrias carnem tuam, quia qui nutrit camem
a nutrit hostem. Sed dico, ne intemperanter occidas carnem, quia
« qui occidit carnem, occidit civem. Non est seductus primus per
« delectabiles cibos, sed per fructum arboris. Esau per esum lenti-
« culœ perdidit primogenita, non per esum gallinœ. Helias comedit
« carnem et raptus est in cœlum. Christus comedit piscem et bibit
« vinum. Esca et potus non est regnum Dei, sed gratia et pax. »
— 269 —
hommes dont quelques-uns ont joué un grand rôle. Nous
ne connaissons parmi eux que les suivants : Bernard de
Thiron, Vital de Savigny, Raoul de la Futaie, Hervé de
la Sainte-Trinité, le prêtre Quintinus, un autre Hervé
et un ermite appelé Pierre ^ Raoul est désigné par le
biographe de Bernard comme un des chefs de la colonie
à côté de Bernard lui-même, de Vital et de Robert. Il
avait été moine de Saint-Jouin de Marnes, puis il se joi-
gnit dans la suite à Robert et fonda près de Rennes,
sur le terrain appelé Nid-de Merle, le couvent de femmes
de Saint-Sulpice. Il lui donna l'organisation de Fonte-
vrault. Il mourut le 16 août 1129.
Hervé de la Sainte-Trinité, ainsi nommé de Tabbaye
de ce nom, où il avait été moine, à Vendôme, vivait en
un lieu appelé Calonna ^, à six lieues d'Angers, avec une
recluse du nom d'Eva. Geoffroi de Vendôme lui adressa
trois lettres : la première est un écrit d'édification, les
deux autres parlent des disciples de Hervé que celui-ci
avait envoyés au couvent de Vendôme près de Geoffroi.
Deux chartes de l'abbaye de la Roë nous apprennent
qu'il a été avec Robert. D'après l'une, il se trouve à
Angers en 1107 pour faire uiï versement à l'abbaye de
Saint-Maurice : d'après l'autre, tous deux sont présents
lors de la reconnaissance de l'abbaye par le pape.
Les deux documents mentionnent encore, outre Robert
et Hervé, le prêtre Quintinus, sans doute le second abbé
de la Roê, dont l'entrée en fonction est postérieure à
1102. Il est aussi nommé à côté de Robert dans l'acte de
donation de Zacharie. L'acte de reconnaissance de
la Roê mentionne de plus un second Hervé : c'est sans
doute le même que le troisième abbé de la Roë. Quant
à l'ermite Pierre, c'est le même qui reçut chez lui l'ermite
Bernard de Thiron.
1. Sur Bernard de Thiron et Vital de Savigny on pourra con-
sulter du même auteur : Die Wanderprediger Frankreichs, neue
Folge, 1906.
2. Chalonnes-sur-Loire.
— 270 —
Tels sont les hommes dont on peut affirmer arec cer-
titude qu'ils ont vécu dans Termitage de la forêt de
Craon. Nous connaissons en outre un certain nombre de
compagnons de Robert, sans pouvoir dire toutefois
exactement quand ils se sont joints à lui. Le plus impor-
tant est sans conteste Girard de Salles. Nous possédons
une pièce par laquelle Robert renonce à tout droit sur le
terrain de Cadouin, concédé nominalement à lui, mais
en réalité à Girard. 11 nomme ce dernier : « Socius
« meus, inter necessarios amicissimus. »
Un autre disciple de Robert, qui plus tard se sépara
de son maître, fut Roger qui bâtit la cellule de Font-
Douce et la céda plus tard à un autre ermite. Dans
Tacte relatif au traité entre les moines de Redon et Mar-
moutiers, Robert est nommé en compagnie d'un ermite
appelé Grapbio.
Lobineau cite encore comme disciple de Robert un autre
ermite de la forêt de Fougères, Engelger. Les deux
lettres adressées par lui à Marbode prouvent au moins
qu'il n'a pas été étranger au mouvement provoqué par
Robert. La suscription de la dernière le désigne sous
le nom d'ermite : on lui reproche de détourner les laies
des sacrements conférés par des prêtres indignes et on
l'exhorte à l'indulgence à l'égard de ces derniers. S'il veut
prendre de nouvelles mesures, lui dit-on, il faut qu'il suive
la voie hiérarchique. Si on compare ces paroles avec ce
que Marbode dit à Robert du toii; qu'il fait aux prêtres,
on reconnaît l'identité des tendances des deux hommes.
Au bord de l'Oudon, affluent de droite de la Mayenne,
le moine Salomon édifia le couvent de femmes de Nioi-
seau. D'après l'acte se rapportant à ce fait, il aurait
fondé plusieurs communautés de religieuses. Celle dont
nous parlons fut établie dans un lieu désert. C'était aussi
comme nous le verrons, l'habitude de Robert. Ce fait,
ainsi que la situation du couvent dans les environs de
Craon, prouve que Lobineau a raison de penser que ce
Salomon a été aussi avec Robert.
— 271 —
On voit que beaucoup d'hommes, dont quelques uns
sont des personnages importants, s'étaient groupés
autour de Robert. L'influence de celui-ci sur son entou-
rage a donc été profonde et durable. Les ermites de la
forêt ont toujours été en rapport et en étroite communi-
cation intellectuelle les uns avec les autres. On se réu-
nissait pour s'entretenir de l'état de TÉglise et des inté-
rêts des âmes.
Le rouleau de mort de Vital de Savigny nous apprend
que, à Dompierre où il habitait, Robert, Bernard et
d'autres encore se réunissaient pour s'entretenir de ces
questions. Il y avait même sans doute parmi eux une
sorte d'organisation. Ils avaient des chefs, « principes »
ou « magistri ». C'étaient notamment Robert, Vital,
Bernard et Raoul. Ils avaient des assemblées : on y
discutait des questions d'intérêt commun, par exemple
l'admission de nouveaux membres. C'est ainsi que Vital
convoque ses confrères, et dans cette réunion on reçoit
Bernard. En même temps on décide que ce dernier par-
courra la forêt sous la conduite de quelques anacho-
rètes, pour chercher un lieu convenable où il puisse
s'établir.
L'occupation des ermites était le travail manuel,
l'agriculture et le jardinage. L'ermite Pierre chez qui
Bernard se décide à demeurer ne connaît rien à l'agri-
culture : il gagne donc sa vie à tourner du bois. La
nourriture des ermites était extrêmement frugale. Le
seul repas du jour pris après les vêpres se composait de
fruits sauvages et d'herbes. Les jours de fête on ajoutait
un peu de sel. Le récit de l'arrivée de Bernard dans
l'ermitage de Pierre est une véritable idylle : Pierre est
si joyeux de voir le nouveau venu s'établir près de lui
qu'il l'invite, ainsi que les ermites qui l'ont amené, à
prendre un repas avec lui. Mais dans sa cellule il ne
trouve pas même assez de nourriture pour lui seul. Il prend
donc ses paniers et va chercher dans la forêt des noi-
settes et d'autres fruits. Il découvre par hasard dans un
— 272 —
arbre creux une ruche pleine de miel, et rapporte son
butin à l'ermitage ; « essetque opulentum convivium, nisi
« panis deesset, dignior pars epularum », ajoute le
biographe de Bernard. Non moins primitives que les mets
sont les habitations. Pierre s'était construit dans les
ruines d'une église une hutte en écorce. La tempête en
détruisit la meilleure partie. Pour protéger le reste, il
l'avait attaché, avec des cordes faites de tiges de plantes,
aux branches d'un chêne qui la dominait.
On voit que la vie des ermites était vraiment ascé-
tique. Nous savons comment Robeii; faisait pénitence :
on nous rapporte la même chose de Bernard et de Vital.
Les plus notables ermites avaient des disciples :
Geoffroi de Vendôme prie Hervé de la Sainte-Trinité
de lui envoyer des clercs capables ; une autre fois il lui
affirme, pour le rassurer, que les clercs envoyés par lui
à Vendôme ne font pas du tout, comme on le prétend, le
déshonneur du couvent. Ces textes prouvent que Hervé
a eu des disciples et qu'il les envoyait à Vendôme,
n'ayant pas lui-même fondé de communauté. Les disci-
ples de Vital le prient de fonder un couvent où ils seront
sous sa direction. Bernard de Thiron devient le disciple
de l'ermite Pierre : il apprend de lui à tourner, et doit
s'occuper de la cuisine. De même près de Robert s'étaient
rassemblés des clercs en grand nombre. Â leur demande
il en forma une communauté de chanoines réguliers. Ils
se construisirent une habitation commune et vécurent
sous la direction de Robert. Telle est d'après Baudry
l'origine des chanoines Augustins de la Roê. Le terrain
fut donné par Renaud de Craon. L'acte de cession fut
fait à Angers chez l'évêque Geoffroi le 11 février 1096,
et signé de plusieurs prélats présents. On peut penser
que Robert a choisi la règle des chanoines pour pouvoir
se livrer à la prédication.
A cette époque le pape Urbain était à Angers où il
prêchait la croisade : le 10 février, il avait consacré
l'église Saint-Nicolas. 11 put donc confirmer l'acte le
— 273 —
lendemain de la signature, c'est-à-dire le 12. Cette con-
firmation eut lieu en présence de Robert et de cinq autres
frères du couvent. Le 25 mai de Tannée suivante,- Geof-
froi d'Angers consacra un autel et un cimetière à la Roë,
et Robert, se rendant à Angers avec Hervé etQuintinus,
déclara au chapitre de Saint-Maurice qu'il donnerait trois
solidi du revenu annuel de son abbaye. Il est enfin pro-
bable que c'est de cette époque, où Robert nous apparaît
toujours accompagné de Quintinus, que date Tacte par
lequel Zacharie donna à Tabbé de Saint- Aubin d'Angers
l'église de la Celle-Guerchoise. En cette circonstance
Robert et Quintinus servent encore de témoins.
Nous ne trouvons plus le nom de Robert dans les
documents de la Roë datés d'une époque postérieure. Il
n'a dirigé que peu de temps la communauté : un champ
d'activité plus vaste s'ouvrait à lui : le pape l'avait appelé
à être prédicateur errant.
IV
Robert prédicateur errant
C'est un fait constant dans l'histoire que l'on ne juge
les hommes du passé que par ce qui subsiste de leur
œuvre. Robert n'est généralement connu que comme
fondateur de l'ordre de Fontevrault. C'est assurément
un point de vue trop restreint, car ce qui fait avant tout
l'importance de notre personnage, c'est son rôle comme
prédicateur errant. Il ne faut pas s'étonner si ce côté de
son activité est resté dans l'ombre; le prédicateur s'efforce
d'agir sur ses contemporains et non sur la postérité. Et
toutefois l'historien doit rechercher quelle place a tenue
son héros au milieu des hommes de son temps.
Ce ne fut pas seulement la confirmation solennelle de
la donation laite par Renaud de Craon qui appela Robert
à Angers en février 1096 : le pape aussi avait entendu
parler de son talent comme prédicateur et voulait le con-
18
— 274 —
naître. En présence de la foule immense accourue pour
la dédicace de Saint-Nicolas, il lui ordonne de prêcher à
sa manière ordinaire. Le sermon impressionne virement
le pontife : il confie au prédicateur la fonction de prédi-
cateur errant. Conformément à la coutume de TEglise,
Robert refuse, et le Pape le nomme second seminiverbus
de Dieu après lui-même.
Ce mot qu'on écrit aussi Seminwerbius est une tra-
duction du grec omepiioAGyoç : mais les gens pieux du
moyen âge le considéraient comme une qualification
honorifique : on le donnait souvent aux prédicateurs
célèbres. Ce terme ne désigne donc pas une fonction :
c'est seulement un titre d'honneur K
En sa nouvelle qualité de prédicateur, Robert com-
mence à parcourir les diocèses voisins, et ses discours
lui valent bientôt une foule de disciples. Tout d'abord
il les installe à son abbaye de la Roë. Mais de cette
façon le nombre des moines dépasse vite celui que
l'Eglise avait fixé et les frères protestent. Pourtant
Robert ne veut en chasser aucun. Ses devoirs d'abbé ne
sont pas conciliables avec ceux de prédicateur errant :
il se décide donc à renoncer à sa charge. En présence de
Tévêque Geoffroy II d'Angers, sa résolution est exa-
minée : l'évéque l'approuve et les chanoines lui rendent
sa liberté. Cet événement se place dans les dernières
années du xi* siècle. En 1097 en effet, Robert était encore
abbé, et en 1100 ou au début de 1101 fut fondée l'abbaye
de Fontevrault. Son successeur à la Roë fut son com-
pagnon, le prêtre Quintinus, qui toutefois ne fut sacré
qu'en 1102. C'est donc d'une façon tout-à-fait régulière
que Robert a résigné ses fonctions, et Marbode avait tort
1. C*est ainsi que Baudry nous raconte les débuts de Robert
dans la prédication. Mais on peut douter que le pape ait pris
l'initiative d'en faire un prédicateur. Il est plus vraisemblable que
Robert ait demandé au pontife la permission de prêcher et que
celui-ci la lui ait accordée après s'ctre assuré de son talent d'ora-
teur. Si Urbain II eût joué ici le rôle que lui prête Baudry, Robert
n'eût pas été le seul prédicateur qu'il eût nommé de cette façon.
— 275 —
de le menacer pour ce motif des censures ecclésias-
tiques.
Dès lors Robert ne voulut plus se fixer en aucun lieu :
libre de tout lien, il put vaquer sans contrainte à ses
devoirs de prédicateur. De quelle nature était donc sa
prédication et comment prêchait-il ? Il faut tout d'abord
dissiper un malentendu. On prétend souvent que le pape
appela Robert pour prêcher la Croisade. Les sources ne
nous apprennent rien sur ce point. Assurément il ne faut
pas rejeter de prime abord cette hypothèse. Urbain, qui
vint lui-même à Angers pour prêcher la Croisade, peut
très bien avoir chargé Robert de Tannoncer aussi. Mais
réfléchissons que Baudry , son biographe, a écrit en outre
une histoire de la Croisade : ne serait-il pas étrange
qu'il ait oublié Robert, si celui-ci avait joué un rôle
important dans ces événements ? L'hypothèse en ques-
tion n'est donc plus vraisemblable, du moins si nous
nous en tenons aux sources.
Quels étaient donc les thèmes de ses discours ? L'au-
teur de la Vie d'André caractérise ainsi sa prédication :
« Tantam namque priedicationis sanctœ gratiam ei
« donaverat ut cum communem sermocinationem populo
îc faceret unusquisque quod sibi conveniat acciperet. »
Ces paroles sont un témoignage du caractère édifiant de
ses sermons, mais ne nous disent pas quel en était le
sujet. Baudry est encore plus précis lorsqu'il dit :
« Sermo ejus non poterat esse non eflicax quia, ut ita
« dixerim, omnibus omnia erat : pœnitentibus lenis,
« austerus vitiosis, lugentibus blandus et facilis, virga
« irreverentium, baculus senum et vacillantium ». Mais
il a aussi d'autres passages qui nous fournissent tous
les renseignements désirables. Robert prêchait la péni-
tence : cela se déduit clairement des paroles suivantes :
« In sermocinando contra peccatores videbatur invecti-
« vus, peccati vero desertores affectu paterno consola-
« batur ». Il ressort la même chose des paroles de
Pierre de Poitiers : « In nostro tempore quidam vir
— 276 —
« apostolicus nomine Robertus de Herbressello, verbo
« divinâe praBdicationis sagaciter invigilans et tonitruo
« sanctœ exhoriationis plures tam viros quam mulieres
« a sœculari luxu revocans ». Robert se montre pessi-
miste dans ses jugements sur Tétat moral et social de
son temps. Son Exhortation à llermengarde est pleine
de citations bibliques qui opposent les maximes des
vrais fidèles à celles du monde et déplorent les maux du
siècle. « Intelligentibus Deum... vita pra^sens miseria
« est. Omnis caro fenum, omnis gloria ejus flos feni.
« Quibuslibet pretiosis vestibus caro induatur, caro sem-
« per erit caro. Scriptum est : Yanitas vanitatum et
« omnia vanitas. Et quidquid sub sole est, vanitas est et
« adlictio spiritus ».
C'est le ton ordinaire de sa prédication. On ne sau-
rait s'en étonner si Ton songe à la façon dont il apprécie
ses contemporains : « Les clercs sont tous, dit-il, du
petit au grand, des simoniaques ; les princes sont
injustes, adultères, brigands ; les peuples ignorent la
loi de Dieu. La terre est inondée de mensonge, d'adul-
tère et de meurtre : mais Dieu dans sa colère a livré son
peuple à l'esprit malin ».
C'est contre les clercs que Robert s'est élevé avec \e
plus d'âpreté. Marbode se plaint amèrement de ce qu'il
découvre sans pitié au peuple les péchés des ecclésias-
tiques, des plus élevés aussi bien que des moindres, et
cela aussi bien en leur présence qu'en leur absence.
« Ces attaques, ajoute l'évéque, ne servent à rien, qu'à
aigrir ceux qui en sont l'objet, loin de les corriger ; le
peuple d'ailleurs s'autorise des faiblesses des dignitaires
de l'Eglise pour excuser les siennes. Puis il tire des
leçons de Robert des conséquences pratiques : beaucoup
de prêtres ont été abandonnés par leurs ouailles :
celles-ci se sont attachées au moine errant et à ses dis-
ciples et lui rendent les honneurs (ju'elles ne doivent
qu'à leurs propres pasteurs. Tous ces prêtres se sont
plaints que Robert les ait condamnés dans sa prédica-
— 277 —
tion et leur ait causé un préjudice à la fois matériel et
moral ». Les motifs qui poussaient Robert à en agir
ainsi, auraient été, d'après Marbode, bien mesquins et
bien bas. « Il veut, dit Tévêque, rabaisser le clergé
pour s'élever soi-même aux yeux du peuple. Beaucoup
de gens ont interprété sa conduite de cette façon, cela
trahit en lui le vieil homme : c'est diabolique, digne
d'un homme attaché aux vanités du monde pour ne pas
dire d'un animal, et ne convient pas à un ascète, à un
prédicateur errant. Il peut bien nier qu'il ait eu ces
mauvaises intentions, mais les funestes effets de sa pré-
dication sont indéniables ». Ces paroles trahissent une
haine contenue. Qu'on ne s'étonne donc pas si Marbode
a cherché une occasion de censurer Robert, s'il a cru la
trouver dans son départ, pourtant parfaitement régu-
lier, de la Roë, et l'ait menacé des peines canoniques.
On voit combien était grand l'antagonisme.
Marbode n'est pas le seul évéque qui se posa en
adversaire de Robert. Rainaud d'Angers, d'après la
lettre de Roscelin à Abélard, lui a demandé de renvoyer
à leurs maris toutes les femmes qui le suivaient :
Robert n'a jamais voulu y consentir.
Toutefois cet antagonisme de Rainaud et de Robert
n'a jamais abouti à une haine irréconciliable. Rainaud,
en «ffet, assistera à l'enterrement de Robert. Nous
voyons aussi Geoffroi, abbé de Vendôme, élever ses
griefs contre Robert.
Cette lutte avec le haut clergé fait apparaître sous un
jour tout nouveau le mouvement dont notre héros fut le
centre. Robert est l'homme du peuple qui, si besoin
est, sait tenir tête aux supérieurs ecclésiastiques. Il ne
faut donc accepter que sous réserves l'aiRrmation de
Baudry : « Erat acceptus episcopis et clericis ». Mais il
ne faut pas non plus exagérer. Robert n'a jamais songé
à une révolution contre l'ordre ecclésiastique : c'est
ainsi qu'il exhorte Hermengarde, désirant se séparer
d'avec son mari, à se conformer entièrement aux déci-
— 278 —
sions de TÉglise ; elle a voulu renoncer au monde, mais
elle ne peut d'après la loi vivre séparée de son époux ;
qu'elle fasse donc la volonté de Dieu et non la sienne.
Il y a eu aussi dans Tépiscopat des hommes qui
prirent nettement parti pour Robert. Baudry était de
ceux-là. Sa biographie le prouve. Nous verrons au para-
graphe suivant combien les succès de Robert et la pros-
périté de Fontevrault tinrent au cœur de Pierre de
Poitiers. Les évêques de Périgueux et de Toulouse s'in-
téressèrent à la création dans leurs diocèses de couvents
de femmes de la congrégation de Fontevrault. Il en est
de même de Léger de Bourges, qui fut sans doute lié
intimement avec Robert. Nous voyons par là comment
il faut se représenter la rivalité de Robert et du clergé ;
ce n'a pas été une inimitié générale : Robert a été tenu
en haute estime par beaucoup de dignitaires ecclésias-
tiques.
Robert, dans sa prédication, se montrait donc bien
fidèle à ses idées pessimistes sur ses contemporains et
en particulier sur les clercs. Mais quel était le contenu
positif de cette prédication ? Nous avons plus haut
dépeint Robert comme un homme d'une vraie piété inté-
rieure, et c'est bien l'opinion que se faisaient de lui ses
contemporains. Baudry nous dit : « Hypocrisim a se
« funditus extirpebat ». Comme prédicateur, il nous
apparaît sous un jour semblable. Ce qu'il demande à ses
auditeurs, c'est d'avoir la piété intérieure.
U Exhortation à Hermengarde est en ce sens carac-
téristique. « Qu'elle soit à la ville, au palais, couchée
sur son lit d'ivoire, ou vêtue d'habits précieux, qu'elle
paraisse à l'armée, qu'elle siège au tribunal ou soit
assise au festin, partout la duchesse doit avoir Dieu en
son cœur. Mais Dieu sera en elle si elle a la charité ».
Robert cite dans ce sens les paroles de saint Augustin :
« Dilige et fac quodcumque vis » .
Autant il insiste sur la piété intérieure, autant il met
ses auditeurs en garde contre l'hypocrisie : « Tu vero,
— 279 —
a remota omni vanitate et simulatione, veritatem tene )>,
dit-il à Hermengarde. L'hypocrisie d'une vertu est pire
que le vice opposé. Cette idée est développée aussi dans
les six antithèses du début de l'exhortation : c'est donc
dans ce sens que Robert interprète l'idée aristotélique
que la vertu tient le milieu entre deux vices. Com-
mentant le sermon sur la montagne, il parle de l'hypo-
crisie dans Taumône, dans le jeûne et dans la prière.
Parlant de la prière, il s'exprime d'une façon tout évan-
gélique : « N'imitez pas, dit-il, les clercs, les moines et
les ermites qui souvent font de longues prières pour
paraître saints aux yeux du monde. Il faut prier en peu
de mots. La prière du cœur plaît à Dieu, non celle des
lèvres. Nous pouvons toujours prier avec le cœur, sinon
avec la bouche ». Mais comment arriver à réaliser cet
idéal de piété ? Robert répond à cette question comme
Tont fait tous ses contemporains : il faut renoncer au
monde. Il insiste surtout sur Tidée de la pauvreté com-
plète. Il a appelé ses disciples « pauperes Christi » et le
but qu'il propose à chacun est de a suivre nu Je Christ
nu sur la Croix, — nudus nudum Christum in cruce
a sequi ». Avant Norbert de Xanten, Robert a imité la
vie pauvre et instable de Jésus et prêché la pénitence.
En ce qui le concerne lui-même, il met sérieusement en
pratique les conseils qu'il donne.
Baudry oppose en termes énergiques la vie pauvre
de Robert à celle des riches prélats de son temps :
« Gontemporanei nostri, nos quoque pontifîces et abba-
« tes, clerici et sacerdotes in labores alienos introivimus
« et de eorum, quam pertulerunt, penuria impignati
« sumus et forsitan parum profecimus et, quod perti-
« mescendum est, fortassis ad imperium nostrum dic-
<( tum est : « Prodiit quasi ex adipe iniquitas eorum ».
« Robertus iste, iste inquam Robertus, omnimodo pro
« Christo pauperatus, exula patria et a propriis cogna-
« tionibus, turbis quibus prœdicaverat circumseptus, ne
« illis déesse videretur, in Fontevraldensi solitudine
— 280 —
« sine cujusiibet reditus pecunia multas pauperibus
« mansiones œdificavit propter Christum ».
Cela montre en même temps que Robert voulait inspi-
rer à ses disciples Tamour de cette même pauvreté :
« Iste rêvera pauperibus evangelizavit, pauperes voca-
« vit, pauperes collegit ». Telles sont les paroles par
lesquelles Baudry caractérise sa propagande. Envers
ces pauvres, dit-il, Hermengarde doit surtout se mon-
trer bienfaisante.
Mais ceux qui renoncent aux biens terrestres ne sont
pas les seuls vrais pauvres. Hermengarde elle-même,
au milieu de ses richesses, doit se livrer à la pratique de
la pauvreté volontaire : « Inter dignitates et honores,
« inter divitias et sericos pannos, inter virum et pueros
« dilectos et parentes divites, suspirans cum propheta
« die : « Ego autem mendica sum et pauper ; Dominus
« sollicitus est mei ».
Elle suivra ce conseil dans cette vie où tout n'est que
tentation en ne se laissant pas enorgueillir par la for-
tune ni abattre par le malheur : qu'elle craigne Dieu et
observe ses commandements, car quiconque agit ainsi
peut être tranquille. Dieu ne le laissera manquer
de rien.
Cet exposé montre quelle conception profonde Robert
avait de la paupertas Christi, Les pauperes Christi ce
ne sont pas seulement les moines qui renoncent à tout,
c'est aussi la puissante et riche princesse : c'est qu'il
importe avant tout à l'homme d'être vraiment et inté-
rieurement à Dieu et de briser tous les liens qui le ratta-
chent au monde. Telle est bien l'idée que Robert, ainsi
que nous l'avons vu plus haut, se faisait de la vie ascé-
tique. Ces idées, Robert a su les exprimer d'une façon
extrêmement captivante. Celui qui a dû se frayer un
chemin à travers les phrases longues et filandreuses des
prédicateurs de ce temps est charmé par le style précis
et lapidaire de notre prédicateur. On est frappé de voir
combien V Exhortation à Hermengarde contient peu de
— 281 —
phrases incidentes : la plupart du temps Fauteur s'ex-
prime en courtes propositions principales. Il aime Tan-
tithèse, comme le montre le début de l'ouvrage, et ne
craint pas le paradoxe. Les citations de TEcriture
abondent. Il les explique parfois par des allégories sin-
gulières, ce dont on ne saurait d'ailleurs être surpris.
A travers la prédication de Robert souflle un esprit
nouveau, cet esprit propre à tout homme fort et d'une
vraie religion intérieure. £t cette manière ne manquait
pas son effet sur les contemporains. L'impression qu'on
en ressentait était rendue encore plus forte par l'appa-
reil dans lequel Robert se présentait au peuple. Nu-pieds,
en vêtements grossiers, amaigri par les jeûnes ininter-
rompus, les veilles et la prière, gai et aimable de visage,
coupant fréquemment ses discours de larmes et de san-
glots, tel il nous apparaît dans Baudry.
La description de Marbode est encore plus impres-
sionnante : « Il parcourt la campagne nu-pieds, une
longue barbe pendant sur la poitrine : ses cheveux sont
coupés tout autour sur son front ; il porte un habit de
pénitent usé, sali, dont les trous laissent en partie voir
son corps ». Il lui reproche ensuite de porter un costume
qui ne convient ni à un chanoine régulier, ni à un
prêtre : « Robert, continue- t-il, ne fait que s'attirer
l'horreur du public : il vaudrait mieux porter modeste-
ment des habits luxueux que des haillons avec ostenta-
tion. S'il veut se distinguer par sa sainteté et imiter
saint Jean-Baptiste, qu'il fasse d'abord ce qu'ont fait les
apôtres et les martyrs : ensuite il s'élèvera à la hauteur
de celui qui fut le plus grand parmi les hommes. Qu'il
prenne garde à l'effet qu'il produit. Il verra que tous les
hommes sages rient de lui, le prennent pour un insensé ;
déjà on commence à le railler : il ne manque plus,
dit-on, qu'une marotte, pour être un fou accompli ».
Marbode a-t-il raison ? Robert a-t-il réellement pro-
duit cet effet-là sur certaines personnes? En tous cas,
il cite lui-même ailleurs une déclaration de Robert qui
— 282 —
prouve que son prestige sur le peuple était encore accru
par son extérieur. Il dit : « Hoc tibi non tam apud sim-
<( plices, ut dicere soles, auctoritatem, quam apud
« sapientes furoris suspicionem comparât ». Robert
n'eut pas fait cette déclaration s'il n'avait pas eu la cer-
titude que son vêtement et sa manière d'être faisaient
de l'effet. Assurément cette conduite est loin de celle du
jeune ascète d'autrefois qui cachait un cilice sous ses
vêtements pour mieux honorer Dieu en secret : il vise
maintenant à l'effet, mais il n'en est pas moins incon-
testable que sa réputation de sainteté en était aug-
mentée.
Le peuple accourait en foule innombrable là où Robert
devait se faire entendre. A la fin de sa Vie^ Baudry
résume brièvement ce qui, dans Robert, lui a paru
caractéristique. « Turbis quibus praedicaverat circum-
« septus » est un des traits qu'il note. Et Marbode con-
firme cette déclaration. « Videmus ad te turbas undique
« confluentes ». Mais on ne se bornait pas à écouter
Robert : ses auditeurs le suivaient même dans ses
courses : « Sexus utriusque plures adjuncti sunt ei », dit
Baudry. Robert avait pour principe de ne renvoyer
personne. II aurait craint en le faisant de se rendre cou-
pable. Il agissait déjà ainsi dans la forêt de Craon et,
quand il devint prédicateur errant, il continua à suivre
la même règle de conduite. De grands personnages et
des gens frappés du mépris public, des riches et des
pauvres, des hommes et des femmes, lui faisaient
escorte. Tous depuis Bertrade, la femme illégitime du
roi, et la duchesse Hermengarde, jusqu'aux prostituées,
étaient captivés par ses discours, le suivaient, entraient
dans les couvents fondés par lui ou le prenaient pour
conseiller et confident. Le nombre de ses disciples croît
toujours et il fait son possible pour l'augmenter encore.
« Affluentia gratiarum Dei onmes allicit, neminem repel-
« lit, quia vult omnes homines salvos fieri », dit
Baudry.
— 283 —
Dans le but de gagner au Christ un nombre toujours
plus grand de fidèles, il ne prend plus le temps de s'oc-
cuper des prosélytes qu'il a faits : il les abandonne à
eux-mêmes. On dirait que des flots d'enthousiasme reli-
gieux se répandent sur le monde au milieu duquel il vit.
Il est hors de doute que ses disciples ont été extrême-
ment nombreux : les affirmations de Marbode son
adversaire le prouvent. Nous avons déjà vu que les
prêtres se plaignaient de voir leurs paroissiens les quit-
ter pour s'attacher à Robert.
« Il a tant de prosélytes, continue Marbode, qu'ils
parcourent en troupes les provinces, reconnaissables à
leurs longues barbes et à la saleté de leurs vêtements.
Si on leur demande qui ils sont, ils se nomment eux-
mêmes (( homines Magistri », voulant témoigner par
cette expression un peu vague de la situation préémi-
nente de leur maître. On s'explique dès lors les termes
par lesquels GeofTroi de Vendôme caractérise cette
situation exceptionnelle : « Tu quidem in mundo quasi
tt montem excelsum ascendisti ac per hoc in te linguas
« et oculos hominum convertisti », et on est disposé à
croire André lorsqu'il raconte l'histoire suivante en
s'appuyant sur un témoin oculaire : Robert, lors de son
dernier voyage, avait été arrêté par des brigands ; ils le
relâchèrent en apprenant que leur prisonnier était le
célèbre Robert d'Arbrissel.
Mais la façon dont Robert voyageait suivi de ses dis-
ciples pouvait donner prise à la critique. Nous avons vu
qu'il avait avec lui des gens des deux sexes : « Mulieres
« cum hominibus oportebat habitare, » dit Baudry. Vn
tel état de choses pouvait-il se prolonger sans amener
des désordres et des scandales ? Robert aurait dit qu il se
tiendrait pour satisfait s'il pouvait, ne fût-ce qu'une
seule nuit, empêcher le mal. Ceci est corroboré par ce
que Marbode raconte dans un autre passage : « Quand
au cours d'une de ses pérégrinations la troupe est sur-
prise par la nuit, Robert fait coucher les hommes d'un
— 284 —
côté et les femmes de l'autre. Lui-même prend place au
milieu pour surveiller les siens et annonce les veilles de
la nuit ».
Cet état de choses ne pouvait durer. Déjà on racontait
que Robert, tout en invitant les siens à être saints en
apparence, leur promettait qu'ils pourraient se livrer en
secret au plaisir avec les femmes. Et déjà, dans les
lieux où Robert laissait des femmes pour secourir les
pèlerins, des excès avaient été commis.
Mais ce n'est pas seulement pour les disciples de
Robert, que Marbode a des craintes ; il blâme Robert
lui-même d'une trop grande familiarité avec les femmes
qui l'accompagnent. « Il n'agit d'ailleurs, dit l'évêque,
de cette façon, que pour des motifs d'ascétisme. AOn
d'expier les fautes qu'il a commises aiitrefois, il veut
s'exposer à la tentation pour avoir le mérite de la
vaincre. Il permet aux femmes de le suivre dans ses
voyages et de prendre part à ses entretiens ». Marbode
considère aussi sous le même point de vue les campe-
ments nocturnes dont nous avons parlé. Longuement
il expose à Robert les dangers de cette pratique.
« Même si on admet que Tâme de Robert ne courre
pas de danger, sa réputation souffrira de tout cela.
Mais Robert n'appartient point à ces hommes insen-
sibles que la nature a rendus rebelles à la tentation et
qui n'ont par suite aucun mérite à être vertueux ; au
contraire, il est de ceux qui doivent faire des efforts pour
rester vertueux et qui mériteront ainsi une place d'hon-
neur dans le ciel. Ceux-là ont peine à résister aux tenta-
tions des sens quand ils sont seuls : que serait-ce donc
si on approche trop près le feu de la paille ? D'ailleurs
en tous cas, l'àme de Robert ne saurait rester pure,
quand même il garderait son corps chaste ; car on ne se
laisserait pas suivre par des femmes si on n'était pas
tourmenté par la passion charnelle ».
Geoffroi s'exprime de la même façon et peut-être plus
clairement encore : « Feminarum quasdam, ut dicitur,
— 285 —
« nimis familiariter tecum habitare permittis, quibus
« privata verba saepius loqueris et cum ipsis etiam et
a inter ipsas noetu freqenter cubare non erubescis ». Il
reproche à Robert la même chose que Marbode. « Ce
qu'il fait, dit-il, est contraire au bon sens; la sainte Ecri-
ture le défend. Qu'il n'ait pas, continue-t-il, trop de con-
fiance dans sa sainteté : qu'il ne se croie pas à l'abri du
péché. Il doit se défier d'autant plus de lui-même qu'il
est tenu en plus haute estime par ses contemporains et
que sa responsabilité serait plus lourde si, par sa propre
chute, il entraînait quelqu'un des siens. »
Marbode aussi bien que Geoffroi ne rapportent que
des bruits, comme le prouvent les expressions « ut dici-
« tur, ut refertur », qui reviennent sans cesse sous leur
plume. Ces bruits ont-ils un fondement ? On a souvent
affirmé que non. Cependant le seul fait qu'on a contesté
l'authenticité des lettres de GeofTroi et de Marbode est
une preuve qu'on sentait vivement combien ces lettres
étaient compromettantes pour Robert. Quoique le vrai
motif qui a porté les auteurs à les prétendre fausses se
comprenne facilement, il faut pourtant que Thistorien
donne une réponse objective à la question : les bruits
que l'on répandait sur Robert étaient-ils fondés ?
Robert est accusé de deux côtés différents d'avoir
admis le syncisactisme et les reproches, il faut l'avouer,
ont pris des deux côtés une forme concrète. Geoffroi
cite une parole de Robert qui s'y rapporte : « Hune tibi
« videris, ut asseris, Domini Salvatoris digne bajulare
c< crucem, cum extinguere conaris maie accensum carnis
« ardorem ». Dans tout ce que nous possédons d'ailleurs
de sources nous ne trouvons rien qui soit de nature à
affaiblir ce soupçon. Au contraire, il est toujours ques-
tion, quand on parle de Robert, des femmes qui s'étaient
jointes à lui. Et notamment ce qui suit parait digne de
remarque : pourquoi les bruits qui couraient sur Robert
ont-ils justement pris cette forme alors qu'ils auraient
pu être tout différents ? C'est d'autant plus surprenant
— 286 —
que Geoffroi appelle ce que Robert faisait <« novum et
« inauditum genus martyrii ». Si cette sorte d'ascétisme
était seulement inconnue et inouïe, comment s'imaginer
que les bruits répandus ont eu justement cette forme ?
Le plus simple aurait pourtant été de désigner Robert
comme un hypocrite qui veut paraître saint, et en parti-
culier sert ses passions. Ces considérations me font
croire que les bruits répandus sur Robert ont eu un fon-
dement réel.
Comment Robert est-il venu à ce genre de mortifi-
cation ? L'exemple de son compagnon Hervé qui habitait
avec une récluse, Heva, a-t-il exercé quelqu'influence sur
lui, ou bien Robert a-t-il pensé de lui-même à ce genre
de pénitence, comme le prétend Marbode, pour expier
ses fautes d'autrefois ? On ne saurait trancher la ques-
tion. Ce qui est sûr, c'est que tout cela a fort nui à sa
bonne réputation : il aurait exercé une plus grande
influence s'il se fût borné aux pratiques ordinaires de la
pénitence. Toutefois les bonnes relations qu'il a plus
tard entretenues avec Geoffroi nous donnent à penser
qu'il évita dans la suite de choquer ainsi l'opinion
publique.
Robert a mené toute sa vie l'existence de prédicateur
décrite dans ce paragraphe. Pétigny, il est vrai, divise
bien sa carrière, après qu'Urbain II l'eût appelé à la
prédication, en deux périodes : dans la première, il aurait
travaillé comme missionnaire apostolique ; dans la
seconde, qui commence à l'établissement du couvent de
Fontevrault, il aurait été l'organisateur de cette congré-
gation de femmes. Mais le récit de Baudry contredit
cette division. D'après lui, Robert, abandonnant à d'au-
tres le soin d'organiser définitivement Fontevrault, ne
cessa jamais de parcourir le pays en préchant. Le récit
de ses tournées, qui fera l'objet des pages suivantes,
confirme cette assertion, ainsi que le fait qu'il est mort
au cours d'un de ses voyages. C'est aussi ce que prouve
la lettre de Marbode qui, si la date que nous lui assi-
— 287 —
gnons est exacte, fait aussi allusion à des prédications
de Robert postérieurement à la fondation de Fonte-
vrault.
Tel est d'après les sources le tableau de la carrière
de Robert. On a mis Norbert en parallèle avec Waldes :
On pourrait faire la même chose avec plus de précision
epcore pour Robert. Dans beaucoup de cas Tanalogie
saute aux yeux : c'est bien ce même type de prédicateur
errant auquel les femmes elles-mêmes s'attachent, qui
exhorte à la pénitence, qui se met en opposition avec
une partie de l'épiscopat, qui refuse le serment, qui
impose l'obligation de la pauvreté non seulement aux
aux religieux de Fontevrault mais encore aux gens du
monde puisqu'Hermengarde elle-même doit imiter la
pauvreté du Christ, qui appelle les siens du nom de
« pauvres ». Plus on le considère, plus la comparaison
parait justifiée. Norbert en arrive finalement à entrer
dans la hiérarchie ecclésiastique et devient archevêque
de Magdebourg et organisateur des Prémontrés ; dans
la vie de Robert, la fondation de Fontevrault est plutôt
un simple épisode : il a reconnu que sa mission supé-
rieure était de prêcher les pauvres : nous avons devant
nous un nouvel idéal de piété qui cherche partout à se
faire jour.
De la vie extérieure de Robert il faut mention-
ner ce qui suit : d'après G. Port, il aurait entrepris
son premier voyage en compagnie d'Urbain jusqu'au
concile de Tours. Cette affirmation repose évidemment
sur ce fait que, à ce concile, le 21 mars 1096, l'éta-
blissement de la Roë fut confirmé pour la seconde
fois.
Mais dans ce second acte de confirmation ne figure
pas le nom de Robert ; la présence de ce dernier
à Tours n'est donc qu'une hypothèse vraisemblable
d'ailleurs, si Ton considère que la confirmation des pri-
vilèges de l'abbaye n'aura guère pu avoir lieu en dehors
de la présence de l'abbé. Mais doit-on conclure de là à
i
— 288 —
un voyage fait en compagnie du pape ? Voilà ce qui est
contestable.
Quant à Thypothèse d'un séjour de Robert à Toulouse
en 1098, elle me paraît dénuée de fondement. Il est bien
cité comme témoin dans un acte par lequel Philippia,
épouse de Guillaume d'Aquitaine et de Poitiers, fait une
donation au couvent de Saint-Sernin. Mais ce document
n'est pas daté et s'il nous a été transmis en môme
temps qu'un autre de l'année 1098 qui mentionne une
donation de Philippia et de Guillaume, il ne s'ensuit pas
qu'ils soient de la même date. Au contraire nous rentrons
dans le domaine des faits historiques en aflirmant que
Robert a pris part au concile de Poitiers. Ce concile a
été tenu sous la présidence des cardinaux Jean et Benoît
et commença le 18 novembre 1100. Le roi de France
Philippe y fut excommunié à cause de son union adul-
tère avec Bertrade. Il y eut à cette occasion uhe scène
tumultueuse, et Robert, aussi bien que son compagnon
Bernard de Thiron, prit énergiquement parti pour les
cardinaux.
Aussitôt après le concile eut lieu la fondation de Fon-
tevrault. C'est du moins ce que dit la Chronicon
magnum Turonense qui fixe cette fondation à l'année
1100, tandis que la chronique de Saint-Florent à Saumur
indique 1101. Il n'est pas possible de décider avec certi-
tude entre ces deux années. Si on considère qu'autrefois
l'année ne commençait pas en janvier comme aujour-
d'hui, on pourra dire que, selon toute vraisemblance,
Fontevrault fut établi dans la première moitié de l'année
1101 (nouveau style) puisque Robert, à la fin de juin 1101,
se trouvait en Bretagne. Là il prit part à la translation
solennelle d'une relique apportée par les Croisés et que
Gautier de Lohéac donnait à Téglise de ce lieu. Robert,
désigné dans l'acte relatif à cette translation sous le nom
de sanctissimus homo^ nous apparaît ici entouré d'une
foule de disciples. Marbode n'avait donc pas tout à fait
— 289 —
tort, quand il lui reprochait de négliger quelque peu les
couvents qu'il avait fondés.
En 1104, Robert assista selon La Mainferme au con-
cile de Baugency, où la levée de Texcommunication qui
avait frappé le roi aurait eu lieu, sans l'opposition for-
maliste de quelques évéques.
h" Exhortation à Hermengarde doit être rapportée
à Tannée 1109 ou 1110. En cette dernière année nous
retrouvons Robert en Bretagne. Dans cette province, au
concile de Nantes, un traité avait été passé entre les
moines de Marmoutiers et ceux de Redon relativement
au prieuré de Béré près de Chàteaubriant (Loire-Infé-
rieure). La ratification de cette convention eut lieu à
Redon en présence de Robert.
En 1111, nous le trouvons à Angers où un différend
entre lui et Guillaume, abbé de Saint-Florent de Sau-
mur, fut tranché psir Hildebert de Tours, Pierre de Poi-
tiers et Rainaud d'Angers, en présence de Foulques V
d'Anjou.
C'est peut-être à l'année 1112 qu'il faut rapporter la
lettre de Pascal II à Raoul de Tours dans laquelle,
entre autres choses, le pape nomme Robert arbitre entre
Payen et- Archembaud qui tous deux briguaient la
charge d'abbé de Saint- Aubin. Il faut que la curie ait eu
Robert en haute estime pour avoir fait de lui l'un des
juges de ce long différend.
En 1113, il est dans le Berry où quelques barons et
Léger de Bourges renoncent en faveur du prieuré de la
congrégation de Fonte vrault qu'il avait fondé à Orsan,
à tous leurs droits sur ce lieu.
En 1114, nous trouvons Robert à Fontevrault, comme
le prouve un acte de Geoffroi de Vendôme d'après lequel
cet abbé e1^ son couvent se mettent en union de prières
avec Fontevrault. Cette même année, on mentionne la
présence de Robert à Toulouse. Il y établit, à la prière
de révoque Amelius, quelques prieurés de l'ordre de
Fontevrault. Parmi ceux-ci on nomme celui d'Espi-
19
— 290 —
nasse qui fut donné à Robert par Philippia, femme de
Guillaume d'Aquitaine. Également à Toulouse, Robert
servit de témoin lors d'un traité entre Philippia et Ber-
nard Aton, vicomte de Béziers. Peut-être le document
sus-mentionné qui porte la signature de Philippia et de
Robert est-il aussi de la même année.
En juillet 1115, nous retrouvons Robert à Fontevrault
où il renonce en faveur de Girard de Salles à son droit
sur Cadouin.
Nous avons des indications très précises sur la vie de
Robert en 1116.
Nous apprenons d'abord que Robert fut atteint d'une
grave maladie. « Cum ingravescente corporis ejus infir-
« mitate aliisque aBgrititudinibus pristinis cœpit repente
« destitui viribus ». Dans sa jeunesse il avait joui d'une
robuste santé. Baudry l'appelle « corpore vegetus ».
Mais ses incessantes pratiques d'ascétisme avaient ruiné
son tempérament. Le passage d'André cité ci-dessus
parle d'autres maladies dont il fut aussi atteint, et
Baudry raconte que, à la fin de sa vie, il ne lui était
plus possible d'aller à pied : il lui fallait une monture
pour accomplir ses voyages. Sa maladie de 1116 parait
avoir été particulièrement grave. Il sentit la mort appro-
cher. Il se vit donc amené à prendre des mesures pour
assurer l'existence de sa fondation dans l'avenir. C'est
d'abord le vœu de stabilité qu'il fait jurer par tous les
moines, puis la réunion de septembre où fut discutée la
question de savoir si une abbesse devait être placée à la
tête de la Congrégation et si elle devait être élue parmi
les vierges ou parmi les converses ; c'est enfin l'élec-
tion de Pétronille et la fixation par écrit de la règle.
Tous ces événements seront exposés au paragraphe
suivant.
Après le règlement des affaires de Fontevrault et sa
guérison, il se prépara à faire la re vision du prieuré de
Haute-Bruyère, nouvellement fondé. Peu auparavant il
avait envoyé Pétronille avec les religieuses désignées
— 291 —
pour ce prieuré. Toutefois il semble qu'il les rejoignit
bientôt ; car quand il vint à Chartres, comme nous le
verrons tout à Theure, il avait avec lui Bernard de
Thiron et Pétronille et il envoie les religieuses à Haute-
Bruyère avec la prieure Aqgardis.
C'est un conflit entre Yves de Chartres et Bernier
de Bonneval auquel personne encore n'avait su mettre
fin qui amena à Chartres le pacifique Robert, afin de
tenter une réconciliation ; il y réussit d'ailleurs par-
faitement. Ensuite Robert célébra la fête de Noël à
Haute-Bruyère et organisa ce couvent. Entre temps, le
23 décembre, Yves était mort et, lors de l'élection de
son successeur, un conflit s'était encore élevé entre le
comte Thibault et les chanoines de Chartres ; le comte
Thibault s'était laissé aller à des violences contre ces
derniers et avait fait chasser l'évêque Geoffroi qu'ils
avaient élu. En vain Bernard de Thiron s'était efforcé
d'apaiser la querelle. Robert, retombé malade à Haute-
Bruyère, ne voulut pas néanmoins refuser aux chanoines
le secours qu'ils lui demandaient : il réussit à changer
le cœur du comte en faveur des chanoines. Bien plus
la simonie qui était encore en usage sous Yves et sous
Geoffroi prit fin grâce à Robert et les clercs promirent
de s'en abstenir.
Quittant Chartres, Robert se rendit accompagné de
Bernard de Thiron à Blois où il visita et consola le
comte Guillaume de Nevers retenu prisonnier par Thi-
bault de Chartres. Puis il se sépara de Bernard et se
rendit dans le Berry. C'est durant ce voyage qu'eut
lieu son aventure avec les brigands dont nous avons
parlé plus haut.
Il rentra dans le prieuré d'Orsan et y resta quinze
jours pour y attendre Pétronille qui était revenue de
Chartres à Fonte vrault. Après son arrivée, il se mit en
route pour se rendre quelque part — on ne sait où —
où on l'avait invité à prêcher. Il arriva avec Pétronille
dans le couvent de Déols ; il y fut accueilli cordiale-
— 292 —
ment, apaisa un conflit survenu entre ce couvent et Fon-
tevrault et fit un sermon qui produisit une profonde
impression. Ce fut sa dernière prédication, car il repartit
et mourut en route.
Ce coup d'œil sur la carrière de Robert montre qu*il
exerça son ministère pour ainsi dire dans tout l'ouest de
la France. Chartres, Toulouse, Périgueux et la Bretagne
furent les limites de son champ d'action : on voit com-
bien il fut étendu.
La Vie d'André peut dire de lui avec raison : « Hic
« itaque Robertus, jam plurimos annos indefessus praedi-
« cator non solum adjacentibus verum etiam exteris
« nationibus verba Dei distribuerai . »
CHARTES DE FONTAINE-DANIEL
ET DE MONTGUYON
MM. Grosse-Duperon et Gouvrion ont publié et tra-
duit le Cartulaire de Vabbaye cistercienne de Fon-
taine-Daniel^. Le volume qu'ils ont donné a été composé
àTaide du manuscrit de la Bibliothèque nationale, fonds
latin, n** 5.475, qui fait partie de la collection Gaignières,
et de quelques pièces inédites conservées aux Archives
de la Manche.
Mais sans parler du manuscrit latin n" 17.036 de la
Bibliothèque nationale qui reproduit textuellement plu-
sieurs chartes déjà comprises au cartulaire de Gai-
gnières, et qu'on pouvait omettre puisqu'il n* apportait
rien de nouveau, il est un autre recueil, peu considérable,
il est vrai, qui a échappé à leurs consciencieuses recher-
ches. C'est le manuscrit n® 1.254 des nouvelles acquisi-
tions latines de notre grand dépôt.
Il a son histoire, que laissent soupçonner à chaque
page des traces d^eau et de fumée.
Trouvé sous les décombres du Palais de justice incen-
dié en 1871, un maçon l'oublia sur une table chez un
traiteur de la rue du Pélican ; il y servit, pendant plus
de deux ans, de jouet à un enfant qui ne parait pas en
avoir endommagé un seul feuillet ; un commis de librairie
l'y rencontra au mois de mai 1874 : il fut remis bientôt à
l'établissement de la rue de Richelieu ^.
Malgré le titre qu'il continue à porter, ce n'est point
1. Mayenne, Poirier-Béalu, 1896, in-8», 431 pp.
2. Bibl. de l'Ecole des Chartes, t. XXXY, p. 323.
— 294 —
un cartulaire de Savigny. Dans les 86 chartes qu^il con-
tient encore aujourd'hui, la plupart du xii* et du xiii*
siècle, la célèbre abbaye normande n'est représentée en
eiïet que par une douzaine de documents ; le plus grand
nombre, 45 exactement, intéresse Tabbaye de Fontaine-
Daniel ; 14 concernent le prieuré de Montguyon. Mais
qu'elles proviennent de ces établissements religieux ou
qu'elles aient été prises dans les chartriers d'Evron, de
Quittay, de Saint-Mars-sur-la-Futaie ou même dans ceux
de Saint-Jacques d'Ernée ou de l'Habit, toutes ces pièces
se réfèrent aux seigneurs de Mayenne en vue d'une his-
toire généalogique desquels cette compilation, d'une
écriture soignée^ a été formée au commencement du
xviii' siècle.
En tenant compte même de certains indices fournis
par une copie de Guyard de la Fosse que lui a commu-
niquée jadis M. Plihon, libraire à Rennes, M. Tabbé
Angot ne serait pas éloigné de croire que le volume si
merveilleusement sauvegardé des fureurs de la Com-
mune, a été composé pour ou par l'historien de Mayenne.
La chose n'est pas sans vraisemblance.
Nous n'oserons pas aller jusque-là pourtant : Tétat
actuel du manuscrit 1.254, certaines omissions qu'on y
constate dans quelques chartes et qui ne se retrouvent
pas dans les preuves imprimées de Guyard de la Fosse,
ne nous y autorisent pas complètement ; mais nous pou-
vons admettre que le recueil original de l'historien
mayennais a servi de fondement à ce travail.
Sans être d'une pureté absolue, les textes qu'il con-
tient sont néanmoins établis, en général, d'une façon
suffisante et n'appellent que des corrections faciles. Mais
il a en outre l'avantage de nous les faire connaître dans
leur intégralité, alors que le cartulaire de Gaignières,
comme tous les recueils que nous lui devons, se borne
le plus souvent aux mentions généalogiques et biogra-
phiques qu'on rencontre dans les chartes et que, prenant
certaines libertés qui ne sont pas de mise chez un simple
j
— 295 —
éditeur, il laisse de côté de nombreux détails que l'histoire
des institutions ne saurait négliger.
C'est à ce manuscrit 1.254 des nouvelles acquisitions
latines que nous empruntons la plupart de nos docu-
ments.
D'autres recueils nous ont fourni quelques pièces,
comme le 22.329 latin de la Bibliothèque nationale dont
le titre général est inexact et qui renferme des docu-
ments relatifs, non pas seulement à la Bretagne, mais
à TAnjou et au Maine. Nous devons aussi une men-
tion spéciale au cabinet Brière : il possède sur Fontaine-
Daniel, entre autres actes, deux chartes inédites, incon-
nues par ailleurs, conservées en copies du xvii* siècle,
malheureusement assez fautives, que M. Tabbé Brière,
continuant les traditions paternelles, nous a communi-
quées avec une bonne grâce dont nous ne saurions trop
le remercier.
Nous ne voulons pas relever ici tous les renseigne-
ments que rhistoire des mœurs ou des institutions peut
recueillir dans les textes qui vont suivre. Il est une
remarque cependant que nous devons faire, car nous ne
pensons pas qu'elle ait jamais été faite et elle n'est
pas sans importance. On sait quel embarras l'on
éprouve souvent pour dater les chartes du moyen âge
dont les formules ne contiennent pas en elles-mêmes
d'indications assez précises et les érudits se sont laissés
aller un peu trop facilement à attribuer indistinctement
au style de Pâques toutes celles qu'ils voyaient, avec
certitude, antérieures à la grande fête catholique. En
réalité, le style chronologique a varié non seulement
avec les pays, mais encore avec les parties qui passaient
les actes. Il semble bien par exemple, comme on l'a déjà
observé, que dès la fin du xi® siècle, l'usage régulier
était, à Marmoutier, de commencer l'année à Pâques et
il se peut que la grande abbaye ait importé cet usage
dans ses diverses possessions. Il n'en allait pas de même
à Fontaine-Daniel.
— 296 —
Fondée d'abord, peut-être en 1197, près da Boai^-
Nouvel, à la Herperie, sur un sol infertile et connue sous
le nom de Clairet, cette abbaye fut transférée en 1205 dans
la forêt de Salair, en Saint-Georges-Buttavent. Les moines
prirent possession de leur nouveau couvent le jour de T As-
cension, qui tombait cette année-là le 19 mai. Nous con-
naissons ce détail par une charte de Tévéque du Mans
Hamelin qui confirmait au nouvel établissement toutes
les donations à lui faites par le seigneur de Mayenne *.
Or peu de temps auparavant, en vue même de la trans-
lation qui allait s'opérer et pour alimenter les aumônes
du portier aux pauvres passants, Juhel donnait la dîme
des revenus qu'il pouvait percevoir sur des essarts de
la forêt de Fosselouvain et sur sa terre de Grolay. Cette
donation, dont l'acte fut passé à la Herperie et porte la
date du 30 mars 1205 *, est visée dans la charte de con-
firmation solennelle que Juhel déposa sur l'autel de
Salair, le 19 mai suivant. Comme Pâques tomba cette
année-là le 10 avril, il s'en suit, de toute évidence, qu'à
Fontaine-Daniel Tannée commençait antérieurement et
que l'on y employait soit le style de la (Circoncision,
soit le style de l'Annonciation.
Une autre charte renferme une allusion à la campagne
de Juhel contre les Albigeois. Au moment de partir pour
la croisade, le baron de Mayenne abandonna à son
abbaye tous les droits qu'il avait pu conserver jus-
qu'alors sur les immeubles par lui concédés auparavant,
ne se réservant que la justice à sang sur les hommes
des religieux. L'acte de cotte nouvelle largesse fut dressé
le 4 février 1210, cum iter peregrinationis arriperem
ad debellandum contra hostes fidei nostre^ contra vide-
licet Albigenses herelicos , nous apprend Juhel lui-
même 3. Or au témoignage de Pierre des Vaux-de-
1. Grosse-Duperon et Gouvrion, Cart. de Fontaine- Daniel,
no XX, p. 37.
2. Cf. ci-après, n® v.
3. Cf. ci-après, n» xiii.
— 297 —
Cernay, le baron de Mayenne arriva en Languedoc avec
Tévêque de Paris, Enguerrand de Coucy, Robert de
Courtenay et plusieurs autres, vers le milieu du carême,
en 1211 *. Notre document doit donc être daté du
4 février 1211 (n. st.) et, en précisant le point de départ
de Tannée, nous aide à le fixer, soit au l*'*" mars, ce qui
est peu vraisemblable, soit au 25 mars.
Si Ton prête attention à un accord conclu entre Tab-
baye de Savigny, dans la juridiction de laquelle le lieu
de Salair était compris, et celle de Clairet qui allait y
être transférée, on verra que cet acte 2, passé le 24 mars
1204, veille de TAnnonciation, ne peut appartenir qu'à
Tannée 1205, selon notre façon de compter, puisqu'il y
est question de tracer les limites au-delà desquelles les
deux communautés religieuses renonçaient à élever des
constructions ou à acquérir de nouveaux domaines et
qu'il ne s'agissait pas, encore aux débuts de Tannée 1204,
autant qu'on en peut juger du moins par les termes de
la confirmation de Thibaud de Mathefelon, d'aban-
donner la Herperie pour le bois de Salair.
Nous conclurons donc qu'à Mayenne, au commence-
ment du xiii' siècle, l'usage était d'employer le style de
l'Annonciation.
E. Laurain.
1. « Anno Verbi incarnati MCCX, ciroa mediam quadragesimam
venerunt de Francia crucesignali nobileset potentes episcopusvide-
licet Parisiensis P[elriis], Ingelranniis de Cociaco, Robertiis de Cor-
tiniaco, Juellns de Meduana et plures alii. » (Hist. de France,
t. XIX, p. 43).
2. Cf. plus loin, n» iv.
— 298 —
CHARTES DE FONTAINE-DANIEL
I
Vers 1198. — Confirmation par Maurice de Craon de la
donation faite par sa sœur Constance de 20 sous ange-
vins de rente à prendre sur sa part du trépas de la Loire
à Chantocè,
A. Bibl. nat., lat. n. acq. 125'i, fol. 32 ro.
B. Guyard de la Fosse, Histoire des seigneurs de Mayenne,
preuves, p. xvii.
Grosse-Duperon, Cariulaire de Fontaine-Daniel, p. 13, n» ix.
Universis fidelibus présentes litteras inspecturis Mauri-
tius, dominus Credoni, salutem. Noverit universitas vcstra
quod Constantia, soror mea, pro salute anime sue dédit et
concessit in perpetuam eleemosynam Dco et monachis
abbatie de Clareio quam dominus Juhellus, frater meus,
statuit apud Herperiam, viginti solides andegavensium •
annui redditus in maritagio suo quod ipsa capiebat in passa-
gio Ligeris apud Chantocium *, in média quadragesima
reddendos per manum illius qui passagium recipiet. Hanc
autem eleemosynam dédit predicta soror mea ad emendum
oleum ad usum lampadis que die et nocte in eeclesia arde-
bit. Actum est hoc in eadem abbatia quando conventus eam
primum intravit ', testibus his domino Juhello de Meduana,
domina Isabcl maire mea. domina Gervasia, Gaufrido
abbate Clarimontis, fralre Laurentio abbate Clareii et toto
conventu. Quod ut firmius teneatur, ego Mauritius hanc
eleemosynam ad petitionem prefate sororis mee concessi et
presenti charta confirmavi.
1. Andegavenses A.
2. Chantocum A.
3. Quando in com'entum ea primum intravit A.
299 —
II
1198-1204. — Donation par Thibault de Mathefelon^ à Vab-
baye de Clairet^ de 8 livres angei^ines de rente annuelle
et d*un homme à Craon, et à Vabbaye de Clermont de
7 livres à prendre sur le travers de Craon.
A. Bibl. nat., Ut. n. acq. 1254, fol. 32 to.
B. Arch. de la Sarthe, fds municipal 738, p. 29, ex titulo orig.
C. Guyard de la Fosse, Histoire des seigneurs de Mayenne,
preuves, p. xviii.
Grosse-Duperon, Cartulaire de Fontaine- Daniel, p. 14.
Universis fidelibus présentes litteras inspecturis Theobal-
dus de Mathefelon salutem. Noverit univcrsitas vestra quod
ego Theobaldus dedi et concessi in perpetuam eleemosynam,
pro salute anime mee, monachis abbatie nove que fundata *
est apud Harperiam, octo libras andegavensium * annui
redditus et unum hominem liberum et quietum apud Craon ',
et abbatie Clarimontis septem libras in passagio de Craon,
et concessi in puram eleemosynam utrique abbatie quicquid
habent in terra domini Juhelli ex dono et concessione ipsius.
Quod ut ratum sit, sigillo meo confirmari feci, teste Petro
decano * Sabolii, Aalardo * clerico, Vuillelmo clerico et plu-
ribus aliis.
III
1198-1204. — Donation à Vabbaye de Clairet par Juhel de
Mayenne, de Robin d* Anjou et de Vhébergement du juif
Salonion et abandon par le dit Robin d'une rente de
cent sous à prendre sur ses biens,
A. Bibl. nat., lat. n. acq. 1254. fo 26 vo.
B. Arch. de la Sarlhe, fonds municipal 738, p. 25, ex titulo orig.
C. Guyard de la Fosse, Histoire des seigneurs de Mayenne,
preuves, p. xvi.
Grosse-Duperon, Cartulaire de Fontaine- Daniel, p. 15, n" xi.
Universis fidelibus présentes inspecturis litteras Juhellus,
dominus Meduane, salutem in Domino. Noverit universitas
1. Facienda B.
2. Andegavenses A.
3. Creon B.
4. Scano A, B.
5. Ricardo C ; Arcado B.
— 300 —
vestra, quod ego, pro salute anime mee, dedi et concessi in
perpetuum Deo et béate Marie et abbatie mee de Clareio S
quam ego fundavi apud Ilarperiam, Robinum de Ande-
gavia et heredem ejus, liberum' et quietum ab omnibus
consuetudinibus, taulliis et redevantiis, censibus et auxîHis
et panagiis ' et ab omnibus que ad me et heredem meum
pertinent ; dedi insuper monachis ejusdem abbatie totum
herbergamentum quod fuit Salomonis judei de Meduana,
cum omnibus pertinentiis et colunbero*, ita quod semper in
eodem herbergamento ad servitium suum habeant unum
hominem liberum et quietum, videlicet prefatum Robinum
et post ipsum heredem suum. Idem autem Robinus, pro
salute anime sue et patris sui et fratris, dédit monachis in
perpetuam eleemosynam centum solidos annui redditus
super omnes res suas. Quod ut firmius teneatur, présentes
[litteras] sigillo meo confirmari feci.
IV
1205 (n. st.), 24 mars. — Accord entre Vabbaye de Sangny
et Vabbaye de Fontaine- Daniel portant limitation des
territoires dans lesquels les deux établissements pourront
êleçer des constructions ou acquérir des immeubles. .
Arch. nat., L 969 (Orig. parchemin; sceaux disparus).
Cyrographum.
Notum sit presentibus et futuris quod cum abbas et
mônachi Savignienses, ad pelitionem domini Juhelli de
Meduana, concessissent ut abbatia, que apud Harpereiam
fundata erat, intra terminos abbatie Savigniensis transfer-
retur, videlicot in locum de Saleto qui nomine Fons Danielis
appellatur, ad pacis et caritatis integritatem inter ulramque
abbatiam pcrpetuo conservandam, talis ad invicem compo-
silio amicabiliter firmata est. Monachi Savignienses acquirere
poterunt licenter terras et pasturas et edificare grangias et
bergereias usque ad vicum Sancti Georgii de Quiteio,
circumquaque extra forestam de Meduana, sicuti eis licebat
antequam abbatia illa fundaretur. Monachi vero de Fonte
1. Clarion.
2. Librum B.
3. Paganiis B.
4. Colimbero A.
— 301 —
Danielis extra predictam forestam nec grangias nec berge-
reîas edificabunt a predicto vico Sancti Georgii et a castello
de Ambreriis versus Savigniacum nec alibi circa Savignia-
cum per tantum spacium terrarum quantum a vico Sancti
Georgii usque Savigniacum continetur. Omnia autem alia,
que eis data fuerint in elemosinam infra predictos terminos,
recipere poterunt et licite possidere. Emptiones tamen infra
dictos terminos facere non poterunt quas monachi Savi-
gnienses pro eodem precio sibi voluerint retinere ; et quo-
niam dominus Juhellus de Meduana et Isabel, mater ejus, et
Mauricius de Creono, Petrus et Amaurricus, fratres ejus, et
Flaoisa de Lavalle et Constantia, sorores eorum, et Guillel-
mus de Guirchia, antequam abbatia de Fonte Danielis fun-
daretur, se dederant monasterio Savigniensi et ibi sibi
elegerant sepulturam, eos monachi de Fonte Danielis reci-
pere non valebunt.
Quod ut firmiter futuris tcmporibus observetur, presenti
cyrographo confirmatum est, cujus pars altéra sigillis abba-
lum Cisterciensis, Clarevallensis, Savigniensis, altéra vero
sigillis abbatum Cisterciensis, Clarevallensis, Clarimonten-
sis et de Fonte Danielis munita est. Actum anno ab incar-
natione Domini millesimo ducentesimo quarto, vigilia
dominice Annuntiationis.
1205, 30 mars. La Herperie. — Donation de la dime des
retenus produits par les essarts de la forêt de fosse-
lou9ain et par la terre de Grolay,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 27 ro.
Universis fidelibus présentes Htteras inspecturis Juhellus,
dominus Meduane, salutem. Noverit universitas vestra quod
ego, pro sainte anime mee et antecessorum et heredum meo-
rum, dedi et concessi in puram et perpetuam eleemosynam
omnino liberam et quietam, Deo et béate Marie et abbatie
de Saleto totam decimam partem redditus mei de terra
examplata in foresta et circa forestam de Fossaloven, et de
terra de Groleio, quocumque modo illum redditum habitu-
rus sum ego, vel hères meus, sive in bladio, sive in pecu-
nia. Et si ego vel hères meus aliquo tempore amplius de
terra, que et in predicta foresta vel circa illam [fuerit], vel de
terra Groleii examplarifecerimus, deomni redditu quem inde
— 302 —
habituri sumus predicte abbatie monachi decimam partem
habebunt : bec autem pars décima semper reddenda est
annuatim festo sancti Remigii, ita quod ad portam dicte
abbatie erogabitur pauperibus sive in pane, sive in pannis,
sive aliis rébus, prout abbati et portario Saleti secunduni
tempus utilius visum fuerit. Quod ut firmius teneatur,
sigillo meo ego Juhellus confirmari feci. Actum est anno ab
incarnatione Domini millesimo ducentesimo quinto, tertio
kalendas aprilis, apud Harperiam.
VI
1207, 16 octobre, Mayenne. — Donation par Juhel de
Mayenne de Georges Durely de Gorron^ et abandon par
le dit Durel de son hébergement de Gorron.
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fo 27 r».
Universis sancte ecclesie fîliis presens scriptum inspectu-
ris Jubellus, dominus Meduane et Dinani, etemam in
Domino salutem. Noverit universitas vestra quod ego, pro
sainte anime mee, patris et matris mee et omnium anteces-
sorum meorum, dedi et concessi in puram et perpetuam
eleemosynam Deo et béate Marie de Fonte Danielis et
monachis ibidem divina celebrantibus unum hominem apud
Gorrum videlicet Georgium Durel, etheredem ejus, liberum
et quietum per totam terram meam ab omnibus consuetu-
dinibus, tailliis et redevantiis c\ auxiliis et ab omnibus
rébus que ad me et ad meum pertinent heredem. Ipse autem
Georgius Durel hujus franchisie non immemor, pro sainte
anime sue, patris et matris sue, dédit monachis dicte abba-
tie totum herbergamentum suum de Gorrum, in quo dicti
monachi semper unum hominem habebunt, qui eis ad
eorum descensus ^ et ad proprios eorum servientes suflicien-
ter providebit necessaria. Dédit insuper prefatis monachis
unam marcham argenti singulis annis capiendam die cir-
cumcisionis Domini super omnem hereditatem suam de
Gorrum, et super medietariam, que est super aquam de
Gegneis in terra de Laval, donec d ictus Georgius aliquam
faciat emptionem in qua monachi dictam marcham argenti
ad suam possint capere utilitatem. Dederunt etiam dictus
Georgius et uxor ejus abbatie de Fonte Danielis, in qua
1. Dascensus in codice.
— 303 —
elegerunt sepulturam, ad obitum eorum, omnes partes suas
de mobilibus suis faciendo rationabilem eleemosynam sacer-
dotî SUD vel quibus debuerint, cum concilio tamen monacho-
rum. Sciendum vero est quod heres dicli Georgii omnia
tenementa patris sui et franchisiam tenebit de monachis,
reddendo eis illud servitium et illam redevantiam, quam
pater suus annuatim eisdem monachis reddebat : si vero
hanc redevantiam dîctus heres Georgii sepedictis monachis
reddere noluerit aut nequiverit, supradictum herberga-
mentum, in quo habetur franchisia, monachis remanebit,
et in omni hereditate sua ubicumque sit unam marcham
argenti perpetui redditus capient [aut] eisdem monachis a
dicto Georgio, vel herede ejus, alio loco assignabitur. Ut
autem hec eleemosyna firma et stabilis perseveret, ego
Juhellus presentem paginam sigilli mei impressione feci
communiri. Actum apud Meduanam anno gratie millesimo
ducentesimo septimo, septimo decimo kalendas novem-
bris.
VII
1208. — Donation par Maurice de Craon d'une rente de
six liçres angevines à prendre sur le trépas de la Loire
à Chantocé,
Cabinet Brière, au Mans ; copie sur papier, du xviie s.
Universis Christi fidelibus presentem paginam inspectu-
ris, Mauricius, dominus Credonensis, salulem. Noverit uni-
versitas vestra quod ego, pro salute anime mee, patris mei
et matris mee et antecessorum et heredum meorum, dedi
Deo et béate Marie et abbatie de Fonte Danielis et monachis
ibidem Deo servientibus in perpetuam elemosinam vi libras
andegavensium in passagio meo de Chantoceio videlicet in
passagio Ligeris, per manum illius qui redditum illum sive
ad firmam sive aliquo alio modo recipiet annis singulis
capiendas. Hoc autem sciendum quod hec elemosina his
terminis monachis débet reddi, scilicet in festo sancti
Michaelis lx solidi andegavensium et in festo beati Flo-
rentii alii lx solidi assignantur. Ut autem hec elemosina
perpetuum robur obtineat et ut * absque dilatione reddant.
ego Mauricius, Credonensis dominus, presentem cartam
1. V m codice.
— 304 —
feci sigilli mei munimine roborari. Actum apud Credonium
anno gracie M*' CC* VIII°, presentibus Ysabelle, karissima
maire ^ mea, Raginaldo de Monte Ernaudi. Andréa Rcnulii,
Jolianne Bigot et pluribus aliis.
VIII
1208, 29 avril. Mayenne. — Donation de Robin d* Anjou
par Juhel de Mayenne,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 28 r».
Noverint universi présentes pariterque fuiuri quod ego
Juhellus, dominus Meduane, pro salute anime mee et ante-
cessorum et lieredum meorum, Deo et béate Marie de
Fonte Danielis et monachis ibidem Deo servientibus, in
puram et perpetuam eleemosynam dedi et concessi Robi-
num de Andegavia et heredes ejus ab omnibus tailliis et
redevantiis et auxiliis et ab omnibus mihi et meis heredibus
pertinentibus liberos et quietos, cum herbergamento Salo-
monis judsei et omnibus ad herbergamentum illud pertinen-
tibus, et cum Robini tenementis. Pro hac vero franchisia,
dabat idem Robinus dictis monachis singulis annis centum
solidos cenomanensium de quibus centum solidis isdem
Robinus ab illis monachis quatuor libras cenomanensium *
émit, pro quibus quatuor libris cenomanensium ' ipse Robi-
nus dédit monachis centum libras cenomanensium ^, quas
ipse habebat super totum feodum Ranulphi Le Flamand de
Gegniez ; et ita Robinus et ejus heredes eisdem monachis,
pro omnibus redevantiis, singulis annis in Nativitate Domini,
viginti solidos cenomanensium reddent, qui viginti solidi,
super omnia ejusdem Robini tenementa assignantur. Insu-
per isdem Robinus medietatem partis omnium mobilium,
que sibi contingerint ad diem obitus sui, in eleemosynam
dédit dictis monachis et concessii. Si autem aliquis here-
dum Michaelis de Andegavia in supradictis contentionem
aliquam moverit, dictus Robinus super omnia sua pepigit
monachis liée omnia liberare. Quod ut ratum in perpetuum
teneatur, ego Juhellus, dominus Meduane, ad monachorum
1. Mater in codice.
2. Cenomanenses in codice.
3. Cenomanensibus in codice.
4. Cenomanenses in codice.
— 305 —
et Robîni petitionem, presentem chartam sigîUi mei feci
munîmine^ roborari.
Actum apud Meduanam in mei presentia, anno gratie
millesimo ducentesimo octavo, tertio kalendas maii.
IX
1208. mai. Châtillon. — Exemption de péage accordée par
André de Vitré pour toute marchandise achetée ou {ten-
due par l'abbaye,
Bibl. nat., fr. 22329, p. 768.
Noveritis universi présentes pariter et futuri quod ego
Andréas de Vitreo monachis Fontis Danielis, pro sola Dei
retributione, franckisiam et quitantiam per totam terram
meam de omnibus que emerint vel vendiderint vel per eam
terram in eundo et redeundo transferri fecerint dedi in
puram eleemosinam et concessi. Ut autem hoc sit [stabile].
sigillum meum feci apponi. Actum apud Chastelum, anno
gratie millesimo ducentesimo octavo, die Ascensionis Do-
mini, mense maio.
1209. — Exemption de péage accordée par Guillaume de
la Guerche pour toute marchandise achetée ou rendue
par l'abbaye,
Bibl. nat., fr. 22329, p. 775.
Noveritis universi présentes pariter et futuri quod ego
Guillelmus de Guirchia, pro salute anime mee, antecesso-
rum et heredum meorum, dedi abbatie de Fonte Danielis
franchisiam et quittantiam per totam terram meam de
[omnibus que emerint vel vendiderint vel per eam terram
in eundo et redeundo transferri fecerint. Ut autem hoc sit
lirmum, sigillum meum feci apponi]. Actum anno gratie
millesimo ducentesimo nono.
1. Munime in codice.
20
— 306 —
XI
1209. — Donation par Isabelle de Mayenne du moulin de
Grenoux ai^ec la mouture du Bourgnou^ly de la Her-
perie et de Belgeard.
Bibl. muD. de Laral, fds Couanier, mss. 12207, n^ 6 (Original,
parchemin ; sceau disparu).
Universis presentem paginam inspecturis, Isabel de Me-
duana, salutem. Noveritis quod ego pro salute anime mee,
patris mei et matris mee et infantum meonim. dedi Deo et
béate Marie et abbatie de Fonte Danîelis in perpetuam ele-
mosinam molendinum de Grenor cum tola molta de Har-
peria et de Burgo novello et de Brolio Legardis quam
molendinum de Brolio Legardis capere non poterit. Volo
igitur et constituo ut predicta abbatia hanc elemosinam
libère et pacifiée teneat et possideat. Ut autem hoc ratum
et stabile sit in perpetuum, presentem cartam sigilli mei
feci munimine roborari. Actum anno gracie M* CC* IX*.
XII
1210 (n. st.), 23 janvier. — Donation par Juhel de Mayenne
du droit de pêche dans la rivière la Mayenne depuis le
pont de Mayenne jusqu au pont Landry.
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254. fol. 30 v».
Universis Christi fidelibus presentem paginam inspec-
turis vel audituris, Juhellus, Meduane et Dinani dominus,
salutem in eo qui salus est omnium. Noverit universitas
vestra quod ego, pro salute anime mee, patris mei et matris
mee et uxoris mee Gervasie, et omnium antecessorum et
heredum meorum, dedissem dudum aliquas partes ri parie
mee Meduane cum terris et superadjacentibus abbatie mee
de Fonte Danielis et monachis in ea Deo servientibus in
perpetuam eleemosynam, quas tamen, ut dolentes referunt,
nequeunt pacifiée et utiliter possidere. Hinc est quod humili
petitioni eorum inclinatus, do amodo ipsis in perpetuum
ipsam totam ripariam meam Meduane a ponte Meduane
usque ad pontem Landrini cum omnibus dominiis et juribus
meis ad exercendum et piscandum in omnibus et singulis
ratibus meis pacifiée et quiète et in omnibus piscatoriis
— 307 —
factis et faciendis, retinendo vel emittendo aquam per se et
per quos voluerint, sicut et ego et predecessores mei hacte-
nus consuevimus facere, et uti nihil de ea vel ejus perti-
nentiis a terminis supradictis retinens mihi vel heredibus
meis prêter divinam retributionem . Quod ut ratum sit in
perpetuum, presentem feci chartam sigilli mei testimonio
confirmari. Actum anno incarnationis dominice millesimo
ducentesimo nono, mense januarii, in crastino sancti Vin-
centii martyris.
XIII
1211 (n. st.), 4 février. — Abandon par Juhel de Mayenne^
partant pour la croisade contre les AlbigeoiSy de tous
les droits qu'il avait gardés sur les immeubles possédés
par l'abbaye, sans réserve autre que la justice à
sang,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 31 r».
Bibl. nat., fr. 22329, fol. 763 ro. (Extrait).
Grosse-Duperon, Cartulaire de Fontaine-Daniel, p. 80, n® xlx.
Universis Christi fidelîbus presentem paginam inspectupis
vel audiluris Juhellus, Meduane et Dinani dominus, salu-
lem in eo qui salus est omnium. Noverit universitas vestra
quod ego, eum iter peregrinationis arriperem ad debellan-
dum contra hostes fidei nostre, contra videlicet Albigenses
hereticos, ppo salute anime mee, patris mei et matris mee et
uxoris mee Gervasie, et omnium antecessorum et heredum
meorum, dedi Deo et béate Marie et abbatie mee de F'onte
Danielis quam fundavi et monachis ibidem Deo servientibus.
in puram et perpetuam eleemosynam, perpetuam libertatem
et quittantiam ab omnibus que mihi vel meis heredibus per-
tinent in universis terris, pratis, piscationibus, in aquis et
in nemoribus, in omnibus insuper que ex dono meo vel ab
aliis eleemosyna acquisierant, que tune temporis possidebant.
Dedi eliam dictis monachis in perpetuam eleemosynam
quicquid redditus vel juris habebam in omnibus supradictis
que, ut dictum est, prefati monachi tune temporis posside-
bant. Hoc autem sciendum quod in supradictis nihil, prêter
divinam retributionem, mihi vel meis heredibus reservavi,
excepto quod si de hominibus eorumdem monachorum ali-
quis aliquid forifecerit, pro quo secundum judicium terre
membrum vel vitam perdere meruerit, meum erit ipsum
— 308 —
capere et de eo judicium et justitiam facere, ita tamen quod
ejus mobilia monachis ex integro remanebunt. Yolo igitur
et precîpio firmîterque constituo ut he supradicte libertates
prefatis monachis iirmissime teneantur. Quod ut ratum sit
in perpetuum, presentem feci chartam sigilli mei testimonio
confirmari. Actum anno inearnationis dominice millésime
ducentesimo decimo, mense februarii, die crastino sancti
Blasii.
XIV
1211. — Affranchissement concédé par Juhel de Mayenne
à Marie, sœur de Gautier LeveleSy et à Etienne^ fils
de Morgue de Rechonia, à charge de 12 deniers de rente
annuelle payables à l'abbaye de Fontaine-Daniel, le
Jour de Noël,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 31 v».
Ego Juhellus de Meduana^ dominus et Dinani, notum
facio universis presens scriptum inspecturis quod ego con-
cessi Marie, sorori Gallerii Leveles \ et Slephano, filio
Rorgues de Rechonia, et heredibus quos dicta Maria habe-
bit de eodem Stephano, libertatem habendam et tenendam
pep totam terram pacifiée et quiète. Si vero dictus Stepha-
nus nature solverit debitum sine herede habendo de dicta
Maria et eadem Maria alium virum duxerit qui non sit de
meis burgensibus, ego predictam libertatem concedo eidem
viro et heredibus illius quos habebit de predicta Maria,
habendam et tenendam pacifice et quiète. Item franchivi *
eidem Marie et heredibus suis domum defuncti Radulphi
Fabri, et hortum eidem pertinentem, que dictus Galterius
dédit in puram eleemosynam eidem Marie et suis heredibus.
nia et heredes sui pro tàli franchisia reddent singulis annis
duodecim denarios in die natali Domini Deo et abbatie de
Fonte Danielis. Ut autem hoc ratum habeatur et inconcus-
sum, ego 3, pro amore et servicio dicti Galterii, presens
scriptum sigilli mei testimonio confirmavi. Actum anno gra-
tie millesimo ducentesimo undecimo.
1. Des documents postérieurs donnent la forme Levesel.
2. Franchavi in codice.
3. Egro in codice.
309
XV
1212. — Donation par Jiihel de Mayenne de la terre
d'Hugues Bretely échue au donateur par la forfaiture de
Marthey fille du dit Bretely et de son mari Geoffroy
Bicolne qui s'étaient retirés en Angleterre.
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254. fol. 28 r».
Grosse - Duperon , Cartulaire de Fontaine - Daniel , p. 93,
n» Lxiv.
Sciant omnes qui hoc audierint vel viderint quod ego
Juhellus, dominus Meduane et Dinani, pro salute anime mee,
in puram. liberam ab omnibus et quietam et perpetuam
eleemosynam dedi Deo et abbatie mee de Fonte Danielis
omnem terram Hugonis Bretel, cum omnibus pertinentiis
suis, quicquid autem ^ in mea potestate ad eum spectabat jure
hereditario, que ad me devenerint jure hereditario possi-
denda, forifacto Agathe filie ejus et heredis, et Gaufridi
Bicolne mariti ejus, secundum judicium factum in curia
domini régis contra omnes illos qui ab ipso in Angliam
cum inimicis ejus et regni ejus voluntate * propria recesse-
runt. Quod ut firmum et ratum sit in posterum, ego, qui
hujus eleemosyne conservator sum pariter et protector, ad
majorem iirmitatem presentem chartam feci sigilli mei tes-
timonio confirmari. Actum anno gratie millesimo ducente-
simo duodecimo.
XVI
1215, 1*"" avril. — Assignation d'une rente de vingt sous
mansais à prendre sur la préçoté de Mayenne pour être
distribués aux {voyageurs de Clteaujr et aux pauvres,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, f» 28 y».
Grosse-Duperon, Cartulaire de Fontaine-Daniel, p. 105,
n*» Lxxx.
Noverint universi présentes et posteri quod ego Juhellus,
Meduane et Dinani dominus, assignavi vigintî solides ceno-
manensium ^ percipiendos singulis annis in festo sancti
1. Aut in codice.
2. YoluDtati in codice.
3. Cenomaoenses in codice.
— 310 —
Joannis Baptiste in prepositura mea de Meduana, quos
abbas de Fonte Danielis, pro sainte anime mee et anteces-
sorum et heredum, in via capituli Cisterciensis ordinis
peregrinis et pauperibiis erogabit. Ut autem hoc fîrmum
sit in perpetuum, sigilli mei presens scriptum feci testimo-
nio roborari. Aetum kalendas aprilis anno gratie millesimo
ducentesimo decimo quinto.
XVII
1216. — Donation par Isabelle de Mayenne (Tun marc
d'argent de rente à prendre sur la recette des cens du
Bourgnouvelj pour le repos de l'dme de Pierre de
Craon,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fo 29 r».
Noverint omnes qui bec viderini vel audierint quod ego
Isabel de Meduana. cum voluntate dilecti filii mei. dedi
abbatie noslre de Fonte Danielis unam marquam argenti
annui reditus. in censibus meis de Burgo novo festo omnium
Sanctorun capiendam per manum illius qui dictos census
recipiet quoquo modo, pro anima carissimi filii mei Pétri
de Credone et omnium aliorum filiorum meorum. Sciendum
vepo est quod si serviens meus vel ille qui census meos
recipiet ad dictum terminum dictam marquam requisitus
non persolverit, de pena irremissibili. si monacki ita volue-
rint, cum septem solidis conomanensium • emendabit. Quod
ut firmius in perpetuum conservetur, ego presentem char-
tam feci sigilli mei testimonio r<oborari. Actum anno gratie
millesimo ducentesimo sexto decimo.
XVIII
1216. — Confirmation par Maurice de Craon de la
donation faite par sa sœur Constance d'une rente de
20 sols tournois à prendre sur le trépas de la Loire à
Chantocé,
Cabinet Brière au Mans, copie sur papier, du xvii^ siècle.
Universis Christi fidelibus presens scriptum inspecturis
Amauricus, dominus Credonis, salutem in Domino. Sciatis
1. Cenomanensibus in codice.
— 311 —
quod soror mea Constancia < , pro salute anime ' fratris mei et
sui Pétri de Credone, dédit in puram et perpetuam elemosi-
nam et concessit abbatie de P'onte Danielis et monachis ibi-
dem Deo servientibus viginti solides turonensium perpetui
redditus. apud Chantoceium in passagio Ligeris singulis
annis similiter dimidia quadragesima capiendos cum aliis
viginti solidis ^ quos antea ipsi monaclii ex dono ipsius
Constancie in dicto passagio habebant per manum illius
qui illud passagium recipiet quoquo modo. Hanc autem ele-
mosinam ego Âmaurious, ad petitionem prefate sororis mee,
prefatis monachis bona fide concessi perpetuo possidendam.
Et ut hoc firmius in perpetuum teneatur, presentem [car-
tam] feci sigiili mei testimonio roborari. Actum anno gratie
M" ce* sexto decimo.
XIX
1216. — Assignation par Juhel de Mayenne, sur la ferme
de Lassay, d'une somme de vingt Usures à prendre le
22 juillet de chaque année jusqu'à Vachèvement du dor^
toir de l'abbaye commencé par Isabelle de Mayenne.
Bibl. nal., lat. n. acq. 1254, fo 29 vo.
Grosse - Duperon CarUilaire de Fontaine - Daniel , p. 110,
n» Lxxxv.
Universis presens scriptum inspecturis Juhellus de
Meduana, dominus et Dinani, salutem. Sciatis quod ego,
ad preces carissime matris mee Isabelis de Meduana,
concessi in puram eleomosynam monachis meis de Fonte
Danielis quod si eam mori contigerit antequam perficeretur
dormitorium Fontis Danielis cum pertinentiis suis, quod
ipsa inceperat, viginti libre cenomanensium ^, quas ad hoc
assignaverat in firma de Lacaio, singulis annis festo béate
Marie Madgalene similiter caperentur, donec totum opus
dormitorii cum suis pertinentiis ex integro perficeretur. Ut
autem hoc firmius teneatur, presens scriptum feci sigiili
mei testimonio roborari. Âctum anno gratie millesimo
ducentesimo decimo sexto.
1. Quo Catherina soror mea Constancia in codice.
2. Catherini in codice.
3. Solidos in codice.
4. Cenomanenses in codice.
312
XX
1218. — Donation par Juhel de Mayenne de ses halles de
Mayenne aifec tout droit de juridiction^ à la résen^e de
la justice à sang.
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 29 r».
Universis Christi fidelibiis presens scriptum inspecturis
Juhellus, Meduane et Dinani dominus, saluicm. Noverit
universitas vestra quod, in honorem bealorum apostolorum
Simonis et Jude et pro salute anime mee, patris mei et
matris mee et uxoris mee et antecessorum et heredum meo-
rum, dedi Deo et béate Marie et abbatie mee de Fonte
Danielis quam fimdavi, omnes cohuas meas de villa Meduane
cum omnibus perlinentiis suis, et concessi in puram et per-
petuam eleemosynam possidendas, ita libère et quiète ut
nullus possit aliquid facere per quod predictarum cohuarum
redditus minuatur. Preteroa jussi et institui ut omnes ven-
dentos et ementes in predicta villa Meduane, tam de blado
quam de omnibus aliis rébus pro quibus stalla tenere vel
conducere debent, justitia et discretione servientis quem ibi
habebunt monachi in predictas cohuas venire cogantur, qui
servions potestatem habebit plenariam tam in villa Meduane
quam in omni castellania capiendi omnes illos vel res eorum
qui se a prefatis cohuis subtraxerint et cmendationem eorum,
que sibi adjudicabitur, capere poterit, si tamen monachis
placuerit. Si vero aliquis de redditu cohuarum servienti
monachorum contendere aut vim inferre presumpserit, tune
serviens meus feodalis, ad petitionem servientis monachorum,
illum rapiet vel res ipsius et ei tradet, mediante judicio,
puniendum. Dedi etiam prefatis monachis omnia jura et
expleta que pro occisione et excessibus cohuarum potest
provenire ; sed si forte aliquis in prefatis cohuis aliquem
interfecerit. de interfectore justitiam mihi retinui faciendam,
excepto quod si interfector de hominibus fuerit monacho-
rum ipsi res ejus et capitalia habebunt absolute. Si vero
accident quod predicte cohue quolibet incendio combu-
rantur aut omnia vetustate vel guerrarum infortunio devas-
tentur, [volo] ut merramentum in foresta meacapiant monaclii
ad ipsas faciendas et reparandas et quadrigas féodales [ad]
merramentum cohuis necessarium subvehendum. Ut autem
hec eleemosyna in parte pro anima Mauritii * de Credone,
1. Mauritius in codice.
— 313 —
fratris mei, facta nulla possit alicujus machinatione violari
et ut perenne robur obtineat, presentem chartam sigilli mei
munimine roboravi. Actum anno gratie millesimo ducente-
simo octavo.
XXI
1219. — Donation d'Herbert Do par Juhel de Mayenne.
Bibl. nal., lai. n. acq. 1254, f» 28 r<».
Universis presens scriptum inspecturis Juhellus de Me-
duana, dominus Dinani, salutem. Noverilis quod ego, pro
salute anime mee et antecessorum et heredum meorum,
dedî Deo et béate Marie et monachis abbatie mee de Fonte
Danielis in perpetuam eleemosynam hominem meum Her-
bertum Do et heredes ejus, cum omnibus tenementis ejus,
liberos ab omnibus que ad me et ad heredes meos perti-
nent, et immunes. Quod ut ratum et stabile teneatur in
perpetuum, presenlcm paginam feci sigilli mei testimonio
roborari, anno gralie millesimo ducenlesimo decimo nono.
(A suivre).
1 H1«ISTR4T RÊYOLliTIONNÂIRE
FRANÇOIS MIDY
(1752-1807).
I
Le personnage dont nous allons entretenir le lecteur
n'est pas un grand homme et aucun de ses actes ne
parait de nature à attirer l'attention sur lui. C'est un
simple bourgeois, un petit magistrat de petite ville de
province, qui, poussé par les événements, eût pu, lui
aussi, jouer un rôle pendant la Révolution, comme ses
amis Volney et Esnue-Lavallée, si son honnêteté, et
peut-être aussi le soin de sa santé, ne l'avaient maintenu
dans les rôles subalternes.
Du reste, son intelligence véritable (il était avocat en
Parlement) *, mais ordinaire en somme, ne le portait
pas à prononcer des discours et à se mettre en avant. Il
se contentait de remplir avec exactitude les différents
postes qui lui furent confiés successivement.
Si nous parlons de lui, c'est qu'il est le type de beau-
coup de magistrats de son époque. Surpris par la Révo-
lution, rallié par intérêt au nouvel ordre de choses,
cherchant à s'y faire une place, hurlant peut-être parfois
1. Il prend ce titre au bas d'une lettre du 7 février 1790 adressée
à M. Treilhard.
— 315 —
aTec les loups, c'est-à-dire les puissants du jour, mais
bornant à des paroles l'expression de ses opinions
républicaines, il recula toujours devant des actes qui
eussent répugné à sa conscience. Aussi, d'abord comme
receveur des Vingtièmes et procureur du Roy au gre-
nier à sel de Craon, comme juge au Tribunal de cette
ville, comme accusateur public près le Tribunal criminel
de département, puis comme juge au Tribunal civil de
Laval, enfin comme avoué près ce Tribunal, vers la fin
de sa vie, s'était-il fait partout de nombreux amis, dont
il nous a encore été donné de connaître quelques-uns,
qui avaient conservé de lui un excellent souvenir et van-
taient son urbanité et son zèle pour rendre service à tous
ceux qui s'adressaient à lui.
François Midy était né à Limoges le 8 juin 1752 ^
Dans une lettre du 29 janvier 1791, adressée au Comité
des pensions de l'Assemblée Nationale, dans le but
d'obtenir un secours, il raconte les malheurs de sa jeu-
nesse jusqu'à son arrivée en Anjou 2.
« Le sieur Midy n'a éprouvé depuis qu'il existe que
des événements malheureux. A l'âge de treize ans, il a
perdu son père, receveur ancien et alternatif des tailles
de rÉlection de Bourganeuf, généralité de Limoges.
Trop jeune encore pour être reçu dans ces charges, sa
mère, pour les lui conserver, fut obligée de donner un
homme au Roi. Elle fit donc recevoir dans ces charges
le sieur Ronchon, commis de son mari, pour les exercer
jusqu'à la majorité de son fils. II en coûta 10.000 livres.
A peine le sieur Ronchon fut-il pourvu, qu'il augmenta
ses dépenses et parvint, aidé des receveurs généraux
qu'il trompait, à faire un vuide dans la caisse de plus de
50.000 livres. Sa caisse étant vérifiée, il fut destitué.
Pour remplir ce déficit, on s'attaqua aux charges qui
1. Fils de Léonard Midy et de Marie Laury.
2. Craon, de même que Chàteau-Gontier, faisait partie de l'An-
jou. En 1790, ces deux villes et leurs alentours avaient été réunies
ftu nouveau département de U Mayenne.
— 316 —
furent vendues en 1775 par arrêt du Conseil, où le sieur
Midy avait été en instance pendant plus de cinq ans.
« Par ces événemens le sieur Midy, sans fortune, eut
recours à M. Turgot, alors contrôleur général, qui Fho-
norait de sa protection. M. Turgot ne put lui donner
dans ce moment qu'une place dans la Régie des messa-
geries. 11 se livra avec zèle à ce nouvel établissement
pour le service public. Il a eu le malheur, à Yalenciennes,
de perdre le bout du doigt de la main droite par la mala-
dresse d'un postillon de la Poste. M. de Cluni détruisit
cette Régie et le sieur Midy fut supprimé avec les autres
employés.
« Ce fut alors que M. Dailly, qui avait connu les
malheurs du sieur Midy, étant chez M. d'Ormesson,
intendant des Finances, parla de lui à M. Necker et lui
fit donner la place de contrôleur des Vingtièmes. 11 fut
nommé à cet emploi le 1" juin 1778, avec 1.200 livres
pour appointemens, frais de voyages, de tournées, de
bureau et tous autre frais quelconques. Il lui fut assi-
gné rÉlection de Chàteaugontier. »
Suit rénumération des travaux exécutés par lui,
d'abord sous les yeux de l'inspecteur résidant à Laval,
puis à Château-Gontier. Mais il fut atteint d'une grave
maladie, occasionnée « par l'assiduité du travail du
cabinet, et qui, lui obstruant tous les viscères, l'obligea
à interrompre ses travaux ». Cette maladie, « dont il ne
s^est jamais remis complètement, étant depuis ce
moment sujet à de fréquents accès de goutte », avait
duré du mois d'août 1781 au mois de mai 1783. Une fois
guéri, Midy songea à se marier.
« Quelque temps après, j'eus l'occasion de connaître
M**' Déan, anglaise, filleule de Monsieur * et de
^jrne Adélaïde ^^ alors pensionnaire au couvent des
Ursulines d'Argenteuil, aujourd'hui mon épouse. Je me
donnai des soins pour obtenir l'agrément du prince et de
1. Le comte de Provence, frère de Louis XVI, depuis Louis XVIIL
2. Fille de Louis XV et tante du Roi.
— 317 —
princesse. Sur les informations qu'ils firent prendre, ils
voulurent bien me Taccorder. Toute notre fortune con-
sistait alors en une place qui me valait 1.500 livres,
dans la charge de procureur du Roi au grenier à sel de
Craon, du produit de 600 livres ^, en une pension de
400 livres et 300 livres sur les Économats, au total
2.800 livres. Je comptais encore sur une gratification
annuelle que M"' Adélaïde avait eu la bonté d'accorder
à mon épouse. Mais, depuis mon mariage, en 1783, je n'ai
touché ni la pension de Monsieur, ni cette gratification ^. »
En somme les revenus des époux Midy étaient réduits
à 2.400 livres, à supposer qu'il n'eût aucune ressource
personnelle, dont il a évité de parler, et dans une petite
somme, minime sans doute, qu'il devait toucher en qua-
lité de sénéchal de l'abbaye bénédictine de Nyoiseau
près Segré '^.
Cette situation était peu brillante, mais permettait
encore au ménage Midy de vivre honorablement, lorsque
la Révolution de 1789 vint tarir la plupart de ces reve-
nus. Les Vingtièmes supprimés, plus de receveur; la
gabelle renversée, plus de procureur du Roi au grenier
à sel ; la pension de M™' Midy sur les Economats était
bien menacée. Les ressources sur lesquelles pouvait
compter le ménage disparaissaient successivement.
Midy ne cesse cependant de solliciter de tous côtés.
11 écrit à Madame Adélaïde, à son intendant, l'abbé de
Ruallin, à un parent, M. Midy de la Gréneraie, conseil-
ler au Parlement de Rouen et collègue de l'abbé de
Ruallin, à M. Dailly son protecteur ^, à Volney, au
1. M^I' Déan apportait en dot une somme de 12.000 livres
employée en l'acquisition de cette charge.
2. Lettre du 25 décembre 1789 adressée à M. l'abbé de Ruallin,
conseiller clerc au Parlement de Rouen et intendant de Mesdames,
tantes du roi.
3. Midy écrit à diverses reprises à Tévéque d'Autun, à Treilhard,
membres du Comité ecclésiastique de l'Assemblée Nationale, etc.,
pour le règlement des affaires de cette abbaye.
4. Premier commis des finances pour les impositions. Sans
doute le même que M. d'Ailly, député de Chaumont en Yexin à
TAssemblée Nationale.
— 318 —
Comité des Pensions de TAssemblée nationale, pour
obtenir des secours ou une pension. Rien ne lui réussit.
Les revenus de Mesdames de France étaient bien dimi-
nués et ne leur laissaient plus le moyen de répandre
leurs bienfaits autour d'elles, et les finances de la France
étaient tellement obérées qu'elles ne permettaient pas
d'accueillir les demandes qui affluaient de tous côtés.
Tout s'effondrait devant ce pauvre Midy qui ne pouvait
plus compter que sur le remboursement de sa charge de
procureur du Roi au grenier à sel. C'était bien peu.
Aussi jugea-t-il prudent d'adhérer au nouvel ordre de
choses, qui sans doute pourrait remplacer en partie ce
qu'il perdait; tout en continuant cependant à solliciter
de tous côtés des secours qu'il ne devait jamais obtenir.
11 avait du reste déjà commencé son évolution quel-
ques mois auparavant. C'est lui, probablement, qui
rédigea le Cahier des doléances de la paroisse de
Saint- Aignan-sur-Roë, lequel « renferme tout un pro-
gramme de gouvernement, fait par un candidat à la
députation, mais ne s'occupe pas des intérêts locaux ».
Midy fut l'un des deux députés choisis par la dite
paroisse pour faire partie de l'Assemblée préliminaire
du Tiers-Etat réunie à x\ngers le 9 mars 1789. Mais il
ne fut pas conservé au nombre des électeurs réduits au
quart appelés à nommer les députés aux États-Géné-
raux
1
Au mois de juillet 1789, à la nouvelle de la prise de
la Bastille, toutes les villes de France voulurent avoir
leur milice nationale. Craon suivit l'exemple donné par
les villes voisines. Elle aussi eut sa garde bourgeoise,
composée de six compagnies et commandée par le pré-
sident du grenier à sel, Doussault. Midy faisait partie
de l'état-major 2.
1. Laurain, Les doléances de Saint- Aignan-sur-Roë, dans la
Revue du Maine, 1902, pages 73 et s., et Abbé Angot, Dictionnaire
de la Mayenne, t. III, p. 46.
2. (20 juillet).
— 319 —
On ne voit pas cette garde intervenir dans Témeute
qui se produisit, au commencement du mois d'août,
contre le seigneur de Craon, le marquis de la Forêt
d'Ârmaillé. Après le 14 juillet, celui-ci, ne se sentant
plus en sûreté à Paris, était revenu secrètement à son
château, où il se tenait confiné. Cependant sa présence
fut signalée à Craon. Aussitôt la ville se souleva pour
exiger de lui l'abandon d'une prairie qu'il avait enclose
dans son parc et qui auparavant servait de promenade
aux habitants. M. Doussault accourut au château, suivi
de quelques amis et de ses officiers, pour protéger
M. d'Armaillé contre les menaces de la foule qui avait
déjà arraché les grilles, enfoncé les portes et envahi
tous les appartements. Le marquis avait d'abord refusé
de rendre la prairie, mais il dut céder enfin et laisser
brûler son chartrier *.
Peu de temps après il se forma, parmi les gardes
nationaux, une compagnie de volontaires, composée de
jeunes gens aisés qui, pouvant disposer de leui: temps,
s'étaient offerts pour faire le service des patrouilles de
jour et de nuit, les jours de dimanches ou de fêtes et
1. De Bodard, Chroniques Craonnaises, pages 374 et s., et
Amende honorable d'un gros marquis devenu tambour ou relation
de ce qui est arrivé au marquis d*A..., seigneur de Craon en Anjou.
Paris, Guillemain Junior, 7 pages in-S». — Cette brochure est
écrite sous forme de lettre, datée du 15 août 1789, et adressée à un
citoyen de Craon habitant Paris (Volney peut-être). M. de Bodard,
qui avait pu encore interroger plusieurs témoins oculaires, dit que
la brochure a beaucoup exagéré les détails de cette émeute et les
avanies qu'eut à subir M. d'Armaillé. Le fond seul du récit serait
exact, c'est-à-dire l'abandon de la prairie et le brûlement du char-
trier. M. André Joubert, Les troubles de Craon du 12 juillet au
ÎO septembre 1189 d'après un document inédit, émet la même opi-
nion. — Y. Les premiers troubles de la Révolution dans la Mayenne»
par Y. Duchemin et R. Triger, pp. 42 et 43. D'après le document
publié par M. André Joubert, les insultes et les menaces contre
M. d'Armaillé se produisirent du 26 juillet au 6 août. Des commis-
saires. Lavallée, Chartier, Daigremont et Basille, inventorièrent
son chartrier et firent porter tous les titres féodaux au comité
créé récemment par la Garde Nationale. Il n'y est pas question du
brûlement de ces titres.
— 320 —
ceux de foires ou de marchés pour éviter aux artisans
ce service fatigant qui les eût tenus éloignés de leur tra-
vail. Ils choisirent pour officiers MM. Allard et Mercier,
capitaines, et Midy pour commandant. Celui-ci s'em-
pressa de charger sa sœur de broder un drapeau pour
les volontaires.
Ceux-ci avaient promis soumission à M. Doussault et
aux officiers de Tétat-major. Mais, le 15 novembre 1789,
une patrouille, commandée par un de ces officiers, fut
insultée dans les rues de Craon et les volontaires refu-
sèrent dès lors d'obéir à d'autres que leurs capitaines.
L'affaire s'envenima et Midy, au nom des volontaires,
adresse plusieurs lettres, tant à Volney qu'au général
La Fayette, comme commandant des gardes nationales
de France, en faisant valoir les services rendus par ces
volontaires pour la libre circulation des grains et pour la
répression d'une émeute qui menaçait de brûler le gre-
nier à sel. 11 demandait ce qu'il devait faire dans la cir-
constance. Tous les deux l'invitent à essayer de calmer
les volontaires et de les maintenir, en attendant le vote
de la loi portant organisation des gardes nationales de
France.
L'affaire paraissait apaisée, quand une autre patrouille
fut à son tour insultée, le 16 février 1790, par des gardes
nationaux. Les officiers de cette garde, réunis chez leur
commandant, firent venir les insulteurs et les condam-
nèrent à 12 heures de prison. Mais la municipalité
récemment créée intervint, contestant aux officiers le
droit de condamner des citoyens à l'emprisonnement.
Cette fois tout l'état-major ^ était intéressé à défendre
sa décision contre la municipalité qui finit par se calmer
et une entente intervint. Mais les volontaires, se voyant
en butte aux insultes de la populace, préférèrent se dis-
soudre et rentrer dans les rangs de la garde nationale.
1. Outre le commandant et les officiers des volontaires, cette
réunion comprenait les autres capitaines : MM. Daigremont,
Demot, Robert, Dugré et Letort de l'Hommeau.
— 321 —
Midy en fut pour son drapeau, dont il dut faire modifier
les broderies pour ToiFrir à la garde nationale.
Une première municipalité avait été en effet nommée
à Craon le 14 février 1790. Elle se composait de M. de
la Vallée fils, avocat, maire * ; Jamet, procureur de la
commune ; Douasne, bourgeois, Lenseigne, perruquier,
Deniau, marchand, Nupied, tanneur, et Monnier, bou-
langer, officiers municipaux, et de douze notables. C'est
cette municipalité qui eut à remplacer le 18 février
M. Dumont, principal du Collège, récemment décédé.
Les électeurs, au nombre de soixante-quinze, choisirent
M. Tabbé MarsoUier, bénéficier à la Selle-Craonnaise,
qui obtint 61 voix 2.
Par suite de la nouvelle division de la France en
départements, les pays de Craon et de Château-Gontier
Turent détachés de TAnjou et réunis au Bas-Maine pour
former le département de la ^layenne. Celui-ci devait
comprendre sept districts, dont Tun serait établi à
Craon ^.
Il fallut d'abord procéder à l'organisation de l'admi-
nistration départementale, composée d'un Conseil géné-
ral de trente-huit membres qui devaient désigner huit
d'entre eux pour former le Directoire. Celui-ci, assisté
d'un Procureur-Général-Syndic, devait siéger à Laval et
s'occuper des affaires courantes.
Les électeurs du Département, réunis à Laval, au
nombre de 397, du 28 juin au 7 juillet, choisirent pour
représenter le District de Craon au Conseil général,
Besnard de TAnsaudière ; Basile ^, avocat à Craon ;
1. Prançois-Joachim Esnue-Lavallée, le futur conventionnel.
2. Ses compétiteurs étaient M. Dirmand, chanoine à Craon, qui
obtint 13 voix, et le vicaire d'Athée, lequel, d'après Midy, passait
pour joueur et ivrogne, et n'eut qu'une seule voix.
3. Les autres districts étaient Laval, Evron, Mayenne, Lassay,
Emée et Château-Gontier.
4. Sébastien-François, époux de Marie-Henriette Esnue-Laval-
lée, né à Craon, le 11 mars 1749, mort en 1806, juge à la Cour
d'Appel d'Angers.
21
— 322 —
Chevalier, notaire à Saint-Poix ; Rondelou de Latouche,
notaire à Cossé, et Nupied-IIuardière, de Cuillé. Ce
dernier fut désigné par le Conseil pour faire partie du
Directoire.
On dut ensuite procéder à l'élection des membres du
district de Craon, composé également d'un Conseil et
d*un Directoire. Les choix se portèrent sur Basile, curé
de Livré, nommé président ; Chevalier, huissier à Saint-
Aignan; Halligon le jeune, de Laubrières; Fronteau du
Verger, de Denazé, et Trottry, de Cossé, membres du
Directoire, et Pannetier, Procureur-Syndic. Les autres
membres du Conseil furent : Doudet, de Saint- Aignan ;
Besnard de la Boussardière, de Bouchamp ; Rabeau,
de Chérancé ; Morillon, de Méral, et Mettereau de
la Roë.
Mais le président, M. Basile, ayant refusé, au mois
de janvier 1791, le serment constitutionnel, dut se retirer
et fut remplacé, le 28 février, par Morillon, fermier à la
Subrardière. En même temps, M. Chartier, feudiste à
Craon, entrait au Directoire en remplacement de Hal-
ligon, démissionnaire K
Jusque là Midy, dont nous suivons ici les notes, n'avait
rien obtenu, mais il espérait bien trouver sa place lors
de l'élection des juges au Tribunal de District.
Ces élections eurent lieu vers la fin de l'année 1790 et
furent nommés : Esnue-Lavallée, déjà maire de la ville,
président ; Chassebœuf, sans doute le père de Volney ;
Doussault, qui devait remplacer au mois de novembre
suivant le président nommé député à l'Assemblée Légis-
lative 2 ; Lacroix et Chauvet, juges ; Douasne, Midy,
Lecomte-Chauvinières et Houdmon, suppléants.
Midy eut une nouvelle déception. Mais, Chaudet
ayant donné sa démission, il entrevit le moyen de pren-
1. Jacques- Anne-Nicolas, époux de Victoire-Jeanne Esnue-
Lavallée.
2. D'après M. l'abbé Angot. C'est Delacroix qui fut nommé
Président.
à
— 323 —
dre sa place. Régulièrement, c'était le premier suppléant
qui devait être appelé à remplacer le juge démission-
naire. Or Midy entreprit de faire annuler Télection de
Douasne, de telle sorte que, devenant alors le premier
des suppléants, ce fût lui qui fut appelé à occuper le
siège de Chaudet. Il entra aussitôt en campagne et
rédigea des protestations adressées à la municipalité,
au district, au département, au ministre de la Justice,
établissant que le sieur Douasne, ayant pris en 1789,
sur le rôle des tailles, la qualité de bourgeois, ne rem-
plissait pas les qualités prescrites par la Proclamation
du Roy du 24 août 1790. Celui-ci répond à la protestation
de son compétiteur. Midy riposte et finalement obtient
gain de cause. Il est autorisé à solliciter des lettres
patentes pour prendre place comme juge au tribunal.
L'installation de celui-ci avait eu lieu le 24 janvier,
mais celle de Midy ne put avoir lieu que le 4 avril. En
même temps que lui, était admis en qualité de Com-
missaire du Roy, Basile, en remplacement de M. Lau-
reau *, dont l'élection avait été également annulée pour
les mêmes motifs que celle de Douasne. Midy profita de
l'occasion pour prononcer un discours, dont nous trou-
vons la copie dans ses papiers, pour protester de son
dévouement à la Constitution et au nouvel ordre de
choses, auquel répondit le président.
Cette fois notre homme était pourvu. Le nouveau
régime lui avait procuré une place qui lui permettait de
vivre désormais sans inquiétudes et d'envisager l'avenir
sans craintes. Il ne devait pas regretter de s'être rallié
à la Révolution. Aussi, pour donner des gages à ses
amis, n'hésita-t-il pas, le 9 avril, à accepter la prési-
dence du Club dit « les Amis de la Constitution » formé par
vingt citoyens réunis aux Jacobins -^ avec Chartier et
Le Sucq pour secrétaires et Deniau pour trésorier.
1. Sans doute Joseph, ancien procureur au Châtelet de Paris, élu
en l'an V-1797 député au Conseil des Cinq-Cents.
2. Ancien couvent des Dominicains.
— 324 —
En entrant au tribunal, Esnue-Lavallée avait dû aban-
donner la mairie, où il fut remplacé par Nupied, tanneur.
Douasne ayant aussi donné sa démission, il manquait
deux officiers municipaux qui furent pris parmi les nota-
bles formant le conseil de la municipalité, Leroy, mégis-
sier, et Lebreton l'aîné *.
Nous trouvons ces renseignements dans un fragment
de journal rédigé par Midy du 3 janvier au 12 avril
1791. On rencontre aussi dans ces feuillets quelques
notes sur les petits événements dont la ville est le théâtre.
C'est ainsi qu'il raconte, d'après des témoins ocu-
laires, la scène dont l'église paroissiale de Saint-Clé-
ment fut le théâtre et dans laquelle le curé de Craon et
son vicaire refusèrent de prêter le serment constitu-
tionnel, d'abord le 16, puis le 23 janvier, en présence du
maire de Craon, Nupied, de celui de Saint-Clément,
Boisseau, et des officiers municipaux de ces deux com-
munes 2.
Il énumère ensuite les prestations de serment de
quelques curés des environs Esnue-Lavallée ^ de Saint-
1. Les autres notables étaient Moreau, boulanger ; Vuillaume,
menuisier ; Gohier, marchand ; Gendry, boulanger ; Dugpré père,
mégissier ; Robinas, vitrier ; Ganne, forgeron en œuvres blanches ;
Barrocher, ferblantier ; Besnard, prêtre ; Leroy, tanneur ; Benot,
charpentier, et Robert, cordonnier.
On ne voit plus figurer sur cette liste Forget, sellier, et Joullain,
marchand, nommés au mois de février 1790.
2. Saint-Clément, situé dans un faubourg populeux, était l'église
paroissiale de Craon avant 1791. La ville proprement dite avait
seulement une église collégiale, Saint-Nicolas, desservie par des
chanoines et qui est devenue depuis lors le siège de la paroisse.
Cela explique pourquoi le maire et les officiers municipaux de
Craon s'étaient transportés à Saint-Clément, qui venait d'être érigée
en commune distincte, avec les membres de cette municipalité,
pour recevoir le serment de M. Huau de la Bernarderie, considéré
comme curé de Craon, et de son vicaire, Bouchard.
La commune de Saint-Clément, créée en 1791, subsista seu-
lement jusqu'en 1812. Elle fut alors supprimée et annexée à la ville
de Craon.
3. Joachim-Thomas Esnue-Lavallée, oncle du Conventionnel,
assermenté le 6 janvier, était curé de Saint-Michel depuis plus
— 325 —
Michel, Moche de Simple, Rousseau de Méral, Létard
de Cossé et ses vicaires.
Il enregistre en môme temps les ventes de biens natio-
naux effectuées à Craon, avec les noms des acquéreurs.
Dès le 10 janvier, on met en vente le prieuré de Saint-
Clément *, sur une offre de 79.000 livres. Il est adjugé
seulement le 24, pour 92.600 livres, à MM. Besnard de
l'Ansaudière et Lair de la Motte. Au 15 avril, le produit
de ces ventes atteignit 941.218 livres. Parmi les acqué-
reurs on trouve le curé de Saint-Michel, Esnue-Lavallée
et Midy lui-même, qui, de concert avec Chartier, achète
les closeries des Gaignardières pour 14.400 livres.
C'était sans doute le produit d'un petit héritage qu'il
venait de recueillir par suite du décès d'un oncle habi-
tant Rochechouart. Vers le môme, temps, il touche la
moitié du prix de sa charge de procureur du roi au
grenier à sel, montant à 6.000 livres. Aussitôt, en
homme pratique, il plaça une partie de cet argent en
viages, sur sa tête et celle de sa femme, à MM. de la
Trottry frères, de Cossé, et leurs femmes, pour une rente
annuelle de 432 livres.
Désormais Midy est hors de peine. Avec la rente des
époux Trottry, son traitement de juge, le second rem-
boursement de sa charge, qu'il dut employer aussi avan-
tageusement, et quelques petits biens nationaux, il se
trouvait plus riche qu'il eût jamais été. Aussi a-t-il bien
oublié et Madame Adélaïde et le comte de Provence qui
ne peuvent plus lui être utiles. Président du club de
Craon, lié avec les membres du parti avancé, Esnue-
Lavallée et ses beaux-frères, Basile et Chartier, il
compte bien faire son chemin, certain que tant que
durera le gouvernement républicain il conservera sa
place, s'il n'en obtient pas une autre plus avantageuse,
comme cela devait arriver en 1793, lorsqu'il fut appelé
de quarante ans. Il resta dans sa paroisse et y mourut le 14 février
1792.
1. Prieuré bénédictin établi à Saint-Clément.
— 326 —
comme accusateur public au tribunal criminel de dépar-
tement par la protection d'Esnue-Lav allée.
Homme modéré toutefois, il aura soin de ne pas se
compromettre. On le traitera peut-être plus tard de
buveur de sang ^, en raison de ses anciennes liaisons,
mais sans pouvoir articuler contre lui un acte quelconque
et précis. Ce qui lui permettra, après la chute de Robes-
pierre, de poursuivre les Jacobins et les Terroristes,
créatures comme lui d^Esnue-Lavallée, mais qui n'ont
pas observé la même prudence.
Pendant les deux années suivantes, nous perdons de
vue le citoyen Midy. S'il continua à tenir note de ses
correspondances, ses papiers concernant cette époque
de sa vie ne nous sont pas parvenus. Il est probable
qu'il se contenta de remplir ses fonctions de juge avec
exactitude, se bornant, pour se maintenir dans les
bonnes grâces de ses protecteurs, d'assister régulière-
ment aux réunions de la Société des Amis de la Cons-
titution et d'y applaudir aux motions quelconques qui y
étaient présentées par ses amis. Toutefois il est au nom-
bre des électeurs appelés, le 2 septembre 1792, à élire
les députés à la Convention Nationale. Il fut même
nommé le second des députés suppléants à cette assem-
blée (scrutin du 7 septembre), mais ne fut pas appelé à
y prendre place, la députation de la Mayenne étant
restée entière jusqu'à la fin.
Quelques mois plus tard éclata la guerre de Vendée.
Lorsque les royalistes eurent passé la Loire, le 18 octo-
bre 1793, et eurent occupé Candé et Segré, la ville de
Craon craignit d'être envahie à son tour et les fonction-
naires de tous ordres s'empressèrent de l'abandonner.
Midy, qui venait d'être appelé comme accusateur
public au Tribunal criminel du département de la
Mayenne, comme nous le dirons plus loin, se trouvait à
Laval quand les Vendéens, maîtres de Château-Gontier,
1. Lettre de Chartier du 30 germinal an III.
— 327 —
Tinrent pour Tattaquer. Laval dut être évacuée à son
tour. Mais les administrateurs du département, pour
éviter que les détenus, prêtres réfractaires et suspects,
parmi lesquels se trouvaient quelques patriotes, fussent
délivrés par les Vendéens, résolurent de les faire conduire
loin du théâtre de la guerre. Le 23, au matin, on fit
sortir les prisonniers, liés par quatre, et on les dirigea,
avec une escorte, sur Mayenne. Mélouin, ancien prêtre
du département de Maine-et-Loire, dirigeait le convoi,
mais le quitta en cette ville. Là, une première division
fut opérée entre les prisonniers. Les prêtres, séparés de
leurs compagnons, furent emmenés à Lassay, pour être
conduits à Rambouillet. Les autres furent dirigés sur le
Ribay et Javron. Le convoi y fut rejoint par divers fonc-
tionnaires, partis après eux de Laval, et parmi ceux-ci
le citoyen Midy. Celui-ci s'intéressa aux prisonniers
patriotes, presque tous anciens fonctionnaires destitués
et arrêtés pour cause de fédéralisme, Frin-Gormeré,
Lefèvre-Champorin, Guitet, Gorbineau, etc.. et parmi
eux Enjubault-Bouessay, emprisonné uniquement parce
qu'il était le frère d'ËnjubauIt-la-Roche, alors proscrit.
Lorsque le convoi partit, par Pré-en-Pail, pour Alençon,
il les fit séparer des autres suspects et obtint du con-
ventionnel Letourneur qu'ils fussent maintenus dans les
prisons d'AIençon tandis que les autres prisonniers
étaient dirigés sur Ghartres.
Plus tard, lorsque les terroristes de Laval furent
poursuivis à leur tour, Enjubault-Bouessay rédigea un
mémoire, daté du 6 nivôse an III-27 décembre 1794,
pour dénoncer les cruautés exercées contre sa famille,
ses amis et lui-même, avec l'indication des noms des
personnes qui pouvaient, par leurs témoignages, établir
la réalité des faits énoncés par lui. Il rend justice dans
cette pièce à l'humanité du citoyen Midy.
« G'est à Javron qu'un homme sensible et bon prit
sous sa garde treize détenus patriotes, pour les sous-
traire aux dangers qu'ils éprouvaient à chaque instant
— 328 —
et les conduire avec sécurité à Alençon, où ils arrivèrent
tous ensemble, vers les onze heures du soir. Les soins
généreux, les attentions touchantes du citoyen Midy
adoucirent le malheur de leur pénible situation. »
Ce mémoire, adressé au citoyen Midy lui-même, a
peut-être exagéré quelque peu Téloge de sa bonté. Il
n'en est pas moins vrai que son intervention fut très
favorable aux prisonniers. Peut-être même leur avait-
elle sauvé la vie. Après le départ de Letourneur, ils
obtinrent de Garnier de Saintes un nouvel arrêté, con-
iirmatif du premier, ordonnant qu'ils fussent maintenus
dans les prisons à Alençon. Aussi., malgré les réclama-
tions répétées du Comité révolutionnaire de Laval qui
eût voulu les livrer au tribunal, présidé par Clément, qui
venait de condamner à mort Enjubault-la-Roche et Jour-
dain-Durocher comme fédéralistes et n'eût sans doute
pas hésité à faire subir le même sort à ces détenus, les
autorités du département de l'Orne refusèrent de les
livrer en s'appuyant sur les arrêtés des représentants
du peuple. De telle sorte que ces prisonniers purent
attendre en sûreté la chute de Robespierre et leur mise
en liberté. Et l'on comprend qu'ils aient conservé des
sentiments de reconnaissance envers le citoyen Midy,
auquel il avait fallu un certain courage pour oser s'inté-
resser à des prisonniers, au risque d'être lui-même con-
sidéré comme suspect.
(A suivre).
LE CADAVRE DE MARIE JAGUELIN
Le 7 février 1718, sur les trois heures de Taprès-
midi, le lieutenant général criminel en la sénéchaussée
d'Anjou et siège présidial de Château-Gontier, François
Pillegault, seigneur de TOuvrinière, accompagné du
sieur Guilbault de la Roberie, faisant fonction de procu-
reur du roi, du greffier ordinaire Joseph Garnier et de
quelques autres personnes, se rendit au cimetière de
Saint- Jean- Baptiste de ChAteau-Gontier pour procéder
à Texhumation du cadavre de Marie Jaguelin. Le bruit
courait avec persistance que cette brune, de grande
taille, décédée le 4 février précédent, à Tâge de trente
ans environ, et enterrée dès le lendemain sur les deux
heures de l'après-midi, n'était pas morte de sa belle
mort : la justice voulait savoir à quoi s'en tenir *.
On manda le sacriste de peine de la paroisse et,
lorsque le cadavre eut été porté dans une petite cour voi-
sine de l'église et déposé sur un coffre, l'écuyer Jacques
Duval, lieutenant de prévôt de la maréchaussée, le recon-
nut formellement pour être celui de la fille de feu Etienne
Jaguelin et de Jacquine Cadots, hôtelière. Le médecin
Pierre Arthuys et le chirurgien Delafuye s'en empa-
rèrent alors pour en faire l'autopsie et ils remarquèrent
« à la partie inférieure de la membrane interne de l'esto-
mac plusieurs excoriations de différente grandeur avec
plusieurs matières mucilagineuses et sanguinolentes qui
s'étoint séparées de la substance de la ditte membrane. »
1. Arch. de la Mayenne, B 2.742.
— 330 —
Mais leur attention fut vite attirée par le volume prodi-
gieux de la matrice, tout autre chez la défunte qu'il ne
devait être « chez une fille. » Il en retirèrent un enfant
mâle, bien constitué, d'environ six mois. Les excoria-
tions de l'estomac leur parurent avoir été causées « par
Faction de quelque poison caustique et arsenical, comme
sublimé ou arsenic, ou bien par le suc de quelque plante
acre et mordicante, comme le savinier, la persicaire ou
morcheval. » Elles avaient amené la mort simultanée
de la mère et de Tenfant. Dès Tinstant, les juges étaient
parfaitement éclaircis sur le cas de Marie Jaguelin. Elle
s'était empoisonnée, soit que, cherchanttout simplement
à se faire avorter, la drogue qu'elle avait prise dans ce
but ait produit un résultat plus rapide et plus violent
qu'elle n'en espérait, soit qu'elle ait voulu réellement
disparaître, frappée d'une inconsolable peine d'amour.
Mais dans l'une comme dans l'autre hypothèse, le
crime appelait une punition exemplaire. L'ordonnance
de 1670 était d'ailleurs formelle sur ce point et la procé-
dure réglée jusque dans ses moindres détails. « Si un
homme s'est précipité, desfaict ou homicide, écrivait le
domaniste Jehan Bacquet, la cognoissance du délict
n'appartient pas au juge royal, ny la confiscation au
roy, ains la cognoissance en appartient au juge du haut
justicier au territoire duquel le délict a esté commis, et
le juge du haut justicier pour faire le procès fera procès
verbal du lieu auquel le défunct aura esté trouvé pendu
et estranglé ou autrement homicide ; fera visiter le corps
mort par barbiers ; informera, à la requeste du procu-
reur fiscal, de la vie et mœurs du défunct et comme il
s'est homicide ou pendu,., et de la cause pour quoy il
s'est desfaict. Ce fait, le juge, par l'advis des parens du
défunct ou d'office, créera un curateur au corps mort
pour le défendre, dire et alléguer pour sa justification
tout ce que bon luy semblera *. » La loi civile en effet,
1. Bacquet, Traicté des droits de justice, chap. VII, n« 15.
— 331 —
dans les questions de cette sorte, cédait, pour ainsi
dire, le pas à la loi canonique. Les conciles condam-
naient comme anathèmes ceux qui, se donnant intention-
nellement la mort, détruisaient l'œuvre de Dieu, et ils
privaient leur dépouille de la sépulture ecclésiastique.
Il importait donc d'avoir des preuves convaincantes du
suicide volontaire et de fournir au mort un curateur qui
défendit sa mémoire par tous les moyens en son pou-
voir. Pour Marie Jaguelin, le praticien François Letes-
sier fut chargé d'office de ce soin.
L'histoire de la malheureuse était banale entre toutes.
Un clerc de la ville, Antoine Garsel, l'avait remarquée ;
elle s'était laissée conter fleurette de très près, de trop
près. Mais la mère du galant, qui voyait avec déplaisir
l'assiduité de son fils, vint un jour chez l'hôtesse lui
reprocher de souffrir pareille chose. Jacquine Cadots,
qui n'y avait peut-être pas vu malice jusqu'alors, défen-
dit le soir même à Garsel de pousser plus avant. Outré
de dépit à cette défense, le jeune homme prit un chande-
lier qu'il trouva à portée de la main, et le lança si vio-
lemment sur la veuve, qu'il lui cassa deux côtes. Après
un tel exploit, il lui était difficile de revenir. Il s'en con-
sola d'ailleurs très vite. C'était aux premiers jours de
décembre 1717.
Presque dans le même temps, Perrine Sayeux qui
travaillait chez un droguiste de la paroisse Saint-Remy,
Jean Le Thayeux, sieur de la Bertinière, se rendit un
jour, sur les 9 heures du matin, chez l'hôtesse pour y
acheter du vin. Marie Jaguelin était seule : la servante
la chargea d'emplir sa bouteille pendant qu'elle devait
faire une course chez le père de son maître. Quand elle
fut de retour, la bouteille l'attendait sur une table de la
chambre basse ; dans la chambre voisine, dont la porte
était entr'ouverte,* Marie Jaguelin clarifiait une potion
qu'elle avait fait bouillir dans une petite marmite posée
près d'elle. La domestique l'interrogea : « Que voulez-
vous faire de cette damnée drogue ? Dieu que cela pue !
— 332 —
— Vous êtes folle, » répondit Tautre. Perrine n*en partit
pas moins avec l'idée que Marie se médicamentait au
« savignié. »
Deux semaines plus tard, le 18 décembre, un closier
de la Jarossais en Loigné, nommé Michel Bodin, vint
dans la matinée boire chopine avec le nommé Lepré,
couvreur d'ardoise du faubourg d'Azé, et, comme il gelait
assez fort, il s'approcha du feu pour se chauffer les
pieds. 11 aperçut Marie qui surveillait un mélange nau-
séabond. « Quelle drogue faites-vous donc bouillir-là? »
lui demanda-t-il. « Cela pue comme la peste. Allons !
tirez-moi cela : j'en ai mal au cœur. » Marie alors écarta
son poêlon où Bodin entrevit des herbes assez sem-
blables au myrte, avec ses petites feuilles vertes. Lepré
qui les vit également, se mit à rire et glissa dans
l'oreille de Bodin : « Ce sont des herbes qui guérissent
les maladies des filles ! »
A quelques jours de là, vers le l'*" janvier, Louise
Collas, la femme du droguiste voisin Le-Thayeux, se
chauffait un après-midi avec Perrine, sa servante,
quand elle vit entrer chez elle la fille Jaguelin. Celle-ci
l'aborda et lui demanda, à mi-voix, une poudre pour
tuer des rats qui l'empêchaient de dormir. — « Je n'ai
pas d'arsenic, » lui affirma la marchande. — « Ne pour-
riez-vous pas en avoir ? » lui répartit l'autre ; « cela me
ferait plaisir. » Marie revint trois jours plus tard en
effet, mais la marchande avait eu quelque soupçon et
refusa de délivrer à la fille Jaguelin ce qu'elle désirait.
Celle-ci n'avait pas cependant perdu toute espé-
rance et elle essayait, vainement d'ailleurs, de ramener
l'infidèle. Mais le l'*" février, ayant appris que son
galant était à boire chez le nommé Poirier, son voisin,
elle tenta un dernier coup : elle alla le trouver, le supplia
de revenir à elle, n'essuya qu'un refus. Elle partit le
cœur gros. Le soir une camarade, Françoise Lelavandier
vint la voir : elle était étendue sur son lit, toute en lar-
mes et, pensant que c'était bien fini désormais, elle san-
— 333 —
glotait, déclarant qu'elle n'y pourrait résister et qu'elle
en mourrait.
Le lendemain, un peu calmée, avec un peu d'espoir
peut-être encore, vers une heure de l'après-midi, elle
pria sa camarade d'aller chercher Carsel qui devait
assister aux vêpres à Saint-Just, car elle tenait à lui
dire deux mots. Puis, endolorie au souvenir de l'aban-
don trop certain, désemparée et le cœur lui crevant, elle
se mit à parler de son convoi qui serait lugubre, car sa
mère n'y appellerait pas les pauvres de Saint-Joseph ;
elle voulut même donner de l'argent à sa jeune cama-
rade, pour en avoir quelques-uns.
Enfin le 4 février, vers 7 heures du matin, la veuve
Jaguelin venait de se lever. Elle appela sa fille qui cou-
chait dans une petite chambre au-dessus de l'auberge
et lui ordonna de descendre dans la salle du bas. —
« Tout à l'heure », répondit-elle. Elle descendit en effet
quelques instants après : elle paraissait très gaie.
L'hôtesse, qui avait un fils très malade, sortit pour
prendre de ses nouvelles. Presque aussitôt Marie
remonta dans sa chambre. Â 7 heures 1/2, la femme
d'un cardeur de laine qui demeurait à l'auberge, Per-
rine Moreau, en passant près de la porte entr'ouverte,
l'aperçut fouillant dans son armoire que Marie s'em-
pressa de fermer au bruit. A l'interrogation de Perrine,
elle ne répondit pas, mais elle la suivit dans la salle
basse. Les deux femmes échangèrent quelques paroles :
et presque aussitôt la fille Jaguelin fut prise de vo-
missements. « Qu'avez- vous donc ? » lui dit l'autre.
« Avez-vous bu de mauvaise eau-de-vie ? » Elle n'obtint
pas de réponse. Là-dessus, elle partit pour les halles, en
vue des provisions à faire. Lorsqu'elle rentra, vers 8
heures, elle trouva Marie couchée sur le lit de sa mère,
vomissant toujours. Comme le mal empirait à toute minute,
elle courut prévenir l'hôtesse qu'elle rencontra au haut
de la rue Dorée. « Marion, votre fille, est bien mal, lui
dit-elle, revenez-vous-en vite. »
— 334 —
Les deux femmes hâtèrent le pas. — « Qu'as-tu donc
Marion ? » demanda la mère en entrant dans la salle et
en voyant sa fille toute tremblante. — « Je suis bien
malade ! J'ai froid ! » repartit Marie.
Les vomissements continuaient. Les deux femmes
firent chauffer des serviettes qu'elles lui mirent sur le
ventre, renouvelant le linge de temps en temps. Mais la
fille Jaguelin se plaignait de la soif. Perrine Moreau cou-
rut chez Poirier, l'hôte voisin, chercher du vin blanc,
dont elle rapporta une chopine du meilleur : elle fit une
rôtie, qu'elle trempa dans le vin. Marie se mit à boire
et parut se calmer : elle finit par s'assoupir.
Vers une heure, elle voulut se lever, s'assit auprès
du feu et, comme on lui plaçait un oreiller sur le dossier
de sa chaise, une faiblesse la prit entraînant la tête vers
la cheminée. La mère cria à l'aide ; une voisine, la femme
Aurat, accourut ; on manda le sieur de la Rouette, un
chirurgien, pour appliquer des ventouses à la madade ;
quand il arriva, elle était morte.
Son cadavre attendait, dans la conciergerie de la pri-
son, que la justice se prononçât. Mais le curateur devait
auparavant fournir de défenses. Les moyens dont il usa
ne lui coûtèrent guère : il nia tout purement et simple-
ment, même la grossesse, pourtant évidente, repoussant
comme une calomnie les dépositions concordantes des
témoins, prétendant qu'au surplus il ne savait rien de ce
qu'on lui demandait. Il était difficile à un praticien d'être
plus malhabile. Dès le lendemain de son interrogatoire,
il avait d'ailleurs quitté Château-Gontier et les juges se
voyaient obligés de le remplacer par l'adjoint ordinaire
Jean Le Rat. Celui-ci ne fut pas meilleur, nia tout éga-
lement et affirma simplement, debout derrière le bureau,
que Marie Jaguelin passait dans le monde pour une fille
sage.
Le 12 février, dans la chambre du conseil, les neuf
juges assemblés adoptèrent les conclusions du rappor-
— 335 —
teur François Pillegault, conformes à celles du procureur
du roi qu'elles modifiaient cependant sur un point de
détail. Il déclarèrent <( Marie Jaquelin deuement atteinte
et convaincue de s'estre deffaite et homicidée soy mesme
avec poison ; d'avoir faict pèrrir avec elle l'enfant dont
elle estoit enceinte et d'avoir recellé sa grossesse. Pour
réparation publicque de quoy, » il fut décidé que sa
mémoire demeurerait « condamnée, exteinte et suprimée
à perpétuité » et que son cadavre serait « attaché par
l'exécutteur de la haulte justice sur une claye, traîné
la teste en bas, la face contre terre, par les rues et caroiz
ordinaires » de Chàteau-Gontier « jusques à la place
publicque, pour y estre pendue par les piedz à une
potence » ; qu'il y demeurerait attaché pendant une
heure, ayant un écriteau portant ces mots : « Homicide
DE SOY MESME PAR POISON AVEC DESTRUCTION d'eNFANT
DONT ELLE ESTOIT ENCEINTE, ET RECELLEMENT DE GROS-
SESSE, et ensuitte jette au feu », et que ses cendres
seraient semées au vent, « l'enfant préalablement extrait
du cadavre pour estre porté dans le lieu ordinaire » où
Ton enterrait les enfants morts-nés de la paroisse de
Saint- Jean-l'Ëvangéliste .
La sentence fut exécutée le jour même, à trois heures
de l'après-midi. Nos documents ne disent pas si les juges
de Château-Gontier avaient été contraints, comme il
arriva à certains de leurs collègues, de saupoudrer le
cadavre de sel pour le conserver jusqu'à la fin de la
procédure.
E. Laurain,
ORIGINE DE GUY r DE LAVAL
Réponse à M. Robert Latouche
M. Robert Latouche revient à son tour, après M. A.
Bertrand de Boussillon et moi, sur la question de l'ori-
gine du premier Guy de Laval. Je Ten avais prié, sachant
qu'il préparait une thèse sur les comtes du Maine. Sa
conclusion, que je vais discuter, est que les deux chartes
de la Couture sur lesquelles je m'appuyais pour identi-
fier Guy de Danazeio avec Guy de Laval étant fausses,
on n'en saurait rien tirer. Elles ont été fabriquées de
toutes pièces au xii* siècle, dit M. Latouche, par les
moines de la Couture, pour s'attribuer des droits fiscaux
et utiles sur Anvers, au cours d'un procès où ces droits
avaient besoin d'être établis, et les noms de personnages
qu'on y fait intervenir ont été pris au hasard dans les
documents que les moines pouvaient avoir sous la main.
Guy de Danazeio, en particulier, pourrait bien être de
la famille d'un Hamelinus de Denacé^ cité au Cartulaire
de la Couture (p. 129).
L'interprétation des motifs qui ont déterminé la rédac-
tion des articles d'une charte prétendue fausse du xi^ ou
du xii" siècle, est délicate. On pourrait fournir d'autres
explications que celles de M. Latouche. De même la
façon dont auraient été, d'après lui, raccolés les acteurs
ou témoins, est fort compliquée. Mais enfin, je n'ai pas
lieu d'insister sur ces points qui n'intéressent pas la
question en cause : l'identification de Guy de Laval avec
Guido de Danazeio. Les moines, faussaires ou non,
pouvaient avoir un texte plus ou moins intact dont ils
— 337 —
auraient pris la trame historique et modifié les passages
intéressant leurs droits, et qu'ils auraient complété par
Tadjonction de formules et de noms propres, sans se
soucier des anachronismes. On peut même soutenir que
les religieux ont simplement reconstitué de mémoire un
document dont ils n'avaient plus le texte. Quoi qu'il en
soit, Guy de Laval est bien le même personnage que
Guido de Denazeio,
Un jugement qui n'est pas contesté, rendu en 1064
par Guillaume le Bastard, nous apprend que, Guy !•''
de Laval ayant donné à l'abbaye de Marmoutier un ter-
rain dans le faubourg de Laval, les moines de la Cou-
ture intervinrent, protestant que ce terrain dépendait de
leur église d'Auvers, parce que Guy l'avait donné à un
moine nommé Guérin, à condition qu'il dépendrait de
cette église d'Auvers.
C'est le contraire, répondait Guy : j'ai donné ce ter-
rain au moine Guérin pour y construire un monastère
dont il devait être abbé, et auquel il devait soumettre
tout d'abord l'église d'Auvers et tout ce qu'il pourrait
acquérir ailleurs.
Quelque temps après, Guy fit devant Guillaume
le Bastard le serment suivant : Je n'ai jamais voulu que
le terrain en litige fût soumis à l'église d'Auvers, ni
quand je l'ai donné au moine Guérin, ni quand j'ai donné
l'église elle-même aux moines de la Couture. — Je
traduis en style direct pour éviter toute possibilité d'am-
phibologie.
On doit savoir, pour comprendre ces donations succes-
sives, que le moine Guérin, au cours de ses projets
d'érection d'abbaye dans le faubourg de Laval, était
mort assassiné. L'église, seule partie du monastère qu'il
eût achevée, existe encore. Après cette mort tragique,
Guy de Laval donna le terrain du faubourg de Laval
aux religieux de Marmoutier ; c'est ce terrain que reven-
diquaient les moines de la Couture. Ils le firent d'ailleurs
en vain, car Guillaume le Bastard rendit une sentence
22
— 338 —
conforme aux affirmations de Guy de Laval et favorable
à Tabbé de M armoutier. Celui-ci avait déjà bâti dans cet
emplacement le prieuré de Saint-Martin, dont les édi-
fices sont toujours debout.
Guy de Laval, qui, évidemment, avait donné Téglise
d'Auvers d'abord à Guérin, en gratifia ensuite après la
mort de ce dernier et le renversement de ses projets,
Tabbaye de la Couture. Dans le pays de son origine,
Guy de Laval était encore connu sous le nom de Guide
de Danazeio,
Si Ton admet la traduction que je propose du serment
de Guy de Laval, et je ne vois pas comment on la con-
testerait, si Guy affirme avoir donné aux moines de la
Couture Téglise d'Âuvers, ma thèse est prouvée par
là même. C'est Guy de Laval qui a donné Téglise
d'Âuvers à la Couture, c'est lui qui est le fondateur du
prieuré.
Je ne suppose pas qu'on veuille traduire le texte du
serment de Guy de façon à faire du moine Guérin le
donateur de l'église d*Auvers. Du reste, le fît-on, que les
relations entre Laval et Auvers, entre Guy de Laval et ce
qui fut la Champagne du Maine, ne laisseraient pas
quand même de paraître évidentes dans le texte authen-
tique, et rendraient encore certaine l'identification de
Guy de Laval avec Guido de Danazeio^ par le rappro-
chement du jugement de Guillaume le Bastard et des
chartes X et XI du Cartulaire de la Couture.
Les trois actes, celui de Guillaume le Bastard, qui est
authentique, et ceux de la Couture qu'on peut contester,
concordent parfaitement pour les faits historiques qu'ils
relatent.
Les relations de Laval et de ses seigneurs avec Auvers
continuèrent longtemps après la fondation du prieuré
d'Auvers : en 1158, quand il fut convenu que l'église
de la Trinité de Laval serait desservie par quatre moines
de la Couture, on stipula que l'un des quatre serait pris
au prieuré d'Auvers, et le revenu suffisant pour son
— 339 —
entretien prélevé sur le temporel de ce même prieuré ;
AuyersAe'Hamon doit son surnom à Fun des fils de Guy
de Laval ; enfin, la Champagne du Maine resta pendant
des siècles dans la féodalité des seigneurs de Laval.
La mention du moine Guérin dans la charte des reli-
gieux de la Couture est, de son côté, la preuve qu'ils
étaient renseignés sur les origines de leurs possessions.
Enfin, nous avons une raison positive pour identifier
Guy de Laval avec Guida de Danazeio : c'est que les
enfants de Guy de Laval étaient Hamon, celui qui a
donné son nom à Auvers-le-Hamon, et Jean, qui fut reli-
gieux de Marmoutier. Ce sont aussi les noms des enfants
qu'on donne à Guida de Danazeio. Ces rencontres-là
ne sont pas fortuites à la même époque, sur ce même
terrain; c'est une preuve d'une identité déjà indiquée
partant d'autres circonstances.
Guy de Laval est donc bien originaire de la Champagne
du Maine.
Si l'on mé demande, maintenant, d'où Guy de Laval
tirait ce premier nom sous lequel il est connu ? Assu-
rément, répondrai-je, pas de Denazé, en Anjou. Comme
il fallait chercher une localité de la Champagne du
Maine, j'avais jusqu'ici cru qu'il s'agissait d'Avessé,
possession des Laval, et la forme du nom rendait pos-
sible la dérivation, moyennant une faute facile à com-
mettre par un copiste, la confusion des lettres n et u.
M. Latouche veut bien m'apprendre qu'il y a dans la
Champagne du Maine une ancienne seigneurie du nom
de Denezé et que ce nom pourrait être celui qu'on trouve
porté encore, dans une charte de la Couture, par un
Hamelinus [de] Denacé. J'admettrais très bien cette
hypothèse : Guy de Laval aurait tiré son premier nom
de Denezé, de Danazeia, au lieu d'Avessé, Ai^azeia^
que j'avais proposé.
Alph. Angot.
LES EX-LIBRIS MANCEAUX
Antérieurs au XIX® siècle
(Suite).
Nous pensions terminer aujourd'hui l'étude des ex-
libris manceaux antérieurs au xix® siècle. De bien-
veillantes communications dont nous n'avons encore pu
profiter nous permettront cependant de donner dans le
prochain fascicule trois beaux ex-libris que nous n'avions
pu nous procurer.
Nous faisons à nouveau appel à l'obligeance de nos
collègues qui posséderaient des reliures armoriées, les
priant de nous signaler celles qui proviennent d'amateurs
manceaux.
341 —
DE SaVONNIÈRES,
Timoléon-Madelon-François, marquis de Savonnières,
seigneur d'Entredeuxbois et de Savigné-sous-le-Lude,
d'une famille originaire d'Anjou, fut successivement
capitaine, aide-major, lieutenant-chef d'une brigade des
gardes du corps, mestre de camp commandant de cava-
lerie et chevalier de Saint-Louis. Il avait épousé en 1770,
Anne-Marie-Marguerite- Victoire Nau de L'Étang.
En 1789, il comparut à TAssemblée du Maine et à
celle de l'Anjou.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : de gueules, à la croùc patlée et alaisee
d'or.
— 342 —
DE TaSCHER.
Alexandre-François, chevalier de Tascher, fils de
Pierre-Louis, seigneur de Pouvray et de la Salle, et de
Brigitte Le Breton, d'abord capitaine au corps royal
d'artillerie, puis lieutenant des maréchaux de France à
Bellesme, fut nommé chevalier de Saint-Louis en 1763,
et mourut sans alliance.
Gettte famille fut maintenue dans sa noblesse
en 1667, par les intendants d'Orléans et d'Alençon.
Deux Tascher comparurent à l'Assemblée du Maine
en 1789.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : cTargenty à 3 fasces d'azur chargées
chacune de 3 sautoirs d'argent, au chef cousu de
même chargé de 2 soleils de gueules.
343 —
?Ii^lli]llillll[|[|||lll[|;MaM!.lîh:i> J
EX LIBHIS
1 D.D- LE TEIXIER
DK COl^RTANVAViX.
7'!!'ii;'::i!":Mi;:i:Piiiiil'^:^i.K4^
Le Tellier.
François-Michel-César Le Tellier, marquis de Monl-
mirail, puis de Courtanvaux, capitaine-colonel des
Cent-Suisses, colonel-lieutenant du régiment Royal,
épousa Louise- Antoine de Gontaut-Biron, et mourut le
1" juillet 1781.
Il était arrière-petit-fils de François-Michel, marquis
de Louvois, ministre et secrétaire d'Etat, et d'Anne
de Souvré, marquise de Courtanvaux et de Souvré, au
Maine.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : d'azur^ à 3 lézards d'argent posés en
pal, au chef cousu de gueules chargé de 3 étoiles d'or.
344 —
Le ^rE55IERDEl-AP0MERIE
officier au corps du Génie.
Le Tessier.
Etienne-Pierre Le Tessier de la Pomerie, lieutenant
à Técole de Mézières en 1764, ingénieur en 1766, capi-
taine, puis lieutenant-colonel du génie, chevalier de
Saint-Louis en 1791, épousa le 5 prairial an VI, Renée-
Françoise Nepveu de Bellefille, et mourut à la Vieillère
(Sarthe), le 17 novembre 1819.
Son fils, qui servit dans les mousquetaires rouges,
épousa en 1835, Caroline-Louise Jarret de la Mairie, et
en eut trois enfants : M"' Brunet de la Charie, M"' Marie
de la Pomerie et M"® Charles d'Achon.
Communiqué par M. d'Achon et collection du Comte
Lair.
Armoiries : de gueules^ au mouton passant dar^
gent^ au chef cousu cTazur chargé de 3 étoiles d'argent.
— 345 —
DE ThIESLIN
Charles de Thieslin, chevalier, seigneur de Lorière,
d'une famille originaire de Normandie, mais établie au
Maine où elle a possédé de nombreuses seigneuries,
vivait en 1703 et fut parrain d'une de ses nièces, fille de
Charles de Baigneux et de Louise de Thieslin.
A cette famille appartenaient Marie-Louise de Thieslin,
femme d'André de Maillé de la Tour-Landry, et Char-
lotte-Claudine, mariée à Guy Le Bel de la Jallière.
Collections de Farcy, musée de Laval.
Armoiries : d*azut\ à 6 gerbes de lin d'or liées de
gueules et posées 3,2 et 1,
— 346
Duc DE LA TrÉMOILLE
Charles-Armand-René, duc de la Trémoille et de
Thouars, pair de France, comte de Laval, baron de Vitré
et premier gentilhomme de la chambre du Roi, épousa
le 27 janvier 1725, Marie-Hortense-Victoire de la Tour
d*Auvergne, dont nous donnons Tex-Hbris à la page
suivante. Il mourut le 23 mai 1741, laissant un fils
mineur.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : écartelé aux 1 et 4' d'azur à 3 fleurs de
lis d'or, aux 2 et 3' contrécartelé en sautoir^ palléd'or
et de gueules et d'argent à V aigle de sable, sur le tout
d*or au chevron de gueules, accompagné de 3 aiglettes
d'azur, becquées, membrées de gueules.
— 347 —
Duchesse de la Trémoille.
Marie-Hortense-Victoire de la Tour d* Auvergne,
duchesse de la Trémoille, était fille d'Emmanuel-Théo-
dore de la Tour d'Auvergne, duc de Bouillon, comte
d'Evreux, baron de la Tour d'Auvergne, grand cham-
bellan de France, et de Marie-Armande-Victoire de la
Trémoille.
Elle était veuve quand Tardieu fils grava ce bel
ex-libris pour elle.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries de la Trémoille, accolé : écartelé aux 1
et 4' (Cazur, semé de fleurs de Us d'or, à la tour d'ar-
gent (la Tour) ; au 2" d'or à trois tourteaux de gueules
(Boulogne) ; au 4* coticé d'or et de gueules (Turenne) ;
sur le tout parti d'or au gonfanon de gueules (Auver-
gne), et de gueules à la fasce d'argent (Bouillon).
— 348 —
Duc DE LA TrÉMOILLE.
Ce bel ex-libris est celui de Jean-Bretagne-Charles-
Godefroy, duc de la Trémoille, pair de France, comte
de Laval, baron de Vitré, fils des précédents. Il fut colonel
des grenadiers de P'rance, puis d'Artois, brigadier et
maréchal de camp ; veuf de Marie-Geneviève de Durfort,
\} épousa le 24 juin 1763, Marie-Maximilienne-Louise,
princesse de Salm-Kyrbourg, dont il eut entr'autres
enfants le prince de Talmont, général des armées ven-
déennes, marié à Henriette d'Argoug'es, fusillé à Laval
le 29 janvier 1794.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : comme précédemment.
— 349 —
Duchesse de la Trémoille.
Marie-Maximilienne-Louise, princesse de Salm-Kir-
BOURG, fut la seconde femme du duc de la Trémoille.
Elle était née le 19 mai 1744, du mariage de Philippe-
Joseph, prince de Salm-Kirbourg, et de Marie-Thérèse-
Josèphe, princesse d*Hornes.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : Ecartelé aux 1 et 4* de sable, au léopard
lionne d'argent lampassé de gueules (Wildegraves) ;
aux 2* et 3* d'or au lion de gueules couronné d'azur
(Ringrave) ; sur le tout parti au V de gueules à
3 lions d'or (Kyrburg) ; au 2* coupé de gueules à
2 saumons d'argent accompagnés de 4 croisettes de
même (de Salm), et d'azur à la fasce d'or (Vinslingen).
— 350 —
Joatvic^lrochon m prcstatmi ruria rcnomancnsidecanns
Trochon.
Jean Trochon, écuyer, conseiller au présidial du
Mans, épousa N. Le Vahier. Il était fils de Jean Tro-
chon, écuyer, banquier au Mans, créateur des blanchis-
series de cire de cette ville, et de Marie Meignan.
Cette famille, originaire de Château-Gontier et qui a
formé de très nombreuses branches, y est encore repré-
sentée de nos jours.
Collections de M. Mautouchet, Comte Lair, de Farcy.
On trouve le même avec une légende un peu diffé-
rente.
Armoiries : d'argent à 3 merlettes de sable, 2 et î.
— 351 —
Le Veneur.
Alexis-Paul-Michel Le Veneur, vicomte de Tillières,
né en 1746, officier au régiment du Roi-Infanterie, était
fils cadet de Jacques-Tanneguy Le Veneur, comte de
Tillières, seigneur de Lignières-la-Doucelle, au Maine,
maréchal de camp des armées du Roi, et de Michelle-
Julie-Françoise Bouchard d* Aube terre.
Son frère, François, fut convoqué aux Etats-Géné-
raux, province du Maine.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : d'argent^ à la bande d'azur chargée
de 3 sautoirs d'or^ et non freitée d'or comme le dit
La Chesnaye-Desbois.
— 352 —
Le Veneur.
Armand-Charles-Hector-Henri Le Veneur, vicomte
de Tillières, neveu du précédent, né le 16 novembre 1786,
était fils cadet d'Alexis -Paul- Michel -Tanneguy Le
Veneur, maréchal de camp, président de la noblesse
d'Alençon, créé comte de TEmpire en 1810, et d'Hen-
riette-Gharlotte de Verdelin.
Famille originaire de Normandie où elle a possédé les
comtés de Garrouges et de Tillières.
Collections du Comte Lair, de Farcy.
Armoiries : comme ci-dessus.
— 353
Marquise de Voyer d'Argenson.
Marc-René, marquis de Voyer d'Argenson, d'une
famille des plus anciennes de Touraine, maréchal de
camp, inspecteur de cavalerie, directeur des haras,
avait épousé le 10 janvier 1744, Jeanne-Marie-Constance
deMxiLLY, fille de Joseph- Augustin, comte de Mailly,
marquis d'Haucourt, seigneur de la Roche de Vaux, au
Maine, chevalier du Saint-Esprit, maréchal de camp,
blessé à Rosbach, et de Constance-Colbert de Torcy.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : écartelé aux 1 et 4* d'azur à 2 lions
léopardés couronnés dor^ armés ^ lampassés de gueules
(de Voyer) ; aux 2' et 3* d'argent, à la fasce de sable
(de Gueffault) ; sur le tout d'azur, au lion ailé d'or
tenant un livre ouvert d'argent (Venise) ; accolé d'or,
à 3 maillets de sinople 2 et 1.
23
— 354 —
DU BOUCHET.
Nous avons déjà publié Tex-libris du comte de Sour-
ches. Celui-ci peut être attribué à son grand'père,
Louis-François du Bouchet, marquis de Sourches, gou-
verneur des provinces du Maine, de Laval, du Perche, et
des ville et château du Mans, époux de Marie-Geneviève
de Chambes de Montsoreau. Il mourut le 4 mars 1716.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : d'argent à 2 fasces de sable.
— 355 —
Bourdon.
Claude- Augustin Bourdon de Grammont, fils de
Claude-Augustin et de Félicité-Marie Bouchard de la
Poterie, naquit à Château-Gontier le 28 septembre 1772 ;
officier de marine, chevalier de Saint-Louis, il servit en
Espagne et périt à Quiberon. Sa famille, originaire de
Normandie, descendait directement de Pierre d'Arc,
frère de la Pucelle d'Orléans, par Antoinette Ribault
du Mesnil (1577). Ce qui explique qu'il portait les armoi-
ries de Jeanne d'Arc au lieu de celles de sa famille qui
étaient d'azur au bourdon de pèlerin dor en pal^
soutenu de deux lions affrontés de même, arméSy lam-
passés de gueules.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : d'azur à Vépée d'argent en pal pom-
metée d'or, surmontée d'une couronne royale d'or et
accostée de 2 fleurs de lis de même.
— 356 —
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DUMANS.
Nous avons déjà publié un ex-libris de Michel-René-
François DuMANS. M. Vabbé Angot nous en commu-
nique un autre du môme, mais un peu antérieur, puis-
qu'il ne porte que la qualification de seigneur de Bourg-
levêque.
Cet ex-libris a été gravé par Andouard et porte son
nom : il est facile de constater que les deux sont bien
Tœuvre de ce graveur dont nous donnons l'étiquette
page suivante.
357 —
Collection de Farcy.
Armoiries : rf'or à la fasce de gueules chargée de
3 étoiles d'argent et accompagnée d'une merlette de
sable en pointe.
% AnDOUARD, Marchand Libraire %
<► & Relieur » demeuranc à Laval > tient •<►
^ un aflortîment de plufiears qualités 4h
T de Papiers à lettres & autres > de toutes ^
? grandeurs : il fait & vend d& très- ^
^ bonne Encre > Plumes , Cires & Pains i^
4y à cacheter > rouge 6c noir* ^i^
Andouard.
Gabriel Andouard, libraire, graveur et imprimeur
à Laval, est surtout connu pour avoir gravé cinq vues
du vieux Laval dessinées par Sicot. On a aussi de lui
quelques vignettes.
— 358
DU Plessis-Chatillon.
César-Antoine du Plessis-Chatillon, comte de Ru-
gles, fils de César-Antoine et de N. Le Clerc de Cour-
celles, petit-fils de Pierre oi de N. de Goué, mourut
en 1767, sans postérité. Cette famille, Tune des plus
anciennes du Maine, est connue depuis 1274, et la bran-
che ainée s'est éteinte en 1754.
Communiqué par M. Tabbé Angot, et provient d'un
volume du presbytère de Chailland.
Armoiries : d'argent à 3 quintefeuilles de gueules.
— 359 —
DU PUY DU Fou.
Gabriel du Puy du Fou, né le 18 juin 1610, fils de
René, sire du Puy du Fou, de Champagne et de Pesche-
seul, au Maine, marquis de Combronde, et de Diane
de la Touche-Limousinière, acheta 120.000 -H- une charge
de conseiller au pariement de Paris. Il avait épousé en
mars 1630, Madeleine de Bellièvre, fille de Nicolas,
président au pariement de Paris, et de Claude Brûlart.
Cette famille est originaire du Poitou.
Ce bel ex-libris gravé par Picart mesure 0,20 sur 0,21 ;
il est ici réduit au tiers.
Collection du Comte Lair.
Armoiries : écartelé de gueules à 3 macles d'argent^
et d'azur à la bande d'argent côtoyée de 2 cotices
potencées et contre-potencées d'or (Champagne).
TiBLEAD DE LA PROVINCE W NAINE
1762-1766
(Suite)
Pour tirer tout le profit possible du document dont
nous avons commencé la publication et dont le lecteur
pourra voir la suite dans le présent fascicule, il serait
d'une incontestable utilité de posséder tous les rapports
que les intendants dressèrent au xviii* siècle. C'est sans
contredit, écrivait feu notre collègue M. Chardon, la
source des renseignements les plus précieux sur le
Maine. Malheureusement, ajoutait-il, à part ceux de
Miromesnil, ils sont tous inédits. Et il citait un passage
fort curieux emprunté à un document de ce genre, daté
de 1748, dû à l'intendant Savalette de Magnanville.
Mais par une regrettable habitude, que partagent d'ail-
leurs encore beaucoup d'érudits, il oubliait de nous dire
où se trouve le manuscrit de ce mémoire « intitulé Elec-
tion du Maine, 127 feuillets in-folio, relié en veau
plein ^ » Quelqu'un de nos collègues pourrait-il réparer
l'omission de M. Chardon ? Nous l'en remercierions bien
volontiers.
1. Voyages et voyageurs dans le Maine (Le Mans, A. de Saint-
Denis, 1906, in-S»), p. 10, note.
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PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
SEANCE DU 6 AOUT 1907
La séance est ouverte à 2 h. 1/4, sous fa présidence
de M. Moreau, président.
Sont présents : M. Moreau, président ; MM. Grosse-
Duperon etTrévédy, vice-présidents ; MM. Louis Gar-
nier, Goupil, L. de la Beauluère, Laurain, membres
titulaires ; MM. Tabbé Chantepie, Edouard Garnier,
Tabbé Lardeux et Auguste Morin, membres correspon-
dants.
Se font excuser : MM. l'abbé Angot, de Courtillolles
d'Angleville, comte Léopold de Quatrebarbes, Richard.
Le procès-verbtil de la précédente séance est lu et
adopté.
M. le président annonce le décès de M. Thuau, mem-
bre titulaire.
Réné-Auguste Thuau, né à Champigné (Maine-et-
Loire), le 9 février 1844, entra vers 1855 au Collège de
Chàteau-Gontier, où il trouva comme condisciple un
peu plus âgé que lui un de nos anciens collègues qui Fa
précédé de plusieurs années dans la tombe, M. Jules
Raulin. Les palmarès de Tépoque nous attestent que
Tun et Tautre furent des élèves brillants et restèrent tou-
jours, à peu près dans toutes les matières, à la tête de
leurs classes respectives. M. Thuau sortit de l'institu-
tion deux ans après M. Raulin, en 1863, et il emporta, du
bon chanoine Descars, ce témoignage qu'il avait, durant
24
— 370 —
le cours entier de ses études, « montré de l'application,
fait preuve de talent et obtenu les succès les plus distin-
gués ». Reçu bachelier es lettres, le 4 novembre delà
même année, par la Faculté de Poitiers, il alla suivre
les cours de droit à Paris, où Pavait devancé encore son
camarade Raulin, et il obtint, le 29 décembre 1866, son
diplôme de licencié avec une thèse sur les Transactions
et le Concordat (De Transacthnibus. La Transaction,
Du Concordat, — Paris, Retaux frères, 1866. In-8",
56 p.), qui lui valut du président Duverger et des suf-
fragants Ortolan, Valroger, Labbé et Léveillé, les éloges
les plus flatteurs. Il revint alors auprès de sa famille à
Angers, et lit son stage dans Tétude de M* Bougère ;
le 8 décembre 1869, il était reçu comme successeur
de M. Touchard, notaire à Meslay. C'est là qu'il est
mort, après 37 ans de vie ministérielle et de dévoue-
ment à la ville où il avait (ixé sa demeure et aux
habitants dont il était devenu rapidement le concitoyen
le plus actif et le plus écouté. On ne se fit pas faute de
mettre à Tépreuve sa bonne volonté et ses connaissances
juj'idiques. On l'appela, dès le début, au Conseil muni-
cipal et, à chaque élection, il se vit reijouveler son man-
dat par un nombre de voix grandissant. Il entrait en
même temps à la Société de secours mutuels dont il
devint le secrétaire en 1878 et dont il revisa les statuts
au mois de mai 1900. Puis il fut nommé membre du
bureau de bienfaisance, par arrêté préfectoral en date du
21 janvier 1875, administrateur de l'hospice de sa com-
mune, en 1880 ; il était déjà administrateur de la Caisse
d'épargne. Il dut même, en cette qualité, prendre la plume
pour ses collègues contre la Caisse centrale de Laval ; il
montra que la succursale de Meslay, fondée en 1872, dans
des conditions onéreuses pour la municipalité qui voyait
là une œuvre de prévoyance à encourager, avait malgré
tout prospéré jusqu'au jour où la Caisse de Laval,
oublieuse des promesses faites ou tout au moins d'enga-
gements tacites, était venue créer deux concurrentes
— 371 —
voisines dans les cantons mêmes où celle de Meslay
avait le mieux réussi ; Tintervention de M. Thuau nous
valut les Observations présentées au nom de la suc-
cursale de Meslay à MM. les directeurs de la Caisse
centrale de Laval (Laval, imp. Mayennaise, 1900. In-8®,
11 p.). Mais ce n'était pas assez, à son sens, que de
défendre une œuvre dont rintluence heureuse se faisait
sentir sur les populations au milieu desquelles il vivait,
il voulut encore mettre à leur disposition un autre orga-
nisme dont il escomptait pour elles le plus grand profit. Il
participait ainsi à la fondation de la Caisse de crédit agri-
cole de Meslay, dont il rédigeait les statuts et le règle-
ment : Caisse de crédit agricole et de dépôts du canton
de Meslay. Statuts (Château-Gontier, Leclerc, 1903.
In-8", 12 p.). — Caisse de crédit agricole et de dépôts
du canton de Meslay. Règlement (Chàteau-Gontier,
Leclerc, 1903. In-8% 4 p.).
Les questions agricoles, en effet, l'intéressaient à dou-
ble titre : comme membre du comice et comme notaire.
Aussi, lorsqu'en 1899, sur l'initiative du Syndicat des
agriculteurs de la Mayenne, le Conseil général eut émis
Tavis qu'il y avait lieu peut-être de reviser les usages
ruraux du département et que des commissions locales
eurent été désignées à cet effet, choisit-on notre collègue
pour l'arrondissement de Laval. Les usages de l'arron-
dissement contiennent un article dont la teneur est loin
de rallier tous les suffrages, parce qu'on l'applique à
la fois aux baux à colonie partiaire et aux baux à prix
d'argent. Cet article dispose que « les bestiaux, autres
que les mâles destinés à la reproduction et les animaux
d'une valeur exceptionnelle, restent sur le lieu au compte
du propriétaire et du fermier successeur, qui rembourse
au fermier sortant la totalité ou la part à laquelle celui-ci
a droit, sur estimation faite au cours du moment ». De
longues discussions se sont élevées au sujet de la valeur
juridique de cette disposition spéciale ; M. Thuau en
examina la légalité dans une brochure intitulée : La loi
— 372 —
et l'usage. Etude sur rarticle 2018 du Code civil et
l'article 58 du Recueil des usages ruraux de l'arron-
dissement de Laval au point de vue civil et fiscal
(Laval, imp. Mayennaise, 1901. In-8**, 15 p.). Son opi-
nion fut combattue par Thonorable ]\I. Le Breton, prési-
dent du Syndicat des agriculteurs ; notre collègue con-
tinua la polémique et VEcho de la Mayenne donna
de lui dans son n® du 5 octobre 1902, un nouvel examen
de la question sous le titre de : Revision des usages
ruraux. Réponse à Monsieur Le Breton, président du
Comice agricole de Laval (Tirage à part : Laval,
L. Auvray, 1902. In-8% 8 p.).
On peut dire que M. Thuau parlait au nom de la Com-
pagnie des notaires de l'arrondissement, dans ses deux
brochures où il soutenait Tillégalité d'une disposition qu'il
jugeait contraire au droit ancien et au droit moderne.
« Son expérience des affaires, la rectitude de son juge-
ment, la délicatesse, la franchise et la loyauté de son
caractère » lui avaient en effet, comme on Ta justement
remarqué, conquis une autorité légitime sur ses con-
frères, et ceux-ci, dès le 4 mai 1874, l'avaient envoyé à
la Chambre ; ils lui renouvelèrent son mandat chaque
fois que les règlements permettaient sa réélection, et ils
firent de lui leur président en 1895, et de 1897 à 1906.
La Compagnie siégeait alors, et depuis 1838 au
moins, dans un local qu'on lui avait attribué sous les
combles du Palais de Justice ; elle avait centralisé là pres-
que toutes les anciennes minutes des notaires de Laval
et de quelques études rurales supprimées pendant la
Révolution ou par la loi du 25 ventôse an XL Pour faci-
liter les recherches dans ce dépôt, on n'avait qu'un
tableau très sommaire dressé vers 1843 et qui n'était
plus exact (s'il l'avait jamais été), depuis qu'en 1864, en
vertu d'instructions ministérielles, un certain nombre de
minutes, conservées au greffe du Tribunal, avaient été
versées aux Archives départementales. Sous l'impulsion
de notre collègue, la Compagnie, pour obéir au vœu
— 373 —
émis par le Comité régional des notaires de la Cour
d'Angers, décida de refondre le registre-minutier. Ce
travail, facilité singulièrement par les longues recher-
ches que M. Durget fît à cette occasion, parut en 1897,
avec une introduction de quelques pages écrites par
M. Thuau, sur Y Organisation du notariat dans Fan-
cien comté et V arrondissement de Lac^a/*. Notre collègue
pensait ainsi fournir la meilleure réponse aux reproches
que les Sociétés savantes et la Direction des Archives
de France adressent aux notaires, depuis nombre d'an-
nées, en les accusant de laisser leurs minutes dans un
désordre complet, sans aucun souci de leur conservation,
et tout au moins d'empêcher, en fait, les érudits de pro-
fîter des multiples renseignements qu'elles renferment.
Il croyait sincèrement que les douze Compagnies du
ressort, qui avaient adopté le vœu du Comité régio-
nal, s'empresseraient de dresser leur registre-minutier,
comme avait fait celle de Laval et comme l'avaient fait
quelque temps auparavant les Chambres de Mamers et
de La Flèche. Il dut bien avouer par la suite que sa foi
était optimiste et reconnaître que les circonstances qui
l'avaient singulièrement favorisé ne se retrouvent pas
partout : voilà plus de quinze ans passés depuis l'adop-
tion du vœu et neuf Chambres en sont encore au même
point.
La refonte du registre n'est pas la seule amélioration
que M. Thuau réalisa. Le local où se réunissait la Com-
pagnie, dans les greniers du Palais de Justice, n'était
ni décent ni solide ; il fallut songer un beau jour à l'aban-
donner. Dès 1894, on se préoccupa de cette éventualité
et l'on jeta les yeux sur la maison qui fait le coin de la
rue Saint-André et de la rue Renaise ; mais les frais
d'installation joints au loyer demandé parurent trop con-
sidérables ; on continua à chercher et l'on pensa à la
Caisse d'épargne ; des pourparlers furent engagés avec
1. Registre-minutier des notariats et anciens tabellionnages de
l'arrondissement de Laval (Laval, A. Goupil, 1897).
— 374 —
radministration, mais ils n'aboutirent pas, et Ton finit
par se résoudre à louer Timmeuble du quai Sadi-Garnot.
Cette translation soulevait une question importante :
celle des anciennes minutes que le nouveau local, trop
petit, ne pouvait contenir ; il ne présentait pas, par ail-
leurs, toutes les garanties désirables contre les craintes
d'incendie. M. Thuau, qui était entré dans notre Com-
mission au mois de décembre 1899, dut examiner une
solution à laquelle il répugnait tout d'abord. Les exem-
ples donnés par les chambres d'Ângouléme, de Bourges,
de Besançon, de Lille, de Toulouse et de Mâcon lui
montrèrent qu'il n'y avait dans la mesure prise par elles
rien d'illégal et qu'au contraire, tout en débarrassant
les notaires d'une responsabilité, plus apparente qu'ef-
fective, il est vrai, et d'un encombrement certain, elle
mettait à la disposition des érudits une multitude de
documents qu'il leur était impossible de consulter d'autre
façon. Il estima donc et amena ses confrères à estimer
que les archives départementales, organisées pour la
conservation des documents des administrations publi-
ques, offraient le meilleur abri pour les actes notariés
de l'ancien régime, et les minutes, centralisées au
palais de justice, furent annexées aux collections de la
Préfecture. Cette solution parut si heureuse à notre
collègue qu'il voulut en tirer avantage pour lui-même et
joindre au versement de la Chambre les actes de son
étude de Meslay. Mais en dépit d'une promesse plusieurs
fois renouvelée et de dispositions prises, il ne trouva
jamais le temps de faire le dépôt qu'il s'était promis.
Nous ne pouvons que le regretter. L'exemple, venu de
lui, eût été suivi : il avait assez d'autorité pour former
des convictions au modèle de la sienne et ceux qu'il
n'aurait pu entraîner avec la seule raison, il les eût
amenés par le désir de lui être agréables : car on
l'aimait.
Cet angevin en effet, dont l'abord semblait un peu
froid, qui laissait volontiers venir, par habitude de
— 375 —
métier sans doute, avait Taccueil ouvert, savait prendre
et s'était formé un cercle d'amis au milieu desquels sa
présence était un gage certain d'entrain et de franche
gaieté ; il se dépensait pour le plaisir de tous comme
il se dépensait pour le bien de sa compagnie, semait
les bons mots, jetait à l'occasion quelque couplet facile,
péché de jeunesse dans lequel il retombait volontiers,
pour retenir plus longtemps le charme des heures
joyeuses qui s'envolent. Le souvenir n'est pas perdu de
ces chansons qu'il rimait pour ses intimes, sans autre
prétention que de leur faire oublier et d'oublier un peu
lui-même l'ennui des affaires, et plus d'un pourrait encore
redire le Diner de la procédure^ le Barreau de Laval,
la Sainte-Cécile^ les Menuisiers et ce programme d'une
fête qu'il donna le 31 décembre 1894, où il montrait
confondus dans un long tourbillon
Sur le rythme entraînant de nos valses légères
Les sombres habits noirs avec les robes claires.
La belle humeur l'accompagnait partout et toujours :
ses lettres en sont pleines ; aucune ne nous en laisse une
impression aussi vive que la lettre dans laquelle il racon-
tait à sa manière les fêtes données à Ghâteau-Gontier
en rhonneur du poète Loyson et qu'il terminait par le
sonnet que voici :
Dimanche on érigeait le buste de Loyson :
Ce fut un flot sans fin de prose académique ;
Quand Séché termina, Fouassier, dans sa réplique,
Complimenta Theuriet en maître de maison.
Sylvestre nous montra, conteur à sa façon,
Loyson le royaliste aimant la République
Des lettres ; De Schepper mil son œuvre en musique :
Marseillaise et sonnet suivaient à Tunisson.
Flots d'éloquence en prose, en vers, flots d'harmonie,
En cascades tombaient sur l'image d'airain,
Ce que voyant le Ciel se mit de la partie.
Il ouvrit à son tour son écluse, et soudain
Il trempa jusqu'aux os, pressés autour du buste.
Citadins en gants blancs et foule en habit fruste.
— 376 —
Cette belle humeur lui avait fait la vie douce ; il ne
se plaignit pas quand il se sentit frappé ; il fit très
simplement le sacrifice de ses affections et de ses espé-
rances, cachant aux siens le mal qui le minait, et quand
la mort vint le prendre le 29 avril dernier, il put la
regarder sans crainte, au souvenir de tous ceux à qui il
avait été utile et des amitiés qu'il laissait.
11 fut pour nous un collègue dévoué, aidant de tout
son pouvoir ceux qui s'adressaient à lui pour leurs
recherches, communiquant à qui les lui demandait ses
vieilles minutes en attendant de les confier aux archives
départementales, donnant tous les renseignements qu'il
pouvait rencontrer sur sa route. Il suivait avec intérêt
nos travaux et les Congrès de la Société française
d'archéologie dont il était avec son vieil ami, notre
collègue, M. Dubel, un adepte des plus chauds et des
plus curieux. Sa mort fut pour nous, comme pour tous
ceux qui l'ont connu et fréquenté, une perte sensible, et
nous nous faisons un devoir de renouveler à sa veuve
et à ses enfants l'expression de nos unanimes regrets
et de notre douloureuse sympathie.
M. le Président souhaite la bienvenue à M. l'abbé
Chantepie qui assiste pour la première fois à une séance.
M. Laurain, au nom de M. Œhlert, communique
une lettre de M. Emile Rivière, directeur à l'Ecole
des Hautes Etudes, annonçant qu'il a trouvé dans les
registres du Chàtelet, aux Archives nationales, trois
actes intéressant Âmbroise Paré.
La Commission décide de faire exécuter une copie
in-extenso de ces trois documents pour les insérer dans
son Bulletin^ s'il y a lieu. Elle vote le crédit nécessaire
pour couvrir cette dépense.
M. l'abbé Chantepie communique le texte d'une ins-
cription sur ardoise qu'il a trouvée dans le clocher de
la Trinité à Chàteau-Gontier.
— 377
(de ar JEAN
5TE'HAYER
^Vdesmotte /
G{, le^«ETLES
S NOTABLE$
E CETTE
Cette inscription doit être lue ainsi :
POSÉE PAR M^^^ll LE CURÉ PRI || EUR DE S. JEAN || BAPTISTE
HAYER II , CURÉ DE LA TRI |1 NITÉ, DESMOTTE jj MARG***" ET
LES PLUS II NOTABLES || DE CETTE || PARROISSE. || BALLU.
René-François Hayer, né vers 1753 à Saint-Laurent-
des-Mortiers, ancien professeur du collège de Chateau-
Gontier avant la Révolution, déporté pour refus de
serment, prit possession, le 26 mai 1803, des églises
de Saint-Jean et de Saint-Remi ; il passait pour instruit
et pour conciliant aux yeux du sous-préfet Meignan,
qui proclamait dans une note l'heureux succès de son
zèle tempéré de douceur.
— 378 —
M. Laurain donne lecture d'un acte relatif à une dona-
tion faite par Marguerite de la Roë aux Clarisses de
Laval, en 1523 ; voici ce texte assez curieux :
« Aujourd'huy quatriesme d'octobre mil six cens
« quatre vingt treize, sur les deux heures précises
« après midy, nous Jacques Lemoyne, notaire réservé
« au comté pairie de Laval y demeurant, sommes en
« présence et ce requérant noble Joseph Delaunay,
« sieur de Montalleuz et de la terre, fief et seigneurie
« de Mécorbon, demeurant au dit Laval, parroisse de la
« Sainte Trinité, et encores en présence des tesmoins
« cy après, transportés en Téglise des dames religieuses
« de Patience de cette ville, sistuée au faubourg Saint-
ce Martin, sur la plainte qu'il nous a fait que les dites
(( religieuses ne satisfont point depuis un très long
« temps à leur obligation de chanter solennellement en
« leur église annuellement le jour et feste de Saint
« François, sur les deux heures après midy, après avoir
« préalablement sonné la cloche, la prose Benedicta ex
« cœlorum regina, etc., pour l'indemnité qui leur auroit
« esté accordée par les seigneurs de la dite terre de
« Mécorbon pour raison du lieu et métayrie du Douaire,
« parroisse de Monjean, apartenant aux dites dames
<c religieuses suivant leurs déclarations rendues aux
« pieds de la dite seigneurie, conformes aux tiltres con-
« cernans la dite indemnité, pour raporter acte de ce
« que nous aurions veu et entendu.
« Sur quoy, après avoir entendu dans la dite église
« fraper l'heure de deux sus dite et avoir attendu jusques
« environ l'heure de trois, sans avoir entendu sonner
« aucune cloche, sans avoir vœu aucuns cierges alumés
« ny entendu aucunement chanter les dites religieuses,
« nous nous sommes retirés avec les dits tesmoins et
« décerné le présent acte au dit sieur de Mécorbon qui
« a protesté de se pourvoir par les voyes de droit. Fait
« et arresté en la dite église en présence de Vincent
« Jamelin, marchand, et Jean Le Comte, archer en la
— 379 —
« maréchaussée du dit Laval, y demeurant, tesmoins
« qui ont signé avec le dit sieur de Mécorbon et nous,
« notaire royal. »
M. le Président donne lecture d^une lettre à lui
adressée par M. Picot (96, rue Folie- Méricourt, à Paris),
signalant un dolmen près de la ferme du Petit- Vieux-
Sou en Brécé, un autre dolmen de T autre côté de la
Colmont, près de la Chaise, à deux kilomètres du précé-
dent, et un polissoir au même endroit. M. Moreau estime
que, sauf vérification, il s'agit là des deux monuments
étudiés jadis dans le Bulletin par M. Faucon ; il prie le
Secrétaire de demander à M. Picot de plus amples
renseignements .
M. Laurain communique un mémoire écrit par Enju-
bault-Bouessay , indiquant les griefs de Taccusation et les
témoins à entendre dans le procès intenté aux terroristes.
Rien n'étant plus à Tordre du jour, la séance est levée
à 4 heures 1/4.
BIBLIOGRAPHIE
Le Bas-Vendômois, de Montoiie à La Ghartre-sar-le-
Loir. Excursions sur les rives du Loir et de la Braye au
pays du poète Ronsard, par L.-A. Hallopeau. — La
Chaplre-sur-le-Loir, imp. J. Moire, 1906. In-8*, 312 p.,
illust. de nombreux dessins par Mme Hallopeau.
Le Bas- Vendômois est un pays charmant qui mérite d'être
connu des touristes et des archéologues. Pour attirer Tat-
tention des uns et rappeler aux autres ce auils ont pu étu-
dier dans des courses parfois rapides, M. Hallopeau se
propose de donner, sur la vallée du Loir, un ouvrage
important. Mais en attendant, il nous offre le petit volume
dont le titre, un peu long, est ci-dessus transcrit. Cette
sorte d'essai ne prétend pas décrire d'une façon complète le
terroir Vendômois : Tauteur a soin de nous en avertir. Ce
sont de précieux débris, les légendes et les traditions
pieuses de la province, qu'il veut signaler au passade, con-
server au moins dans le souvenir. Il faut l'en féliciter. On
la déjà fait et je ne puis que m'unir à ceux qui m'ont
devancé en louant cette étude archéologique, remplie de
renseignements de tout genre. Faire connaître mieux et
d'un plus ^rand nombre ce que quelques privilégiés ont
seuls pu voir, c'est déià sauver en quelque sorte ce que la
ruine menace, c'est du moins en retarder la disparition.
Vingt-cinq communes sont ici décrites en des pages qu'il-
lustrent 65 gravures et dans lesquelles se déroule l-histoire
sommaire des fiefs qui se partageaient leur territoire autre-
fois, des seigneurs qui les possédèrent, des curés et des
prieurs qui dirigèrent les paroisses et les institutions reli-
gieuses, le relevé des inscriptions (pierres tombales, souve-
nirs de fondations, etc.) qui existent encore. Signalons à ce
propos un petit bénitier en marbre rouge qu'on peut voir
dans l'église de Vancé : il fut donné en 1735 par le sieur
Leclerc de Gemarcé. bourgeois de Laval, et provient de
notre pays, vraisemblablement de Sainl-Berthevin où la
famille Leclerc de Gemarcé avait quelques biens.
Je ne sais si M. Hallopeau a relevé dans son volume
toutes les inscriptions dont furent ornés les châteaux et les
— 381 —
églises de ces vingt-cinq paroisses, mais je constate qu'elles
sont peu nombreuses. Les mentions très courtes qu'il en
fait (un mot lui suffisant parfois) ne permettent pas d'avoir
une opinion bien nette ni de leur facture ni de leur quan-
tité, mais je m'étonne, à priori^ que dans un pays où
les monuments artistiques ne manquent pas, elles soient
relativement assez rares et si peu anciennes. Est-ce que
réellement, comme semble le prouver l'ouvrage récent de
notre collègue, M. l'abbé Angot, malgré ses 1.600 inscrip-
tions, et comme on serait tenté de le croire avec les travaux
analogues de l'Anjou et de la Touraine, l'art épigraphique
fut surtout un art parisien, une mode très longtemps floris-
sante dans l'Ile-de-France, suivie de loin seulement par les
autres provinces ? Je me pose cette question en lisant le
volume de M. Hallopeau, et c'est là un point secondaire.
Mais qu'on soit amené par la lecture de cette « Excursion »
à se la poser, celle-là et d'autres semblables, ce n'est pas le
moindre mérite du livre, et nous pouvons bien augurer de
celui que l'auteur nous promet '.
E. Laurain.
Les généraux des paroisses bretonnes. Saint-Martin
de Vitré, par F. Duine. — Paris, J. Gamber, 1907. ln-8%
56 pages.
M. l'abbé Duine a mis à profit son court passage comme
vicaire à Saint-Martin de vitré ; plus heureux en cela que
le regretté Paris- Jallobert à qui les archives de cette
paroisse restèrent fermées, par suite de la rivalité qui exis-
tait entre Notre-Dame et Saint-Martin (et nous voyons là
sur le vif l'esprit particulariste et jaloux des petites villes
de province), M. Duine a pu les déchiffrer tout à l'aise et sa
lecture nous vaut l'excellente brochure qu'il présente aujour-
d'hui au public. Des éphémérides qui nous mettent sous les
yeux les faits les plus curieux de rhistoire de Saint-Martin
depuis 1693, époque à laquelle commencent les « délibéra-
tions » de la fabrique, nous ne dirons rien, après avoir
signalé l'assemblée extraordinairement tenue le 26 octobre
1748, à la requête des trésoriers de la Chapelle-d'Erbrée,
« pour opposer le passage des bêtes à corne de la province
du Maine en celle de Bretaigne ». Mais nous devons men-
tionner à part l'étude sur a les généraux » qui sert d'intro-
duction à ces éphémérides et qui nous apprend en quelaues
pages succinctes et précises plus que bien des monographies
vommineuses. Il s'agit là des paroisses bretonnes, sans doute ;
il y avait dans le gouvernement de ces paroisses, sous l'ancien
régime, des particularités qui ne se voyaient pas dans le
1. Signalons p. 24, lig. 5, la faute typographique Gouffière pour
Gouffier.
— 382 —
Maine, par exemple, et encore moins dans FUe-de-France ;
mais il y avait aussi bien des points de ressemblance, et
Tétat lamentable dans lesquels se trouvaient les églises et le
clerçé dans la première moitié du xvii« siècle n était pas
si)écial à la Bretagne. Aux preuves qu'en donne M. Taobé
Duine pour le diocèse de Beauvais, vivifié alors pourtant
par la mission de saint Vincent de Paul qui était venu
s'installer quelque temps à Liancourt, à Tappel de M. du
Plessis, on peut ajouter celle qui se lit dans la vie de labbé
Bourdoise à propos du diocèse de Bourses. « Les prêtres
y sont dans une ignorance effroyable, disait Tarchidiacre
Boisseau; de quarante confesseurs il n'y en a pas six qui
sçachent quana le mensonge est péché mortel ou véniel...
11 y en a qui n'entendent pas un mot de latin et d autres qui
ne sçavent presque pas lire. On en a trouvé un qui. étant
curé depuis vingt ans, ne sçavoit pas la forme de i absolu-
tion ny quelle partie du corps il falloit oindre lorsqu'on
donnoit lExtrèmonction. On ne parle point des autres
désordres : l'yvrognerie, l'impureté, l'avarice, régnent
presque partout... U y en a qui ne peuvent dire ce qu'ils
font quand ils disent la messe, et qui mettent dans le taber-
nacle des bouts de cierges, de la bougie, de l'argent et des
papiers avec les saintes hosties » ^ La pauvreté du clergiS
n'était pas, en certains diocèses, la raison la moins forte
do ces désordres. Il semble bien pourtant que le Bas-
Maine était en meilleure posture, puisque on se contentait,
pour asseoir le titre clérical, d'une rente de 50 livres, alors
qu'en Bretagne on exigeait GO livres communément et que
1 évèque de Dol, Mgr de Sourches, porta même à 100 livres
la valeur du bénéhce ou le revenu annuel, net de toutes
charges, dont devait jouir tout aspirant au sous-diaconat.
Cette esquisse de la vie paroissiale en Bretagne est évi-
demment rapide, mais on y rencontre une quantité de
renseignements qui comportent une utile comparaison avec
ce qui se passait ailleurs. M. Duine a beaucoup lu, beaucoup
retenu et, en érudit très averti, il sait quelle direction il doit
faire prendre à l'esprit du lecteur pour l'amener à déve-
lopper ses propres connaissances. 11 y a profit à se laisser
Fuider par lui. Je souhaite que nous en ayons souvent
occasion.
E. Laurain.
Dictionnaire pratique de droit rural et des usages
ruraux du département de la Mayenne, par G. Grimod
et H. GuBRANGER. — Laval, Vve A. Goupil, 1907. In-lO,
xvi-358 p.
L'ouvrage que MM. Grimod, avocat à Laval, et Gué-
1. Descourveaux, La vie de M. Bourdoise, p. 363.
— 383 —
ranger, juge de paix à Chailland. viennent de publier sort
de la nature habituelle de nos lectures : nous n hésitons pas
à le recommander cependant en raison des services qu'il
peut rendre actuellement et des renseignements multiples
qu'il pourra fournir à ceux qui, dans quelque temps, étudie-
ront, pour ne citer qu'un exemple, les méthodes culturales
de notre pays, les transformations par lesquelles elles auront
passé et les diverses questions qui s'y rattachent.
Dressé en forme de dictionnaire, suivant Tordre alpha-
bétique et sur le modèle qu'avaient tracé MM. Robert et
Gasté en 1873, ce petit livre comprend sous chaaue mot une
analyse concise du droit rural général applicable à toute la
France et un exposé sommaire des usages ruraux générale-
ment suivis dans les diverses contrées du département.
Autant que nous en pouvons juger, il est fort bien compris
et répond d'une façon adéquate au but que les auteurs se
sont proposé d'atteindre. Il faut regretter pourtant qu'ils
l'aient rédigé, semble-t-il, un peu au fur et à mesure de
l'impression ; on sent dans leur marche comme une légère
hésitation qui ne se fût pas produite avec un texte entiè-
rement arrêté d'avance et on n'aurait pas à constater, comme
il nous est arrivé une ou deux fois, à propos du mot aitrage
par exemple, l'omission d'articles auxquels le corps du texte
renvoie cependant.
L'entreprise, il est vrai, ne se présentait pas sans de
grosses difficultés et, sauf l'ouvrage de MM. Robert et Gasté
ont nous parlions tout à Theure, qui s'étendait à tout le
ressort de la Cour d'Angers, rien encore dans la littérature
du Bas-Maine ne pouvait aider les auteurs dans leur travail.
En dehors des recueils de jurisprudence que les magis-
trats et les avocats formaient au xviii'^ siècle pour leur ins-
truction personnelle (celui de Pichot est le meilleur en ce
fenre qui nous soit parvenu) et qui contiennent certains
étails de droit rural, on ne peut guère citer, sous Vancien
régime, que le Traité sur les différents usages de la cam-
pagne que René-Jean-Baptiste éerveau écrivit en 1766. Au
XIX* siècle, il fallut attendre la création des comices agri-
coles dans notre département pour voir apparaître les pre-
miers recueils proprement dits, et il semble bien que le
comice de Château-Gontier ait donné l'exemple en établis-
sant, en janvier 1840, sous la présidence du sous-préfet, ce
qui se pratiquait journellement alors. Les cantons de Craon,
Cossé-Ie- Vivien et Saint-Aignan dont les intérêts étaient
sur plus d'un point opposés aux intérêts des autres can-
tons de l'arrondissement, suivirent peu après et publièrent,
en 1842, leurs usages dont ils modifièrent en 1846 quel-
2ues articles. Il en fut de même pour les deux cantons de
.aval qui donnèrent les leurs en 1843, sous la présidence
de M. Queruau-Lamerie. Mais au mois de février 1855, le
— 384 —
ministre de rAgriculture prescrivit aux préfets d*organiser
dans chaaue canton une commission chargée de rassembler
et de réaiger les usaees ayant acquis par leur généralité
force de loi. On obéit dans la Mayenne à cette prescription.
Pourtant les commissions cantonales de Tarrondissement de
Laval, à en croire MM. Grimod et Guéranger, « ne paraissent
pas avoir rédigé de procès-verbaux de leurs travaux gui
auraient pu contrarier ceux de la commission de revision
de Laval qui tenait à uniformiser tous les usafi'es de l'arron-
dissement. » Il n'y aurait eu qu'une exception : la commission
de Chailland.
Il y en eut d'aiitres, pour dire vrai, car Evron, Loiron,
Meslavy Montsûrs et Sainte-Suzanne envoyèrent également
à la Préfecture leurs cahiers, qu'il n'eût peut-être pas été
inutile de consulter pour 1 éclaircissement ae certains points.
Faut-il mentionner en outre lessai de statistique, fort curieux
(c'est une pièce de vers), s'il n'a rien d'officiel, gue publia
M. Hamara pour la commune de Saint-Mars-sur-la-Futaie ?
MM. Grimoa et Guéranger ont un peu négligé la bibliogra-
Ï)hie de leur sujet ; mais on peut leur passer condamnation
à-dessus, car ils n'allaient pas jusqu'à prétendre écrire un
chapitre d'histoire et il faut prendre leur ouvrage comme ils
le présentent, c'est-à-dire comme un dictionnaire pratique
de droit rural. A ce litre, il mérite d'être répandu.
E. Laurain.
wr^m^^m^^^^
VIE DE ROBERT D'ARBRISSEL
(Fin).
Robert fondateur de la Congrégation
DE FoNTEVRAULT
Selon Pétigny, c'est la lettre de Marbode qui a déter-
miné Robei*t à fonder pour les siens rétablissement de
Fontevrault. Cette affirmation est inexacte. La lettre de
Marbode suppose que les disciples de Robert avaient
déjà des établissements fixes et rien n'autorise à penser
que Fontevrault ne comptait pas au nombre de ces fon-
dations. Mais ce qui est vrai dans les dires de Pétigny,
c'est que l'état de choses supposé par des lettres de
Marbode rendait nécessaire la création de ces établisse-
ments. Robert était accompagné d'une foule de per-
sonnes dont le nombre croissait de jour en jour. Il n'était
pas admissible que cette masse de peuple le suivit pas à
pas dans ses courses à travers la moitié de la France.
C'est pour cela qu'il fut contraint de fonder ça et là des
couvents où il pût donner à ses disciples le vivre et le
couvert. Le nombre des siens augmentait-il ? Il envoyait
les nouveaux venus dans un des couvents existant déjà
ou bien il en créait de nouveaux. C'est à des circonstances
de cette nature que Fontevrault dut sa fondation.
A la limite des comtés d'Anjou, de Touraine et de
25
— 386 —
Poitou, Robert trouva un lieu qui lui parut convenable à
l'établissement d'un couvent. Ce lieu qui portait depuis
des temps immémoriaux le nom de Fons Evraldi^ Fonte-
vrault, était situé dans le voisinage de Candes, au dio-
cèse de Poitiers. C'était une vallée peu hospitalière et
couverte de broussailles.
Elle lui fut donnée par Adélaïde surnommée Riveria,
fille de Guy et d'Aremburge, à l'effet d'y construire une
chapelle en l'honneur de la Sainte Vierge. D'après Bau-
dry, Robert aurait préféré ce lieu désert à tout autre,
dans la pensée que ses disciples, hommes et femmes,
pourraient y vivre sans qu'il arrivât rien de fâcheux. Je
crois difficilement que Robert se soit laissé guider par
un tel motif : en effet, le séjour dans un lieu inhospi-
talier ne saurait empêcher les abus s'ils ne sont pré-
venus par une stricte discipline. Voici au contraire
quelque chose qui mérite attention. Dans le document
par lequel Pierre de Poitiers concède à Robert et à sa
Congrégation le lieu dit « Tuçon », on trouve l'intéres-
sant passage suivant : « Cum itaque vir quidam magnœ
« religionis et bona^ opinionis nomine Robertus de
« Arbrissello loca solitaria et divinis cultibus idonea
« vigilantia {ou vigilanti) cura diligenter inquireret, in
« quibus sanctimoniales feminas, quas ad serviendum
« Deo viventi congregaverat, coUocare valeret, quidam
« vir... ipsum... obnixis precibus exoravit, in supra-
« dicto loco (Tuçon) ecclesiam sedificare dignaretur ».
La Vie d'André contient une déclaration analogue :
« Despiciebat rêvera inter castella vel vicos conventus
« suse sancta3 religionis habere, nimirum aperte cognos-
« cens proposito sanctœ religionis talia nocere ».
Le principe qui guida Robert dans son choix est
celui-ci : au culte divin conviennent les lieux solitaires.
On reconnaît à ce trait l'ancien ermite qui veut étendre
son idéal à la vie cénobitique elle-même. Robert n'est
pas le seul qui ait pensé ainsi : ses compagnons ont eu
aussi la même idée. Les promoteurs du mouvement reli-
— 387 —
gieux de cette époque s'efforcent de restaurer la vie
monastique selon les principes qui avaient présidé autre-
fois à son institution.
On conçoit donc fort bien que Robert ait choisi Fon-
tevrault comme premier lieu d'établissement pour ses
disciples. Cela se fit, comme nous l'avons vu, à la fin de
1100 ou au début de 1101.
C'était un monde fort mêlé qui s'était réuni à Fonte-
vrault sous la direction de Robert : des vieux et des
jeunes, des riches et des pauvres y étaient admis ; on
n'excluait même pas les lépreux et les prostituées. Si
Robert voulait maintenir l'ordre et la discipline dans
cette troupe d'hommes et de femmes, il fallait, de toute
nécessité, les séparer d'après leur sexe. Au début, il est
vrai, on dut se contenter de misérables huttes pour se
protéger contre les intempéries, et Robert sépara les
hommes des femmes en astreignant ces dernières, selon
Baudry, à une stricte clôture. Il y en avait pourtant
quelques-unes qui étaient chargées de servir les pauvres
et les pèlerins. Bientôt aussi on construisit un oratoire.
Mais tout cela était fort primitif et ne devait pas tarder
à devenir insuffisant. Le nombre des disciples de Robert
croissait rapidement et les cabanes devenaient trop
petites. Peut-être même la clôture des femmes n'était-
elle pas assez sévère, car quelques-unes, dont la conver-
sion n'était pas suffisamment profonde, retournèrent à
leur vie de péché. Tel est du moins le récit de Marbode.
Robert dut donc agrandir ses bâtiments. Tout d'abord
on élargit l'oratoire élevé en l'honneur de la Vierge. La
construction parait en avoir duré assez longtemps. Dans
la bulle du 5 avril 1112, Pascal II parle du « cœnobium
<K in honorem beatœ Mariœ semper virginis consecran-
« dum ». La bulle de Callixte II du 15 septembre 1119,
dans laquelle ce pape dit qu'il a consacré l'oratoire,
prouve que non seulement le cloître, comme l'indique
le « cœnobium », mais encore l'église de Fontevrault,
n'avaient pas encore reçu de consécration. Robert n'a
— 388 —
donc pas vu consacrer l'église dont il avait posé la pre-
mière pierre.
En même temps on travaillait aux bâtiments conven-
tuels de Fontevrault : en effet il y en a quatre. On éta-
blit dans un lieu plus éloigné les locaux destinés aux
hommes : ils y vivaient partagés en petits groupes : les
femmes, elles aussi, étaient réparties en des locaux
séparés. Enfin Robert fit établir pour les lépreux un
couvent à part, ils y avaient un lieu destiné exclusive-
ment à leurs repas. Robert parait avoir témoigné à ces
malheureux une sollicitude toute particulière. L'église
dédiée à la Sainte Vierge dépendait du couvent prin-
cipal des femmes ; mais il y avait aussi d'autres cha-
pelles à Fontevrault. La section des hommes possédait
sans aucun doute un oratoire élevé en Thonueur de
saint Jean Tévangéliste.
Ainsi était née une colonie religieuse. Mais de quoi
vivait tout ce monde ? Baudry fait à cette question deux
réponses contradictoires : d'une part, il raconte que les
religieux vivaient de leur travail ; ailleurs, il dit que
Dieu inspira aux gens des alentours de fournir tout ce
qui leur était nécessaire aux habitants de Fontevrault
qui pendant ce temps vivaient sans soucis et que d'ail-
leurs Robert veillait à ce qu'ils ne manquassent de
rien. La contradiction apparaît moins flagrante quand
on réduit les exagérations de Baudry à de justes pro-
portions. En réalité les religieux ont vécu à la fois de
leur travail et de la charité des habitants du voisinage.
Marbode émet cette affirmation étrange qu'il n'y avait
à Fontevrault aucune règle, et que chacun vivait à sa
fantaisie. Mais c'est encore une exagération, puisque
Marbode lui-même parle de « praecepta novae perfec-
« tionis » et cite quelques-uns de ces préceptes. L'acte
de Pierre de Poitiers relatif à la confirmation de la nou-
velle fondation en 1106 prouve l'existence d'une règle,
et Baudry nous en fait connaître plusieurs articles.
En ce qui concerne l'admission de nouveaux membres,
— 389 —
Robert se montrait fort libéral : il avait pris pour prin-
cipe de ne renvoyer personne. Bien que Baudry Ten
loue sans réserve, il faut pourtant avouer que Marbode
n'avait pas tort en le mettant en garde contre les dan-
gers de cette pratique. « Des hommes et des femmes, lui
<K dit-il, sont transportés par tes discours ; tu les reçois
« sans songer que leur enthousiasme n'est que passager ;
« tu ne les éprouves même pas, dit-on, en te tenant pour
« satisfait si ton nom a été prononcé sur eux. Mais ils
« n'en deviennent pas meilleurs, ajoute-t-il, les scandales
« survenus parmi eux le prouvent abondamment ».
La vie à Fontevrault n'était pas non plus entravée
par un formalisme trop étroit, du moins si l'on en juge
par les paroles de Baudry. Tous étaient attachés les uns
aux autres par les liens de la charité fraternelle. L'amer-
tume dans les propos, l'envie, la discorde étaient égale-
ment inconnues, jamais on ne répondait avec aigreur.
Il était défendu de jurer.
On ignorait le bavardage et les vains propos, parfois
même on devait garder le silence ; il fallait marcher la
tête inclinée, les yeux baissés. Les femmes dans leur
étroite clôture devaient prier, chanter des psaumes,
méditer. Naturellement elles échangeaient dès leur entrée
leurs vêtements ordinaires contre l'habit religieux. Les
hommes travaillaient et s'occupaient de l'entretien maté-
riel. S'ils étaient prêtres, ils chantaient les psaumes et
disaient la messe. Marbode nous dit que les disciples de
Robert s'en allaient en troupes à travers les provinces,
reconnaissables à leurs longues barbes et à leurs habits
sales. S'ils le faisaient, c'était évidemment sur l'ordre
de leur maître, et ces voyages avaient le même but que
ceux de Robert lui-même. C'est une preuve nouvelle
que la fondation de quelques couvents n'était pas la
seule préoccupation de celui-ci. C'était aussi sur son
ordre qu'on portait l'habit de pénitent.
Naturellement Robert était à la tête de l'établissement
bien qu'il n'eût pas pris le titre d'abbé.
— 390 —
Le nouveau couvent était placé sous la protection
toute spéciale de Tévéque Pierre de Poitiers, dans le
diocèse duquel il se trouvait. Pierre avait les moines en
haute estime : Yves de Chartres lui reproche de les esti-
mer au point de les placer au-dessus de tous les clercs ; il
n'est donc pas surprenant que dans son voyage à Rome
il ait insisté près du pape pour obtenir la confirmation de
la communauté. Il l'obtint : à la condition que les droits
des évoques de Poitiers seraient toujours respectés, le
couvent fut placé sous la protection du pape et toutes
ses possessions présentes et futures furent confirmées.
Le document de Pascal II, à ce relatif, est daté du
25 avril 1105. Après son retour à Poitiers, Pierre fit en
1106 un acte par lequel, se fondant sur la bulle du
pape, il approuvait, lui aussi, la création de Robert.
Après la fondation de Fontevrault, Robert ne se crut
pas obligé de rester plus longtemps en personne dans
le nouveau monastère, il avait à remplir ses devoirs de
prédicateur et ne voulait pas y faillir. Et même pendant
son séjour à Fontevrault, on doit avouer que les progrès
des travaux de construction ne le préoccupaient guère. Il
mit donc à la tête de l'établissement deux femmes d'un
esprit aussi sage que pratique. L'une d'elles s'appelait
Hersende et appartenait à une famille très noble. « Spreta
« sua, qua prselucebat, nobilitate choris feminarum adhœ-
« serat », dit Baudry en parlant d'elle. Son père était
Hubert !•' de Champagne et sa mère Agnès de Clairvaux
et Mathefelon. Elle s'était mariée deux fois. Son premier
mari, un certain Foulques, n'est guère connu. Elle
épousa en secondes noces Guillaume de Montsoreau,
également d'une famille noble fort connue à l'époque,
dit Baudry dans son épitaphe.
De cette union naquit un fils, Etienne. Après la mort
de son mari, Hersende entra au couvent de Fontevrault
et ne tarda pas à en devenir prieure. C'est bien ce que
rapporte Baudry : « Elle avait, dit-il, des fonctions de
« surveillance et de représentation. »
— 391 —
Le « Gallia Christiana », d'après le Martyrologe de
Fontevrault, place sa mort le 10 novembre 1109. Son
tombeau se trouve à Fontevrault.
A côté d'elle nous trouvons la haute et noble dame de
Chemillé. Niquet ne sait pas exactement si elle était de
naissance une Chemillé ou bien si elle est entrée par un
mariage dans cette famille. Il incline vers cette dernière
hypothèse. Ménage a prouvé qu'il avait raison en
démontrant que Pétronille de Chemillé était fille de
Bouchard de Craon et de sa femme Texelina. Son mari
était sans doute Orri le Roux de Chemillé ; elle avait eu
plusieurs enfants. Parmi ceux-ci le Martyrologe de Fon-
taine cite deux fils : Pierre et Aléard. Baudry loue son
grand sens pratique. Elle fut prieure après la mort
d'Hersende.
Après avoir pris les mesures nécessaires à la conti-
nuation des travaux de construction à Fontevrault et
fait en sorte que la bonne administration de l'abbaye fût
assurée, Robert reprit ses voyages. Toutefois ces cour-
ses errantes n'étaient point inutiles à la prospérité de
l'abbaye, car de tous côtés il recevait des donations en
faveur de celle-ci. Il suffit de parcourir la liste des pos-
sessions de Fontevrault énumérées dans la bulle de Cal-
lixte II, et qui dans Migne n'occupe pas moins de deux
colonnes, pour se convaincre que M. Daru a raison en
disant que le nom de pauperes Christi ne convient plus
guère aux hôtes de ce monastère, et la comtesse Arem-
burge d'Anjou pouvait dire de Robert : « Ecclesiam ad
«c usum sanctœ congregationis ejusdem loci sanctimo-
« nalium, divina disponente clementia, ditare largiter
« invigilavit ».
Néanmoins on reconnaît ici aussi quelles influences
avaient formé l'esprit de Robert. Le désir immodéré
d'enrichir leur couvent était général parmi les moines
de ce temps, on tirait à soi tout ce qu'on pouvait. Mai-
nier, abbé de Saint-Evroult-en-Ouche, avait donné pour
mission à quelques moines de rapporter à la commu-
— 392 —
nauté toutes les richesses qu'ils pourraient trouver.
Goisbert de Chartres, religieux du même couvent, savait
guérir les maladies et poussait les gens qu'il avait sou-
lagés à faire des dons à Tabbaye. Robert de Grand-
mesnil, au dire d'Orderic Vital, sur le point d'entrer dans
le même couvent, vola au profit du monastère dont il
allait devenir moine plusieurs de ses parents, sous pré-
texte que cela profiterait à leur salut éternel. Ce fait est
caractéristique ; ce qui l'est encore plus, c'est que
Orderic n'a pas un mot de blâme pour l'auteur de cette
action. Avec une naïveté inouie, il écrit : « Multos
« labores pro subventione pauperis ecclesidB sustinuit,
« opesque parentum suorum qui divitiis abundabant
« m\iltoties rapuit et pro sainte eorum ad subsidia fide-
« lium caritative distribuit ». C'est ainsi que les choses
se passaient en Normandie, ce n'était guère mieux sans
doute en Bretagne et en Anjou.
Robert ne s'est pas montré avide comme les moines
que nous venons de parler. Il hésitait parfois longtemps
avant d'accepter un terrain qui lui était offert. Il le refusait
même quand un autre lui semblait avoir quelque droit sur
ce terrain : il préférait la paix. Le fait suivant le prouve :
Un homme noble, nommé Foucaud, offrant à Robert
pour y établir des religieuses le lieu désert appelé Tuçon
(diocèse de Poitiers), Robert refuse d'en prendre posses-
sion avant d'avoir la permission de Tévêque Pierre de
Poitiers. Foucaud se procure cette autorisation et Robert
fait commencer la construction d'une église. Mais les
moines de Nanteuil élèvent des prétentions sur ce lieu
et Robert fait aussitôt arrêter les travaux. Les moines
toutefois ne pouvant pas prouver leur droit, l'évêque
invite Robert à continuer son église, il se refuse à le
faire avant que les moines aient consenti de bon gré et
il ne fait reprendre le travail que lorsque Foucaud a
trouvé moyen de dédommager les moines d'une autre
façon. On voit que là encore Robert a donné une preuve
de vraie piété intérieure.
— 393 —
De toutes les donations qui furent faites à Robert,
une partie fut affectée à la fondation de couvents de
femmes. Le privilège de Pascal II, en 1105, nomme déjà
expressément cinq fondations de cette sorte. En 1109
Robert en cite quelques autres dans le diocèse de Poi-
tiers. Avec le temps beaucoup d'autres s'ajoutèrent à
ce nombre, certaines d'entre elles se trouvaient dans
des provinces éloignées. En 1119 la congrégation était
répandue et avait des possessions pour ainsi dire dans
toute la France, dans la Maine, dans l'Anjou, à Poitiers,
à Limoges, en Périgord, à Toulouse, en Berry, à
Orléans, près de Paris et en Bretagne.
En moins de vingt années était née une puissante con-
grégation. Le nombre de ses membres s'élevait à près
de 3.000. Des personnes de la plus haute noblesse, des
princes même, y entrèrent. Nous avons déjà cité Her-
sende, Pétronille et sa sœur Agnès.
La duchesse Hermengarde de Bretagne a pris le
voile à Fontevrault : le Martyrologe l'appelle « mona-
cha ». Agnès, épouse d'AIard, seigneur d'Orsan, quitta
son époux et devint religieuse de la nouvelle congréga-
tion, elle fut prieure d'Orsan. Philippa, épouse de
Guillaume d'Aquitaine et de Poitiers, dominée par la
personnalité de Robert, prit le voile à Fontevrault ou
au couvent d'Espinasse fondé par elle (1115). Enfin Ber-
trade, la maîtresse de Philippe, roi de France, se fit reli-
gieuse et entra au couvent de Haute-Bruyère. A titre
d'ancienne épouse de Foulques IV d'Anjou, elle s'inté-
ressait particulièrement à Fontevrault, que celui-ci et
son fils Foulques V protégeaient. On ne saurait d'après
cela s'étonner que des familles princières se soient très
vivement intéressées à cet ordre : cela est vrai non seu-
lement de la famille d'Anjou, mais encore du roi de
France Louis VI. Baudry a donc raison d'écrire :
« Mittebant in pauperrimi Fontebraldensis cœnobii
« gazopilacium reges et consules larga donaria. ».
Ainsi prospérait Tordre de Fontevrault grâce à la
— 394 —
faveur des grands. Robert se vit donc forcé de lui don-
ner une plus forte organisation.
Nous avons déjà vu qu'il n'avait pas voulu d'un trop
grand formalisme dans son couvent. Il lui importait bien
davantage de voir régner chez les siens une véritable
piété intérieure. Il est de fait qu'il ne possédait aucun
talent d'organisateur. Marbode résume dans les termes
suivant les reproches qu'il lui a adressés : « Ergo et
« super hoc exitu tua culpatur religio, quia in introitu
« non est habita mater virtutum, discretio ».
Geoffroi de Vendôme, d'autre part, dit qu'il n'entend
rien au gouvernement des femmes, traitant les unes
trop sévèrement, les autres avec une indulgence exa-
gérée. Mais malgré tout cela une organisation était
nécessaire et Robert se trouvait en face d'une tâche
pour laquelle il n'était pas fait. Les erreurs qu'il commit
en voulant l'accomplir sont cause, en partie, de ce que
le grand mouvement suscité par lui se perdit pour ainsi
dire dans la Congrégation de Fontevrault.
Considérons la règle qui fut donnée à la congrégation
en 1116 : remarquons d'abord que cette règle, composée
par Robert, n'a pas la prétention d'introduire de nou-
veaux principes dans la vie monastique ; tout au con-
traire la règle bénédictine servira toujours de norme à
Fontevrault. Le problème qui préoccupe à cette époque
les religieux est celui-ci : suivra-t-on à la lettre la règle
bénédictine ? Nous ne savons pas comment Robert a
tranché la question. Mais le seul fait que ses fidèles
compagnons Girard de Salles, Bernard de Tiron, Vital
de Savigny, ont exigé dans leurs couvents l'étroite
observance, ce seul fait, dis-je, nous incline à croire que
Robert a agi de même. Cette conclusion est d'ailleurs
confirmée par l'examen de la règle. Cette règle, qui
d'après la Vie d'André était divisée en quatre parties,
contient, autant que nous pouvons en juger par les
fragments qui en ont subsisté, ce qui suit :
I. — Des prescriptions motivées parle caractère mixte
— 395 —
de la congrégation. Telles sont : le devoir imposé à tous
d'obéir à Pétronille, abbesse à la fois du couvent des
hommes et de celui des femmes, la défense d'introduire
sans sa permission aucun étranger dans la communauté
des moines, et celle d'administrer aux religieuses les
derniers sacrements ailleurs que dans la chapelle. Cette
dernière défense est une conséquence de la clôture ;
II. — Des prescriptions qui renouvellent, parfois en
l'aggravant, la règle bénédictine. Nous avons vu plus
haut que, à certaines époques, le silence était prescrit
aux gens de Fontevrault ; désormais la règle sera plus
sévère : seules les religieuses ayant à s'occuper des
soins matériels pourront parler ; les autres devront
garder le silence et ne communiquer entre elles que par
signes en cas de nécessité absolue. Ce précepte a fait une
certaine impression sur les contemporains : Guillaume
de Malmsburys'étonne ironiquement que Robert ait réussi
à réduire au silence une telle troupe de femmes. Mais
cette prescription du silence ne contient aucune idée
nouvelle : la règle bénédictine commandait fréquem-
ment le silence, Robert n'a fait que la rendre plus
sévère.
Il en est de même pour l'usage de la viande : la règle
bénédictine la permet aux malades et aux infirmes,
Robert la défend complètement.
Il y a à côté de cela des préceptes calqués sur la règle
bénédictine. Ce sont, par exemple, les préceptes relatifs
aux vêtements qui ne doivent que protéger le corps du
froid et non être un instrument de vanité. D'après la Vie
d'André, Robert a tiré directement cette prescription
de la règle des Bénédictins. Il en est de même de. ce qui
concerne Toilice canonique et le renoncement à toute
propriété personnelle.
Baudry nous dépeint les religieux marchant la tête
inclinée et les yeux baissés. Cela aussi me parait une
réminiscence du chapitre VII de la règle bénédictine.
III. — La règle de Robert défend à la communauté
— 396 —
d*accepter en don des églises paroissiales ou des dîmes
provenant de celles-ci. Nous avons déjà dit que c'était
là une des exigences des réformateurs des ordres
monastiques. Il était aussi défendu de laisser les laïcs
empiéter sur les biens de la Congrégation.
IV. — En quatrième lieu, nous trouvons des pres-
criptions d'ordre général et d'autres d'ordre ascétique :
aux premières se rapportent la défense de jurer et de
s'en rapporter au jugement de Dieu, par le feu et le duel
judiciaire, et aussi la nécessité de faire choisir l'abbesse
parmi les converses. Parmi les dispositions d'ordre
ascétique il faut citer la suivante : les religieux doivent
se faire, trois fois l'an, pratiquer la saignée. Il y avait
enfin des dispositions établies de façon à répondre à la
situation particulière de Fontevrault. Les restes des
repas doivent êtres portés à la porte du couvent des
femmes et distribués aux pauvres. Les prescriptions
énumérées sous les n**' 2 et 3 prouvent bien que Robert
était partisan de la réforme monastique. Cela devient
évident si nous ajoutons qu'il faisait aux moines une
obligation du travail. Ce qui est particulier dans la fon-
dation de Robert, c'est l'organisation qu'il lui donna.
Peu avant sa mort, il mit à la tête de la Congrégation
entière non un homme mais une femme.
Hersende était morte et le choix tomba sur Pétronille,
prieure de Fontevrault. Comme Pierre de Poitiers était
mort dans l'exil où Guillaume d'Aquitaine l'avait
envoyé, Robert appela près de lui plusieurs dignitaires
de l'Eglise de Poitiers pour s'entretenir avec eux de
l'élection de l'abbesse. On avait deux questions à exa-
miner : pouvait-on mettre une femme à la tête de la
Congrégation et, d'autre part, Pétronille, qui avait été
mariée, pouvait-elle être abbesse du couvent?
Pour la première question, Robert craignait (avec rai-
son) de l'opposition. — La Vie d'André lui met les
paroles suivantes dans la bouche : « Scitis... quod
« quidquid in mundo œdificavi, ad opus sanctimonia-
— 397 —
« lium nostranim feci eisque potestatem omnem faculta-
« tum mearum prœbui, et, quod bis majus est, et me et
<c meos discipulos pro animarum nostrarum salute earum
ce servitio submisi. Quamobrem disposai cum vestro con-
« silio, huic congre gationi, donec sum superstes, abba-
« tissam ordinare ; ne forte (quod absit !) post obitum
« meum aliquis prsesumat huic mese définition! contra-
« dicere ».
On voit que, d'après la Vie^ Robert se serait consacré
presque exclusivement aux femmes et leur aurait donné
toute sa sollicitude (ce qui d'ailleurs n'est pas tout à
fait exact). Lui-même ainsi que ses disciples se seraient
subordonnés entièrement à elles et on aurait pour ce
motif mis une abbesse à la tète de la communauté.
En ce qui concerne la seconde question, Robert
aurait trouvé plus convenable à la dignité de sa fonda-
tion de mettre une vierge à la tète de celle-ci. Mais
comme on pouvait craindre qu'elle ne s'entendit pas
assez aux choses du monde, il jugeait indispensable
pour assurer l'avenir de Tordre de nommer une femme
qui connût les affaires du siècle. Un archiprêtre d'An-
gers mit fin à tous les scrupules en rappelant que le
pape Urbain II avait permis en une certaine circons-
tance d'élire une femme qui avait été mariée quatre
fois. Tous les dignitaires présents se rangèrent à cet
avis. Pétronille fut élue et l'élection approuvée par le
légat Girard d'Ângouléme et Pascal II. Ainsi Pétronille
avait sous ses ordres les prieurs, hommes et femmes, de
tous les monastères particuliers.
Quel est le caractère de cette congrégation mixte ?
Robert a-t-il voulu introduire un nouveau principe dans
le monde monastique .^ Si non, comment comprendre
cette organisation singulière ?
Les deux chroniqueurs anglais qui s'étendent longue-
ment sur la fondation de Fontevrault ne parlent que de
rétablissement d'une congrégation de femmes. Guil-
laume de Malmsbury dit par exemple : « Illud egregium
— 398 —
« sanctimonalium monasteriom apud Fontem Ebraldi
« coDsirueret ». Le récit de Guillaame de Newbargh
est plus remarquable encore : il parle d'une convention
conclue entre Robert, Bernard de Tiron et Vital de
Savigny, d'après laquelle le soin des femmes aurait été
confié à Robert tandis que les deux autres auraient eu
la direction des hommes. Bien que l'historien s'appuie
sur une ancienne tradition, son histoire n'est qu'une
légende, car Robert aussi bien que Vital s'est occupé
des hommes et des femmes. Mais le fait qu'une légende
postérieure attribue à Robert la direction exclusive des
religieuses est intéressant si on considère d'ailleurs les
documents contemporains de Robert qui se rapportent à
Fontevrault. Dans l'acte de fondation, Pascal II ne
mentionne que les religieuses et, bien que Pierre de
Poitiers, dans l'acte de confirmation, dit que Robert a
enlevé au monde des hommes et des femmes, néanmoins
il ne parle lui aussi que du couvent des religieuses. Dans
la lettre de Robert à Pierre de Poitiers (1109) où il lui
demande de prendre l'ordre sous sa protection, nous
trouvons bien mentionnés des hommes, mais, chose
remarquable, ils sont appelés viri et non monachi ou
fratres. Dans les actes de donation et de confirmation
rapportés par Migne (il y en a environ soixante-dix), il
est bien question des frères, mais ils ne sont que six
fois mentionnés comme tels : quatre fois on lit que des
frères ont été appelés comme témoins, et par deux fois
il est question de couvents de moines. On a -l'impression
que les frères jouent un rôle tout secondaire, et que par-
tout on tient à affirmer que Fontevrault est une commu-
nauté de femmes.
Considérons d'ailleurs ce que Baudry dit des occupa-
tions des moines : ceux d'entre eux qui sont prêtres,
dit-il, s'occupent du culte ; les autres ont à vaquer aux
soins matériels. Si Ton tient compte de tout cela il faut
reconnaître que Mabillon a pu contester l'unité d'orga-
nisation de Fontevrault. Cette organisation n^a pas été
— 399 —
primitivement autre chose que celle de toutes les com-
munautés mixtes. Ces communautés ont été de deux
sortes : dans les unes, les moines avaient leur abbé
comme les religieuses avaient leur abbesse ; dans les
autres, il n'y avait qu'une abbesse chargée de la direc-
tion des religieuses, et dans un édifice séparé vivaient
quelques moines chargés de l'entretien des religieuses,
n'ayant pas eux-mêmes d'abbé à cause de leur petit
nombre et soumis par cela même à l'abbesse. Fonte-
vrault serait, d'après Mabillon, une communauté de
cette dernière sorte. Mais il n'y avait pas seulement une
poignée de moines.
Robert avait l'habitude, comme nous l'apprend la Vie
d'André, toutes les fois qu'il fondait un couvent de
femmes, d'adjoindre à celles-ci des moines destinés à
leur service. Il mettait les couvents de femmes sous le
vocable de la Sainte Vierge et ceux d'hommes sous
celui de saint Jean l'Evangéliste. Les moines avaient
leurs prieurs. Pourtant le lien qui les unissait aux
religieuses était assez lâche; nous savons que les péré-
grinations des disciples de Robert à travers la France
ont été accomplies par son ordre. Sentant sa mort
approcher, il dut se poser la question : que deViendront
les hommes qui s'étaient groupés autour de lui ? Jus-
qu'alors il avait été le lien qui avait tout retenu ensem-
ble, les hommes et les femmes. Mais comment devaient
maintenant s'organiser les hommes ? La Vie d'André
répond à cette question : l'année qui précéda sa mort,
Robert appela près de lui ses disciples et leur demanda
s'ils étaient disposés, comme par le passé, à rester au
service des religfieuses, en d'autres termes s 'ils voudraient
faire le vœu de stabilité. Ils n'acceptèrent pas unanime-
ment : « Pêne omnes unanimi voce dixerunt », rapporte
André. Le pape Callixte II dut ordonner formellement à
ceux qui avaient promis de tenir leur engagement. Et
Honorius II, dans la bulle du l"'' novembre 1126,
défendit aux moines de quitter le couvent sans y être
— 400 —
autorisés. On voit par là que Tordre établi par Robert
n'a pas toujours été suivi.
Cela donné, nous pouvons former notre jugement sur
la Congrégation. Robert n'a pas voulu de prime abord
établir une congrégation mixte ; il a encore bien moins
voulu, par principe, subordonner les hommes aux
femmes. Cette idée que Nique t, évidemment sous l'im-
pression du mouvement qui eut lieu de son temps à
Fontevrault, a cherché à faire prévaloir, a souvent été
reprise par la suite. On a même appelé Robert le
« Chevalier errant du monachisme » ; on a voulu voir
en lui un adepte de cette piété qui confondit la religion
et la galanterie chevaleresque. Mais Robert n'avait rien
d'un chevalier errant. Caractérisons donc en peu de
mots son œuvre comme fondateur de la Congrégation.
Moitié pour des motifs ascétiques, moitié dans la pensée
qu'il ne devait repousser personne, il rassemble des
femmes autour de lui. Il parcourt le pays, suivi de
celles-ci comme d'une troupe d'ascètes ; puis de méchants
bruits l'obligent à établir la demeure des femmes dans
des couvents. Il doit être considéré comme leur chef
bien qu'il ait refusé le titre d'abbé. Des disciples hommes
les servent, tout eii continuant leurs courses de propa-
gande, et ne sont tenus à rester près d'elles par aucune
règle.
On s'explique donc aisément que la tradition anglaise
représente Robert comme le fondateur d'une congréga-
tion de femmes et que dans les plus anciens documents
les moines n'apparaissent qu'au second plan. Ce n'est
qu'en 1116 qu'on commence à se demander sérieu-
sement ce qu'on doit faire de ceux-ci. Robert essaie de
les lier parle vœu de stabilité au monastère de femmes,
mais il se heurte dès le début à une opposition, et les
sévères admonestations par lesquelles les papes rap-
pellent les moines à l'observance de leurs engagements
montrent assez combien ils auraient été disposés à s'en
dispenser.
— 401 —
Le mouvement créé par Robert a été grand à son
débuts mais il n'a pas duré. Soit que, dominé par la sin-
gulière conception qu'il avait parfois de Tascétisme, il
ait dispersé ses forces en se mettant au service de la
partie féminine de ses disciples, soit qu'il ait manqué
du talent d'organisateur en subordonnant les moines
aux religieuses et en mettant les uns et les autres sous
les ordres d'une abbesse, en tous cas Robert s'est créé
à lui-même des obstacles ; cette magnifique floraison
n'a pas donné les fruits qu'elle promettait : elle n'a pro-
duit que la congrégation de Fontevrault, asile de
grandes dames dégoûtées du monde.
VI
Mort de Robert.
Il nous reste encore à dire quelques mots de la mort
de Robert. Nous devons à la piété de ses disciples des
détails exacts sur ses derniers jours.
Notre récit a conduit Robert jusqu'à son dernier ser-
mon à Déols. De là il se mit en route pour répondre à
une invitation qui lui avait été faite et c'est vers le nord
qu'il se dirigea. Il quitta Déols un vendredi. Mais pen-
dant le voyage il dut fréquemment descendre de cheval
et se plaignit à de nombreuses reprises d'un violent
malaise. Il tenait toutefois à aller jusqu'à Graçay
(Cher), afin que ceux qui l'avaient invité ne doutassent
pas de sa bonne intention et vissent bien que seul son
manque de force l'avait obligé à s'arrêter. Il put accom-
plir son désir et passa la nuit à Graçay. Le lendemain
il se sentit incapable d'aller plus loin et demanda à être
porté sur une civière au prieuré d'Orsan. On voulut
retenir le malade à Graçay, mais il persista dans sa
résolution. Peut-être, se sentant mourir, voulait-il rendre
le dernier soupir dans un monastère de son ordre afin
que celui-ci pût entrer plus facilement en possession de
26
— 402 —
sa dépouille mortelle ; c'est du moins ce que prétend la
Vie d'André. Ce jour-là on arriva à Issoudun, où on
s'arrêta. Là encore les hôtes de Robert cherchèrent à le
retenir ; il n'y consentit pas mais voulut atteindre le but
de son voyage, Orsan, où il fit appeler aussi Pétronille
et la prieure Ângardis ; lui-même arriva le dimanche.
La prieure Agnès fut profondément affligée en le voyant
arriver malade. Le soir il exprima son vœu d'être
enterré à Fontevrault. Le lundi il reçut le viatique,
l'extrême-onction le lendemain, puis communia de nou-
veau en s'accusant amèrement de ses fautes.
Il envoya à Léger, archevêque de Bourges, son ami
intime, à ce que suppose la Vie d'André, un messager
pour le prier de venir le voir. Celui-ci arriva à Orsan
et fit entourer la ville de sentinelles ; les habitants de la
ville en firent autant dans le but évident d'empêcher que
le cadavre de Robert ne fût enlevé secrètement ou de
vive force et de conserver à la ville cette précieuse
relique. Léger ne fut pas le seul à visiter Robert ; les
seigneurs du pays y vinrent aussi et pour tous il sut
trouver un mot de consolation et d'exhortation. Avant
tous les autres arrivèrent Pétronille et Angardis de
La Puye (c'est un monastère de l'ordre qui se trouvait
dans la Vienne). La première ne pouvait cacher son
désespoir en songeant à la mort imminente de Robert ;
l'autre avait encore une ombre d'espoir. Le mercredi,
le troisième jour avant sa mort, Robert eut un long
entretien avec Léger; selon la Vie d'André, il y exprima
encore son désir d'être enterré non à Bethléem, ni à
Jérusalem, ni à Rome, ni à Cluny, mais dans la boue de
Fontevrault avec ses chers disciples qui désiraient, il
le savait bien, attendre avec lui le jugement dernier.
D'ailleurs, ajouta-t-il, j'ai encore un autre motif de
souhaiter que mon corps demeure à Fontevrault ; j'espère
en effet que, si quelque conflit vient à s'élever entre les
religieux, mon tombeau placé au milieu d'eux et le sou-
venir de ma vie pourront servir à les réconcilier.
— 403 —
En réalité, Tentretien ne dut pas avoir tout à fait la
forme qu'André rapporte ; notamment la dernière partie
où Robert motive son désir de reposer à Fontevrault
ressemble fort à une œuvre d'imagination destinée à
adoucir des conflits nés dans la communauté. Etant
donné les sentiments si chrétiens exprimés par lui tant
de fois, il n'est guère vraisemblable qu'il ait marqué
l'espoir d'avoir après sa mort quelque autorité auprès
de Dieu et promis d'intercéder pour les siens.
Tout particulièrement intéressant est son jugement
sur Cluny. Qu'il l'ait prononcé lui-môme ou qu'il lui ait
été attribué par l'auteur qui était son disciple, peu
importe; en tous cas il montre bien la tendance de la
réforme monastique ; Cluny est nommé aussitôt après
Bethléem, Jérusalem et Rome. Mais le trait qu'il choisit
pour le caractériser est remarquable : « Ubi iiunt pul-
« chrœ processiones ». Et malgré cela, Robert préfère
encore pour sa sépulture la boue de Fontevrault. On ne
voit nulle part d'antagonisme entre deux partis oppo-
sés, mais l'idéal de la vie monastique est devenu tout
autre.
Le désir de Robert d'être emmené à Fontevrault
contrecarrait les projets de Léger. Il déclara que lui-
même ne pouvait y déférer et que, seul, Âlard, seigneur
d'Orsan, avait qualité pour décider. Robert fit donc
venir la prieure Agnès, qui avait été l'épouse d'Alard,
et lui ordonna de faire en sorte que son vœu s'accom-
plit ; elle le promit. Cette conversation avec Léger eut
lieu comme nous l'avons dit un mercredi, troisième
jour avant la mort de Robert. Celui-ci est donc mort un
vendredi. Le récit d'André, daté jusqu'ici très exacte-
ment, cesse à cet endroit de l'être ; on ne sait donc pas
quel jour ont eu lieu les événements suivants.
Il me parait vraisemblable que les faits rapportés
dans le chapitre YII se sont passés aussitôt après l'en-
tretien avec Léger, que Robert s'est confessé pour
la dernière fois dans la nuit du mercredi au jeudi et que
— 404 —
ensuite il est tombé dans un état de coma qui a duré
deux jours. L'expression « non longe post » dans la
dernière phrase de la Vie d'André embrasse donc une
période de deux jours. On peut s'expliquer ainsi le
silence de l'auteur sur ces deux jours ; l'agonie avait
déjà commencé et aucun fait digne de remarque ne
s'était accompli. Nous savons seulement que le jeudi
eut lieu une réunion où on s'entendit sur l'enterrement
de Robert et que Léger avait promis de ne pas assister
à cette réunion.
Nous suivons maintenant le récit d'André pour les
derniers événements qui ont eu lieu après l'entretien
avec Léger. Ceux qui entouraient le moribond lui con-
seillèrent de prier en attendant la mort ; il suivit leur
conseil après les avoir fait sortir. Il pria pour toute
l'Église, depuis le pape et tous les chefs de l'Eglise
jusqu'aux moines qui le recevaient, ses bienfaiteurs, ses
ennemis ; il n'oublia pas même Guillaume d'Aquitaine,
alors excommunié. Pendant ce temps, la nuit était
venue. Lorsque Robert eut achevé sa prière, il ordonna
au frère Pierre d'appeler près de lui le prêtre André. Il
se fit apporter par celui-ci une croix, descendit de son lit,
s'agenouilla devant la croix et fit sa profession de foi,
c'est-à-dire qu'il récita le Credo en l'entremêlant d'his-
toires bibliques et de sentences dogmatiques. Enfin il
parla de sa famille, remercia Dieu de ses innombrables
bienfaits et fit sa confession ; il s'accusa des fautes sui-
vantes : il avait mangé étant enfant, chez sa mère, des
mets trop recherchés; il s'était rendu coupable de
simonie à l'élection d'un évéque de Rennes ; il n'avait
pas bien employé le talent de prédicateur et la science
que Dieu lui avait donnés ; enfin il avait rassemblé un
grand nombre de religieuses qui servaient Dieu parfaite-
ment, mais lui-même n'avait fait que se laisser louer par
elles. Pour finir, il demanda à Dieu pardon de ses
péchés et le supplia de le rappeler à lui au plus tôt ;
il ne tarda pas à être exaucé.
— 405 —
En ce qui concerne la date de la mort, nous ne savons
qu^une chose d'après la Vie d'André, c'est qu'elle eut
lieu un vendredi. Pour le reste, les avis sont partagés.
La Chronique de Maillezais dit que Robert mourut le
24 février; celle de Saint- Aubin, ainsi que la tradition de
Fontevrault, dit le 25.
En ce qui concerne Tannée, les deux chroniques sus-
mentionnées ainsi que celle de Saint-Serge d'Angers
disent que cet événement arriva en 1116, ce qui fait 1117
selon la manière actuelle de compter puisque les deux
derniers mois de 1116 seraient, d'après le nouveau
style, les deux premiers de 1117. Ceci concorde avec la
note du Martyrologe de Fontevrault qui désigne l'an-
née 1120 comme la quatrième après la mort de Robert
et se trouve confirmé principalement par un acte de
Foulques V dressé le jour de l'enterrement et qui porte
la date de 1117.
Le calcul suivant porte à croire que Robert mourut
en 1116; si Pétronille a été élue abbesse au mois d'oc-
tobre qui a précédé la mort de Robert, et si d'autre part
nous la voyons en juin 1116 signer déjà comme abbesse,
il faut en conclure que Robert mourut en 1116. Le
Nécrologe de Fontevrault paraît indiquer l'année 1118;
il dit en effet que Robert fut enlevé le 25 février 1117,
c'est-à-dire 1118 selon le nouveau style.
Le fait qu'il disparut de ce monde peu après Yves de
Chartres ne nous donne non plus aucune indication cer-
taine. Le Nécrologe de Chartres fait mourir ce dernier
en 1115, mais d'autres admettent qu'il mourut en 1116.
Nous voyons donc que la plupart des données que nous
possédons nous inclinent à prononcer en faveur de 1117.
L'indication du Nécrologe de Fontevrault n'est corro-
borée par rien et nous avons d'ailleurs des raisons de
douter de son authenticité en ce qui concerne Robert. Il
me semble donc vraisemblable de croire que le chiffre
de 1116 a été plus tard falsifié en 1117. Le calcul donné
précédemment ne justifie pas suffisamment la date de
— 406 —
1116 (il faut toutefois admettre une erreur dans le texte
du document). Robert est donc mort sans doute en 1117.
Mais la conséquence de tout cela est que Robert n'a
pu mourir le 24 ni le 25 février. Ces deux jours-là
étaient en effet un samedi et un dimanche. Comme
Robert est mort un vendredi, c'est évidemment le 23
qu'il est mort.
Selon le vœu de Robert, son corps fut apporté à Fon-
tevrault et enterré en présence de Léger, de Raoul de
Tours, de Rainaud d'Angers, de Foulques V et d'une
masse énorme de peuple. Le prieuré d'Orsan a conservé
son cœur comme une relique. Plus tard, un fragment en
a été donné aux religieuses de Chemillé, ainsi qu'une
partie de ses ossements. Son corps a été mis dans un
cercueil devant l'autel de l'église de Notre-Dame à
Fontevrault.
AVANT BOSSUET
GOHON
ÉVÊQUE DE NImES ET DE DOL, PRECEPTEUR DES NEVEUX
DE Mazarin, Prédicateur du Roi.
Préface
En 1902, j'ai publié chez Gamber, à Paris, un travail
bio-bibliographique intitulé : Un politique et un orateur
au XV !P siècle : CohoUy évêque de Nimes et de DoL
Aujourd'hui, je voudrais préciser quelques dates, insis-
ter sur quelques traits, citer des sources négligées ou
nouvelles. Même après ce supplément, il resterait beau-
coup à faire si l'on collectionnait dans une minutieuse
enquête les moindres actions et souvenirs du person-
nage ^ Mais, en politique comme en littérature, quoique
1. On découvrira bon nombre de pièces qui intéressent les faits
et gestes de Cobon ou Tbistoire de sa famille, en fouillant les
Inventaires des Archives départementales, qui ont été publiés. Ces
précieux recueils m'avaient permis d'utiliser, dans mon étude parue
en 1902, plusieurs documents des archives départementales et
communales de Nimes. Ajoutons encore :
Gard, série E (t. III, Nimes, Cbastanier, 190^). E. 726 (p. 60
et 61 de l'Inventaire).
Indre-et-Loirb, série /T (Tours. Arrault, 1891). H. 732 (p. 238
de l'Inventaire).
Maine-et-Loire, série E (t. I«, Paris, Durand, 1863). E. 2052
(p. 221 de l'Inventaire).
— 408 —
curieux à étudier, il fut trop secondaire pour qu^on se
désespère de ne pas arracher aux archives le plus petit
document qui lui est consacré. Aussi, je compte que mes
collègues de la Commission historique et archéologique
de la Mayenne daigneront excuser les lacunes qu'ils
constateront dans mes recherches. J'ai d'autant plus
besoin de leur indulgence que Gohon relève à juste titre
de leur juridiction scientifique. M. Angot ne lui a-t-il
pas consacré un article dans son admirable Diction-
naire historique, topographique et biographique de
la Mayenne ? ^ La brochure de M. Planté, qui a pour
titre : Une généalogie bourgeoise au XVI/^ siècle^ ne
nous permet-elle pas de connaître la famille de l'évêque
de Nîmes et de Dol ? ^ Enfin, M. Laurain, le savant
archiviste du département, a bien voulu me communi-
quer, avec une bonne grâce dont je le remercie, la liste
de quelques livres qui sont conservés à Laval, après
avoir appartenu à Cohon 3.
Ce deuxième essai comprendra une partie surtout
Mayenne, série B (t. II, Laval, Barnéoud, 1904). B. 2979, 2990,
3112 (p. 169, 191, 346 de l'Inventaire).
Sarthe, série G (Le Mans, Monnoyer, 1876). G. 20, 21 (p. 27, 31,
34 de l'Inventaire).
1. Laval, Goupil, t. I", p. 688-691.
2. Laval, Leroux, in-S® de 55 p.
3. L'inventaire et encan du mobilier de Cohon nous apprend que
la bibliothèque du prélat renfermait 300 ouvrages environ, la plu-
part de théologie. Mais les volumes relatifs à l'histoire, tant de
France que des provinces, ne manquaient pas (A. Puech, La vie de
nos ancêtres d'après leurs livres de raison. Nimes, 1888, p. 405-
409). Les neuf ouvrages de la Bibliothèque municipale de Laval,
qui portent les armoiries de Cohon gravées sur les plats (Dans le
catalogue actuel, n»» 224, 229, 233, 257, 286, 4023, 4096, 4158.
34.809), manifestent bien les goûts de l'évêque lettré, curieux des
lois et de la politique. L'attention se porte de préférence sur une
édition des OEuvres morales et meslées de Plutarque (traduction
d'Amyot), parce que ce livre est le bréviaire des orateurs du
temps ; et nous voyons avec plaisir une édition de Cicéron, par
Lambin, imprimée à Genève, en 1615 : sans doute, ce fut pour le
jeune homme une arme de chevet. Car la culture de Cohon est
toute latine et son moule oratoire tout cicéronien,
— 409 —
biographique, et une partie principalement littéraire. —
Quel fut Thomme et quel fut l'orateur ? — Les deux
chapitres réunis auront pour but d'esquisser la vie,
d'analyser les idées et l'art de notre prélat.
Première Partie. — L'Homme.
Le 4 septembre 1595, — trois mois avant Chapelain,
qui lui survécut quatre années, — naquit Anthyme-
Denis Cohon K II était fils d'un cirier, établi à Craon,
et de Renée Halay. Pierre Le Cornu, gouverneur de la
ville pour la Ligue, fut son parrain. Maître Jehan
Cohon, son oncle, avait un canonicat à la cathédrale du
Mans. Il envoya son neveu étudier à Angers, puis à
Paris.
D'un libelle de la Fronde, on peut retenir, sans crainte
de se tromper, semble-t-il, que le jeune homme se fai-
sait remarquer à la fois par sa fierté dédaigneuse et par
l'agrément de sa conversation ^. Plus tard, il deviendra
1. Pour parler exactement, c'est le 4 septembre 1595 que fut bap-
tisé Cohon. Mais, à cette époque, conformément à l'esprit de
l'Eglise, le baptême avait ordinairement lieu le jour de la nais-
sance.
2. « Hé quoy, ne vous souvient il plus de vostre vie passée,
quand votre arrogance et votre gloire vous fit chasser du colege...
vous estiez fils d'un pauvre savetier... il est vray qu'en tirant vos
rivets aux jours de récréation et de congé, vous estiez d'une con-
versation assez agréable, là, on vous voyoit assez complaisant,
aimant mieux à l'exemple de ce grand Romain, estre le premier
dans votre grenier, que le second dans la ville de Rome » (Adver-
iissement au sieur Cohon, evesque de Dol et de fraude : par les
cuistres de l'Université de Paris. M.DC.XLIX. — F. Duine,
Cohon, no 8, p. 8). Le fait, pour notre héros, de posséder une
« hotte garnie de toutes sortes d'outils nécessaires au mestier,
pour refaire un soulier, et travailler pour autruy en cas de besoin »
semble assurément une invention pure de pamphlétaire, qui veut
humilier. Mais il est curieux de rencontrer tel passage du prédi-
cateur, qui s'harmonise à merveille avec la profession indiquée.
Voyons, dit l'orateur à son auditoire, « en quoi mettez-vous la
bonté d'un soulier ? L'exemple est peut-être trop familier, mais il
— 410 —
docteur en droit ^ l'oncle résignera sa prébende en sa
faveur, et la fortune ne cessera de sourire à Theureux
titulaire de nombreux bénéfices. Un an avant de mourir,
l'évéque écrivait à son neveu Anthyme-Denis, à qui il
avait cédé le doyenné du Folgoêt et dont il plaisantait
l'humeur instable et mystique : « Puisque cinq cens
escus de rente vous peuvent satisfaire, vous aurès,
après ma mort, quatre ving fois ce revenu » ^. En 1632,
— date de naissance pour Bourdaloue et Fléchier, — sa
réputation de grand prédicateur était si bien établie que.
Tannée suivante, il était nommé par la cour à l'évéché
de Nimes. La Bruyère dira : « le métier de la parole
ressemble en une chose à celui de la guerre : il y a plus
de risque qu'ailleurs, mais la fortune y est plus rapide » ^.
Le Saint-Siège fit attendre son acquiescement jusqu'au
23 juin 1634 4.
Dans l'assemblée du clergé de 1635, Cohon prit une
place importante. Ce fut l'honneur de sa vie de ne
ne laisse pas d'être propre ! En ce qu'il couvre le pied et lui sert à
marcher sans douleur. C'est pourquoi il doit tellement être ajusté
avec le pied qu'il ne soit ni trop petit ni trop grand. S'il est trop
étroit, il le blesse ; s'il est trop large, il le fait tomber. » (Bibl.
Nat., ms. fr. 9639, fol. 120. — F. Duine, Cohon, p. 62, n» 26).
1. Robert Triger, Etude historique sur Douillet-le-Joly, Mamers,
Fleury, 1884. In-4o de 384 p. (Sur Mgr Cohon, p. 14*9-156, 168,
323). — Dans la liste des licenciés en théologie de la Sorbonne,
de 1373 à 1788 (Bibl. Nat., ms. lat. 15.440), je n'ai pas vu le nom de
Cohon. — M. l'abbé Angot m'écrit que, sous la date de 1623, il l'a
trouvé avec le titre de docteur en décrets (dans les Insinuations
ecclésiastiques du diocèse du Mans).
2. Prosper Falgairolle, Lettres intimes de Monseigneur Cohon,
Nîmes, 1891. — Lettre du 3 septembre 1669.
3. La Bruyère, Les Caractères, ch. XV : De la chaire.
4. Voici une série de pièces des Archives Vaticanes, dont je dois
la connaissance à M. l'abbé Mollat, confrère d'une érudition si dis-
tinguée, et qui m'ont fourni des dates exactes pour la biogpraphie
de Cohon.
a) D'après les schedx de Garampi :
23 juin 1634. Cohon devient évêque de Nîmes. — 2 mai 1644.
Hector d'Ouvrier est transféré à Nimes « per cessionem Anthimi
Dionisii de Cohon ». — 19 novembre 1646. Cohon devient évêque
de Dol par la translation de Mgr d'Ouvrier à Nimes. — 13 novem-
— 411 —
jamais servir les factions, qui représentaient Tintérét
privé, mais le roi, qui symbolisait la patrie. Or la ques-
tion d'accorder à Louis XIII un secours considérable
s'étant présentée, deux partis se formèrent : celui de la
Cour, ayant à sa tête l'archevêque de Bordeaux, prési-
dent de l'assemblée, et celui de l'Eglise, qui eut pour
chef l'oratorien Harlay de Sancy, évêque de Saint-Malo.
Mgr de Nimes lutta contre les arguments de ce dernier
et s'anima. L'autre, dans une vive apostrophe, répondit :
<x Vous devriez mourir de honte. L'Eglise vous a tiré de
la poussière ; de quel front osez-vous la trahir » * ? Tel
était le reproche coutumier des adversaires de Cohon :
bre 1652. Robert Cupif est transféré de Léon à Dol « per cessio-
nem Anthimi Dionisii Cohon n, — 27 août 1657. Mgr « de Cohon »
devient évêque de Nîmes par la mort d'Hector d'Ouvrier.
b) D'après la collection des Lettere di Vescovi e Prelati :
20 juillet 1650. Robert Cupif écrit au Pape : « Ecclesiœ Dolensi
Regia designatus clementia, Sanctitati Yestrae 21 novembris 1649
tertîam (epistolam) rescripsi, pro g^atiarum actione quod 13* sep-
tembris dicti anni 1649 ad tam insignem me consistorialiter dignata
esset transferre Ecclesiam. » Puis le Chapitre de Dol proteste que
la discipline se relâche dans le diocèse et que depuis six ans aucun
évêque ne l'a visité. Il demande que les bulles de Robert Cupif
soient expédiées. Suit un Mémoire <c circa bullas et annatam
Dolensis ecclesiœ » (René de Rieux ayant pris le siège de Léon,
Cupif n'a pu jouir des revenus qui lui appartenaient, il se déclare
à court d'argent et sollicite une réduction sur la taxe des bulles et
l'annate à payer).
l^r décembre 1650. Cupif sollicite encore le gratis des bulles. Il
n'a plus l'église de Notre-Dame du Folgoêt, que possède depuis
deux ans Anthime Cohon, évêque de Nimes.
(En janvier 1906, et dans les numéros suivants, les Annales de
Saint' Louis'deS' Français ont publié un précieux inventaire des
Lettere di Vescowi),
c) D'après la collection des Lettere di Particolari :
1 décembre 1655. Lettre des chanoines de Nimes demandant au
Pape de nommer Cohon à Nimes. — Puis deux lettres envoyées à
la même date, sur le même sujet, par le sénat de Nimes, par les
« consules et consiliarii domus publicœ civitatis Nemausensis. »
1. Batterel, Mémoires domestiques pour servir à l'histoire de
l'Oratoire» publié par Ingold, t. I", Paris, Picard, 1902, p. 206. —
Je n'oserais pas garantir l'absolue authenticité de ce trait. Fût-il
légendaire, qu'il mériterait encore d'être conservé, parce qu'il peint
à merveille un état mental.
— 412 —
vous êtes de race inférieure, vous n'avez droit qu'à
rhumble silence ^ ! Il faut d'ailleurs avouer que sa con-
duite n'était pas non plus de nature à réduire ses enne-
mis à l'admiration. Durant sa première administration
diocésaine il manqua de doigté. Sa situation rendue
intenable le détermina à permuter avec un méridional,
Hector d'Ouvrier, aimable et sage prélat de Dol 2. Par
cette combinaison, tous les deux se rapprochaient de
leur pays natal. Le 2 mai 1644, Hector d'Ouvrier était
nommé à Nîmes par le pape ; donc la démission de Cohon
était acceptée.
Celui-ci se rendit à Paris. De la capitale, il écrivait le
3 septembre au président de Solorgues, à Nîmes, une
lettre qui nous paraît assez caractéristique pour que
nous la citions en entier ^. Elle montre le prélat fidèle à
ses amitiés, — un des beaux côtés de son âme, — et
laisse voir qu'il jugeait le protestantisme anti-national ^.
1. Schomberg parlant de l'évêque de Nimes, en*1638, l'appelle
petit fripon et prie Brézé de ne pas permettre à ces petites gens
de manquer aux personnes de condition (Duine, Cohon, p. 25-26).
2. En consultant les actes capitulaires et le registre de la com-
munauté de ville, Mgr d'Ouvrier nous est apparu comme un pré-
lat désireux de favoriser sa cité, dont la vie municipale l'intéresse»
et avide de bien remplir ses devoirs épiscopaux. A ce dernier point
de vue, il n'est pas inutile de lire, malgré sa pompe dithyram-
bique, une épitre adressée, en 1640, par frère Albert Le Grand, à
Monseigneur de Dol, pour lui dédier la ravissante légende de saint
Budoc. On voit que le prélat observait la résidence, accomplissait
les visites diocésaines, conférait les saints ordres régulièrement,
prêchait lui-même. Avec cela, il était affable et ami des livres.
Lorsque les chanoines apprirent la nouvelle de sa mort, ils firent
célébrer un service et témoignèrent leur vif regret de la perte
« d'un si digne prélat », qui avait a heureusement gouverné » le
diocèse pendant « 14 ans », conservant toujours une « grande ami-
tié » pour son Chapitre.
3. Ménard, Histoire de Nimes, t. VI, Preuves, p. 15. — Cette
lettre a été reproduite dans les Annales catholiques de Nîmes,
p. 650. (Dans cette revue, n»" de mars, mai, août, décembre 1862 et
janvier 1863, ÏEtude sur Mgr Anthime-Denys Cohon, par l'abbé
Prouvèze, est malheureusement incomplète, le périodique ayant
cessé de paraître).
4. En 1638, dans la harangue qu'il adressait à Louis XIII, Cohon
lui disait au nom des Etats du Languedoc : Votre présence. Sire,
— 413 —
Ainsi pensaient les contemporains. <c Monsieur, disait-
il, ce que je fais ici pour votre contentement n^est
qu*un faible retour de votre affection et de vos bons
offices. Assurez-vous que, tant que je vivrai, je serai
dans cette cour votre tenant et votre second contre tous
ceux qui vous feront querelle. M. de la Baume vous fera
savoir le train que votre affaire a pris; et moi. Monsieur,
je vous donne ma parole que je ne perdrai point haleine
en la poursuite qui s'en fera dans le conseil, où je défen-
drai hautement ' votre personne et votre compagnie.
Tune par pure obligation, Tautre par intérêt de cons-
cience, ne croyant pas qu'on la puisse affaiblir sans don-
ner cours à rhérésie et sans blesser VÉtat aussi bien
que V Église. Par les effets, vous connaîtrez si c'est mon
cœur qui parle, et si je suis en vérité ou seulement en
apparence, Monsieur, votre très humble et très assuré
serviteur. »
Le 30 décembre, les chanoines de Dol députèrent
deux des leurs « pour aller jusques a Cran saluer et
faire le compliment de la part du chapitre » au nouvel
évêque ^ Et, toujours pleins d'urbanité, ils choisirent,
le 17 février 1645, plusieurs d'entre eux « pour aller
au devant de monseigneur de Dol jusques a Rennes et
luy tenir compaignie jusques a Dol » ^. Toutefois, Rome
a rétabli dans cette province «c vingt-deux diocèses, où l'hérésie
avait bâti ses forts et ses retranchements sur la ruine de nos
temples, et où Vhonneur des rois n'était pas moins flétri que le
culte de Dieu. Depuis votre passage, nous y voyons partout des
autels redressés, les factions éteintes, les violences désarmées, et
enfin les desseins de République, qui se couvaient sous les bastions
de nos villes rebelles, ont disparu à l'éclat de votre épée, si bien
que maintenant elles sont amoureuses de leur subjection autant
qu'elles étaient jalouses de leur fatale liberté, et, pour être parta-
gés par les maximes de la Foi, nous ne le sommes plus par celles
de l'Etat. » (Voir F. Duine, Cohon, p. 47, no 87; p. 48, 49. — Je
suis ici le texte imprimé, qui parut à Paris, en 1655, dans les
Harangues célèbres recueillies par Maitre L. G).
1. Archiv. départ, de Rennes» Chapitre de Dol, Actes capitu-
laires, G. 368.
2. £od, loc.
— 414 —
ne lui témoignait pas une sympathie égale ; il demeurait
sans bulles. C'est pourquoi, le 24 avril, les chanoines
donnèrent commission au grand-chantre « d'écrire une
lettre missive » à Sa Sainteté, « au nom du total du
chapitre, » pour déclarer a la nécessité qu'ils avoient
d'obtenir un evesque » en règle ^ Cette démarche causa
peu d'émotion au Saint- Père. Car, le 19 novembre 1646,
seulement, Cohon fut transféré canoniquement sur le
siège de Saint-Samson ^. En attendant les pièces indis-
pensables, il faisait une apparition aux États de Bre-
tagne afin d'examiner quels avantages il pourrait bien
tirer des hommes et des choses 3, puis il cédait sa charge
de gouverneur de la ville à son neveu Marin Chereau,
et installait son autre neveu François Chereau dans le
chapitre de la cathédrale ^. Les postes d'observation
étant ainsi occupés par ses créatures, il passait son
temps à Paris, avec plus de tranquillité. L'évéché breton
lui donnait l'argent et les chaires de la capitale la gloire.
En 1648, la politique devenait particulièrement inté-
ressante. Pour s'attacher plus étroitement à la fortune
du ministre, il profita de ce que Robert Cupif, évêque
1. Archiv, départ, de Rennes, Chapitre de Dol, Actes capitu-
laires, G. 368.
2. Cohon, qui ne tenait nullement à exercer les fonctions épisco-
pales dans son diocèse, ne mit aucun empressement à user de la
décision du Saint-Siège. Enfin, le lundi 6 avril 1648, Messieurs les
chanoines ayant examiné les pièces présentées par M. de la Guihom-
merais, alloué de la ville de Dinan, consentirent que ledit sieur
prit possession de Tévéché de Dol, pour messire Anlhyme-Denys
Cohon, « sauf et sans preiudice de tous les droitz du chapitre de
céans » (Les feuilles de 1648 se trouvent dans la liasse G. 370). Or
l'année n'était pas finie que l'évéque troquait sa cathédrale contre
des biens plus avantageux (24 novembre 1648).
3. La première séance des Etats eut lieu le 12 janvier 1645 et
la dernière le 12 mars 1645. Un vendredi, 3 février, n Monsieur
l'évéque de Dol » entra « en l'assemblée » et prit place « au dessous
de M. de Vannes ». Le 9 février, Monsieur de Saint-Brieuc entra
en l'assemblée et prit place « au dessous de Monsieur de Dol. »
(Archiy. départ, de Bennes, Etats de Bret., C. 2654).
4. F. Duine, Le château de Dol (dans les Annales de la Société
historique et archéologique de Saint-Malo, année 1906, p. 138-143).
— 415 —
de Léon, — dont il connaissait peut-être la famille ange-
vine, — se débattait en des difficultés inextricables. Et
se prêtant un rôle généreux, il lui abandonna son siège
épiscopal, en échange des riches bénéfices que possé-
dait ce cousin du célèbre Nicolas Foucquet ^ Excellente
affaire !
Le 7 février 1649, le Chapitre de Saint-Samson élit
des collègues qui devront aller à Rennes saluer et com-
plimenter « Monsieur Cupif, ancien evesque de Léon et
maintenant nommé a Fevesché de Dol ^. » Lorsque, le
26 mars, les chanoines lui présentèrent leurs hommages
dans son château et manoir épiscopal de Dol, ils le
1. Les Cupif se prétendaient originaires d'Ecosse. Ils avaient
quelque bien en Basse-Bretagne. François Fouquet, échevin de la
ville d'Angers, bisaïeul du fameux surintendant, épousa Lézine
Cupif, sœur de Jean Cupif, maire d'Angers (Gilles Ménage, Seconde
partie de l'Hist. de Sablé, Le Mans, 1844, p. 141, 142, 146). La
mère de notre prélat était une Grimaudet. Sa terre seigneuriale
des Vieilles-Métairies tomba par héritage entre les mains de l'évé-
que de Léon et de Dol, qui, à cette occasion, ne manqua point de
soutenir plusieurs procès (Bibl. Nat., Eo. Fm. 33.559, p. 739 ;
Thoisy, 431, fol. 175). Sur la famille de Mgr Cupif. on pourra
consulter diverses pièces des archives départementales du Maine-
et-Loire (E. 2180). Dans la liste des licenciés en théologie de la
Sorbonne (Bibl. Nat., ms. lat. 15.440), je constate que François
Cupif fut rangé parmi ces gradués en 1628, mais, dans la suite, on
ajouta cette note : « apostavit a fide an. 1637. » Nouveaux débats de
« Monsieur l'evesque de Dol » devant dame Thémis, en 1653 et
1654. Ce passage d'un factum mérite d'être relevé : « l'intimé n'a
point cessé d'être évêque de Léon par son fait, il n'a permuté ni
résigné : le Roy a voulu, pour des considérations d'Etat et qui ne
sont point du fait de l'intimé, le transférer à l'évéché de Dol ; en
quoi on lui a fait perdre plus de huit mille livres de son revenu ;
il s'en est défendu tant qu'il a pu ; même encore après la mort de
M. de Rieux, arrivée le 8« mars 1651, il a demandé à retourner à
l'évéché de Léon, duquel il n'a point donné démission ; le roy ne
l'a pas voulu, et, par ainsi, ce n'est point par son fait qu'il a cessé
d'être évêque de Léon » (Bibl. Nat.. Fo. Fm. 4892). Chacun sait
que René de Rieux, évêque de Léon, fut déposé, à la sollicitation
de Richelieu, pour affaires politiques. Robert Cupif fut alors cano-
niquement pourvu de ce siège. Toutefois, en 1646, l'ancien prélat
ayant été réhabilité, des contestations surgirent auxquelles les
lignes précédentes font allusion.
2. Acte» eapitulaires, G. 368.
— 416 —
prièrent, suivant Tusage, d'accepter la régence spiri-
tuelle du diocèse pendant la vacance de Tévéché et le
nommèrent à cette fin vicaire général ^ A la vérité, le
13 septembre , Cupif fut agréé et proclamé en consis-
toire, mais ses bulles tardèrent à venir. Le 20 juil-
let 1650, il en sollicita le gratis. Et le vénérable Cha-
pitre, pour hâter l'arrivée du document pontifical,
confiait au Saint-Père que depuis six ans on n'avait pas
fait de tournée pastorale dans le diocèse, ce qui n'exal-
tait nullement les vertus sacerdotales de Cohon. Ce
dernier, qui n'oubliait jamais ses intérêts et ses rela-
tions, parut à Dol dans les premiers jours d'août 1652,
et les chanoines, fidèles aux traditions, déboursèrent
quatre livres « pour pain , vin et bouteilles présenté a
Monsieur Cohon evesque de Dol l'ancien 2. » Quelques
mois plus tard, 13 novembre, Cupif recevait ses bulles ;
et, le 16 février 1653, il fit dans sa cathédrale une entrée
solennelle. Ce jour, il gratifia les chanoines de ro^C£^//im
pacis 3. Trait délicieux, pour ceux qui n'ignorent pas la
conduite de ce prélat pittoresque, — il faut bien
employer des euphémismes ! — lequel s'intitulait cardi-
nal de Dol 4, excommuniait les enfants de chœur, recher-
chait les procédés les plus désagréables à son Chapitre,
et s'abîmait dans des poursuites judiciaires ridicules.
Comme partout ailleurs, le diocèse était en proie à la
misère matérielle et morale. « Le pauvre peuple » souf-
frait de la « grande disette » ^ ; les clercs se souciaient
1. Actes capitulaires, G. 368.
2. C'est dans leur réunion du 9 août 1652 que les chanoines
donnent mandat de payer la somme dépensée au passage de Cohon
(Actes capitulaires, G. 368).
3. Le dimanche 16 février 1653, Cupif célébra la messe dans la
Cathédrale, puis, étant entré en chapitre, il donna aux chanoines
Vosculum pacis (Actes capitulaires, G. 368).
4. F. Duine, Cohon, p. 2^
5. Le 6 mai 1650, les chanoines « pieusement touchés de la
nécessité et grande disette ou le pauvre peuple est reduict mainte-
nant a cause de la cherté de vivre » ordonnent « aux despendz de
leur manse » des aumônes, qui devront être distribuées par François
— 417 —
peu de leur dignité sacrée et les gentilshommes augmen-
taient le désordre. Aussi bien, un vent de folie et de
détresse soufflait sur la France.
Pendant les années les plus agitées, Cohon resta
auprès de la cour. Il avait le goût des manœuvres poli-
tiques et dessinait volontiers un geste hardi. Le 6 jan-
vier 1649, la reine, le roi, et Mazarin quittèrent Paris
en secret et les troupes royales enveloppèrent prompte-
ment la ville. Le siège dura trois mois. Moment grave :
« On ne parlait publiquement dans Paris que de répu-
blique et de liberté, en alléguant l'exemple de l'Angle-
terre ; et on disait que la monarchie était trop vieille et
qu'il était temps qu'elle finit K » Pendant le blocus,
Cohon s'agitait dans la capitale. Connu pour ses senti-
ments de courtisanerie, il était réduit à changer « de
gîte tous les soirs ^. » Il trouvait moyen néanmoins
d'envoyer les nouvelles au ministre et dénonçait le jeu
de Catilina dont se régalait le coadjuteur. Mazarin
répondait par quelques-unes de ces bonnes lettres
— confidentielles — qui sont destinées au public. Le
27 janvier, par exemple : « Je suis incapable, écrivait-il,
Chereau, « chanoine trésorier leur confrère », neveu de Mgr Cohon
(Actes capitulaires, G. 368). — Prendrai-je la liberté de renvoyer le
lecteur à mon Histoire civile et politique de Dol, 3« partie, chap. II
(Paris, Gamber, 1908) ?
1. Mémoires de Montglat, quinzième campagne (Edition Michaud,
Paris, 1838, p. 217).
2. Les partisans de la cour gardent à Paris « un silence forcé et
sont dans un rabais digne de compassion. Pour moi, qui ne suis
pas un des plus tièdes ni des plus inconnus, j'ai vu trois jours
entiers ma vie mal assurée et tout mon bien en proie, réduit à me
tenir caché, changeant de gîte tous les soirs et ne trouvant aucun
passage pour sortir, quoique je reçusse des billets à toute heure
qui pressaient mon départ. » (Lettre de Cohon à Mazarin, 14 jan-
vier 1649, citée par A. Chéruel, Hist. de France pendant la mino-
rité de Louis XIV, t. III, Paris, Hachette, 1879, p. 148-149).
Dans l'ouvrage cité, M. Chéruel a employé, d'après les archives
du Ministère des Affaires Etrangères (France, t. CXXII, pièces
6. 7, 20, 29, 36 et 42), six lettres inédites de Cohon, particulière-
ment intéressantes, qui vont du 14 janvier au 29 janvier 1649, et
qui sont toutes adressées à Mazarin.
27
— 418 —
lorsqu'il s'agit du service du roi, de conserver le moin-
dre souvenir de ce qui s'est fait contre moi ^ » Il advint
qu'une des lettres de Cohon fut interceptée. Courroux
parmi les frondeurs. Un contemporain inscrit dans son
journal 2 :
Jeudi, 18 février 1649. « Temps froid et, après dîner,
neipre. Confirmation de ce qu'on disait hier que, sur ce
qu'une lettre fut interceptée, écrite par l'évêque de Dol,
Cohon, il a été arrête et a des gardes dans son logis. »
Mercredi, 24 février 1649. « L'évêque d'Aire n'a plus de
gardes et va librement partout ; celui de Dol est gardé et
on dit au Parlement qu'il y répondra, nonobstant ses
exceptions et déclinements de juridiction. »
Les plaisants — combien lourde habituellement, mais
combien abondante la littérature pamphlétaire de la
Fronde — les plaisants chantonnaient ^ :
1. Saint-Germain-en-Laye, 27 janvier 1649, Mazarin à l'évêque
de Dol (Chéruel, Lettres du cardinal Mazarin, t. III, Paris, 1883,
p. 279). De Compiègne, le 14 mai 1649, Mazarin écrivait encore à
l'évêque de Dol : u II faut faire autant d'amis que l'on peut, et je
vous prie que cette acquisition soit l'une de vos plus sérieuses
applications, assurant un chacun, comme il est vrai, que je perdrai
entièrement la mémoire des choses passées et qu'il ne m'en res>
tera aucune aigreur contre ceux qui peuvent y avoir eu part, pourvu
qu'ils rentrent dans le bon chemin et dans les sentimens qu'ils
doivent pour le service du roi. » (Eod. loc, p. 341).
Dans mon Cohon (n® 72, p. 31), j'ai donné, d'après d'Avenel, une
analyse des autres lettres adressées par Mazarin à l'évêque de
Nîmes et de Dol, et, dans le Bulletin hist. et archéol. de la Mayenne
(2« série, t. XXII, année 1906, p. 348), j'ai publié l'analyse de lettres
inédites adressées à Mazarin par l'évêque de Nîmes et de Dol.
2. Journal des guerres civiles de Dubuisson-Aubenay, 1648-1652,
publié par Gustave Saige, Paris, 1883-1885, t. I, pp. 162, 173.
3. Ces vers sont extraits d'une ballade qui obtint deux éditions
en 1649. Elle est la seconde parmi Les bnlades servant a l'Histoire
reveuës et augmentées. A Paris, chez Nicolas Yivenay. M.DC.LII
(Cet opuscule in-quarto de 12 pages comprend cinq ballades. Il est
placé à kl fin d'un recueil de pièces, qui porte à la Bibl. Nat. la
cote Lb" 5256). [Voir Moreau, Bibliographie des Mazarinades,
no 562 et no 570].
On retrouvera le nom du prélat dans la troisième ballade de la
même plaquette. A peine, dit le satirique, Mazarin fut-il maté par
le vainqueur de Rocroy :
— 419 —
« Ma foi ! Jules n'est pas un grand épouvantail,
« A peine ferait-il tressaillir un conil K
« Et ce grand homme, né sous le poisson d'avril,
« N'a d'autre estimateur que le prélat de Dol...
Tout n'était pas sur ce ton innocent. On maudissait
sa « plume mercenaire » qui répliquait aux libelles de
la révolte ; attachons-le, criait-on, à la queue d'un che-
val, afin de lui faire mesurer « les longueurs et lar-
geurs » des rues de la ville ; destinons à cet insolent
une « gaillarde exécution ^. » On comprendra sans peine
la faveur dont il jouit auprès de la Reine-Mère et de Son
Eminence. Ainsi le crédit de Cohon et sa réputation
d'éloquence lui valurent l'honneur de prêcher, le 6 ji^in
1654, le sermon préparatoire à la solennité du sacre de
Louis XIV.
Si l'on néglige les débuts du prédicateur, il semble
qu'on puisse diviser en trois périodes sa carrière oratoire.
La première va de 1626 environ au milieu de l'année
1648 ; c'est la période d'enthousiasme, de progrès et de
fécondité. — La littérature profane produisait alors
VAstreey dont les deux premiers volumes parurent vers
1610, et le premier recueil de lettres de Balzac, qui
date de 1624. Le Cid est la fleur immortelle de 1636. Et
Vaugelas, en 1647, publia ses remarques sur notre lan-
« Que plus triste et confus qu'un pauvre condamné,
« De tous ses Courtisans il fut abandonné,
« Et le nommé Cohon ses singes mal mena.
Les singes en question sont les neveux du cardinal. Car, d'après
Y Adveriissement au sieur Cohon par les cuistres de l Université de
Paris, l'évêque de Dol était chargé de « gouverner les singes et les
majots y* du ministre. Et l'on ajoutait : « Vous leur faites repeter
leurs leçons, les tenez chez vous en pension, et les aprenez à sauter
et faire des tours de souplesse. »
1. Conil (et dans le vieux français : connin) veut dire : lapin
(cuniculus). — Au troisième vers, la locution : né sous le poisson
d'avril signifie : né au jour des mauvais présents et des tromperies.
2. Nouvelle proposition faicte par les bourgeois de la ville et
faux'hourgs de Paris, a messieurs de Parlement, contre la lettre
du sieur Cohon, evesque de Dol. Paris, M.DC.XLYIIII. In-4o de
8 p. (Duine, Cohon, n«>9, p. 9).
— 420 —
gue. Cohon était trop de son tefnps, pour échapper à
l'influence des livres qu'il était de bon goût d'appré-
cier. — La seconde période s'étend jusqu'en 1655. Elle
est traversée par les préoccupations de la politique ;
l'évêque monte en chaire beaucoup plus rarement; tou-
tefois il a reçu le dernier vernis de la cour et de la ville,
sa formation littéraire est terminée, et quelques cir-
constances solennelles le mettent à même de déployer
avec éclat les ressources de son talent. — Déjà se fai-
sait entendre une voix qui devant la postérité dominera
toutes les autres : Bossuet, âgé de vingt-sept ans, pro-
nonçait à Metz son panégyrique de saint Bernard, si
chaud, si coloré, une des merveilles de la parole fran-
çaise. Il existait même une bonne école d'éloquence reli-
gieuse : le séminaire oratorien de Saint-Magloire de
Paris. Les fruits de cette maison seront particulière-
ment précieux sous la direction du Père Senault, homme
d'une rare politesse, écrivain d'une véritable distinction.
Il apprit à beaucoup le prix des bienséances et le respect
du styje *. — La troisième période comprendrait le
1. Senault « travailla douze ou quinze ans, de son propre aveu, à
se polir le style, sans discontinuer l'étude de la théologie, de
r Ecriture-Sain te et des Pères, où il se fit un fond inépuisable de
doctrine. Simon prétend qu'il lisait sans cesse le Plutarque de la
traduction d'Amyot, nonobstant son vieux langage, pour former sur
ce modèle le tour de ses phrases et de ses périodes, et qu'il fai-
sait revoir tous ses écrits pour le style au célèbre M. Conrart. »
(Batterel, Mém. pour l'hist. de l'Oratoire, publié par Ingold et
Bonnardet, Paris, Picard, 1904, p. 3). Son premier ouvrage est
une Paraphrase sur Job, qui parut en 1637 (eod. loc, p. 4). La
prédication de Senault obtint un succès très vif (eod. loc, p. 16-17).
Et son influence sur la manière oratoire de son époque fut très
marquée (eod. loc, p. 14). En 1656, il était supérieur de Saint-
Magloire, mais j'ignore depuis combien de temps. Cette année, il
donna le premier volume de ses Panégyriques des saints (voir eod,
loc, p. 13-14). Il « s'appliqua, lors qu'il fut élu supérieur de Saint-
Magloire, à former de jeunes ecclésiastiques à la prédication ; il
leur donnoit des règles et leur fournissoit des matières dans des
conférences publiques où il les exerçoit après leur en avoir donné
l'exemple » (Perrault, Les hom. illustres qui ont paru en France
pendant ce siècle, Paris, Dezallier, 1696, t. I, p. 14). — Dans la thèse
— 421 —
second épiscopat nlmois de Cohon. Bien peu de mor-
ceaux de cette dernière phase nous ont été conservés.
Au reste, le prélat avait le mérite d'être absorbé par
l'administration diocésaine. Certes, il se divertit tou-
jours à l'étude (c'est son mot ^), mais il compose sans
doute très rarement. Soit avec le secours de ses notes
d'autrefois, soit au bonheur de l'improvisation, il nourrit
son troupeau de la doctrine catholique.
Cohon était donc arrivé à son apogée oratoire en
même temps qu'à son zénith politique. Sa voix allait
décroître. L'âge est inflexible. Son autorité n'avait plus
les mêmes aliments, l'heure critique de la royauté étant
passée. Désormais les courtisans songeraient que le (ils
d'un marchand cirier n'est jamais, suivant l'expression
méprisante de l'aristocratie, qu'un « cuistre violet » ^.
de P. Jacquinet (Des prédicat, du XVII* s. avant Bossuet, Paris,
1863, p. 182-200), les pages consacrées au Père Senault se liront
toujours avec plaisir.
Enfin, vers le même temps, un laïque tentait d'organiser à Paris
une école d'éloquence religieuse. Le cours durait trois mois. 11 se
tenait les mardi, mercredi et vendredi, de deux heures à quatre.
On payait trois louis d'or pour le suivre. Il était dirigé par Jean
de Sourdier, pasteur calviniste, qui s'était converti. (L'éloquence
de la chaire ou la rhétorique des prédicateurs, par I. D. S.,
escuyer, sieur de Richesource. A Paris, chez l'autheur, place
Dauphine, aux deux Croissans, 1665. — Bibl. Nat., Invent. X
18.611. — L'achevé d'imprimer pour la première fois est du
17 mars 1662). Les exercices d'éloquence que l'écrivain avait insti-
tués devaient apprendre, dit-il, à composer judicieusement, à pro-
noncer agréablement, à critiquer un discours, à présider une
assemblée.
1. Lettre à ses nièces, !•' septembre 1663 (Falgairolle, loc. cit.,
p. 10).
2. Le mot est de Saint-Simon. Il est cité et commenté par
M. Lavisse (Hist. de France, t. VII, I, Paris, 1906, p. 396). — En
1654, monseigneur subit un procès qui étala aux yeux de la ville
les humbles origines de sa famille. On rappela que son frère,
« Monsieur Cohon le jeune », exerçait, en 1626, la profession de
« marchand cierger », qu'il épousa en premières noces « une che-
tive femme de Craon en Anjou », qu'il ne possédait « aucuns
biens », et qu'il fréquentait le « cabaret. » Quelques mois après sa
consécration épiscopale. Monseigneur, grâce à son crédit, lui fit
épouser damoiselle Le Breton, « fille de bonne maison, belle» et de
— 422 —
L'évêché de Paris ne saurait lui échoir. A Thomme avisé
de se retirer à propos, en épousant une église de marque
honorable. Justement, le 20 juin 1655, Hector d'Ouvrier
mourait. Grâce à Mazarin, Cohon fut nommé une seconde
fois évêque de Nîmes. Toutefois, la chose fut laborieuse.
En eiïet, de Rome où il s'était réfugié, le cardinal de
Retz lança, le 20 octobre *, un interdit contre « ce pré-
lat sans conscience » ^, qui, au mépris des lois cano-
niques, avait fait les ordinations dans la capitale. Des
canonistes dévoués au ministre déclarèrent nulle la sen-
tres excellente nourriture, avec beaucoup d'argent » ; de plus, il le
fit gratifier d'un grenier à sel « du bourg d'Ernée au Maine ».
Hélas ! Jean maltraita Suzanne, se lança dans la débauche, grugea
les écus de la recette royale, fut séparé de biens d'avec sa femme.
Moins par indélicatesse que par habileté, l'évêque prétendit con-
server l'administration de la dot. Conflit. Parmi les documents de
cette affaire, conservés à la Nationale et à la Mazarine (F. Duine,
Cohon, p. 11-12, n« 16; p. 33, n» 76), je choisirai une lettre que le
« sieur de Dol n adressait à son frère le 26 août 1637. Elle me
parait caractéristique du ton naturel du prélat, qui, lorsqu'il ne se
surveillait pas, pratiquait volontiers le magna nunc ore sonandum,
— indice du tempérament oratoire.
« Mon frère, n'étes-vous pas le plus infâme de tous les hommes,
« d'avoir mangé deux mille écus du bien du roi, qu'il a fallu
« reprendre sur les deniers de votre femme, à mille francs près
« que vous m'avez prêtes. Que fussions-nous devenus. Monsieur
« Laisné et moi, si vous eussiez plus longtemps manié cette recette
«. sous notre caution ? Désespéré que vous êtes, n'aurez-vous
« jamais le cœur de gagner votre vie sans vous attendre au bien
« d'autrui. Allez à la guerre porter un mousquet.
« Vous me reprochez que votre femme ne vous veut pas voir,
« parce que je lui avais promis des choses que je n'ai pas faites.
« Il est vrai que je lui ai fait espérer des avantages qu'elle n'a pas
« reçus de moi et que jamais elle ne recevra. Mais, sans cela, com-
« ment vous pouvais-je marier ? Il fallait nécessairement tromper
a quelqu'un d'un homme qui n'a ni courage, ni bien, ni prudence
« pour en gagner ou pour le conserver. N'espérez jamais de moi ni
« secours ni faveur, puisque vous ne méritez autre chose que de
« mourir sur un fumier. »
1. Duine, Cohon, n» 18, p. 12-13. La Bibliothèque Nationale
possède un exemplaire de cet interdit du 20 octobre 1655 ; il est
coté : Ms. fr. 6564.
2. Cette qualification est de M. A. Gazier, dans sa thèse de doc-
torat sur Les dernières années du Cardinal de Retz (Paris,
Thorin, 1875).
— 423 —
tence de Tancien coadjuteur * . Et Cohon officia pontifi-
calement le jour de la Toussaint dans Téglise des
Feuillants. Mais, constate Tun des écrivains qui ont le
mieux scruté l'histoire religieuse du xvii' siècle, « les
évéques présents à Paris s'émurent d'une telle infraction
aux lois de TÉglise ; ils témoignèrent hautement leur
indignation, et firent comprendre à Mazarin que cet
exemple ne serait imité de personne » ^. Aussi, bien que
le 7 décembre 1655, Cohon fit appuyer sa candidature
en cour papale par les autorités ecclésiastiques et civiles
de son nouveau siège, il lui fallut attendre ses bulles
jusqu'au 27 août 1657. Lorsqu'il les tint, on glissa dans
Toflicielle Gazette de France une note. Datée de Rome,
28 août, elle annonçait que le Souverain Pontife avait
présidé le consistoire et que « S. M. Très Chrétienne »
avait « réuni » Tévêque « à sa première épouse, afin de
satisfaire aux vœux et aux désirs de tous les ordres de
la ville et du diocèse » de Nîmes, « qui avaient réclamé
la protection du cardinal Mazarin, pour obtenir le retour
de ce prélat, dont ils connaissaient le mérite » ^. Ma foi,
comme dit Goldoni, « Bravo, signor Pantalone ! Mi
piace il vostro brio. »
Avant de prendre une seconde fois possession de son
siège, nous voyons le prélat s'intéresser à une affaire
qui troublait son diocèse d'origine. En 1654, Mgr Henry
Arnauld avait donné des statuts synodaux qui blessaient
les réguliers. Carmes, Jacobins, Récollets, Augustins,
déclamaient et réclamaient en faveur de leurs privi-
lèges ^. La querelle prenait des proportions fâcheuses.
Cohon participa à des conférences qui se tinrent à
Angers pour tâcher de terminer ce différend à l'amiable.
1. Daine, Cohon, no 26, p. 16.
2. Gazier, loc. cit., p. 30.
3. Gazette de France, année 1657, p. 977. — Ce passage de la
Gazette est invoqué par le Ms. lat. 17.027 de la Bibl. Nat. (p. 233).
4. Batterel, Mémoires domestiques pour servir à l'histoire de
iOratoire, publié par Ingold et Bonnardet, t. II, Paris, Picard,
1903, p. 471 et saiv.
— 424 —
Il défendit la juridiction épiscopale. « Vous chicanez »,
disait-il aux religieux : aucun évêque de France n'a
« fait d'ordonnance à votre égard si douce et si modérée
que Monseigneur d'Angers » ^ — Cette décision était
conforme aux principes de Tévêque de Nîmes et de Dol :
un prélat doit agir en maître dans son diocèse. D'ail-
leurs le ton d'autocrate n'était-il pas cher à celui qui
écrivait à son neveu : « Ne vous accoustumez pas, s'il
vous plaist, à suivre vos volontez, quand les miennes
vous paroistront » •.
Enfin, aux derniers jours de 1657, il entra dans
Nîmes et s'appliqua immédiatement à l'œuvre de res-
tauration et d'unité catholiques. Dès 1658, il fatigue la
cour, à laquelle il propose sans cesse une action éner-
gique vis-à-vis des protestants ^. Comme il n'était pas
homme à reculer devant le but à atteindre, il avait mul-
tiplié ses appuis. Le chancelier Séguier lui assurait un
précieux concours ^. Le Père Ânnat, confesseur de
Louis XIV, lui était dévoué ^. Jugé avec nos idées
modernes — nos idées, je ne puis dire, hélas! nos habi-
1. Extrait des principales faussetez commises par l'autheur des
reflexions sur le livre de la deffense des ordonnances de Monsei-
gneur l'evesque d'Angers... Angers, 1657 (Exemplaire à la Bibl.
Nat., Lk^ 62). — Cet ouvrage était sans doute de ï'oratorien Boni-
chon (Batterel, loc. cit., p. 474). L'auteur s'appuie sur l'autorité
de « Monseigneur de Nismea », aux pages 9, 30, 33, 71.
2. Cohon à son neveu Ânthyme-Denis, 8 septembre 1660 (Falgai-
rolle, loc. cit., p. 18).
3. Bulletin de la Mayenne, loc. cit., p. 348. En cette année 1658,
Cohon respire un véritable entrain de jeune évêque (Falgairolle,
p. 11, p. 16-18 : lettres de 1658 adressées par l'évêque à sa nièce
et à son neveu; Duine, Cohon, p. 3 ; p. 17, n» 28 ; p. 27, n» 63 ;
p. 31, no 72; p. 45, n» 83).
4. Duine, Cohon, n» 80, p. 37-43. — « Ne manquez pas de voir,
selon mes ordres, M. le Chancelier » (A son neveu, 14 novem-
bre 1663, Falgairolle, loc. cit., p. 31).
5. n Jetez votre première et principale conGance en la bonté du
R. P. Annat, auquel je désire que vous soyez obligé comme moi de
tous vos accroissements » (A son neveu, 27 juin 1663); « ne man-
quez pas de lui embrasser les genoux » (A son neveu, 10 novem-
bre 1663) ; car il est « votre bienfaiteur et le mien » (A son neveu,
21 août 1669. — Falgairolle, loc. cit., p. 22, p. 30, p. 54).
— 425 —
tudes — de tolérance et de liberté de conscience, Cohon
excite des sentiments peu sympathiques. Bientôt, il eut
la joie de recevoir la cour ^ Car, la paix glorieuse des
Pyrénées ayant été conclue le 7 novembre 1659, et le
mariage de Louis XIV avec Marie-Thérèse d'Autriche
ayant été décidé. Leurs Majestés qui se trouvaient à
Bordeaux dans l'expectative de cet heureux traité réso-
lurent de passer Thiver en Languedoc et en Provence,
« attendant avril, auquel le roi d'Espagne devoit partir
de Madrid pour amener Finfante » ^. C'est ainsi que le
8 janvier 1660, Son Éminence arriva dans Nimes et
reçut le compliment de Tévéque. Le lendemain, entrée
du roi ^. Un an plus tard, Mazarin, « après avoir donné
la paix à la chrétienté, » mourut, manifestant « un atta-
chement incompréhensible pour l'argent jusqu'au dernier
soupir » ^. En 1666, ce fut le tour d'Anne d'Autriche.
« Toute la cour lit une grande perte à sa mort, parce
qu'elle rabattoit l'impétuosité de la jeunesse du roi son
fils. » '^ Le l*"^ mars, Cohon, outre le service funèbre
organisé par son Chapitre, ordonna un office solennel,
« avec toute la pompe qui pouvoit rendre cette cérémo-
nie plus éclatante et signaler sa reconnaissance envers
son Auguste Bien-faictrice^. » De fait, avec la dispari-
1. Nous sortirions du cadre de cette notice, si nous parlions du
rôle que le prélat joua dans les États du Languedoc, durant son
second épiscopat nimois, notamment en 1658 et 1662. Disons toute-
fois que, trompé par de spécieuses raisons, il put se croire bon
Français et grand Évéque, en soutenant, avec une ardeur toujours
égale, le dangereux absolutisme du roi, et en préparant, dans la
mesure de ses forces, l'odieuse révocation de l'Edit de Nantes.
2. Mémoires de Montglat, Trêve générale (Edition Michaud,
p. 344).
3. Gazette de France, année 1660, p. 82.
4. Mémoires de Montglat, Paix générale (Edition Michaud,
p. 349).
5. Mém. de Montglat, Paix générale (Edit. Michaud, p. 358).
6. Gazette de France, année 1666, p. 335-336. — Le 1«' juil-
let 1663, Cohon disait à son neveu : « Je suis mortellement affligé
de la rechute de la Reine-Mère, et je crains avec raison qu'elle
retarde vos affaires » (Falgairolle, loc. cit., p. 23).
— 426 —
tion du cardinal et de la reine-mère, tout un monde
s'évanouissait pour Mgr de Nîmes. Parfois on répandait
aussi Tannonce de sa mort à lui ; le vieillard en souriait ^ ;
il vivait toujours d'une activité et d'une persévérance
qui étonnent, attentif aux triomphes de l'Eglise, zélé
pour ses intérêts propres et ceux de sa famille. Il fonda
le « monastère de l'Annonciation, de l'ordre de Sainte
Ursule )), et, le 10 septembre 1668, il célébra l'ouverture
de la chapelle, « avec de fort belles cérémonies, en pré-
sence de tous les Corps, et d'une infinité de personnes
de marque ^. » En ce temps-là, grandissait la renommée
de celui qui deviendra un jour son successeur et le pré-
lat le plus exquis du siège de Nîmes. Fléchier, — c'est lui
que nous désignons, — mérite de former avec Bourda-
1. Le 2 juin 1666, Cohon écrivait à son neveu : « Ma santé est
parfaite, quoique tous les trois mois les aspirants de la Cour me
tuent sans me toucher et m'enterrent tout vif par leurs fausses
gazettes » (Kalgairolle, loc. cit., p. 46). En 1665, au commence-
ment de mai, il se rendait encore à Paris (eod. loc, p. 43, p. 44).
« J'en trouve l'air bien doux », aurait-il pu dire avec le gentil men-
teur de Corneille. Vers la mi-avril de 1667, le vieillard tenta de
faire un nouveau voyage à la Cour, mais la fatigue Tobligea de
s'arrêter en Avignon {eod. loc, p. 51, 52).
Richelieu avait sa troupe de prédicateurs, comme il avait sa
troupe de comédiens. Et Cohon se rappelait avec plaisir le temps
où, orateur estampillé par l'Etat, il logeait rue Traversière (Kal-
gairolle, loc. cit., p. 27), derrière le Palais -Royal (Duine, loc. cit.,
p. 18). — La rue Traversière était ainsi nommée parce qu'elle per-
mettait de traverser de la rue Saint-Honoré dans celle de Richelieu.
Cette rue Traversière est la rue Molière d'aujourd'hui.
D'après un pamphlet de la Fronde (Avertissement au sieur
Cohon, par les cuistres de l'Université de Paris}, avant d'être voi-
sin du cardinal Mazarin, Cohon. lorsqu'il étudiait à Paris, habitait
rue des Quatre- Vents. Ainsi n'était-il pas éloigné de la Sorbonne.
Le collège du Mans (qui fut plus tard réuni au collège Louis-le-
Grand) se trouvait dans le même quartier. Il avait été fondé pour
des boursiers du diocèse manceau. Le futur évéque profita peut-
être de cette institution. A vrai dire, dès 1613, les revenus de la
maison étaient tellement diminués que les bourses furent suppri-
mées ou du moins suspendues. Serait-ce un tel fait qui aurait
fourni prétexte au libelliste d'afiirmer que le jeune Anthyme-Denis
fut expulsé a du colege » et réduit à tendre la main aux écoliers ?
2. Gazette de France, année 1668, p. 1007.
— 427 —
loue et Massillon le triumvirat de la prédication classi-
que, aux nuances fines, riches et variées. De cette
prédication, Cohon, tant célébré de son vivant, perdu
dans le plus sombre oubli après son décès ^ ne fut pas
l'un des précurseurs les moins dignes d'être rappelé. Le
7 novembre 1670, il rendit Tàme, « ayant, le jour précé-
dent, reçeu les sacremens, avec une très grande dévo-
tion, en présence de ses chanoines, lesquels reçeurent sa
profession de Foy, qu'il accompagna d'un petit discours
fort touchant, et plein d'édification ^. » Il n'y avait pas
trois mois que l'éloquence — Bossuet — avait atteint
sa perfection suprême. Sur le cercueil d'Henriette
d'Angleterre, une voix émue avait chanté le « triomphe
de la mort », et, dans une langue souveraine, avait
peint à « nos cœurs enchantés de l'amour du monde » la
grande vanité des choses humaines.
Tel est Teffet engendré par le recul du temps, que,
dans cette ville de Nîmes, où la lutte catholique devait
idéaliser les travailleurs de Torthodoxie, Monseigneur
Anthyme-Denis Cohon, — qui se raillait de la piété
simple et ardente de la Bretagne 3, — a perdu ses traits
1. Pas un mot de Cohon dans le Dict. des prédicat, français,
publié à Lyon, en 1757 ; ni dans le Dict. des caractères et portraits
tirés des oraisons funèbres, qui ont paru depuis 1530 jusques
en illl, rédigé par Roland (Paris, 1777, 2 vol.)
A la vérité, l'académicien Ménard, au xviii^ siècle, n'oublie pas
le vieil orateur, mais il en parle dans une histoire purement locale
(F. Duine, Cohon, p. 19, no 32 et n» 34).
2. Gazette de France, année 1670, p. 1142. — Cohon fut inhumé
le 13 novembre. L'évéque d'Orange présida la cérémonie et le
R. P. Bresson, jésuite, prononça l'oraison funèbre (Eod. loc).
3. Un neveu de Cohon semblait avoir une âme éthrrée. L'évé-
que cherche à lui inculquer la notion des réalités. D'après sa doc-
trine, l'homme digne de ce nom doit montrer u une élévation de
cœur avec les semences de piété. » Les sentiments religieux peu-
vent s'accommoder avec la vie du siècle et ne sauraient contrarier le
bel essor des ambitions légitimes. Que ceux qui tiennent au « style
apostolique » et veulent que leur existence ressemble aux « romans
spirituels » aillent « vivre parmi les ours, n Cher neveu, dit le pré*
lat, retirez-vous donc au milieu des Bas-Bretons, demeurez au
Folgoët, « la dévotion y est dans un degré suprême » : voilà votre
aflfaire ! (Falgairolle, loc. cit., p. 38, 56, 59, et passim).
— 428 —
trop terrestres et n'a plus conservé sur son visage que la
douce lumière de la foi. Parmi les vitraux de la cathé-
drale, exécutés dans la seconde moitié du xix' siècle,
sur Tordre d'un prélat plein de doctrine, on Ta repré-
senté vêtu du rochet et suggérant à Louis XIII Tacte
par lequel ce prince consacra la France à la Vierge *.
Ainsi rien n'aura manqué à la destinée de Tévéque de
Nîmes et de Dol : non pas même une pieuse légende !
(A suivre). F. Duine.
1. Ces vitraux furent placés sous l'épiscopat de Mgr Besson
(Alph. Réeb, Un évêq. ami et correspond, de Mazarin, p. 27* ;
brochure in-8o de 27 p., Nimes, 1888 ; Extrait de la Revue du
Midi), — F. Duine, Cohon, p. 65, n© 46 ; p. 61, n» 24.
APPENDICE
Cet article était composé, lorsque M. Laurain m'a informé que,
d'après une communication de M. Queruau-Lamerie, notre collègue,
il y avait à la bibliothèque d* Angers, parmi les ma9U6crits du fonds
Grille (Biographie), plusieurs pièces concernant Cohon :
1® Une notice (2 pages in-folio) de l'abbé Grandet ;
2o Une lettre à l'abbé Grandet, curé de Sainte-Croix et directeur
du séminaire, du 9 décembre 1700, envoyée par un frère Collino,
du couvent de Craon, lequel déclare n'exister dans la bibliothèque
de la maison aucune œuvre du prélat ;
3o Une note manuscrite de Toussaint Grille sur Cohon.
m MAGISTRAT REVOLIJTIOPÂIRI
FRANÇOIS MIDY
(1752-1807).
(Suite).
II
A la nouvelle des événements des 30 et 31 mai,
!•' et 2 juin 1793 et de l'expulsion de la Convention de
trente-deux députés Girondins, les administrateurs du
département de la Mayenne, du district et de la muni-
cipalité de Laval, ainsi que les membres des divers tri-
bunaux siégeant en cette ville, avaient cru devoir
protester contre ces événements et avaient envoyé deux
commissaires porter leur arrêté à la Convention ^
Puis, entraînés par les discours de députés envoyés
par les départements de Bretagne et de Normandie, ils
avaient ordonné la formation d'un bataillon de volon-
taires qui partit pour Caen se mettre aux ordres de
Wimpfen.
Mayenne avait aussi fourni son contingent, tandis que
les autres districts ne bougeaient pas, ou, comme Lassay
et Craon ^, s'étaient prononcés contre ce mouvement.
1. Jourdain-Dnrocher et Hubert.
2. Patries des conventionnels Grosse - Durocher et Esnne-
LaTtllée.
— 430 —
A Craon même, le 10 juin, dans une séance du direc-
toire, après les conclusions du procureur syndic Ghartier
tendant à rejeter l'adresse présentée par le département
à la Convention, Midy, qui était membre du Conseil,
exposa qu'il ne voyait dans cette démarche, « calquée
sur celle du département d'Isle-et- Vilaine, que le germe
de la guerre civile, les moyens d'établir le fédéralisme
et les efforts des riches pour détruire l'effet des décrets
de l'impôt progressif, de la taxe de guerre et de l'impôt
forcé.
« La Convention, ajouta-t-il, a fait une proclamation
sur les événements qui excite la solicitude du départe-
ment : elle est libre. Les décrets qu'elle a rendu sont
favorable au peuple, la force armée qu'on veut envoyer
à Paris n'a d'autre objet que de protéger et deffendre
les ennemis du peuple, les complices de Dumouriés, de
Pith et de Cobourg, et de faire rapporter ces décrets
salutaires.
« La levée d'une force armée pour se porter à Paris
et contre Paris est le comble de l'ingratitude lorsque
cette ville a cent mille hommes aux frontières ou à l.a
Vendée ; elle est levée sans réquisition légale dans le
moment même ou la Convention déclare qu'elle est libre.
« Le département a donc fait un acte de souveraineté,
il a empiété sur le pouvoir du corps législatif auquel
appartient le droit d'ordonner une levée de force armée.
Dans quels tems cette levée est-elle ordonnée? Dans
un tems de trouble où le département de la Mayenne
voit ses limites menacées par l'armée contre-révolution-
naire ! Elle est levée, cette force armée, avec un prétexte
qui fait le contraste le plus piquant avec la lenteur qu'on
a mis à fournir un détachement pour aller s'opposer au
passage de la Loire que faisoit craindre la déroute de
Beaupréau...
« En conséquence, je demande qu'il soit arrêté que
les mesures prises par le département et les autorités
constituées de Laval seront désapprouvées ; qu'aucuns
— 431 —
commissaires pris dans cette administration ne seront
nommés, qu'au contraire il sera fait une adresse à la
Convention pour adhérer à touttes les mesures et aux
décrets qu'elle a rendus depuis le 31 mai dernier,... en
lui demandant de renvoyer au tribunal révolutionnaire
les auteurs et instigateurs de pareilles mesures ; que
chaque membre de cette administration renouvellera
dans cet instant le serment de vivre ou mourir, de
maintenir de tout son pouvoir Tunité de la République
française, de respecter les propriétés et les personnes,
et d'être constamment attaché à la cause du peuple. »
L'arrêté du directoire de Craon fut moins violent que
ne le demandait Midy ; on se contenta de prier le dépar-
tement de désavouer son adresse du 7 juin comme sur-
prise par un premier mouvement, et d'enjoindre aux
municipalités une surveillance exacte pour empêcher
toute levée illégale *.
Aussitôt que l'on connut la défaite de Pacy-sur-Eure,
les administrateurs de Mayenne, dès le 19 juillet, et ceux
de Laval, le 23, s'empressèrent d'ordonner le retour des
volontaires et de rétracter leurs précédents arrêtés.
Il était déjà trop tard. En apprenant la prochaine arrivée
à Laval des conventionnels Thirion et Esnue-Lavallée,
envoyés en mission dans la Mayenne, tous les fonction-
naires compromis crurent devoir adresser leurs démis-
sions aux Représentants du Peuple qui refusèrent de
les accepter. Toutefois quelques-uns parvinrent à se
faire considérer comme démissionnaires, tandis que
tous les autres se virent destitués et menacés d'être
arrêtés. Ils s'empressèrent de prendre la fuite et de se
cacher. Quatre seulement furent guillotinés ^ ; cinq
furent emprisonnés à Laval, puis à Alençon. Les autres
réussirent à échapper au sort qui les menaçait, et.
1. Arch. de la Mayenne, L 50.
2. Jourdain et £njubault-la-Roche père, exécutés à Laval, Enju-
bault-la-Roche fils et Sourdille-Lavalette, guillotinés à Paris.
— 432 —
parmi ceux-ci, Moulin, président, et Baguelin ^ accusa-
teur public près le Tribunal criminel.
Les Conventionnels arrivèrent à Laval vers la fin de
septembre et par divers arrêtés, datés du 3 au 8 octobre,
procédèrent au remplacement des fonctionnaires desti-
tués. Thirion étant étranger au département, c'est
Esnue-Lavallée qui sans doute se chargea de choisir les
candidats à ces nombreuses places. Il désigna pour
président du tribunal criminel son beau-frère Basile,
notaire et défenseur officieux à Craon, et pour accusa-
teur public, son ancien collègue au tribunal de la même
ville, François Midy.
L'installation de ce tribunal subit des retards causés
par les événements. Les Vendéens avaient envahi
Laval le 22 octobre. Ils en repartirent le 1" novembre.
La Commission Félix d'Angers ^ fut alors envoyée à
Laval, d'où elle partit le 7 frimaire (27 novembre) au
retour des Vendéens, emmenant les prisonniers et les
suspects détenus dans les prisons. La ville avait dû être
évacuée de nouveau. Ce n'est qu'après la déroute du
Mans 3 et le passage des royalistes en fuite que le tri-
bunal put s'organiser.
La Commission Proust d'Angers ^ était venue à son
tour siéger à Laval. Lorsqu'elle fut partie pour Sablé,
elle fut remplacée par la Commission Clément, récem-
ment créée par Bourbotte et son collègue Bissy, spécia-
lement pour le département de la Mayenne ^. Les
1. Baguelin parait avoir suivi à Caen les volontaires de la
Mayenne.
2. Créée à Angers le 13 juillet 1793 et présidée d'abord par
Parein et à partir du mois d'octobre par Félix.
3. Le 23 frimaire (13 décembre 1793).
4. Etablie à Angers, le 15 frimaire an II (5 décembre), par Bour-
botte, Esnue-Lavallée, Francastel et Prieur de la Marne. Venant
du Mans, elle arriva à Laval le l'^' nivôse (21 décembre) et en repar-
tit le 12 pour Sablé.
5. Formée à Laval le 2 nivôse, elle siégea d'abord à Mayenne et
Ernée avant de rentrer à Laval le 12, pour remplacer la Commis-
sion Proust.
— 433 —
Conventionnels avaient attribué à ces commissions
révolutionnaires la compétence la plus étendue et il ne
restait à juger par les tribunaux criminels que les cri-
mes de droit commun ou les délits commis contre la loi
du maximum, en somme peu de chose.
Basile et Midy, réputés ardents révolutionnaires,
n'étaient point des hommes sanguinaires. Au fond
c'étaient des modérés qui sans doute criaient bien fort
pour se faire valoir auprès des Jacobins et conserver leurs
places. Ils n'eurent du reste ni Tun ni l'autre l'occasion,
dans leurs nouvelles fonctions, de se compromettre par
leur ardeur révolutionnaire.
C'est seulement dans les premiers jours du mois de
nivôse, à la suite de la troisième invasion de Laval par
les Vendéens et d'une troisième évacuation de la ville
par les autorités, réfugiées à Rennes cette fois, que le
tribunal criminel put être installé.
Midy a conservé des notes sur ses opérations du
9 nivôse an II (27 décembre 1793) au 1" vendémiaire
an III (22 septembre 1794). Nous y trouvons bien peu de
chose à relever.
Au mois de pluviôse, un sieur Chesneau est condamné
à un mois de prison pour avoir donné du blé noir ou sar-
sazin à une oie pour l'engraisser. Quelques semaines
plus tard, Midy apprend qu'un prêtre a été arrêté à
Château-Gontier et que la femme qui l'avait recueilli
avait été amenée, ainsi que sa domestique, dans les pri-
sons de Laval. Pour les sauver peut-être, Midy réclame
le dossier de cette affaire. Mais l'accusateur public près
la Commission révolutionnaire lui fit remettre un
extrait de l'arrêté des représentants du peuple, du
l^"^ pluviôse précédent, qui attribuait la connaissance de
ce genre d'affaires à son tribunal.
A ce moment, le conventionnel François -Primau-
dière se trouvait à Laval où il avait été envoyé pour pro-
céder à l'épuration des autorités constituées. Par arrêté
28
— 434 —
du 15 germinal (4 avril), il confirma les pouvoirs des
membres du tribunal criminel.
Il n'en fut pas de même de la Commission révolu-
tionnaire présidée par Clément. Celle-ci fut dissoute.
Les anciens prêtres, Volcler et Guilbert, le juge de
paix Marie-CoUinière, l'imprimeur Faur et le forgeron
Pannard sont rendus à leurs chères études. La nouvelle
commission, formée par ce représentant du peuple,
était composée de Huchedé, président, Lecler, Germe-
rie, Boisard, juges, et Publicola Garot, accusateur
public, qui continuèrent Tœuvre de leurs prédécesseurs.
Ce nouveau tribunal commença ses séances le 18 germi-
nal. Il les interrompit de nouveau du 9 floréal (28 avril)
au 10 prairial (29 mai), sur Tordre du représentant Lai-
gnelot, sans doute en exécution de la loi du 27 germinal
(16 avril) qui ordonnait le renvoi devant le tribunal
révolutionnaire de Paris de tous les prévenus de cons-
piration qui seraient saisis sur un point quelconque de
la République, en môme temps que leurs complices.
Cette loi emportait la suppression de tous les tribunaux
révolutionnaires existant dans les départements.
Pendant cet intervalle, on avait amené dans les pri-
sons de Laval une femme Granger, de la commune de
Ménil, accusée d'avoir échangé du fil contre de la farine.
Mais Midy avait ordonné son renvoi dans les prisons de
Chàteau-Gontier, « attendu que la prison de Laval est
« pleine de Chouans et de gens suspects d'être de leur
« horde, au nombre de plus de trois cents ; que l'air en
« est très malsain, la Commission révolutionnaire ayant
« suspendu ses travaux par ordre du Comité de Salut
« public, les prisons s'encombrent et les maladies con-
« tagieuses en seront la suite. » C'est une nouvelle
preuve d^humanité que nous devons relever à l'actif du
citoyen Midy *.
La Commission révolutionnaire reprit ses séances le
1. Lettre du 9 floréal
— 435 —
11 prairial. Une nouvelle loi du 19 floréal (8 mai), avait
autorisé le Comité de Salut public à maintenir ces tribu-
naux en fonctions là où il le jugerait utile. C'est ainsi
que furent rétablis, après une suspension plus ou moins
longue, ceux d'Arras, de Bordeaux, de Nimes, de Noir-
moutiers et enfin de Laval. Ce dernier devait continuer
à siéger jusqu'au 18 vendémiaire an III (9 octobre 1794).
A ce moment, Robespierre était mort depuis plusieurs
mois déjà (9 thermidor an II), guillotiné à son tour avec
son frère et ses principaux complices. La Convention
avait mis fin au régime néfaste de la Terreur, en
envoyant dans les départements des commissaires avec
mission d'amener l'apaisement par des mesures répara-
trices. Leur premier soin devait êtr« de faire disparaître
ces commissions extraordinaires qui avaient fait couler
tant de sang partout où elles avaient été maintenues.
Le représentant du peuple Boursault était désigné pour
se rendre dans la Mayenne. Le tribunal révolution-
naire n'avait pas attendu son arrivée à Laval pour sus-
pendre ses séances dès le 18 vendémiaire. Boursault
n'arriva que vers la fin du mois suivant et c'est seule-
ment par arrêté du 25 brumaire an III (15 novem-
bre 1794) qu'il supprima ce tribunal.
Mais il ne se borna pas à cette mesure. Il fit mettre en
liberté de nombreux prisonniers détenus comme sus-
pects dans les prisons de Laval, mit fin aux poursuites
dirigées contre les anciens fonctionnaires destitués pour
cause de fédéralisme, ordonna au contraire l'arrestation
des plus violents terroristes et enfin renouvela les auto-
rités. Toutefois Basile fut laissé à la tête du tribunal
criminel et Midy conserva, au moins provisoirement,
ses fonctions d'accusateur public près de ce tribunal *.
Mais les notes de Midy sur cette période ne nous sont
pas parvenues, soit qu'il ait négligé d'en tenir, soit
1. Dans une lettre du 17 brumaire an III, Chartier félicite Midy
d'avoir été maintenu dans ses fonctions par une loi.
— 436 —
qu'elles aient été perdues. Du reste il allait se trouver
chargé d'une grosse affaire qui devait l'occuper pendant
de longs mois et au sujet de laquelle il a conservé
comme toujours un dossier.
Le 23 brumaire (13 novembre), Boursault, éclairé sur
les crimes commis au nom de la République par les
Jacobins de Laval, résolut de faire arrêter les plus cou-
pables d'entre eux. Quantin et Bescher, membres du
département ; Le Roux fils, agent national de la com-
mune ; Faur, officier municipal et juge de la Commis-
sion Clément ; Huchedé, président, et Garot, accusa-
teur public de la seconde commission, tous six en même
temps membres du Comité révolutionnaire de Laval ;
Saint-Martin-Rigaudière, agent national du district de
Lassay ; Pottier, ancien prêtre et agent national du
district de Mayenne, et Julio t-Lérardière, ex-juge au
tribunal de Lassay et membre du Département, furent
mis en prison. On perquisitionna dans leurs papiers,
dans ceux du tribunal et du comité révolutionnaires,
au département, à la municipalité, etc., et Midy fut
chargé d'instruire contre eux.
Dès le 11 frimaire, il informait Boursault du résultat
de ses premières investigations (1*' décembre 1794).
« L'inventaire des papiers de la Commission révolu-
tionnaire a été fini hier. Je dois rendre justice à cette
commission : il m'a paru y avoir beaucoup d'ordre et les
pièces concernant chaque accusé étaient enliassées
exactement, mais je ne puis te cacher la surprise où
j'ai été de ne trouver pour toute pièce de procédure de
la commission Clément, Le Faur, Pannard, Marie,
Volclerc, que les interrogatoires et le jugement, et, en
les parcourant, le cœur se soulève d'indignation en
voyant des individus condamnés à mort, lorsque,
d'après leurs interrogatoires, il ne résultait aucune
charge. Si, d'après ces pièces, on examinait la conduite
de cette commission, il n'est personne qui ne frémit
d'horreur de voir les lois violées aussi indignement. Il
— 437 —
parait que, pour éviter cet examen, cette Commission a
soustrait toutes les pièces qui lui avaient été remises et
avaient servi à ses jugements. C'est une prévarication
qui mérite la sévérité des lois.
« J'ai cru de mon devoir, citoyen représentant, de te
faire part de ce que j'ai aperçu en parcourant ces pièces.
J'y ai trouvé aussi plusieurs exemplaires d'un jugement
de cette commission qui m'a paru un chef-d'œuvre de
bêtise. »
Après avoir réuni toutes ces pièces, Midy procéda aux
interrogatoires des détenus. Ceux-ci se prolongèrent du
18 frimaire au 10 nivôse. Ils sont très détaillés, embras-
sent une quantité de faits et durèrent chacun plusieurs
journées, notamment ceux de Quantin (3 jours) et de
Bescher (terminé le second jour à minuit) ^
En même temps qu'il instruisait à Laval contre les
inculpés, Midy s'inquiétait de savoir si ceux-ci n'avaient
pas été en rapport avec les Jacobins de Paris et notam-
ment avec Robespierre. Il avait eu l'occasion, pendant
la Terreur, de rendre des services à plusieurs membres
de la famille du médecin Plaichard-Choltière, député à
la Convention, qui lui en avait conservé une vive recon-
naissance. Aussi avait-il accepté volontiers de faire
les commissions de son ami, de le tenir au courant des
événements et de lui donner à l'occasion des conseils ou
1. On ne trouve pas d'interrogatoire relatif à Huchedé, qui sans
doute s'était empressé de disparaître pour éviter l'emprisonnement.
II n'en existe pas non plus concernant Yolcler, également en fuite,
Saint-Martin-Rigaudière et Juliot-Lérardière, l'instruction de leur
affaire paraissant avoir été faite à Lassay, lieu de leur domicile,
de même que celle dirigée contre Pottier, ancien prêtre marié, le
fut à Mayenne.
Cependant Juliot<Lérardière avait été arrêté à Laval. Nous avons
sous les yeux une lettre, datée du 18 pluviôse an III de la Répu-
blique démocratique, adressée à Midy, pour réclamer la remise
d'un certificat, délivré par un officier de santé et constatant ses
infirmités, pour qu'il l'adresse à l'autorité supérieure, laquelle,
plus compatissante, lui donnera la liberté d'aller se médicamenter
dans sa chambre.
— 438 —
des avis ^ C'est donc à lui que Midy s'est adressé pour
avoir copie des lettres envoyées à Robespierre par les
détenus de Laval. Le Conventionnel lui répond le
28 frimaire :
« Pour ce que tu demandes des copies des lettres
qu'on t'a dit que les détenus avaient écrit à Robespierre,
il faut, si tu veux les avoir, que tu les demandes ofRciel-
lement à la commission créée par la Convention pour
l'examen des papiers de Robespierre et que tu donnes
les noms des individus que tu crois avoir écrit.
« De même, pour ce qui regarde la dénonciation faite
par eux contre cinq membres de la députation, ce serait
au Comité de Sûreté générale qu'il faudrait de même
t' adresser officiellement. C'est là ce qu'on m'a répondu
à l'une et à l'autre administration lorsque je les ai con-
sultées sur ces deux objets. »
Midy s'empresse de suivre le conseil donné par Plai-
chard-Choltière qui s'occupe d'activer les recherches et
lui en annonce le résultat négatifdans une nouvelle lettre
du 17 nivôse :
« J'ai été un peu en retard pour répondre à tes deux
lettres, parce que les recherches que tu demandais au
Comité de Sûreté générale sur Huchedé et Tulot ont été
longues à faire, ainsi que celles que tu as pareillement
demandées à la commission chargée de Texamen des
papiers et correspondances de Robespierre et consorts ;
toutes, quoique très exactes, ont été infructueuses. Nulle
trace des premiers au Comité de Sûreté générale, ni à
la Police ; point de correspondance à la commission de
la part de ceux que tu me désignes, ni d'autres de cette
clique. Ainsi je ne vois pas que tu aies de lumières à
espérer de ce côté-là, à moins qu'il ne s'en découvre
quelques traces dans les pièces qui seront imprimées à
la suite des rapports qui doivent se faire sur les papiers
1. Plaichard-Choltière (René-François), né à Laval le 10 octo-
bre 1740, médecin député à la Convention puis au Conseil des
Anciens jusqu'en 1797, mort le 25 août 1815.
— 439 —
et corresjpondances trouvés chez Robespierre et qui
sont entre les mains de la commission chargée de cette
besogne. »
Et comme Midy lui a posé un certain nombre de
questions au sujet des inculpés qui sont actuellement
poursuivis et ceux dont il se propose de provoquer
l'arrestation, le Conventionnel ajoute :
« J'ai communiqué tes questions au Comité de légis-
lation qui m'a répondu que son intention et celle de la
Convention n'était point de répondre à toutes les deman-
des de ce genre ; que les membres des tribunaux avaient
des lois pour les diriger et que jamais le Comité ne
répondrait à tant de questions qu'on ne leur faisait que
pour se décharger de la responsabilité. Tu vois que
puisqu'ils le prennent dans ce sens, il faudra bien te
résoudre à te conduire suivant tes propres lumières.
Je suis fâché de ne pas avoir pu réussir à t'en procurer
davantage.
a II faut d'ailleurs te dire que l'intention de la Conven-
tion et celle des comités n'est pas qu'on recherche trop
scrupuleusement les coupables de cette espèce sur les
mesures ultra - révolutionnaires qu'ils ont prises dans
un temps, mais bien sur les vols, les dilapidations, les
vexations qu'ils ont commises pour la plupart. Notre
collègue Boursault, dans la lettre qu'il nous écrivit pour
nous informer des incarcérations qu'il avait fait faire et
des informations qu'il t'avait chargé de faire sur les
différents individus coupables, nous disait bien qu'il
n'entendait par là qu'il n'en serait fait de recherches que
sur les objets dont je te fais mention. Laignelot s'est
exprimé de même lorsque je lui ai fait voir les questions
que tu me chargeais de présenter au Comité de légis-
lation. Ainsi, d'après ces réponses et les avis, tu pren-
dras aisément ton parti et tu sauras, d'après la loi,
suivre la route sûre pour ne point encourir le blâme ou
la repréhension. »
Tandis que s'échangeait cette correspondance, Midy
— 440 —
n'avait pas perdu son temps. Aussitôt les interrogatoires
des prévenus terminés, il avait commencé à entendre
les nombreux témoins, plus de deux cent trente, qui lui
avaient été désignés et qui vinrent déposer des faits
dont ils avaient eu connaissance. Pour éviter sans doute
le reproche de partialité, on n'entendit ni les anciens
fonctionnaires destitués, ni les suspects conduits à Doué,
à Chartres ou Âlençon. Mais leurs parents, leurs amis,
leurs voisins, leurs employés ou domestiques, furent
entendus, ainsi que bien d'autres citoyens qui vinrent
dénoncer les faits dont ils avaient été les témoins. Du
reste les pièces saisies au domicile des inculpés ou com-
muniquées par les diverses administrations de Laval, et
les papiers et jugements du tribunal révolutionnaire
suffisaient pour établir leur culpabilité. Des vols, des
extorsions d'argent, commis au préjudice des détenus,
des dilapidations du linge ou d'objets provenant des
églises, des actes d'inhumanité furent relevés contre
eux. De ces dépositions résultèrent les preuves de faits
si monstrueux que Midy fut amené à étendre son instruc-
tion et à y comprendre de nouveaux inculpés, en dehors
de ceux dont Boursault avait ordonné l'arrestation, tels
que Mélouin, ancien membre du Département, Clément,
Marie -CoUinière, Pannard, président et juges, et
Volcler, accusateur public du premier tribunal révolu-
tionnaire, les membres de l'ancien comité, etc.. Cette
nouvelle instruction semblait devoir devenir aussi volu-
mineuse que la première. Enfin le premier dossier est
terminé et Midy le transmet au Tribunal criminel qui
n'ose se prononcer et décide l'envoi des pièces au Comité
de Sûreté générale de la Convention. Mais les partisans
des inculpés se déclaraient en leur faveur et Midy joint
au dossier une lettre dans laquelle il soumet au Comité,
sur le danger de faire juger les prévenus à Laval, ses
appréhensions qui devaient être partagées sans doute
par Basile (26 pluviôse an III-14 février 1795) :
« J'ignore, citoyens représentants, le parti que vous
— 441 —
prendrez sur cette affaire, mais je crois devoir vous
observer que ces individus et d'autres détenus dont
j'instruis la procédure, ont encore de nombreux parti-
sans qui répandent dans le public que, lorsque ces
hommes étaient en place, on ne manquait de rien et
font une comparaison perfide du prix des denrées sous
les administrations renouvelées par le représentant
Boursault et celles dont ils étaient membres. Ces déte-
nus, de leurs prisons, répandent avec profusion dans le
public des écrits tendant à égarer l'opinion publique et
à jeter de l'incertitude dans les esprits sur la bonté des
principes adoptés par la Convention Nationale depuis le
9 thermidor.
« Si ces individus sont jugés à Laval, il peut en résul-
ter beaucoup d'inconvénients. Des mouvements sont à
craindre ; qu'on consulte sur cela le représentant Bau-
dran ^ et les autorités constituées.
« Il existe dans ce département deux partis bien
prononcés : celui de leurs partisans, qui regrettent les
mesures de rigueur, et celui qui veut l'exécution des lois
et de la justice.
a Les jurés qui doivent prononcer sur cette affaire, si
elle est renvoyée au tribunal de la Mayenne, seront
nécessairement de l'un ou de l'autre parti. Les uns les
regardent comme des patriotes opprimés qui ont agi
pour le salut du peuple conformément aux principes
révolutionnaires. Les autres, ayant à gémir sur le sort
qu'ils ont fait éprouver à leurs parents, à leurs amis, ne
voient en eux que des oppresseurs, des tyrans et des
hommes de sang. Les uns et les autres ne pourront gar-
der cette impartialité si nécessaire aux augustes fonc-
tions de juré.
« Ce département, citoyens représentants, comme
vous l'a dit le citoyen Letourneur de la Sarthe, votre
collègue, a éprouvé tous les genres d'oppression. Si un
1. Baudran avait remplacé Boursault dans la Mayenne.
— 442 —
Carrier y eût été en mission, il n'eût pas manqué de
nombreux agents. Mais le Ciel nous en ayant préservé,
néanmoins ces hommes pervers, dans l'espace de quel-
ques mois, ont fait connaître tout ce que le despotisme a
de plus atroce. Le ressentiment des hommes de bien est
profondément gravé dans leurs cœurs. Celui des oppres-
seurs ne Test pas moins contre les gens de bien et la crainte
du retour de la Terreur glace encore le cœur des citoyens.
« C'est à vous, citoyens représentants, à peser tout,
combiner tout et j'ai rempli mon devoir en vous présen-
tant ces observations. »
Midy, en adressant cette lettre au Comité de Sûreté
générale, avait, comme toujours, prié Plaichard-Chol-
tière d'appuyer sa demande auprès de ses collègues.
Celui-ci lui répond le 8 ventôse :
« J'ai conféré avec plusieurs de mes collègues du
Comité de Sûreté Générale sur l'objet de ta lettre que tu
me recommandais d'appuyer. C'est Laignelot qui a été
chargé du rapport et de la décision du Comité, suivant
ce qu'il m'a dit hier que je m'en suis informé. On n'y est
point de l'avis du renvoi que tu aurais désiré si forte-
ment par amour de la paix et de Téquité qui doit être la
seule base de tout jugement. Le Comité prétend même
n'avoir pas le droit de prononcer sur pareil renvoi et
que cela est de la compétence du Comité de législation ;
ainsi te voilà aussi avancé que tu étais et Laignelot est
chargé de la réponse qu'il m'a dit t'avoir envoyée. »
Tenant compte de cet avis, Midy se tourne vers le
Comité de législation, puisque c'est celui-ci qui peut
donner une solution conforme à ses désirs. Fort de
l'opinion de ses collègues au tribunal criminel, certain
de l'appui de la municipalité qui craint que le jugement
des accusés ne soit un sujet de trouble dans la ville,
sentiment partagé par tous les fonctionnaires et les gens
modérés, il entreprit de faire signer une pétition deman-
dant le renvoi des accusés devant un tribunal étranger.
Plaichard-Choltière lui écrit encore le 23 ventôse :
— 443 —
« J'ai beaucoup tardé à répondre à ta lettre, les diffé-
rents objets qu'elle contenait étant de la plus haute impor-
tance. J'ai pris du temps pour voir si on ne pourrait pas
parvenir au but si raisonnable que tu désires. Quelque
temps après, je reçus un paquet adressé sous mon cou-
vert à mon collègue Boursault. Il m'a donné communi-
cation des pièces qu'il contenait et les a déposées
ensuite au Comité de Sûreté générale. Mais quand je
lui ai demandé des nouvelles de ses démarches à cet
égard, il m'a paru qu'il n'était pas satisfait et qu'on
mettait de l'indifférence sur toutes ces sortes de repré-
sentations. J'en ai pris par moi-même des informations
et jusqu'ici le Comité n'a rien statué. Il m'est revenu
qu'il devait être présenté une pétition de la commune
ou d'un grand nombre de citoyens de notre commune
pour demander que les détenus soientjugésparun autre
tribunal, mais, comme ces nouvelles ne sont que des
bruits, je te les donne comme tels, et entre nous seulement,
pour que tu en fasses l'usage que la prudence te dictera. »
Cette lettre n'était qu'une suite de la précédente et
Midy, quand il la reçut, s'occupait déjà de réunir le
plus grand nombre possible de signatures, espérant que
le Comité de législation, en constatant le nombre des
pétitionnaires, se déciderait à renvoyer les détenus
devant le tribunal criminel d'un autre département.
Sans attendre une solution qui pouvait tarder quelque
peu, il attaqua l'instruction de la seconde affaire concer-
nant les individus dont il avait déjà ordonné l'arres-
tion ou qu'il se proposait de faire incarcérer. Cette fois
encore il fallut entendre de nombreux témoins. Le pau-
vre homme était à bout de forces. Obligé de s'occuper des
affaires courantes (et on comprend qu'il ait négligé d'en
tenir note), d'assister aux fréquentes audiences du tri-
bunal nécessitées par la mise en liberté de nombreux
suspects et des chouans ou présumés tels détenus dans
les prisons, il ne lui restait que les matinées ou les
soirées pour entendre les témoins cités à son cabinet.
— 444 —
Pendant ce temps, les inculpés vivaient tranquille-
ment en prison, recevant leurs parents et leurs amis,
protestant de leur innocence, bien certains qu'ils ne
seraient pas condamnés et comptant sur leurs protec-
teurs ou leurs partisans pour détourner le coup dont
ils étaient menacés. Bien plus, Bescher fait imprimer
une brochure : Premier dialogue entre un patriote
détenu et un ami de la vérité ^ dans laquelle il conteste
les faits relevés contre lui et reproduit les certificats
qu'il a obtenus de la municipalité de Chàteau-Gontier.
Garot suit son exemple en publiant une Première lettre
d'Augustin Garot à ses concitoyens ^, datée de la mai-
son de justice à Laval le 25 pluviôse an III, pour
repousser les accusations portées contre lui et contenant
les certificats à lui délivrés par la même municipalité.
Tous les deux se plaignent des lenteurs de la procé-
dure et Garot adresse môme au conventionnel Baudran
une pétition pour dénoncer les négligences du citoyen
Midy. Dans un post-scriptum il le plaisante même et se
moque de lui. « Pourquoi tant attendre à me rendre à la
société. Mais Taccusateur public manque de bois aujour-
d'hui. Demain il tombera de Teau ou de la neige. Il
n'aura pas de parapluie. Je crains que les jours suivants
il n'ait la goutte. » Baudran transmet cette plainte à
Midy le pressant d'activer l'affaire 3.
Celui-ci répond au Conventionnel en invoquant ses
nombreuses occupations. Pour la première affaire, les
pièces ont été envoyées au Comité de Sûreté générale
qui n'a pas encore répondu. Pour la seconde, il a déjà
entendu quatre-vingt-quatre témoins et travaille tous
les jours jusqu'à deux heures du matin. Il est épuisé et
1. Chez Faur, Grandpré et Portier, 15 p. în-8.
2. Chez Faur, Grandpré et Portier, 15 p. in-8. De même que Bes-
cher a renoncé au prénom de Brutus dont il s'était affublé, Garot
à repris son nom d'Augustin et répudié celui plus pompeux de
Valérius-Publicola.
3. La lettre de Baudran est datée du 29 pluviôse (17 féyrier).
— 445 —
demande au Conventionnel de lui nommer un substitut
pour le seconder à l'audience et dans les affaires
ordinaires.
Justement à quelques jours de là, par suite de ce sur-
menage, Midy est attaqué de la goutte. La crise se pro-
longe, et, le 21 ventôse, n'ayant pas reçu de réponse de
Baudran, il s'adresse au Comité de législation de la
Convention pour réclamer un substitut, invoquant sa
santé et les intérêts des prévenus.
« Je n'ai pu répondre plus tôt à votre circulaire du
8 ventôse, parce qu'atteint par la goutte depuis le 9 de
ce mois je suis obligé de garder le lit.
c< Le Représentant du peuple Boursault, fit mettre en
arrestation le 23 brumaire dernier les citoyens Saint-
Martin, agent national du district de Lassay, Pottier,
ex-prétre, ex -agent national du district de Mayenne,
Juliot-Lérardière, ex -juge du tribunal du district de
Lassay et membre du département de la Mayenne ;
Quentin, Bescher, membres du département, ex-mem-
bres du comité révolutionnaire de Laval ; Le Roux fils,
agent national de la commune et ex-membre du comité
révolutionnaire de Laval ; Faur, officier municipal et
ex-membre de la commission révolutionnaire établie
dans ce département; Huchedé et Garot, ex-membres
du comité révolutionnaire de la commune de Laval.
« Partie des pièces relatives à ces citoyens m'ont été
remises le 14 frimaire dernier, de la part du représen-
tant du peuple Boursault, par l'agent national du
district de Laval. J'ai examiné ces pièces et j'ai procédé
à l'interrogatoire de ces différents citoyens. Par suite de
l'instruction, j'ai décerné des mandats d'amener contre
Mélouin, ex -membre du département et du comité révo-
lutionnaire de la commune de Laval. Je l'ai interrogé.
J'ai pareillement décerné un mandat d'amener contre
Volcler, ex-maire de Lassay et accusateur public de la
Commission révolutionnaire établie dans ce départe-
ment. Il s'est échappé et il est actuellement à la tète
— 446 —
d'une bande de scélérats, sur le district de Lassay, qui
vole et pille partout où elle passe.
« Il y a quatre affaires distinctes relatives à ces parti-
culiers, mais qui ont des ramifications très étendues.
« Le 22 pluviôse dernier, j'ai fait mon rapport au tri-
bunal assemblé relatif à Saint-Martin, Julio t-Lérardière
et Volcler, pour décider si les délits qui leur sont
imputés étaient de sa compétence. Mon rapport conte-
nait l'extrait des pièces de la procédure et de cent trente
déclarations de témoins. Le 23 du même mois le tribunal
a décidé que les pièces seraient renvoyées au Comité de
Sûreté générale, conformément à la loi du 8 du même
mois. Le 25 pluviôse, j'ai chargé à la poste les pièces
qui leur sont relatives.
« Relativement aux autres détenus j'ai recueilli quan-
tité de pièces à charge et j'ai entendu cent et quelques
témoins. Il résulte que j'aurais à décerner des mandats
d'amener contre les citoyens Pannard, maréchal à
Mayenne et juge de la Commission révolutionnaire,
Clément, notaire public à Ernée, président de la Com-
mission, Marie, juge de paix à la Croixille, juge de la
dite Commission qui a commis les actes atroces qu'on
puisse reprocher à une commission de sang, mais
impossible de me procurer un secrétaire. L'obligation
où je suis de suivre les affaires ordinaires du tribunal,
d'assister à toute l'instruction, exécution des jugements,
d'entretenir une correspondance active avec les diffé-
rentes autorités constituées du département, les séances
multipliées que le tribunal a été obligé de tenir pour
l'exécution de la loi d'amnistie du 12 frimaire * et du
29 nivôse, enfin cette multiplicité de travaux occasionnée
par la position malheureuse où se trouve notre départe-
ment, entouré de Chouans, apportent forcément une
longueur dans les affaires qu'il n'est pas en mon pou-
1. Proclamation d'une amnistie en faveur des Chouans qui dépo-
seraient les armes.
— 447 —
voir d'éviter, malgré un travail opiniâtre de douze à
quinze heures par jour, auquel ma santé n'a pu résister.
« J'ai demandé au représentant du peuple Baudran
un substitut dont il est impossible que le tribunal se
passe pour activer ses travaux. Il a dû vous faire passer
ma pétition à cet effet. L'intérêt de la chose publique et
de la justice nécessite cette mesure. Elle est d'autant
nécessaire que les partisans de ces individus sont plus
nombreux.
« Dévoué tout entier à la chose publique, je n'ai
ménagé ni mes peines ni mes veilles ; mais les forces
de l'homme ont un terme : les miennes n'ont pu résister
à un travail opiniâtre. Il est donc absolument nécessaire,
citoyens représentants, que vous me fassiez nommer
un substitut pour partager mes travaux et suivre les
affaires du tribunal jusqu'à mon rétablissement. »
Midy ne semble pas avoir réussi dans sa demande.
Enfin les dossiers sont prêts et remis au tribunal
criminel le 2 floréal (21 avril). Garnier-Duféray, juge et
président du jury d'accusation, procède à de nouveaux
interrogatoires des détenus, Bescher, Garot, Le Roux,
Mélouin, Quantin et Faur, du 4 au 6 floréal. Puis il se
décide à entreprendre un supplément d'information et
entend, du 12 au 20 floréal, cent dix-sept nouveaux témoins
et le jury renvoie les détenus devant le tribunal criminel.
Toutefois pour éviter l'agitation fomentée par les amis
des inculpés, la municipalité de Laval vraisemblable-
ment obtint des représentants du peuple en mission
dans l'Ouest un arrêté ordonnant le transfèrement des
prisonniers à Alençon, en attendant que le Comité de
législation ait statué sur la demande qui lui était sou-
mise relative à la désignation d'un tribunal autre que
celui de la Mayenne pour juger les accusés. C'est seule-
ment le 30 prairial (18 juin) qu'intervint une loi (n** 6.478)
donnant satisfaction aux habitants de Laval :
« Le tribunal criminel du département de l'Orne
jugera les prévenus de crimes, d'assassinats, de vols,
— 448 —
de concussion, de dilapidations de deniers publics et
généralement de crimes et délits commis ou exercés
pour abus ou usurpation de pouvoirs dans le départe-
ment de la Mayenne, notamment dans la commune de
Laval, ensemble les complices des dits prévenus trans-
férés des prisons de Laval en celles d'Alençon par ordre
des représentants du peuple Guezno et Guermeur, etc. »
Les inculpés avaient été en effet transférés à Alençon
dès le mois de floréal *. C'est donc à Taccusateur public
de rOrne qu'incombait le soin de poursuivre l'affaire.
Celui-ci écrit à Midy le 5 messidor (23 juin), pour lui
demander de lui envoyer le dossier de l'affaire concer-
nant ces détenus.
Cependant Midy, déployant un zèle plutôt intempestif
en ce moment, continuait son enquête. Il avait entendu
encore plus de cent témoins et lancé des mandats
d'arrêt contre les membres du tribunal présidé par
Clément et ceux du premier Comité révolutionnaire.
Enfin son dossier est prêt et remis au tribunal criminel
et Garnier-Duféray procède à l'interrogatoire des incul-
pés, savoir, le 15 prairial Marie-Collinière et Pannard ^
(mandat d'arrêt du 12) ; le 18, Cliolet et Lemercier ; le
15 messidor, Pierre Boisard, fils jeune ; le 18, Louis-
Zacharie Thulot (mandat d'arrêt du 25 prairial), prêtre
marié, rentré dans le département d'Eure-et-Loire, dont
il était originaire, et arrêté par le lieutenant de gendar-
merie de Châteauneuf-en-Thimerais.
Mais le vent avait changé et cette instruction ne
parait pas avoir abouti. La réaction thermidorienne
avait subi un temps d'arrêt. On avait bien ordonné
l'arrestation de quelques Conventionnels les plus com-
promis, parmi lesquels Esnue-Lavallée. Mais la Con-
vention jugea prudent de s'arrêter. Si on eût continué,
un quart au moins de l'assemblée eût été emprisonné.
1. Lettre de Pottier, datée d'Alençon, le 20 floréal (8 mai 1794).
2. Clément parait s'être caché pour éviter les poursuites dirigées
contre lui, de même que Guilbert, Chédeville et plusieurs autres.
— 449 —
Les dénonciations affluaient. Trop de gens eussent été
condamnés dans les départements qui, pour se couvrir,
invoquaient les ordres des représentants du peuple en
mission. On décida donc, tout en paraissant vouloir
poursuivre les coupables, d'arrêter les instructions
dirigées contre eux, en attendant qu'une amnistie géné-
rale vînt les rendre à la liberté.
Les détenus d'Alençon, informés par leurs amis de
cet état d'esprit de la Convention, lui adressèrent une
pétition pour demander la suspension des poursuites
dirigées contre eux. Une loi (n® 6.703) du 17 thermidor
(4 août) fit droit à leur demande.
« La Convention nationale, sur la pétition ^ des
citoyens Mélouin, Le Roux fils, R. F. Bescher, Faur,
Auguste Garot, Juliot-Lérardière et Quentin, ex-fonc-
tionnaires publics du département de la Mayenne,
décrète la suspension de toute procédure qui pourrait
être dirigée contre eux et renvoie la dite pétition à son
Comité de législation pour lui en faire son rapport dans
trois jours. »
Nous ne savons quelle fut la réponse du Comité de
législation, mais la loi qui suspendait les procédures
commencées reçut son exécution. Les détenus restèrent
provisoirement en prison, jusqu'au moment où l'amnistie
du 4 brumaire an IV (26 octobre 1795), vint les rendre à
la liberté et annuler toutes les procédures dirigées con-
tre eux.
Pendant que Midy poursuivait son instruction contre
les terroristes, il s'était vu un instant sur le point de
perdre sa place. Le 25 germinal (14 avril 1795) un arrêté
de Baudran, confirmé par Guezno et Guermeur le
1. Nous sommes surpris de ne pas trouver sur cette pétition les
noms de Pottier et Saint-Martin-Rigaudière ; peut-être avaient-ils
été mis provisoirement en liberté pour cause de santé.
Suivant M. l'abbé Angot, Volcler aurait été arrêté le 12 lévrier
1795. Cependant nous ne trouvons aucune mention de son nom
dans la procédure, et dans sa lettre du 11 mars citée plus haut,
Midy le dit encore en fuite.
29
— 450 —
3 floréal suivant, avait une fois encore renouvelé les
autorités du département de la Mayenne. Les anciens
fonctionnaires destitués pour adhésion au fédéralisme
reprenaient les fonctions qu'ils avaient occupées autre-
fois. Moulin était replacé à la tête du tribunal cri-
minel et Basile reprenait la route de Craon, où il ouvrit
une étude de notaire. Midy aurait dû le suivre. Mais
Baguelin qui avait obtenu d^autres fonctions à Mayenne
et ne tenait peut-être pas à revenir de suite à Laval
pour s'occuper de la grosse affaire dite des terroristes,
préféra attendre un moment plus propice pour reprendre
son poste d'accusateur public et refusa les offres de
Baudran.
Midy resta donc en fonctions K Mais il comprenait
que sa situation n'était que provisoire. Aussi, en pré-
vision d'une destitution qu'il sentait prochaine, songea-
t-il à trouver une autre place qui lui permettrait de vivre
à Laval, n'ayant pas envie de rentrer à Craon, où quel-
ques souvenirs auraient pu le gêner et où plusieurs de
ses amis venaient d'être désarmés par ordre du repré-
sentant du peuple 2. H chercha donc à obtenir un
emploi dans les bureaux de l'Administration du Dépar-
tement et, comme toujours, il s'adresse à Plaichard-
Choltière pour le prier d'appuyer sa demande. Celui-ci
lui répond le 25 floréal, en lui annonçant qu'il est com-
pris dans le nombre des fonctionnaires de l'ancien
régime auxquels la Convention vient d'accorder une
1. Lettre de Basile du 30 thermidor (19 juillet), a On m'a appris
que tu es toujours en fonctions et que Baglin a été admis à opter
pour la place qu'il occupe à Mayenne. Je ne sais si je dois te faire
compliment sur cet événement. Pour moi je suis bien plus heureux
qu'à Laval. Je me suis présenté au district, en vertu du décret du
24 brumaire, et j'ai été admis à exercer mes fonctions de notaire, b
2. Chartier, agent national du district, nommé juge au tribunal
par Boursault, le 5 frimaire an III, venait d'être désarmé, sur
l'ordre de Baudran, dans la nuit du 29 au 30 germinal en même
temps que les deux Jamet, Yuillaume, Mériau, Le Secq, etc..
anciens membres de la Société populaire. Lettre de Chartier du
30 germinal.
— 451 —
pension et en même temps qu'il Ta recommandé à son
collègue Serveau ^ « J'ai communiqué ta lettre à mon
collègue Serveau qui m'a promis d'écrire à son frère ^
en ta faveur. Je ne crois pas qu'il soit difficile de l'inté-
resser pour toi. Il a l'âme bonne et sensible à la recon-
naissance. »
Il s'agissait évidemment de la place de chef du
bureau de la liquidation des créances des émigrés au
Département qui fut en effet accordée à Midy vers cette
époque 3, aux appointements mensuels de 297 livres
10 sols, outre les indemnités fixées par le Comité des
finances.
Ses embarras n'étaient pas terminés pourtant. La
pension qu'il réclamait depuis 1790 lui avait bien été
accordée, mais il ne pouvait en jouir, faute d'avoir
produit utilement certaines pièces. Il avait encouru la
déchéance et un long temps devait encore s'écouler avant
qu'il fût admis à en toucher les termes *. Et voilà qu'il
apprend qu'une dénonciation contre lui a été adressée
au Comité de Sûreté générale, sans doute par quelque
compétiteur évincé ou par des partisans des Jacobins
poursuivis. Cette fois encore il a recours à Plaichard-
Choltière qui le rassure dans une lettre du 25 prairial.
« Tu es informé vraisemblablement que l'on n'a point
trouvé au Comité de Sûreté générale la dénonciation faite
1. Serveau (François), dit Touchevalier, né vers 1749, avocat à
Evron, nommé député à la Convention, puis au Conseil des Cinq-
Cents, dont il sortit en l'an V, mort le 7 avril 1826.
2. Serveau (René-Jean-Baptiste), dit Touchebaron, né à Evron le
2 septembre 1740, juge civil et criminel de cette ville avant 1789,
nommé membre du département de la Mayenne, destitué par
Esnue-Lavallée pour fédéralisme, rétabli dans ses fonctions le
13 floréal an III par Guezno et Guermeur.
3. Lettre de Chartier du 10 messidor an III (28 juin 1795) et
Arch. de la Mayenne, L, délibérations du département, reg.
n» 46, fol. 107 ro.
4. D'après une lettre de Plaichard-Choltière du l»' brumaire
an V (22 octobre 1796), Midy n'avait pas encore à cette époque tou-
ché sa pension, en raison de la déchéance encourue par lui.
— 452 —
contre toi. Je ne sais ce qu'elle est devenue. Serveau,
Ducléré ^ et moi nous avons fait la recherche à plusieurs
reprises sans pouvoir la découvrir nulle part. » Cette
dénonciation parait n'avoir eu aucune suite et Midy
resta en fonctions jusqu'au mois de brumaire an IV.
Pendant les derniers mois de l'an III, il semble avoir
cumulé ses fonctions d'accusateur avec celles de chef du
bureau de liquidation au Département, en prévision sans
doute du moment où les premières lui seraient retirées.
Plaichard-Choltière dans une lettre du 24 fructidor se
plaint de ne plus recevoir de ses nouvelles. « Je ne
savais à quoi attribuer un si long silence, si ce n'est à
l'immensité des affaires dont tu as dû être accablé,
ayant deux postes aussi importants et embarrassants à
remplir. » Midy était un laborieux, mais c'était malgré
tout beaucoup de besogne pour un seul homme et l'on
comprend qu'il ait négligé de tenir note des affaires
dont il fut chargé à cette époque, sauf un petit cahier
où il mentionne simplement le jugement de plusieurs
voleurs ou faussaires.
(A suwre), E. Queruau-Lamerie.
1. Sans doute Paillard-Ducléré (François), ancien fermier des
Octrois de Laval, détenu sous la Terreur et élargi le 25 juin 1794.
Nous ne voyons pas en quelle qualité il put prendre part à ces
recherches.
DES RAPES A TABAC
Le tabac fut introduit en France vers 1561, sous forme
de tabac à priser, par Tambassadeur Nicot de Yillemain.
En ayant usé en Portugal, il pensa faire acte de bon cour-
tisan en offrant à la reine Catherine de Médicis le pre-
mier paquet de tabac importé dans notre pays. La reine
prit goût à cette poudre, en deiânt même enthousiaste,
la mit en vogue, et dès lors tous les courtisans usèrent
à qui mieux mieux de la poudre de la reine. Tel fut le
premier nom donné au tabac à priser.
Mais dès le début il fallut songer à transformer en
poudre le tabac qui était importé sous forme de carottes^
c*est-à-dire de longs rouleaux soigneusement ficelés et
que Ton coupait en morceaux. C'est alors que parurent,
au commencement du xvii® siècle, les râpes à tabac.
Ces râpes se composaient d'une valve elliptique assez
allongée dans la concavité de laquelle était insérée une
râpe métallique plate rappelant la râpe à fromage qui
sert dans nos cuisines. C'est sur cette râpe métallique
que les priseurs pulvérisaient leur carotte de tabac. Ils
avaient ainsi l'avantage d'avoir toujours du tabac frais
ne le râpant qu'au moment de priser.
C'est à tort que certains auteurs prétendent que les
râpes à tabac furent importées de Strasbourg, vers 1690,
par des soldats ou grivois d'où le nom de grivoises donné
aussi aux râpes à tabac. Ce nom peut dater de cette
époque; mais l'objet existait en France depuis le com-
mencement du siècle. D'autres auteurs prétendent que le
nom de grivoise aurait été donné en raison de certains
— 454 —
sujets légers ou grivois représentés sur les râpes ; mais
nous n'avons rencontré que très peu de râpes ainsi ornées
et nous ne pensons point que ces exceptions aient pu faire
généraliser cette appellation.
Vers le milieu du xviii* siècle, Tusage de la râpe à tabac
commença à disparaître. Déjà à cette époque les fermiers
de tabac vendaient du tabac tout râpé et nous trouvons
dans certains inventaires la mention : Machines à râper ^
moudre et tamiser plusieurs bouts de taba^ à la fois.
La vente du tabac râpé rendait inutile l'emploi de la râpe
à tabac. Cependant, malgré les mesures énergiques qui
furent prises, certains débitants ne se faisaient pas faute
d'ajouter au tabac râpé force autres matières. Aussi les
raffinés continuèrent -ils à faire usage de la râpe. Au
xix* siècle, le roi Louis XVIII fut un des derniers à s'en
servir. Dans quelques contrées cependant l'usage de la
râpe persista jusque vers 1850 et, à cette époque, on
s'en servait encore dans le Jura et en Auvergne.
C'est alors qu'une ère nouvelle s'ouvrit pour les râpes
à tabac qui, d'objets d'usage courant, devinrent objets
de collection. Nous en trouvons dans presque tous les
musées et dans nombre de cabinets. En effet, cette valve
dont nous avons parlé et qui contenait la râpe en fer,
était faite en diverses matières et plus ou moins ornée,
selon le rang et la fortune de son propriétaire. Les
unes, assez simples de travail et même grossièrement
sculptées, sont néanmoins intéressantes et nous prouvent
que l'usage du tabac à priser existait dans toutes les
classes de la société. Ainsi, nous en rapportant aux
attributs professionnels qui les ornent, nous pouvons
citer : un jardinier, un maréchal-ferrant, un chapelier,
etc., comme propriétaires de certaines râpes. Les autres,
et ce sont surtout celles qui nous sont parvenues, étaient
des plus richement décorées et le travail qui les enjo-
livait leur a donné droit d'entrée dans les collections.
Les râpes ont été faites principalement en bois et en
ivoire ; mais l'écaillé, l'émail de Limoges, le fer, le cuivre,
— 455 —
l'onyx, Tagate, la laque, l'argent, Tor ont été aussi em-
ployés pour leur fabrication. Au xviii* siècle, nous trou-
vons même des râpes en paille comme, à cette époque,
on aimait faire des menus objets. En Allemagne, il a été
fabriqué des râpes montées sur des bois de cerf et, en
Russie, d'autres furent faites en os de morse, probable-
ment à Arkangel, où ce genre de travail était exécuté. Il
a été fait aussi des râpes en faïence, le plus souvent de
Rouen ; mais il ne nous en est parvenu qu'un très petit
nombre. Les musées de Cluny, de Rouen et quelques
rares collections en possèdent. Ces râpes datent de la
fin du règne de Louis XIV, vers 1689, moment où le roi
décida de se mettre en faïence, comme l'écrit Saint-
Simon. Les râpes d'argent et d'or ne nous sont pas par-
venues, ayant été fondues très probablement. Nous n'en
avons trouvé dans aucun musée et l'indication nous en
est simplement donnée par divers documents.
Nous avons dit que les râpes étaient presque toutes
de forme allongée et de dimensions semblables, environ
20 centimètres de long et 6 centimètres de large, mais
l'imagination de certains ouvriers a quelquefois modifié
cette forme. Les uns ont fait des râpes doubles munies
de couvercles qui se rabattaient sur la râpe de fer et
permettaient de placer plus facilement la râpe dans la
poche de l'habit. Les autres munissaient la râpe à l'une
de ses extrémités d'une tabatière dans laquelle s'écou-
lait le tabac râpé. L'existence de ces tabatières facilitait
la tâche du priseur qui autrement devait avoir une
tabatière distincte, ou, avec l'habitude, ne râper que la
quantité de tabac qui lui était nécessaire et qu'il faisait
glisser par secousse dans le creux qui se forme sur la
main à la base du pouce et de l'index lorsque ceux-ci
sont étendus et écartés. D'autres enfin fabriquaient des
râpes selon le goût ou la profession de leurs clients.
C'est ainsi que nous trouvons des râpes en forme de
poisson, de bateau, de violon, de guitare, de botte ou de
sabot. Mais ce ne sont là que des exceptions, et les râpes
— 456 —
sans couvercle, à la grille apparente, furent les plus nom-
breuses. Ces râpes devaient être plutôt utilisées chez soi
que mises dans la poche, et le fait que toutes les râpes
en émail, matière essentiellement fragile, sont sans cou-
vercle, tendrait' à prouver cette hypothèse. Nous avons
entendu parler de râpes pourvues d'un compartiment
pour renfermer la carotte, mais nous n'en ayons rencon-
tré dans aucun musée ; les priseurs devaient mettre leurs
carottes de tabac, ainsi que leurs râpes, dans une des
deux grandes poches de Thabit. Signalons encore des
râpes de petit modèle qui devaient être des râpes de
dames, car les dames prisaient aussi. M'"* de Simiane,
petite-fillê de M™* de Sévigné, chargeait son amie,
jyjme d^uffé, de lui cuvoycr des carottes de tabac; et la
princesse Palatine, dans des lettres écrites en 1712 et
1715, déplorait cet usage en voyant « toutes les femmes
avec le nez sale » .
La décoration des râpes à tabac fut variée à Tinfini
et, comme nous le disons plus haut, les plus nombreuses
et les plus intéressantes à examiner sont en bois et en
ivoire.
Toutes les essences de bois ont été employées à la
fabrication des râpes : chêne, noyer, bois fruitiers, bois
des îles, etc., mais c'est surtout en buis que furent faites
les plus belles, la qualité de ce bois se prêtant mieux à
de fines sculptures.
Presque toutes les râpes en bois furent fabriquées en
France et en Allemagne. Les râpes allemandes se recon-
naissent à. un manque absolu de caractère artistique;-
longues, étroites et légèrement courbes, elles sont ornées
de motifs décoratifs presque toujours faits d'incrusta-
tions de nacre, d'ivoire ou de cuivre. En France furent
fabriqués les plus beaux spécimens des râpes en bois.
L'on attribue à Bagard nombre de râpes du xvii* siècle;
mais, nous basant sur les études de M. Wiener, l'érudit
conservateur du musée de Nancy, nous estimons que
Bagard n'a jamais dû s'adonner à la confection des râpes
Râpe à tabac (xviii' siècle .
(Musée de Laval. — Invent, n" 102).
Râpe à tabac (fer damasquiné, xvii* sièclo).
(Musée de Laval. — Invciit. ii" '*<)).
■fj-"-
m
— 457 —
à tabac. Certes en Lorraine, soit dans les ateliers de
Lupot, de Mirecourt, soit dans les nombreux couvents où
Ton travaillait les bois dits de Sainte-Lucie, des râpes
ont été fabriquées en masse ; mais cette fabrication s'était
étendue dans toute la France et il existait à Paris plu-
sieurs ateliers d'où sont sorties des râpes et non des
moins belles.
Les râpes en bois sont ornées avec une diversité
innombrable. Les unes représentent les armes royales ;
d'autres, datées de l'année de la naissance d'un dauphin,
figurent ses armoiries, d'autres encore rappellent les
armes de certaines villes. Mais c'était là des râpes ba-
nales, des râpes achetées toutes faites. Les râpes les
plus belles sont ornées des armoiries de leur propriétaire
et c'est parmi elles que nous trouvons de véritables chefs-
d'œuvre de petite sculpture.
La collection Alain, que l'on put admirer à l'exposi-
tion de 1900 à la rétrospective des manufactures de tabac,
nous offrait une remarquable série de râpes en buis. Les
unes représentaient des sujets religieux : la »Crèche et
les Rois Mages, le Baptême du Christ, saint Pierre,
saint Nicolas. D'autres étaient ornées d'armoiries,
d'autres encore portaient des devises.
Les devises ont joué un rôle assez important dans
l'ornementation des râpes en bois. Pour la plupart,
c'étaient des devises d'amour. Ces devises, qui presque
toujours entouraient des cœurs, nous font penser que
les râpes ainsi ornées étaient des cadeaux de mariage et
formaient la réponse au peigne que tout fiancé, au xvii*
siècle, donnait à sa fiancée. Sur une des râpes qui figu-
raient dans la collection Alain nous voyons la devise :
Fidélité mérite amour entourant une dame, en costume
de cour d'époque Louis XIV, caressant un chien; sur
une autre râpe très finement sculptée et ornée d'armoi-
ries cette devise : Amour hait orgueil entourant un
amour qui marche sur la queue d'un paon. D'autres por-
tent des devises plus simples : Je soupire pour vous^
— 458 —
Unis jusqu'à la mort^on encore : Je ne suis pas double
entourant un cœur enflammé. Cette dernière devise orne
une râpe des plus curieuses en forme de crécelle.
Les sculpteurs sur bois s'inspirèrent aussi pour la dé-
coration des râpes des fables de La Fontaine, des per-
sonnages de la comédie italienne, de scènes de chasse;
certains même fabriquèrent la râpe satirique, telle que
celle représentant un docteur et un âne s'embrassant
avec autour la légende : Similis simili gaudet. Des orne-
ments purement décoratifs enjolivent certaines râpes;
pour beaucoup les ouvriers se sont inspirés des motifs
de Bérain, et ainsi nous sont parvenues quelques pièces
belles de style et de travail.
Parmi les musées possédant de jolies séries de râpes
en bois nous citerons ceux du Louvre, de Cluny, d'Or-
léans, de Bourges, de Boulogne-sur-Mer, du Mans, de
Lille, d'Angers, de Saint-Pétersbourg et de Kensington
muséum (Londres), etc., etc.
Etudions maintenant les râpes en ivoire que nous ren-
controns aussi nombreuses et aussi variées que celles en
bois. Sur elles point de devises. La forme générale est
presque toujours la même, mais nous ne trouvons pas,
parmi les râpes en ivoire, les formes variées et fan-
taisistes que nous avons signalées pour les premières.
Néanmoins nous connaissons quelques râpes en ivoire
en forme de bateau et nous avons souvent rencontré
une forme de râpe qui n'existe qu'en ivoire. Nous vou-
lons parler des râpes représentant des personnages
découpés. Dans ces râpes, la tête du personnage est
traversée par un conduit qui servait à écouler le tabac
râpé, conduit fermé par un bouchon d'ivoire ou d'argent.
Ces râpes représentent des personnages mythologiques :
Junon, Mercure, Jupiter , Mars; des personnages allé-
goriques : les Colonies, des Acteurs de la comédie ita-
lienne, des Suiveurs, des Moines. Les râpes en ivoire
de forme ordinaire nous sont parvenues en plus grand
nombre. Pour la plupart, elles ont été fabriquées à Paris
— 459 —
et à Dieppe où les ateliers étaient très renommés à cette
époque. Bien qu'on puisse faire à ces ateliers le reproche
d'avoir reproduit presque toujours les mêmes dessins, ils
ont exécuté parfois de fort belles pièces qui sont main-
tenant pour notis des spécimens très précieux de Tart
de l'ivoirerie aux xvii« et xviii* siècles.
Presque toutes les râpes en ivoire sont décorées de
personnages ou de groupes. Les sujets qui ont le plus
inspiré les ivoiriers d'autrefois furent des scènes ga-*
lantes : le Baiser de la Villageoise, Seigneur offrant
une bourse à une jeune femme; des scènes bucoliques :
Berger couronnant une bergère. Berger jouant de la
flûte ; des personnages allégoriques : les Colonies,
la Victoire; des scènes tirées des contes ou des fables
de La Fontaine : le Cuvier, le Meunier, son fils et l'âne,
des Musiciens, des Acteurs de la comédie italienne et
surtout des personnages mythologiques : Vénus, Diane,
Pomone, Jupiter, Vulcain et Phaëton. Parmi les râpes
en ivoire nous en avons trouvé quelques-unes à sujets
grossiers plutôt que grivois. Les buveurs, les fumeurs
ont été d'une grande ressource pour les ivoiriers dans
l'ornementation des râpes. Ce sont ces sujets qui ont fait
penser à certains auteurs, mais à tort à notre avis, que
ces râpes devaient être de fabrication flamande.
Les sujets religieux ont peu inspiré les ivoiriers; nous
signalerons néanmoins, au musée de Dieppe, une jolie
râpe représentant la scène de l'Annonciation.
D'intéressantes séries de râpes en ivoire se trouvent
dans les musées de Cluny, d'Orléans, de Poitiers, de
Berlin, de Bruxelles, de Londres (collection Wallace) et
dans nombre de collections particulières. Dans celle de
M"' Alain nous avons remarqué notamment une fort
belle râpe en ivoire peint représentant le Triomphe de
Vénus et constituant un spécimen unique, à notre con-
naissance, parmi les râpes parvenues jusqu'à nous.
Mais, en dehors des râpes en bois et en ivoire, les
râpes en fer méritent aussi de fixer notre attention.
— 460 —
Presque toutes les râpes intéressantes faites en cette
matière sont en fer damasquiné d'or et d'argent. Elles
ont ordinairement la forme de celles que nous pouvons
admirer au musée de Laval. Les sujets qui les ornent
sont toujours dans le même esprit : ccéur avec devise
d'amour, personnages bibliques : Estker, Judith^ rin-
ceaux Louis XV, guirlandes de fleurs et ornements
Louis XVI. Des râpes ayant appartenu à des chasseurs
sont ornées de têtes de cerfs. D'autres en forme de pois-
son, les unes unies, les autres damasquinées d'argent
pour simuler les écailles, ont dû être destinées à de fer-
vents pêcheurs.
Les jolies râpes en fer sont peu nombreuses. La collec-
tion de ferronnerie Le Secq des Tournelles, actuellement
exposée au musée des Arts Décoratifs de Paris, en offre
plusieurs beaux spécimens ; mais rares sont les musées
en renfermant même une seule intéressante. Nous pou-
vons citer ceux de Dijon, de Compiègne, de Langres et
de Laval.
Parmi les recherches que j'ai faites dans les divers
musées, il m'a été donné d'étudier le joli ensemble des
râpes à tabac du musée de Laval. Elles sont au nombre
de six :
L'une (Invent. n° 102) double, en noyer sculpté, est
ornée sur son couvercle des armes de la famille de la
Roussardière, famille de la Mayenne à laquelle M. l'abbé
Àngot a consacré un article des plus intéressants dans
son Dictionnaire de la Mayenne (t. III, pp. 363-364).
Cette râpe, qui provient de la collection Bourgneuf et a
figuré, à juste titre, à l'exposition rétrospective de 1900,
est un des beaux spécimens de la fabrication française.
Une autre râpe (Invent, n® 46), double également, est
en fer damasquiné d'or et d'argent. D'époque Louis XIV,
elle est richement décorée. Sur son couvercle, au centre,
dans un médaillon, est figurée une femme appuyée sur
Hàpe h tabac (hois vt ivoire, xviii* siècle).
(Musf'e de F. aval. — Inveiit. ri" 1128).
■■/
Râpe à tabac [ter, xviii* siècle).
(Musée de Laval. — Invenl. n® 1305).
^
— 461 —
une ancre. Au-dessous de cette allégorie la devise : Je
me repose sur la constance. Au revers, dans un médail-
lon central, est représenté le buste de Minerve, Des
pièces analogues et aussi bien conservées sont rares.
Cette râpe supporte aisément la comparaison avec celles
^de la collection Le Secq des Tournelles que nous men-
tionnons ci-dessus.
Le musée de Laval en possède une autre (Inv. 1302)
en fer damasquiné, double comme la précédente, mais
dont les ornements ont malheureusement disparu sous
les effets nocifs de la rouille. Une quatrième (Inv. 1305),
en fer également, de forme étroite et allongée, est ornée
de rinceaux dorés ; elle n'avait pas de couvercle.
La cinquième râpe (Inv. 1128) de forme oblongue, en
bois gravé, est ornée sur les côtés de colonnettes torses
en ivoire ; elle tire son originalité de ce qu'elle est munie
de quatre petites roulettes en ivoire, ce qui permettait
de la poser sur une table et de la déplacer facilement.
Le couvercle à glissière est orné de rinceaux et porte la
date de 1740. De fabrication allemande, des râpes de
ce modèle existent dans des musées étrangers (South
Kensington muséum de Londres, Bruxelles, Francfort-
sur-Mein), mais sont rares dans les musées français.
La dernière râpe (Inv. 2034) est en bois fruitier,
toute unie, mais intéressante dans sa simplicité, car
elle montre bien que jadis chacun avait sa râpe, depuis
les plus riches jusqu'aux plus humbles.
Je suis heureux d'avoir pu admirer ces belles pièces
grâce à l'obligeance de M. Œhlert, le distingué conser-
vateur du musée de Laval. Et je n'ai pu résister au plai-
sir de décrire ces objets si étroitement liés à la vie de
chacun aux xvii^ et xviii* siècles et qui font revivre à
nos yeux tout un passé de patience et de raffinement, car
si cette coutume était encore en usage, qui se donnerait
la peine et prendrait le temps de râper son tabac !
M. Alaret.
TABLEiC DE LA PROVINCE W UfflE
1762-1766
(Suite)
Nous avons, dans le dernier numéro du Bulletin^
adressé à nos lecteurs éventuels une question au sujet
d'un manuscrit cité, sans référence aucune, par feu notre
collègue M. Chardon. Nous n'avons reçu aucune réponse.
Nous prenons donc la liberté de poser à nouveau la
demande que nous faisions au mois de septembre der-
nier et de prier nos collègues de nous dire, s'ils le peu-
vent, où se trouve le Mémoire écrit, en 1748, par l'inten-
dant Savalette de Magnanville, « intitulé Election du
Maine, 127 feuillets in-folio, relié en veau plein * »,
1. H. Chardon : Voyages et Voyageurs dans le Maine, p. 10,
note.
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CHARTES DE FONTAINE-DANIEL
(Suite).
XXII
1220, 20 mai. Viterbe. — Confirmation par le pape Hono-
rius III des biens de Fontaine- Daniel,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 26 r<».
Grosse-Duperon, Cartulaire de Fontaine-Daniel, p. 124, n® en.
Si qua igitur in futurum ecclesiastica secularisve persona
hanc nostre constitutionis paginam sciens contra eam temere
venire tentaverit, secundo tertio ve commonita, nisi reatum
suum congrua satisfactione correxerit, potestatis honorisque
sui careat dignitate reamque se divino judicio existere de
perpetrata iniquitate cognoscat et a sacratissimo corpore
ac sanguine Dei et Domini nostri Jesu Christi aliéna fiât
atque in extremo examine districte subjaceat ultioni ; cunc-
tis autem eidem loco sua jura servantibus sit pax Domini
nostri Jesu Christi, quatenus et hic fructum bone actionis
percipiant et apud districtum judicem premia eternœ pacis
inveniant. Amen. Amen. [Datum Viterbii, per manum Guil-
lelmi, sancte Romane ecclesie vice cancellarii, duodecimo
kalendas junii, indictione octava, anno incarnationis domi-
nice millesimo ducentesimo vigesimo], pontificatus vero
domini Honorii pape tertii anno quarto.
XXIII
1220. — Donation par Juhel de Mayenne d'un coin de terre
et de boiSy sis entre Saint-Georges-Buttaçent et la forêt
de Mayenne, avec l'autorisation de construire un chemin
— 472 —
fieffé à travers la foret et de creuser un étang, pour
V amélioration du bourg de l'abbaye.
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 29 r».
Noverinl universi tam présentes quam posteri quod ego
Juhellus, Meduane et Dinani dominus, pro salute anime
mee et antecessorum et successorum meorum, dedi Deo et
béate Marie et abbatie mee de Fonte Danielis et monachis
ibidem Deo servientibus, in perpetuam eleemosynam, quem-
dam angulum nemoris et terre, qui est inter terram Sancti
Georgii examplatam et magnam forestam, sicuti ri vus fontis
domini Auberti usque in Anvorie aquam et sicut rivus
Anvorie usque ad veterem pontem Sancti Geoi^ii illum
dividit a foresta. Preterea concessî dictis monachis, ad
meliorationem burgi eorum quod construxerunt in prefata
terra prope forestam, quod cheminum feodatum facerent per
forestam meam ita quod per médium dicti burgi tenderet,
et alterum cheminum, quod erat inferius. remaneret et in
perpetuum obstrueretur. Dcdi etiam prefatis monachis
quamdam plateam ad unum stagnum faciendum in eadem
aqua Anvorie prope dictum burgum monachorum quantum
in longum et in latum extendere se poterit aqua stagni.
Dedi insuper hominibus in supradicto burgo manentibus
illam quittantiam et liberlatem in foresta mea quam
habebant homines monachorum in burgo Sancti Georgii
manentium illo tempore quo dictum burgum monachi con-
struxerunt. Insuper dedi prefatis monachis in eodem burgo
quasdam nundinas in festo sancti Luce annis singulis con-
gregandas libéras ab omnibus que mihi pertinent et qui-
etas, excepto quod in eisdem nundinis duodecim denarios
capiam annuatim et ideo dictas nundinas teneor custodire.
Ut autem hoc ratum et stabile et ut in perpetuum firmius
teneatur, ego Juhellus, Meduane et Dinani dominus, presen-
tem chartam sigilli mei testimonio coufirmavi. Actum anno
gratie M* CC» XX^
XXIV
1220. — Donation par Juhel de Mayenne d'un marché au
bourg de Saint-Georges-BuCtavent et de foires au même
lieu.
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 29 r».
Noverint universi tam présentes quam posteri quod ego
Juhellus, Meduane et Dinani dominus, pro salute anime
— 473 —
mee et antecessorum et successorum meorum, dedi Deo et
béate Marie et abbatie mee de Fonte Danielis et monachis
ibidem Deo servientibus, in perpetuam eleemosynam, in
burgo Sancti Georgii nuncupato de Boutavent, mercatum
ibidem qualibet die martis annis singulis ibidem congregan-
dum, et etiam quasdam nundinas in festo sancti Lucse
annis singulis ibidem congregandas, libéras ab omnibus que
ad me pertinent et quietas ; et ideo dictum mercatum et
diclas nundinas teneor custodire. Ut autem hoc ratum et
stabile et ut in perpetuum firmius teneatur, ego Juhellus,
Meduane et Dinani dominus, presentem chartam sigilli mei
testimonio feci confirmari. Actum anno gratie millesimo
ducentesimo vicesimo.
XXV
1226. 25-31 mars. — Confirmation par Dreux de MellOy
seigneur de Mayenne et de Loches ^ de diverses donations
faites par Juhel de Mayenne,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 32 yo.
Universis Christi fidelibus presentem paginam inspec-
turis Drocho de Melloto, dominus Meduane et Locharum,
salutem in Domino. Universitati vestre notum facio quod
cum controversia versaretur inter me, ex una parte, et
abbatem et monachos Fontis Danielis, ex altéra, super qui-
busdam eloemosynis, donationibus, acquisitionibus et liber-
tatibus a defuncto Juliello prcdecessore nostro, quondam
domino Meduane, fundatore ecclesie béate Marie Fontis
Danielis, predictis monachis pro salute anime sue et ante-
cessorum et heredum suorum in puram et perpetuam elee-
mosynam collatis, tandem * in presentia venerabilis patris
Mauritii Cenomanensis episcopi constituti, ad pacem deve-
nimus * in hune modum quod ego confirmo et approbo
omnes eleemosynas, donationes, acquisitiones et libertates
a dicto Juhello predictis monachis collatas, prout in chartis
ejusdem Juhelli quas habent dicti monachi continetur in
bec verba :
In nomine sancte et individue Trinitatis, ego Juhellus, de
Meduana et Dinano dominus, notum facio omnibus presen-
1. Tamen in codice.
2. Debemus in codice.
— 474 —
tibus et posteris preseniem paginam inspecturis vel auditu-
ris quod ego, pro salute anime mee. patris mei et matris
mee et uxoris mee Gervasise et omnium antecessorum et
heredum meorum, dedi in puram et perpetuam eleemosy-
nam et concessi Deo et béate Marie et abbatie mee de Fonte
Danielis et monachis ibidem Deo servientibus , ipsum
locum ubi si ta est abbatia, et nemora de Saleto et de Poyl-
leio cum omnibus pertinentiis eorumdem, et duo stagna facta
in Anvoria et totum parcum meum de Meduana, et totam
terram que fuit Raginaldi Falconarii, insuper et terram et
homines de Loreia cum omni nemore suo usque in aquam
d'Arum et aliis pertinentiis suis. Dedi etiam dicte abbatie
terram ubi situm est burgum novum monachorum cum sta-
gno subjacente et cheminum per idem burgum, perpetuo
feodatum, insuper et terram et homines de Chauvoneria et
de Cepeleria et de Rupe Freemborc. Dedi etiam prefatis
monachis molendina mea de Meduana cum molta eisdem
molendinis pertinente et totam aquam meam de Meduana
que incipit a ponte Meduane versus vadum de Brives, cum
piscariis quas in eadem aqua habebant. Item dedi iisdem
monachis grangias de Alodio, de Champoio et de Gaudine-
ria cum Salice Raginaldi, et plateam unam ad stagnum
faciendum in haya de Bleine, insuper et terram que est inter
abbatiam et parcum quem emi ab Huberto d'Andoileio. Item
dedi eisdem monachis omnes cohuas meas de Meduana, cum
pertinentiis earumdem, ita quod nil potero in postcrum
facere vel heredcs mei pro quo redditus earum minuatur.
Dedi etiam ad opus pauperum porte abbatie decimam par-
tem totius mei redditus de Fossaloven et de Groleio, tam
in blado quam in nummis, insuper et duas partes décime
bladi parrochie Sancti Albini et quandam mazuram in qua
habebunt monachi unum hominem liberum ab omnibus que
ad me pertinent et quietum. Dedi etiam eisdem monachis
apud Gorrum Georgium de Gorram et heredes ejus, apud
Herveriam Radulphum Le Cirer et Michaelem de Mota et
IIa[mel]inum Menard et Christianum * Britonem et heredes
eorum, apud Meduanam Robinum de Andegavia et Stepha-
num Beslu et heredes eorum, apud Carcerem Joannem Pipe-
rarium et heredes ejus, liberos ab omnibus que ad me perti-
nent, et triginta sextarios frumenti apud castrum Carceris.
Item dedi dictis monachis quicquid habebam in Normania,
videlicet maneria mea de Re villa et de Fonteneto Paganelli et
1. Xanum in codice.
— 475 —
de Moschamps, cum omnibus pertinentiis eonimdem. Dedi
etiamassensuGervasie uxoris mee Vuillermum filium Ordene
et Gaufridum Balot apud Divam * cum coheredibus eorum
liberos et quietos et sexaginta solidos cenomanensium *
perpetui redditus in auxilio de Romilleio. Item dedi eisdem
monachis et concessi medietariam de Burgo novo cum prato
quod est in foresta eidem medietarie pertinente, insuper et
pratum quod fuit domini Galterii de Meduana. Dedi etiam
eisdem pratum de Marcilleio cum pertinentiis suis et quen-
dam redditum sotularium ad usus pauperum portae, quod
vulgaritep coutagium nuncupatur. Fecerunt etiam prefati
monachi plures acquisitiones in terra mea a pluribus fideli-
bus tam emptione quam eleemosyna, in quibus dedi eis in
eleemosynam quicquid juris habebam in illis acquisitionibus,
prout in munimentis, que super hoc habent de me, plenius
continetur. Item dedi eis in omnibus forestis meis usagium
suum videlicet nemus vivum ad sedificandum et mortuum
ad calefaciendum, et pasturam et lecteriam et de suis pro-
priis porcis pasnagium. Dedi etiam libertatem et quitan-
tiam eis et hominibus eorum per totam terram meam, tam
Cenomanie quam Britannie, et ut emendo et vendendo et
transeundo liberi sint et immunes et propriarum rerum
suarum passagiis ad me pertinentibus et coustumiis.
Sciendum vero est quod si aliquis hominum monachorum
aliquid forifecerit pro quo, secundum terre judicium, mem-
brum vel vitam mereatur amittere, meum erit de eo judi-
cium et justitiam facere. ita quod res illius hominis prefatis
monachis ex integro remanebunt. Volo etiam et precipio ut
hsec omnia supradicta in pace teneant et possideant prefati
monachi et ut his omnibus ad majorem domus sue utilita-
tem possent uti prout melius sibi viderint expedire. Ut
autem hoc firmius teneatur, presentem chartam sigilli mei
munimine confirmavi.
Universis Christi fidelibus presens scriptum inspecturis
Juhellus de Meduana, Dinani dominus, salutem. Noverit
universitas vestra quod cum abbatie mee de Fonte Danielis
in fundatione sua nemora de Saleto et de Poylleio, que erant
dominica mea sine alterius parte, totum parcum meum de
Meduana, cum eorumdem pertinentiis, ita quod monachi
dicte abbatie nemora de Saleto et de Poylleio in terram ara-
bilem redigere non possent, pasturam et lecteriam in foresta
1. Dinam in codice.
2. Cœnomanenses in codice.
— 476 —
mea, vivum etiam nemus ad aedificia dicte abbatie cons-
truenda et reparanda cum ostensione servientis mei, et
mortuum nemus ad focum, pro salute anime mee, patris [mei]
et matris mee, antecessorum et heredum meorum nec non et
Gervasie uxoris mee, in puram et perpeluam eleemosynam
ego dedissem, volens tamen postea dicte abbatie mee, cum
essem in procinctu itineris de Angb'a cum domino rege
Francorum, ampliare donationes et declarare libertates, dedi
et concessi dicte abbatie monachis quod Saletum et Poyl-
leium cum eorumdem pertinentiis in terram arabilem rédi-
gèrent et traderent cultoribus, si hoc sibi utile judicarent.
Augmentavi insuper et dedi dicte abbatie mee monachis in
omnibus forestis, nemoribus et hayis meis usagium ad opus
ipsius abbatie et omnium domorum suarum et rerum sua-
rum, ubicumque sint, sine aliqua ostensione alicujus ser-
vientis mei. Dedi etiam dictis monachis, si * aliquando
eveniret quod cum auxilio meo ipsi Buronem de Erqueneio
acquirerent a Gaufrido de Erqueneio ad grangiam facien-
dam, in augmentationem illius grangie omnia plana Mobt,
sicut mete ea dividunt a foresta. Preterea sciendum est
quod si aliquis hominum monachorum de alto burgo Sancti
Georgii de Boutavent et de medietaria burgi novi qui illud
jus habent in foresta mea ad vivum nemus ad œdificandum
et ad mortuum ad ardendum (quod habent burgenses mei de
Meduana) capiclur ad forifactum in foresta mea. purgabit se
in curia monachorum sicut facerent burgenses mei in curia
mea, et si aliquis de dictis hominibus vel de aliis hominibus
monachorum, de quolibet loco sit, de forifacto foreste mee
vel de qualibet alia re judicio convictus fuerit, monachi
emendam si voluerint habebunt et mihi restaurabitur dam-
num meum. Adhuc ego volens dicte abbatie mee plus
declarare libertiUes, concessi eisdem monachis quod si
aliquis hominum eorumdem placitabit in curia mea de illis
que non sunt de feodo eorum cum homine meo vel extraneo
et convictus fuerit vel se pacificabit, de eo emendam habe-
bunt monachi sicut haberent, si placitaret in curia ipsorum.
Sane concessi monachis abbatie mee quod ipsi in terris et in
feodis eorum et in omnibus manentibus tam aubenis quam
feodatis in ipsis terris, et in cohuis et in omnibus earumdem
plateis sicut sunt extra porticus burgensium Meduane,
excepto quod habebo die mercatus mei et nundinarum mea-
rum et tenebo curias et placita que evenient in cohuis vel in
1 . Ut si in codice.
— 477 —
earumdem plateis, exceptis câusis que eveniunt occasione
cohuarum et exceptis omnibus causis hominum monacho-
rum que pertinent ad monachos, habeant tantum jus, tantam
potestatem, tantam franchisiam quantum jus, quantam
potestatem, quantam franchisiam habeo in terra mea domi-
nica, excepte quod tenebo bella hominum monachorum de
illis rébus de quibus secundum humanum judicium débet
homo amittere membrum vel vitam et cathalium, et emen-
dam habebunt monachi illorum qui convicti fuerunt et etiam
de meo homine si placitabit coram ipsis ; in omnibus chemi-
nis, viis et semitis euntibus per terram monachorum con-
cessi eisdem quicquid juris habebam, excepto forifacto
coustumie mee, ab omnibus transeuntibus. In quocunque
vero loco homo dictorum monachorum vel aubenus vel
eorum serviens vel res ipsorum capientur in terra mea vel
arrestabuntur, de ipsis habebunt monachi curiam ; similiter
monachi de omnibus causis suis tenebunt curiam, exceptis
illis bellis de quibus débet homo perdere membrum vel
vitam, et tamen monachi habebunt de convictis sive pacifi-
catis emendam judicatam. Porro si monachi aliquo tempore
terras grangiarum de Parco, de Genharderia et de Burone,
si forte acquisierint, tradent cultoribus excolendas, manentes
in dictarum grangiarum terris, habeant in foresta mea vivum
nemus cum ostensione servientis mei, et mortuum sine
ostensione, pasturam et lecteriam besliis eorum, exceptis
capris, et excepto quod non intrabunt prala quando defendi
debent, nec anliqua defensa nec pasturam hominum de
Sancto Georgio de Boutavent. Concessi vero prefatis mona-
chis angulum terre qui est subter calciatam de Sancto
Georgio et extenditur usque ad rivum porte qui est in
capite calciate versus forestam, sicut idem ri vus currit
usque ad planchas Renesesches et a dicto rivo versus Sanc-
tum Georgium. lias autem libertates et libertatum declara-
tiones feci monachis abbatie mee ne heredes mei haberent
aliquam partem cum monachis per quam injuste eos possent
molestare. Volo igitur et precipio ut hœc omnia dona mea
que abbatie mee feci teneatur defendere hères meus, et ut
perennem obtineat firmitatem et ut omnes homines abba-
tie et res eorum ubicumque sint, libère sint per totam terram
meam penitus et immunes ab omnibus que ad me et hère-
dem meum pertinent. Quod ut iirmius et tutius in posterum
habeatur, ego presentem paginam ad majorem firmitatem
sigilli mei impressione feci roborari. Dedi eliam dictis
monachis in omnibus dictis forestis, nemoribus et omnibus
— 478 —
hayis pasturam et lecteriam omnibus suarum propriarum
bestiarum generibus, ubi et quando voluerint, exceptis pra-
tis ab initio menais aprilis quoad defalcentur.
Hec autem supradicta et alia que in chartulis eorumdem
monachorum sigillo dicti Juhelli sigillatis donata reperiun-
tur, omnia confirme et approbo et promitto in bona fide me
in posterum servaturum. Quod ut ratum et perpetuum
habeatur presentem paginam sigillo meo confirmavi. Actum
anno Domini millesimo ducentesimo vicesimo sexto, mense
martii.
XXVI
1226, mai. — Confirmation par Isabelle de Mayenne de
Vaccord passé entre Dreux de Mello, son mari, et l'ab-
baye de Fontaine- Daniel y au sujet des donations faites
par feu Juhel de Mayenne,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254. fol. 35 ro.
Grosse-Duperon , Cartulaire de Fontaine -Daniel, p. 132,
no cxvii.
Universis fidelibus presens scriptum inspecturis ego Isa-
bellis, domina Meduane, salutem in Domino. Noveritis quod
cum controversie verterentur inter nobilem virum dominum
Drochonem de Melloto, maritum meum, et me ex una parle,
et abbatem et conventum Fontis Danielis ex altéra, super
quibusdam eleemosynis, donationibus, acquisitionibus et
libertatibus a defuncto Juhello, quondam pâtre meo et
domino Meduane, fundatore ecclesie béate Marie de Fonte
Danielis, predictis monachis, pro salute anime sue et ante-
cessorum et heredum suorum, in puram et perpetuam elee-
mosynam collatis, de quibus controversiis diclus Drocho,
maritus meus, et dicti monachi ad pacem devenerunt coram
venerabili pâtre Mauritio, Cenomanensi episcopo, illam
compositionem firmam et ratam habeo et eam confirmo,
sicut in litteris ejusdem Drochonis quas super dicUm com-
positionem habent predicti monachi plenius continelur.
Insuper sciendum est quod omnes eleemosynas, acquisi-
tiones, donationes et libertates quas fecit idem Juhellus,
pater meus, dictis monachis, sicut in chartulis dicti Juhelli
quas habent dicti monachi plenissime continelur, ratas et
firmas habeo et ad majorem securitatem sigilli mei impres-
sione approbo et contirmo et in bona fide me promitto in
— 479 —
posterum servaturum. Actum anno Domini millesimo ducen-
tesimo vicesimo sexto, mense maii.
XXVII
1228. — Lettre à Maurice, éçêgue du Mans, par laquelle
Dreux de Mello et sa femme Isabelle lui demandent
d'approuver l'assignation qu'ils font d'une rente de
10 livres 10 sous en remplacement d'une somme de
1,000 livres donnée par Juhel pour la construction du
dortoir et de l'église.
A. Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 35 ▼<>.
B, Grosse-Duperon, Cartulaire de Fontaine-Daniel, p. 137,
n» cGzziii.
Venerabili patri ac discrelo domino Mauritio, Dei gratia
Cenomanensi episcopo, Drocho de Melloto, dominus Locha-
rum et Meduane, et Isabellis, uxor sua, domina Meduane,
salutem in Domino. Noveritis quod nos tenebamur persol-
vere monachis de Fonte Danielis mille libras ad fabricam
ecclesie et dormitorii abbatie de Fonte Danielis ex donatio-
nibus factis a Juhello bone memorie quondam domino
Meduane, sed quia ad presens dictam summam pecunie
reddere non valemus et dicti monachi sine magno damno et
gravi periculo expectare nequeunt ^, eisdem monachis dedi-
mus et assignavimus pro dicta summa pecunie * decem
libras et decem solidos perpetui redditus : decem libras
cum novem denariis minus in baronia de Erneia ' in tallia
augustali, et decem [solidos] et novem denarios in preposi-
tura Meduane, ita tamen quod si nos vel alius hères
Meduane, quicumque fuerit ille, voluerit compositionem
istam revocare vel contra ire vel eisdem monachis super
hoc aliquam molestiam inferre, in instanti teneatur dictis
monachis mille libras turonensium * persolvere. Unde roga-
mus paternitatem vestram quatenus monachis dicte abbatie
super hoc litteras vestras conferre dignemini ad majorem
confirmationem et in testimonium veritatis. Valete. Actum
anno gratie millesimo ducentesimo vigesimo octavo.
1. Nequeverint B.
2. Prœdictam summam pecunîœ decem libras A.
3. Decem libras cum novem denariis in baronia de Nerer... et
decem et novem denarios in prepositura Meduane A.
4. Turonenses A ; Cenomanenses B.
480 —
XXVIII
1235. octobre. Ré ville. — Abandon, au prix de i3 livres
tournois, à l'abbaye de Fontaine-Daniel, par Richard
et Alain Géduin, de trois acres de terre, sises à Résille,
qu'ils tenaient du seigneur de Mayenne,
Bibl. municip. de Laval, fds Couanier, no 12207, p. 9 (Original
parchemin ; sceaux disparus).
Universis présentes litteras inspecturis Ricardus Geduin
et Alanus Geduin in Domino salutem. Noverint universi
quod cum nos teneremus ab abbate et conventu Fontis
Danielis terram de Thoth, scilicet très acras terre sitas
juxta culturam de Thoth sicuti eamdem terram quondam
tenueramus a defuncto Juhello, domino Meduane, ita sane
quod pro illa tenenda et habenda tenebamur nos et heredes
nostri déferre in Angliam dominum Meduane et heredes
ejus et ipsorum nuncios quociens ipsi vellent in Angliam
transfretare ; preterea cum nos prenominatum servicium
dictis abbati et conventui Fontis Danielis nec vellemus nec
possemus persolvere, supradictam terram de Thoth et
quidquid in ipsa habebamus nos et heredes nostri et habere
poteramus sepedictis abbati et conventui reddimus ex inte-
gro et reliquimus possidendam in perpetuum et habendam
tali modo quod in ipsa terra et ejusdem pertinentiis nos vel
heredes nostri nichil omnino poterimusdeceteroreclamare.
Sciendum est insuper quod dicti abbas et conventus pro
redditione et quitatione jam dicte terre dederunt et persol-
verunt nobis xiii*^'" libras turonensium, de quibus nos
tenuimus pro pagatis. Preterea sciendum est quod si nos
vel heredes nostri dictam terram non possemus vel nolle-
mus guarantizare predictis abbati et conventui imperpetuum
et defendere, nos et nostri heredes pro ipsa terra tenemur
et bona fide concessimus terram equivalentem in tenemen-
tis nostris assignare competenter monachis superius nomi-
natis et omnia dampna inde habita eisdem ex integro
restaurare. Hanc autem quitationem et reditionem fecimus
nos de voluntate nostra in ecclesia beati Martini de Regis-
villa in auditu et presentia parochianorum et presentem
cartulam sigillis nostris confirmavimus in veritatis per-
henne testimonium et munimen. Actum anno Domini
M« ce* XXX<> V, mense octobris.
— 481 —
XXIX
1235, octobre. Réville. — Abandon par Richard Géduin
de la terre de « Toth », sise à Ré^fille,
Bibl. municip. de Laval, fds Couanier, n» 12207, p. 8 (Original
parchemin ; sceau disparu).
Notum sit omnibus preseniibus et futuris quod ego
Ricardus Geduin, filius Herberti Geduin, reddidi abbati et
conventui Fontis Danielis terram de Thoth, scilicet très
acras terre sitas juxta culturam de Thoth, sicuti Herbertus
pater meus et ego eamdem terram quondam tenueramus a
domino Juhello Meduane defuncto, ita sane quod pro illa
tenenda et habenda tenebamur nos et heredes nostri déferre
in Anglia dominum Meduane et heredes cjus et ipsorum
nuncios quociens ipsi vellent in Angliam transfretare. Et
sciendum quod cum ego, post decessum patris mei, preno-
minatum servicium dictis abbati et conventui Fontis Danielis
quibus dictus Juhellus, dominus Meduane, dédit quidquid
habebat vel habere poterat in manerio Regisville, sci-
licet in terris, in redditibus, in serviciis et in omnibus aliis
rebus, non vellem nec possem persolvere, supradictam ter-
ram de Thoth et quidquid in ipsa habebam et habere pote-
ram sepedictis abbati et conventui reddidi ex integro
possidendam in perpetuum et habendam tali modo quod in
ipsa terra et ejusdem pertinentiis que ad me vel ad heredes
meos pertinebant vel pertinere poterant, ego Ricardus et
heredes mei nichil omnino poterimus de cetero reclamare.
Sciendum est insuper quod sepedicti abbas et conventus
pro redditione et quitatione sepedicte terre dederunt et per-
solverunt mihi et Alano, fratri meo, xiii*^°* libras turonen-
sium, assensu cujus Alani feci redditionem istam et
quitationem. Preterea sciendum est quod si ego et heredes
mei non possemus vel nollemus guarantizare dictam terram
predictis abbati et conventui in perpetuum et defendere,
ego et heredes mei pro ipsa terra tenemur et bona fîde con-
cessi terram equivalentem in tenementis nostris assignare
competenter monachis superius nominatis et omnia dampna
inde habita eisdem ex integro restaurare. Hanc autem red-
ditionem et quitationem feci de voluntate mea propria in
ecclesia beati Martini de Regisvilla, in auditu et presencia
parochianorum et presentem carlulam sigillo meo confir-
mavi in veritatis perpétue testimonium et munimen. Actum
anno Domini M* CC^ XXX* V®, mense octobris.
31
— 482 —
XXX
1237. — Accord entre Dreux de Mello et V abbaye de Fort--
taine-Daniely portant donation par le premier dune terre
sise entre le chemin d'Ernée et l'étang du Fauconnier,
Bibl. nat., Ut. n. acq. 1254, fol. 36 r^.
Universis présentes litteras inspecluris Drocho de Mel-
loio, dominus Locharum et Meduane, et Isabellis, uxor
ejusdem, domina Meduane et Locharum, salutem in Domino.
Noveritis quod cum contentio verteretur in curia offîcialis
Cenomanensis inter nos ex una parte et abbatem et con-
ventum Fontis Danielis ex altéra, super hoc quod nos tradi-
deramus cultoribus quandam partem foreste nostre Meduane
extirpandam et in terram arabilem redigendam in qua dicti
abbas et conventus et plures eorum homines plenarium usa-
gium habebant, tandem sopita est predicta contentio sub
hac forma videlicet quod nos dedimus et concessimus pre-
nominato abbati et conventui, ad omnimodam voluntatem
eorum faciendam in perpeluum, totam terram cum nemore
sitam inter cheminum de Erneia et stagnum de Falconeria,
sicut aqua dividit, que derivatur a Ponte Gelbert usque ad
stagnum de Falconeria, et a meta posita a servientibus
nostris juxta dictum Pontem Gelbert directe usque ad vêtus
fossatum situm juxta quercum que vocatur Très fratres, et
a dicto fossato directe usque ad quercum sitam juxta chemi-
num de Erneia a dictis servientibus marquatam, et a dicta
quercu sicut cheminum de Erneia descendit usque ad caput
calciate de Boutavent et a dicta calciata usque ad stagnum
de Falconeria superius nominatum. Sciendum tamen est
quod pratum vocatum Landreniomer, infra predictas metas
situm, in donatione ista non continetur, quia ad ipsos de
fundatione sue abbatie pertinebat. Preterea sciendum est
quod si prenominati abbas et conventus in predicta terra
mansionarios constituerint, ilii mansionarii eandem habe-
bunt libertatem et eandem franchisiam quam habent homi-
nes eorum de Boutavent et des Coudrois intra Buronem de
Erqueneio et de Parco in foresta nostra de Meduana per
totam terram nostram in Cenomania constitutam. Item
sciendum est quod, si nos vel heredes nostri aliquo tempore
supradictam terram reclamaverimus vel retractaverimus,
sepediclis monachis pro damnis tenebimur persolvere sine
dilatione ducentas marquas argenti et, si in ipsis persolven-
— 483 —
dis moram fecerimus, tenebimur nos et heredes nostri
omnia damna habita in dilatione persolvendi dictos denarios
ipsis monachis ex integro restaurare. Item sciendum est
quod si aliqui religiosi vel seculares vel quelibet alia per-
sona in omnibus supradictis rébus aliquid juris reelamave-
rint et obtinuerint, nos et heredes nostri sepedicle abbatie
redditum pro redditu equivalentem reddere tenebimur et
assignari in castellania Meduane et omnia damna inde
habita restaurare. Hec autem omnia suprascripta tenemur
nos et heredes nostri deffendere et garantire in perpetuum
nominale abbatie contra omnes homines bona flde, sicut
dictum est, firmiter et inviolabiliter observare. Sane prefati
monachi quitaverunt nobis quicquid juris ipsi et homines
ipsorum reclamabant in prefata illa parte foreste Meduane
quam tune temporis tradideramus cultoribus excolendam.
Preterea concessimus prefatis abbati et conventui quartam
partem passagii omnium quadrigarum per pontem Meduane
transeuntium quam ex donatione nobilis viri Theobaldi de
Matlefelon in perpetuam habent eleemosynam per manum
allocatorum suorum vel per manum suam de cetero recipien-
dam, prout sibi viderint utilius expedire, ita videlicet quod
nos et heredes nostri totum predictum passagium recipiemus
tribus septimanis, quarta vero septimana semper proximo
postventura prefati abbas et conventus similiter totum réci-
pient passagium quadrigarum in perpetuum ipsi vel allo-
cati eorum per manum suam libère et quiète ; si vero décima
septimana que ratione décime ad prioratum pertinet Meduane
in eadem quarta septimana evenerit, prior Meduane in eadem
septimana percipiet dictum passagium, prenominati vero
abbas et conventus illud percipient semper septimana pro-
ximo subsequenti eo modo quo superius est expressum. Hic
modus in perpetuum tenebitur videlicet quod sepedicti
abbas et conventus totam coustumam quadrigarum per dic-
tum pontem Meduane transeuntium in quarta septimana per
manum et per districtionem ipsorum percipient et habebunt.
Quod ut ratum et stabile permaneat, ego dictus Drocho,
Locharum et Meduane dominus, presentem chartam sigil-
lavi et confirmavi. Et ego dicta Isabellis, domina Meduane
et Locharum, uxor predicti domini Drochonis de Melloto,
ducta voluntate spontanea, non coacta, presentem chartam
cum assensu et voluntate dicti Drochonis de Melloto, domini
mei, sigillo meo sigillavi et me obligavi fide prestita corpo-
rali omnia que in presenti bac * charta et in omnibus aliis
1 . Hœc in codice.
— 484 —
chartis, quas prefati abbas et conventus habent, sigillo meo
et sigillo dicti domini mei Drochonis continentur, firmiteret
inviolabiliter observare, renuntians omni exceptioni juris et
facti que mihi et heredibus meis posset competere, fide
prestita corporali. Datum anno Domini millesimo ducente-
simo tricesimo septimo.
XXXI
1239, juillet. — Donation par Dreux de Mello et Isabelle^
sa femme, de cent sous mançais à prendre sur la pré-
voté de Mayenne au jour anniversaire de leur décès.
Bibl. nat., Ut. n. acq. 1254, fol. 42 v».
Gro^^^-l^ni^eTonXartulaire de Fontaine-Daniel, p. 165, n<>cLvii.
Omnibus présentes li lieras inspecluris Drocho de Mel-
loto, dominas Locharum et Meduane, et Elizabeth, ejus uxor,
domina Meduane et hères, salutem. Noverit universitas
vestra quod nos unanimiter dedimus in puram et perpetuam
eleemosynam monachis Fontis Danielis centum solidos ceno-
manensium * annui redditus annuatim percipiendos et capien-
dos in firma nostra de Meduana in festo omnium Sanctorum
pro anniversariis nostris die nostri obitus singulis annis in
perpetuum faciendis. Volumus etiam et concedimus quod
dicti centum solidi dictis monachis solvantur, cum alterum
nostrum mori contigerit, ac si ambo decessissemus. Ego
aulem predicta Elizabeth dictam eleemosynam volui, dedi,
concessi spontanea, non coacta, promittens iîde data corpo-
rali quod contra dictam eleemosynam, ut dictum est, perme
vel per alium non veniam in futurum. In cujus rei testimo-
nium et memoriam présentes litteras sigillorum nostrorum
munimine fecimus roborari. Actum anno Domini millesimo
ducentesimo tricesimo nono, mense julio.
XXXII
1244. — Duplicata par Dreux de Mello et Isabelle, sa
femme, de deux chartes, l'une de 1231 portant donation
des terre de la Bohorrière, de la Huerie et de la Barbot-
tiere ; Vautre de i2k2 portant donation de la Haie sur
Anxure,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 37 v».
1. Cenomanenses in codice.
— 485 —
Universis présentes litteras inspecturis Drocho de Mel-
loto, dominus Locharum et Meduane, et Isabellis, uxor
ejus, hères et domina Meduane, salutem in Domino. Roga-
verunt nos abbas et conventus Fontis Danielis ut renovare-
mus eis duo paria litteranim quas eisdem olim dederamus
diversis temporibus, sigillis nostris sigillatas, sub forma
[de] verbo ad verbum inferius annotata :
Universis fidelibus présentes litteras inspecturis Drocho
de Melloto, Locharum dominus et Meduane, et Isabellis, ejus
uxor, salutem in Domino. Noveritis quod nos, pro amore
Dei et salute animarum nostrarum et antecessorum et here-
dum nostrorum, dedimus in puram etperpetuam eleemosy-
nam Deo et abbatie de Fonte Danielis et fratribus ibidem
Deo servientibus terram de la Bohorrière et terram de la
Huerie et terram de la Barbotière, cum pratis et omnibus
juribus ad easdem terras et prata pertinentibus, que omnia
tenebunt abbas et fratres dicte abbatie perpetuo libère, paci-
fiée et quiète, ita videlicet quod neque nos neque succes-
sores neque heredes nostri in predictis rébus et feodis
aliquid juris vel consuetudinis poterimus de cetero recla-
mare. Dicti vero abbas et monachi predicte abbatie et homi-
nes dictorum monachorum quitaverunt nobis omnia damna
et injurias que dictis hominibus cum aqua stagni nostri de
Bafleche feceramus. In cujus testimonium présentes litteras
eis dedimus sigillorum nostrorum munimine roboratas.
Actum anno gratie millesimo ducentesimo tricesimo primo.
Item.
Universis présentes litteras inspecturis Drocho de Melloto,
dominus Locharum et Meduane, et Isabellis, uxor ejus,
salutem in Domino. Noveritis quod nos pro salute anima-
rum nostrarum dedimus in puram et perpetuam eleemo-
synam Deo et béate Marie de Fonte Danielis et monachis
ibidem Deo servientibus haiam desuper Ansuram cum
aqua et omnibus pertinentiis ejus, prout sita est a molen-
dino de TAngrunière usque ad Montem Gerouil, et haiam
de Gou cum aqua et omnibus pertinentiis prout sita est
a métis foreste Meduane usque ad aquam Ansure, et
quicquid juris habebamus et habere poteramus in perpe-
tuum nos et heredes nostri in dictis haiis hinc et inde et
aquis cum omnibus pertinentiis earum tam melioratis quam
meliorandis, cum omni jure et dominio, nihil omnino in
premissis nobis et nostris heredibus retinentes, volentes ut
eadem in perpetuum quieta et libéra possideant et eisdem
— 486 —
possint uti tam ipsi quam illi quibus ea tradiderint jure
perpetuo absque contradictione aliqua, prout voluerint et
sibi melius judicaverint expedire. Hec autem omnia tenemur
eisdem nos et heredes nostri garantizare et defendere
quieta * et libéra in eternum. Ego vero Isabellis, spontanea
voluntate, non coacta, prcmissa eisdem de licentia domini
mei confirmavi. In cujus rei testimonium et munimen pré-
sentes litteras sigillorum nostrorum munimine roboravimus.
Actum anno Domini millesimo ducentesimo quadragesimo
secundo.
Nos vero de premissis conscii, volentes ut premissa
omnia et singula dicti monachi perpetuo pacifiée posside-
rent, présentes litteras eisdem monachis sub sigillorum nos-
trorum munimine unanimi voluntate duximus renovandas.
Actum anno Domini millesimo ducentesimo quadragesimo
quarto.
XXXIII
1244. — Concession par Dreux de Mello et Isabelle, sa
femme, du droit de justice sur toutes les possessions de
r abbaye.
Bibl. nat.» lat. n. acq. 1254, fol. 38 r».
Universis présentes litteras inspecturis Drocho de Mel-
loto, dominus Locharum et Meduane, et Isabellis, uxor ejus,
hères et domina Meduane, salutem. Noveritis quod nos, pro
sainte animarum nostrarum, in puram et perpetuam eleemo-
synam, unanimi voluntate et consensu, omnimodam liberta-
tem, franchisiam, jurisdictionem, justitiam altam et bassam
dedimus et concessimus abbati et conventui Fontis Danielis
in omnibus rébus et possessionibus et quasi possessionibus
quas possident vel quasi possident, dantes eisdem mona-
chis quicquid juris habebamus et habere poteramus nos et
successores nostri in premissis omnibus et singulis per
totam terram nostram undecumque habucrint res predictas ;
et ne aliquis in posierum ipsos super premissis [perturbare]
présumât, volumus, statuimus et gratiamus obligantes super
hoc nos et successores nostros et omnia bona nostra mobi-
lia et immobilia ut quicumque, tam nostrum quam succes-
sorum nostrorum omnium et singulorum, premissis omnibus
et singulis que continentur in chartis omnibus et singulis
1. Quita in codice
— 487 —
quas habent dicti monachi undecumque eas habuerint per
se vel per alium vel per alios contraierit vel quoquo modo
contraire attentaverit, quandocumque et quotiescumque in
perpetuum hoc presumptum fuerit, centum marquas
argenti eisdem monachis nomine pêne sine mora solvere
teneatur et omnia damna que dictis monachis vel alicui
vel aliquibus pertinentibus eisdem pro premissis illata
fuerint ex intregro restaurare, omnibus premissis et sin-
gulis ad utilitatem monachorum predictorum robore perpé-
tue valituris. Ego vero Isabellis predicta. de premissis fide-
liter observandis et de non veniendo contra per me vel per
alium vel per alios, pia et bona et spontanea ducta voluntate,
non coacta, de licentia mariti mei domini Drochonis de
Melloto, fidem prestiti corporalem. In cujus rei testimo-
nium et fidem présentes litteras dedimus sigillorum nostro-
rum munimine roboratas. Actum anno Domini millésime
ducentesimo quadragesimo quarto.
XXXIV
1244. — Notification par le doyen de Mayenne y Renaud^ de
la donation du droit de justice faite à l'abbaye par Dreux
de Mello et sa femme Isabelle.
A. Arch. de la Sarthe, fonds municipal 738, p. 59. — Ex titulo.
B. Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 41 r©.
C. Guyard de la Fosse, Histoire des seigneurs de Mayenne,
preuves, p. xxxvi.
Universis présentes litteras inspecturis Raginaldus, deca-
nus de Meduana, salutem. Noveritis quod nobilis vir Dro-
cho de Melloto, dominus Locharum et Meduane, [et Isabellis,
uxor ejus, hères et domina Meduane] S in nostra pré-
senta constituti, recognoverunt injure coram nobis se pro
salute animarum suarum, in puram eleemosynam unanimi
voluntate et consensu omnimodam libertatem, franchi-
siam, potestatem, juridictionem, justitiam altam videlicet
et bassam dédisse et concessisse abbati et conventui Fontis
Danielis, Cisterciensis ordinis. Cenomanensis diœcesis, in
omnibus rébus et possessionibus et quasi possessionibus
quas possident et quasi possident tam ipsi monachi quam
homines eorum et omnes alii eorumdem monachorum occa-
1. Les mots entre crochets se trouvent dans A et dans C.
— 488 —
sione, quocumque modo premissa omniaetsingula-posside-
rint Yel quasi possiderint, dantes eisdem monachis quic-
quid juris babebant et habere poterant ipsi nobiles et
eorum saccessores in premissis omnibus et singulis per
totam terram suam undecumque dicti monachi habuerint
res predictas. Et ne aliquis in posterum ipsos monachos
super premissis omnibus et singulis perturbare presumeret*,
▼oluerunt, statuenint et concesserunt et gratiaverunt *, obli-
gantes super hoc se et suceessores suos et omnia bona sua
mobilia et immobilia, ut quicumque, tam ipsorum nobilium
quam successorum suorum omnium et singulorum, premissis
omnibus et singulis Tel illis rébus omnibus et singulis [que
continentur in cartîs omnibus et singulis] ' quas habent
dicti monachi, umdecumque easdem chartas habuerint, per
se vel per alium vel per alios contraiverit * vel quoquo
modo contraire attentaverit quandocumque et quotiescumque
hoc in perpetuum presumptuum fuerit, centum marquas '
argenti eisdem monachis nomine pœne sine mora solvere
teneatur, et omnia damna que eisdem monachis vel alicui
vel aliquibus pertinentibus eisdem pro premissis vel super
premissis omnibus et singulis illata fuerint ex integro rcs-
taurare, omnibus premissis et singulis ad utilitatem predic-
torum monachorum robore perpetuo nihilominus valituris.
Dicta vero Isabellis, pia et bona et spontanea ducta volun-
taie, non coacta, quod etiam tune temporis fatebatur de
licentia mariti sui domini Drochonis predicti, de premissis
omnibus et singulis in perpetuum [fideliter] • observandis
et de non veniendo contra per se vel per alium vel per
alios, in manu nostra fîdem prestitit corporalem. Nos vero
a dictis nobilibus presentialiter rcquisiti premissa omnia et
singula ordinaria potesiate per nostras litteras présentes
confirmavimus et easdem litteras, ad petitionem dictorum
nobilium, predictis monachis dedimus sigilli nostri muni-
mine roboratas in premissorum omnium testimonium et
munimen. Actum anno gratie millesimo CC® quadragesimo
quarto.
1. Presnrnserit^^.
2. Garantisaverunt A et C.
3. Les mots entre crochets se trouvent dans A et dans C.
4. Contraierit A,
5. Marchas A,
6. A et C,
— 489 —
XXXV
1246. — Donation par Dreux de Mello et sa femme Isabelle
de tous leurs droits sur les Perrouins et sur les places
{voisines.
Bibl. nat.. lat. n. acq. 1254, fol. 41 vo.
Grosse -Dnperon, Cartulaire de Fontaine - Daniel, p. 193,
qo clxxxiii.
Universis présentes litteras inspecturis Drocho de Melloto,
Locharum et Meduane dominus, et Isabellis, uxor sua. do-
mina Meduane et hères, salutem in Domino. Noveritis quod
nos unanimi consensu et voluntate dedimus et concessimus,
pro salute animarum nostrarum et antecessorum nostrorum,
Deo et abbatie Fontis Danielis et monachis ibidem Deo ser-
vientibus, quicquid nos et heredes nostri habebamus et habere
poteramus in Perrina que quondam fuit Gondoini de Roines,
militis, et in plateis circa Perrinam a domo Gaufridi Seirrat
usque in aqua Meduane, ita quod nos et heredes nostri in
dicta Perrina et in dictis plateis et in mansionariis ibidem
manentibus nihil juris de celero poterimus reclamare. Dedi-
mus etiam et concessimus quod mansionarii in dicta Perrina *
et in dictis plateis habebunt eandem libertatem, communi-
tatem et quitantiam quam habent alii homines dictorum
monachorum in tota terra nostra Meduane. Quod ut ratum
et fîrmum in posterum perseveret, présentes litteras sigil-
lorum nostrorum impressione dignum duximus roborandas.
Actum anno gratie Domini millesimo ducentesimo quadra-
gesimo sexto.
XXXVI
1248, juin. — Assignation sur la prévôté de Mayenne de
quatre livres tournois léguées par Gervaise de Dinan sur
ses moulins d'Argentely sis au pays de Dinan.
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 42 r».
Grosse -Duperon, Cartulaire de Fontaine - Daniel, p. 205,
no cxc.
Universis présentes litteras inspecturis Drocho de Melloto,
dominus Locharum et Meduane. et Isabellis, uxor ejus, hères
et domina Meduane, salutem in Domino. Noveritis quod nos
1. Le manuscrit répète ici le dernier membre de la phrase
précédente.
— 490 —
dedimus et concessimus abbati et convenlui Fontis Danielis,
Cisterciensis ordinis, quatuor libras turonensium * annui
redditus percipiendas in prepositura Meduane et firma ejus-
dem prepositure singulis annis per manum prepositi ejus-
dem ville in nativitate Marie Virginis, in concambio quatuor
librarum turonensium quas eisdem monachis legaverat in
testamento suo Gervasia, quondam domina Dinani, cujus
ego Isabellis predicta filia sum et hères, et assignaverat
easdem percipiendas in perpetuum in molendinis suis de
Argantel, in territorio Dinani, pro anniversario suo singulis
annis in dicto monasterio in perpetuum faciendo. Et scien-
dum quod prepositus Meduane, qui fuerit pro tempore, in
perpetuum tenebitur reddere dictis monachis, si dicte qua-
tuor libre turonensium * persolute non fuerint prefixo ter-
mino, singulis annis duos solidos cenomanensium ' pro pena
singulis hebdomadis post prefixum terminum, donec eisdem
monachis super dictis quatuor libri turonensium * [in] dicta
prepositura et ejus firma a nobis eisdem assignatis fuerit ple-
narie satisfactum. Sciendum est etiam quod dicti duo solidi
nunquam computabuntur in sortem si eos aliquando pro
pena solvi contigerit, prout superius est expressum. In cujus
rei testimonium predictis monachis présentes litteras dedi-
mus sigillorum nostrorum munimine roboratas. Actum anno
Domini millesimo ducentesimo quadragesimo octavo, mense
junii.
XXXVII
1248, 17 juillet. — Notification par Gui, éçêque d'Auxerre,
de la donation de 100 sous tournois à prendre sur la
ferme de Mayenne^ faite en 1239 par Dreux de Mello et
sa femme Isabelle,
Bibl. nat., lat. n. acq. 1254, fol. 42 ro.
Grosse -Duperon, Cartulaire de Fontaine - Daniel, p. 206,
no cxci.
Omnibus présentes litteras inspecturis Guido, Dei gratia
Autissiodorensis episcopus, in Domino salutem. Notum fac-
tum sit universis quod cum carissimus avunculus noster
Drocho de Melloto, dominus Locharum et Meduane, cruce
1. Turonenses in codice.
2. Turonenses in codice.
3. Cenomanenses in codice.
4. Turonensibus in codice.
— 491 —
signatus vellet in terre sancte subsidium proficiscî, idem
Drocho et Elisabeth^ uxor ejus, in nostra presentia consti-
tuti, recognoverunt quod cum alias videlicet anno Domini
millesimo ducentesimo tricesimo nono, mense julii, idem
Drocho cruce signatus vellet in terre sancte subsidium trans-
fretare, in puram et perpetuara eleemosynam^ legaverunt,
dederunt et concesserunt predicti Drocho et Elisabeth mo-
nachis de Fonte Danielis centum solidos cenomanensium
annui redditus annuatim percipiendos et capiendos in firma
sua de Meduana, in festo Omnium Sanctorum^ pro anniver-
sariis dictorum Drochonis et Elizabeth die obitus ipsorum
singulis annis in perpetuo faciendis, ita quod dicti centum
solidi dictis monachis solvantur, cum alterum ipsorum mori
contigerit, ac si ambo pariter decessissent. Nos autem, ad
petitionem dictorum Drochonis et Elisabeth, sigillum nos-
trum presentibus litteris duximus apponendum. Datum anno
Domini millesimo ducentesimo quadragesimo octavo, die
veneris proxima ante festum béate Marie Magdalene.
(A suivre).
1. Memoriam m codice.
NOTE RECTIFICATIVE
Une erreur de classement nous a fait mettre sous le n^ XX et
dater de 1218 une charte qui aurait dû porter le n» X et dont la
date réelle est 1208. Nos lecteurs ont rectifié d'eux-mêmes cette
erreur et nous n'y serions pas revenu si la charte n'avait quelque
importance et ne nous servait à fixer l'époque où mourut Maurice
de Craon. La donation de Juhel de Mayenne, en effet, accordant à
Tabbaye de Fontaine-Daniel ses halles et tout droit de juridiction,
fut faite en partie pour le repos de l'âme de Maurice de Craon qui,
la même année, suivant une pièce du Cabinet Brière (charte n» YII),
avait constitué une rente de six livres angevines à prendre sur le
trépas de la Loire à Chantocé. Or un acte du Cartulaire d'Évron
nous apprend que le seigneur de Craon est mort le 25 juillet. Il
faut donc placer cet événement le 25 juillet 1208.
Lire de même (n° XYIII, p. 310) Amaury au lieu de Maurice.
TESTINENT DE JEAN LORENCIN
BOUROEOIS DE LAVAL
(12 août 1420)
Sachent tous présens et avenir que pardevant Jean
Rousin, clerc tabellion juré de nostre cour de Laval et
notaire de la cour dudit lieu, aujourd'huy a été présent
personnellement estably Jean Lorencin, bourgeois,
demeurant en la ville de Laval, étant, par la grâce de
Dieu notre Créateur, sain en pensée, mémoire et enten-
dement, combien que son corps soit aucunement détenu
et occupé en maladie, lequel dit Lorencin veut, advise
et délibère, a fait, devisé et ordonné et encore par la
teneur de cest présente, fait, devise et ordonne son
testament et dernière volonté en la forme qui s'en suit.
f Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Amen.
Je Jean Lorencin devant dit, considérant et attendant
qu'il n'est chose plus certaine de la mort, ne plus dou-
teuse et incertaine de Theure d'icelle, et pour ce à cette
fin que icelle mort jà n'advienne ne me trouve aucune-
ment dépourveu, ne voulant nullement décéder intestat,
mais des biens et choses que Dieu en ce monde m'a
donnés et prestes à la louange de luy et au remède
de mon âme voulant et désirant salutairement disposer
et ordonner, faire et ordonner notre derraine volonté,
dernier devis et ordonnance de mesdits biens et choses
en la manière et forme qui s'ensuivent.
— 493 —
Premièrement, je présente mon âme à Dieu mon père,
créateur, à la glorieuse Vierge Marie, sa très chère
mère, à monseigneur saint Michel et à toute la céleste
cour et compagnie de Paradis, et mon corps quand il
sera décédé à la sépulture de notre mère Sainte Eglise,
laquelle ma sépulture je eslie et veux estre faite en
Téglise de la Trinité de Laval, devant Tautel monsei-
gneur saint Pierre. Pour icelle ma sépulture estre faite,
je donne et laisse au curé et fabrice d'icelle église par
moitié la somme de cent sols une fois payez, ou cinq sols
tournois de rente, laquelle qu^il plaira à mes héritiers.
Item^ je veux et ordonne mes recours et amendements
estre bien et deument faits et les debtes que je dois estre
bien et loyalement payez, et les legs et ordonnances
estre bien et entièrement accomplis, ainsi que cy après
sont exprimez et déclarez, par les mains de mes exécu-
teurs cy après nommez.
Item y je veux et ordonne deux cent messes estre dit-
tes et célébrées pour le salut de mon âme, tant es jours
de mon obit et sepme que es autres jours ensuivants,
le plus tost que faire se pourra ; et veux et ordonne que
es jours d'entre mon obit et sepme soit dite une vigile et
messe à note et la prière faite pour moy par chacun
d'iceux jours pour le salut et remède de mon âme.
Item en outre, je veuil et ordonne que le jour de mon
obit entour de mon corps ait douze torches de cire, belles
et honnestes, autant au jour de mon sepme, es jours
ensuivants et dedans Tan, qui pourroient le nombre de
mille messes estre dites et célébrées pour le salut et
remède des âmes de mes feus père et mère et de moy,
des père et mère de ma femme et de tous mes parents et
amis défunts.
Item y je donne et laisse perpétuellement par héritage
à la Confrairie aux prestres de Laval, une pièce de terre
que j'ay auprès du Bourg-Hercent, devant le lieu de la
Phelipotière, au fief de TEpine, pour demeurer quitte et
déchargé de dix sols tournois de rente que madite famé
— 494 — j
et moy laissasmes par an à ladite confrairie pour estre
reçus confrères sur icelle ; et pour ce que ladite pièce de j
terre vaut plus que les dix sols de rente, je veuil et |
ordonne que ladite confrairie soit tenue faire dire et
célébrer chacun an perpétuellement à tel jour que je
décéderay une messe de Requien pour madite femme et
pour moy.
Item , je donne et laisse à Bertrand Rallet mon che-
val, mon épée, mon bacinet, mon herbergeon et mes
avant-bras.
Item, je donne et laisse audit Bei^rand et ses hairs la
maison où demeure de présent Jeanne Bachenière, sise
en la ville de Laval près la maison feu Macé Bonneau,
parmy ce que ledit Bertrand acquittera et payera cha-
cun an d'icelle maison dix sols de rente au jour de sainte
Nativité, cinq deniers maille de cens à Madame de Laval.
Item^ je donne et laisse à ma filleule, la fille Jeanne
Rousseau, dix livres tournois, une fois payées.
Item à la mère dudit Jean (sic) cent sols ; à la fille
de ladite mère, dix livres, une fois payées.
Item, je donne et laisse à Jeanne, fille bastarde de
mon feu père, la somme de quinze livres tournois une
fois payée et un lit de toile et deux paires de linceuls et
une couverture.
Item, je donne et laisse à Pierre, frère de ladite
Jeanne, cent sols tournois une fois payés, un lit de toile
et deux paires de linceuls et une couverture.
Item, je donne et laisse à ma chambrière que j'ay de
présent soixante sols tournois, une fois payé, outre ses
salaires et moitive.
Item, je donne et laisse perpétuellement au curé
et fabrique de l'église du Bourgneuf la Forest dix sols
tournois de rente que me doit chacun an un nommé André
Jouse du Plessie, d'icelle paroisse, pour estre recom-
mandé chacun an perpétuellement chacun dimanche en
ladite église et estre participant aux prière et oraison
d'icelle.
— 495 —
Item y je donne à tous mes métayers tous les jours de
charrois du pays d'Anjou qu'ils me doivent de tout le
temps passé.
Item^ je donne et laisse à Gilot Cheverier soixante
sols tournois une foiz payé.
Item^ je donne et laisse à Jean Lelavandier soixante
sols tournois, une fois payé.
Item^ je veuille et ordonne un veage estre fait à Mon-
seigneur Saint-Michel du Mont de la Tumbe, un autre
veage à Nostre-Dame de Roche Amadour, et en outre
à Monseigneur Saint-Jacques en Galice, et à chacun
d'eux je donne et laisse cinq sols tournois une fois donné
pour oblation.
Item^ je donne et laisse aux églises de la Trinité de
Laval, de Saint-Tugal, Saint-François, Saint-Martin,
Sainte-Catherine, de Nostre-Dame de Pris, du Cimetière-
Dieu, de Saint-Julien, de Saint-Etienne, de Nostre-Dame
d'Avénière, de Saint-Nicolas, à chacune d'icelle, cinq sols
tournois, une fois payé.
Item, je donne et laisse aux frères mineurs de Saint-
François de Laval quarante sols tournois, une fois payé.
Item, je donne et laisse aux pauvres de la Maison
Dieu de Saint- Julien de Laval vingt sols tournois, une
fois payé.
Item, je donne et laisse à la Charité de Nostre-Dame
de Pris trente sols tournois, une fois payé.
Item, je donne et laisse à Marie Valette, sœur dudit
Bertrand, la somme de dix livres tournois une fois payé,
pour prier Dieu pour Tâme de moy.
Item, je donne et laisse à Jeanne de Soveroy (Sauve-
ray ?) ma très chère et très amie, femme et épouse, en
pure aumosne, la somme de cent livres tournois une fois
payée.
Itemy confesse devoir à Jamet Lefranc, et au nommé
Courberon, charpentier, la somme de vingt sols tour-
nois.
Item, je veuil fonder et ordonner une chapellenie per-
— 496 —
pétuelle de deux messes par chacune sepmaine estre
deservie et célébrée en ladite église de la Trinité de
Laval, à Tautel de Monseigneur Saint-Pierre, pour le
salut des âmes de tous mes amis et parens deffunts et de
moy, à la fondation et dotation de laquelle dite chapel-
lenie je donne et laisse la métairie de la Durandais et
la métairie de Domin, sises en la paroisse du Bourgneuf
de la Forest, ainsi qu'elles se poursuivent et compor-
tent, leurs appartenances, sans aucune réservation ; et
vueil et ordonne que la présentation, droit de patronage
d*icelle dite chapelle soit et appartienne perpétuellement
à Simon Rousel et à son principal hoir et à leurs succes-
seurs successivement, et la collation, provision et toute
autre autre disposition à R. P. en Dieu Mgr Tévesque
du Mans et à ses successeurs. En laquelle chapellenie
je veuil que maistre Jean André, prestre, soit le premier
chapelain présenté et que d'icelle il soit pourveu et receu
et ordonné, que nul autre ne puisse obtenir ladite cha-
pellenie. Et en outre vueil que les diligences de la fon-
dation et du droit de finance, d'amortissement et d'indem-
nité des dites choses héritaux et de toutes autres choses
qui à ladite fondation seront convenables et nécessaires,
seront faites à mes despens par les mains de mon exécu-
teur le plus tost qu'il pourra.
Item^ je retiens et détiens le revenu de tous mes héri-
tages de trois ans prochains venant après mon déceds,
avec tous et chacun mes biens meubles pour convertir
en mon exécution et sans aucune réserve demeureront
de mesdits bien meubles et des revenus de mes héri-
tages par lesdits trois ans, madite exécution première-
ment accomplie. Je vueil et ordonne que iceluy résidu
soit donné et attribué par les mains de mesdits exécuteurs
à pauvres gens, à pauvres passants et à pauvres orphe-
lins, et autrement en telle manière qu'ils verront le plus
profitable pour le salut et remède de mon àme.
Item, quant à l'exécution de cest dit mon présent tes-
tament ou derraine volonté faire exécuter et loyalement
— 497 —
accomplir, je eslie, fais, nomme, constitue, départie,
ordonne mes exécuteurs, c'est à savoir ladite Jeanne de
Soveroy, ma très amée compagne et espouse, Macé
Hatin (Hatry ?), Messire Jean Pommeron, prestre, et
Simon Rousel et deux d'iceux pour le tout. Auxquels
mes exécuteurs je donne plein pouvoir, autorité et man-
dement spécial de celuy mon testament et derraine
volonté faire exécuter, enterriner et loyalement accom-
plir en la manière dessus déclarée, et généralement de
faire toutes et chacunes les choses qui à madite exécu-
tion seront nécessaires et convenables et que moy même
ferois et faire pourrois, si je vivois et en ma personne y
estois, jaçoit qu'aucune chose y eût qui requiert mande-
ment plus spécial
(Révoque tous testaments antérieurs..., donne dix
livres à chacun des exécuteurs).
Je vueil et requiers que iceluy testament soit scellés
des sceaux establis et dont on use au contracts de la cour
de Laval et du scel de la court du doyen dudit lieu.
Et nous le garde desdits sceaux de la cour de Laval,
à la requeste dudit testateur et à la relation dudit Rous-
sin, tabellion des susdits, auquel ajoutons plenière
foy, lesdits sceaux avons mis et apposés en tesmoin de
vérité.
Ce fut fait et passé en la présence de Jean Rousseau,
de Jeanne Gust et de Michel Saibouez, le douze du mois
^ d'aoust, Tan de grâce mil quatre cent ving^ ^
1. Arch. de la Mayenne, E, Copie du xviiie siècle très fautive.
Le pouillé de 1508 mentionne la chapellenie fondée par notre bour-
geois : « Capellania fundata per defunctum Johannem Laurentii,
in ecclesia de Trinitate Lavallis, ad altare Sancti Pétri » (Longnon,
Pouillés de la province de Tours, p. 129).
32
LA CHAPELLE DES BÉNÉDICTINES DE LASSAT
A la demande des habitants de Lassay, écrit M. Tabbé
Ângot, le prieuré de Sainte-Scolastique de Laval con-
sentit à leur envoyer quelques religieuses que la supé-
rieure, Louise Le Boul,conduisitetinstallaprovisoirement
en 1631 dans une maison voisine de la chapelle de Saint-
Sauveur. Cette chapelle leur fut affectée, et Charles de
Beaumanoir, évéque du Mans, approuva leur établisse-
ment par lettres du 23 juillet 1632 ^ Mais la maison
prospérant, la prieure, Jeanne de la Crossonnière, par
actes des 5 octobre 1634, 15 septembre 1636 et 12 mars
1644, attestés de M« François Héreau, notaire à Lassay,
acquit de M* Jean Thoumin, sieur de Montaigu, de
M» François Bellaillé, avocat, et d'Olivier Lottin, le lieu
de Montaigu, dans la ville, dont elle voulait faire le
couvent et Tenclos y attenant. Elle présenta alors
requête à Josias de Madaillan, seigneur de la Baroche-
Gondouin, qui, par acte du 30 novembre 1634, avait
promis de recevoir d'elle « le droit d'indemnité » ; ce
droit fut modéré à 12 pistoles d'or d'Espagne payées
comptant, mais en faisant remise du surplus, il imposa
la charge d'un service annuel et perpétuel qui devait se
célébrer le 2 janvier et se réserva la faculté d'élever à
ses frais une chapelle à côté de celle des religieuses, d'y
mettre un banc et ses armoiries.
Par acte du 4 février 1641, René du Bellay, chevalier
de l'ordre du roi, comte de la Feuillée et seigpieur du
1. Dictionnaire historique de la Mayenne, t. II, p. 553.
— 499 —
Bois-Thibault, acheta, devant Marin Frenot, notaire,
de François de Madaillan et de Françoise de Gilbert,
sa femme, les fiefs de Saint-Fraimbault, la Drouardière
et la Baroche-Gondouin dans la mouvance desquels
était situé le couvent ; les religieuses rendirent obéis-
sance les 10 et 13 octobre 1656, et employèrent dans
leur dénombrement les conditions qui leur avaient été
imposées en 1634. Les seigneurs d'ailleurs n'usèrent
point de la faculté qu'ils s'étaient réservée, tout en
maintenant leur droit, chaque fois que l'occasion s'en
présentait.
Ainsi, lorsqu'en 1744, les religieuses résolurent de
mettre bas leur chapelle primitive, une enquête se fit
par le sénéchal de la juridiction sur l'état des lieux et
la nécessité qu'il y avait de reconstruire un édifice jugé
par trop incommode. Pichot de la Grave rie, qui était
alors sénéchal du Bois-Thibault et de qui nous tenons
ces détails, nous a conservé dans ses papiers le procès-
verbal qu'il dressa à cette occasion ; cette pièce de pro-
cédure nous a semblé assez intéressante pour être
publiée ici : nous la donnons ci-dessous sans plus de
commentaire, en ajoutant toutefois que, d'après M. l'abbé
Angot, la chapelle était réédifiée en 1749. Celle du sei-
gneur ne devait jamais sortir de terre.
« Du ving^-cinquième jour de juin 1744 *.
« Nous, René Pichot de la Graverie, etc., sénéchal
des fiefs et seigneuries du Bois-Thibault, etc., sommes
à la requête et en présence de M* René Le Tord, sieur
de la Malvandière, notaire royal, greffier, en exécution
de notre ordonnance du ving^ de ce mois, transporté à
l'église et maison des dames religieuses du couvent de
Notre-Dame de Grâce de Montagu de Lassay où étant,
sur les trois heures de relevée, avons trouvé M® Jacques
Blanchet, prêtre, leur chapelain et leur procureur, qui
nous a dit et représenté que les dites dames religieuses,
1. Bibl. de Laval, fds Couanier, n» 12224, fol. 200 ro.
— 500 —
ayant remarqoé qoe leur église n'étoii pas assez grande
et spacieuse pour y faire le service divin ; que d'ailleurs
elle est trop basse et mal constroite et le chœur où se
placent les dites dames trop petit, incommode et obscur,
elles avoient pris le dessein de faire construire à neuf
une autre église plus grande et plus commode et de
faire faire un chœur pour elles, proche la dite nouvelle
église, et qu^elles étoient dans Fintention de faire cons-
truire les dites église et chœur au dessus de leur
maison, dans le terrain du jardin et d'une cour qui sont
sortis du champ nommé le Pont, entouré du chemin ten-
dant de Lassay à Mayenne, du champ appartenant au
sieur Fortou, prêtre, et du jardin et enclos des dites
dames ; que pour cet effet elles en ont donné avis à
Mademoiselle Marie- Vincente-CIarisse du Mats du Bros-
say, dame de cette seigneurie du Bois-Thibault, dans la
mouvance de laquelle seigneurie sont situés Téglise,
maison et enclos et le terrain et champ où elles veulent
faire leurs dites église et chœur, ce qui nous a donné
lieu d'entrer dans Téglise actuelle des dites dames située
dans la mouvance de cette seigneurie ; laquelle église
nous avons remarquée être trop petite, n'être pas conve-
nable pour faire le service divin, qu'il n'y a point de
sacristie, ce qui oblige le prêtre célébrant de s'habiller
proche l'autel ; qu'elle ne peut contenir que très peu de
personnes, quoiqu'il y ait souvent aflluence de monde
pour assister à la messe et aux vespres ; que le chœur
des dites dames religieuses n'est pas assez spacieux, se
trouve très obscur et incommode et que, par consé-
quent, leur dessein pour faire construire une église et
chœur est très louable et absolument nécessaire, ce qui
nous a engagé de nous transporter avec le dit sieur
Blanchet et le procureur fiscal sur le terrain destiné
pour y construire la dite nouvelle église, sacristie et le
chœur des dites dames religieuses proche et au dessus
de la maison des dites dames dans le jardin, cour et le
dit champ du Pont où le dit sieur Blanchet nous a fait
— 501 —
remarquer que cette église sera bâtie dans le dit jardin,
cour et mesme dans remplacement d'une petite maison
qui se trouve existante et qui sera démolie ; que cette
église aura environ 60 pieds de long sur 22 de large et
que le chœur des dites dames sera entre Tancien parloir
et la dite église, de sorte que nous avons remarqué que
cette église, sacristie et chœur se trouveront dans le
terrain de cette mouvance, au moyen de quoi observons
qu'il n'est fait aucun préjudice ni novation aux droits de
Mademoiselle dame de cette seigneurie du Bois-Thi-
bault, en conséquence des indemnités ci-devant accor-
dées aux dites dames religieuses, datées et énoncées
dans notre procès-verbal du dit jour vingt du présent
mois, et en se soumettant les dites dames religieuses et
en s'obligeant d'exécuter, par rapport à la nouvelle
église, sacristie et chœur, les conditions rapportées dans
les dits actes d'indemnité et dans les anciennes obéis-
sances rendues à cette seigneurie et entre autres que
Mademoiselle et ses successeurs propriétaires de cette
seigneurie auront la faculté de faire construire à leurs
frais, quand bon leur semblera, une chapelle à côté de la
dite nouvelle église, d'y faire placer un banc et armes
au dedans de la dite chapelle, mesme au dehors.
« Pour à quoi parvenir, nous nous sommes transportés
au parloir externe des dites dames religieuses où nous
avons trouvé dame Henriette du Hardas d'Hauteville,
supérieure, Jeanne Le Marchand, discrète et secrétaire
du chapitre, Françoise du Fay, boursière, et Marie
Dupin, seconde dépositaire, toutes religieuses professes
de chœur, auxquelles avons fait donner lecture de ce que
dessus par notre greffier ; après quoi elles ont dit
approuver et confirmer le rapport fait par le dit sieur
Blanchet et consentir exécuter, à Tégard de la nouvelle
église et chœur qu'elles se disposent de faire construire,
les obligations et conditions rapportées dans les actes
d'indemnité datées dans notre dit procès-verbal du
25 juin du présent mois et que Mademoiselle, comme
— 502 —
dame propriétaire de cette seigneurie du Bois-Thibault,
et ses successeurs propriétaires de la même seigneurie
auront la faculté de faire construire, quand bon leur
semblera et aux frais de Mademoiselle et de ses dits
successeurs, une chapelle à côté de la dite nouvelle
église, d'y faire placer un banc et armes conformément
aux dits actes d'indemnité, n'entendant les dites reli-
gieuses faire aucun préjudice ni novation aux droits de
Mademoiselle et de ses successeurs propriétaires de
cette seigneurie, lesquels seront exercés ainsi qu'ils
l'auroient pu être, si la dite nouvelle église n'étoit pas
construite.
« De tout quoi avons donné acte aux parties, les en
avons jugées. Fait et donné au parloir des dites dames
religieuses les jour et an que dessus. »
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
SEANCE DU 12 DECEMBRE
La séance est ouverte à deux heures, sous la prési-
dence de M. Moreau, président.
Sont présents : M. Emile Moreau, président ;
M. Trévédy, vice-président ; MM. AUeaume, marquis
de Beauchesne, Goupil, Gouvrion, Laurain, comte Foul-
ques de Quat rebarbes, membres titulaires ; M. Morin,
membre correspondant.
Se font excuser : MM. Tabbé Angot, Labbé, Léon
de Lorière et Richard.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et
adopté.
La Commission procède à l'élection d'un membre titu-
laire en remplacement de M. Thuau, décédé. M. Chiron
du Brossay est nommé par acclamation.
M. Laurain donne lecture d^une lettre de M. Emile
Rivière, directeur à FEcole des Hautes -Etudes, de
laquelle il résulte que les trois actes trouvés par lui
dans les registres du Châtelet et relatifs à Ambroise
Paré, ont été connus par M. Le Paulmier, qui les a déjà
publiés.
A ce propos, M. de Beauchesne dit qu'il a trouvé éga-
lement, dans les registres du Parlement de Paris, un
acte assez curieux sur le grand chirurgien Lavallois ; il
en donnera communication dans une de nos prochaines
réunions.
— 504 —
Conformément au désir exprimé par la Commission,
M. Laurain a écrit à M. Picot pour lui demander des
renseignements complémentaires sur les deux monu-
ments signalés par lui au Petit-Vieux-Sou de Brecé, et
lui a envoyé Tétude de M. Faucon. M. Picot lui a immé-
diatement adressé la lettre suivante :
ce J'ai remarqué, en suivant le bord de la Colmont,
Fénorme pierre qui borde Teau (mentionnée par
M. Faucon) ; pour moi, ce n'est pas un monument méga-
lithique. J'ignorais dans le taillis à gauche l'embryon de
dolmen qu'il signale ; aussi ne me suis-je pas dérangé
pour le voir. Mais cela vous indique combien cette
vallée est riche en monuments inconnus, perdus dans la
brousse. M. Faucon parle bien de ces restes de dolmen,
mais il ignore qu'à 1.500 mètres il y en a un complet et
très important, puisque, si nos souvenirs sont fidèles,
l'allée ne compte pas moins de sept pierres de chaque
côté, ce qui donne, avec les pierres de couverture,
22 pierres environ.
« Il est situé sur un chemin qui va de la lande du
Grand- Vieux-Sou au Petit- Vieux-Sou, dans l'angle d'un
champ à droite, dépendant de la ferme du Petit- Vieux-
Sou et appartenant à M"" Varière, tout à côté de la
barrière. Le bois ayant été coupé, on le voit du chemin
couronnant un tumulus inculte. Trois des pierres de
couverture sont seules en place, les autres sont renver-
sées. Je crois ce dolmen plus important que celui de la
Conterie, que je connais fort bien.
« L'autre dolmen est sur l'autre rive de la Colmont,
en haut de la colline. La lande où il est situé se trouve
derrière les bâtiments de la ferme du Rocher. Une seule
pierre de couverture est en place,- les autres sont à côté.
« Non loin, se voit une pierre plate, mesurant un
mètre en tout sens, sur la surface de laquelle apparais-
sent sept stries longitudinales. C'est un polissoir.
« A la Chaise, ferme voisine, dans un champ joignant
le jardin, s'élève un menhir droit et effilé, haut de deux
— 505 —
mètres ; il semble reposer sur une base grossièrement
taillée en cône. »
M. Moreau pense qu'il y a lieu, lorsque la bonne
saison sera venue, d'organiser une petite excursion
pour étudier ces monuments mégalithiques. M. Gou-
vrion désigne à ce propos un vieil habitant de Brecé,
nommé Trohel, qui connaît merveilleusement toute la
région et servirait volontiers de guide à ceux des mem-
bres de la Commission qui désireraient prendre part à
cette excursion.
M. de Quatrebarbes présente trois photographies
prises par lui au monument des Provenchères en train
de disparaître sous la pioche des démolisseurs. La Com-
mission décide qu'elles seront publiées dans le Bulletin^
en même temps qu'une note explicative de M. l'abbé
Angot.
M. de Quatrebarbes s'intéresse toujours à la publica-
tion du Cartulaire de la Roë. Il se fait fort d'obtenir com-
munication de la copie exécutée jadis par M. de Bodard,
dans le cas où les auteurs voudraient ajouter des anno-
tations au texte du Cartulaire. Après un échange
d'observations, M. Laurain veut- bien se charger du
travail critique que demande la publication projetée par
MM. de Farcy et Planté. Il s'entendra à ce sujet avec
nos deux collègues.
M. de Beauchesne, au nom de M. l'abbé Calendini et
de la Société historique de La Flèche, invite la Commis-
sion à un Congrès qui se tiendra, sous la présidence
de M. Lefevre-Pontalis, à la Flèche même, dans les
premiers jours de juin. Des programmes détaillés de
cette réunion seront adressés ultérieurement.
Rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance est
levée à quatre heures.
BIBLIOGRAPHIE
Les Quatorze prêtres martyrs de Laval, 21 janvier 1794.
— Laval, imp. de la Croix de la Mayenne^ 1907. — In-8*,
xiv-34 p.
Le 16 mai 1817, un chanoine Leveau, chapelain de Thôpi-
tal du Mans, écrivait à M. Duchemin de Villiers, alors pro-
cureur du roi à Laval, la lettre suivante * :
« Monseigneur notre évèque, pour Fhonneur de notre
religion, pour Tédification des fidèles, est dans le dessein
de faire transmettre à la postérité le martyre de tous les
ecclésiastiques qui sont morts sur l'échaffaud pour la reli-
gion et la foy de Jésus-Christ dans notre diocèse, c'est-à-
dire pour refus des sermens exigés par ceux qui nous gou-
vernoient avec autant d'injustice que de violence dans les
malheureux tems de la Révolution, et c'est de la part de
notre digne prélat que je suis chargé de prendre, auprès
des personnes respectables en qui j'ai confiance, les rensei-
gnements convenables à ce sujet, sur le martyre de nos
dignes confrères de sainte mémoire qui ont été sacrifiés à
Laval, dans votre propre ville et. dans les environs
« Je vous prie donc de mettre par écrit tous les différens
renseignemens, c'est-à-dire de nous faire connoître tout ce
que vous pourrez sçavoir de bien certain et de bien authen-
tique sur leur martyre et sur le refus de leur serment qui en
étoit la cause. C'est d'après tous les renseignemens conve-
nables que M. l'abbé Caron, prêtre du diocèse de Rennes,
recueille de toutes les parties de la France auprès des
évéques, que ce digne ecclésiastique va faire l'histoire du
martyre de tous les prêtres qui ont été sacrifiés pour la foi
pendant la Révolution. Vous voyez dès le premier abord que
c'est l'histoire en abrégé que j'ai l'honneur de vous deman-
der du martyre de nos quatorze confrères guillotinés à Laval,
1. Bibl. municip. de Laval, fds Couanier, ms. F, fol. 239.
— 507 —
dont M. le doyen étoit le premier; de celui de M. Tabbë
Lorgueil, guillotiné aussi à Laval ; du prêtre de la Temple-
rie qui fui massacré par des soldats révolutionnaires qui le
trouvèrent caché dans les commencements* que j'étois à la
Gravelle, après mon retour de Rambouillet, ce qui m'in-
quiéta beaucoup moi-même ; mais heureusement qu'il y
avoit à la Gravelle une troupe très modérée qui ne me fit
aucune peine. Il fui massacré aussi sur la place Hardy par
des hussards révolutionnaires un bon prêtre qui avoit été
caché jusqu'alors depuis quelque temps à Laval ^
« J'étois à Rambouillet avec nos chers confrères dans les
tems que nos quatorze confrères furent guillotinés à Laval...
C'est seulement sur le martyre des prêtres que nous vous
demandons les renseignements abrégés, afin que la mémoire
en soit consignée dans l'histoire et perpétuée parmi les
fidèles et pour l'honneur de la religion et de ces mêmes
martyrs, et pour l'édification et l'encouragement des vrais
fidèles dans les temps difficiles. »
A ces préoccupations dont nous parle l'abbé Leveau au
sujet de ses quatorze confrères que l'âge ou les infirmités
avaient retenus à Laval, répond la brochure présente, à
celles-là et à celles qui déjà en 1839 poussaient Mgr Bou-
vier, évêque du Mans, à faire une information régulière en
vue d'une canonisation possible de ces prêtres « généreux. »
Mais l'auteur anonyme du travail retarde évidemment, car
il ne connaît, parmi ses prédécesseurs que l'abbé BouUier,
excellent sans doute en la matière, et l'abbé Couanier de
Launay, qui ne nous apprend rien. V Histoire de Vhglise
du Mans y quoiqu'il la cite quelque part, sans précision
aucune, paraît ne pas lui être familière et cependant ce
qui concerne la Révolution dans notre pays est ce qu'il y a
de mieux traité dans l'œuvre de D. Piolin : le bénédictin a
eu entre les mains le dossier constitué par l'abbé BouUier,
y compris probablement les pièces communiquées au cha-
noine Morisseau et que ce dernier prit sur lui de donner à
l'évêché sans l'assentiment du curé de la Trinité. Egalement
inconnus les Documents du regretté F. Le Coq, si pleins
1. « Ce Monsieur avoit été pris auprès de Barbé ; on l'amena au
général qui fit un signe aux hussards : ils le menèrent sous les
arbres dans le même moment et, au grand étonnement de tout le
monde, ils le massacrèrent à coups de sabres. Après sa mort, ils
se jouaient de son corps en faisant passer leurs chevaux par des-
sus. » (Récit de l'abbé Langlois, vicaire de la Trinité, en 1817. —
BibL de Laval, fds Couanier, ms. F, fol. 245).
— 508 —
dans les notices individuelles consacrées aux membres du
clergé mayennais qui virent la Révolution ; également
inconnu, Tadmirable Dictionnaire historique de la Mayenne
de notre collègue M. l'abbé Angot dont Ton aurait pu, bien
qu'on voulût faire avant tout œuvre de vulgarisation, s'ins-
pirer sur plus d'un point. On a cru les remplacer digne-
ment par V Histoire de l'Eglise de Rohrbacher, mais Tidée
paraît singulière et il serait venu à peu de monde la pensée
d'aller chercher dans cette compilation vieillotte des rensei-
gnements particuliers et d informatiçn directe sur Laval.
11 n'y a donc rien de nouveau dans cette brochure, et
cependant, même après les auteurs que nous venons de
nommer, il eût été facile, en interrogeant autour de soi,
d'ajouter quelques détails aux récits connus, en peignant
cette émulation qui excita les deux paroisses de la Trinité et
d'Avénières à s'emparer des dépouilles des prêtres enterrés
à la Croix-Bataille, qui aboutit à une exhumation nocturne
et à une veillée funèbre autour de la chapelle de Saint-Roch
au cimetière d'Avénières. Bien plus, grâce à la représentation
de la chapelle de la Croix-Bataille, le lecteur, insuffisamment
prévenu, pourrait croire que ce monument fut élevé en
l'honneur des prêtres suppliciés. Rien n'est moins juste.
La chapelle, qui d'ailleurs ne fut jamais achevée, devait être
consacrée à la mémoire du prince de Talmont et perpétuer
le souvenir de la bataille d'Entrammes. Quand l'idée vint de
la construire, les ossements des quatorze prêtres reposaient,
depuis plusieurs années, en dépit d'un arrêté préfectoral du
3 août 1816 et des efforts du clergé lavallois, dans l'église
d'Avénières. L'auteur paraît ignorer tout cela : on ne peut
que le regretter.
Ë. Laurain.
TABLE DES MATIÈRES
TRAVAUX ORIGINAUX ET DOCUMENTS
Les ex-libris manceaux aDtérieurs au xix" siècle, par M. P.
DE Farcy 17. 129, 340
La Poursuite après la bataille du Mans par le détachement
du général de Schmidt, du 13 au 17 janvier 1871 (fin),
publié par M. E. Moreau 49
La Sépulture de Jeanne de Laval, veuve de du Guesclin et
de Guy XII de Laval, par M. J. Trévédy 70
Lettres de Michel-René Maupetit, député à l'Assemblée
nationale constituante (1789-1791) (fin), publiées par
M. E. Queruau-Lamerie 87
Armoriai de la Mayenne (/?n), publié par M. H. Sauvage. . 116,231
Saint-Clément de Craon et le Priorat de Jacques Teillard,
par M. E. Laurain 162
L'Origine des Seigneurs de Laval. — La fondation du
prieuré d'Auvers-le-Hamon, par M. R. Latouche .... 199
Notes sur les bureaux de charité de Laval (1683-1803). —
Appendice. — Par M. E. Queruau-Lamerie 212
Tableau de la province du Maine, 1762-1766, publié par
M. A. Grosse-Duperon 219,360,462
La Compagnie de gendarmerie de la Mayenne 240
Vie de Robert d'Arbrissel, traduite par M. J. Cahour . 257, 385
Chartes de Fontaine-Daniel et de Montguyon, publiées par
M. E. Laurain 293,471
Un Magistrat révolutionnaire, François Midy (1752-1807),
par M. E. Queruau-Lamerib 314,429
Le Cadavre de Marie Jaguelin, par M. E. Laurain 329
Origine de Guy l^^ de Laval. Réponse à M. Robert Latouche,
par M. l'abbé A. Angot 336
Avant Bossuet. Cohon, évéque de Nîmes et de Dol, précep-
t^r des neveux de Mazarin, prédicateur du Roi, par
F. DuiNE 407
Des Râpes à Tabac, par M. Alaret 453
Testament de Jean Lorencin, bourgeois de Laval (12 août
1420) 492
La Chapelle des Bénédictines de Lassay 498
— 510 —
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Séance du 31 Janvier 1907 124
— 18 Avril 1907 250
— 6 Août 1907 369
— 12 Décembre 1907 503
BIBLIOGRAPHIE
L'Autel des Carmes d'Angers, par P. de Farcy 254
Cent ans de vie Vitréenne, par Frain de la Gal'layrie. . . 254
Histoire de la Maison de Baglion 256
Le Bas-Vendômois, de Montoire à La Chartre-sur-le-Loir.
— Excursions sur les rives du Ij)ir et de la Braye au
pays du poète Ronsard, par L.-A. Hallopeau 380
Les généraux des paroisses bretonnes. Saint-Martin de
Vitré, par F. Dui?ie 381
Dictionnaire pratique de droit rural et des usages ruraux
du département de la Mayenne, par G. Grimod et H.
Guéraivger 382
Les Quatorze prêtres martyrs de Laval, 2Î janvier il9i. 506
TABLE DES NOMS D'AUTEURS
TRAVAUX ORIGINAUX ET DOCUMENTS
MM.
Alaret (M.) 453
Angot(A.) 336
Cahour (J.) 257.385
Farcy (P. de) 17. 129, 340
Grosse-Duperon (A.) 219, 360, 462
Laurain(E.) 162,293,329,471
Latouche (R.) 199
Moreau (E.) 49
Queruau-Lamerie (E.) 87, 212, 314, 429
Sauvage (H.) 116. 231
Trévédy (J.) 70
Von Walter (J.) 257.385
COMPTES RENDUS ET BIBLIOGRAPHIE
Laurain (Ernest) 254,380,381,382,506
OUVRAGES MENTIONNÉS DANS LA BIBLIOGRAPHIE
Duine (F.) '381
Farcy (P. de) 254
Frain de la Gaulayrie 254
Grimod (G.) et Guéranger (H.) 382
Hallopeau (L.-A.) 380
— 511 —
TABLE DES GRAVURES
Ex-Iibris d'Auvrecher-d'Angerville 18
— de Beaumont-d'Autichamp 19
— de Bailleul 20
— de Bailleul ' 21
— du Bellay 22
— du Bellay 23
— BignoD 24
— Bignon 25
— Bignon 26
— du Bouchet 27
— Le Bouyer 28
— Le Bouyer 29
— de Chamillarl 30
— de Champagne 31
— de Champagne 32
— Collégiale Saint-Just de Château-Gontier .... 33
— de Chavagnac 34
— Chotard de Boisjousse 35
— Le Clerc 36
— Le Clerc 37
— de Clermont 38
— Constantin 39
— de Courtarvel 40
— Marquise de Courtarvel, née de Lambert .... 41
— Dumans 42
— de Farcy de Cuillé 43
— Foucquet 44
— Foucquet 45
— Gendry 46
— de la Goupillière 47
— Chausson 48
— Chausson de Courtilloles 130
— de Gaignon 131
— du Hardas 132
— d'Héliand 133
— d'Héliand. . 134
— d'Héliand 135
— Hérisson 136
— Hoisnard 137
— Houdebert 138
— de Lavergne 139
— Duc du Maine 140
— Oratoriens du Mans 141
\
— 512 —
Ex-libris de Maridort 142
— Midy 143
— Piveron 144
— Marquise de Montesson 145
— de Murât 146
— de Murât 147
— de Murât 148
— Négrier 149
— Nepveu 150
— de Nicolaï 151
— de Noailles, Duchesse de la Vallière 152
— Potier 153
— Le Prince 154
— Le Prince 155
— Raison 156
— Rocher 157
— Abbaye de la Roë 148
— Le Roux 159
— Ruillé 160
— de Samson 161
— de Savonnières 341
— de Tascher 342
— LeTellier 343
— Le Tessier 344
— de Thieslin 345
— Duc de la Trémoille 346
— Duchesse de la Trémoille 347
— Duc de la Trémoille • 348
— Duchesse de la Trémoille 349
— Trochon 350
— Le Veneur 351
— Le Veneur 352
— Marquise de Voyer d'Argenson 353
— du Bouchet 354
— Bourdon 355
— Dumans 356
— Andouard 357
— du Plessis-Chatillon 358
— du Puy du Fou 359
Râpe à tabac (fer damasquiné, xvii« siècle) 456
RApe à tabac (xviiic siècle) 457
Râpe à tabac (bois et ivoire, xyiii^ siècle) 460
Râpe à tabac (fer, xviii« siècle) 461
r* .u-
\A}
550174
BULLETIN
DE LA COMMISSION
HISTORIQUE ET ÂRGHlOLOGIQUË
DE LA MAYENNE
C.nÉKK PAR ABRÈTÉ PKÉFKCTOnAI, DU 17 JANVIKB 1878.
DKIXIEME SKniE
TOMTi: VHVGT-TItOISlÈiMK
1907
Publication Trimestrielle
LAVAL
IMPRIMEHIK-LIHRAIIUK V A. GÔIIPIL
1907
X
^ '
73.
liPF"
SOMMAIRE :
Titiv el \ÂsW doH Membres do la Commission . . 5-7
Les ex-Iibris maiieeaux, «Tiil/M-ii^urs au xix® siècle,
par P. DE Fahcv. / . . 17
La poursuite après la bataille du Mans par lo
détachement <lu oén< rai de Schmidl du 13 au
17 Jauvicu" 1871. publié par M. Km. Moreàu f/ï/iy. 4Î>
La Sr'pulture de Jeanne de Laval, veuve de du
(iuesclin el d(» Guy Xll de Laval, par J. Trévédy. 70
Lettres de Michel-Kené Maupetit, Député à l'Assem-
blée Nationale Constituante (1789-1791). publiées
par M. K. (^)i khuau-Lamkiue ^///?y . '..... 87
Armoriai de la Mayenne, publié par M. Hippolyle
Sai VACK isniie} IKJ
Procès-verbaux des st^ances 124
(iHwruKs :
Ex-iibris d'Auvrecher d'An{<erville . fK
— * (te B^'aumontd'Autichamp 19
— do Kailleul H^
— de Hailleul .: 21
— du t^<*lhiy ..;.,. 5*2
— du Bella.v 2.'i
— Bignon. , ; . . 24
— Bignon 25
— Bignon. . . . 2B
— du Bouchet 27
— Le Bouyer *J8
— Le Bouyep .v9
— de ChamiBart 30
— de Champagne. : 3i
— de Champagne ..... 32
— CoUégiale Saint-.îust de Chàteau-Gonlier , .'i3
— de Ctiavagnac 34
— Ctiotard de Boisjou.s.se 35
Le Clerc 36
— Le ChM-c 37
— de Clermont 38
— Consluntiu. . 2&
— do Courtarvel • 40
— Marquise de Courtarvel, née de I^ambert 41
— Duman.s 42
— de Karcy de Cuillé. 43
— Fuuc<iiiet 44
— Foucquet 45
— Gendry 46
— de la (ioupillière 47
— Chaus.son 48
rw'
BULLETIN
DE LA COiMMISSION
HISTORIQUE ET ARCHlOLOGIOlJE
DE LA MAYENNE
CRKKK PAH AHRP.TÉ PItÉKhICTORAI. DU 17 JANVIER 1878.
DEUXIEME SERIE
TOME Virs'GtT-'rFlOISlÈME
1907
Publication Trimestrielle
LAVAL
LMPRLMEFUE-LIBHAIKIE V A. GOUPIL
1907
'4.
SOMMAIRE :
Les ex-libris manceaux, antérieurs au xix" siècle,
par P. DE Farcy (suite) 129
Saint-Clémenl de Craon et le Priorat de Jacques
Teillard, par E. Laurain 162
L'origine des Seigneurs de Laval, par R. Latouchk 199
Notes sur les Bureaux de Charité de Laval (1683-
1803), par M. E. Queruau-Lamerie' 212
Tableau de la Province du Maine (1762-1766), par
M. A. Grosse-Dupkron 219
Armoriai de la Mayenne, publié par M. Hippolyte
Sauvage {fin} • . . . . 232
La Compagnie de Gendarmerie de la Mayenne . . 240
Procès-verbaux des séances ........ 250
Bibliographie 254
Gravures :
Ex-libris Chausson de Courtilloles 130
— de Gaignon i'M
— du Bardas i3îè
— d'Héliand 133
— d'Héliand 134
— d'Héliand 135
— Hérisson 136
— Hoisnard 137
— Houdebert 138
— de Lavergne 139
— . Duc du Maine *. . 140
— Oratoriens du Mans 141
— de Marldort .' 142
— Midy 143
— Piveron 144
— Marquise de Montesson 14:>
— de Murât 146
— de Murât 147
^ de Murât 148
— Négrier 149
— Nepveu loO
— de Nicolaï 'loi
de Noailles, Duchesse de Vallière 153
— Potier li>3
— Lh? Prince li>^
— ^ Le Prince 153
— " Raison - . . 156
— Rocher 157
— Abbaye de la RoO 158
Le Roux 159
— Ruillé 160
de Samson 161
INOEXEO.
BULLETIN /
DE LA COMMISSION
HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIÛl
DE LA MAYENNE
CBÉÉE PAR ARRÊTÉ PRÉFECTORAb DU 17 JANVIER 1878.
DEUXIEME SERIE
TOME VlîVOT-TKOlSlÈlMli:
1907
Publication Trimestrielle
LAVAL
IMPRIMERIE-LIBRAIRIE V" A. GOUPIL
1907
5.
SOMMAIRE :
Vie cit' UuUert d'Arbrissel, traduite par J. Cahoxjr . 257
(lliaries d(î I\)iitaiiie-Daniel ol de Monl^yon,
jHiblitH's i)ar K. Lauhain 293
Un Magistral révolulionnairo, Krangois Midy (1752-
1807i. par E. Qi'EKUAu-I^AMEniE 314
Le cadavre de Majne Jaguelin, par K. Laurain . . 329
Origine de (luy i"^ de Laval. K«*pouse à M. iiobert
l^atouche. par l'abbé A. Angot. . . . . . . 33(>
Les ex-libris nianceaiix, antérieurs au xix^' siècle,
par P. DE Farcy isuiie) 340
Tableau de la Province du Maine (1762-1760), par
M. A. Grosse-Duperon ^«w^ypj . 360
Procès-verbaux des séances 369
Bibliographie 380
(tHAVUKKS
Ex-Iibris de Savonnièros
(]«» Tascher
— he Tellier
— Le Tessier
de Thieslin
— DiR" de la Trémoille
— Duchftsse do la Trémoillo. . . .
— Duc de la Trémoille
— Duchesse de lu Trémoille. . . .
— Trochon
— Le Veueur
— Le Veneur
— Marquise de Voyer d'Argenson..
— du Bouchel
Bourdon
— Dunnans . .
— Aiidouard
— du Plessis-Chatillon
~ du Puy du Fou
342
343
344
345
344j
347
348
349
.150
351
352
353
354
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BULLETIN
DE LA COMMISSION
HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE
DE LA MAYENNE
CRÉÉE PAR ARRÊTÉ PRÉFECTORAL DU il JANVIER 1878.
DEUXIEME SERIE
TOMIO VINOT-TROISIÈME
1907
PubHcation Trimestrielle
- LAVAL
IMPRIMERIE-LIBRAIRIE V A. GOUPIL
1907
76.
SOMMAIRE :
Vie de Robert d^Arbrissel, traduile par J . Cahour (fin) 385
Avant Bossuel. — Cohon, Evèque de Nîmes et de
Dol, Précepteur des neveux de Mazarin, Prédica-
teur du Roi, par F. Duine 407
Un Magistrat révolutionnaire, François Midy (1752-
1807), par K. Qubruau-Lamerie (suite} .... 429
Des râpes à tabac, par M. Alaret ...... 453
Tableau de la Province du Maine (1762-1766), par
M. A. Grosse-Duperon (suite) 462
Charles de Fontaine-Daniel (suite) 471
Testament de Jean Lorencin, bourgeois de Laval
(12 août 1420) 492
La Chapelle des Bénédictins de Lassay ..... 498
Procès-verbaux des séances . . -, 503
Bibliographie . . , . \ J\ 506
Table des matières . - ^ - %îi ^^
Table des gravures 511
Gravuuks :
Râpe à tabac (fer damasquiné, xvii® siècle) . . . 456
Râpe à tabac (xviii* siècle) 457
Râpe à tabac (bois et ivoire, xviii* siècle) .... 460
Râpe à tabac (fer, xviii* siècle) 461
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