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Full text of "Bulletin de la Société de Géographie"

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^.  ^  J>6-  A  .  AS. 


r_v  mtmtmitt^iM^ti'im  B<iwM^gi'w*iw^iL'»»*mt— ^amw^ 


BULLETIN 


DE    LA 


SOCIETE   DE    GEOGRAPHIE. 


Troisienie  S^rie* 


TOME  X. 


BUREAU    DE   LA    SOClfiTfi, 

(elections  do  12  MAI  1844.) 


fresideiil. 
Vice-Presidents. 

Scnitateurs. 
Secretaire. 


M.  le  baron  Koussin  ,  amiral  et  pair  de  France. 

M.  le  baron  Delessf.rt,  menibre  de  I'lnstilut. 

M.  Auguste  DE  Saiht-Hiiaire,  membre  de  I'lnslltut. 

!M.  Mermilliod,  de|iute. 

M.  L.  A'lTiEw  ,  ^eographe. 

M.  NoEr.  Desvergers. 


Liste  ties  Presidents  honornires  de  la  Societe,  depiiis  son 


ongine. 


MM. 

Le  marquis  dc  Laplace. 

Le  maiquis  de  P^storet. 

Le  \icomtede  Chateai-brund. 

Le  rointe  Chabkoi.  de  Yoi.vic. 

Becqufy. 

Le  baron  Ai.ex.  de  Humeoldt. 

Le  coinle  Chabrol  de  Crousol. 

Le  baron  Cuvier. 

Le  baron  Hyde  de  NEDvittE. 

Le  due  de  Doudeauvii.le. 

J.-B.  Eyries. 

Le  comte  de  Riohy. 


MM. 
DuMONT  d'Urvii.le. 
Le  due  DtCAZES. 
Le  comte  de  Montalivet. 
Le  l)aron  de  Baraste. 
Le  lieiilenant-general  Pei.et. 

GUIZOT, 

De  Salvakdy. 

Le  baron  Tcpinier. 

Le  comte  de  Las  Cases. 

VlLLEMAIW. 

CcNiM  Gridaine. 


Correspondants  etrangers  dans  Pordre  de  lew  nomination. 


MM. 

Le  doclein-  J.  Mease,  a  Pbiladelphie. 
H.  S.  Tannfr.  a  Pbiladelpbie. 
W.  WooDBRiDct,  a  BdsUjii. 
Le  It-col.  Edward  Sabine,  a  Londres. 
Le  colonel  Poinsett,  a  \Va>bingtou. 
Lecol.  d'Abrahamson,  a  Copenbague. 
Le  prol'esseur  Schumacher,  a  Altona. 
De  Navarrete,  a  Madrid. 
Le  docteur  Reinganum.  a  Berlin. 
Le  capit.  sir  J.  Franklin,  a  Londres, 
Le  docteur  Rlchardson,  a  londres. 
Le  professfur  Rafn,  a  Copenbague. 
Le  capitaine  Graah,  a  Copenbague. 
AiNSWoRTH,  a  Edindjourg. 
tecon^ciller  Aurien  BAi.Bi,aVieniie, 


MM. 
LecomteGRABERGDEH£Ms6,a  Florence- 
Le  colonel  Long,  a  Philadclphie. 
Sir  Juliii  Barrow,  a  Londres. 
Le   capitaine  Macokochie  ,    ;i    Sidney. 
Le  capitaine  sir  John  Ross,  a  Londi  es. 
Le  conseiller  de  Macedo,  a  Lisbonue. 
Le  professi'ur  Karl  Ritter,  a  Berlin. 
P.-S.  DU  Ponceau,  a  Pbiladcljibio. 
Le  capitaine  G.  Back.. 
F.I)cnoisDEMoNTrERECx,aNeufcbalel. 
Le  cap.  Jolin  Washington,   a  LoiiJres. 
Le  col.  Ferdinand  Visconti,  a  Naples. 
P,  UE  Angelis  ,  a  Buenos-Ayres. 
Le  docteur  Kriegk.  a  Francfort. 
Adolpbe  Krmah,  a  Berlin. 


i'Ar.l.i, 


r,MPiiiMhnii-;  lu;  iiouiKjOc.rcE  lii  iiAKriMci, 

rill-    I,,.M,|.      ■M). 


BULLETIN 


DE    LA 


r  r 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE, 


Troisieuie  Serie. 


2^iimc  premier. 


CHEZ    AUTHHSBERTRAND, 

I.IBRAIRE     DE     LA     SOClilt     DE     C  EO  G  li  A  P  I!  l  E  , 

RUE    HAUTEFEUILLE,     n"    23. 


1844. 


COMMISSION   GENTRALE. 


COMPOSITION      DU     BUREAO 

(Election  dii  5  Janvier  1844.) 

President.  M.  Rocx  de  Rocbei.li. 

f  ice- Presidents.      MM.  Baron  Roger  ,  Dadssy. 

Secretaire-general.  M.  Bertbelot. 

Section  de  Corresponclance. 


MM. 

Bajot.                                               MM.  C.  Moreau. 
Callier.                                                        Noel-Desvergers. 
Corbelet.                                                        D'Orbiguy. 
Desjardins.                                                  Texier. 
Dubuc.                                                            Thomassy. 
Jaubert.                                                       Warden. 
Lafond. 

Section  tie  Publication. 

MM. 

Albcrt-MontemonJ. 

D'Avezac. 

Denaix. 

Guigiiiaiif. 

Jomard. 

Baron  de  Ladoucette. 

MM.    De  Larenaudiere. 
De  Montrol. 
Le  vicomte  de  Sanlarem 
Ternaux-Compans. 
Le  baron  VValckeuaer. 

Section  de  Comptahilite. 

MM. 

Ansart. 

Le  colonel  Coraboeuf. 

Eyries. 

MM.    Tsambcrf. 

De  la  Roquelle. 
Tivien. 

Membres  adjoints  de  la  Commission  centrale. 

MM 

.  Cortambert. 
CoulhauJ. 
De  Froberville. 

jNLVL   Gay. 

lonbert  des  Mottelettes, 

Comite  charge 

de  la  publication  du  Bulletin. 

MM 

.  Albert-Montemont. 
Ansart. 
D'Avezac. 
Berlbelot. 
Callier. 
Cochelet 

MM.    Daussy. 
Jomard. 
De  la  Roquette. 
Roux  de  Rochelle. 
Texier. 
Thomassy. 

M.  Chapellier,    notaire,  tresorier  de   la  Societe,   rue  Saint-Houore ,  370. 
M.  Noirot,   agent-general   et  bibliothecaire  de  la  Societe,   rue  de  I'Univer- 
tile  ,   11"  a'i. 


BULLETIN 


DE    LA 


f  f 


SOCIETE  DE  (iEOGKAPHIK 


JANVIER  'i^hh. 


PREMIERE    SECTION. 


MRMOlIiES,   KXTRAITS,    ANALYSES  KT  ItAPPORTS. 

SUR  LES  GLAGES  DU  POLE  ALSTRAL. 

EXAMEN    d'uNE  NOTICE  DR   IM.    LE  U"^  HOMBRON   SUR  CE   SUJET  , 

PAH  M.  DAIJSSY. 


M.  le  D'  Ilombron  ,  chirurgien-major  de  V Astrolabe , 
dans  la  dernlere  expedition  command^e  par  M.  Du- 
mont  d'Lrville,  a  donne ,  dans  le  n°  de  noveuibre  des 
Annales  mariiunes  ,  un  article  intitule  :  yJpercu  topogra- 
phiqiie  siir  les  terres  et  les  glaces  australes.  Voulant 
combattre  quelques  unes  des  propositions  avanc6es 
par  M.  Ilombron  ,  je  crois  convenable  de  donner  ici 
^'article  lui-meme,  afin  que  Ton  puisse  avoir  sous  les 
yeux  les  raisons  pour  el  contre  cliacune  des  opinions.. 


(  6  ) 
APERgU  TOPOGRAPHIQUE 

SljR    I,ES    TERRES    ET    LE8    GL.VCES    AISTRALES  , 

PAR  M.  LE  D^  lIOMimON. 


«  Le  rapide  cxpos6  dc  travaux  aussi  considd-raljles 
que  ceux  que  les  Anglais  viennent  d'achever,  entraine 
une  redaction  trop  resserree  pour  que  les  di^tails  ne 
soicnt  point  negliges  ,  et  que  celte  n(5gligence  ne  nuise 
pas  a  I'appreciation  des  faitg.  Je  m'abstiendrai  done 
de  toute  critique,  car  il  ne  serait  point  juste  d'altrihuer 
a  la  volonte  de  I'auteur  I'obscurile  qui  rcsulte  simple- 
ment  de  la  reduction  qu'il  a  fait  subir  a  son  sujet ,  en 
le  ramenant  aux  proportions  dun  rapport.  Je  me  bor- 
nerai  a  extraire  dc  ce  travail  plusieurs  faits  clairs  et 
saillants,  qui  contiennenl,  selon  moi ,  quclques  v6ri- 
t6s  importantes. 

»  Ce  qui  rcsulte  tout  d'abord  de  celte  narration  ,  c'est 
que  les  banquisos  travers6cs  par  M.  le  capilainc  Ross  , 
en  \Shi,  ne  ressemblent  point  compl6tement  a  cclles 
qui  bornerent  ses  dernieres  tcnlalives  aux  paralh^les 
peu  (^levds  qu'avaient  deja  si  laborieusement  sillonnes 
Bransfield  ,  d'Lrville  et  \Mlkes.  Dans  ses  premiers  rap- 
ports, M.  Ross  parle  de  banquises  qu'il  ^tait  parvenu  a 
traverser.  Or  celle  qu'il  rencontra  dans  sa  toute  recente 
et  derniere  pointe  vers  les  hautes  latitudes  n'ont  et6 
francbios  ni  par  lui  ni  par  ecs  pi'edecesseurs.  II  im- 
porte  de  signaler  ce  fait  a.  Tcquitc  du  jjublic,  parce 
qu'il  prouvc  ([n'ii  v  a  banquisc  et  banquise^ 


(  7  ) 
»  Sans  doute  M.  Ross  neparailrail  plus  6toniie  au- 
jourd'hui  que  les  Francais  el  les  Am^ricalnseussentpu 
rencontrer  reellement,  et  decrire  des  banquises  aussi 
formidnbles.  La  premiere  banquise  qui  se  soil  olTerte  a 
M,  Ross  se  trouvait  par  66"  hh'  de  latitude  S.  et  17^°  16' 
de  longitude  orientale.  La  topographic  de  ce  point  de 
la  circonlerence  du  pole  S.  ne  ressemble  nuUement , 
ainsi  que  nous  allons  le  voir  dans  le  cours  de  cet  ar- 
ticle ,  a  celle  des  lieux  ou  les  Francais  attaqu^rent  deux 
fois  la  ceinture  de  glace  du  pole  antarctique  :  M.  Ross 
«  y    penetra  sans   avoir   a    regretter   aucune    avarie, 
»  Apres  y  avoir  parcouru  quelques  milles ,  on  put  con- 
»  tinuer    a  marcher  vers  le  S.  sans  grande  diflicult^. 
)j  Dans  la   matinee  du  9 ,    apres  avoir   fait    plus    de 
»  200  milles  dans  la  banquise  ,  il  entra  dans  une  mer 
» parfaitement    libre. »    En    eflfet  ,     pour     parcourir 
66  lieues  en  quatre  fois  vingl-quaUe  lieures ,  il  faut 
faire  constammcnt  16  a  17  lieues  de  minuit  a  minuit 
pendant  quatre  jours,  ce  qui  suppose  dans  une  ban- 
quise une  liberte  deja  assez  satisfaisante.  Le  9  f(^vrier 
1838  ,  les  corvettes  francaises  V Astrolabe  et  la  Zelee  , 
se  trouvant  dans  la  banquise  par  62°  30'  de  latitude  S. 
et  40°  30'  de  longitude  0. ,  ne  jouissaient  point  d'une 
aussi  grande  liberte  d'action  ;  car,  bien  qu'ellcs  fussent 
aidees  du  seul  auxiliaire  eflicace  dans  cette  circonstance, 
je  veux  parler  dun  vent  tres  fort,  elles  employerenl 
neuf  heures   pour  faire  une  demi-lieuo.  Le  9   fevrier 
1841,  par  78"  4'  de  latitude  S.  et  191°  23'  de  longitude 
E. ,  r Erebus  et  le   Terror  furent  eux-memes  dans  une 
semblable  position  :  «  ils  se  virent  arretes  par  une  dan- 
»  gereuse  banquise ,  a  travers  laquelle  ils  eurent  la  plus 
» grande   peine    a    se    frayer    un    chemin  ,    ct    d'oii 
»  peut-elre  ils  nc  fussent  jamais  sortis  sans  les  forh3s 


(8) 
))  brises  qui  vinrent  i  leur  secours.  »  II  est  Evident 
que  la  premiere  des  banquises  oil  pendtri^rent  les 
Francais  dilTc^rait  beaucoup  de  la  premiere  banquise 
traversee  par  les  yVnglais  :  cclle-ci  n't^tait  que  la 
partie  cphomere  des  champs  de  glaces  qui  cntourent 
on  hiver  rarcliipel  de  Balleny  du  cole  du  N.  Ln  vaste 
golfe  se  developpait  dans  le  S.-S.-E,  de  celte  banquise, 
et  livra  au  capitaine  Ross ,  si  ce  n'est  une  issue 
completcment  dd-gagee ,  au  moins  un  passage  jfl-atica- 
ble  ,  sem6  d'obstacles,  il  est  vrai ,  mais  pouvant  etre 
surmont^s  a  I'aide  des  moyens  qui  sont  a  la  disposi- 
tion de  la  faiblesse  liumaine. 

wj'ai  cru  devoir  entrcr  dans  ces  details  a  cause  d'une 
phrase    ambigue    de  I'un  des   premiers   rapports   de 

M.   Ross ;   la  voici   textuellement :  « Cette  ban- 

»  quise  ne  me  sembla  pas  aussi  formidable  que  I'ont 

»  representee  les  Francais  et   les  Ainericains » 

J'aime  a  me  persuader,  a  dit  I'honorable  M.  Daussy, 
dans  une  des  seances  publiques  de  la  Sociele  de  geo- 
graphic de  celte  annee  (1),  que  cctte  reflexion  n'a 
point  ele  inspir^e  par  un  esprit  de  critique ;  jc  le  de- 
sire aussi ,  carjc  ne  suppose  que  des  intentions  nobles 
et  elevees  a  un  homme  aussi  distingue  que  M.  le  capi- 
taine Ross. 

»  Le  voyage  de  M.  Ross  confirmc  I'asscrtion  suivante, 
qui  ,  pourmoi,  est  deja  un  axiome  :  Ton  ne  peut  cs- 
perer  atteinch'c  les  hauls  paralleles  anlarcliques  quo 
sur  les  points  de  la  circonf^rence  du  pole  ou  les 
terres  se  refoulent  fortement  vers  le  S.  Telle  est  la  pro- 
position que  nous  allons  tacher  de  dcmontrer. 

(i)  Ce  fut  daiis  cette  scaiicc  ijiie  la  Sociele  de  geograjiliie  de  IVii  is 
dticriia  uiic  iiicdaillL'  d'or  a  M    Hi)s> 


( ^J) 

»  Dans  le  N.,  les  terres  se  cleveloppent  siir  une  im- 
mense etendue,  et  le  bassin  de  la  mer  polaire  boreale 
en  est  entierement  environne  ;  cependant  les  naviga- 
teurs  pdsn^trerent  dans  sesphis  etrolts  canaux  ,  et  par- 
vinrent ,  par  ces  defiles,  a  des  hauteurs  considera- 
bles. Dans  le  S. ,  la  rencontre  de  la  lerre  interdit 
tous  progres  ulterieurs,  et  il  serait  inutile  de  tenter 
a  penetrer  dans  les  nombreuses  issues  dont  le  con- 
tinent antarclique  est  certainement  coupe  en  mille 
sens  divers. D'oii  provient  cette  difference  ? 

))0n  ne  saurait  compter,  dans  les  I'egions  australes, 
ainsi  qu'il  est  permis  de  le  faire  dans  les  mers  sopten- 
trlonalcs  (1),  sur  des  debacles  fixes;  iln'y  a  point  la  de 
couranfs  reguliers  aides  quelquefois  d'une  temperature 
douce,  et  entrainant  hors  des  canaux  les  glaces  qui 
encombrent  la  terre.  Les  courants  du  N.  sont  le  resul- 
tat  force  de  la  topographic  de  la  mer  Glaciale  ;  au  con- 
traire  ,  I'immense  Ocean  qui  entoure  le  pole  S. ,  la 
sterilile  des  fleuves  du  continent  austral ,  sont  autant 
de  cii'constances  peu  favorables  a  la  conservation  des 

(l)  "  Ll'S  navigateurs  du  Gioenlanil  (flit  Scoresljy  jeime)  lencoii- 
trent  celte  formidable  barriere  (la  banf|uise") ,  dus  leiir  arrivee,  au 
inois  d'avril;  des  causes  iiatiirelies  rt'iuij^nent  a  mesuie  (jue  la  saiaon 
s'avauce.  Quelque  vaste  ,  haute  et  cuMipacle  qa'elie  jmisse  eire  ,  on 
la  trouve  geneialement  separee  de  li  terre,  et  paila;;reala  fin  de 
juiu  ;  voila  pourqiioi,  nialgre  les  diFticultes  et  les  peisies  (pie  Ion 
eprouve  pour  entrer  dans  ees  parages  de  pedie,  on  en  sort  ordinai- 
reinentsaiis  iiieonvenienl  partieulier. 

»  Ce  sont  (les  Faits  sinjjuliereinent  eiiri(-ux,  et  oertaiiiement  digne3 
de  consideration  ,  i°  que  la  glace  euveloppe  en  hivcr  toute  la  cote 
du  Spitzberj;,  et  abandonne  au  inois  de  juiii  son  rivage  occidental  ; 
2"  que  I'Ocran  soil  navigable,  ])ies(|ue  tmis  les  ans,  depuis  le  6*^  et 
le  lo"  n)('ri<lieii  E    jusqu'a  80"  de  latitude  N "  (Page   188.  ) 

"  Vers  le  uiois  de  jiiiu,  les  (jlac'es  ne  soul  plus  visibles;    la  nier  est 


(  »o  ) 

courants  qui  lendraient  a  s'dlablir  dans  une  direction 
arrClee.  Leur  existence  y  depend  done  surloul  des 
vents.  Mais  quoi  de  moins  capable  de  dispcrsor  les 
glaces  que  celte  capricieuse  intermitlence  de  Fincon- 
stance  des  vents?  ce  que  I'un  repousse,  I'aulre  le  ra- 
in^ne.  La  mer  du  Nord  re(^oil,  d'un  tres  grand  nom- 
bre  de  fleuves  iaiporlants,  un  volume  d'eau  6norme; 
les  debouquements  creus^s  a  Iravers  les  terros  de 
I'Europe  ,  de  I'AnK^rique  el  de  I'Asie  ,  donnent  passage 
aux  eaux  qui  s'y  accumulent;  ce  sont  des  trop-pleins 
sans  cesse  parcourus  par  des  courants  constants  et 
d'aulanl  plus  rapides  ,  qu'ils  passent  d'un  espace  plus 
grand  dans  un  detroit  plus  relreci.  Aussitol  que  I'ete 
recliauffe  les  continents  environnanls,  les  glaces  se 
rompent,  les  marees  complelent  leur  demolition,  ct 
les  courants  les  entrainent.  En  aduietlant  meme  qu'une 
succession  d'ann6es  froides  vous  retienne  dans  ce  nial- 
beiireux  pays,  I'espoir  ne  vous  est  point  enlcve ;  et 
quelle  que  soil  I'inhospitalite  de  la  saison,  la  torre 
vous  offre  encore  en  ete  quelques  productions  utiles  ; 
mais,  dans  le  S. ,  lout  est  glace,  tout  est  invariable 
conime  Talmospbere  qui  entoure  celte  partic  isolee  de 
noire  planete;  tout  y  semble  appartcnir  a  un  autre 
globe.  Autant  les  glaces  sont  mobiles  dans  le  N.,  au- 
tant  elles  sont  fixes  dans  le  S.  De  la  limpossibHile  de 
p^netrer  a   travers  les  canaux  ramifies  au  milieu  des 

aiiisi  enlieroincnl  navi;;iil)lo  jiisqii'' ilans  la    vasle    ('■teiiduc  de  l.i    iner 
(III  Nonl   et  (le   rociiaii  Atlaiitifinc.  »  (I'age  193.) 

II  ajoiUe  |)Ims  loin  :  «  Cetlc  propriety  Jc  la  glace  est  de  l.i  plus 
haute  iiiipoi  t  nice  jiDm  le  navi/jaleur  ;  loisf|u'il  la  conn.iil,  die  h\i 
ins|)in'  In  eonfiaiicc  et  le  rend  r.i]i.il)li'  di;  perscverer  sans  r('s<Tve, 
parce  (|u'il  ralcidp  sur  iiii  rcl^iiir  aise. "  [  Annalcs  des  Voyacjea ,, 
ti)inc  V. ) 


(11 ) 

terres  polaires  antarcliques,  el  rinvarlabillle  des  ban- 
quises  compactes;  de  la  le  seul  espoir  fond(^  de  n'at- 
teindre  de  tres  hautes  latitudes  qu'en  suivaiit  la  capri- 
cleuse  configui'ation  de  la  limite  N.  de  ces  terres  et  de 
CCS  glaces.  Groupons  maintcnant  tous  les  fails  qui  con- 
firment  ces  remarques. 

))  J.  En  18/il ,  M.  Ross  penetra  dans  un  vaste  golfe 
dont  la  terre  Adelie  dans  I'O.,  celle  de  Palmer  dans 
I'E.,  paraissent  etre  les  caps  extremes  vers  le  N.  La 
terre  Victoria  forme  Ic  cole  0.  de  cet  angle  lentrant, 
sur  une  elendue  de  8"  30'  du  N.  au  S.  :  Cook,  Bellin- 
ghausen ,  Biscoe,  avaient  deja  penetre  dans  cetle  espece 
de  m^diterranee  sans  y  avoir  renconti'6  d'archipeL 
Notons  bien  ce  fait,  car  elles  en  eussent  rendu  les 
abords  bien  plus  ditriciles  et  pcut-etre  impossibles.  Ce 
fut,eneffet,  au  fond  de  cette  profonde  enceinte  de 
glace  que  Cook  fut  arrets,  en  1774,  a  71°,  par  des 
montagnes  de  glace,  qui  n'etaient  autre  chose  qu'une 
terre  et  ses  glaciers.  Ce  fut  aussi  a  2  ou  3°  a  I'E.  du 
point  ou  Cook  etait  parvenu  a  la  latitude  de  71°,  que 
Bellinghausen  rencontra  a  son  tour  une  infrancbissable 
barriere  ;  il  se  trouvait  alors  par  70°.  II  essaya  de  pour- 
suivre  sa  route  a  I'E.,  mais  il  fut  ramene  au  N.  Les 
caps  Pierre  I"^  et  Alexandre  1",  decouverts  par  ce  ma- 
rin  distingue  ,  ne  sont  que  dos  dcpendances  de  la  Icrre 
de  Grabam  (ou  mieux  de  Biscoe),  vejs  le  S,,  et  la 
suite,  au  N.,  des  terres  de  Cook,  et  de  celles  que 
M.  Ross  n'a  pu  suivre  a  I'E.,  mais  qui  se  ratlachent  a  la 
terre  de  Victoria.  Ces  terres  forment  le  cole  E.  de 
Tangle  rentrant  qui  conslituc  un  golfe  de  123°  30' 
d'ouverture  au  N.,  en  considerant  les  terres  d'Adc^ic 
et  de  Grabam  comme  les  limiles  de  celle  grandc 
re n tree. 


( 1^ ) 

»  L  oxpedilion  anglaise  retourne  en  1842  vers  le  Ihi'ix- 
tre  de  ses  premieres  d^couvertes ,  elle  chcrclie  a  en 
faire  la  reconnaissance  dans  I'O ,  et  a  en  constater  la 
position  insulaire  ou  continentale  ;  mais  elle  I'encontre 
la  banquise  a  300  milles  plus  au  N.  que  I'anncie  pre- 
ccdento,  par62'»  28'  de  latitude  S,,  el  lZi6''de  longitude 
E.  Sans  doute  la  saison  peu  avancc^e  (18  d^cembre) 
contribua  beaucoup  a  cette  prompte  rencontre  des 
glaces;  mais,  quelle  que  soit  la  saison,  elle  ne  pronos- 
tique  jamais  d'lieureux  succ6s ,  car  les  banquises  ne 
s'avancent  autant  danslc  N.  qu'appuy(^es  sur  des  terres 
(l-tendueselles-memes  vers  les  basses  latitudes.  M.  Ross 
I'eprouva  bientot  :  il  Iraversa  300  milles  de  banquise  , 
el  fut  arrel6  par  c/es  glaces  si  epaisses ,  qiCil Jut  impos- 
siblp  de  faire  un  pas  de  plus;  ce  ne  fut  qua  I'aidc  des 
I'aibles  progres  de  I'ele,  el  a  force  de  persev^fance  , 
que  les  navires  francbirent  le  cercle  antarctique  le 
1"  Janvier.  lis  sortirent  des  glaces  le  2  fevrier  18/|2 , 
sans  avoir  pu  voir  la  terre.  La  banquise  qui  les  en  tint 
eloignes  etait  une  de  ces  banquises  compactes  ou  fixes 
qui  s'appuient  sur  des  lerres  peu  elolgnees.  Ce  sont 
probableraent  celles  qui  conlinuent,  vers  le  S.-E.,  la 
cbaine  de  la  lerre  Adelie,  ct,  au  N.-O. ,  celle  de  la  terre 
de  \  ictoria. 

»  B.  De  rO.  et  a  I'E.,  el  des  68°  aux  28°  de  longi- 
lude  0.,  le  continent  austral  descend  jusqu'a  62°  50' 
de  lalitudc  S.  environ,  et  les  glaces,  flanquees  d'ar- 
chipels  eleves ,  s'avancent  vers  le  IS',  jusqu'au  58°  pa- 
rallele.  Sur  aucun  point  de  la  circonference  du  pole, 
'  les  terres  el  les  glaces  ne  saillent  autant  vers  le  N.  Ce 
I'ul  dans  cet  espace  que  Bransfield,  Powell  et  Pabiier, 
d'Lrville,  \\ilkes,  el  Ross  tout  recemmenl,  lirenlsuc- 
cessivcmenl  crincr(i\al)lcs  cflorls  puur  n'alleindrc  cc 


(  13  ) 
pendant  que  64"  et  65"  dc  latitude.  Bransficld  fut  arret*- 
par  65"  de  latitude  S.  et  par  50"  de  longitude  0.;  Po- 
well et  Palmer  tent<^rent  vainement  de  s'elever  dans  Ic 
S.  des  iles  Orkney  ;  d'Urville  fut  conduit ,  par  la  ban- 
quise  des  63''  de  latitude  et  47°  de  longitude  O.,  au 
milieu  des  memes  iles;  M.  Wilkes ne  fut  pas  plus  heu- 
reux  en  chercbant  a  s'elever,  comme  d'Lrville,  sur  les 
traces  de  Weddell ;  M.  Ross,  enfin,  croisa  la  route  de 
son  heureux  compatriote  ,  et  trouva  unebanquise  me- 
nacanle  ou  ce  dernier  aurait  parcouru  une  nier  par- 
faitement  degagi^-e  d'obstacles. 

»  Au-dela  des  PovYcll ,  vers  I'E.,  d'L'rvilie  est  arrete  , 
malgr^  de  glorieux  et  inutiles  efforts  poi  r  ti'iompher 
de  cette  formidable  banquise  ;  il  ecbappe  au  danger 
imminent  qu'il  avait  alTronte;  il  suit  encore  la  ban- 
quise a  I'E.,  mais  il  est  ramene  dans  la  direction  des 
iles  Sandwicli  australes. 

»  Les  iles  Powell  et  Sandwicli ,  comme  les  Shetland  , 
ne  sont  que  des  fragments  avanc^s  de  terres  plus  con- 
siderables qui,  bien  certainement ,  n'en  sont  point 
tres  6loign6es  ,  si  Ton  en  juge  par  la  saillie  au  N.  des 
terres  de  Palmer,  de  Louis-Philippe,  dc  Joinville  ;  par 
la  solidity  et  I'imposante  masse  dc  la  banquise  rcncon- 
tree  par  Bransfield  ,  d'ljrvdle,  Wilkes  et  M.  Ross  lui- 
meme  ,  sur  ce  point  de  la  circonference  du  pole. 

»  Lc  24  decembre  1842  ,  M.  Ross  traverse  la  latitude 
de  I'ile  Clarence,  la  plus  E.  des  Shetland  australes, 
et,  «  le  lendemain  25  ,  il  etait  arrete  par  unc  banquise 
»  solide.  »  Le  26  se  passa  a  cherchcr  un  passage  en  c6- 
toyant  cette  banquise  a  I'O.  «  Le  28  on  signala  la  terre 
))  au  S.-S.-O.;  mais  la  cote  etait  bordee  de  bancs  de 
«  glace  de  dimensions  si  extraordinaires,  qu'il  fut  ini- 
)) possible  d'approcbcr  la  terro  dc  plus  pres  quo  3  ou 


(  n  ) 

»  h  milles.  »  Le  4  janvicr  18/|3 ,  Ics  navires  anglais 
avaient  atteint  la  limite  dc  6/i°  30'  de  latitude  S.,  et  ils 
nepurent  s'avancer  au-dela.  II  venait  de  faire  la  recon- 
naissance de  la  coteE.  et  S.-E,  de  la  lerre  Louis-Phi- 
lippe, dent  Dumont  d'Lrvillc  avait  deja  reconnu  la 
cote  N.-O.  en  1838. 

»  AI.  Ross  eut  evidemment  a  luttcrdans  cetle  circon- 
stance  contre  la  ineme  disposition  dcs  glaccs  qui  arr§- 
t^rent  Bransfield  en  1820,  a  quelques  milles  plus  S., 
et  quelques  cenlaines  de  milles  plus  a  I'E. 

»  Le  22  Janvier  1838  ,  la  route  de  d'frville  est  bar- 
r^e  par  une  banquise  compacte  au  63"  26'  de  latitude 
S.,  et  47"  7'  de  longitude  O.;  la  direction  de  ces  glaces 
etait  N.  et  S.-O.;  elles  allaient,  d'un  cote,  rejoindre  la 
banquisede  Bransfield,  et,  de  I'autre,  les  iles  Powell. 
Les  instructions  de  d'Lrville  lui  enjoignaient  de  re- 
connaitre  les  lieux  parcourus  par  Weddell  :  aussi  put- 
il  conslater  par  lui-meme  I'exactitude  de  cettc  derniere 
circonstance. 

»  Par  65°  de  latitude  S.,  M.  Pioss  prend  la  route  sui- 
vie  par  Weddell  a  son  retour  des  hautes  latitudes  aus- 
trales;  la,  malgre  les  plus  grands  efforts,  il  ne  pent 
avancer  au-dela  de  65°  15'  de  latitude  S.;  il  rencontre, 
comme  d'l  rville  ,  une  banquise  impenetrable  ou 
A\'eddell  aurait  trouve  une  mcr  libre ;  seulement  il  se 
trouvait  alors  a  une  trcntaine  de  licues  plus  au  S.  que 
le  celebre  navigaleur  fran^ais.  A  son  arrivce  dans  ces 
parages  ,  M.  Ross  avail  ^te  arr6t6  a  180  milles  plus  au 
N.  que  Bransfield  en  1820,  eta  90  milles  environ  plus 
au  N.  que  d'Lrville  en  1838;  mais  ces  faibles  diffe- 
rences dans  la  configuration  du  profil  de  la  banquise 
n'en  modifient  que  la  portion  la  moins  compacte  ,  la 
plus  isol^e  do    lout  appui  solido  ot  fixe;  elles  depcn- 


(  15  ) 
denl  de  la  niobilile  des  vents.  Ces  oscillations  conti- 
nuelles,  tout  en  modifiant  les  contours  de  la  banquisc, 
tout  en  Ics  faisant  avancer  ou  reculer  d'un  ou  deux  de- 
gr^s,  n'en  alteient  nuUement  I'enoi'me  (t  impene- 
trable masse  que  le  mouvement  continuel  des  gla- 
ciers (1)  et  les  debris  des  avalanches  tendent  sans 
cesse  a  grosslr,  surtout  pendant  la  saison  d'ele. 

»  C'.  En  continuant  toujours  a  I'E.,  au-dela  des  lies 
Sandwich ,  existe  encore  un  retrait  considerable  des 
terres  vers  le  S. ,  ainsi  que  le  constaterent ,  a  diverses 
epoques  ,  Cook  ,  Bellinghausen  ,  Biscoe  et ,  tout  der- 
nierement,  la  route  de  M.  le  capilaine  Ross.  Les  li- 
mites  de  ce  golfesont,  au  N.,  d'unepart ,  les  Sandwich; 
de  I'autre,  les  terres  d'Enderby  ;  ce  qui  comprend  un 
espace  de  69°  environ. 

»  Bellinghausen  et  Lazarell",  arrives  par  52'  15'  de 
latitude  S. ,  cinglent  I'espace  de  /lOO  milles  sur  le  pa- 
rallele  de  60°;  puis,  pouvant  enfm  piquer  au  S.,  sous 
le  meridien  de  Greenwich,  ils  atleignent  69"  30',  oil  les 
glaces  les  font  peu  a  pen  rebrousser  chemin  vers  le  N. 
jusqu'a  60". 

))  Biscoe  arriva  en  vue  du  meme  archipel  ( des  Sand- 
wich) le  27  novembre  1830.  Les  glaces  le  forcerent 
aussik  courir  a  I'E.,  et  ce  ne  fut  qu'a  9°  de  longitude 
0.  qu'il  put  croiser  le  parallele  de  600.  Le  21  jan\ier,  il 
etait  parvenu  a  66°  16' de  latitude  S.,  [>ar  le  meridien  , 
de  Greenwich.  La,  comme  ses  predecesseurs  ,  il  trouva 
la  mer  plus  libre  ,  et  atteignit  68"  51'  S. ;  mais  il  ne  s'e- 

(i)  Les  recentes  observations  de  MM.  Maiiins  et  Brnvais  ,  ct  de 
plusieurs  amies  savatils,  ont  constate  la  continuelle  piojjressidii  des 
{{lacicrs  de  la  paitie  supeiieuie  dts  inoiitajjnes  vims  la  liniito  iiilc- 
r'lPUie  des  idaces. 


IG  ) 

leva  plus;  il  sc  mainlint  seiiloDioiit  entre  06  et  68", 
et  docouM'il  la  lerre  d'Enderby  par  60"  2'  de  latitude 
S.  el  A2"  de  longitude  E.  II  lit  dc  vains  efforts  pour  s'en 
approchcr;  car,  a  parlir  dece  point,  il  fut  plus  que 
jamais  ramcne  insensiblemcnl  au  N. 

»  Ce  fut  a  1  degr6  1/2  plus  E.  que  Cook  dut  renon- 
ccr  a  pen^trer  plus  avanl  au  S.,  lors  de  sa  premiere 
navigation  dans  les  mers  auslrales,  en  1773;  il  etait 
aitssi  parvenu  a  68'. 

»  EnTin ,  le  28  fevrier,  M.  Ross  prit  la  route  du  S.-E, , 
repassa  le  cercle  antarclique  le  1"  mars,  par  7"  30'  de 
longitude  E.,  essaya  dc  penotrer  au  S.,  en  se  tenant  a 
egalc  distance  des  routes  suivies  par  Weddell  et  Bellin- 
ghauscn.  Mais  les  glaces  lui  opposerent  bienlot  un 
obstacle  insurmontable  ;  il  fut  arrele  par  68",  comme 
Biscoe. 

))  D.  De  I'extremite  O.  de  la  terre  Enderby  a  I'cxtre- 
mite  E.  de  la  terre  Adelie ,  cxiste  un  front  de  terre  et 
de  glace  qui,  comme  nous  venons  de  le  voir,  ramena 
toujours  au  N.  tous  les  navigateurs ,  et  qui,  moins 
avance  danscette  direction  que  le  prolongementdeja  ob- 
serve dans  I'Atlantique  auslralo ,  court  invariablement 
de  rO.  a  I'E.  entre  Gli"  30',  et  07°  de  latitude  S.  Ce 
rcmpart  a  99°  30'  d'elendue  du  levant  au  couchant.  II 
est  form6  des  terres  Enderby,  Sabrina  ,  Clarie  ,  Adelie. 
La  presence  de  ces  terres  interdit  lout  progres  vers 
le  S.,  au-dela  de  66°  de  latitude  australe.  Leur  direc- 
tion constantc  ot  uniforme  prete  a  la  glace  un  appui 
trop  regulier,  et  par  consequent  Irop  bien  li(§,  pour 
que  Ton  puisse  jamais  supposer  qu'elles  laisscnt,  un 
jour,  un  passage  libre  cnlre  elles. 

))  Ce  fut  le  28  Janvier  1840,  a  8  licures  20  minutes 
du   matin,  par  0/r  30'  do   latitude  S.,  ot  129"  5/i'  do 


(  17  ) 

longitude  E.,  que  d'Urville  d6couvril  «  cette  muraill 
»  de  glace  parfaitement  verlicale  sur  ses  flancs ,  el  ho- 
»  rlzontale  a  sa  cime ,  elevee  dc  120  a  130  pieds  au- 
»  dessus  des  flots ,  »  a  laquelle  il  iniposa  le  nom  de 
Clarie.  Cette  terre ,  ensevelie  sous  les  glaces,  rappelle 
l«s  enormes  falaises  de  glace  de  150  pieds  qui  arrete- 
rent  les  progres  de  M.  Ross ,  au  fond  du  grand  golfe 
ou  il  avaitpenc^tre  en  1841.  «Le  Bl  Janvier,  a  trois  heu- 
res  du  matin,  dit  d'Lrville,  quoique  j'eusse  pique  au 
S.,  nous  ne  trouvames  plus  qu'une  fonnidable  chaine 
de  grosses  iles  de  glace,  et ,  plus  loin,  au  S.-O. ,  nous 
retombames  sur  une  veritable  banquise  qui  regnait 
desormais  aussi  loin  dans  I'O.  ct  le  N.-O.  que  la  vue 
pouvait  s'etendre  du  haul  des  mats  (1).  » 

»  Le  19  Janvier,  par  65"  de  latitude  S.,  les  corvettes 
l^ Astrolabe  et  la  Zelee  se  trouvferent  en  vue  de  la  terre 
Adelie.  Le  21  ,  a  8  ou  10  milk-s  de  la  cote ,  les  Frangais 
puient  contcmpler  cette  terre  de  200  ou  300  toises  d'e- 
levation.  Le  23  ,  on  voulut  continuer  a  la  prolonger 
vers  I'O.,  mais  une  banquise  des  plus  compactes  ,  ap- 
puyee  probablenient  dans  10.  sur  les  terres  qui  font 
suite  ,  dans  I'E. ,  a  la  terre  Clarie  ,  s'opposa  a  la  marche 
des  batiments.  La  Constance  et  la  violence  des  vents 
d'E.  s'oppos^rent  aussi  a  ce  qu'on  suivit  la  terre  Adelie 
vers  I'E,  oii ,  phis  tard ,  M.  Ross  fit  d'infructueuses 
tentatives  pour  s'elever  dans  le  S.  ou  reconnaitre  la 
cote  qui  fait  suite  a  cette  terre  ,  et  a  celle  appelee  par 
lui  terre  Victoria. 

»  Ainsi  le  trace  general  de  la  circonference  des  terres 
polaires  auslralos  a  la  limite  N.  des  glaces  pr^'sente 
deux  angles  saillants  et  deux  angles  rentrants  qui  en 

(i)  Eslrait  dps  .liinali-^  iit/ni'imf!;.  {  Jiiill'  t   tS^u.  ) 

I.     JAWIKR.     2.  2 


(  18  ) 

embrasseni  tniilo  I'etenduo.  Ce  ful  toujours  an  fond 
des  angles  rentrants,  on  sur  lout  autre  point  de  leur 
f^tendue,  (jue  los  lentatives  pour  atteindre  les  j)lus 
hautes  latitudes  curcnt  le  p'us  de  succes,  ainsi  qu'il 
resulte  du  relev6  des  voyages  ox(icutes  autour  du  pole 
austral.  Mais  co  qui  n'esf  pas  moins  frappant,  c'esl  la 
ressemblance  des  obstacles  rencontres  et  des  resullats 
obtenus  dans  Ics  mfinics  parages  :  il  serait ,  je  crois, 
difficile  de  trouver  dans  ces  fails  la  preuve  de  I'in- 
constante  mobility  des  glaces  au  pole  S. 

»  Je  considdre  celte  disposition  generale  des  glaces 
auslrales  comme  invariable:  aussi  ne  puis-je  partager 
I'opinion  de  M.  Ross,  s'il  est  vrai  qu'il  ait  emis  I'opi- 
nion  qu'il  n'eut  point  rencontre  les  obstacles  qui  re- 
tarderent  et  arrOtei'enl  sa  marcbe,  lors  de  sa  dernifere 
tentative  vers  le  pole  S.,  si  les  vents  d'O.  eussenl  plus 
constamment  soullle.  La  debacle  qu'il  en  eut  altendue 
ne  se  fut  point  ed'ectuee.  L'action  des  vents  d'O.,  en 
ete ,  se  borne  ,  dans  ces  parages  ,  a  refouler  a  I'E.  les 
glaces  du  canal  de  Bransficld ,  et  a  les  resserrer  sur  la 
grande  bande  de  glaces  compactes  qui ,  des  terres  po- 
laires,  s'etend  a  I'archipel  des  Powell  et  a  celui  des 
Sandwicb.  Au  reste,  jamais  les  vents  d'O.  et  de  S.-O. 
ne  soutricnt  avec  plus  de  perseverance  qu'au  cap  Horn 
(>t  le  long  de  la  cote  d'Amerique  ;  mais  ,  a  mcsure  que 
Ton  s'eloigne  de  ce  detroit  et  du  continent  americain  , 
leur  frequence  et  leur  force  diniinucnt ;  leurs  cffels 
sur  Ics  glaces  sont  done  grandcnicnt  conipenses  par 
les  venis  d'E.,  de  IN.,  de  N.-E.  et  de  N.-O.,  tous  pas 
moins  comrauiis  que  les  vents  d'O.,  au  large  de  I'At- 
lantique  austral,  depuis  le  parallele  de  30°  jusqu'a  la 
lisiere  des  glaces. 

))  Dans  cet  examen  des  travauxg^ograpbiques  exdcu- 
tes  aux  extremitcs  de  I'lK^imisphc'-re  S. ,  je  n'ai  cite  ni 


( 1^) ) 

Morell    ni  Wetldell.  Le  preniior  de  ces  navigateurs  a 
une  reputation  de  conteur  si  bien  etablie  ,  qu'il  serait 
ridicule  d'en  appcler  a  ses  ecrils.   Quant  a  Weddell , 
ni  lo  raisonnenient,  ni  I'experience  encore  ne  plaident 
en  sa  taveur.  La  posterite  sera  plus  riche  un  jour  en 
observations  que  nous  ne  le  sommes  aujourd'hui ,  elle 
jugera  peut-etre  plus  favorablement  le  capitainc  Wed- 
dell ;  mais  en  attendant  cette  grande  sanction  du  temps, 
tout  en  s'abstenant  de  nier  absolument  les  resultats  de 
ses  travaux,  on  ne  doit  pas  s'empresser  d'adinettre  la 
relation  de  ce  marin  comme  fait  incontestable.  Encore 
une    fois  ,    la   saine   physique ,  rt  surtout  I'experience 
acquise  jusqu'a  cejour,  s'y  opposentegalement ;  lesplus 
sages  theories  de  I'homme  peuventelre  prises  en  defaut, 
mais  I'experience  nous  conduit  tot  ou  lard  a  la  verity.  » 

Les  deux  laits  principaux  que  Ion  tire  de  cette  no- 
tice sont  :  1°  La  disposition  generale  des  glaces  australes 
est  invariable. 

2°  Le  trace  general  des  terres  polaires  australes  pre- 
sente  deux  angles  saillantset  deux  angles  rentrants;  et  si 
nous  cherchons,  dit  M.  Hombron ,  oii  sont  silues  ces 
differents  points,  nous  trouvons,  pour  le  premier  de  ces 
angles  saillants  ,  le  front  de  terre  et  de  glace  qui  s'e- 
iend  de  Textremile  de  la  terre  Enderby  a  I'extremite 
de  la  terre  Adelie;  et ,  pour  le  second  ,  les  terres  dont 
les  lies  Powell  et  Sandvsich,  comme  les  Shetland  ne 
sont  que  des  fragments  peu  eloignes,  si  on  en  juge  par 
la  saillie  au  N.  des  terres  de  Palmer  ,  de  Louis-Phi- 
lippe ,  de  Joinville  et  par  la  solidite  el  I'imposanle 
masse  de  la  banquise  rencontree  j)ar  Bransfield,  d'Ur- 
ville,  Wilkes  et  Ross  lui-meme  sur  ce  point  de  la  cir- 
conference  du  pole. 


(  20) 

Ces  deux  propositions  reposent  evideinment ,  I'une 
ell'autre  ,  sur  la  supposition  que  le  capitaine  AVeddell 
en  a  impose  lorsqu'il  a  dil  avoirpenetreen  1820  jusque 
par  74°  de  latitude,  etanl  alors  sous  le  37«  m^ridien  a 
rO.  de  Paris.  Combatlrc  ces  propositions,  c'osl  clone 
di^fendre  la  mdmoire  de  ce  celcbre  navigatcur,  dont  le 
recit  frappa  toulcsles  imaginations  lorsqu'il  fut  puhlie, 
et  sur  laveracite  duquolon  n'avait  jamais  eleve  le  moin- 
dre  doute  ;  ce  devoir  est  doux  a  rcmplir ,  car  il  est  plus 
agr^able  d'avoir  a  deiendre  un  homme  conlre  une  ac- 
cusation qui  altaque  son  lionneur,  que  de  soutenir 
1 'opinion  con  tr  aire. 

M.  Hombron,  en  comparant  la  mcr  Glaciale  boreale 
avec  les  regions  quienvironnent  le  pole  austral,  observe 
que  vers  le  N. ,  de  nombreux  et  vastes  flcuvcs  verscnt  an- 
nucUement  dans  la merun  volume  d'eaudnormo  qui  doit 
tendre  adetacberet  a  enlraincr  los  glaces,  tandisqu'au 
pole  S.  tout  est  glace  ,  tout  est  invariable  comme  I'atmo- 
spbere.  M.  Hombron  n'a  pas  remarque  que,  ce  que  les 
eaux  fontauN.,  un  agent  moins  regulier  sans  doute,  mais 
beaucoup  plus  puissant ,  peut  bien  le  faire  dans  le  S.  : 
je  veux  parler  des  volcans.  Une  grande  parlie  des  terres 
(jue  Ton  a  reconnues  dans  ces  parages  presentcnt  un 
aspect  volcanique.  Balleny  vit  la  fum6e  s'elever  du 
sommet  d'une  Jlc  qu'il  decouvrit  par  66"  S.  et  par 
164"  E.  Celte  terre  ,  dit-il ,  est  cvidemment  volcanique, 
ainsi  que  le  prouve  I'espeee  de  pien-c  ou  plutot  de  lave 
qu'on  en  rapporta.  Le  12  Janvier  1841,  le  capitaine 
Ross  niit  pied  a  terre  sur  une  ile  volcanique  silu6e  par 
71°  56'  S.,  et  1G8"  47'  E.;  il  observa  ,  par  77°  .'^2'  S.  et 
164"  40  E.,  un  volcan  en  ignition,  ct  plus  loin  un 
autre  volcan  eteint. 

DanslaNouvelle-Gf^orgie,  le  capitaine  Brllinghausen 


(  21  ) 
reconnut ,  par  52°  18'  S.  et  25"  0.,  une  lie  volcanique 
dont  le  sommet  lancait  de  la  fumee. 

Dans  ies  Nouvelles-Slietland  ,  I'ile  D(5ception  ofl'ro  un 
crat^re  parfaitement  caracterisc ;  le  pclit  rocher  Brid- 
geman  exhale  continuellement  des  lum^es  epaisses, 
dit  M.  d'Lrville.  La  nouvelle  ile  decouveile  parle  capi- 
taine  Ross,  dans  sa  derniere  campagne  ,  par  6!l°  12'  S. 
et  59"  9'  O. ,  est  d'origine  volcanique,  elle  offre  un  cra- 
l^re  parlailement  forme  et  eleve  de  1,067  metres  au- 
dessus  de  la  mer.  Tout  nous  prouve  done  que  le  pole 
austral  est  Iravaille  par  la  puissante  action  des  volcans, 
et  alors  la  dislocation  des  glaces  doit  ctre  sans  doute 
plus  rare  que  vers  le  pole  boreal ,  mais  aussi  beaucoup 
plus  ^nergique  ,  en  sorte  que  de  vastes  etendues  demer 
peuvent  setrouver  a  certaines  epoques  entierement  li- 
bres,  puis  se  refenner  ensuite  pour  des  annees,  et 
peut-etre  meme  des  siecles. 

Nous  admcttonsvolontierscequeM.  Hombron  regarde 
comme  un  axlome,«que  Ton  ne  pent  esperer  atteindre 
Ies  hauls  paralleles  antarctiquesque  sur  Ies  points  de  la 
circonf^rence  du  pole  oii  Ies  terres  se  refoulent  vers  le 
S..  ))  II  n'est  pas  besoin  ,  en  efTet,  de  d^montrer  que 
tant  que  Ion  emploiera  la  navigation  pour  s'approcher 
du  pole ,  on  ne  pourra  lefaire  que  la  ou  il  n'y  aura  pas 
de  terres.  Mais  ce  qui  me  parait  etre  tres  contestable , 
et  sur  quoi  cependant  s'ajipuie  M.  Hombron  dans 
sa  description  topographique  des  terres  australes  , 
e'est  que  la  oil  un  navigateur  a  ete  arrets  par  une 
barriere  de  glace  infranchissable,  cette  banquise  soit 
necessairement  appuy^e  sur  des  terres.  Je  sais  que 
M.  Hombron  admet  qu'il  y  a  banquises  et  banquises , 
Ies  unes  qui  se  laissent  penetrer,  et  Ies  autres  qui  op- 
posent  un  obstacle  insurmontable ;  ce  sont  res  der- 


(  22  ) 
nitres  sculeinent  qii'il  regaicle  coiuine  pL-rmanentes. 
Mais  cst-ce  qu'une  masse  dc  glaces  ,  que  de  nombreux 
liivcrs  auraicnt  rendue  conipacte  et  impenetrable,  ne 
pourrapas,  par  suite  d'aclion  volcaniquc,  eprouver 
une  dislocation  qui  pormclU!  ;'i  dos  navigateurs  plus 
favorises  de  la  punetrcr  ?  U'ailleurs  pout-on  rcpon- 
dre  jusqu'a  quelle  distance  de  la  cote  une  elendue 
considerable  de  glaces  pouna  s'elendre  ,  ou  memo 
pourra  etic  entrainee  par  Ics  courants,  el  former 
ainsi,  quoique  isolee  de  toute  terre,  une  barriere  in- 
francliissable?  Ne  sail-on  pas  que  dans  le  N.,  la  ban- 
quise  qui  defend  I'abord  do  la  cote  orienlale  du 
Groenland  s'en  detaclic  quelquelois ,  et ,  tout  en  pr6- 
senlant  vers  I'E.  une  barriore  infrancbissable,  laisse 
enlre  la  cote  et  elle  un  espace  donl  le  capilaine 
Graah  a  prolite  pour  remonter  au  IN. 

Cook,  dans  son  voyage  au  pole  S. ,  reiiconlra  ,  par 
55"  environ  ,  une  immense  plaine  de  glace;  un  grand 
nombre  d'lles  de  toutes  formes  et  de  toutes  grandeurs 
se  montraient  par  derriere  aussi  loin  que  lu  vuc  pou- 
vait  s'etcndre;  quelques  unes  plus  eloignees  ,  elevees 
considerablement  par  lji>s  vapeurs  de  I'borizon  ,  res- 
semblaient  en  effet  a  des  montagnes.  Pendant  trente 
lieues  ,  In  lldsolutioii  suivit  cette  cote  de  glace,  entrant 
dans  cliaque  baie  ou  ouvertiire  pour  trouver  un  pas- 
sage au  S. :  parloul  la  glace  elait  fermee.  Ne  [jouvail- 
on  ,  pas  d'apres  cela  ,  supposer  que  c'l^tait  la  la  verita- 
ble banquise  ?  Lc  capitaino  Cook  ,  lui-meme  ,  crut 
d'abord  que  c'etait  la  terre  ;  il  revint  ensuite  de  cette 
opinion  en  examinantcespretendues  collincs,  et  les  dif- 
ferents  aspects  qu'elles  olTraient  a traversla  brume ;  mais 
plusieurs  oificiers  persisterent  a  croire  qu'ils  avaient 
\u  la  terre  de  ce  c6t<^,  jusqu'a  ce  quo  ,  deux  ans  apr^s, 


(  23  ) 
la  Resolution  naviguat  pi'c^cisement  sur  le  ineme   en- 
droit  sans  trouver  ni  terre  ni  glace.  Ainsi  ce  qui  avail 
toute  I'apparence  ci'une  banquise  fixee  a  la  lerre  n'e- 
tait  qu'une  masse  flottante. 

En  1836,  le  capilaine  Biscoii  trouve  une  barriere  de 
glace  qui  le  repousse  malgr6  tous  ses  efforts  et  I'oblige 
a  courir  au  N.,  dans  les  memes  parages  ou,  en  1830,  le 
capitaine  Bellingbausen  avail  navigu(^   au  S.   du    60°, 
et  ou  le  capilaine  Ross  passa,   en  18/|2,   encore  plus 
au    S.  ;    le   cajiitainc    d'Urville    lui-meme  ,    lorsqu'il 
fut  arrele  ,  en  1838  ,  par  une  banquise  formidable  qui 
menacait  dele  retenir  a  jamais,  et  donl  il  ne  put  se  de- 
gager  qu'avec  les  plus  grands  efforts,  ne  fut-il  pas  per- 
suade qu'il  avail  atteint  la  limite  des  glaces  fixes  ?  Si , 
cinq  ans  plus  tard,  le  capitaine  Pioss  put  naviguer  pen- 
dant 200  lieues,  en   passant  a  30  lieues  au  S.  de  la 
ligne  qui  avait  arrele  M.  d'Urville,  et  au  S.  aussi  des  lies 
Sandwich  ou    Cook ,   Bellingbausen  et  Biscoe  avaient 
tente  vainemenl  de  p^nelrer  vers  le  pole,  ne  peut-on  pas 
conclure  de  la  que  la  banquise  avait  change  de  place  ? 
D6s  lors  on  doit  convenir  que  les  glaces  polaires  ne 
sont  point  invariables,  a  moinsqu'on  ne  prelende  que 
la  banquise  qui  a  arrele  M.  d'Lrvilleau  S,  desilesPowell, 
les  capilaines  Cook  ,  Bellingbausen  el  Biscoe  au  S.  des 
lies  Sandwich,  n'etait  pas  la  veritable  banquise.  Mais 
n'est-ce  pas  alors  un  veritable  cercle   vicieux  que  de 
vouloir  prouver  que  la  banquise  qui  enceinl  ie  pole 
austral  est  immobile,  en  posant  pour  principe  que  tout 
ce  qui  est  reconnu  mobile  n'est  pas  la  banquise  ? 

La  topographic  des  glaces  australcs  est  done  essen- 
tiellement  variable  et  ne  peut  s'appliquer  qu'a  une 
epoque  determin^e;  quant  a  celle  des  terres,  qu'il  faut 
bien  se  garder  de   supposer  liee  n^cessairement  avec 


(  2Zi  ) 
celle  cles  glaces,  nous  poiivons  la  resumer  ici   d'apr^s 
les  rcsultals  des  dernieres  reconnaissances.  Dansla  par- 
tic  dc  la  mer  polaire  comprise  entrc  le  pole  et  la  Nou- 
velle-Uollande  ,  nous  voyons  les  decouverles  de  Biscoe  , 
de  d'L  rvillc  ,  de  Wilkes  et  de  Ross  se  rapprocher  assez. 
pour  que  Ton  puissc  conjecturcr  avec  quelque  proba- 
bility que  dans  le  segment  de  sphere  compris  entre  les 
hO'  et  180'  meridiens  de  longitude  orientale  ,  el  limite 
au  N.  par  le  60*  parallele  et  au  S.  par  le  80° ,  se  Irouve 
une  vaste  dtendue  de  terre ,  donl  le  point  le  plus  orien- 
tal el  le  plus  proclie  du  pole  qui  ait  6te  atteintse  trouve 
par  environ  180'  E.  et  78'  S. ,  et  le  point  le  plus  occi- 
dental par  ho"  E.  6166°  S.  Ces  terres  renferment-elles 
le  pole  iui-meme  ou  ce  point  est-il  occupe  par  la  mer  ? 
voila  ce  qu'il  est  impossible  de  decider  aujourd'hui. 
Si,  d'un  autre  c6t6  ,  nousconsid^rons  un  autre  segment 
compris  entre  les  meridiens  de  25°  et  90"  de  longitude 
occidentale  el  born6  au  N.  par  le  55*  parallele  et  au  S. 
par  le  70" ,  nous  trouverons  dans  cet  espace  unc  suite 
d'iles,    Nouvelles-Shelland  ,   Powell  ,  Sandwich  ,   donl 
rien  n'indique    la  junction  avec  un  grand  continent; 
la  terre  Louis-Philippe  vient  d'etre  reduite  ])ar  Ross  a 
la  dimension  d'une  ile  de  mediocre   elendue ;  la  terre 
de  Graham   reste   seule  sans   avoir  616  tourn^e ;  mais 
pour  la  joindro  d'une  maniere  continue  avec  la  terre 
Victoria ,  il  faul  donner  un  peu  trop   aux  conjectures. 
Tout  I'cspace  entre  ces  deux  groupes  se  trouve  sans 
doute  convert  dc  glaces   6normes  accumuldes   par  les 
siecles;  mais  est-il  dcmontr6  que  ces  glaces  ne  soient 
pas  susceplibles  de  se  s^parer  6tant  ebranldjes  par  une 
cause  puissante,  et  de  livrer  passage  a  de  hardis  navi- 
gateurs  favorises   par  des  circonstances  qui  ne  se  re- 
trouvenl  pcut-etrc  qu'a  des  inlorvalles  seculaircs  ,  c'cst 


(  25  ) 

ce  qu'on  ne  saurait ,  je  crois ,  ni  affirnier  ni  nier.  Nous 
concevons  tres   bicn   que   Weddel,   ayant  trouv6   un 
chemin  libre  a  travers  les  glaces  en  raison  de  circon- 
stances  analogues  a  celles  que  nous  supposons,  ait  6te 
porte  a  etablir  comma  etat  general  ce  qui  n'etait  qu'un 
accident  ties  rare  et  ait  bati  son  systeme  d'une   mer 
libre  vers  le  pole  :  c'est  justement  ce  svsleme  qui  me 
prouve  sa  sincerile.   Mais,   d'un  autre   cote,    si  nous 
examinons  sur  une  carte  polaire  les  routes  des  dilTe- 
rents  navigateurs  qui  ont  cliercb^  a  approclier  du  pole , 
nous  verronsCookatteindre  a  67°  S.  par  37°de  longitude 
E. ,  Biscoe  a  68"  51'  S.  par  10"  E. ,  Bellingbausen  a  70" 
par  3"  O.,  lioss  a  71°   1/2  par  15°  O.  ,  ct  nous  serons 
naturellenient  amends  a  regarder  la  route  de  Weddell , 
qui  atteignit  jusqu'a  "h"  15'  sous  le  meridien  de  37°  0., 
comme  la  suite  naturclle,  ct  on  dirait  presque  neces- 
saire  ,  de  cet  etat  de  chose. 

Si  on  considere  en  outre  que  de  I'autre  cote  du 
groupe  de  la  terre  de  Graham,  Cook  a  p^ndstre jusqu'a 
71°  10'  S.  sous  le  meridien  de  llOo  O.  ,  et  Belling- 
bausen jusqu'a  70"  sous  le  meridien  de  95",  ne  sera-t-on 
pas  port6  a  penser  que  I'espace  que  nous  avons  signals 
entre  les  deux  groupes  des  terres  australes  pourrait 
bien  etre  occupe  entierement  par  la  mer,  presque 
toujours  couverte  de  glaces  enormes  ,  mais  susceptibles 
cependant  de  se  disloquer  et  de  livrer  passage  au  navi- 
gateur  assez  beureux  pour  se  trouver  dans  ces  parages 
a  cette  epoque?  Ceci  n'est  sans  doute  qu'unc  conjec- 
ture ,  mais  ellene  me  parait  pas  insoutenable,  et  elle  a 
I'avantage  de  ne  pas  etre  oblige  de  supposer  la  mau- 
vaise  foi  d'un  homme  qui  a  toujours  joui  de  la  reputa- 
tion la  plus  honorable.  P.  Daussy. 


(  26  ) 
M.  le  capilaine  Beaufort,  hydrographe  de  Taralraul^, 
ayanlblen  voulu  nous  envoyer  la  carte  polaire  sur  la- 
quoUe  se  trouve  tracee  la  route  du  capltalne  Ross  dans 
sa  dernii^rccxpedllion ,  en  1843,  ainsi  qu'une  carlo  des 
ilcs  South  Shetland  ,  qui  donne  avec  plus  de  details  les 
portions  de  cotes  reconnues  dans  cette  expedition  au  S. 
des  terras  Louis-Philippe  ct  Joinville ,  nous  avons  fait 
tracer  la  route  generale  sur  la  carte  polaire  de  la  Soci6te 
et  copier  la  partio  de  la  seconde  qui  contient  les  nou- 
velles  decouvertes.  Ces  deux  cartes  sont  jointes  a  ce 
Bulletin.  \\   I). 


Carte  gciwrale  des  possessions  neerldiidctises  dans 
le  grand  nrckipel  Indien  ; 

Par  M.  le  l.:ii(,n  G.  F.  VON  DF.UFKF.DKN  \)V.  illNOKiiSTEN . 

(Aniionce  aiialyliijiic  ,  [lar  M.  Daiissy.) 

M.  le  baron  \ On  Derfelden  ,  que  la  Sociel6  comple 
parmi  ses  membres,  lui  a  envoye  sa  grande  carte  de 
I'archipel  Indien.  In  seniblable  travail  devait  neces- 
sairement  elre  annonce  avec  quelquos  details  dans  le 
Bulletin  ,  et  c'est  a  mon  grand  regret  que  j'ai  et6  oblige 
par  mes  occupations  de  tant  tarder  a  m'acquitter  de 
ce  devoir,  dont  j'avais  ete  cliarge  par  la  commission 
centrale.  Je  vais  tacher  d'y  satisfaire  aujourd'hui. 

Je  ne  chcrcherai  pas  a  disculer  ici  les  raisons  que 
M.  ^  on  Derfelden  a  pu  avoir  d'adopter  de  preference 
itlle  ou  telle  d(^termination  ;  mais  je  ferai  connailrc  en 
quoi  consiste  cet  important  travail  et  les  fondements 
sur  Icsquels  il  est  base.  Le  Mdmoire  analytique  que 
M.  Von  Derfelden  a  joint  a  sa  carte  rend  cette  tache 
facile  ,  ol  la  seule  diiricultc'  qu'ellc  presente  tionl  au 


,     C\>»A  .n  /77.1  et  /---^   . 

_   S.Woe  rn  i8Ji  tl  i83s   . 

.  ,f  r,u,//,-  «/  iH3S.jH:\.,  rftS4o  . 

ff'ine^  <■„  iHJ3,  iH:l.,  tSJo-ef 
'  j!iV  7fivw  iiiinr  /iirr   //'t//ii\r  .eon/  i-.iy 
fiiir  mi  /r.iif  ^.m^  futfAiirva-  it  ftj  ritfe 
nelluit'tfu'ii^en  tn  jSiif,  iSia  tt  iSu  . 


(  27  ) 
peu  d'etendue  que  nous  pouvons  kii  consacrer  dans  le 
Bulletin  ,  CO  qui  nous  force  a  resumer  encore  ce  qui  est 
une  analyse  deja  tres  succincte. 

La  carle  de  M.  Von  Derfel den  se  compose  de  8  feuil  les, 
savoir  :  h  au  N.  du  6*^  degre  de  latitude  meridionale  ot 
ll  au  S.  Les  meridiens  qui  separentces  diverses  feuilles 
sontlOS",  M7et  129'^  de  longitude  a  IE.  de  Greenwich. 
En  etahlissant  ainsi  la  separation  des  8  feuilles  de  la 
carte,  on  a  cu  I'avantage  d'obtenir  les  grandes  terres 
de  Sumatra,  Java,  Borneo  et  Celebes,  presque  sans 
coupure  ;  on  peut  ainsi  ou  les  reunir  en  une  seule 
carte  ou  les  conserver  separeraent. 

L'6clielle  est  de  5  centimetres  par  dcgre  ,  et  la  pro- 
jection est  celle  de  Mercator.  Comme  la  latitude  ne 
s'etond  pas  au-dela  de  9"  au  N.  de  I'equateur  et  de  12" 
au  S.  ,  le  changement  d'echelle  que  donne  cette  pro- 
jection est  a  peine  sensible.  M.  Von  Derfelden  a  pro- 
file des  parties  de  ces  feuilles  qui  se  trouvaient  non  oc- 
cupees  par  des  terres ,  pour  donner  sur  une  echelle  plus 
grande  des  details  imporlants  sur  divers  points  leves 
plusparticulierement  par  des  olTiciers  hoUandais. 

Nous  allons,  en  sui\ant  le  Memoire  de  M.  Von  Der- 
felden, indiquer  pour  chaque  feuille  les  principaux 
materiaux  dont  il  s'est  servi. 

Pour  Sumatra ,  outre  le  trace  de  cette  ile  qui  se 
trouve  sur  la  premiere  feuille  de  la  grande  carte , 
on  voit  encore  sur  la  feuille  5  une  carte  particuliere 
du  gouvernement  de  la  cole  O.  de  Sumatra.  Ce  gou- 
vernement  est  divise  en  deux  residences,  Padang  el 
Ayer-Bangis.  M.  Von  Derfelden  a  pris  pour  points  de 
depart  les  positions  de  Natal,  d'Ayer-Bangis  et  du  cap 
Indrapcera  ,  donnees  par  Horsburgli.  Pour  Padang,  ii 
porte  ce  point  3'  plus  a  I'E. ,  d'apres  les  observations 


(  28) 

et  les  releves  de  M.  de  Vive/.,  qui ,  en  1836 ,  a  lev^  la 
carte  des  hautes  terrcs  de  Padang.  Le  mont  Ophir,  que 
Iloisburgh,  d'apres  Goldiiigham,  place  par  100 '  0'  Zi8" 
E.  de  Greomvlch,  a  ete place par99'  55'  pour  mcttre  en 
rapport  les  contrees  situees  a  I'E.  d'Ophir  avec  la  posi- 
tion de  Padang. 

Pour  linterleur  de  Sumatra,  on  a  fait  usage  d'une 
carte  dressee  par  MM.  ^lullor  et  Helbach  en  183/1,  clle 
s'elend  de  100°al03°  AS',  et  donnelecours  des  rivitires 
deSiakelde  Kampar;  on  a  employe  aussidiverscs  cartes 
manuscrites  communiquees  par  le  Depot  des  colonies. 
M.  \  on  Derl'elden  reconnatt  toulefois  que  la  plus  grande 
partie  du  trace  de  ces  contrees,  situees  auN.  del'dqua- 
teur,  ne  repose  que  sur  des  combinaisonsde  reconnais- 
sances militaires  et  d'itineraires. 

II  n'en  est  pas  de  meme  a  I'egard  des  pays  situes 
enlre  I'equateur  et  Padang  :  ces  contr6es  ont  il6  rele- 
vees  par  M.  de  Perez,  qui  a  fait  connaltre  en  detail  la 
cote  maritime  cntre  Tiko  ct  Padang ,  I'Agam ,  les 
Kotlas,  le  Tanna-Datar,  etc. 

Pour  les  parties  centrales  situees  entrc  I'equateur 
et  0°  50'  de  latitude  S. ,  a  I'E.  de  la  residence  ouestde 
Sumatra  et  d'Indragiri ,  on  s'est  servi  de  la  carte  de 
MM.  Muller  et  Hclbacli ,  qui  fait  connaitre  beaucoup 
mieux  que  preccdemment  les  rivieres  de  Siebayang  et 
do  Kwanlan  oulndragiri  :  il  est  maintcnant  av(ir6  que 
cette  derniere  sort  du  grand  lac  de  Sinkara  pour  se 
Jeter  dans  la  mer,  a  la  cote  orientale  de  Sumatra. 

M.  Von  Derfelden  prdvient  que  deux  districts  assez 
elendus  a  I'E.  de  Padang,  celui  de  Tingablas  et  de  Kotla- 
Sambilang,  n'ont  point  6te  explores,  et  qu'il  existe 
tres  peu  de  donn^cs  certaines  sur  les  contrees  centrales 
situees  a  I'orientdcs  possessions  nccrlandaises.  Pour  les 


(  '^9  ) 
cotes  dc  Jainbi  et  criuch-agiri ,  il  a  fait  usage  des  re- 
leves  du  capltaine  de  valsseau  Machielsen  ,  executes 
en  1832  ,  a  bord  de  la  corvette  V  Amphltrite.  Le  r^sultat 
de  ce  travail  se  trouve  donii6  a  part  sur  una  plus  grande 
ecbelle  dans  la  feuille  5. 

Pour  les  deux  residences  de  Palembang  et  de  Lain- 
pon ,  on  a  fait  usage  de  plusieurs  releves  manuscrits  , 
dont  les  principaux  sont  :  une  esqidsse  dune  parlie  de 
Lanipnng  et  P<ilei)ihang ,  par  /es  e/iip/oyes  Francis  et 
Dubois ,  et  Tindigene  Jcescrp  ,  en  1818  et  1819  ;  une  carte 
de  la  pavtic  nieridionnle  de  Suntatra  ,  par  Dubois,  en  3 
feuilles ,  1824,  et  une  carte  de  la  partie  meridioiiale  de 
Sumatra  ,  par  le  resident  de  Benkoelen  ,  Perploeg. 

La  cote  orientale  de  Sumatra  au  N.  de  I'equateur  a 
ete  tiree  des  cartes  anglaises. 

Residence  de  Rio.  —  Le  trace  de  cetle  residence 
insulaire ,  situee  a  I'E.  de  Sumatra ,  est  fonde  princi- 
palement  sur  les  releves  du  capitaine  de  la  marine 
royale  E.  Lucas,  executt^s  en  1820,  et  ceux  des  lieu- 
tenants de  vaisseau  Stoltze,  Rambaldo  et  Westphal ; 
mais,  en  resume,  cette  province  maritime  forme  un 
dedale  d'iles  encore  Ires  imparfaitement  connues. 

Residence  de  Banka.  —  On  a  pu  consulter  pour  cette 
partie  plusieurs  cartes  manuscrites  du  Depot  des  colo- 
nies, ainsi  qu'une  carte  de  la  residence  de  Banka  faile 
en  1832,  et  communiquee  par  M.  Van  der  Vinne  , 
secretaire  de  la  Societt^  des  sciences  de  Banka. 

Borneo  ,  residence  de  la  cote  Quest.  —  On  a  fait  usage 
pour  cette  partie  de  la  carte  manuscrite  Inestimable  du 
major  G.  Muller,  relev^e  en  1824  ;  elle  s'etend  depuis 
Batang-Loepar,  a  I'E.  du  golfe  Datoe,  jusqu'au  cap 
Tanjong-Slmbar,  et  pour  I'interieur  jusqu'a  Sintang. 
Le  golfe  Datoe  et  la  cole  de  Tanjong-Paloo  ,  qui  jus- 


(  30) 
qu'ici  ctaicnt  tres  mal  figures  sur  k-s  carles,  ont  et^ 
rclev^s  par  cet  habile  ingi^nieur,  non  seulenient  topo- 
graphiquement,  mais  aussi  hydrogrophiquernent.  Ces 
travaux  ont  (it6  confirmes  par  les  obscnalions  postc!;- 
rieures  du  lieutenant-colonel  Ilenrici ,  qui,  d'apresdes 
relev<^s  exacts,  a  dresse  iinc  grando  ct  belle  carte  ma- 
nuscrilc  en  16  feuilles,  dont  M.  \  on  Derfelden  a  eu 
communication.  Cette  carle  a  indique  une  correction 
de  10'  a  fairc  aux  longitudes  de  M.  I\luller.  Les  coles 
seplentrionales  de  Borneo  ont  etd;  tiroes  des  cartes  an- 
glaises;  les  iles  Natunas'et  Anambas  ont  etc  tracees 
d'apr^s  les  relev^s  qui  en  ont  ele  falls  en  1831  par  la 
corvette  francaise  la  Favni-ite.  Quant  aux  iles  Carimala, 
on  a  fait  usage  des  releves  du  lieutenant  de  marine 
F.-A.  Fokke,  executes  en  18-23. 

Besidence  <le  la  cote  lucridionnle  et  orientale  fie 
Borneo.  —  Les  details  concernant  les  parties  S.-E.  dc 
Borneo  sont  tir^sd'une  grande  et  belle  carte  manuscrile 
contenant  les  releves  de  M.  IIale\\jn,  ancien  resident 
de  Benjar-Massing.  On  remarquera  que  I'ile  Bekompay, 
form^e  par  les  rivieres  de  Benjer  et  du  Petlt-Dayak,  et 
qui  est  un  domaine  particulier  du  gouvernement  n6er- 
landals,  parait,  ainsi  que  les  autres  provinces  de  cette 
residence,  pour  la  premiere  foissur  une  carte  de  Borneo. 
LemajorMuller.dans  une  lettreadress^c,  le9aoutl8"25, 
au  gouvcrneur  general ,  disail  :  «  Je  peux  dt'-clarer  que 
toutes  les  cartes  de  la  cote  orientale  qui  sont  venues  a 
ma  connalssance  sont  extrcmemenl  fautives,  et  que  sur 
les  lieux  on  trouve  a  peine  quelque  l<^g^re  trace  de  ce 
■que  les  gt^ograplics  nous  pr^senlenl  sue  le  papier.  » 

M.  Muller  avail  releve  toute  cette  cote  sans  interrup- 
tion ;  mnis  ,  ayant  et6  massacre  par  les  indigenes, 
toutes  les  cartes  et  les  journaux  de  ses  explorations  de 


(  31  ) 
cette  parlic  si  pen  comuie  tie  Borneo  onl  etc  pcrclus. 

Jaua.  —  Le  trace  dc  Tile  de  Java  est  la  reduction 
fiddle  de  la  grande  carte  oITiciclle  inss.  de  Java  appar- 
tenant  au  Depot  de  la  guerre ;  cette  carte  est  en  h 
leuilles  a  I'echelle  de  1/500000%  II  n'exisle  encore  de 
releves  trigononielriques  de  Tile  de  Java  que  pour 
quelques  unes  de  ses  parties;  neannioins  la  carte  ofTi- 
cielle,  quoique  n'etant  qu'une  compilation,  contient 
tout  ce  quia  ete  reconnu  jusqu'ici  ,  tant  hydrograplii- 
quement  que  topograpliiquement,  par  ordre  du  gou- 
vernemenl  des  Pays-Bas. 

Celebes.  —  La  cote  ocrldentale  est  tracee  d'apres  les 
cartes  marines  anglaises ;  a  I'egard  de  la  presqu'ile  S.-O. 
et  des  cotes  qui  s'etendent  du  golfe  deMandhar  au  cap 
Laykan,  le  trace  est  appiiye  sur  les  positions  sui- 
vantes  : 

Pointe  Lero  (baie  de  Parepare,  d'apres  les  obser- 
vations du  lieutenant  de  marine  J,-B.-J.  Vander 
Meulen).  lat.  k'  0'  31"  S.  long.  119°  49'  20  E. 

Piade  de  Macassar       5"  (3  32  S.  119   30  51   E. 

Cap  Laykan  (d'apres  une  moyenne  entre  les  observa- 
tions du  capitaine  Jager  et  la  carle  du  capilaine  Ede- 
ling) ,  lat.  5"  39'  S.   long.  119°  36'  E. 

Pour  les  cotes  qui  s'etendent  de  la  baie  de  Boni  aucap 
Lassoa  ;  elles  ont  ete  trac^cs  d'apres  les  cartes  manus- 
crites  des  releves  neerlandaisexf^cutes  en  1824.  II  est  a 
observer  que  sur  toutes  les  carles  ,  Boni  est  porte  beau- 
coup  tropN. :  ilest  tres probable  qu'on  a  confondu  Boni 
avec  Palopa  ,  qui  est  egalement  un  chef-lieu  et  la  resi- 
dence du  souverain  deLoehoe,  a  peuprespar  2°  55'  ou 
2"  50' de  lat.  S.  ,  tandisque  Boni,  capitale  du  royaume 
de  ce  nom ,  est  situe  par  h"  32'  de  lat.  S. 

Les  coles  orientales  de  la  presqu'ile  S.-E.  de  Celebes 


( ^^ ) 

out  etc  enti^rcmenl  reconnues  en  1832  par  le  lieute- 
nant de  marine  \  osmaer ;  c'est  d'apres  ce  travail 
qu'elles  ont  ete  Iracoes  sur  la  carte. 

L'intericur  dc  Celebes  est  tres  peu  connu.  M.  V.  D. 
espere  en  avoir  corrige  la  geograpliie  1°  en  pla(;ant  Ic 
grand  lac  Tamparang  Labaja  dans  sa  veritable  posi- 
tion ;  2°  en  employant  un  relevd  manuscrit  des  dis- 
tricts du  N.  ;  3''  par  des  details  puisds  dans  difTerents 
journaux  at  memoires  manuscrits. 

Goiiverneinent  des  Molucques.  —  Ce  gouvernement 
est  divis6  en  h  residences  ,  savoir  :  Menado  ,  Ternatc  , 
Aniboine  et  Banda. 

Ili'sulence  de  Menado.  —  On  n'a  eu  pour  cetle  partic 
que  Ics  cartes  anglaises  et  les  releves  executes  en  1828 
par  Dumonl  d'Lrville. 

liesidence  de  Ternate.  —  La  partie  hydrograpliique  a 
ete  basce  sur  les  releves  du  capitaine  Jager  et  des  lieu- 
tenants Brenwald  et  Ligtvoet,  el  priiicipalcnicnt  sur 
les  observations  de  MM.  de  Freycinet ,  Duperrey  et 
Dumont  d'Lrville. 

Residence  d" Amhoine.  —  Les  iles  de  Boeroe  et  d'Am- 
bolne  ont  ete  tracees  d'apres  les  observations  de  d'En- 
trecasteaux,  Duperrey  et  d'Lrville. 

Les  observations  du  capitaine  Duperrey  ont  servi 
pour  la  cote  N.-O.  de  Ceram,  La  bale  de  Selema  ou 
Sarvay  a  dt6  trac^e  d'apres  le  lieutenant  Brenwald.  La 
cote  du  S.-E.  a  pour  base  une  carte  du  lieutenant 
KolfT.  II  est  a  remarqucr,  dit  M.  \ .  D.  ,  que  I'ile  de 
Ceram  a  une  figure  tout-a-fait  inexacte  sur  los  cartes 
d'Arrowsmilh  et  d'Horsburgb,  et  que  I'anciennecartede 
Valentyn,  quand  on  la  corrige  d'apres  les  observations 
modernes ,  prc^sente  un  trace  bien  plus  regulier. 
Residence  de  Uainhi.  —  Collo  division  du  gouvei'ne- 


(33  ) 

mentdesMolucquesa6t6  Iracee  d'apr6s  les observations 
et  les  relevf^s  des  lieutenants  KollTet  Modera.  On  a  aiissi 
employe  les  releves  du  lieutenant  A.  de  Boer,  a  bord 
de  la  corvette  la  Sirene,  en  1832. 

ISouveUe-Guinee.  —  Les  cotes  septentrionales  ont  ete 
trac^es  d'apres  les  cartes  de  Krusenstern  et  d'Ar- 
rowsniith  et  les  reconnaissances  des  Francais  sous 
d'Entrecasteaux  ,  Duperrey  et  d'Urville.  Les  cotes  S.-O. 
jusqu'au  cap  Walsh  onl  ete  rcduites  d'apres  les  grandes 
cartes  manuscrites  des  lieutenants  KollTet  Modera. 

Ce  dernier  a  communiqu(^  a  M.  V.  D.  un  trace  ap- 
proximatif  fait  sur  les  lieux  d'apres  les  informations 
donnees  par  les  indigenes,  d'une  partie  dc  la  cote 
situee  a  10.  de  la  baie  OGroe  Langoeroe  ou  du  Triton, 
et  comprenant  les  baies  de  Bitsjaroe,  Argoeni ,  etc. 

M.  V.  D. ,  au  lieu  de  faire  faire  a  la  cote  0.  de  cette 
grande  lie  une  vaste  baie  au  N.  de  la  baie  du  Triton , 
afin  de  \enir  rejoindre  le  cap  appele  Kalamun  ,  Kasa- 
mouw,  Koestcemba,  ou  Van-den  Bosch,  a  peu  pres  a 
la  hauteur  de  I'ile  Adie,  suppose  que  ce  cap  est  place 
sur  une  grande  ile  qui  fait  elle-meme  partie  d'un 
groupe  separe  par  un  vaste  canal  tie  la  cote  de  la  Nou- 
velle  Guin(^e  et  s'etendant  depuis  3"  15'  jusqu'a  /j«  ii3' 
de  latitude  meridionale;  il  donne  a  ce  groupe  le  nom 
d'Archipel  d'Orange-Nassau.  M.  V.  D.  se  fonde  sur  ce 
quelaterre  sur  laquelle  se  trouve  le  Cap  Van-den  Bosch 
est  indiqu^e  comme  insulaire  sur  les  anciennes  cartes, 
(it  que  M.  le  lieutenant  de  Boer,  qui  a  fait  le  releve  de 
cette  partie  de  la  cote  en  1832,  tout  en  reunissant  ce 
cap  a  la  Nouvelle  Guinee  ,  dit  dans  son  mt^moire  : 

«  Cette  haute  presqu'ile  est  peut-etre  s(^paree  de  la 
terre  ferme  (Nouvelle  Guinee),  car  en  naviguant  Je 
long  de  la  cote  ,  on  a  eprouvci  de  tres  forts  courants 
I.   jvwiii;     3.  o 


( u ) 

tenant  du  N.-E.  (1)  ,  ct  d'ailleurs  la  ccile  diminue  scn- 
siblement  de  hauteur  vers  le  N.,  au  point  de  la  perdre 
entiorement  de  vue.  » 

Nous  obscrvcrons  ici  que  los  rcleves  de  la  dernierc 
ranipagne  de  /'yJstro/nhc  scinblcnt  coniredire  cctte  sup- 
position; M.  d'l  rville  ,  en  effet ,  a  suivi  la  cote  depuis 
i'enlree  de  la  baio  Macluer  jusqu'au-dela  de  la  baie  du 
Trilon;  sa  route  passerait  sur  la  pr^tendue  lie  Van-den 
Bosch.  II  a  vu  une  terre  a  peu  pres  continue  dans  toutc 
coltepartic;  il  est  vrai  que  de  I'ile  Adie  a  la  baie  du 
Triton  ,  la  cote  se  rcnfonce  beaucoup ,  mais  clJe  a  et6 
apercue  prcsque  partout,  et  s'il  y  existc  quelquos  ou- 
vertures  de  canaux  elles  doivent  etre  asse/  petites. 
Mous  remarqucrons  au  reste  que  los  longitudes  dcs 
points  deloulc  cctte partieainsi  que  cellos des  ilcsBanda 
ot  Arrou  obtenuos  par  /'^stro/abc.  presentent  gencrale- 
ment  une  diflorence  de  12'  vers  TO.  avec  celles  adoptees 
jiar  M.  V.  D.  Cependant  le  point  de  depart  de  M.  d'lr- 
ville  etait  Amboine  qu'il  suppose,  commc  M.  V.  D.  , 
par  125°  49'  27".  En  outre  le  cap  S.-O.  de  la  Nouvelle 
Guincede  M.  d'Urvillequi  repond  a  peu  pres  pour  la  la- 
titude au  Cap  KatoemiEn  deM.  V.  D.,aulieu  d'etre  plus 
oriental  comme  tous  les  autres  points  cnvironnants  de  la 
carte  de  M.  V.  D.  ,  est  au  contraire  plus  O.  de  10'  envi- 
ron, cequi  change  entierement  la  configuration  de  cette 
cote.  M.  Dumoulin,  ingenieurhydrographe  del'expedi- 
tion  de  I'Astrolabe,  dans  le  volume  d'hydrographie  du 
voyage,  pag.  279,  dit,  il  est  vrai,  que  dans  la  serie  d'ob- 
servations  qui  s'etend  do  la  rade  d'Amboinc  a  cello 
de  Batavia  et  dans  laqucilc  se  Irouve  comprise  la  recon- 
Tiaissanccde  la  Nouvelle-Guinec,  les  longitudes,  quoi- 
quc  bonnes ,  meritent  moins  dc  confiance  que  celles  des 

(i)  M.  V.  D.  remarquo  qu'il  v  a  N.-E.  dnn.s  le  inaniisrrif.  m,)i<  que 
lie  floit  ctre  v.nr  (luilc  ilu  r()pi>i<',  ct  (|u  il  liim.iil  y  >ivoir  N.-O. 


(  35  J 
autres  series;  cependant  nous  ne  croyons  pas  que  la 
difference  de  12' puisse  etre  attribute  a  ces  irr^gula- 
rites;  ct  nous  pensons  que  si  M.  V.  D.  avail  eu  connais- 
sancedecesobservationsavanlla  publication  desa  carte, 
il  en  aurait  probablement  fait  usage  pour  la  corriger. 

lies  Balf,  Loinbock,  SumbaiVa,  Sandalliout  et  Mnnge- 
raay.  —  Cette  chaine  d'iles  est  tres  raal  connue  et 
ioutes  les  cartes  sont  remplies  d'erreurs  :  M.  Vou 
Uerfelden  a  employe  pour  en  corriger  quelques  unes 
les  observations  du  capitaine  Macliielsen  en  1834  sur 
la  cole  septenlrionale  de  Bali  el  sur  celle  Kangeang 
siluee  au  N.-O.  de  Sumbawa  et  celles  des  capitaines 
Jager  el  Dibbetz  et  du  lieutenant  Modera  ,  ])our  la  cole 
N.  de  Sumbawa  et  pour  Tile  de  Mangeraay. 

Timor.  —  La  carle  generale  manuscrite  des  recon- 
naissances executees  en  1825  et  26  a  bord  du  brick 
le  Doiirgn  ,  par  le  lieutenant  de  la  marine  neerlandaise 
1).-II.  Rolff,  donne  un  trace  de  la  cole  N.  de  Timor  , 
qui  est  tr^s  different  des  releves  de  la  meme  cote  par 
MM.  de  Freycinet  elDuperrey.  M.  VonDerfelden,  raal- 
gre  la  juste  confiance  qu'il  a  dans  le  navigateur  hollan- 
dais,  n'a  pas  cru  devoir  adopter  son  trac6 ,  qui  ne  lui  a 
paru  qu'un  dessin  figuratif  et  non  un  releve  en  forme. 
Celle  partie  au  resle  n'enlrait  pas  dans  le  plan  ni  dans 
les  instructions  de  M.  Rolff,  attendu  que  celle  cote  n'est 
pas  comprise  dans  les  possessions  necrlandaises,et  que 
le  but  reel  de  son  cxpedilion  etail  la  Nouvelle-Guin^e 
et  les  lies  Banda.  II  reconnail  meme  une  erreur  sur 
la  baic  de  Delly,  qui,  d'aprfes  un  plan  du  lieutenant 
Brenwald  ,  n'aurait  que  deux  milles  du  N.  au  S. ,  tandis 
que  sur  la  carte  de  M.  Rolff  elle  en  aurait  hull. 

M.  Von  Derfelden  ado])te  done  le  trace  de  MM.  de 
Freycinet  el  Duperrey,  depuis  Roepang  jusqu't\  la 
pointe  Lame  sur  la  cote  N. 


(  36) 
Pour  la  position  du  cap  N.-E. ,  il  acloptc  pour  lati- 
tude S*  26',  a  peu  prcs  moyenne  entre  la  determina- 
tion (le  M.  de  Frejcinet,  8°  '20'  15",  etcellc  de  M.  Kolll', 
8"  30',  et  pour  longitude  127°  5'  E.  ,  d'apres  M.  de 
Freycinet. 

Telle  est  I'analysc  Ires  succincle  des  materiaux  qui 
ont  scrvi  a  M.  Von  Derfelden  a  conslruire  sa  carte,  J'ai 
principalernent  eu  pour  but  de  citer  les  travaux  des 
officiers  hollandais  qu'il  a  pu  consulter  en  manuscrits, 
altendu  que,  sur  les  points  qui  ont  6te  ainsirelev^s,  sa 
carte  a  tout  Ic  merite  des  travaux  sp6ciaux.  C'esl  pour 
cela  aussi  que  je  crois  devoir  citer  ici  les  annexes  qu'il 
a  placees  sur  lespoints  non  occupesde  sa  grande  carle; 
car  ce  sont  des  travaux  qui  n'ont  point  encore  ete 
])ublies ,  el  qu'on  devra  toujours  consulter  lors- 
qu'on  voudra  faire  des  cartes  de  ccs  conlrees.  De 
nouvelles  observations  pourront  par  la  suite  faire  re- 
connaitre  quelques  erreurs  dans  les  combinaisons  que 
M.  Von  Derfelden  a  du  faire  pour  tracer  les  parties  peu 
connues  de  sa  carte,  quelque  sagacile  qu'il  ait  raise  a 
les  faire ;  mais  ces  plans  de  details  resleront  toujours 
invariables.  Voici  quelles  sont  ces  annexes  : 

Gonvernernent  de  la  cote  O.  de  Sumatra.  —  On  voit 
precedemment  quelles  sont  les  bases  de  cette  carte. 

Fiade  d'Ayer-Jkuigis.  —  Cette  rade  a  ete  lev6e  par 
M.  OslhofT,  en  1835,  avec  beaucoup  de  soin. 

lies  des  Cocos.  —  Ce  groupe  d'iles,  qui  fait  partie 
des  possessions  neerlandaises ,  a  ite  leve  en  1829  par 
ordrc  du  gouvernement. 

Jambi  et  Indragiri.  —  Ces  deux  petites  cartes  sont 
une  reduction  lidele  des  rcleves  de  cclte  parlie  de  la 
cote  orientalc  de  Sumatra,  executes  en  1832  par  le 
capitaine  de  vaisseau  J. -P.  Machiclsen ,  a  bord  de  la 
corvette  V yitnphi trite.  Le  but  dc  cette  expedition  otait  la 


(  37  ) 
destruction  des  principaux  repaires  dcs  pirates  malais 
qui  infestaient  ces  parages  ;  on  a,  a  cet  effet,  reconnu 
toutes  les  rivieres  du  pays ,  dont  les  cartes  ont  6te  dres- 
sees  separement  en  plusieurs  feuilles. 

Carte  du  detroit  de  Bio. — Elle  est  reduite  de  la  grande 
carte  manuscrite  dress6e  par  le  capitaine  E.  Lucas, 
d'apres  ses  relev^s  hydrographiques  ex^cut^s  a  bord 
du  brick  V Irene  en  1820. 

Elablissenient  neerlandais  dans  Vile  de  Bintang,  jvsi- 
dence  de  Rio.  —  C'est  la  reduction  de  la  carte  manu- 
scrite du  lieutenant  ingenieur  Schonermark. 

Batavia  et  ses  environs.  —  Reduction  d'un  tr^s  grand 
planmanuscrit  en  plusieurs  feuilles,  relev^  en  1826  par 
I'inspecteur  adjoint  des  ponts  et  chaussees  J.  Tromp. 

Baie  de  Batavia.  —  Le  trace  de  cette  esquisse  est 
fonde  sur  plusieurs  cartes  manuscrites.  La  plupart 
des  cartes  de  cette  baie  sont  erronees  ,  surtout  pour  le 
contour  de  la  baie. 

He  Onrust.  —  Reduction  de  la  grande  carte  manu- 
scrite dressee  d'apres  un  relev^  de  cette  ile  fait  en  1826. 

lie  Madura.  —  Les  cotes  du  N.  et  celles  de  I'E.  sont 
tiroes  principalement  du  releve  bydrographique  qui  a 
6te  ex^cut^  par  le  lieutenant  de  marine  A.  Fokke,  en 
prenant  toutefois  pour  la  longitude  de  I'ile  Gilly- 
Lawak  Mh"  5'  30"  d'apres  le  capitaine  Macliielsen,  au 
lieu  de  114°  7'  que  donne  M.  Fokke.  La  position  des  ' 
pointes  Klampies,  Tanjong-Zoolong  et  des  Bufiles  a 
ete  prise  d'apres  M.  Duperrey. 

Les  coles  de  I'O.  et  du  S.-O.  ,  depuis  la  riviere 
Arosbaya  jusqu'a  Ayer-Ponlie  a  I'E.  de  la  baie  B^lega, 
ont  6te  tirees  de  la  carle  qui  se  trouve  dans  I'atlas  de 
M.  Tombe,  1805,  etqui  a  6l(^  reduite  par  ce  voyageur, 
a  quelques  corrections  pres ,  de  la  grande  carte  ma- 


(  38) 
nusci'ite    dressee    en    1804    par    I'ingenieur  Loiiaux, 

Cole  N.-O.  lie  Borneo,  d'apres  Midler.  —  Ln  para- 
graphe  d'un  rapport  de  M.  Mullor  fera  jugcr  de  I'lm- 
porlance  dc  celle  carte  : 

«  A  quelques  lieues  au  N.-O.  du  golfe  et  des  lies 
Paloo ,  se  trouve  le  cap  nomine  Tanjong-Iraai  ou 
Tanjong-Battod. 

D  Ce  cap  n'a  encore  6te  marqu^  sur  auciinc  carle, 
et  n'a  pas  ete  apercu  des  navigatcurs ,  le  pays  etant 
sans  6levatlon  aucune  dans  cet  endroit,  cl  les  valsseaux 
D'Tpprocliant  pas  assez  pros  de  la  cole.  » 

On  pent  encore  ajoutcr  que  la  baie  de  Datoe  a  6le 
jusqu'ici  tr^s  mal  figuree  sur  les  carles  ,  et  que  celle  de 
M.  Muller  reunit  toules  les  conditions  d'exaclilude  de- 
sirables. 

Emnrons  de  Pontianak.  —  Les  environs  de  ce  chef- 
lieu  de  la  cote  0.  de  Borneo  sont  tires  d'une  grande 
carte  manuscrite  de  MM.  Tobias  el  Francis. 

Danau-Soemhah  ou  Donan-Mahiya  et  a  litres  lacs  de 
I'intericiir  de  Borneo.  —  Cotto  carte  presenlc  les  resul- 
tats  d'un  releve  de  M.  Mailer ;  celui  du  lieutenant- 
colonel  Ilenrici  en  differe  quelque  peu. 

Baie  de  Boni.  —  Cette  carte  est  une  reduction  de 
cellcs  ou  sont  marques  les  rijleves  n«!!erlandais  executes 
en  182/1. 

Grand  lac  de  Celebes.  —  Beduction  de  la  grande 
carte  manuscrite  du  relev6  qu'en  ont  fait  MM.  Tobias 
et  Francis. 

Goenong-Tello  a  Celebes.  —  Esquisse  liree  des  re- 
connaissances les  plus  recentcs  repriisentees  sur  les 
cartes  anglaises  et  neerlandaises  gravees  et  manuscrites. 

Partie  orientale  de  la  residence  dc  Mcnado ,  a  Celebes. 


(  39  ) 
■ — D'apres  les  loleves  tie  lexpedilioii  Irangaise  sous  le 
comrnanclement  de  M.  Duinont  d'Lrville. 

Cotes  S.-E.  lie  Celebes ,  cVapres  les  i-elevi's  de  M.  J.-J\. 
Vosmaer  en  1832  et  183/j.  —  Celte  reduction  presente 
les  resultats  des  deux  expeditions  de  M.  Vosmaer,  de 
sorte  qu'on  s'est  servi  des  corrections  qui  resultent  du 
second  voyage,  les  coles  ajant  alors  6te  reconnucs 
Irigonometriquenient  ct  d'une  maniere  plus  scrupu- 
leuse  que  lors  de  la  premiere  expedition  en  1832. 

lies  Ambon  on  Jnibolne.  —  Le  trace  des  cotes  est 
fonde  sur  les  observations  des  derniers  navigateurs 
fran^ais,  leur  consciencieuse  exactitude  ni'ayant  6te 
demontr(^e,  dit  M.  Von  Dertelden,  par  le  texte  qui  ac- 
compagne  leui^s  cartes.  Pour  les  parlies  centrales,  on 
a  employe  des  carles  manuscrites  en  grand  nombi'e  et 
plusieurs  carles  gravees. 

lies  de  Banda.  —  C'est  la  reduction  d'une  grande 
carte  manuscrite  des  principales  iles  de  Banda ,  dressee 
par  le  colonel  M.-S.  de  Man.  La  graduation  est  fondee 
sur  une  observation  du  capitaine  Jager,  qui  place  le 
volcan  Goenong-Api  par  h°  30'  de  latitude  S.  el 
130°  3'  30"  de  longitude  E. 

lie  Halmahera  [Gilolo)  et  plans  de  Bitjoli ,'  Galela  et 
Mabo.  —  Cette  carle  n'estqu'une  esquisse,  attendu  le 
peu  de  connaissances  positives  qu'on  a  sur  cette  ile. 
M.  V.  D.  a  employe  ,  pour  obtenir  le  trace  le  plus 
exact  possible,  des  plans  manuscrits  contenant  les  rele" 
ves  du  lieutenant  de  marine  Ligvoel  pour  Galela  e 
Bitjoli  ou  Wossa,  les  reconnaissances  des  navigateurs 
frangais,  etprincipalement  celles  de  M.  Dumont  d'Ur- 
ville  en  1828,  les  observations  du  capitaine  Jager  ex6- 
culees  a  bord  de  la  fregate  Maria  Reigersbergen  en 
1804  et  1805,  publiees  par  Ic  prolesseur  Schi'o- 
der,  etc, ,  etc.. 


(40) 

lie  1  eiiKile.  —  Le  detail  topogiapliique  de  linterieur 
est  fait  principalement  d'apres  la  carte  manuscrite 
<<ressee  par  le  capitaine  ingenicur  Erouwer  en  1823, 
maisen  rassiijcllissantaux  observations  de  M.  Diimonl 
d'Lrville  qui  montient,  dit  M.  V.  D.  ,  que  celte  He 
doit  etrc  orientee  a  peu  pr6s  N.-E.  etS.-O.,  et  non  pas 
N.  ct  S.  coniine  I'indique  M.  Brouwer. 

Nous  lerons  reinarquer  a  noire  lour  que  les  rel6vc- 
ments  de  M.  d'Urville,  en  1828,  n'ont  ete  pris  qu'a  une 
grande  distance  ( 18  ou  20  millcs  )  et  que  par  conse- 
quenl  on  n'a  pu  en  conclure  que  la  position  du  sommet 
et  non  la  configuration.  Dans  le  dernier  voyage  de  noire 
celehre  navigateur,  il  amouille  aTernate,eta  pu  tracer 
une  carte  exacte  de  celte  lie;  elle  n'est  pas  encore  pu- 
bliee ,  niais  nous  avons  pu  nous  assurer  que  la  confi- 
guration de  cetle  ile  est  ronde,  el  non  pas  inclin^e 
du  N.-E.  au  S.-O. 

yirchipcl  cV Oranpe-Nas.tnii.  —  M.  V.  I),  donne  ici  la 
reduction  d'uno  grande  carle  manuscrite  qui  presentc 
les  releves  du  lieutenant  A.  de  Boer,  commandant  la 
corvette  la  Sirene  en  1832.  La  partie  meridionale  decet 
archipel,  a  seule  ele  reconnue. 

Nous  avons  deja  remarqu6  que  cet  archipel  pour- 
rait  bien  ne  pas  exister,  et  n'elre  que  la  cote  0.  de  la 
Nouvelle-Guinee.  Nous  ajouterons  ici  que  la  partie  de 
cote  que  M.  V.  D.  donne  comme  le  S.  de  I'archipel 
d'Orange-Nassau,  a  ete  reconnue  en  1839  par  rjstro- 
/abeel  la  carle  a  d^ja  ele  grav6e  ;  nous  avons  remarque 
avec  surprise  des  differences  considi^rables  entre  ce  tra- 
vail etcelui  de  M.  de  Boer.  Ainsi  la  difference  de  longi- 
tude entre  le  fort  Dubus  el  le  cap  Catenoem  est,  d'apres 
M.  d'Urville,  de  1°  15',  tandis  que  d'apres  le  lieutenant  de 
Boer,  elle  serait  de  1°  39'.  La  longueur  de  I'ile  Adic  est 


{  M  ) 
sur  la  carte  francalse  de  24  milles,  et  sur  la  carte  hol- 
landaise  de  30.  Nous  croyons  avoir  des  ralsons  de  re- 
garder  les  travaux  de  V Astrolabe,  dent  la  mission  elait 
speclalement  hydrographique,  comme  meritant  toute 
confiance;  maisnous  deniantlerons  d'aprescela  ce  que 
nous  devons  penser  de  ceux  des  ofliciers  hollandals. 

Detroit  de  la  Princesse Marianne. —  Le  plan  de  ce  de- 
troit ,  d^couvert  en  mai  1835  par  le  lieulenant  de 
marine  M.  Langenberg  Kool  ,  a  ete  reduit  d'apres  les 
gi'andes  cartes  qui  en  ont  ete  dressees  a  rechelle  de 
1/100000'".  Comme  I'honneur  de  la  decouverte  de  la 
parlie  septentrionale  de  ce  dotroit,  que  I'oncrut  alor.s 
une  riviere,  et  que  Ton  nomma  Dourga,  appartient 
aux  lieutenants  de  marine  Rolff  et  Modera,  qui  I'ont 
faite  en  1826  et  28,  M.  V.  D.  a  donn6  leurs  releves  de 
cette  partie  pour  servir  de  comparaison  a  la  reconnai- 
sance  complete  du  detroit  en  1835. 

A  la  suite  de  celte  analyse  de  la  carte  ,  M.  V.  D.  a 
donne  dans  son  Memoire; 

1"  Un  tableau  general  des  latitudes  et  longitudes 
qui  lui  ont  servi,  avec  Vindication  des  autorites  ; 

2°  Une  notice  des  principaux  rapports  ,  m^moires  , 
notes  geogra plaques  el  carles  manusoriles  ou  gravt^es 
qu'il  a  employes ; 

3°  Enfin  un  tableau  statistique  des  divisions  territo- 
riales  et  administratives  de  I'lnde  Neerlandaise  ,  com- 
prenant  les  residences  ,  les  regences  ou  divisions  prin- 
cipales ,  et  les  districts  ou  sous-divisions. 

Ces  tableaux  ajoutent  un  nouvel  interet  a  la  carte  et 
au  memoire  de  M.  V.  D.  ,  qui  ne  peuvent  manquer 
d'etre  consultes  avec  fruit  par  tons  ceux  qui  voudront 
s'occuper  de  la  geograpliie  du  grand  archipel  Indien. 

Avant  de  terminer  celte  notice,  nous  ferons  observer 


[  h-2  ) 

que  la  derniere  expedition  dc  M,  Dumontd'Lr\illelour- 
nira  des  donnees  pr^cieuses  pour  la  rectification  de 
plusieurs  parties  de  cetlc  carte.  Nous  avons  dejaremar- 
que  quelques  dilTercnces  sur  la  cote  0.  de  la  Nouvelle- 
Guinde  ;  mais  il  n'y  a  encore  qu'une  petite  parlie  de 
ces  int^ressanls  travaux  qui  soit  publiee.  On  trouve,  il 
eslvrai,  dans  le  volume  d'hydrographic ,  publie  par 
^  incendon-Dunioulin  ,  hydrograplic  de  I'expedilion  , 
une  table  des  principales  positions  geograpbiques , 
determin^es  pendant  le  voyage  des  corvettes  i'^Jstro- 
I  ibe  et  la  Zelec;  mais  outre  que  ces  positions,  deduites 
uniquement  du  calcul  des  chronometres,  pourront  su- 
bir  quelques  modifications  par  la  redaction  des  cartes, 
nous  devons  avouer  avec  peine  qu'on  trouve  dans 
cette  table  tant  de  fautes  d'impression  qu'on  ne  peut 
pas  y  accoi'der  une  confiance  entiere.  Nous  y  avons  ce- 
pendanl  remarque  de  norabreuses  dilTerences  avec  la 
carte  de  M,  V.  D.  Nous  croyons  devoir  atlendre  avant 
de  les  signaler  que  Ics  cartes  soient  publiees  ,  et  nous 
nous  contenterons  de  donncr  ici ,  d'apres  le  rapport 
qui  a  ete  fait  a  I'Acad^mie  des  sciences  par  M.  Beau- 
temps-Beaupre,  sur  les  resultats  de  cette  expedition, 
la  liste  des  cartes  qui  pourront  servir  a  rectifier  quel- 
ques parties  du  grand  travail  de  M.  VonDerfelden. 

Cartes  de  dwerscs  parties  deVarchipel  indien,  levees  dans 
V expedition  de  /'Astrolabe  et  de  la  Zelee,  sous  le 
commandeDient  de  M.  DuMONT  d'Lrville. 

Carle  d'une  partie  du  passage  des  Moluques , 

—  des  lies  Banda  , 

—  des  lies  Ceram  ,  cl  des  lies  voisines, 

—  des  lies  Arrou, 

—  de  la  bale  du  Triton  , 


(  43  ) 
Carte     de  la  bale  S.-O.  de  la  Nouvelle-Guinee, 

—  g6n^rale  de  la  cote   S.-O.    de  la  Nouvelle- 

Guinee  , 

—  de  I'ile  Bourou  , 

—  de  la  partie  mendionale  de  Celebes , 
- —       du  detroit  de  liaiica, 

—  des  detroits  de  Diirion  ot  de  Singhapour, 

—  d'une  partie  de  la  cote  Occident,  de  Borneo, 

—  d'une  portion  de  la  cote  N.  de  Borneo  et  des 

lies  Balarabangan  et  Banguey, 

—  d'une  partie  de  I'archipel  Holo  , 

—  des  detroits  de  Bassilan  , 

—  de  la  partie  S.-E.  de  la  cote  de  I'ile  Borneo  , 

—  d'une   partie  de  la  cote  de  Java  pr^s  Sa- 

marang, 

—  de  la  partie  N.-O.  de  I'ile  de  Java, 

—  d'une  partie  de  la  bale  Lampong. 


^\i^PlI-v  d'une  lettre  adressee  aU,  d'Avezac^«/-M.  C.  T. 
Lefebvue  ,  lieutenant  de  vaisseau  de  la  marine  royale. 


Gaire  ,  le  2  iiovemliio   1843. 

Quand  j'arrivai  en  Abyssinie  je  ne  trouvai  plus 

Dillon  pour  me  donner  la  poignee  de  main  de  bien- 
venue;  Petit  luttait  contre  la  mort;  on  n'avait  pas  en- 
core pu  le  tircr  du  bas  pays  ,  et  la  pas  d'esperance  de 
sanle.  Je  pris  une  grande  responsabllite ,  cello  de  le 
faire  transporter  a  deux  jours  de  distance  dans  une 
region  6levee  ,  ou  I'air  frais  en  meme  temps  que  loger 
devait  le  sauver  s'il  r^sistait  au  voyage.  Ma  tentative 
tut  heureuse,  et bientot  il  enlra  en  j^leine  convalescence. 


(44) 
II  fil  alors  do  la  bolanique  pour  donner  suite  aux  notes 
de  Dillon ,  et  tous  ses  travaux  d'histoire  naturelle  ac- 
quirent  un  grand  prix  par  les  dcssins  qu'y  joignit 
M.  Vignaud,  Six  mois  s'^taient  a  peine  ecoulcis  depuis 
men  retour  dans  la  contree  que  j'etais  appclci  a  explo- 
rer que  Schafncr  ,  sergent  d'artillerie  fort  intelligent, 
et  qui,  comme  M.  Michel  (1)  d'Abbadic,  avail  le  desir 
d'etre  soldat  dans  I'armee  abyssine  ,  succoraba  a  une 
dysenterie,  au  moment  ou  il  etait  en  clicmin  pour 
porter  de  la  poudre  a  Oubi6  et  recevoir  dc  lui  le  com- 
niandement  d'un  petit  district.  Au  milieu  de  ces  tribu- 
lations, les  travaux  ne  discontinuaient  pas;  j'explorais 
les  terrains  calcaires  de  I'Enderta ,  jo  descendais  a  la 
plaine  de  Sel ,  etc.  A  la  fin  de  18/il ,  I'etude  de  detail 
etait  finie ;  restait  une  course  qui  pouvait  alors  etre 
fructueuse ,  parce  que  nous  pourrions  relier  lout  ce  que 
nous  verrions  d'une  maniere  gen^rale  a  ce  que  nous 
avions  vu  dans  les  plus  minutieux  details.  Nous  partimes 
pourle  Choa  ;  maisM.  Vignaud,  qui,  pendant  que  nous 
etions  au  Ouodgerate  ,  etait  alio  a  Adoa  pour  renouveler 
nos  finances  un  peu  cpuisees,  se  trouva  separo  de  nous 
par  la  guerre  civile  du  Tigr6.  M.  Petit  et  moi  suivimes 
la  route  des  Portugais ,  c'cst-a-dire  la  fronti^re  E.  de 
I'Abyssinie  actuelle,  inventant  chaque  jour  un  expe- 
dient pour  echapper  aux  populations  qui  croyaient 
chacune  de  nos  plantes  et  chacun  de  nos  cailloux  un 
raorceau  d'or  ou  un  talari.  Nous  restions  cependant 
deux  ou  trois  jours  dans  un  pays  ,  mais  annongant  tou- 
jours  que  nous  venions  nous  etablir  pour  y  demeurer, 
moyen  silr  pour  etrelibredepartir  pendant  que  chacun 
6tait  a  son  champ  ou  a  son  travail.   Nous  fimes  notre 

(i)  C'cst  le  prpnoin  sous  lequel  M.  Arnaud  d'Abbadie  est  desigiui 
•■n  Abyssinic.  'A... 


(  A5  ) 
entree  en  Choa,  lorsque  la  commission  anglaise  venait 
fl'etre  congediee.  Le  roi  nous  accueillit  on  ne  peut 
mieux,  et  pendant  que  je  le  suivais  dans  une  expedition 
aux  frontieres  du  Gouraguie  et  de  I'Ennarea,  le  docteur 
Petit  resta  a  faire  de  I'liistoiro  naturelle  dans  la  pro- 
vince de  Tegoulelle,  chez  une  sceur  du  roi,  I'Ozoro  Te- 
keukeule.  Quand  I'expedition  revint,  le  roi  se  rendit  a 
Ankober,  et  j'y  allai  avec  mon  compagnon  de  voyage 
pour  y  passer  les  fetes  de  Paques  et  mettre  en  oi'dre  le 
journal  d'une  course  oil  Ton  marchait  depuis  le  matin 
jusqu'a  la  nuit,  et  quelquefois  meme  pendant  la  nuit; 
j'avais  cependant  recueilli  des  echantillons  de  min^- 
raux,  fait  des  coupes  geologiques,  ddtermin^  par  releve- 
ment  et  par  des  hauteurs  d'etoiles  le  cadre  de  ma  carte, 
pris  mes  hauteurs  barometriques ,  et  enfin  appori6 
quelques  plantes  a  M.  Petit, 

Au  mois  de  mai ,  j'allai  prler  le  roi  d'agreer  mon 
conge  :  il  me  demanda  quelle  etait  la  route  que  je  vou- 
lais  choisir ,  afin  de  faire  disposer  des  guides  :  je  lui  re- 
pondis  que  je  voulais  allor  par  les  Ouello  ,  Lalibela  et 
Sokota,  tandis  que  le  docieur  Petit  desirait  prendre  la 
route  du  Godjame.  II  me  dit  qu'il  ne  fallait  pas  nous 
separer,  que  la  route  6tait  difficile ,  meme  pour  des 
Abyssins,  a  plus  forte  raison  pour  nous  ;  qu'il  pouvait 
repondre  de  tout  dans  son  pays;  mais  que  passe  la 
frontiere ,  la  guerre  civile  etait  sur  toutes  les  routes; 
que  ce  que  nous  avions  de  mieux  a  faire  6tait  de  tra- 
\erser  rapidement  le  Nil  pour  nous  I'ofugier  dans  I'asile 
(leDima,  jusqu'a  ce  qu'il  nous  vint  une  escorte  de 
lias  Aii.  Le  soir,  il  nous  fit  envoyer  deux  toiles  et  deux 
mules,  et  le  lendemain  il  nous  regut  en  nous  disant 
qu'il  allait  a  Angolala ,  ou  nous  eussions  a  le  suivre; 
que   nous     prcndrions    l;'i     notre    guide     pour    aller 


(  46  ) 

chcz  Abba  Mall,  cbef  du  pays  voisin  de  Debra  Li- 
banos.  Au  jour  convcnu ,  nous  partimcs  ct  flmes  a 
noire  aise  notrc  voyage  dans  le  pays  G alia.  Nous  eilmes 
une  r6ceplion  splendide  d'Abba  Mali  et  du  chef  do 
Debra  Llbanos.  Le  pays  de  Metta  est  plus  dangereux  el 
plus  difficile  a  traverser  ;  nous  passons  cependant  le  Nil 
sans  accident  et  comme  par  miracle;  nous  arrivons  a 
Dima  lout  d'une  traite ;  chacun  en  est  6tonne,  car  les 
habitants  du  pays n'osent  pas  sortir  des  villes  d'asile,  ct 
Bicbana ,  de  meme  que  toutes  les  villes  sur  noire  pas- 
sage ,  a  6te  abandonnee.  Nous  passames  une  semainc 
a  Dima,  sortant  chaque  jour  a  mule  pour  faire  des 
relevements  ;  lorsque  les  carapagnardsm'apei'cevaicnt, 
ils  me  dcmandalcnt  si  les  mallieurs  du  pays  allaienl 
cesser.  Le  camp  de  Ras  Ali  se  Irouvait  lout  pres  de  la 
route  que  nous  devions  suivre;  d'un  autre  cote,  les  re- 
voltes  pillaienl  le  reste  du  pays  pour  faire  subsisler 
leurs  troupes.  II  paraissait  done  impossible  de  passer 
entre  les  pillards  du  Ras  et  ceux  duGodjame  sans  avoir 
une  escorte  du  parti  le  plus  fort.  Mais  aller  chez  Ali 
lui  demander  celte  escorte  (itait  chose  dangereuse;  la 
route  n'etait  pas  facile;  y  aller  les  mains  vides  etait 
imprudent  el  surlout  inutile;  or  toutes  nos  I'cssources 
de  cadeaux  avaient  616  epuisees  au  Choa,  puis  au  pas- 
sage du  Nil;  voila  ce  ii  quoi  jepensai ,  ct  nous  tcntames 
raventurc.  Le  Ras  etait  aEneupsie,  et  scs  troupes  ne 
pouvaientguere  marauder  qu'a  une  journee  de  chemin 
sans  redouter  les  habitants,  qui  cux-memesne  devaienl 
gu6rc  s'approrhor  qu'a  doux  journees  dans  la  crainle 
des  maraudeurs;  un  cspace  libre  devait  done  oxisler 
a  la  limite  ,  et  la  nous  nc  devions  rencontrer  personne 
sur  le  passage.  Le  30  mai ,  a  5  heures  du  matin  ,  au 
moment  on  chacim  nous  croyail  ('•t;)))lis  a  Dima  pour 


(  hi  ) 
y  passer  I'hiver,  et  ou  quelques  amis,  auxquels  nous 
avions  rendu  des  services  dans  Ic  Tigre  ,  faisaient  pre- 
parer de  la  biere  et  de  I'liydromcl  pour  nous  bien  re- 
cevoir,  notrc  tente  Cut  abatlue  et  nos  mules  chargees. 
Nous  sortlmes  rapidement  de  la  ville  et  nous  nous  di- 
rigeames  sur  DebraOuerk,  autre  ville  d'asile,  mais 
dont  le  saint  est  raoins  fort  et  moins  respecte  que  celui 
de  Dima.  On  pretend  que  la  piete  scule  arrule  les  en- 
treprises  des  malfaiteurs  qui  avaient  intention  de  piller 
Debra-Ouerk ,  tandis  que  Dima  sc  defend  elle-meme 
par  la  grande  puissance  de  son  saint ,  que  Ton  a  vu 
arreterdes  cavaliers  dans  leur  course,  et  lesfaire  mourir 
au  moment  ou  ilsetaiont  pres  de  penetrer  dans  la  ville. 
Nous  dimes  que  nous  allions  passer  quelques  jours  aux 
envu'ons  de  Debra-Ouerk  pour  revenir  aussitol  a  Dima. 
Au  bout  de  trois  heures  de  route  nous  etions  dans  I'en- 
ceinte  do  I'cglise,  ou  nous  attendions  d'avoir  trouve 
un  logement  soit  par  hospitality  ,  soit  en  payant.  Notre 
attente  fut  courte  ,  car  les  gens  du  Godjame  sont  excel- 
lents  pour  les  etrangers  ,  et  malgre  les  devastations 
conlinuelles  de  la  guerre  qui  amenaient  la  pauvrete  . 
on  ne  manqua  pas  de  nous  fournir  a  souper.  Pendant 
la  nuit  nous  vimes  les  feux  de  Ras  Ali ,  et  nous  mimes 
une  vigie  pour  nous  pr^venir  si  au  point  du  jour  on 
brulait  le  camp  ,  signal  de  depart  qui  nous  avertirait 
dc  demeurer  en  place.  Mais  tout  6tant  reste  dans 
I'ordre,  nous  fimes  charger  nos  mules  et  donnames 
ordre  de  fouelter#  car  c'etait  une  longue  et  perilleuse 
journee  que  nous  avions  a  faire  jusqu'a  la  ville  do 
K«5raneo  :  nous  avions  a  traverser  le  pays  des  Yofites, 
ceb'bre  en  tout  temps  par  les  brigandages  qui  s  v  exer- 
cent,  et  le  hois  deOnamata.  Nous  trouvamos  la  route 
completcment  deserte ;  mais  en  passant  rEunallcliii. 


(  AS  ) 
nous  vlmes  le  cadavre  cl'iin  liomme  uouvcllemcnt  assas- 
sino;  cela  donna  un  pen  plus  de  celerity  a  la  marclie 
dc  nos  honimcs,  et  cependant  nous  ne  pilmes  arriver 
a  K^raneo;  la  nuit  nous  surprit  auprus  d'une  ^glise 
en  ruines  dans  le  pays  d'Onamala ,  apres  avoir  pass6 
plusieurs  fois  I'Azouri.  Nous  campamcs  dans  cette 
6"lise,  cl  le  lendcmain  matin,  apr^s  deux  heures  de 
marche ,  nous  atteignimes  la  ville  de  R6ran6o,  situde 
sur  le  bord  du  plateau ,  au  sommet  d'un  ravin  qui 
mone  au  Nil.  De  la,  il  nous  fallut  tiois  heures  pour 
arriver  aMota,  grande  ville  commerrante  qui  pr(^c6de 
la  dcscontc  du  plateau  vers  le  Nil ,  a  I'ondroil  du  pont 
cass6.  Tout  le  monde  se  rassembia  autour  de  nous  sur 
la  place  du  marche,  en  se  demandant  si  nous  n'avlons 
pas  un  philtre  pour  avoir  ainsi  traverse  le  pays ,  lors- 
qu'ici  unchef  qui  avait  sous  ses  ordres  hOO  soldats  n'o- 
sait  pas  aller  rejoindre  Ras  Ali.  On  commenca  cepen- 
dant a  essayer  de  nous  voler,  et  Ton  enleva  quelques 
elTets  attaches  sur  une  mule;  mais  sur  notre  recla- 
mation le  chef  les  fit  rendre,  C'est  dans  Fenceinte  de 
I'eglise  que  nousallames  nous  loger. 

Le  3  juin,  dans  la  matin6e  ,  nous  quiltames  Mota 
apr^s  avoir  fait  des  aumones  et  distribue  des  medica- 
ments a  plusieurs  malades ,  en  sorte  que  nous  6lions 
accompagnes  de  quelques  gens  bien  disposes,  et  nous 
pouvions  esp^rcr  qu'aucun  accident  ne  viendrait  trou- 
l)ler  notre  passage  du  Nil.  Nous  allions  alors  tout  a 
noire  aise  ,  relevant  les  sinuosites  du  ravin  ,  notant  les 
noms  des  pays  qui  le  bordent,  la  vegetation  el  la  nature 
des  terrains.  C'est  ainsi  que  nous  atteignimes  Sabera- 
Deldeye,  <l(»nt  vous  aurez  vu  ailleurs  une  foulc  de  des- 
criptions; lout  a  c6t6  du  pont  casse  se  trouve  un  syco- 
more  a  I'ombre  duquel  mon  compagnon  de  voyage  se 


f  ^9  ) 
mit  a  ecrire  ses  notes ,  tandls  que  je  faisais  passer  les 
effels  el  les  collections  de  Tautre  bord  ,  surveillance 
que  ma  quality  de  marin  ni'avait  devolue.  A  peine  la 
moitie  de  mon  operation  6tait-elle  finie,  que  je  le  vis 
se  lever  et  appeler  son  domestique  de  confiance  pour 
descendre  avec  lui  jusqu'a  I'endroit  ou  passent  les 
mules  ,  c'est-a-dire  a  Irois  portees  de  fusil  du  pent , 
annoncant  qu'il  voulait  traverser  en  cet  endroit,  ou  la 
rive  plus  plate  lui  6vilerait  une  escalade  a  laquelle 
elaient  obliges  ceux  qui  faisaient  leur  passage  aupr^s 
du  pont  casst!;  :  les  Abyssins  chercherent  a  le  deloui'ner 
d'un  pareil  projet ,  en  lui  disant  que  le  lieu  ou  il  vou- 
lait ti'averser  le  fleuve  6tait  rempli  de  crocodiles. 

Je  I'engageai  fortement  a  suivre  le  conseil  des  habi- 
tants,  ou  du  moins  a  attendrc  que  j'eusse  fuii  de 
transporter  les  bagages ,  pour  que  je  vinsse  le  faire 
passer  ensuite  ,  comme  je  I'avais  dcja  fait,  chez  Mari- 
Sabaro,  au  pays  de  Metta.  II  m'engagea  a  me  hater  et 
j^romit  de  m'attendre  ;  mais  cinq  minutes  apres ,  un 
Abyssin  vint  me  prevenir  que  le  m^decin  (^tait  passe , 
et  que  j'eusse  a  me  d^pechcr  aussi ,  moi ,  car  il  se  fai- 
sait  lard.  A  peine  achevait-il  ces  paroles  ,  qu'un  cri 
d'alarme  vint  me  frapper.  Je  courus  au  fleuve  ,  sautant 
de  roche  en  roche,  jusqu'a  ce  que  j'arrivasse  sur  la 
rive,  ou  je  Irouvai  les  domestiques  criant  ct  courant 
de  tous  cotes  ;  il  etait  impossible  d'en  tirer  une  parole. 
Je  quittai  vite  mon  vetement  pour  m'clancer  et  fouiller 
le  fleuve  ;  mais  les  domestiques  me  retinrent.  Je  restai 
comme  un  homme  qui  r6ve  ;  les  Abyssinsdisaient :  Ccsi 

le  Djene.  Et  I'eau  coulail pas  meme  une  trace  pour 

dire  c  etait  la 

Si  le  deuil  est  peniblc  a  porter  lorsqu'on  est  cnloure 
d'amis  et  que  le  coeur  est  distrait  par  I'appel  des  autres 

1.    JANVIKB.     h.  k 


(  50  ) 

affections,  jugez  tie  I'olat  de  I'ame  lorsqu'une  tombe 
se  referme  siir  un  ami  si  loin  do  la  patrie  !  Encore  unc 
mort,  et  tout  notre  travail  sera  perdu  ! 

Enlin  nous  giavimes  le  ravin  du  Nil,  el  vers  la  nuil. 
au  moment  oil  un  violent  orage  se  declarait ,  nous 
vinmes  planter  noti'etente  aupr^sd'un village  du  district 
d'Andabeut ,  province  du  Begcmcder.  Mes  pcns^es  se 
reportaient  alors  vers  M.  \ignaud,  auquel  j'avais  (icrit 
de  sc  rendre  a  Gondar  pour  y  dessiner  les  monuments. 
En  quatre  jours  nous  arrivaraes  a  la  capitale  de  I'Ab)  s- 
sinie,  et  je  descendis  cliez  I'alaka  Abta-Selass6,  le  cbef 
de  la  mission,  qui  a  visile  Rome  avec  M.  de  Jacobis.  Je 
lui  demandai  des  nouvelles  de  mon  dernier  compa- 
gnon  :  il  n'en  savait  pas  de  rdcentes  ;  mais  il  avait  en- 
tendu  dire  qu'il  etait  a  Axum  deux  mois  auparavant. 
J'envojai  chez  I'aboum,  pensant  que  ses  domestiques, 
qui  sont  du  Tigre  ,  seraient  mieux  instruits  :  un  d'eux 
vinl  chez  moi,  et  m'annonga  que  M.Vignaud  etait  parti 
pour  la  France...  Je  terminal  rapidementquelques  tra- 
vaux  de  geographic ,  et  m'empressai  de  me  rendre  a 
Adoa,  ouje  trouvai  une  letlre  du  ministre  qui  me  rap- 
pelait.  Je  fis  immidiatcment  mes  preparalifs  pour  exe- 
cuter  cet  oixlre,  et  le  17  juillct,  la  vcille  de  mon  depart 
de  cette  ville,  vintla  nouvclle  queM.  Vignaud  etait  i)arti 
de  Soakim,eitrememenlmaIadeetlaissantpeu  d'espoir 
degudrison.  A  Messoah,  j'eusdes  nouvelles  de  Djeddah, 
annongant  qu'il  ^tail  mort  apr6s  avoir  recu  les  soins 
de  M.  Serkis  pendant  une  dizainc  de  jours,  et  rempli 
les  dcrniers  devoirs  de  la  religion  avec  le  p6re  Antonio, 
missionnaire  espagnol ,  qui  se  trouvait  la  dans  ce  mo- 
ment. 

Quand  j'arrivai  a  Djeddah,  M.  Fresnel  me  dit  qu'il 
avail  rccueilli  les  collections  do  geologic  el  les  dessins 


(H  ) 

de  M.  Vignaud,  et  qu'il  avail  remis  le  tout  a  M.  Dc- 
goutin  ,  agent  consulaire  de  Messoah  ,  allant  au  Caire  , 
pour  les  remeltre  au  consulat  general  d'Egypte. 

Enfin  nie  voici  au  Cairo ,  oil  je  me  depeche  de  faire 
faire  des  caisses  pour  mes  bagages,  qui,  avec  leur 
inauvais  emballage ,  ont  bien  pu  supporter  le  climat 
de  la  mer  Rouge ,  mais  qui  auraient  fort  a  souffrir  de 
celui  de  I'Europe,  si  je  ne  les  mettais  en  niesui'e  de 
defier  la  pluie  et  I'insouciance  des  matelots. 

C.-T.  Lefebvre. 


ExTUAiT  d'une  lettre  de  M.  C.  T.  Lefi;bvre  h  M.  Jomard, 

DicDihrr  de  r Institiit. 


Toulon,  20  decemljie  i84^i- 

Monsieur, 

Si  I'Etbiopie  tout  enti^re  doit  exciter  hautement 

le  coup  d'ceil  des  gouvernements  a  cause  de  sa  posi- 
tion pros  de  la  mer  Rouge  et  pros  de  I'Egypte,  de  la 
fcrtilite  de  son  sol  et  du  caractere  de  ses  habitants  ,  la 
partie  habitee  par  les  Galla  doit  surtout  occuper  les 
g6ographes,  parce  que  c'est  de  la  que  devront  partir 
desormais  les  nouvelles  decouvertes  en  Afrique;  c'est 
seulement  par  la  qu'on  arrivera  aux  sources  du  Nil 
Blanc,  et  a  desresultats  imporlants  en  science  comnie 
en  etablissements  coloniaux  et  religieux. 

Les  Galla  ,  essenticllement  cultivateurs  ,  ont  partout 
choisi  les  plaines  pour  y  fixer  leurs  demeures  ;  ils  n'ont 
abandonne  aucun  plateau,  aucune  vallec  fertile  ,  et 
n'ont  etc  arreles  que  par  les  terrains  defavorablos  a  la 


(52  ) 

cavalerie,   ou  s'^laienl  rel'iigi^s  les  chreticns  lors  de 

^'invasion  de  Gragne,  et  par  ceux  qui,  trop  arides  pour 

]a  culture,   tHalent   occupies  par  les  peuples  pasteurs. 

Ainsi  leurs  limiles  au  nord  ont  etc  les  haules  chaines 

du  Somen  ot  du  Lasta  ,   a  Test  les  deserts  des  Adal  ,  au 

sud  les  pays  malsains  des  Cliangalhudu  cote  de  I'ouest 

j'ignore  leur  Irontiere  ;  naais   c'est  lu  surtout   qu'on 

doit  les  chereher ,  car  c'est  de  ce  c6t6  qu'on  les  Irouve 

foriii(is  en  nations,  et  ou  seulement  on  pourralt  esp(5rer 

de  decouvrir  leur  origine  ,  tandis  que  les  Galla  de  Test 

peuvent  etre  consideres  comrae   des  sentinelles  avan- 

c6es  ,  et  se  sont  confondus  avec  les  nations  dont   ils 

avaient  le  contact.  Ainsi ,  par  exemple  ,  les  provinces 

du  Gouragui6»  de  Gouma  et  Sidama,  avaient  adopts  le 

christianisme  i  I'^poque  ou  les  empereurs  d'Ethiopie 

faisaient  leur  residence  a  Hierere ;  et ,   avec   de   nou- 

velles  idees ,   ils  durent  perdre  les  traditions  histori- 

ques.  Ce  ne  fut  que  lors  de  I'invasion  de  Gragne  que 

le  peuple  civilis6  fut  remplac^  par  les  Barbares  ;  mais- 

eeux-ci,  a  la  mort  du  conqu^rant,  rest^rent  disperses, 

quoiquc  toujoursmaitresdu  pays  qu'ils  avaient conquis, 

et  bientot  tout  souvenir  sepcrdit;  les  iddes  religieuses 

qui  demeurerent   sont  peut-etre  trop  vagaes  pour  en 

tirer  une  conclusion  qui  fassc  connaitre  leur  point  do 

depart. 

Voici  ce  qu'un  chef  me  disait  un  jour  sur  lescroyan- 
ces  des  Galla  : 

«  II  y  a  un  Dieu  unique, 

»  L'homrae  est  sorti  de  la  poussiere  (Oromo  soupe 
»  nomatate).  » 

Lorsque  je  deraandar  s'il  y  avait  des  livres  galla,   il 
me  r^pondit  : 

«  Un  jour  le  livre  est  descendu  du  ciel ,  mais  unc 


(  53  ) 
»  brebis  I'a  mange  ,  et  le  livre  est  devenu  de  la  graisse, 
»  (Malas    oLiaka  bouee ,    saa  lone   iguate  mox'a  t6    e 
»  ourmone  malas  ni  mora).  » 

C'est  pom-quoi  Ton  consulte  la  graisse  des  brebis 
pour  connaitre  Tissue  d'une  affaire ;  le  signe  est  favo- 
rable si  le  peritoine  est  parfaitement  pur  et  sans  tache; 
11  est  nefaste  s'il  y  a  des  slries  sanguinolentes. 

La  question  des  llvres  est  une  question  que  j'ai  re- 
petee  bien  souvent  et  a  des  gens  intelligents ,  surtout 
depuis  que  j'ai  appris  que  la  Societe  oi'ienlale  poss6- 
dait  un  alphabet  galla  ;  mais  on  m'a  toujours  ri  au  nez 
en  doutant  que  je  fisse  une  question  serieuse. 

On  pourrait  avoir  le  cceur  net  de  la  chose  en  allant 
au  Gouraguie  ,  ou  les  meilleures  bibliolheques  ont  <^te 
conserv6es  ;  car  on  y  trouverait  probablement  une  his- 
toire  galla  et  des  dictionnaires  ethiopiens ,  parlant  <le 
cette  langue ;  de  meme  que  j'en  ai  un  qui  donne 
quelques  significations  du  phenicien  ,  de  I'hebreu  et 
du  copte.  Ce  serait  peut-etre  aussi  la  meilleure  route 
pour  aller  a  Caffa,  qui  doit  etre  aujourd'hui  le  but  des 
voyageurs  qui  veulent  renconlrer  les  sources  du  Nil- 
Blanc  ,  et  peut-etre  celles  d'un  fleuve  important  qui 
se  dirige  vers  I'ocean  6thiopique. 

Dans  une  note  que  Ton  me  fit  I'honneur  de  publier 
dans  le  Bulletin  de  la  Societe  de  geographie  ,  j'avais 
ecrit  que  le  Guibd  prenait  sa  direction  vers  I'O. ,  et 
devait  etre  la  source  principale  du  Nil ,  mais  je  m'elais 
(rompe.  En  reconnaissant  que  les  versants  de  Caffa  ne 
pouvaient  pas  conduire  leurs  eaux  au  Nil-Bleu  ,  je 
n'avais  pas  alors  pense  au  vcrsaut  de  IE.  qui  suit  le 
fleuve  jusqu'a  ce  qui!  suit  de\ie  au  S.  par  la  chaine 
qui  fail  suite  a  celle  du  Gouraguie.  La  marche  de  ce 
<;ours  d'oau  ,  apres  elre  sorli  entre  Caffa  el  Djinna  ,  est 


(  5A  ) 
a    travors  les    pa\s  de   Nonno,    BiloK^iic,    Aniayane, 
Djindjero,  Agabja\ne,  Adiya  et  Maiko;  a  parlir  de  la, 
il  court  ail  sud.  Je  no  sais  pas  Ic  nom  des  peuples  au 
milieu  desquels  il  passe. 

Mais  les  ruontagnesdeCafladonnent  lieu  a  une  riviere 
plus  large  et  plus  pn>fonde  encore  que  le  Guibe  :  c'est 
laGodjobe,  sur  laquelle  on  navigue  en  pirogue.  Son 
conrs  a  et6  suivi  pendant  longtcnips  par  un  uiarchand 
de  CafTa,  nomnie  Irbo  ,  qui  kii  doiino  un  millc  do  lar- 
geur  lorsqu'clle  arrive  dans  la  plaine  des  Changalla  , 
quelquo  icmps  avant  de  so  jeter  dans  lo  Nil  Blanc  ,  quo 
mon  Galla  sait  parfaiteraenl  distingucr  du  Nil-Bleu.  II 
ajoule  qu'une  autre  rivierevenantdel'est,  et  fournie  par 
uno  cbaine  tres  elev6e  que  Ton  aperqoit  de  CafTa,  viont 
joindrc  son  cours  a  celui  de  la  Godjobe  ,  et  qu'a  la  jonc- 
tion  ello  fonne  un  lac  ou  bassin  oil  se  jetlent  plusicurs 
potltes  rivieres  galla. 

A  trois  jours  de  sa  source  ,  la  Godjobe  traverse  aussi 
un  lac  qui  est  dans  le  pays  de  Sidama  ,  el  que  Ton  ne 
passe  jamais  sans  s'elre  confess^  ,  parce  qu'on  y  peril 
souvenl.  J'avais  (!!crlt  le  nom  de  ce  lac  ;  mais  il  est  un 
peu  efface,  et  je  n'ai  pas  encore  pu  le  lire  d'une  ma- 
niere  certainc. 

Mainlcnant ,  doit-on  considerer  la  Godjobe  comme 
source  du  Nil-Blanc  ?  Rien  de  plus  facile  alors  que  d'y 
arriver  (si  toutefois  Ton  est  mieux  muni  en  argent  que 
je  ne  I'^lais,  car  sans  cadeau  Ton  ne  peut  faire  un  pas 
dans  les  pays  galla).  Doit-on,  au  contrairc,  romonter 
la  rivi6re  qui  vieiit  de  Test  ?  Le  voyage  doil  toujours 
se  faire  par  le  plaloau  galla;  le  pays  est  plus  sain  ,  et 
Ton  s'expose  moins  en  tout  cas  qu'en  voyageanl  choz 
les  n^gres,  toujours  en  guerre  avec  les  races  blanches 
ot  mulalres,  qui  los  font  oscla^es. 


(  55  ) 

D'apros  la  vegetation  ,  les  points  les  plus  elevds  de 
Caffa  auraient  9,000  |)ieds  de  hauteur  absolue ;  les 
vall(5es  en  auraient  5,000,  Le  Narea  est  moins  eleve  ; 
car  sur  les  plateaux  qui  I'entourent ,  on  ne  trouve  ni 
genevrier  ni  bruyere.  Ces  arbres  sent  remplaces  par  le 
zegba  ,  qui  ressemble  au  c^dre ,  mais  qui  atteint  des 
dimensions  beaucoup  plus  grandes,  et  aun  boisplusdur 
et  moins  noueux;  il  croita  7,000  pieds  d'elcvation  etne 
se  trouve  ni  plus  liaut  ni  plus  bas,  d'apres  les  rc^sultats 
d'un  grand  nombre  d'observations  barometriques. 

Arrive  d'hier  seulement  a  Toulon,  j'ai  trop  a  faire 
pour  contlnuer  d'^crire  les  autres  i-enseignements 
que  je  m'^tals  pi'opose  de  vous  adresser,  et  je  n'ai  pu 
mettre  ici  I'ordre  que  j'aurais  desir^ 

C.-T.  Lefebvre. 


(  56  ) 

DfecoiVEiiTE  (III  Idc  Torrens  dans  hi  NouvcUe-HoUande ; 

par  M.  Evi\K. 


Nous  avonsdeja  donne,  clans  lo  Bulletin  du  mois  dc 
mai  1842,  p.  33,  le  ri^cit  d'une  excursion  faito  en  1841 
par  M.  Eyre,    pour  aller  par  terre  de  la  baie   Denon 
au   port  du   Roi-George;  nous  avions  emprunto  cet 
article  a  la  Litermj   Gazette;    nous    nc   connaissions 
alors  aucun  autre  <^crit  de   ce  voyageur.  Au  mois  de 
mai  dernier,  la  Society  de  geographic  de  Londres  a 
dccerne  a  M.  Eyre  une  de  ses  nuklaillcs ,  ct  a  donnt'; 
dans  son  joui'nal  les  diverses  letlres  qui  on  I  ete  recues 
de  lui,  et  dans  lesquelles  ii  rend  compte  de  ses  re- 
cherclies.  Nous  y  voyons  signal^e  surtout  la  decouverte 
du  lac  Torrens,  dont  M.  Eyre  estimo  I'^tendue  a  plus 
de  ZiOO  milles,  Lne  lettre   de   Simrnonds,    un  de   nos 
membres  etrangers,  conticnt  I'annonce  suivante  : 

«  On  m'apprend  que  ring6nieur  en  chef  d'Ad6- 
laide,  I'honorablc  E.-C.  From,  a  commence,  le  h 
juilletde  cette  annee  (18/i3),  un  voyage  de  decou- 
verte vers  le  Nord.  Le  gouverncur  general  et  quelques 
personnages  do  distinction  I'accompagnaient.  L'objet 
de  cette  expedition  est  de  determiner  la  position  g6o- 
graphique  du  lac  Torrens  a  I'E.  et  au  N.  » 

Nous  avons  done  dtc  port6  naturellement  a  recher- 
cher  dans  les  divers  rapports  de  M,  Eyre,  jiublics  par  la 
Society  de  geographic  de  Londres,  ce  qui  concerne  ce 
lac,  et  nous  croyons  qu'on  le  lira  avec  plaisir  dans  le 
Bulletin.  Nous  commencerons  par  quelques  details  rc- 
latifs  aux  diireronts  vovages  de  M.  Eyre. 

La  possibilile  de  coiuluiro  par  terre  des  troupcaux 


(  57  ) 
delaNouvelle-Gallesdu  S.  a  retahllssement  d'Adelaide, 
fonde  dernierement  sur  le  golfe  Saint- Vincent,  etait 
regarde  comme  tres  douteuse;peu  depersonnes  etaient 
dispos^es  a  risquer  Icurs  proprietes  dans  iin  pared 
trajet  :  M.  Eyre  et  MM.  Hawdon  et  Bonney  furent  les 
premiers  qui  oserent  tenter  cette  entreprise.  M.  Eyre 
partlt  de  Sydney  le  8  novembre  1837,  et,  a  cause  des 
detours  qu'il  lut  obliged  de  faire,  il  n'atteignit  Adelaide 
que  le  13  juillet  1838.  11  avail  avec  lui  six  liomines 
seulement ,  et  ils  amenerent  a  cat  ^tablissement  un 
troupeau  de  300  betes  a  cornes. 

Le  5  decembre  suivant ,  M.  Eyre  quitta  de  nouveau 
Sydney  avec  1000  moutons  et  600  bceufs  ,  et  les  con- 
duisit  a  Adelaide  ,  oii  il  arriva  le  23  fevrier  1839.  Dans 
lecourantde  1839,  M.  Eyre  fut  engage  dans  deux  expe- 
ditions de  decouvertes.  Dans  \a  premiere  ,  il  quilta 
Adelaide  le  1"  mai  pour  reconnaUre  le  pays  qui  se 
Irouve  au  N.  de  cet  etablissenient.  II  fut  absent  pen- 
dant neuf  semaines,  et  parcourut  dans  ce  voyage 
220  niilles,  examinant  toule  la  conlree  comprise  entre 
le  golfe  Spencer  et  le  Murray,  jusqu'a  environ  36  milles 
au  N.  du  mont  Arden ,  qui  est  sitae  au  fond  du  golfe. 
Son  expedition  se  composait  de  dix  cbevaux  et  de  deux 
cbariots. 

Dans  la  seconde,  M.  Eyre  repartit  le  5  aout  du  port 
de  Lincoln;  il  fut  absent  pendant  neuf  semaines,  qu'il 
employa  a  parcourir  la  cote  depuis  le  port  Lincoln 
jusqu'au  port  Bell,  distance  de  230  milles;  puis  de  la 
baie  Streaky  il  gagna  le  fond  du  golfe  Spencer,  ce  qui 
fait  encore  220  milles.  Ce  fut  pendant  ce  voyage  qu'il 
eut  la  premiere  vue  de  cet  immense  lac  auquel  il 
donna  le  nom  du  colonel  Torrens.  Ccs  deux  expedi- 
tions furent  entreprises  aux  frais  do  ^L  Eyre  scul. 


(  58  ) 

Les  opd'rations  de  IS/jO  ct  /|1 ,  que  I'on  peat  rcgartler 
comnie  une  seule  expedition,  lurent  entrcprises  sous 
les  auspices  du  gouvernement  local,  qui  y  contribua 
par  Ic  don  d'unc  somme  de  100  livres  sterling ,  dc 
diverses  provisions ,  et  le  pr6t  de  deux  chevaux.  Les 
colons  de  I'Australie  meridionale  y  contribuerent  aussi 
parle  pretde  cinq  chevaux  et  la  solded'une  parliede  la 
depense.  Sept  autres  chevaux  et  le  reste  deladepense, 
qui  se  raonlait  tr(^s  haul,  lurent  fournis  par  M.  Eyre, 
Toutes  les  cartes  dc  scs  routes  ont  etc  remises  par  hii  au 
gouvernemcnt  de  la  colonic.  Le  18  juinlS/iO,  ilquilta 
Adelaide  pour  essayer  de  peneti'er  dans  I'int^rieur.  II 
s'avanca  jusqu'au  lac  Torrens,  en  suivlt  les  bords  pen- 
dant pri;s  de  /lOO  inilles;  mais,  se  trouvant  enlermi 
dans  une  esp^cc  de  cul-de-sac ,  aitendu  que  ce  lac  a 
la  forme  d'un  fer  a  cheval ,  etle  pays  etant  de  jilus  en 
plus  aride ,  il  revint  au  port  Lincoln.  De  ce  point,  apris 
plusieurs  tcntatives  infructueuses  qui  ne  le  decoura- 
g^rentpas,  il  parvinl  a  atteindre  le  port  duRoi-Gcorge, 
ayant  parcouru  ainsi  une  distance  de  1,300  milles. 
C'estdccedernicrvoyage  que  nous  avons  rendu  complc 
dans  le  Bulletin  de  mai  18/i2.  Nous  allons  extraire 
maintenant  des  rapports  de  M.  Eyre  ce  qui  est  relatif 
au  lac  Torrens. 

Ainsi  que  nous  I'avons  dit  plus  haul  ,  M.  Eyre  avail 
quitle  Adelaide  le  18  juin  1840  ;  le  3  juillet  suivant  il 
arrivait  au  mont  Arden  ,  ou  il  avait  6tabli  un  depot  de 
vivres  ;  il  ecrivit  de  ce  point  la  lettre  suivante  : 

«  Le  6  juillet,  accompagnci  d'un  jeunc  naturel ,  jc 
j)arlis  a  cheval  pour  rcconnaitre  le  lac  Torrens  ct  le 
pays  situii  au  nord  dc  notre  depot,  laissantau  camp  les 
autres  personnes  qui  m'accompagnaient,  J'arrivai  sur 
li's  bords  du  lac  Torrens  apr6s  trois  jours  dc  marche, 
el  jo  me  convainquls  (|ue  c'elait  un  bassin  d'une  im- 


(  59  ) 
mense  etendiie  qui,  sur  une  largeur  variable  de  15  a 
20  millcs,  presenlait  une  longueur  de  ZiO  a  50  milles, 
depuis  son  cxtremite  sud  jusqu'au  point  qu'on  aper- 
cevait  le  plus  au  nord  lorsqu'on  etait  sur  un  sommct 
des  monts  Flinders ,  situe  a  environ  90  milles  au  nord 
du  mont  Arden.  Le  lac  est  entoure  d'une  bande 
de  sable  couverte  de  planles  marines,  et  on  remar- 
quait  de  distance  en  distance ,  sur  Ics  bords ,  des  in- 
crustations salines.  Les  eauxs'6tendent  sur  une  surface 
tres  vaste,  mais  elles  paraissent  peu  profondes. 

»  La  nature  moUe  de  la  partie  decouverte  du  lit  du 
lac,  partie  qui  a  3  ou  A  millcs  de  largeur  depuis  le  bord 
ext^rieur  du  bassin  jusqu'a  I'eau  ,  ne  m'a  pas  per- 
mis  d'approcher  et  de  gouter  cette  eau  pour  veri- 
fier si  elle  6tait  salee  ;  mais  je  n'en  doute  nuUemcnt, 
car  la  portion  du  lit  que  nous  voyions  6tait  revetue 
d'une  couclie  (^paisse  de  particules  salines.  U  n'y  a 
ni  arbres  ni  buissons  d'aucune  esp^ce  aupres  du 
lac  sur  le  point  oil  nous  I'avons  vu  ,  et  nous  n'a- 
vons  pu  trouver  ni  herbes  ni  eau  douce  pour  nos 
clievaux.  Le  lac  Torrens  est  borne  ,  du  cote  de  I'ouest , 
par  une  terre  elevee,  qui  parait  etre  la  continuation  du 
plateau  tabulairc  que  Ton  trouve  a  I'ouest  du  fond  du 
golfe  Spencer;  je  pense  qu'il  doit  recevoir  beaucoup 
d'eau  de  ce  cote,  ainsi  que  toutc  celle  qui  vient  des 
monts  Flinders  vers  lest. 

))  En  quittant  le  lac,  je  jjassai  quelques jours  a  exa- 
miner le  pays  situe  au  nord  de  notre  depot.  Sa  nature 
parait  peu  variee  ;  des  plaines  sablonneuses  et  arides 
formentlesniveauxinfcrieurs,etlesmontagnes  qui  sont 
la  continuation  dos  monts  Flinders  sontformees  dc 
quartz  et  de  pierres  ferrugineuses.  Ces  monlagnes 
dcviennent  moins  elevees  et  plus  dclachees  a  mesure 


(  60   ) 

qu'on  avance  ;  des  vallees  pierreusesles  sdparent ;  tout 
le  pays  prcnci  un  aspect  plus  aride,  s'il  est  possible,  et 
los  sources,  qui  etaiont  precc^demmenl  assoz  nombreu- 
scs  dans  les  monlagnes,  se  rencoiilrenl  plus  rarcincnt 
et  plus  avant  sur  les  hauteurs.  Apres  de  longues  et 
laborieuses  rechercbcs,  je  finis  par  trouver  a  90  milles 
au  nord  du  mont  Arden  un  lieu  ou  11  etait  possi- 
ble d'etablir  un  depot  dc  vivres  et  d'oii  je  pourrais 
partir  pourpenelrer  plus  vers  le  nord.  Apr^s  une  ab- 
sence de  seize  jours,  je  rejoignis  mes  gens  sousle  mont 
Arden,  le  21  juillet. 

))Dans  ma  premiere  visile  auiacTorrens.j'avais  pensf^ 
que  son  ecoulcment  se  laisait  par  le  nord;  mais  actuel- 
lement  je  suis  porte  a  croire  qu'il  a  lieu  par  le  sud 
et  par  I'extremite  du  golfe  Spencer. » 

Dans  une  autre  lettre  du  8  octobre  ,  M.  Eyre  disait: 
«  Apr6s  avoir  quillenotre  depot  aupres  du  mont  Arden, 
la  nature  aride  el  sablonneuse  du  pays  entre  ce  point 
et  le  lac  Torrens  nous  t'orga  a  longer  la  chaine  des 
monts  Flinders.  Notre  marche  fut  ndcessairement  lente 
a  cause  de  I'in^galile  du  terrain  et  de  la  raret6  des 
sources  qu'il  fallait  chercUer.  A  mesure  que  nous 
avancions,  les  monlagnes  s'inclinaienl  vers  lest  et  di- 
minuaient  de  hauteiu' ;  elles  cesserent  enfin  lout-a-fait 
par  29°  20'  de  lat.  S.,  et  nous  nous  trouvames  dans  un 
pays  tresbas  etplal,  forme  de  vaslesplaines  pierreuses  , 
entremeldes  de  sables;  ces  plaines  ne  presentaient  ni 
eau.  111  gazon ,  ni  arbres,  et  quelques  ])lanles  sa- 
lines vegetaient  en  petit  nombre  sur  ce  sol.  A  travers 
ce  pays  plat  et  nivelti  on  lemarquait  dans  diflerenles 
direclions  quelques  pctites  t^ievations  de  50  a  1500  pieds 
lie  hauteur,  lerniinees  loules  par  un  plateau  ,  et  pre- 
scutanl  invariableuient  des  bonis  abruples;  ces  eleva- 


(61  ) 

lions  sont  torm^es  d'une  lei  re  ciayeuse  et  recouverles 
dans  la  pai'tie  superieure  de  pierres  et  de  sable.  II 
sembleralt  que  ces  plateaux  ont  etc  foi-mes  par  laclion 
des  eaux,  qui  en  auraient  creuse  les  flancs,  de  nia- 
niere  a  ne  laisser  subsister  que  ces  iVagaients  detacbes. 
Apr6s  avoir  traverse  celte  region  aride  dans  trois  di- 
rections dilTerentes  ,  nous  trouvames  que  celte  contree 
basse,  qui  forme  la  terminaison  des  monts  Flinders  , 
etait  enti6rement  enlouree  par  le  lac  Torrens  ,  qui, 
commen^ant  non  loin  du  fond  du  golfe  Spencer,  fai- 
sait  un  immense  circuit  de  plus  de  400  milles  ,  avec 
une  largeur  de  20  a  30  milles  ,  recevant  les  eaux  des 
monts  Flinders,  et  les  entourant  sous  la  forme  d'un  fer 
a  cheval. 

))  La  plus  grande  parti.e  de  I'immense  plaine  quicon- 
lient  le  lit  de  ce  lac  est  sans  doute  a  sec,  mais  elle 
consiste  en  un  nK^-lange  de  sable  et  de  vase  d'une  na- 
ture si  molle  qu'elle  rend  tout-a-fail  impossible  d'at- 
teindre  I'eau  que  Ton  apergoit  a  quelques  milles  du 
bord  exterieur  du  bassin.  Je  n'ai  ])u  qu'une  scule  fois 
y  arriver;  c'elait  dans  un  petit  bras  du  cote  du  nord- 
ouest:  I'eau  etait  aussi  salee  que  celle  de  la  raer.  Le 
lac  ,  dans  la  parlio  E.  et  S. ,  est  born6  par  une  cole 
sablonneuse  elevee  ,  sur  laquelle  croissant  quelques 
plantes  salines  et  quelques  buissons  ,  noais  sans  aucuiie 
autre  vegetation;  I'aulre  cote,  autant  que  nous  avons 
pu  en  juger  ,  presenle  le  meme  aspect ;  et  lorsque  nous 
monlames  surlesmontsFlinders,  d'oula  vueetaitexlre- 
memenl  etendue  ,  et  d'oii  Ton  apercevaitle  cote  oppose 
du  lac,  on  ne  distinguait  ni  a  I'ouest ,  ni  au  nord,  ni 
a  Test,  aucune  espece  d'elevation  ,  et  tout  le  pays  pa- 
raissait  un  vaste  desert  bas  el  aride.  Nous  donnames 
au  plus  baut  sommet  ou  nous  sommcs  monies  le  nont 


(6-2  ) 

de  mont  Sca'le  ;  il  oslsilu6  par  30°  SO'do  lat.  S. ,  et  jiar 
environ  138"  40' delongil.  E.  de  Greenwich  (13G°  20' 
E.  dc  Paris). 

))D'apres  la  forme  du  Jac,  il  dtail  Evident  qu'il  nous 
elait  impossible  de  p6notrer  dans  I'intf^rieur  avant  de 
nous  etrc  portes  tr6s  loin  vers  Test  ou  vers  I'oiicst  pour 
eviler  le  lac  etle  vastc  desert  dontil  est  entoiire.  Comme 
I'exp^dition  6tait  deja  en  route  depuis  trois  mois  ,  nos 
vivres  6taient  tellement  diminues  qu'il  ('>tait  necessaire 
de  les  renouveler;  il  nc  nous  restait  done  que  deux 
partis  a  prendre,  ou  de  revenir  vers  le  sud  a  Adelaide, 
ou  de  gagner  la  baie  Streaky  a  I'ouest ,  et  d'envoyer 
dc  la  au  port  Lincoln  pour  faire  des  vivres.  Je  me  d6- 
cidai  pour  celle  dernidro  route. 

))  Avant  d'arriver  au  mont  Arden  ,  nous  eumes  plu- 
sieurs  jours  de  pluie,  sans  cela  nous  n'aurions  pas  pu 
tenter  d'aller  vers  I'ouest ;  mais  6tant  desormais  surs 
de  trouver  de  I'eau  sur  la  route  de  la  baie  Streaky, 
j'envoyai  deux  de  mes  chariots ,  sous  la  direction  de 
mon  sui'veillant ,  par  la  route  que  nous  avions  deja 
suivie.et,  accompagne  de  M.  Scott,  je  me  dirigeai  sur 
le  port  Lincoln,  avec  le  troisieme.  Dans  la  route  du 
raont  Arden  au  port  Lincoln  nous  traversames  une  con- 
trive g^neralement  l)asse,  couverle  de  buissons  6pais, 
au  milieu  desquels  on  rencontrait,  a  de  longs  inter- 
valles,  quelqucs  ])iecos  couvertes  d'lierbes,  et  ^a  et  la 
des  somniels  de  roches;c'est  auj)r^s  de  ceux-ci  que  Ion 
Irouvait  ordinairemcnt  de  I'eau  ou  nous  pouvions  nous 
desaltcrcr,  ainsi  que  nos  chevaux,  jusqu'ace  que  nous 
arrivames  dans  les  pays  deja  explores  ;  et  apres  avoir 
traverse  de  belles  vallees  ,  bion  arros(Ves  et  tr^s  pro- 
pices  pour  les  troupeaux  ,  nous  atteignimes  enfin  lo 
port  Lincoln  Ic  23  oclobre.  » 


( «'i ) 

NOTE 

sur  line  ancienne  carte  inaniiscrite    historiec  de   la 
collection  de  Gitillaiiine  Barbie  dit  Bocaire  . 

P/Va  M.  D'AVEZAC. 


Dans  I'etude  des  monuments  gdiograjihiques  du 
moyen-age ,  I'un  des  premiers  soins  dont  on  ait  a  se 
preoccuper,  c'est  evidemment  de  collij^cr  les  monu- 
ments eux-memes;  et  parmi  ceux-ci ,  les  plus^curieux  a 
recueillir  (parce  que  cliacun  d'cux  constilue  prcsque 
toujours  un  exemplaire  autographe  et  unique  ,  dont  la 
perte  serait  irreparable)  ce  sont  les  cartes  manuscriles 
dressecs  par  les  artistes  alors  connus  sous  la  denomi- 
nation de  cosmographcs ,  lesquels  y  consignaient  le 
bilan  figuratif  des  notions  acquises  de  leur  temps. 

Nous  venons  signaler  ici  un  nouveau  document  a 
inscrire  sur  la  lisle  des  monuments  de  cetle  espece  : 
nous  voulons  parlcr  d'une  carte  historiec  faisant  partic 
de  la  collection  de  feu  notre  confrere  Guillaume  Barbie 
du  Bocage. 

C'est  une  peau  de  parchemin  rognee  en  parallelo- 
gramme  dc  0'°,90de  long  sur  0'",56  de  haul ,  a  I'un  des 
bouts  duquel  est  rest^  adherent  un  appendice  de  0'",0i) 
de  long  sur  0",20  de  liaut ,  qui  parait  repondre  au  cou 
de  I'animal;  en  cet  endroit  est  perce  un  trou ,  qu'un 
effort  de  traction  soit  accidentel ,  soil  pkitot  frequem- 
ment  repete  ,  a  considerablement  agrandi  par  unc 
d^chirure  qui  separe  ,  sur  la  longueur,  tout  I'appen- 
dice  en  deux  lani^res ,  rattachees  a  leur  extr^mite  par 
un  cordon;  a  I'opposite  ,   le  bord  de  la  corlc    porle   la 


(  <34  ) 

trace  dos  clous  qui,  suivant  loute  apparence.,  le  fixaicnt 
a  un  rouleau  tie  bois.  On  pourrail  ponser,  il'apr^s  ces 
indices,  que  la  carte  devait  elre  appendue  a  la  nui- 
raille  au  moyen  dun  clou  pass6  dans  le  Irou  dont  nous 
venons  dc  parler,  et  que  dans  celle  situation  le  rouleau 
de  bois  auquel  elle  dtait  attachee  par  le  bas  scrvait  a 
la  mainlenir  dtendue.  Sans  prelendre  nicr  qu'ellc  ait 
et»i  quelquefois  ainsi  placee ,  nous  cro\ons  devoir 
expliquer  autrement  la  destination  du  rouleau  de  bois 
et  du  Irou  que  presente  I'appendice  :  avec  un  pcu 
d'attention  on  i-econnait  qu'au  lieu  dun  seul  Irou  il  y 
avait  plusieurs  fc-ntes  etagees,  dans  lesquelles  devait 
passer  succcssivenient  un  ruban  ou  unc  petite  lani^re 
souple  qui  servail  a  niaintenir  la  carte  lorsqu'clle  etait 
eru'oulee  aulour  du  cylindre  de  bois;  nous  poss^dons 
nous-nieme  un  petit  manuscrit  cabalislique  araLe  et 
un  manuscrit  hebraique  du  livre  d'Esther,  qui  nous 
offrent  des  cxeniplesdeinonstralifs  de  cette  disposition. 
Ces  details  peuvent  paraitre  minulieux;  mais  ils  ont 
une  importance  que  Ton  pourra  appr^cier  tout-a- 
riieure. 

Le  cadre  de  la  carte  que  nous  d<icrivons  renlerme  la 
Mediterranee  avec  toutes  ses  dependances,  et  une 
parlie  de  I'ocean  Atlantique  ,  depuis  le  N.  de  I'Ecosse 
jusqu'au  S.  du  Pvio  de  I'Or  sur  la  cote  d'AIVique,  avec 
Madere  et  les  Canaries ,  mais  non  Ics  A<;;ores.  Tous  les 
rivages  sont  dessines  avec  soin,  et  la  nomenclature  y 
est  abondante,  les  noms  pi'incipaux  etant  ecrits  a 
I'encre  rouge  et  le  reste  a  I'encre  noire.  Des. pavilions 
armories  (lottent  sur  les  villes  les  ])lus  considerables, 
dont  un  certain  nombre  est  figur^  par  des  groupes  do 
maisoris  et  de  tours  surmonlees  de  domes  ou  de  clo- 
chers  :  G6nes  et  Venise  presenlent  sous  ce  rapport  un 


(  (i5   ) 

developpemonl  extraorcllnairc.  Dans  rinlericiir  ilcs 
terrcs,  les  noms  sont  rares,  les  indications  Ires  vagues. 
Ausud  de  I'Allas  on  voitdegrandes  tentes  aux  coideurs 
vives  et  tranchees,  sous  lesquelles  se  montre  lo  buste 
des  rois  les  plus  puissants,  avec  accoinpagnement 
d'une  legende  exjilicative  en  langage  roman  tres  incor- 
rect. Au  centre  de  quelques  Etats  sont  figures  des 
ocussons  armories,  en  Espagne  notamment ,  ou  I'ecus- 
son  est  tenu  par  un  monarque  debout,  ayanl  en  lete 
une  couronne  dor  ouvcrtc  et  fleuronnee. 

Le  cj'lindre  sur  lequel  s'enroulait  la  carte  etait  fix*' 
a  I'extreinite  orientale  ,  a  la  droite  du  spectateur  ;  I'aji- 
pendice  repondant  au  cou  de  I'animal  se  trouve  done 
a  gauche,  a  rexlreniile  occidentale  de  la  carte,  A  la 
commissure  de  la  carte  et  de  cet  appcndice  ,  on  aper- 
goit,  entre  deux  doubles  filets,  deux  lignes  d'c^criture 
presquc  cnlierement  elTac^es,  mais  dont  les  mots  en- 
core lisibles  constatent  que  la  se  trouvaient  consignes 
le  nom  de  I'auteur,  celui  de  la  ville  ou  la  carte  a  etc 
execulee,  ct  enfin  la  date  precise  de  sa  confection.  Le 
trou  dont  il  a  ete  question  plus  haut,  ou  plutot  la  de- 
cbirure  qui  I'accompagne,  traverse  celte  legende,  qui 
a  d'ailleurs  principalement  soulTcrt  de  I'usure  caus6e 
par  un  long  frottement,  et  du  ravage  des  insectos,  au 
point  que  I'emploi  des  reactlfs  appropries  n'a  pu  faire 
revivre  aucune  des  portions  effacees  de  rinscriplion. 
Toute  la  carte,  au  surplus,  quoique  tres  lisible  dans 
ses  parties  principales  ,  est  dansun  elat  dc  conservation 
mediocrcment  satisfaisant ,  ct  les  bords  odrent  en  di- 
vers endroits  des  decliiriu'cs  regrcltables  ,  quoique  fa- 
ciles  a  reparer. 

T.a  reunion  dc  ces  circonslances  mo  Irappa  ,  des  le 
jircniioi-   aspect,   conune    un    caraclere    special    di^ja 
I.    ja>\ii:k.    5.  5 


(  66  ) 
gravd  dans  mon  esprit,  comme  un  souvenir  de  co 
memc  document ,  que  j'^tais  pourtant  certain  de  n'a- 
voir  point  encore  vu.  Ma  m6moire  ne  lartia  point  a 
retrouver  le  mol  de  celte  impression  singuliere ,  et  je 
fus  immediatement  port6  a  croire  quej'avais  sous  les 
yeux  une  carte  qui  existait  il  y  a  une  quaranlaine 
d'annees  dans  un  monastere  d'Espagnc ,  ct  qui  n'avait 
encore  ele  signaloe  que  par  ces  indices  pr^ciseraent 
qui  venaient  me  frapper. 

A  une  dcmi-lieue  de  Valence,  sur  la  route  de  Bai'- 
celonne  ,  dans  un  des  sites  les  plus  d^licieux  de  la 
magnifiquecampagne  si  vantee  sous  le  nom  de  Iluerla, 
Ferdinand-lc-Calholique  avail  fonde,  dans  les  dernieres 
ann^es  dc  son  regne ,  de  concert  avec  Germainc  de 
Foix,  sa  seconde  6pouse  ,  un  convent  de  Ilicronymites 
sous  I'invocation  de  saint  Michel ,  appele  en  conse- 
quence San-Migtiel  de  los  Reyes;  une  blblioth^que 
precieuse  de  manuscrits  du  xiv'  ct  du  xv*  siocle  y  fut 
rcunie  ,  et  le  compilatcur  Sebastian  Mifiano  ,  dans  son 
Dictionnaire  geographique  et  slatistiquc  de  I'Espagnc,  M 

donne  a  cesujet  I'indication  suivanlo  :  «  II  s'y  conserve  f 

»  aussi  une  carte  plate  hjdrographique ,  cxeculee  au 
»  commencement  du  xv*  siecle  ,  alors  que  le  reste  de 
»  I'Europe  ignorait  encore  I'usage  de  ces  carles,  si 
»  utiles  a  la  navigation.  »  Oil  Mifiano  a-t-il  pris  celte 
indication,  que  son  guide  principal ,  Antonio  Ponz,  ne 
lui  avail  point  fournie  ?  Sans  doule  dans  les  letlres  de 
Joaquin  Lorenzo  Villanueva,  qui,  apr6s  avoir  decrit  la 
carte  calalane  consei'vee  a  la  chartreuse  de  A  al-de- 
Cristo  pres  S6gorbe  ,  ajoule  immedialement  : 

«  Je  rae  souviens  d'avoir  vu  ,  dans-  la  bibliolheque 
»  du  monaslere  de  San-Miguel  de  los  Reyes,  une  autre 
»  de  ces  cartes  plates  hydrograpliiques,  fori  endom- 


(  <57  ) 
»  magee  ;  la  date  de  sa  redaction  se  Irouvait  justemcnt 
»  a  I'endroit  ou  un  Irou  y  avail  6te  pratique,  a  ce  qu'il 
»  senible,  jjour  I'appendre  a  la  muraille.  Mais,  d'apres 
»  la  ressemblance  qu'elle  offre  dans  tout  son  ensemble 
»  avec  celle  de  la  Chartreuse,  je  conjecture  que  c'est 
»  une  pi'oduclion  de  la  meme  epoque ;  les  legendes. 
»  qui  sont  presque  enti^rement  ronianes,  semblent 
»  meme  ecritesde  la  meme  main;  preuvede  la  diligence 
»  de  nos  mariniersaux  xiv"  et  xv'siecles.  »  Alnsila  cir- 
constance  materielle  de  I'exislence  d'un  trou  a  I'en- 
droit meme  ou  se  trouvait  indiqu^e  la  dale  du  monu- 
ment ,  se  presenle  a  la  fois  dans  la  carte  de  San-Miguel 
de  los  Reyes  et  dans  celle  de  la  collection  Barbie  du 
Bocage  ,  et  Ton  pourrait  se  croii'e  autoris<i  a  penser 
que  celle-ci  n'est  point  differente  de  la  premiere.  Mais 
on  ne  peut  former  a  cet  ^gard  qu'une  simple  conjec- 
ture ,  et  il  faudrait  meme  admetlre  que  Villanueva  se 
serait  m^pris  en  rapportant  la  facture  de  ce  document 
au  commencement  du  xv*  siecle ,  car  celui  que  nous 
examinons  est  6videmment  d'une  Epoque  moins  an- 
cienne. 

Ainsi  que  nous  I'avons  dit,  I'inscriplion  qui  porlait 
la  df>te  est  elTac^e  ,  tout  ce  qu'on  en  peut  lire  se  r^duit 
il  ceci  : 

«  Kijo  j in    la   nobile  citnti  ill  mi.,  na  aito 

•I         xi jesu  xpo  amcni,  » 

Force  nous  est  done  de  recherclier  aillcnrs  des  indices 
proprcs  a  nous  mettre  sur  la  voie  d'une  determination 
precise  de  I'epoquc  a  laquelle  il  convient  de  rapporter 
la  redaction  du  monument.  Les  ecussons  et  los  dra- 
peaux  armories  nous  ofl'rent  i  cet  i^gard  une  ressource 
prccieuse  a  laquelle  il  est  naturel  de  rccourir. 


;,  6S    > 

Pour  no  riL'gligor  ni  dlssimuler  aucun  dcs  argnnicnls 
(le  cctte  espc'ce  qu'il  est  possible  de  puiser  dans  la  carle 
elle-memc,  nous  croyons  devoir  consigner  d'abord  ici 
le  re]ev(!!  complet  des  indications  de  cette  nature  qu'ellc 
nous  fournit  pour  aider  a  notre  investigation.  iMais , 
avant  toutes  choses ,  nous  ferons  une  remarque  g^n6- 
ralc  sur  I'ordre  selon  lequel  so  presentent ,  dans  Ics 
portulans  comme  celui-ci ,  les  noms  geograpbiques  qui 
y  sont  inscrits  :  un  coup  d'ccil  attentif  ne  tarde  point 
a  fairc  reconnaitrc  que  tous  ces  noms  sont  malerielle- 
ment  disposes,  sauf  quelques  rares  anomalies,  en  uno 
seule  serie  commencant  au  N.-O.  de  la  carte  et  se 
lerminant  au  S.-O.  ,  ces  noms  se  succ(^dant  le  long 
des  cotes  en  lignes  toujours  ccrites  dans  Ic  meme  sens, 
c'est-a-dire  dans  une  direction  normale  a  la  courbe  com- 
plexe  dcs  rivages,  et  sur  le  c6i6  droit  de  cette  courbe. 

La  rose  des  vents,  repetee  a  diverscs  places  sur  la 
carte,  scmble  donner  elle-meme  la  clef  de  cette  dispo- 
sition par  la  maniere  dont  les  letlres  indicatives  de.s 
rumbs  v  sont  inscrites ;  car  elles  ne  sont  point  assises 
sur  dcs  lignes  paralleles  enlrc  clles,  en  face  du  spec- 
tateur  qui  cousidere  la  carte  immobile  devant  lui,  sui- 
vant  nos  habitudes  actuelles ,  le  nord  en  haul  et  I'oriont 
a  sa  droite  :  cos  loltros  au  contrairc  sont  assises  sur 
les  rayons  de  la  rose  ,  ct  pour  les  lire  le  spectateur  est 
oblige  de  faire  tourner  devant  lui  cette  rose  do  la  droite 
vers  la  gauche,  son  roil  relevant  la  serie  des  vents  dans 
lo  sens  inverse,  c'est-adire  de  la  gauche  vers  la  droifo. 

Voici ,  dans  I'ordre  ou  elles  sont  ccrites,  les  indica- 
tions de  la  rose  dcs  venls  ,   la  maniere  de  les  lire,  et 
lour  s\non\mio  acluelle;  au  lieu  de  lollres,  une  aiguille 
est  consacrdc  a  designer  le  Nord ,  une  croix  gi-ecque 
rOriont  : 


I 


(  69 

) 

i 

Tramontana. 

Nord. 

G 

Greco. .  .   . 

Nord-Est. 

♦ 

Levante.  .  . 

Est. 

S 

Sirocco.  .   . 

Sud-Est. 

0 

Ostro.  .   .  . 

Sud. 

L 

Libeccio  .    . 

Sud-Ouest. 

P 

Ponente, .   . 

Ouest. 

M 

Maestro.  .   . 

Nord-Ouest. 

Pour  lire  la  carte  entiire  suivant  I'ordre  observe 
pour  I'ecrire,  il  faut,  commc  nous  I'avons  dit  toul-a- 
I'heure,  comniencer  jiar  Tangle  Nord-Ouest  et  finir  par 
Tangle  Sud-Ouest;  si  Ton  fait  abstraction  dcs  iles,  on 
aura  en  une  seule  serie  non  interrompue  toute  la  no- 
menclature des  rivages  depuis  le  point  le  plus  6leve 
ties  cotes  occidentales  d'Europe  jusqu'au  point  le  plus 
meridional  des  cotes  occidentales  d'Afrique ,  en  par- 
courant  successivement  les  contours  dc  la  France  et  de 
TEspagne  sur  TOcean  ,  puis  sur  la  Mediterranee ,  en- 
suite  les  cotes  d'ltalie ,  celles  d'lllyrie ,  celles  de  la 
Grece  ,  pour  entrer  dans  la  mer  Noire  ,  en  suivre  la 
rive  occidentale  ,  penetrer  dans  les  Paluds-Meotides, 
en  ressortir,  relever  la  rive  orientale  du  Pont-Euxin , 
rentrer  dans  la  mer  Egee ,  contourner  I'Asie-Mineure  , 
la  Syrie ,  TEgypte ,  toute  la  cote  barbaresque  en  reve- 
nant  vers  TO.  jusqu'a  TOcean ,  et  descendre  enfin  la 
cote  d'Afrique  vers  le  S.  jusqu'au  cadre  de  la  carte. 
Quant  a  la  partie  insulaire,  le  groupe  des  lies  Britan- 
niques  trouve  naturcllement  sa  place  au  commence- 
ment, celui  des  Iles  Atlantiques  a  la  fin  de  cette  nomen- 
clature; mais  pour  les  iles  de  la  Mediterranee,  on  est 
force  d'en  intercaler  la  description  dans  des  coupures 
plus  ou  moins  hcureuses  de  celle  des  rivages  corres- 
pondanls. 


(  70) 
Au  surplus,  noire  desscin  n'ilant  pas  de  Iranscrire 
ici  la  nomenclature  donl  nous  avons  voulu  seulement 
indiqucr  la  disposilion  gen^rale ,  nous  ne  suivrons 
point  rigoureusemcnt  I'ordre  que  nous  venons  d'ex- 
poser,  notre  point  de  vue  actuel  ayant  pour  objet  Ics 
Etats  politiques  bien  plutot  que  leurs  rivogcs.  Co  que 
nous  avons  intention  de  consigner  ici,  e'est  le  blason  des 
ecus  ct  des  banniores,  la  designation  des  figures  dont 
la  carte  est  orn6e,  la  transcription  des  Idgcndes  expli- 
cati\es  :  de  ces  trois  ordrcs  tl'indications,  la  pre- 
miere est  quelquefois  renduc  extremement  difficile,  et 
mfime  impossible  ,  par  I'etat  materiel  de  la  peinlure  , 
devenue  m^connaissable  par  I'altc^ration  ou  la  dispa- 
rition  complete  des  coulcurs  :  partout ,  notamment  ou 
I'argent  melallique  avail  ete  appliqu6  ,  I'oxidation  lui 
a  substitu6  une  teinle  grisatre  qui  a  reagi  sur  les  cou- 
leurs  qui  lui  etaient  superposees.  La  confusion  qui  en 
resulte  est  surtout  remarquable  sur  les  lies  Britan- 
niques,  par  lesquelles  nous  avons  a  commencer  notre 
relev^. 

Trois  ecussons ,  I'un  en  losange  sur  I'lrlande  ,  les 
deux  autres  cai'res  sur  I'ficosse  et  I'Anglelcrre  ,  sont 
indecliiffrables  ;  le  gris  noiratrc  ,  baveux  et  confus  , 
qui  en  marque  la  place,  nous  revele  que  le  champ  en 
etait  uniformement  d'aigent.  Avec  beaucoup  d'alten- 
tion  ,  on  entrevoit  sur  celui  d'Anglelerre  la  trace  d'une 
croix  de  gueules,  et  en  redoublant  d'efforts  on  par- 
vient  a  croire  possible  Texistcnce  d'une  croix  semblable 
dans  I'ecu  d'Irlande.  Quant  a  celui  d'Ecossc  ,  on  aper- 
coit  quelques  vestiges  de  vermilion,  sans  possibilile 
aucunc  de  deviner  a  quelle  figure  il  etait  applique  , 
mais  avec  la  certitude  cependanl  qoe  ce  n'etait  point 
une  croix. 


(  71  ), 

En  France,  on  voit  le  dessin  figuratif  de  trois  grandes 
villes,  ayant  chacune  leur  drapeau,  savoir  :  Paris, 
qui  porte  d'or  plein ;  une  seconde  ville  dont  le  nora 
parait  oubli^  et  que  Ton  peut  supposer  repr^senter 
Tours  ,  avec  le  pavilion  d'azur  charge  d'une  fleur  de  lis 
d'or;  et  Avignon,  ou  flotte  une  banni^re  de  gueules  a 
deux  clefs  d'or  passees  en  sautoir.  Un  quatrieme  dra- 
peau, d'azur  a  la  fleur  de  lis  d'or,  s'eleve  aussi  pres  du 
nom  de  Narbonne. 

EnEspagne,  un  grand  ^cusson,  tenupar  un  person- 
nage  couronn^,  occupe  le  centre  de  la  Peninsule  ;  il 
est  ecartel^,  aux  premier  et  quatrieme  grands  quarliers, 
contre-ecartele  en  sautoir,  le  chef  et  la  pointe  d  'or  a  trois 
pals  de  gueules  pour  Jrogon;  sur  les  flancs,  d'argent  a 
I'aigle  eployd  de  sable  pour  Sicile;  aux  second  et  troi- 
sieme  grands  quartiers,  contre-dscartele  aux  premier 
et  quatrieme  d'argent  au  lion  de  gueules  pour  Leon, 
aux  second  et  troisieme  de  gueules  au  chateau  d'or 
pour  CastiUe.  —  La  figure  d'une  eglise  signale  Saint- 
Jacques  de  Compostelle;  colle  d'une  ville  se  voit  a 
Valence  et  a  Barcelonne.  Sur  la  premiere  floite  un 
drapeau  ecartele  aux  premier  et  quatrieme  d'argent 
plein,  aux  deuxi^me  et  troisieme  de  gueules  a  deux 
fasces ,  dont  le  metal  reste  indetermin^ ,  attend u  que  , 
sans  etre  blanches,  elles  n'ont  point  une  leinte  jaune 
assez  prononcee  pour  qu'on  les  disc  d'or.  Sur  Barce- 
lonne flotte  6galement  un  pavilion  ecaitel^  aux  pre- 
miers et  quatrieme  fasce,  a  ce  qu'il  semble  ,  de  qualre 
pieces ,  disposees  dans  I'un  des  quarliers  de  couleur  a 
m^tal ,  et  dans.  I'autre  de  metal  a  couleur  :  le  mt^al , 
incertain  comme  a  Valence,  la  couleur  de  gueules; 
aux  second  et  troisieme  quartiers  le  champ  est  fran- 
chement  d'argent,  a  la  croix  de  gueules. 


(  72  ) 

En  Portugal,  on  remarquo  la  figure  de  doux  \illes  , 
I'une  pour  LiSBONNfi  ,  I'aulrc  pour  Porto-Gallo  ;  sur 
toules  deux  est  aibor^e  unc  banniere  d'argent  a  cinq 
tcussons  pos<is  en  sautoir,  a  la  bordure  de  gueules; 
les  emaux  et  autrcs  details  que  nous  ne  blasonnons 
pas  ne  sent  point  exprini6s. 

Panni  les  grandes  iles  de  la  Medilerranee,  Mnyorqiio 
est  pcinte  tout  entiere  d'or  pale  de  gueules;  au  centre 
de  la  Sardaigne  est  un  ^cu  carrii  d'argent  a  trois  pals 
de  gueules  ;  au  centre  de  la  Sidle,  I'ecu  ecartele  en 
sautoir  d'Aragon  et  de  Sicilc. 

A  I'origine  de  I'ltalie ,  Gi.M.s  et  VuMsii  sont  reprti- 
senlees,  ainsi  que  nous  I'avons  dcja  dlt,  par  des  dessins 
beaucoup  plus  grands  et  plus  conipliquos  que  lous  les 
autres  ,  la  mer  elle-raeme  baignant  de  flots  d'azur  6tin- 
cel^s  d'argent  le  pied  de  leurs  edifices,  au-dessus  des- 
quels  se  deploicnt  leurs  pavilions  respcclifs.  Mais 
tandis  que  celui  de  Genes  montre  clairement  sa  croix 
de  gueules  en  champ  d'argent ,  celui  de  Venise  ne 
laisse  plus  apercevoir  aucun  vestige  reconnaissable  du 
lion  de  Saint-Marc. 

A'u  N.  du  Danube  ,  quatre  ligures  de  villes  sont  ac- 
compagnees  des  noms  de  Santovito,  Baochi,  Lio  et 
Caaiadia  ,  se  succedant  d'O.  en  E. ,  sans  aucun  pavilion. 
Sur  le  Danube  meme  ,  trois  figures  de  villes  sont  de- 
signees par  les  noms  deZALRA,  CIVITATI  BvDA  ,  Ct  CIVI- 

TATi  BiciNA  ,  avec  qualre  jiavillons,  dont  deux  pour 
Bude,  tous  les  quatre  scmblables,  offrant  un  champ 
fasce  de  gueules  et  d'argent  de  six  pieces,  les  cinq  der- 
nieres  adextrecs  d'azur. 

Sur  la  rive  illyrienne  de  lamer  Adriatiquc,  Singula 
nous  montre  son  drapeau  de  gueules  au  sautoir  d'or  , 
paili  d'argent.  A  Zara  nolle  un   pavilion   d'or  charge 


( /;^ ) 

d'un  besantd'argont  crois6  de  gueulos.  Ragosi  osl  dis- 
tlngud'e  par  une  figure  de  ville  sur  laquelle  est  arbore 
un  pavilion  ticartele  d'azur  etd'argent.  Puis  on  voit  sur 
Dorazo  un  pavilion  do  guoules  a  I'aigle  a  deux  teles 
eploye  d'or  ;  du  moins  nous  semble-t-il  que  telle  est  la 
signification  du  dessin  grossier  que  nous  y  apercevons. 

En  Gr^ce,  disons  plutot  en  Turqulc,  comraencent 
a  se  presenter  a  nous  les  pavilions  musulmans  ,  tous  ou 
presque  tous  charges  du  croissant  caracterislique ,  mais 
diversifies  entre  cux  de  couleur ,  peut-etre  par  la  seule 
fantaisie  du  peintre,  Dans  tousles  cas,  ce  croissant  est 
constarnment  toume ,  c'est-a-dire  ayant  scs  cornes 
dirig^es  vers  le  mat  de  pavdlon  :  nous  faisons  ici  cette 
observation  une  fois  pour  toutes,  afin  de  nous  dispenser 
de  le  repetcr  en  blasonnant  successivement  tous  les 
drapeaux  ou  il  est  figure.  Nous  dirons  ainsi  tout  sim- 
plement  que  Salonichi  porle  d'argent  au  croissant  de 
gueules;  Christojwli ,  de  gueules  au  croissant  d'or; 
Coslantinopoli ,  d'or  au  croissant  de  gueules  ;  Moncasiro, 
sur  la  mor  Noire  ,  de  gueules  au  croissant  d'or. 

Puis  nous  arrivons  a  Cafa ,  qui  arbore  encore  le 
pavilion  genois,  d'argent  a  la  croix  de  gueules;  et  de 
la  nous  passons  en  Asio.  Nous  retrouvons  a  Locopa  la 
banniere  d'or  au  croissant  de  gueules;  mais  a  Sauas- 
topo/i ,  le  champ  de  gueules  a  la  barre  d'or  accompa- 
gnee  de  deux  croissants  tournes,  du  meme.  A  Tribi- 
sonda  ct  a  Jerisonda  flotte  un  etendard  de  gueules  a  la 
croix  d'or.  Puis  recommenccnt  les  croissants  :  Lerio 
porte  d'argent  au  croissant  de  gueules;  Lalll ,  do 
gueules  au  croissant  d'or;  Sinopi  encore  d'argent  au 
croissant  do  gueules.  Puis  vicnt  Castel/i,  portant,  sur 
un  champ  dc  gueules,  non  plus  un  croissant  d'or  ,  mais 
ccllccspece  d'eloilc  connue  sous  la   denomination  dr 


( n  ) 

sceau  cle  Salomon.  Immcdialemcnt  apres ,  Pondirat 
porle  d'or  au  croissant  dc  gueules,  et  Carpi  da  gucules 
au  croissant  d'or.  Enfin ,  nous  retrouvons  a  Scutari 
I'elendard  de  gueules  a  la  croix  d'or. 

Dans  I'archipel ,  Chio  est  peinle  tout  enti6re  d'ar- 
gcnt  a  la  croix  de  gueules  ;  plus  loin  Rhodes  est  peinte 
5  son  lour  de  gueules  a  la  croix  d'argent. 

En  reprenant,  sur  la  M6diterran6e,  les  rivages  de 
I'Asie-Mineure,  nous  y  trouvons  successivement3/Mm, 
qui  porte  de  gueules  au  croissant  d'or ;  Sntnlia  ,  qui 
porte  d'argent  au  croissant  de  gueules;  et  enfin  lo 
Corco ,  dont  Ic  pavilion  d'azur  n'olTre  plus  d'autre  ves- 
tige des  croiseltcs  d'argent  dont  il  <itait  scm6 ,  que 
d'inappreciables  parcelles  de  mdtal  qui  se  laissent  en- 
core deviner  plutot  qu'apercevoir. 

En  Syrie  ,  nous  rencontrons  a  Damas  une  figure  de 
ville  surmont»^e  d'un  drapeau  d'or  au  croissant  de 
gueules.  Trois  autres  figures  dc  villes,  sans  aucun  pa- 
vilion, nous  slgnalont  Jkrusai.em,  Betania  et  Nazaret. 
Non  loin  de  la  est  roprdsente  le  mont  Sinai  avcc  le 
monastere  de  Sainte-Catiieri>e,  accompagncs  de  cette 
legende  :  «  Mont  Sinai  donde  Dio  donao  la  lege  a 
»  Moises  es  lalcappela  ( sic )  de  la  biata  Santa  Ciate- 
»  rina  martora  »  ,  c'est-a-dire,  mont  Sinai,  ou  Dieu 
donna  la  loi  a  Moise ,  et  la  chapcllc  de  la  bienheu- 
reuse  sainte  Catherine  martyre. 

Entrant  en  Egyjjte  ,  nous  trouvons  d'abord.'aux 
deux  cotes  du  Nil,  la  figure  de  deux grandes  villes,  I'une 
pour  Lo  Cairo  ue  Babilona  ,  I'autre  pour  Alesanbria, 
et  au-dessous  une  grande  tcnte  reluisante  d'or,  d'azur 
et  de  gueules,  sous  laquollo  est  dessinci  dc  profil  le 
buslc  d'un  prince  coilTe  dune  sortc  de  turban  ,  avec 
cclte  Idgcnde  :  «  Aqucsto  proovencia  singorigia  lo  gran 


(  75  ) 
»  soldano  de  Babilonia,  infin  a  la  casa  santa  de  Jero- 
»  salem  ,  »   c'est-a-dire  ,  le  grand  sultan  de  Babylone 
( <^l'i^g>'pte  )  gouverne  ce  pays-ci  jusqu'au  saint  temple 
de  Jerusalem. 

Sur  la  cote  barbaresque  ,  une  flamme  de  gueules  au 
croissant  d'or  est  arboree  uniform^ment  aux  quatre 
ports  de  Caroberio  ,  Carlo  ,  Cwita-Luco  et  Bonandria  , 
qui  se  succedent  d'est  en  ouest;  plus  loin,  sur  ceux  de 
SiU'ca  et  P.  Magra  ,  flotte  ,  au  bout  d'un  mat  de  pa- 
vilion ,  une  sorte  de  double  banderolle  blanche  frang^e 
a  ses  exti-emites ,  travers^e  de  deux  ou  trois  raies  dont 
la  couleur  n'est  pas  indiqu^e.  A  Tripoli,  nous  trouvons 
a  la  fois  la  figure  d'une  grande  ville  et  un  grand  pa- 
vilion (icartele  ,  au  premier  et  quatrieme  contrecartel*^ 
de  Castille  et  de  Leon  ,  au  second  et  troisieme  conli-e- 
cartele  en  sautoir  d'Aragon  et  de  Sicile  :  on  voit  que 
I'ordre  des  quarticrs  est  ici  inverse  de  celui  que  nous 
avons  observe  en  blasonnant  I'ecu  peint  au  centre  de 
I'Espagne.  L'ile  de  ferlji  porte  simplement  d'or  au 
croissant  de  gueules.  A  Tunissi  se  retrouve  la  figure 
d'une  grande  ville,  surmontee  d'un  pavilion  d'argent 
au  croissant  tourn^  d'azur,  adextr^  de  meme.  Sur 
Bona  flotte  un  pavilion  dont  le  champ  de  gueules  est 
charge  d'une  figure  d'or  assez  difficile  a  determiner,  et 
qui  nous  paralt  ressembler  a  une  arbal^te.  A  Mongia  , 
qui  est  Bougie,  et  a  Orana,  so  reproduit  uniforme- 
ment  la  figure  d'une  grande  ville,  surmontee  aussi 
uniform^ment  do  la  grande  banni(ire  d'Espagne  telle 
que  nous  venons  de  la  signaler  a  Tripoli.  Enfin  ,  a  I'ex- 
tremite  de  ce  littoral.  Septa  et  Tanger  arborent  cole  a 
cote  le  drapeau  de  Portugal. 

Dans  I'ocean   Atlantiquc  ,  on  remarque  ,  parmi  los 
ilos  Canaries ,   celle  de   Lansa/of,  jiGintc   tout  enlierc 


-      (   70  ) 

ilargonl  a  la  cioix  de  gueulcs.   Madero  osl  appelcc  cle 
ton  noin  modernc  in  Matera. 

Dans  rint^rieur  de  I'Afrique  ,  au  sud  de  I'Atlas  ,  sc 
succedcnt  d'ouest  en  est  les  figures  de  huit  grandes 
villas  dispos6es  sur  deux  rangs  ,  savoir,  le  long  de  I'At- 
las, C1VITA.-C111BER,  CaviTAT-BuDA,  Tasich,  et  Calbaidi; 
et  le  long  du  bord  inferieur  de  la  carte,  Civita-Te::at, 
Civita-Meca,  Nuchi,  etSuDEcui.  Entre  ces  deux  rang^es 
de  villes  sont  peintes  trois  grandes  tentes ,  sous  cha- 
cune  desqucUes  est  profile  le  buste  d'un  monarque 
coilTe  du  turban  ;  la  premiere  de  ces  figui'es,  a  gauche, 
est  seule  barbuc;  imni(idiateinent  au-dessous  est  ccrite 
celte  l(igendc  :  «  Aquista  proovencia  singorigia  aquesto 
»  rei  de  Genia,  luqualle  tieni  la  mina  de  lu  or,  mollo 
»  poteros,  »  c'esl-a-dire,  cetle  contree  a  pour  seigneur 
ce  roi  de  Guinee ,  lequel  possede  la  mine  de  Tor,  ct 
est  tres  puissant.  —  La  seconde  tente,  placee  a  peu  pres 
sous  le  meridien  de  Bougie ,  est  accompagn^e  de  la 
legende  que  voici  :  «  Aquesta  proovencla  singori- 
))  gia  questo  rei  de  Nubia  lo  quale  de  continoi  fa 
»  gucra  cum  lo  rei  de  Organia,  »  c'est-a-dii-e ,  cette 
contree  a  pour  seigneur  ce  roi  de  Nubie ,  lequel  est 
continuellement  en  guerre  avec  le  roi  d'Organa.  — 
Enfin  la  troisieme  tente,  placee  sous  le  meridien  de  la 
grande  Syrte ,  est  acconipagnee  d'une  derniere  le- 
gende ,  ainsi  concue  :  « Aquesta  proovencia  singorigia 
»  aquesto  I'ei  appellato  rei  de  Ilorgania  »,c'est-a-dire  , 
ce  pays  est  gouverne  par  ce  roi-ci,  appcle  roi  d'Or- 
gana. 

Voila  le  releve  completdes  indications  quele  docu- 
ment gdographique  soumis  a  notre  cxamen  presente 
pour  nous  aider  a  on  delcrmincr  la  date  ct  en  carac- 
leriser  la  faclurc.  Quelqucs  imperfections  s'y  rcncon- 


(  77  ) 

trent  qui  nc  doivent  point  rious  arrelcr;  I'onussion  de 
certains  details  dansl'ecu  de  Portugal ,  le  chainp  d'ar- 
gent  laisse  en  Sardaigne  a  I'ecu  d'Aragon ,  Ic  nonibre 
incomplet  des  fasces  dans  celui  de  Ilongrie ,  la  substi- 
tution meme  de  fasces  aux  pals  d'Aragondans  les  ecus 
de  Barcelonne  et  de  Valence  (cc  qui  peut  tenir  a  une 
simple  inversion  du  mat  de  pavilion  )  ;  ce  ne  sont  la 
que  des  negligences  ou  des  meprises  qui  ne  peuvcnt 
offi'ir  de  difliculte  serieusc  a  un  ojil  exerce. 

Des  difficultes  plus  reelles  rc^sultcnt  de  la  coexistence 
relative  de  certains  pavilions  bienconnus,  celui  de  Gfencs 
par  excmple  sur  Cafla,  en  memo  temps  que  celui 
d'Espagne  sur  Oran  ,  Bougie  ct  Tripoli.  On  sail  que 
Caffa  ,  poss(^de  par  les  Genois  depuis  plus  de  deux  sie- 
cles ,  leur  fut  enlevee  par  les  Turks  Ic  6  juin  1/175  ; 
mais  on  sait  aussi  que  les  Espagnols  ne  prirent  Oran 
que  le  18  mai  1509,  sous  la  conduile  du  cardinal  Fran- 
cisco Ximenez  de  Cisneros;  que  Bougie  ne  fut  prise 
par  Don  Pedro  de  Navarra  ,  comte  d'Alvelto,  que  le 
8  Janvier  1510  ,  et  Tripoli  le  25  juillet  suivant.  Sans 
nous  livrer  ici  a  des  hypotlieses  plusou  moins  plausi- 
bles  pour  rexplication  conjecturale  de  cette  dilliculte  , 
bornons-nous  a  poser  en  principe  que  la  date  la  plus 
recente  est  la  seule  a  laquelle  il  y  ait  intcret  de  s'attacber 
jDOur  determiner  la  limile  chronologique  au-dessus  de 
laquelle  on  ne  doit  point  remonter,  dans  Fappreclalion 
de  I'age  du  monument  :  or,  de  I'existence  de  la  ban- 
niere  d'Espagne  sur  Tripoli ,  il  resulle  forcement  que 
notre  carte  est  posterieure  au  25  juillet  1510 ;  voila  u  \ 
fait  certain ,  qu'auc.une  explication  ne  saurait  ucarler 
ni  modifier. 

Quant  a  la  limitc  infcrieure  en-dcga  de  ]af[uolle  i! 
sorait  deraisonnable  de  cliercbcr  In  dale  de  cdle  cmlc. 


(  78  ) 
nous  ci'oyons  la  Irouvor  suflisamnicnt  indlquee  par  cc 
mcme  ecu  d'Espagnc  qui  \ient  do  nous  fournir  la  liniite 
superieun.'.  Malyie  la  defiance  avec  laquolle  on  doit 
admellre  los  arguments  nil^gatil's,  nous  n'hesitons  pas  a 
considerer  I'absence  dcs  armes  d'Autriche  dans  I'ecus- 
son  dont  il  s'agit,  comme  unc  preuve  manifeste  que 
cet  (icusson  a  ete  dessine  anterieurenicnt  a  I'avene- 
nient  de  Charles-Quint.  La  carte  est  done  cllc-meine 
anterieure  au  23  Janvier  151G,  dale  a  latpielle  Charles- 
Quint  succeda  a  Ferdinand-le-Catholique. 

Et  niaintcnant ,  si  nous  reportons  notre  attention 
sur  I'endroit  ou  se  trouvait  jadis  ecrite  la  date  de  la 
carte  ,  il  nous  sera  perinis  d'altaclior  unc  vaieur  signi- 
ficative aux  deux  caracleres  xi  qui  se  laissent  encore 
apcrcevoir  comme  derniers  chifCres  du  milliisime  ef- 
face; nous  pensons  done  que  ce  millesime  doit  nalurcl- 
leraent  se  rcslituer  en  1511.  Telle  serait  en  defmilivc 
I'annde  precise  de  la  redaction. 

Les  legendes  romanes  que  nous  avons  transcriles 
nous  paraissenl  concourir,  avec  la  jjlijsiononiio  genti- 
rale  du  document,  pour  le  faire  classer  parrai  les  pro- 
ductions de  I'ecole  catalane  ;  ce  n'est  toutefois  ni  dans 
les  Etals  de  Terre-Ferme  de  la  couronne  d'Aragon  ,  ni 
a  Mayorque  ou  en  Sardaigne  que  nous  le  croyons  re- 
dige ;  i'citude  pal^ographique  du  mot  qui  dcsigne  le 
lieu  de  confection  nous  semble  exiger  que  ce  nom  soil 
lu  Mesina  ,  bicn  que  la  syllabe  mediano,  surtoul  la 
Jeltre  s  ,  n'ait  laissc  que  dcs  vestiges  douteux  ct  difli- 
cilemenl  percepllbles;  le  dialecte  des  legendes,  mOle 
de  formes  italiennes  et  de  formes  espagnolcs,  nous  a 
parumililer  aussi  pour  ccltc  attribution. 

Bornons  la  cettc  Notice  ;  nous  on  avons  assoz  dit 
pour  determiner  la   place  qui  doit  olre  assignee  a  la 


(  7i)  ) 
carte  qui  en  fait  I'objet,  a  la  suite  des  monuments  geo- 
graphiqucs  du  moyen-age,  ct  Ic  degre  d'interet  qu'elle 
pr^sente.  Notre  tache  ne  doit  point  s'^tendre  au-dela. 

•A 


Paris,  ce  (i  decembre  184.^. 

MoNSiEun  LE  President  , 

Ay  an  I  et6  dans  le  cas  dc  consulter  la  belle  carte  liy- 
drographique  de  la  baie  de  Naples  et  de  ses  environs  , 
ex^culee  par  le  Bureau  lopographique  de  cette  capi- 
tale  ,  sous  la  direction  du  savant  M.  Ferdinand  Fis- 
conti,  aujourd'hui  nomme  general  inspecteur  des  insti- 
tuts  d^ education  militaire  et  da  bureau  lopographique,  et 
qui  a  enrichi  la  bibliotheque  de  la  Societe  de  geogra- 
phie  d'un  exemplaire  de  ce  magnifique  travail,  je  me 
suis  apergu  que  la  valeur  des  chiffres  des  sondes  n'avait 
pas  6te  exprimee ,  et  me  suis ,  en  consequence , 
adresse  a  M.  F.  Visconli ,  pour  obtenir  cet  element. 

Je  viens  de  recevoir  la  reponse  du  savant  general . 
qui  me  marque  que  cette  valeur  est  en  pas  et  dixiemes 
dc  pas  ,  chaque  pas  etant  la  millieme  partie  du  mille 
nautique  dcGOau  degre (nonagesimal) :  ainsi  le^a^  sera 
exactement  de  1™, 85185,  c'est-a-dire  que  bl^  pas  ega- 
lentprociscmcnt  100""  ( le  metro  legal  de  France  ). 

J'ai  pense ,  monsieur  le  Prt!!sident,  que  cette  note 
pourrait  devenir  utile  par  la  suite,  pour  les  personnes 
qui  consulteraient  la  carte  en  question,  et  c'est  dans 
ce  but  que  j'ai  pris  la  llberte  de  vous  I'adressej-. 

Je  suis  avec  le  plus  profond  respect,  monsieur  le 
President , 

Votre  tres  humble  cl  tres  dc\oue  serviteur, 

CoiMi  n. 


(  80  ) 
()Lvn\r.i-s  oFFrnTS  a  i.a  soci/^tk. 
Scnnce  du  5  Jani'ier  1844. 
I.\ir  .1/.  J.  (!e   licrfoii  :  Essai  siir  la   topograpliio  do 
Tvr.  Paris,  1843,  1  vol.  in-8. 

Par  la  Sofiete  asiatujue  de  Loiidres  :  Journal  ol"  the 
Roval  Asiatic  Society,  n"  xiv,  Londres,  1843. 

Par  Id  Socicte philosopkique  ainericnine :  Proceedings  ol' 

the  Philosophical  Society.  IMiilaJelphia,  1843, 1  v.  iii-8. 

Paries  cditetirs  :  Recueil  de  la  Sociele  polylcchnique, 

novenihrc.  —  Kulleliii  de  la  Soclete  maritime  ,  0°  ca- 

hlor.  —  Journal  des  Missions  evangellques,  deccmbre. 

Seance  du  19  jaiwicr  1844- 

Par  r Acndetiue  iinperiale  des  sciences  de  Saint-Peters- 
boiu-i'- :  Memolres  de  rAcademic,  6'  s6rie;  Sciences 
malhematiques,  physiques  ct  nalurelles,  tome  V,  1", 
I""  et  S""  llvraisons.  — Memoires  presenles  a  rAcademic 
par  divers  savants,  tome  IV,  5'  livraison.  —  Recueil  des 
actes  des  stances  publiques  do  I'Acad^mie,  1  vol.  ln-4. 

Par  M.  ylshbel  Sinilk  :  Map  of  Texas  compiled  IVnni 
surveys  recorded  in  the  land  oilice  of  Texas  ,  and 
other  oflicial  surveys  ,  hy  John  Arrowsmllh,  London, 
1841,  Ifeuiile. 

Par  M.  Gabriel  jMfond:  Voyage  aulour  du  monde. 
Rlcrs  du  Sud  ,  do  la  Chine  et  archlpcl  de  I'lnde  ,  1 15% 
116%  121"^  et  122°  llvraisons. 

Par  les  editeiirs  :  Nouvcllcs  annales  des  voyages  , 
deccmbre.  —  Annales  maritimes  et  colonlalcs  ,  de- 
ccmbre. —  Piocuell  de  la  Soclete  poly  technique  , 
d^cembre.  —  Memorial  encyclopedlque  ,  deccmbre.  — 
Journal  de  I'lnslitut  hlstorlque  ,  deccmbre.  —  Journal 
des  Missions  evangellques,  Janvier.  —  l/lu-ho  du 
monde  savant. 


BULLETIN 


PE    LA 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 


F/;vRiKn  lS!ih. 


PREMIERE    SECTION* 


Ml^.MOianS,   rXTRAITS.   AIVALYSFS  F,T  HAPPOHTS. 

R^sumA  d'lin  -voyage  a  In  iner  Caspienne , 
pvn  M.  no^niMHE  de  hell. 


Le  voyage  que  je  viens  d'executer  dans  la  Russie 
meridlonale  embrasse  toutes  les  contrees  qui  s'eten- 
dent  depuis  le  Danube  et  les  Carpatlies jusqu'a  lamer 
Caspienne,  etjusqu'au  pied  du  vcrsant  septentrional 
du  Caucase.  Le  but  do  mes  explorations  a  ete  a  la  fois 
historique  ,  geograpliique  et  scientlfique ,  et  j'ai  tache 
par  des  observations  positives  d'ari'iver  a  la  solution 
de  differentes  questions  de  physique  du  globe  dont  se 
sont  longuement  occup^s  et  les  geographes  des  temps 
anciens  et  les  savants  des  temps  modcrnes. 

Apres  avoir  prelihiinairement  etudie  le  Bospliore  de 
Constantinople  etquelqucs  parties  du  littoral  dela  mer 
de  Marmara  et  des  cotes  mf'ridionales  dp  la  mer  Noire. 

I.    FUVRIKR.     1.  6 


(  82  ) 
je  suis  arrive  a  Odessa,  ville  qui  est  devenue  le  point  de 
depart  de  toutes  mes  excursions.  Je  n'entrerai  pas  dans 
tous  les  details  des  nombreux  voyages  dont  j'ai  sillonn^ 
pendant  quatre  ans  les  provinces  m^ridionales  de  la 
Russie ;  je  me  contenterai  de  faire  connaitre  soramai- 
rement  la  nature  des  questions  que  j'ai  trait(^es.  Ce 
r«^sume  suflira  d'ailleurs  a  la  Society ,  et  la  mettra  par- 
faitement  a  meme  d'appr^cier  quelle  peut  etre  I'im- 
portance  de  mes  travaux  et  de  mes  rechcrches- 

Je  commencerai  d'abord  par  la  partic  historique  et 
g^ographique.  L'histoire  et  la  situation  actuclle  des 
divers  peuples  etrangers  au  sol  de  la  Russie  a  natu- 
rellement  excite  toute  mon  attention.  Certes,  a  cet 
igard,  nul  pays  ne  saurait  pr(!!senter  des  etudes  plus 
curieuses  et  une  vari^te  de  families  humaines  plus  in- 
teressantes.  La,  sur  pr^s  de  six  cents  lieues  d'etendue, 
se  rencontrent  toutes  les  races  de  I'Europc  et  de  I'Asie  . 
chacune  avec  ses  moeurs ,  ses  usages ,  son  caract^re 
national,  Allemands,  Russes ,  Grecs,  Armeniens,  Bul- 
gares,  Moldaves,  Cosaques,  Tatars,  Kalmouks,  Tur- 
comans ,  Persans ,  Indiens  et  Circassiens ,  vous  y  trou- 
vez  tons  les  types ;  et  tous  ces  peuples ,  si  divers 
d'origine  et  de  religion,  presentcnt ,  sous  le  rapport 
statistique  ,  historique,  moral  et  pittoresque  ,  un  spec- 
tacle eminemment  remarquable. 

Parmi  les  populations  de  la  Nouvclle-Russie  dont 
nous  nous  sommes  occupo,  nous  citerons  en  premiere 
ligne  les  Tatars  Nogais  de  la  mcr  d'Azow,  tribu  musul- 
mane  perdue  au  milieu  de  la  race  slave ,  dont  nous 
avons  essa\  ^  de  faire  connaitre  I'origine  et  l'histoire  en 
nous  aidant  de  leurs  propres  traditions  ;  puis  los  colo- 
nies allomandes ,  grecqucs,  aa'meniennes  et  juives. 
•lent  nous  avons  etudi^  la  situation  avcc  desdoruments 


(  83  ) 
autlientlques  recueillis  sur  les  lieux  inemes.  Nous 
avons  ensuite  insiste  longuement  sur  le  commerce  de 
la  mer  Noire  ,  ainsi  que  sur  les  ressources  industrielles 
et  agricoles  de  la  Piussie  meridionale ,  en  indiquant 
avec  soin  la  nature  et  I'iiriportance  des  relations  eu- 
ropeennes  et  asiatiques  qui  viennent  converger  vers 
cette  mer  Noire  si  admirablement  situee ,  et  qui  a  servi 
pendant  tant  de  siecles  de  principal  v^hicule  a  toutes 
les  productions  de  I'Asie  centrale.  A  ces  questions 
s'est  naturellement  rattachee  la  navigation  des  fleuves, 
et  nous  avons  successivement  examine  le  raouvement 
commercial  du  Pruth,  du  Dniester,  du  Dnieper,  du  Don 
et  du  Volga. 

En  sortant  de  la  Nouvelle-Russie  parl'orient,  nous 
avons  trouve  sur  notre  route  les  Cosaques  du  Don,  dont 
les  institutions  republicaines ,  Strange  anomalie  au 
milieu  d'un  pays  d'esclaves,  ont  inspire  pendant  long- 
temps  de  sinenses  inquietudes  a  I'empire  moscovite. 
Nous  avons  visite  la  contree  du  Don  a  quatre  reprises 
differentes ,  et  nous  croyons  poss^der  leur  histoire  po- 
litique ,  statistique  et  commerciale  aussi  complete  que 
possible.  L'oi'igine  de  ce  peuple  guerrier  a  donne  lieu 
a  une  foule  d'hypotheses.  Nos  observations  physiolo- 
giques  et  nos  etudes  jetteront,  nous  I'esperons,  quelque 
nouvelle  lumiere  sur  une  question  qui  a  occupy  un 
grand  nombre  d'historiens. 

Du  Don  nous  avons  6te  joindre  les  rives  du  Volga . 
au  point  de  contact  des  deux  gouvernements  d'Astra- 
khan  et  de  Saratof.  La,  au  milieu  du  desert,  nous  avons 
trouve  Sarepta  ,  le  premier  jalon  qui  ait  ^te  plante  par 
la  civilisation  europeenne  parmi  les  hordes  nomadcs 
du  Volga  et  de  la  Caspienne.  L'etablissement  de  cette 
colonic  de  freres  Moraves  forme  sans  contredit  une  de  > 


(  8/i  } 
pages  les  plus  curieuses  de  I'liistoire  de  ces  contrtios 
recul^es.  Nous  devons  a  I'obligeance  des  autorit^s  su- 
p^rieures  de  la  ville  tous  les  renseignements  possibles 
sur  la  fondation  et  les  nombreuses  vicissitudes  qui,  de- 
puisl765,  ont  accidcnte  son   existence.  Enfin ,  apres 
avoir  visite  les  colonies  cosaques  du  Volga  ,  nous  arri- 
vames  dans  rancicnne  capitale  du  Raptscback,  une  des 
grandes  citds  commercialcs  du  moyen-age.  A  Astra- 
kban    nous   attendaient   naturcllcment   d'importantes 
Etudes.  L'bistoire  commerciale  de  cette  ville,  la  naviga- 
tion  ancienne  et   actuelle  de  la  mer   Caspienne ,  les 
^changes  mercantiles  entre  I'Europe  et  I'Asie ,  I'in- 
fluence  de  la  Russie  sur  le  commerce  de  I'Orient ,  puis 
les  grandes  pecberies  du  Volga  et  de  I'Oural,  devln- 
rent  tour  a  tour  le  but  de  nos  investigations  et  de  nos 
rocberches. 

A  Astrakban,  j'organisai  notre  voyage  a  travers  les 
steppes  de  laKalmoukie  russe.  Nous  avions  a  parcourir 
tout  le  littoral  de  la  mer  Caspienne  jusqu'a  I'cmbou- 
cbure  de  la  Kouma,  qui  devait  etre  le  point  de  depart 
du  nivellement  que  je  eomptais  efiectuer  entre  la  mer 
d'AzoAV  et  la  mer  Caspienne.  De  1^,  en  nous  dirigeant 
vers  I'occident,  nous  comptions  traverser  toutes  ces 
contrees  desertes  qui  s'etendent  en  suivant  le  Manitscb 
jusqu'aux  frontieres  du  pays  des  Cosaques  du  Don.  Ici 
plus  de  traces  de  civilisation  et  de  colonisation  euro- 
p^enne;  pendant  plus  d'un  mols,  nous  campames  sous 
la  tente ,  vivant  de  la  cbasse  de  notre  faucon ;  et  sur 
prfes  de  solxante  lieues  de  distance ,  nous  eiimes  a  por- 
ter avec  nous  de  I'eau  douce  puisne  au  Volga.  Nous 
arrivames  ainsl  jusqu'aux  sources  du  Manitscb,  oil  le 
manque  absolu  d'eau  et  de  paturage  pour  nos  cba- 
meaux  de   transport    nous  forrant  de  revcnir  sur  nos 


(  85  ) 
pas ,  nous  primes  la  resolution  de  nous  diriger  mim(^- 
diatement  vers  le  Caucase.  Ce  pi^nible  voyage  nous  fit 
falre  connaissance  avec  toutes  les  tribus  nomades  de 
cette  partie  de  I'empire  russe.  Nous  fumes  a  meme 
d  etudier  largement  tout  ce  qui  se  rattache  a  I'histoire 
politique  ,  intellectuelle  ,  morale  et  religieuse  des  Kal- 
mouks ,  la  horde  la  plus  remarquable  de  ces  steppes. 
A  Wladimirofka,  sur  la  Kouma,  nous  retrouvames  la 
civilisation  europeenne,  representee  par  des  vignobles, 
des  fabriques  de  vin  de  Champagne  et  de  belles  plan- 
tations de  muriers.   Nous  passames  ensuite  a  cote  de 
I'emplacemont  de  la  cel^bre  IMadjar,  dont  il  ne  reste 
plus  le  moindre  vestige  ,  et  deux  jours  apres  nous  nous 
trouvames  aux  eaux  minerales  de  Piatigorsk ,   au  mi- 
lieu du  Caucase  ,  depuis  longtomps  le  theatre  d'une 
des  luttes  les  plus  opiniatres  qui  soient  consignees  dans 
I'histoire.  Nous  pen^trames  jusqu'au  dernier  fortin  de 
la  vallee  de  la  Podkouma ,  en  recueillant  tous  les  ren- 
seignements  de  nature  a  donner  quelques  notions  bien 
exactes  sur  la  guerre  du  Caucase ,  et  I'importance  po- 
litique et  geographique  de  cette  grande  chaine  de  mon- 
tagnes  qui  isole  compl4tement  les  provinces  transcau- 
easiennes  du  reste  de  I'empire.  En  quittant  Piatigorsk  , 
nous  traversames  le  pays  des  Cosaques  de  la  nier  Noire , 
tristes   debris  des  celebres   Zaporogues    que    Cathe- 
rine II  eut  tant  de  peine  a  reduire ,  et  qu'elle  fmit  par 
coloniser  sur  les  rives  du  Kouban  pour  les  opposer  au\ 
invasions  des  montagnards. 

Enfm ,  api'es  avoir  longe  les  cotes  orlentales  de  la 
mer  d'Azow,  nous  retournames  a  Odessa  par  la  voie  de 
Taganrok,  d'Ekaterinoslaw  et  de  Kherson. 

L'annee  suivante,  I'exploration  de  la  Crinieo  et  celle 
de  la  Bessarabif?  devinront  les  complements  indispon- 


"(  86   ! 

sables  de  mon  voyage  a  la  mer  Caspienne  et  au  Cau- 
case.  La  Tauride  a  ^t^  dans  ces  demicrs  temps  vlsit6e 
par  un  grand  nombre  de  savants ;  mais  la  plupart  de 
ces  voyageurs  se  sont  exclusivement  occupes  ou  de 
science  ou  d'antiquites.  Nous  avons  cherch^  a  faire 
disparaitre  une  lacune,  en  donnant  des  id^es  positives 
sur  r^tat  actuel  de  la  Crim^e  et  en  faisant  connaitre 
son  commerce  ,  son  industrie ,  son  agriculture  et  son 
importance  ,  soit  comme  point  politique  ,  soit  comme 
point  commercial. 

En  Bessarabie ,  province  moldave  incorporee  aux 
possessions  russes  en  1812,  nous  avons  recueilli  tous 
les  documents  relatifs  a  rhistolrc  modorne  du  pays,  les 
renseigneraents  statistiqucs  sur  la  population  moldave, 
les  colonies  bulgares ,  cosaques ,  bohemiennes  et  alle- 
mandes ,  cnfin  toutes  les  notions  concemant  les  em- 
bouchures et  les  iles  du  Danube ,  et  les  villes  de  com- 
merce situ^es  sur  ses  rives. 

Quant  a  la  partie  scientifique  de  notre  voyage  ,  notre 
but  principal  etait  la  solution  de  la  celcbre  question  de 
la  fermoture  du  detroit  de  Constantinople  et  de  I'an- 
cienne  communication  de  la  mer  Noire  avec  la  mer 
Caspienno.  Cette  6tude  nous  anaturellemcnt  conduit  a 
I'examen  geognostique  de  tous  les  terrains  qui  com- 
posent  le  sol  de  la  Russie  meridionale,  a  I'examen  des 
flouves ,  rivieres ,  lacs  et  salines ,  et  a  d'importantes 
considerations  sur  la  geographic  g^n^rale  du  pays. 
Nous  avons  du  egalement  executor  un  grand  travail 
geodesique  dela  mer  Caspienne  a  la  mer  d'Azovv  pour 
determiner  non  seulcment  la  difference  du  niveau . 
mais  encore  la  configuration  du  terrain  entre  les  deux 
bassins.  Ce  travail  a  d^ja  (^te  le  sujot  dun  memoire  lu 
a  I'AcadtMnie  des  sciences  par  M.  Arago  o\  inscre  dans 


(  S7  ) 
ies  Comptes-rendus  de  rAcadeinio.  Nos  etudes  se  trou- 
vent  complet^es  par  una  carte  a  la  fois  geognostique  et 
statistique,  qui  comprend  tousles  pays  situes  entre  le 
Danube  et  la  mer  Caspienne ,  et  dans  laquelle  nous 
avons  donne  des  indications  entierement  neuves  sur  Ies 
contrees  occupees  par  Ies  peuples  nomades  et  Ies  co- 
lonies etrangeres.  A  la  prochaine  stance,  j'aurai  I'hon- 
neur  de  soumettre  a  la  Societe  une  premiere  epreuve 
de  cette  carte,  avec  une  notice  relative  aux  observations 
astronomiques  et  aux  itineraires  qui  m'ont  servi  a  la 
tracer.  En  tcrrninant  ce  resumd  de  mes  voyages,  je  dois 
exprimer  a  la  Societ^-dont  j'ai  i'lionneur  d'etre  mem- 
bre ,  combien  je  serais  heureux  si  mes  travaux  pou- 
vaient  obtenir  son  approbation.  Je  tiendrais  d'autant 
plus  a  sa  pr(^cieuse  bienveillance  que  je  compte  proba- 
blement  faire  ,  dans  le  courant  de  I'annee  prochaine  , 
un  nouveau  voyage  dans  Ies  contrees  qui  s*etendent  au 
midi  et  a  Test  de  la  mer  Caspienne. 


Notice  sur  la  carte  de  la  Russie  meridionale,  faisant  par- 
tie  de  la  relation  de  mon  voyage  a  la  mer  Caspienne. 

La  carte  que  nous  aurons  sous  peu  I'honneur  de 
presenter,  corapletement  achevee,  a  la  Societe  de  geo- 
graphic, comprend  toute  la  partie  de  la  Russie  meri- 
dionale qui  s'etend  dcpuis  le  Danube  et  le  pied  des 
monts  Carpathes  jusqu'au  littoral  de  la  mer  Cas- 
pienne, et  jusqu'au-dela  du  versant  meridional  du 
Caucase.  Notre  cadre  renferme  ainsi  27"  de  longitude 
et  7°  de  latitude  (1).  Toutes  ces  contrees,  sauf  lespar- 

(i)  Du  :i2<"  au  49'  Ae  lonfjiiude  et  du  4i'  au  49'  'le  latihuic 


(  88) 
ties  inaccessibles  tin  Caucase,  nous  Ics  a\ons  parcoii- 
rues,  sillonn6es  dans  tous  Ics  sens,  a  pied,  a  cheval, 
ou  en  voiture ,  pendant  I'espace  do  cinq  ann^es;  et 
nous  avons  recueiili  tous  les  documents  ,  fait  toutes  les 
observations  de  nature  a  rectifier  et  a  complt-tor  nos 
connaissances  si  peu  positives  sur  la  geograpliie  physi- 
que et  historique  de  cespays,  dont  une  grande  portion 
se  trouve  encore  liabitee  par  des  hordes  nomades.  Les 
difficuhes  ont  cte  grandes;  nous  avons  eu  a  lutter  con- 
tre  toutes  sortes  deprivations,  de  fatigues  et  de  dan- 
gers au  mihcu  des  deserts  de  la  mer  Caspiennc  ;  mais 
nous  avions  pour  but  la  recherche  de  la  verite,  et  ce 
but  a  ete  pour  no  s  le  plus  ferme  et  le  plus  prticieux 
des  encouragements. 

Les  bases  premieres  de  notre  travail  ont  et6  natu- 
rellement  les  observations  astronomiques  les  plus  re- 
centes  et  les^lus  authontiques.  Nous  nous  empressons 
ici  de  faire  nos  remerciements  anotre  savant  coll^gue^ 
M.  Daussy  ,  dont  les  recherches  et  les  conscien- 
cieuses  discussions  nous  ont  ^t6  d'une  si  grande 
assistance.  A  ces  observations  sont  venus  se  joindre 
nos  itineraires,  qui  nous  ont  permis  de  faire  d'im- 
portantes  rectifications,  et  de  donner  un  nouveau  de- 
gr6  de  certitude  aux  determinations  de  longitude  et 
de  latitude.  Pour  la  Moldavie  et  la  Valachie  nous 
avons  eu  a  notre  disposition  6  observations ;  pour  la 
Bessarabie  10;  pour  la  Podolie  et  la  Rhivie  h;  pour 
la  Nouvelle-Russie  et  la  Crimce  32;  pour  le  pays  des 
Cosaques  du  Don  2  ;  pour  les  gouvernements  du  Cau- 
case, d'Astrakhan,  deSaratof  36;  en  tout  90.  Nous  avons 
en  outre  compart  tous  les  travaux  hydrographiques 
des  marins  russes  et  etrangers  avec  nos  propres  obser- 
vations ,    et  nous   avons  ainsi  determine   la   ligne  de 


(  89) 
configuration  de  la  mor  Noire  et  de  la  mer  d'Azow. 

En  quittant  les  frontieres  de  la  Turquie  pour  entrer 
en  Russie ,  on  rencontre  sur  sa  route  la  Bessarabie, 
importante  province  sur  laquelle  la  g^ograpliie  ne  pos- 
sede  que  Ics  renseignements  les  plus  inexacts.  Outre 
les  notions  tres  detaill^es  que  nous  donnons  dans 
notre  relation,  sur  le  regime  des  fleuves  et  des  rivieres 
et  sur  les  differentes  iles  du  Danube ,  nous  avons  en- 
richi  cette  partie  de  notre  carte  de  I'indication  de 
83  villages  bulgares ,  de  19  villages  alleinands,  d'une 
colonic  Suisse ,  de  8  villages  cosaques  et  de  3  villages 
de  Ziglianes.  Quant  a  toutes  ces  ramifications  imagi- 
naires  des  Carpatbes,  dont  les  geograpbes  ont  couvert 
le  sol  de  la  Bessarabie,  nous  les  avons  fait  disparaitre, 
pour  les  remplacer  par  un  relief  topograpbique  con- 
forme  a  la  verity  et  a  I'aspect  exterieur  du  pays. 

Dans  la  Nouvelle-Russie,  limitropbe  de  la  Bessa- 
rabie, nos  additions  deviennent  encore  plus  impor- 
tantes.  Nousy  avons  fixe  I'emplacement  de  153  villages 
allemands,  de  7  etabbssements  armeniens,  de  9  vil- 
lages juifs ,  de  2Zi  villages  grecs  (1)  et  de  76  villages 
appartenant  a  des  Tatars,  autrefois  nomades-  La  to- 
pograpbie  du  pays  a  ete  ^galement  pour  nous  I'objet 
de  recbercbes  toutes  particuberes.  Nous  avons  pris  la 
bauteur  de  tous  les  points  du  littoral  de  la  mer  Noire 
et  de  la  mer  d'vizow,  ainsi  que  celle  des  differents  pla- 
teaux Stages  les  uns  au-dessus  des  autres,  dans  la  di- 
rection du  nord.  Nous  joindrons  a  notre  carte  le  profil 
matb^matiqucment  exact  des   celebres  cataractes  du 

(r)  Aucuiic  carte  russe  ii'a  |iisf|u'a  c  |uui  f.iit  iiiuntlc.n  de  tons 
fes  etablissnncnts  etra.),n.,.s  si  i  ,.|..,itiuU  |,.,„i  la  miogiapliie  poli- 
tique du  pays. 


(  90  ) 
Dnieper,   ainsi  que   la  pento  des  difTerents  fleuves  qui 
viennent  ddboucher  dans  les  raers  de  la  Russie  meri- 
dionale. 

Dans  le  gouverneinent  du  Don,  nous  avons  indiqu^ 
le  campement  de  15,000  Kalinouks  nomades,  incor- 
por6s  aux  Cosaques  depuis  environ  soixante  ans.  Pour 
nos  Etudes  topographiques ,  ellcs  se  sont  sp^cialement 
dirigees  sur  les  parties  qui  s'etendent  entre  le  Don  et 
le  Volga,   c6l6bres  par  les  projets  de  canalisation  de 
Pierre-le-Grand ,  et  sur  le  cours  et  les  steppes  du  Ma- 
nitch ,  riviere  presque  inconnue ,  le  long  de  laquelle 
nous  avons  execute  notre   nivellement  par   stations, 
pour  d(!!terminer  la  dilTerence  de  niveau  et  la  configu- 
ration du  sol  entre  la  mer  d'Azovv  et  la  mer  Caspienne. 
Nous  arrivons  ainsi  dans  les  vastes  deserts  compris 
entre  les  bassins  des  deux  mers  cities  ci-dessus.  Ici  ab- 
sence complete  de  renseigncments  cartographiques  et 
historiques  :   depuis  les  limites  du  gouvernement  du 
Don  jusqu'au  Volga  et  a  la  mer  Caspienne ,  les  cartes 
russes,   elles-memes,  les  plus  etendues,   ne  nous  ap- 
prennent  absolument  rien  ,  et  les  erreurs  les  plus  fla- 
grantes  ont  et6  accreditees  jusqu'a  ce  jour  par  tous 
ceux  qui  ont  public  des  cai'tessurces  parties  orientales 
de  I'Europe  :  nos  travaux  ont  fait  disparaitre    toutes 
ces  lacunes.  A  force  de  perseverance  et  d'explorations 
multipliees  ,    nous   sommes   parvenu    a    assignor  les 
campements  d'hiver  et  d'et6 ,  a  toutes  les  tribus  no- 
mades du  Volga  ,  de  la  mer  Caspienne  ,  du  Manitch  , 
de  la  Kouma  et  du  Terek.   Pour  les  Ralmouks  seuls, 
nous    avons  tracd  les  lignes    de   partagc    de   plus  de 
1000  mvriametres  carrcs.  Viennent  ensuite  3,838  fa- 
milies  turcomanes ,   8,432  tentes  de   Nogais,  et  puis 
qiielqiies  autrcs  petites  tribus  musulmanes,  debris  do 


(  91  ) 
Tancien  khanat  d'Astrakhan ,  ilont  nous  avons  egalc- 
ment  incliqu6  la  position  et  la  marcUe  des  emigrations 
annuelles.  A  toutes  ces  indications  enti^rement  nou- 
velles  se  joignent  celles  des  nombreux  lacs  sales,  des  sa- 
bles et  de  tons  les  accidents  de  terrain  qui  peuvent  in- 
teresser  la  topographic.  Nous  croyons  ainsi  avoir 
fourni  a  la  science  geograjihique  toutes  les  notions 
qu'elle  peut  exiger  sur  les  contrees  qui  s'etendent  au 
nord  de  la  grande  chaine  du  Caucase. 

Un  autre  complement  a  notre  carte  est  le  Caucase 
proprement  dit.  Ici  nos  travaux  se  bornCnt  a  des  re- 
cherches  scientifiques  sur  la  constitution  physique  des 
montagnes  et  a  I'etude  de  documents  qui  nous  ont  6te 
fournis  sur  les  lieux.  C'est  en  nous  basant  sur  ces  der- 
niers  que  nous  avons  trac6  la  delimitation  entre  les 
differentes  tribus  du  Caucase. 

Notre  travail  se  termine  enfin  par  les  indications  g^o- 
logiques  qui  nous  appartiennent  entierement.  II  suflira 
de  Jeter  un  coup  d'oeil  sur  notre  carte  pour  connaitre 
immediatement  la  nature  des  differents  terrains  qui 
composent  Ic  sol  de  la  Russie  meridionale,  et  pour 
comprendre  les  habitudes  nomades  de  toutes  ces  po- 
pulations asiatiques  sur  lesquelles  la  civihsation  eu- 
ropeenne  a  ete  jusqu'a  ce  jour  impuissante. 

Telle  sera,  messieurs,  la  nouvelle  carte  de  la  Russie 
meridionale,  dont  nous  esperons  pouvoir,  avant  un 
mois,  faire  hommage  a  la  Societe  de  geographic,  qui 
a  toujours  si  noblement  encourage  les  voyageurs  qui 
viennont  lui  apporter  les  fruits  de  leurs  laborieuses 
explorations. 

H.    HoMMAIKE  DF.   Hi:M,. 


(  ^2  ) 
NOTICE 

Sur  le  dessecheinent  de  la  mer  ue  Haarlem  ,  contenant  un 
expose  rapide  de  la  parlie  /listorifjiie  et  hydrnnUcpie, 
ainsi  (iiie  dii  probVeine  touchant  les  tnachines  hydniu- 
liques  a  applupier  atix  epuisenieuls  ,  par  M.  J.-G.-W, 
Merkes. 

(  Ailicle  cuminunifm'-  pai  M.  JOMARD  (i).) 

I. 

Sur  rttiit  jhnsr  et  ucttwl  de  la  mcr  tie  Haarlem   et  du  projel  de 
dessecheinent. 

La  mer  de  Haarlem  n'existc ,  pour  ainsi  dire ,  que 
depuis  le  commencement  du  xvi'  siecle  ;  n'ayant  en- 
core, enl'ann^c  1506,  tout  au  plus,  que  A, 000  arpcnts 
du  Rhin  de  supcrficie. 

D'apres  une  carte,  que  Ton  trouve  dans  la  chronique 
liollandaise,  de  Simon  van  Leeuwen,  on  marchait  alors 
a  sec  de  Rhynzaterswoude  a  HUlegom. 

En  1531 ,  la  mer  de  Haarlem  contenait  une  supcr- 
ficie de  6,585  arpents  (5,607  hectares.) 

En  1537,  les  geometres  Maarlen  Cornelisz  ,  Symon 
Meeusz  et  Jacob  Synionsz  nivelerent  la  dilTdrcnce  du 
grand  reservoir  d'cau  de  Rhynlnnd ,  savoir,  la  mer  de 
Haarlem  avec  la  mer  dii  i\ord ,  et  trouverent  une  diffe- 
rence assez  marquante,  surtout  avec  le  reflux  ou  ma- 
rine basse  :  le  premier  proposa  I'ann^e  suivante,  1538, 
de  conduire  les  eauxde  la  mer  dc  Haarlem,  souterrainc- 
ment,  a  travers  les  dunes,  par  le  moycn  de  tonneaux; 

(i)  l'cii(l;iiil  line  cxruisioii  i  ii  llollamle,  on  iS/)!  ,j'ni  <  ii  I  occa- 
sion d'examiner  le  reinarquable  iiavail  du  dcssechenienl  de  la  mer  de 
lla;ii'lcni,  et  j'ai  sigiiale  a  inoii  relour  r<-Ionnaiiti'  aciivitc  avoc  la- 
<Hiell<' maiiliail  ccltc  f;ratidp  opcialion.  AyanI  demariilr  a  M.  le  liaron 
Vail  Capcllcii  dcs  nnies  a  cc  siijct,  il  a  bicn  voulii  in'a.lrcssei  icll<; 
.Xotirc.  .1  —  1'. 


(  05  ) 
mals  les  grandes  d^penses  rendirent  ce  projet  inexecu- 
table. 

Uepuis  le  26  mars  1571-1572  on  executa,  comme 
premiere  ^preuve ,  mais  sur  vme  trop  petite  ^chelle  , 
una  coupure  a  travers  les  dunes,  a  h'ahvy/c ,  laquelle 
lut  ouverte  le  l"avril  1572  ,  mais  peu  apres  ensablee. 

En  1591 ,  la  superficie  de  la  mer  de  Haarlem  s'6tait 
deja  agrandie  jusqu'a  environ  10,000  hectares,  et 
c'est  principalement  vers  la  fm  du  xvi=  si(!;cle  que  les 
villages  de  Fifhuizen^  Nieiiwerkerk ,  de  Ryck  et  plu- 
sieurs  hameaux  ont  ete  engloutis. 

En  16/il,  Jan  Jdriannz  Leeghwater,  ou  simplement 
Jan  Adriaansz ,  ingenieur  et  constructeur  de  moulins, 
donna  un  projet  complet  sur  le  dessechement  de  la 
mer  de  Haarlem,  sous  le  titre  :  Het  Haatienimer-Meer- 
Boek.  Leeg/uvater  \ou\ut  employer  160  moulins  a  vent 
pour  ce  dessechement.  La  mer  avait  alors  une  superfi- 
cie d'environ  1Z|,000  hectares,  et  son  projet  montait 
a  3,600,000  florins  dcsPays-Bas  (7,560,000  francs). 

II  existe  a  present  une  13*  edition  de  I'ouvrage  de 
Leeglnvater  ,  de  I'ann^e  1838  ,  commentee  et  enri- 
chie  de  notes  et  d'observations ,  jusqu'aujourd'hui, 
par  M.  JF.-J.-C.  imn  Hasselt. 

En  1727,  lorsque  la  10°  edition  de  I'ouvrage  de 
Leegliwvater  parut ,  le  celebre  ingenieur  Cornells  Felsen 
ecrivit  ses  Ohservtitions  tonchant  I'etat  actiiel  da  Hanr- 
lemmer-Meer,  dans  lesquelles  il  fit  triompher  le  pi'ojet 
de  leeglnvater,  en  demontrant  les  eri-eurs  de  son  an- 
tagoniste  Caleveldt. 

Cette  mer  avait  deja  atteint  presde  17,000  hectares. 

Cette  meme  annee,  les  geometres  Balstra,  Cnu/uins 
et  iSappen  presenterent  de  nouveau  un  projet  de  de- 
rivation, avec  ecluses,  du  cote  de  Katwyk,  ainsi  que  dc 
dessechement  d'un  grand  fragment  de  cetle  mer. 


(  9A  ) 
Lesdits   inirt'n'u'urs  prouvt-rent,  dans  uii  ni^moiie  de 
1742,  que  lamer  de  Haarlem  gagiiah  tous  les  ans  envi- 
ron 60  hectares,  ayant  englouti   depuis  doux  siecles 
plus  de  10,000  hectares. 

lis  redlg6rent  un  memoire  siiivi  d'linprojet  dedess^- 
chement  et  d'uue  estimation  (montant  a  la  somnie  de 
(i, 600, 000  florins  des  Pays-Bas)  ,  oil  ils  prouverent  que 
le  retrecissement  du  reservoir  de  Rhynland,  moyen- 
nant  des  ameliorations  dans  les  canaux  de  decharge 
pour  la  mer  du  Nord,  n'^tait  qu'avantageux ,  au  lieu 
d'y  voir  du  danger,  corame  on  le  pretendait. 

En  '17/i2,  Co/irar/us  Zuitbag  van  Koesfelt ,  celebre 
medocin  a  Leide ,  publia  un  nouveau  projet  de  desse- 
chement ,  qui  differe  avec  les  precedents  sous  le  rap- 
port de  I'cndiguement,  comptanty  apporter  de  grandes 
economies.  II  comptait  avoir  besoin  de  120  moulins  a 
vent  pour  6lever  I'eau,  et  calcula  son  projet,  y  coui- 
pris  les  ecluscs  a  Kalwyk,  etc.dc  h  a  5,000,000  de 
florins  en  bloc. 

En  1745,  la  mer  de  Haarlem  avait  attcint  une  su- 
pcrficie  da  pen  pros  17,000  hectares,  tel  que  Ton 
voit  ces  empictements  dans  la  petite  carte  de  I'ou- 
vrage  de  Lecs^hwatcr,  13'  edition,  page  0. 

Cette  carte  marque  les  empietements  successifs  des 
annees  1531, 1591,  1610,  1047,  1087,  1740,  et  depuis 
ce  temps  les  bords  se  sont  encore  considerublemenl 
^tendus. 

Le  projet  de  dessechement  que  Goiidrinan  et  Klin- 
kdtberg  presentircnt  dansun  memoire,  de  1769,  mon- 
tait  a  9,000,000  dc  florins  des  Pays-lias. 

Dans  un  memoire  de  1771,  Dionysitis  van  de  ^Vyn- 
persse ,  charge  dun  rapport  sur  tout  ce  qui  avait  ete 
propose  depuis  1767,  demontra  les  immenses  avan- 
tagt  s  dun  proui]it  dessechement,  aver  iino  longue  de- 


(  95  ) 

rivation  dans  la  mer  du  Nord,  a  Kalwyk,  comme  me- 
sui-e  inevitable. 

Depuis  1772  jusqu'a  1797  on  n'a  fait  que  depenser 
des  sommes  immenses  a  rentretien  des  rives  de  la  mer 
de  Haarlem,  sans  maitriser, en  proportion  de  ces  sacri- 
fices, le  mal  que  ses  eaux  ne  cessaient  de  causer. 

En  1802  ,  il  parut  un  ouvrage,  dun  interet  majeur  , 
de  j4.-P.  Twent,  intitule  :  Bedenkingen  en  Aaumerhin- 
gen  over  den  Waterstaat  van  Rhjn/and  en  over  eene  Uit- 
watering  te  Katwijk,  Get  ouvrage  reveilla  le  projet  de 
derivation  dans  la  mer  du  Nord.  Sur  la  proposition  du 
directeur-g^neral  des  ponts  et  chaussees,  C.  Brunings , 
une  commission  formeo  de  MM.  F.-JV.  Conrad,  J.  Blan- 
ken  Iz,  et  Kros,  fut  chargee  d'examiner  I'etat  des  cho- 
ses,et  elle  s'enacquitta  avec  bonheurdans  des  comptes- 
rendus  Lmprimes,  du  16  mars  et  du  2  avril  1802,  ou 
il  fut  prouv6  que  I'ecluse  a  Katwigk  etait  executable 
sans  danger,  et,  en  consequence,  un  arrete  du  gou- 
vernement,  du  h  mai  1804,  ordonna  que  la  derivation  h 
Katwjk  serait  rea/isee.Le  projet,  estim^  a  725,698  flo- 
rins des  Pays-Bas,  fut  execute  :  la  premiere  pierre  fut 
posee  le  21  aout  1805 ,  et  I'ouverture  du  canal  eut  lieu 
le  21  octobre  1807,  avec  un  succes  satisfaisant. 

L'utilite  de  cette  grande  ceuvre  etait  manifeste;  cc- 
pendant  on  regrettait  de  ne  pas  avoir  donne,  de  suite, 
au  canal  de  d^iivation,  une  plus  grande  capacite  aver 
une  rectification,  comme  I'avait  desire  ladite  commis- 
sion;  travail  qui  avait  ete  ecarte  par  des  motifs  d'eco- 
nomie,  mais  qu'en  1838-18Z|0  on  a  du  ordonnor. 

Apresce  bel  ouvrage,  le  celebre  ingenieur  ^.  Blan- 
ken  I-  fut  charge  ofTiclellement ,  en  1808,  de  retou- 
cher les  projets  de  dessechcmcnt  et  den  presenter  de 


(96  ) 

nouvcau  une  estimation;  cpllo-oi  monta  k  8,000,000  df 
llorins. 

La  Soclc^te  do  Haarlem,  le  baron  dii  Tour,  Ic  baron 
i>an  Lyndeii,  Roil,  Repelaer  van  Driel  ot  Engelman  con- 
tribuercnt  par  leurs  talents  a  la  realisation  da  projet 
de  dessecliement,  mesure  d6sonnais  indispensable. 

Le  baron  F.-G.  van  Lynden  i)an  Uemmcn  ecrlvit, 
en  1821,  son  ouvrage ,  intitule  :  Verhandeling  over  de 
droogniating  van  de  Haarlenimer-Mcer ,  accompagne 
de  quatre  cartes  et  une  planche;  CEUvre  consciencieuse, 
dictee  par  un  vrai  patriolisme  et  amour  du  bien 
public.  II  y  demontre  que  le  dessecliement ,  a  peu 
pres  tel  que  Leegliwaicr  I'avait  projete,  6tait  le  seul  re- 
made u  lant  de  maux. 

Son  projet  de  dessecliement,  executable  en  21  mois, 
monlait  a  7,000,000  de  llorins. 

Ce  bel  ouvrage,  avec  celui  de  Lcegfuvater,  dispense  de 
la  lecture  de  beaucoup  de  brochures  et  memoires  qui 
ont  ete  ecrits  sur  cette  matiere. 

Enfin  le  gouvernement  comprit  que  le  desseclie- 
ment de  la  mer  de  Haarlem  est  une  de  ces  entreprises 
larges  et  g^nereuses  auxquellcs  los  ])rinces  doivcnt 
etre  jaloux  d'attacher  leur  noin;  etvoulant  mettre  fin  a 
cet  etat  de  clioses,  do  plus  en  plus  oiiereux  et  pericli- 
tant ,  nomma  uno  commission  ,  |>ar  son  arr6t6  du 
7  aoiit  1837 ,  pour  lui  soumettre  ,  avant  le  l"novembre 
de  la  memo  annee,  un  rapport  sur  I'etat  du  projet, 
avec  une  estimation  ;  la  connnission  remplit  sa  mis- 
sion, dans  un  comptc  rendu,  du  2Z|  oclobre  1837. 
Cette  commission  se  composa  alors  comme  suit  : 
President :  //.  FAvyl;.  Membres  :  Jonkheer  W  -P.  Bar- 
nacrl  van  Bergen  ^   M.-G.    Beijcrink  ,    C.-J.    de  Bruyn 


(97) 

Kops  ,  Jonkheer  L,-A.  Gevaeits,  P.-F.  Griiuvis,  Jonk- 
heer  D.  Hooft,  Iz,  D.  Merit z ,  P.- A.  du  Pui. 

Le  pi'ojet  de  dessechement  est  lvalue  a  8,000,000, 
en  comprenant  le  Spieringineer  dans  Tendiguement, 
ainsi  que  ZiOO  hectares  a expropiier. 

Le  dessechement  se  ferait  par  79  mouhns  a  vent  et  3 
machines  a  vapeur,  chacunc  de  la  force  de  ZiO  chevaux. 
Mais  nous  verrons  plus  loin  que ,  pour  ce  qui  concerne 
les  enginsliydrauliques,  on  afaitsubir  quelques  modi- 
fications salutaires  a  ce  projet. 

C'etait  dans  la  session  de  la  deuxi^me  chambre  des 
fitats-Gen^raux,  du  12  decembre  1837,  que  le  projet 
de  loi  touchant  le  dessechement  de  la  mer  deHaarlem, 
concu  en  5  articles,  fut  present^  avec  un  nieraoii'e  ex- 
plicatif. 

Apres  un  mur  examen  et  quelques  debats,  la  loi  a 
passe ,  dans  la  session  du  2  avril  1838 ,  avec  une  im- 
mense majority  de  voix. 

Le  6  mai  18A0,  la  premiiire  main  a  6t6  mise  aux  ou- 
vrages  pr^pai'atoires  du  dessechement,  en  presence 
des  hautes  autorites  de  la  province. 

La  rectification  et  I'elargissement  da  canal  de  deri- 
vation vei's  Katwyk  viennent  d'etre  acheves  en  18^0. 

Par  la  loi  relative  au  dessechement  de  la  mer  de  Haar- 
lem, on  se  reservait  qu'un  examen  ulterieur  ferait  deci- 
der si  I'^puisemcnt  des  eauxs'op^reraitpar  desmoulins 
a  vent  et  des  machines  a  vapeur  a  la  fois,  ou  uniquement 
par  ces  dcrnieres.  Un  arrets  du  21  novembre  18Zi0, 
n°  27,  ordonne  que  ce  dessechement  sera  eflectue  par 
la  impt'iir,  comme  force  motrice. 

La  commission  se  composa,  en  18Zil,  commo  il  suit  : 

President  :   Jonkheer  D.-F.    Gevers  unii  Endegeest. 
Membres  :   Jonkheer   W.-P.    Ihnnncrl  ihiu    lioigen  , 
I.    pfivniEK.    2.  7 


(98  ) 

J\l.-(r.  beijeriiick  ,  i.-J.  da  linnn  Knps-  ,  II.  fuvyk  , 
IV. -K.  I'cin  Cemiep,  Jonkliecr  L.-A.  Gcvacrts,  P.-F. 
Crimvis,  Jmiklioer  D.  Hoosl ,  Iz,  G.-P.  luin  Oii- 
teren,  A.  Lipkenx,  G.  Simons,  P. -J.  Ackennans ,  J.-G.- 
If".  Merkes,J.  Ewyk  (Amannensis). 

li. 

Qitelqucs  annufatiuiis  poitr-  faci/itcr  l' intelligence  dii  projet 

en  e.recntioH. 

Pour  bien  jugor  du  ])rojct  que  I'ou  execute  dans 
ce  moment ,  il  taut  absolumcnt  considerer  la  mer  do 
Haarlem  en  rapport  avec  Ics  riches  polders  y  attenants 
du  Rkynland  et  de  Woevden.  Aussi  verrons-nous  plus 
loin  que,  vu  I'encaissement  du  Rhrnland,  par  rap- 
port a  la  hauteur  dcs  eaux  de  la  mer  et  des  rivieres, 
I'ecoulemenl  vers  la  mer  du  Nord  ct  du  Nord-Ouest 
peut  y  porter  obstacle  pendant  des  jours  entiers. 

Mynland  et  Woerden,  avec  leurs  prairies  endigu6es 
ou  polders ,  lacs  ,  mares  ct  marais ,  ont  une  superficie 
de  123,500  hectares  (dont  15,200  de  mares  dessechees, 
el  10,000  hectares  en  losses  et  canaux)  :  la  hauteur 
ou  cole  moyenne  est  de  0,"'60  a  0"',70  —  AP  (1). 
Ordinairement,  a  1  metre —  AP,  le  vcen  (tourbier) 
commence  ,  et  ,  par  consequent,  a  pen  pr<l>s  0",/iO 
de  bonne  terre  argileuse  formant  Tc^corce  sup(5!rieure; 
ensuite  ,  a  f\  met.  —  AP,  profondeur  moyenne  de  la 
mer  do  HacuJeni ,  on  atteint  la  couclie  de  terre  glaise , 
excellenle  pour  I'agriculture. 

Aussi,  les  nlvellcmenls,  sondages  ct  rouillesde  1751, 
sont   peu  diffeiYnts  de  ccs   resultats  ;  car    on  trouvait 

(i)  AI'.  s'ecrit  par  abrevinlion  pom- .■^Dc/ov/duKc/ic  Pfil.,  f^t.Tiil  l<* 
\trn  de  lY-rhellc  Ci,' Amsterdam  ,  |>l,in  liorizontnl  ct  dc  <;omp;ir:iis()n  , 
s'arupnlaiit  nvci-  la  liaulPiir  nioycmie  ties  canx  de  la  incr. 


( ^ ) 

_|ue  le  niveau  (maoiveld)  des  terrains  attenants  a  la 
raer  de  Haarlem  (itait  gc^jn^ralement  de  0'",65  —  AP  , 
que  I'argile   ou   la   terre  grasse   se  trouvait   a    3"", 75 

AP. ;  quo  Ics  tcx-res  consistaient ,  jusqu'a  cette  coucho 

argilcuse ,  en  une  matiere  tourbcusc ,  mSlee  de  sable , 
de  0'",55  a  0'",94  de  hauteur ;  puis,  1"\90  a  2 ",33 
toui'bier  ou  tourbe  vaseuse. 

Ces  rdsultats  font  voir  quo  le  terrain  n'est  pas  favo- 
rable pour  I'assiette  des  endiguements,  qui  demandent 
beaucoup  de  soin,  de  precaution,  des  talus  fort  doux 
et  executi^s  sans  precipitation  dans  le  travail, pour  que  le 
relrecissenient  (inklinking)  des  terres  puisse  se  former. 
Les  opinions  sont  partagees  au  snjotdes  terres  que  la 
mer  de  Haarlem  a  rong^es ,  depuis  des  siecles  ,  sur  ses 
bords.  On  pense  assez  gentisralement  que  les  eclusesde 
d(^cliarge  de  Hnlflvegen,  KatwykeiSpareii'lam,  forniant 
les  trois  grandes  communications  avcc  1'}   et  la  mer , 
pendant  des  temps  orageuxet  des  vents  violents  du  S.-E., 
en  auront  nourri  la  mer,  ainsi  que  D  et  le  Spaanie , 
qui  semblaient  porter  quelques  traces  de  ces  depots  ; 
mais    il   en    est    restc   unc   bonne   partie   dans  le  lit 
meme  de  la  mer  de  Haarlem ,  y  formant  cette  cou- 
che  d'argile  si  6mlnemment  vegetable. 

Une  autre  question,  assez  naturoUo,  a  souvent  ete 
agitee ,  savoir  :  si  cette  etendue  d'eau  n'avait  aucune 
communication  souterraine  avec  la  mer  du  Nord,  a 
travers  les  dunes,  qui  forrnent  la  une  assez  etroite  se- 
paration entrc  celte«?r/et  la  mer  de  Haarlem,  comme 
rntre  elle  et  1'}  ,  Ton  a  pense  aussl  qu'il  pourraity  avoir 
des  sources  abondantes,  dlfficiles  a  tarlr.  In  pheno- 
mene  assez  g^n^ralement  observe  et  constat^  ,  pour  re- 
ronnaitre  cessortes  de  sources,  est  que  ,  dans  ces  en- 
(li'oits,  il  rosloflo  grandes  o;ivertnr(^s  fwaklion)  dans  la 


(100) 

glace  qui  n'a  pas  «^t6  prise  ;  mais  cela  n'ayant  pas 
lieu  ici  (puisque  la  mer  de  Haarlem  forme,  pendant  im 
hiver  un  peu  ripoureux ,  une  seule  ^lace  unie) ,  cetle 
crainte  n'est  aucuncment  iondc^e;  ensuite  le  sol  ayanl 
<it(^  liablte,  longtcmps  avant  sa  submersion,  Ton  n'y 
connut  jamais  ces  sources ,  et  depuis  il  n'a  pu  s'en 
pratiquer,  puisque  I'eau  n'est  pas  saumatro.  Quand 
meme  aussi ,  apres  le  dessechement ,  il  surviendrait 
quelques  sources ,  elles  ne  seront  jamais  assez  considc^- 
rables  pour  ne  pas  etre  dpuisecs  de  suite  au  moyen 
des  canaux  d'^coulement  qui  traverseront  cette  mer, 
et  par  les  machines  a  vapeur  restant  en  perma- 
nence. 

La  prevention  que  le  dessechement ,  op6r6  avec  ra- 
pidite,  pourrait  causer  un  df^gageraent  de  gaz  ou 
miasmes ,  provoquant  I'insalubrite,  est  encore  peu 
fondee ,  parcc  que  cette  cau  ne  baissera  que  fort  peu 
par  jour  et  que  le  terrain  a  d^couvert  avant  le  temps 
de  s'assainir,  la  v6g^tation  y  sera  tr6s  prompte ;  il 
pourrait  en  etre  autrement  si  toute  la  mer  de  Haar- 
lem se  montrait  spontan(^ment  dessech6e  et  dans 
son  6tat  de  nudit^.  Puis  on  reserve  Ics  parties  les  plus 
basses  pour  former  et  alimenter  les  canaux  transver- 
saux  et  lateraux  (verkavelingen)  destinj^s  a  favoriserles 
communications  agricolcs  et  commerciales,  ou  meme 
les  poissons  pourront  se  r^fugier. 

Le  reflux  ou  la  mar^e  basse  ordinaire  a  Kntwyk , 
descend  a  0'^,80  —  AP.  ;  souvent  meme,  avec  des 
vents  d'E. ,  a  plus  d'un  metre  sous  ledit  point  de  com- 
paraison  ,  tandis  que  le  flux  ordinaire  ou  la  maree 
haute  monte  a  0",70  4-AP.;  et  dans  des  cas  extraor- 
dinaires  ,  accedes  vents  dti   N.   et  du  N.-O.,  jusqu'a 


( 101 ) 

2  met.  ot  plus  au-dcssus  du  jilan  de  comparaison,  ou 
le  zero  d'AP. 

Le  reflux  ou  la  mar^c  basse  ordinaire,  sur  IT,  >is-^- 
vis  la  mer  de  Haarh-w  ,  descend  a  0"',34  — AP.,  el 
avec  des  vents  d'E.,  a  0",23  —  AP.;  le  flux  ou  la 
haute  maree  ordinaire  y  montc  de  0'",10  a  (T'.lO 
H-AP,  et  avec  des  vents  du  IN.  et  du  N.-O.,  environ  de 
2  met. +AP. 

Souvcnt  les  vents  causent  des  anomalies  assez  mar- 
quantes,  par  exemple,  en  hivcr,  on  obsei've  souvent 
sur  I'J    la  basse  maree  a  0,Zi5  met.  —  AP.  Les  oura- 
gans  du  6  decembre  1815  ,  du  29  novembre  et  25  d^- 
cembre  1836,  venant  du  S.   et  du  S.-E.  ,  refoulaient 
les  eaux  de  VY  et  de  la  mer  du  Nord,    au  point  que 
les  eaux  y  descendaient  deplus  d'un  metre  sous  le  re- 
flux ordinaire  ;  il  arriva  que  les  trois  ecluses  de  f\<(1- 
njk  ,   de    Halfwegen  et    de  Sparendn/n  ,    qui  servent 
pour  decharger  les  eaux  surabondantes  du  grand   r(^- 
servoir  de   Rhpdand ,  continuerent  de   decharger  les 
eaux  pendant  plus  de  24  heures  consecutives.  En  gene- 
ral ,  c'est  le  vent  qui  contrai'ie  ou  favorise  de  beaucoup 
1  ecoulement  des  eaux,  a  raison  de  sa  direction  et  de 
son  intensity. 

La  hauteur  commune  du  lac  ou  rdiservoir  de  Rhynlaud, 
pendant  Thiver,  est  de  0'",29— AP. ,  et  pendant  I'^l^, 
0"',80  —  AP.;  done  lamoyenne  est  de  0'",5ii  —  AP. 

Cette  hautour  est  encore  sujette  a  des  variations  fre- 
quentes;  car  pendant  blendes  hivers  on  a  observe  celle 
hauteur,  a  0'",/i53  —  AP.  ;  du  20-25  juin  1838,  elle 
etait  de  0"',59 — AP.  ;  en  dectnnbre  ,  elle  est  souvent  a 
O'.AO  —  AP.;  en  septcmbre  1826,  lors  d'une  longuo 
s6cheresse  ,  cette  hauteur  etait  moyennement ,  pen- 
dant tout  le  mois,  de  0",92  —AP. 


(  102  ) 

11  \  a  2t)0  inuulins  a  \t'nt  qui  rejeltciit  Its  eaux  sui- 
abondantes  de  Rhynland  siu*  son  grand  r^senoir. 

L'entretion  annuel  de  chaque  moulin  ,  avec  le  trai- 
tcment  du  conducteur  on  ineunier,  s'<^value  de  600  a 
750  florins. 

Le  lit  de  la  mer  de  Haarlem  est  !\  met. — AP.;  la 
hauteur  de  I'cau  ,  ou  cote  moyenne  d'et6  (zomerpeil) 
de  la  mer  dessechde,  sera  A'", 90  a  5  met.  — AP. 

Si  nous  disons  que  le  lit  de  la  mer  de  Haarlem  est 
a  h  mi!'t.  —  AP. ,  nous  entendons  par  la  sa  plus  grande 
prolondeur;  puisqu'une  grande  partie  de  cette  mer  est 
en  pente,  n'ayant,  par  la,  pas  plus  de  3  met.  de  pro- 
londeur movenne. 

L'endiguementde  la  mer  do  Haarlem  a  une  longueur 
d'a  peupr^s9  lieuesr=  50,000  m^t.  Le  canal  de  deriva- 
tion (voye7  la  coupe  sur  la  carte,  ci-annex6e,  du  des- 
s^cliement  actuel)  a  une  largeur  moyenne  de  45  met. 
au  niveau  du  AP;  au  lit,  cette  largeur  est  de  29  m^t.  , 
la  profondeur  moyenne  d'eau  est  de  3  met.  ;  de  ma- 
ni^re  que  le  lit  dudit  canal  sera  k  peu  pr^s  de  3"", 70 
—  PA.  La    Crete   de    la  digue,   entre  le   canal    et    la 
mer  de   Haarlem  est  moyennement  a  2"",  20  H-  AP , 
et  a  une  largeur  moyenne  de  h  met, ,  avec  une  pente  du 
c6t6  de  la  mer,  de  5  fois  la  hauteur,  et  du  c6t6  du  ca- 
nal, de  2  fois  la  hauteur. 

Les  vaisseaux  peuvcnt  faire  voile  sur  le  canal  ou  etre 
hal^s.  La  navigation  sera  au  moins  aussi  prompte  et 
moins  dangereuse  que  sur  cette  mer,  ou  I'eau  est  sou- 
vent  fort  houleuse,  et  la  navigation  peu  siire  pour  les 
vaisseaux  de  petites  dimensions. 

Lenouveau  canal  de  derivation,  ser^  Kativyk,  a,  en 
tout,  une  longueur  d'cnviron  9,000  m6t.  La  moiti^  de 
cetlp  longueur   a  une  largeur  de  /lO  m^t.   et  de  31'", 2 


(  103  ) 

au  lit.  Ij"aulre  moitie,  aboutisftant  a  la  incr,  a  iin« 
largeur  de  52  m^t.  et  de  43"', 2  au  lit. 

La  profondeur  de  tout  le  canal  est  de  2°', 2, 

Get  ouvrage  peut  etre  considtVre  comme  une  grandc 
amelioration  pour  la  d(^cliarge  des  eaux  par  les  Aclases 
de  Kativjk.  Auparavant ,  cette  derivation  etait  form^e 
par  Ic  Rhynbiirgsche  vliet ,  de  trop  peu  de  capacite.  La 
rectification  de  ce  canal,  tcrminee  en  1840,  est  d'une 
influence  majeure  et  eminemment  avantageuse  pour 
le  nouveau  reservoir  r^tri^ci  du  Rhynland. 

La  mer  de  Haarlem ,  telle  qu'on  la  desseche  ac- 
tuellement  (voyez  la  carte  ci-jointe),  y  compris  le  Spir' 
ringnieer ,  contient  181,000,000  de  met.  caiT^s  de 
superficie  ;  alnsi,  prenantla  profondeur  de  Zi  mfet.  (la- 
quelle  surpasse  de  beaucoup  la  moyenne,  que  nous  up 
supposions,  plus  haut,  que  de  3  met.) ;  ce  serait  une 
masse  d'eau  a  d^charger  de  724,000,000  de  m6t. 
cubes. 

Le  maximum  de  lexces  de  la  pluie  nicnsuelle 
sur  r^vaporation ,  s'est  elev6 ,  durant  98  ann^es 
d'observations  a  0'",1657.  En  y  ajoutant ,  pour  la 
filtration,  0"',0343  ,  on  pourra  evaluer  a  0'",2  >/ 
181,000,000  (36,200,000  met.  cubes)  ,  le  maximum  de 
la  cbarge  d'eau,  dans  un  seul  mois;  et  comme  il  in-i- 
porte  de  lib^rer  les  terrcs  mois  par  mois ,  et  meme  jour 
par  jour,  des  eaux  surabondantes,  les  moyens  de  de- 
charge  seront  proportionnes  a  ce  maximum. 

On  a  observe ,  comme  moyenne  dune  quantite 
d'^preuves,  que  cliaque  moulin  a  vent  I^ve  60  met. 
cubes  d'eau  a  la  hauteur  d'un  metre  par  minute. 

Encore  I'exp^rience  a-t-elle  demontre  que  Ton  no 
doit  compter  que  sur  60  jours  entiers  par  an,  poui- 
Ic  travail  du  moulin  a  vejil;  dour  on  a  pour  I'annce  , 


(104) 

24  heures  X  60',  X  (30  jours,  X  60  m^i.  cubes,  = 
5,18/1,000  m^t.  cubes  d'eau  ,  ^lev6s  a  la  hauteur  d'uu 
indtre. 

Ordinaireinent  on  calcule,  d'apr^sl'experience,  que 
les  moulins  a  vent  ont  besoin,  pour  la  decharge  an- 
nuelle  dcspolders,de  30  jours  entiers  de  24  heures;  et, 
vu  que  c'est  la  la  raoitie  du  nonibre  entierde  jours  re- 
quis  qu'un  moulin  a  vent  est  ccns6  pouvolr  travailler, 
on  dovra  compter,  commc  resultat  pour  le  desseche- 
ment annuel (drooghoudlng) par  un  moulin  avent.sur 
3,000,000  m^t.  cubes  d'eau,  a  la  hauteur  d'un  mfetre. 

IIL 

Etat  actueldu  probleine,  toxichant  les  machines  hydraiili- 
ques  a  appliqiier  aiix  epuiseincnts  des  eaux  de  la  m<'r 
de  Haarlem. 

La  difficulte  du  probl^nie  touchant  le  dess^chement 
de  la  mcr  de  Haarlem  ne  consiste  pas  uniquement 
dans  les  ipuiscments  de  ses  eaux ;  il  faut ,  avant 
d'arriver  au  dessechement ,  aplanir  d'autres  diffi- 
cultes. 

II  n'est  pas  exact  (ce  que  quelqucs  ecrivains  ont  al- 
legud)  de  dire  :  «  que  I'execution  de  ce  projet  a  tou- 
jours  ete  suspendue  parce  qu'on  n'a  pas  trouv6,  paries 
machines  hydrauliques  connucs,  ni  la  puissance  nile 
produit  qui  peuvent  en  assurer  les  succ^s  avec  assez 
d'^conomie   (1).  » 

Une  nation  qui  a  d^ja  desseche  plus  de  80,000  hec- 
tares a  diff^rentos  epoques  ne  devait  certainemcnt  pas 

(i)  Memoire  sur  le  dvncchcmcnl  dc  In  tner  de  HnarUin  ,  pai  lilau- 
rhet,  Amsterdam,  chcz  A.-J.-V.  Tetroode,  1827,  paj;.  5. 


(105) 

reculei'  devant  cette  entreprisc ,  tant  gigantesque 
qu'elle  soit  en  effet;  il  ne  lui  manquei'a  pas  ties  en- 
gins  hydrauliques  capables  d'^puiser  les  eaux  de  la 
mer  de  Haarlem  avec  une  ^conomle  convenable. 

Les  frequents  dessechements  ,  dans  ce  pays,  ont  fait 
connaitre  quelles  machines  meritent  la  preference  et 
reunissentle  mieux  les  conditions  d'economie,  de  sim- 
plicity, de  force  et  de  stabilite  ou  permanence ;  mais 
avant  tout  cela  il  a  fallu  songer  auxmoyens  pourmal- 
triser  ces  memes  eaux  dans  la  suite,  ajires  leur  epui- 
sement ,  vu  que  la  mer  dessech^e  se  trouvera  comme 
une  cavit^  ouentonnoir,  constamment  entouree  d'un 
grand  reservoir  d'eau,  dominant  de  k  metres  le  ter- 
rain de  la  plaine  dessechee. 

II  fallait  done  ,  independamment  de  I'epuisement , 
un  ebdiguement  solide  et  impenetrable;  des  canaux 
de  derivation  d'une  capacity  convenable,  pour  servir 
de  reservoir  et  recevoir  les  eaux ,  ainsi  que  pour  la 
navigation  ;  il  fallait  proportionner  les  eduses  et  tons 
les  moyens  de  dediarge. 

Les  causes  raisonnables  qui  ont  retarde  si  longtemps 
I'execution  du  projet  de  dessechement  se  trouvent ,  en 
grande  partie,  dans  la  difiiculte  de  concilier  tant  d'in- 
t^rets,  de  couvrir  les  frais  enormes  qu'entraine  cette 
grande  ceuvre ;  les  guerres  incessantes  qui  ont  agite 
le  sol  n^erlandais  ont  souvent  aussi  retarde  toute  ten- 
tative a  cet  egai'd. 

II  a  ete  offert  a  la  commission  pour  le  dessechement 
de  la  mei'  de  Haarlem  un  grand  nombre  d'engins  hy- 
drauliques ,  dont  beaucoup  ,  certainement,  reunis- 
sent  des  qualites  eminemmcnt  recommandablcs  ;  on 
en  aurait  fait  usage,  si  depuis  le  dessechement  de  la 
grande  mare,  le  Zuidplas,  en  1838,  et  tant  d'autres , 


(  106) 

lexperionce  ne  nous  avalt  pas  inontre  la  direction  a 
prendre;  il  serait  imprudent  den  devier ;  I'arrct^  du 
'2\  novembre  18^0  prescrit  quo  I'^puisemont  des  eaux, 
pour  le  dess^chement  do  la  mcr  do  Ilaarlom,  so  fora  par 
la  ^>apeur;  quant  aux  machines  livdrauliques ,  aux- 
quellescette  force  rnotrice  sera  appliqu^c,  on  dcvaitdon- 
ner  probablement  lapref6rence  aux  pompes.lesquelles 
semblcnt  s'adapter  mieux  aux  circonstances  locales  et 
promettent,  la  ou  il  faut  clever  les  eaux  a  une  liauteur 
assez  considerable,  non  seulement  un  effet  plus  grand 
qu'avec  les  -vis  (rji-chimede  (vyzels)  et  les  roues  a  pa- 
lettes ( schepraderen ) ,  mais  encore  une  grande  dco- 
nomie  dans  le  chaufFage ,  parce  qu'on  pout  faire 
usage  des  machines  a  vapour  a  simple  effet ,  qui , 
comme  il  est  g^nt^ralement  reconnu,  exigent  moins  do 
combustible  (pour  un  r^sultat  donn6)que  les  machines 
a  double  effet. 

II  serait  inutile  do  donnericiles  analyses  de  plusieurs 
engins  hydrauliques  pr^sentes  a  la  commission ;  car, 
<]uelqiie  ing6nieuses  que  paraissent  ces  productions  et 
quelque  remarquables  que  soient  les  avantagesqu'cUes 
semblent  promettre,  il  estcependant  evident  que,  sous 
ies rapports  du  produit,  de  la  force, de  I'economie  etdc 
la  stability,  ces  machines  sont  bien  inferieures  aux 
grandes  machines  a  vapour  appliqueesauxpompes  (1), 

'l)  En  faisant  usage  dc  la  vh  d' Archimede  ou  ties  roues  a  palettes, 
il  sera  preferaMe  de  les  applitjucr  a  des  m.icliiiies  a  vapeurdc  fjrandc 
ti)rce  et  a  di)id)le  effet.  Comiiii!  il  est  jjrohaMe  que  les  6  machines  a 
yapeur,  rcstant  en  permanence  apres  le  dessechement,  nauront  pas 
toujoiirs  a  fon(  tionner  pour  epuiser  les  eaux  de  pluie  ou  ile  source,  on 
tacliera  deles  appliipier  a  des  srieries  ou  autrrs  t.diiiques. 

Les  machines  a  vapeur  serout  eonslruitcs  dans  le  pays. 


(  107  ) 
quand  la  couslruclion  est  faite  d'apres  les  progi'es  dc 
I'art,  c'est-a-dlre  quand  la  clialeur  leur  est  judicieuse- 
ment  adaptde  avec  le  moins  de  parte  possible,  telles 
que  Ton  en  voit,  entre  autres,  dans  le  comt^  de 
Cornouailles.  II  est  d'ailleurs  prouv6  qu'avec  de  pa- 
reilles  machines  a  vapeur,  la  consommalion  dc  la 
houille,  pour  un  effet  detei-mine ,  diminue  en  raison 
dc  ragrandissement  du  cylindre  a  vapeur  (stoomcy- 
linder) ;  du  moins  cette  observation  s'est  confirmee 
jusqu'a  la  dimension  de  80  pouces  anglais  =  1,"'93; 
puis,  des  machines  a  vapeur  de  cette  grandeur  donnent 
270  met.  cubes  d'eau,  a  la  hauteur  d'un  metre,  avcc 
la  consommation  de  1^,3  de  houille. 

Au  reste ,  I'usage  en  grand  de  beaucoup  d'engins 
hydrauliques  peut  seul  decider  ,  et  convaincre  de  leur 
importance  et  de  leur  valeur ;  car  il  serait  peu  pru- 
dent de  faire  adopter  des  constructions  mecaniques , 
non  6prouv6es  d'avance  sur  une  grande  echelle , 
et  seulement  d'apres  un  petit  modele. 

Revenons  sur  quelques  principes  ou  donn^es  que  la 
commission  a  adoptes  provisoirement,  savoir  : 

1°  Que  des  macliines  a  vapeur  de  grande  puissance, 
appliquees  aux  pompes ,  semblent  presenter  le  plus 
d'^conomie  ; 

2°  Qu'il  sera  etabli  sur  chacun  des  trois  endroits  ou 
il  faudra  epuiser,  savoir:  au  Zuider-spaam,  au  Lutkc  ■ 
rueer  et  vis-a-vis  Katwyk  au  Kager-meer,  2  machines  a 
vapeur,  done  6  en  tout,  chacune  de  la  force  de  200 
chevaux* ; 

3"  Ou'en  se  servant  de  roues  (schepraderen)  ou  i>is 
d  'Archimede ,  il  semble  preferable  d'y  appliquer  des 
machines  a  vapeur  a  double  ofTet,  parce  qu'on  a  ob- 
serve que  Ic  mouvement  circulaire  produit  par  les  ma- 


(108) 

chines  a  simple  cffet  n'est  pas  aussi  regulier  que 
I'exige  rusa!j;c  de  ccs  engins  liydraullques,  qui  deman- 
dont  une  vitesse  uailorme  pour  donner  dc  bons  rd- 
sultats. 

h°  En  faisant  usage  dcs  roues  a  palettes,  il  faudra  les 
appliquer  sur  I'axe  do  la  machine,  pour  qu'cllcs 
puissent,  sans  parties  intormediaires ,  elre  mises  en 
mouvement ,  ct,  comme  I'axe,  faire  10  tours  dans  une 
minute,  etc. 

Terminons  cette  Notice  par  quelques  donn^es  et  r6- 
sultats  de  calculssur  le  temps  qu'il  faudra  approxima- 
tivemcnt  pour  le  dess^chement ,  avec  une  comparaison 
entre  les  moulins  a  vent  et  les  machines  a  vapcur. 

a.  D'apres  les  cxemples  dans  d'autres  terrains 
dess^ches  (droogmakeryen) ,  situ^s  comme  la  mer  de 
Haarlem,  il  faudrait  114  moulins  a  vent,  apr^s  le  des- 
s^chement,  pour  on  oxtraire  annuellement  les  eaux  de 
pluie  et  de  filtration,  en  supposant  la  cote,  pendant 
r^t^  (zomerpeil)  ,  a  5  met.  — AP. 

h.  En  comptant  qu'une  machine  a  vapeur  fonc- 
tionnc  seulement  29  jours  par  mois,  il  faudra  la  force 
totale  de  1084  chevaux  appliquoe  aux  pompos,  ou  la 
force  de  1238  chevaux,  appliqueo  aux  vis  cV Archiinede 
ou  aux  roues  a  palettes,  pour  la  dechargedes  eauxsur- 
abondantes,  dans  les  cas  les  plus  defavorables. 

c.  Avec  les  Hi  moulins  a  vent,  il  faudrait  a  pcu 
pres  4  ans  pour  dessecher  la  mer  dc  Haarlem. 

d.  Se  servant  de  6  machines  a  vapour  de  la  force  dc 
200  chevaux  chacune  ct  un  systomo  de  pompcs  bion 
etabli ,  il  faudrait  seulement  14  mois. 

e.  En  appliquant  a  cos  m6mes  machines  a  vapcur 
des  vis  d' Archiinede  ou  dos  roues  a  la  hollandaisc,  au 
lieu  dc  pompes,  il  faudra  pour  I'epuiseraent  cntier,  a 


-BuSe^/i  (/e  /iff  Socicic  c^  Geoc/iapTiw ^\Fei'. iSiiJ 


m:iA.}m 


lies 


a. J). 


(c&fiie  tils  Fp^^/\ 


M/ompiiuAriys  -  t///A 


—  t- 


£u&/tri  Jf  ^ii  SeaeteJe  Grvijr^Xi'^  Vhi  il. 


W  i.  .r.i  ,     '""P'^'i   ■,^p-_       ■~~~ 

if  r-    -*'?'fc-  v>,         W  -     )     ^Bf 


Hel  Y 


/JtJicffe/ietu-  &,  ca/-/e . 


Profil  tW  cannl  de  dcnv.iUon  irmrfvaarti  aver   .ses  diifurs     o   I) 


■'■'•'  v 


(109) 

pell  prfes  2  ans ;  parce  qu'alors  I'eau  dovant  etre  el6- 
\&c  en  deux  plans,  on  ne  pourra  (itablir  les  trois  ma- 
chines inf^rleures  qu'apres  I'dpuisement  de  la  moiti6 
do  la  mei'  de  Haarlem. 

J'.  La  construction  de  chaque  moulin  a  vent ,  etant 
^valu«^e  a  26,000  florins  dos  Pays-Bas,  et  I'entretien  an- 
nuel, etc.,  a  750  florins,  le  dessechement,  par  ces 
engins,  monterait  a  3,741,622  florins  des  Pays-Bas. 

g.  En  comptant  les  1000  kilogrammes  de  houille 
a  111  florins,  puis  la  graisse  et  petits  entretiens  de  cha- 
que machine  a  vapeur,  par  semaine,  largement  a  50 
florins ,  le  dessechement ,  par  les  6  machines  a  va- 
peur, avec  pompes,  pourra  s'effectuer  pour  1,218, 
629  florins,  et,  en  y  appliquant  des  7^w  d'Jrc/iirnec/e  ou 
des  roues  a  la  hoUandaise,  pour  l,67G,Zi28  florins. 

J.-G.-W.    MliRKES, 

Major  Ju  yenie,  aide-Je-caiii|)  de  S.  M.  le  roi  «Ics  Pays- 
Kas  ,  mernbre  de  la  Coniiiiission  pour  le  dessechement  de 
la  mcr  de  Ilaailem. 

J<a  Uaye,  ce  3o  octohie  1842. 


VoYAGfi  DE  M.  SciiOMBURGK  au.v  sources  du  Takiitii 
en  1842. 

(Kxtiait  dn  journal  de  la  Socirte  royale  de  ge'ographie  de  Londres , 
par  M.  DAUSSY  ). 

M.  Schomhurgk  continue  toujours  ses  explorations 
de  la  Guiane.  En  1842  il  a  rcconnu  les  sources  du 
Takutu  et  remonte  cette  riviere,  qui  se  jette  dans  le 
Piio-Branco,  aupres  du  fort  portugais  de  San-Joaquim. 
Nous  allons  presenter  ici  un  extrait  du  recit   qu'il  a 


(  no  \ 

donne  de  cctto  expedilion  a  la  Socictu  dc  gt'Ograpliio! 
(le  Londrcs. 

M.  Schomburgk  partit,  le  24  mars,  du  village  indion 
lie  Pirara,  dont  il  avail  precedemmcnt  d6tormin6  la 
position.  11  emmenait  avec  lui ,  cette  fois ,  trois  Euro- 
peens  :  M.  Frejer ,  qui  devail  laider  dans  ses  travaux  ; 
^I.  Goodall,  dessinatcur,  et  M.Richard  Schomburgk, 
c[ue  le  gouvcrnement  prussien  avail  cnvove  pour  faire 
(les  collections  pour  le  Mus6e  royal  de  Prusse. 

11  descendit  le  Pirara,  qui  so  jelle  dans  la  riviere 
Mahu ,  15  milles  a  10.  du  village  de  Pirara ;  la ,  un 
accident  arrive  a  un  de  ses  chasseurs  Ic  forca  de  le 
renvoyer  a  Pirara,  avec  M.  Freyer,  de  la  collaboration 
duquel  il  fut  prive.  II  descendit  cnsuite  le  Mahu  Jus- 
qu'a  sa  jonction  avec  le  Takutu ,  confluent  dont  il  de- 
termina  la  position  par  des  observations  de  hauteurs 
merldiennes  d'etoiles,  et  au  moyen  de  deux  chrono- 
melres,  de  3°  55'  8"  N.  et  1™  36-  {W  16")  a  TO.  de 
Pirara.  II  remonta  alors  cette  riviere,  qui,  quoiqu'in- 
fericurc  en  largeur  au  Mahu,  garde  son  nom,  apres  sa 
jonction  avec  celui-ci ,  jusqu'a  ce  qu'cllc  se  jette  dans 
le  Rio-liranco.  Les  bords  de  cette  riviere  sonl  couverts 
de  bois  ;  quelquefois  cependant  les  savanes  s'elendent 
jusqu'a  la  rive  etforment  des  falaises  de  40  a  50  pieds 
au-dessus  du  niveau  de  I'eau,  a  cctto  (!'poque  de  la  sai- 
son.  M.  Schomburgk  s'arreta  pendant  quelques  jours, 
par  3°  21'  37"  i\.  et  20'  58"  0.  de  Pirara,  pour  atlendre 
M.  Freyer,  qui  no  put  le  venir  rejoindre  ;  et  dans  cette 
station  il  detemiina  les  hauteurs  dos  montagnes  vlsi- 
bles  a  I'hori/.on. 

Le  11  avril,  il  se  remit  en  route,  (  ontourna  a  10.  les 
inonts  Canuku,  dont  le  Curatavvuiburi,  haut  d'cnviron 
2,000  pieds  (610  metres) ,  forme  IVxlremite.  Ce  vovagc 


( I'll ) 

ttait  (J'autant  plus  pcnible  que  la  chaleur  etait  exces- 
sive et  s'^levait  au  soleil  a  126  ou  128°  Fahr.  (52  a 
53°  cent.).  Plusieurs  fois  arrete  par  des  rapides  ,  on 
iut  oblige  de  dechargerle  canot  pour  le  faire  passer  ces 
points  dangereux. 

Le  12,  I'expedition  se  trouvait  par  3°  12'  53"  de  lat. 
N.  et26milles,  6,  a  10.  de  Pirara;  en  ce  point  on  ren- 
contra  les  premiers  blocs  de  granitqiie  Ion  aittrouv6s 
sur  les  rives  du  Takutu ;  de  nombreux  rapides  se  suc- 
coderent  ensuite. 

Le  111,  apres  avoir  passe  entredesfalaises,  hautes  de 
50  a  60  pieds  etformees  d'unconglomerat  de  cailloux 
ronds  de  quartz,  de  differentes  grosseurs,  M.  Scliom- 
burgk  nionta  sur  une  butte  isolee  ,  baute  d'environ 
130  pieds,  et  situee  a  1  mille,  sur  la  rive  droite  de  la 
riviere.  La  vue  qu'on  avait  de  ce  point,  dit  M.  Schom- 
burgk,  etait  admirable  ;  les  objets  les  plus  remarquables 
otaient  la  chaine  des  monts  Canuku,  au  N.-N.-E.  ;  vers 
1  E.-S.-E.,  les  trois  sommets  de  Saei^acri,  montagne 
dont  la  forme  bizarre  se  reconnait  a  30  ou  hO  milles  a 
la  ronde;  ensuite  un  certain  nombre  de  pitons  isoles 
au  milieu  des  vastes  savanes  qui  s'^tendent  vers  le 
S.-S.-E.,  a  partir  du  Saeraeri,  pendant  30ou/iO  milles. 
Le  sommet  le  plus  eleve  des  monts  Cursato  se  mon trait 
un  pcu  a  I'E.  du  S.  et,  tres  loin  vers  le  S.-O. ,  on  aper- 
cevait  a  I'borizon  les  montagnes  de  la  Lune  (Kai-irite, 
des  Indiens  Wapisianas) .  Lne  montagne  remarquable, 
en  forme  de  dome,  que  je  reconnus  pour  celle  que 
j'avais  nommee  Taquiara  ,  dans  mon  premier  voyage  , 
mais  que  les  Wapisianas  appellent  Mariwctto,  parais- 
sait  dans  le  S.-S.-O.,  a  environ  5  ou  6  milles.  Quatre 
monts  isoles  s'ctendaient  depuis  cette  montagne  ,  vers- 
le  S.-O.,  c[  le  TakuUi  paraissait  couler  au  milieu. 


(  112  ) 

Lc  15  ,  au  passage  d'lin  rapido,  deux  di>s  Indicns  qui 
marcliaionl  dans  I'oau  pour  pousser  lc  canot  fmcnt 
blesst^s  au  piod  par  un  poisson  a  pointes  cache  dans 
le  sable;  cela  forca  a  s'arritor  ce  jour-la;  mais,  lc  19, 
on  attcignlt  un  village  indlcn  ou  M.  Schomburgk  trouva 
des  messagers  qui  lui  avaient  616  envo\6s  de  Pirara  ct 
qui  lui  apportaicnt  un  supplement  de  provisions.  II 
s'arr^^ta  quelqucs  jours  dans  cc  village ,  et  au  moyen 
d'op^rations  trigonomtHriques  ,  faitcs  dans  la  savane 
environnante,  il  deterniina  la  position  relative  des 
tnonts  Canuku  et  Cursato.  Cette  derniere  cliainc  n'a 
pas  plus  de  5  milles  de  long,  ct  son  sommet  est  6\e\& 
de  3,000  picds  (915  metres)  au-dessus  dc  la  rivi6ro. 
M.  Schomburgk  fit  aussi  des  observations  magntHiques 
dans  cettc  station ,  dont  il  d(^termina  la  position  par 
S"  /i9'  40"  N.  et  20  milles,  13  a  I'O  de  Pirara. 

M.  Schomburgk  donne  la  description  des  Indicns 
de  cette  partie  de  la  Guiano.  Lcs  ^Vapisianas  sont,  dit- 
il ,  plus  grands  que  les  Macusis ;  leur  tete  est  petite 
en  proportion  de  leur  corps  et  leur  col  court.  Le 
gras  de  la  jambe  est  plus  saillant  ct  le  ne/.  plus  droit 
que  chez  les  Macusis  ;  ils  sont  aussi  moins  industrieux 
que  cesdcrniers,  et  leur  langage  est  dlfTt^rent  et  ressem- 
ble  a  celui  des  Pauixanas,  qui  bordent  leur  territoire 
au  S.-O. 

Leurs  maisons  sont  baties  en  forme  de  coupole  ou 
de  dome  et  sont  couvertes  avec  des  feuillcs  de  palmiers, 
principalement  de  I'espece  appel^e  Mauritia  ou  Ita,  qui 
est  tres  abondantc  dans  les  savanes.  Ces  huttes  circu- 
laires  ont  environ  25  ou  30  picds  (8"  ,  7  ou  0"',2  ) 
'  de  diam^tre  et  sont  habittVs  par  plusieurs  families. 
L'entree  est  la  soide  ouverture  qu'on  v  trouve  ;  olio  est 
t'ermcc  pendant  la  nuit  par  une  porte  faite  i\v  leuilles 


(  113) 
de  palmier.  II  n'y  a  aucune  division  pour  s6parer  ce 
qui  appartient  a  chaque  famille  ;  quolques  picrres  for- 
mant  un  foyer  sont  les  seules marques  des  droits  d'une 
famille  a  un  point  particulier.  Trois  pieces  do  bois  at- 
tacli6es  aux  poteaux  montants,  au  moyen  de  cordes  en 
bois  ou  de  lianes,  travcrscnt  la  hutto  a  5  ou  6  pieds  de 
hauteur  ;  cllos  scrvcnt  a  pcndre  les  hamacs  et  k  d6poser 
les  arcs  et  les  flechcs. 

Commechaquo  famille  considere  que  c'est  lo  devoir 
des  autrcs  de  nettoyer  la  maison,  il  n'est  pas  besoin 
de  dire  qu'aucunc  ne  le  fait,  et  que  les  ordures  y  sont 
accumul6es  de  la  mani6re  la  plus  dd'goiltante.  La  fu- 
m6e  de  quatre  ou  cinq  feux  ne  trouvant  pas  d'autre 
issue  que  les  6troites  crevasses  qui  sont  dans  le  toit, 
circule  en  6paisse  colonne ,  tout  autour  do  la  hutte , 
et  affccte  les  yeux  de  ceux  qui  ne  sont  pas  habitues  k 
la  vie  des  Indiens.  Des  volaiiles,  que  Ton  trouve  dans 
la  plupart  des  ^tablissements  indiens  ,  d'innombrables 
perroquets  et  d'autres  animaux  domestiques  se  dis- 
putent  encore   la   possession    de  cettc  hutte.  Mais  le 
plus   grand  d^sagr6ment  vicnt  d'un    grand  norabre 
de  chiens  a  demi  alTam^s,   qui  sont  toujours  prets  a 
mordre  les  jambes  des  Strangers.   Une  nu^e  de  mou- 
ches,    et  enfin  cet  insecte  qui    s'insinue   partout ,    la 
chique,  compl^tcnt  la  somme  des  agreements  que  ren- 
contre I'etranger  a  son  entree  dans  une  telle  ruche  : 
aussi  m'etais-je  fait  une  regie  ,  lorsque  je  ne  pouvais 
pas  avoir  une  hutte  pour  moi  scul ,  de  dormir  sous  la 
tente,  ou  meme  en  plein  air. 

Le  Wapisiana  })ortc  sescheveux  courts,  et  je  n'en  ai 

jamais  vu  dont  la  chevelure  pendlt  sur  les  ^paules, 

conime  cela  arrive  souvent  chez  les  Macusis.  Ceux  qui 

peuvent  nourrir  2)lusieurs  femmes  pratiquent  la  polv- 

1.   FtvniEK  3.  8 


(  114  ) 

ganiie ;  mais  cc  n'est  pas  aussi  frequent  que  chez.  les 
Warraus  et  les  Acca^vais.  Au  restc,  leurs  usages  dif- 
terent  peu  de  coux  des  Maciisis  et  des  Indiens  de  la 
Guianc  en  general. 

Le  23,  M.  Schoufiburgk  quitta  ce  point;  mais  on  fut 
()blig«^  d'abandonner  le  canot  et  de  faire  porter  le  ba- 
gage  par  les  Indiens.  Aprcs  une  route  a  travers  une 
lorfit  ^paisse,  ou  les  palmiers  ^taient  nombreiix ,  on 
rencontra  une  Imtte  babit^een  ce  moment  par  une  fa- 
milled  "Indiens  Macusis,vcnusdu  Rio-Branco.M.  Scbom- 
hurgk  reconnut  avec  plaisir  parmi  cux  deux  liommes 
fjui  I'avaient  accompagne  dans  son  voyage  a  travers  les 
inontagnes  de  I'Or^noque.  Plus  loin,  on  trouva  encore 
une  autre  famille,  dans  laquelle  se  trouvait  un  jeune 
idiot,  dont  on  avait  grand  soin;  car,  parmi  les  In- 
diens, CCS  individus  sont  regardcs  comme  sacr<^s. 

Le  2Z| ,  M.  Schomburgk  s'arreta  pour  faire  une  sta- 
tion sur  le  mont  Kuipati,  dontle  sommet,  nu  et  isol6, 
lui  permcttait  de  lier  ses  travaux  avec  des  points 
qu'il  avait  determines  prec^demmont ,  et  en  meme 
temps  pour  laissor  a  ses  chasseurs  Ic  tomps  de  pour- 
suivre  une  troupe  de  daims  qui  avaient  6te  vuc  dans 
les  en  virons  et  qui  devait  fournir  un  supplement  n^- 
cessaire  aux  vivres  qui  commencaient  a  diminuer, 

Le  25  et  le  26,  on  traversa  plusieurs  savanes  et  quel- 
(|ues  montagnes  isol^es. 

Le  27,  en  approcbant  des  monls  Tuarutu,  on  entra 
dans  unbois  ;  et  passant  a  travers  un  d6fil^,  on  se  trouva 
au  milieu  de  monts  eleves  d'environ  600  pieds ,  oii 
c'est  a  peine  si  on  pouvait  reconnaltre  une  trace ,  en 
sorte  qu'on  fut  oblig(^  de  se  tenir  aupres  les  unsdes  au- 
tres  pour  ne  pas  s'6garer.  On  passait  allornativoment 
dun  bois  a  une  savane  et  d'une  savane  a  un  bois ,  tantol 


(  115  ) 

s'^levant  sur  le  penchant  d'une  montagne,  tantot  cir- 
culant  au  milieu  d'immenses  blocs  de  granit.  Apr^s 
avoir  ainsi  traverse  plusieurs  bassins  et  visit6  les  bords 
de  la  riviere  Manatiwau,  qui  se  jette  dans  le  Takutu, 
on  arriva  a  un  ^tablissement  des  Indiens  Wapisianas , 
nomm6,  d'apres  les  montagnes  environnantes ,  Tua- 
rutu.  M.  Schomburgk  s'arreta  quelques  jours  dans  cet 
6tablissement  pour  y  faire  des  observations  et  pour  al- 
ler  a  la  recherche  d'un  n^gre  qui  s'^tait  d!gar6,  et  qu'il 
eut  le  bonheur  de  retrouver  lorsqu'il  etait  presque  en- 
tiferement  ^puise. 

Plusieurs  Indiens  des  environs  vinrent  ici  visiter  nos 
voyageurs.  Le  lieu  ou  Ton  se  trouvait  alors  6tait  parmi 
des  montagnes  ;  au  N.  s'elevait  le  sommet  du  raontTua- 
rutu  ,  t^lev6  de  1800  pieds  (5/i9  metres)  ;  le  plus  elev6 
apres  celui-ci  ^tait  a  1150  pieds  (  336")  au-dessus  du 
Takutu.  La  chalne  du  Tuarutu  a  environ  10  milles  de 
longueur,  et  est  formee  de  masses irregulieres  qui  ren- 
ferment  des  savanes  et  des  monticules  de  granit.  Lno 
plaine  ou  les  bois  et  les  savanes  se  succ^dent  et  ou  Ton 
trouve  des  buttcs  de  150  a  200  pieds  au-dessus  du  Ta- 
kutu, s^pare  les  monts  Takutu  des  monts  Ossotshuni , 
petite  chaine  de  11  milles  de  longueur  qui  court  N.-E. 
et  S.-O. 

Le  Ix  mai,  I'expedition  atteignit  le  village  indien  de 
Maripa,  dont  le  chef  offrit  a  M.  Schomburgk  de  le  gui- 
der  aux  sources  du  Takutu,  ou  il  avait  6te  peu  de  temps 
auparavant.  Le  6,  on  se  trouva  encore  une  fois  sur  les 
bords  du  Takutu,  qui  avait  la  10  a  12  pieds  de  largeur. 
Apres  avoir  suivi  son  cours  pendant  plusieurs  milles, 
on  atteignit  enfin  sa  source ,  aupres  de  laquelle  on  fit 
des  observations  qui  la  placent  par  1°  5'  de  lat.  N.  et 
19' a  I'O.  (loPirara. 


( 110 ) 

De  ce  point,  le  Takutu  coule  vers  le  N.-E.  et  recoil 

du  mont  Vinuduna,  situ6  par  a  peu  pr^s  1"  55'  de  lat. 

N.,  une  autre  riviere  dont  le  volume  d'eau  est  presque 

aussi  grand;  11  se  dirige  alors  vers  le  N.-O. ,  a  travers 

des  savanes  entromelees  de  bois.  Apr^s  avoir  depass^ 

les  monts  Tuarutu  et  a  I'E.  decette  chaine,  il  recoit  les 

eaux  du  AVatlwau,  presque  aussi  fort  que  lui.    A  partir 

de  ce  point,  il  court  10  a  20°  a  I'E.  du  N.,  au  nidieu 

de   savanes  arides ,  dont  il    reroit  les   ruisseaux ;    par 

3°  35'  N.  et  24  milles  a  I'O.  de  Pirara,    il  se  joint  au 

Maliu.  Apres  la  jonction  de  ces  deux  rivieres,  le  cou- 

rant  prend  une  direction  S.-O.  ,  recoit  a   sa  droite  la 

riviere  Zuruma  ou   Cotinga,    et  tombe  enfin  dans   le 

Rio-Branco,  a  quelques  centaines  de  metres  au-dessus 

du  fort  San-Joaquim,  par  3°  i'  IG"  de  lat.  N. 

Le  cours  entier  du  Takutu,  depuis  sa  source  jus- 
qu'a  sa  jonction  avee  le  llio-Branco  ,  est  d'environ 
200  milles. 

Le  7  mai ,  M.  Schomburgk  se  mit  en  route  pour  re- 
venir  a  Maripa  ou  il  fit  des  observations  raagndtiques , 
et  dont  il  d^termina  la  position  l"  bW  37"  N.  et  24'  a 
rO.  de  Pirara. 

II  fut  oblig^  de  laisser  dans  ce  village  le  patron  de 
son  canot  qui  s'etait  bless^  au  pied ;  mais,  au  milieu 
d'Indiens  amis,  il  n'avait  aucune  inquietude  sur  lui.  Le 
chef  du  village  avcc  plusieurs  habitants  accompagne- 
rent  I'expedition  jusqu'a  Tenette,  en  sorte  qu'elle  se 
composait  de  50  individus,  y  compris  les  femmes  et 
les  enfants.  Dans  sa  route ,  M.  Scliomburgk  prit  en- 
core de  nombrcux  rel^vemcnts  sur  les  diverses  mon- 
tagnes  qui  bomaicnt  son  horizon,  ainsi  que  des  angles 
horaires  pour  determiner  la  longitude.  Le  12 ,  a  midi, 
il  observa  une  dos  plus  fortes  trombes  qu'il  eOt  jamais 


(117  ) 

vues:  les  feuilles,  les  morceaux  de  Lois,  le  sablu  ,  et 
tout  ce  qui  se  trouvait  sous  son  action  formaient  une 
colonne  de  200  a  300  pieds  ( 60  a  90  metres)  de  haut; 
les  Macusis  appellent  ce  phenom^ne  «  Uranan  »  et  di- 
sent  qu'il  est  frequent. 

Le  12  au  soir,  on  campa  au  bord  d'une  petite  riviere 
par  2°  19'  de  lat.  IS.  et  5'  a  I'O.  de  Pirara. 

Le  13  ,  on  atteignit  le  point  le  plus  eleve  entre  le  Ta- 
kutu  et  le  Rupununi;  le  premier  etait  a  12  mUles  de 
la  station,  et  le  second  a  6.  La  hauteur  n'etait  pas  de 
plus  de  150  pieds  (46"")  au-dessus  du  niveau  de  ces 
deux  rivieres.  On  trouva  ensuite  le  village  indien  de 
Cau-Urua  situe  par  2°  28'  25"  N.  et  1'  a  I'O.  de  Pirara. 
M.  Schomburgk  alia  visiter  le  Rupununi,  qui  n'est 
^loigne  de  ce  village  que  de  1  mille  1/2;  il  le  trouva  de 
la  force  a  peu  pres  de  la  riviere  de  Pirara ;  ses  eaux 
^taient  noires  et  son  lit  creus^  dans  le  roc.  Les  Indiens 
disent  que  sa  source  est  dans  une  savane  a  une  jour- 
n6e  de  marche  au  S.  Ifh  S.-E.  II  est  a  remarquer  que 
les  eaux  du  Takutu  et  du  Rupununi  sont  noires  dans 
la  partie  superieure  de  leur  cours  et  blanchatres  dans 
la  partie  inferieure.  La  meme  chose  a  ete  observ^e  par 
rapport  a  la  Demerara ,  et  je  ne  doute  pas ,  dit 
M.  Schombm'gk ,  que  meme  le  gigantesque  Orc^noque 
n'ait  ses  eaux  noires  aupres  de  sa  source.  La  cause  de 
cette  particularite ,  que  j'ai  remarquee  dans  toutes  les 
rivieres  de  la  Guiane,  est  loin  d'etre  connue.  M.  de 
Humboldt  a  ete  porte  a  restreindre  ce  fait  aux  rivieres 
qui  coulent  entre  les  paralleles  de  5"  N.  et  2°  S. ;  mais 
les  eaux  de  la  Demei-ara ,  de  la  Barima ,  etc. ,  dans 
une  latitude  beaucoup  plus  septentrionale ,  sont  aussi 
noires  vers  leurs  souixes  que  celles  du  Takutu  etdu  Ru- 
pununi. 


(  118  ) 

Le  14  ,  on  arriva  d  un  petit  tl-tahllssement  indlen 
situ6  au  pied  des  monts  Pinighette,  le  point  le  plus 
<^leve  de  cette  petite  chaine ,  a  environ  800  a  900  pieds 
de  haut  (2/|0  a  ^TO™) ;  sa  direction  est  N.-E.  1/4  N.,  et 
sa  longueur  de  2  milles. 

Le  15 ,  on  passa  entre  les  monts  Pinighette  et  les 
monts  Manette  au  milieu  de  savanes  basses,  et  en- 
suite  a  1  mille  au  S.  15°  E.  du  mont  Duruau  ,  dont  le 
plus  haut  sommet  peut  avoir  2,500  pieds  (762'")  de 
haut. 

Le  16  ,  on  arriva  a  Tenette ,  ou  on  esperait  pouvoir 
reprendre  les  canots ;  mais  la  riviere  etant  encore  plus 
basse  qu'au  premier  passage ,  on  fut  oblig6  d'y  renon- 
cer  et  d'engager  des  Indiens  pour  porter  le  bagage  a 
Pirara ,  ou  on  arriva  enfm  le  21 . 


Voyage  de  M.  Schomburgk  dans  la  Guiane,  en  1843. 
(  Communique  par  M.  SIM.MOND- ) 

Le  chevalier  Schomburgk  partit  de  Georgetown,  au 
mois  de  f6vrier  1843  et  ai'riva,  le  24  mars,  a  Pirara, 
oil  I'attendaient  les  raembres  de  I'exp^dition.  D63  que 
leurs  pr^paratifs  furent  termines,  ils  quitt^rent  tous 
ensemble ,  le  30  avril ,  ce  village,  naguere  si  florissant 
et  si  populeux,  mais  alors  si  d6sol6,  et  ou  Ton  ne 
comptait  plus  qu'une  seule  famille. 

Deux  grands  bateaux  regurent  les  voyageurs  et  leur 
bagage  sur  le  Rupununi,  au  milieu  des  exclamations 
de  surprise  des  Indiens  Wapisianas,  qui  n'avaient  ja- 
mais vu  de  si  vastes  canots. 

M.  Schomburgk  continue  onsuite  son  voyage  a  tra- 


(  n» ) 

vers  les  monts  Carawami,  ets'arrete  quelques  jours  a 
Watu-Ticaba ;  puis,  le  h  juin,  il  s'tiloigne  des  savanes, 
entre  dans  les  lorets  iiuinenses  et  presque  iinp(!!ne- 
trables  de  I'interleur.  «  Les  parties  mar^cageuses  du 
terrain  produisent  une  prodigieuse  quantity  de  cacao, 
de  I'espece  connue  sous  le  nom  de  theobroma.  Les  In- 
diens  de  notre  suite  etaient  singulierement  friands  de 
I'enveloppepulpeuse  de  I'amande,  dont  le  goiit  vineux 
est  fort  agreable.  »  Cependant  ils  n'avaient  aucunc 
connaissance  des  qualites  de  la  semence ,  qui  possede 
un  arome  delicieux,  et  ils  parurcnt  tres  etonnes  en 
voyant  M.  Scbomburgk  en  cueillir  un  grand  nombre , 
les  concasser,  et  obtenir  d'excellent  chocolat.  «  Nous 
ne  vimes  partout  que  des  milliers  de  cacaotiei-s,  le  5  et 
le  6  juin ,  et  il  est  a  regretter  que  leur  fruit ,  si  estime 
ailleurs ,  ne  serve  ici  de  pature  qu'aux  coclions  sauva- 
ges  ,  aux  singes  et  aux  rats.  » 

Le  8,  notre  voyageur  arriva  a  un  etablisseraent  d'ln- 
diens  Taruma,  pres  de  la  riviere  Cuyuwini.  «  La  niort 
avait  etendu  ses  i-avages  sur  le  village  voisin  des  Ato- 
rais;  en  1837,  on  y  comptait  200  ames ;  la  petite  ve- 
role  et  la  rougeole  ont  reduit  ce  nombre  a  30  seule- 
ment. 

M.  Sclioinburgk  descend  ensuite  le  Cuyuwini ,  et 
entre  dans  TEssequebo,  le  21  juin;  il  passe  quelques 
jours  cbez  les  Indiens  Taruma,  et  observe  une  variety 
de  la  famille  leguminosce  dont  la  racine  ou  tubercule 
parvient  a  une  enorme  grosseur.  «  Ces  tuberculesn'a- 
vaienl  pas  encore  atteint  toule  leur  maturity  ,  maisleur 
gout  etait  a  peu  pres  semblable  a  celui  du  yam  et  de 
la  patate  douce.  Les  Indiens  Taruma  les  nomment  cu- 
yupa.  S'il  etait  possible  de  les  acclimater  on  Europe, 
je  ne  doute  pas  que  nous  n'eussions  a  nous  feliciler  du 


(  120) 
cette  addition  a  nos  plantes  utiles.  »   M.  Schomburgk 
s'engage  a  donner  un  petit  nombre  de  ces  ciiyupa  aux 
personnes  qui  lui  promettront  de  s'occupor  soigneu- 
sement  de  leur  culture. 

Les  voyageurs  quittent  leurs  canots  a  I'embouchure 
de  rUrana,  qui  se  jette  dans  I'Ess^quebo ;  ils  conti- 
nuentlcur  voyage  parterre,  traversent  une  chalne  de 
montagnes,  etarriventle  13  juillet  devant  les  sources 
de  rOnororo,  tributaire  de  I'Esequebo;  plus  loin,  a 
une  distance  de  100  pieds  environ,  ils  rencontrent  les 
sources  du  Caphiwuin  ou  Apiniau.  «  L'elevation  dc  la 
chaine  est  ici  de  2,000  pieds;  elle  sdpare  les  rivieres 
qui  courent  au  sud  dans  I'Amazone,  et  ocllcs  qui  se 
jettent  dans  I'Essi^qu^bo,  au  N.  et  a  I'O. 

»  Apr^s  avoir  march^  quelques  milles ,  nous  en- 
trames  dans  un  village  maopityen.  Nous  y  remar- 
quames  la  construction  singuliere  de  deux  maisons  : 
la  plus  grande  avait  86  pieds  de  diametre  et  une  616- 
vation  proportionnee.  L'une  et  I'autre  dtaient  surmon- 
t6es  de  deux  toits,  a  la  facon  des  pagodes,  et  la  fum6e 
s'^chappait  par  I'ouverture  qu'ils  laissaient  entre  eux. 
Les  Indiens  nous  rcQurent  amicalement,  et  nous  en- 
trames  dans  le  plus  vaste  de  ces  edifices,  qui  renfer- 
mait  alors  tout  ce  qui  reste  de  la  Iribu  si  puissante  au- 
trefois des  Maopityens  ou  Mawachwas.  Cette  peuplade 
est  aussi  remarquable  par  les  traits  caracteristiques  du 
visage  que  par  une  queue  de  10  a  12  pouces  de  long 
qui  descend  jusqu'au  bas  du  dos,  etse  termine  en  une 
toulTo  de  cheveux  retenue  par  une  feuille  de  palmier 
qu'embellissent  dcsbrins  de  coton  rouge  et  des  plumes 
de  perroquet.  » 

€  e  village  est  fort  pau  vre;  les  habitants  sc  nourrissaient 
d'un  detestable  paindc  farinc  do  casave  et  deboispourri 
reduit  en  poudre,d'un  goilt  amer  et  naus^abond. 


I 


(  121  ) 

Ce  nefut  que  par  I'appat  de  quelques  riches  presents 
qu'on  parvint  a  obtenir  des  guides.  L'expedition  se  di- 
rigea  alors  vers  le  lerritoire  des  IndiensPianaghotte  et 
Drio,  situe  aupres  de  la  rivifere  Curum  ou  Curuwini. 
«  Cettepartie  du  voyage  n'etait  pas  sans  danger.  Nous 
avions  a  descendre  le  Caphiwuin,  dont  les  cataractes 
sont  si  nombreuses  ;  plusieurs  ont  kO  ou  50  pieds  de 
hauteur  perpendiculaire.  » 

Le  29  juillet,  M.  Schomburgk  parvint  au  confluent 
du  Caphiwuin  et  du  Wanama,  dont  les  eaux  reunies 
forment  la  riviere  Kaphu.  Les  vivres  commencaient  a 
manquer  ,  ethuit  jours  devaient  s^^couler  encore  avant 
que  Ton  put  atteindre  une  habitation. 

line  semaine  entiere  se  passa  lentement  dans  les  an- 
goisses  de  la  faim ,  et  la  longue  solitude  des  rives  de- 
scries du  Wanama,  que  le  chevalier  ne  cessait  pour- 
tant  de  remonter.  Le  5  aout,  il  apercut  deux  canots 
qui  semblaient  venir  a  sa  rencontre.  Mais  aussitot  que 
les  Indiens  qui  les  montaient  eurent  vu  les  siens,  ils  fi- 
rent  force  de  rames ,  gagnerent  le  bord,  et  prirent  la 
fuite  dans  le  plus  grand  dc^sordre.  On  s'efi'orga  de  les 
suivre  :  leurs  habitations  6taient  abandonn^es,  et  Ton 
n'y  trouva  qu'un  peu  de  pain  dont  les  guides  maopi- 
tyens  s'emparerent  avec  une  sorte  de  furcur. 

M.  Schomburgk  entre  ici  dans  des  details  d*unint6- 
r6t  saisissant.  II  raconte  les  nouveaux  dangers  qu'il 
eut  a  courir  de  la  part  des  perfides  Maopilyens.  Ces 
mis6rables  voulaient  I'assassiner.  Ileureusement  pour 
lui,  les  Indiens  Wapisianas  lui  resl^rent  fideles ,  et 
I'aidercnt  a  s'emparer  de  trois  chefs  maopityens  qui 
demeurcrent  en  son  pouvoir,  tandis  qu'une  partie  de 
ses  gens  battait  le  pays,  a  la  recherche  des  crainlifs 
Pianaghottos.    Au  bout  dc   quatorze    jours   d'allente, 


(  122  ) 

quelques  Indiens   Zuramates   apporttirent    dos  vivrt's 
tlans  le  camp  des  voyageurs. 

Le  chevalier  se  dirige  vers  le  nord,  remonle  I'lriau, 
et  se  trouve  dans  la  deplorable  necossite  d'abandonner 
sa  pr^cieuse  collection  d'objets  relatifs  a  riiistoire  na- 
turelle  et  a  I'ethnographie.  «  Quelque  chose  me  disait, 
ajoute-t-il  m^lancoliquement ,  que  jo  ne  les  reverrais 
plus;  mais  j'etais  conlraint  de  m'en  separer:  mes  li- 
deles  Macuses  pouvaient  porter  a  peine  mon  bagagc 
indispensable,  n 

II  passa  a  gue  la  riviere  Iriau  qui  se  dechargc  dans  le 
Wanama,  ct  apres  une  marche  penible  a  travers  des 
marais  el  de  hautes  collines,  il  parvint,  le  21  aoiit,  a 
une  petite  riviere  qui  coule  dans  la  direction  du  N.-N.-O. 
vers  le  Corentyne.  Peu  de  temps  apres ,  il  reccvait 
I'amicale  hospitalite  des  Indiens  Drios,  et  leur  chef  lui 
promettait  d'envoyer  quelques  hommes  a  la  recherche 
des  objels  abandonnes, 

Le  village  qui  venait  d'accueillir  notre  voyageur  est 
situe  aupres  de  la  source  do  la  riviere  Cutari,  ou  bras 
occidental  du  Corontyne.  La  partie  orientalo,  nommee 
Curuni  ou  Curuwini,  so  prolonge  30  millos  de  plus  a 
Test;  les  Cocoipilyens  ou  Indiens-Aigles  habitent  ses 
bords.  Ceux-ci  ontpour  voisinsles  Marons,  sur  les  rives 
du  Meikoro ,  I'un  des  bras  du  Marowini.  Ces  diverses 
peupladcs  cntretiennent  ensemble  des  rapports  de 
commerce  et  d'amitie. 

Le  0  septembre,  M.  Schomburgk  se  rcmettait  en 
route,  sans  avoir  retrouv^  sa  collodion,  mais  toujours 
suivi  de  ses  bons  Indiens  Macuses.  Au  bout  de  six  jours 
de  navigation  sur  le  Corentyne,  on  n'avait  encore  fait 
que  15  milles,  tantcetle  riviere  ctaitetroilc  et  obstruee. 
lluit  autros  jours  s'ecoulerent,  el  Ton  n'apcrcevail  au- 


(  i23  ) 
cune  trace  d'habitations.  Chaque  homme  recevait  pour 
seule  ration  6  onces  de  farine  pour  vingt-quatreheures. 

D'un  autre  cot^,  les  canots  faisaient  eau,  et  on  en 
6tait  r^duit  a  boucher  les  trous  avec  des  morccaux  de 
vetements.  Ce  fut  done  avec  des  transports  de  joie  que 
toute  la  troupe  enlra,  le  2li  septembre,  dans  I'Esse- 
qu^bo,  qui  leur  promettait  la  fin  de  leurs  souffrances. 

Cependant  ils  6taient  encore  a  quatre  jours  de  dis- 
tance d'un  etablissement  caribe  ,  et  ils  ne  possedaient 
que  4  ou  5  livres  de  farine  a  partager  entre  quinzc 
individus.  Le  1"  octobre ,  la  derniere  distribution  eut 
lieu ;  2  onces  par  personne  ;  dix  heures  plus  tard,  ils 
embrassaient  le  chef  caribe. 

M.  Schomburgk  arriva  heureusement,  le  13  octobre, 
a  Georgetown ,  «  en  remerciant  la  Providence  du  se- 
cours  qu'elle  avait  daigne  lui  accorder.  » 


DtsCRiPTiON  ric  la  riviere  de  Camerooiis  et  de  la  bale 
d' Atnhoises ,  par  le  capitaine  Allen  ,  commandant  le 
bateau  a  vapeur  le  JVilherj'orce. 

(  Extrait  du  journal  de  la  Societe  royale  de  geographie 
de   Louilres,  volume  xni,  par  M.   DAUSSY ). 

Quoique  dans  le  petit  voyage  que  je  viens  de  faire 
dans  la  riviere  de  Cameroons ,  nous  n'ayons  pas  et6  a 
plus  de  40  milles  de  la  mer,  cependant  le  but  que  je 
m'etais  propose  a  6t6  atteint :  c'etait  de  reconnaitre  la 
nature  et  I'etendue  de  cette  riviere  dans  son  cours 
principal,  et  avant  qu'elle  ne  se  divise;  c'est  ce  qui  a 
lieu  a  8  milles  seulement  au-dessus  de  la  ville  de  Bell , 
et  a  nioins  de  20  milles  de  la  mer.  La  veritable  rive 


(  124  ) 

gauche  de  la  riviere  descend  meme  jusqu'a  eel  ela- 
blissement,  qui  est  elev6  de50pieds  (15'",2)  au-dessus 
de  la  mer. 

Le  bord  de  la  riviere  consiste  en  un  conglomc'rat 
recent ,  contenant  des  particules  de  quartz  de  la  gros- 
seur  d'une  noix ,  quelques  petits  fragments  de  uiica 
blanc  et  des  masses  de  gri^s  rougeatre ,  dont  quelques 
unes  ont  A  pieds  de  longueur ;  le  tout  est  liti  par 
une  argilc  d'un  brun  clalr.  La  stratification  est  hori- 
zontale,  et  I'epaisseur  des  couches  varie  de  quelques 
pouces  a  plusieurs  pieds ;  on  ne  peut  y  decouvriv  au- 
cune  trace  d'etres  organises.  Les  fragments  de  gr^s  qui 
forment  une  partie  de  ce  congloni(!;rat  sent  composes 
de  particules  de  quartz  soudees  par  un  oxide  de  fer 
ou  par  leur  adherence  naturelle  ;  quelquefois  le  mi- 
nerai  defer  est  combing  chimiqucment  avec  la  matiere 
argileuse  et  forme  des  masses  compactes. 

L'inlluence  du  fer  sur  I'aiguille  aimant6e  devait  etre 
encore  plus  forte  a  la  base  de  la  falaise  ,  ou  le  gres  elait 
plus  compacte  et  paraissait  conlenir  une  plus  grande 
quaatile  de  fer;  mais  au  sommet  meme,  elle  etail 
assez  grande  pour  produire  des  inclinaisons  differentes 
a  quelques  yards  (metres)  de  distance. 

La  rive  opposee  consiste  en  un  plateau  de  roches 
visible  a  mer  basse ;  il  correspond  au  gr^s  compacte  qui 
forme  la  base  de  la  falaise ,  ce  qui  porte  a  croire  que, 
dans  I'origine ,  les  rives  qui  encaissaient  la  riviere 
s'etendaienl  jusqu'ici  des  deux  cotes;  aujourd'hui  celte 
j)arlie  est  basse  et  couvcrte  de  manglicrs ,  ainsi  que  le 
sont  toutes  les  iles  jusqu'a  25  milles  de  la  mer.  Ces 
iles  paraissent  augmenler  et  forment  un  peiil  delta , 
qui  finira  par  combler  cette  embouchure,  et  la  terre 
regugnera  ainsi  cc  qui  lui  a  et6  enlev6  par  la  mer  dans 


(  125  ) 
quolque  convulsion  produlte  par  les  actions  des  volcans 
qui  ont  leurs  centres  dans  la  chaine  de  montagnes 
voisine. 

La  belle  baie  de  Cameroons  est  formee  par  la  reu- 
nion des  embouchures  de  plusieurs  cours  d'eau.  EUe 
doit  son  nom  aux  Portugais ,  qui  nomm6rent  son  ex- 
tremite  cap  Cameroons,  a  cause  de  la  grande  quantity 
de  petites  chevrettes  qu'on  y  ti'ouva.  Ce  nom  a  et6 
etendu  a  la  principale  riviere  qui  y  debouche;  mais 
les  nnturels,  suivant  leur  usage,  lui  donnent  le  nom 
des  pays  qu'ellc  traverse  :  ainsi  devant  la  ville  de  Bell, 
onl'appelle  Madiba-ma-Dualla  ;  plus  haut,  Madiba-ma- 
Wuri ,  etc.  Quoique  ce  soit  une  belle  riviere,  elle  n'est 
pas  comparable  au  Niger.  Sa  largeur  moyenne,  au-dela 
des  mangliers,  est  d'environ  600  yards,  autant  que  j'ai 
pu  y  penetrer.  Dans  la  saison  seche ,  sa  profondeur 
varie  de  2  a  20  pieds  ,  quoiqu'elle  ait  rarement  plus  de 
8  pieds;  mais  dans  les  grandes  eaux  il  y  a  assez  d'eau 
pour  qu'un  bailment  d'une  certaine  force  puisse  la 
remonter.  Cependant,  d'apr^s  le  recit  de  quelques 
naturels  intelligents,  la  navigation  serait  obstruie  par 
des  roches  a  Banem  situe  a  environ  90  milles  de  la  mer ; 
mais  au-dela  de  ces  roches  la  riviere  continue,  suivant 
mon  pilote ,  pendant  plusieurs  journ^es ,  quoiqu'il 
avou&t  qu'il  ne  la  connaissait  pas. 

La  riviere  Camei'oons  a  deux  affluents  sur  la  rive 
droite ,  I'un  le  Yabiang,  que  j'ai  remonte  en  partie ; 
I'autre  a  environ  25  milles  au-dessus  de  la  ville  Wana- 
Makembi ;  ils  ont ,  dit-on  ,  tous  deux  leurs  sources  dans 
des  rochers  de  50  pieds  de  haut,  ou  du  moins  ils  en 
toiTibent.  II  y  a  aussi  un  petit  cours  d'eau  qui  tombe 
dans  la  crique  Ebonjeh,  et  qui  vientde  Dnka-Bakin, 
environ  l\  heures  plus  haut. 


(  126  ) 

On  a  (juelquelois  suppos*^  qu'en  outre  da  la  Camc- 
roons,  une  autre  grande  riviere,  nomm^e  Malimba , 
tombait  dans  ce  bassin ;  mais  toutes  les  personnes  que 
j'ai  interrdgees  se  sont  accordees  pour  me  dire  que  ce 
n'«5tait  qu'une  crique  deriv^e  de  la  riviere  Qua-Qua,  qui 
vieut  de  Test.  Mon  pilote  me  disait  que  cette  riviere  a 
j)lus  de  mangliers,  mais  moins  de  largeur  que  celle  de 
Wuri  ou  de  Dualla ,  et  qu'elle  est  obstru^e  par  des 
rocbcs  a  peu  pres  a  la  meme  distance  de  la  mer.  11 
ajoutait  que  le  roi  de  tout  le  pays  de  Qua-Qua  reside 
dans  uno  ville  nommee  Longassi ,  qui  se  trouve  sur  la 
riviere  a  80  milles  environ  de  son  embouchure. 

II  parait  done  resulter  des  temoignages  que  j'ai  re- 
cueillis  (juil  existe  une  rangee  de  montagnes  qui 
s'etendent  a  Test  a  partir  des  monts  Cameroons,  ou 
da  moins  qu'il  se  trouve  a  environ  100  milles  dc  la  mer 
un  plateau  6leve,  car  les  naturels  parlent  dc  quatre 
gi'ands  cours  d'eau  qui  tous  tombent  de  rocbcrs  bauts 
de  50  picds. 

En  outre  des  deux  rivieres  ci-dessus  mentionnees,  la 
Dualla  et  la  Qua-Qua  ,  plusieurs  criques  se  d^chargenl 
aussidans  ce  bassin;  ce  sont  celles  nommeesBomano, 
Mongo  et  Bimbia ,  qui  viennent  principalement  des 
bautes  montagnes  qui  bordent  ce  bassin  a  I'ouest. 

A  rexceplion  d'un  seul  jeune  bomme  qui  ne  parlait 
que  par  oui-diro  ,  tous  les  principaux  conmaercanls  de 
ce  pays  m'ont  assure  qu'il  n'y  avait  pas  de  communi- 
«'alion  ]iar  eau  du  Cameroons  au  Rio  del  Rey  ou  riviere 
Uumby  ;  I'cau  ,  suivanl  lour  temoignage  constant,  s'ar- 
rete  a  Balung ,  a  30  milles  environ  au-dcssus  dc  la  ri- 
viere Bimbia,  oil  Ton  rencontre  de  bautes  montagnes, 
desrocbers  et  dessources.  II  v  a  beaucoup  d'(^lephants 
dans  les  bois.  Les  babilants  dc  Mong«)  ol  dc  Babing  tra- 


(  127  ) 

vprsent  les  monlagnes,  et  vont  par  Ekombach  et  Ebon- 
jeh  a  Balondo  siir  la  riviere  de  Rumby;  ou,  en  prenant 
une  auire  route.  d'Ebonjeh  a  Bamboko ,  situee  au 
pied  de  la  montagne  du  cote  de  I'ouest.  Les  communi- 
cations sont  aureste  tr^s  dlfficiles  enraison  dela  nature 
montueuse  et  boisoe  du  pays  qu'on  traverse;  il  doit  elre 
6leve ,  car  on  dit  qu'il  est  froid.  La  riviere  Rumby  se 
termine  ,  dit-on  ,  a  Balondo. 

Quoique  M.  Lilley ,  commercant  anglais  qui  residait 
la  depuis  dix  ans,  me  dit  que  la  riviere  Cameroons  6tait 
tres  saine ,  cependant  quelques  symptomes  de  fi^vre 
s'etant  montres  u  bord  du  W iJbeJ force ,  je  me  hatai 
de  me  rendre  dans  la  baie  d'Amboises ,  ou  ils  dispa- 
rurent  bientot ;  nous  trouvions  aussi  I'avantage  de 
pouvoir  nous  y  procurer  des  provisions  fraiches,  que 
nous  n'aurions  pu  avoir  ni  a  Cameroons  ni  a  Fer- 
nando-Po.  Les  instructions  de  I'amiraute  et  I'opinion 
favorable  que  javais  de  la  salubrite  de  cette  baie 
m'engagerent  a  I'examiner  avec  soin. 

Elle  est  situee  a  la  base  d'une  montagne  haute  de 
13,000  pieds  (3,962"'),  qui  porte  sur  les  cartes  lo  nom 
de  mont  Cameroons,  maisquo  M.  John  Grazilhier,  qui 
fit  un  voyage  au  vieux  Kalebar  en  1699  (1),  dit  elre 
appelee  par  les  Portugais  Tierra  Alia  de  Ambozes.  Les 
ilos  qui  se  trouvent  dans  cette  baie  sont  nommees  , 
dit-il ,  par  les  Portugais,  Ambozes;  par  les  Anglais, 
Arnboises,  et  par  les  Francais,  Amboizes.  Le  seul 
nom  auquel  j'aie  trouv^  quoique  ressemblance  avec 
ccux-ci  sont  celui  de  Ambas  ou  Dameh ,  que  les  natu- 
rels  donnent  a  Tile  exterieure. 

La  partie  la  phis  elevee  de  la  montagne  est  appel^c 

(l)  A^lliy  V()Yn{;p>,  \n\.  ill,  |):ij;('  i  ii). 


(128) 

par  les  natui'cls  Mongo  ma  Lobah ,  mais  la  partie  qui  se 
trouve  en  dedans  du  cote  do  la  terre  est  nommde  Mo- 
kolima  Pako.  Ln  pic  isole ,  situe  aupr^s  de  la  baie  et 
haul  d'environ  5,000pieds  (l,52/io>),  se nomme Mongo 
m'Etindeli.  Quoiqu'a  quelque  distance  cctte  belle 
raonlagne  paraisse  s'elever  en  pentc  continue  depuis 
la  incr,  cependant  quand  on  la  voit  de  plus  [)r6s  on 
aper^oit  qu'elle  est  forin^e  par  une  succession  de 
collines  ct  des  vallees  interm^diaires  dont  le  sol  est 
tr^s  riche;  ces  collines  sent  couvcrtes  jusqu'aux  deux 
tiers  de  la  hauteur  de  magnifiques  arbres  forestiers, 
le  surplus  est  couvert  d'herbes  qui  deviennent  de  plus 
en  plus  rares  en  s'approchant  du  sommet,  ainsi  que 
I'indique  la  couleur  rougc-brun  descendresvolcaniques 
qu'on  reuiarque  aupr^s  du  sommet.  L'origine  volca- 
nique  de  toute  celte  conlree  est  fortement  indiqut^e  par 
les  scories  et  les  nombreuses  coulees  do  laves  qui  at- 
teignent jusqu'a  lamer. 

D'apr^s  r^tat  actuel  de  la  surface,  il  doit  s'6tre 
6coul6  de  nombreuses  ann6es  depuis  que  ce  pays  est 
en  ropos,  quoiqu'il  y  ait  lieu  de  penser  qu'il  laisse 
apcrcevoir  quelquefois  lesfeux  qu'il  renferme.  M.  Lilloy 
m'assura  qu'il  avait  vu  des  flammes  aupres  du  som- 
met; mais  cela  pouvait  provenir  de  I'babitude  qu'ont 
les  habitants  de  mcttre  le  feu  aux  herbos,  dans  la  sai- 
son  sechc,  pour  chasser  les  animaux  sauvages  ;  copen- 
danl  plusicurs  des  princlpaux  habitants  de  Bimbia  me 
d^clarerent  qu'environ  trois  ans  avant  mon  arrivee , 
c'est-a-dire  en  1838,  «  le  feu  Otait  sorti  de  terre ;  »  et 
ils  disaient  :  «  C'cstDicu  qui  I'a  fait;  »  (^tablissant  par 
la  une  distinction  avoc  ce  qui  elait  produit  par  la  com- 
bustion des  herbes.  '<  Ils  I'avaienttous  vu  ;  vt  a  Mongo, 
ils  avaient  scnti  la  lent'  Irnnblor  comnH*  im  bateau  a 


(  129  ) 

vapeur.  Le  peuple  craignait  de  p6rir.  »  Ce  Fait  reuni 
avec  le  noni  rle  la  montagne  :  —  Mongo  inn  Lohah , 
montagne  de  Dieu ,  —  peut  faire  supposer  qu'on  re- 
trouve  la  le  Chariot  des  Dieux,  d'Hannon  le  Carthagi- 
nois.  II  dlt  en  edet :  «  Nous  decouvrimes  a  la  nuit  une 
contiee  pleine  do  foux  ;  dansle  milieu  etait  un  feutres 
^lev^,  plus  grand  que  le  reste ,  et  qui  semblait  toucher 
les  etoiles.  Lorsquele  jour  vint,  nous  decouvrimes  que 
e'etait  une  grande  montagne,  nomm^e  le  Chariot  des 
Dieux.  )) 

Si  on  en  juge  paries  fumees  qui  s'elevaient  de  beau- 
coup  de  points,  jusqu'a  une  grande  hauteur  sur  la  mon- 
tagne, la  population  doit  etre  nombreuse.  An  bord  de 
la  mer ,  il  y  avait  un  grand  nombre  de  villages ,  dont 
j'ai  visito  plusieurs.  Quoique  Grazilhier  disc  d'eux  quo 
ce  sont  los  plus  mediants  noirs  de  toute  la  Guinee  ,  je 
les  ai  cependant  trouves  civils.  lis  faisaient  autrefois  le 
commerce  des  esclaves  avec  les  Hollandais ;  aujour- 
d'hui  ils  n'ont  de  relations  qu'avec  les  peuplcs  'de 
Bimbia. 

La  base  de  la  montagne,  a  I'O.  de  Mongo  m'Etindeh, 
est  appoleo  Bamboko  ;  la  partie  au  S.  de  Bakwdoh  et 
derrlerc  Bimbia,  a  I'E.  de  la  montagne,  so  nomme  Ba- 
tongo. 

A  Bimbia,  il  y  a  de  nombreux  villages,  batis  sur  un 
bel  amphitheatre ,  dont  le  fond  est  forme  de  roches. 
L'entr^e  de  la  i-iviere  est  abi'itee  par  une  petite  ilo,  et 
presente  un  excellent  mo uillage  pour  les  batiments  qui 
font  le  commerce  de  I'huile  de  palme ;  mais  il  y  fait 
tres  chaud ,  et  le  vent  de  terre  souffle  par-dessus  des 
marais.  Les  habitants  recueillent  I'huile  de  palme  avec 
l)eaucoup  d'activit^  ;  ilsmedirent  qu'ils  en  avaient  une 
grande  quanlite  et  qu'ils  attendaiont  avec  impatience 
I.    fAvrier.    4.  s) 


(   130   ) 

(jiielques  marcliands  blancs  pour  Ja  lour  vcndro.  lis 
sont ,  ainsi  quo  les  habitants  dos  iles  do  la  baic,  dc  la 
nation  Dualia;  landis  quo  coux  qui  sont  an  bas  do  la 
montagnc  sont  d  une  autre  race,  et  sont  connus  par 
lours  voisins  plus  civilises  sous  le  nom  d'bonimos  des 
bois. 

11  )  a  dans  la  baie  d'Amboises  trois  petilos  ilos  dont 
Tetendue  et  la  fertility  sont  en  raison  inverse  do  la  po- 
pulation. La  plus  grande,  Mondoleh,  qui  a  l/2niille  do 
long  seulement,  est  situiSjc  dans  la  partio  S.-E.  de  la 
baie;  elle  est  haute  ot  rocheuse;  mais  son  sommet  est  de 
niveau,  et  le  sol,  forme  do  basalte  decompose,  est  d'uno 
rlohessc  admirable ;  ses  flancs  abruptes  sont  couverls 
de  tres  beaux  bois.  II  ne  se  trouvc  maintonant  sur  cette 
lie  que  dix  hommes  avee  leurs  families,  quoique ,  si 
elle  6tait  bien  cultivi^e,  elle  pourrait  on  nourrir  cinq 
fois  autant.  On  y  rencontre  a  mi-hauteur  de  la  cote 
trois  ou  quatre  sources  d'eau  qui  ,  quoique  faiblos , 
conlent  n^anmoins  toujours ,  a  ce  que  Ton  dit.  Le 
point  oil  Ion  debarque  est  mauvais,  mais  on  pourrait 
lamoliorer. 

L'ile  extericure ,  Dameh  ou  Ambas ,  est  petite  et 
presque  entierement  arido  ;  les  pontes  do  rochcs  et  les 
sommots  sont  converts  do  broussaillos  ot  de  gazons.  Ce 
n'est  en  realite  qu'une  6troite  bande  derochos,  6levee 
a  son  extremitc^  exterieure.  Mais  quoique  la  nature 
ne  leur  fournisse  aucun  moyen  de  subsistance,  cepen- 
dant  3  ou  400  personnes  y  ont  fixe  lour  demeure. 
Eiles  echangent  avee  les  habitants  du  continent  les 
produits  abondants  de  la  mer  contre  des  plantains  et 
des  vams.  Ellos  ont  aussi  un  bon  nombrc  de  chevros 
ot  de  cochons  qui  paissont  sur  les  cotes  escarp^es  do 
i'do.  Le  soul  |ioint  (\c  I'ilo  oil  los  canots  puissont  accos- 


I 


(  131   ) 

t(M'  est  (lilllcile,  a  cause  des  rochcrs  ardus  ot  de  la  houle 
continuelle.  On  pounait  cepcndant  ,  sans  beaucoup 
de  peine,  y  etablir  iine  jetee.  Si  je  ne  me  trompe,  il 
V  a  pen  de  sources  dansl'lle,  et  elles  etaient  a  sec  lors- 
quc  je  les  vis  :  c'est  pourquoi  les  habitants  sont  obli- 
ges de  recueillir  I'eau  de  pluie,  et  dans  la  saison  seche 
ils  doivent  en  aller  clierclier  sur  le  continent. 

L'ile  Bobia  ,  appelec  aussi  ile  Pirate,  a  cause  des 
pi'6tendues  dispositions  naturelles  des  habitants,  est 
plus  aride  encore  que  I'lle  Dameh.  Elle  paralt  etre 
le  reste  d'une  plus  grande  ile,  et  les  nombreux  frag- 
ments detaches  ct  battus  par  la  mer  qui  sont  autour 
d'elle  prouvent  cpi'elle  a  ete  autrefois  beaucoup  plus 
etendue. 

II  est  probable  quelle  ctait  jadis  unie  au  continent  ; 
la  structure  des  falaises  a  pic  qui  se  trouvent  vis-a-vis, 
et  qui  n'en  sont  separees  que  par  un  canal  ^troit  et 
peu  profond,  le  temoigne   assez.   Ce  promontoii^e    a 
meme    du  s'etendre   jusqu'a  Dameh,   cjui  est   sur  la. 
mfime  ligne.  La  destruction  de  cette  cote  continue  en- 
core ,  ainsi  qu'on  le  voit  par  d'cnormes  fragments  de 
rochers  qui  se  trouvent  a  la  pointe  N.  de  l'ile,  et  que 
je  crois   s'etre  detaches  depuis  ma  visite,   en   1833. 
Quoique  cette  ile  soit  beaucoup  plus  petite  que  les  deux 
autres  ,  sa  population  est  nombreuse.    Chaque  point 
de  sa  surface  inegale  ou  il  a  ete  possible  d'etablir  une 
cabane,  en  porte  une.  Elle  est  a  pic  de  tous  les  cotes  , 
et  on  ne  pent  arriver  au  sommet  qu'en  escaladant  ce 
qui  parait  etre  une  espece  de  jetee   de  basalte  :  c'est 
un  passage  effrayant,  oil  on  ne  pent  aller  que  un  a  un 
et  qu'un  enfant  pourrait  d^fendre.  Les  habitants  doi- 
vent probablement  a  leur  position  inexpugnable  la  re- 
putation qu'ils  ont  parmi  lours  voisins.  Leiu-  aspect  est 


(  132  ) 

ftToce,  quoique  leur  caractero  soil  froid  ;  je  n'ai  jamais 

entendu  citer  de  leur  part  un  fait  authcntlque  dc  pira- 

terie  a  proprement  parler.  Leur  position   a  probable- 

incnt  produit  en  eux  un  esprit  dindependance  et  la 

determination    de  resistor  a  roi)pression.  Le  chef  dc 

Bimbia   se  plaignait  a  moi  qu'ils  ne  ^  oulaient  pas  re- 

connaitre   son  autorit^,  ni  satisfaii'c  a  des  demandes 

que  je  ne  trouvais  pas,  en  elTet,  aussi  justes  qu'il  Icpre- 

tendait.  Ces  insulaires  sont  les  principaux  peclieurs  de 

la  baie ,  et  dans  le  beau  temps  elle  est  couverte  de  leurs 

canots ;  c'est  ce  qui  les  met  a  meme  d'obtenir  sur  le 

continent  les  oLjots  et  les  provisions  dont  ils  ont  bo- 

soin. 

Lemouillage  est  excellent  dails  toutes  les  parties  de 
la  baie ,  tant  sous  le  rapport  de  la  qualite  du  fond 
que  de  la  profondcur ;  et  quoique  la  cote  ne  soil  pas 
abrit^e  et  qu'il  y  ait  une  houle  continuelle  ,  je  ne  crois 
pas  que  le  vent  soit  jamais  asscz  fort  pour  mettre  un 
batinient  en  danger ,  et  le  debarquement  est  moins 
mauvais  que  celui  de  I'Ascension.  Les  vents  les  plus 
frequents  sont  ccux  du  S.-O.,  auxquels  la  baie  est  en- 
tiercmont  ouvertc.  Les  mois  les  plus  mauvais  sont,  je 
crois,  julllot  et  aout;  mais  on  s'abrite  alors  dei'riere 
I'ile  Mondoleli.  Le  bois,  les  vegetaux  et  les  vivres  s'y 
trouvent  en  abondance,  et  ces  derniers  au  quart  du 
prix  qu'on  est  oblige  de  les  payer  a  FeiTiando-Po.  On 
peut  avoir  de  I'eau  excellente  aupres  de  Kieh,  mais 
seulemcnt  de  mer  basse ,  attendu  qu'elle  sort  au  pied 
d'un  roclier;  mais  en  creusant  au-dessusde  la  marque 
de  haute  mer,  on  peut  obtenir  une  aiguade  tr^s  com- 
mode. Le  d^savantage  que  prd'sente  cette  cote,  oppo- 
see  aux  vents,  est  grandement  compense  par  la  purete 
dr-   l;i  briso  de  mrr  qui  passe  pnr-dessus  rAtlantique, 


(  133  ) 
La  cote,  dansles  environs,  n'a  ni  mangliers  ni  marais, 
et  comme  le  vent  de  terre  passe  par-desssus  de  bautcs 
montagnes,  il  est  frold  et  rafraichissant.  Je  pense  que  la 
bale  d'Amboises  est  la  position  la  plus  saine  de  la  cote 
d'Afrique.  Quoiquenous  nousy  soyonstrouv^s  pendant 
la  saison  pluvieuse,  nous  avons  eu  rarement  plus  d'un 
orage  ou  d'un  tornado  en  24  lieures.  Le  reste  du  jour, 
le  temps  «!!tait  tres  beau,  et  nous  avons  6te  plusieurs 
jours  sans  pluie. 


Note  sur  /a  culture  des  limoniers  aux  lords  du  [ai- 
de Garda; 

Par  M.le  baton  ROGER. 


Le  lac  de  Garda  est  situe  entre  les  trois  provinces  de 
Verone  ,  de  Mantoue  et  de  Brescia;  il  touclie  au  Tyiol 
par  le  cercle  de  Rovoredo.  Sa  longueur  de  Riva,  au 
N.-N.-E. ,  vers  Pescblera,  au  S.-S.-O.,  est  de  Z|8  kilome- 
tres. Sa  profondeur  varie  beaucoup ;  dans  quelqaes 
parties  elle  atteint  prtis  de  300  metres.  Ses  eaux ,  d'une 
grande  purete  ,  d'une  admirable  transparence ,  nouris- 
sent  une  immense  quantity  d'excellents  polssons ,  ob- 
jet  d'un  commerce  consid«^rable.  La  navigation,  tres 
active,  n'y  est  pas  sans  quelqae  danger,  par  suite  de 
riiregularito  des  vents  et  de  leurs  changements  su- 
bits. 

Dans  sa  partie  meridionale  ,  vers  Desenzano  et  Pes- 
cbiera ,  le  lac  a  pres  de  16  kilometres  de  largeur  ;  au- 
tour  de  cette  vaste  et  belle  masse  d'eau,  les  sites  sent 
pen  accidentes;  les  terrains,  assez  verdoyants,  sont  bos  et 


(  m  ) 

monotones;  les  cultures  n'ollrent  rien  dc  icniarqua- 
ble.  Mais  bientot,  en  remontant  Ic  lac  x'rs  le  nortl  , 
Ics  rives  s'elevent  rapidenient ;  il  n'y  a  plus  guere  de 
place  pour  les  champs  cultives  :  des  coteaux  denudes. 
puis  aussitot  de  verltables  montagnes  herissees,  abrup- 
tes  ,  s'avancent,  s'etablisscnt  jusque  dans  les  eaux 
memes  du  lac ,  qui  va  toujours  en  se  retr^cissant  jus- 
qu'a  son  extremity  ;  de  grands  amoncellemenfs  de  ro- 
cliers  crevasses et  susj^endus  send)lent,  paries  traces  de 
leurs  pr^cedentes  erosions,  menaces,  a  chaque  instant, 
de  nouveaux  ct  formidables  dechirements.  Cette  na- 
ture apre  ,  sauvage  ,  presente  au  navigaleur  des  aspects 
tr^s  pittoresques  el  des  plus  imposants. 

Mais  I'ceil  de  I'c'tranger  en  est  distrait  par  un  spec- 
tacle assez  bizarre,   et  qu'on  ne  s'explique  pas  bien. 
Au  pied  des  rocliers  exposes  au  solcil ,  partout  oii  une 
plage   plus    on   moiiis   etroitc  ,    partout  oil   des  restes 
d'eboulements  ont  permis  d'etablir  des  habitations  ou 
des  cultures ,  on  voit  sc  dresser  verticalement  dans  la 
verdure  une  iacroyablo  quanlite  deligncsblancbes,dont 
on  ne  comprend  d'abord  ni  la  nature  ni  ladestination. 
De  loin,  relVet  est  presque  celui  d'innombrables  pieces 
de  toile  qui  seraient  etcndues  sur  les  pres  d'une  blan- 
chisscrie.  Lorsqu'on  s'approche,  on  reconnait  que  ce 
sont  autant  de  piliei's  ou  poteaiix  en  ma^onncric,  con- 
struits  devant  des  rangees  d'arbres  de  mediocres  di- 
mensions. Ces  arbres  sonl    des   limoniors.  Ces  piliers 
sont  destines  a  supporter  des  abris  en  planches  etquel- 
quefois  en  tuiles  ,  a  I'aide  d(>squels  on  recouvre  les  li- 
moniers   pour  les  preserver ,  I'hiver,  des  rigueurs  du 
climat.  En  elTet ,  dans  cette  saison  ,  le  froid  \  est  sou- 
vent  assez  vif,  tandis  que,  durant  I'f^te ,  au  long  de  ces 
hautes  murailles  naturelles  ,   la  chaleur  est  extr^me- 
ment  ardentc. 


(  135  ) 

Les  liinonicrs  sunt  plantt^s  en  llgiic,  a  3  ou  k  lucUos 
de  distance  les  uns  des  aulros;  ilsne  dej)assent  gu^re, 
en  hauteur,  7  a  8  metres.  La  tcrre  est  solgneusenient 
cultiv^e  ct  amendee.  Entre  deux  arljres  ,  un  pen  on 
avant  et  en  ari'iere ,  est  constrult  un  pilier  en  niaron- 
nerie  qui  supporte,  pendant  I'liiver,  une  esp6ce  de  toi- 
ture  mobile  etunabri  en  planches  ducotedu  nord.  Ces 
precautions,  dont  il  ne  reste  pas  de  traces  dans  la  belle 
saison,  suilisentpour  garantirdu  froidlesliaioniers,  qui 
reprennent  ensuite  une  vigoureusc  v(5;getation.  Je  les  ai 
vus.au  mois  d'aout, converts  d'une  prodigieuse  quantite 
de  flours  ot  de  fruits.  Comme  lesteiTains  sont  presque 
toujours  en  pcnte  ,  derri^rc  une  rangee  d'arbres  ,  il  en 
existe  ordinairement  plusieurs  auti^es ,  et  toutes  sont 
separees  entro  elles  par  autant  de  rangees  do  pi- 
liers  ou  de  supports :  c'est  ce  qui  produit  le  singulier 
elFet  dont  les  etrangers  sont  si  fort  etonnf^s  a  la  pre- 
miere vue.  Du  reste  ,  ces  arbres,  abrites  une  partie  de 
I'annee,  sont  presque  les  seuls  qu'on  trouve  snr  les 
bords  du  lac,  si  ce  n'est  des  oliviers  qui  croissent  ^a  et 
la  entre  des  rochers ,  lorsque  la  pluic  ou  la  main  de 
Thomme  y  a  accumule  assez  de  terro. 

Dans  los  localitesqui  se  trouvcnt  aux  expositions  le 
moins  favorables  ,  comme,  par  exemple  ,  vers  I'extre- 
mit^  du  lac  ,  aux  environs  de  la  petite  ville  dc  fl/Va  , 
j  ai  vu  des  rangees  de  limoniers  plantes  dans  des  espe- 
ces  d'encaissements  en  murs  qui  ne  s'^event  que  tres 
])eu  au-dessus  du  sol,  et  qui  concourent,  avec  lespiliers 
ordinaires ,  a  recevoir  des  abris  plus  complets  pour 
mieux  garaintir  les  arbreS  contre  le  froid.  Au  moyen 
de  cette  disposition  un  pen  plus  compliqutJse ,  on  entre- 
ticnt  la  quelques  orangers  aussi  bien  que  des  limoniers. 
(.oiuinc  la  torro  so  soniil  ainsi  j)romptement  (ipuisee  ^ 


f  136  ) 

noa  SLulciiienl  uii  a  boia  dc  laaicador,  aiaisencoru  on 
la  renouvolle  on  partie  tous  Ics  trois  ou  quatre  ans. 

Quoique  artificlellc  a  quolques  egards ,  I'etrange 
culture  que  je  decris  n'cst  pas  exceptionnelie  et,  pour 
ainsi  dire,  de  luxe,  commc  on  pourralt  lecroire;  c'cst, 
au  contraire  ,  la  culture  la  plus  ordinaire  et  presquc  la 
seule  sur  une  partie  des  bords  du  lac.  Tous  les  ter- 
rains susceptibles  de  recevoir  celte  destination  sont 
avideniment  recherch6s  et  soigneuscnient  convertis 
enjan/iNs  de  liinons ,  ainsi  qu'on  les  appelle  dans  le 
pays.  Quclles  que  soient  les  depenses  que  ce  precede 
necessite  ,  les  avantages  en  sont  trc^s  considerables.  On 
lvalue  a  plus  de  100,000  le  nonibre  de  ces  arbres,  et 
I  cur  prodiiil  ])i'ul  a  pres  d'un  million  de  francs. 

Le  lac  de  Garda  fournit  des  Unions ,  en  immenses 
quantit^s,  a  Milan  et  dans  loute  I'ltalie  septentrionale, 
ou  il  s'en  fait  une  prodigieusc  consommalion.  Le  Ty- 
rol ,  Vienne  et  une  partie  de  rAllemagne  tirent  de  la 
tout  leur  approvisionnenient ;  c'est ,  en  un  mot ,  pour 
cette  contree  un  objcl  do  production  et  de  coiumerce 
d'une  importance  majeure. 

En  I'^rance ,  a  Ilyei-es,  a  Grasse,  les  citronniers  et 
surloiit  les  orangers  donncnt  des  fruits  sans  qu'il  soit 
besoin  d'employer  les  moyens  preservatifs  usites  au 
lac  de  Garda;  mais  les  localiles  qui  jouissent  de  ce  pr6- 
cieux  avantage  sont  fort  rares.  Pourquoi  les  precedes 
dont  jc  viens  de  rendre  compte  ne  seraient-ils  pas 
mis  en  usage  avec  succes  sur  quelqucs  points  de  nos 
departements  meridionaux  ou,  pour  coaserver  des 
plantations  de  citronniers  et  d'orangers ,  il  suffirait 
de  les  preserver  du  froid  pendant  quelques  saois  chaque 
annee?  Ces  arbres  y  seralent  d'un  bon  rapport,  car 
leurs  friills  se  vendraient  a  un  prix  plus  cl(\r  (|u'en 
Italic,  .le   arcstiinerais  heureux  (I'aNoii     pa  provcxpier 


( IS" ) 

des  essais  qui  coiistateraient  peut-ulre  la  possibilite  de 
dolci-  notre  pays  d'uiie  nouvoilo  brancUc  d'hidustrie 
agricole. 

Si  cette  culture  ne  reussissait  pas  asscz  complete- 
ment  pour  couvrir  ses  frais,  ct  pour  donner  les  memes 
benefices  qu'au  lac  de  Garda ,  au  moins  pourrait-elle 
etre  pratiquee  avec  succ^s  dans  les  jardins  ,  connne 
objet  de  luxe  et  d'agrement.  Enclioisissant  des  exposi- 
tions abritees  et  tres  chaudes ,  en  preservant  du  froid 
les  plantations  avec  plus  de  soins  encore  qu'a  Puvn  , 
en  cliaulTant,  s'il  en  etait  bosoin ,  en  creant  enfm  des 
orangeries  avec  des  chassis  de  fer  etdes  vitres  ,  on  par- 
viendrait  a  conserver,  meme  dans  le  voisinage  de  Pa- 
ris, des  orangers  et  des  citronniers  qui,  pendant I'ete, 
se  trouveraient  en  pleine  terre  et  en  plein  air.  C 'est  par 
un  proc^d^  analogue  que  Ton  entretient  les  espaliers 
d'orangers  dans  une  partie  de  I'ltalie  septentrionale  , 
notamment  auxiles  Borromee  et  aux  jardins  de  Monza. 
Dans  ces  jardins  il  existe  aussi  des  orangers,  qui  sont 
rentres  dans  des  serres  durant  la  saison  froide  :  lors- 
qu'on  les  met  dehors ,  lours  caisses  sont  enfonc^es  et 
entierement  cachees  sous  la  terre.  Ces  arbres  decorent 
ainsi  les  parterres  dime  I'acon  tres  agreabie ,  sans 
qu'on  apercjoive  rien  de  lour  culture  artificielle.  I  ne 
telle  disposition  merite  d'etre  imitee. 

Je  ci'ois,  pour  lennincr,  devoir  rectilier  une  erreur 
que  reproduisent  tous  les  livrcs  qui  traitent  de  la  geo- 
graphie  du  lac  de  Garda  :  a  les  en  croire  ,  les  rives  de 
ce  lac  sontpeupl^os  dedeliricux  hois  d'oi'angcrs  ,  c'est 
surtout  ce  qui  ni'y  avait  attire.  Mais  la  verite  est  que 
ces  sortes  d'arbres  n'oxistent  absohuncnt  qu<>  dans  les 
jdirlins  (Ic  linions  (pic  j'ai  decrits.   11s  ne  jiounaionl  re- 


(  138  ) 
sister  aux  rigueurs  du  cliinat ,  sans  les  artiliccs  el   los 
soins  (lont  est  I'objet  cettc  Interessante  culluro  (1). 


NOTE 

surles  crues  prematurees  du  Nil  en  1S/|H. 

On  a  lu  dans  Ic  N°  114  du  Bulletin  unc  note  sur  uno 
crue  preinatur6e  observee  dans  le  Nil,  au  Cairo  ,  au 
commencement  de  mai  1843.  Les  habitants  assuraicnl 
n'en  avoir  jamais  vu  d'exemple  a  cettc  cpoque  de  I'an- 
nee.  L'accroissement  qui  eut  lieu  alors  en  trois  jours 
tut  de  plus  de  7  k\rat  ou  doigts  ou  0"',22  (2).  Lne 
autre  circonstance  remarquable  est  que  les  eaux  de 
cette  crue  extraordinaire  n'etaient  pas  vei'tcs ,  comme 
le  sont  habitucUement  les  premieres  crues  regulieres : 
ce  fait  a  paru  presque  aussi  surprenant  aux  hcdjitants 
du  Caire  que  l'accroissement  lui-meme. 

A}  ant  demande  de  plus  aniples  details  a  la  personne 
qui  m'avait  donne  la  premiere  information  ,  M.  le  D' 
Chedurau,  cl  en  aieme  temps  a  M.  le  D'^   Perron  ,  di- 

(l;  l';ir  ime  exn;;(M;iliiiii  lout  (jjiposi'i:  .  .1  Iimijjlt,  dans  son  -Ijii- 
iiiltiiie  du  royaiiine  loitihurdo-veiAlien  ,  ouviiijjo  (racluit  par  .M.  Vir- 
t  ir  licntiu  ,  preleiiil  que  <;etie  culliiie  ne  pent  i-ionpHiitr  sur  les  bonis 
rlu  iac  do  (rarda  qn'au  niojen  de  veiilal)li!S  serrcs  eulii-retiient  tloscs  \ 
l.iiidis  iju'il  ii'y  existe,  cii  {jcucral  ,  (jue  dcs  ahiis  iiiohdcs  ,  Il'jjcis  ct 
Irt-s  iiicoinplets.  I'ar  une  seconde  crrmir,  \\  suppose  loujours  qu'il 
s'agit  d'oraiigers  ;  ccs  arbres,  au  coiitrain' ,  y  sont  asscz  raies,  tt  la 
cidture  s'appiifpie  presque  exclusivenieul  aux  linioniirs. 

(2)  La  couilee  a  ei(^  evalut'e,  selou  .N{.  I'cnoii,  au  biiKaii  des  ira- 
vaux  publics,  a  o'",]75,  noiubre  rond,  ahsliaction  faite  tie  (juelijiies 
)iillliindlics.  Lnrs  de  rexpcdilion  d  l'2{;yplu,  la  coudce  vuljjaiie  legale, 
i\ It i;  (Iran  (iiXi  pjk-bt'lailj),  a  ete  iiiesuieo  sur  U\  pied  de  o'",/!";),  (I 
iiiiu   o'","/)  ,  fliilfi'cs  ou  ji'  soupconnr  unc  lrans|iiisitiiiii. 


(  139  ) 

recteur  de  I'ecole  mt^sdicale  duCaire,  j'ai  recii  ua  com- 
plement d'observations  qui  mc  paiait  dlii;iu;  d'etre 
connu.  La  marclie  de  la  crue  ,  cette  annec  ,  a  etti  en- 
core plus  anormale  qu'on  ne  le  croyait;  en  outre  de  la 
crue  precoce  du  5  au  6  inai ,  il  y  en  a  eu  deux  autres , 
I'une  auparavant,  le  14  fevrier,  et  lautre  ensuite ,  le 
11  juln.  Onsaitque  cen'estguere  que  dans  le  commen- 
cement du  mois  de  juillet  que  la  crue  so  fait  sentir  au 
Caire. 

M.  le  D"  Perron  a  forme  un  tableau  ,  jour  par  jour, 
de  r^tat  du  fleuve,  rapport^  aux  trois  calendrlers  ,  eu- 
rop6en,  copte  etarabe,  comprenant  vlngt-quatre  jours, 
du  7  juillet  au  30.  J'en  ai  rccu  un  de  M.  (Ihedulau  , 
commencant  au  29  join,  fmissatit  au  l/i  juillet.  J'ai 
form^  de  I'un  et  de  I'autre  un  tableau  general  ,  com- 
plete jusqu'au  5  aoiit  ,  et  precede  de  dix-neuf  jours 
d'observation  remontant  au  III  fevrier.  Mais  comme 
ce  tableau  general  est  trop  etendu  jKJur  entrer  dans  lo 
Bulletin ,  je  me  bornerai  a  en  resuiner  les  resultats. 
Ce  tableau  presente  le  niveau  du  Nil  en  18Z|3  ,  com- 
part au  niveau  en  1842.  On  voit  d'abord  quo,  constam- 
ment,  il  aete  plus  olove  de  2  coudees  18  doigts  au  mini- 
mum qu'en  1842,  ot  de  4  coudeeslO  doigts  au  maximum, 
excedant  consideraI:)lo.  La  bauteur  absoluo  du  Ml  a  ete 
de  8  coudees  17  doigts  au  luinimium,  le  l"'  juillet  , 
et  de  12  coudees  12  doigts  (12  •.  1/2)  le  30  juillet.  J(! 
vais  extraire  maintenant  do  la  loitre  (!>  M.  lo  D' 
Perron  (1)  les  notes  authentiques  qu'il  a  rocuoillies 
d'apr^s  les  registres  du  cheykh  Aly-el-Mounady  ,  c'est- 
a  dire  le  crieur.  Ci'est  ce  personnage  qui  a  sous  son  au" 
torit^  les  crieurs  du  Cairo  ,  charg(^s  d'annoncor,  cha- 
que  matin  ,  1  etat  du  (leuvo  dans  los  dl\ors  quailiors  de 

fl)  S.lill   c|iirli|iir.    1  (Il  ilii-.ilifiii^   Av   (l.ilc  nric-Haii  r-i. 


[  uo ) 

la  vlUe.  Cette  criee  solennelle  a  lieu  tous  les  jours  tle- 
puis  Ic  moment  du  tioctdh  (  la  goutto  ). 

JoMAUD. 

Extrait  de  la  lettre  de  M.  Ic  D"^  Pi:rko\. 

»( Le  mardi  14  Moliarrem  1259  (  correspondant 

»  au  8  Emchyr,  mois  copte ,  annce  1559,  et  au  14  f6- 
))  vi'ier  1843  )  ,  le  Nil,  dont  la  profondeur  des  oaux  au 
»  Mekyas  etait  de  12  coudees,  s'accrut  de  2  kyrat  ,  ou 
»  un  12«  de  coudee  (  0"',0625  ). 

))  Les  eaux  du  fleuve  diminuerent  cnsuite  ,  et  le  10 
»  Reby-el-Tliany  suivant  (jeudi  10  mai  1843  ,  et  3  Be- 
))  clicns  ,  mois  copte,  1559)  le  niveau  du  .Nil  etait, 
))  mesure  du  Mekyas  ,  descendu  a  8  coudees  9  kyrat. 
))  Le  11  Reby-el-Tliany  (11  mai  ou  4  Becliens)  ,  les 
))  eauxcrurent  de  2  kyrat,  et  le  niveau  se  -trouva  etre  a 
»  8  coudees  11  kyrat.  La  crue  se  continua  encore  pen- 
»  dant  deux  jours  ,  et  les  eaux  s'elev6rent  on  lonl  de 
))  7  k\rat  et  une  fraction,  ce  qui  represente  au  moins 
»  0",22;  le  Nil  se  trouva  alors  a  8  coudees  16  kyrat  et 
))  imc  fraction 

))  Apres  la  crue  du  mois  de  mai,  le  ileuvc,  porte  a  8 
))  coudees,  resta  sansmouvementde  hausseetde  haisse 
»  jusqu'au  dimanclie  12  Djemady-el-Awel  1259  (  cor- 
))  respondant  au  10  juin  1843  ,  et  au  4  Baounah,  mois 
»  copte )  ;  mais  le  lendemain  13  Djemady-el-Awel 
))  ( 11  juin  ) ,  il  etait  accru  de  4  kyrat;  le  14  Djcmady  , 
))  il  etait  encore  accru  de  5  kyrat ;  le  15  ,  de  4  autres 
»  kyr&t;  le  16  (14  juin)  de  2  kyriit  ;  le  17  ,  de  1  kyrat 
))  encore;  le  samedi  18  (16  juin),  de  1  kjrat;  et  enfm 
»  dans  la  nuit  du  samedi  18  Djemady-el-AAvel  au  di- 
»  manche  19 ,  qui  etait  la  luiit  du  noctnh ,  il  y  cut  en- 
»  core  une  auji,nicntation  de  1  kyrat.  (les  crucs  succes- 


(  141  ) 
))  sivcs  ,  non  interrompues  pendant  sept  jours  de  suite, 
))  mais  avec   des  variations  de    quantite ,    amen^renl 
»  une  masse    d'eau    de   18  kyrat  d'epaisseur,    ce  qui 
))  porta  la  prol'ondeur  des  eaux  a  9  coud^es  10  kyrat. 

))  A  com])tev  du  21  l)jcniady-el-A\vel,  surlende- 
»  main  du  iiuctali  ,  le  llcuve  decrut  peu  a  peu  jusqu'a 
))  ce  qui!  eut  perdu  une  nappe  d'eau  de  12  kyrat  d'e- 
))  paisscur  ,  et  il  en  resta  la,  c'est-a-dii'e  a  8  coudees 
1)  22  kyrat.  Toutelois,  les  premieres  diminutions,  cellcs 
))  qui  se  succdderent  sans  interruption  ,  n'apportferent 
»  une  perte  que  de  10  kyrat;  les  deux  autres  kyrat  fu- 
»  rent  perdus ;  I'un  le  2  Djemady-el-Tliany,  I'autre  le  3 
»  (30  jiiin  et  1"  juillet  ;  2li  et  25  Baounah )  ;  les  trois 
))  jours  jirecedents  avaient  ^te  sans  decroissance  ;  mais 
))  a  partir  du  0  Djemady-el-Tliany  (  7  juillet  )  jus- 
»  qu'au  3  Redjeb  (  30  juillet )  ,  le  mouvement  de  la 
))  crue  ne  s'interrompit  plus,  (^e  mouvement  eut  lieu 
»  avec  une  regularite  romarquable  ,  ce  qui  pour  les 
))  habitants  de  I'Egypte  est  d'un  bon  augure. 

»  Le  niveau  du  Nil ,  compare  a  ce  qu'il  etait  I'an 
))  passe  aux  memes  epoqucs  ,  aux  memes  jours  ,  est, 
))  pour  cctte  annec-ci,  bien  plus  dleve  :  non  pas  que , 
))  a]>solument  parlant  ,  la  quantile  d'eau  arrivee  soit 
))  plus  grande  que  celle  qui  etait  arrivee  Fan  dernier 
))  a  ces  memes  epoques  ,  mais  parce  que  le  niveau  du 
))  fleuve,cette  annec,  n'cstpas  descendu  aussibas  qu'il 
»  etait  avant  la  crue  de  I'anndje  passee.  Ainsi,  avant  la 
))  crue  accidentellc  du  10  juin  1843  ou  12  Djemady-el- 
))  Awel  ,  le  niveau  du  Nil  etait  a  8  coudees  16  kyrat , 
))  et ,  I'an  passe ,  a  cette  meme  epoque  ,  avant  le  noc- 
))  ta/i ,  il  etait  a  8  coudees  seulement.  Puis  survint 
))  I'augmentation  de  18  kyi'at,  puis  la  decroissance;  et, 
»  en    definitive,   au   jour   d(>   I'accroissement  r^gulier 


(   1/J5  ) 
)'  lu.ii    iiilciiompii  ,   (|iii   coinmonra   Ic  9  l)jenia(l\-ol- 
»  Tliany  (7  juillot)  ,  le  Ml  dc  18/|3  ik-passait  coliii  do 
).  18/|2  dc  2  coiid(ieset2()k\i;it....)) 


KOTE 

.viir  /('  Sahaiu  (I). 

Maintcuanl  ({ue  la  France  a  des  relations  au  midi 
d'Oran  jusqu'a  A'yn-Madhl,  el  que  Biskara,  du  cote  du 
levant,  est  le  but  d'une  expedition ,  il  est  temps  peut- 
ctre  de  songer  a  tirer  parti  dc  ces  premieres  connais- 
sances  pour  leur  donner  de  I'extension  du  c6t6  du 
Sahara.  Le  probleme  du  Saliara  est  peut-titre  un  des 
])lus  importants,  comme  un  des  plus  curieux  ii  r^- 
soudre.  (le  n'est,  selon  moi  ,  qu'une  idee  precon- 
ruc  qui  a  pu  laire  naitrc  et  durcr  I'opinion  que 
cct  espacc  immense  n'est  qu'une  mer  do  sable. 
Le  Sahara,  c'est-a-dire  un  ospacc  comprenant  une 
tres  grande  partie  de  I'Afriquo  se})tentrionale  ,  doit 
etre,  et  est,  en  eflet  ,  parsen)e  d'oasis  ,  c'est-a-dire  de 
cantons  bois(!!S,  ou  arroses  et  ferliles.  A  commenccr 
parl'Kgvpte,  il  n'y  en  a  pas  moins  de  six  sur  une 
ligne  a  pcu  pres  parallelo  au  cours  du  Nil  :  I'oasis  de 
Thebes  a  60  licues,  I'oasis  dite  Dakliel ,  Farafreh ,  El- 
Hayz  et  Zabou,  a  30  ou /|0  liouos;  onlin,  plus  a  I'ouest, 

(l)()ii  ponriiiir  (iilicr,  sui  cc  ciiri(  iix  Mijel,  il.ins  de  tres  {jr.imJs 
ilevcloji|ii  iiiciiN  ;  rii.iis  on  ii'.i  VdiiKi  (louiicr  Jci  (ju'uiie  courte  in- 
tlicalioii  trts  {jeni'rale  ,  le  but  i-lanl  .sciilciiRiit  tl'appeler  I'allrnllon 
sur  la  pns-il)ilit('  <ln  tioiiver  <les  points  de  refucp  dans  le  desert 
a  propos  des  expeditions  proj.'tees  dai;s  le  Slid  de  I'Aljjerie.  Les  per- 
sonnes  an  tait  de  In  {ipof;i-.iphie  de  I'Afi  ique  septenliionale  y  snpplee- 
I  lint  racileiiient.  J, [) 


(  143  ) 
a  100  lioues  clii  Cairo  ,  I'oasls  de  Syouah  ct,  aupres, 
I'oasis  do  Santarjoli.  EnNubie,  pai-allolcmont  aussi 
ail  cours  du  flcuve  ,  il  y  en  a  trois  ou  quatre  ,  savoir  : 
A)n-Chob  ,  Solymch  ,  El-Eguya  ,  etc. ;  plus  au  sud,  on 
pout  regardcr  Ic  Rordolan  ,  etquantito  d'autres  points 
cultivos  coinnie  autaiit  d'oasis.  Nous  no  connaissons 
encore,  au  niidi  de  la  Cyrenaiquc  et  do  la  Tripolitaino, 
que  los  oasis  d'Audjelali,  de  Febabo  au  sud,  de  Mara- 
deh,  deGbraat,  de  Bilnia,  do  Tibbo,  de  Ghadames,  de 
Izbia  et  de  Ag-dass  ou  Agades.  H  y  a  encore  dans  le 
sud-ouest  et  le  sud  de  Gbraat  luie  oasis  de  Wergelab  et 
une  autre  de  Tabou  ,  avec  des  ruisseaux. 

Nous  no  connaissons  presc[ue  rienentre  la  region  du 
Nil  et  le  meridien  du  Fezzan ;  niais  le  Fczzan  lui- 
meme  n'ost  peut-etre  autre  cbose  qu'une  vastc  oasis  ; 
on  en  jioun^ait  dire  autant  duBorgou,  duDar  Soulayb. 
On  peut  citer  apr^s  cela  ,  dans  I'ouest ,  Asben ,  Ayn- 
Salali,  Agably  ,  Mabbrouk,  El-Araouan  ,  Telig  et  Tau- 
deny  ,  Tagazza  ,  Ticbyt,  Ouadan  ou  Iloden  (  ou  il  a  dii 
exister  jadis  un  comptoir  portugais )  ,  et  un  nonibre 
inconnu  do  pults  avec  plus  ou  moins  de  \egetation 
autour  de  cos  puits.  Enfin  ,  entro  Telig  ot  Ticbyt,  on 
croit  qu'il  y  a  eu  inio  foret  de  deux  journecs  de  cliemin 
de  longueur. 

Maintonant ,  rappelons-nous  ce  passage  de  Strabon  : 
((  Sui\  ant  toutes  les  relations ,  et  d'apros  le  rocit  que 
))  nous  a  fait  a  nous-meme  Cn.  Pison  ,  ce  continent 
»  ressomble  a  une  peaude  pantboro,  car  il  est  conime 
»  moucbete  par  d*;:;  antons  babitc^s  cju'isolent  des 
»  terrains  arides  et  deserts.  Les  Egyptiens  appellent 
(I  ces  cantons  des  Aliases.  »  Liv.  ii,  page  ISO  ,  traduc- 
liou  francaise  (1). 

(ijOil  lit,  llv.  Nvii,  |in.;;:"  8>i  :  «  l,;i  Liliv,    Ic-ii'ilc   <'n  jji  .Tii<Ie  p.ii- 


(  Uh  ) 
(ies  niouchetures  ne  sont  t^videnimeul  autre  cliosc  que 
les  oasis  du  Sahara.  Si  Strabon  parlait  ainsi ,  c'est  appa- 
romincnl  que  les  ancicns  connaissaient  I'int^rieur  de 
rAlViquo  niieux  qu'on  no  Ic  croit  conimun(''ment. 
Mais  comment  se  fait-il  que  nous,  nous  ne  connaissions 
encore  a  Toccident  du  meridien  do  Tripoli  quo  poudc 
points  scndjlables,  quand  los  Ilomains  sa>aient  I'exis- 
tcnced'un  tres  grand  nondjre':'  La  reponse  a  cette  ques- 
tion no  me  parait  pas  fort  endKurassante.  Le  Sahara 
est  dcvenu  le  domaine  (  en  grande  partie  )  do  celle  des 
tribus  arabcs  qui,  dedaignant  Ic  genre  de  civilisation 
des  Mauritanies ,  ont  pr6f6r6  la  liberte  ,  I'indopen- 
dance  de  la  vie  pastorale ,  les  profits  do  la  \  lo  guorriijre , 
et  qui ,  en  outre  ,  se  sont  em|)ares  du  nionopole  du 
connnorce  entre  I'AiVique  centralo  oules  belles  vallees 
du  Dbioliba  et  du  Senegal  d'un  c6t(^  ,  ctles  bords  de  la 
Mediterranee  de  I'autre,  c'est-a-(Ure  de  toutle  conniierce 
avec  TEuropo.  Elevant  dans  lours  camps  une  in)mense 
quantit<^  de  chameaux,  les  Ara])es  ont  ou  le  inovon  de 
dominer  los  caravanes  ,  do  los  uiultlplior,  de  les  diri- 
ger  partout.  Et  tandis  que  leurs  compagnons  d'armes, 
soit  peu  aprcs  la  conquete ,  soit  plus  lard,  s'etablis- 
saient  dans  les  villes  romaines,  dans  les  riches  contreos 
marltimes,  etjusqu'cn  Europe,  les  Arabes  nomades  , 
eux  ,  se  faisaient  une  autre  sorte  d'existence  tout-a-fait 
disparate  avec  celle  dos  autres  conquerants ;  ils  se 
creaienl, pour  dire  ainsi,  nn  empire  particuliorque  per- 
sonne  ne  pouvalt  leur  disputor  ,  pas  memo  losindig(>nes 
de  I'Atlas.  Maures,  Numides,  Berbferes,  Scho>viah,  Mo- 
zabis,  lous  les  autochthones  en  un  mot,  (^taient  trop 

»  lie,  taut  a  riiUcrieur  que  sur  k-s  cotes  di;  I'Occaii  ,  est  cl:iir-scm<'(' 
•)  (le  cantons  peu  etendiis,  liabitds  [)rest|iie  tons  par  une  pupulntiun 

H  iioni.ulc.  11 


(  145  ) 

accoulumos  a  la  \ie  muree  pour  dispulcr  le  desert  aiix 
cavaliers  arabes.  Toutefois,  plusieurs  races  des  natifs 
ont  pii  se  joindre  aiix  nomades,  ou  rester  en  posses- 
sion des  puits  et  des  oasis  ,  ct  s'occuper  aussi  du  com- 
merce en  caravane.  Telle  est  peut-etre  I'origine  des 
puissantes  tribus  des  Touat  et  des  Touarik. 

Quoi  qu'il  en  soil ,  il  ne  faut  plus  demander  d'ou 
vient  que  nous  connaissions  encore  peu  de  points  liabi- 
tes  ou  lertiles  entre  I'Egypte  et  la  Nubie  d'une  part, 
ctle  Senegal,  Tounbouctou,  Bornou  et  le  Fezzan  de 
I'autre  part.  Les  Arabes  ont  garde,  et  garderont  tant 
qu'ils  le  pourront  le  secret  de  leurs  oasis ,  de  leurs 
puits  dans  le  desert,  de  tous  les  lieux  ou  il  y  a  de 
I'eau  et  de  la  vegetation;  qui  pourrait  s'etonner  du 
mystere  qu'ils  font  aux  voyageurs  de  la  situation  de 
ces  lieux  de  refuge  ? 

II  est  done  evident  que  nous  n'en  aurions  jamais  une 
connaissance  exacte  ,  si  nous  restions  dans  les  voies  ac- 
tuelles  ,  et  s'il  fallait  sen  tenir  aux  recits  des  Arabes. 
De  la ,  en  quelque  sorte ,  la  necessity  de  tenter  une 
forte  reconnaissance,  et,  plus  tard ,  une  expedition 
en  regie.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  plus  nos  troupes 
d'Alg^rie  s'avancent  dansle  Sud,  plus  le  desert  semble 
reculer;  ce  fait  parle  de  lui-meme. 

Je  pense  que  le  premier  point  a  rechei'clier  serait 
Agably,  ou  au  moins  Ayn-Salah,  et  cela,parce  que  la 
position  en  est  detei-minee  astronomiquement  (1). 
Ainsi,d'Ayn-Madhyron  iraita  Ayn-Salah,  qui  n'en  est 

(i)  Ce  point  est  a  peu  pres  sous  le  uieridien  d'Ayn-Madliy  ;  I'ob- 
servation  est  du  major  Lninfj  :  c'est  celle  dont  j'ai  fait  usage  dins  la 
carte  du  Voyaqe  de  Rcni  Caillie;  elle  est  le  seal  debris  (  mais  il  est 
precieux)  des  travaux  de  I  inforlune  I.aing  dans  son  \oyaf;e  a  Touri" 
linnrtou. 

I.   FivRir.H.   5.  10 


(   1/46   ) 

^)eiit-olr('  qu'a  125  lloucs ;  puis  a  Agabh  ;  (11  ik' 
rainlrait  pas  ,  pour  la  premicire  fois  ,  aller  plus  avant)  ; 
ensuite  on  ferait  le  cercle  ,  et  Ton  reviendrait  par  Uis- 
kai'a  ou  par  la  fronti^re  tunisicniie. 

Mieux  encore,  il  faudrait  partlr  de  cette  frontl^re  , 
allor  vers  Tchossa  ,  puis  vers  Tugurt,  se  porter  ensuite 
a  Touest  a  Agably ;  enfin  i-entrer  en  Alg^rie  par  Ayn- 
Madliy. 

On  se  servirait  utilement  des  Beni-.Vlozab  pour  cette 
reconnaissance. 

II  est  evident  qu'a  Ayn-Salah  ct  Agably  ,  points  de 
concours  de  plusieurs  lignes  coinjnerciales  du  S.-E.  et 
du  S.-O.  ,  on  apprendrait  une  foule  de  renseignements 
sur  les  points  du  volsinage,  commc  sur  les  points 
plus  elolgn6s,  qui  seraient  en  relation  avee  Tounbouc- 
tou  et  Djenn6,  ou  avec  le  bant  Senegal,  Ic  royaume  de 
Casson,  etc.  Plusieurs  voyages  sembiables  et  cons^cu- 
tifs  feraient  enfin  connaitre  en  tout  ou  partle  ce  vaste 
espacc,  et  rectlfieraient  les  Idees  tout-a-lail  fausses,  sc- 
ion luoi,  repandues  sur  le  Sabaia. 

Ce  qui  contribuerait  certalnement  au  succcs  de  ces 
reconnaissances  et  des  explorations  g(?(ograpblques  se- 
lait  la  connaissance  plus  etcndue  et  pratique  des  idio- 
mes  de  I'Atlas ,  c'est-a-dlre  de  la  langue  berbere  ,  du 
dlalccte  mozabi ,  etc.  La  Socl6t6  de  g(^>ograpbie  aura 
sans  doute  a  se  f(^liclter  d'avolr  aid6  a  ce  resultat  en 
publlant  pour  la  premiere  fois  des  Dlctlonnaires  de  la 
langue  parlee  sur  le  mont  Atlas.  II  restera  niaintenant 
a  radnilnlstration  de  I'Algt^rie  a  prendre  des  mesures 
pour  en  r^pandre  la  connaissance  ct  facditer  alnsl  les 
voyages  de  decouvertes.  J. — D. 


(  JA7  ) 

Exlrail  (C luie  leUre  ndressee  par  M.  Ic  hmvn  Aij;xa.m)iuc 
DE  Humboldt  a  M.  FRiiDiiRic  Lacroix. 

( (ii)iMiiniiii(|ii('  |>;ii   M    Fii.  La(;ii()IX.  ) 


I'll  rliii,  4  niais  I  844- 

«  Nous  avons  dellussie  des  notions  bien curieuses  sur 
rOxus;  il  parait  letrouver  par  la  bifurcation  son  an- 
cienne  direction  \ers  lamer  Caspiennc.  Les  eaux  sont 
di'ja  dans  lancien  lit  pres  du  \ieux  Ourgbendji ,  reste 
si  longteinps  a  sec. 

))  M.  Psarcbine  ,  avec  lequel  j'ai  ete  a  Orenbourg  et 
dans  la  steppe  de  Kbirguises  lorsque  jc  fis  I'expedi- 
tion  pour  rcnipeieur  de  Russie  ,  dit  que  les  eaux  sont 
arrivecs  en  1837  et  plus  tard  jusqu'a  cinq  journees 
de  distance  seulemcnt  du  golfe  Balkan  de  la  Cas- 
pienne.  C'est  un  fait  de  geograpbie  tres  curieux,  et 
cntierement  en  rapport  avec  ce  que  j'ai  expose  dans 
le  second  volume  de  I'Asie  centrale  sur  I'ancienne 
etendue  du  golfe  Scytbique  dont  le  Cara-Bougane 
est  un  faible  reste. 

»  Je  vlens  d'obtenir  de  I'empereur  lafondation  d'un 
etablissement  particulier  pour  le  magnetisme  terrestre 
et  toutes  les  brandies  de  la  meteorologie  ,  sous  le 
nom  d'observatoire  de  pbysique.  La  direction  en  sera 
confine  a  M.  Kupfer ,  qui  vient  de  parcourir  toute  la 
ligne  de  nos  stations  magnetiques  de  I'Asie  bor^ale. 

))  P.  S.  Dans  ma  carte  de  I'Asie  centrale ,  le  signe  de 
Nouveau  Ourgbendji  a  ete  place  par  erreur  sur  la  rive 
gaucbe  de  I'Oxus,  au  lieu  de  se  trouver  au  bord  du  lac 
situe  au  nord  de  Kbiva.  » 


(  U8  ) 

ExTnAiT  (Vune  lettre  de  M.  Albi:rt  Gallatin,  adressee 
A  M.  JoMARD,  membre  da  i'lnstifut. 


New-York,  le  /f)  jiiiii   1843. 

Je  profite  de  I'occasion  de  M.  Cathenvood  pour  pre- 
senter a  la  Societ6  de  g^ograplue  une  carte  manuscrite 
des  contrecs  cntrc  le  Mississipi  et  I'Ocean  Pacifique , 
depuis  le  32"  jusqu'au  AO*^  dcgr<^  de  latitude,  dont  je 
m'etals  servi  et  dont  j'ai  parl6  dans  men  essai  sur  les 
Tribus  aborigines.  (Synopsis  of  Indian  Tribes,  p.  1/jO- 
^/l2.).  C'est  jusqu'a  present  re  que  nous  avons  deplus 
exact  pour  les  «  Rocky  Mountains  ))  et  les  pays  adja- 
cents,  et  ellc  a  servi  de  base  aux  cartes  publiees  en 
Am^rique  depuis  I'an  1835.  Je  dois  observer  Depen- 
dant que  la  grande  compagnie  anglaise  (Hudson's  Bay 
company)  a  de  nieilleurs  rcnseignements  que  nous 
pour  tout  ce  qui  est  k  I'Ouest  des  a  Rocky  Mountains  )> 
et  au  Nord  du  45'  degie  de  latitude ;  et  que  la  riviere 
designee  sur  la  carte  sous  le  nom  de  Badger's  Creek , 
qui  prend  sa  source  a  I'Oucst  du  lac  d'eau  Sal(^e  (Tim- 
ponago),  el  dont  le  cours  est  vers  I'Oucst  entre  les  ll/i"" 
et  118"  degr^s  de  longitude  (Ouest  de  Greenwich)  parait 
se  perdre  dans  les  sables  ou  dans  un  lac  sans  issue , 
au  lieu  de  tomber  d'apres  la  carte  dans  la  riviere 
Ovvybee,  un  des  affluents  de  la  rividre  Columbia.  Ce 
qu'll  y  a  de  plus  interessant  dans  cctte  carte,  ce  sont 
les  voyages  de  J.  Smilli,  et  les  preuves  de  la  grande 
('itendue  du  desert  de  sable,  entre  le  Rio-Colorado  et  la 
clialne  maritime  des  montagnes  de  la  Callfornie.  Ce 
desert,  le  seul  de  ce  genre  dans  rAm(!!riquc  septentrio- 
nale,  n'avalt  61^  traverse  que  dans  la  latitude  de  la 
joiiction  du  Rio-GUa   avec  le  Rio-Colorado    (32°  36'), 


(  no  ) 

d'abord  par  le  pere  Lafon,  recemment  par  le  D'  Coul- 
ter dont  il  faut  comparer  le  voyage  (R,  geogr.  Soc. 
Lond,  1835,  part.  I.)  avec  cette  carte.  Tout  ce  qui  etait 
au  Nord  entre  le  Rio-Colorado  ot  les  monts  Califor- 
niens  etait  Terra  incognita  :  seulemcnt  des  misslon- 
naires  (Escalante)  venus  du  Rio-Norte  etaient  parve- 
nus jusqu'aux  rives  orientales  du  grand  lac  Sale,  que 
nous  a  fait  connaltre  Humboldt,  et  qui  parut  pour  la 
premiere  fois  sur  sa  carte  du  Mcxique  sous  le  noni  de 
Timponago,  nom  que  Wasbington-Irwing  a  mal  a  pro- 
pos  cbange  pour  lui  donner  le  nom  du  capitainc  Ron- 
neville  qui  ne  I'a  jamais  vu,  et  qui  n'a  voyage  dans  les 
Rocky  Mountains  que  12  ou  15  ans  apres  que  le  lac 
avait  ^t^  retrouve  et  visite  par  Ashley,  Chouteau  et  une 
foule  de  chasseurs  Americains.  Mais  c'est  J.  Smith 
(depuis  tue  par  les  Indiens)  qui  a  traverse  en  1826  et 
1827,  le  desert  d'abord  sous  la  latitude  de  35",  et  a 
son  retour,  depuis  I'Ocean  Pacifique  jusqu'au  lac 
Timponago,  sous  la  latitude  de  38°  a  hQ°  :  sa  route  est 
tracee  sur  la  carte.  La  limite  septentrionale  du  grand 
desert  est  a  peu  pres  sous  la  latitude  hi";  il  a,  la,  envi- 
ron huit  degres  de  longitude  de  largeur,  et  seulemcnt 
deux  sous  la  latitude  de  32"  30' ;  il  se  prolonge  environ 
cent  milles  anglais,  plus  au  Sud,  des  deux  cotes  du 
golfe  de  Californie 


Signc,  Albert  Gallatin. 


ExTRAiT  de  deux  lettres  adressces par  M.  LJi  D''  Mo>ta- 
CNK,  A  M.  JoMARD,  uienibre  de  rinstilut. 


Paris  ,  le   r5  jaiiviir   '  i^  (4  • 

Monsieur, 
I  II  kill  asscz  curieiix  vient  d'etre  constate.  11  lute- 


(  150  ) 

resse  a  Ja  lois  la  geogriipliic,  Ja  science  ethiiulogiqiu'  ct 
riiistoire  naturelJe.  En  attendant  que  le  temps  me  per- 
inette  de  m'occuper  des  recherchcs  que  \ous  avez  bien 
voulu  m'indiquer,  pour  m'assurer  si  les  anciens  avaient 
eu  quelque  connaissance  du  plienouiene  nouvcau  que 
vient  d'obsei'ver  M.  Duponl,  a\ocat  fort  distingud,  de 
rile  de  France,  et  si  c'est  par  suite  de  ccttc  connais- 
sance qu'ils  ont  nomme  Mare  Erythrccum  le  goHe  Ara- 
bique,  je  me  I'ais  un  de\oir  de  vous  communlqucr  les 
principaux  passages  de  la  relation  (1)  des  clrconstances 
dans  lesquellos  cette  dccouverte  a  ete  laite  ;  jc  \ais  lais- 
ser  parler  .Al.  Uupont  lui-meme  : 

«  Le  8  juillet  dernier  j'enlrai  dans  la  mer  Rouge, 
par  le  d^troit  dc  Bab-el-Mandcb,  sur  le  paqucbot  a 
vapeur  V Atalanta,  appartenant  a  la  compagnie  des 
Indes.  Jc  demandai  au  ca])itaine  et  aux  ofliciers,  qui 
depuis  longtemps  naviguaient  dans  ces  parages,  quelle 
etait  I'origlne  de  cet  antique  nom  de  mer  Erj  tbrcie,  de 
incr  Rouge ;  s'il  etait  du,  comme  le  pretendent  quel- 
ques  uns,  a  des  sables  do  cette  couleur,  ou  scion  d'au- 
tres  a  des  rochers.  Nul  de  ces  messieurs  ne  put  me 
r^pondre.  lis  n'avaient,  disaient-ils,  rien  remarque  qui 
justifiat  cette  aj)pellation.  J'observais  doncmoi-meme 
a  mesure  que  nous  avancions.  Mais,  soit  que  tour  a 
tour  le  batiinent  se  rapprocbat  de  la  cote  Arabique 
ou  dc  la  cote  Africaine,  le  rouge  nc  m'apparaissait 
nulle  part.  Les  borribles  montagnespelees  qui  bordent 
les  deux  rivagcs  elaient  uniformement  dun  brun  noi- 
ratre,  sauf  la  presence,  en  quelques  cndroits,  d'un 
volcan  eteint  qui  avait  laisse  de  longues  coulees  blan- 
cbes.   Les  sables  etaienl  blancs;  les  recifs  de   corail 

(i)  CtUe  relation  est  adressee  a  M.  Isidore  Geoffroy  Saiiit-Hil.iiro, 
fjui  me  la  Iransinise  aver  la  subslanrp  reiueillir  p.ir  M,  niipnni 


(  151  ) 

etaienl  Ijlancs  de  iiic'iiiL';  la  mci- du  plus  beau  bleu 
c^l'uk'cn.  J  'avals  renoiice  a  decouvrir  mon  etymologic. 

))  Le  15  juillet,  le  brulanl  soleil  d'Arabie  m'eveilla 
brusqucment  en  brlllant  tout  a  coup  a  rhorizon,  sans 
crepiiscule,  ct  dans  toute  sa  splendeur.  Je  m'accoudai 
machinalement  sur  une  fenetre  de  poupe  pour  y  clier- 
cber  un  i-este  d'air  frais  de  la  nuit,  avant  que  I'ardeur 
du  jour  I'eut  devore  :  quelle  nc  fut  pas  ma  surprise  de 
voir  la  mer  teinte  en  rouge,  aussi  loin  que  I'oeil  pou- 
vait  s'^tendre  deri'iere  le  navire.  Je  courus  sur  le  pont 
et  de  tousles  cotes  je  vis  le  meme  phenomene. 

wJ'interrogeaialorsde  nouveaules  ofTiciers;  lecbirur- 
gicn  pretendit  qu'il  avait  deja  observe  ce  fait,  qui  ^tait, 
selon  lui ,  produitpar  du  frai  de  poisson,  flottant  a  la 
surface  de  la  mer.  Les  autrcs  dirent  qu'ils  ne  se  rappe- 
laient  pas  I'avoir  vu  auparavant.  Tous  parurent  surpris 
que  j'y  attacliasse  quelque  interet. 

))  S'il  fallait  d^crire  I'apparence  de  la  mer,  je  dirais 
que  sa  surface  etait  partout  couverte  d'une  coucbe 
serr^e,  mais  peu  epaissc,  d'une  matiere  fine,  d'uii 
rouge-briquc  un  peu  orange.  II  me  sembla  (et  je  le  dis 
alors)  que  c'etait  une  plante  marine  :  personne  ne  fut 
de  mon  avis.  Au  moyen  d'un  seau  attache  au  bout 
d'une  corde,  je  fis  recueillir  par  I'un  des  matelots  une 
certaine  quantity  de  la  substance.  Puis,  avee  une  cuil- 
lere  je  I'introduisis  dans  un  flacon  de  verre  blanc,  avec 
un  peu  d'eau  de  mer,  pensant  qu'elle  se  conserverait 
ainsl.  Le  lendemain  la  substance  6tait  devenue  d'lni 
violet  fonce  et  I'eau  avait  prls  une  jolie  teinte  rose. 
Craignant  alors  que  I'immersion  ne  hatatla  decompo- 
sition au  lieu  de  rempeclicr,  je  vidai  le  contenu  du 
ilacon  sui-  un  linge  de  coton  ;  I'eau  passa  a  travers  el 
la    snl)slaiicc    adbeia  an  lissu.  Ku    secliaul  cUc   devint 


(  152  ) 

verte  (J).  Je  dois  ujouler  quo  le  15  jiiillet,  nous  etions 
par  le  travers  de  Ja  ville  t^gyptienno  do  Cosseir;  que  la 
mer  fut  rouge  toute  la  journi^e;  que  le  Icndemain  16, 
elle  le  fut  de  memc  jusque  vers  midi,  lieure  a  laquolle 
nous  nous  trouvions  en  face  de  Thor,  petite  ville  Arahe 
dont  nous  apercevions  les  palmicrs  dans  unc  oasis  au 
bord  de  la  mer,  au-dessous  de  la  chaine  de  montngnes 
qui  descend  du  Sinai  jusqu'a  la  plage  sablonneuse.  Le 
meme  jour,  un  peu  apros  midi,  le  rouyc  dispanit  et  la 
surface  de  la  mer  redevint  blcue  commo  auparavant. 
Le  17  nous  jetions  Tancre  a  Suez. 

»  La  couleur  rouge  s'est  consequonnnenl  monlrec 
depuis  le  15  juillet  vers  5  heures  du  matin,  jusqu'au 
16  vers  1  heure  apres  midi ,  e'est-a-dirc  pendant 
32  heures.  Orpendant  cet  intervalle,  le  paquebot  filant 
8  nceuds  a  I'heure,  a  parcouru  un  espace  do  256  milles 
ou  85  lieues  et  un  tiers.  » 

^  ous  venez  de  lire,  monsieur,  I'interossant  recit  de 
M.  Dupont.  Je  dois  ajouter  que  M.  Isidore  GeolTroy 
Saint-Hilaire  m'a  confie,  pour  I'examcn,  la  substance 
rapport6e  par  ccvoyagcur.  J'en  ai  fait  uncdtude  appro- 
fondie  en  la  soumettant  au  pouvoir  amplifiant  d'un 
excellent  microscope  compose,  et  j'ai  rcconnu,  a  mon 
grand  ^tonnement,  qu'elle  appartenait  a  un  de  ces 
fetres  ambigus  dont  la  place  n'ost  pas  encore  bien  fix^o 
dans  nos  classifications,  et  que  les  zoologistes  et  les 
botanistcs  revendiquent  tour  a  tour  et  peut  etre  avec 


un  droit  egal. 


I)'  Montagm;. 


i)  L'nclion  (le  l.i  liiiiiiiie  |iiorliiil  (jnliiKiircmrnt  rcltc  v.'iria'.inii  cli' 
cfniltui   I  lit'/  lotUcs  le>  al{',ncs  que  r.Tiaclrrise  la  couleur  iDUjje. 


15;^ 


■j.S  j;iiivier. 

La  substance  rapport^e  de  la  nier  Rouge  par  notrc 
voyageur  avait  du  necessalrement  perdre  par  la  desslc- 
cation  quelques  uns  des  caracteres  propres  a  faire  dis- 
tinguer  I'algue  qui  la  constilue  des  especes  et  des 
genres  voisins. 

Des  longues  et  perseverantes  reclierclies  auxquelles 
je  me  suis  livre  pour  arrlver  a  la  verite ,  recherches  en 
partie  sugger^es  par  vous ,  monsieur,  en  partie  par 
le  sujet  lui-meme  sur  lequel  j'avais  a  m'eclairer,  il  re- 
sulte  (  et  mon  memoire,  que  je  ne  ferai  pas  longtemps 
attendre,  le  prouvera,  j'espere,  suffisamment) ,  l°que 
le  phdnomene  dont  j'ai  eii  I'honneur  de  vous  cntretc- 
nir  n'est  pas  nouveau  ;  2°  qu'un  naturaliste  tres  juste- 
ment  cdl^bre  I'avait  deja  observe  avant  M.  Dupont ,  et 
a  pen  pres  aux  memes  lieux,  mais  qu'aucun  bota- 
niste  avant  moi  n'a  tenu  compte  de  sa  d^couverte  ; 
3°  qu'cn  consequence  il  a  pu ,  mieux  que  moi,  qui 
n'avais  sous  les  }  eux  que  des  cadavres ,  pour  ainsi 
dire ,  apprecier  les  conditions  d'existence  et  les  carac- 
teres de  la  substance  colorante  examinee  au  micro- 
scope a  I't^tat  de  vie;  h°  qu'il  en  a  fait  un  genre  d'algue 
nouveau  de  la  tribu  des  oscillatoriees  ,  ce  a  quoi  j'avais 
d'abord  6te  conduit  moi-meme  en  nommant  ce  genre 
Erjthroneina ;  5"  enfin  ,  que  la  dillerence  principale 
qui  distingue  son  observation  de  celle  de  M.  Dupont 
consiste  dans  Timmense  etendue  de  la  surface  sur  la- 
quelle  celui-ci  a  vu  se  developper  le  pbenomene  que 
le  premier  n'a  observe  que  dans  des  limites  ])caucoup 
plus  restreintes.  D'  iVl. 


(  15A  ) 

OiiJiiTS  u.VPPORTivs  (III  dernier  vora^/i  (iii.r  rn'cs  da   Bakr- 

el-Abiad  \\). 

Lesvoyageurs  europeens  qui  ont  parcouru  on   der- 
nier lieu  les  rives  superieuresdu  tleuvcBlanc  ,  M.  d'Ar- 
naudainsi  que  i\I.  Tliibaut  ctM.  Sabatier,  onl  recueilii 
un  certain  nombre  d'objets  curicux ,  appartonant  aux 
diflf^rentcs    pcuplades,    el  qui   fonl   connallro    leurs 
mceurs,  leurs  costumes,  leurs  usages,  leur  Industrie. 
L'interct  que  peuvent  presenter  ces   objets,  quoique 
d'un  travail  grossier,  saugmcnte  bcaucoup  des  rap- 
ports qu'ils  prescntcnt  avcc  des  analogues  qui  ont  ct(^ 
en  usage  parmi  Ics  anciens   Kgyptiens"  et  qu'on  ren- 
contre ,  soit  en  nature  dans  les  hypogees  de  la  The- 
baide,  soit  points  ou  sculpl^s  dans  les  monuments.  On 
pourrait  en  effet  mettre  a  cote  les  uns  des  autres,  cer- 
tains instruments,  certains  meubles  qui   ont  sor\i  aux 
Egyptiens  de  I'ere  pharaonique  ot  les  ustensiles  sem- 
blables  servant  aux  riverains  du  fleuve  Blanc,  jusqu'au 
5°  degre  de  latitude,  par  exemplc  les  coussinels  en  bois 
pour  rcposor  la  tele ,  les  armos  offensives  ol  les  ai-mes 
defensives. 

Les  objets  materiels  que  recueillent  ou  cherchent  a 
recueillir  les  voyageurs  dans  les  pays  lointains ,  peuvent 
so  partager  en  dix  classes  (2)  :  1"  cinsse ,  images  re- 
presentant  la  physionomie  des  indigenes;  "1" ,  objets  ct 
ustensiles  propres  a  procurer  et  prepax^er  la  nourrilui'e  ; 
3%  objets  relatifs  au  vetement ;  4%  objets  relatifs  au  lo- 
gementet  aux  constructions;  5',  Economic  domestique; 
6%  objets  propres  a  la  defense  de  I'homme,  armos  et  ar- 
mures;  7°,  objets  relatifs  aux  arts  divers  et  aux  scien- 
ces;  8%  instruments  de  musique;  9%  objets  de  culto  ; 

(1)  CeU(!  note  abrc'{;ee  est  iniir-|>eiii.l:inle  dc  l,i  lisle  des  collKClioiis 
(Vliistoire  iiaturcllc. 

(2)  Ces  classes  soiit  (listiit)iu''<'s  dans  I'lirdie  des  licsoins  iliIiiitIs  d' 
I  li<iiiinic. 


(  155  ) 

10",  ma^urs  ct  ustiges.  Ce  nest  pas  lo  luni  d'entrer  ici 
dans  aucun  detail  (1);  il  sulfit  d'ajouter  que  tons  les  ob- 
jets  etbnographiques  pcuvent  se  ranger  dans  Tunc  de  ces 
categories.  Les  objetsrt^ccmment  rapportes  des  rives  dii 
Nil  Blanc  correspondent  a  toutes  ces  divisions  ,  excepte 
a  la  premiere  et  a  la  quatrienie ;  encore  les  dessins  que 
M.  d'Arnaud  a  recueillis  comprennent  les  portraits 
des  naturels,  de  maniere  que  la  collection  se  trouve 
pour  ainsi  dire  complete  sous  le  rapport  etlinograj^hi- 
que.  Nous  citerons  ici  un  certain  nombre  d'objets  seu- 
lement  :  la  distance  de  ces  lieux,  ou  les  Europeens  ont 
p^netre  pour  la  premiere  fois,  et  d'ou  on  les  a  rap- 
portes avcc  bonbeur,  fera  excuser  I'aridlte  dune 
simjile  enumeration. 

La  2"  c7rt.sv>v?presente  des  instruments  aratoires  qui  m6- 
ritent  d'etre  mentionn^s;  ce  sont  des  colliers  en  fer,  de 
forme  tubulaire,d'unpoids6norme,  destines probable- 
ment  a  charger  le  cou  des  bceufs  ou  des  taureaux;  le 
jougest  travaille  avec  une  certaine  Industrie  ;  on  remar- 
que  des  pics,  deshoyaux  en  fer  et  autres  outils  pour  I'a- 
griculture,  despierres  a  Iriturer  le  grain,  avec  rouleau. 

3'=  ciasse.  Parmi  les  articles  rolatifs  au  costume  ,  ou 
reraarque,  non  sans  etonnement,  I'usage  des  perru- 
ques;  elles  sont  analogues  a  celles  qu'on  rencontre  dans 
les  hypog^es  de  Thebes  ;  on  remarque  diverses  sortes 
de  coiffures  composees  avec  des  cheveux  d'bomme  el 
du  poil  d'animal ,  d'autrcs  en  colon  tresse,  teintes  en 
ocre  rouge  ;  on  distingue  des  couronnesen  poil  pour  les 
guerriers,deschapeaux  en  paille,surmontes  de  plumes: 
ily  a  aussi  des  coiffures  en  paille  tressee.  Les  san- 
dales  sont  sembhiblcs  aux  sandales  antiques  des  hypo- 

(i)  Voir  Lf'tlre  sur  I'utilite  iles  imiscus  fUinnijiajihiijUL'S  cl  stir  I'iin- 
intlancf  ife  leiir  ctcatin)\  dau^  /c;  I'^tal-,  ruropccnf  ijii!  p(>s<ir(lcitt  (Ics 
rolnnii-'i^  rlc,   pai  IMi.-l'r.  on   Siiiroi.ii.  P.iiis,  l)ii|ii,il,  iu-8",  i843. 


(  156  ) 

gees,  encore  en  usage  en  Nubie;  les celnluies de  leiume, 
les  pagnes  sont  de  plusieurs  especes  ,  tlssus  ,  en  etolTes 
diverses,  en  jonc  ct  sluiples  herbages.  Les  colliers 
sont  en  corail ,  en  fruits,  en  graines  ,  en  dents  ,  en  i'er 
travaille,  et  plus  ou  moins  riches. 

Dans  la  h"  clusse.  Ton  corapte  di>erses  sortes  d'usten- 
siles  domestiques  fabriques  en  bois,  en  fer,  en  corne  de 
buflle,  en  terrc  cuite  ,  en  paille  ,  en  jonc.  Avec  les  Irois 
premieres  malieres  sont  confectioiuies  des  taboui-ets, 
des  cuilltjres;  avec  les  deux  derniercs,  des  nattes,  des 
plateaux  ,  des  panicrs  ti'esses,  fort  jolis  et  d'une  forme 
elegante.  On  remarque  des  cribles  ,  des  passoires,  des 
haches  ,  des  coussins  ,  des  chasscraouches  en  queue  de 
\ache,  de  pctits  sieges  en  bois  ,  tres  legers  et  d'une 
piece  quoique  a  trois  pieds,  le  si^gc  du  inek,  etc. 

6'  classe.  Les  arnaes  et  les  arnmres  sont  les  objets  les 
plusremarquablosdeleur  industrie.  On  ignorait  jusqu'a 
cejour  que  les  Africainsdecescontr^esexploitassent  et 
travaillassenlle  fer  en  grand  ct  aussibien;  le  fer  est  doux 
et  susceptible  d'un  beau  poli.  —  Amies  offensives.  On 
distingue  les  piques  ,  les  poignards ,  les  lances,  les  arcs, 
les  sabres,  les  casse-tetes,  les  massues,  les  batons  fcr- 
les,  les  lances  surtout,  dont  le  fer  bien  travaille  a  jus- 
qu'a 1  metre  de  long  et  de  tr6s  bonne  qualite  ;  la  lance 
entiere  a  3"'  1/2  a  Ani  en  tout ;  elles  sont  en  tres  grande 
quantite.  Les  sabres  sont  petits  ,  arques,  d'une  forme 
bizarre,  precisement  la  meme  qui  se  remarque  sur  les 
monuments  egyptiens.  Les  arcs  sont  dun  bois  aussi 
elaslique  qu'il  est  dur  et  solide.  Les  casse-tetes,  en 
forme  de  baton,  sontterminesen  pointe,de  bois  dur  ex- 
tremement  lourd,  ou  en  Ijois  d'^bcne  et  autrcs;  les 
Heches  sont  travaillees  avec  asscz  d'art,  ainsi  que  les  car- 
f{uois  :  CCS  fleches  sont  souvent  garnies  de  poison  et  co 
poison  est  mortel. — J  vines  offensives.  Lesbouclierssonl 


(  157  ) 
etroits ,  rectangulaires  et  arques,  comnie  on  en  voit  sin- 
les  monuments  egyptiens  ,  en  peau  d'hij^popotame  et 
autres  peaux ,  et  de  plusieurs  dimensions ;  il  y  a  des 
brassards,  des  trombachs  on  casse-tetes  ferres";  on  re- 
marque  aussi  des  sifllets  de  guerre  en  diverses  matieres 
et  des  cornes  servant  au  meme  usage. 

Dans  la  7"  classe ,  les  ustensiles  les  plus  nom- 
breux  sont  des  instruments  de  peebe  ;  ils  suffiraient  a 
nous  reveler  le  genre  de  vie  des  riverains  du  baut  Nil  , 
si  M.  d'Arnaud  ne  nous  avait  pas  dit  dans  sa  relation 
que  tous  ces  peuples  sont  livres  a  la  pecbe.  Ce  qui  at- 
tire surtout  I'attention,  ce  sont  des  flotteurs  de  grande 
proportion  (jusqu'a  un  metre  de  long)  construits  avee 
un  bois  d'une  legerete  extraordinaire.  II  y  a  des  filets, 
des  hamecons  tres  varies,  en  bois  eten  fer,  les  barpons 
egalement ;  il  y  a  encore  d'autres  instruments  de  pe- 
cbe ,  des  pagaies  ,  des  instruments  particuliers  pour  la 
cbasse  aux  crocodiles  ;  des  scies  et  des  instruments  de 
cbai-pente ,  des  rouleaux  et  des  vanneaux  pour  le  grain, 
des  coussinets  a  porter  les  fardeaux  ,  des  cbaines  de 
fer  en  tissu  a  petites  mailles  bien  travaillees. 

La  8''  classe  ,  consacree  a  la  musique,  comprend  la 
lyre  a  cinq  cordes,  la  meme  que  celle  de  Nubie  ;  il  v  a 
peu  d'articles  appartenant  a  la  musique  projjrement 
dite ;  on  ne  peut  guere  que  citer  des  instruments  de 
percussion,  telsque  le  tambour  egyptien  vulgaire  (c'est 
une  peautenduesurl'ouverture  d'unpotdeterre  cuite), 
de  grands  vases  ou  pieces  creuses  auxquelles  sont  ajus- 
t6es  des  cornes  ;  des  clocbettes  ,  des  sifflets  en  plu- 
sieurs matieres  ,  des  grelots  en  fer ,  des  castagnettes. 

9°  classe.  Les  idees  religieuses  de  ces  peuples  sont 
fort  grossiei'es  ;  on  sait  par  M.  d'Arnaud  quelles  sont 
leurs  superstitions  par  rapport  aux  astros,  a  certains 
rljres  el  autros  objets   d(>  lour  cube  ;   il  )    a  aussi  des 


158  ) 

itloles  en  bois  .  des  leliclics  clill'onnes  ;  ils  oiil  des  f^i'is- 
gris  et  des  amulcttes. 

10"  classc.  Parmi  ies  objets  qui  so  rapporlcnt  aux 
racEurs  et  aux  usages ,  on  aime  a  dlstinguer  Ics  jeua: , 
parcequ'ils  sont  oixlinairenionl  caracteristiques  :  on  re- 
marque  chez  ces  peuples  deux  ol)jets  qui  rappollcnt  Ies 
jeux  dc  la  Grece,  Ic  disque  et  Ic  ceste,  instruments  du 
pugilat.  C'est,  au  reste,  une  observation  assez  g^nerale, 
en  Orient,  que  Ies  peuples,  memo  Ies  moins  avances, 
ont  des  exercices  g\mnastiques. 

Nous  trouvons  ici  Ics  batons  <le  cJief  an  fer  cl  en  bois, 
insigncs  de  commandement,  rappelant  par  la  forme 
ceux  de  I'ancienne  Egjpte;   des  bracelets  en  ivoire , 
tr^s  massifs,  d'autres  en  fer,   des  ornements  pour  le 
bas  de  la  jambe,   de  grand  cercles,  anneaux  ou  cou- 
ronnes  en  poil,  des  anneaux  en  cuivre.  Cc  qui  abonde 
peut-etre  le  plus,  de  toutes  clioses ,  ce   sont  los  ])ipos 
de  grandes  dimensions,  dont  le  bout  est  souvent  une 
calebasse  colossale  ,  le  fournoau  une  tcrre  cuite,  ct  la 
tige  un  roseau  :  le  fourneau  a  quelqucfois  plus  d'un 
decimetre  ct  demi.  Entre  autres  objets  de  parurc,  il  y 
a  des   colliers  composes  de  tout  petits   anneaux   en 
ivoire,  seuls  ou  meles  d'^maux  provenant  sans  doute 
du  commerce.  On  i-eraarque  aussi  d'^norines  anneaux 
cvlindriques .    en   ivoire ,  dont  I'usage  est  difficile   a 
deviner.   Beaucoup  d'autres  objets  plus  ou  moins  cu- 
rieux  et  bien  travailles,  meritcraient  ici  d'etre  men- 
tionnes,  mais  allongeraient  trop  cette  note  qui  suffit  a 
montrer,  d'une  part,le  degre  de  civilisation  materielle 
des  habitants  du  Nil  superieur,  et  de  I'autrc,  le  soin 
([ue  M.  d'Arnaudet  ses  compagnons  de  voyage  ont  mis 
a  observer  I'industrie  et  Ies  usages  des  indigenes. 

J.— I). 


(  159  ) 

GrdDiiiuiife  et  Dictionnaire  abreges  de  la  Inngiie  berbeie , 
cninijuses par  feu  Venture  de  Paradis.  —  1  vol.  in-Zi* 
(  lormant  la  premiere  partie  du  7"=  volume  des 
Meiuoires  de  la  Socicte  de  Geographic.  ) 


En  1803,  M.  Laiigles ,  I'un  des  fondateurs  de  la 
Societe  ,  et  qui ,  en  sa  qualite  de  consei'vateur  des  ma- 
nuscrits  de  la  Bibllotli^que  imperiale ,  avait  connais- 
sance  du  Dictionnaire  et  de  la  Grammaire  berberes  de 
\  enture,  deposes  par  Yolney  a  la  Bibliotheque,  en  pu- 
blia  des  extraits  a  la  suite  du  voyage  de  Hornemann. 
Les  voyageurs  en  Afrique  et  tous  les  orientalistes  con- 
curent  des  lors  le  desir  et  I'espoir  de  voir  publier  I'ou- 
vrage  original  in  eutenso,  Des  les  commencements  de 
la  Societe  de  Geograpbie  (1822),  la  proposition  tut 
faite  d'imprimcr  dans  les  Meuioires  la  grammaire  et  le 
dictionnaire  de  Venture.  Plusieurs  membres  de  la 
Commission  centrale,  a  differentes  reprises  ,  renouve- 
lerent  cette  proposition.  L'occupation  do  I'Algerie  par 
unc  armee  francaise  vint  donner  une  nouvelle  im- 
portance et  une  grande  opportunity  a  cette  pul)li- 
cation. 

Enfin ,  au  mois  de  septembre  1839 ,  le  conserva- 
toire de  la  Bibliotbeque  royale  confia  a  la  Societe  de 
Geographie,  sursa  demande,  les  trois  volumes  manus- 
crits  de  Venture  avec  autorisation  de  les  publier,  et  la 
Societe  pria  un  de  ses  membres ,  M  le  cbevalier  Jau- 
bert ,  de  suivre  cette  impression.  Celui-ci  en  fit  faire 
une  copie  exacte.  La  meme  annee  ,  M.  le  ministre  de 
la  gueire ,  et  en  1843,  M.  le  ministre  du  commerce, 
voulurent  l)ien  accorder  leur  appui  ;'i  la  Societe  pour 


(  160  ) 
subvenir  ;ui\  Irais  de  la  publicalioii ,  ol  cV'St  alors  que 
1  impression  commenca  a  I'lmpiimerie  I'ojale;  tel  est 
le  travail  qui  vient  d'etre  tcrmine. 

On  peut  regarder  cet  ouvrage  commc  le  premier  en 
ce  genre  qui  ait  vu  le  jour.  II  sera  honorable  pour  la 
France  d'avoir,  la  premiere,  fait  connaitre  les  ele- 
ments de  celte  langue  berbere,  parlee  non  seuloment 
par  les  indig6nes  du  mont  Atlas,  mais  par  plusieurs 
peuplades  de  la  Barbarie  ,  ct  par  des  tribus  du  desert , 
depuis  rOcean  Atlanlique  jusqu'a  I'Oasis  d'Ammon  (1) . 
La  connaissance  de  I'idiome  berbfere  peut  done  faci- 
liter  les  progr^s  de  nos  armes  en  Afriquc  ,  aussi  bien 
que  I'extension  des  connaissances  geographiques ,  et 
meme  des  relations  commcrciales. 

La  Socid'te  de  Gdograpliie  aura  ainsi  a  se  feliciter 
d'avoir  donn^  ses  soins  a  la  publication  d'un  livre  aussi 
neuf  qu'important ,  ct  qui  etait ,  sinon  oubli^ ,  du 
moins  sans  utility  depuis  plus  d'un  demi-si6cle. 

M.  Jaubert  ne  s'est  pas  borne  a  donner  le  texte  de 
Venture.  Au  Dictionnaire  francais-arabe-berbere ,  il  a 
ajoute  un  Vocabulaire  francais-berbere  ,  ainsi  qu'un 
avertissement.  Enfm  la  Societi^  a  joint  a  I'ouvrage  une 
suite  d'itin(!!raires  dans  I'Afrique  septentrionale ,  re- 
cucillis  sur  les  lieux  mCmes  par  Ventm-e  en  1788, 
•alors  qu'il  s'ot;cupait  de  la  composition  de  son  ou- 
vrage. J- — L). 

(i)  Voy.  Meinoires  de  la  Sociele  de  Geographic,  tome  IV,  pages  3o 
ct  suivantcs. 


(  161  ) 


DEUXIEME    SECTION. 


Actes  de  la  Societe. 


KXTR.VIT   UKS   I'ROCES-VERBAi:  X    DES   SEANflES. 


Prissidence  de  M.  Roux  de  Rochelle. 


Seance  dii  5   jniwier  184/i. 

Le  pi'oces-verbal  de  la  derni^re  stance  est  lu  et 
adopte. 

M.  de  La  Roquette,  qui  remplissait  les  fonclions  de 
secretaire  de  la  Societe  a  la  derniere  assenabl^e  g6n6- 
rale,donne  communication  du  proces  verbal  de  cetle 
seance. 

Les  Societes  philosophique  americaine  de  Phila- 
delphie ,  geograpbique  et  asiatique  de  Londres  ,  re- 
mercient  la  Societe  de  Tenvoi  de  ses  Bulletins,  et  lui 
adressent  la  suite  de  leurs  publications. 

M.  A.  Delessert  ecril  de  Calcutta  pour  demander  a 
la  Societe  d'etre  conserve  au  nombre  de  ses  corres- 
pondants;  il  espere  pouvoir  lui  adresser  d'utiles  ren- 
seignements  sur  les  pays  qu'il  se  propose  de  visiter 
pendant  le  cours  de  ses  voyages  dans  les  diflerenles 
contrees  de  I'Asie. 

M.  le  D'  Vizer,  noble  Hongrois ,  ^crit  de  Comorn  , 
qu'il  s'empressera  de  faire  hommage  a  la  Societe  de 
1.   k/cvru'R.    6.  11 


(  162  ) 

soil  ouvragc  sur  Ja  Cosmologie ,  aiissitot  qu'il  aura 
paru.  Devout:  depuis  plus  de  Irente  annocs  a  des  tra- 
vaux  scientifiques  ct  litteraires,  il  a  public  un  grand 
nonil)re  d'ouvrages  ou  opuscules,  et  il  serait  tres  flatte 
d'appartenir  a  la  Society.  Sur  son  d6sir,  M.  Jomard 
propose  que  le  nom  de  M.  Vizer  soil  inscrit  sur  la  liste 
dos  candidats  pour  una  des  premidres  places  de  cor- 
respondant  etranger. 

M.  Simonds ,  directeur  du  Colonial  Magazine, 
adresse  a  la  Societe  un  precis  du  voyage  que  vient  de 
terminer  M.  Schomburgk  sur  les  limites  de  la  Guyane 
anglaise.  Cette  communication  est  renvoyt^e  au  comit6 
du  Bulletin  ,  sur  la  proposition  de  M.  de  La  Roquette. 

M.  Coulier  adresse  une  Note  relative  aux  chilTres  de 
sondage,  exprimes  sur  la  carte  hydrographique  de  la 
baic  de  Naples,  publi^e  par  le  Bureau  topograj)luque 
de  cette  capitale ,  sous  la  direction  de  M.  le  colonel 
Visconti.  Renvoi  de  cette  Note  au  comite  du  Bulletin. 

M,  le  baron  Roger  lit  une  Notice  sur  des  documents 
relatifs  a  la  S^negambie  qui  lui  ont  eteadress6spour  la 
Society  par  M.  I'abbe  Boilat,  vicaire  de  Saint-Louis  du 
Senegal.  La  collection  de  ces  documents  se  compose  de 
5  cabiers  relies  et  assezvolumineux.  Le  1"  a  pour  titre  : 
Mcpurs  et  coutnnies  des  Maiires  du  Senegal ;  Ics  2*  et  3* 
Contiennentdcs  Notes  en  langue  des  Maiaes  du  Senegal ; 
le  h'  renferme  les  Prieres  puhliques  des  Mahometans  du 
Senegal ;  le  5'^  est  une  esp^ce  d'Album  in-Zi°,  plus  in- 
l^ressant  peul-elre  que  les  preci^dents.  Cette  collection 
est  renvoy^e  au  comil6  du  Bulletin  et  a  la  section  de  pu- 
blication. 

MM.  Jomard  et  d'Avezac  donnent  lecture  de  deux 
lettres  de  M.  Lefebvrc  sur  son  voyage  en  Abyssinie. 


(  163  ) 
Cette  double  communication  est  renvoy^e  au  comite 
du  Bulletin. 

La  Commission  centrale  proc^de  au  renouvellement 
de  son  bureau  pour  I'annee  ISZii,  et  elle  nomnie  au 
scrutln  pour  en  faire  partie  : 

President.       M.  Roux  de  Rochelle  , 

V.-Presld.      MM.  le  baron  Roger  el  Daussy. 

Secretaire.       M.  Berthelot. 

M.  Jomard  ,  en  qulttant  la  presldence,  remercie  la 
Commission  centrale  des  marques  reltdrees  de  con- 
fiance  qu'elle  a  bien  voulu  lui  donner ;  11  presente 
un  court  apercu  de  la  situation  actuelle  de  la  Soclete 
et  de  la  publication  du  dlctlonnalre  berbere. 

M.  Roux  de  Rochelle  ,  nomme  president ,  se  rend 
pres  de  M.  Jomard  I'lnterpr^te  de  ses  collogues  et 
lulexprime,  en  leurnom,  de  sinceres  remerclements 
pour  le  z61e  qu'll  n'a  cesse  de  montrer  pour  les  Interets 
et  les  travaux  de  la  Soclete. 

La  Commission  centrale  compose  ses  trois  sections 
v.i  son  comlle  du  Bulletin  alnsi  qu'll  suit  : 

Section  de  Correspondancet 

MM.  Bajot ,  Calller,  Cochelet,  Desjardins,  Dubuc  , 
Jaubert ,  Lafond  ,  C.  Moreau,  Noel  Desvergers,  d'Or- 
bigny  ,  Texler,  Thomassy  ,  Warden. 

Section  de  Publication. 

MM.  Albert-Mont^mont,  d'Avezac  ,  Denalx ,  Gul- 
gnlaut,  Jomard,  baron  de  Ladoucette ,  de  la  Renau- 
dlere  ,  de  Montrol  ,  vlcomle  de  Santarem,  Ternaux- 
Compans,  baron  ^^'alckenaer. 


(  164  ) 

Section  de  Comptabilite. 

MM.  Ansart,  Coraboeuf,  Eyries ,  Isambert,  de  La 
Roquette,  Vivien. 

Comite  (III  Bulletin. 

MM.  Albort-Mont(^mont ,  Ansart,  d'Avezac,  Berthe- 
lot ,  Callier,  Cochelet ,  Daussy  ,  Jomard  ,  de  La  Ro- 
quette ,  Roux  de  Rochelle  ,  Tcxlcr,  Thomassy. 

Seance  du  19  Janvier  1844. 

Le  proces-verbal  de  la  derniei'e  stance  est  lu  et 
adopte. 

L'Academie  iraperiale  des  sciences  de  Saint-Peters- 
bourg  adresse  a  la  Soci6l6  la  suite  de  ses  publications 
pour  I'annee  1843,  • 

M.  Jomard  donne  communication  d'unc  lettre  que 
lui  a  adressee  M.  le  D' Montagne  ,  sur  un  ph6nom6ne 
observe  dans  la  mer  Rouge  ,  le  15  juillet  1843,  par 
M.  Dupont,  avocat  dans  I'ile  Maurice.  La  merlui  j)arut 
lout-a-coup  telnlc  en  rouge  ;  elle  etait  couverte  d'une 
substance  fine,  de  celle  couleur ;  M.  Dujiont  en  recueil- 
lit  une  ])('tile  quantity  pour  I'analyser;  et  en  ])0u  de 
temps  cllcpassa  successivcnientdu  rouge  au  violet  fonc6 
et  au  vert.  Si  ce  plienom^ne  a  ete  connu  des  anciens  , 
n'expliqueralt-il  pas  la  denomination  qu'ils  avaient 
donnde  a  cette  mer  ? 

Plusieurs  membres  rappellent  les  observations  qu'ils 
ont  faites  eux-memes  sur  la  nature  de  ces  substances 
colorantes;  et  la  lettre  qui  a  donne  lieu  a  cette  discus- 
sion est  reiivoy^c  au  comite  du  Bulletin. 

M.  Inmard  aimonco  qu'il  cxistc,  soit  dans  les  papicrs 


(  165) 

que  conserve  la  famlUe  de  Venture  ,  soil  dans  les  ma- 
nuscrits  de  la  Biblioteque  royale  ,  des  notions  int^res- 
santes  sur  les  Etats  barbarcsqnes  ,  recueillics  pendant 
son  sejour  a  Alger,  Tunis  et  Tripoli  ;  il  signale  surtout 
des  itineraires  qui  conduisent  dans  I'inlerieur  de 
I'Afrique.  Ces  fragments,  si  la  Societe  les  publiait, 
seraient  tiaturellement  aleur  place  a  la  suite  du  travail 
de  Venture  ,  relatif  a  la  langue  des  Berb^res.  Sur  la 
proposition  de  M.  Jomard ,  la  section  dc  publication 
est   invitee  a  prendre  connaissance  de  ces  documents. 

La  Commission  centrale  procede  a  I'election  des 
membres  de  la  Commission  speciale  du  prix  annuel 
pour  la  d^couverte  la  plus  importanle  en  geographic  , 
et  elle  nomme  au  scrutin ,  MM.  Daussy,  Eyries  ,  Jo- 
mard, de  Larenaudiere  et  Walckenaer. 

Sur  la  proposition  de  M.  Jomard  ,  il  sera  nomme  , 
dans  la  procbaine  seance  ,  a  une  place  vacante  de 
membre  adjoint. 

Seance  du  ^  fevrier  18^4. 

Le  proc^s-verbal  de  la  derniere  seance  est  lu  et 
adopte. 

LTnstitut  bistoinque  et  g^ograpliiquc  de  Piio-Janeiro 
adresse  a  la  Societe  un  exemplaire  tie  la  Flore  du  Bre- 
sil,  en  11  volumes  in-fol. 

La  Societe  royale  geograpbique  de  Londres  envoie  le 
dernier  N"  de  son  Journal. 

M.  do  La  Roquotte  odVo  ,  dc  la  part  do  j'auleur, 
M.  Delacroix,  I'Annuaire  des  voyages  pour  IS/i/i;  il 
est  pi'i^  d'en  rendre  compte. 

M.    .Inniard   oonununiquo   une   lottrr   (!<'    M.    Vibi-ii 


(  1(36  ) 

Gallatin,  contenant  des  indications  int(^ressaiiles  sur 
une  carte  manuscrite  des  conlrecs  situees  entre  le  Mis- 
sissipi  et  I'ocean  Paciliquc ,  et  il  depose  sur  le  bureau 
une  copie  de  cette  carte  envoy 6e  par  M.  Gallatin  pour 
la  collection  de  la  Soci<!!t6. 

La  Commission  centrale  vote  des  remerciements  aux 
auteurs  et  aux  donateurs,  et  ordonne  le  di^pot  de 
ieurs  ouvrages  a  la  bibliotheque. 

Le  nn"^mc  membre  communique  une  nouvelle  lettre 
de  M.  le  D"^  Montague ,  annonrant  qu'un  naturaliste 
avait  deja  observd  le  phcnomenc  remarque  I'annee 
derniere  dans  la  mer  Rouge  par  M.  Dupont;  qu'il 
avait  examine  la  substance  colorantc  a  I'etat  de  vie ) 
enfm  qu'il  en  avait  fait  un  genre  d'algue  nouveau  de  la 
tribu  des  oscillatorit^es ,  determination  qui  etait  aussi 
celle  du  D"^  Montagne. 

M.  Jomard,  au  nom  de  la  section  de  publication, 
fait  un  rapport  sur  les  Itineraires  de  I'Afrique  septen- 
trionale  avec  des  notes  sur  I'Atlas  et  le  Sahara ,  re- 
cueillis  par  Venture  deParadis,  et  il  propose  I'inser- 
tion  de  ces  documents  dans  les  memoires  de  la  Societe  , 
a  la  suite  du  Dictionnaire  et  de  la  Grammaire  bcrbers 
du  meme  auteur. 

Cette  proposition  est  adoptee  par  la  commission 
centrale,  et  renvoy^e,  sous  \r.  rapport  de  la  depense,  a 
la  section  de  comptabilite. 

M.  le  baron  Roger  lit  une  Notice  sur  le  lac  de 
Garda  ,  sur  les  cultures  de  limoniers  qu'il  a  ro- 
marques  sur  ses  bords,  et  sur  les  essais  du  merae 
genre  que  Ton  pourrait  faire  dans  quelques  departe- 
ments  de  la  France.  Cette  Notice  ,  extraite  des  obser- 
\alions    que    rauteur   a    fail^s    ponrlant     son    flernier 


(  1^7  ) 
voyage  en  Italic ,  est  renvoy6e  an  comit6  du  Bulletin. 

M.  Hommaire  de  Hell  presente  uu  aper^u  de  ses 
voyages  dans  la  Russie  meiidionale  et  dans  les  steppes 
voisines  de  la  mer  Caspienne  ,  et  il  ofTre  a  la  Soci^tt^ 
les  trois  prexnieres  livraisons  de  la  relation  de  ces  voya- 
ges. Cette  communication  est  renvoyd;c  au  comite  du 
Bulletin. 

M.  Ansart  lit  un  extrait  d'luie  lettre  de  M.  Lebas , 
membre  de  I'lnstitut,  sur  son  voyage  en  Orient,  et  sur 
I'imperfection  des  cartes  de  ces  contrees. 

Seance  du  16  fevricv  18/i/i. 

Le  proces-\crbal  de  la  derniere  seance  est  lu  et 
adopte. 

M.  Jomard  communique  plusieurs  extraits  de  sa 
correspondance  d'Egypte  ;  il  aimonce  que  le  gouverne- 
ment  egyptien  se  propose  de  publier  un  journal  scien- 
tifique  sous  le  litre  de  Le  Loknian  egyptien ,  et  dont  le 
plan  est  ainsi  concu  :  astronomie ,  cosmograpliie,  geo- 
grapbie ,  meteorologie ,  physique  ,  histoire  natui-elle  , 
agriculture  et  horticulture,  arts  et  metiers,  medecine  et 
chirurgie. 

M.  de  La  Roquette ,  au  nom  de  la  section  de  comp- 
tabilite ,  presente  un  devis  de  la  depense  pour  I'im- 
pression  des  Itineraircs  de  Venture  ,  et  annonce  que 
r^tat  des  fonds  permet  de  publier  ces  documents,  a  la 
suite  du  Dictionnaire  et  de  la  Grammaire  berbers  du 
meme  auteur.  Ces  conclusions  sont  adoptees. 

M.  de  Frobervllle  lit  une  Notice  sur  le  progr^s 
des  decouvertes  geographiques  a  Madagascar.  —  Ren- 
voi de  cette  communication    au  comite  du   Bulletin. 

M.  Claude  Gay  estnomme,  a  runanimite,  menibrr 
•tidjoint  de  la  Commission  rfntrale. 


( l<i« ) 

.\[.  Borthelot  donno  des  renseignenients  siir  la  Flore 
do  Rio-.lanoiro ,  dont  riiistltnl  liistorlquo  et  g^ogra- 
pliiqvio  du  Bresil  \icnl  dadresscr  un  ox(Mnplairo  a  la 
Societe  ;  il  re^oit  de  M.  lo  Prosidont  i"in\itation  d'en 
faire  le  sujet  d'une  note  pour  etro  inser^e  dans  le 
Bulletin. 

OTJVRAGES  OFFERTS  A  I. \   SOCIKT)':. 

Seances  des  2  et  16  fcvrier  18/|4. 

Par  rjnstitnt  historique  et  gcographitiiic  du  Bresil : 
Florae  fluniinensls  seu  doscriptlonuni  plantarum  prae- 
fectura  flumlnensi  sponte  nascentium.  1  vol.  dc  textc 
in-Zi,  et  H  volumes  de  planches  in-fol. 

l^ar  M.  le  minis t re  de  P agriculture  et  du  cninnierce  : 
Documents  sur  le  commerce  cxterieur  ,  n°*  118  a  131, 
in-8. 

Par  M.  Homniaire  de  Hell :  Les  steppes  de  la  mer 
Caspienne ,  le  Caucase  ,  la  Crimee  et  la  Russie  meri- 
dionalc ,  voyage  plttoresque,  historique  et  scientili- 
que  ,  J"  a  i"  llvraison. 

Par  M.  Albert  Gallatin  :  Map  of  the  Rocky -Moun- 
tains, 1  feuille  ms. 

Par  M.  F.  Lacroix  :  Annuaire  des  voyages  et  de  la 
geographic  pour  Tannic  1844  ,  1  vol.  in-12. 

Par  M.  le  baron  d' Ilonibres  :  Suite  des  M^moires  et 
observations  dejihysique  et  d'histoire  naturelle,  broch. 
in-8. 

Par  M,  Laf'ond  :  Voyages  aulour  du  monde.  — Mer 
du  Sud  ,  de  la  Chine  et  archipels  dc  I'lndc.  123"  , 
124%  12  5"  et  126''  livraisons. 

(La  suite  des  ouvrages  ojferts  an prochain  nuuiero.  ) 


BULLETIN 


DE     LA 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 


MARS  18/j/j. 


PREMIERE    SECTION. 


MRMOIItES,   KXTRAITS,   ANALYSKS  !■  1    llAPl'OinS. 

LE  NIGER,  LE  NIL,  LE  GIR, 

pai  M.  C.-G.  REICHARD. 
(  TiMiluit   (le  1  .illeinnnd  par  J.  ImiIo;^*'  npl)ilpii.  ) 


Le  Niger,  le  N// ,  le  Gi'r  ,  celebres  r'niiTcs  clans 
I'histoire  de  la  geographic,  sont  depuis  dix-huit  slecles 
d'une  haute  hnportance  pour  le  savant  comme  pour  le 
commerce  du  monde.  Quels  efforts  de  I'esprit  et  du 
corps  elles  ontcoutes  pour  explorer  Ic  mystere  de  leur 
cours ,  depuis  leur  orlgine  jusqu'a  Icur  fin  I  Que  de 
dangers  ontafTrontesetaffrontent  encore  avecl'emprcs- 
sement  le  plus  courageux  des  hommes  recommanda- 
blcs  ,  isoles  on  en  troupe,  armes  et  non  amies,  qui 
tantot  sc  sont  livres  avcc  precaution  ou  imprudcm- 
mcnt  a  des  nations  artiiicieuscs  ,  mechantes,  vindica- 
tives,  ou  bicn  ont  bi'av6  un  climat  meurtrier  pour  les 
habitants  du  Nord ,  quelquos  uns  afin  d'agrandir  ie 
I.  MAns.    1 .  12 


(  170  ) 

domaine  de  la  science  et  d'obtenir  la  palinc  d'unc  des 
decouvertes  les  plus  linportantes  pour  la  tieographle  , 
la  plupart  pour  uii  Init  luercantilo  ,  afin  d'ou^rir  au 
commerce  unc  carrlere  nouvelle  et  lucrative  1  C'est  a 
cette  perspective  que  Ilouditon  ,  Mungo  Park,  Ilorne- 
mann  ,  llontgen  ,  Scetzen  ,  Tuckey  ,  Bun  khardt  , 
Belzoni ,  Oudney,  Toole,  Laing,  Clapporton  ,  et  une 
foule  d'liommes  utiles,  ont  sacrifie  lour  vie.  Kt  cepen- 
dant  ils  n'atteignirent  pas  le  but,  quoiqu'ils  s'en  fus- 
sent  approches. 

C'est  au  Pentateuque  que  nous  devons  la  premiere 
mention  du  ISil.  Les  Israelites  Ic  nommaient  tantol 
lenr,  tantot  Anhar  Mizraiin  ,  tantot  Schikhor.  Mais 
Herodote  est  le  premier  qui  so  soit  occup6  dc  ses 
sources;  car  il  raconte  ace  sujet ,  liv.  II.  chap.  32  et 
33  ,  le  voyage  des  Masamons.  On  a  conclu  de  ce 
recit  que  les  lacs  rencontres  et  le  grand  lleuve  plein 
de  crocodiles  vu  par  ccs  Africains  ,  etaient  le  Mil ,  qui  , 
d'apr^s  ce  que  Ton  sait .  vcnait  dc  trv;s  loin  dans 
I'ouest. 

Quant  au  jSigir,  ni  Herodote  ni  le  siecle  qui  I'a 
suivi  ne  I'ont  connu  ;  cette  decouverte  etait  r^servee  aux 
armcs  romaincs.  Plus  tard  ,  on  supposa  que  ce  fleuvc 
ctait  le  ISil,  dont  on  devait,  d'aprc>sla  tradition,  cher- 
clierla  source  Ires  loin  dans  I'ouest;  et  ccpendant  Ton 
ignorait  compl^tement  la  structure  dc  I'intt^rieur  de 
I'Afrique.  Toutcs  sortcs  de  descriptions  fabuleuses  de 
son  cours  furentpubliecs  ;  c'est  ce  que  firent  Mela  ,  et 
encore  plus  expllcitement  Pline ;  Ptolemee,  au  con- 
traire,  distingua  soigneuscmcnt  les  deux  rivieres. 

La  destruction  dc  1 'empire  romain  empecha  toutes 
les  rccherclies  ulterieures ;  alors  les  fureurs  de  I'isla- 
misme  entraverent   tniit(  s    los    communications   aver 


(   i7J   ) 
I'Europe,    mirent    (in  a   tous    Ics    Elats    do    I'AfriqiK^ 
septontrionalc  ,    ct  inctamorphosercnt   tellcmont    los 
nations  ,   qu'aujourd'hui   encore  on  ne  pent  decouvr 
lenr  origine  qu'avcc  difficulte. 

Au  lieu  des^  recits  des  ecrivalns  classlqiios  ,  on  a 
ceux  des  Sarrasins,  Ijicn  plus  embrouilles  quo  ccux 
des  anciens.  Edrisl  parle  de  deux  Nils,  de  celui  d'E- 
gypte  ,  et  du  7V7///^  Nigionun.  Quelques  siecles  plus 
tard,  Loon  I'Africain,  se  presenlant  comme  tomoin  ocu- 
laire ,  soutient  hardinient  que  le  Niger  de  Tomboctou 
roule  de  Test  a  I'ouest;  Marniol  repete  d'apres  lui 
cette  assei'tion  ,  ct  Labat  s'eiroi'ce  slnc6reinent  de  la 
confirnier.  ^  crs  la  raeme  epoque  ou  Joan  Leon  ecri- 
vait,  les  Portugais  avaient  ogalemcnt  pris  des  informa- 
tions sur  ce  sujet  et  reru  beaucouj)  de  rcnseignements 
meilleurs  que  les  siens  ,  toutefois  encore  obscurs.  Mais 
cociconcerno  particulioremont  la  geographic  moderne, 
et  j'y  revicndi-ai  plus  tard.  Le  principal  cbjet  de  cos 
considerations  est  de  recherchor,  a  I'aide  de  tous  les 
passages  des  anciens  oil  il  est  parle  du  Niger  ct  du 
Gir,  quels  sont  les  fleuves  connus  aujourd'hui  aux- 
quels  cos  noms  ont  ete  donnes  jadis.  II  en  surgira  na- 
turellement  un  resultal  qui  no  sera  pas  tr^s  satisfai- 
sant  pour  un  grand  nombre  de  glossateurs  modernes. 

Le  nom  de  Nigir,  de  memo  signification  que  celui 
de  Niger,  ne  se  rencontre  que  chez  trois  autcurs  clas- 
siques  :  Pline  ,  Ptolennee  ,  Agathem^re,  qui  I'ecrivent 
ISiger,  'Niyctp  et  N;-yip.  Cost  chez  les  deux  premiers  qu'il 
faut  emprunter  des  details  precis  pour  determiner  la 
position  geographique  de  ce  fleuve.  Mais,  afin  de  faire 
bien  comprendre  ce  qui  tient  a  lensemble  de  cette  ma- 
tter e  ,  il  est  necessalro  de  citcr  on  onlicr  chaqun  pas- 
sago  on  il  on  est   qnosfuin  .    do  los   analyser,  ot  de  ies 


(  I7"2  ) 
comparer  los  iiiis  aux  aulrt's.  Pliuo  ,  en  tiahanl  (^li>.\  , 
ch.  i)  ties  fleuves  de  la  Mauiitanic  qui  se  jeltcnt  dans 
I'oc^an  Atlantlque  ,  s'exprlme  ainsi: 

«  AJox  anincin,  qiieni  vacant  Flt  :  ah  eo  ad  Dyrin  [/loc 
r/iitii  Jtlauti  nonicii  esse  eorii/ii  lingtia  cnni'enit)  ditcenta 
M.  p.  intoveniente flnmine  cid  nonien  est\  ior. —  Sneto/iiii.t 
I'didiniis  [quern  coiimdem  villi nius)  primus  roiiitinnnini 
duciini  tiausgressiis  qiioque  Atluntein  aliquot  tiiillinni 
.-:jjatin,prodidit  de  e.icelsilate  quiUe/u ejus,  quofcele/i.  (Puis 
\iennent  des  remarques  relatives  a  la  botanique  de  ce 
niont.)  —  Ferticem  al(is,etiaiii  a'stnle^opetiri ui{>ihus.  De- 
cii/uis  se  eopervenisse  castns,  el  ultra  ad  /hnini)i,(pd  Niger 
Docaretnr,  per  solitudiues  idi^ri pulveris  eminentibns  inter- 
/luiii  relut  crust  IS  cautibus,  Inca  inluibitabiliafervore,  quari- 
qiuiui  la'benio  tempore ,  expert ur».  Quiproximos  iiduibitcni 
snitus  ,refertos  elephantorum  ferarumque  et  scrpeutium  omni 
"Caere,  Caiia  rios  appella  ri. — Et  satis  superquede  Atlante.  r> 

Su(!!tonius  fut  consul  randoRonie  819,  souslc  regne 

do  IScron.  (-e  fut  done  cntre  les  sources  du  /'ut  (Plithut 

de  Ptolem6e  ,  IV,  1;  Phut  dc  ,loseplie,  Jaliquites  juda'i- 

niics,  1,6),  aujourd'liui  Tensift,  ot  de  V//sauta  [Juntis 

do  Polybc  citdparPiiiio,  AuidosAa  Sc\lax),  aujourd'hui 

Morbeya  ou  Omutirabikh  ,  dans  I'cspace  intermediaire 

oil  coule  Ic  f'^ior  ( Diur  dc  Ptol^mee) ,  qu'il  olToctua  ce 

passage,  dans  lo  canton  a  Test  de  Maroc,  ou  dans  la 

partie  meridionale  de  la  ])rovlnce  de  Tedia  ,  ou  I'Atlas 

estassez  6troit,  niaisd'aulant  plus  escarp6  etplus  liaut. 

Cost  aussi  la,  surlo  vorsant  oriental,  que  so  trouvont 

les  sources  dos  rivieres  qui  arrosont  les  provinces  de 

Drah  et  de  Tardet.  On  \olt  dans  Pline  (liv.N  ,  rli.  h  )  , 

que  Suetonius  ,  apres  avoir  fianchi  I'Atlas,  entra  aus- 

sitot  en  Getulic. 

«  Tota   Gcctidia    ad  f'unen    ISicnix  .   qui  Africnm    ab 


(  173  ) 
Ethiopia  (Uriiiiit.  »  Ainsl  le  IMgerne  couluit  qu'en  G6- 
tulie ;  11  ne  se  prolongeait  pas  au-dela  de  ce  pays.  Les 
Romains  entendalent  par  Ethiopie  les  portions  du  Sa- 
hara contlgues  au  Di'ah  et  au  Tafilet  ,  ce  qui  iiiontre 
qu'Us  ii'avalent  aucune  idee  de  I'etendue  iiiiniease  de 
ce  desci't.  Pllne  ne  dit  pas  jusqu'ou  Suetonius  est  alio 
sur  les  bords  du  Niger,  nials  11  est  tres  probable  qu'll 
poussa  jusqu'a  Mavln  (  Malunoua  deLeon),  que  I'au- 
tcur  ronialn  cltecomme  une  vUle  de  Getulle,  sltuee  dans 
un  canton  desert,  et  que  Leon  place  avec  ralson  dans 
la  province  de  Sedjclmessa;  11  est  egalement  vralsem- 
blable  que  les  Piomalns  ,  qui ,  dans  les  expeditions  ou 
ds  ne  rencontralcnt  que  tres  peu  de  I'esistance,  n'e- 
talent  nuUcnient  amis  des  denil-mesures ,  oecuperent 
toutcs  les  parties  du  pajs  qu'lls  reconnurent  fertiles. 
Or,  on  n'en  trouve  de  traces ,  surtout  dans  ces  climats 
brulants ,  que  le  long  des  rivieres. 

Mais  comnie  11  est  bon  d'avoir  une  connalssance 
plus  approfondie  de  la  Cietulle,  ecoutons  Pline  (llv.V, 
8)  :  «  Interiori  autem  ainbitu  Afiicce  ad  niei idiein  versus  , 
superque  Gmtidos,  iiiten>enieiitibas  deseiiis^piiini  onminin 
Libya'gyptu^deindeLeaccethiopes  habitcint.  Super  eos  JEthio- 
puni  gentes  Nigi-ita\a  (pio  dictum  est  flumine ;  Gymnetes, 

Pliarusii,  etjani  Occanuir,  attingentes Pcrorsi.Ab  Jus 

omnibus  iHislte  sohtudines  Orientem  versus  usque  ad  Ga- 
ramantes,  Augylasque  et  Troglodytas ;  verissima  opiuione 

eorum,qm  desertis  Ajricce  duasMtJdopias  superponunt 

ad  orientem  occasuiiupie  versos.  IMgri  /Initio  eadcm  no  turn 
qu(C  iSilo: calaniuni  et  papyruni  eteasdem  gigiut  aniinan- 
tes,  iisdemque  tcniporibus  augescit.  Oritur  inter  Taieleos 
jlLthiopas  et  OEcalicas.  Hojuin  oppiduin  Alai'in  quidain 
M)/i.tiidi/iibus  imposuerunt  ,  Atlantes  juxta  eos  ,  etc.  » 

Les  auteurs  le  plus  justement  reputes  pour  la  geo- 


(  t"4  ) 
graphie  ancienne  (1)  recoiinaissent  quo  la  (jctulio  est 
la  contree  au-dela  de  TVtlas  on  sont  sltuees  los  pro- 
vinces maui'ltanicnnes  de  Sus ,  Drali  ot  Tafilet  (jadis 
Segelmas)  ,  et  arrosees  par  le  Drah  ,  le  Ziz ,  le  Glr  , 
et  par  pluslcurs  autres  rivieres.  Copendant  il  y  a 
aussi  des  Getules  plus  a  Test,  jusqu'aux  Syrtes ;  ils  ha- 
bilcnt  parmi  les  Nuinides  et  les  Garamantes,  sui\ant 
Strabon  (p.  820)  ct  Florus  (IV,  12,  §  111).  Malsleur 
demeure  primitive  ^tait  celle  dont  il  viont  d'eti'C  ques- 
tion. Ptolemee  iadiquc  tr6s  clairenient  la  position  de 

la  G^tulic     (liv.  I\  ,    6)    :  Ynwizai  OS  TOt~;  fxi-j  ISIauOiTavcai;  h 

Agathem^re  (lit  la  memo  chose  avcc  les  memos  expres- 
sions :  «  Au-dossus  des  deux  Mauritanies  est  situ6e  la 
G6tulie.  ))  Cette  contree  avait  done  la  Mauritanie  c6sa- 
rienne  au  nord  ,  et  la  Mauritanie  tingltane  a  I'ouest : 
elle  occupait  done  remplacement  des  provinces  de 
I'ompire  do  Maroc  situees  au-deli  de  I'Atlas.  Strahon 
(pag.  335)  dit  positivcment  en  d'autros  tcrmes  :  ((Au- 
dessus  (au-dela)  de  la  Getulie ,  et  dans  une  situation 
parallele  ,  est  le  pays  des  Garamantes.  » 

Cos  mots  indiquentla  memo  position  que  celle  qui 
est  donnee  par  Ptolemee  et  par  Agatliomere.Pomponius 
Mela  (liv.  I,  ch.  /i)  dit  egalement :  «.Natio  multiplex  fre- 
quenscjue  GcetiiU Tiimpriinum  ab  oriente  Garamantes. n 

())  Mainieri,  lo*  partie  (  Afrique ) ,  2' spcti<ni ,  p.  ,'559,,  etc.  D'Aii- 
ville  excliit  Sus ,  ct  iloiiiie  aux  Golulcs  la  province  dc  Sah  en  Mauri- 
tanie. Toiitcfois,  ce  nest  pas  ce  (jui  results;  du  texie  des  anteurs 
t'lassiques.  La  province  de  Zab  et  le  lacSchalt  appartenaient  ineinc  a 
la  Mauritanie  Sititensi;i  ,  cuinme  on  le  voil  d.Tn-;  I'rnropo  et  d.nis 
Ammicn.  I'line  ne  nonimc  presrpie  aueun  lieu  ilc  ce  canton,  et 
Ptolemee  place  trcs  loin  de  la  (jctulic  le  l)as:.in  du  Gir  qui  arrosc  le 
ZaI). 


(  175  ) 
Et  Salluste  (Bell.  Jug.,  19)  :  «  GietidoruDi  magna  pars 
et  Numi(Ue  ad  fluiiien  usque  Miducharn  sub  Jugurtha 
erant.  »  lis  habitaient  done  aussi  le  territoire  ou  le  Mul- 
louia  fait  la  liinite  cntre  le  royaume  de  Fez  ctlAlgerie, 
comnie  autrefois  entre  les  deuxMamitanies.Ptolemee  ne 
dit  ricn  de  plus  sur  lesbornes  de  la  Getulie,mais  il  ajoute 
a  cc  mot  uTToxEiTat ,  etc.jla  particule  conjonctive  os  im- 
mcidiatement  apres  avoir  determine  la  situation  du 
ISiger,  xat  0  Ni'ysip...  et  le  Niger  va  du  mont  Mandron 
au  mont  Tliala  :  la  il  donnc  naissance  au  lac  Nigritis  , 
qui  est  par  15°  de  longit.  et  18"  de  lat.  II  dit  aussitot 
apres  :  xai  Trpofffisvapxrouj...  Or  en  partant  des  deux  points 
determines  au  septentrion ,  qui  sont  aux  naonts  Sa- 
gapola  et  Ousargala ,  il  n'y  a  dans  Test  qu'un  seul 
point  determine  au  lac  de  Libye ,  qui  est  par  36"  de 
long,  et  16°  de  lat. 

Ou  faut-il  cherclier  les  monts  Mandron  ,  Thala  ,  Sa- 
gapola  et  Ousargala  ? 

Le  Mandron  est  une  portion  du  prolongementde  1' At- 
las ;  au  sud  de  I'empire  deMaroc  ,  la  chaine  principalo 
file  a  I'ouest ,  vers  le  cap  Glier.  Du  point  ou  I'Atlas 
tourne  a  I'ouest,  un  rameau  se  detache  et  court  au  sud 
et  au  sud-ouest ,  en  envoyant  plusieurs  rivieres  a  10- 
cean.  Ptolemee  avait  dit  plus  liaut  :  to  Mav^Jpov  epo?,  etc. 
(le  mont  Mandros  ,  duquel  coulent  les  riviei'es  depuis 
le  Salathus  jusqu'au  Massa). 

Dans  le  periple  de  la  cote  occidentale,  il  place  Ic 
Salathus  entre  le  Subus  et  le  Nuius  ,  c'est-a-dire  le  Sus 
ctle  Oued-Noun.  Riley,  en  sortant  du  Sahara,  suivitla 
cote,  puis,  apres  avoir  passe  le  Oued-Noun,  traversa  le 
lit  de  quelquesauti^cs  rivieres  ou  il  n'y  avait  pas  d'eau  . 
pt  arriva  a  Salamah  ou  Selemah,  ville  situee  sur  une 
riviere  egalement  a  sec  :  on  v  reconnait  evidemmentlo 


(  17<5  ) 
Sa/tit/iiis  ch'itasdelholemce  etla  riviuie  dii  inemenom. 
Le  Massa  n'ost  pas  encore  decoiiveit.  Lenioiit  Mandron 
est  done  cclui  que  tous  les  csclaves  ehretlens,  delivres 
deleurcaptivitc,  et  sortant  du  Sahara  ,  voient  dans  le 
lointain  a  droite  ,  depuis  les  bords  du  Oued-.\oun  jus- 
qu'a  ceux  du  Sus  ,  lorsqu'ils  marcbent  vers  Mogador. 
Les  passages  suivants  aident  a  determiner  la  position 
du  .Mandron  :  «  'EXaacrova  6i  haiv...  il  \  a  aussi  de  petites 
peuplades  qui  occupcnt  la  Getulic  (bi  cote  de  la  nur, 
telles  que  les  Autolahc,  les  Sirangajet  les  Mausoli,  jus- 
qu'au  mont  Mandron.  »  Plus  loin  :  «  Kai  pera^u  fjh  toZ 

Mavoooi. ct  entre  les  nionts  Sagapola  et  Mandron,  il y  a 

les  Salatlii,  les  Dapbtbita%  les  Zamazi,  les  Arocc;B  et  les 
Tecpani,  jusqu'aux  Nigrites  elbiopiens.  »  N'a-t-on  pas 
la  les  villes  suivantes  :  Salamatb ,  Tefetneb ,  Azamor, 
iMaroc ,  Tefza  (1)  ,  encore  florissantes  de  nos  jours  , 
rangees  sulsaiil  Tordrc  oii  dies  doivent  letre  ?  Elles 
bonl  de  lenipire  de  Maroc. 

Malntenant  passons  au  mont  Sagapola.  II  est  plac6 
au  nord  du  Mandron  ,  et  par  consequent  fait  6galement 
parti(!  de  I'Atlas  ,  puisque  Ptolemee  dit :  X^'  ov  o  SoC?o? 
rrsTorpb;  pn  (emboucbure  du  Subus...  9...  25).  Ce  serait 
le  Sanbaga  d'Al)oulfcda,  que  Ptolemee  semble  etendrc 
done  uu  peu  plus  vers  lesud;  niais  c'est  uii(>  partie  du 

(i)  A  \<i  verilc' ,  Pti)leiii('e  a  coiiiuiis  lino  rneur  tics  |i;ii(loiitKil)Ie 
(hiiis  la  (iisposllioii  (;r*Hr|iM]ilii(jiie  dcs  iioiiis  (le  ces  villrs,  sur  Icsfiticllcs 
il  ii'aviiit  |).is  d'cli'nieiits  de  dcleriiiination  ,  narce  (|iril  en:!)!.!!!?  les 
IIOIIIS  imiiijunes ;  h  i'exceplioii  de  S.ilatlms,  il  traii-poi  te  l(;s  aiures 
c'li  Lyliic,  au  lieu  de  les  iiiotire  en  Mauritanie  ( iv.  i  ).  Mais  il  est 
presuinajjle  que  dans  oetle  partie  ineridionale  de  la  Maurilanie  , 
ii)al;;i<'  les  liinitcs  natunlles,  des  villes  {je'tuliennes  ont  pxisu'  pariiii 
lelles  i|iii  (  laiciit  |)ii>|)i  fiiieiil  iiianiiS(|ti(\s  ;  il  iii  est  dc  iiu'miic  au- 
I'jind'liui. 


(  177  ) 
liaiit  Atlas  merne.  Celui-ci  est  a  roiiost  du  Nigir.  A  Test, 
estle  montThala,  vis-a-vis  du  Mandron,  et  I'Ousargala 
vis-a-vis  du  Sagapola  :  done  le  Thala  est  au  sud  de  I'Ou- 
sargala.  II  n'y  a  rien  dc  positif  a  dire  sur  le  Thala  ;  11 
est  dans  un  canton  si  recule  dans  le  Sahara  ,  que  Ton 
n'a  pu  trouver  aucunrenseignenient  sur  une  montagne 
ou  une  chahie  de  ce  nom  :  c'est  pcut-etre  une  ville  sur 
une  montagne ,  ce  qui  lui  a  valu  d'etre  di^signe  par  le 
mot  i^jo;.  Qulconque  a  la  moindre  hahitudedesrecher- 
ches  dont  nous  nous  occupons  comprendra  alsement 
que  ce  mont  Thala  ne  pent  etre  le  Tala  de  Salluste  (B. 
J.  75),  et  de  Strabon  (831),  le  T he/e.p te  dcs  itineraires, 
dans  la  Numidic  orientale,  et  situe  a  100  milles  g(^o- 
graphiques  du  premier. 

Main  YO(i.iarga/a  est  incontestablemcnt  le  Goi/ar^ala 
de  Jean  Leon  (p.  5  et  465),  le  Faiechm  d'Edrisi,  VOur- 
gala  de  Shaw  et  de  tons  les  modernes.  Bien  que  nous 
n'ayons  pas  encore  une  determination  geographicjue 
tres  precise  de  sa  position,  on  peut  cependant,  d'apres 
Ptol^m^e  et  Shaw,  le  placer  avec  assez  d'exactitude  par 
32°  de  latitude,  au  sud-ouest  de  Touggourt ;  ilestalors 
a  peu  pros  sous  le  meme  jiarallele  que  Sagapola,et  au  sud 
de  la  pi'ovince  de  Zab  ,  ou  pi u lot  dans  sa  partio  meri- 
dionale.  II  parait  aussi ,  d'apres  Edrisi,  que  le  terri- 
toire  dc  Vourgala  a  ete  considerable  et  a  embrasse 
toute  une  region  montagneuse  qui  aura  emprunt6 
son  nom  de  la  ville. 

De  plus,  Ptolemee  a  place  la  riviere  de  Darat  sous 
ce  parallele  :  Trpb;  ut-ar.u^oiav ,  etc.  (et  I'unlque  lieu  de- 
termine dans  le  sud  (pres  du  lac  de  Libye)  :  il  y  a  deux 
determinations  sur  la  riviere  de  Darat  :  26°  de  long., 
17"  de  lat.;  2'i  long.,  17  lat.  );  mais  la  traduction  la- 
line  a  au  conliairo  21"  do  long..  17"  dc  lat.;   21  long., 


(  178  ) 
13,  30  lat.  ).  D'apres  les  chiirres  grecs  ,  la  ligne  indi- 
queo  court  de  I'ouest  a  Test  ,  tandis  que  d'apres  ceux 
clu  latin,  elle  va  du  nord  au  sud.  Le  dessln  il'Agatlio- 
da-uion  est  conrorme  a  cette  derniere  disposition ,  ct 
fait  en  consequence  venirdu  sud  un  affluent  du  iNiger, 
ce  qui  ne  pouvait  pas  etre  le  sentiment  de  Ptol6m^e.  Le 
Darat ,  ou  Daras  ,  dont  Pline  fait  mention  ,  est ,  suivant 
une  explication  extrcmoment  simple,  surtout  puisqu'il 
est  cit6  comme  voisin  du  Niger  on  Getulic,  le  Drah 
(Dara,  Darha)  de  Jean  Leon  (p.  451  et  563j  ;  ct  par  les 
determinations  cities  plus  haut,  la  ligne  indiqude,  n'im- 
porle  quelle  ait  une  direction  de  Test  a  I'ouest  ou  du 
uord  au  sud,  pourrait  avoir  eu  pour  objetdemarquer 
le  cours  de  cette  riviere  dans  I'interieur  ;  ce  cours  ,  de 
memeque  celui  des  aulres  ri\ieres  de  la  Getulic,  ay  ant 
6l6  donne  d'unc  manidre  confuse  au  geographe. 

Les  Melanogetules  t^laicnt  repandus  cntre  le  Saga- 
pola    et  rOusargala.  Ptolemee  s'exprime  ainsi  sur  ce 

sujet  :  ((  Ka'c  ib  ({Qvc;)  twv  MfXotvoyaiToOXwv ct  la  nation 

dea  Getules  noirs  qui  occupe  la  conlree  cntre  les  monts 
Sagapola  et  Ousargala. »  On voitcncoro  aujourd'liuidans 
ce  pavs  le  melange  de  la  couleur  blanche  et  de  la  noire 
a  tons  les  degres;  iln'est  pas  neccssaire'pourcelad'aller 
a  300  milles  geographiques  plus  au  sud  jusqu'au  Jo- 
liba.  Les  habitants  du  Drah  sont  presque  noirs ,  ainsi 
que  nous  I'apprennent  Jean  Leon  et  levoyageur  Scha- 
biny. 

Pline  ne  se  borne  pas  a  donner  une  determination 
generale ,  il  nous  fait  connaitre  plusieurs  noms  de 
penples  qui  lui  etaient  parvenus  par  les  relations  des 
guerrrs  de  Suetonius  ct  de  scs  successeurs ,  et  par  les 
t-critsdu  prince  Juba  ,  tres  inslruit  dans  la  geographie 
de  re  pa}s.  On  les  retrouvc  sans  grande  dilliculte  , 
surtout  a  I'aide  dc  louvrage  de  Jean  Leon.  Les  Cannrii 


(  179  ) 
(V,  1)  qu'il  place  dans  les  I'orets  voisincs  de  la  Gt-tulie, 
car  Suetonius  n'alla  pas  au-dela,  liabitaient  done  Ics 
cantons  les  plus  fertiles  de  I'Atlas  :  ainsi  11  faut  les 
chcrchcr  du  cote  ,  et  nieme  si  pres  de  la  cote  qu'ils  pus- 
sent  occuper  aussi  les  iles  Canaries ,  dont  I'une  etait 
nommee  d'apres  eux.  Plus  d'un  temoignage  montre 
que  les  iles  Fortun^es,  si  renonimees  par  leur  fertilite, 
«^taient  habitees  par  des  peuples  mauritaniens  et  gelu- 
liens.  Ptolemee  cite  une  des  iles  de  I'ouest  en  la  nom- 
mant :  «  Hpaj  (H>(ou)...  I'ile  (du  Soleil)  de  Junon ,  qui 
s'appelle  aussi  Jutolala.n  Elle  a  ete  chercli(^e  parmi  les 
Piipiirnria'  inxnia'  de  Pline ,  parce  qu'il  les  place  a  part, 
quoiqu'il  indique  confusenient  Icur  distance  du  conti- 
nent; elles  ne  peuvent  etre  que  Madere  et  Poi'to-Santo: 
ainsi  I'ile  de  Junon  serait  ]\Iadere,  la  plus  considera- 
ble des  deux ;  elle  aurait  ete  peuplee  par  les  jiutolalcE  , 
venus  de  la  cote  voisine.  Ceux-ci  sont  les  niemes  que 
les  Aiitololes  do  Pline  et  V Antolola  civitns  de  Ptolemee. 
Je  dis  venus  de  la  cote  ,  puisque  Ptolemee  place  cette 
ville  dans  la  division  de  la  cote  de  sa  I'egion  du  Nigir, 
ou  de  la  cote  de  lOcean  au  sud  de  rembouchurc  du 
Suhus  (Sus)  :  c'ost  pourquoi  je  pense  que  cette  ville 
cotiere,  avec  son  teiritoire,  est  Aquilon  ou  Agulon,  ou 
Aquelon,  avec  un  cap  du  nieme  nom  par  26°  1(3'  de 
latitude.  Cenom  rappelle,  et  Ion  enpeutconclure,  que 
les  habitants  de  cette  ville  etaient  aussi  des  Canariens, 
et  ceux-ci  une  tribu  getulienne.  Les  philologues  qui 
s'occupent  de  I'etude  des  langucs  ont  trouve  de  leur 
cote  que  la  langue  des  Guanchcs ,  Iiabitants  primitifs 
des  Canaries,  aujourd'hui  eteints,  etait  la  meme  que 
celle  des  Bcrberes  repandue  dans  toute  I'Afrique  sep- 
tentrionale ,  ct  divisee  en  quatre  dialectes  principaux 
peu  dilTerents  les  uns  des  autres.  Done  Pline  a  raison 


(  180  ) 
dc  nommer  les  .tntolala-  uii  peuplc  ;;eUilioii ;  et  Ics 
Berb6rcsqui  liabitent  le  haut  Atlas,  aliisi  que  la  parlie 
inonlagneiisc  ties  provinces  a  I'ouest  de  ce  inont  jus- 
qu'au  territoiro  de  Tunis,  sont  inconteslablement  les 
descendants  des  Getulieus. 

Ailleurs,  Pllne  parle  des  Nigriice  (V,  8),  ainsi  nom- 
nies  dapres  la  riviere,  suivant  son  propre  temoignage, 
et  non  d'apresla  couleur  noire  dc  leur  poau  ;  jiar  con- 
sequent, ils  deuKHiraicnt  lelong  du  Aiger:  c'est  ce  que 
disent  aussiStrabon,  Ptoleniee  et  Agath^niere.  Slrabon 
les  place  avec  les  Pharusiens ,  Ptoleniee  un  peu  au 
nord  du  Aiger^  ensuite  Pline  noninie  les  Libncgyp/ii , 
les  Leucfethiopes  ,  les  Gyninetes ,  les  Phariisii  et  les  Pe- 
rorsi ,  comnic  ceux  qui  babltaient  au-dessous  des  AV- 
gritcc  ou  dans  leur  voisinage,  t"l  (jul  aj)parli'naicnt  a  la 
Gctulie.  Les  deux  premiers  peuples,  que  les  autres  g^o- 
graplies  connaissent  aussi ,  out  des  noins  composes  , 
et  par  consequent  nc  forment  pas  des  tribus  speciales; 
ils  etairnt  d'origine  moderne ,  provcnant  de  niaria- 
ges  enlrc  des  families  noires  et  des  blancbes  :  aussi  ces 
noms  disparurcnt  avec  les  dominations  romaine  et 
grecque,  quoique  les  peuples  melanges  soient  rest(5s 
jusqu'a  present.  11  nc  iaut  done  pas  supposer  ici  que 
les  anciens  aient  coniui  la  \eritable  Etbiopie  ou  le 
Soudan. 

On  a  cru,  d'apr^s  une  meprise  6tymologique,  que  le 
mot  gynuietes  signifiait  des  honnnes  nus ;  mais  yupvylj 
(  genitityup^rirs;)  veut  dire  un  velite  ou  bomme  arme  ci 
la  legere.  Toutefois,  ce  nom  pent  avoir  ete  un  simple 
jeu  dc  mots  de  la  pari  des  conqucranls  ;  il  sc  relrouve 
cbcz  Jean  Leon  (p.  ^60),  kqiiel])ar]ed'une  tribunom- 
mee  l)t'iii-Gniuni ,  liabilant  un  canton  siu'  le  Gir  a 
50  milles    Italiens  de  Segelmessa.  Les  Roniains  peu- 


(  181  ) 
\ent  avoir  mctamorpliose  ce  mcldc  (jjninetcs,  vt  cru 
qu'ilsavaient  trouvc!  son  crigine,  ])ulsquece  pouple  ge- 
tulien  ne  consistait  qu'en  vclitos.  Quoi  qu'il  en  pulssc 
eti'e  ,  le  mot  goimii  ct  Ic  lieu  ou,  apres  mille  ans,  nous 
retrouvons  cette  trlbu  ,  sont  loujours  ties  temoignages 
importants  poui'  I'identite  des  noms  ancien  et  mo- 
dcrne. 

Les  PItanisii  de  Pline  ot  de  Mela  (  Pluuirnsi  de  Stra- 
bon ,  Phoritsi  et  Phaiiriisl  de  Ptoleniee  )  so  retrouvent 
dans  une  \  ille  dont  les  ruines  subslstent  encore ,  sous 
le  nom  originaire  de  PharaoJi,  dans  I'Atlas,  sur  le  che- 
inin  de  Taiilet  a  Fez,  et  a  6  ou  7  journd'es  de  route  de  la 
premiere  de  ces  villes.  Les  Perovsi ,  relegues  vers  la 
cote,  nc  peuvent  plus  etre  expliques  de  nos  jours  ,  et 
vralsemblablement  sont  entierement  fondus  avec  d'au- 
tres  jieuples.  En  revanclie ,  on  decouvre  les  Dlausoli 
de  Ptoleniee  dans  les  Mouselniiiis  ou  Mouselemins, 
qui  mfenent  une  vie  aussi  errante  que  les  anciens  Ge- 
tuliens  :  ces  Dlausoli ,  places  par  Ptolemeo  pr6s  des 
Aittolola'  Qi  des  Siraiiga' ,  absolunient  inconnus,  sont 
ainsi  Iransporles  loin  de  chez  eux. 

Enlin  ,  Pline  indique  avec  une  grande  precision  les 
peuplos  ou  les  licux  entre  lesquels  le  Niger  prcnd  sa 
source  :  c'est  entre  les  Tarcici  q\.  les  OEvaUcw,  dont  la 
ville  de  Mavinetaitsituee  dans  un  canton  isole.  Par  I'e- 
pithete  d'.'Ethiojxts  ,  il  les  range  parmi  les  peujiles  noi- 
ratres  de  la  Getulie.  Nous  les  renconlrons  sous  ce  memo 
nomde  Tercalti  chez  Jean  Leon  (p.  5)  panni  les  villes 
de  cepavs;  on  lit  Farcala  (p.  /i60)  an  nombre  des 
lieux  decrils  plus  en  detail:  ainsi  on  pourrait  deman- 
der  si  c'est  le  meme.  Dans  la  carte  dressee  d'apres 
I'ouvage  de  JoanLcon,  on  volt  Tarca/n,  et  a  cot^,  Tar- 
qiinlce [xtpuH :  ainsi  i'arccld  parait  elre   r.ne  fautf  d'ini- 


(  '82  ) 
pression  ou  (I'l'dlluro  dans  lo  manuscrit.  Dc  pari-illos 
inrulc'litesserencontrentchcz  Jean L6on. Mais  cot  autcur 
place  Farcala  sur  unc  petite  riviere  a  100  millcs  italicns 
tie  I'Allas  et  a  00  de  Segclmessa  ,  ot  la  carte  le  inot   a 
Toiiest  dii  Ziz  et  du  Gir.  II  y  a  done  dcs  motifs  sudi- 
santsdelercgardercomnielc  /"n/r/c/jpuisquonletrouve 
vers  la  source  des  rivieres  de  la  Getulie.   Mainlenant  la 
ville  de  Mavin  peut  servir  a  decouvrir  Ics  OEcdIinv,  un 
peu  enigmatiqucs.  Jean  Leon  decrlt  (p.  /|50),  sous  un 
noni  p(Mit-f'tre  plus  correct ,  Maniomi  comnic  uno  ville 
gramlf  ,    peuplee    et    forte    qui   appartient    a    Segcl- 
messa. On  peut  done  aussi  en  toute  surete  prendre  le 
nom  (X'OEcalica'  pour  cclui  de  la  peuplade  (jui  occu- 
pait  le  terrltoire  de  Segclmessa.   .Mavin  elait  alors  uno 
ville  si  iniportante  qu'elle  parut  remarquabic  aux  Re- 
mains. Plus  loin,  nous  parlerons  encore  de  ces  (^ca- 
licie  parmi  les  villes  que  Ptolemee  place  sur  le  Nigir. 
Pline  ne  nous  dit  ricn  sur  la  fin  du  JNiger,  parce  que 
lesRomains  nc  jugerent  probablemcnt  pas  quo  I'ondut 
s'en  occuper  a  cause  des  deserts  inbabilables  on  cette 
riviere    continuait  son  cours  :   ce   point  resta  livre   a 
leurs  conjectures  ou  a  colics  d(>  quclques  uns  de  Icurs 
savants. 

En  revancbe  ,  Ptolemee  nous  a  donnc  une  topogra- 
phic bien  plus  ample  des  plaincs  du  Nigir.  II  partage 
tout  le  pays  baign^  par  cette  riviere  en  quatre  divisions 
(Tpr;,uaTa):«.  Ic  long  dc  la  cote;  b.  autour(iT£,'.i)du  Nigir; 
c.  au-dessous(07rc. )  ;  d.  au  sud  dc  cette  riviere.  Ainsi  par 
I'expression  u->, ,  on  pent  entendre  le  nord.  II  est 
tres  probable  quil  sesl  lui-meme  fait  cette  division  : 
ainsi  des  positions  faulivcs  ont  pu  s'y  glisser  d'aulaiil 
plus  aisemoul.  \  oyons  maintenant ,  ])armi  les  vingt- 
quatro  \il[('S  qiTil  nommo,  qucllcs  soni  crllcs  que  nous 


(  183  ) 
sommes  en  Olut  de  ledouNor  et  do  reconiuiilre  coinjiK," 
exlstant  encore, 

a.  Le  longde  la  cole. — II  a\;iil  cirja  Iraite  ccUcpartie 
dans  le  periple  oil  il  a  parle  A'Autolola  civUas  et  de 
Salathits  cU'ilas;  nous  Ics  connaissons  done.  Mainte- 
nant  on  remarque  Ta<j^ana  dans  linterieur  du  cote  du 
mont  Mandron.  Cette  position  nous  doit  convaincre 
que  c'ost  Tagavost,  dans  la  province  de  Sus,  le  seul 
lieu  sur  lequel   on  puisse    etablir  une  comparaison. 

b.  yJutotir  du  Ni'glr,  —  Je  trouve  Thaloubalh  dans  le 
Tafilet :  c'est  la  capitale  actuelle  de  la  province  de  Se- 
gelniessa;  la  ville  de  cenom  etait  detruite  et  abandonnee 
d^s  le  temps  de  Jean  Leon.  On  ne  pent  soutenir  avec 
quelquefondement  que  Tafdet ,  bien  qu'elle  ait  eterc- 
batie  ,  et  augmentee  dun  palais  parce  qu'on  y  a  trans- 
porte  la  residence  du  souverain,  n'ait  pas  existe  anpa- 
ravant.  Mcdakhat ,  vraisemblablenient  Mfl;:^///:/^,  dans 
le  Gir,  a  50  milles  (italiens)  de  Segolmessa ,  suivant  Jean 
Leon  (p./l62)  ;    Touccabath  ,  le  Touggedout  des  cartes. 

c.  Sous  on  aunorddii  N/gir. — Posside:  ffean  Lt'on  parle 
(p.  /|65)  dun  canton  de  Beni-Besseri  avec  trois  cha- 
teaux au  pied  de  I'Atlas,  et  dontles  villages  obeissaicnt 
aun  seigneur  de  Doubdou.  Thige  :  c'est  Toudegn,  sur  la 
riviere  du  nieme  nom  ,  Todgn  de  L^on  (^60) .  Tagama 
ne  pcut  etre  que  le  Tagamadert  des  cartes  :  il  est  sur 
la  rive  gauclie  du  Drab. 

a,  Au  sud  (In  ISigir. — Salouca :  la  carte  de  Ptolemee  le 
place  sur  le  Nigir  niemc.  Mais  cette  position  est  d'A- 
gatliodajmon  ,  car  Ptolemee  ne  dit  rien  de  plus  precis 
qu'au  sud  de  la  riviere  ;  on  est  tentc  de  prendre  ce  lieu 
pour  5'<'i,'e/wd?j.?(7,dontle  nom  serait  abrege.  Jean  Leon  le 
faitderiver  (p./i57)de  Sigillutn  Messce:  on  peutapprecier 
cette  remarque  pour  ce  quelle  vaut.  On  ne  pent  nier 


(  m  ) 

quelque  rcsscinblancc  cntic  co  nometcclui  dc  Snlone; 
di^  plus,  suivant  Ptolenioe,  cctto  \illc  est  an  siul  du  Ni- 
gir  :  or,  Sege.'messa  est  cfTcctivenicnt  au  sud  <lu  (iir  ot 
sur  le  Zi:-  ,  clrconstance  qui  vicnt  a  I'appui  dc  la  con- 
jecture. Enfin  il  y  a  une  sinillitudo  ('vidente  enlrc  Ic  noni 
des  OEcaliccc  ou  OEca/ices  de  Plinc  et  Sege/oiessa;  ct  si 
celui-ci  est  aussl  avere  que  le  premier,  Plineauraitem- 
plojclc  norndelapeuplado  pourlavllle,  ctle  vrainoin 
aurait  ete  corrompu.  Cc  quil  y  a  do  bien  certain,  cost 
queles  OEca/uri'hah'ituwntiwcsdu  Niger.  Taniondocann 
est  peut-etre  Ic  T/inmageroud  dcs  cartes  ,  sur  le  Drah. 
On  peut  encore  ajouter  T/innme/ifn ,qm  est  du  bassin  du 
GirdePtolemcc  ,  puisque  Jean  Leon  parle(p.  459)  d'un 
chateau  dc  Hoii'i  c/er/gi,  situe  a  ISmillesdeSegelmessa, 
et  ball  par  les  Arabes;  on  no  peutnon  plus  s'onipecher 
derattribuer  a  la  Getulie,  puisque  I'aualogie  des  noms 
f  stcncore  plus  grande. —  Doitdoiini  :  nous  venons  d'ap- 
I  rendre  dc  Jean  Leon  que  les  Beni-Besseri  etalent  sou- 
mis  au  seigneur  dc  Doiibdoii ;  ainsi  Doudoum  est  iacile 
a  expliquer. 

Or,  si  parmi  les  \ingt-qualro  villcs  du  Nigir  , 
pres  de  la  moitie  est  deja  reconnaissable  ,  ct  si  sur  cette 
rnoitic  la  plupart,  comme  Antololn  ,  Salathus,  Tagana, 
Pessiile  ,  Thige,  laga/im  ,  Thiiinclithn  ,  Doudoum  ,  sont 
detcrminees  avcc  certitude ,  ct  si  toutes  ont  ete  trou- 
>ces  en  Getulie  ,  on  acquiert  par  la  I'assurance  posi- 
tive que  Ptolexnce  ,  de  meme  que  Plino  ,  donne  a  ce 
pa\s  le  Nigir  et  tous  les  licux  quil  haigne  ;  mais  le 
dessinateur  des  cartes,  qui  a  plac(^lenomdc  Getulie  dans 
un  espacc  absolument  separ6  du  Nigir  ,  comme  si  c'e- 
lalt  lui  canton  lotalement  dilTercnt ,  n'a  ])as  compris 
Tauteur  d'apres  kqutl  il  lia\ail]alt. 

11  me  parait  egalement  neressairc  do  faire  une  re- 


(185  ) 

marque    sur  i'embouchure   du  Dara ,    que  Ptol6in6e 
suppose  dans  I'Occ^an  ;  il  i'indique  dans  le  periple  a  15" 
de  latitude  :  ainsi  a  peu  pr^ssousle  meme  parallele  que 
la  partie  meridionale  du  Nigli'.  De  nos  jours,  jjersonne 
ne  sait  rien  d'une  embouchure  de  fleuve  au  point  de- 
signe  par  Ptolemee ;  on  nc  trouve  meme,  sur  les  cartes 
les  meilleures  et  les  plus  recentes  des  Anglais  et  des 
Fran^ais  ou  les   cotes   sont  dcssinees  soigneusement 
depuis  25  jusqu'a  28°  de  latitude  nord,  aucune  trace 
de  riviferc,  ni  aucune  coupui'e  dansic  rivage,  g6n6rale 
ment  rocailleux ,   qui  puisse  au  moins  faire  supposer 
une  emboucliure  dans  cet  intervalle  oil  elle  devrait  se 
trouver.  Les  recits  de  Brisson,  d'Adams,  de  Rilev  et  des 
autres  vo\ageurs  qui,  en  soriant  deresclavage,  ont  pris 
leur  route  dans  I'ouest  du  Sahara  pour  passer  I'Oued- 
Noun ,  non  plus  que  les  recits  des  Maures  ,  ne  fournis- 
sent  rien  dont  on  puisse   tirer  une  solution  certaino. 
Jean  Leon,  qui  (p.  Zi51)  depeint  le  Dara  comme  sem- 
blable  a  une  mer,  au  temps  des  pluies  d'hiver,  ne  dit 
rien  de  son  embouchure.  Elle  n'est  cepcndant  pas  de 
I'invention  de  Ptolemee ,  puisqi:e  i'line  parle  (liv.  V, 
chap.  1)  du  Dara  parmi  les  fleuves  cotiers  ,   et  ajoule 
qu'il  nourrit  des  crocodiles.   Peut-etre  cette  embou- 
chure a-t-elle  ete  tellemcnt  obstruee  par  les  sables, 
que  de  la  mer  on  n'en  peut  plus  apercevoir  de  traces. 
Revenons  maintenant  au  Nigir.  La  carte  de  Ptolemee 
marque  qu'il  recoit  quatre  affluents,  mais  le  texte  n'en 
dit  I'ien  ;  ils  sont  done  de  la  creation  d'Agathoda^mon 
ou  de  quiconque  a  pris  cette  licence.  Toutefois  ,  il   est 
evident  que  quand  la  carte  fut  dessinee,  on  savnit  que 
plusieurs  rivieres  qui  coulaient  en  Getulio  descendaienl 
de  I'Atlas,  et  le  cartograp'ie  aura  eu  I'idee  de  faire  de 
toutes  des  affluents  du  Nigir.  Mais  la  geographie  nio- 
I.    MARS.    2.  1,3 


(  186  ) 
flerne  sait,  avec  plus  d'exactitucle,  que  les  trois  priiici- 
pales  rivieres,  le  Drah,  le  Ziz  ot  le  Gir,  ont  chacune  leur 
cours  separe.  Ptolemee  parle  de  deux  lacs,  le  ISi^riles 
dans  I'ouest  et  le  Lijb/n  dans  Test;  c'est  ce  qui  r<5sulte 
de  ses  ddtcrminalions  geographiqucs.  II  no  dil  rien  du 
cours  de  la  riviere  de  Niger,  ni  si  lo  lac  so  dirige  a  Test 
ou  a  I'ouest;   mais   des  mots  jroisr  t/,v  NiyiiiTr,^  JiWiV,  et 
de  ce  que  rtolcniec  place  ce  lac  a  I'ouest,  on  a  voulu 
d^duirc  que  la  riviere  coulait  de  Test  a  I'ouest.  Toute- 
fois  les  mots  cites  ne  d^cident  rien  ;  la  carte  montrc 
une  riviere  allant  du  mont  Mandron  au  lac  Nigrites,  et 
pouvant  donner  naissance  a  celui-ci ;  mais  comme  elle 
fmit  sur  la  carte  par  arriver  au  lac  de  Lybie  ,  on  pour- 
rait  tout  aussi  bien  en  conclure  que  le  cours    est  de 
Touest  a  Test;  cependant  il  ne  faut  pas  oublier,  et  je 
le  repelc  ,    que  cela  est  ainsi  seulemcnt  sur  la   carte, 
puisquo  Ptoh'-mee  ne  dit  pas  que  le  Niger  entre  dans  le 
lac  de  Lvbie;  il  se  borne  a  declarer  qu'une  position  de- 
terminie  au  sud ,  dans  lest  de    la  Getulie,    sc  trouve 
sur  ce  lac.  En  definitive,  il  est  inutile  do  discourir  da- 
vantage  sur  ce  sujct,  la  geograpbic  moderne  nous  mon- 
trant  les  cours  d'eaux  en  Getulie   sous  un   aspect  tout 
different.  II  en  resulte,  ainsi  que  de  toulesles  descrip- 
tions, qu'excepte  le  lac  ou  sc  jettc  le  Drab,  et  qui  n'ap- 
partient  pas  a  cette  contree,  aucun  autre  ne  peut  avoir 
6te  dans  la  pensee  de  Ptolemee ,  puisque  le  lac  Nitrites 
tirait  son  nom  de  ceiui  de  la  riviere,  qu'on  n'en  ren- 
contre aucun  dans  I'ouest,  et  que  bors  le  Drab,  toutes 
les  rivieres  coulent  au   sud-cst  vers  le  desert.   Or  Jean 
Leon  nous  apprenant  que  de  tous  ces  cours  d'eau  les 
principaux  sont   le  Ziz  et  le  Gir,  qui  se  dirigent  vers 
le  desert,   et  que  cbacun  se  terminc  dans  un  lac  ou 
maraisparticulier,  nous  sommosforcesd'enreconnaitre 


(  187  ) 
un  pour  le  l\/g/r  :  or,  qui  ne  choisirait  celui  qui 
porte  le  nom  de  G/r,  si  proprc  a  faire  decider  en  sa 
faveur?  Aloi's  I'autre  riviere  formerait  le  lac  de  Lybie. 
Ptolemee  a  doime  au  Nigii-  une  longueur  considerable, 
quoique  non  determinee  :  ainsi  on  pourralt  supposer, 
non  sans  fondement,  que  le  Gir  parcourt  ini  espace 
plus  grand ,  et  que  son  lac  est  sitae  beaucoup  plus  au 
sud  que  les  ouvrages  geograpliiques  ne  I'indiquent. 
Ailleurs,  Pline,  qui  donne  des  details  sur  le  Nigir,  se 
tait  surl'elendue  de  son  cours,  ce  qu'il  n'aurait  pas  fait 
si  cette  riviere  eiil  ete  comparable  a  des  flcuves  gigan- 
tesques  ,  tels  que  le  Nil ,  le  Joliba  et  le  Senegal.  Ce 
que  dit  cet  auteur  sur  la  junction  de  ce  cours  d'eau 
avec  le  Nil  nest,  comme  il  le  declare,  qu'une  simple 
conjecture. 

Maintenant  deux  questions  se  presentenl  :  1°  Com- 
ment est-il  arriv6  que,  des  le  temps  de  I'antiquitc!!  clas- 
sique  ,  on  ait  enonce  la  supposition  cjue  le  Niger  com- 
miniiquat  avec  le  Nil  ?  2°  Pourquoi  ,  dans  les  temj^s 
modernos  et  jusqu'a  ce  moment ,  a-t-on  regaide  le 
Joliba,  decouvert  par  Mungo  Park,  comme  le  Niger 
des  anciens,  etlui  en  a-t-on  impose  le  nom?  Cesdeux 
questions  ont  une  connexion  si  inlinie  ,  qu'en  r(^pon- 
dant  a  I'une  ,  on  donne  la  solution  de  I'autre. 

En  remontant  a  I'antiquite,  nous  trouvons  dans 
Pline  (liv.  V,  cb.  9)  un  passage  ou  est  exposee  tres 
clairement  une  indication  qui  a  donne  naissance  ei  I'o- 
pinion  relative  a  I'identite  du  Niger  et  du  Nil : 

«  JSihis  incertis  01  tiis  fontibiis  it  per  (Icscrtd  e(  aiflenlia ,  ct 
inimenso  lonqittidiiiis  spntio  aiubnlniis^faniaqnetnutuin. . . 
cognitus ,  sine  bell  is  ,  qiue  ca'teras  onmes  terms  iin'encrc 
Originein  [iit  J(tba  rcrjjotnil  ofjidrcrr)  in  inoiitc  ir.f'eriaris 
Mauritania' ,  non  pram/  Occaiio  hnbct ,  lacit  profiniis  stn- 


(  188  ) 
gnante  ,(jtiein  vocant  Ail  idem.  Ibi  pisces  reperiuniur  ctla- 
hefce ,  coraciiii  ,  siliiri ,  crocoflilus  qiioquc  Iitde  ob  argu- 
ment um  hoc  I\iii  ortus  credit  us  ,  Ccvsarecc  in  Iseo  dicatus, 
ab  eo  spectatur  hodie.  Prceterea  obsen'atuin  est ,  prout  in 
Mauritania  nives  imbresi'e  satiaverint ,  ita  NUiim  incres- 
cere.  Ex  hoc  lacu  profusus  indignatnr  fluere  per  arenosa 
et  squalentia,  condltcpie  se  alinuol  dierum  itinere.  Max  alio 
lacu  majore  in  Cwsaricnsis  Mauritaiuce  gente Massocsylum 
erumpit ,  et  hominum  cwtus  velali  circtiDispicit  ,  iisdein 
animalium  argumentis;  itcruin  arenis  receptus ,  conditur 
rursiis  XX  dierum  desertis  ad  proxinios  /Ethiopas ;  atcpie 
ubi  iieruin  senserit  honiinem ,  prosilit  Jbnte  (ut  verisimile 
est)  illo,  quern  iXigrin  -vocavere.  IndeAfricam  ab  /Ethiopia 
dispescens  ,  etiamsi  non  protiniis  populis  ,  feris  tamen  et 
belluis  frequens ,  sih'arunique  opi/'cx  ,  medios  J£.thiopas 
secat,  cognoniinatus  Astapus,  quod illaruin  gentium  lingua 
signi/icat  aquam  e  tenebris  profluentem  ,  etc.))  Et  ailleurs 
(liv.  VIII,  ch.  21).  «  Jpud  Hesperios  /Ethiopas  fons  est 
Nigris  ,  ut  existiinavere  ,  A  Hi  caput  ,  ut  argumenla  qua' 
diximus  persuadent.  »  Ce  qui  se  rapporto  au  passage 
d^ja  cite  precedemment. 

L'un  etlaulre  prouventque  Pline  avail  puise  ses  opi- 
nions dans  les  ecrits  de  Juba,  et  comme,  toutes  lesfois 
qu'il est  question  de  la  communication  desdeux  rivieres, 
il  ajoute  francliement :  LtJuhapotuit  exquirere^  — ut  i)e~ 
risimile  est ,  utplerique  existimai'ere,  — ut  argwnenta  qua; 
diximus  persuadent,  il  sc  borne  done  a  adoptermodeste- 
ment  le  sentiment  de  Juba,  sans  pouvoirciter  a  I'appui 
despreuvesqu'ilaurait  acquisespar  lui-meme,  ctdonnc 
ainsi  a  entendre  que  cola  pourrait  etre  autrement.  Ces 
motifs  sont  simplcment  :  la  coincidence  du  deborde- 
raent  du  Nil  avec  la  saison  des  pluies  dans  la  Mauri- 
tanie,  I'identite  des  vcgetaux  et  des  animaux.  II  n'v  a 


(  189  ) 

consequemment  pas  de  recit  positlf  d'un  temoin  ocu- 
laire  de  cette  communication,  comme  il  ravoue  au 
commencement,  disant  que  Ton  ne  sait  quelquecliose 
sui-  la  source  mysterieuse  du  Nil  que  par  la  tradition, 
et  que  Ton  n'a  I'ien  appris  par  los  gucrres  avec  les  peu- 
ples  de  ces  contrees.  L'idee  de  I'identlte  des  deux  fleu- 
ves,  deduite  de  motifs  si  insuffisants ,  porta  les  erudits 
du  temps  a  cliercher  leur  source  dans  les  deux  Mauri- 
lanies  ,  et  a  conduire  le  cours  de  leurs  eaux  a  travers 
les  deserts  de  sable  qui  leur  etaient  entieremont  in- 
connus,  jusqu'aux  contrees  du  Nil  superieur,  sur  Ics- 
quelles  ils  avaient  des  connaissances  plus  precises.  lis 
savaient  Lien,  vraisemblablement ,  d'apres  le  recit 
d'Herodote  et  d'apres  I'expedition  de  Meroe  ,  que  le  Nil 
venait  de  tres  loin  dans  I'ouest ;  c'est  aussi  le  senti- 
ment d'Avienus  [Descripdo  Orbis  terra' ,  v.  1053)  : 

S'llis  iilj  orcasu  vaslnni  decunere  IN'iliiiii, 

qui  regarde  cette  opinion  comme  generalement  con- 
nue.  Les  anciens  savaient  aussi  que  le  Nil  sort  de  lacs 
auxquels  il  donne  naissance  :  de  la  leur  lac  Nilides  ou 
Niichul  (Mela,  III,  9;  et  Orose,  liv.  1,2).  Suivant  le 
temoignage  d'Hadji-IIamet ,  rapporte  par  Riley,  le  lac 
Tchad  porte  aussi  le  nom  de  Nii  ,  qui  serait  I'abre- 
viation  de  NuchuL  Mais  les  anciens  n'ayant  nulle 
idee  de  la  largeur  immense  et  de  la  nature  du  Sahara 
entre  la  CetuUe  et  les  pays  du  Nil  superieur ;  et  de 
plus  regardant  comme  tres  proche  de  la  Getulie  Vt- 
thiopie  occidentale  ou  Soudan ,  et  meme  les  sources 
propresdu  Nil,  suivant  ce  qu'on  avait  appris  a  Hero- 
dole,  et  que  bous  devons  en  partie  reconnaitre  dansle 
lac  Tchad ,  ils  ne  pouvaient  conccvoir  I'impossibilite 
physique  d'une  telle  communication  ;  ilscroyaient  done 


(  190  ) 

que  les  deux  livieres  etaiont  beaucoup  j)lus   rappio- 
ch(^cs  I'uno  (Ic  I'autre  quo  ne  nous  Ics  montreni  les 
decouvcTtcs  gt'Ograpliiques  i'aites  de  nos  jours  ;  ils  or- 
iiL-renl  ces  idees  liardics,  ot  d'autant  plus  admirables 
a  leurs  yeux  qu'clles  «itaionl  plus  exlraordiuaires  ,  de 
descriptions  poetiques ,  de  disparitions ,  de  reeippari- 
tions  ,  de  satisfaction  de  rotrouver  des  hommes,  etc.  , 
afin  de  donner  du  relief  a  lours  conjectures  et  de  les 
rcndre  plus  croyables.    Enlin  Pline  fait  si  bien  ,  ({u'il 
s'embrouille  dans  le  tissu  qu'il  ourdit,  et  se  perd  dans 
une  riviere  imaginaire,  VJslnpits  (Nil  d'Abyssinie),  ou 
du  raoins  qu'il  rcgardeleN'il  veritable  et  le  plus  conside- 
rable comme  un  affluent decelui  d'Abyssinie.  On  remar- 
que  cependant  quo  cotte  composition  poelique  soinble  se 
fonder  surquelque  chose  que  nous  avons  appris  quoique 
tres  iniparfaitoment :  au  sud  du  lerriloiro  de  Zab  et  dans 
la  subdivision  nominee  Ouacb-ig,  coule  une  riviere  assez 
grande  qui  traverse  I'ancienne  villede  Tong^onrt  {Teg- 
gort  de  Jean  Leon,  p.  6,  et  Tc/cho/t,  p.  ZiO/i ;   I'ltviumiulti 
de  Ptolemee) ;  elle  disparait  en  quelques  cndroits,  con- 
tinue son  cours  sous  terre  avcc  un  bruit  que  Ion  en- 
tend  ,   cnsuite  reparait  ,    el   se    reunit  a  I'Ain-Djoddi  , 
principale  riviere  du  Zab  ;  elle    appartient   au   bassin 
de  I'Ain-Djoddi,  et  prend   sa  source  dans  I'ouest  du 
canton  d  Ouadrig  :  les  auteurs  anclens,    el  Ptolemee 
meme ,  qui  s'etait  procure  des  renseignements  certains 
surcetlecontree,  savaiciit  quelque  chose  de  cette  riviere 
singuliero;  il  la  place  avcc  beaucoup  do  ralson  dansle 
sysleme  de  son  (ur;  car  en  donnant  des  details  sur  ce 

dernier,  U  dlt  :  "o-  xat  oia/.iTruv,  xaiwiajav,  iJTrb  yv' Evt^^-'' '"'"*" 

"SiiJoocriv...  etc.  (etla  riviere  qui  disparait,  et  qui,  suivanl 
ce  que  I'ou  laconte,  apres  s'etre  cachee  sous  terre, 
reparait  comme  une  rivi<  ro  dilTerentc,  olc.)   II  semhio 


(191   ) 

qae,du  temps  de  Pline,  les  armes  romaines  n'avaient 
pas  encore  pen^tre  jusqa'a  cette  rlvi6re,  aulrement  "n 
n'aurait  pas  fait  uiie  application  aussi  erronee  de  cc 
plienomene  au  Niger  ou  au  Nil.  II  sera  encore  question 
de  cette  rlviei-e  a  propos  du  bassln  du  Gir. 

Ptolemee  ,  qui,  pres  de  cent  ansplustard,  avail  re- 
cueilli  des  notions  plus  claires  de  I'interieur  de  I'A- 
Irique,  s'est  completcment  abstenu  de  ces  descriptions 
fantastiques ,  et  a  laisse  son  Niger  ce  que  la  nature  du 
terrain  I'a  fait,  une  riviere  de  pays  aride.  Mais  il  ne  sail 
rien  encore  de  rimniense  Sahara  au  ccEur  de  I'Afrique; 
car  il  remplit  sa  Libye  interieure  ,  qui  est  cet  espace  , 
trop  retreci  par  lui  puisqu'il  place  le  A /gir  et  le  Gir  trop 
au  sud  d'une  quantity  de  peuples  dont  quelques  uns 
peuvent  etre  encore  reconnus  surlalisiere  orientale  du 
grand  desert  a  I'ouest  du  Nil.  Ce  sont  les  Mi/iiaci  (au- 
jourd'hui  Mi/iii)  ;  les  Do/opes  (Dob-el-Dolib)  ;  les  Na- 
riosbes  i^Nasboiisan)  ;  les  Amiice  [.Irnien)  ;  les  Nabalhrie 
\El-Naheli)',  les  Gongahi'  [Gondjar<i).  Lesautres  etaient 
probableinent ,  comnie  ceux  qui  viennent  d'etre  nom- 
ines,  des  villes  ou  des  oasis  voisines  des  Garamantes  et 
des  Getules.  II  transporte  sous  I'equateur  les  limites 
de  I'Ethiopie,  de  la  position  m^ridionale  de  laquelle  il 
doit  avoir  eu  un  pressentiment,  et  nous  donne  par  la 
inie  id(^e  beaucoup  plus  exacte  de  I'interieur  qu'on  nc 
parait  journellement  vouloir  la  trouver  dans  son  livre. 
La  seule  errcur  qui  tombe  a  sa  charge  consiste  principa- 
lement  dans  sa  graphique  fautive  :  il  diminuela  latitude 
du  Nigir  et  du  Gir  de  10  jusqu'a  15  degres,  et  place  le 
lac  Nigrites  dans  I'ouest,  au  lieu  de  le  placer  dans  Test. 

L'interieur  de  I'Afrique  resla  intact  et  ne  recut  nul 
eclaircissement  pendant  toute  la  duree  del'obscurit^  du 


I  192  J 
moyon-iige ,  jusqu'au  moment  uii  Eclrisijela  une  nou- 
velle  liimicre  surlc  Soudan.  On  no  irouve  cliezluinullu 
Irace de cetto anclenne opinion,  si  lonf,nemps propague, 
de  la  communication  du  iNiger  classique  avec  leiNil.  En 
ofTct,  bienqu'il  path  d'un  Ai/us  Ai^'rorum  que  Ton  peul 
reconnaitrc  a  tout  liasard])0ur  lo  Joliba,  cependantce 
serait  prendre  une  peine  inutile  que  de  chercher  I'em- 
bouchurc  de  ce  fleuved'apves  son  nom  inconnu.  Aboul- 
fedane  ditpas  unmot  soit  duJNigcr,  soitdu  Joliha;  tou- 
tcf(.is,  dans  son  Afrique,  il  place  le  desert  de  Sahara  entre 
la  Libje  et  le  pays  des  Noirs,  qui  sont  lesnegres  du  Sou- 
dan ,  mais  ne  sont  nullement  les  Aigritcc  des  anciens. 
Enfin  parut  Jean  Leon  I'Africain,  quiprononga  le  nom 
de  Nigritie  (p.  I\).  II  la  limitc  a  Test  par  le  royaume  de 
Gaoga,  a  I'ouestpar  celui  de  Gualata  ("NValet  de  Park)  ; 
il  la  fait  toucher  au  nord  a  la  Libyc,  au  sud  a  I'Ocean  ; 
ensuite  il  continue  ainsi  :  «  Le  Niger  traverse  le  milieu 
»  de  cctte  contree;  il  sort  d'un  grand  lac  du  desert  de 
))  Seu  qui  est  situe  a  Test,  court  a  I'ouest,  et  tombe  dans 
»  rOccan.  Nos  geographes  pr(^tendent  que  le  Niger  est 
»  un  bras  du  Nil  qui  se  perd  sous  terre  ,  el  forme  ce 
»  lac  dans  I'endroit  ou  il  reparait,  Quelques  unsdisent 
B  qu'il  sort  du  flanc  occidental  de  certaines  montagnes, 
»  et  en  coulant  a  Test  devient  un  lac  ;  mais  cela  n'est 
))  pas  vrai;  car  j'ai  navigue  sur  ce  fleuve  pour  aller  du 
»  royaume  de  Tombutlo  a  ceux  de  Ginea  et  de  Melli , 
»  qui  sont  plus  a  I'ouest.  —  Les  plus  beaux  royaumes 
»  desNegres  sont  sur  le  Niger.)) Dans  un  autre  endroit, 
Jean  Leon  dit  :  «  Au-dela  de  Cabra,  le  Niger  coulc  a 
))  I'ouest.  ))  —  11  se  vantc  (p.  7)  d'avoir  ^te  dans  quin/.c 
royaumes  du  pays  des  Negres  «  ...  C'etaient  Gualata  , 
»  Ginea  (  Jennd  ) ,  JMelli,  Tombutlo,  Gago  ,  (ui- 
»bcr,   Agadez,    Cano.    Casena    ((-achena)  .  Zanlara  . 


(  193  ) 
»  Guangara  ,     Borno  ,     Gaoga,    iNoulja.    La    plupart 
»  etaient  situes  sur  le  Niger;  ils  etaient  distants  I'lin  dc 
Ml'autre,  et  dix  Etaient  separes  I'un  de  I'autrc  par  un 
))  desert  de  sable  ou  par  le  fleuve  Niger.  » 

Nous  avons  ici  le  Niger  nomme  comme  fleuve  navi- 
galile  du  Soudan  ou  de  la  Nigritie ,  et  ce  nom  d(^signe 
lepaysdes  Negres  ou  coule  cette  riviere.  On  nc  lit  dans 
aucun  ecrivain  classlqiie  le  noni  de  A7j;'^/yV/(7  ;  chez  Jean 
Leon  ,  il  commence  a  avoir  la  signification  de  pays  des 
Noirs,  c'est-a-dirc  des  Negres.  La  position  des  controes 
que  ce  voyageur  enum^re  s'est  assez  bien  maintenue, 
sauf  les  cbangements  apport^s  par  le  temps  :  il  a  dit  la 
verite  ,  et  on  peut  a  tout  risque  le  croii'e,  puisqu'il  a  vi- 
sile toute  cette  region.   Mais  quelle  meprise  manifeste 
d'attribuer  a  la  riviere  de  Tombutto   un  cours  imagi- 
naire  al'ouest.jusque  danslOcean,  tandls  que  d'autres 
auteurs  avaient  precedemment  affirme  le  contraii'e,  lui 
donnant  ainsi  un  dementi;  enfm  il  soutient  qu'il  a  na- 
vigue  de  Tombutto   a  Ginea  en  allant  a  I'ouest.  Tres 
vraisemblablement  sa  memoire  I'aura  mal  sei'vi,  car  ila 
6crit  son  livre  de  souvenir.  Ainsi  cette  erreurnenuitpas 
beaucoup  a  la  cioyance  qu'il  merite  pour  la  totality  de 
ses  autres  r^cits,  puisqu  'ils  ont  ete  fr(^quemment  attestes 
par  lesvoyageurs  modernes.  Mais  qu'est-ce  qui  peut  I'a- 
voir  induit,  et  c'est  la  le  point  principal ,  a  donner  a 
cette  riviere  de  Tombutto  un  nom  entierement  Stran- 
ger auxpcuples  de  ces  contrees?  Je  pense  que  cela  peut 
s'expliquer  d'une  rnaniere  tres  simple  :  il  aura  obtcnu 
quelque  notion  des  principaux  travaux  geograpliiques 
des  Arabes  et  des  Sarrasins  ,  qui  avaient  beaucoup  ap- 
pris  et  beaucoup  conserve  des  anciens  auteurs  classi- 
(fues,  et  y  avaient  joint  la  tradition  longtemps  propagec, 
d'apres  Pline.  sur  la  jonclion  du  Niger  cl  dn  Nil.  En  as- 


( in ) 

surant  qu'im  fleuve  coulait  a  rouest  ,  ,I«uii  Lt^un  aura 
voulu  riifuter  ropinion  goneralement  repandiie  sur  la 
communication  des  deux  rivieres  :  il  racontc  done  qu'il 
avail  rencontre  un  grand  fleuve  dans  la  Nigritie;  que 
ce  fleuve  coulait  a  I'ouest  ;  qu'il  s'y  etait  embarqud ; 
qu'il  I'avait  trouv^ ,  pour  la  grandeur,  comparable  au 
Niger  de  Plolem6e;  ct  sans  faire  aucun  elTort  de  rai- 
sonnement ,  il  n'aura  pas  hesite  a  lui  donner  Ic  nom 
de  Niger.  Cependant ,  s'il  eut  un  peu  refldchi,  il  eilt  dil 
remarquer  a  I'instantque  Pline  ot  Ptolemee  ,  en  par- 
lant  des  lieuxou  le  Niger  pi-end  sa  source  ,  n'ont  donnd 
aucune  description  qui  convienne  au  Soudan.  Quand 
il  faisait  son  voyage,  il  ne  se  sei-ait  nullement  occupe  de 
la  fin  ou  de  remboucliure  de  la  riviere  de  Tombutto  , 
autrement  il  ne  lui  serail  pas  si  aisemont  arrive  de  la 
prendre  pour  le  Niger  classique.  Mais  qui  sail  si  Leon 
a  eu  reellement  cette  idee  ,  et  si  tout  ce  tissu  d'opinions 
n'a  pas  ete  I'ouvrage  des  moines  qui  le  convertirent  au 
cbristianisme ,  et  sous  la  tutelle  desquels  il  resta  ?  II 
n'osait  avoir  d'autre  sentiment  que  le  leur.  Cependant, 
commeil  a  consent!  a  etre  leur  organe,  il  est  juste  qu'il 
soit  charg^  de  leur  faute. 

Dcpuis  cette  epoque,  le  Niger  de  Jean  Leon  passa  chez 
tous  IcsEuropeens  pour  le  Ni/us  A^igroruni  des  Arabes, 
et  afm  de  pouvoir  mettre  en  harmonic  leur  description 
confuse  avec  le  temoignage  de  Pline,  que  Ton  n'etail  pas 
en  elat  de  refuter,  et  sans  se  livTcr  a  aucune  recherche 
ultericure  sur  le  Niger  de  Pline ,  qui ,  suivant  ce  que 
I'onpouvaitjuger,  etait  le  mcmcquecelui  de  Ptolemee, 
Marmol  et  Labat,  ploins  de  respect  pour  la  decision  de 
Jean  L6on,rembelJirent,elce  dernier  trouvameme  dans 
Ic  Niger  de  ce  geographc  le  Sc^negal  et  la  Gambie.  Les 
Portugais .  de  meme  que  les  autres  nations  livrecs  a  la 


(  195  ) 

navigation  maritime,  n'apprirent  pas  la  vt^i'il^,  quoique 
de  temps  en  temps  ils  recuelllissent  plusieiirs  bons  ren- 
seignements,4nais  ils  ne  pouvaientles  ajuster  aux  tradi- 
tions generalement  adoptees.  Auciin  indigene  ne  savail 
la  moindre  chose  d'un  Niger  devenu  Tohjet  de  la  curio- 
sitd  universelle  :  il  etait  done  nature]  que  de  toutes  parts 
il  s'ensuivitdes  meprises  de  noms  :  Jannequin  ,  qui  en 
1637  fit  le  voyage  du  Senegal,  entendit  parler  d'un 
bras  du  Niger  de  Tomboctou,  qui  allalt  se  jeter  dans 
le  golfe  de  Guinee  ;  niais  il  ne  trouva  personne  dispose 
a  le  croire.  Les  opinions  diverses  des  savants,  qui  tou- 
jours  se  croisaient  davantage  ,  rendirent  la  chose  de 
plus  en  plus  embrouillee,  et  ni  Ortelius,  niCluverius,  ni 
Cellarius,  nid'Anville,  par  le  manque  absolu  de  temoins 
oculaires,  ne  parvinrent  a  I'eclaircir.  Le  nouveau  fleuve 
resta  ainsi  enigniatique  jusqu'a  I'epoque  ou  Park 
nous  fit  connaitre  a  moitie  le  vrai  cours  du  Joliba,  et 
donna  une  nouvelle  impulsion  auxrecherches.  Alors  le 
sentiment  de  I'identite  du  Niger  et  du  Nil  triompha  :  les 
Anglais ,  avec  la  meilleure  volonte  ,  meme  en  sacrifiant 
de  fortes  sommes,  et  sans  sc  soucier  de  I'origine  du 
nom  de  Niger  donne  a  ce  fleuve,  s'empresserent,  avec 
une  confiance  imperturbable  ,  d'assigner  a  ce  pretendu 
Niger  le  cours  qu'il  devait  suivre  ,  la  plupart  cherchant 
celui  qui  faisait  accorder  les  opinions  des  anciens  avec 
la  geographic  des  Arabes ,  puisque  Jackson  lui  avail 
barre  absolument ,  par  une  chaine  de  montagnes,  son 
chemin  vers  I'Ocean. 

Ainsi  Rennel  eut  recours  a  I'evaporatlon  ;  Dudley  et 
plusieurs  autres  le  pousserent  vivement  vers  le  Nil  ; 
Seetzen  le  fit  communiquer  avec  le  Zair ,  et  plus  sa 
conjecture  etait  singuliere ,  puisqu'elle  etait  la  moins 


(  196) 
vraisemblable  ,    mieux   elle  Tut  accuelllio.   Moii  hypo- 
these,  conciie  en  1802,  imprimoe  dans  la  Monatliclie 
rorrespomletiz  de  cctte  ann^e  et  dans  le  cahier  d'aoilt 
des  Ephemerides  geogvaphiqiies    dc    1803,    liypoth^se 
I'ondee  sur  la  nature  de  la  structure  dc  rinterlour  de 
I'Al'riquc  du    cote  du  golfe  de  Benin,  assoz  connue  a 
cetteepoque,surson  atmosphere,  etsurlcsphenom^nes 
periodiques  des  regions  intertropicales ,  sur  les  rela- 
tions de  voyageurs  qui  s'accordaient  la  plupart  en  ce 
point,  trouva  des  approbateursen  Allcmagne  (1)  el  en 
France ;  mais  en   Angleterre  cllc  rencontra  une  forte 
opposition,  qui  eutRennel  pour  chef,  et  qui  coiita  la  vie 
au  pauvre  Park  et  a  tous  ses  compagnons  dc  voyage  (2) ; 
eniin  pour  complaire  a  I'idee  extraordinaire  dc  Seetzen, 
on   sacrifia  la  vie  du  capitaine  Tuckey,  un  des  plus 
habilcs  marins  de  la  Grandc-Bretagnc,  ainsi  que  celle 
de    trois  cents  hommes  tres  utiles.   Mais  dcpuis  que 
I'expedition  de  Denham  et  de  Clapperton  ,  et  surtout 
celle  de  ce  dernier,  qui  a  p(5n6tre  dans  I'interieur  en 
venant  du  sud ,   ont  fait  connaitre  que  Ton  ne  devait 
plus  revoquer  en  doute  I'embouchurc  du  fleuve  dans 
le  golfe  de  Benin,   quelques   Anglais,   par   exemple 
Robertson  et  Mac-Queen,  commencerent  aetre  convain- 
cus  de  la  difference   des  deux  rivieres.    Ce   point  est 
maintenant  confirme  et  prouve  de  la  mani^re  la  plus 
positive    par    les   monlagnes  que    Clapperton  et    ses 
compagnons    ont    rencontrees.    Au    norcl    de     cctte 
cbaine  coule  le  Yeou ,  qui,  avec  ses  bras,  et  ainsi  que 
le  Schary ,  plus  fort  avec  ses  affluents  ,  tombe  dans  le 

(l)  Kani  aMssi ,  dans  sa  Geoyrnplii':  physique ^  liouva  (iiii;  r'l'lait 
riiypolliuse  la  plus  conforiiie  a  l,i  nalun;  des  clioses. 

(•2)  Park  voidait  r.  nioiiliT  la  rivit-ipde  Brnin  ;  rainiraulL-  el  Hcniicl 
<'j  opposcrent. 


(  •1^J7  ) 

lac  Tchad  dont  I'eau  est  douce.  Au  sud ,  passe  le 
Quarra  (  Joliba  ou  Gulby  )  ,  recevant  toutes  Ics 
miferes  dont  les  uonis  ,  exccpte  colui  de  la  riviere  do 
Sackatou  ,  sont  encore  inconnus.  Mais  la  dispute  no 
cessera  pas  encore;  des cluunpions  robustes  le  tireront 
de  I'enfoncenient  ou  il  se  trouve ,  car  il  est  deja  enlre 
dans  la  vaste  plaine  au-dessus  de  Benin  ,  le  feront  re- 
monter,  et  le  conduiront  par-dessus  les  montagnes 
dont  il  vient  d'etre  question,  soit  au  Schary,  soit,  apres 
avoir  fait  le  tour  des  sources  les  plus  meridionales  de 
celui-ci ,  a  la  riviere  qui  doit  sortir  du  Tchad  ,  conime 
bras  principal,  et  former  le  Nil :  tant  est  profondement 
enracinee  I'idee  de  I'identite  du  fleuve  de  Jean  Leon  et 
du  Niger  de  Pline !  Afin  de  se  persuader  que  la  chose 
nest  pas  possible  a  cause  de  la  direction  des  monta- 
gnes que  Ton  connait  avec  plus  d'exactitude  ,  il  faut 
examiner  celles-ci  avec  plus  d'attention. 

A  la  pointe  qui  dans  le  golfe  de  Guinee  est  vis-a-vis 
I'ile  de  Fernando-Po ,  entre  I'embouchure  du  Piio-del- 
Rey  a  I'ouest  et  du  Piio-dos-Cameroens  a  lest,  pointe 
nommee  cap  des  Cameroens ,  commence  une  chaine 
de  sommets  tres  elev^s  d^s  ce  point.  Les  Portugais  les 
nommerent  jadis  haute  terre  des  ^mbozes ;  ils  se  pro- 
longent  au  nord  et  au  nord-est  entre  les  fleuves  qui 
viennent  d'etre  nommes.  La  cimc  la  plus  proche  de  la 
cote  a  une  elevation  de  13,000  pieds  anglais  au-dessus 
de  la  raer ;  a  peu  pres  a  11  milles  geographiques  au 
nord-est  s'elance  le  Rumby-Pik  ,  qui  est  plus  haut ;  et 
ci  7  miUes  geographiques  au  nord-ouest  de  celui-ci  ,  le 
Qua-Mountain  ,  moins  eleve  ,  indique  un  a])aissement 
vei's  les  teri-es  basses  de  I'ouest;  par  derriere  ,  dans  le 
nord-est,  s'elevent  des  montagnes  encore  plus  hautes 
et  formant  une  chaine.  (les  cinies  sont  situees  ,  suivant 


(   198  ) 
le  rel^venient  du  capitaine   anglais  \  idal ,  par  27°  dc 
longitude  E.  de  Tile  de  Fer  et  5°  de  latitude  N.  La  rela- 
tion de  Clapperton  nous  montre  les  montagnes  d'ou 
le   Tchad   reroit  scs   affluents  du  sud  ct  de    louest , 
comme  situ^es  entre  29  et  35"  E.  de  I'ile  de  Fer  et  entre 
8  et  9"  N.  Les  voyageurs  disent  que  derritjre  ces  mon- 
tagnes, c'est-a-dire  au  sud  ,  ils  en  apercurent  de  plus 
hautcs  (1).  Or.le  grand  fleuve  des  Camcroens,  auquel 
on  peut  attribuer  une  longueur  de  50  a  70  milles  geo- 
graphiques ,  prenant  sa  source  sur  le  tlanc  du  sud  ou 
du  sud-est  des  monts  Anibozes,  qui  dans  I'interieur  se 
rattaclient  aux   montagnes  du  Congo,  il  faut ,  confor- 
mement  aux  lois  de  la  geographic  physique  ,  suivant 
lesquellesles  montagnes,  et  surtout  les  montagnes  nei- 
geuses,  s'enchainent  entre   ellcs  ,  que  les  Ambozes  se 
joignent  aux  montagnes  dc  Clapperton  entre  les  30  et 
33''delongitudc,puisqu'clless'enapprochentaquelques 
milles  pres.   De  plus,   les  montagnes  de   I'Abyssinie 
d'ou  sortent  le  Bahr-el-Azrek  ,  avec  scs  affluents  meri- 
dionaux,  doivent  fder  a  I'ouest  par  les   cantons  dc 
Narea  et  de  Kaffa  qui  sont  tres  eleves.  Le  Toumat ,  le 
Malek  et  une  quantity  de  grandes  et  petites  rivieres 
plus  occidentalcs,  que  Ptolemec  a  nommces,  et  qui  sont 
citees  avec  les  lacs  du  Nil  dans  1'  •■imjjnspnsmatis  (  Hud- 
son,   Cieo'^^raplii  gra-ci  minores  ,  t.  IV,  p.  39)    portent 
Icurs  eaux  au  Bahr-el-Abiad.  Or,  le  Schary  est  incon- 
testablemcnt  une  de  ces  branches  plus  occidcntales 
du  Nil,  et  par  consequent  ces  monts  se  joignent  sans 
interruption  avec  les  hauteurs  situees  entre  Kano  et 

[  l)  Suivant  Denliain,  il  y  a  une  ciiiii.'  fourcluie  plus  luiuU'  de  3,5o(> 
iiieds  que  la  lerrassn  du  Mandara,tiaule  dc  pins  ile  3,noo  pieds;  il  la 
nuniuK;  MandiFy ;  clle  so  prrd  dans  les  nuagps.  L'cli'vation  dc  i.i 
tcrrasKf  du  Mandaia  nr  doil  sentendir  rpir  dn  Ihmi  oil  clail  Drnliani 


(  199  ) 

Sackatou  ,  et  ccmposent  la  partie  Ja  plus  ^leveo  des 
monts  Komri  ou  de  la  Lime.  On  ne  doit  done  pas 
supposerune  chose  aussi  impossible  que  le  passage  d'un 
grand  fleuve  par-dessus,  ou  ,  si  on  veut ,  a  travers  des 
montagnes  extremoment  liautos,  ct  tres  vraisembla- 
bleuient  neigeuses,  surtout  quand  la  grande  plaine  do 
Benin  ,  que  ce  ileuvc  a  dcvant  lui,  lui  ofFrc  unc  libre 
issue,  et  ne  lui  oppose  pas  le  moindrc  einpechement. 
De  toutes  ces  considerations  il  resultc  ,  aussi  clair 
que  le  jour,  que  le  Nigir  ou  Niger  des  anciens  n'a  abso- 
lument  rien  de  commun  avec  le  fleuve  decouvcrt  de  nos 
jours  dans  leSoudan,  et  que  Jean  Lt^on,  voulant  se  tirer 
d'embarras ,  aura  atti'ibuc  a  celui-ci  le  noni  si  cele- 
bre  de  I'autre  ,  sans  comprendre  le  moins  du  monde 
ce  que  les  auteurs  classiques  en  avaient  dit.  Done  , 
tout  le  monde  civilise  ,  decu  par  une  interpretation 
inexacte,  s'estdonne,  durantplusicurssiecles,  une  peine 
ti'es  Inutile  pour  chercher  une  jonction  d'un  INiger, 
qui  n'etait  pas  celui  de  Pline  ,  avec  le  Nil ,  et  pour 
combattre  cette  opinion  avec  cbaleur.  Je  me  compte 
aussi  parmi  les  dupes  de  la  deception ,  lorsqu'en 
exposant  mes  conjectures  j'ai,  sans  discussion  ,  sup- 
pose que  le  pseudo-Niger  6tait  le  veritable.  Comme 
je  suivais  simplement  ses  traces ,  je  ne  croyais  pas 
devoir  remonter  a  la  baute  antiquite ,  et  etablir  des 
comparaisons  avec  les  auteurs  classiques.  Ainsi  il  est 
bien  temps  et  il  est  digne  des  hommes  qui  s'occupent 
de  la  geographic  comparee  ancienne  et  moderne,  d'a- 
bandonner  totalemcnt  le  nom  de  Niger  ,  si  longtemps 
employe  mal  a  propos  pour  designer  le  fleuve  decouvert 
recemment. 

Lne  autre  riviere  est  egalement  rentree  dans  son  lit 
primitif  et  veritable  ;  elle   apparticnt  au  systeme  by- 


(  200  ) 

drograpliique  de  rAfriqiio  intt'rieuro ,  ot  a  quelquos 
rapports  avec  la  Getulie  et  le  Niger.  Lcs  raodcx'iics  i'a- 
vaient  egalcment  delog6e  de  sa  place  :  c'est  le  Gir  de 
Ptoleniee. 

Ce  geograplic ,  apres  avoir  determine  la  \ali('C  des 
GaramaiUcs  et  quelques  montagnes  qui  lui  appartien- 

neiit ,  coniluit  le  Gir  dans  sa  Lybie  :  Trorauo?  S\ 

«  au  milieu  du  pays  coulent  de  tres  grandcs  rivie- 
res :  le  Gir  entre  le  mont  Ousargala  ot  la  val- 
lee  des  Garamantes,  ou  le  point  de  ce  ilcuve  observ6 

est  par h"!"  long.   16  lat. 

II  forme  le  lac  Chclonides,  dont 
le  milieu  est  par.       .....     49     —      20  — 

Larivi^^re  qui,  suivant  ce  qu'on  ra- 
conte ,  disparait,  puis,  apres  s'etre 
cachee  sous  terre,  reparait  couime 
une  rivi6re  diffei'ente;  son  cxtremite 

occidentale  est  par 50     —      15  — 

Sa  partie  orlentale  donne  nals- 
sance  au  lac  INoutha.  .  .  ,  .  50  —  15  — » 
La  Table  de  Peulinger  montre  ( segment  vi )  le  Gir 
sous  le  nom  de  Girin  ,  sousTacape ,  et  prolonge  a  Test. 
On  sail  que  cette  table  ne  va  pas  beaucoup  au-dela  des 
bornes  des  provinces  dc  I'empire  romain  ,  excepts  en 
Perse  et  dans  I'lnde. 

L'anonyme  de  Ravenne  parle  du  Gir  (llv.  Ill  ,  3)  : 
((  In  qiid  Garcnnantinm  patrid  ,  non  /orioe  ah  Ocenrin, 
flui'ius  Ger  dilatissiine  currit.  In  (int'i  jxilrid  Ganir/tan- 
tiu'ii  sunt  montes ,  qni  Nauvnvon  appcllantar.  In  qtUi 
patrid  sunt  Incus  ^  anus  ant  dici/nr  Lycumede,  alins  Au- 
dita. Qui  Mthiopes  rnpcs  viontinni  hahilnre  describuntur, 
propter  iinmensa  nc  validissinia  cniintatn.  Ad  frontem 
aiileni   ejiisdcin  Garanianlinni  pntria  est  nrida  ,  dcserin , 


(  201   ) 
tuonfaitri,  qitcv  rlicitiii-  Mctrnuirydes ,  Nassaninnes  ,  Leto- 
phagidtijiie   Bfegnies.  In  qua  pntrid   nunquaiii  civitates 
fiiissc  legiDiits. . .   » 

Si  nous  coniparons  les  noms  de  Ptolemee  avec  ceux 
des  autres  auteurs ,  pour  Ic  Nig'ir  ,  nous  trouvons 
les  bassins  des  deux  rivieres  places  sousle  meme  paral- 
lele  ,  et  le  Gir  a  Test  du  Nigir  ;  ensulte  nous  voyons  que 
le  mont  Ousargala  ,  qu'il  a  donne  comme  le  point  ou 
se  termine  a  Test  le  bassin  du  Nigir,  est  designe  ici 
comme  extrernite  occidentaledu  bassin  du  Gir.  La  borne 
orientale  de  celui-ci  est  la  vallec  des  Garamantcs,  qui, 
selon  Ptolemee,  s'elendaitde  la  limite  orientale  dela  Nu- 
midiejusqu'au  Fezzan;confinait,dansle  nord,a  la  pro- 
vince tripolilaine  et  aux  cotes  occidentales  de  la  Grande 
Syrte,  ainsi  que  le  niarquent  FAnonyme  deRavenne  (1. 
c.)  ;Herodote,IV,17Zi;Slrabon,p.731,  385  et358;Pline, 

IV,  Zi;  et  avec  eux  tousles  autres  plus  ou  moins.  Ptolt-m^e, 
dans  le  passage  ou  il  renfermelesGaramantes  entre  les 
sources  du  Bagrada  etle  lac  Nuba,  semble  seul  contre- 
dire  les  autres  ;  ce  passage  sera  appr(icie  plus  tard.  Une 
des  villes  meridionales  des  Garamantes  etait  Garama  , 
leur  capitale  (Ptolemee  IV,  6;  Pline,  IV,  h),  et  leur  ville 
la  plus  au  nord-ouest,  Cydainus  (Pline  V,  5)  ,  Cadariiusii 
de  Ptolemee,  IV,  2,  qui  I'a  transplantee,  avec  plu- 
sieurs  autres  lieux,  dans  la  Maurltanie  cesarienne; 
Cidaina  de  Procope  [Edifices ,  VI,  3),  Gadames  de  nos 
jours.  Les  auteurs  classiques  n'indiquent  nullement 
que  les  Garamantes  alent  eu  des  possessions  perma- 
nentes  plus  au  sud  que  le  Fezzan   (  Phazaida  de  Pline 

V,  5)  ,  et  s'y  soient  complclemont  etablis.  Des  conjec- 
tures contrairos,  enoncees  avec  beaucoup  d'e^loquence, 
lu'obligent  d'ajouter  d'autres  preuves   de  cette  v^rit^ . 

I.    MiRS.    3.  ih 


(  202  ) 

d"ailleurs  d^ja  reconnue  g^n^ralement ,  etde  faire  dis- 
paraltre  ces  objections  sp^cieuses. 

Pline  (liv.  V,  5)  parle  ainplement  et  positivement  de 
la  conquete  du  territoire  des  Garamantcs  par  Cornelius 
Balbus  :  «  Intervenit  ad  solitiidines  AJricce  supra  minorem 
Syrtini  dictas,  versa  PJiazania  ,  ubi  geiiteni  Phazanioriun 
iirbesqiie  Alelen  et  Cilhibam  siibegiiints.  Item  Cydaiiiiini  e 
regione  Sabratw.  —  MateJgw  oppulum  Garamnntum.... 
omnia  romanis  sitperata  ,  et  a  Conielio  Balbo  triumphata. 
—  psiim  in  triumpho  pvceter  Cydamum  et  Garanwm , 
omnium  aliarum  gentium  uibiunnpie  nomina  ac simulacra 
duxisse,  qua;  icre  hoc  ordinc  :  Tabidium  oppidum;  Ni- 
terisnotio;  Negligeniela  oppidum;  Bubeium  nntio  -vel 
oppidum;  Enipi  natio;  Thuben  oppidum  :  IK'itibrum , 
Hapsa  ,  oppida  ;  Discera  natio;  Debris  oppidum;  flu- 
men  Aathabur;  Thapsagum  oppidum;  Nannagi  natio; 
Boin  oppidum;  Pege  oppidum  ;  flumen  Dasipari.  Mox 
oppida  contiiiua,  Barncum  ,  Buluba,  Alasi ,  Balsa,  Gu/in, 
Maxola,  Zizama  ,  3Jo/is  Gyri...  » 

Dans  ce  grand  nombre  de  villes  ,  toiites  n'appartien- 
nent  pas  au  Fezzan  actuel,  Parmi  cellos  dont  Ton  peut 
reconnaitre  le  nom ,  plusieurs  se  trouvent  pres  de  la 
cote  et  du  Nil ,  etjusque  dansles  oasis;  on  ne  peut  pas 
d^finir  dans  une  semblable  region ,  rcmplie  d'oasis , 
comme  on  leferait  pour  des  contrecs  ferlilcs,  quelle  fut 
I'extension  des  limites  au  nord  eta  Test;  ces  royaumes 
furent  partiellemont  ou  s^par^ment  occupes  par  des 
Getulcs,  des  Libyons,  des  Numides  et  d'autros  Iribus 
nomades  ;  les  villes  conquises  d'taient  vraisemblable- 
menl  loutes  au  pouvoir  des  Garamantes.  Voici  celles  que 
je  puis  distinguer  :  d'abord  Cydamus  (Gadames)  el  Ga- 
rama  doja  nominees;  Cillaba  (Zilla,  Zella,  Zuila)  ; 
Able    (  Hadji- Mil )  :     Mafelgo'     (Medesiol )  ;    Tabidium 


(  203  ) 

(Dabezzai,  dans  la  partie  orientale  de  la  grande  oasis); 
Negligemela  (Nedgebel-Begle  ,  an  sud-est  de  Siouah)  ; 
Debris  (Terbou)  ;  T/inpsngmn  (Tessava)  ;  Boiii  (Bon- 
jem  ,  sur  la  fronliere  du  nord  ot  sur  le  chemin  deMor- 
zoiik  a  Tripoli);  Bdrncum  (Bi'ak)  ;  Galla  (Galouas  ou 
Gliclvas)  ;  Moiis  Gyri  ( peut-etre  le  Gira  metropolis  de 
Ptolemee  sur  una  montagne  baign^e  par  le  Gir  et  le 
Syra  actuel ,  qui,  du  temps  de  Jean  Leon,  s'appelait 
encore  Gir  (p.  463) .  Pline  nomme  avant  ce  lieu  les  Hnin- 
manienies,  a  douze  journees  de  route  a  Test  de  la  grande 
Sjrte.  Les  voyagcui's  modernes  ont  trouve  la  une  ville 
de  Ilamra ,  dans  la  partie  septentrionale  du  Fezzan. 

Ptolemee  nous  ouvre  aussi  une  perspective  dans  ce 
pays,  en  nommant  Ma  sue  Ids ,  qu'il  transporte  alav6- 
rifeen  Marmarique,  maisquc  je  jiourrais  prendre  pour 
Monrzouk ,  avec  autant  deraison  du  moins  que  Mnsouf- 
fiii ,  dans  les  monts  Garian ,  oil  doivent  se  trouver  des 
inscriptions  dont  on  n'explique  pas  le  conlenu;  Saba 
ou  Saba'  (Seba  ou  Scbblia,  ville  entour^e  de  murs  et 
situee  par  37"  3'  8"  de  lat.).  Tout  aupr^s  il  place  les 
sources  du  Cjnips  (Ouadi-Quaam)  ,  qu'il  a  tr^s  inexac- 
texnent  prolonge  au  loin  vers  le  sud,  de  sorte  que  Ton 
supposerait  qu'il  avoulumarquerune  riviere  du  meme 
nom  ,  mais  totalement  dilTerente  de  la  riviere  cotiere  ; 
Sammaiiiycii  (Samnou) ,  et  pr6s  de  la  Zyges  (Zygen)  , 
sont  dans  le  nord-ouest  du  Fezzan ,  quoiqu'il  les  ait  at- 
tribues  a  sa  Libya  exterior,  ce  qui  rend  plus  vraisem- 
blable  I'opinion  suivant  XaqiKAXc  Masnchis  estMourzouk. 

Si  d'autreslieux  ne  peuvent  soutenirun  examen  plus 
s^v^re  ,  il  faut ,  en  r^unissant  toutes  les  circonstances 
precedemraent  alleguees  ,  et  surtout  celle  qu'aucun 
n'est  situe  au-dessus  du  Fezzan  actuel,  ou  le  pays  com- 
mence a  etre  moins  peuple  et  encore  raoins  garni  de 


(  -204  ) 

l)ourga(ies  ,  il  taut,  dis-je,  avoucrquc  la  contreeproprc 
dcsGaramanles  n'a  pas  pu  s'ctendre  au-dela  du  Fezzan. 
Mais,  objectera-t-onpeut-etre  d'un  Ion  triomphant ,  sur 
la  carte  de  Ptol^m^e ,    les  Garamantes  sont  rdpandus 
dans  toute  la  longueur  du  bassin  du  Gir  jusqu'au  10' 
degre  de  latitude.   La  rei'uratlon  de  ccttc  dilTiculte  se 
trouve  dans  le  texte  meme  du  geographe.  II  ne  marque 
pas  les  bornes  des  Garamantes  par  des  expressions  par- 
ticulieres   quand  il  parle  d'eux  comme  d'une  des  na- 
tions les  plus  considerables ,  et  se  borne  a  noter  la 
longueur  de  leur  pays  de  I'ouest  a    Test ,    et  dans   la 
suite  des  villes  ,  souslarubrique  :  uAutourdes  sources 
du  Ciinvps,  »  il  enumere  celles  des  Garamantes,  parmi 
lesquelles  Gai'ama,  la  capitale,  est  situee  par  Zi3°  de 
longitude  et  21"  30'  de  latitude,  suivant  la   traduction 
latine  ;  mais  dans  le  grec  il  y  a  36°  longitude  et  28°  la- 
titude. Quelle  incertitude !  Cependantladiitcrmination 
du  texte  grec  doit  etre  la  plus  exactc  ,  puisque  Ghenna 
a  m  trouv6  par   34°  15'  long,   et  26°  5'  lat. ,  et  ainsi 
s'en  rapprocbe  davantage.  II  resulte  de  ce  fait  et  de  ce 
que  Garama  est  le  lieu  le  plus  meridional  du  pays   et 
sur  sa   fronti6re,   que  cctte  contrde   doit  etre   porte^e 
beaucoup  pluspres  de  la  cote;  et  comme  les  Garamantes, 
ainsi  que  I'histoire  de  Tacfarinas  nous  I'apprond  (  Ta- 
cite,  Annales ,  IV,  23) ,  s'avancaient  assez  vers  cettc  cote, 
il  n'y  a  pas  d'erreur,  ou  dumoinspasune  grande,  cliez 
Ptolemee  ,  quand  il  place  ces  peuples  aux  sources  du 
Cynips  :  seulement ,  suivant  tout  ce  qui  a  ete  observe 
plus  liaut ,  il  aurait  pu  indiquer  qu'ils  etaient  voisins  de 
Mia  cote  etroite  de  la  Syrte  occup6e  par  lesRomains;  il 
en  a  use  de  meme  envers  le  Bagrada  ,  de  sorte  que  les 
l*cteurs  qui  ne  I'ont  pasbien  compris  se  sont  crus  obli- 
ges de  figurer  dm  \  rl\iere5  de  ce  iiom.  Or  Ptolemee 


(  2o:)  J 

transporte  conipleteinent  le  Gir  et  ses  villes,  sans  rilor 
le  nom  de  cetle   province ,   au  snd  ,   parnii  cellos  des 
Garamantes,  dont  aucunene  sc  trouve  dans  le  Fezzan, 
et  encore  moins  dans  les  cantons  pen  habites  ou  entie- 
rement  deserts  qui  sont  phis  meridionaux  que  ce  pays, 
mals  dont  plusiours,  au  contraire ,  se  rencontrent  dans 
d'autres  territoires  tout  diderents ,  coinme  ce  sera  de- 
montre;  de  plus,  11  laltdescendrejusqu'a  15°de]atltude 
le  Garaniniiticn   I'filiis  dwiis,  qui  appartient  Incontesta- 
blementau  Fezzan,  apeu  pros  dans  lesmontsdeTibestl, 
le  point  le  plus  au  sud-est  sur  la  frontlere  de  ce  pays, 
comme  s'U  cut  voulu   le  lul   donner  do  ce  cote  pour 
limite  ,   quolque   le    texte    no  le   dlse    pas    express6- 
ment  ;  11  a  par  la  induit  Agathod.'Gmon  a  tracer  le  noni 
des  Garamantes  dans  toute  I'etondue  du  bassln  duGlr, 
ce  qui  est  inexact.  Malntenant  quiconque  ne  s'est  pas 
lait  un  systeme    d'avance  crolra-t-11  pouvoir  elendre 
le  pays  des  Garamantes  jusqu'au  lac  Tchad  et  au  Bour- 
nou  dansle  Soudan?  voudra-t-il  le  prouver,  apres  avoir 
soigneusement  examine  tous  les  arguments  que  nous 
venons  d'exposer,  et  qui  sont  tires  des  propres  paroles 
desancienset  de  la  nature  des  choses ,  et  apres  s'etre 
forme  une  theoriefondee  sur  des  conjectures,  sans  faire 
aucun  rapprochement  entre  I'analogle  des  noms  ,  qui 
est  cejjendant  si  necessaire  dans  ce  cas?  On  y  a  aussi 
cherche  et  cru  trouver  un  motif  de  reconnaitre  que  les 
Touarlks,  composantune  partletr^s  considerable  d'une 
trlbu  prlncipale,  dont  la  langue  ,  qui  est  le  berbcr,  et 
les  moeurs  r^gnent  dans  toute  I'Afriquc  septentrionale, 
sont  une  portion  de  la  descendance  des  anciens  Cana- 
riens  ouGuanches,  des  Getules  ,  des  Numldlens,  des 
Garamantes,  des  Llbyens ,  etc.;  et  comme  11  est  avere 
qu'ils  s'etendent  jusque  dans  le  Soudan,  qu'ils  ont  des 
communications  avec   ses  villes  coramercantes ,  on  a 


(  206  ) 

pens6  que  Ptol6in(^e  nous  a  consent  quelques  particu- 
larites  dcsquelleson  peut  conclure  quele  territoire  des 
Garamantes  so  prolonpeait  jusqu'au  Soudan  ,  ct  que 
par  consequent  le  Gir  doit  otre  cherche  dans  cette  con- 
tree.   Ptolemec  ,  lorsqu'il  traitc  de  la  nianlorc  cxacte 
de  calculer  le  chemin  que  Ton  a  parcouru,  raconte,  d'a- 
pi'esMarindeTyr,  que  SeptimiusFlaccus,  etantcnl/d)\e 
avec  son  arniee,  pour  aller  de  Garama  au  sud,  einploya 
trois    raols;  de   plus  ,  que  Julius    Matcrnus  ,    apprc- 
nant  que  Ics  Garamantes  avaient  fait  unc  invasion  en 
Ethiopie  ,  etait  alle  de  Lcptis  Magna  ,  en  suivant  egale- 
nient  la  direction  du  sud,  dans  lepays  d'Agisymba  en 
fitliiopie ,    ou  on  avait  vu  des  troupes  de  rhinoceros  ; 
le  voyage  avait  dure  quatre  mois.   Ce  pays  scrait  done 
celui  qui  environne  le  lac  Tchad  ,  et  ou  Denham  a  fait 
la  meme  observation  :  I'Agisyniba  ne  peut  ainsi  etre 
que  la  contree  a  I'ouest ,  au  sud  et  a  Test  de  ce  lac ; 
par  consequent  elle  correspond  au  Bournou ,  au  Ba- 
gherm6,  etc.  Ptolemee  avoue  que  cette  grande  distance 
ne  lui  semble  pas  croyable,  parce  que  I'Ethiopie  n'est 
pas  assez  eloignee  des  Garamantes  pour  que  Ton  soit 
oblige  de  roster  Irois  mois  en  route  entre  les  deux  pays, 
et  aussi  parce  que  les  deux  peuples ,  savoir,  les  Gara- 
mantes et  les  Ethiopiens  ,  obeissaient  a  un  meme  roi. 
Mais ,  indopondamment  de   ce  que  les  conquetes  ne 
furent  que  passageres  ,  Ptolemee  a  tres  grand  tort  de 
blamer  le  rccit  de  Alarin",  puisque  ses  doutes  ne  sont 
fondesque  sur  des  latitudes  cntii^rement  errondes,  qui 
lui  font  trop  rapprocher  les  Garamantes  et  le  Gir   du 
pays  d'Agisymba.  II  est  parfaitemcnt  dcmontre  que 
Marin  avait  raison  ,    par  le    voyage    de  Denham    et 
Clapperton,  qui  ont  parcouru  1,120  milles  anglais  en 
56  jours;  en  efTet  ,  une  arm<^p  qui  irait  He  Garama  an 


(  207   ) 

lac  Tchad  par  la  meme  route ,  et  qui ,  sur  99  jours  de 
marche  a  travers  le  desert  et  les  sables  brulants ,  ne 
prendrait  que  26  jours  de  repos,  franchirait  cet  es- 
pace  a  peu  pres  dans  un  temps  egal. 

Ptolemee  ayant,  par  sa  manlere  de  decrire  ,  alnsi 
que  je  I'ai  observe  plus  haut,  place  ,  en  contradiction 
avec  ses  chifTres  ,  le  bassin  du  Gir  a  I'ouest  des  Gara- 
mantes,  nous  venons  naturellement  au  pays  de  Zab 
(Zaab)  et  a  celui  de  Vadrig,  situe  plus  au  sud.  Shaw 
les  decrit  I'un  et  I'autre;  Edrlsi  et  Aboulfeda  aussi  en 
font  mention.  Procope  nomme  le  premier  (1)  et  i-e- 
marque  qu'on  I'appelle  egalemcnt  Mauritanln  prima. 
Jean  Leon,  qui  ecrit  ce  nom  Zeb,  donne  a  ce  pays  cinq 
villes.  Ces  deuxcontrees  sont  arrosees  par  rAin-Djiddi, 
riviere  considerable  qui  coule  principalementde  I'ouest 
a  Test,  et  regoit  plusieurs  affluents.  Au  nord  s'etend 
I'Atlas  oriental  avec  le  mont  Auress,  VJurasius  de  Pro- 
cope  (2),  V  Jiidiis  de  Ptolemee  (3).  Au  sud  se  developpe 
le  Sahara,  oii  se  prolongent  aussi  d'autres  chainesqui 
nous  sont  entierement  inconnues.  Au  nord-ouest  du 
bassin  de  cette  riviere  ,  il  y  a  une  autre  vallee  fermee 
par  des  hauteurs;  c'est  celle  du  Schott  (Schat)  lac  sal6. 
'  auquel  des  rivieres  affluent  egalement  de  toutes  parts. 
Lne  route  de  la  Table  de  Peutinger  part  de  Thelepte 
(Ferreana)  [li)  ,  et  va  a  I'ouest ,  a  travers  le  pays  de 
Zab  ,  en  passant  par  les  stations  suivantes  :  Thelepte  , 
XLViii ,  ad  Majores  xxviii ,  ad  Medias  xxv,  Bad/as  xxiii, 
Thabudeos  xxiv,  Gemellas  xxxiii,  ad  Piscinam.  En  tout 
181  m.  p.  On  retrouve  dans  Thabudeos  le  Thabudis  de 

(l)   Guerre  des  Fandales,  liv.  II  ,  chap.  20. 
(a)  Idem,  liv.  I ,  chap.  8. 

(3)    Liv.  IV,  chapitre3. 
'4)   Sbaw  ,  p.  1.69  fie  rpfl    Iranc 


(  208  ) 

Ptol(^mee.  qu'il  a  transport(^  pres  des  sources  du  Ba- 
grada,  par  consequent  au  nord  dc  I'Audus  ,  quoique 
le  cheuiin  passe  au  sud.  Cost  de  la  probablement  que 
provient  le  double  Bagrada.  Ainsl  ce  Thabudisdoit  etre 
le  Tooda  de  Shaw,  sur  un  des  aflluents  septentrionau\ 
de  I'Ain-Djiddi :  seulement  Shaw  I'a  plac6  trop  au  sud. 
L'ad  Pi.scinnin  nous  fait  arriver  a  I'extremiti  orientale 
du  Schott.  Le  cheniinva  ensuito  jusqu'a  l.ambese,  que 
Shaw  a  rctrouv6  a  Tezzout  dans  de  belles  mines,  avec 
de  nombreuses  inscriptions  qui  indiquent  son  noni. 
Nous  devons  done  revenir  a  cette  ville,  dont  la  position 
pent  etre  asscz  exactemontdetorminf^e  paries  routes  ro- 
maines  et  par  le  recit  du  judicicux  voy ageur  anglais.  \  oici 
la  suite  des  stations  qui  y  menent :  xvni  Mesarjilia,  vi  nd 
Aquas  JlercuUs  ,  \\  ad  Calccum  Hcrcid/s  ,  ix  ad  iluo  fla- 
inina  ,  ix  ad  Symniachiim  ,  xv  ad  Basi/icani  Diadiiineni,  et 
Landtese  sans  distance  indiqude.  Ce  nombre  laisse  en 
blanc  fait  supposer,  comme  cela  a  toujours  lieu  sur 
cette  carte,  dans  des  cas  semblables,  qu'il  est  assez 
faible,  par  exeniple  vii  ou  vni,  ])ar  consequent  en  to- 
ta]lte7/i  ou  75  ni,  p.  C'est  ce  que  rendent  tr^s  vraisem- 
blable  le  detour  du  chemin  a  ad  Piscinam ,  et  sa  posi- 
tion a  Textrc^mite  orientale  du  Schott,  ou  Ton  peut 
presumer  qu'il  y  avait  une  pecherie  ,  ou  un  d'tablisse- 
ment  poursaler  le  poisson  ,  vraisemblance  que  favorise 
singulierement  la  distance  tant  de  Thelepte  que  de 
Lavihesc.  Quant  a  la  question  de  savoir  si  la  seconde 
portion  dece  chemin  ,  et  en  general  la  valine  du  Schott, 
appartenait  en  tout  ou  enpartie  au  Zab,  c'est  ce  qui  est 
assez  incertain  ;  il^arait  qu'autrefois  elle  appartenait 
avec  7jube  a  la  Mauritanie  c(^sarienne  ou  a  la  Sitifensis. 
Nous  rotrouvons  dans  cv  Zab  et  ce  Vadrig  une  quan- 
lite  considerable  de\i lies  f| lie  Ptolt^nieo  place  aux  sources 


(  200  ) 

tie  son  Bagrada  et  sur  le  Gir.  Parnii  cellcs  que  1  on 
pcutexpliquer,  onremarque:^V//r(^'Y/-c/,  au  nord  du  Gir; 
Mai j in,  que  Shaw,  sur  sa  carte  ,  a  transporte  au  sud  de 
\ Ain-Djiddi,  dans  IcVadrig;  /jV////'(7,  vers  les  sources  du 
Cynips ;  Baclense,  au  sudderAin-Djiddi,  dans  le  Vadrig; 
Biitiuus  surle  Bagicula  ,  (Bordsji  etBordja)  aunord  du 
Djiddi(l);  Dmickitcc  on  Danchisaj:  Ptolemee  dit  qu'au- 
dessous  du  Girs^iris  inoiis ,  a  peu  pres  cliez  les  Gara- 
mantes  ,  il  y  a  les  Mnccoi ,  les  Dnnchi.sce  ,  les  Calilcv  , 
jusqu'au  lac  Niiha;  Engusah,  suivant  Shaw,  a  5 
milles  niaritimes  a  Test  de  Vergala;  les  Calitae  peuvent 
etre  la  trihu  touarique  noniniee  Kellevi,  Relarik,  Rel- 
takghei ,  etc.,  dont  la  position  n'est  pasdonn^e,  mais 
on  peut  piesumer  qu'elle  est  dans  ces  cantons;  Geba  , 
au  nord  du  Gir;  Lei>ti,  sur  la  rive  septentrionale  de  I'Ain- 
Djiddi ;  Gir.i  metropolis,  sur  I'Ain-Djiddi  ;  S/ra,  suivant 
Shaw,  le  Gir  de  Jaan  Loon;  Lyn.rainn  et  Lynaainatce 
sur  le  Gir,  ou  plutot  dans  son  voisinage  (n-po?  aOrw)  ,  ce 
qui  est  coniorme  a  I'Anonyme  de  Ravenne;  Lyjena , 
suivant  Shaw,  sur  le  Serkah ,  riviere  prenant  sa  source 
au  Serkah  et  au  mont  Auress,  coulant  du  nord  au  sud, 
et  se  jetant  dans  le  Gir;  Thabudis,  que  nous  avons  vu 
precedemment  sur  le  meme  chemin,  ville  episcopale 
selon  la  ISotitia  Aiii/udice,-  Thiiciinath  ou  Uziniath  (ttoo? 
auTfo) ,  Dousan  (Shaw)  ,  Deusen  (Jean  Leon),  a  I'ouest  ; 
Thuppa  egalement.  Tut  sur  le  Serkah,  suivant  Shaw, 
pr^s  du  mont  Auress ;  Tucriuituda  egalement ,  Ttig- 
gtirt  suivant  Sliaw,  a  30  milles  maritimes  au  nord 
d'Engousah  dans  le  Vadrig,  sur  une  riviere  quiseperd 
dans  la  terre,  puis  revient  au  jour  (2);  Jean  Leon 
nomme  ce  lieu  Techort. 

(1 )  J.  l-ei>ri  ,  p.    5. 

(2)  Voyez  le  ([ui  a  cte  Hit  |)iece(li'mmpTit. 


(  210  ) 

Ptol(!!mee  nomine  encore  ,  dans  la  Mauritanie  c6sa- 
rienne,  une  couple  de  villes,  et  dans  la  Libye  quelques 
pcupladcs  qui  appartlennent  a  cc  bassin  ,  y  compris 
aussila  vallee  du  Schott ,  savoir  :  Tuhuiia:  c'est  le  Tu- 
buna  vllle  episcopale  dc  la  Notilin  Nuniidia' ,  le  Tubu- 
nia  de  Victor ,  le  Tubnniensis  dans  les  ConcU .  Zenon  , 
Aug,  le  Tiibntiis  (ablatifpluriel)de  laTable  dePeutinger 
sur  le  chemin  do  Sitifi  ,  lo  Tubnah  de  Shaw  ,  le  Tobna 
d'Edrisi  et  d'AbouHeda  ,  sur  le  versant  meridional  du 
petit  Atlas ,  sur  le  Buniazuse,  riviere  qui  se  jette  dansle 
Schott ; — Fescetlira  ou  Vesceter  suivant  Shaw  :  Biscarra, 
capitale  actuelle  du  Zab  ,  ou  de  son  temps  il  y  avait 
une  garnison  turque ;  le  Pescara  de  J.  Leon  ;  —  enfm 
Lsargnln-Moiis ,  deja  cite  comme  le  point  extreme  des 
limites  de  la  G^tulie  ,  est  \  urgala  dans  le  Vadi'ig  ,  ville 
batie  sur  une  montagne. 

Enfin,d'apr6s les  considerations  enonc^esprecddem- 
ment ,  on  retrouve  ^galcmentle  lac  Nuba,  dont  Ptol6- 
m^e  seul  fait  mention  :  il  le  place  A  Test  du  Gir  par  15" 
de  latitude ,  et  ajoute  qu'il  est  produit  par  la  riviere 
qui  se  cache  et  qui  cnsuite  rcparait ;  dans  les  determi- 
nations geographiques ,  ce  nom  est  ecrit  Nulha;  en~ 
suite  le  mot  Aiiba  revient  encore  deux  fois,  et  Ton 
voit  la  station  de  Niibcc  :  on  reconnaitra  biontot  que 
Nuba  est  le  veritable  nom.  La  Table  de  Peutinger 
donne  sur  le  chemin  de  Sitifi  aux  cantons  meridio- 
naux  une  station  sous  la  denomination  de  Salince  Nubo 
{ne)neiises ;  elle  est  eloign^e  (voir  plus  haut )  de 
XVI  m.  p.  de  Vaccis ,  station  precedente  ,  et  de  xxv  m. 
p.  de  Tuboiiis ,  station  suivante.  Avec  ce  Tubotiis ,  qui 
est  le  Tubunn  des  autres  auteurs  ,  nous  nous  sommes 
retrouves  pr^cedemment  dans  la  valine  du  Schott ;  ce 
lieu  ,  4tant  une  saline,  doit  avoir  dt(^  situe  sur  un  ter- 


(  211   ) 

rain  salant  ,  et  il  n'y  en  a  pas  d'autre  ici  que  celui  qui 
est  le  long  du  lac  Schott :  Tubnnis  en  est  precisement 
6loigne  de  xxv  m.  p.;  par  consequent ,  le  surnom  de 
I\ubo/tensis  porte  a  conjccturei'  avcc  certitude  que  le 
lac  se  nommait  Niibo   ou  A'uba  ,  ce  qui   est  la  meme 
chose ,  et  que  le  peuple  Nithce  dolt  designer  ce  lieu.  II 
est  done  evident  que    Ptolemee  a  voulu  parler  du  lac 
Schott,  quolqu'il  n'alt  pas  connu  exactcnient  sa  veri- 
tahle  position  ;  de  sorte  qu'il  le  croyalt  a  Test  du  Gir, 
ou   que   d'apres  des  relations  peu  authentiques  11  Ten 
eloignait.  Le  chemin  ouvert  par  les  Ronialns  a  travers 
le   pays   de  Zah  et  la   vallee  du  Schott,  alnsi  que  la 
connaissance  que  Procope  avalt  de  cette  contree,  nous 
revile  que  les  Piomains  ont  du  la  faire  parvenir  a  un 
etat  aussl  Florissant  que  des  cantons  plus  proches  de  la 
cote;  c'est  ce  que  Ton  conclut  des  ruines  qui,  dit-on, 
se  trouvent  partout ,  et  dont  Shaw  a  entendu  parler. 
Nul  voyageur  europeen  n'a  encoi^e  penetre  jusque  la, 
et   cependant  on  y   recueillerait  des  renselgnements 
interessants. 

II  ne  nous  rcste  plus  qu'une  remarque  a  faire ,  c'est 
que  rAhi-Djiddi  a  r(!tellement  jadis  port6  le  nom  de 
Gir  :  en  effet ,  11  conservait  ce  nom  dui'ant  I'exarchat , 
a  r^poque  ou  I'anonyme  de  Ravenne  vivalt ;  et  de  plus 
nous  lisons  dans  Alhoufeda  :  Al-Zeb  est  terriloriuni  iiin- 
ginini  et  fliivins  Garrar  sh>e  lira  in  regione  Al-Magreb 
cuj(islongitu(loZ()°  ;^0',  latitude  31°  30' ;  et  Jean  Leon  lui 
donne,  de  meme  qu'au Niger,  le  nom  de  Gir  (1).  C'est 

(i)  Peut-etre  dans  I'ancienne  lan{;ue  berbere  le  motde  Gir signifiail- 
il  riviere.  Dans  les  dift'erents  vocabulaires  que  j'ai  consulles,  eC  qui  a 
la  verite  ue  contiennenl  que  les  mots  usiiels  des  divers  ilialecles  de 
ri'lle  langiie  ,  je  ne  I'ai  point  irouve. 


(  212  ) 

aussi  cc  qui  a  induit  des  savaiils  tels  que  Shaw  a  re- 
connaltre  cettc  riviere  pour  le  Gir  de  Ptolemee.  II  est 
egalement  manlfcste  par  tout  ce  qui  precede  que  les 
Chelonidte  palwles  de  Ptolemee  ne  sont ,  ainsi  que 
Shaw  I'a  remarque ,  que  le  marais  de  Mel^ig  forme 
par  V  Jin  Djeddi. 

Plusieurs  des  sujets  eclaircis  dans  ces  rechercht  s 
ont  deja  ete  traites  d'une  maniere  satisfaisante  par  des 
savants ,  d'apres  des  principes  evidents  et  incontesta- 
bles.  Dautres,  au  contraire ,  et  c'est  le  plus  grand 
nombre ,  se  sont  constamment  eloignes  de  la  verite; 
lis  semblent ,  d'une  part,  avoir  porte  leur  attention  sur 
tous  les  points  qui  dans  Ics  descriptions  et  les  rela- 
tions souvent  deta'dlees  des  anciens  sont  d'accordentre 
eux  et  avec  les  recits  des  modernos ;  mais  d'un  autre 
cote  ils  semblont  n'avoir  pas  assez  pris  en  considera- 
tion les  dilTerences,  pas  assez  pese  chaque  expression  : 
par  consequent  ils  n'ont  pas  pu  examiner  les  choses 
sous  leur  veritable  aspect.  Comme  de  cetle  maniere 
on  ne  trouvait  pas  ce  qu'on  cherchait  ,  on  cut  re- 
cours  aux  suppositions  souvent  les  plus  temeraires , 
et  Ion  imputa  aux  anclcns  des  choses  auxquelles  ils 
n'avaient  jamais  songe.  Quand  en  procedant  de  cette 
maniere  on  n'a  pas  distingu6  convenablement  ce  que 
Pline  expose  comme  fonde  sur  des  falts  averes,  d'avec 
ce  qu'il  ne  presente  que  comme  conjectural,  on  a  cru 
ne  trouver  aucune  Impossibilite  a  ce  qu'U  ait  connu 
une  riviere  dont  ni  lui  ni  ses  contemporains  n'ont  pu 
avoir  la  moindre  notion.  Avec  un  trait  de  plume  son 
]\iger  et  la  riviere  interieure  si  clairement  designee 
par  Ptolemee  comme  ayant  son  embouchure  dans  les 
sables,  ont  ^tc  pris  pour  le  Niger  de  Jean  Ldon.  De 
mi'mc  quand  on  s'etonne  de  ce  que  Pline  ,  en  parlant 


(  213  ) 
du  pays  des  Garamantes,  ne  cite  aucun  des  lieux  que 
Ptolemee  a  indiqiies  dans  le  voisinage  du  Gir,  on  oublie 
que  CO  dernier  auteur  avail  dans  I'idee  un  canton  tout 
different;  qu'il  ignorait  qu'il  se  nommat  Zab;  mais  que 
dans  la  nomenclature  des  villes  il  le  distingue  assez 
clairement  du  pays  des  Gamarantes,  car  il  place  celui- 
ci  autour  des  sources  du  Cynips,  dont  il  prolonge  le 
cours.  En  general ,  plus  le  tissu  des  suppositions  etait 
ourdi  avec  art,  plus  il  trouvait  de  faveur  aupres  du 
grand  noiubre. 

Le  temps  m'apprendra  si ,  appuye  sur  des  preuves 
aussi  manifestes ,  men  sentiment ,  que  je  me  suis  etu- 
die  a  puiser  uniquement  dans  les  passages  des  anciens 
cites  textuellement ,  aura  le  bonheur  d'obtenir  le  suf- 
frage des  savants.  Si  les  esprits  reflechis  se  sentent  con- 
vaincus  par  mes  raisonnements  ,  ils  ne  negligeront  pas 
de  se  prononcer  de  toutes  leurs  forces  contre  Tabus  du 
nom  de  i\"/'4>er  applique  a  un  fleuve  qui  appartient  uni- 
quement a  nos  derniers  temps,  et  de  le  bannir  entiere- 
ment  de  la  geographic  moderne. 

Ces  considerations  etaient  deja  redigees  par  ecrit 
au  printemps  de  I'annee  1S31  ,  apres  que  j'eus  ter- 
minelasecondepartie  de  mon  '/7i:snun/s  ropoi;nip/iicii<i 
pour  le  grand  atlas  du  monde  ancien.  A  linstant  ou  il 
allait  etre  public  ,  je  lus  dans  le  N"  157  de  VJllgemeine 
Zeituna  la  nouvelle  suivante  ,  datee  de  Londres : 
((  Les  iVeres  Lander,  apres  6tre  parvenus  a  ^  ouri ,  se 
sont  embarqucs  en  ^bateau  sur  le  Niger  ou  Quorra  . 
comme  on  le  nomme  dans  ce  pays,  et  ont  descendu  ce 
fleuve  jusqua  ce  qu'ils  soient  arrives  a  la  mer  dans  le 
goU'e  de  Biafra.  Le  bras  par  lequol  ils  ont  gagne  I'O- 
cean  se  nommo  Rio-Nun  ou  Riviere  de  Brass  :  c'est  la 


(  214  ) 
premiere  riviere  que  Ton  rencontre  en  venant  du  cap 
Formoso.  »  (Ici  M.  Rcichard  raconte  la  m^savcnture  des 
voyageurs.  ) 

Youri  ^tant  situe  au-dessus  de  Boussa,  le  lieu  voisin 
de  celte  derniere  ville  oii  Park  echoua,  doit  otrc  navi- 
gable ,  puisque  les  deux  voyageurs  ont  passe  sans 
encombre.  Clapperton  alia  de  Badagri  a  Sackatou,  ou 
il  mourut  le  13  avril  1827  ;  cette  ville  est  situee  au 
nord  du  Quorra.  I  n  des  freres  Lander  qui  etnit  avec 
lui,  rcvint  dc  Sackalou  a  Badagri  ,  a  la  virile  par  un 
cbemin  un  peu  different;  lous  deux  durcnt  traverser  le 
Quorra,  cela  est  Evident,  quoiqu'il  n'en  soit  fait  au- 
cune  mention  dans  la  nouvelle  de  Londres.  Le  temps 
apprendra  si  cette  omission  provient  de  la  perte,  peut- 
fitre  pretendue ,  du  journal  dc  Lander  ;  et  si  elle  nest 
pas  command^e  par  I'interet  et  la  politique  du  com- 
merce anglais  pour  que  I'entree  des  pays  de  I'interieur, 
decouverte  a  si  grands  frais  ,  ne  soit  pas  livr^e  aux 
autres  nations.  Mais  enfin  les  jeunes  voyageurs,  sui- 
vant  les  traces  de  Park  ,  ont  remonte  le  Quorra  jus- 
qu'a  Youri,  puis  de  la  I'ont  descendu  jusqu'a  la  mer. 
II  est  satisfaisant  pour  le  mondc  savant  de  voir  que 
cette  6nigme  qui  occupait  les  esprits  depuis  quatre 
cents  ans  a  ^te  resolue  par  le  nieme  peuple  dont  les 
suppositions  aventureuses  et  mal  raisonnees  avaient  si 
fort  embarrasse  la  matiere  ,  et  qu'il  a  ^te  contraint 
de  reconnaitrc  par  sa  propre  experience  I'exactltude 
des  hypotheses,  fond(^es  en  raison,  qui  avaient  assigne 
^  ce  fleuve,  depuis  longtemps,  son  cours  naturel  (1). 

Lobenslcin  ,  jiiin   i83q.  \\. 

(i)  Lc  Mf-moire,  dejacile  p.  196,  dans  l('f|U(;l  Reirlmid  avail  dovinr 
rembouchurp  du  Kouara  ,  a  ele  public  dans  les  Annates  des  voYaqes. 
i.  V,  p.  a32. 


(  215   ) 

M^MOIBES  sur  les  progres  des  decouvertes  geographiqiies 
dans  rile  de  Madagascar , 

Par  M.  Eugene  de  FHOBERVILLE 


AVANT-PROPOS. 

Un  jeune  orientallste  qu'une  ardeur  immoder^e  de 
travail  vient  d'enlever  a  la  science ,  dont  il  aurait  un 
jour  et^l'orgueil,  disait  avec  raison  que  I'ile  de  Mada- 
gascar attendait  encore  son  Marsden  et  son  Pvafiles  (1). 
Cette  remarque  sera  vraie  longtemps  encore  ;  long- 
temps  encore  la  geographic  generale  sera  reduite  a 
speculer  sur  des  relations  surannees  ou  mensongeres 
avant  que  soit  comblee  la  lacune  causee  par  le  defaut 
derenseignementsmetbodiques  sur  Madagascar.  Ajou- 
tons  que,  dans  I'etat  actuel  de  nos  relations  avec  cette  ile , 
des  travaux  analogues  a  ceuxque  nousdevons  a  Marsden 
et  a  Raffles  sont  a  peupres  impossibles  par  une  foule  de 
raisonsquitiennent  a  I'etat  social  du  peuple  madecasse 
autant  qu'a  la  nature  du  pays  lui-meme.  On  sait,  par  la 
funeste  experience  qu'en  ont  laite  plusieurs  voyageurs 
distingues ,  qu'un  fleau  elTrayant  garde  les  abords  de 
cette  contr^e  ,  et  que  I'Europeen  studieux  n'a  que  peu 
d'espoir  d'ecbapper  aux  mortelles  atteintes  de  la  fie- 
vre  qui  defend  Madagascar,  aussi  bien  des  investigations 
de  la  science  que  des  invasions  de  la  guerre.  Au-dela 
d'un  littoral  empeste  ,  Ton  rencontre  un  gouvernement 
soup^onneux  et  sanguinaire  qui  s'oppose  par  tous  les 

(l)  K.  .I.icqucl.  Bihiinllteque  n/a/nvf,  p.  8n  ;  extrailc  ilii  Nouveau 
inunial  iisiatiqiie. 


(  516  ) 
movens  a  la  rnarche  du  \oyageur.  Toutc  lutte  est  inu- 
tile ;  il  faut  c6(ler  devant  cette  opiniatrc  et  impassible 
resistance,  et  s'en  aller  mourir  sur  la  cote.  Quel  savant, 
fut-il  robuste  au  physique  comme  au  moral ,  voudrait 
tenter  une  entreprise  aussi  chanceuse?  Quel  voyageur 
ne  reculerait  pas  devant  cette  suite  d'obstacles  dange- 
reux  et  sans  cesse  renaissants  ?  Que  Ton  considei'e 
d'ailleurs  I'immensite  du  vide  qu'il  s'agit  de  com])lcr 
dans  la  science  ,  et  Ton  se  convaincra  que  le  Marsden 
ou  le  Rafiles  de  Madagascar  n'est  pas  encore  n6. 

A  I'appui  de  notre  opinion,  nous  croyons  devoir 
parler  ici  de  I'ouvrage  que  les  missionnaires  anglais  ont 
public  sous  le  tltre  d'llistoire  de  Madngnscar  (1)  .Certes, 
personne  mieux  que  ces  d6vou(^s  ministres  de  I'Evan- 
gile  n'a  et6  en  position  d'obscrvcret  de  recueillir  des 
faits  sur  la  geograplile  et  les  moeurs  de  cette  contree  ou 
ils  ont  s^journe  plus  de  dix  ans;  et  cependanl  leur 
livre,  redige  par  un  ecrlvain  distingue,  autcur  lui- 
mfime  de  Recherches  justement  estimees  sur  la  Polyn6- 
sie ,  est  loin  d'etre  satisl'aisant  :  c'est  I'histoire  ,  non 
de  Madagascar,  mais  d'une  province  dc  I'ile,  et  a  ce 
titre ,  il  n'a  droit  a  etre  place  qu'au  nombre  des 
memoires  qui  serviront  a  une  future  description  g6n6- 
rale  de  la  grande  ile  africaine. 

A  moins  de  circonstances  imprd'vues  ,  et ,  nous  nous 
batons  de  le  dire  ,  fort  improbables  ,  telles  par  cxemple 
qu'une  exp<^'dition  scientifique  entreprise  sous  les  aus- 
pices et  aux  frais  d'un  gouvernement  europeen,  untra- 
vaild'cnsemblencpourra  etrc  aborde.  Jusque  la,  nous 
n'aurons  rien  de  mieux  a  fairc  que  d'appeler  la  publi- 

f  l)  Hislorv  of  Ma(la{»ascar  compiled  chiefly  from  original  ilocu- 
mentsbyrhi'  Hcv.  Williiim  F.lli>;  Lonrlon   l838.  2  vol.   in-8. 


(  217   ) 

cation  de  fragments  inedits  oublies  dans  dus  porte- 
fouilleset  menaces  d'unefacheuse  destruction.  Lenom- 
bre  des  ouvrages  imprimes  oii  Fon  puise  ordinairement 
des  renseigneiTients  sur  Madagascar ,  s'eleve  a  peine  a 
dix;  cependant  celui  des  manusrrlts  veritablement 
amportants  est  au  nioins  vingt  fois  plus  considerable , 
et  leur  existence  n'a  rien  de  siirprenant. 

A  I'epoque  oil  le  commerce  des  esclaves  etait  encou- 
rage par  I'administration  de  I'lle  de  France  ,  une  foule 
de  traitants  parcouraient  Madagascar.  Coshommes  actil's 
et  intrepides  pen^traicnt  partout ;  ils  prenaient  sur 
les  contrees  qui  leur  fournissaient  leur  marchandise 
des  notes  informes  sans  doute  ,  mais  fort  iivteressantes 
pour  la  g^ographie.  L'objet  de  leurs  expeditions  ne- 
cessitant  une  connaissance  approfondie  de  la  popula- 
tion,  des  limites,  des  ressources  et  des  moeurs  des 
cantons  qu'ils  visitaient ,  ils  s'informaient  avec  soin  de 
toutes  ces  particularites  et  les  notaient  dans  leurs  jour- 
naux  de  voyage.  Nous  avons  eu  I'avantage  de  rccueillir 
plusieui'^  ecritsde  cettenature.  Ilsnebrillent,  il  est  vrai, 
ni  par  le  style  ni  par  rortliograplie  ;  mais  ils  contien- 
Tient  des  observations  pleines  de  justesse,  et  I'enoncia- 
tion  de  fails  dont  la  veracite  nous  a  ete  demontree  par 
un  controle  severe.  Combines  avec  d'autres  relations, 
ils  nous  ont  ete  souvent  si  utiles  pour  I'eclaircissement 
de  certains  doutes,  que  nous  ne  saurions  assez  ap- 
puyer  sur  I'interdt  que  presenteraicnt  la  reunion  et  la 
publication  de  ceux  qui  nous  sont  inconnus,  ou  dont 
nous  ne  connaissons  que  les  titres. 

Les  memoires  que  nous  offrons  a  la  Society  de  geo- 
graphic n'ont  suroment  pas  la  valeur  des  relations 
que  nous  desiions  voir  publier ;  co  sont  do  simples 
essais,  bien  imparfails  encore ,  que  nous  recomman- 
I,   Mvns     ').  15 


( 2-l» ) 

(Ions  a  sa  l)ion\eillance  accculuinco  ,  el  doui  \oi<i  lo- 
riginc  ct  lehut. 

Occiipe  depuis  Fannt'C  1837  a  rolligor  dcs  doon- 
ments  rclatifs  a  Madagascar,  nous  avions  scnli  loiii 
d'abord  la  nocossite  de  nous  ('•clairor  sur  la  niarclie  des 
d^couvoitos  gt'Ographiqncs  dans  ccttc  ilo ,  de  rcclior- 
cher  la  source  dc  corlalncs  contradictions  qui  jetaicnt 
de  I'incertitude  surl'liistoire  des  premieres  navigations 
dcs  Portugais  dans  la  mcr  des  Indes,  et  de  rel'uter  en- 
fin  des  errcuvs  choquantes  que  Ton  renccntre  dans 
plusieurs  ouvrages  serieux  sur  ec  sujet.  Notre  tra- 
vail dcvant  proc6der  clironologiquenient ,  nous  avons 
examine  en  premier  lieu  les  assertions  des  auteurs 
qui  ont  attribue  aux  anciens  la  connaissance  de  Ma- 
dagascar. Tel  est  I'objet  du  fragment  (jue  nous  jm- 
blions  aujourd'liui.  Puis  nous  avons  aborde  les  ren- 
seignements  que  possedaient  les  Arabes  sur  les  lies  de 
rarcbipel  Madecasse  ,  et  que  nous  ont  transmls  leurs 
g(iograplies.  N'ajant  pas  I'avantage  de  lire  les  tcxtes 
origlnaux,  nous  nous  en  sommcs  tenu  aux  traduc- 
tions qui  en  ont  ete  publiees ,  aux  analyses  et  aux 
notes  ded'Herbelot,  dc  llartma.n  ,  de  de  Guignes  et  de 
M.  Quatrem<ere.  Nous  clterons  en  outre  les  fragments 
d'lbn-Said,  et  d'autres  auteurs  arabes,  dont  nous  de- 
vons  la  traduction  a  Tobligeanco  de  M.  W  Noel,  ancien 
consul  de  France  a  Zanzibar. 

Les  details  plus  precis  que  nous  a  transmls  Marco 
Polo  nous  ont  servl  dc  transition  pour  entamer  I'his- 
toire  (car  jusqu'ici  ce  mot  eut  ete  impropre)  de  la 
decouverte  dc  Madagascar  par  les  Portugais.  Osorius, 
Faria  y  Souza ,  (lastagneda ,  Barros,  etc.,  ont  ete  nos 
guides,  el  il  iioiis  a  stunble  etrange  qu'aucun  geo- 
grapliw  iiioflrnic  ii  ;iit  soiige  a  recourir  (<mi|  d'alxnd  a 


(  -219  ) 

Icurs  omrages,  au  lieu  do  copier  les  iiidigestes  compi- 
lations du  xva''  siecle.  Des  secours  precieux  nous  ont 
ite  offerts  pour  cette  partic  de  notre  travail  :  M.  Ter- 
naux-Compans ,  avoc  cette  liberality  que  tout  Ic  monde 
connait,  et  le  docte  historien  des  decouvertes  portu- 
gaises  ,  dont  nous  avons  si  souvent  mis  a  contribution 
les  judicieuses  investigations,  M,  le  vicomte  de  Santa- 
rem ,  ont  mis  a  notre  disposition  des  livres  et  des  por- 
tulans  anciens  qui  nous  ont,  pour  aiiisi  dire,  servi  de 
phares  dans  le  cours  de  nos  recherclies.  —  Grace  a  ces 
inappreciables  monuments  de  lagloirc  des  Portugais  , 
la  construction  d'unc  carte  bydrographiquo  do  I'ile 
Saint-Laurent  avec  les  noms  imposes  par  les  decou- 
vreurs  a  6te  possible ,  et  la  part  des  Fran^ais  ,  qui  les  y 
ont  suivis  de  pr^s,  a  jiu  etre  constatee.  Cost  par  la 
comparaison  seule  de  ces  vicilles  cartes  que  Ion 
pourra  relrouver  I'origine  des  bevues  commises  par  les 
copistes  posterieurs ,  bevues  dont  on  so  fera  unc  idee 
lorsqu'on  verra,  par  excmple,  que  le  nom  d'Jugodfld, 
ville  ou  village  porte  sur  toutes  les  cartes  duxvn"  siecle , 
n'est,  sur  les  premieres  cartes  connues,  autre  chose 
qu'un  lieu  d'aignnde  {^ii<iiiailn).  Du  rcste  ,  il  r^sulte  de 
cette  comparaison  des  cartes  portugaises  un  fait  des 
plus  curieux  :  c'est  que  les  erreurs  graves  qui  nous 
avaient  frap])e  dans  les  nioins  ancicnnos  n'existent 
pas  dans  cellos  qui  so  rapproclient  davantage  de  I'e- 
poque  de  la  d<^couvcrte,  lour  exactitude  etant  en  raison 
directe  de  leur  ancionnoUJ.  Si  ce  foit  remarquable  n'est 
pas  I'effet  du  liasard,  quels  resultats  n'amenerait  pas 
I'examen  de  cartes  plus  anciennes  que  celles-ci,  sinon 
des  originaux  eux-memes  !  Le  soin  avec  lequel  les  pre- 
miers capitaines  de  mer  exdculaient  les  relevements  des 
cotos  iiduvollos  antoriso  a  pensor  quo  rosquisso  hydro- 


(  -220  ) 

graplilquc  dcssini'O  d'aprt-s  Ics  onlros  dc  Trislain  (I>t 
Cunha  (150(5),  se  rapprochait  ])Uis  do  la  \(iit{''  que 
toutcs  les  cartes  gravies  avant  celle  de  Flacoiirt  (105(5), 
qui  avouo  s'elre  servi  dos  fravavix  cn'octiK's  par  los  Por- 
tugais  pour  Ics  parties  de  1  ile  que  ses  explc  rateurs 
n'ont  pas  visitees. 

Environ  un  si(!;cle  aprt's  les  Portugais,  nous  vovons 
Jes  Neerlandais  s'arreler  a  Madagascar.  lis  ne  font  quo 
reconnaitre  les  points  decouverts  par  ceux-la  ,  niais  ils 
en  dcnncnt  de  bonnes  relations.  Nous  les  avons  rap- 
portees  dans  notre  travail,  en  faisant  rcmarquer  le  bou 
sens  naif  de  leurs  obsenations. 

Arrive  au  temps  ou  les  Frani^ais  s'etablirent  au  Fort- 
Daiq^hin,  nctre  plan  se  modifiait  et  s'agrandissait  con- 
siflerab lenient;  car  nous  ne  pouvions presenter  la  rela- 
ion  des  deccuvertes  accomplies  depuis  cette  t'-pofpie 
sans  faire  en  nieme  temps  lliistoire  de  nos  tentatives 
de  colonisation,  auxquelles  elles  sont  inlimement  liees. 
Le  point  de  vue  geographique  pcrdant  ainsi  une  grande 
partie  de  son  interet,  nous  nous  sommes  decide  a  le 
subordonner  a  celui  de  riiistoire.  Cette  ncuvellc  direc- 
tion a  notre  travail  necessita  des  etudes  preparatoires 
dont  la  duree  depassa  les  bornes  que  nous  nous  etions 
imposees.  Les  renseignements  devenaient  sarns  doute 
plus  nombreux  que  dans  les  siecles  pr^c(!!dents ,  mais 
ils  ne  concernaient  que  des  loealites.  Nous  rcncon- 
trions  parfois  des  lacuncs,  des  falls  incxplitjues  qui 
exigeaient  des  recbercbes  minuticuses ,  ou,  fautc  de 
jalons,  nous  risquions  souvent  d'errer.  Nous  sentimes 
bientot  rimpossibilitc  de  continuer  avec  fruit  un  travail 
pour  lequel  les  materiaux  manquaient  en  grande  par- 
tie  ,  ct  nous  nous  dcterminames  a  le  suspendre  jusqua 


(  --^21  ) 

ce  que  dc  nouvellcs  lecliorclics  nous  eussentniis  sur  la 
voie  des  details  qui  manquaient  a  nos  auteurs. 

Depuis  lors ,  diversos  communications  intcL-ressantes 
nous  ont  ote  failes.  M.  Louis  Bouton,  socretaire  do  la 
Socictc  d'liistoiio  naturelle  dc  Tile  Maurice;  M.  Anju- 
bault ,  conservateur  de  la  Bibliotlieque  du  Mans ; 
M.  E.  Miller,  I'habile  helli^niste  auquel  on  doit  un 
excellent  supplement  aux  Petifs  gt'oiTu plies  ^rccx ,  et 
plusieurs  autres  savants,  nous  ont  fait  jiart  de  docu- 
ments anciens  qui  sont  venus  s'enchasscr,  pour  ainsi 
dire,  entre  des  renseignements  que  nous  possedions 
■d^ja ,  mais  qui,  sans  leur  secours,  fussent  rcstes  sans 
valeur.  Car  telle  est  la  nature  de  ccs  sortes  de  pieces  : 
s^jjarees,  elles  sont  presquc  inintelligibks;  reunies, 
elles  s'^clairent,  s'expliquent,  se  forliiieiit  reciproque- 
raent,  et  acquierent  un  prix  inestimable  aux  yeux  de  la 
science. 

C'est  surtout  a  M.  le  minislre  de  la  marine  fjue 
nous  avons  de  grandes  obligations.  M.  I'amiral  de  Mac- 
kau  ,  a  Texemple  de  son  predecesseur,  M.  I'amiral 
Pioussin ,  a  bien  voulu  nous  autoriser  a  compulser  les 
Archives  de  son  departement,  el  le  savant  conservateur 
de  ce  riclie  d^pot,  notre  collegue  M.  d'Avezac,  a  mis  ^ 
nous  faciliter  ncs  i-echercbes  une  obligcance  pour  la- 
quelle  nous  le  prions  de  recevoir  ici  nos  sinceres  re- 
merciments.  Nous  avons  eu  le  bonlieur  d'y  decouvrir 
une  foule  de  documents  dont  nous  soupconnions  bien 
I'existence,  mais  que  nous  avions  vainement  cliercbes 
jusqu'alors.  Nous  y  avons  rencontre  aussi  des  pieces 
tout-a-fait  inconnues ,  qui  constatent  nos  droits  sur  ce 
pays  inmiense  etjettent  un  jour  nouveau  sur  I'histoire 
de  nos  (^tablissements  dans  dilTerentes  parties  do  Tile. 
On  s'etcnnei-a  peut-etre  qu'au  srin  de  cette  admirable 


(  222  ) 

collection  ,  et  apr<!?s  la  plus  ample  iiiuisson  do  laits  lils- 
toriques  et  p;eograpiiiques,  nous  ayons  encore  a  former 
des  veeux.  Tel  est  pourtant  le  sort  do  recrivain  qui 
cherclie  la  verite :  I'espace  qu'il  a  parcouru  lui  parait 
toujours  moins  vaste  que  celui  qui  s'etend  devant  lui. 
Nous  nous  sommes  convaincu ,  par  la  leclorc  des  do- 
cuments inedits  qui  nous  ont  ete  recemnient  commu- 
niques, du  nombre  considerable  de  mK^moires  ecrits 
par  des  Noyagcurs  particulicrs,  et  que  le  hasard  seul 
pent  aujourd'liui  iaire  retrouver.  Tout  travailleur  ar- 
dent et  consciencieux  comprendra  ce  que  de  telles  re- 
flexions ont  en  mcirK"  temps  de  penible  et  de  stimu- 
lant, et  Ton  nous  pardonnera ,  en  favour  de  notro  zele  ,, 
les  erreurs  dans  lesquelles  rabsence  ou  I'insuflisance 
de  ronsoignoments  aura  pu  nous  faire  toml)er. 

Get  apercu  des  difficultes  qu'eprouvcnt  les  recber- 
clics  sur  Madagascar  ])ourra  servir  a  cxpliquer  pour- 
quoi  les  ouvragcs  modenrjos  qui  ont  trait6  de  cette  lie 
sont  si  pen  satisfaisants.  Le  cbarlatanisme  de  librairie 
s'y  deploie  journellement  avec  d'autant  plus  d'effron- 
terie,   que  les  critiques  sont  rares  et  en  general  peu 
suresd'elles-momes.  «Lesdictiennaires  geograpbiques, 
disait  Voltaire,  ne  sont  que  des  erreurs  par  ordre  alpha- 
b^tiquo.  »  Ne  pout-on  pas  appliquer  ce  mot  a  maintos 
publications,  iWlas pllloivArjiies  oai/iiistrccsPCc  scrait  un 
cbapitre  diverlissant  que  celui  ou  un  auteur  conscien- 
cieux s'attacberait  u  relever  les  inventions  dont  four- 
millent  cos  sortcs  de  livres ,  destines  par  leur  nature  a 
une  immense  et  deplorable  cireulation.  Pour  ne  parlor 
que  de  Madagascar,  on  pt-ul  voir  dans  des  ouvrages  im- 
primes  a  grands  frais  des  vignettes  i-eprt^sentant  des 
costumes  de  guerriers  madecasscs,  copiecs  de  gravuros 
vepr^sentant  les  J(iga.s  (Ui  ro\aunie  d'Jngn/a  (dansle? 


pltUichos  (Ic  De  Bry,  loprotluites  dans  celles  de  VH/s- 
fo/'re  dcs  voyages,  par  I'abb^  Pi-cvost  (i) ) ; — des  hippo- 
potanios  ciTrayants  etonm^s  d 'avoir  a  nager  pour  la 
premiere  lois  dans  les  rivieres  de  Madagascar ;  —  une 
vue  de  Tintingue,  fabriquee  dc  souvenir  (nous  tenons 
ce  fait  de  I'cditeur  hii-meme),  et  puliliec  comme  pris<' 
tl'apres  nature  dans  une  illustrnlu>ii ,  puis  copiee  et  re- 
pubbee  dans  une  autre,  avec  de  nolal)les  obangemenLs 
poiu'  €viter  la  contrefaron ;  —  cnfin  de  pretendus  com- 
bats ou  k's  Madecasses  portent  I'uniforme  des  monta- 
gnai'ds  ecossais, — Est-il  besoin  de  dire  que  le  texte  est 
digne  des  images,  et  que  Ton  y  trouvc  de  monstrueux 
anacbronismes  et  des  bevues,  dont  la  moindre  est  d<? 
faire  combattre  un  peuple  contre  lui-memc  ,  sous  deux 
noms  qui  lui  sont  donnes  indistinctemcnt  ? 

M.  Eyries  a  pris  la  ])cine  dc  refuter  quclqucs  asser- 
tions reproduites  a  satiete  depuis  dix  ans  par  des  geo- 
^raphes  tres  sericux ,  et  dont  les  ouvrages  sont  repandus 
au  loin.  II  appartenait  a  notro  savant  ct  rcspectal)lc 
<loyen  de  replacor  a  leur  juste  valeur  des  contes  faits  a 
plaisir  et  presentes  avec  empbase  a  la  credulite  des 
Iccteurs  inexperimentes ;  c  etait  une  tacbe  digne  de 
r^crivain  qui  a  dote  les  Annales  dcs  voyages  et  la  Bin- 
graphie  unU'ersctle  d'une  suite  d'articlcs  critiques  ou 
viennent  et  viendront  puiser  des  d'crivains  qui  veulent 
passer  pour  crudits.,  et  n'aiment  point  les  xecbcrches 
difficiles  el  fatigantes.  — On  est  surpris  du  peu  de  soin 
•que  les  auteurs  des  precis  et  des  dictionnaires  de  geo- 
grapbie  eleinenlaire  apportent  a  la  redaction  du  cba- 
pitrc  qui  concerne  Madagascar ;  les  erreurs  y  sonl 
presquc  aussi  nombreusrs  quo   les  mots.  Citons ,  par 


(  22Zi  ) 
exeiijple  ,  ce  N^juveati  luauuel  des  aspirants  au  baccalun- 
reat  es-'etlies  qui  decrit  Madagascar  en  ces  tormes  : 
«  L  ne  dcs  plus  grandes  iles  du  inonde ,  st-paree  dc 
»  rAfrlquc  par  le  canal  de  Mozainljique ;  elle  n'a  pas  de 
»  villes  considerables,  raais  deux  hons  ports  :  Saint- 
»  Vincent  a  I'ouest,  el  le  Port-au-Prince  a  Test;  et 
»  trois  caps  :  Saint-Sebastien  au  nord,  Saint-Romain 
»  au  sud  et  Saint-Andr6  a  I'ouest.  »  11  serait  difficile  de 
s'enoncer  avec  plus  d'assurance ;  nous  proposons  ce- 
pendant  a  I'editeur  IV/ra/wwi  suivant:  deux  bons  ports, 
lisez  dijc  bons  ports ;  —  Saint-\  incent,  lisez  Bontbetok  ou 
Narrinda; — Port-au-Prince,  lisez  Uiego-Suarez  ou  Port- 
Louki ;  —  Saint-Sebastien,  lisez  Cap  rTAiiibre;  —  Saint- 
lloinain ,  lisez  Suinte-Mnrie. 

Nous  esperons  que  la  Society  nous  pardonnera  cette 
digression,  qui  montre  jusqu'a  quel  point  la  fable  a 
envahi  le  domaine  de  la  v^rite,  et  nous  terminons  en 
exbortant  de  nouveau  les  personnes  qui  possedent  des 
meuioires  sur  Madagascar  a  les  publier  ou  a  en  donner 
connaissance  a  la  Societe.  Ce  sera ,  nous  le  croyons , 
un  moyen  efficace  de  detruire  ramoncellement  d'er- 
reurs  et  de  mensonges  qui  couvre  la  geographic  de 
cetle  grande  et  belle  ile. 

Paris,  le  i/i  fevrier  i844 

phi:mii:p,  mEmoihe. 

t'lLE  DE  MADAGASCAR  A-T-ELLE  ixi  CO»UE   DES  A>CI£XS? 

Les  commcntateurs  des  geographes  grecs  et  latins 
resolvent  affirmativement  cette  question ,  et  leur  opi- 
nion a  et6  adoptee  par  un  grand  nombre  d'ecrivains 
sjui  ont  mioux  ainie  s'en  rapporter  a  unc  decision  dont 


(  2-25  ) 

ils  netaient  pas  responsables ,  que  de  recberclier  si 
elle  etalt  bien  ou  nial  fondee.  Cependant ,  malgre  le 
respect  que  nous  inspirent  les  grands  noms  do  Merca- 
tor,  d'Ortelius,  do  Saumaise ,  de  Bochart,  de  Sanson, 
deDebsle,  ot  ceux  dune  foule  d'autres  savants  qui 
tlennent  le  second  rang,  ce  point  de  geograpbie  an- 
cicnne  nous  pai-ait  digne  d'un  nouvel  examen. 

La  diversite  d'opinions  toucbant  la  Madagascar  des 
anciens  est  telle  cbez  cos  auteurs ,  qu'il  devient  impos- 
sible de  porter  un  jugement  sur  leur  plus  ou  moins  de 
vraisemblance ,  si  Ton  ne  veut  faire  table  rase  de  leur 
erudition  et  s'isoler  do  leur  inlluence.  Les  uns  disent 
que  cette  ile  est  la  Menntliias  de  Ptolemee ;  les  autres , 
que  Pline  la  designe  sous  le  nom  de  Cerne;  ceux-ci 
croiont  qu'elle  correspond  a  lile  Phehol  du  pseudo- 
Aristote ,  ou  a  la  7rt/jro^««^  celobre  ;  ceux-la,  quelle 
pourrait  bien  etre  V Atlanlide  de  Platon;  il  en  est 
meme  qui  la  retrouvent  dans  File  du  niai'cband  groc 
lambulus.  —  En  resume ,  le  nom  de  Madagascar  se 
trouve  accole  a  celui  de  toutes  les  iles  de  la  mer  Ery- 
tbree  que  I'imagination  des  anciens  avait  creees ,  ou 
qui ,  situees  aux  limites  de  leurs  connaissances  geogra- 
pbiques,  ne  leur  ^taient  connues  que  par  detresvagues 
renseignements. 

Au  milieu  de  ce  dedale  de  contradictions,  il  faut, 
pour  arriver  a  la  verit6,  se  frayer  pruderament  une 
route  jusqu'aux  textes  eux-memes,  et  se  degager  en 
les  commontant  de  toute  m^tbode  exclusive.  C4"est  un 
^cueil  dont  nous  nous  sommes  defi^  avec  grand  soin. 
Un  mode  d'investigation  bistorique  souvent  excellent 
dans  une  partie  de  la  science  devient  vicieux  dans  une 
autre.  Le  premier  devoir  du  commentateur  est,  a  noti-e 
avis,    de   s'attacber   a  reconnaitre  la  nature  du  docu- 


(  226  ) 
monl  qu'il  scul  orlaircir,  afiii  dc  \\'\  ii])))lic}uor  quo  la 
inethodo  d'eliicidation  qu'il  comporto.  L()rs(|irun  do- 
cument ()riy;inal  sc  presente  conuno  ]o  ri'siillat,  soil 
d'unc  observation  attentive  et  6clair6e,  soit  dune  suite 
dc  temoignac;es  pen  dilTerents  entre  eux  ,  on  j)eut  sans 
risquos  emplover  une  nitHliode  severe  et  en  quehpie 
sorte  niallieniatique ;  niais  lorsqu'il  ofl'rc  des  contra- 
dictions, lorsquil  parail  s'ap])uver  sur  des  traditions 
decousues ,  et  surtout  lorsqu'il  coneerne  hs  iiniilcs 
d'une  science,  toujours  obscures  ou  an  nioins  dou- 
teuscs ,  il  est  prudent ,  il  est  raisonnable  de  nc  sc  scr- 
vir  que  dc  la  nietliode  conjecturale ,  et  dc  faire  pcu  de 
cas  de  celle  qui  marche  acconipagnee  dc  tout  I'arsenal 
d'une  argumentation  niathematique. 

La  question  quinousoccupe  comporte  cos  deux  pro- 
cedes.  Nous  pensons  toutelois  (pie  lusage  du  eompas 
et  des  cbilTres,  quelque  seduisant  qu'il  soit,  doit  y  etre 
fort  mod^re. 

Passons  sans  autre  preanibule  a  I'examen  des  textes 
anciens  ou  nous  rcncontrons  le  nom  des  iles  que  nous 
avons  citees  plus  liaut. 

Rlentithias.  —  L'ile  de  Menutliias  ayant  etc  le  plus 
souvcnt  designee  comme  la  Madagascar  des  anciens,  il 
convient  d'en  parler  d'abord.  L'eclaircisseinent  de  ce 
fait  n'aurait  qu'un  interet  secondaire,  si  Ton  n'y  rat- 
tacbait  pas  la  question  tres  importantc  des  limites  de 
la  navigation  des  anciens  sur  la  cote  orientale  de  I'A- 
frique.  Cette  consideration  nous  a  force  d'entrer  a  ce 
sujet  dans  plus  de  details  que  nous  ne  I'avons  fait  quand 
il  s'est  agi  de  Cern6  ,  dc  Taprobane ,  et  des  autres 
iles  oil  les  modernes  ont  cru  reconnaitre  Madagascar. 
Nous  avons  dii  rendre  notre  lra\ail  aussi  com])]i'l  iiuil 
nous    a    ''tc    j)(»ssil)](' .    puisrpn'  li'    l>nl   piiiliciiliri    qiK^ 


( ^2' ) 

nous  nous  proposons  touciie  a  iin  point  aussl  intcivs- 
sant  de  I'histoire  do  la  geograplilc. 

Ptolemee  place  Monutliias  ( MtvouGiot^ )  par  85°  dc 
longitude  et  12"  30'  de  latitude  australe ,  au  nord-est 
(lever  d'etedu  soleil)  du  promontoiro  PrasuDi,  situelui- 
meme  par  80°  de  longitude  et  15°  de  latitude  australe. 
R/uipta ,  dernier  marcli6  que  visitassent  les  navires 
grecs ,  etait  situe  plus  au  nord  par  71°  de  longitude  et 
7°  de  latitude  australe  au  fond  d'un  golfe  oil  Ton  ren- 
contrait  de  nombreux  i^cueils  et  ou  regnait  unc  cha- 
leur  intense. 

A  ne  considerer  que  I'indication  de  Ptolemee  et  sa 
quatri^me  carte  de  I'Afrique,  ou  Ton  voit,  a  la  position 
qu'il  assigne  {\  Menuthias ,  la  petite  portion  d'une  ile 
dont  le  reste  se  pei'd  dans  un  des  cot^s  dc  I'encadre- 
ment,  on  pourrait ,  en  faisant  toutefois  une  large  part 
a  I'errcur  en  longitude ,  supposer,  comme  Font  fait 
Oi'telius  (1)  ,  Mercator  (2),  les  Sanson  et  Delislc  (3)  , 
que  Menuthias  est  ici  Madagascar.  Le  cap  Saint-Andre 
serait  le  point  que  Ptolem(!!e  aurait  designe  dans  sa 
carte.  Mais,  avec  un  peu  d'attention,  on  s'apercevra 
facilenient  que  Ptol(!(mee  apporte  contre  cette  hypo- 
these  un  argument  dontle  judicieux  d'Amille  a  montre 
toute  la  force.  \  oici  en  quels  termes  notre  geographe 

(i)  «  IIa!c  insu'a  ab  incolis  Ma(ln{Tiiscar  ab  Hispanis  S.  Laurentii, 
olim  Menuthias  Ptob  Cerno  forte  Plin:  ilicitur.  <>  — Orteliu'i.  Africro 
tabula  nova;  Antverpi;i',  1670, ilansle  Tlieatniin  orbis  lerrarum^  '574. 

(2)  Insula  Meiiiitliiu^,  (lit  Merratoi-  il.ins  ses  annotations  snr  I'to- 
li'inee ,  (/((/ci  magna  aclinoduin  est  (^iiimirum  nitie  iitiiic  esl  Mailaijas- 
car)  et  I'tolcniieo  incoijiHtn ,  verhiinile  est  ejus  iion  medium  seil 
proximiim  contlneiili  termbium  a  Ptoloimto  dcsignari ^  idea  et  sigiium 
iju%  in  mails  littorc  constitui.  « 

(3)  Dans  It.ius  (Mitcs  <le  rAI'iicnu'  aii'  iijiinc. 


(  228  ) 

s'exprinie  dans  son  Memoirc  stir  la  /iter  lirj  three  (1). 
«  Le  promontoirc ,  sous  le  noni  LVJroinnla  ,  que 
»  Ton  voit  rango  clans  PlolemiJ'e  comme  (!;tant  le  plus 
»  oriental  de  rAfriquo,  en  s'eioignant  alnsi  du  dotiolt 
))  qui  sert  d'entroe  au  golfe  Arablque,  no  saurait  etre 
»  que  le  cap  qui  porte  aujourdhui  le  noni  de  Garda- 
»  fuy.  Au-dela  de  ce  cap,  la  plus  reculee  des  vllles  que 
»  connaisse  I'antiquite  sui*  cette  bande  marilinie  ot 
»  sous  le  nom  de  llhapta ,  est  determin^e  par  Ptol6- 
»  mee  plus  m^ridionale  de  13°  que  le  proniontoire 
»  nomine  Aromata  ,  avee  la  circonstance  conforme 
»  au  local  d'etre  en  position  divergcnte  du  niidi  vers 
»  lecouchant,  a  I'^gaixl  dupromontoii-e.  La  difference 
»  de  13°  dans  la  hauteur  n'est  pas  donnee  arbilraire- 
»  ment;  elle  est  fondoe  sur  Testimc  qu'en  avail  i'aile  un 
»  navigateur ,  comme  Plol<^mee  s'cn  cxplique  positive- 
»  ment  dans  le  chapitre  xiv  de  ses  Prolcgoinenes.  Or  la 
»  hauteur  du  cap  Gardafuy  ,  bicn  connue  de  nos  jours, 
»  par  environ  11°  1/2,  donne  lieu  de  conclurc  que 
»  celle  de  Rhapta  cstpar  1°  1/2  de  latitude  meridionale. 
»  Si  Rhapta,  dans  Ptoleniec,  passe  la  ligne  de  7°,  c'est 
»  pour  avoir  trop  rccul6  dans  le  sud  Ic  pix)montoirc 
»  Aromata ,  en  ne  laissant  quo  6°  d'intcrvallc  ,  ;iu  lieu 
»  de  11  1/2,  entre  ce  promontoire  ct  la  ligne  equi- 
))  noxialc;  et  il  n'ost  pas  a  craindre  quo  la  goographio 
»  actuelJe  soit  dementie  sur  ce  point ,  et  sur  beaucoup 
»  d'autres,  par  celle  de  Ptolemee.  In  fleuvc,  dans  les 
»  divers  bras  duqucl ,  vers  son  embouchure ,  on  con- 
))  nait  aujourd'hui  plusieurs  villes,  rencontre  precis<5- 
»  ment  la  mor  a  la  hauteur  que  prend  la  position  dc 
»  Rhapta, 

(i)   Tire,  lie  l\'frn<Icniif  (Its   i)isc.  et  bclles-lellrcs,  (.  XXXV,  1770. 
VnvP7  au'si  sa  GroqrnpJiic  nnr,.nhr<'g<'r.  1.  III.  p.  (i.3. 


(  '2-20  ) 

))  Un  autre  promontoire  plus  rccule,  sous  le  nom 
»  de  Prasiini  (comme  s'il  avait  et6  appel(^  Cdp-Vert') 
»  est  le  point  lo  plus  austral  de  Tanciennc  g^ographie; 
»  et  en  consequence  de  Femplacement  qui  convicnt  a 
»  Rhapta  ,  il  y  a  tout  lieu  de  reconnaitre  la  pointe  de 
))  terre  qui  a  pris  des  navigateurs  porlugais  le  nom  de 
»  cabo  Delgndo ,  par  environ  10°  sud. 

»  L'ile  Menuthias ,  moins  reculee  vers  le  midi  de 
>)  plusleurs  degres  dans  Ptoleniee,  ne  pent  ainsi  se 
»  rapporter  qua  cclle  de  Zanzibar,  la  principale  des 
»  trois  iles  actuellement  connues ,  vis-a-vis  du  conti- 
»  nent;  et  il  ne  conviendrait  pas  de  se  rendre  trop 
)i  rigoureux  a  I'^garddePtolem^e  sur  une  circonstance 
»  particuliere  qui  est  d'6carter  Menuthias  au-dela  do 
)>  ce  qu'on  connait  d'espace  entre  Zanzibar  et  le  con- 
»  tincnt.  Les  geographes  qui ,  dans  leure  cartes,  ont 
))  transporte  Menuthias  a  Madagascar,  par  un  exc^s 
»  d'eloignenient,  pouvaient  Otre  retcnus  par  I'analyse 
»  d'espace  convenable,  a  partir  comme  on  a  fait  ici  de 
))  Gardafuy  ,  puisqu'en  ces  memes  cartes  ils  recon- 
»  naissent  ce  cap  pour  etre  V Arouiata.  Ptoleniee  ne 
»  donnant  que  18°  de  difference  dans  les  hauteurs 
»  d'Aromata  et  de  Menuthias  ,  nous  avons  toutefois 
»  connaissance  d'un  intervalle  de  24°,  depuis  Gar- 
»  dafuy  jusqu'a  la  terre  la  plus  septentrionale  de  Ma- 
»  dagascar.  —  Enchcrir  sur  les  espaces  donnes  par 
))  Ptolemee,  au  lieu  d'y  voir  des  positions  generale- 
»  ment  trop  6cartees ,  c'est  peu  connaitre  le  fond  de 
»  sa  geographic  et  le  vice  dominant  du  principe  ou  11 
»  etalt  de  prendi'e  500  stadcs  pour  mesure  suffisante 
»  a  ce  que  vaut  un  dcgre  de  grand  cercle ,  quoiqu'il 
»  soit  aver^  que  ce  degri  en  rcnfcrme  600  ,  et  meme 
»  700  ,  selnn  differentes  longueurs  de  stades.  Oue  di^s 


(  no  ) 

))  liommcs  d'une  prolonde  erudition,  tols  que  Saumaise 
))  et  Bochart,  aient  pris  Menuthias  pour  Madagascar, 
»  la  misprise  doit  moins  surprcndre  do  Icur  part  que  de 
»  celle  des  autcurs  de  cartes  gecgrapbiques,  parce  que 
»  la  discussion  que  dcmandentlos  ouvrages  dece  genre 
»  est  plus  proprc  qu'une  autre  elude  a  fairc  considerer 
»  les  objets  d'asscz  pres  pour  Ics  fixer  plus  precise- 
»  inent.  J.  Vossius,  dans  ses  notes  sur  Mela  ,  remarque 
»  bien  que  Menulbias  n'est  point  Madagascar,  et  que 
))  ce  doit  etre  Zanzibar  ;  mais  les  fondements  de  son 
»  opinion  me  sent  inconnus  (1).  » 

L'exainen  du  tes,te  de  Ptolemee  suffisait  done  seul 
pour  demontrer  que  la  situation  de  son  ile  Menu- 
tbias  ne  convient  point  a  celle  do  Madagascar.  Mais 
cbercbons  en  dehors  de  cet  auteur  quelques  lumieres 
nouvelles  sur  ce  sujet. 

II  existe  deux  autres  temoignages  anciens  relatifs  a 
Menuthias  (2)  :  I'un  de  Marcien  d'Ueraclee ,  dont  I'ou- 

(i)  Cellarius  {Notiticc  orlils  antiqui.  ..  Lips.,  lv3i-32,  lili.  iv,  c.  8, 
p.  965)  trouvait  reinplareii.ent  Je  Mi'tiulliias  trop  (lifficile  a  fixer. 
«  Nnn  iiitci  pono  me  liisce  litilms  (  dil-il)  tanlum  dico,  iiiliil  velcrcs 
tic  niagnitiuliiie  insulae,  quae  in  Mailagascar  prene  incoinparaI>ilis  est; 
e!  loiigius  fere  abe-t  a  littore ,  ipiain  vclcri'S  introrsus  navi{;al)aiit , 
(iiiiim  Meiiulliias  tioii  prociil  fuerit  a  promoiitorio.  Zan/.ibar,  (|uani- 
vis  propini|uior  sit  continiTiti  :  [)ro[>iu5  taiiien  abest  ah  a;qiia'ore 
ciiiain  Moniithias  Ptoliminei ,  cui  latitiidincni  aiisdali'in  xii  et  diinidii 
graduuni  tiiimit.  Quiliin  t  clijjal  utruiii  viilt,  aut  siih^litu.it  .di.iiii  , 
ciii  positio  Moniitliiadis  comiiiodiiis  roiiveniat »  —  D'Aiiville  a  paifai- 
teiiient  res<du  la  diffuMillt-  qui  airete  ici  Cellarius.  —  Pinedo,  dans  ses 
notes  siir  Klicnne  He  I'yZHiice,  sc  rcousait  <'{»aleiiienl :  u  ..  Ncc  iiicam 
senteiuiaiii  rxpecles  (dil-il).  Kjjo  ciiiin  in  hiijus  nirjdi  rebus  scipmr 
Arcesilaiii  niliil  nffirinantetii,  Quis  enirn  inler  lot  ili  ci  epaiilcs  senlcii- 
lias  verilatem  late.ntmn  iiivetiiet?  • 

(2)  On  ne  trouve  dans  Klicnne  de  I'jzanoe  que  le  noin  do  Mciiu- 
'tbias,  aver  relic  brieve  et  iiisuflisanle  ind  c.uion  :  fiisuhi  .h'tllnpni'. 
Sli'plianns,  (/.•  /,'r//(7>(M;  I'dil.  di    I'ine.lo  ,  Ain^l..    i^'jS,   |>     \''i~. 


(  23t  } 
vrage  est  un  resume  concis  de  la  geographic  de  Ptole- 
ni<!!e ,  et  qui,  a  defaut  d'autre  merite ,  aurait  celui  de 
controler  le  texte  de  cc  grand  geograplie  (1)  ;  I'autre, 
d'Arrien,  autcur  d'unperiple  de  la  mer  Ery  three,  sorte 
de  routier  commercial  ecrit  vers  Ian  200 ,  au  temps 
de  Septinif^-Severe  etde  Caracalla  ("2), 

Marcien  d'Heraclee ,  apres  avoir  suivi  pas  a  pas  la 
description  que  Ptolemee  donne  de  la  cote  orientale 
d'Afrique,  annonce  que  Menuthias  nest  pas  eloignee  du 
pioinoutoire  Prasiirn  (non  longe  a  promontorio  dis- 
tans  (3) ).  C'est  la  une  assertion  fort  remarquable,  car 
Ptolemee  place  cette  ile  a  5°  du  promontoire.  Le 
coplste  dilTere  ici  tellement  de  son  modele  ,  que  Ton 
doit  necessairement  admcttre,  ou  que  les  Tables  de 
Ptolemee  ont  ete  alterees  depuis  la  redaction  du  livre 
de  Marcien,  ou  que  celui-ci,  mieux  renseigne,  les  aura 
corrigees  sciemmcnt ,  ou  enlin  qu'il  aura  commis  une 
de  ces  inadvertances  qui ,  a  la  faveur  d'un  mot  trop  ge- 
neriquc  ,  dchappcnt  parl'ois  a  Fauteur  qui  decrit  un 
dessin  ou  une  carte. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  on  presence  do  la  precleuse  rela- 
tion que  nous  a  transmise  Arrien,  ou  I'ecrivain  que  Ton 
d^signe  ordinairement  sous  ce  nom ,  il  ne  pent  s'elever 
un  doute  sur  le  sens  du  passage  de  Marcien  que  nous 
venons  de  citer.  L'auteurdu  periple  de  la  mer  Ery  three 
fait  mieux  qu'indiquer  le  peu  d'eloignoment  de  Menu- 
thias ,  il  la  specific  en  nombre  de  stades.  Voici  quel 
est  en  substance  son  recit.  Apres  cnvii'on  vingt  et  une 

(i)  Walckenaer  ,  f^ies  ite  plusieurs  personnatjes  celibres;  i  S3o  , 
I   I,  p.  ii5. 

(2)  Voye/  a  ce  sujet  ro|)iiiioii  de  M.  Letronne,  Journal  Hes  S<i- 
vnnts,  1825  ,  [).  263. 

(3)  Pi'iiple  ;lc  Mdiricn  tP  llcxirlcc :  ('(lilioii  ilc  \I    K.  Mu'  Kii,  p.    ■ii. 


(  232    ) 

journeos  do  navigation ,  a  parlir  tUi  promonloire 
Aromata,  lesnavires,  dont  la  course  a  varie  du  sud 
au  siul-oiicst,  quittent  lo  lieu  nomme  Noi'a  Fossa  , 
ct  sc  dirigoant  au  sud-ouost  pendant  doux  jours  et  deux 
nuits,  atteignent  Tile  de  Meniithias,  eloignoe  dc  trois 
cents  stadcs  (environ  liuitlicuesct  deniie)  du  continent. 
«  Cctte  lie  basse  et  boisee  [humilis  ntqite  depressa,  7>cs- 
tita  arborihus)  est  arrosee  par  plusieurs  rivieres.  On  y 
trouvc  dilTerentes  esp^ces  d'oiseaux  et  des  tortues  de 
terro  ;  il  n'y  existe  aucun  animal  feroce,  oxcepte  le  cro- 
codile ,  niais  il  ne  fait  jamais  de  mal  i  pcrsonnc.  Lcs 
habitants  cmploient  a  la  peclie  des  poissons  et  des  tor- 
tues de  mer  des  barques  cousues,  faites  d'une  seule 
pi^ce  de  bois  (  paTrxa  xat  ftovo?uXo)  (1)  ;  ils  pechent  aussi 

(ij  lluct ,  ji.ulint  (In  (■Diiiiiieice  des  Ethiopicns  ,  dit  que  ces  peu- 
ples  se  servaient  de  petits  na-vires  iegers:  les  uiis  dune  seule  piece  de 
bois,  les  aulres  di'  joncs  tissus  ou  cousus  ensemble,  sans  fer  iii  gou- 
droii.  G'est  dc  cette  maiiufarture,  ajoute-t-il,  que  lihapta  ^  ville 
d'Azanie,  j»rovince  d'Elhiopie ,  voisine  de  la  luer,  et  le  cap  llhap- 
luin,  out  piis  leur  noui,  d'uii  mot  jjiic  (]ui  sijjnifie  coudre.  Ces  bateaux 
rtaieul  pliauts  »t  cliaugeaicut  de  Hgure,  ct  lcs  Etliiopicus  les  trans- 
portaient  aisPHicnt  loisqu'ils  etaient  rernonles  jusquaux  calaiacti  s  du 
Nil.  (  Hist,  du  commerce  el  de  la  navigation  des  nncietis,  cliap.  xiv.  ) 
Iliiet  coiifund  iii  lcs  barqties  de  Rhapla  et  les  nacelles  dont  se  ser- 
viiicnl  les  Klliiopiens  sur  le  iNil.  (MIes-ci,  (I'apres  le  ten)oij;iKi{;e  tie 
I'line,  elaieiil  en  eFfet  ployables  (;j/ic'aa7t's  );  on  les  portait  sur  lcs 
ppau'es  cbaque  fois  (pi'on  aiiivait  aux  cataracies  ( lib.  iv  ,  c.  9), 
iiiais  il  est  didicile  de  cioire  que  lcs  bateaux  de  la  cote  ne  I'usseiit  pas 
consliuits  plus  solidenient.  Les  barijues  cu  usage  sur  la  coteilu  Zan- 
jjix'bnr  sontcompnsccs  d'une  ^lande  piece  de  bois  qui  serl  de  (|UiUc, 
a  laipielle  sont  lic<!s,  au  uioyen  de  coidclles  ,  les  planches  uiiuccs  et 
etroites  qui  forn)ent  la  coque.  Les  attailies  s<inl  si  nonibreusos  1 1  se 
croisent  avec  lant  de  n'cularile,  qu'ou  dirait  une  trcssc.  Celte  des- 
cription explique  lant  bicn  que  mal  I'alliancc  siiif^ulicre  que  fait  Ar- 
rien  des  epillii-lcs  p'onrTCt  <"l  fovojvla  (|ui  Scniblcnt  s"e"-.tliiie  rc.ipm- 
^inenicnt. 


{  233  ) 
au  moyen  dc  paniers  d'osier  qu'ils  placcnt  a  maree 
basse  devantles  cavites  durivage.  Do  Mcnuthias,  on  va 
en  deux  joiirs  a  Rhajita,  ainsi  nomme  a  cause  de  scs 
barques  coitsues.  C'est  la  derniere  place  commerciale 
de  cetle  cote ,  et  Ton  y  trouve  bcaucoup  d'ivoire  et 
d'^caille.  » 

Outre  la  courte  distance  qui  s^paro  Mcnuthias  du 
continent,  fait  qui  nous  parait  inattaquable,  grace  a 
la  concordance  que  nous  fournit  Ic  temoignage  de  Mar- 
cicn ,  on  trouvera  dans  la  suite  du  passage  d'Arrien 
una  preuve  non  nioins  decisive  de  la  non-identite  de 
jcette  ile  et  de  Madagascar.  Menutliias  est  basse  et 
boisee,  tandis  que  Madagascar  offre  de  toutcs  parts  de 
liautes  montagnes ,  remarquablcs  surtout  dans  sa  par- 
tie  nord-ouest  (1)  la  plus  rajjprochee  de  I'Afrique,  et 
cello  oil  auraient  necessairement  abord(^  les  navires 
venant  du  continent.  Quant  aux  crocodiles  inoffonsifs, 
aux  barques  cousues  et  aux  nasses  pour  la  peche  (2) , 
CCS  details  s'appliquent  aussi  bien  aux  lies  voisines  de 
la  cote  africaine  qu'a  Madagascar ,  et  Ton  ne  peut  en 
tirer  aucun  argument  contre  notre  opinion. 

Nous  nous  rosumons  : 

La  comparaison  des  trois  auteurs  anciens  qui  ont 
parl6  de  Menutliias  demontre  done  de  la  maniere  la 
plus  evidentc  cpie  ccttc  ilc  n'cst  pas  Madagascar.  La 
relation  d'Arrien  est  explicito  a  cot  egard  ,  ct  die  se 
Irouve  conArmee  avec  le  plus  grand  bonlieur  par  le 
periple  de  Marcien  d'lleraclee;  PtoI(^inee  soul,  sans  lo 

(l)  Voyt!/,  \iM  vHfs  prises  pendant  rexiJOililioii  ile  la  Frevoyt'iile 
<1ans  les  iiieis  de  I'lnde  ,  sous  le  coiiiiiinndeinent  de  M.  le  capilaiiie 
3e!ieiine,  pi.  3''".  —  Owen,  Nanalive  of  voyaijes  to  explore  the  sAoivs 
of  .if flea,  Avcibtii  and  Madoijascar ;  t.  II,  p.  i33. 

(t)    Vi)ve/.  Salt  ,  /'<nv/(/c  r;/  ./<*!  vs/i((C,  trad    IVane  ,  tum    I, p.   (>G. 
I.     MA  US.     5,  1(5 


( 'ri^  ) 

coiiliolr  (Ic  la  nitiqiic,  scrait  rnpjml  dun  scnliment 
conlrairo,  s'il  netail  ouvertcment  coiitrcdil  par  son 
abr<!!viateur,  ol  si  los  jiulicleuscs  corrections  que  d'An- 
villc  fail  subir  aux  positions  qu'il  indique ,  corrections 
pour  lesquolles  los  prole!i;onienes  dc  sa  geographic 
fournissont  des  donnt'cs  irrccusablcs,  ne  faisaienl  dis- 
paraitre  jusqu'a  Tombre  d'undoute  sur  cette  question. 

Examinons  maintenanl  la  source  de  I'erreur  que 
nous  venons  de  relutcr. 

C'cst  lY'dition  latine  de  Ptolemeo  ,  imprimec  a  Bale 
en  1540,  qui  naturalisa,  pour  ainsi  dire,  dans  la 
science  ,  lidentitc  imaginairc  de  Mcnutbias  et  dc  Ma- 
dagascar   (1).    Une  note  I'etablit  en  ces    lermcs  (2): 

(i)  Plusicurs  pctits  Iraitt'-s  tic  f;<=ogi  apliio    avai.Mil   dt'-ja    n'p.uulii 
cette  trrciir,   nitre  auties   le  livre  ilc  Glaieanus  iiM]irlii>('  pliisicui* 
fois  sous  Iv  line  til'  tlcnrici  Glareaiti  Ihlvelii  ])Ocl(C  Ir.un'ali  <lc  (jco- 
(jrapltia  liber  uiius ;  in- 12.  Dans  le  chap,  lx  et  dernier,  ([ui  traile  ilc 
n-fjionibus   extra    Ptolomwwn  ^    nous   Irouvons   le    passajje   suivant  : 
«  A<1  nieiiclifiii  nostra  aetate  Madagascar  pingitur  in  co  loco  ul)i  Pto- 
loma?Uf  Mcntuliiiim  insulam.   i>o-iiil,.."  (i'.dit.  deV.ni-p,  ir>3(),i).  89) 
(2)  Lib.  IV,  cap.    9. —  Grace  a  I'oldigtance  de  M.  Jomaiid,  conser- 
vaieur  au  dcpartcincnt  des  cartes  et  plans  de  la  UiljIiollKtpie  rujale, 
nous  avons  pu  examiner  parmi  les  innond)raI>les  lii  lies.ses  de  la  Col- 
lection {5eo{»rapIiique  creee  par  sessoiiis  ('ilaiic's,  treute-tiois  cdiliiins 
on   reinipressions  differentes  de  la  Gvograjilue  de  PtoU'mi'e    Nous  en 
donnons  la  liste  : 

147.'),  traduction  latine,  sans  cartes; — 1478,  av.  c  les  cartes  de 
l?uckin(k; —  i.\?ii  (?  ,  Ptolemce.  en  vers  italiens,  par  r>rrliii(<,!iieri  , 
avec  cartes; —  14S2,  edit,  rarissiine  d'Clni;  —  i4H6.  etiil.  latine 
J'lJIin;  —  1490,  rnf/.  de  Rome  ;  —  1 5n8,  e«f/.  de  Uoiiin,  avec  la  niap- 
peniondc  de  lluyscli  ; —  l5il,  edit,  laline  de  Veni>e:  —  l5l3,  eail. 
de  Stra.«l)0urf;;  —  i5i4,  ead.  dc  ]Nureniber{^; —  l52o,  end.  de  Slras- 
},our{;;  —  l522,  end.  de  Strasbourg  ;  —  I  5:'4i  cad.  de  Nnreni!)er{j  ;  — 
1.533,  lexte  f,rec,  in-',;  —  i53.5,  edit,  laline  de  Lyon  ;  —  1540,  edit, 
laline  de  Colo{<,ne,  in-8  ,    sansraitcs; —  l54o,  en</.   de  Hale.  in-Fnl; 


(  235  ) 

« Prasum  promoiitorium    ( ubi  nunc  Mclindaa  re- 

gnum) Monuthias  (Madagascar  insulam ,  sive  in- 

sulam  Santi-Georgii  nominant ,  licet  accolae  sunt  ma- 
chometista?)  (1).  »  Toatesles  (Editions  suivantos  repe- 
tentlilteralcment  cctte  note  ;  faitdigne  de  remarquc  et 
qui  piouve  jusqu'a  quel  pointl'esprit  de  routinepresidait 
;i  laieimpression  des livresrcchercliesdii  public, comnie 
I'etait  alors  la  geographie  de  Ptolemee  (2),  Que  le  pre- 
mier annotateur ,  peu  instruit  des  decouvertes  que  ve- 
naient  d'accomplir  les  Portugais  ,  ait  risqui^,  pour  sa- 
tisfaire  a  I'avidite  des  lecteurs  ,  un  comnientaire  donl 
il  netait  pas  sur,  cela  se  coniprend,  a  I'aspect  des  fa- 
buleuses  cartes  qui  accompognent  son  edition.  Mais 
que  des  homines  tels  queServet,Mercator,  Bertius,  etc., 
aient  reimprim^  ses  bevues  avec  le  soin  le  plus  minu- 

—  I  54 ' ,  eatJ.  (le  Lyon  ;  —  I  S.'i^  ,  cad.  de  FiAle  ; —  I  545,  end.  de  tii'ile  ; 

—  1548,  ciiil.  de  liale;  —  I  548,  Trail,  italienne   de  Maltinlo,  Venisp  ; 

—  i55o  ,  ead.  de  Bale;  —  1  552,  edit,  la  tine  de  Bale;  —  i56i ,  Iradiie- 
tioii  italienne  de  Ruscelli,  Venise;  —  i562,  edit,  latine  de  Moleto , 
Vonise;  —  i574,  tr.id.  ital.  de  Biisrelli,  Venise; — 1 584,  edii.  do 
Merrnlor,  Cologne  ;  —  1598,  trad.  ilal.  deCernoui.  Venise; —  i(!o5, 
edit,  de  Mercator  Pt  Monlanus;  —  l6i8,  edit,  de  Bertius; —  I  ySo, 
edit,  des  eartes  de  Mercator,  Amsteid.ini ;  —  '737,  e'dit.  lat.  de  Nti- 
rendjerjT;  —  1  838,  nonvelle  edit.,  par  Wilberf;. 

(1)  Marco  Poll)  avnit  dit  en  parl.iiit  des  iialiitants  de  Madaj^ascar : 
«'  //  sunt  Sarai'iuz,  aorent  Maomel  (  ..  ..  lialientes  lejieni  aboininahi- 
km  Maeliomeli).  "  E<lit.  de  la  Soeiele  de  ge'of^rapliie,  p.  232,  469.— 
Ln  note  dii  Ptoletnee  nous  paraif  piiisee  dans  ce  voyapeur,  dont  la 
relation  a  en  jiisi|n'an  xvii"^  sieele  iiiie  si  graiidc  intluenoe  snr  la  ."eo- 
;;raphie  des  rejijioiis  orientales. 

(2)  Outre  les  trente-lrois  editions  dont  nous  venons  de  donncr  la 
lisle  dans  une  note  jue'cedente,  il  en  existe  encore  dix-hnit  autres  , 
A' a\nhs\c  Lexicon  Inhlioijrnjducuin  de  S.-F.-(t.  llofl'nian  (t.  Ill,  p.  487 
il  suiv.),et  une  note  de  M.  le  viconile  de  Sanlarein,  iiisi-ri'e  dans  >i»^. 
rt  clierelies  sui   Anierie  VesjiMee;   I  84',   p     I7!vn(v(e,5, 


(  -236  ) 

licux,  c'est  cc  que  Ton  iie  sauralt  oxpHqiuT,  si  I'on  no 
sa\ait  et  lo  prix  elovc  dcs  li\res  dans  Ic  xvi'' siecle,  et 
le  respect  qu'inspirait  alors  tout  ce  qui  sorlait  do  la 
plume  d'un  savant;  deux  causes  pour  lesquelles  une 
nouvelle  edition,  sous  peine  de  n'avoir  point  d'acoue- 
reurs,  de\ait  renrenner  texluelleiuent  toutes  les  anno- 
tions  deja  publiees.  Des  qu'une  note  etalt  inipriniee, 
elle  avail  sa  place  marquee  d'avance  dans  toules  Ics 
editions  futures;  elle  a\ait  gagne  son  droit  dc  bour- 
geoisie, el  pcrsonne ,  pendant  un  siecle,  ne  songea  a 
lui  ra\ir  ce  privilege.  La  moindrc  attention  eiit  sulfi 
aux  erudils  du  xvii''  si6cle  pour  se  convaincre  que  si 
Menulhias  etait  Madagascar,  Prasiiin  nc  pouvait  etre 
prochede  Melinde,  puisque  Ptolem«^e  place  le  promon- 
loire  dc  Prasuiii  au  sud-oucst  de  Meniithias,  et  quau 
conlraire  Melinde  est  et  a  toujours  ili  au  nord-ouest 
de  Madagascar  (1).  N'est-il  pas  d'ailleurs  curieux  do 
\()ir  des  savants  justemenl  celebres  laisser  subsisler 
dans  la  note  que  nous  venons  dc  citcr  le  nom  de 
Saint-Georges  a  cote  dc  celui  dc  Madagascar,  tandis 
qu'ils  savaient  que  les  Portugais  n'avaient  donn«i  a 
cette  ile  que  le  nom  de  Saint-Laurent?  N'est-il  pas  sur- 
prenant  de  les  voir  accucillir  avec  faveur,  ou  du  moins 
sans  contestation  ,  une  geographic  fantastique  ,  ou  Ton 
trouve ,  a  cote  dcs  renscignemcnts  contemporains,  les 
absurdes  relations  du  moycn-agc  et  les  notions  obs- 

(i)  On  Iroiivc  s^oiivpiit  de  iioiuhrcnses  conliailic  lions  d.-insli'S  notes 
iVinio  nieuic  ('(lilion  de  I'toleinee.  La  li  admlimi  ilidieniic  dc  Leo- 
naido  Ceiiioli,  entre  aulrcs,  en  offre  un  exeniple  :  apres  :ivoir  conic; 
i  ini'vitable  I'ldsmn  ;1/e/'iif/(.',  I'annotaUiii,  dans  une  Dcscrillloiic  di 
Ittllo  il  mondc  ti-rntio ,  dit  (jue  ce  pioiiiontoire  si  rliinjtui  il  Motovi- 
liirlie.  —  On  voil  an■;^l  (ii  oiii  luincnl  iin  dcsacrcird  coniiilcl  I'lilro  les 
rartcs  cl  le  Icxlc;. 


(  237  ) 

cures  oil  systematiquos  de  rantlqiiite ;  bizarre;  pro- 
duction de  ce  siecle  quifonda  la  doctrine;  du  libre  exa- 
men  d'ou  sortirent  les  regies  de  la  critique,  et  qui 
manqua  comj^letement  ici  de  1 'esprit  d'examcn  ct  de 
critique  ! 

Des  editions  de  Ptolemee,  la  note  sur  Mcnutliias  a 
passe  dans  les  cosmographies  et  les  atlas,  puis  dans  les 
ouvrages  sp^ciaux  rclatifs  a  Madagascar,  enfin  dans 
des  niyriades  de  geographies  elementaircs,  oil  ellc  se 
perpetucra,  sans  doute,  jusqu'a  la  fin  des  siecles. 

Corahien  il  est  regi'ettable  que  Bochart,  Saumaise  , 
Huet,  etc.,  n'aient  pas  apporte  dans  cotte  question  dc 
geographic  ancienne  les  luniieres  de  leur  vastc  erudi- 
tion. Entraines  vers  des  discussions  philologiques  qui 
avaient  pour  eux  plus  d'attraits ,  ils  sc  sont  Jiornes  a  y 
Jeter  un  regard  fugitif  et  areproduire  I'opinionde  leurs 
devanciers.  Saumaise  n'y  a  consacre  que  deux  lignes 
dans  son  immense  travail  sur  Solin  (1) ,  et  Bochart 
une  seule,  dans  sa  Geographia  sacra  (2).  Hardouin  (3) 
n'est  pas  moins  concis  ni  moins  aflirmatif.  Iluet,  dans 
son  Nistoire  du  commerce  des  anciens  [li) ,  parle  hrlcve- 
ment  du  trafic  que  faisaient  les  tthiopiens  de  la  c6t8 

(1)  " I[)Si  Menutliias  ea   est   quain  vulgo   nominant   iiiilljjeiKTC 

Madagascar^  :i  Lusilanis  iiisi'la  S  Laiuentii  iliciuir.  "  — CI.  S;tliiin>ii ; 
PliniaiKV  exercilationes,  in  Caii  Jid'd  Soliiii  Polyhislora,  p.  878. 

(2)    Muimthios  (hodie  S.  Lauientii  insula,  vel  Madaijnscar.  » 

—  Sainuelis  Bocharli  ;0;jera  omnia,  LugJ.-Datav.,  iGga. —  Gcojr. 
sacra,  pars  I,  lilj.  iv,  cap.  27,  col.  273. —  «  Menutliias,  id  est  Mada- 
gascar, vel  S.  Lai'.ieiilii  insula.  "  Pars  II,  lib.  1,  cap.  87,  ciil.  6^2. 

(3)  «  Niillus  dubito  qnin  Ii:ec  Pliniana ,  sive  Lycophroniana,  sivc 
Dyonisiana  Cernesil  ea  quain  S.  Laurentii  vocitamus  sivc  Madagas- 
car :  Menoulhias  eailcin  Ptolenia-i  ;  III),  iv,  c.  9  "  — Caii  Plinii  se- 
cundi  Ilistnria  naluralis  ciuii  sclcrtis  comwciilariis  J.  llarduiiii  .. 
Paris,  lii'inaire,  1828,  111),  vr,  cap.  3(i,  p.  747. 

(^)  llUct,  cliap.  XIV. 


(  238  ) 

orieiitale  ti'Alriqut' ;  luais  il  iie  tlit  pas  uii  iiiul  do  Me- 
iiuthias,  quoiqu'U  ait  consulte  le  Periple  <te  la  iiier 
Eijtiiree,  et  donn^ ,  d'apr^s  cct  ouvrage,  quelques  de- 
tails sur  les  barques  cousues  do  Rhapta ,  dont  il  no 
cherclie  m6me  pas  a  fixer  la  position. 

Cette  moderation  de  paroles,  chez  des  auteurs  qui 
n'avaient  pas  pour  habitude  d'ecourter  leurs  comuien- 
taires,  devait  iaisser  croire,  ou  que  la  question  6tait 
deja  decidoe  ,  ou  qu'elle  no  valait  pas  la  peine  d'etre 
discutee. 


IxmiiRAiRii  de  Riigtise  a    Constantinople  (1) . 
(Communique  par  M.  COCtlELET.  ) 

Li(;ues 
de  Fiance. 

1"  station.  —  De  Raguse  a  Castelnovo  ,  6 

Dans  la  Dalmatie. 

2*       —       De  Castelnovo  a  Cataro ,  6 

Dans  la  Dalmatie. 

3*        —       De  Cataro  a  Antivari ,  6 

Dans  la   liaute   Ailjanie  ;  chemin  assez 
beau,  \ilie  pelile. 

h"       —       D'Antivari  a  Dulciguo ,  k 

Dans  la  liaiile  Albanie;  Nille  situee  sur 
une  petite  riviere. 

5*       —       DeDulcigno  a  Scutari  ouScoudra,      8 

Dans    la  liaute  Albanie;  ville  grancle, 
forte  et  bien  peuplee. 

(i)  Get  itineraire  est  ancien.  J'en  ai  ou  connaissauce  lorsque  j'etais 
intendant  en  Illyric  en  i8og.  II  eiail  destine  aux  courriers  frantjais 
(jue  les  circonslances  de  la  guerre  sur  terre  et  sur  mer  t'on-aient  d'ex- 
pedier  par  Ra{juse  a  Constantinople.  L'(;xactitiidi!  rijjoureuse  des 
noms  des  stations  et  des  distances  servira  de  point  de  comparai- 
son  aux  geographes  ,  et  c'est  sous  ce  rapport  qu'il  nous  a  paru  utile 
dr  If  puliiier. 


(  230  ) 

Liencj 
(Ic  France 
Le  cliuniin   cic   Uulcigno  u   Scutari    est 
(litticile.  II  y  a  dcs  moiit.igDes  (t  !a  riviere 
lie  Baijaiika  a  traverser. 

C  slalion.  —  De  Scutari  a  Alessio  ,  8 

Le  cheinin  estencore  plus  tlifticile;  il  y 

a  des  moritagnesa  traverser,  et  ia  riviere 

Drin  ,  communement  appelee  Driiiiliihi , 

pres  remboucliure  de  laijuelle  la  villc  est 

situee. 

7*       —       De  Alessio  a  Albanopoli ,  16 

Le  chemin  est  niontagneux  et  assez dif- 
ficile. La  ville,  (]ui  communement  s'ap- 
pelle  Kroija  ,  etait  autrefois  la  capitate  cl(,' 
TAlbanie  ;  elle  fst  situee  sur  le  DriTi. 

8*       —       De     Albanopoli    a    Akrida     ou 

Ahrida ,  18 

Dans  la  Macedoine;  ville  grande,  Ijien 
peuplee  ;  patrie  de  I'empereur  Justinien  , 
dont  elle  portait  autrefois  le  nom. 

9*       —       De  Akrida  a  Moskopoli ,  4 

Dans  la  Macedoine;  chemin  difficile  et 
montagneux  ;  ville  agreable  ct  coniuier- 
oante. 

10'         —       De  Moskopoli  a  Petolia  (on  pro- 
nonce  Betolia)  ou  Monastir,       8 

Dans  la  Macedoine;  chemin  assez  dif- 
ficile. II  y  a  beaucoup  de  montagnes  et  dc 
foretsa  traverser.  Ville  grande,  forte,  bieii 
peuptee,  ancienne  capilale  du  royaume 
des  Peoniens  ;  elle  est  situee  sur  un^lac 
exlremement  poissonneuxdont  elle  porte 
communement  le  nom   (  Betolia  ). 

11"=         —       De  Petolia  ou  Monastir  a  Prilipo  ,     8 

Dans  la  Macedoine  ;  chemin  monta- 
gneux. La  ville  que  Ton  appcllp  coiiinui 


(  2h0  ) 

Llfiies 
(Ic  Fiance, 
nciiieiil  I'eilepee  esl  stlutc  sui  uiie  jjelile 
riviere. 

12'  Station.  —  De  Prilipo  a  Rrupuli .  12 

Dans  la  Macedoine;  clieinin  difficile. 
IJ  y  a  .i  traverser  beaucoupde  montagncs  , 
de  Forets  et  la  riviere  Vardari. 

La  ville  est  silue'c  sur  la  riviere  Psitiia ; 
elle  est  petite. 

13"^         —       ])e  Rrupuli  a  Istib  ,  10 

Daus  la  Maco'doine;  le  chcniin  est  Ir^s 
difficile  a  cause  des  haute s  montagnes  ct 
des  forets  qu'il  y  a  a  traverser. 

La  ville  est  siluee  sur  la  riviere  ^L^r- 
mari  ;  elle  est  petite. 

Ill"         —       De  Istib  a  Stazzaiiaa ,  5 

Dans  la  Macedoine  ;  le  clieniin  est 
assez  beau.  Lepays  est  ouvert. 

La  ville  est  situee  sur  la  riviere  Mar- 
inari ;  clle  est  petite. 

15*         —       Dc  Stazzaizza  a  Palanka ,  8 

Dans  la  Macedoine  ;  le  pays  est  inoiKa- 
gneux  ,  le  chemin  aride. 

La  ville  est  situe'e  sur  la  riviere  Esker. 

16'         —       De  Palanka  a  Giustcndil  (on  le 

prononce  Kustcndil) ,  6 

Dans  la  Macedoine;  chemin  assezbeau; 
pays  ouvert.  Ville  grande  et  forte  ,  situee 
sur  la  riviere  Esker. 

17'         —       De  Giustendil  a  Dusnizza    (ou 

Bousnizza)  ,  5 

D.ins  la  Tlirare  ;  chemin  assez  beau; 
pays  ouvert;  ville  petite. 

18'         —       De   Dusnizza     (ou   Bousnizza ) 

a  Bagni  ,  8 

Dans  la    Thrace;  ilicmin  ilif'ricile.  La 


( --^Al ) 

Lieues 
dt;  France, 
ville  est  situce  dans  une  jiluine  pres)  d'lme 
petite  riviere  ;  mais  il  faut  traverser  des 
iiiontagiies  pour  y  arriver. 

19'  Station.  —  Dc  Bagni  a  Kusdere ,  4 

Dans  1,1  Thrace ;  le  chemin  est  assez 
Lean  ;  le  pays  ouvert;  il  n'y  a  a  traverser 
(ju'une  petite  riviere  sur  laquelle  elle  est 
siluee.  Ville  petite  ,  generalement  lia- 
Litee  par  des  Tatars  qui  s'y  sont  e'tablis. 

•20"=         —       De  Kuscler6  a  Bazantzik ,  G 

Dans  la  Thrace  ;  on  I'appelle  ordinaire- 
ment  Tatar-Bazantzik  a  cause  de  plusieurs 
Kans  taiars  quiy  ont  ete  relegues,  et  pour 
la  distinguer  de  plusieurs  autres  villes 
portant  le  nieme  nom.  Chemin  assez 
beau;  campagne  riche  et  agre'able.  Ville 
petite,  generalement  habitee  par  des  Ta- 
tars et  des  Turcs,  qui  sont  presque  tous 
palres. 

21"=         —       De  Bazantzik  a  Philippopoli ,  6 

Dans  la  Thrace;  chemin  beau;  cani- 
pagne  riche  et  belle.  La  ville  est  une  des 
plus  imporlantes  de  I'empire  ottoman  ; 
elle  est  tres  ancienne ,  riche  et  conimer- 
cante.  Elle  est  situee  sur  la  riviere  de 
Marizza,  qui  passe  par  Adrianople,  et 
se  jette  dans  la  mer  Egee. 

22'         —       De  Philippopoli  a  Pappazli ,  G 

Dans  la  Thrace  ;  le  chemin  est  beau  ;  il 
traverse  des  jardins  delicieux.  On  en  voit 
entierement  converts  de  roses  dont  on 
fait  1  essence  si  renommee.  La  ville  est 
petite,  agreable,  et  situee  sur  une  petite 
riviere  qui  se  jette  dans  la  Marizza. 

Dc  Pappazli  a  Kuijali ,  5 

Dans  la  Thrace;  le  i  heniin  est  beau  ; 


23«        — 


(  242  ) 

Lieucs 
(le  France. 

In  campayiie  ruajjiiiliqup.  La  ville  est  pe- 
tite, mais  agn-ablc;  ellu  ost  sitiice  siir  unc 
petite  riviere  qui  se  jelte  dans  la  Muriz^a. 

2/1'  slation  —  Do  Kuijali  a  Usunzova  ,  6 

Dans  laThrace  ;  chemin  beau;  campa- 
gne  riclie  ct  njjionlile.  La  \ille  est  {^rande, 
riche  ct  comniprrante  ;  elle  est  siture  sur 
une  riviere  qui  se  jette  dans  la  Marizza. 

25*  —  De  Usunzova  a  Miistapha-Paclui 
Kioprussu,ou  Pont  de  Musta- 
plia-Pacha,  10 

Dans  la  Thrace  ;le  chemin  est  heau; 
la  campagne  belle  ct  nche.  La  position 
est  tres  avantageuse  :  c'est  sur  ce  poiit 
que  I'ou  traverse  laMarizza  pour  arrivcr  a 
Adrianoplc.  A  la  tete  de  ce  pout  est  la 
viile  qui  porte  Ic  nom  de  celui  qui  la  tait 
construire;  elle  est  petite  et  avantageu- 
sement  situe'e. 

26°  —  De  Mustaplia-Pacha  Kioprussu 
ou  Pont  de  Mustapha-Pacha 
a  Adrianoplc  ,  '^ 

Dans  la  Thrace;  Ic  chemin  est  bean; 
la  campagne  riche  et  ayreablc.  La  ville 
est  I'ancienne  capitale  de  I'empirc  otto- 
man et  la  residence  des  Sultans  ,  nieme 
tres  longtemps  apres  la  prise  de  Con- 
stantinople; elle  est  forte  ,  belle  et  riche  ; 
elle  est  situee  au  confluent  de  trois  ri- 
vieres qui  se  jettent  dans  la  Marizza. 

27°         —       D'Adrianoplo  a  Apsa  (on  pro- 
nonce  llapsia)  ,  5 

Dans  la  Thrace  ;  petite  ville  situee  dans 
la  plaine  sur  la  route. 

28'         —       Dc  Apsa  a  Eskibaba ,  5 

Dans  la  Thrace  ;  le    chemin   est  bean  , 


(  243  ) 

Liiues 
de   France, 
le  ji.iys  est  ouvert,  et  la  campagne  belle. 
Ville  |)etiie,  mais  afjieable. 

29'  station.  - — ^  D'Eskibaba  a  Burgase  ,  h 

Dans  la  Tlirace  ;  ville  giande  ,  peuplee 
et  riclie ,  renommee  par  ses  fabriques  ile 
poteries ,  faites  avec  des  terres  rouge  et 
noire ,  que  Ton  tire  des  environs  de  la 
v.lle. 

30'         —       De  Buigase  a  'Zorlou ,  10 

Dans  la  Thrace;  cheinin  beau  ,  qu'on 
peut  faire  en  une  journee.  Ville  batie  en 
bois  et  miserable;  elle  est  a  6  lieues  de  la 
nier. 

31^         _       De  'Zorlou  a  Silivrie,  10 

Dans  la  Thrace;  chemin  assezbcau, 
que  Ton  peut  faire  dans  une  journee.  La 
ville  est  belle  ,  grande  et  bien  peuple'e. 

31'  —  De  Silivrie  a  Ponte-Grande  (on 
dit  en  langue  du  pays  Buijuk 
'Zekmetze ) ,  6 

Dans  la  Thrace;  chemin  beau.  La  ville 
est  grande,  peuplee  et  commercante.  Lc 
pont  est  d'une  belle  hauteur  et  d'une  lar- 
geur  admirable. 

32'         —       De  Ponte-Grande  a  Ponte-Pic- 

colo  (ou  Kutzuk-'Zekmetze) ,       3 

Dans  la    Thrace;    chemin  beau.  Ville 
moyenne. 

33'  —  De  Ponte- Piccolo  a  Constan- 
tinople ,  3 

Dans  la  Thrace  ;  chemin  beau  et  pave 
dans  loute  sa  longueur  jusqu'aux  portes 
de  Constantinople  ,  oil  on  entre  par  la 
porte  d'Adrianople,  que  les  Turcs  appel- 
lent  Edirna-Kapussi. 


(  '2lih    ) 

DEUXIEME    SECTION. 


Actes  de  la  Societe. 

KXTRAiT   DlvS   HROCES-VEKHAUX    DliS  SliANCES. 


PftliSIDENCE  DE  M.    RoUX  DE  RoCIIELLE. 


Seance  du  1"    inatu  ISii. 

Le  proc(^s-vcrbal  dc  la  dernii^re  stance  est  lu  el 
adopts. 

M.  Gay,  noinmd  mcmbre  adjoint  dans  hi  (Icrnieio 
seance ,  adi'csse  ses  remerciements  a  la  Comnilssioii 
centrale  ct  promet  de  concourir  avec  ih\e  a  ses  travaux. 

M.  le  chevalier  de  Baiboza  ,  secretaire  pcrpetuel  de 
rinstitut  historique  ct  g^ographique  du  Bresii ,  an- 
nonce,  par  sa  lettre  du  13  juillet  1841,  que  I'lnslitut  a 
accueilli  avec  enipressement  la  recommandalion  que 
la  Societe  lui  a  faite  enfaveurdeM.  Martin  dcMoussy, 
un  de  ses  membres,  voyagcur  au  Bresii;  il  ajoutc  que, 
sur  sa  proposition,  I'lnslitut  vienl  de  charger  un  comite 
special  de  lexauicn  des  cai'tes  geographiques  des  di- 
verses  provinces  du  Bresii ,  pour  en  former  ensuite  un 
atlas  complet.  Les  encouragements  du  gouvernement 
permettront  a  I'lnstitut  d'elever  bientot  ce  monument 
gdographique  a  la  gloire  du  Bresii. 

Par  une  seconde  lettre ,  en  date  du  3  mai  18Zi2  , 
M.  de  Barboza  remercie  la  Societ6  de  I'envoi  de  la  col- 
lection do  ses  Memoires  et  de  son  Bullelin  ,  et  il   hii 


(  2/45  ) 

adrcssc  un  oxempiairo  do  la  Flora  fluininense  ,  qu'il  a 
obtenu  du  gouvernemcnt  du  Bresil  pour  sa  biblio- 
th^que,  ainsi  que  la  suite  de  la  Revista  fiinie/isn/,  pu- 
blice  par  I'lnstitut  historique.  M.  le  president  de  la 
Commission  ccntralc  rappelle  que  la  caisse  contenant 
ce  precieux  envoi  est  parvenue  a  la  Societe  dans  sa 
derniere  seance,  ct  qu'il  s'est  empresse  d'adresser  des 
remerciements  a  I'lnstitut  du  Bresil. 

M.  le  lieutenant-general  Zarco  del  Valle,  directeur 
du  corps  du  g^nie  espagnol ,  adresse  un  exemplaire  de 
la  grande  carte  geographique  et  topograpliique  de  File 
de  Cuba,  en  6  feuilles,  et  exprime  le  d6sir  d'entrcr 
en  relation  avec  la  Societe.  La  Commission  ccntralc 
accueille  ce  desir  avec  empressement,  ct  decide  que  la 
collection  de  son  Bulletin  sera  cnvoyee  a  la  Direction 
du  genie,  a  Madrid.  M.  Berthelot  signale  a  cette  occa- 
sion les  travaux  scientifiques  qui  se  preparcnt  en 
Espagne  pour  la  triangulation  et  les  loves  de  la  carte 
de  ce  royaume. 

M.  Jomard  communique  I'extrait  d'une  lettre  de 
M.  le  lieutenant-colonel  Sabine  ,  qui  le  charge  d'offrir 
a  la  Societe,  en  son  nom,  le  Rccueil  des  perturbations 
magnctiquos  obsorvees  en  I8Z1O  et  1841  dans  les  di- 
verses  colonies  anglaises ,  ct,  au  nom  de  M.  Alexandre 
Simpson  ,  la  relation  qu'il  vient  de  2:)ublier  du  voyage 
dc  M.  Th.  Simpson  ,  son  I'rere ,  ct  de  M.  Dease ,  aux 
terres  aictiques. 

M.  Hommaire  dc  IIcU  lit  une  notice  sur  la  carte  de 
la  Russie  Tn^ridionale,  faisant  partie  de  la  relation  de 
son  voyage  a  la  mer  Caspicnne. 

M.  Lefebvre  ,  rccommont  de  retour  de  son  voyage 
en  Abyssinie  ,  lit  un  mcimoire  sur  la  sitiiatic  n  politique 
do  CO  pavs. 


(  246  ) 

M.  Daussy  communique  une  lottrc  de  M.  dc  Bovis, 
ofTicior  tie  la  marine  royale  et  membrc  dc  la  Society , 
contenant  la  relation  de  son  exploration  du  detroit  de 
Magellan  et  dc  son  echouage  sur  Ic  banc  dc  (ilallegos. 
La  Commission  ccntralc  accucille  avec  inttiret  ces  trois 
derniercs  communications  et  les  renvoic  au  Comitc  du 
Bulletin. 

M.  d'Avezac  appclle  1 'attention  de  la  Societci  sur  un 
Memoire  de  la  Uei>ista  trimensal  de  Rio-Janeiro,  sur  la 
question  de  la  possession  dcs  tenes  du  Cap-Nord  par 
les  Portugais;  Memoire  qui ,  loin  d'infirmer  les  droits 
dc  la  France,  ne  peut  servir  qu'a  les  confirmer. 

Le  meme  membre  signale  cnsuitc,  comme  tres  digne 
d'intcrct  ,  un  portulan  de  la  Mediterrance  qui  fail 
partle  dc  la  collection  dc  cartes  laiss(^e  par  feu  M.  Guil- 
laumc  Barbie  du  Bocage.  M.  d'Avezac  est  pri(i  de  re- 
meltre  au  Comite  du  Bulletin  une  Note  sur  cette  com- 
munication. 

Seance  du   15  mars  lS/|/i. 

Lc  proces-verbal  dc  la  derni6rc  seance  est  lu  el 
adoptc. 

S.  Exc.  M.  lc  comte  de  Cancrine  adresse  a  la  So- 
ciele  I'Annuairc  magnitique  et  meteorologique  du 
corps  des  ingenieurs  dcs  mines  de  Russic,  ainsi  que 
le  Recueil  des  observations  m6t6orologiques  failes  a 
Kasan. 

La  Commission  centrale  I'c^oit  en  outre  le  don  de 
plusieurs  autres  ouvrages;  elle  en  ordonne  lc  depot  a 
sa  bibliotlieque,  et  vote  des  remerciements  aux  au- 
teurs. 

M.  .lomard  coniuiimi((iie  plusieurs  des  dessins  qui 


( 


(  247  ) 

accom])agncnl  la  relation  dit   voyage  scientifique  tie 
M.  do  Tcliiliatcheff  dans  I'Altai  oriental. 

M.  Desjardins  annonce  que  M.  le  doctcur  Zipser  sc 
propose  d'envoyer  au  musee  de  la  Societd;  une  nouvelle 
serie  de  mineraux  de  la  Ilongrie ,  et  il  exprime ,  au 
nom  de  ce  savant ,  le  desir  d'etre  porte  sur  la  liste  des 
candidats  pour  une  place  de  correspondant  Stranger. 
M.  d'Avezac  lit  une  notice  sur  une  ancienne  carte 
nianuscrite  historice ,  de  la  collection  de  feu  M.  Guil- 
laume  Barbie  du  Bocage. — Renvoi  au  Comite  du 
Bulletin. 

M.  de  Saint-Priest  entretient  I'assemblt'e  d'un  pro- 
jet  de  voyage  et  dc   recherches  scientifiques   dans  le 
Yucatan   et  dans  I'Amerique   centrale  ;   il  en  expose 
tons  Ics  avantages  sous  les  rapports  de  la  geographic , 
de  riiistoire  et  des  antiquites;  il  dcniande  que  la  So- 
ci(he  veuille  bien  s'int(^rcsser  a  la  reussite  de  ce  projet. 
M.  Jomard  lit  luie  notice  sur  une  cai^te  militaire  ita- 
lienne  du  xv"  si^cle  ,  faisant  partie  de  sa  collection  des 
anciens  monuments  de   la  geographic.  —  Renvoi   au 
Comite  du  Bulletin. 

M.  Hommaire  de  Hell  communique  I'extrait  d'une 
lettre  adressee  par  M.  le  baron  de  Humboldt  a  M.  Fre- 
deric Lacroix.  Get  extrait  contient  des  renscignements 
sur  une  deviation  du  cours  de  I'Oxus  et  sur  la  fonda- 
tion  d'un  obscrvatoire  de  physique  en  Russic. 

MKMBRES   A.DMIS  DANS  LA   SOCIKTl';. 

Seance  du  15  mars. 

M.    Pierre   de   Tcihiiatciieff  ,    genlilhomme    de    la 
chambi'e  de  S.  M.  I'empereur  de  Russie. 
M.  Charles  Roum. 


(  248  ) 

Ol'VRACES  OFFERTS  A  LA  SOCIKTE. 

Seance  dii  IQ  /'eerier  18/|/|. 
Par  h's  auleurs  et  editeurs  :  Journal  de  la  Society 
rovale  gcographiqiic  dc  Londres,  tome  XIII,  partic  1", 
in-8.  —  Annalos  niari times  et  coloniales  ,  Janvier.  — 
Nouvelles  annales  des  voyages,  janvior.  —  liullctin  de 
la  Society  de  geologie,  tome  XIV,  feuilles  41-42,  II*  se- 
rie,  tome  I ,  feuilles  1  a  7,  —  Jom'nal  asialique  ,  de- 
cembi'e.  —  Annales  de  la  propagation  dc  la  foi , 
Janvier.  —  Bulletin  dc  la  Socif^td;  pour  I'instruction 
elementairc  ,  novcmbrc.  —  Bulletin  de  la  Soci6t6  ma- 
ritime de  Paris ,  7"  caliior.  —  Recucil  de  la  Socicte 
pol)  tecliniqiic ,  Janvier.  —  Bulletin  dc  la  Societc  in- 
dustriclle  d'Angers  ,  n"*  5  et  6,  — L'Hcho  du  Monde 

savant. 

Seance  du  i"  mars. 

Par  M.  le  lieutenant-general  Zarco  del  f^alle  :  Carta 
geografica  topografica  de  la  isla  de  Cuba.  1824-1831. 
6  feuilles. 

Par  I'yicademic  de  Dijon  :  Compte-rcndu  des  tra- 
vaux  de  I'AcadL^nie  pour  1841-1842. 

Par  la  Societe  royale  des  sciences  de  Lille  :  iMtimoires 
dc  la  Socicte  pour  1839  et  1841. 

Par  la  Snciete  rorale  d\igriculture  de  I  ersailles  :  Mc- 
moires  pour  1841,  1842  et  1843. 

Par  la  Societe  d'agriculture  de  PEure  :  Rccueil  des 
travaux  dc  cette  Society.  Tome  III",  1842. 

Par  la  Societe  d'' agriculture  de  PJube  :  Memoircs  , 
n°»  81  a  86. 

Par  la  Societe  (P  agriculture  dc  P(o/ie/i  :  Ex  I  rait  dc  ses 
travaux,  N»'  86,  87,  89  et  90. 

Par  la  Societc  d'a^riculture  dc  la  Charente  :  Annales 
dc  la  Socicte;  Janvier  a  oclobrc  1843. 

^  I.a  suite  au proch  tin  nwuert).) 


BULLETIN 


DE    LA 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 


AYRIL  ISZiZl. 


PREMIERE    SECTION. 


MKMOIUES,   EXTRAITS,   ANALYSKS  KT  ItAPPOHTS. 


RAPPORT 

an  iiotn  de  la  Commission  du  Prijc  annuel 

pour  la  decouverte  la  plus  importante  en  geograjihii' 

en  1841. 

Oomniissaires  : 

MM.  KvniHS,   Wai-ckenaeii,  LAiiENAtmiKRb:,  Dahssv, 
.ioMAHi),   rapporleiiy. 


A  I'epoquo  on  la  Soci(!ite  de  geographic  a  fond(^  un 
prix  annuel  poui'  la  decouverte  la  plus  importante  en 
g^ographie  (utile  institution  que  ,  depuis  ,  la  Grande- 
Bretagne  nous  a  emprunt^c) ,  Ton  n'avait  pas  prevu 
toutes  les  circonstanccs  qui  pouvaient  empecher  de 
decerner  le  prix  selon  les  rtigles  de  la  justice  et  dans 
I'interet  de  la  science.  Le  terpie  auquel  on  devait  re- 
monter  avait  et6  fixe  a  deux  ans.  L'exjjericnct!  a  fait 
I.   AvmL.   1.  17 


(  250  ) 

\oir  que  rintonalli'  dv  deux  annties  t'tail  Iroj)  coin  I, 
et  il  a  et6  porte  a  trois,  soil  pour  laissor  lo  temps  do 
connaltre  les  details  iiidisjicnsaLles  des  d6couvertes, 
soit  pour  en  constater  rautlienticite ,  soil ,  cnfin,  pour 
permettro  aux  voyageurs  de  les  publier.  I  ne  autre 
consequence  utde  est  rt^sultec  de  rexpcricnce  laite 
depuis  rinstitution  :  c'est  qu'il  est  juste  de  compter 
aux  voyageurs  toute  la  durec  de  leurs  excursions. 
Ainsi ,  pourvu  que  le  voyage  ait  commence ,  ou  con- 
tinue ,  ou  fmi ,  pendant  I'annde  pour  laqucllc  est  d6- 
cernee  la  recompense,  il  est  compris  dans  le  concours. 
La  double  latitude  qui  resulte  de  ces  regies  permet  a 
vos  commissaires  de  ne  rien  exclure  d'important ;  au- 
trement,  on  serait  circonscrit  entre  des  limites  trop 
etroites,  et  expose  a  priver  du  prix  les  decouvertes  les 
plus  merit oires. 

Chaque  annec ,  vos  commissions  pour  le  prix  an- 
nuel ont  cherche  a  bien  ^tablir  les  titres  divers  qui 
recommandent  les  voyages  a  ['attention  de  la  Societd, 
et  ils  ont  rappele  la  condition  du  prix,  savoir  :  qu'on 
ait  decouvert  un  pays  precedemment  ignore,  et  que 
la  decouverte  soit  assoz  importante  pour  agrandir  le 
domaine  de  la  science.  Cependant,  un  pays  qui,  jus- 
qu'ici  mal  connu ,  aurait  6te  complctement  explore 
par  un  nouveau  voyageur  ,  pourrait  etre  le  sujct  d'unc 
recompense,  surtout  si  le  voyageur  avait  determine 
avec   exactitude  la    position   dos  lieux  ou   rectific  des 


erreurs  graves. 


Nous  classerons  les  principaux  voyages  de  I'annce 
1841  donl  la  connaissance  est  parvenue  jusqu'a  nous, 
en  deux  categories.  Dans  la  premiere,  nous  pla<;;ons 
ccux  qui  sc  sont  prolongcs  tres  peu  ou  point  au-dela 
de  ce  terme,  et  dans  la  seconde ,  ceux  qui ,  ayant  ete 


(  251  ) 

continues  plus  tard,  peuvent  etre,  sans  inconvenient, 
reserves  pour  le  concours  de  18/12.  Parmi  ces  der- 
niers,  nous  nous  bornerons  a  indiquer  les  pi'incipaux 
voyageurs  actuellenicnt  connus  :  MM.  Ferret  et  Gali- 
nier,  Sapeto,  Bcke,  Lcfebvre.  voyageurs  en  Abyssinie  ; 
M.  Schomburgk ,  nouveau  voyage  dans  les  Guianes ; 
M.  Allen  ,  en  Australie ;  M.  Botta,  en  Perse;  MM.  de  Klia- 
nikoff,  dans  I'Oural  meridional ,  et  de  Tchiliatcliefl", 
dans  I'Altai  oriental,  etc. 

Neuf  autres  voyages  sont  I'objet  special  de  Texamen 
succinct  que  nous  allons  laire  :  dans  I'Australie , 
M.  Eyre ;  en  Ameriquc,  M.  Norman  et  les  missionnai- 
res ;  en  Asie,  MM.  Ravvlinson  ,  Coste  et  Flandin  ;  dans 
I'Europe  oricntale,  M.  llommaire  de  Ilell ;  ea  AtVique, 
MM.  Harris,  Russegger  etd'Arnaud. 

M.  Eyrehabitaitdepuisplusieurs  ann^es  I'Australie  et 
avait  dejafait  d'importantes  excursions,  lorsqu'il  entre- 
prit  ses  grands  voyages  dans  I'intericur ,  qui  ont  dure 
pendant  1839,  18i0  et  1841.  Lo  1"  mai  1839,  il  quitta 
Adelaide  pour  explorer  la  contree  du  Nord;  il  recon- 
nut ,  pendant  un  voyage  de  220  milles ,  Ic  pays  situ6 
entre  le  golfe  Spencer  et  la  rivic^re  Murray  ,  jusqu'a 
36  milles  au  nord  du  mont  Arden.  Rentre  le  29  juin, 
il  repartit  et  se  dirigea  sur  le  port  Lincoln ;  de  la  au 
port  Bell,  nouvelle  course  de  230  milles;  puis,  de 
Streaky-bay,  il  se  rendit  a  la  tete  du  golfe  Spencer, 
autre  voyage  de  220  milles.  Le  18  juin  18/iO,  M.  Eyre 
entreprit  une  nouvelle  expedition  pour  I'interieur  du 
continent.  II  s'avanca  jusqu'au  lac  Torrens,  explora 
ses  rives  sur  une  longueur  de  pres  de  ZiOO  milles;  la, 
enferme  comme  dans  un  cul-de-sac  (tant  la  configu- 
ration du  lac  est  bizarre  et  anomalc) ,  et  trouvant  le 
sol  de  plus  en  plus  aride,  il  se  dirigea  encore  une  fois 


(  252  ) 
siir  Ic  |)orl  Lincoln  ;  il  Inl  ainsi  Ir  prcinior  a  oiniir 
iiM  clu'iniii  (liiftl  (111  ^olle  Spencer  a  ce  port,  dislancc 
(le  220  inilles.  Du  port  Lincoln,  il  reussil,  non  sans 
(In  m^'s  grands  obstacles,  mais  sans  jamais  so  clC'cou- 
ragor,  a  gagncr  le  port  du  Roi-Georgcs,  en  parcouiant 
loute  la  cote  dans  un  espace  de  1,300  niillos;  il  arriva 
en  fin ,  (!'puisi!  dc  fatigues,  lo  7  juillet  18/iJ  ,  a  Albany 
(Australie  occldentalc).  M.  Ejro  a  fait  de  ses  deniers 
presque  toute  la  dd'pense  de  ccs  nonibreuses  expil'di- 
tions,  et  il  a  reinis  toutes  ses  cartes  au  gouvernement 
colonial;  chacune  de  ses  routes,  portt'e  sur  la  carte 
d'Australie  ,  doit  I'enrichir  notablement.  La  Soci6t(^ 
g^ographiquc  de  Londres,  qui  a  adjug6  a  M.  Eyre  unc 
des  niiidailles  dont  elle  dispose,  rend  une  justice  6cla- 
tante  a  son  mdrite ,  a  son  courage  et  a  son  esprit  en- 
Ireprenant,  qualitt'-s  qui  distinguent  Ic  veritable  voya- 
geur.  Les  diiricult(is  considtl'rables  et  impr^vues  quil 
a  eues  a  vaincro,  surtout  par  le  manque  d'cau ,  les 
dangers  personnels  qu'il  a  courus,  lui  et  ses  quatre 
compagnons  de  route,  rehaussent  la  valeur  de  ce 
voyage  int^ressant. 

M.  INorman  (dc  la  Nouvelle-Orleans)  a  fait,  en  1841, 
un  voyage  dans  I'Yucatan,  ce  pays  qui  attire  aujourd'hui 
les  regards  de  I'arcbt^ologue  par  ses  monuments  eton- 
nants  et  a  peine  soupconnc's,  comme  faisaient  autrefois 
et  font  encore  les  mines  de  Thebes,  de  Ninive  ct  de 
Persopolis.  M.  Waldeck  fut  un  des  premiers  a  dessiner 
exactemcnt  et  a  publier  les  vestiges  de  cettc  ancienne 
civilisation  americaino,  dont  il  n'est  pas  permis,  jus- 
qu'a  present,  d'assigner  I'dpoque,  mais  qui  ne  permet 
plusguerc  dc  donner  a  ces  r(!'gionsle  nom  de  Nouveau- 
Continent.  Dans  ces  derniers  temps ,  M.  Stephens, 
Am(?ricain  ,  et  M.  Cathcrwood,  architecte  anglais,  ont 


(  253  ) 
continue  lexploralion  do  T  Yucatan  ;  leuis  Iravaux,  rtiu- 
nis  a  ceux  de  MM.  Waldeck  ,  Friederichstahl  ,  Norman 
otautrcs,  jettei'ontquelque  joursurle  caract^re ,  slnon 
sur  la  date  do  res  singuliers  monuments ,  anterieurs  a 
toute  tradition.  Ces  derniers  ont  explore  les  mines  de 
Zayi,  Rabali,  Uxmah,  Ticul,  etc.  ,  et  d'autrcs  licux  re- 
marquables  par  les  vestiges  d'antiquite.    M.  IN  oilman  a 
donne ,  entre  autres,  une  nouvelle  description  dela  ville 
antique  de  Chiclien  ,  situee  a  11  lieues  vers  le  sud-ouest 
de  Valladolid  ;  ses  debins  occupent  un  espace  qui  a  plus 
de  lOmilles  de  tour,  et  renferment  de  nombreux  restes 
de  temples  et  de  palais  qui  etaient  soutenus  par  d'in- 
nombrables  colonnes.  Un  de  ces  temples  avait  plus  de 
/iOO  pieds  de  longueur  et  plus  de  55  de  haut;on  y 
ti'ouve   des  restes   de  pyramides.  Autant   que  la  vue 
peut   s'etcndre ,  on    apercoit  les  mines  de   I'antique 
cite.  M.  Waldeck,  dans  son  voyage,  n'en  a  pas  donne 
la  description,  et  il  parait  que  MM.  Stepliens,  Catlier- 
vood  et  Norman  sont  les  premiers  Europeens  qui  I'aicnt 
decrite  et  dessin^e.  Ce  lieu  appclle  les  explorateurs  fu- 
turs  des  antiquites  americaines. 

Nous  apprenons  avec  int^ret  les  progres  des  eta- 
blissements  des  missionnaires  catboliqucs  dans  I'Ame- 
rique  du  Nord,  et  en  meme  temps  ceux  de  leurs  explo- 
rations. Ce  pays  a  ete  Ic  theatre  de  celles  du  P.  de 
Smet;  elles  se  distinguent  par  leur  etenduc  comme 
par  le  courage  et  I'activite  qua  deployes  leur  auteur; 
nous  en  avons  connaissance  par  les  Annales  de  la  Pro- 
pagation dela  Foi.  Parti deSaint-Louis-du-Mississipi en 
avril  18A1 ,  il  se  porta  ,  avec  plusieurs  religieux  et  une 
caravane,  aux  bordsdu  Rio-Colorado  ;  ensuite,  par  une 
marche  de  deux  mois,  il  attcignit  les  Rocky-Mountains 
(Monts  Roclieux)  et  les  montagncs  qu'on  appelle  de  la 
Rivicre-oH-l  crit ;    la  (>st  un   point   cidmiiinut  (Tou   les 


(  roh  ) 

eaux  s'^coulciit  clans  deux  sens  cliirerents  :  les  unes 
vers  I'ocean  Allantique,  les  autres  vers  Ic  Grand 
Ocean.  Les  Cofes-Noires  ne  sont  pas  elcvees  de  moins 
de  15,000  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  raer.  De 
"West-Port  aux  sources  de  I'Eau-Sacree ,  la  caravane 
parcourut  1,500  milles ;  elle  reconnut  la  Rivi6i*e  Plate  , 
la  plus  singuliero  peut-etre  de  toutes  les  rividres  con- 
nues  par  son  pou  de  prolondeur  avec  une  largeur 
immense ,  souvent  de  6,000  pieds.  Arrive  en  juillet  a  la 
ligne  culminante  de  Far-JFest,  le  P.  de  Semt  apercut 
I'immense  Oregon ,  avec  un  vaste  horizon ;  puis  U  des- 
cendit  vers  le  Grand  Colorado  de  I'ouest,  et  ensuite  la 
rinere  a  rOurs.  II  attoignlt  enfin  le  fort  Hall ,  apres 
quatre  mois  dun  penible  voyage,  le  30  aoiit  18/11.  II 
etait  alors  au  point  de  reunion  de  la  IrLbu  des  Tetes- 
J'lates,  au  camp  dit  du  Grand-Visage.  De  la,  il  fit,  pen- 
dant le  reste  de  I'annee  ,  plusieurs  excursions  :  une  de 
320  milles  au  fort  Colville ,  sur  la  riviere  Columbia  ; 
une  autre  au  fort  Vancouver,  entrepot  de  laCompagnie 
de  la  baie  d'Hudson ,  de  300  lieues ;  c'est  dans  cet  espace 
que  se  trouve  le  passage  dit  des  Grandes-Dalles ,  ou  s'en- 
gouffre  unbras  de  la  Columbia.  En  1842,  le  P.  de  Smet 
est  rcvenu  a  Saint-Louis ,  apres  avoir  ainsi  accompli  un 
voyage  ,  par  terre  ,  aussi  long  que  difficile  ,  tout  rempli 
de  perils,  et  ricbe  d'observations  curieuses  de  geograpbie 
pbysique,  de  details  de  mceurs  et  d'histoire  naturelle. 
La  Societe  connait  depuis  longtemps  les  travaux  de 
geographic  comparee  de  M.  Rawlinson  ,  en  Perse.  En 
1841,  ce  savant  voyageur  a  beaucoup  avance  celle  de 
1  Afghanistan ;  il  a  decouvert  dans  le  S.-E.  de  Kan- 
dahar, au  pavs  (lit  Ghilziych,  le  site  A' Aracliosia  ,  ville 
qui  date  de  I'epoque  presque  fabuleuse  de  S(^mirarais. 
Le  lieu  acluel  s'appelle  Ulan-Robal  ou  S/ia/iri-Zo/ta/c.  La 
position  est  parfaitement  determinee  par  les  distances 


(  255  ) 

que  donnent  Strabon,  Pliiie  ol  Plolem^^o.  Le  iiom  pri- 
iniiii d' ^rac/iosia  etalt  liarakhvvati,  dont  les  Grecs  out 
fait  Jrachotos,  et  les  Arabes,  liakhaj ;  les  rulnos  sont 
d'un  caractere  tres  remarquable.  Du  reste  ,    le  lieu  de 
Kandahar  ,  qui  etait  I'ancicnnc  Alcxandrinopolis  ,  est 
bien  distinct  du  site  d'Arachosia.  Le  meme  voyageur 
a  retrouve    pros  de   Zamin-Dawer   les    mines  dune 
autre  ville  antique ,  qu'il  croit  pouvoir  identifier  avec 
le  Tahora  de  la  table  de  Peutinger,  en  rapport  avec  les 
Daile',  aujourd'hui  les  Tajicks.  Toute  lavallee  de  I'llel- 
mond  {Helmundits)   est  ricbe  en  sites  anciens  dignes 
d'etre  reconnus.  Beihrani,  ville  ancienne  au  N.  de  Ca- 
boul,  cstV  Ancienne  A  lexatidrin  ad  Caucasuni ;  son  nom 
de  Fackout ,  dans  le  Zend-Avesta,  cori'espond  a  celui 
tl'EucRATiDiA  qu'elle  prit  d'Eucratides,  lequel  I'avaitre- 
batie.  La  Capissa  de  Pline  repond  au  lieu  appele  Per- 
ivan-Dairah,  ou  s'est  livre  le  dernier  combat  contre  Dost- 
Mohammed.  Caboul  est  sans  aucun  doute  YOrtospana, 
Les  reclierches  du    major  Piawlinson  dans  le  Sud  lui 
ont  fait  reconnaitre  la  position  de  Pharsuga  (d'Isidorc 
de  Charax)    dans  Pishing,   cclle  de  Mitsnnia  (de  Pto- 
lemee)    dans  Mustang,  de    Cnttabura   dans  Kheti  ou 
Knt,  et  de  plusieurs  autres.  Le  nom  A'Abiria,  de  Pto- 
lemee ,    correspond  a  la   tribu    d'Abira  ,    en   Sanscrit 
Abhira    ( les  bergers)  ;  il  se    retrouve  dans  Abile  d'E- 
drisi ,  dans  Rand-abil  des  geographes  arabes,  et  dans 
Bilali,  ville  siiuee  entre  Relat  et  la  mer.  Le  major  Piaw- 
iinson  retrouve  encore  Minpolis  d'Isidore,    ct  lUiniiu- 
^ord'Arrien,  dans  la  ville  de  Binah,  a  I'E.  de  Herat, 
et  dansBinader,  chef-lieu  de  Gurmesir.  Enfinle  Troun- 
Dader  des  Byzantins  se  reconnait  dans  Dadar,  silue  au 
|)ied  des  defil6s  de  Bolan.  Peu  de  voyageurs  ont  fait  au- 
tant  que  U>  major  Rawlinson  pour  la  geographic  com- 
paralivr  de  rVsie  moymie. 


(  25(5   ; 

Bien  que  lo  \o\age  do  MM.  Costc  ct  Flaiidln  a  Por- 
sepolis    soit    plus  archeologique   que   geograpliiquc , 
il   nest    cependant    pas   indigne    d'attcnlion   sous    ce 
dernier  rapport,  celui  qui  importe  le  plus  a  la  Societe. 
Cos  artistes  ont ,  en  elTet ,  le  premier  surtout ,  fait  un 
grand   nombre  de   relevcmenls   topographiques  dans 
I'emplacement  des  monuments  et  aux  environs ;  ils  ont 
recucilli  des  itineraires  qui  serviront  a  perlectionner 
la  carte  de  la  Perse  ;  ils  ont  aussi  relev6  la  topographic 
d'une  partie  du  cours  du  Tigre ,  cclle  de  Babvlone   et 
celle  dc  Ctesiphon.  M.   Coste  a  rapport6  la   route  de 
Tabriz    a    Bagdad,    celle    d'Amaret   a    Kingevar,  les 
sites  de    Chiraz ,    Firouzabad ,    INakchiroustan,  Ista- 
khar    ou  Pcrsepolis,   Teheran,   Hamadan ,   Ourmiah, 
Kirmanschah,  Ispahan,  et  d'autres  encore.  Ce  voyage, 
qui  a  procure  beaucoup  d 'inscriptions  pcrsepolitaines 
et  en  pehhi,  qui  a  produit  de  beaux  dessins,  et  a  fixe 
les  idees  sur  le  syst6me  et  le  style  de  1 'architecture 
persepolilaine,  sur  cet  ancien  art  persan  qui  etalt  en- 
core imparfaitcment  connu  malgre  les  ouvrages  re- 
marquablcs  dc   Kcr-Porter   et  Ouseley  ,   ce   voyage , 
disons-nous,  comprend  los  trois  anndes  1839,  1840  et 
1841.  Les  voyageurs  ont  visite  Mossoul;  ils  ont  ete  les 
precurseiu'S  de  M.  Botta,  qui  vient  dc  fairo  a  JNinive 
de  si  brillantes  decouverles.  Les  approches  d'Erzeroum 
leur  ont  6t6  interdites  par  la  famine,  et  celles  de  Tiflis 
par  la  peste ;  leurs  courses  n'ont  done  pas  ete  sans 
perils,  ct  ils  ont  et6  ^prouv^s  presque  comnie  s'ils  eus- 
sent  eu  a  parcourir  des  regions  ignorees. 

Nous  avons  maintenant  a  parler  d'un  voyage  plus 
important  sous  le  rapport  geographiquc ,  celui  que 
!V1.  Ilommaire  de  Hell  a  fait  a  la  mer  Caspienne  el  au 
Caucaso,  el  qui  :i  duir  cinq  ans.  L'ouvrage  que  publi' 


(  257  ) 

ce  voyagcur,  sous  le  tilrc  do  Steppes  de  la  iner  Cas- 
pieiine,  le  Caiicose,  la  Criniee  et  la  Riissie  nteridionale^ 
est  le  fruit  de  ses  longues  excursions ;  il  embrassc 
pi'csque  toutcs  los  parties  de  la  science,  la  geographic 
positive,  la  geographic  historique,  mais  surtout  la  geo- 
graphic physique  et  politique ;  il  est  destine  a  jeter 
de  nouvelles  lumicres  sur  Ics  contrecs  oricntales  de 
I'Europe.  Le  theatre  de  ses  explorations  est  vaste  (  27' 
en  longitude  ,  7°  en  latitude  )  ;  il  embrassc  Tespace 
entre  les  Carpathes  et  la  mer  d'Azow,  la  mer  d'Azow 
et  la  Caspienne ,  la  mer  Caspienne  ct  le  Caucasc  jus- 
qu'au  versant  du  sud ,  ce  qui  comprend  presquc 
toute  la  Russie  meridionale.  L'auteur  n'aurait  certai- 
ncmcnt  pu  reussir  sans  I'appui  des  autorites  russcs. 
M.  Hommaire  de  Hell  a  suivi  les  rives  des  fleuvcs  , 
des  rivieres  et  de  toutcs  les  eaux  courantes  peu 
connues,  en  observateur,  en  geographe ,  en  g6olo- 
gue ;  il  a  souvent  etudie  le  regime  des  rivlei'cs  et 
mesure  le  relief  du  sol,  de  mani^re  apouvoir  en  tracer 
des  coupes.  Son  attention  s'est  portce  sur  la  popula- 
tion dc  ces  diff^rcntes  contrecs ,  sur  les  races  nomades 
ou  fixees  au  sol,  sur  la  physionomie  et  les  autres  carac- 
teres  ethnographiques  qui  distinguent  les  diverses  peu- 
plades ,  sur  les  moeurs  et  les  usages  des  differentes 
peuplades  ou  tribus  europ^ennes  ct  asiatiqucs,  enfin 
sur  I'etat  de  I'instruction,  le  commerce  (1),  I'industric 
et  les  autres  branches  de  la  statistique.  C'etait  pour 
lui  un  champ  d'etudes  aussi  curieux,  aussi  vai'ie  qu'e- 
tendu,  que  cette  singulifere  r(!!union  d'une  foule  dc 
nations  diverses  dtablies  sur  Ic  meme  sol  :  AUemands, 

(i)  Les  locliciches  de  JVl.  ile  Hell  sur  \c  rommcifc  dc  la  (MnuM- 
et  ccliii  do  la  mer  Caspienne  snnl  faites  pniir  nn'ritcr  r.Ulcnlion  dc 
notic  administraiinn. 


(  258  ) 

Sulsses,  Bulgares,  Boheinleus  ,  Aruienicub,  Juils,  Co- 
saques, Tatars,  ct  encore  I'aspect  des  campements 
(riiiver  des  nomades  de  plusieurs  contrees  d'Asie  ou 
d'Europe.  Au  milieu  de  ces  hordes,  et  dans  la  travcrsee 
des  steppes,  des  deserts,  il  a  couru  plus  d'un  pt^-ril. 

Si,  de  ces  generalitcs,  nous  entrons  dans  le  dc^tail 
de  ses  rechcrchcs,  nous  voyons  qu'il  n'a  pas  nt^gligt^ 
les  questions  speciales  dont  se  preoccupent  les  g^o- 
graphes;  telles  sont  :  la  jonction  du  Don  et  du  Volga, 
la  difference  de  niveau  entre  la  mer  d'Azow  et  la  mer 
Caspienne ,  I'etude  des  cataractes  du  Dnieper,  etc.; 
il  u'a  pas  oublie  non  plus  I'examen  des  rcstes  de  I'an- 
liquite ,  compares  aux  recits  d'llerodote ,  Pline  et 
Strabon. 

riclativement  a  la  premiere  de  cos  questions,  M.  de 
Hell  s'cst  livr^  a  quolques  recherches  dont  le  resultat 
conlirmc  son  opinion  sur  les  nivcaux  rospcctifs  des 
mers  Caspienne  et  d'Azow.  II  a  reconnu,  en  effet,  que 
cette  difference  est  beaucoup  moindre  que  celle  qui 
resultait  de  I'observation  barometrique  de  1812  par 
Parrot,  produisant  107", 50  en  moyenne,  ct  meme  que 
lamesurc  paries  distances  zenithales,  faite  en  1839  par 
les  academiciensdeSaint-Petersbourg,  laquelle  s'elcvait 
a  33'", 70,  ou,  au  plusbas,  a  25  metres.  La  mesuregeo- 
metriquc  cxecutee  par  M.  Ilommairc  dellell,  obtenue  a 
I'aide  d'un  bon  niveau  a  bulle  d'air,  est  del8'",30;  or, 
f'omme  nous  le  disions  tout-a-l'houre ,  ce  rcl^sultat  se 
confumc  assez  bien  :  d'abord  par  la  situation  de  Ra- 
mischnia  sur  le  Volga  et  de  1 'embouchure  de  la  riviere 
llovla  sur  le  Don  ,  difference  de  moins  de  16  metres; 
en  second  lieu,  j)ar  la  pente  de  chacun  de  ces  deux 
fleuves  jusqu'a  leurs  mcrs  respectives. 

Le  canal  do  jonction  des  mers  Noiro  et  Caspienne, 


(  259  ) 

qui  avail  6le  commence  des  le  temps  de  Pierre-le- 
Grand,  n'a  jamais  pu  arriver  a  son  terme,  parce  que 
le  seuil  qui  s^pare  les  deux  bassins,  tres  rapproches 
en  cet  cndroit,  est  elev6  moyennement  de  115  a  120 
metres  :  aussi  les  travaux  entrepris  depuis  par  Cathe- 
rine II,  et  de  nouveau  en  1826,  ont-ils  6te  abandonnes. 
Ainsi  se  trouve  ajourne  indeliniment  le  trace  de  com- 
munication par  la  ligne  de  Ramischnia.  II  n'en  est  pas 
de  meme  de  la  ligne  beaucoup  plus  courte  entre  Sa- 
ritzin  et  Piatisbanskaia,  et  qui  est  aussi  la  plus  favora- 
ble a  cause  de  la  hauteur  mediocre  du  point  de  par- 
tage.  Quoi  qu'il  en  soit ,  le  travail  dc  nivellement, 
execute  pendant  deux  annees  par  M.  Ilommaire  de  Hell 
et  fini  en  18ill,  ne  pent  manquer  de  devenir  utile  pour 
la  solution  de  la  question.  II  se  compose  de  1663  sta- 
tions sur  une  ligne  de  502,000  metres. 

M.  Hommaire  de  Hell  ne  s'est  pas  borne  a  cette 
determination ;  il  a  encore  examin6  unc  question  ce- 
lebre,  celle  de  la  depression  du  fond  de  la  mer  Cas- 
pienne.  Apres  un  grand  nombrc  d'observations,  il  est 
porte  a  croire  que  I'abaissement  I'elatif  des  eaux  a  une 
tout  autre  cause  que  celle  qui  est  generalement  ad- 
mise ,  savoir,  une  depression  du  sol,  resultant  d'un 
fait  geologique.  Selon  lui  (et  son  opinion  est  tres  admis- 
sible) ,  cette  cause  est  simplement  la  reduction  de 
I'espace  occupe  par  la  mer  Caspienne,  et,  cette  reduc- 
tion ,  il  I'attiibue  a  la  diminution  des  eavix  du  Volga, 
de  rOural  et  de  I'Emba ,  diminution  causee  elle-meme 
par  le  d(^boisement  des  nionts  Ourals  et  le  changement 
des  rives  du  Volga;  ces  rives  ,  aujourd'hui  livrces  a  la 
culture,  sont  devenues,  eneffet,  pluscapables  d'absor- 
ber  les  eaux  phiviales.  II  cite  a  I'appui  rcxcmpK> 
des  chanliers  de  Casan  ,   transportes  a  Astrakhan ,  d 


(  260  ) 

I  opinion  cle  Pallas  sm  la  relrailo  dos  oaiix  dc  la  mcr 
Caspicnne,  Quanl  a  I'lnpotliesc  dc  I'anciennc  jonction 
de  cette  mor  avoc  la  mer  Noire  ,  que  raiUeur  adniel 
comme possible,  ct  quipourrait,  dit-il,  se  reproduire  par 
le  seul  exhaussemcnt  des  caux  a  24  ou  25  metres  au-dcs- 
sus  du  niveau  actuel ,  c'est  un  point  qui  appellerait  I'exa- 
nieu  des  gt'-ologues.  Quclque  decision  quils  portent  sur 
cette  opinion ,  les  observations  jiositives  de  I'auteur 
sontdu  plus  bautinteret,  et  lui  meritent  la  reconnais- 
sance des  gciograplies  et  de  tous  les  amis  des  sciences. 
Une  carte  importantc  est  result^e  de  I'exploration  de 
ce  voyageur.  Les  bases  de  cette  carte  sent :  1"  les  ob- 
servations astrononiiques  les  plus  recentes  ;  2°  les  tra- 
vaux  bydrograpbiques  de  la  marine  russe  ;  3°  les  itine- 
raires  de  I'auteur,  qui  a  parcouru  le  pays  dans  tous  les 
sens.  On  y  trouvera  deux  coupes  orograpbiques  au  liQ" 
ct  au  fiS'  parallele  ,  le  profil  des  cataracles  du  Dnieper, 
et  les  indications  geologiqucs.  La  carte  est  encore  enri- 
cbie  par  I'indication  des  nombreuses  colonies  curo- 
pdiennes  et  asiatiques  qui  sont  venues  s'etablir  sur  le 
sol  de  la  Russie  m^ridionale,  par  celle  des  campements 
des  Kabuouks,  des  nomades  du  Volga  ,  du  Terek  ,  du 
Don,  et  par  celle  des  Lacs  Sales,  cntrc  lamer  d'Azovv  et 
la  Caspienne.  Enfin  I'auteur  a  rectifie  et  simplifie  le 
trace  des  monts  Carpatbes  ,  figures  jusqu'ici  sur  les 
cartes  un  pen  arbitrairemcnt. 

M.  lecapitaineW.Cormvallis Harris  (1)  comrnandait, 
enlSiil,  en  Abyssinie  une  expedition  importantc,  qu'on 
avait  cruc  d'abord  destin6e  apenctrer  au  sud,  et  le  j>lus 

([J  Hi{!;hlantls  of  .'Etliiopin  ilL'sriiljed  during  eijjliliMii  iiiontlis  icsi- 
flcnce  of  a  Biilisli  aiiibassy  al  iIk  OIii  i^li.iii  court  of  Shoa  ,  3  voliimr^ 
in-B".  I.oiidrcs  ,  i844- 


(  261  } 

qu'il  oiit  ct6  possible,  c'est-a-diro  ;iu  sud  et  ;i  I'outst  dc 
Tajourah.  Trente  a  quaranto  porsonnes  aconipagnaicnt 
le  voyageui',  muni  d'ailleurs  de  moyens  puissants.  Lc 
hutctaitune  anibassadc  auprfjs  du  roi  de  Clioa.  On  doit 
aucapitaine  Harris  d'avoir  procure  dcs  rcnsoigncnicnls 
nouveaux  sur  plusieiirs  points  intercssantsdans  le  sud  de 
I'Abyssinie  sur  I'histoire  dcs  Gallas  et  sur  un  lieu  asscz 
important  appele  Harrar,  fi  14  journees  dans  le  sud- 
ouest  de  Zeila  :  ce  point  est  vers  la  tete  du  versant  qui 
porte  a  la  mer  des  Indes  ,  et  probablement  du  cours 
d'eau  qui  s'ecoule  a  Moukdischa  (Mogadoxo).  II  s'est 
I'cncontr^  a  Ankober,  dans  le  Choa,  avec  notre  com- 
patriote  M.  Rochet  d'Hericourt.  On  regrettc  d'autant 
plus  que  la  mission  speciale  assignee  a  I'cxpedition 
I'ait  empechee  de  se  porter  jusqu'a  Enarea  (ou  meme 
plus  avant  )  ,  qu'elle  etait  pourvue  de  tous  les  moyens 
de  succes,  et  meme  d'artillerie. 

On  sait  que  M.  le  conseiller  imperial  des  mines 
d'Autriche,  Joseph  Russegger,  savant  naturaliste  et  in- 
genieur,  a  ete  longtemps  occup6  des  mines  auriferes  de 
la  haute  Nubie  dependant  des  possessions  du  vice-roi 
d'Lgypte;  la  ne  se  sont  pas  homes  ses  travaux  scienti- 
fiques:de  I'annee  1835  a  1841,  d  a  parcouru  I'tgypte, 
les  cotes  del'Arabic,  le  Kordofan  ,  laSyrie.  Toutcs  ses 
observations  sont  ou  seront  consignees  dans  un  impor- 
tant ouvrage  intitule  :  Foya^esen  Europe ,  A sie  et  Afrique , 
comprenant  un  atlas  de  cai'tes  g^ographiques  et  geo- 
gnostiques,  les  profds  dcs  montagnes  et  des  planches  de 
botaniquc  et  de  zoologie.  Sept  livraisons  ont  paru  a 
Stuttgard  en  1842  et  1843  ;  dies  contiennent ,  outre  les 
vues  pittoi'csques ,  des  cartes  enrichies  de  details  inte- 
i-essants  et  neufs ,  tires  des  propres  observations  de 
M.  Russegger  :  son  ouvrage  promet  d'etre  savant  et  in- 


(  262  ) 
structif  (1).  Si  Ion  romarquo  rarement  dans  ce  voyage 
['exploration  d'un  pavs  jusque  la  ignore.  Ton  est  as- 
sure du  nioins  qu'il  completera  ou  rectifiera  les  pre- 
cedents voyages  dans  les  con  trees  parcourues  par  I'au- 
teur,  a  qui  d'ailleurs  Ton  doit  tenir  compte  de  la  grande 
^tendue  et  de  la  duree  de  ses  excursions. 

Nous  arrivons  a  un  voyage  qui  est  presque  tout  entier 
une  conquete  sur  I'inconnu  ;  le  theatre  en  est  encore 
I'Afrique  :  c'est  la  region  du  Nil,  ce  bassin  privilegie  , 
qui  est  en  possession  depuis  quarante-sept  ans  d'attirer 
tant  d'explorateurs  et  de  fixer  tous  les  regards.  L'ori- 
gine  du  Nil,  on  le  salt ,  a  toujours  H6  un  mystere;  de 
tout  temps ,  la  decouverte  de  cette  source  a  excite  la 
curiosite  ,  et  nul  encore  parmi  les  Europeens  n'y  est 
parvenu.  La  solution  de  ce  problemc  et  des  causes  de 
la  crue  periodique  du  Nil  a  occupe  les  philosophes  de 
la  Gr^ce,   Thales  ,   D^mocrite  ,   Anaxagore  ,   Agatliar- 
chides,  et  ineme  les  princes  les  plus  fameux.  Canibyse, 
Alexandre  ,  les  Ptolemees,  Cesar,  et  N(^ron  lui-meme  , 
ontcherche  la  tete  du  I\i7.  Caput  A  ili  qiia'rere  (CAaudien) 
^taitchezlesRomains  une  expression  proverbial e  (2).  Ce 
probleme  a  tente  a  son  tour  le  vice-roi  actuel  d'Egypte. 
Des  I'annee  1821 ,  Mohammed-xVly  s'occupa  d'un  pro- 
jet  de  voyage  qui  avait  ete  concu  en  France  ,  el   dont 
I'execution  dcvait  etre  confiee   a  M.  Linant,  voyageur 
eprouve.  Les  cv6nements  politiques  I'ayant  fait  ajour- 
ner  alors  ,  il  a  fait  lui-meme  un  voyage  on  1838  a  Fa- 

(l)  On  distingue  riaimi  les  cartes  {^L'O^^.iiostiques  et  les  coupes 
"enlof;iques ,  celle  du  Liban  ct  de  rAnli-liban  ,  celle  du  Taurus  et 
relic  dti  {'Kj^yptc.  L'auteur  doune  un  detail  du  eours  du  Toumat , 
une  carle  de  la  INubie  riche  de  riclalls,  une  du  Soudan  oriental,  el 
une  de  la  Syie  im'ridionale  avec  I'Arabie-Pcin'e. 
(2)   Vi>y.  une  citation  de  Lurain  ,  paj'^e  2G8. 


(  263  ) 

zangoro  (1) ;  puis  il  a  envoye  surle  Nil,  pendant  1839  ot 
]esann6es  suivantes,  plusieurs  expeditions  nombreuses 
et  armies,  qui  ont  remonte  lo  fleuve  sur  la  branche 
principale,appelee  Bnhr-el-Ahiad,  apartirdu  confluent 
de  Khartoum.  Le  premiei"  voyage,  execute  en  1839  par 
le  capitaine  de  la  marine  egyptienne  Selim  Binbachi , 
avec  300  liommes  sous  son  commandement,  fut  une 
trfes  utile  reconnaissance ,  qui  procura  la  desci'iption 
des  bords  du  Nil  jusque  vers  le  6°  degre  de  latitude 
nord  (5°  65') ,  avec  de  premieres  notions  sur  les  peu- 
plades  riveraines.  Un  dcuxieme  voyage  fut  entrepris  : 
d'abord  il  n'a  pas  eu  de  i-esultat ;  mais  bientot  le 
prince  a  ordonne  une  nouveUe  excursion,  qui,  cette 
fois,  est  parvenue  pr^'s  du  h"  degre,  et  a  fourni  des 
notions  precieuses  tout-a-fait  neuves  sur  le  cours  des 
eaux  et  sur  les  peuples  qui  habitent  les  deux  rives  du 
Nil-Blanc.  Nous  devons  entrer  ici  dans  quelques  details 
pour  faire  apprecier  I'importance  des  decouvertes  faites 
par  I'expedition. 

Elle  se  composait  de  250  liommes,  avec  onze  barques 
armees  de  pierriers.  Les  observations  avaient  ete  con- 
fiees  a  un  Francais ,  M.  d'Arnaud ,  qui  ctait  muni  de 
bons instruments;  c'estlememe  quiavait  dejavisite  les 
sables auriferes de  Fazoglo  avec  M.  Lefevre  le  geologue, en 
1838,  a  la  suite  du  vice-roi;  il  devait  etre  seconde  par 
M.  L.  Sabatier,  de  Beziers,  et  il  etait  aussi  accompagne 
d'lbrahim-ElTendi  (I'infatigable  M.  Thibaut).  A  partir 
de  Khartoum,  lieu  plac6  au  16*  degre  de  latitude  ( 15" 
31'),  c'est-a-dire  a  pr6s  de  500  lieues  de  la  Mediterra- 
nee,  les  voyageurs  ont  parcouru  surle  Nil-Blanc  une 
ligne  de  518  li  cues ;  arrives  au  9*  degre  17'  de  latitude , 
rt  au  26'  hi'  de  longitude  a  Test  de  Paris,  M.  d'Arnaud 

(l  J  Vciy    BnlUlin  ,  tome  XII  ,  |>.  2:') 3,  el  chides  t/voijiapliifiucs  ct  /iii- 
toriques  sur  V Arabic,  p.  249.  Paris,  in-8",   iS'g. 


(  2(54  ) 

a  roconmi  un  grand  lac ,  on  plulut  dos  marais  a  perte 
de  vue.  Au  9°  dogr6  11'  ct  an  28'  hi'  de  longitude,  ct 
sur  la  rive  droito  ,  est  remboucliurc  du  Saubat  (on  Sc- 
both)  ,  appel(i  aussi  Telkliy ;  sur  la  rive  gauche  est  cellc 
d'une  autre  riviere.  Au  7"  dcgr6,  nouvelles  eaux  stagnan- 
tes(l).  Jusqu'au5°  il  n'apasapercudcmontagncs,  etcc- 

* 

pendant  il  avait  deja  depasse  de  beaucoup  le  parallMe 
attribue  au  Djebel-el-Koumri  ,  aux  niontagnes  de  la 
Lune.  C'est  au  pays  des  Behrs  ,  mais  sous  le  mciridien 
du  Kaire,  et  du  4"  au  5*  dcgr^  de  latitude,  qu'il  a  rencon- 
tre enfin  un  pays  niontagncux  de  modique  elevation.  Le 
sol  est  granitique  ;  le  noni  de  la  montagno  est  Ballenia. 
Le  fleuve  n'y  est  point  resserre ;  au  contraire  ,  il  prend 
la  une  grande  largeur ;  mais  la  profondeur  est  faible, 
etla  navigation  devient  si  difficile  ,  quel'expedition  adii 
s'arreter  au  h^  degre  42';  toulefois,  d'apreslcs  indigenes, 
le  Nil-Blanc  est  navigable,  dans  les  hautes  eaux,  la  ct 
beaucoup  plus  au  midi.  Quant  a  son  cours  ulterieur, 
c'est-a-dire  au  sud  du  4'  degre  42',  c'est  encore  une  ques- 
tion si  la  source  renionte  versl'orient,  oubiens'ilfautla 
chercher  vers  le  couchant,  comme  on  le  croyait  d'apri^s 
le  rapport  des  Arabes ,  surtout  depuis  le  fameux  m6- 
moire  de  d'Anvillc  ;  mais  il  parait  constant  que ,  par  les 

(l)  Ces  marais  scriiblent  rappeler  les  lacs  imtnenses  (|ui  avaie"t 
arrete  les  ceniurions  envoye's  par  Neron  ,  et  dont  ils  dirent  au  retour 
qn'on  nc  pourrait  jamais  en  Irouvcrla  tin.Quelque  vagues  que  soient 
les  recits  de  Marin  de  Tyr  sur  les  marais  oh  le  Nil  prend  sa  source, 
iiu  pen  au-deiti  de  iequateur  ;  ijuelque  ineertilude  (jui  ie{;ne  sur 
le  veritable  emplacement  des  Chelonides  paliides  et  de  Niiha  pains 
des  anciens,  il  est  permis  dc  croire  que  les  cnvoyes  d'AIexandre, 
d  Ever{;etes  et  de  Neron  nclaieut  pas  alles  plus  loin  que  ces  marais 
du  cf  degre  de  latitude  on  ciux  du  •j''.  L'crreur  ou  sont  rcstes  les  aii- 
riens  estdemontrecpar  ces  mots  dcLiicaiiia  I  occasion  desF,llnopien< 
qu'Alexain're,  dil-il,  emoya  aux  soiiiccs  du  //cui'c  •   ISii  cm  viiii:iii-: 

CALENTEM. 


i 


(  265  ) 

0*  et  7*  parallolcs ,  aucune  riviere  venant  de  I'ouest  no 
pent  etre  considerdc  commc  la  tete  du  Nil. 

Sous  le  rapport  de  la  population  du  pays ,  les  details 
du  voyage,  actuellement  connus,  donnent  des  renseigne- 
nients  curieux,  neuis  et  precis.   M.  D'Arnaud  la  classe 
en  quatre  divisions  tres  populeuses ,  distinctes  par  les 
caracteres  physiques  et  parlelangage  :  les  Arabes,  les 
Schlouks,  les  Dinkas ,  les  Barry.  La  premiere,  com- 
posee  de  six  tribus,  parle  I'arabe ;  les  autres,  conipo- 
s^es  aussi  de  plusieurs  tribus  (dont  les  Nouers  a  peau 
rouge  et  cheveux  lisses,  les  Kyks,  les  Heliabs,  lesBliorr 
ou  Behrslont  partie) ,  parlent  les  dialectes  appeles  res- 
pectivement  schlouk ,  dinka  et  barry.    Les  premiers , 
c'est-a-dire  les  Arabes,  sont  nomades;  les  autres  peuples 
sont  en  partie  cultivateurs  et  pecheurs,  surtout  pasleurs ; 
toutefois  les  Behrs  sont  plus  adonnes  a  lagriculture  et 
au  commerce ;  ils  ont  quelque  industrie ;  ils  exploltent 
et   travaillent  le    fer,   et    fabriquent    des    outils   pour 
lagriculture  (1);  ils  se  distinguent  par  une  stature  co- 
lossale.  (Lagrande  population  est  confm^e  par  celle  du 
Darfour,  qui,  selon  le  cbe\kli  El-Tounsy,  compte  plus 
de   200,000  indlvidus  en  etat   de    porter  les  armes, 
ce    qui    supposerait  plusieurs   millions  de  personnes 
dans  cette  seule  contr^e).  Ces  peuplades,  qui  entre- 
tiennent  de   nombreux  troupeaux ,  ne  se  nourrissent 
pas  de  viande ,  mais  de  lait  et  de  dourah ;  les  Behrs 
vivent  de   racines  et  de    fruits;    c'est  principalement 
pour  le    lait  et  pour  le  commerce  des  peaux  qu'ils 
entretiennent    ces    animaux  :  I'exp^dition  a  6prouve 
quelle  est  la  douceur  de  Icurs  mcours  et  de  leur  ca- 
ractere.   Les   Schlouks  sont  les  j)lus  nombreux;  leur 
population  est  tres  dense ;  leurs  habitudes  sont  guer- 

(l)  Voir  Rullrtm  dv  feviier  i8^4-  f'jjcls  rappoi  te>,  etc. 

I.  AvniL,   2.  18 


f   26(5  ) 

rioros  et  leur  luimcur  violi'iilc.  Si  Ic  k'inps  K'  pcr- 
niettait,  nous  pourrions  cilor  boaucoup  d'aiilros  iv- 
marqiics  inleressantes  faites  par  M.  D'Arnaucl  et  sos 
compagnons  do  voyage,  et  des  usages,  dos  traits  do 
mcEurs  singuliers,  mais  ce  n'ost  pas  le  lieu  ;  bornons- 
nous  a  faire  remarquer  que  la  valine  du  Nil  superieur 
et  le  pays  des  Shangalas  seniblent  separcr  deux  races 
qui  sont  aux  deux  extremitcs  de  i'ecbelle  ethnogra- 
pbique  :  a  Test  sont  les  bomnies  d'une  tres  petite  sta- 
ture ,  les  pygmees  de  I'antiquite  sans  doute  ;  a  I'ouesl , 
les  homines  de  stature  gigantesque.  L'Afrique  centralc 
est  inaintenant  ouverle  a  une  multitude  de  recherches 
curieuses  ou  de  decouvertes  importantes,  Le  sultan  de 
Darfour  ne  s'oppose  pas  a  ce  qu'on  traverse  son 
royaume  pour  penetrer  dans  le  Borgou  et  le  Begharme , 
et  le  jour  approclxe  oii  Ion  pourraretrouverlcs  marais 
du  Nil,  Nuba  pal  us  de  la  carte  de  Plolemee,  ces  marais 
dont  parle  Marin  do  Tyr,  oh  le  Nil  (disait  un  certain 
Diogene  qui  y  etait  parvenu) ,  on  le  Nil prond se.s  sources 
un  pen  nu-dela  de  tequnteur. 

A  son  retour  en  Lgvptc,  M.  D'Arnaud  a  lait  Jiau- 
frage  sur  la  quatriemc  cataracte ;  ses  cilets  ont  peri , 
mais  non  ses  journaux  de  voyage  ,  ni  ses  observations 
meteorologiques  et  astronomiques;  tous  ses  papiers 
sont  conserves;  il  a  rapporte,  outre  ses  collections 
ethnographiques  (1),  les  dessins  delaphysionomlc  des 
indigenes,  les  aspects  du  pays  ,  et  des  vocabulaires.  Sa 
carte  generale ,  que  nous  poss^dons,  est  la  reduction 
d'un  grand  nombre  de  cartes  partielles,  resultat  de  ses 
observations  quotidienncs.  Ses  instruments  etaient  un 
cercle  a  reflexion  ,  un  chronometre  Breguet ,  des  hous- 
soles ,  barometrcs ,  thermomelrcs  et  hygrometres. 
Le  nombre  des  observations  de  longitude  et  de  latitude 

(i)  Voir  Bulletin  (l<    Umui   1844. 


(  267  ) 
ost  d'environ  quarante ;    un  petit  nombre  seulenienl 
ont  c't6  calcuk^es. 

CONCLUSION. 

Nous  croyons  supcrflu  d'ajouter  a  ce  rapport  de  plus 
longs  developpements ;  nous  avons  fait  connaitre  les 
principaux  voyages  ex^cutdis  pendant  I'epoque  mar- 
quee parle  concours  ;  tous  ont  el^  plus  ou  moins  utiles 
a  la  geographic ;  mais  les  premiers  rangs  appartiennent 
a  ceux  qui  ont  agrandi  le  domalne  de  la  science.  H 
rcsulte  de  ce  qui  precede  :  1°  que  la  commission  a 
distingue  neuf  voyages  parmi  ceux  qui  sont  admissibles 
au  concours ,  savoir  :  un  dans  I'AustraHe ,  deux  en 
Ameinque ,  deux  en  Asie ,  un  dans  I'Europe  orientale  , 
trois  en  Afrique  ;  2°  que  sous  le  rapport  geograpluque 
proprement  dlt,  on  doit  remarquer  les  vovages  de 
M.  Eyre ,  de  M.  Hommaire  de  Hell ,  de  M.  Piussegger 
ct  de  M.  D'Arnaud;  3°  que,  force  de  faire  un  clioix  ,  on 
doit  s'attaclier  principalement  aux  resultats  positifs  des 
decouvertes  consignees  siu'  des  cartes  actuellement'con. 
nues,  ce  qui  s'applique  surtout  a  M.  D'Arnaud  et  u 
M.  Hommaire  de  Hell;  Ii"  enfm  que  ces  deux  voya- 
geurs  sont  ceux  qui  paraissent  remplir  le  mieux  les 
conditions  du  programme.  En  consequence ,  la  com- 
mission est  d'avls  que  le  prix  de  1,000  fr.  soit  partage 
entre  M.  D'Arnaud,  auteur  de  la  carte  de  I'expedition 
du  fleuve  Blanc  (1) ,   ct  M.  Hommaire  de  Hell ,   auteur 

(i)  Nous  ineiitioniions  aussi  M.  Sabalier  cornine  ayanl  roopere 
aux  observalions  asirononii(|Uts  failles  par  M.  irAiiiautl.  M.  Saba- 
lier a  vnit  deja  fait,  quoi(|ue  ii-es  jinine  ,  un  voyage  en  Amerique,  dans 
le  haul  Mississipi,  et  dans  la  iVfjion  des  lacs.  Tinlin,  il  <sl  juste  de 
r.ippeler  avec  les  plus  grauds  eloges  la  premiere  expeditioa  de  Selim 
Buibachi ,  capilaine  de  fregaie  de  la  marine  egyptienne  ,  parvenu  le 
premier  jusrpie  vers  le  6"  degre  de  latitude.  La  Socicle  a  publie  son 
interessante  relation  ,  el  un  taLleau  cxtrait  de  son  ilinei'.iire.  (Voy. 
Piillflriis  i]r  jiullfl.  a'liit  el  sp[iieinbie  iS-Ja.) 


(  268   } 

(Ju  Voyage  an.t   stt'jipi't:  de  la  incr  ('aspiennt' ,  ;»cc«)iuj);)- 
gnt''  (I  uiii-  carte ; 

El  que  (k'ux  mentions  honorables  soient  d^cern^es. 
Tunc  a  M.  Eyre,  pour  son  voyage  en  Australle  m^ri- 
dionalc  et  notamment  au  lac  Torrens ;  Fautre  a 
M.  Joseph  Russegger,  conseiller  des  mines  de  I'enipe- 
reur  d'Aulriche ,  pour  son  voyage  en  Nubie  et  en  Svrie. 

JoMARB,  rapporteur. 
19  avril  1844  (»)• 


Episodk  sur  F  en  tenement  da  cacique  Catiiiji 
dans  r  Jraiicanie , 

V  .\  R    M .     CLAUDE   G  V  V. 

Parmi  ces  nombreuscs  peuplades  d'indigenes  que  la 
bravoure  espagnole  est  parvenue  a  domincr  ou  a  dis- 
perser  dans  les  parties  centrales  du  Nouveau-Monde  , 
aucune  n'a  donne  des  preuves  d'une  plus  audacieusc 
valeur  que  celle  de  ces  fiers  et  orgueilleux  Arauca- 
niens.  Relegu^s  a  I'extremit^  sud  de  I'Amerique  meri- 
dionale,  adoss^s  sur  le  versantouest  de  ces  liautes  Cor- 
dilieres  ,  et  traques  en  quelque  sorte  par  les  etablisse- 

(l)  Lucain,  dans  la  Pliarsale  ,  inliodiiit  Cesar  disant  a  Aclmieu^^ 
fjrand-pretre  dii  Nd  : 

Niliil  est  (|uod  rinsccre  malirii 
Quam  fluvii  causas  per  s.fcida  taiita  IalrTite« 
Ijjnottunque  caput.  Spc*  sit  tndii  rerta  vidcndi  ' 
Niliarns  fontes,  helium  riviie  r('liii(|uaiii. 

Achoreus  K-poiid  : 

Quae  libi  noscpiidi  Niium  ,  Humane ,  cupido  est 
Hapr  Pliariis,  Persis<|ue  fuit,  Rlacediimqui'  (yiaunis, 
Niillaque  non  sctas  voluit  conferre  fiituris 
Notitiani  :  5rd  Tinclt  adhuc  natuia  laicndi. 


(  269  ) 

wienls  et  los  lorloresses  ties  (Uiillons,  ces  inlrepidcs 
gueriiers  ont  su  jusqu'a  ce  jour  faire  resjjecter  Icur  li- 
berie ,  defendre  leurs  fronti^res,  ct  conservcr  uno  iii- 
dependance  que  jamais  la  tactiquc  ingenieuse  de  I'Es- 
pagnc  ni  sa  politique  de  ruse  et  de  perfidie  n'ont  pu 
entainer  :  aussi ,  seniblablesa  ces  societes  qu'un  fana- 
tisme  religieux  a  rendues  stationnaires,  lo  contact  des 
Europecns  n'a  pu  que  faiblement  agir  sur  I'enscndjle 
dc  leurs  mceurs  ,  et  la  douce  influence  de  la  civilisation 
estxesteejusqu'aujourd'bui  muette  et  immobile  devant 
le  prestige  du  patriotisme  et  la  force  de  leur  voloiUe. 

Entraine  dans  ces  loiutaines  regions  pour  y  executor 
<lestravaux  sclentifiques,  particulierement  soutenu  par 
la  protection  gen^reuse  et  eclairee  du  gouvernement 
chilien ,  j'ai  pu  visiter  a  plusieurs  reprises  ces  sau- 
vages  pays,  m'avancer  meme  dans  les  tribus  les  pins 
reculees  ,  et  «^tudier  jusqu'a  un  certain  point  le  carac- 
tere  physique  ct  moral  de  ce  peuple  de  braves.  L'en- 
terrement  du  cacique  Catbiji,  qui  va  faire  le  sujet  de 
cette  lecture  ,  eut  lieu  au  niois  d'avril  de  1835  dans  les 
belles  plaines  de  Guanegue. 

Depuis  quelque  temps  il  n'etait  bruit  dans  toute  I'A- 
raucanle  que  de  la  pompeuse  cercmonie  que  Ton  de- 
vait  faire  a  cet  illustre  delunt  ;  elle  devait ,  disait-on  , 
donner  une  idee  assez  exacte  de  celles  iion  moins 
brillantes  que  Ton  faisait  jadis  lorsque  les  dissensions 
domestiques  suscitces  par  les  guerros  de  I'indi^tpen- 
dance  cbilienne  n'avaient  pas  encore  porte  la  desola- 
tion et  la  famine  dans  cette  belle  coutree.  La  tribu  dc 
Ciuanegue  se  trouvait  alors  dans  une  position  tout  ex- 
.ceptionnellc :  placce  aux  pieds  des  grandes  (iordi- 
lieres,  entouree  de  lorets  impenetrables  ,  et  n'ayant 
j)Our  y  arriver  que  des  senticrs  otroits  ,  entrocoupc's  de 


(270) 

ravins  ut  diint;  rucilecletcnse.  It's  habitants  avaienl  pii 
se  soListralre  aux  ravages  tlo  ces  dissensions  ,  ct  conser- 
vcr  prosque  intacts  ces  norabrcux  Iroupeaux  dc  bes- 
tiaux  qui  font  presque  la  seule  richesse  de  Tendroit , 
et  si  ntVessaiies  dans  ces  series  dc  circonstancos. 

Desirant  assister  a  eette  curieuse  reunion,  jo  m'era- 
barquai  au  mois  d'avril  sur  Ic  grand  fleuve    de  Val- 
divia ,  accompagne  de  trois  domestiques ,  de  quelques 
soldats    et    d'un    interprete    intelligent    que    I'inton- 
dant  avail  mis  a  nion   enti6re  disposition.    Nous  re- 
iiiontames  le   fleuve  jusqu'a   Ariques,  el  de   la   nous 
nous  achcminaraes  vers  un  bois  extrememenl  ej)ais, 
d'un  abord  difficile  et  souvent  impossible.  Un  sentier 
^troit  et  tortueux  nous  permit  dc  le  traverser,  et  nous 
conduisit  dans  les  plaines  de  Guanegue ,  ou  nous  ar- 
rivames  apres  un  voyage  assez  p6nible  de  cinq  jours. 
La  premiere  maison  que  nous  visitames  6tait  ccUe  de 
Liguenpan  ,  frere  du  cacique  decede.  Assis  devant  le 
seuil  de  la  porte ,  et  a  c6t6  de  ses  enfanls  et  de  ses 
fcmmes  ,  occupies  a  filer  et  a  lisser  des  ponchos,   ce 
venerable  vieillard  nous  recut  avec  ce  regard  s6v6re  et 
hautain  qui  devoilait  reternel  mepris  qu'il  avail  pour 
les  blancs.  Aide  du  bras  d'une  jeune  fille,  il  sc  leva, 
et ,  tout  courbe,  il  vint  au-devant  denous,  que  les  ri- 
gueurs  de  I'usage  avaienl  retenus  a  une  cerlaine  dis- 
tance.  II   donna  a   chacun  de  nous   un  salut  indivi- 
duel ,  et  puis  se  laissant  aller  a  cetle  verve  d'dloquence 
qui   leur  donne  tant  d'ascendant  et   fait  un  des  plus 
grands  merites  de  ces  Indiens,  il  p^rora  pendant  plus 
d'une  demi-hcure  sur  noire  bonne  arrivde  ,  sur  noire 
sant6  et  sur  celle  de  nos  parents  el  amis ;  et  puis,  apres 
6lre   enlre  dans  des  details  plus  ou  moins  oiseux ,  il 
passa  la  parole  a  mon  interprete,  dont  le  tliscours.  ton- 


(  271  ) 
jours  SUV  union  catloiice,  nelut  ul  moins  iusigiiifiaiit  ni 
mollis  tastidieux.  Ce  devoir  ronipli  ,  nous  nous  diri- 
gcames  chez  le  fds  du  defunt  ,  le  fameux  Puelpan.  Ma 
premiere  idee  fut  d'avei'tir  mon  interpr6te  dc  prendre 
assez  de  precautions  pour  epargner,  autantque  possi- 
ble ,  le  souvenir  du  triste  evenement  qui  motivait  notro 
visite ;  mais  dans  ce  pays  de  mceurs  simples  el  natu- 
rolles ,  la  mort  n'est  que  le  passage  d'une  vie  de  mi- 
sere  a  une  vie  de  bonlieur  :  aussi  pas  la  moindre  trace 
de  douleur  ne  vint  troubler  notre  bienveillantc  et 
agreable  reception, 

Puelpan  ,  comma  principal  cacique  de  la  tribu  ,  de- 
vait  nalurellement  nous  donner  I'liospitalite.  II  nous  lit 
preparer  une  petite  cabane,  qui,  quelque  malpropre 
qu'elle  fut,  nous  etait  extremement  agrdable ,  puis- 
qu'elle  devait  nous  mettre  a  couvert  de  la  pluie  et  de  la 
rosee.  Mais,  avant  de  nous  congedier,  il  nous  fit  asseoir 
devant  un  long  banc  place  devant  la  porte,  et  bientot 
on  servit  a  cliacun  de  nous  un  grand  plat  de  viande 
que  Ton  venait  de  preparer  a  lour  maniere.  Pendant 
que  nous  mangions,  de  jeunes  demoiselles  pleines  de 
malice  et  de  vivacite  se  promenaient  devant  nous  une 
cruclie  a  la  main ,  et  s'emj)ressaient  de  remplir  nos 
verres  aussitot  que  nous  les  vidions.  La  boisson  qu'elles 
nous  servaient  etait  du  pulco ,  espece  de  biere  faite 
avec  des  fruits  dupays,  etquelquefois  avec  du  maisdont 
ceslndiensfont  un  grandusage.  Puelpanvenaitdetemps 
en  temps  prendre  part  a  ce  modeste  et  sauvage  re- 
pas.  Son  caractere  flexible  et  enjoue  avait  imprime 
a  la  reunion  une  gaiete  qui  contrastait  singulicremcnt 
avec  I'air  serieux  et  ebahi  de  quelques  Indiens  que 
I'esprit  (le  curiosilc  avait  attires  dans  cet  endroit.  Nous 
lestames  inie  partic  de  la  soiree  avoc  notre  genereux 


{'27-2) 

hole  ,  et  puis  nous  lihai's  nous  inslall<'i-  dans   la   liutte 
que  Ion  \cnait  de  nous  prt-paror. 

Le  surlendcniain,  Puclpan  uie  lit  a\Lillr  qu  on  allait 
sc  rendrc  a  la  maison  de  son  pere  pour  comnicncor 
ccttc  pieuso    lL   luniultueusc    ceremonie.    Jo    nionlai 
aussilot  a  clieval  avcc   Ics  personnes  qui  macconipa- 
gnaliMit ,   el   en  lonte  liato  nous  nous  rendiincs  clioz 
Ic  cacique,    entoure  deja  dim    hon  noinbre    de  gul- 
menosou  nobles  qui  devaient  former  son  cortege.  Leur 
niise  6lalt  aussi  singuliere  que  curieuse  :  ils  d'taient  nu- 
pieds ;  deux  ponchos  de  couleurs  varices  et  eclatantes 
couvraient  le  liaut  et  le  has  du  corps,  et  leur  figure  , 
liorriblenient    peinte    et    encadree    par  une    rude    et 
epaisse  chevelure  ,  etail  surmontee  d'un  long  chapeau 
garni  de  j)lunics,  de  fleurs  et  d'autres  objets  assez  bi- 
zarrement     travailles.  Dans    I'cnfance    de   la   civilisa- 
tion, tout  sainplifie,  tout  s'exagere.  Les  gouts,  parccJa 
meme  qu'ils  sont  simples  et  peu  varies,  prennentdans 
certains  moments  undegre  d'expansion  extraordinaire, 
et  nous  portent  aoutrepasser  singuliereuient  leslimites 
de   notre  raison  et  de  nos  iiabltudes.  Ce  desir  capri- 
cieux  se  faisant  plus  partlculierement  remarquer  dans 
le  clioix  et  le  nombre  dcs  ornements,  devait  necessai- 
rement  exercer  dans  cette  circonstance   nne    grandc 
influence  sur  I'esjirit  de   ces  Indiens  ,   et  avait  gagne 
egalement  celui  de  leurs  fcmmes  et  de  leurs  enfants  , 
de  ceux-la  mfimes  dont   I'age  semble  les   i'doigner  de 
toute  id6e  reflechie. 

An  moment  oii  nous  allions  partir,  il  se  presenta 
un  autre  groupe  de  Gulmenes ,  fieres  sommites  de 
cette  paisible  et  laborieuse  tribu.  lis  avaient  porto 
encore  plus  loin  la  passion  du  luxe,  puisqu'ils  avaient 
peint  de  diflerentes  couleurs  leuj.s  fougueux  chevau^. 


(  27r,  ) 
et  les  iivaieut  de  plus  onies  d'uuo  iulhiite  do  tlcurs  ,  et 
quelquelois  d'un  collier  de  grands  grelots ,  ce  qui  don- 
iiait  a  la  cavalcade  uii  caractere  aussi  bruyant  que  va- 
rie.  Ce  lut  au  milieu  de  ces  Indiens ,  ainsi  affubles  et 
ax"in(!!s  de  leurs  longues lances,  que  je  me  rendis  a  I'en- 
droit  de  la  ceremonie.  Lecercueil  place  devant  la  porte 
etait  simple  et  grossierement  travaille  ;  il  etait  compose 
de  deux  canots  places  I'un  au-dessus  de  I'autre  ,  de 
maniere  a  se  fermer,  et  contenaient  le  cadavre  du  mal- 
lieureux  Catliiji.  En  arrivant ,  nous  flmes  ,  tous  reunis 
et  au  grand  galop ,  trois  grandes  courses  autour  du 
tombeau ,  et  trois  autres  laterales  en  poussant  d'epou- 
vantables  liurlements.  C'etait  un  temoignage  de  res- 
pect pour  le  defunt  que  nous  repetames  deux  fois  par 
jour,  le  matm  en  arrivant  et  le  soir  en  nous  separant, 
Ensuite  nous  vinmes  nous  placer  alentour  du  mort 
pour  y  entonner  ces  sortes  de  cuyuntucuns  ou  discours 
cadences  que  deux  interlocuteurs  s'adressaient  reci- 
proquement,  et  qui  avaient  pour  but  de  faire  ressortir 
les  belles  qualittis  de  la  personne  qui  en  faisait  Ic 
sujet.  C'etait,  comme  Ton  voit,  une  veritable  oraison 
lunebre  de  Catliiji  que  tous  les  individus,  divises  par 
])etits  groupes  s'adressaient  mutuellement ,  et  qui ,  par 
une  combinaison  d'actions  et  de  gestes ,  devenait  ex- 
ti'emement  animee  et  pittoresque.  De  grands  verres 
de  poulco  que  leur  versaient  les  jeunes  Indiennes  ve- 
naicnt  de  temps  en  temps  interrompre  cette  scene  de 
douleur ,  et  permettaient  aux  acteurs  de  rendre  hom- 
mage  a  quelque  divinite  en  jetant  par  terre  et  avant 
de  boire  mie  petite  partie  de  cette  boisson,  seul  indice 
de  demonstration  religieuse  que  j'ai  ete  a  meme  d'obser- 
ver  pendant  les  douze  jours  que  dura  cet  cnterremenl. 
Pendajil  que  ces  Indiens  epanciiaient  ainsi  leurs  re- 


(  274  ) 
grels  dans  la  \crM'  cle  Icurs  discoius  ,  le  cacique  sap- 
proclia  till  ccrcueil ,  tenant  a  la  main  une  cordo  ou 
titait  attache  un  monlon  a  livrec  noire  ;  il  perora  a  pen 
pres  uno  deml-henre  avoc  toute  I'exaltation  d'un 
lionniie  forlemont  agite;  et  puis  arracliant  le  cceur  de 
son  animal  ,  il  le  presenta  tout  palpitant  sur  le  cadavrc 
dc  son  malheureux  pere.  Lnc  tcndre  inquietude  so 
laissait  entre\oir  sur  son  visage  rembruni  et  baigne  dc 
quelques  larmes  ;  des  paroles  entrecoupees  sortaient 
avec  peine  de  sa  bouchc  treniblante  ;  et  nous ,  le  occur 
emu,  nous  diiines  repondre  a  ces  sentiments  de  dou- 
leur  par  dc  grands  cacbimis ,  ou  toasts  ,  qui  se  succd- 
daient  avec  une  effrayante  rapidite.  Malgre  raversion 
que  j'avais  pour  cetteboisson  du  pays,  je  dus  me  faire 
violence  et  I'accepter;  car  un  rcbis  ciit  etc  uneinipiete 
pour  Icur  dicu,  un  outrage  pour  le  defunt,  et  un  man- 
que de  ei^ilite  pnur  la  personnc  qui  mc  I'on'rait,  et  qui 
peut-etre  ne  me  I'eut  jamais  pai'donne.  l)u  reste,  sans 
manquer  aux  convenances ,  je  pouvais  seulcment  y 
gouter,  et  puis  jeter  respcctueusement  le  reste  sur  la 
tonibe  de  Cathiji ,  ou  bicn  le  passer  a  quelques  uns  de 
mes  doraestiques  que  j'avais  soin  de  faire  placer  tou- 
jours  derrifere  moi. 

Lorsque  Puelpan  eut  terminc  son  penible  et  dou- 
loureux devoir  ,  six  gulmenes  de  ses  plus  proches  pa- 
rents furent  le  remplacer,munis  cbacun  d'un  animal 
aussi  a  livree  noire,  et  armc^s  de  leurs  longues  lances 
qu'ils  plantercnt  aux  extremites  des  canots.  Bicnlot  ils 
rcnouvclerent  ces  memes  scenes  declamatoires  que 
venait  d'executer  le  bc^ros  de  la  fete  ;  ils  parlaiont  lous 
a  la  fois;  et  a  mcsurc  qu'ils  exprioiaicnt  leur  doidi  or, 
oil  \o\ail  leur  ligure  s'animer ,  se  decomposer,  ot 
prendre  cette  contraction  nuisculairc  occasionnee  par 


(  275  ) 
le  premier  efl'et  de  la  boisson.  Un  d'entre  oux  surtout , 
le  fameux  Liguenpan  ,  se  faisait  rcmarquer  par  les 
avantages  qu'il  reunissait  a  s'altacher  et  a  interesser 
son  nombreux  auditoire.  Dou6  d'un  supcrbe  malntien, 
quoiqu'im  peu  courb^  par  I'age  ,  poss<^dant  une  elocu- 
tion facile  et  une  eloquence  grave  ,  bien  cadenc^e  et 
agr(!'ablemcnt  soutonue  par  un  vrai  talent  raimique  ,  il 
avait  repris  tous  les  feux  de  sa  jeunesse,  etpar  ses  dis- 
cours  toucbants  et  patlietiques  il  avait  imprime  a  la 
soci^te  un  mouvement  de  terreur  et  d'entbousiasmc 
clairement  manifeste  par  de  nombreux  burlemcnts. 
Ce  fut  lui  qui  le  premier  arracba  le  cteur  de  son  ani- 
mal, et,  pousse  par  un  exces  de  zele  ,  et  peut-etre  de 
piet^,  il  le  porta  a  sa  bouche,  et  aspergea  I'air  et  le  ca- 
davre  du  sang  encore  chaud  de  son  innocentc  victime. 
Les  autres  gulmenes  presents  devant  le  canot  suivirent 
en  tout  point  son  exemple,  qui  se  propagea  avec  une 
egale  furie  dans  toute  I'assemblee ,  envieuse  aussi  de 
prouver  ses  regrets  par  de  nombreux  sacrifices.  Dans 
moins  dedeux  heures  plus  de  quarante  animauxfurent 
ainsi  immoli^s  en  I'lionnour  de  Catbiji ,  et  leurs  creurs 
suspendus  a  leurs  lances  accusaient  avec  une  feroce 
verite  le  barbare  prejuge  de  ce  peuple  de  sauvages. 

II  y  avait  de^ja  asscz  longtemps  que  durait  cette 
scene  d'borreur  et  de  carnage,  lorsque  Puelpan  me 
fit  approcber  du  cercueil,  et  commcnca  a  louer  en 
cbantant  le  merite  de  Catbiji  ,  ses  belles  vertus,  et  a 
cxprimer  le  bonbeur  qu'il  eprouvait  de  me  voir  au 
milieu  d'eux.  Sonlangage,  d'aborddoux  et  affable,  de- 
vint  de  plus  en  plus  grave  et  serieux ,  et  iinit  par 
prendre  cette  V(^hemence  que  I'exc^s  de  la  boisson 
rendait  sinon  dangereuse,  du  moins  importune  et  fali- 
gante.    fi'est  alors  que ,   me  presentant  un  des   (\ru\ 


(  27fi  ) 
niouloiis  qu  il  leualt  attaches  a  uiie  coiclf  ,  il  me  dil 
tl'un  ton  iinpi'rioux  dc  lui  arracher  le  coeur  pour  oUVir 
son  sang  aux  niancs  do  son  p6re.  Malgre  ma  volonte 
bion  calculee  de  nie  souraettre  a  toutes  les  exigences 
<le  COS  Jjarbares  ,  je  ne  pus  cependant  me  del'endre 
d'un  mouvonicnt  de  repugnance;  et  sans  expliquerle 
inotil"  de  mon  oniharras  ,  jc  chercliai  a  lui  lairc  com- 
prendre  mon  inhaljilotc ,  inou  manque  d'expiirience 
etiacrainte  dc  nepouvoir  y  reussir.  Cette  excuse  bieu 
naturelle  eut  tros  pcu  de  succes  ;  il  111  vcnlr  uii  de  ses 
mozetons  ou  domestiques,  et  le  cliargea  de  cette  op(5- 
I'atlon  sans  doute  penible  ,  mais  (|ue  leurs  super- 
stitions etleurs  mceurs  sauvages  rendaient  naturelle  et 
agreablc  ;  aussi  dans  moins  de  deux  minutes  je  tenais 
dans  ma  main  cet  organe  encore  cliaud  et  palpitant. 
Le  cacique  avait  aussi  le  sien,  et,  places  dovant  le  ca- 
davre  qui  nous  separait  I'un  de  I'autrc  ,  nous  com- 
mencames  a  eclianger  a  I'aide  de  mon  interpretc  une 
suite  d«  pelits  dialogues  d'aflliction  que  venaient  ani- 
mer  les  nombreux  toasts  qui  accompagnent  ces  sortes 
de  ceremonies.  Tristes,et  cependant  agites,  nous  repan- 
dions  sur  le  cadavre  le  sang  de  noire  victimc  ,  lors- 
qu'un  grand  tourbillon  de  poussiere  vu  dans  le  loin- 
tain  nous  annonca  Farrivce  de  quelque  Irihu  :  c'clait 
ie  cacique  d'Alipen,  avec  tousles  gulmenes  etses  conas 
ou  soldats.  On  s'enrpressa  aussitot  daller  a  leur  ren- 
contre ,  et  pendant  qu'ils  etaient  rctenus  a  une  petite 
distanct!  pour  ecouter  reciproqueniont  leurs  com])li- 
jnents  de  bienvenue,  les  conas  mirent  pied  a  terre  et 
s'approcherenldu  tombeau  en  sautant,  en  faisant  i)raii- 
dir  leurs  lances  ot  poussanl  di  s  luirlemcnts  lerribles. 
Sur  cette  londx'  on  a\ait  place  a  la  bate  une  grandc 
quanlile  de  \ascs  remplis  de  boisson  ,  doni  s'einj)are- 


[  577  ) 
i'onl  Ic's  coiias ;  d  apr^s  les  avoir  portes  pr^s  de  leurs 
chevaiix  ot  apres  uiic  nouvoUe  ctiiremonic   toutc  mili- 
taire  ,  ils  burent  cctte  boisson  et  report^rent  les  vases 
a  I'endroit  ou  ils  les  avaient  pris. 

Cette  tribu  n'avait  pas  encore  tcrmlne  les  courses 
d'usagc  ,  qii'une  seconde  tribu  ,  puis  une  troisi^me  , 
coinposees  cliacune  de  plus  de  clnquantc  personnes, 
se  presenterent  dans  cette  reunion,  singulierenient  agi- 
tee  par  le  grand  nombre  d'arrivants.  Puelpan  s'apercut 
bientot  que  I'enceinte  n'etalt  pas  assez  grande  pour 
contenir  tant  de  monde  ;  et  pensant  qu'une  plaine 
voisine  serait  beaucoup  plus  convenable  ,  il  se  deoida 
a  y  faire  porter  les  canots.  Ce  furent  les  gulnienes  les 
plus  respectables  par  leur  position  qui  furent  charges 
de  ce  pesant  fardeau  ;  moi-nieme,  je  ne  pus  m'empe- 
cher,  par  deference  poiu-  mon  bote  ,  de  m'associer  a 
leurs  genereux  efforts,  tandis  que  les  autres  gulmenes 
et  conas,  au  nombre  de  plus  de  quinze  cents,  suivaient 
a  cheval  le  convoi ,  en  poussant  des  cris  qui  allalent  se 
confondre  avec  les  lamentations  d'une  troupe  de 
femmes  chargees  de  pleurer.  Nous  aiTivames  bientot 
dans  une  belle  plaine  au  milieu  de  laquelle  fut  depose 
le  monument  de  cette  funebre  fete.  Jamais  paysage 
ne  s'est  dessine  avec  plus  de  luxe  et  plus  d'effet  :  dans 
le  bas  on  voyait  un  magnifique  lac ,  borde  d'arbres 
extremement  touffuset  parseme  d'iles,  couvertes  d'une 
vegetation  toute  tropicale  ,  et  en  avant  les  immenses 
Cordili^res  a  rocliers  fortement  accidentes  et  sur- 
montes  de  pics  plus  ou  moins  aigus  et  converts  de 
leurs  manteaux  d'hiver.  Le  volcan  de  la  Mlla  -  Rica 
dominait  tous  ces  pics,  comme  un  geant  au  milieu 
de  pygmees  ,  et  animail  le  tableau  par  les  epaisses 
fumi^es  qui  sortaicnl  constammenl    de   son    cratere. 


(  -278  ) 

Mais  cc  qui  i'aniinait  encore  davantago  ,  c't^aient  cos 
singuliers  et  variesJ  ivertissenients  aiixqiiels  se  li- 
vrait  toulo  colto  po|nilace  prise  dopuis  longleinps 
de  boissoii.  Monies  loujours  sur  lours  clievaux  I'ou- 
giieux,  ils  se  laissaient  aller  au  penchant  de  leur  in- 
clination ;  les  uns  occupds  a  declamer  avec  une  verve 
toujours  croissante,  les  autres  a  faire  exdcuter  a  leurs 
clievaux  admirablement  bien  instruits  ces  danses  ,  ces 
voltes  et  ces  gambados  qui  ont  lanl  (.h'  charmes  sur 
I'osprit  de  ces  naturels.  ^  ers  les  cinq  Leures  ,  la  c6re- 
monie  se  tormina  par  do  grandes  courses  faitos  en 
riionneur  da  dofunt  ,  ol  auxquolles  priront  part  tons 
les  Indiens,  sans  distinction  d'uge  ,  do  classo ,  ni  de 
condition. 

Lo  londoniain,  nous  fiunos,  connne  dc  coiitunio,  de- 
jeuner chez  le  cacique,  ol  ensuilo  nous  nous  rendimos 
au  Curu-Caliuin  ou  lieu  de  I'eunion.  Presque  tons  les 
invites  s'y  lrou\aicnt  deja,  occupes  a  sacrifier  on  I'bon- 
neur  du  mort  des  animaux  domestiques,  ou  a  conti- 
nuer  ces  sortes  de  voltes  extraordinairenient  appreciees 
parnii  eux.  Plus  do  cinquante  fonunos  assises  par  terre 
et  aulour  do  la  lombo  poussoront  a  noire  arrivee  de 
grands  gemissements ,  et  les  continu6rent  jusqu'apros 
avoir  termlne  nos  six  courses  de  rigueur.  Depuis  la 
voille,  lo  nombre  des  Indiens  s'^tait  considorablemont 
accru,  otde  temps  on  temps  il  arrlvait  d'autrosgroiq)es 
qui  venaient  iniprimor  un  nouveau  mouvement  a  celte 
bruyante  c^remonie.  Apres  quelquos  toasts  portes  en 
riionneur  du  del'unt,  j'allai  ni'asseolr  sur  un  banc  ou 
la  vue  s'etendait  sur  toute  cette  sc^ne  de  deuil.  Les  ca- 
ciques vinrent  bientot  m'y  irouvor,  los  uns  pour  mo 
donnor  de  simples  lomoignagcs  d'oslimo  el  d'ainitie, 
les  aulros  ptuii  meporlor  tpii-lqui  s  presents ,  rpii  ron- 


(  279  ) 

sistaicml  on  fruils ,  vianfle  riiito,  ot  surtoul  bcaucou|> 
de  cette  boisson  dii  pays  dont  ils  sont  si  avides ;  im 
d'entre  eux  nie  presenta  nieme  un  jeune  veau  destine 
a  etre  sacrifie.  Quoiqu'un  pen  plus  habitue!;  h  ces  bar- 
bares  c(!!remonies,  ma  repugnance  otait  toujours  la 
meme  ,  ct  cc  fut  avec  une  6gale  anxiete  que  je  m'appro- 
chai  pour  la  seconde  fois  de  ce  canot.  Le  regard  de 
mon  Indien  n'etait  ni  moins  grave  ni  moins  anime  que 
celui  de  Liguenpan;  sa  voix  haute  et  sa  declamation 
noble  et  passionn^e  pretaient  une  force  toute  particu- 
liere  a  sa  sauvage  eloquence,  et  donnaient  a  ses  paroles 
d'amitlt^  un  esprit  de  conviction  qui  m'eut  facilement 
entrain^  si  je  n'eusse  ete  arrets  par  des  antecedents 
contraircs.  Mon  interj^retc,  place  a  cote  de  moi ,  repon- 
dalt  avec  une  volubilite  extraordinaire  aux  eloges  que 
me  prodiguait  mon  politique  declamateur.  Mais  sa 
voix  fut  bientot  etouffee  par  les  terribles  hourra  d'une 
troupe  de  nouveaux  arrives,  cjui  vinrent  danser  autour 
de  nous  et  de  la  tombe.  Dans  ce  moment  je  ne  pouvais 
m'empecher  de  faire  de  bien  tristes  reflexions  sur  tout 
ce  qui  m'entourait  :  les  cris  ou  plutot  le  glapisseniont 
de  ces  danseurs  a  figure  hideusement  peinte  et  cachee 
en  partie  par  leur  longue  et  epaisse  chevelure ,  la  vue 
de  tant  de  sang  repandu  sur  les  canots,  et  do  tons  ces 
cceurs  attaches  sur  les  lances,  les  clameurs  a  peu  pres 
continues  des  pleureuses,  les  bras  et  quclquefois  la 
figure  ensanglantee  de  tous  ceslndienspris  de  boisson, 
les  horribles  mugisscments  des  victimes  que  Ton  ne 
cessait  d'immoler,  Ic  tableau  cnfin  de  cette  ceremonie 
qui  tombait  jusqu'au  cynisme  de  I'orgie ,  tout  cela  a\ail 
frappe  mon  imagination  de  crainte  et  d'horreur,  el 
me  faisait  conteinpler  avec  une  sourde  inquietude  un 
spectacle  oil   I'ivresse   la   plus  complete  pouvait  faire 


(  280  ) 
oiiblier  aux  acteurs  leur  belle  vorlii   hospitaliero,   el 
leur  rappclcr  cettc  haine   instinctive  qu'ils  out  centre 
les  blancs. 

Les  autrcsjours  lurent  employes  ;i  d'autres  divertis- 
sements, que  leur  vive  emotion  savait  varier  a  I'infini; 
mais  en  general  c'etaient  les  exercices  a  cheval  qui  les 
preoccupaienl  de  ])reference,  et  ils  s'y  livraient  avec 
tout  i'enthousiasme  dune  jiassion  illimitee  ,  tantot  par 
petits  groupes ,  tantot  en  masse ,  et  simulant  alors  des 
attaques,  des  batailles,  et  ex(^cutant  avec  une  martiale 
ardeur  les  evolutions  les  plus  bizarres  et  les  plus  difTi- 
ciles.  C'est  ainsi  que,  dans  une  retraite  simulee,  j'ai 
vu  tous  ces  etonnants  cavaliers  se  pencher  presque  in- 
stantan^ment  sous  Ic  ventre  de  leurs  clievaux,  encore 
dans  tout  le  t'eu  de  leur  course  ,  et  nc  presenter  qu'une 
faiblc  partie  d'une  jambe  sur  le  milieu  de  leur  selle. 
D'autres  fois ,  ils  Iranchissaient  en  sautant  de  grands 
et  profonds  fosses ,  ou  bion  des  murs  assez  larges  et 
plusou  moins  dev<^s,  et  ils  donnaient  a  cet  egard  des 
preuves  d'une  solidite  et  d'une  adresse  d'autant  plus 
extraordinaires ,  que,  sous I'influence  de  leur boisson 
prise  a  I'exces,  ils  ne  pouvaient  agir  ni  avec  prudence 
ni  avec  jugement.  Aprt>s  ces  exercices,  qui  se  r(!'p(^- 
taient  assez  souvent,  tous  ces  Indiens  venaient  se  n'-u- 
nir  autour  du  lombeau ,  et  recommencaient  leurs 
cuyuntucuns  avec  leur  vebemence  accoutumee,  cban- 
tant  et  buvant  a  longs  traits  ces  grands  vases  de  poulco 
que  leurs  femmes  ou  filles,  toujours  a  c6t6  d'eux,  ne 
cessaient  de  leur  verser. 

11  y  avait  deja  douze  jours  que  le  Curu-Cabuin  durait 
avec  tous  les  caprices  d'une  civilisation  ebaurhee,  lors- 
qu'on  se  d^cida  a  aller  enterrer  le  cadavre.  (le  rincnt 
encore  les  caciques  rt  les  gulmenes  les  plus  distingues 


(  281  ) 

qui  furent  cliarg(^s  et  honores  cle  ce  devoir,  et  dans 
leur  marclie  fiere  et  arrogante  ils  ^taient  suivis  de  toute 
la  foule  ,  au  bruit  de  leurs  tutucas  et  autres  instruments 
plus  oumoinsdlscordants.  Place  au  liaut  d'une  colline, 
je  contempiais  avec  une  inqui^te  curiosit(^  cette  scene 
de  gaiete  et  de  m(!'lancolie  ,  lorsqu'un  cacique  vint  me 
chercher  pour  participer  a  cette  procession  ,   que  la 
fougue  des  chevaux,  le  desordre  des  rangs  et  I'ivresse 
desconas  ne  laissaient  pas  sans  dangers.  Je  ne  pus  me 
soustraire  a  cette  invitation ,  et  bientot  je  nio  trouvai 
confondu  pele-mele  au  milieu  de  tous  ccs  Indiens  si 
bizai'rement  costumes ,  et  si  fortement  agites  par  suite 
de  tant  d'exercices  et  de  tant  de  boissons.  Leur  regard 
severe  et  empreint  de  cette  audace  sauvage ,  rc^sultat 
d'une  vie  rude  et  turbulente,   donnait  a  leur  physio- 
nomie  une  expression  d'elTroi  que  venaient  augmenter 
leurs  cris  lugubres  et  presque  continus.  Arrlviis  a  I'el- 
tun  ou  cimctit?re,  on  placa  le  canot  au   milieu  d'un 
grand  i^ond  circonscrit  par  la  foule  ;  les  parents  du  de- 
funt  descendirent  de  cbeval,  et  vinrent  j)rendre  place 
aupres  de  ce  canot,   qui  Tut  bientot  entour^  par  trois 
duguls  ou  devins  couverts  de  grands  ponclios  rouges. 
Dans  ce  moment ,   toute  cette   entliousiaste  populace 
etalt  sous  rcmpii-c  le  plus  serieux,  regardant  avec  un 
recueillement  presque  religieuxle  tombeau  do  Cathiji, 
qui  allait  dlsparaitre  pour  toujouis  sous  un  monceau 
de  terre.  Ce  recueillement,  au  milieu  du  silence  le  plus 
profond  et  dans  un  pays  si  sauvage,  avait  quelque  chose 
de  toucbant  et  de  myst(^rieux;   11  semblalt  denoter  un 
mouvement  de  lame   vers  une  pens^e  rellgieuse ,   et 
contredisalt  ^tonnammentrespeced'indilTc^i^cnce  qu'ils 
avaient  signalee,  a  cet  ^gard,  pendant  toute  la  cerimonie 
duCuru  -Cabuin.   Les  devins   murmurerent  d'abord  a 
I.    Avnii,.    3.  19 


(  282  ) 

voix  basse  des  paroles  sans  douto  maj^iqucs,  puis  en- 
toiin^rcnt  un  chant  cadence  de  douleur  qu'ils  s'adres- 
saient  reciproqucment,  et  donnaicnt  ainsi  lieu  a  une 
veritable  trilogic ,  singuliercment  animee  par  I'exalta- 
tion  dc  leurs  gestes  ct  la  vohenipiice  de  leurs  discours. 
Lne  dcrniere  victimc  Tut  iiamolec  sur  la  tonibc ,  et 
aprds  y  avoir  d6pos6  son  cocur,  des  viandes  cuites  et 
quclqucs  cruclies  de  boisson,  on  la  couvrit  d'un  grand 
canot,  et  chacun  a  son  tour  vint  \  jeter  une  petite  quan- 
tity de  terre,  pour  y  former  an  tumulus  presque  en 
tout  semblable  a  ceux  que  les  anciens  elevaient  sur 
leurs  sepulcres. 

Telle  fut  cette  c^rdmonie  de  deuil  et  de  pleurs ,  et 
que  I'esprit  sauvage  des  Araucaniens  et  leur  conviction 
pour  le  depart  d'un  sejour  plus  heurcux  ont  chang^e 
en  divertissements  en  lui  donnant  le  caractere  d'une 
grande  fete ,  presque  la  seule  qui  soit  chomee  parmi 
eux. 


Notice  Gi-ocRAPHigrE  sir  le  kourdistan. 


La  contrcc  appel^c  aujourd'luii  Kourdistan  par  les 
Orientaux  comprend  la  vaste  <^tendue  de  pays  que 
les  anciens  appolaicnt  Grande  ct  Petite  Medie ,  et  le 
royaumc  d'Assyi'ie  jusqu'a  Mossoul  ou  Ninivc.  Le 
Kourdistan  se  divise  en  deux  provinces  appeloes,  I'une 
le  Kourdistan  turc  (I'Armenie  majeure  ) ,  IMt^die  Atro- 
patene  ,  le  pays  des  Carduques  ,  qui  s'etend  du  Cau- 
casc  a  I'Euplirate  ,  et  qui  est  borni!;  au  sud  par  le  fleuve 
Zab  et  le  mont  Zagros,  ct  I'autre  le  Kourdistan  per- 


(  283  ) 

san ,  qui  comprend  le  pays  des  Bactyaris  et  une  partie 
de  rirak. 

Depuis  que  les  relations  entre  I'Europe  et  la  Tur- 

quie  ont  pi'is  plus  d'etendue  ct  offrent  plus  dc  s^curite, 

les  travaux  des   \oyageurs  europ^ens  ont  consid^ra- 

blement   avance  la  connaissance  de  la  geographie  du 

Kourdistan   turc  ;  mais  jusqu'ici  les  tentatives   faites 

pour  explorer  la  cliaine  du  mont  Zagros ,  la  Suziane 

et  le  Laristan  pcrsan   ont  ete  entravees  par  les  plus 

grandes  difficultes.  Les  travaux  du  major  Ravvlinson  et 

les  voyages  plus  recentsdeM.  Auguste  Desbordesontce- 

pendant  fait  connaitrc  une  partie  do  la  contree  situee 

entre  lemontZagrosetSchouster.Lapopulation,presque 

entiei'enient  composde  de  tribus  ei'rantes  de  Kourdes , 

d'lliauts  et  de   Backyaris,   s'habituera  peu  a  pcu  a  la 

presence  des  voyageurs  eurojseens.  ]\lais  a  I'epoqueou 

nous  parcourions  la  Perse  ,  en  1839  et  iSZjO  ,  tout  le 

pays  compris   enlre  Rirnian-Schah  et  Scliouster  etait 

absolument  interdit  aux  etrangers. 

Quel  que  soit  le  point  de  vue  sous  lequel  on  consi- 
dere  I'un  et  I'autre  pays ,  le  Kourdistan  turc  offre  un 
bien  plus  grand  interet  que  celui  de  Perse  par  son 
histoire  ancienne ,  par  son  etat  present  et  par  le  con- 
tact des  provinces  conquises  par  la  Russie  ,  et  qui  sont 
composees  en  grande  partie  d'liabitants  enleves  aux 
villes  et  aux  villages  dc  la  Turquie ,  a  la  suite  de  la 
guerre  de  1829. 

Sous  le  rapport  de  la  geographie  pliysique ,  I'oro- 
gi'apbie  de  celte  contree  a,  des  les  siecles  les  plus  recu- 
les,  frappe  I'imagination  des  pcuplcs.  Quatre  beaux 
fleuves  descendant  de  ces  plateaux  eleves,  vont  porter 
la  fertilite  dans  les  dcscrls  arides  ,  ct  jettent  le  tribut 
de  leurs  eaux  a  trois  mers  differentes.  Le  colosse  de 


(  284  ) 

I'Ararat,  couronnant  la  contr^o  tie  ses  nciges  eter- 
nellcs,  restc  encore  dans  la  veneration  dos  habitants 
comme  le  premier  point  dii  globe, oil  la  famille  sauvee 
du  deluge  a  pose  le  pied  aux  portes  de  I'arche ;  et  les 
moines  armeniens  assurent,  dans  leur  naive  croyance, 
que  la  nef  sacr^e  qui  prot^gca  la  famille  dcs  premiers 
patriarches  existe  encore  au  sommet  de  la  montagne, 
Ainsi,  a\ant  que  les  sciences  physiques  soient  venues 
porter  leurs  instruments  dans  ces  I'dgions,  la  tradition, 
d'accord  avec  la  verity ,  les  signalc  comme  le  point 
culminant  de  cette  partie  de  I'Asie.  C'est ,  en  effet , 
vers  ces  latitudes  que  le  Taurus,  ce  baudrier  de  la 
terre,  selon  Fexpi^ession  dos  giographes  anciens,  vient 
se  joindre  au  groupe  du  Caucase  pour  redescendre 
ensuitc  vei's  le  sud,  et  aller  se  fondre  dans  les  pla- 
teaux de  TAlganistan.  Tout  le  systemede  I'orographie 
de  I'Asie-Mineure  derive  de  cette  construction  ,  qui  se 
pr^sente  sous  les  plus  nobles  traits,  fomiant  un  rayon- 
nement  de  belles  vallccs  bien  arrosees  qui  descendent 
par  des  etages  successifs  jusqu'au  bord  de  la  mer ,  et  , 
^a  et  la ,  des  bassins  isol6s  renfermant  des  lacs  sal^s  , 
v^ritables  mors  interieures,  elevees  de  1,600  a  1,800 
metres  au-dessus  de  la  mer  Noire. 

L'action  des  feux  souterrains,  principc  de  rcl(^vation 
extraordinaire  de  toutes  ces  plaines  au-dessus  du  ni- 
veau dcs  mers,  se  manifeste  a  chaque  pas  dans  toute 
I'ctendue  du  pays  ,  et  les  traces  les  plus  r6ccntes  des 
volcans  modernes  portent  a  croire  que  si  la  tradition 
des  6v6nements  vulgaires  s'etait  perp6tu(!!e  aussi  bien 
que  colle  dcs  faits  de  I'histoire  sacr6c  ,  les  habitants 
pourraient  dire  que  leurs  ancetrcs  out  assist^  a  do  puis- 
santes  eruptions  volcaniques. 

Ln  pays  dune  nature  aussi  s6v^re  doit  eire  habite 


(  285  ) 
par  des  peuplesindoniptables  ;  c'est,  en  effet,  le  carac- 
t(l!re  dominant  de  cette  nation  des  Kourdes ,  descen- 
dants des  Carduques,surlesquelsla  puissance  romaine, 
la  tyrannic  dc  Mithridate ,  la  politique  d'Alexandre , 
la  patience  des  dlx  mille  Grecs  n'ont  jamais  pu  exercer 
aucmie  action  de  quclque  duree. 

Les  guerres  intestines  ,  I'esprit  d'indi^-pendance  sau- 
vage  ont  seuls  detruit  I'unite  de  cette  nation,  qui  n'est 
aujourd'hui  soumise  que  de  nom  a  la  puissance  des 
Osmanlis. 

En  parcourant  le  pays,  on  est  frappe  a  chaque 
instant  par  les  souvenirs  vivants  des  traditions  de  la 
haute  antiquite.  On  trouvo  encore  aux  environs  de  Tre- 
bizonde  ce  miel  v^n^neux  dont  I'usage  fut  si  fatal  aux 
soldats  de  Xenoplion ;  les  maisons  des  beys,  toutes 
construites  de  grosses  pieces  de  bois ,  avec  des  meur- 
trieres  pour  fenetres ,  rappcllent  encore  les  tours  des 
Mosynreci ;  la  coiffure  exhaussee  des  montagnards  res- 
semble  a  la  cyrbazie  des  anciens  Medes,  et  partout 
dans  les  villes  on  trouve  quelque  ruine,  temoignage 
de  I'antique  splendeur  de  ce  royaume  d'Assyrie  dont 
les  derniers  debris ,  exhumes  a  Ninive  par  un  consul 
frangais  ,  viennent  etonner  le  monde  savant  par  la  per- 
fection du  travail  et  I'ingenieuse  apj)lication  de  la  pein- 
ture  aux  bas-reliefs.  Quelques  pages  d'un  journal  ecrit 
pendant  un  sejour  dans  les  diverses  provinces  du  Kour- 
distan ,  nous  introduiront  dans  la  vie  actuelle  des 
Kourdes ,  et  peindront  mieux  que  tout  autre  recit 
I'etat  de  la  contree. 

En  partant  de  Tr6bizonde  pour  se  diriger  vers  lest , 
le  pays  s'exhausse  rapidement ,  et  en  deux  jours  de 
route  on  arrive  au  col  elev6  de  Kara  Ka])an  (  la  portc 
noire)  ,  eleve  de  I8O/1  metres  au-dcssus  du  niveau  de 


(  286  ) 

la  iner;  a  parlir  de  ce  point,  on  reste  toujours  a  une 
hauteur  qui  varie  entre  1800  ct  2,500  mt'tres  clans 
toute  I'etcndue  de  la  Perse  et  de  la  Turquic  ,  c'est-a- 
dire  depuis  Kars  jusqu'a  Persepolis,  et  depuis  Is- 
pahan jusqu'a  Kutaya,  roxhaussemont  extreme  des 
plaines  tempere  la  chalour  de  cos  conlrees,  et  quand 
on  s'avance  vers  le  sud ,  on  part  de  Schiras,  oiile 
dattier  ne  croit  point,  ou  I'orangcr  a  peine  a  venir  en 
pleine  terre  (c'est  cependant  la  latitude  du  Caire)  ,  on 
passe,  en  Janvier,  dans  la  neige  le  col  de  Derst-Argin  , 
et,  apr6s  avoir  dprouve  un  froid  de  10  degres,  on  est 
pr(!!cipite  en  quelques  heui'es  dans  une  region  ou  le 
dattier  porte  des  fruits  et  oii  la  temperature  en  hiver 
descend  a  peine  a  z6ro. 

EnpartantdeTrcibizonde,  toutleterrain  environnanl 
est  d'origine  volcanique.  Apres  avoir  reraonte  le  ruis- 
seau  de  Dermen-Dere  jusqu'a  sa  source  ,  on  arrivQ  au 
Koulabat-Dagh  qui  foi'mc  la  limite  .  entre  I'ancien 
royaume  de  Pont  et  laColchide.  Depuis  le  khan  de  Kara- 
kapan  jusqu'au  sommet  du  mont  Koulabat  ,  le  terrain 
se  compose  de  trachytes  d'une  couleur  rougeatre  , 
d'une  nature  poreuse.  et  sans  homogeneity.  Dans  cer- 
taines  parties  le  sol  presentc  un  aspect  teri'eux  ct  jau- 
natre  qu'un  examen  attentif  fait  reconnaitre  pour  du 
trachyte  ,  decompose  probablement  par  suite  de  la 
desagregation  des  principes  de  son  feldspath.  Au  som- 
met du  Koulabat ,  on  voit  surgir  un  schiste  vert  qui 
repose  sur  le  granite  ;  mais  cette  derniere  roche  ne  se 
montre  qu'au  sommet ,  et  lorsque  nous  passames ,  elle 
se  trouvait  irop  cach^e  par  la  neige  pour  qu'il  fut  pos- 
sible d'en  examiner  la  formation. 

Tout  1 'aspect  de  ce  pays  est  triste  et  aride.  Les  vil- 
lages peu  nombreux  ([uo  Ton  rencontre  se  composent 


(  287  ) 

de  ch^tives  maisons  en  pierrcs  ,  couvertes  en  terrasse  , 
et  dans  lesquellcs  les  habitants  vivent  pele-niele  avec 
leurs  bestiaux.  Tout  Ic  pays  est  trop  peu  fr6quent6  par 
les  cai'avanes  pour  etre  dangereux.  Les  bandits  n'y 
trouveraient  pas  a  exploiter  leurindustrie.  Les  carava- 
nes  qui  viennent  de  Test  pour  se  rendre  a  Trebizonde 
passent  ordinairement  par  Gumuch-Hane  (fabrique 
d'argent),  ainsi  nommee  des  mines  plombo-argenti- 
feres,  que  Ton  exploite. 

Cette  ville  marche  a  un  accroissement  rapide  ,  mal- 
gr6  le  grand  inconvenient  que  fera  toujours  eprouver 
pour  I'exploitation  de  ces  mines  la  disette  de  combus- 
tibles. Le  charbon  de  bois  qui  sert  a  I'entretlen  des 
fourneaux  est  apporte  a  dos  d'ane  de  deux  et  trois 
journees  de  distance.  La  Porte  a  envoye,  il  y  a  peu  de 
temps,  des  ingenieurs  europeens  pour  examiner  I'elat 
des  mines  i  et  d'apres  leur  rapport  ,  on  pourrait  reti- 
rer  du  minerai  une  bien  plus  grande  quaritite  d'ai^gent 
qu'il  n'en  produit  aujourd'liui. 

Avantd'arriver  a  Baybouth,  nous  li^aversons  un  em- 
branchement  de  trois  vallees  qui  sont  toutes  bornees 
par  des  montagnes  a  flancs  verticaux.  L'unc  d'elles 
encaisse  la  i-iviere  dc  Tcharock ,  aussi  appelee  riviere 
de  Baybouth,  lefleuveBatliys  desanciens.  Baybouth  est 
situ^e  sur  cette  riviere.  Ce  fut  jadis  une  ville  conside- 
rable ,  mais  aujourd'hui  elle  contient  a  peine  2,000 
maisons,  Un  grand  gisement  de  calcaire  oolithique , 
qui  sc  trouve  au  couchant  sur  la  rive  droite  de  la  ri- 
viere ,  a  fourni  aux  habitants  des  materiaux  abondants 
d'une  roche  facile  a  tailler  et  dune  durete  moycnne  : 
aussi  cette  petite  ville  a-t-elle  encore  ,  malgre  ses  dii- 
sastres ,  un  aspect  de  proprete  et  d'aisance  peu  com- 
mun. 


(  288  ) 

Les  tribus  qui  font  des  excursions  clans  cette  partie 
do  I'Aiinenie  ne  sont  pas  coniplotcnKMit  noniades ; 
leurs  villages  sont  situes  dans  Ics  plaines  de  Moucli  et 
deBidlis.  ]\Iais,au  printcmps,ellespartcnt  en  omjiortant 
leurs  tentes  noires ,  ct  enimenant  leurs  troupeaux  et 
leurs  enfanls ,  pour  aller  camper  dans  les  bautcs  val- 
ines de  I'Euphrate.  Cost  pendant  cetle  saison  que  les 
liommes  se  livi-ent  au  brigandage ,  inais  en  amateurs 
et  pour  leur  plaisir,  car  ils  passent  pour  Ires  bonneles 
et  tres  bospitaliors  quand  ils  sont  dans  leurs  demeures 
d'hiver.  Se  tenant  a  railVit  de  tons  les  ev6nements  de 
quclque  importance  qui  ])euvcnt  amcner  une  rupture 
enlre  les  diiFerentes  autorites,  ils  prolilent  de  cette 
circonstance  pour  declarer  de  leur  propremouvement  la 
guerre  a  Tun  oua  lautre  parti.  Les  bostilitcsquidcpuis 
quelque  temps  existaient  entre  Khan-Mabmout  et  les 
pacbas  d'Erzeroum  et  de  Van  dtaient  en  ce  moment  le 
pietextede  leurs  incursions.  Quand  ilsne  ti'ouvent  pas 
de  resistance,  ils  se  contentent  d'emmenerles  bestiaux; 
mais  si  la  maison  ,  si  le  village  sur  Icquel  ils  s'abattent 
fait  la  moindrc  opposition ,  alors  il  nest  pas  de  vio- 
lences dcvant  lesquellcs  ils  reculont  pour  arriver  a  leurs 
fins. 

Lne  beure  avant  d'arriver  a  notre  station  ,  nous  tra- 
versonsles  ruincs  dun  village  arm^nien  nomme  Azap; 
il  est  complc'temcnt  desert,  tons  les  babitants  avant^te 
emmen^s  par  les  Russes  dans  la  province  d'Erivan.  On 
nesaitpas  au  juste  le  nombre  de  families  qui  ont  emigre 
a  la  suite  de  cette  guerre.  Bien  que  les  rapports  olTiciels 
aient  toujours  dll  que  les  chretiens  etaient  partis  de 
bon  gre  a  la  suite  de  I'armee,  los  Armenicns  qui  res- 
tent  demenlcnl  cette  assertion,  et  dlsenl  que  leurs 
corellgionnaires  onl  cede  plus  souvenl  a  une  sorle  <\v 


(  289  ) 

violence  morale  et  a  des  promesses  qii'oii   a  oubllees 
dfes  qu'ils  ont  mis  le  pied  sur  le  territoii'e  de  Russie. 
Ceci,  du  I'este ,  s'est  fait  en  vertu  de  ces  antiques  lois 
de  la  guerre  ,    qui  sont   restees  en   Asie    ce  qu'ellcs 
^taient  du  temps  des  plus  anciens  peuplos.  Lorsqu'une 
ville  etait  prise,  les  habitants,  parques  comme  des  trou- 
peaux,  etaient  envoy es  pour  remplir  quelque  nicopo/cs 
qu'il  plaisait  au   vainqueur  de  fonder ,   ou  pour  aug- 
menterla  population  d'une  capitale.  C'est  ainsi  que  les 
Armeniens  ,  habitants  de  Malalia,  apres  avoir  vu  leur 
ville  detruite  par  Constantin-Coj^ronyme  ,  furent  en- 
voyes  en  masse  a  Constantinople  pour  repeupler  cettc 
capitale.  Le  roi  de  Perse,  Schah-Abbas,  emmena  a  Is- 
pahan une  nombreuse  colonie  armenienne  des  bords 
de  I'Araxc. 

L'empereur  de  Russie  ,  en  voulant  faire  tout  dun 
coup  de  la  ville  de  Gumri  une  place  de  premier  ordre, 
agit  en  cette  occasion  moins  comme  un  monarque 
europeen  que  comme  vainqueur  asiatique.  Le  jour  oil 
nous  quittions  le  village  de  Zars,  nous  rencontrames 
sur  notre  route  un  convoi  de  ces  families  arm^niennes 
au  nombre  de  300,  qui,  peu  satisfaites  de  leur  sejour 
dans  les  Etats  russes  ,  preferaient  rentrer  sur  le  terri- 
toire  musulman  pour  aller  reprendre  le  chetif  patri- 
moine  qu'elles  avaient  abandonne.  C'etaitun  spectacle 
melancolique  et  touchant  de  voir  ces  pauvres  gens 
ruines  par  la  guerre  venir  de  leur  plein  gre  se  remettre 
sous  le  joug  musulman,  n'ayantpas  trouve  dans  leurs 
coreligionnaires  les  egards  que  meritaient  leur  posi- 
tion et  la  confiance  qu'ils  avaient  montree.  Chaque 
famille  voyageait  avec  un  araba  ,  chariot  massif  traln^ 
par  une  paire  de  boeufs.  Les  femmes  et  les  \ieillards 
('•taieni  assis  sur  la  volUne,  qui  (itait  couvcrte  de  tapis. 


(  290  ) 

Les  bceufs  qui  Irainaiont  le  char  poitaienl  en  luemc 
temps  des  sacsd'orge  et  de  farine  ;  quelquos  ustensiles 
do  cuisine  en  airain,  des  armes ,  des  vases  de  bois  pour 
contcnir  I'eau  ,  Ics  berceaux  des  enfants ,  la  volaillo  , 
les  vetomcnls  qui  s6chaient;  tout  cela  »^talt  suspendu 
aux  montautsduchar  et  a  I'arri^re.  Leshommesvalides 
et  les  jeunes  gens,  arni^s,  les  uns  d'armos  defensives  , 
les  autres  d'instrunients  d'agriculturc ,  comnic  des 
faux  et  des  faucilles  ,  cheminaient  a  pied ;  suivaient 
quclques  clievaux  et  des  vaches  egalcmenl  charges. 
Le  soir,  on  faisait  halte  pres  d'un  ruisseau.  Les  femmes 
prcparaient  le  ropas ,  ct  Ton  dorraait  a  la  grace  de 
Dieu  jusqu'au  lendemain.  Les  Armeniens  avaient  fait 
huit  journ^es  de  marche  pour  arriver  ou  nous  les  ren- 
contranies ;  mais  nous  ne  pilmes  savoir  positlvement 
de  quel  lieu  ils  vcnaient,  ni  comment  ils  avaient  pu 
franchir  la  frontid^re. 

Jamais  spectacle  ne  ma  domic  uiio  idee  plus  parfaite 
de  ce  que  pouvaiont  etrc  les  migrations  des  peuples  dans 
les  temps  primitifs,  ces  invasions  debarbares  qui  trans- 
portaient  d'un  bout  du  monde  a  I'autre  leur  race,  leur 
langue  ,  leurs  usages,  marcliant  devant  eux  sans  savoir 
au  juste  ou  ils  allaient,  sejournant  oii  ils  se  trouvaient 
bien ,  sans  dcmander  le  nom  du  lieu ,  et  le  designant 
entre  eux  d'apres  quelque  signe  caractt^ristique  ([u'ils 
avaient  remarque.  Ces  Armeniens  different  essentielle- 
ment  de  ceux  qui  liabitent  Constantinople.  Ils  ont  la 
figure  molns  reguliere,  le  regard  plus  vif,  la  stature 
moins  haute  et  le  corps  plus  nerveux.  Dans  les  villages 
de  rint^rieur.les  Armeniens  qui  sont  voisins  des  Rourdes 
ne  craignent  pas  derepousser  I'agression  desnomades. 

Cette  troupe  nombreuse  ,  que  nous  longeames  pen- 
dant plusieurs  hcures,  allait  camper  sur  los  bords  de 


(  291  ) 

I'Araxe ,  et  se  s^parer  ensuite  pour  se  disperser  dans 
differents  districts. 

Quant  aucaractere  do  Ja  race  kourde,il  est  ecrit  d'une 
maniere  indelebile  dans  leui's  traits ;  carces  tribussont 
pcu  melangt'cs ,  s'unissent  gd;neralement  entre  elles  , 
et  ce  n'est  guere  que  dans  les  villes  qu'elles  s'allient 
avec  les  Turcs.  Le  teint  des  Koui'des  est  naturellement 
blanc ;  c'est  le  soleil  qui  leur  donne  cette  couleur  basa- 
nee  que  la  figure  des  fenimes  retient  encore  plus  que 
celle  des  liommes. 

Le  bey  de  Zars  ne  voulut  pas  nous  laisser  parti  r 
sans  nous  faire  accompagner  par  quelques  bommes 
surs  ,  qui  pourraient  nous  donner  un  coup  de  main 
au  besoin.  Son  fds,  soil  qu'en  eflet  il  voulut  nous  ac- 
compagner, soit  qu'il  voulut  proliter  de  notre  depart 
pour  donner  un  coup  d'oeil  aux  environs,  se  mit  a  la 
tete  de  I'escorte.  Six  cavaliers  dans  le  costume  le  plus 
pittoresque  et  le  plus  elegant  se  trouverent  le  lende- 
main  matin  ranges  devant  la  porte.  lis  portaient  pres- 
que  tous  un  turban  li^gereraent  exbausse  ,  une  veste 
a  longues  mancbes ,  une  large  ceinturc  qui  contonait , 
outre  leurs  pistolets  ,  tout  I'attirail  de  la  pipe,  du  tabac 
et  du  cafe.  Quelques  uns  avaient  de  petits  boucliersa 
la  main  ,  ornes  d'une  frange  ,  ou  en  peau  d'bippopo- 
tamc  ou  en  cuir  du  pays  garni  de  fer.  Cette  arrae 
dt^fensive  est  devenue  chez  eux  plutot  un  oi^nement 
qu'un  objct  d'utilite.  Depuis  les  anciens  boucliers  des 
Carduques,  qui  etaient  d'osier  double  de  cuir,  et 
qui  etaient  assez  grands  pour  mettre  un  hommc  a  con- 
vert, jusqu'a  ceux  que  portent  aujourd'hui  les  Kourdes, 
la  forme  n'a  fait  que  diminuer.  Les  Kourdes  n'em- 
ploient  plus  que  rarcmcnt  le  bouclier  dans  ([uolques 
coinJiats  a  rarme  blancbc. 


(  292  ) 

Avant  de  se  inotlrc   en  route  ,    les    Kourdes  coin- 
snencerent  des  evolutions  sur  le  pre  place  devant  la 
maison.    lis  se  menacaicnt   dc  leurs  sabres   et    cou- 
raient   ventre  a    terre  les  uns  sur   les  autres,  se    ti- 
rant  prcsquc  a  bout  portant  des  coups  de  pistolot ,  en 
arretant  lours    cbcvaux    sur    leurs  jarrets.    Ceux  qui 
avaient  des  lances  venaient  caracoler  autour  de  nous 
en  faisant  slfller  leurs  armes  a  nos  orelUes  assez  pr6s 
pour    qu'un    faux  pas  de  Icur  clieval    ou   la    inoindre 
inadvertance  nous  cut  fait  transpercer  de  part  en  part. 
Pendant  la  campagno  dosRusses,  les  tribus  kourdes 
se  sont  distinguees  contre  les  Cosaques;  rnais  par  suite 
de  leur  caractere  cbangcant  et  de  leur  antipathic  contre 
les  Tui'cs ,    qu'ils  I'Cgardent  coninie  des  ennemis  de 
leur  independancc ,   des  liordes  nombreuses  se   sont 
mises  a  la  solde  de  la  Russie ,  et ,  lors  de  la  prise  de 
Bayazid ,  se  sont  port^es  envers  les  habitants  de  cette 
place  a  toutes  sortes  de  violences.  Comptant  sur  I'agi- 
lite  de  leurs  chevaux ,  les  Kourdes ,  dans  une  attaque , 
se  precipitent  avec  furie  contre  les  ennemis  en  pous- 
sant  un  cri  aigu  qui  ressemble  au  hourra  des  Cosaques ; 
puis  ,  arrives  a  port6e  de  leurs  armes  ,  ils  ax'retent  leur 
cheval  sur  le  jarret,  et  retournent  en  arriere  pour  re- 
commencer  une  nouvelle  attaque.  Ils  sont  armes  de 
pistolcts   toujours   attach(^s   a  leur    ccinlure   par    une 
longue  courroie  ,  et  d'un  sabre  extremement  courbe  , 
puis  de  carabines  qui  sont  presque  toujours  en  mau- 
vais  etat.  Les  plus  pauvres  ont  des  lances  dont  la  hampe 
estfaite  en  bois  du  pays.   Ils  mettent  bcaucoup  de  prix 
aux  bois  de  lance  qui  sont  faits  de  bambou  ;  ces  armes 
leur  sont  appoi'tdes  des  Indes  par  Bassora  et  arrivent 
dans  le  Rourdistan  en  remontant  le  Tigre.  Ce  sont  eux 
qui  fabriquent  leur  poiuhc  :  aussi    leurs  armes  sont- 


(  293  ) 

elles  sujettes  a  f'aii'e  long  feu.  Les  voyageurs  ne  peuvent 
pas  leur  faire  do  cadeau  plus  agT(^able  que  de  leur  don- 
ner  de  bonne  poudre  de  France.  Quant  a  leur  organi- 
sation en  temps  de  guerre ,  elle  est  plutdt  soumise  au 
caprice  de  la  multitude  qu'a  des  lois  regulieres.  Bien 
que  la  puissance  des  beys  soit  b^reditaire  ,    il  faut  a 
chaque  d»^c6s  que  le  pouvoir  du  successeur  soit  con- 
firme  par  un  conseil  des  anciens.  C'est  dans  une  circon- 
stancesemblable  que  le  fds  dubcy  deRevendize  voyant 
sa  nomination  contest^e  par  les  conseils  des  anciens  du 
district,  qui  le  trouvaient  trop  jeune  pour  commander 
a  despeuplades  aguerries,  tii-a  son  poignard,  et,  s'ar- 
racbant    un  ceil   qu'il  jeta  au  milieu  de  la  tente,  leur 
demanda  avec  fierte  s'il  leur  paraissait  capable  de  com- 
mander. Ces  peuples,  indomptables  dans  leur  pays  et 
dans  leurs  montagnes ,  seraient  incapables  de  porter 
la  guerre  bors  de  leurs  frontieres.  Les  troupes  de  la 
Porte  les  ont  toajours  battus  lorsqu'elles  les  ont  ren- 
contres en  plaine  ,  mais  il  n'y  a  pas  de  nation  qui  en- 
tende  mieux   qu'eux  la    guei're  de  montagnes.   Leur 
cavalerie  est  nombreuse  et  bien  montee  ;  un  cheval  est 
la  premiere  ricbesse  d'un  Kourde.    Les  plateaux  ou 
I'Eupbrate  et  le  Tigre  prennent  leur  source  sont  les 
plus  rcnommes  pour  la  race  des  cbevaux ;  ils  sont  pe- 
tits,  trapus,  ay  ant  la  tete  forte  et  osseuse  et  une  cri- 
niere  tr^s  longue.  On  ne  saiu'ait  se  faire  une  idee  de 
I'adresse  de  ces  aniinaux  pour  courir  dans  les  rochers, 
et  de  la  confiancc  des  cavaliers  ,  qui  les  lancent  a  fond 
de  train  dans  des  pentes  rapides ,  les  saisissent  par  la 
crini^re  et ,  sans  descendre  de  cheval ,  se  glissent  jus- 
qu'a  terre   pour   ramasser  lour  djerid  ou  lour  lance. 
Chez  les  tribus  qui  ne  connaisscnt  d'autre  distinction 
que  I'adresse  dans  I'excrcico  des  amies ,  qui  poussent 


(  294   ) 

jusqu'a  I'exces   lour  gout    pour  hi    toilolte  et   les  ha- 
billements  coquets ,  on  pourrait  croire  que  la  condition 
des  femmes  se  ressent  de  ces  moeurs  chevaleresques  , 
mais  il  n'cn  est  pas  ainsi ;  c'est  meme  une  ])arlicida- 
rit6  remarquablc  cliez  les  Kourdes  que  la  beautd  des 
hommos  et  la  laideur  des  femmes.   Ce   sont  ces  der- 
ni6res  qui  sont  chargees  des  travaux  les  plus  penibles  ; 
ce  sont  elles   qui  tissent  les    tentcs ,  qui  recoltcnt  le 
grain ,  qui  s'occupent  de  tous  les  details  d'emigration 
ou  de  campement.  Comme  tous  les  clievaux  sont  em- 
ployes par  les  cavaliers  ,  on  a  dress6  les  boeufs  et  les 
vaches  a  porter  les  fardeaux  :  ils  servent  6galemcnt  de 
raontures.  On  rencontre  quclqucfois  un  Kourde  arme 
jusqu'aux  dents    trottant    sur   un    boeuf  avec    autant 
de  fiertc  que  s'il  etait  monte  sur  le  plus  beau  coursier. 
—  Les  Rourdes  n'ont  pas  adopts  cet  usage  si  rc^pandu 
dans  tout  I'Orient  de  voiler  les  femmes  :  cela  seul  suf- 
firait  pour  les  distinguer  des  Turcs.  Toutes  les  tribus 
des  contrees  que  nous  parcourons  passent  pour  etrc 
musulraanes ;  mais  elles  nc  le  sont  que  de  nom  ,  et 
jamais  on  ne  voit  un  Kourde  aux  heures  de  la  pri6re 
faire   ses   ablutions  et    se   prosterner    du    cote    de   la 
Mecque.  Ils  ont  omprunte  aux  Turcs  la  polvgamie  , 
sans  cependant  que  cette  coutume  soit  generalement 
pratiquee.  II  serait  dilTicile  de  savoir  en  combien  de 
tribus  la  nation  Kourde  est  divisee;  n^anmoins  ils  sont 
unanimes  pour  reconnaitre  deux  grandes  sections  ;  ce 
sont:  les  Afcbars,  qui  occupcnt  tout  le  versant  meri- 
dional jusqu'au  lleuve  ,     nomme  le   grand    Zab  ,    et 
les  Revendizes,  qui  babitent  les  provinces  du  centre. 
D'apr^s  cet  (itat  de  cboses,  on  doit  comprendi'e  que  la 
Porte  retire  tr^s  peu  de  produit  des  impols  du  Kour- 
distan.  Les  pachas  de  Mouch  et  do  \  an   doivent  tou- 


(  295  ) 

chei^  ties  beys  des  differentes  tribiis  line  cerlaine  rede- 
vance  etablio  sur  Ic  nombre  dc  tentes  du  Bcylik;  mais 
les  impots  sont  tres  precaires  et ,  sous  le  plus  frivole 
pr^texte  ,  Ics  beys  refusent  de  les  payer. 

Bayazid  est  la  capltale  de  ce  district;  mais  cette  ville 
a  ete  presque  entierement  ruinc^e  par  la  guerre.  Tous 
les  quartiers  inferieurs,  qui  ^taient  composes  de  mai- 
sons  baties  en  terre,  sont  aujourd'bui  completcment 
saccag^s ;  les  habitants  ont  disparu.  On  ne  voit  plus  que 
de  hideuses  masures  oil  les  cliiens  errants  et  les  clia- 
cals  ont  etabli  leur  tani^re.  Ces  quartiers,  dit-on,  ont 
ete  pilles  par  les  Kourdes  ,  et  les  Armeniens  qui  y  de- 
meuraient  se  sont  retires  sur  le  territoire  russe.  Les 
craintes  de  soulevement  que  Ton  avait  dans  le  Kour- 
distan  avaient  decide  la  Porte  a  reunir  a  Bayazid  un 
certain  nombre  de  troupes.  Le  caravanserail  et  ce  qui 
restait  d'un  peu  habitable  parmi  les  maisons  particu- 
li^res  etaient  occupes  par  un  regiment  de  hni/am,  qui 
etait  constamment  sur  le  qui  vive,  dans  I'attente  d'une 
attaque  des  Kourdes. 

Au  milieu  de  cesmiserablesdenieures  s'6l6ve  sur  un 
rocher  un  palais ,  veritable  chef-d'oeuvre  d'architec- 
ture  arabe.  II  a  ete  construit,  il  y  a  environ  un  siecle  , 
par  le  jjacha ,  aieul  du  gouverneur  actuel.  II  se  distin- 
gue des  autres  edifices  eleves  par  les  Turcs  ,  en  ce  que 
la  solidite  est  egale  a  la  richesse  de  sa  decoration  in- 
terieure.  La  premiere  cour,  destinec  aux  cawas  et  aux 
gardes ,  est  ornee  de  colonnes  arabesques  soutenant 
des  arcades  en  ogive.  La  grande  cour  du  palais  donne 
d'un  cote  dans  les  apparteraents  secrets,  dc  I'autre 
dans  le  S^lamlek,  oil  le  gouverneur  donne  ses  audien- 
ces. Le  tombeaudu  fondateur,  construit  dans  un  angle 
de  la  cour,  se  Irouvp  an  milieu  d'une  enceinte  qui  en  de- 


(  296  ) 

fend  les  approchcs.  11  est  attenant  a  unc  mosquee  dont 
le  dome  tout  en  pierres  de  tallle  couronne  Tensemble 
de  redificc. 

Le  salon  dans  Icquel  nous  fumes  introduits  en  al- 
lant  rendre  visite  au  pacha  est  decore  d'unc  manl6re 
qui  rappellc  plus  le  gout  persan  que  celui  des  T urcs. 
Ce  sont  des  cornlclies  en  email ,  des  fleurs  peintes  sui' 
desglaces,  des  arceaux  a  la  forme  bizarre  et  contour- 
nee  ,  un  plafond  dans  lequel  se  jouent  mllle  oiseaux 
fantastiques  ;  tout  cela  d'une  conservation  et  dun  bril- 
lant  parfaits.  Mais  voici  ce  qui  rappelle  les  Turcs.  En 
sortant  de  ce  salon  d^licieux ,  on  entre  dans  une  grande 
piece  qui  n'a  jamais  6te  termin6e.  De  grandes  poutres 
la  traversent  de  part  en  part,  et  le  sol  est  couvcrt  de 
debris.  Cettc  pii;ce  conduit  dans  une  vaste  salle  autour 
de  laquellc  sont  des  estrades,  ou  etaient  nonchalam- 
ment  couches  les  irreguliers  de  la  gardt;  du  pacha. 
C'est  sa  troupe  a  lui  ;  c'est  elle  qui  a  sa  confiance , 
car  il  ne  voit  ])as  dun  l)on  (jeil  les  Nizam  du  sultan. 
II  sait  que  depuis  longtemps  le  Grand-Seigneur  tend  a 
d^truire  les  gouvernements  herc-ditaires. 

La  residence  d'un  colonel  dans  sa  ville  6tait  bien 
faite  pour  lui  donner  de  I'ombrage.  la  Porte  ,  du 
teste,  dans  ce  moment-ci,  ne  se  sent  plus  assez  forte 
pour  continuer  les  grands  projets  du  sultan  Mahmoud; 
et  le  pacha  de  Baj  azld  ,  s'il  ctait  menace  ,  trouverait  de 
I'appui  cbez  les  Kourdes,  et  au  l)esoin  chez  les  Russes. 
Au  fond  de  la  salle ,  il  \  a  un  grand  puits  avec  une 
margcUe  exactement  comme  une  citerne  :  c'est  la  prison 
du  palais.  La  salle  est  enti^rement  taillee  dans  le  roc  , 
et  il  n'y  a  pas  d'escalier  pour  y  descendrc.  On  met  aux 
prlsonniers  une  corde  sous  les  aissellcs,  el  on  les  In- 
trcidnil  dans  lo  piiils. 


(  297  ) 

Le  chateau  est  situ6  au  nord  de  la  ville  ;  il  est  ap- 
puye  a  ime  crete  de  roclier  presque  pei^pondiculaire  , 
qui  pouvait  servir  a  la  defense  dans  un  temps  ou  I'usage  de 
rartlllerie    etait  pcu  repandu  ;  mais  qui  de  nos  jours 
rend  ce  chateau  tres  facile  a  prendre ,  commc  font 
prouv(S  les  Russes  en  1828,  en  mettant  une  hatterie 
sur  la  cote  et  en  foudroyant  le  chateau.  Sa  constric- 
tion porte  les  caract(!'res  du  xu^  et  du  xin"  siecle ;  il  a  ^te 
dans  les  temps  posterieurs  renforce  par  des  ouvrages 
qui  sont  plutot  diriges  centre  la  ville  que  contre  les  en- 
nemis  du  dehors.    Si  les    ingenieui-s   qui   ont   hati  ce 
chateau  en  ont  fait  une  place   de  peu  de  tenue  pour 
nos  jours,   ils  n'ont  rien  neglige  du  moins  de  ce  qui 
peut  faire  valoir  I'effet  pittoresque  de  la  situation.  Sur 
chacun    des  pics    du   rocher   s'^leve  une   tour  haute 
et  circulaire.  Les  muraillcs  suivent  les  caprices  de  la 
montagne,  et  vont  en  serpentant  se   rattacher  a  de 
petits  forts  situes  sur  le  sommet.  A  I'enti'ee  du  chateau 
se  trouve  une  mosquee  couverte  par  un  dome ,  la  seule 
qui  existe  a  Bayazid.  Tout  ce  terrain  est  tellement  ac- 
cidente ,  il  y  a  une  telle  incoherence  dans  les  couches 
de  roches ,  les  flancs  de  la  montagne  sont  tellement 
entrecoupes  par  des  ravins  profonds  et  des  aiguilles  per- 
pendiculaires,  qu'il  semblc  qu'une  grande  catastro- 
phe terrestre  a  bouleverse  le  terrain ,  a   une   ^poque 
assez  r^cente.  C'est  dans    ce  chateau  que  M.  Amedee 
Jaubert,    charge,    d'une    mission    en   Perse,   fut  ar- 
rete  et  detenu  pendant  plusieurs  mois  au  fond  d'une 
citerne    qui  ne   recevait  le  jour  que  par  la  partie  su- 
p«^rieure. 

Nous  visitamcs  cette  prison  ,   et  nous  retrouvames 
encore  le  vieil  Armenien  qui  avait  nourri  le  c^l^bre 
orientaliste,  et  dont  les  demarches  r^ilt^rees  et  infatisa- 
I.  Avnii..    h.  20 


(  298  ) 

blcslui  valurentunc  liberty  tardive.  En  sortant  de  celte 
prison  ,  j'aporrus  ,  non  sans  surprise,  dans  un  couloir 
dtroit  form(i  par  une  muraille  et  le  roclier ,  deux  figures 
sculptecs  dans  le  roc ,  qui  me  paraisscnt  remonter  a 
une  tres  haute  antiquity  ;  ellcs  sont  d'un  dessin  lourd 
pt  incorrect;  mais  on  rctrouvc  dansleur  ensemble  les 
rudiments  de  cette  sculpture  asiatiquo,  dont  il  reste  des 
types  dans  certains  rochers  de  la  JMt^die  et  de  I'Assy- 
rie.  L'une  de  ccs  deux  figures,  celle  qui  marclie  de\  ant, 
est  coiff^e  d'une  csp^ce  de  casque  dans  le  genre  phry- 
glen  ;  elle  est  v6tue  d'une  robe  tr6s  ample  ,  et  tient 
verticalement  dans  sa  main  gauche  un  baton  noueux  : 
elle  n'a  pas  de  bai'be.  Le  personnage  qui  marche  der- 
riere  repr<!!sente  un  vieillard  coiffe  d'un  casque  a  peu 
pr^s  dans  la  meme  forme  que  la  precedente.  II  a  re- 
lev6  sur  les  bras  un  pan  de  son  manteau  qui  forme 
derriere  son  dos  des  plis  regullers.  Entre  les  deux  fi- 
gures le  rocber  est  excav6  ,  et  forme  une  esp6ce  de 
fenetre  qui  est  surmont^e  par  un  quadrup^de,  une  es- 
pece  d'antilope  dont  les  formes  sont  trfes  difficiles  a 
determiner  a  cause  de  Vital  de  vetustc^  trfes  avanc6. 
Ces  sculptures  paraissent  remonter  a  I'epoque  ou  toute 
la  contr^e  etait  soumise  aux  rois  d'Assyrie ,  ct  ou  ces 
montagnes  (^jloigndes  voyaient  briller  avoc  calme  le  feu 
des  Pyrees. 

Nous  laissons  dans  la  vallce  inferieure  un  petit  vil- 
lage qui  est  un  but  de  pelerinage  pour  les  habitants 
de  Bayazid  :  ils  y  reverent  un  marabout  ou  tombeau 
d'un  santon ,  entour6  de  six  autres  sepultures,  qu'ils 
appcllent  Yedi-Rardach  (les  Sept  Fr6res).  Ils  con- 
tent a  cette  occasion  une  l(^gende  sans  fin,  que  je  ne 
crois  bas^e  sur  aucun  (!!v6nement  veritable.  Ces  sept 
crovants  seraicnt  morts  victimes  de  la  rage  des  Y(izidis, 


(  299  ) 

tribus  qui  sont  repandues  depuis    ces  lieux  jusqu'au 
pays  dcs  Nestoricns,  daiisle  canton  de  Djulamerck. 

Les  Y^sidis  sont  pour  los  Turcs  dcs  etres  capables 
de  tous  les  crimes ;  ils  rc^v^rcnt ,  disent-ils ,  le  demon , 
et  ont  un  si  grand  respect  pour  cette  puissance  infer- 
nale  ,  que  I'^tranger  qui  parmi  eux  se  permettrait  d'en 
m6dire  serait  a  I'instant  meme  hache  parmorceaux.  En 
ecoutant  I'envoy^  du  pacha ,  qui  se  delectait  a  nous  dp- 
velopper  tous  los  vices  des  Yt^sidis,  je  ne  pouvais 
m'empeclier  de  d^plorer  I'aveuglement  des  differentes 
sectes,  qui  sont  d'autant  plus  ennemies  qu'elles  se  rat- 
laclient  a  des  croyances  plus  voisines.  Je  ne  pouvais 
ajouter  foi  aux  mauvaises  qualitos  que  la  rumeur  po- 
pulaire  pretait  aux  Yesidls  ,  qui,  disait-on  ,  ne  con- 
naissent  pas  meme  le  mariage  et  les  liens  de  la  parente. 
Ils  n'ont  ni  pi-etres  ni  temples  ,  mais  s'assemblent  de 
nuit  dans  desmaisons  isolees,  et  adressent  leurs  pri^res 
a  I'ange  des  ten6bres ;  ils  foulent  aux  pieds  le  Ko- 
ran. Enfm ,  on  se  plait  a  preter  aux  montagnards 
les  ridicules  pratiques  que  dans  le  moyen-age  on  con- 
damnait  cliez  les  sorciers.  Je  priai  bien  le  Koui'de 
de  me  montrer  un  Yesidi  avissitot  qu'il  s'en  presente- 
rait  un  a  notre  caravane.  «  Vous  n'attendrez  pas  long- 
temps,  dit-il,  car  j'en  ai  plusieurs  parmi  les  gens  de 
I'escorte.  » 

Je  ne  pus  m'empeclier  de  m'^tonner  de  la  tranquil- 
lite  avec  laquelle  il  me  pai'lait  de  gens  qu'il  m'avait 
peints  tout-a-l'heure  comme  des  etres  si  feroces  :  Cast 
que ,  me  dit-il ,  ceux  des  villes  ne  sont  pas  tout-a-fait  si 
mediants  que  ceux  des  campagnes.  D'ailleurs  dans  la 
guerre  du  Kourdistan ,  Mohamet  lld^cliid-Paclia  avait 
commence  rextormlnation  de  cos  tribus,  ot  s'il  no  I'a 


f  :iuo  ) 

pas  achev<^e ,  il  a  loUement  cffrayi  ceux  qui  reslent 
quils  ne  sc  livrent  plus  qu'avec  reserve  a  Icurs  prati- 
ques maudites.Tous  les  villages  yesidis  qui  sc  trouvaient 
sur  la  route  parcourue  parMeli6met  Recliicl-Paclia  ont 
6t6  completement  extermin^s  ;  on  a  massacr^  hoiimies, 
femmes  et  enfants.  Et  je  pense,  disait  mon  guide,  que 
le  nombre  de  ces  m6cr6ants  que  Ton  a  tuiis  n'est  pas 
moindre  de  iO,000.  C'est  ainsi  que  la  devastation  s'e- 
tend  sur  ces  mallieureuses  contrees.  Cc  que  la  guerre 
et  les  maladies  epargnent ,  le  fanatisme  I'aneantit.  Ce 
nombi'e  n'est  pas  exagerc^. 

La  croyance  de  ces  jjeuplcs  parait  sc  rattacher  a  ces 
mj  thes  ri^pandus  dans  I'ancienne  Assyrie  relativemenl 
au  bon  et  au  mauvais  principe ,  Arinianc  et  Ormoud. 
Lorsque  I'lieresiarque  Nestorius  parcourut  "cescontrees 
pour  y  repandre  I'civangile  de  I'enfance  du  Sauveur , 
les  doctrines  du  cbrislianismc  se  mclerent  cbez  eux  aux 
croyances  plus  anciennes  de  la  theogonie  persane  : 
aussi  les  Yesidis  sont-ils  plus  disposes  a  la  bienveil- 
lance  envers  les  cliretiens  qu'envers  les  Turcs,  qu'ils 
regardent  comme  de  feroces  oppresseurs.  Ccux-ci  de- 
testent  traditionnellement  les  Yesidis,  parce  que  cc  fut 
Y^side,  second  khalife  de  la  dynastic  dcs  Ouimiades,  qui 
tuaHassan  ctHussein,  enfants d'Aly,gendre  deleurpro- 
ph^te.  Depuis  ce  temps  ,  il  n'est  pas  de  tourments  que 
les  Turcs  n'aient  fait  cndurer  aux  ^  esidis  pour  leur 
faire  expier  ce  forfait.  Sans  avoir  pour  le  nom  du 
Clirist  une  vc'nieration  rcligicuse  ,  ilslc  prononcenl  avec 
un  certain  respect.  lis  n'avouent  pas  que  I'esprit  du 
mal  soit  pour  eux  I'objct  d'un  cultc  constant;  mais , 
disent-ils,  il  faut  redouter  un  pouvoir  que  Dieu  a  mis 
en  contact  avec  les  liommcs,  (jui  peut  se  jouer  de 
notro  faible  nature  ,  ot   nous  entralner  dans  un  ablme 


(  :m  ) 

de  inaux.  Les  Yesidis  se  distlngucnl  en  deux  castes  ; 
en  cela,  ils  resseuiblent  un  peu  aux  Druses.  Les  uns 
sont  aj)pcles  les  illumines  :  c'est  parmi  eux  que  se 
trouvent  les  especes  de  pretres  qui  conservent  le  dognie 
de  leur  croyance  ;  les  autres  s'appcUent  fakirs.  C'esl 
une  erreur  de  croire  qu'ils  affectionnent  dans  leurs  ve- 
tements  la  couleur  noire  parce  qu'elle  leur  donne  un 
air  plus  terrible.  Ils  ne  portent  pas  de  costume  diffe- 
rent de  celui  des  autres  Kourdes.  La  laine  noire  (^tant 
plus  abondantc  dans  ces  pays ,  leurs  tentes ,  leurs  man- 
teaux  et  leurs  abas  sont  ordinaircment  de  laine  noire, 
reliausses  par  quelques  dessins  de  couleur  rouge.  Ils 
attachent  une  certaine  importance  a  la  forme  de  leur 
chemise,  qui  n'est  pas  fendue  au  collet  comme  celle 
des  Turcs ,  mais  qui  a  dans  la  partie  superieure  une 
ouverture  ronde  ,  ce  qui  pour  eux  presente  un  sens 
mystique. 

«  Un  de  leurs  grands  scbeiks,  disent-ils,  ou  scbeikadi, 
comme  ils  I'appellent ,  vit ,  apr^s  un  jeune  de  quarante 
jours,  descendre  du  ciel  un  cerclc  d'or  et  de  lumiire 
qui  se  posa  sur  son  cou.  »  Cette  ouverture  circulaire  de 
leur  chemise  est  faite  pour  rappeler  cet  evenement. 
Ils  pretendent  n'avoir  aucun  livre  pour  leurs  ceremo- 
nies religieuses ;  mais  les  Turcs,  qui  les  haissent  et  les 
redoutent  comme  sorciers,  pretendent  que  les  Yesidis 
descendants  maudits  de  Y6side,  possedent  des  arti- 
fices secrets  pour  se  mettre  en  relation  directe  avec 
les  mauvais  genies.  Ils  pretendent  en  outre  que 
ce  n'est  qu'a  I'extei'ieur  que  les  Yesidis  i^econnais- 
sent  los  lois  du  mariage ,  et  par  consequent  qu'il 
n'existe  pas  chez  eux  de  famillc.  Les  informations 
que  j'ai  prises  d^truisent  cette  assertion  :  les  gens 
des  deux  castes  se  marient,   et  la  polygamic    est  to- 


(  302  ) 
leree  parini  vu\.  .Ic  n'ai  pas  obsci\e  tlans  ic  caiac. 
tere  des  races  une  dlflercnce  marqutie  ontre  ccux  qui 
se  donnent  comme  Y^sldis  ct  ceux  qui  se  regardent 
coninio  Kourdes  musulmans.  L'occupation  dcs  uns  ct 
des  auti-es  est  de  garder  les  troupeaux.  lis  sont  peu 
adonnds  a  la  culture  ;  ils  vivcnt  principalemeut  de 
chair  et  de  laitage ;  leur  pain  se  fait  de  farine  d'orge  , 
dont  la  pate  est  etenduc  sur  une  plaque  de  fer;  on  le 
prepare  au  moment  du  repas  :  en  cola  il  ne  dideront 
en  rien  des  autres  Kourdes.  Ils  boivent  volontiers  du 
vin  ;  et  s'ils  s'abstiennent  de  la  chair  de  pore,  c'est 
plutot  par  imitation  que  pour  suivre  une  loi  rigou- 
reuse.  Leschretienseux-raemes,danscespays,  s'abstien- 
nent de  manger  du  pore ,  parce  que  les  musylmans  ont 
une  telle  liorreur  de  ces  animaux  qu'ils  n'en  tolere- 
raient  pas  menie  le  voisinage. 

Que  les  Yesldispratiquent  la  circoncision  ,  c'est  en- 
coi'e  un  usage  trop  cnracineparmi  les  Asiatiques  pour 
qu'on  puisse  en  conclure  aucune  parentis  entre  eux 
et  les  musulmans.  Longtemps  avant  llcirodote  les 
peuples  de  ces  contr^es  praliquaient  la  circoncision. 
«  Les  Colchidiens,  dit-il,  les  Egyptiens  et  les  Illthio- 
piens  sont  les  seuls  peuples  qui  de  tout  lemps  aient 
pratique  la  circoncision,  »  (Liv.  II,  104.) 

II  est  impossible  d'obtenird'eux  des  renseignemcnts 
plus  circonstancids ,  car  ils  sont  soupconneux  a  I'e- 
gard  des  gens  qu'ils  ne  connaissent  pas.  Grande  est  leur 
ignorance ,  et  je  suis  convaincu  que  la  plupart  de  ceux 
qui  se  donnent  coinme  Vesidis  ne  savent  pas  au  juste 
en  quoi  ils  se  distinguent  des  autres.  Les  Turcs  pre- 
tendent  qu'ils  ont  une  grande  superstition  dans  la 
roiinc  (le  leur  liabit,  (|ui ,  selon  eux,  est  Iradition- 
iicllc   (Jiiaiid  lis  \culent  preter  uii  sermcnt  soiciiiirl  , 


(  303  ) 

dls  baisent  la  inanche  de  leur  habit.  Les  luanches  de 
leur  vetement'lnterieur  sont  fort  longues ,  et  traine- 
I'aient  jusqu'a  terre  ,  s'ils  n'avaient  soin  de  los  reunir 
et  de  les  attacher  par  un  nceud  derriore  leur  dos.  Jamais 
lis  ne  marchent  sans  arraes;  elles  consistent  en  un  fu- 
sil accompagne  ordinairement  d'un  seal  pistolet ,  et  en 
plusieurs  poignards  ou  yatagans.  Mais  cela  leur  est 
commun  avec  les  autres  Kourdes  cliretiens  ou  musul- 
mans.  Pour  leurs  funerailles,  ils  different  des  musul- 
mans,  en  ce  qu'ils  enterrent  leurs  morts  en  quelque 
endroit  qu'ils  se  trouvent  ,  et  dans  une  direction 
arbitraire.  Les  musulmans ,  au  contraire ,  obeissent 
strictement  a  la  loi  qui  ordonne  d'enten-er  les  morts 
perpendiculairement  a  I'axe  de  la  mosquee,  laquelle 
est  toujours  dirigee  vers  la  Mecque. 

Tels  sont  les  renseigneraents  que  je  parvins  a  re- 
cueillir  sur  les  tribus  des  Yesidis  en  parcourant  les 
cantons  qu'ils  occupent  de  preference.  II  me  reste  la 
conviction  que  cette  reputation  do  ferocitc^  que  les 
Turcs  se  jilaisent  a  leur  faire  est  completement  usur- 
pee ,  et  que  le  voyageur  qui  se  presenterait  chez  eux 
avec  des  intentions  francliement  amicales  y  trouve- 
rait  aussi  bon  accueil  que  chez  les  autres  montagnards 
de  quelque  secte  qu'ils  soient.  Le  pays ,  du  reste , 
prete  plus  que  tout  autre  aux  histoires  tragiques  et  aux 
relations  effrayantes.  Pas  une  route  n'etait  trac(!!e  devant 
nous ;  nous  marchions  A  I'aventure ,  roulant  au  mi- 
lieu des  masses  de  rochers  que  nos  chevaux  fi'anchis- 
saient  avec  une  adresse  merveilleuse.  Les  evolutions 
de  nos  Kourdes  egayaient  seules  la  monotonie  de  la 
route.  Les  echos  de  leurs  fusillades  faisaient  lever  Icnte- 
ment  des  troupes  d'oiseaux  de  proie  qui  planaient  au- 
dessus  de  nos  tetes  en  poussant  des  cris  aigus.  Nous 


(  304  ) 

etions   desccndus  dans  uno  vallee   encaisst'c  ou  nous 
niarclilons  depuis   une  heure  ,  lorsqu'on  arrivant  sur 
la  crele,  je  ius  frappo  de  la  bcaute  du  spectacle  qui  se 
prdsentait  de\ant  moi.  Nous  etions  separd's  du  second 
plan  de  I'horizon  par  une  vallee  transversale  ,  au  fond 
de  laquelle  coulait  une  rivitjre.  De  I'autre  c6t6  s'^lc- 
vait   une    montagne  dont  la  cime  etait  couverte    de 
neige ,  et  dont  les  flancs  etaient  sillonn6s  par  de  nom- 
breux  torrents  de  laves,  encore  noires  et  arides,  faisant 
contraste  avecla  verdure  du  sol  qui  n'avait  pas  ete  atteint 
par  I'explosion  des  feux  souterrains.  Cette  montagne, 
que  les  habitants  appellcnt  Tandurck-Dagh  (pout-etre 
du  mot  tandour,  fourneau  employe  dans  ccs  contrees 
pour  designer  les  fours  souterrains  qui  tiennent  lieu  de 
cbeminee )  ,   s'^tend  de  Test  a  I'ouest  en  longcant  la 
vallee.  Du  point  ou  nousetions,  jereconnus  sanshdsiter 
un  des  volcans  les  mieuxcaracterises  que  j'eusse  encore 
vus  dans  ce  pays.  Le   sol  sur  loqucl  nous  Etions ,   et 
que  j'ai  decrit  plus  baut,  avait  passe  du   calcaire   au 
trapp  ct  a  la  sei'pentine.  Ce  lambeau  de  terrain  avait 
bieniot  disparu  pour  faire  place  au  scbistc   argileux 
calcaire.  Mais  quand  nous  eumcs  francbi  la  vallee  ,  en 
laissant  a  gauche  une  ruliic  avec  un  village  qu'on  ap- 
pclle  Kamerdji-Rale  ,  nous  nous  trouvames  en  plein 
terrain  volcanique.  La  base  de  la  montagne  est  parse- 
mc*e  de  \iliages,  parmi  lesquels  je  remarquai  celui  de 
Temcrdjik   et  celui  de  kara-keni.  Toute  la  base  de  la 
montagne  voisine  des  eaux  de  la  riviere  est  composee 
d'une  lave  compacte  et  homogene  commc  le  basalte.  Sa 
cassure  est  viti'euse  et  sa  couleur  noire ;  elle  conlient 
qa  et  la  des  aiguilles  fines  de  pyroxene.  Cette  couche 
de  lave  repose  sur  un  lit  de  scorics,  de  cendres  ct  de 
I'rnsimonts  lioursouflcs  par  lo  feu,  commc  s'ils  eussent 


(  305  ) 

souffert  une  double  eruplion.  Mais  ces  traces  de  la  par- 
tie  ancienne  du  volcan  sont  rocouvertes  par  un  lit  tres 
^pais  de  tcrre  vegetale  :  c'cst  sur  cette  couclie  que,  par- 
tant  du  sommet  du  volcan,  des  coulees  de  laves  ont  sil- 
lonne  sa  pente,  et  pr^sentent  aujourd'hui  I'aspectd'unc 
(Eruption  trc^s  recente. 

D^sirant  nous  rendre  dans  la  journee  du  lendemain 
a  Toprak-Kale  ,  nous  etionsall^s  coucher  au  village  de 
Karavenk,  situ6  aupied  des  montagnes  que  nous  avions 
a  franclilr.  C.e  hameau  ,  compose  d'une  cinquantaine 
de  huttes  en  terre ,  a  cependant  une  egiise  en  pierres 
de  taille  ,  monument  qui  se  fait  remarquer  dans  un 
pays  oil  il  est  si  rare  de  rencontrer  des  edifices  un  pcu 
considerables.  Meliemet  passe  la  soiree  a  reunir  I'es- 
corte  nombreuse  qui  doit  nous  accompagner  le  lende- 
main, autant  pour  nous  montrer  la  route  que  pom- 
nous  d^fendre  centre  les  attaques.  Vers  le  milieu  de  la 
nuit  nous  nous  mettons  en  route. 

La  grande  cliaine  que  nous  avons  a  Iranchir  separe 
le  bassin  de  I'Euphrate,  qui  coule  de  Test  a  I'ouest,  de 
celuidel'Araxe,  etse  dirige  a  Test.  C'cst  dans  cette  tra- 
vers^e  que  nous  voyons  combien  il  est  important  d'a- 
voiravecsoides  domestiqucsdupays,  babitues  a  camper 
etase  couclier  surleursmanteaux.  Notre  interpretes'^- 
tant  trouve  en  retard,  s'egara  dans  la  montagne,  etnous 
perdimes  environ  deux  beures  pour  le  retrouver.  Le 
pic  que  nous  avons  a  irancbir  est  un  des  points  cul- 
minants  de  cette  chaine  que  Ton  appelle  Acboulak  ;  le 
pic  lui-meme  est  appele  par  les  babitants  Arzi-vouti- 
dagb. 

Le  nom  de  cette  montagne  est  reste  parmi  les  habi- 
tants comme  une  des  plus  antiques  traditions  qui  se 
rallacbont  aii\  origines(l(>  In  nalioii  anncnienno.  C'csl 


(  306  ) 

.311  uiUleu  lie  CCS  montagnes  que  \lvaient  ccs  tribus  con- 
nues  sous  le  nom  de  Arevortl  (Saint-Martin  ,  Mem.  sur 
V Armcnie) ,  ou  enfants  clu  Soldi,  qui  suivont  la  religion 
de  Zoroastre  et  qui  refuseront  conslamment  dc  se  con- 
vertir  au  christianisme.  Le  culte  de  Mihr  et  d'Anaide  fut 
longtemps  pratique  par  les  anciens  Arm<^nions.  t!ne 
province  enti^re,  que  les  anciens  ont  appel6c  Acilisene, 
portait  le  nom  de  Anaetia,  parce  que  le   culte  de  la 
d^esse  Anaide  y  etait  particuli6reincnt  en  honneur.  Jc 
dois.reraarquer  que  cette  province,  qui  etait  contigue 
a  I'Euphrate  ,  touchait  a   la  portion  de   la  Leucosyrie 
dans  laquelle  j'ai  trouve  les  curieux  monuments  saces 
avec  dcs  bas-reliefs  relatifs  au  culte  de  la  deesse.  Dans 
cette  niontagne  des  Arzivoutis  il  existe ,  d'apres  cc  que 
m'ont  dit  les  guides,  des  ruincs  d'ancicns  villages  ([ui 
sont  inhabites  depuis  un  temps  Immemorial ;  mais  au- 
cun  d'eux  ne  put  me  dire  si!  existait  quelque  inscrip- 
tion ou  quelquepierre  travaill^e.  Les  guides  paraissent 
craindre  de  traverser  ces montagnes,  qui  sont,  disent- 
ils,  frequent6es  par  les  Y^sidis.  Ces  derni6res  tribus  ne 
sont  peut-etre  autre  chose  que  les  descendants  des  en- 
fants du  Soleil,  sur  lesquels  nousn'avons  que  des  ren- 
seigncments  si  fugitifs. 

Au  lever  del'aurore,  (juand  nous  pouvons  recon- 
naitre  les  terrains ,  je  m'apert^ois  que  la  nature  de  la 
montagne  a  change,  et  que  nous  marchons  sur  un  ter- 
rain de  trapp  presquc  schisteux,  qui,  dans  certains 
endroits,  alterne  avec  la  serpentine  d'une  maniere 
ires  confuse.  Bientot  le  calcaire  identique  a  celui  de 
Karavenk.  reprend  la  j)lace  de  la  serpentine,  comme  si 
le  pic  d'Arzivouti  eut  deplace  le  d6p6t  calcaire  dans 
son  soulevement. 

Le  plateau  sur  lerjuei  nous  niarciious  |>endant  (jucl 


(  307  ) 

que  temps  eslcouvert  d'une  prairie  ou  des  families  no- 
mades  vienncnt  s'elablir  apres  la  fonte  des  nelges  pour 
faire  paitre  leurs  troupeaux  ;  mais  elles  n'y  cultivent 
pas.  Apres  une  halte  d'une  heure  ,  nous  commencons 
a  descendre  dans  une  valine  qui  s'elargit  peu  a  jieu ,  el 
dont  les  flancs  sont  egay^s  pav  quelques  arbustes.  Le 
calcaire  gris  veine  fait  place  au  calcaire  grossier,  que 
nous  ne  quittons  pas  jusqu'a  Toprak-Kale.  Cette  ville 
est  aujourd'hui  dans  le  dernier  etat  de  denument.  EMc 
a  6te  pendant  longtemps  I'apanage  d'un  bey  kourde  , 
dont  le  revenu  principal  consistait  dans  les  droits  qu'il 
extorquait  aux  caravanes  lorsqu  elles  se  rendaient  de 
Pei'se  en  Turquie.  Mais  depuis  longtemps  la  cbateau- 
fort  n'a  plus  que  son  ancienne  renoujmee;  c'est  une 
masure  gardee  par  quatre  vieux  janissaires,  et  com- 
raandie  par  un  jeune  liomme  ,  qui  est  le  fds  du  paclia 
de  Bayazid. 

L'ancienne  famille  feodale  a  ete  depossedee.  L'eta- 
blissement  de  I'autorite  du  sultan  dans  la  vallee  sup^- 
rieure  de  I'Eupbrate  ,  en  separant  les  tribus  du  nord  et 
du  sud,  a  beaucoup  affaibli  la  resistance  que  les  Kourdes 
pouvaient  lui  olTrir  dans  certains  cas;  et,  apres  quatre 
cents  ans  de  guerres,  le  gouvernement  de  la  Porte  pa- 
rait  pouvoir  s'etablir  sans  obstacles  dans  ces  contrees. 

Les  montagnes,  du  temps  de  X^noplion,  etaient  ba- 
bitees  par  le  peuple  des  Carduques,  qui  recurent  les 
Dix-Mille  comme  des  ennemis,  et  abandonnerent  leurs 
babitations  pour  s'enfuir  sur  les  montagnes  avec  leurs 
femmes  et  leurs  enfants.  Piien  n'a  cbange  dans  I'aspect 
du  pays  :  ce  sont  toujours  des  villages  inaccessibles , 
composes  de  quelques  tas  de  pierres  ou  yaelas,  vastes 
campcments  dans  lesquels  les  tentes  des  nomades  en - 
tourent  sjmetriqueuient  la  tenle  du  Bev,  la  seide  au- 


(  SOS  ) 

torite  rcconnuc  par  cux.  Tout,  dans  ccs  >aelas,  so  passe 
comme  dans  un  village  independant.  Lc  mollah  et  le 
cadi  se  r^unisscnt  avec  le  bey  pour  rendrc  la  justice  , 
et  pronoucent  en  dernier  ressort  sur  toute  esp6ce  d'af- 
faires. Depuis  la  guerre  acliarnee  que  le  sultan  a  faite  a 
ces  montagnards  en  1833  el  1834  ,  lesprincipaux  bejs 
s'etaient  souniis  ;  niais  ils  commenc^aient  a  remuer  de- 
puis la  mort  de  Mahmoud,  excites  qu'ils  «^taient  par  les 
pretentions  injustes  dcs  pachas  a  trois  queues  qui  les 
entouraient,  et  surtout  par  les  promesses  de  quelques 
agents  qui  vcnaient  les  soulevcr  au  nom  de  M6li6met- 
Ali. 

Rien  ne  pouvait  nous  arreter  a  Toprak-Kale  :  c'etait 
le  point  extreme  ou  I'armee  russe  s'etait  avanc6e  ct 
dontelles'etait  emparee.  Les  Armeniens,  qui,  en  gene- 
ral, nous  disaient  assez  francheinent  leur  maniere  de 
penser  quand  ,les  Turcs  n'6taient  pas  la,  n'ont  pas 
paru  fort  enthousiastes  de  rexp(!!dition  de  1828. 

Apjes  avoir  franchi  lc  revers  de  la  collino    qui  fer- 
mait  le  bassin  de  T6p6ris  du  c6t6  du  sud  ,   nous  arri- 
vons  sur  un  plateau  dont  la  constitution   est  extreme- 
inent  remarquablc  sous  le  rapport  geologique.  A  notre 
gauche,  des  collines  arrondies,  couvertes  d'une  vegeta- 
tion rareetchetive,  se  dirigent  dunord  au  sud;  adroite, 
notre  route  est  born^e  par  un  ton-ent  de  laves  qui  pa- 
rait  sorti  d'un  dcs  contrc-forts  inferieurs  du  Tandourek- 
dagh.  Ce  ne  sont  plus  cescoul6es  de  laves  comme  le  sol 
de  I'Asie-Mineure  en  prdsente  des  millicrs ;   c'est  un 
torrent  de  plusieurs  lieues  de  longueur,  qui  a  coniple- 
tement  dess6ch6le  terrain  des  environs.  II  se  compose, 
comme  un  (leuve  qui  charrie  des  glaces,  d'un  nombre 
infini  de  blocs  accumules  les  uns  sur  les  autres,  dans 
un  (lesordre  elFravanl  :  ct-s  laves  sont  noircs,  sonores , 


(  309  ) 

ferrugineuses,  brillantes  a  leur  surface  comme  un  lai- 
tier  de  forge;  ellcs  paraissent  d'unc  orlgine  ti'c^s  re- 
cente,  car  elles  n'ont  pas  donne  nalssance  a  la  moin- 
dre  vegetation.  A  peine  si  qiielques  maigres  gramens 
trouvent  a  se  nourrir  dans  les  fentes  ct  dans  les  nom- 
breuses  crevasses  que  les  laves  ont  iorraees.  On  voit 
des  blocs  tinormes  cubanbplus  de  10  m(!>tres,  souleves 
en  I'air  et  soutenus  sur  des  fi-agnients  plus  petits ;  leurs 
angles  sent  aigus,  et  leurs  cassuresaussifraiclies  etaussi 
vives  que  si  elles  etaient  d'hier.  Je  trouve  dans  cette 
coulee  des  laves  une  grande  analogic  avec  celles  du 
Koula  ,  en  Pbrygio  ;  mais  ici  la  coulee  est  bien  plus 
considerable,  les  blocs  plus  voluniineux.  Salargeurest 
variable;  elle  est  au  moins  d'un  quart  de  lieue  dans  sa 
partie  la  plus  etroite.  C'est  au  milieu  de  ces  laves  que 
les  Kourdes  nous  montrerent  les  ruines  de  Dulgazin- 
kale-si,  le  chateau  des  Yesidis.  Les  coUines  qui  sont  a 
notre  gauche,  a  1,200  metres  environ  de  la  coulee  de 
laves,  sont  uncalcaire  grossier,  blanc,  ct  qui  me  parall 
du  meme  etage  quele  calcaire  a  gryphees  quej'ai  trouve 
aux  environs  de  Bayazid.  Ce  calcaire  ,  du  restc  ,  n'a 
recu  aucune  atteinte  des  feux  souterrains,  et  est  par- 
faitement  intact.  Le  chateau  de  Dulgazin  est  situ6  a 
I'extremite  du  torrent  de  laves  que  nous  avions  suivi 
pendant  vingt-quatre  heures.  Les  montagnes  qui  bor- 
nent  la  vue  a  notre  droite  portent  le  nom  de  Hag-dagh; 
une  vallee  qui  s'ouvre  non  loin  du  chateau  donne 
naissance  a  une  riviere  qui  porte  lenom  de  Sohouk-sou 
(I'eau  froide),  et  qui  va  se  jeter  dans  le  lac  de  Van. 
Tous  ces  plateaux  sontcouverts  d'abondants  paturages, 
ou  les  tribus  ou  Taiff  des  Kourdes  viennent  s'etablir 
pendant  I'^te. 

Lc  village  deBerghiri,  ounousfimos  halte,  etait  jadis 


(  310  ) 
comniande  par  un  chateau  ,  aujourd'hui  en  mines  < 
qui  se  trouve  a  I'entree  du  village.  Le  costume  des  ha- 
bitants dc  CO  district  dilTere  de  celui  des  Kourdes  que 
nous  avions  vus  jusque  la.  lis  portent  unc  sorte  de 
veste  ou  jaquette  en  poil  de  chevre  noir  avee  des  revers 
blancs,  ct  orn<^  de  passementeries  rouges.  L'n  panta- 
lon  ou  cliarvar,  ti-6s  serr6  sur  la  cheville,  est  fait  avec 
uneetolTe  decoton  agrandes  raiesnoires  et  rouges.  Leur 
turban  est  6galement  fait  d'unc  6tofTe  de  ces  deux  cou- 
leurs.  II  est  pose  surla  tete  d'une  mani6re  particuli^re, 
a  peu  pr(^s  cpmme  un  cone  renverse.  lis  sont  abon- 
damment  fournis  d'armes  de  toute  esp^ce,  et  leur 
tournurc  n'a  rien  de  rassurant  pour  le  voj  agour.  Lne 
partie  des  habitants  du  village  de  Berghiri  est  de  la 
secte  y^sidi;  I'autre  partie  est  kourde;  mais  Ics  uns  et 
les  autres  vivent  en  bonne  intelligence.  II  y  a  aussi  quel- 
ques  Armdnions  ,  dont  les  fommes  sont  veluos  dc  la 
meme  maniere  que  les  musulmanes. 

En  arrivant  au  bord  du  lac  de  Van,  on  est  happe  de 
I'aspect  majestueux  que  pr^sentc  cctte  mer  interieure  , 
dont  les  bords  escarpes,  sauvages  et  solitaires,  ne  por- 
tent aucune  trace  du  voisinage  des  hommcs.  Toute  la 
cote  septcntrionalc  du  lac  est  composee  d'une  chalne 
de  montagnes  trachytiques ,  dont  Ics  sommets  se  dessi- 
nent  sur  le  ciel  en  pics  aigus  et  dechir^s.  L'liorizon  se 
termine  par  la  masseimposante  duSepan-dagh,  volcan 
eteint,  mais  compose  uniquement  de  laves  et  de  sco- 
ries  de  la  meme  nature  que  cellos  des  volcans  contem- 
porains.  Nous  avions  eu  le  projet  de  visiter  les  terrains 
volcaniques  des  bords  du  lac,  etde  tenter  I'ascension 
du  Sepan-dagh  ,  qui  passe  aux  yeux  des  habitants  pour 
1(;  point  culminant  de  la  contree ;  mais  unc  ncige  abon- 
dante  en    cnuvrait    le   sommet,  et  nous  ne  Irouveimes 


(  ^li  ) 

point  de  guides  qui  voulussent  nous  conduire  dans  ces? 
regions  6lev6es  et  d'un  acces  tres  difficile,  meme  dans 
la  belle  saison  :  Car,  disent-ils,  sous  la  neige  qui  per- 
siste  pendant  les  trois  quarts  de  I'ann^e  se  trouvent  des 
fondrieres  de  cendres  et  de  scories,  oii  Ton  enfoncc 
jusqu'a  mi-jambe ,  et  des  blocs  aigus  de  ]>ierre,  dan- 
gerous pour  le  voyageur  inexperimente. 

La  cote  scptentrionale  du  lac  est  pendant  plusieurs 
lieues  completement  d^serte;  raais  vers  Tangle  nord- 
ouest  se  trouvent  les  ruines  d'une  ville  armenienne.  Elle 
est  appel^e  par  les  Armeniens  Khelath,  et  appartient  a 
I'ancienne  pro\ince  de  Pernouni.  On  ignore  quel  en 
fut  le  fondateur  ;  mais  d'apr^s  ses  monuments  elle  doit 
etre  a  peu  pr^s  contemporaine  d'Ani. 

Le  tableau  du  lac  de  Van,  magnifique  par  la  gran- 
deur des  lignes  ,  est  ccpendant  incomplet  par  le  man- 
que de  vegetation.  Cest  le  defaut  general  du  paysage 
dans  les  contrees  que  nous  pai'courons  ,  defaut  qui ,  a 
mon  sens,  est  bien  compense  par  la  forme  severe  des 
montagnes  et  par  les  effets  merveilleux  de  lumi^re  sur 
les  difTt^rents  plans  des  rochers.  II  faut  un  sejour  de 
quelque  temps  dans  les  contrees  d'Orient  pour  que 
I'esprit  s'identifie  avec  I'extreme  sev6rit6  des  lignes  et 
les  sombres  aspects  du  paysage. 

11  est  rare  de  trouver  ici  comme  en  Europe  des  fa- 
briques  isolees  ,  semees  sur  le  pcncliant  des  coteaux  ; 
a  peine  rencontre-t-on  sur  sa  route  quelquescaravanse- 
rails  en  ruines  ,  dont  la  structure  puisse  oITrir  un  faible 
int^ret.  Dans  ces  pays  de  tout  temps  I'avages  par  des 
hordes  errantes  ,  les  habitants  sedentaircs  se  sont  vus 
forces  de  se  reunir  en  villages  pour  olFrir  quelque  re- 
sistance aux  attaqucs  dont  ils  etaient  I'objet.  On  ne 
sait  point  ici  ce  que  cost  qu'une  forme.  On   laisso  eiv 


(  312  ) 
friche  les  terrains  arables  qui  sont  trop  eloignes  des 
\illages  pour  quo  le  paysan  puisse  aller  le  matin  a  son 
travail  et  en  revenir  le  soir. 

Parmi  les  beys  qui  sc  trouvaientcliczlepacba  de  Van, 
il  y  en  avait  plusieurs  qui  portalont  le  costume  national 
des  Rourdes.  C'est  ordinairement  un  manteau  ou  aba 
de  laine  blancbe  dune  extreme  finesse  avec  des  passe- 
menteries de  soie  rouge.  Le  ftz  ou  calotte  est  compost 
d'un  feutre  blanc  de  forme  coniquo ,  autour  duquel 
s'enroule  un  cliale  blanc  pour  les  scbeiks,  et  ray6  de 
diverses  couleurs  pour  les  simples  montagnards.  lis 
ont  beaucoup  de  luxe  dans  leurs  armes ,  qui  se  bor- 
nent  ordinairement  a  une  paire  de  pistolets  et  un  sabre 
trfes  recourb^.  L'arc  et  la  fleclie ,  qui  ont  dt6  si  long- 
temps  en  usage  parmi  eux,  sont  aujourd'hui  complete- 
ment  abandonnes.  Les  arcs  ctaient  petits ,  fabriques 
avec  de  la  corne  et  des  cordes  a  boyau  ;  ils  etaient  re- 
vetus  d'un  enduit  dore  et  orn6  d'arabesques.  Un  bon 
arc  coute  encore  en  Turquie  de  cinq  a  six  cents  pias- 
tres. II  n'y  a  plus  que  les  grands  seigneurs  qui  s'a- 
donnent  a  I'exercice  de  cette  arme.  Le  sultan Mabmoud 
y  excellait.  II  y  a  plusieurs  cbamps  aux  environs  de 
Constantinople  et  dans  les  jardins  du  s^rai  qui  portent 
le  nom  de  Oc-Meidan  (la  place  de  l'arc).  Le  sultan  avait 
I'babitudc  de  fairc  clever  une  colonne  au  lieu  ou  il 
avait  loucbe  un  but  difficile.  La  flecbe  etait  composee 
d'un  roscau,  plus  ordinairement  dune  tige  de  bam- 
bou  ,  que  Ion  tirait  des  Indes.  Le  carquois  ne  se  por- 
tait  pas  sur  I'^paule ,  mais  (itait  suspendu  a  la  gauclie 
du  cavalier.  Une  autre  arme  a  peu  pr^s  abolic  aujour- 
d'bui,  et  dans  laquclle  les  Kourdes  excellaicnt,  etait  le 
djerid.  C'etaient  de  grands  javelots  de  bois  dur  dontla 
pointe  etait  Ac  fer  et  Iriangulaire.  Le  cavalier  portail 


(  •'^13  ) 

ordinairement   trois  djerid    ronfermes   dans    un   long 
6tui  de  cuir.  Celte  arme  correspond  an  javelot  des  an- 
ciens.  Lc  cavalier  ne  devait  jamais  abandonnor   son 
djerid  ,  ct  apres  I'avoir  lance  dans  la  melee  ,  il  devait 
s'y  precipitcr  lui-meme  pour  le  reprendre.   Quoiqne 
toutes  Jcs  amies    olTensives  du  moyen-agc   aient    ete 
abandonnees,  les  Kourdesont  conserve  lusagc  dubou- 
clier,  arnie    defensive  qui   aujourd'bui    ne   peut  etre 
d'aucunc  utllite  reelle.  Les  plus  beaux  de  ces  boucliers 
sont   fails   de  peaux   d'elepliant  el    sont  apporles  de 
I'lnde.  Ceux  quon  fabrique  dans  le  pays  sont  en  peau 
de  bufilc  et  renforces  de  bandelettes  de  fcr.  Le  bas  du 
bouclier  est  orne  d'une  frangc  de  laine  rouge  exacte- 
ment  semblable  a  celle  de  certains  boucliers  grecs  que 
Ton  voit  sculples  dans  les  bas-reliefs.  La  reforme  dans 
le  costume  ne  s'eslpas  etendue  au-dcla  des  principaux 
officiers  de  la  maison  du  pacba.  Tout  ce  qui  tient  aux 
tribus  kourdes  a  consei've  son  costume  national. 

La  fondation  de  la  vllle  de  Van  remonte  a  I'epoque 
brillanle  de  la  monarcbie  assyrienne ;  les  bistoriens 
armeniens  sontd'accord  pour  la  regarder  comme  I'an- 
cienne  Semiramocerte,bien  que  quelques  geographes 
aient  cm  reconnaitrelidentite  entre  sa  position  et  celle 
de  I'anciennc  Arlemiia ,  nom  qua  conserve  un  village 
sltue  au  sud-ouest  de  Van  et  dans  Icquel  on  ne  trouve 
point  de  traces  d'anliquites.  Selon  Moise  de  Rboren, 
Semiramis  auralt  fonde  cette  caj)itale  enrevenant 
d'une  expedition  contre  Arab,  roi  d'Armenle. 

La  situation  particuliere  du  grand  rocher  aurait  at- 
tire I'attenlion  de  celte  reine  et  I'aurait  decidee  a 
construire  un  chateau-fort  qui  jusqu'a  nos  jours  a  ete 
regarde  comme  un  des  plus  redoutables  de  toute  I'Ar- 
menie.  Les  traces  nombreuses  d'anliquites  que  Inn  rc- 
I.    Avnu..    5.  21 


(  314  ) 
marque  dans  les  ruines  du  chateau  do  \  an  remonlenl 
toutes  a  I'epoque  des  monarchies  assyrienne  ou  pcr- 
sane.  II  ne  paralt  pas  que  les  Remains  ou  Ics  princes 
d'Arra^nie  y  aient  ajoute  de  nouveaux  ouvragcs.  La 
ville  anciennc  dtant ,  d'apr6s  Tusaj^c  general  dans  cos 
contr^es,  batle  uniquement  en  terrc  comme  ceiles  qui 
existent  aujourd'hui ,  n'a  laisse  aucune  trace,  a  tol 
point  que  ce  n'est  que  par  analogic  qu'on  peut  con- 
clure  qu'elle  occupait  la  partie  sud  du  rocher  comme 
la  ville  moderne.  J'ai  ^ti  frapp6  de  la  i-essemblancc  de 
disposition  enlrc  la  ville  de  Van  ol  la  celebre  ville 
d'Anazarba  de  Cilicie;  I'une  et  I'autre  remontcnt  a 
pen  pros  a  la  memc  epoque;  et  pr6s  d'Anazarba,  les 
habitants  montrent  encore  une  ruine  qu'ils  appoUent 
C-ham-Miram-Kalesi  (le  Chateau  de  Semiramis). 

TEXIliK, 


(315  ) 

DEliXIEME    SECTION. 
Actes  de  la  Societe. 

KXTRAIT   DKS   I'ROCES-VEKI'.AIJ  X    DKS   SEANCES. 


Pri5sid£nce  de  M.  Roux  be  Rochelle. 

Seance  die  12    ai'ri/  ISZiZi. 

Le  proc^s-verbal  de  la  dorniere  stance  csl  lu  et 
adopte. 

M.  Cih.  Robin,  admis  r^cemment  dans  la  Society, 
adresse  ses  remerciments  a  la  Commission  centrale. 

M.  Francis  Lavallee,  vice-consul  do  France  a  la 
Havane,  annonce  qu'il  a  remis  a  MM.  Pimentel  et  de 
la  ToiTC  les  diplomes  de  leurs  nominations ,  et  que 
ces  deux  nouveaux  membres  se  proposent  de  faire 
incessammcnt  des  communications  a  la  Societe. 

M.  Jomard  annonce  ,  de  la  part  de  M.  le  general 
Visconti,  un  procbain  envoi  des  nouvelles  publications 
du  D6p6t  topograpbique  de  Naples. 

Le  meme  membre  met  sous  les  yeux  de  la  Society 
plusieurs  des  gravures  que  M.  Catervood  ,  arcbitecle  , 
est  sur  le  point  de  publier  a  Londres ,  et  qui  repr^- 
sentent  les  monuments  de  1' Yucatan  ,  que  cet  babiie 
artiste  a  dessin^s  sur  les  lieux.  II  fait  remarquer  la  dif- 
erence  qui  cxiste  entre  les  dessins  faits  par  des  obser- 


vateurs  exacts  el  liubiles  ,  tels  que  .M.M.  Nebel,  AVal- 
(!eck,  Ste])lien ,  Caler\ood,  etc.,  et  ceux  qu'on  a\ait 
jiisque  dans  ces  dernicrs temps  de  diirercntsvoyageurs 
(Strangers  a  I'arl  du  dcssin  ;  11  ajoiile  que  les  monu- 
ments de  TEgypte  ont  donnti  lieu,  il  y  a  quarante  ans, 
a  une  observation  scndjlable. 

M.  de  Frobcrvillc  i'ait  don  a  la  bibliotbeque  de  la 
Socidte  d'une  carte  manuscrite  du  moyen-age  ,  dessi- 
n^e  sur  parchemin  par  Oliva ,  et  qui  parait  etre  du 
xvi"  siecle. 

Le  meme  membre  lit  la  premiere  partie  d'un  Me- 
moire  qu'il  a  fait  sur  la  question  de  sa\oir  si  I'ile  de 
Madagascar  a  ete  connue  des  anciens.  Cette  communi- 
cation est  renvoy^e  au  comite  du  Bulletin  ,  et  M,  Jo- 
niard  est  prie  de  rendre  compte  de  la  carte  du  moyen- 

M.  Maisan  ainionce  son  jirocliain  depart  pour 
I'Afrique  oricntalo.  Sur  sa  demande  ,  la  section  do 
corresporidance  est  price  de  preparer  des  instructions 
giographiqucs  pour  cc  voyage, 

Sc'diice  cj:tnionlinaire  du  19  cwril. 

Le  proces-\erl)al  di*  la  dcruirre  seance  est  lu  et 
adopte. 

M.  Demersay,  admis  reccmment  dans  la  Societe  , 
lui  adrcsse  ses  remei-ciments ,  et  lui  demande  des  in- 
structions geographiques  pour  le  voyage  qu'il  a  le  pro- 
jet  de  faii'e  dans  I'Amerique  du  Sud. 

M.  Ober  Muller  adresse  a  la  Societe  le  specimen 
d'une  carte  en  relief  de  I'Allemagne  ,  imprimeo  d'a- 
pres  uu  n(>u\eau  procede  qui  lui  |)('iniet  d'cxecuter 
les  cartes  en  reliei"  avcc  autant  de  correction  et  a  ini 
|)rlx  aussi  niodere  que  les  cartes  planes.  —  M.  .lonuird 
est  prie  d Cii  rendre  c'oin|)te. 


( -"^l^ ) 

M.  Joiuard  preseiite,  an  iiom  de  la  Sociele  geogra- 
phique  de  Francfort,  une  carte  du  duclie  de  Nassau  , 
dressee  par  M.  A.  Ravenstein,  et  coiisideree  comnie  la 
plus  exacte  qui  ait  paru  jusqu'a  present  sur  cette  par- 
tie  de  lAlIemagne. 

M.  le  vicomte  de  Santarem  annonce  que  la  Societo 
maritime  de  Lisbonne  lui  a  t^moigne  le  desir  d'ouvrir 
des  relations  avec  la  Societe  de  geographic,  et  il  ap- 
pelle  I'attention  de  ses  collegues  sur  les  publications 
interessantes  dont  s'occupe  cette  Societe.  La  Conamis- 
sion  centrale  accueille  cette  communication  avec  em- 
pressement ,  et  prie  M.  de  Santarem  d'etre  son  inter- 
prete  aupres  de  la  Society  maritime  de  Lisbonne. 

M.  Ch.  Texier  depose  sur  le  bureau  quelques  nolos 
qu'ii  a  preparees  sur  Zanzibar,pour  le  voyage  de  M.  Mai- 
san  dans  rvVfrique  oi'ientale. 

M.  le  rapporteur  de  la  Commission  du  Prix  annuel 
pour  les  decouvertes  les  plus  imporlantes  en  geogra- 
phic ,  expose  verbalement,  au  nom  de  la  Commission, 
les  titres  de  differents  voyageurs  a  I'interet  et  aux  en- 
couragements dela  Societe.  Quatre  voyagesontete  plus 
particulierement  distingues  par  la  Commission,  pai-mi 
ceux  qui  sont  susceptibles  d'etre  admis  au  concours. 

La  Commission  centrale  regie  I'orde  des  lectures  qui 
seront  faites  a  la  seance  gen^rale  du  26  avril. 

Asaeinblee  geiierale  du  SCi  avril  ISZiA. 

La  Societe  de  geographic  a  tenu  sa  premiere  asscui- 
hUe  generale  de  i^hh  ,  le  vendredi  26  avril ,  a  I'llotel- 
de-Ville,  sous  la  presidence  de  M.  Eyries,  membre  de 
rinstitut ,  un  de  ses  presidents  honoraires. 

M.  le  President  adresse  a  I'assemblee  une  courte 
allocution  surle  but  ctl'ulilitd  des  Iravauxdcla  Societe, 
(i  il  [)r(''s(Mil(>  la  premiere  partiedu  lonie  \  II  duReeut^il 


(  318  ) 
des  Mcmoiros,  conlenant   uue  Gramniairo  ot  iin  Dic- 
tionnalre  dc  la  langue  berbcro,  par  leu  \  ciUure ,   de 
Paiadis,  ancieii   secretaire -interpretc  dii  roi  pour  les 
langues  orientales. 

M.  d'Avezac ,  remplissant  les  fonctions  de  secretaire 
en  I'absencc  de  M.  Noel  Des  Vergers,  lit  le  proc^s- 
verbal  de  laderniere  seance  gencralc,  et  communique 
la  liste  des  cartes  et  des  ouvrages  deposes  surle  bureau. 

M.  le  President  proclame  les  noms  des  nouveaux 
inembrcs  admisdans  la  Societe. 

M.  Joniard,  au  nom  d'une  commission  speciale, 
fait  un  rapport  sur  le  concours  au  prix  annuel  pour 
ladecouvertelaplusimportante  en  gcograpliic.  D'apres 
les  conclusions  de  ce  rapport ,  la  Societe  partage  sa 
grande  medaille  d'or  entre  M.  D.  Arnaud,  pour  son 
voyage  vers  les  sources  du  JNil-Blanc  ,  ct  M.  Hommaire 
de  Hell ,  pour  sou  voyage  a  la  mer  Caspienne;  elle  de- 
cerne,  en  outre,  deux  mentions  lionorables,  I'une  a 
M.  Edward  Jolm  Eyre,  pour  son  voyage  dans  I'Australie 
meridionale ,  et  I'autre  a  M.  Josepli  Russeggcr,  con- 
seiller  des  mines  de  Tempercur  d'Autricbe ,  j)0ur 
son  voyage  en  Nubie,  en  Syrie  et  dans  les  contrees 
voisines. 

M.  le  President  remet  a  M.  Hommaire  de  Hell  Tune 
des  deux  mcdailles  d'or,  etlui  adresse  les  I't^licilations 
de  la  Society  sur  les  lieureux  resultats  de  ses  explo- 
rations. 

MM.  Gay ,  Hommaire  de  Hell  et  Charles  Texicr  lisent 
successivement  des  fragments  de  leurs  voyages ;  le  pi'e- 
mier  de  ces  fragments  est  un  episode  sur  I'enterrement 
de  Catliiji,  cacique  araucanien ;  le  second,  un  coup 
d'ceil  sur  le  Caucase  ,  ct  Ic  troisiemo  unc  notice  geo- 
graphique  sur  le  Kurdistan. 

M.   lloux  doRoclielle,  president  de  la  commission 


(  319  ) 
centrale,  appelle  Taltention  dc  Ja  Socicto  sur  uii  iiou- 
veau  gdorama ,  d'une  grande  dimension ,  qui  vicnt  d'etre 
construit aux Champs-El}  s^es  jiarlessoins  deM.  Guerin, 
et  il  fait  ressortir  les  avantages  que  presente  un  pareil 
^tablissement  pom'  I'elude  de  la  geograpliie. 

L'assemblee  ,  conformement  a  ses  statuts  ,  procedf 

au  lenouvelleraent  des  membres  de  son  bureau  pour 

I'annee  IShh-iShb    et  elle  nomme  au  scrutin: 

President.  —  M.    le    vice-amiral   baron    de  Mackau . 

ministre  de  la  marine  et  des  colonies. 

M.  Adrien  Coclielet. 


Vice-jjiesideitts,  —  (    M.  Guigniaut ,    membre    de    I'ln- 

(        stitut. 

(   M.  d'Avezac. 
Scriitateuts.    — 

(    M.  de  la  Roquette. 

Secretaire.  — M.  Charles  Texier.' 

L'assemblee  nomme  egalcment  MM.  deFrobcrville  et 
Gay  aux  deux  places  vacantes  dans  la  commission  cen- 
trale ,  par  le  deces  de  MM.  Barbie  du  Bocage  et  Puillon- 
Boblaye. 

La  seance  est  levee  a  dixheureset  demie. 

MKMBRES    ADMIS   DA>S  LA    SOCIKTl':. 

Seance  du  \'l  avrd  18/i/i. 

M.  le  1)^  Alfred  Demersay. 

Seance  generate  du  26  avril. 

M.  Am^dee  Tardieu  ,  geographe  du  ministero  des 
affaires  etrangeres. 

OUVRACES    OFFtRTS  A    I.  \   SOCI^TE. 

Suite   des   Seances   ilc    mars    18Zi/i. 

Par  rinslitut  hislorique  et  geograpldque  du  Bresil  : 
Revue   trimestrielle  ,   n"*  11    et  12.  —  Supplement   au 


(  320  ) 

troisieme  volume  tlo  colto  revue.  —  Vies  d'Alexandre 
et  (le  Bartheleir.y  de  Giismao,  brocli.  in-8°- 

*  Par  hi  Societe  cV emulation  ilii  Jura  :  Travaux  dc  cetto 
Soci^te  pendant  les  annecs  I8/1O-/1I  ct  lS41-/i2. 

Par  jM.  le  colonel  Sabine  :  Observations  on  Davs  of 
unusual  magnetic  disturbance,  made  at  tbc  British 
colonial  magnetic  observatories  under  the  depart- 
ments of  the  ordnance  and  admiralty;  1  vol.  in-i°. 

Par  M.  le  capitaine  Vetch  :  Inquiry  into  the  means 
of  etaljlishing  a  ship  navigation  betAveen  the  Mediter- 
ranean and  Red  seas,  broch.  in-8°. 

Par  M.  Fontanicr  :  Voyage  dans  I'lndc  et  dans  le 
golfe  Persique  par  I'Egypte  ct  la  mer  Rouge ;  1"  par- 
tie.  1  vol.  in-8°. 

Par  S.  F..  M.  le  comte  Cancrine  :  Annuaire  magn^- 
tique  et  meteorologique  du  corps  dcs  ingenieurs  dcs 
mines  de  Russie.  Annee  1841  ;  n"  1  et  2.  In-Zi".  — 
Observations  mdteorologiques  faites  a  Kasan.  1835- 
1836;  1vol.  m-h". 

Par  M.  Lajond  :  \  oyages  autour  du  monde.  Mers 
du  Sud,  de  la  Chine  et  archipel  de  I'Inde.  129=  a  132' 
iivi-aison- 

Pur  M.  Hippolyte  Fluiy.  Memoire  sur  la  culture  des 
caroubiei's  dans  I'ancien  royaume  de  Valence,  broch. 
in-8°. 

Paries  Fditeiirs  :  Annales  maritimes  et  coloniales, 
f^vrier.  —  Bulletin  de  la  Societe  geologique  de  France, 
mars.  ■ —  L'Invcstigaleur,  journal  de  I'lnstitut  histo- 
rique,  mars.  —  Boletin  enciclopedico  de  la  Sociedad 
economlca  de  amigos  del  pars.  —  Annales  de  la  pro- 
pagation de  la  foi ,  mars  ISlili. 


BULLETIN 


I)K     LA 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 


MAI  18/i/i. 


PREMIERE    SECTION. 


MRMOIUES,   KXTRAITS,   ANALYSJiS  ET  liAPI'OIiTS. 


Notice  sur  la  gcographie  da  Texas ,  sur  la  variete  de  ses 
productions ,  de  ses  animaux ,  de  ses  pi  antes ,  et  de  sex 
richesscs  naturelles  et  comi>ierciales ,  par  M.  yVsHBKi. 
Smith  ,  memhre  de  la  Societe  de  geographic. 


La  republique  du  Texas  occupe  un  vaste  territoii'e  , 
qui  comprend  12°  de  latitude  depuislc  26°  jusqu'au  38° 
nord,  et  13°  de  longitude  du  95°  au  108°  a  I'ouest  du 
meridien  de  Paris.  La  superficie  est  estimee  a  318,000 
milles  Carres  ,  et  presente  une  grande  variete  de  sur- 
face et  d'elevation. 

Le  Texas  est  borne  au  nord  et  au  nord-est  par  la 
ligne  qui  le  s(^pare  des  Etats-Unis ,  fofmee  principale- 
ment  par  les  rivieres  Arkansas,  Rouge,  et  Sabine.  II  est 
borne  a  Test  et  au  sud-est  par  le  golfe  du  Mexique ;  au 
sud-ouest  et  a  I'ouest  par  le  Rio-Grande,  qui  le  s^pare 
dn  Mexique. 

I.   MAI.     1.  22 


(  322  ) 

Sans  tenir  conipte  d'une  petite  langue  Je  torre  peu 
importante  en  apparence  a  rextr^mite  nord-ouest, 
la  fronti^re  seplcntrionale  du  Texas  est  form6e  par  la 
branche  prlncipale  do  I'Arkansas,  qui  coulo  vers  Test 
on  traversant  six  dcgros  do  longitude;  et  rextromil6  sud 
du  Texas  est  a  remboucliurc  du  l\io-Grande. 

On  ne  saurait  einbrasser  dans  la  memo  description 
les  divers  jjays,  climats,  sols  ct  productions  dos  diffe- 
rentes  parties  du  Texas.  La  region  de  I'ouestetdu  nord- 
ouest  se  compose  de  plateaux  6le\^s  et  ^tendus,  traverses 
par  deschaines  de  raontagnes:  elle  abonde  en  produc- 
tions minerales,  ainsi  qu'en  gras  paturages  et  en  terres 
propres  a  I'agriculture.  Cette  partie  du  Texas,  destin6o 
avant  peu  a  recevoir  une  population  considerable,  a  ce- 
pendant  peu  attir^  I'attentlon  jusqu'a  ce  jour.  On  doit 
attribuer  cc  resultat  a  I'eloignement  oii  est  ce  pays  des 
grandes  voies  de  communication  et  des  centres  de 
population  ,  ainsi  qu'a  la  presence  destribus  indiennes 
repandues  dans  toute  la  contr6e,  a  I'cxception  des  ^ta- 
blissements  mexicains  situes  sur  la  rive  orientale  du 
Rio-Grande. 

Apr^s  quelques  remarques  g^n^rales  sur  la  vaste  por- 
tion do  notre  tcrritoire  dont  je  vicns  do  parlor,  je  I'es- 
treindrai  mes  observations  aux  souls  districts  oil  des 
etablissemcnts  ont  ele  formes  par  dos  Emigres,  dont 
quelques  uns  sont  venus  d'Europe ,  et  dont  le  plus 
grand  nombre  est  arrive  des  Etats-Unis. 

La  region  nord-ouest  du  Texas  a  6te  rareraent  visitee 
par  les  blancs;  elle  est  habilt^e  par  les  Comanches  et 
par  d'autres  tribus  indiennes  de  la  meme  famille  ,  qui 
cbassent  le  bison  dans  ses  vastes  plaines  et  dans  ses 
vallees.  ^ous  parlerons  plus  loin  de  cos  tribus  impor- 
tantes. 


(  323  ) 

L'honneur  de  la  d(!!couverte  du  Texas  apparlient, 
comme  Ic  salt  la  Soci(^te  de  g<!'ograpliie ,  a  I'intrt^pide  et 
infatigable  La  Sale,  et  c'est  dans  co  pays  quo,  long- 
temps  apros,  on  tenta  d'etablir  le  Champ  d'Asile. 

Les  grands  flouves  la  Trinite  ,  le  Brazos,  le  Colorado 
et  un  grand  nombre  d'autrcs  cours  d'eau  moins  remar- 
quables,  mais  non  pas  sans  importance,  coulent  en- 
tierement  dans  les  limites  du  Texas  ,  se  jettent  dans  le 
golfe  du  Mexique  et  indiqucnt  par  la  direction  de  leurs 
eaux  que  le  pays  est  un  plan  incline  dont  la  pente  est 
dirig^e  vers  le  sud-est.  Dans  le  Brazos  et  le  Colorado , 
a  la  descente  d'undes  plateaux  superieurs,  il  y  a  dele- 
geres  chutes  ;  aucun  fleuve  du  Texas  n'en  presente  ce- 
pendant  d'une  hauteur  remarquable. 

La  riviere  Rouge ,  qui  fait  partie  de  la  limitc  septen- 
trionale  du  Texas,  se  jette  apr^s  un  parcours  d'environ 
1,500  milles  dans  le  Mississipi ,  sur  le  territoire  des 
Ltats-Unis.  Durant  les  fortes  crues  des  mois  d'hivcr, 
les  eaux  de  la  riviere  Rouge  viennent  se  confondre  avec 
celles  de  quelques  sources  de  la  Trinite ;  et  en  suivant 
le  lit  de  cette  riviere ,  elles  vont  rejoindre  le  golfe  du 
Mexique.  La  riviere  Rouge  tire  son  nom  de  la  couleur 
de  ses  eaux,  rougies  par  les  matierestcrreuses  qu 'elles 
detaclient  dansleur  cours,  quandle  fleuve  est  grossi  par 
les  pluies  d'hiver. 

La  Trinity  a  pr^'s  de  700  milles  de  longueur;  elle  a 
6te  remontee  ,  lors  des  hautes  eaux  ,  par  de  petits  ba- 
teaux a  vapeur,jusqu'a  la  distance  d'environ  AOOmilles. 
LeBrazos,  dontle  cours  estestime  a  environ  1,000 mil- 
les, n'est  pas  si  favorable  a  la  navigation  que  la  Trinit(^. 
Lne  de  ses  branches  traverse  un  lac  sale ,  shui  dans 
I'interieur  des  terres,  et  qui  donne  a  ses  eaux  une  sa- 
veur  leg6rement  saumatre. 


(  324  ) 
Le  Colorado  a  environ  800  milles  de  longueur  ;  mais 
sa  navigation  est  intercepKie,  a  quelqucs  milles  do  son 
enibouchuro,   par  Ics  bois  de  d^rivo  qui  s'y  trouvonl 
amonceles. 

Le  Rio-Grande,  qui  forme  la  fronli^re  occidontale 
du  Texas,  prend  naissance  dans  les  memes  regions  que 
d'autres  gi'andes  rivieres.  Les  principales  sont  I'Arkan- 
sas  qui,  apres  un  parcours  vers  le  sud-est,  va  se  jeter 
dans  le  Mississipi ;  la  riviere  de  Pierre-Jaune  (Yellovv- 
Slone),  qui  coule  vers  le  noi'd-est  et  rejoint  le  Mis- 
souri; la  riviere  des  Serpents,  dont  les  eaux  vont  so 
riunir  au  Rio-Colombia  qui,  coulant  vers  le  nord-ouest, 
se  dechargc  dans  la  nier  Pacifique  sous  le  46°  degre  de 
latitude. 

Le  Colorado  occidental  se  dirigeant  vers  le  sud-ouest 
des  montagnes  rocheuses,  va  se  jeter  dans  le  golfe 
de  Californie ,  pres  du  32"  degr6  de  latitude.  Le  Rio- 
Grande,  apres  un  cours  d'environ  600  lieues  dans  la 
direction  sud-est,  debouche  dans  le  golfe  du  Mexique 
sous  le  26'^  degre  de  latitude.  Ce  fleuve  a  peu  d'af- 
fluents ,  et  a  cause  de  la  rapidite  de  son  courant  et  de 
son  peu  de  profondeur,  la  navigation  en  est  quelque- 
fois  interrompue* 

Les  sources  de  toutes  les  grandes  rivieres  dont  nous 
venons  de  parler,  se  trouvant  dans  le  voisinage  les  unes 
des  autres ,  semblent  indiquer  que  ce  plateau  est  su- 
perieur  a  tous  ceux  du  centre  du  continent  am^ricain  , 
bien  que  Ton  trouve  dans  la  chaine  de  montagnes  du 
Mexique  certains  pics  plus  eleves.  Lin  voyageur  qui  vi- 
sita  dernierement  ce  pays,  m'a  rapporte,  qu'en  efTet , 
la  region  nord-ouest  oil  se  trouvenl  les  sources  de  ces 
rivieres ,  est  un  immense  plateau  dune  grande  cl^- 
\ation.   coupe  par  de   profonds  ravins,  sans  arbres  , 


(  325  ) 

inais  convert  d'a}3ondaiils  paturages.  Je  n'ai  pas  be- 
soin  de  faire  observer  a  la  Sociele  que,  parmi  les  ri- 
vieres dont  j'ai  du  parler  pour  completer  lagoograpliie 
du  Texas,  I'Arkansas  ,  la  Pierre-Jaune  et  la  riviere  des 
Serpents  coulent  entierement  dans  les  limites  des  Etats- 
Unis ,  et  le  Colorado  occidental  dans  celles  du  Mexique. 

Les  cotes  maritimes  du  Texas  depuis  la  baie  Sabine 
jusqu'a  I'emboucbure  du  Rio-Grande  ,  ont  une  6tendue 
d 'environ  ZiOO  milles.  A  mesure  qu'on  s'eloigne  de  la 
terre  ,  la  profondeur  de  I'eau  augmente  regulierement, 

Le  long  du  golfe,  et  pres  de  la  cote  se  trouvent  plu- 
sieurs  lies  dont  quelques  unes  ont  une  etendue  consi- 
derable. Cette  cote  e§t  basse  ,  unie  ,  et  tapissee  de 
riclies  herbages.  En  general ,  il  n'y  a  point  d'arbres , 
si  ce  n'est  vers  I'emboucbure  des  rivieres.  Cependant , 
on  \oit  ca  et  1^  sur  le  rivage  des  bouquets  de  bois,  dont 
la  verdure  dgaie  le  paysage  et  rompt  la  monotonie  d'un 
horizon  lointain.  La  baie  de  Galveston  ,  qui  a  une  lar- 
geur  de  20  milles,  p6netre  dans  les  terres  jusqu'a  une 
distance  de  pres  de  douze  lieues. 

Du  c6t6  de  la  mer,  la  contr^e  s'eleve  doucement  par 
de  legers  plis  de  terrain ,  et  cependant  elle  presente , 
jusqu'a  liO  et  meme  a  80  milles  de  distance  ,  a  partir 
du  golfe ,  une  extreme  uniformite.  Le  sol  devient 
cnsuite  onduleux,  et  plus  on  marche  dans  I'interieur 
des  terres ,  plus  le  pays  est  accident^  :  a  mesure  que 
Ton  s'approche  des  sources  des  grands  fleuves  ,  on  ren- 
contre des  plateaux  plus  ou  moins  distincts ,  servant 
de  degriis  a  des  montagnes  d'une  certaine  elevation.  Ce 
sont  des  ^perons  qui  se  detacbent  de  la  grande  coi-dil- 
Icu-e  americaine,  parallele  a  I'Ocean-Pacidque  ,  et  qui 
viennent  pen  a  peu  s'abaisser  et  se  perdrc  dans  les 
plaines  du  Texas. 


(  32.3  J 

IjC  Texas  fsl ,  eii  geii(Jral,  un  pays  do  prairies  «  a 
eounlry  prairie.  »  Les  habitants  doniient  ce  nom  au\ 
terres  sur  rcmplacement  desquelles  il  n'a  jamais  cxiste 
de  forets  ,  afin  de  les  distinguer  des  terres  qui  ont  6t^ 
d(!;fricliees. 

Les  grands  fleuves  sont  bordes  ,  sur  chaque  rive  ,  par 
des  forets  dont  I'^tenduc  varie  d'un  a  plusieurs  milles. 
Les  lits  des  cours  d'eau  moins  considerables  sont  en- 
caiss^s  de  la  meme  maniere  dans  de  petits  bois.  Le 
pajs  qui  se  trouve  entre  deux  rivieres  est  ordinaire- 
ment  une  prairie  ouvertc ,  couj)eo  de  bautes  lutaics , 
vulgairement  appelecs  «  ilots  de  bois.  »  Ces  ilots  \arient 
en  (itcndue  :  quelques  uns  ont  jusqu'a  500  hectares  : 
ils  sont  souvent  a  plusieurs  milles  de  distance  les  uns 
des  autres,  de  sorte  que  le  pays  a  I'apparcnce  d'ilots 
d'arbres  au  milieu  d'une  mer  de  verdure.  Les  prairies, 
dans  toute  leur  etendue  ,  et  presque  jusqu'au  boi'd  de 
la  mer,  sont  couvertes  dun  beau  gazon  ,  et  6maillees 
de  fleurs  qui  se  renouvellent  toute  I'annfic.  Dans  les 
parties  les  moins  6lev6es ,  qui  sont  celles  du  sud  ,  la 
verdure  est  eternclle,  et  fournit  en  toute  saison  unc 
nouri'ilure  abondante  aux  troupeaux  domcstlques  et 
sauvages  qui  paissent  dans  ces  regions. 

Le  has  pays  est  forme  par  unriche  terrain  d'alluvion, 
6pals  de  plusieurs  picds,  reposant  en  divers  endroits 
sur  uii  lit  de  marnc  :  on  trouve  peu  de  pierres  a  la  sui*- 
face.  Les  petits  cailloux,  que  Ton  voit  ordinairement 
sur  le  sol  ,  ne  se  remarquent  qu'au  sortir  du  pays 
plat  :  ils  augmentent  en  nombre  et  en  grosseur ,  a  mc- 
surc  quel'on  s'avance  dans  rinteriour,  jusqu'a  cc  qii'on 
arrive  anx  masses  qui  lorment  les  monlagnes. 

II  IK  I'aut  appliqucr  les  obscr\ations  que  je  \ais  lairi- 
maintcnant  qua  la  portion  de  pa\s  de  200  a  300  milles 


(  327  ) 

de  largeur ,  qui  s'etend  Ic  long  du  golfe  du  Mexique  , 
depuis  la  riviere  Rouge  et  la  Sabine  au  nordest  jusque 
pres  du  Ilio-Grande  au  sud-ouest.  II  comprend  le  pays 
plat  adjacent  au  golfe ,  le  district  du  pays  accidente  , 
et  le  plateau  qui  commence  aux  chutes  du  Colorado  et 
du  Brazos.  Les  etablissements  fond^s  par  les  Texiens 
qui  sont  directement  ou  indii'ectement  d'origine  euro- 
peenne ,  sont  situ(^s  en  g<^neral  dans  le  pays  plat  d'al- 
luvion  et  dans  le  pays  onduleux.  Les  cultivateurs  blancs 
se  sont  cependant  avanc^s  jusque  dans  I'int^rieur  des 
terres  elcv^es,  et  aujourd'hui  cette  contr^e  produit 
des  c^i'eales  et  tout  ce  qui  est  necessaire  aux  besoins 
d'un  peuple  civilise. 

Le  pays  que  baigne  la  riviere  Rouge  ressemble  ,  dans 
ses  principaux  caracteres  et  a  quelques  modifications 
pres ,  a  la  grande  vallee  du  Mississipi.  A  I'exception  de 
cette  region  ,  I'aspect  du  Texas  oITre  ce  trait  caracteris- 
tique,  qu'on  n'y  voit  pas  de  marais  ni  de  lagunes ;  et 
le  voyageur  qui  marche  vers  I'ouest ,  en  quittant  la  val- 
lee du  Mississipi ,  n'est  pas  moins  ^tonne  du  change- 
ment  de  paysage  qui  a  lieu  a  son  arriv^e  au  Texas,  que 
du  contraste  entre  I'atmosph^re  humide  d'ou  il  sort  et 
le  climat  sec  et  doux  de  ce  pays.  On  ne  voit  pas  dans 
la  contree  quejed^cris  ,  d'immenses  marecages  formes 
par  des  rivieres,  comma  ceux  du  Mississipi  et  de  ses  af- 
fluents, qui  sont  a  certains  endroits  d'une  largeur  ex- 
cessive et  qui ,  en  se  retirant ,  dans  la  saison  chaude  , 
laissent  de  grandes  flaques  d'eau  stagnante,d'ou  il  s'e- 
leve  des  exhalaisons  et  des  miasmes  insalubres.  Les 
rivieres  de  I'ouest  coulent  dans  des  lits  profonds ,  res- 
serr^s  entre  des  bords  eleves.  Get  avantage  ,  joint  a 
la  surface  plane  et  unic  de  cette  region  qui  ne  presents 
pas  d'obstacle  aux  brises  de  mer  dont  on  jouit  jusqu'a 


(  328  ) 

100  inilles  cles  cotes ,  a  pour  ellet  <le  inodifier  le  climat 
de  la  manlere  la  plus  hcureuse  et  dc  le  rendre  extre- 
nicmcnt  sain.  Je  n'ai  pas  ici  les  documents  niJicessaires 
pour  estlnier  la  quantite  dc  pluie  qui  tombc  au  Texas 
dans  le  cours  de  i'anneo  :  je  puis  cependant  etablir  en 
giineral  que  le  climat  est  sec ,  et  que  la  douceur  et  la 
puret6  de  ratniosphcre  augmentcnt  a  mesure  que  Ton 
s'avance  vers  I'ouest.  La  pluie  tombc  en  toutc  saison  : 
elle  est  toutcfois  plus  abondanle  \ers  la  fin  de  I'hivev 
et  aux  approchcs  de  I'iquinoxe  d'automne. 

Le  tliermometre  s'eleve ,  durant  la  saison  cliaude , 
jusqu'a  plus  de  33  degrees  ccntigrades  dans  le  milieu  de 
la  journee  ;  mais  les  brises  du  sud ,  qui  regnent  a  cettc 
^poque  de  Tannic  et  la  plupart  du  temps  pendant  un 
mois  entier  sans  la  moindre  interruption ,  rcndent 
la  temperature  plus  douce  et  rempechent  d'eti-e  acca- 
blante.  Ces  brises  commencent  regulierement  le  matin 
avec  le  lever  du  soleil ,  croissent  progressivement  jus- 
qu'a deux  ou  trois  heures ,  et  tombenl  avec  le  jour. 
L'agriculteur  continue  ses  travaux,  et  le  voyageur  sa 
route  a  iravers  les  prairies,  au  milieu  des  plus  grands 
jours  du  solstice  d'6te  ;  et  beaucoup  d'habitants  portent 
des  vetements  de  draptoute  I'anncie.  Lesnuitssontasse/ 
fraiclies,  et  comme  elles  sont  plus  longnes  en  ett^  que 
dans  des  latitudes  plus  septentrionales  ,  elles  refroidis- 
sent  plus  complctementla  lerre  et  I'air,  de  sorte  qu'a\ec 
les  brises  du  golfo  elles  contribuent  beaucoup  a  dimi- 
nuer  I'excessive  chaleur.  II  est  peu  de  climats  dans  les- 
quels  on  se  ressente  moins  qu'au  Texas  des  fatigues  de 
la  saison  chaudc. 

Les  vents  d'est  et  de  nord-est  sont  plus  apres  :  quand 
ils  rognent,  ils  ont  pour  resultat  de  condenser  I'atmo- 
spli^re  et  de  disposer  aux  ficvres  intermittenles.   Du- 


(  3-29  ) 

rant  les  mois  d'hiver,  ils  devlennenl  plus  Irequeiils  ,  el 
pluslcurs  fols  pendant  qiielqiies  heures  le  tliennometre 
descend  au  degr6  de  congelation.  Dans  I'hiver  de  1837 
a  1838,  il  tomlja  au-dessous  de  zero,  et  les  orangers 
de  New- Washington  dans  la  belle  propriete  du  colonel 
Morgan  ,  perirent  commc  ceux  de  la  Floride  et  des 
Etats  du  sud  de  rUnion-Americaine ;  neanmoins  la 
racine  dcs  arbres  etait  conservee ,  et  de  vigoureux  re- 
jetons  pousserent  a  la  naissance  de  la  tige.  On  voit  ra- 
renient  de  la  neige  dans  cetle  partie  du  Texas ;  il  en 
est  de  meme  dans  le  pays  plat  et  dans  les  districts  du 
sud.  La  temperature  moyenne  des  environs  de  Galves- 
ton est  de  '21° ,  et  sur  les  bords  de  cette  baie  le  rosier 
des  quatre  saisons  produit ,  en  pleine  terre ,  de  nou- 
velles  fleurs  tons  les  mois. 

Pour  une  contr^e  si  meridionale,  le  Texas  est  tres 
sain;  jamais  pays,  a  son  premier  etablissement  et  au 
moment  ou  I'liomme  le  soumcttait  a  ses  besolns  ,  ne  le 
prouva  mieux  que  celui-ci.  L'absence  de  marais  et  de 
lagunes ,  I'aspect  uni  et  d^couvert  du  territoire ,  lais- 
sant  constamment  un  libre  cours  aux  brises  du  golle 
qui  rarraicbissent  I'atmosphere,  sont  les  causes  pre- 
mieres de  cette  salubrite.  Je  ne  sacbe  pas  que  la  llevre 
typboide  y  ait  jamais  existe;  on  y  voit  peu  de  pleuresies, 
et  les  eci'ouelles  sont  rares.  Ce  climat  est  surtout  favo- 
rable a  la  guerison  des  maladies  de  poilrine,  et  I'on  a 
vu  dcs  malades ,  atteints  de  pbtbisie ,  renaltre  sous  le 
ciel  du  Texas.  Dans  le  pays  plat,  on  rencontre  des  in- 
dispositions bilieuses  ,  accompagnees  de  fievx'es  de  di- 
verse nature ;  et  ces  fievres  s'aggravent  quelquefois 
en  automne,  mais  elles  ne  sont  pas  mortelles. 

Les  dyssenteries  sont  tr^s  rares  et  les  alTections  clno- 
niques  du  foie  sont  encore  luoiiis  I'leqiii'iiti's  ;  i']\\\\i  !vs 


(  S30  ) 

maladies  piopres  au  Texas  sont  gen^raleiuent  simples 
et  cMent  sans  difliculto  a  iiii  hoii  traitcment  et  a  des 
soins  convenablos.  Los  personnes  qui  s'abstiennenl 
d'exc6s  et  qui  evitent  de  s'exposer  sans  precautions  au 
soleil  de  midi  dans  la  saison  cliaude,  jouissent  d'une 
sante  parfaite.  Dans  le  pays  ondule  des  prairies  ,  les 
indispositions  sont  encore  plus  rares  et  plus  i)6nigncs. 
L'ouest  du  Texas  est  un  vrai  jardin  de  santii.  On  peut 
citer  egalement  sur  les  cotes  memes  du  golfe  on  des  iles 
adjacentes,  divers  points  comme  Galveston,  Saint- 
Louis,  \elasco  et  beaucoup  d'autres,  qui  peuvent  ri- 
valiser  de  salubrity  avec  les  parties  les  plus  lavoris^es 
du  globe. 

On  doit  neamnoins  s'attcndre,  d'apres  les  ensci- 
gnements  du  pass6  ,  a  cc  que  la  fi6vre  jaune  vienne  vi- 
siter le  pays,  dans  les  endroits  oil  une  nombrcusc  po- 
pulation et  des  causes  locales  sembleraient  fournir  les 
Elements  necessaires  ei  son  diveloppenient. 

On  a  cherch6  a  savoir  si  les  Europecns  ou  les  autrcs 
(Strangers,  venus  des  latitudes  septentrionales,pouvaient 
s'exposer  sans  danger  au  soleil  du  Texas.  Les  obser- 
vations faites  pendant  plusieurs  annees  prouvent  qu'il 
n'y  a  aucune  crainte  a  avoir  dans  le  district  du  pays 
onduleux ,  mais  les  Strangers  ne  doivent  pas  s'etabhr 
dans  les  regions  basses  avant  d'etre  entiferement  ac- 
climates. 

Dans  le  pays  onduleux  et  dans  le  Texas  occidental , 
I'etranger  ne  se  trouvera  pas  plus  incommode  par  la 
chaleur,  qu'il  ne  Test  dans  plusieurs  parties  de  la  France 
et  des  litats  du  nord  de  rUnion-Americaine  ,  pendant 

I'ete. 

Les  forSts  du  Texas  fournissent  des  arbres  propres  a 
lous  les  usages  :  nous  menlionnerons  difTerentes  es- 


( ^^i ) 

peces  de  chenes ,  despins,  des  cedies,  dos  (irables  , 
des  peupliers  blancs  ,  des  couibaris,  des  frenes,  des 
oi'mes,  des  cornouillers,  despacaniers,  du  bois  d'Aro, 
des  magnolias  ,  des  cotonniors,  des  gommiers,  des 
noyers,  des  jii'uniers  sauvages,  des  muriers,  des  p6- 
chers ,  des  persimons. 

II  suffit  de  nomuier  tons  ces  arbres  pour  se  rendre 
compte  de  Icur  cmploi.  L'immense  quantity  de  chenes 
verts ,  qui  olTrent  le  nieilleur  bois  de  construction  pour 
la  marine  ,  est  digne  d'une  attention  speciale  ,  et  on  la 
regarde  commc  une  source  importante  de  richesses 
pour  le  pays.  Les  autres  especcs  de  cb6nes ,  le  paca- 
nier  etle  noyer  ajoutent  encore  aux  moyens  de  subsis- 
tance  que  nous  avons  indiqud's ,  en  servant  a  la  nour- 
riture  de  troupeaux  de  pores.  Plusieurs  especes  de  bois 
sontpropres  a  I'ebiljnisterie.  Le  cedre  est  si  abondant, 
qu'un  vaisseau,  le  bi'ick  Nord,  fut  entierement  charge, 
il  y  a  deux  ou  trois  ans,  d'une  cargaison  de  ce  bois 
pour  un  port  de  la  Baltique  :  je  ne  sais  d'ailleurs  si  les 
profits  de  ce  commerce  ont  engag^  les  armateurs  a  le 
continuer:  quelques  personncs  ont  craint  qu'il  ne  s'en- 
suivlt  plus  tard  une  grande  p(^nurie  de  bois  dans  le 
Texas;  mais,  ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'il  en 
existe  d^ja  une  grande  quantity  ,  et  si  les  bois  sont  peu 
nombreux  dans  la  partie  occidentale  dont  le  climat  est 
plus  sec ,  ils  abondent  a  mesure  que  Ton  s'avance  a 
lest  du  c6t6  de  la  riviere  Rouge. 

Depuis  longtemps  on  a  reconnu ,  dans  les  districts 
eleves  du  Texas  ,  I'existence  de  mines  d'or  et  d'argent. 
J'en  ai  vu  moi-meme  de  riches  echantillons ,  que  Ton 
me  donna  commc  provenant  des  montagnes  dc  Saint- 
Saba.  Le  minerai  d'or  est  beau  et  semblablo  a  celui  do 
quelques  mines  de  la  Caroline  du  nord  et  (hi  Congo  , 
au  Bresil. 


(   332  ) 

Oil  a  clecuu\oil  dans  la  riviire  Saiut-Saba  des  mines 
abondantes  de  suUure  de  ploinb ,  alnsi  (ju'unc  uiiue 
considiirable  de  cuhn;  prrs  du  Brazos  sup^rieur;  et 
pr6s  du  lac  sale  que  traverse  ce  fleuve  ,  on  volt  des  lits 
de  charbon.  Le  pays ,  accident^  et  montagneux  ,  con- 
tient  aussi  d'immenses  lits  de  minerai  do  I'er  et  des 
carri^rcs  do  platre  et  de  cbaux. 

Pres  du  Colorado  ,  on  Irouvc  a  la  surlace  du  sol  dc 
grandes  quantites  dc  silicates  :  cc  sont  surtout  des  cail- 
loux  ronds  de  pierre  a  fusil,  d'agale ,  de  chalcedoine 
et  de  quartz. 

On  a  d^couvert  dans  differentes  parties  du  pays,  des 
salines  et  des  sources  sulfureuses. 

Dans  I'ile  Padre,  a  I'enibouchure  du  Nueces,  il  existe 
de  vastes  bassins,  peu  profonds,  et  assez  semblables 
a  des  esp^ces  de  plats  naturels  que  vient  couvrir  I'eaii 
du  golfe ,  a  I'dpoque  des  liaute^  marges.  La  cbaleur  du 
soleil  vaporise  cette  eau ,  et  la  terre  reste  alors  cou- 
verle  d'unecouclic  de  sel,  epaisse  dc  plusieurs  pouces. 
On  tire  de  la ,  ainsi  que  des  lacs  sal^s  de  I'ouest  du 
Nueces,  une  grande  quantity  de  cot  ingredient  indis- 
pensable. II  suffil  presqu'exclusiveraent  aux  besoins  du 
Texas  :  j'en  ai  fait  personnellenient  usage,  et  il  est  par- 
faitement  salubre  ,  mais  je  ne  saurais  dire  s'il  est  aussi 
bon  pour  la  conservation  des  aliments  que  les  mt^il- 
leurs  sels  d'importation. 

Le  pays  plat  contienl  trfes  peu  de  mineraux  ;  et  les 
autres  parties  de  la  contree ,  don  I  le  sol  offre  au  g6o- 
logue  lescaract^resquirevelent  Texistenee  de  quclques 
mines  de  diverse  nature,  n'ont  encore  6t6  qu'im- 
parfaitement  explor6es.  La  fertilite  du  sol  presente  une 
autre  source  de  ricbessc,  plus  certaino  encore  que  celle 
des  metaux  ;  e'est  cello  de  ragri('ultiir<\   I'ji  cnf<M  ,  olle 


(  333  ) 

est  tellcment  dans  les  gouts  dcs  lialjitants  du  pays , 
qu'oii  ne  dolt  point  s'atteiidre  a  I'cxploitation  des 
mines ;  a  moins  que  des  capitalistcs  etrangers  ne  vien- 
nent  eux-niemes  s'occuper  a  les  mcttre  en  valeur. 

Comnie  pays  dc  cultui'e  ,  le  Texas  n'a  point  de  rival. 
La  longue  duree  de  la  belle  saison  et  la  surprenante 
fertilite  du  sol  lui  assurent  le  premier  rang.  Toutes  les 
productions  commercialesdu  sud  des  Etats-Lnis,  telles 
que  le  coton,  le  sucre,  le  mais  et  le  tabac,  y  viennent 
dans  la  plus  grande  abondance  et  de  la  meilleure  qua- 
lite.  On  y  cultive  egalement  le  riz  ,  1 'indigo  et  les  pro- 
duits  des  climats  cliauds.  Jusqu'ici  on  ne  s'est  guere 
occupe  que  de  la  culture  du  coton  et  du  mais;  et  Ton 
a  fail  peu  de  plantations  dc  Cannes  a  sucre :  ccla  tient 
aux  d^penses  premieres  qu'il  faudrait  faire,  pour  etablir 
les  macliincs  d'extraction  et  de  preparation.  Celles  qui 
existent  sont  situees  sur  la  riviere  Caney ,  oil  la  canne 
a  Sucre  croitplus  facilement,  miiritplus  vite,  et  s'^lfeve 
plus  haut  que  dans  laLouisiane. 

Les  agriculteurs  commencent  leurs  semailles  dans  les 
premiers  jours  de  fevrier,  et  ils  sement  d'abord  le 
mais;  ils  n'ont  jaas  a  craindre  la  perte  de  leur  recolte 
par  suite  des  gel6es  blanches  d'aulomnc  qui  ne  commen- 
cent pas  avantla  fin  d'octobre  ou  le  milieu  de  novembre, 
Le  mais  produit  de  trentc  a  plus  de  cent  boisseaux  par 
acre.L'exploitation  du  coton  s'ouvre  enjuillet;depuislors 
jusqu'au  prinlemps  suivant ,  on  en  recolte  sans  inter- 
ruption. Les  automnes  longs  et  sees ,  les  hivers  doux 
et  sansneige  sont  specialement  favorables  a  ce  travail. 
La  nourriture  abondante  que  fournissent  aux  bestiaux 
les  prairies  ,  vertes  dans  toutes  les  saisons  ,  permet  aux 
planteurs  de  consacrer  tous  leurs  soins  a  la  culture  du 
coton  et  des  autres  objets  d'exportation  poiu'  les  mar- 


(  33/1   ) 

c})6s  Strangers.  Le  colon  peul  6tre  produit  au  Texas 
a  moitit^  prix  de  colui  dc  la  zone  septenlrlonalc  de  la 
region  a  colon  des  Llats-Lnis.  Dans  le  pa\s  du  Brazos  , 
chaquchomnior(''colloplusde  cinqccntslivrcs  dc  colon, 
pendanl  une  salson,  el  plus  de  mais  cl  d'autros  ali 
menls  qu'il  n'en  faul  pour  les  besoins  de  laplanlatlon. 

Lc  Texas  esl  destine  a  j^roduire  avant  peu  d'ann^es 
une  grande  parlie  du  colon ,  consomme  dans  d'autres 
pays.  Sa  qualllc  sup(^rieure ,  sa  longueur  el  la  finesse 
de  sesbrins  lul  donnentla  preference  ,dans  les  marches 
anglais ,  sur  tous  les  colons  des  regions  6levees.  II  esl 
impossible  de  donner  une  notion  exacle  de  la  quantile 
de  eel  article  ,  produit  au  Texas;  allendu  qu'unc  parlie 
est  embarquee  sur  la  Riviere-Rouge ,  pour  etre  portee 
a  la  Nouvelle-Orlcans,  ou  elle  est  une  seconde  fois 
chargee  sur  des  navires.  En  1837  ,  ce  produit  fut  nul 
ou  presque  nul.  La  production  de  I'annee  derniere 
est  eslim^e  au  raoins  a  100,000  balles. 

Le  tabac  ,  d'un  parfum  d(ilicieux,  croll  parfaitemenl 
dansle  pays,  et  il  formera  bientot  un  objet  imporlanl 
de  commerce,  a  cause  de  la  vogue  qu'obtient  I'usage  de 
cette  planle  chez  toutes  les  nations. 

Le  ble  ,  le  riz  ,  I'avoine  ,  Forge ,  le  sarrazin  ,  le  lin  , 
le  clianvre  ,  I'eussissenl  parfaitemenl  dans  les  lerres 
onduleuses  el  tilevees.  Lepays  plat  ne  paraitpas  propice 
a  certaines  csp^ces  de  cereales  qui  croissent  aux  Elats- 
Lnis  ,  et  cependant  quelques  semences  des  bords  de  la 
Mi^dilerranee  peuvent  trouver  au  Texas  le  sol  qui  leur 
convient. 

Toutes  les  cspeces  de  pois  et  de  haricots,  les  melons 
deau  cl  les  canlalous  de  la  plus  d<^licieuse  saveur,  les 
betteraves ,  caroltes,  panals,  navels,  oignons ,  choux 
et  autres  planles  polageres,   commc  les  aspergos,  les 


(  335  ) 
salsills,    etc.,  eroissent  en  abondance  au  Texas,  et  y 
sont  de  la  meilleure  qualite. 

La  tomate  pousse  naturellement  dans  les  prairies, 
Le  fralsier  seuible  trouver  au  Texas  le  sol  le  plus  favo- 
rable a  sa  culture.  Les  fruits  ne  sont  pas  aussi  gros  que 
ceuxd'Europe  ,  mais  ils  surpassent  ces  derniers  par  la 
d^licatesse  du  gout  et  par  le  parfum. 

La  poninie  de  terre  se  cultive  avec  succes  dans  les 
districts  elev6s;  pour  en  avoir  une  bonne  quality  dans  le 
bas  pays,  il  faut  renouveler  souvent  les  semences,  avec 
celles  que  Ton  tire  des  contrdes  plus  propres  a  sa  cul- 
ture. Cependant  cette  plante  est  indigene  au  Texas ; 
mais  la  pomme  de  terre  sauvage  est  d'une  quality 
tr^s  inferieure.  Dans  les  bonnes  teri'es ,  la  patate  et  la 
pomme  de  terre  donnent  des  r^coltcs  de  quelques 
centaines  de  boisseauxpar  acre. 

Despeclies  excellentes,  des  figues,  des  oi^anges  ,  des 
grenades,  des  coings  et  du  raisin,  et  dans  lesforets, 
des  pacanes  ,  des  noix  de  persimon ,  du  raisin  indi- 
gene ,  differentes  especes  de  prunes  sauvagcs,  des 
miires  ,  plusieurs  sortes  de  groseilles  noires  et  d'autres 
petits  fruits  eroissent  et  miirissent  fort  bien.  Dans  les 
sites  les  plus  expos(^s  au  froid  ,  les  orangers  ont  besoin 
d'une  certaine  protection  centre  les  geleesblanclies. 

De  toutes  les  varietc^s  de  noix  ,  la  pacane  qui  vient 
des  bords  du  Colorado  est  la  plus  estim^e.  Lne  espc^ce 
de  raisin  sauvage  appele  post  onk  grape  fournit 
un  fruit  d^licieux  que  la  culture  ne  pent  manquer 
d'am^liorer  encore  ;  deja  quelques  planteurs  le  cul- 
livent  pour  leurs  tables. 

L'experience  tentee  pour  introduire  des  htats-Unis 
plusieurs  especes  de  vignes  ,  a  fait  penser  que  le  sol  du 
Texas   serait  propre  a  la  transplantation    dqs    vignes 


(  336  ) 

Ltrang^res,  et  Ion  faitaiijourd'luii  des  essais  de  culture, 
avcc  des  vignos  et  des  olives  importees  du  sud  de  la 
France.  Copendant  le  Texas  continuera  sans  doute  a 
recevoir  de  rrancc  les  vins  qii'il  ocliangera  centre  les 
produits  de  son  territoire. 

L'education  des  vers  a  sole  deviendra  plus  tard  d'une 
,!^randc  importance.  Le  niurier  nuilticaule ,  qui  a  cHe 
introduit  au  Texas,  y  croit  a  meneille,  et  le  milrier 
ordinaire  pousse  sans  plus  de  soins  que  les  autres 
arbres  indigenes  des  I'orets.  Le  ver  a  soic  pent  y  subir 
ses  diverses  transformations ,  durant  une  grande  partie 
de  I'annee.  11  y  a  une  esp6ce  de  ver  a  soio,  naturclle  au 
Texas ,  et  Ton  trouve  ses  cocons  dans  les  forets  oi'i 
abonde  le  murier  sauvage. 

11  existe  aussi  au  Texas  une  sorte  d'indigolier,  donl 
on  a  cxtrait  une  bonne  substance  colorante ;  maisje 
ne  puis  decider  si  cette  plante  pcut  recevoir  un  degre 
de  culture  qui  lui  permotte  de  hitter  avec  cellc  des 
Tndes-Orientales. 

Ln  volume  ne  suffirait  point  si  je  voulais  mentionner 
avec  un  certain  detail  les  nonibreu^cs  productions  el 
plantes  de  ce  pays.  Le  cactus  opuntia,  surlequel  on 
trouve  I'insecte  de  la  Cocbenille ,  pousse  a  I'etat  sau- 
vage ;  la  vanille ,  I'arbrc  a  caoutchouc ,  des  arbres  et 
des  plantes  medicinales,  et  enlin  des  productions 
d'autrcs  parties  du  globe  y  croisscnt  aisemcnt,  et  le 
climat  ainsi  que  le  sol  semblent  leur  etre  aussi  pro- 
pices  que  les  regions  ou  ils  sont  nc^s. 

Le  coton  ,  le  sucre  et  le  tabac  ,  maissurtout  lecoton, 
seront  pendant  longtemps  les  produits  que  le  Texas 
tirera  le  plus  abondamment  de  son  sol  pour  Texpor- 
(atiou.  Son  rlimatnest  pas  assez  chaud  pour  la  rnlture 


(  337  ) 

du  cafe,   pour   celle  du  bananier  et  d'autres  plantes 
tropicales. 

Le  voyageur  qui  a  visits  d'autres  pays  est  surpris  ,  a 
son  arrivee  au  Texas ,  de  la  grosseur  des  bcstlaux  qui 
paissent  en  grand  nombre  dans  les  prairies.  Cette  su- 
p»!!riorito  est  probablenient  due  a  la  douceur  du  climat 
et  a  la  verdure  eternelle ,  qui  fournit  une  nourriture 
abondante  pendant  toute  I'annee. 

Les  besliaux  n'ont  besoin  d'aucun  soin ,  si  ce  n'est 
d'etre  maintenus  en  troupes  pour  les  empeclier  do 
devenir  sauvages  et  de  s'egarer. 

L'^ducation  des  bestiaux  est  unc  opt^ration  lucrative, 
et  Ton  peut ,  d'aprds  des  calculs  moderes,  en  evaluer 
le  rapport  a  30  0/0  par  an.  On  pourrait  sans  doute 
obtenir  une  excellente  race  en  croisanllcs  bestiaux  du 
Texas  avec  ceux  du  canton  de  Durliam,  Les  individus 
produitspar  ce  croisenient  auraicnt  les  dimensions  des 
bestiaux  du  Texas  et  la  perfection  de  formes  du  betail 
anglais. 

Les  pores  se  nourrissentparfaitement,  dans  les  patu- 
rages  du  Texas ,  de  glands ,  de  noix  ,  de  racines  et  de 
fruits  qu'ils  trouventdans  les  prairies  et  dans  les  forets. 
Ces  animaux  ont  ici  une  forme  aussi  belle  que  les 
races  du  Berkshire,  celles  d'Irlande,  et  de  quelque 
autre  pays  que  ce  soit.  lis  sont  abandonnes  a  eux- 
memes  pour  chercher  leur  nourriture ;  mais  peu  de 
temps  avant  de  les  abattre  on  lesnouri'it  avec  du  mais, 
afm  de  rendre  leur  chair  blanche  et  ferme.  On  en  lait 
ensuite  des  salaisons ,  et  la  sechcresse  du  climat  du 
Texas  rend  faciles  la  preparation  et  la  conservation  de 
ces  viandes  dans  presque  loutes  les  saisons  de  I'annee. 
Des  troupeaux  de  chevaux  sauvages  paissent  dans  les 
prairies;  leurs  petltos  oreillos  pointues,  la  beauts  et 
I.   MAI.   2.  23 


(  338  ) 

la  finesse  de  \our  robe  indiqiienl  suriisammont  quils 
provlennent  des  chevaux  introduils  ;iii  Moxiqiie  par  les 
Espognols  a  I'^poquc  de  la  conqueto.  lis  sont  bien 
conslitues,  out  une  libre  et  longue  respiration,  les 
jambes  fines  ct  les  sabots  tres  durs.  On  les  di-osse  faci- 
lement  a  la  solle;  niais  ils  conservenl  en  general  quel- 
ques  vices  qu'ils  tiennent  de  leur  vie  crrante.  Un  me- 
lange de  race  amcricaine  etde  race  mcxicainc  produit 
une  esp^ce  de  chevaux  tr^s  forts  et  du  meilleur  usage. 

La  capture  d'un  cheval  sauvage  par  un  ranchero 
mexicain  est  un  exploit  qu'un  habile  ^cuyer  d'Astley 
ou  de  Franconi  ne  d^>savouerait  pas. 

Le  ranclici'o  ,  a  cheval ,  s'elancc  au  mlieu  du  trou- 
peau  ,  qui  se  disperse  en  galopant  dans  la  prairie  ; 
puis,  balanrant  au-dcssus  de  satete  une  longue  cour- 
roic  de  cuir  tann6  ,  terminee  par  un  lacs  ouvert  ct  un 
ncEud  coulant ,  il  la  jette  avec  precision  autourdu  cou  du 
cheval  dont  il  a  fait  choix.  II  faut  beaucoup  de  sang- 
froid et  d'adresse  de  la  part  du  chasseur  pour  rctcnir 
I'aninial  qu'il  a  saisi. 

On  eleve  des  mules  en  grand  nombrc  :  ces  animaux 
sont  propres  a  tous  les  usages  des  plantations ,  mais 
ils  sont  d'une  taille  inf^rieure  a  ceux  du  Kentucky. 

Les  inoutons  trouvent  une  excellente  nourriturc 
sur  les  plateaux  des  prairies  elev^es.  La  chevre  a  6td 
introduito  dans  le  pays;  ellc  s'y  midtiplie  rapide- 
ment. 

Le  terriloiro  du  Texas  ,  plus  titcndu  que  ceJui  do  la 
France,  couvert  des  plus  abondanls  et  des  nieilleurs  her- 
bages, fournira  des  ptiturages  naturels  pendant  de 
longues  ann^es  ,  jusqu'a  ce  que  la  population  ,  deve- 
nup  nombrouse  ,  approprie  le  sol  aux  usages  de  I'a- 
griculture. 


(  330  ) 

L'lierbe  muskut,  qui  couvre  les  immenses  prai- 
ries del'ouest,  vaut  pour  le  gout  et  les  qualites  nutri- 
tives les  meilleurs  herbages  clesanciens  pays.  Le  scigle 
sauvage  des  forets  qui  bordent  le  Colorado  et  les  autrcs 
cours  d'eau  de  I'ouest ,  fournit  aux  bestiaux  une  nour- 
riture  qui  n'est  pas  inferieure  a  I'avoinc. 

Dans  le  bas  pays  ,  quelques  roseaux ,  et  surtout  le 
gama  grafs ,  rcmplacent  le  foin  et  le  seigle  sauvage 
des  contrdes  de  I'ouest.  Le  gama  grafs  est  une 
plante  succulente,  et  surtout  nutritive;  elle  croit  avec 
une  telle  rapidite  qu'on  peut  la  couper  toutes  les  se- 
maines  pendant  I'el^.  En  1830,  je  voyageai  a  cheval 
pendant  plusieurs  rallies  dans  un  champ  qui  en  6tait 
convert,  prd'S  de  la  riviere  de  la  Trinitc!;.  La  tige  de 
cette  plante  s'elevait  jusqu'a  la  hauteur  de  mes  6paules. 

Le  Texas,  dans  quelques  ann^es,  sera  en  6tat  de 
rivaliser  avec  I'Amerique  du  Sud  pour  le  commerce 
du  boeuf  sale ,  des  cornes,  des  cuirs  et  du  suil",  et  il 
aura  sur  elle  le  grand  avantage  de  la  proximite  des 
marches.  D'aprcs  le  dernier  rapport  quej'ai  vu,  I'ile 
de  Cuba  a  recu  do  la  Plata  500,000  an-obes  de  bojuf 
sale,  de  25  livres  chaque.  La  navigation  entre  Galveston 
et  Cuba  n'est  que  de  quatre  a  six  jours,  tandis  qu'elle 
est  de  plusieurs  semaines  entre  cette  ile  et  la  Plata. 

Aucun  pays  ne  surjiasse  le  Texas  pour  I'abondance 
du  glbier.  Des  troupeaux  immenses  de  buffalos  cou- 
vrent  les  prairies  au  -  dela  des  habitations.  On  en 
trouve  encore  quelques  uns  du  cote  de  la  bale  de 
Galveston.  Ces  animaus  servent  a  la  nourriture  des 
Indiens  sauvagcs  ,  dont  les  habitudes  nomadcs  et  les 
migrations  suivenl  celles  du  buffalo  ,  qui  descend  en 
hivor  dans  le  bas  pays  pour  y  chercher  des  paturages, 
et  qui  sc   retire  dans  linterieur   et  dans  les  districts 


(  3/jO  ) 

elev^s,  lorsqu'on  voit  venir  I'^t^.  Apr^s  unc  campagiie 
centre  les  Indiens  en  1839,  les  troupes  texiennes 
chassercntdevant  elles  cestroupeaux  de  bceiifs,  (lvalues 
a  pr(^s  de  20,000,  jusqu'a  dix  lieues  de  la  ville  d'Aus- 
tin.  La  chair  des  buffalos  est  excellente,  et  la  valeur  de 
leur  peau  est  bien  connue.  lis  fournissent  aux  Indiens, 
qui  les  tuent  a  I'aide  de  leurs  arcs  et  de  leurs  fleches, 
une  nourriluro  et  des  vetements. 

On  voit  des  cerfs  sauvages  sur  toules  les  prairies, 
Des  coqs  d'Indc  ,  des  poules  de  prairies  ,  une  grosse 
espece  de  becasses  ,  des  perdrix  ,  des  cailles ,  des  rice- 
bird  (esp6ce  d'ortolan) ,  et  d'autrcs  encore  s'y  ti'ouvent 
en  grand  nonibrc.  Pendant  I'hiver,  les  baies  du  I'ivagc 
sent  peuploes  d'oies  sauvages ,  de  sarcelles  et  de  ca- 
nards; durant  le  jour,  I'oie  vient  se  nourrir  de  I'herbe 
succulente  des  prairies ,  et  retourno  le  soir  a  la  mer. 
On  voit  de  temps  en  temps  le  flamant  d^ployer  son 
riche  plumage.  Les  cygncs  frequontent  les  eaux  des 
baies,  et  I'oiseau  moqucur  batit  son  nid  pr6s  des  mai- 
sons  et  des  plantations. 

Parmi  les  gros  oiseaux  dont  nous  n'avons  pas  encore 
parle  sont  :  le  pelican,  I'aigle,  les  grues  blanches 
et  grises,  la  fregate  bec-de-cuillcr ,  le  faucon  ,  la  cor- 
neille ,  etc.  Des  nuees  de  pigeons  sauvages  se  rasseni- 
blent  pendant  I'hiver  dans  lesforets  qui  avoisinent  les 
sources  de  la  Trinitc  ct  d'autres  cours  d'eau  du  Texas. 

Les  abeilles  sont  nombreuses  en  beaucoup  de  re- 
gions, et  produisent  du  miel  et  de  la  circ  en  grande 
abondance.  Elles  sont  regardees  par  les  indigenes 
romme  les  avant-courcurs  de  rilommc-blanc.  Tousles 
cours  d'eau  renferment  du  poisson  fort  recherche,  et 
Ton  pent  citer  le  brochet ,  le  poisson  rouge  ,  la  perche, 
la  truito  ,  le  mulet ,  etc. 


•(  Ui  ) 

Les  eaux  de  la  cote  soiit  riches  en  tortues  et  en  huitres 
lie  la  plus  grancle  dimension  et  du  raeilleur  gout ,  en 
crabes  et  en  chevrettes,  qui  sont  exquises  et  en  quantity 
in^puisable. 

Le  plus  feroce  des  aniuiaux  sauvages  du  Texas  est  le 
cougouai- ;  mals  on  en  voit  peu  ,  et  il  n'attaque  I'homme 
que  rarement;  il  s'y  trouve  aussi  des  ours,  des  loops, 
des  chiens  de  prairie  et  des  chats  sauvages.  Mais  ce 
pays  est  moins  infeste  de  betes  feroces  que  ne  le  sont 
en  general  les  pays  neufs  ,  dent  les  vastes  forets  leur 
offrent  vm  abri  plus  sur. 

Ajoutons  que  les  animaux  dont  il  vient  d'etre  fait 
mention  n'y  sont  jamais  pousses  par  lafaim  jusqu'a 
cette  ferocite  qu'on  remarque  en  eux  dans  les  rdjgions 
plus  septentrionales ,  oii  la  terre  se  couvre  de  neige 
pendant  I'hiver. 

Parmi  les  animaux  de  plus  petite  taille  se  trouvent 
I'opossum,  leputois,  le  lapin  ,  I'ecureuil,  etc. 

En  m'^tendant  ainsi  sur  les  opulents  paturages  dont 
la  nature  a  dotele  Texas,  surles  produits  de  ses forets, 
la  fertilite  de  son  sol,  enfm  sur  les  animaux  sauvages 
qui  s'y  trouvent  appropries  aux  divers  usages  de 
i'homme ,  je  dois  reconnaitre  que  plus  tard  ,  quand  le 
pays  sera  completement  liabite,  beaucoup  de  ces  objets 
n'auront  plus  qu'une  valeur  secondaire ,  que  d'autres 
disparaitront  entierement ,  et  seront  remplac^s  par  des 
productions  importdes  d'autres  pays,  et  par  des  ani- 
maux deja  reduits  a  i'etat  domestique.  Les  volailles  de 
basse-cour  ont  plus  de  valeur  que  tous  les  oiseaux  des 
forets,  et  la  vaclie  et  le  cochon  en  ont  plus  que  tous 
les  animaux  sauvages. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  les  productions  indigenes  du 
Texas  sont   dune  importance   incalculable  pour  faci- 


(  342  ) 
iitcr  la  colonisatiou  vt  la  pi'osporile  uaissanle  tlu  pajs. 

Le  Texas  possedo  plusieurs  ports  dans  Icsquols  Teau 
est  assez  prolonde  a  la  barre  pour  rccevoir  dcs  navlres 
de  commerce  d'uii  tonnage  considerable;  mais  dans 
aucun  on  nc  saurait  faire  entrer  un  navire  de  guerre 
de  moyenne  classe. 

Les  meilleurs  ports  sont  ceux  de  Galveston  et  de 
Saint-Louis,  qui  ont  de  treize  a  quinze  pieds  d'eau  a 
I'entrec  sur  uno  barre  de  sal^le. 

La  baie  Sabine  presente  unc  profondeur  moins  con- 
siderable a  sa  barre,  qui  est  de  vase  moUo. 

L'emboucbure  du  Brazos  est  obstruee  par  un  banc 
de  sable  mouvant.  Elle  n'a  pas  plus  de  5  a  8  pieds  ,  ct 
sa  surface  est  constamment  agitee. 

Plus  loin  dans  I'ouest  on  \oit  les  entries  des  baies 
de  Matagorda  ,  Aramas  et  Corpus-Cbristi ;  enfin,  pr6s 
du  Rio-Grande  se  trouve  le  Brazos  de  Santiago.  Ces 
ports  sont  importants  pour  le  commerce  du  Texas , 
mais  aucun  d'eux  ne  fournit  plus  d'eau  et  n'offre  plus 
de  facililc  pour  I'approche  dcs  batimcnts  de  guerre  que 
celui  de  Galveston. 

Les  rivi6res  du  Texas,  quoique  d'une  grandc  lon- 
gueur, et  roulant  dans  leur  cours  un  volume  d'eau  consi- 
derable,ne  pr^sententpas  de  grandcs  commodites  pour 
le  commerce  interieur.  La  Trinite  a  ete  remontee  pen- 
dant lesbautes  eauxjusqu'aune  distance  de  400  milles, 
en  comprenant  dans  ce  cbiffre  les  detours  du  fleuve, 
par  des  bateaux  a  vapeur  lirant  quatre  pieds  d'eau. 
Elle  conserve  son  elevation  pendant  I'biver  ct  le  prin- 
temps  ;  en  ete  .  les  eaux  sont  basses  commc  celles  des 
aiilres  rivitres  mcridionalcs. 

Quandon  considere  I'etenduc  et  la  bonte  du  sol  dos 
lorels  qui   bordent  la  Trinite ,  on  est  convaincu   des 


(  3A3  ) 

avantages  quo  1  on  pourralt  tirer  dc  la  navigation  de 
CO  fleuve.  Le  Brazos  a  ete  rc'mont(^  par  des  bateaux  a 
vapeur  jusqu'au-dela  de  Washington,  Mais  ses  eaux 
s'elevent  promptement,  elles  s'abaissent  de  meme,  et 
sa  navigation  est  difficile. 

Le  Colorado  est  obstrue  par  un  einbarras  de  bois  de 
derive  pr6s  de  son  enabouchure,  et  sous  les  autrcs  rap- 
ports il  estcomme  le  Brazos.  Mais  la  surprenante  fertility 
du  sol  des  rives  de  ce  fleuve  et  des  cours  d'eau  tribu- 
taires ,  fournira  les  moyens  d'an^antir  les  obstacles  qui 
s'opposent  au  commerce  intdrieur. 

Eu  egard  a  la  navigation  seulement,  le  Bayou  de 
Buffalo  ,  en  communication  avec  Galveston ,  est  un 
des  cours  d'eau  les  plus  importants  du  Texas. 

II  y  a  chaquejour  de  I'annee  navigation  sure  et  com- 
mode par  les  bateaux  a  vapeur  avec  Houston ;  mais 
dans  I'etat  actuel  des  choses ,  cette  ville  doit  etre  con- 
sid^ree  comme  le  point  le  plus  int(!!rieur  de  navigation 
au  Texas.  On  appreciera  aisement  la  facilitt^  d'etablis- 
sement  des  chemins  de  lor ,  en  songeant  combien  la 
surface  dc  cette  conti^ec  est  unie.  Les  depenses  seront 
peu  considerables  pour  le  nivcllement  de  la  voie ,  et 
I'immense  quantite  de  clienes  verts  que  cc  jiays  pos- 
sede  foui'nira  d'excellents  mat^riaux  pour  les  assises 
des  rails. 

II  n'entre  pas  dans  mon  plan  de  donner  des  details 
concernantles  differences  du  sol  et  les  diverses  essences 
de  bois  qui  offrent  des  ressources  a  I'agriculture ,  et 
caracterisent  les  districts  varies  du  pays  quejeviensde 
decrirc  ;  cllcs  frappent  les  yeux  et  etonnent ,  car  elles 
sont  souvent  pres  les  unes  des  autres.  Et  c'est  pour  Ic 
voyageur  un  interessant  sujet  dVtudes  que  de  remar- 
querles  varietes  du  sol,  celles  de  la  vegetation  et  I'as- 


(  34/»  j 

j)C'Ct  cles  cours  d'eau ,  dans  les  pays  que  traversent  la 
Triiiite  ,  San  laclntlio,  BufTalo  ,  Bajou,  les  Brazos,  ct 
dans  beaucoup  d'autrcs  endroits  dc  la  Repulilique.  Je 
ne  puis  coinprendre  dans  ce  travail  aucune  description 
dcs  paysagcs  du  Texas ,  dont  la  beauts  forme  un  des 
traits  les  plus  romarquables  du  pays.  Ce  serait ,  en 
elTet,  vouloir  entrer  dans  Ic  domaine  de  la  po6sie  que 
d'essaver  de  dd'crire  la  baie  dc  Salnte-Hyacinthe  et 
celle  d'Evergreen,  residence  de  mon  ami  le  gent^ral 
Baker.  Cette  vue  est  admirable ;  des  sentiers  de  velours 
vert  bordent  les  eaux ;  le  rivage  se  ddcoupe  ca  et  la , 
et  Ton  voit  s'avancer  des  promontoires  converts  d'un 
gazon  toujoui's  frais;  on  suit  des  yeux  le  large  chemin 
de  coquillages  blancs  que  les  eaux  deposent  sur  les  bords 
de  la  baic  ;  File  d'Evergreen  est  en  face  avec  plusieurs 
autres  iles  ct  peninsules.  La  rive  opposee  divcrsifie  le 
paysage ;  et  plus  loin,  vers  la  gauclie,  s'etcnd  la  vaste 
surface  de  la  baie  de  Galveston  ,  dont  les  eauxvont  dans 
la  direction  de  la  ville ,  et  se  perdent  dans  un  horizon 
loin  tain. 

Le  pays,  onduleux,  avec  ses  longs  sentiers  en  pentect 
ses  collines  varices,  que  couronnent  d'elt^gants  bouquets 
de  bois  ,  ravit  les  yeux  du  voyageur';  des  quantitds 
de  chevaux,  de  bceufs  etd'oiseaux  donnent  a  la  contree 
une  physionomie  des  plus  anlm^es ,  et  vivifient  jus- 
qu'aux  prairies  les  plus  sauvages  des  regions  ^loignees. 

Je  reserve  pour  une  autre  occasion  quelques  obser- 
vations sur  I'etat  des  moiurs,  les  forces  militaires  des 
aborigenes ,  et  aussi  sur  I'accroisscment  de  la  popu- 
lation blanche,  le  commerce,  la  societe,  ses  jjrogres 
dans  les  arts ,  les  innovations  de  la  vie  civilisde,  enlin 
sur  l(^s  institutions  et  les  lois  du  Texas. 

AsiujKi.  Smi  rn. 


(  ;U5 ) 

Analyse  d'un  oiwroge  de  M.  Prescott,  de  Boston,  sur  In 
conquete  du  Mexiqne ,  et  sur  Vancienne  civilisation  de 
cet  empire. 

( Lue  a  la  Societe  de  geogiaphie  dans  sa  seance  du  i  7  inai  1 834-  ) 


M.  William  Pi'escott,  de  Boston,  s'etait  deja  plac6 
dans  les  premiers  rangs  des  litterateurs  de  son  pays 
par  son  Histoire  de  Ferdinand  et  d'Isabelle,  lorsqu'il  a 
public  en  18Zi3  I'histoire  de  la  conquete  du  Mcxique , 
le  plus  memorable  evenement  de  tous  ceux  qui  sui- 
virent  la  decouverte  du  Nouveau-Monde. 

L'auteur  a  commence  son  ouvrage  par  de  nom- 
breuses  et  savantes  observations  sur  I'ancienne  civilisa- 
tion mexicaine ;  il  a  voulu  I'aire  bien  connaitre  les  con- 
tr6es  ou  Cortes  allait  porter  ses  ai^mes  ,  les  mceurs  ,  les 
opinions  de  leurs  habitants ,  leur  culte ,  leurs  lois , 
leurs  progres  dans  Fordre  social ,  et  tous  les  faits  i^e- 
mai^quables  qui  avaient  precede  la  conquete.  L'histoire 
de  cette  grande  expedition  vient  ensuite  ;  et  M.  Prescott 
ne  se  borne  pas  a  I'accomplir :  il  suit  le  concjuerant 
jusqu'a  la  fin  de  sa  carriere,  et  nous  montre  quelle 
fut  I'influence  de  cet  bomme  illusti-e  sur  les  destinees 
de  I'Amerique. 

Sans  suivre  l'auteur  dans  tous  ses  developpements , 
nous  enti'ons  dans  I'examen  de  son  ouvrage ,  afin  d'en 
faire  appr^cier  toute  I'importance ,  et  d'inspirer  aux 
amateurs  de  la  litterature  appliqu^e  aux  sujets  les 
plus  eleves  et  les  plus  vastes ,  le  desir  de  lire  et  de 
mediter  une  histoire ,  si  grande  par  les  objets  qu'elle 
embrasse ,  ct  si  remarquable  par  le  talent  et  le  genie 
de  I'ecrivaiu. 

Les  Astequesn'occupaionid'ahord  (niimc  potite  partie 


..lu  Icniluirc  ilu  Mexique  :  k'ur  (lomaine  s  ugraiidil 
dans  les  derniers  temps  de  lempirc ,  et  il  s'eloii- 
dit  d'une  mor  a  I'autre  ,  entre  le  golfe  du  Mexique 
ct  Ic  grand  Ocean.  La  vallee  ou  est  situi^e  la  capi- 
tale  s'eleve  d'environ  7,500  pieds  anglais  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer;  mais  sa  latitude  entre  le  19"  et 
le  21°  degi'6  maintient  la  douceur  de  sa  temperature 
et  contribue  a  son  extreme  fertility.  Plusieurs  lacs 
couvraient  la  dixi^me  partie  de  cette  grandc  vallee. 
Mexico  (^tait  batie  dans  une  ile  du  plus  grand  lac; 
Tezcucos'elcvait  sur  sa  rive  orientale,  ot  cette  derniere 
ville  etait  la  capitale  des  Tolti^ques ,  nation  qui  avait 
occupe  le  premier  rang  en  puissance  et  en  civilisation 
avant  d'etre  vaincueparles  Asteques,  qui  s'emparerent 
de  son  pays  et  I'incorporerent  a  leur  empire. 

Les  Tolteques  avaient  liabite  ties  regions  plus  sep- 
tentrionales  avant  dc  venir  s'etablir,  vers  la  fm  du 
vii"  siecle,  dans  le  territoire  d'Analiuac.  Cette  na- 
tion, longtemps  florissante ,  6prouva  ensuite  tous  les 
fldaux  de  la  famine,  de  la  peste  ct  dela  guerre.  Elle 
s'affaiblit  et  disparut  insensiblement.il  parait  qu'ilen 
emigra  une  grande  partie  vers  les  regions  de  rAm6- 
rique  centrale ,  qu'un  petit  nombre  rest6rent  dans 
leurs  foyers ,  et  qu'ils  y  6taient  encore  lorsque  ,  dans 
le  xiii"  siecle ,  la  tribu  barbare  des  Cbicliimeques 
vlnt  des  regions  du  nord-ouest  occuper  les  territoires 
qui  6taient  restes  sans  liabitants.  Les  Cliicliimeques 
furent  bientot  suivis  par  les  nations  plus  policecs  des 
Asteques  etdesAcolhuans;  ceux-cis'6tablirentaTezcuco, 
ou  ils  adoptcrent  une  partie  de  la  civilisation  des  Tol- 
teques; les  autres  se  fixerent  a  Mexico,  et  ils  contri- 
bucrent  a  adoucir  les  mu?urs  sauvages  des  Chlclii- 
ni6ques,  qui  sc  melerent  avec  oux  pour  ne  former 
qu'une  sculc  nation. 


(  347  ) 

Nous  xi'avons  pas  a  rappeler  toutes  les  vicissitudes 
qu'eprouv6rent  les  AcoUiuans  et  les  Astt;ques,  jus- 
que  vers  le  milieu  du  xv''  siecle,  epoque  ou  Monte- 
zuma I"  etendit  scs  conquetes  sur  le  plateau  eleve  du 
Mexique ,  et  prepara  la  grandeur  des  souverains  qui 
luisucc^d^i'ent,  et  qui  ne  purent  neanmoins  preserver 
I'Etat  de  sa  ruine  et  le  d^fendre  contre  les  armes  des 
Europeens. 

La  couronne,  cliez  les  Asteques  et  les  Acolhuans , 
6tait  elective ;  mais  le  roi  etait  clioisl  dans  la  famille 
du  monarque  defunt:  il  jouissait  du  pouvoir  legislatif , 
et  I'exercice  de  ce  droit  etait  tempere  par  I'etablisse- 
ment  de  tribunaux  qui  protegeaient  les  personnes 
et  les  proprietes  ,  et  auxquels  on  pouvait  recourirdans 
tous  les  denis  de  justice.  Les  lois  dtaient  enregistrees 
et  consignees  dans  des  tableaux,  converts  des  signes  et 
des  emblemes  qui  formaxent  leur  systeme  d'ecriture. 

Le  meurtre  et  les  grands  crimes  contre  la  societe 
entrainaient  la  peine  capitale ;  le  vol  etait  puni  ,  selon 
sa  gravite,  par  la  mort  ou  I'esclavage  ;  I'institution  du 
mariagc  etait  protegee  par  des  lois,  des  solennites  et 
des  tribunaux  particuliers.  Les  Asteques  avaient  un 
code  sur  les  esclaves ,  et  ceux-ci  se  partageaient  en 
difTerentes  classes  :  celle  des  prisonniers  faits  a  la 
guerre,  et  reserves  oi'dinairement  pour  les  sacrifices; 
celles  des  crimincls,  des  debiteurs  publics,  des  per- 
sonnes que  la  pauvrete  avait  I'eduites  a  renoncer  a  la 
liberte,  et  des  enfants  qui  etaient  vendus  par  leurs 
parents  eux-memes:  le  contrat  de  vente  se  passait  en 
presence  de  quatre  temoins.  Un  esclave  pouvait  avoir 
sa  propre  famille,  ses  proprietes,  et  meme  d'autres 
esclaves;  ses  enfants  etaient  libres  ,  et  pcrsonue  ne  pou- 
vait naitrc  esclave  au  Mexique. 


(  3/j8  ) 

Les  revenus  publics  (.Halent  dc  diverses  natures.  La 
couionne  avail  ses  doinainos  particuliers  ;  on  porccvait 
dcs  inipots  sur  les  propriet^s ,  sur  les  produits  dc  la 
culture,  sur  ceux  de  I'industrie;  ct  ces  tributs  dtaient 
souvent  pay^s  en  nature :  c'etaient  des  armes,  des  vases 
d'or,  des  bracelets  et  d'autres  ornements,  des  grains, 
des  fruits,  de  la  cocbcnille ,  des  animaux,  des  four- 
rures ,  differents  tissus,  d'autres  objcts  de  luxe  ou 
d'utilit6 ,  et  des  prestations  de  services  ou  dc  corv(ies 
pour  les  travaux  publics. 

On  6tablissait  des  garnisons  dans  les  plus  grandes 
villes  ;  les  communications  entrelcs  lieux  les  plus  eloi- 
gnes  itaient  maintenues  par  des  courriers  ,  qui  se  re- 
layaient  les  uns  les  autrcs  a  qiielques  milles  d'inter- 
valle ,  et  qui  parcouraient  cet  espace  avec  une  extreme 
rapidity. 

La  profession  des  armes  etait  aussi  Ixonoree  que  cellc 
des  pontifes  :  on  promettait  un  bonbcur  6lernel  au 
guerrier  qui  tombait  sur  le  champ  de  bataille.  Les  hos- 
tilit^s  6taient  toujours  prec6d(!!cs  d'une  ambassade 
qui  exposait  les  griefs  du  souverain  ,  et  Ton  proclamail 
ensuite  une  declaration  de  guerre.  On  avait  ctabli  dif- 
ferents ordrcs  militaires  pour  animor  1 'emulation  et 
recompenser  les  services.  Lc  monarque  marcbait  or- 
dinairement  a  la  tete  de  son  arm6c.  Les  guerriers 
avaient  pour  armes  defensives  un  casque  surmont6  d'un 
panache ,  un  pourpoinl  en  colon  oual6  et  pique ,  assc/. 
epais  pour  etre  impenetrable  auxflecbes  ct  auxjavelots 
des  Indiens.  Leurs  troupes  se  partageaicnt  en  plusieurs 
corps,  dc  hull  mille  hommes  chacun ,  qui  se  divi- 
saient  eux-memes  en  compagnies  de  trois  a  quatre 
cents  hommos.  L'armee  avail  son  drapeau  ,  et  chaque 
division  avail  aussi   une  banniere.   Les  iiommes  mar- 


(  UO  ) 

chaient  a  I'ennemi  en  chantant  et  en  poussant  leur 
cri  de  guerre ;  ils  attaquaient  brusquement ,  se  rcti- 
ralent  avec  rapidity ,  avaient  recours  aux  embuscades , 
aux  surprises,  aux  escai-mouches,  et  chercbaientxiioins 
a  tuer  leurs  enneniis  qu'a  faire  des  prisonniers.  Des 
hopitaux  avaient  ete  etablis  dans  les  principales  villes 
pour  soigner  les  nialades  et  recevoir  les  soldats  liors 
d'etat  de  servir. 

Le  systeme  religieux  des  Ast6ques  paraissait  d6riv6 
de  deux  sources  differentes ;  on  y  voit  un  melange  de 
principes  liumains  et  d'usages  barbares  qui  semblent 
appartenir  a  deux  nations  incorporees  I'une  ul'autre 
et  mettant  en  commun  leurs  destinees. 

Les  Ast^ques  I'cconnaissaient  I'existence  d'un  crea- 
teur  et  d'un  maitre  de  Funivers  ,  ayant  sous  ses  ordres 
treize  principales  divinites ,  et  plus  de  deux  cents  autres 
d'une  classe  inferieure.  Le  diou  de  la  guerre  6tait  le 
plus  redoutable  de  tous ,  et  scs  autels  etaient  souvent 
arros^s  de  sang  liumain,  Lc  dieu  de  I'air  avait  d'abord 
residt!;  sur  la  terre  :  c'etait  un  etre  bienfaisant  qui 
avait  enseigne  aux  homines  I'usage  des  m^taux,  les 
travaux  de  I'agriculture  ,  Fart  de  gouvei'ner :  son  rfegne 
avait  ^t6  Fage  d'or  dujiays  d'Anahuac.  11  quitta  ensuite 
cette  contrt^e ;  mais  en  s'cmbarquant  dans  le  golfc  du 
Mexique  ,  il  proinit  qu'il  reviendrait  avec  ses  descen- 
dants ,  et  cette  tradition ,  devenue  populaire ,  fut  une 
des  causes  qui  facilitei^ent  Finvasion  etles  succes  des 
Espagnols. 

On  partageait  la  duree  du  temps  en  quatre  cycles  ou 
periodes  de  plusieurs  mille  ans;  et  a  cbacun  de  ccs 
termesla  terre  devait  changer  de  face  ,  la  race  humaine 
perir  ,  le  soleil  s'eteindre  pour  se  rallumer  encore.  Les 
Ast^ques  iinaginaient  trois  etats  difTeronts  dans  la  vie 


(  350  ) 

I'uture  :  les  mediants  cxpiaient  leurs  fautes  clans  un 
lieu  envelopp^  de  t^nebres  6ternelles ;  les  hommcsqui 
avaient  succombe  a  quclques  maladies  conservaient 
une  existence  indolente ,  sans  plaisir  ni  peine  ;  les  plus 
hautes  places  ctaient  reservees  aux  b(^ros  tu^s  dans  un 
combat  ou  immole^s  en  sacrifice  :  ils  s'(^levaient  vers  le 
soleil ,  I'accompagnaicnt  de  leurs  chants  et  de  leurs 
danses;  et  apresquelquesannees  leurs  espritsanimaient 
les  nuages  et  le  chant  des  oiseaux;  ils  allaient  jouir  de 
I'eclat  des  fleurs  et  en  respirer  les  parfuras. 

A  la  mort  d'un  homme,  s'il  etait  riche,  plusieurs 
esclaves  etaient  sacrifies ,  son  corps  etait  brul^ ,  et  ses 
cendres,  d^posees  dans  un  vase,  se  conservaient  dans  sa 
maison.  Quelques  C(^i'emonies  observ6es  quand  on 
donnait  un  nom  aux  enfants,  se  rapprochaient  de 
celles  du  bapteme.  Les  pretres  astequcs  (!!taient  initios 
a  I'aslrologie  ,  a  la  divination ,  et  ils  persuadaient  au 
peuple  qu'ils  avaient  dans  leurs  mains  les  clefs  de 
I'avenir.  L'ordre  sacerdotal  ^tait  tr6s  nombreux,  etles 
rangs,  les  fonctions  de  sesmerabres  Ctaient  determint^s 
avec  soin.  Deux  grands -pretres  ctaient  a  la  tete  de 
toute  I'institution  ;  leur  dignity  6tait  egale ,  et  ils  n'6- 
laient  inferieursqu'ausouverain,  qui  agissait  rarement 
sans  leur  avis  dans  toutes  les  affaii'cs  importantes. 

Nousne  pouvonspas  comprendre  dans  cotte  analyse 
les  details  que  I'auteur  a  rccueillis  sur  les  dllferents 
rites  religicux ,  sur  les  soins  donn6s  par  les  pretres  a 
I'education  ,  sur  leur  influence  politique  et  morale.  Les 
teocallis ,  ou  temples  des  dieux ,  se  partageaient  en 
plusieurs  (Stages ,  dont  chacun  c^tait  plus  t^troit  que  les 
etages  inferieurs  ;  on  montait  par  des  escaliers  jusqu'a 
la  plate-forme  qui  couronnait  I'edifice,  et  sur  laquelle 
sV'levaiont  encore  une  ou  rieux  tours:  les  images  des 


(  351  ) 
dieux  y  6taient  p]ac6es,  et  Ton  vo\ait  clevant  ces  tours 
la  fatale  pierre  du  sacrifice.  On  avail  adoptt^ ,  deux 
cents  ans  avant  la  conquete  espagnole ,  I'usage  d'im- 
moler  des  victimes  humaines.  D'abord  elles  etaient 
peu  nombreuses ,  mais  ensuite  on  les  niultiplia  ,  et 
ces  actes  de  cruaut^  et  de  fanatisme  se  repetaient  dans 
la  plupart  des  grandes  solennites  religieuses. 

Les  Mexicains  avaient  unc  ecriture  figurative,  plus 
imparfaite  et  moins  avancec  que  celle  des  anciens  hie- 
roglyplics.  Leurs  signes  abregeaient  les  images  qu'ils 
voulaient  rappeler  :  c'etait  une  espece  de  stenograpbie, 
qui  pouvait  s'aider  du  secours  des  explications  orales 
et  de  la  tradition.  On  ^crivait  sur  des  etoffcs  de  coton 
ou  de  soie,  sur  des  peaux  preparees,  et  le  plus  souvent 
sur  des  feuilles  d'agave.  Les  Espagnolstrouverent  aleur 
arrivee  un  grand  nonibre  de  ces  nianuscrits ;  mais  on 
en  considerait  les  caracteres  comme  des  symboles  ma- 
giques ,  on  les  condamnait  aux  flammes ,  et  il  n'en 
ecbappa  qu'un  petit  norobre.  L'art  de  decbiffrer  ces 
signes  se  perdil  insensiblement  :  on  ne  le  connaissait 
plus  guere  un  si^cle  apres  la  conquete. 

Cependant,  les  traditions  du  pays  se  conservaient  en- 
core dans  des  hymnes  et  des  cbants  que  Ton  apprenait 
dans  les  ecoles.  L'aritbmetique  avait  ses  regies ,  eni- 
pruntees  du  nombre  des  doigts  ;  la  mesure  du  temps 
se  calculait  sur  celle  de  I'annee  ,  que  Ton  partageait 
en  dix-huit  mois  de  vingt  jours  cbacun ,  et  Ton  ajou- 
tait  a  cc  nombre  total  cinq  jours  de  plus,  afin  de  mieux 
faire  correspondre  I'annee  solaire  et  I'ann^e  civile. 
D'autres  notions  astronomiques  sont  comprises  dans 
cet  ouvrage  ;  mais  nous  avons  du  nous  borner  a  faire 
un  clioix. 

L'agriculturo  etait  specialcment  ])rotegee  :  le  mais. 


(  359  ) 

la  baiiane ,  le  cacao  ,  se  recoltaient  abondamment ;  le 
maguey  ou  agave  americaine  donnait  un  breuvage 
ferment^ ,  et  sa  racine  un  aliment  savoureux.  Ce  pays 
jouissait  d'une  grande  quantilc  dc  fruits ,  ot  sa  flore 
^tait  une  des  plus  riches  et  dcs  plus  varices.  Les  mines 
d'or,  d'argent,  d'etain ,  de  cuivre,  etaient  explnit(^cs ; 
mais  les  Mexicains  ignoraient  I'usage  du  fer ,  dont  la 
fonte  et  la  mise  en  ceuvre  exigent  dcs  proc(id6s  plus 
difflcilcs.  Leurs  ai'ts  mc^scatiiques  avaient  une  grande 
puissance ,  et  Ton  s'^tonne  du  transport  des  masses 
cnormes  qui  servii-ent  do  materiaux  pour  leurs  monu- 
ments. 

Qut'lques  remarques  sur  I'etat  des  arts,  sur  le  com- 
merce ,  sur  les  usages  domestiques,  servent  a  comple- 
ter le  tableau  que  I'auteur  a  fait  de  la  situation  ou  se 
trouvaient  les  Mexicains  avant  I'epoque  de  la  conquete  ; 
il  tcrminc  cette  partie  dc  sou  ouvrage  par  d'autres  con- 
siderations sur  les  Acolhuans,  qui  avaient  regn6  a 
Tezcuco ,  et  qui  avaient  joui  d'une  civilisation  plus 
avanc^e  que  celle  des  Asteques  avant  de  tomber  sous 
leur  domination 

Aprfesavoir  developpe,dans  unesavante  introduction, 
tous  les  faits,  toutes  les  observations  propres  a  faire 
mieux  connaitre  I'ancien  empire  du  Mexique  ,  M.  Pres- 
cott  parcourt  toute  la  s^rie  des  dvdnements  qui  en  si- 
gna\erent  la  conquete  :  ces  exploits  comprcnnent  la 
principale  ])artie  de  la  vie  de  Fornand  Cortes.  L'auteur 
continue  Ibistoire  de  ce  hcros  jusqu'a  la  fin  de  sa  car- 
ri^re ;  et  revenant  ensuite  aux  autres  sujets  dont  il  s'6- 
tait  occup6  dans  son  introduction  ,  il  lait  dc  nouvelles 
recherches  sur  I'origine  dc  la  civilisation  mcxlcaine  , 
ot  sur  ses  analogies  avec  cello  do  plusicurs  nations  de 
lancion  monde.  Comnie  cesdernioros  remarques  sont 


(  353  ) 

(^troitement  liees  aux  premieres  observations  que  I'au- 
teur  avail  faitos ,  nous  croyons  devoir  les  rapprocher 
egalement ,  et  encliaincr  I'une  a  I'autre  ces  deux  par- 
ties de  notre  analyse. 

On  a  souvent  cherclie  a  se  rendre  compte  de  la  ma- 
niere  dont  le  Nouveau-Monde  avail  ele  peuplc  ,  el  I'ou 
a  eu  recours  a  dilTerenls  sysliimes  pour  donner  cette 
explication.  Les  uns  ont  imagine  que  lot,  deux  hemi- 
spheres avaient  ele  autrefois  contigus  vers  les  extrc- 
miles  du  nord;    d'autres  ont  repele  I'histoirc  de  I'At- 
lanlide ,  situee  dans  la  mer  qui  rappelle  son  nom.  Us 
supposent  aussi  que  les  iles  du  Grand-Od^an  nc  sonl 
aujourd'hui  que  les  sommiles  d'un  vastc  continent  en- 
seveli  sous  les  eaux  ,  et  ils  ont  recours  a  plusieurs  hy- 
potheses pour  fairc  arriver  les  animaux  en  AmeJiriquc. 
Quelqucs  oiscaux  ont  pu  traverser  differenls  espaces 
de  rOcean ,  soil  en  se  reposant  d'ile  en  ile  ,   soil  en 
franchissant  un  bras  de  mer.  Des  hasards ,   des  lem- 
peles,   des  accidents  de  navigation  ont  pu  emportor 
quelques  barques  d'un  continent  a  I'aulre ,  les  unes 
vers  le  d^troit  de  Behring ,  les  autres  vers  I'lslandc  et 
le  Groenland  ;  on  est  alle  jusqu'a  croirc  que  de  nou- 
velles  tribus  detres  animes  pouvaienl  avoir  etc  cr^ees 
depuis  le  deluge. 

I.es  habitants  du  Nouveau-Monde  ont  des  traits  ca- 
racleristiques  qui  les  distingucnt  de  ceux  de  I'ancien  : 
ils  se  ressemblcnl  enlre  eux  par  la  complexion  et  I'or- 
ganisalion,  par  quelques  usages,  par  des  langues  donl 
ia  construction  est  la  meme,  quoique  la  nomenclature 
en  soil  dilTerentc.  Quant  a  leur  civilisation  ,  quelle  en 
est  I'origine  ?  Est-elle  indigene ,  ou  est-elle  emprunt(^e 
des  nations  de  I'ancien  monde  ?  Si  elle  est  indigene  , 
comment  cxpliquor  sa  coincidence  avec  quelques  unes 
1.   Mu     3.  24 


(  354  ) 

(Jos  institulions  ou  des  opinions  do  I'Asie  orientale ;  el 
si  elle  est  emprunlee ,  d'ou  vicnt  roxtiome  dillerence 
de  langagc  ,  et  pourquoi  n'a-t-on  pas  retrouve  en  Ame- 
rique  quolques  uns  de  ces  arts  simples  et  utiles  qui , 
une  fols  connus ,  ne  peuvent  jamais  elrc  oublies  ?  L'au- 
teur  nc  cherclie  pas  a  trancher  cettc  question ;  mais  il 
veut  du  moins  aider  a  la  resoudrc ,  en  prescntaut  et 
en  faisant  ressortir  Ics  rapports  ou  la  difference  des 
traditions,  des  opinions,  des  usages,  que  Ton  a  rc- 
raarques  dans  I'un  et  I'autre  continent. 

La  tradition  du  deluge  est  generale ;  elle  a  6t6  r6- 
pandue  partout ,  et  on  la  retrouve  cliez  les  nations  les 
plus  6clairees  et  les  plus  barbares.  Les  Asteques 
croyaient  qu'un  liommc  et  une  femme  avaienl  sur- 
■iecu  a  I'ancicn  monde  ;  le  temple  de  Cholula  passait 
pour  avoir  etc  erige  par  une  famille  de  geants  qui 
avail  echapp6  a  I'inondation  generale ,  et  qui  voulait 
clever  cet  edifice  jusqu'aux  nues.  Quelques  autres  tra- 
ditions semblaient  se  rapproclier  de  celles  de  la  Bible  . 
et  les  premiers  Europeens  I'urent  frappes  de  ces  analo- 
gies. Peut-etre  ils  les  jugcaient  avec  prevention  ,  et 
leur  donnaient  une  interpretation  forcee;  mais  on  pou- 
vait  aussi  en  inf^rer  qu'il  y  avait  eu  quelques  relations 
primitives  entre  les  pays  oii  de  semblables  idt^es  s'etaient 
repandues  ,  et  Ton  croyait  surtout  a  la  possibilitc  d'une 
communication  avec  I'Asle ,  en  remarquant  la  ressem- 
blance  de  quelques  I'ites  religieux  et  de  plusicurs 
usages  ,  qui  auraient  peu  d'importancc  s'ils  etaient 
consideres  isoleraent ,  mais  qui  en  acquiercnt  davan- 
tage  par  lour  nombre  et  par  leur  ensemble. 

On  trouve  dans  le  syst6mc  chronologique  des  Aste- 
ques de  nombreux  rapports  avec  cclui  des  nations 
mongoles.    Les  figures   d'animaux    que  les   Asteques 


(  355  ) 

*^mploient  ponr  tlosigncrlcs  jours  se  rapporlent  u  quel- 
ques  uns  des  slgncs  du  zodlaqiie  ,  quo  loa  connais- 
sait  dans  I'Asio  orientale. 

Les  langues  d'Amerlque  paraissent  avoir  iinc  com- 
mune structure  depuis  le  pays  des  Esquimaux  jusqu';i 
la  TeiTe  de  Feu;  mais  les  idiomes  sont  difTerents ,  ct 
ce  no  sent  pas  de  simples  varietes  de  dialcctcs;  lis  ont 
entre  eux  des  distinctions  radicalcs.  La  langue  des  Ot- 
tomies,  qui  habitent  au  nord  do  la  vallee  de  Mexico  , 
parait  avoir  de  singulieres  affinites  avec  le  cliinois  , 
ainsi  que  M.  Du  Ponceau  en  a  fait  la  remarque  dans  uno 
savante  dissertation. 

L'hypothese  d'une  origine  asiatiquc  j^our  la  civilisa- 
tion mexicaine  s'accorde  avec  les  traditions  qui  la 
lent  arriver  du  noi'd-ouest ,  et  qui  se  sont  retrouvees 
en  Amerique  cliez  les  nations  les  plus  sauvages.  Les 
Mexicains  en  avaient  fait  mention  dans  leurs  tableaux 
liieroglypliiques ,  ou  les  difTerents  degres  de  leurs  mi- 
grations etaiont  soigneusement  indiques.  Mais  qui 
pourrait  expliquer  aujourd'hui  tons  ces  signes?  Plu- 
sieurs  savants  ont  essaye  de  le  faire ,  et  n'ont  encore 
obtenu  que  des  probabilites.  On  a  trouve,  au  nord- 
ouest  de  la  Nouvelle-Espagne  ,  vers  lo  cours  du  Rio- 
Gila ,  des  ruines  d'anciennes  villes  dans  le  stvle  d'ar- 
chitecture  des  Asteques ,  et  des  tribus  dont  les  dia- 
lectes  et  les  consonnances  vocales  ont  luie  grande 
ressemblance  avec  le  mexicain. 

II  y  a  entre  les  nations  orientales  de  I'Asie  ct  les 
aborigenes  du  Nouveau-Monde  des  caracteres  physi- 
ques qui  les  rapproclienl  les  uns  des  autres,  tels  quo  la 
pro(!!minencc  des  os  des  jouos  et  les  yeux  obliquement 
dirig^s  vers  les  tempes  :  ces  traits  sont  ccux  de  la 
famille   des  Mongols ,  ct  surtout  des  Tartares  orien- 


(  350  ) 

tutix.  Les  rcstes  d' architecture  amerlcainc  rappellenC 
plusieurs  constructions  orientiiles.  Les  conquerants 
detruisirent  la  plupart  des  monuments  qui  avaient  un 
caractere  religieux,  et  d'aulres  furcnt  demolis  pour 
servir  do  materiaux  a  difTerents  edifices;  mais  quel- 
ques  unes  de  ces  rulnes  attestcnt  encoi-e  une  grandeur 
que  Ion  peut  comparer  a  celle  des  anclcnncs  construe, 
lions  de  lEgyptc  et  de  I'lnde.  Ces  monuments  sont 
dcvenus  rarcs  au  Mexique;  ils  le  sont  nioins  a  mesure 
que  Ton  suit  vers  le  sud-cst  la  cliaine  des  Cordili(^res , 
(|ue  Ion  traverse  la  richc  vallde 'd'Oaxaca ,  et  qu'on 
p6n6tre  dans  les  forets  de  Chiapa  et  dans  celle  du  \  u" 
catan.  On  decouvre  les  ruines  de  Mitla  ,  de  Palenque  , 
d'Lxmal ,  qui  indiquent  une  industrie  et  une  civilisa- 
tion plus  avancees  que  tout  ce  qu'on  avait  d^couvert 
jusqu'alors. 

Que  lies  sont  les  nations  du  vleux  contifjcnt  dontle 
style  d'architecture    ressemble  le  plus  a    celul    des 
monuments  de  Clilapa   et  de  Yucatan?  Les  rapports 
sont  peu  nombreux  et  pcu  decislfs  :  c'est  la  forme  p\- 
ramidale,  le  soin  d'orienter  ces  edifices  vers  les  points 
cardinaux,  I'usage  de  couviirlcs  murs  d'liieroglyplies, 
destines  peut-etre  a  rappeler  les  lois  et    les  annales 
historiques  de  cliaque  nation  ;  mais  les  embl^raes ,  les 
dessins  ne  sont  pas  les  memes ,  la  reprc^sentation  des 
formes  Immaines  est  dlfferente,  et  celles  de  I'Amerique 
centrale  ont  un  caractere  qui  leur  est  propre.  La  de- 
pression du  front  est  le  signe  le  plus  remarquable  des 
tetes  que  Ton  a  figurees  ,  soit  que  ce  fussent  les  por- 
traits d'une  auli'e  race  d'hommes,  soit  qu'on  eut  clier- 
ch6  par  des  moyens  arliliciels ,  pratiques  des  Ic  mo- 
ment de  la  naissance  ,  a  donner  cette  foi'mc  a  la  tete 
des  enfants. 


(  •'557  ) 

Le  vieux  clironiqueur  de  Tezcuco  pense  que  ccs  rui- 
iies  appartiennent  aux  Tolteques  ,  qui,  dans  le  milieu 
du  X"  sieclo,  emigrerent  d'Anahuac,  et  se  repandirent 
dans  le  Guatimala,  dans  les  contrecs  de  Tehuantepec, 
de  Campeclie  et  sur  les  rivages  dcs  deux  cotes  de 
ristlimc.  Les  notions  d'aslix)nomie  et  de  chi^onologie. 
et  les  institutions  sacerdotales  qu'on  y  a  Irouvees  res- 
semblent  a  celles  des  Astequcs  ,  qui  eux-memes  les 
avaienl  empruntees  des  Tolteques ,  plus  avances  dans 
I'ordre  social. 

En  admettant  une  anclenne  migration  des  Asiati- 
ques  orientaux  en  Am^riquc  ,  on  doit  supposer  qu'elle 
remonte  a  des  siecles  tres  eloignes ,  ou  I'usage  du  fei* 
n'^tait  pas  encore  connu  en  Orient,  puisqu'on  n'avait 
pas  porte  ce  genre  de  connaissance  dans  le  Nouveau- 
Monde,  et  oil  les  peuples  des  deux  continents  avaient 
pu  suivr«  dansleur  civilisation  unc  marclie  dlfTerente, 
quoiqu'ils  conservassent  entre  eux  quelques  analogies 
d'institutions  et  de  coutumes  qui  indiquaient  une  com- 
mune origine. 

Toutcs  les  parlies  de  Touvragc  de  ^].  Prcscott ,  qui  se 
rapportent  a  I'ancienne  civilisation  du  fvlexique,  vion- 
nent  d'etre  analysees,  et  nous  arrivons  a  la  conquete 
do  cet  empire  par  Fei-nand  Cort6s.  L'auteur  I'a  fait 
preceder  de  quelques  remarques  sur  les  deeouvertes 
ant^rieures,  sur  une  expedition  de  Cordova  dans  le 
Yucatan,  et  sur  les  monuments  d'art  et  d'industrie  dont 
il  fut  frappc,  Grijalva  fit  en  1518  unc  reconnaissance 
plus  etendue  le  long  des  cotes  du  Yucatan  ;  il  s'avanca 
jusqu'au  Rio-de-Tahasco,  et  remonta  les  rives  du  golfe 
du  Mexlque  jusqu'a  Panuco  ,  d'oii  il  revint  dans  I'ile  do 
Cuba.  L'un  et  I'autre  capitaines  n'avaicnt  fait  suv  ie 
rivage  aucun  ctablisscment ,  lorsque  Velasquoz ,  gou- 


(  358  ) 

Tcnicur  do  Cuba,  resolut  de  soumettre  ces  contr«ies  a 
la  couronne  de  CaslUle ,  ot  tiouva  dans  Cort6s  un 
liomme  digiie  d'acconiplir  un  si  grand  desscin.  Cor- 
tes fit,  avantde  partir,  Ic  denonibrcrucnt  de  ses forces; 
elles  sc  composaient  dc  110  mariniers,  553  soldats  ,au 
nombre  dcsqucls  ^talent  3"2  arbaktricrs  ct  13  arque- 
busiers;  il  avail  de  plus  200  Indiens  de  I'ile  de  Cuba  , 
10  canons,  4  i'auconncaux  et  16  chevaux.  Ce  Tut  avcc  de 
si  faibles  mo}  ens  qu'il  cnlrcprit  la  conquete  d'un  puis- 
sant emjiirc. 

Tous  les  6venements  de  cette  expedition  sont  succes- 
sivement  decrils.  L'auteur  a  puise  aux  raeilleurcs  sour- 
ces ,  el  il  a  compare  entre  elles  toutes  les  cbroniques  , 
en  remontant  surtout  aux  relations  des  ^crivains  qui 
avaicnt  pris  part  a  la  conquete  ,  tels  que  Bernal  Dias; 
a  ceux  qui  etaicnt  arrives  iramediatement  ajires  au 
Mexique,  cornme  Ilerrtira,  Las-Casas,  Gomara ;  a  ceux 
onljn  qui  avaient  fail ,  comme  Clavigero  et  Lorenzana, 
de  profondes  recbercbes  sur  ces  grandos  epoques. 

L'ile  de  Cozumcl,  pros  des  cotes  orientales  du  Yuca- 
tan ,  est  le  premier  point  reconnu  par  Cortes.  II  y  ren- 
contre Aguilar,  ancicn  prisonnier  espagnol ,  qui  avail 
appris  la  langue  maya ,  usitec  dans  le  Yucatan  ,  ct  ce 
compatriole  lui  sort  d'interprete.  Bientot  il  on  trouve 
un  second  dans  la  jeune  Marina,  qui  lui  est  offerte  en 
present  par  un  cacique  de  Tabasco  ,  ct  qui  connait  la 
langue  maya  et  celle  du  l\Iexique.  Cost  par  leur  inler- 
mediaire  qu'il  pcut  etablirses  premieres  relations  avcc 
les  babitants. 

Nous  no  suivrons  pas,  avcc  l'auteur,  tous  les  exploits 
qui  signalercnt  cette  conquete  :  dc  tclles  relations  se- 
raienl  ctrang^res  au  genre  d'eludes  dc  la  Society  dc 
gdograpbip ;  el  d'ailleurs  nons  nous  en  sommes  spc- 


(  359  ) 

cialcment  occupt^s  dans  d'autres  Merits.  Bornons-nous 
done  a  rappeler  que ,  dans  tout  le  cours  de  cette  expe- 
dition militaire ,  Cortes  fut  a  portee  de  recueillir  les 
plus  exactes  notions  sur  la  topograpliie  de  la  Nouvelle- 
Espagnc  ;  sur  la  chaine  des  Cordili^rcs,  qu'il  eut  a  tra- 
verser entre  les  regions  brulantes  ,  voisines  de  la  Vera- 
Cruz,  et  les  grandes  vallees  de  Tlascala  ct  de  Mexico;  sur 
quolques  uns  des  volcans  de  cette  contree,  et  notam- 
ment  sur  celui  de  Popocatepetl ,  dent  la  hautevu'  est  de 
17,852  Y>ieds  anglais  au-dessus  du  niveau  de  I'Ocean. 
Plusieurs  batailles  contre  les  Tlascalans  ayant  et6 
couronnees  par  une  victoire  decisive  ,  Cortes,  en  fai- 
sant  la  paix  avec  eux ,  trouva  bientot  de  fideles  allies 
dans  ceux  qu'il  avait  eus  pour  ennemis ,  et  ils  I'accom- 
p  agn^rent  dans  la  plupai^t  de  ses  expeditions  ulterieures. 
Cortes ,   devenu  maitre  de  Mexico ,  put  bientot  y  ac- 
qu^rir  d'exactes  connaissances  sur  les  productions  va- 
rices des  differ entes  provinces  de  1 'empire  et  de  quel- 
ques  autres  parties  de  rAm^rique.  Les  jardins  du  pa- 
lais  de  Montezuma  rcnfermaient  une   collection  des 
plus  beaux  et  des  plus  utiles  vegetaux  ;  les  animaux  les 
plus  sauvages  occupaient   une   vaste  menagerie ;    de 
grandes  volieres  rassemblaient  les  oiseaux  les  plus  rares 
et  les  plus  recherch^s.  On  trouvait  dans  d'autres  salles 
du  palais  de  nombreux  echantillons  de  mineraux,  et 
des  ouvrages  precieux  par  la  mati^re  et  par  le  travail. 
Cortes  pouvait  apprc^cier  sous  tous  les  rapports  I'im- 
portance  de  sa  conquete  :  il  fit  partir  dans  plusieurs 
directions  quelqucs  uns  de  ses  capitaines,  afin  de  faire 
reconnaitre  la  situation  geographique,  les  productions, 
les  mines ,  toutes  les  ressources  des  contrees  environ- 
nantcs.  Chacunc  de  ses  entreprises  etendait  ses  d^cou- 
vertes  ou  consolidait  ses  conquetes.  Menace  bientot 


(  3eo  ) 

par  line  imasion  do  Narvaoz  ,  ii  niarcha  conlro  lui ,  le 
\alnqiut,  Ic  lit  ])risonnier,  allira  sons  sa  propre  ban- 
iiiere  les  troupes  (|iril  venail  do  combattrc ,  et  trouva 
uans  Icur  coojicration  Ics  raoyens  d'obtcnlr  d'autres 
succes. 

JNoiis  nc  nous  etcndrons  pas  sur  lo  retour  de  Cortes 

a  Mexico  ,  sur  la  fin  tiaglque  dc  Montezuma  ,  blcsse  a 

inort  par  scs  propres  sujets ,  au  milieu  dune  emcute 

qu'il  clicrchait  a  apalscr ;  sur  la  necessite  oil  furent  r6- 

duits  les  Espagnols  d'evacucr  cctte  capitale  au  milieu 

de  la  triste  nuif,  ct  sur  la  victoirc  incsperee  qu'ils  rem- 

porterent  a  Otumba.  Cortes  fit  ensuite  la  guerre  a  plu- 

bieurs  tribus  environnantes ,  il  les  vainquit  :  lui-meme 

avail  pour  auxiliaircs  d'autres  peuplades  indiennes ;  il 

s'aida  de  leurs  secours,  et  revint  avec  une  ax'niee  nom- 

breuse  faire  le  siege  de  Mexico ,   ou  Ton  avait  fait  dc 

nombreux  preparatifs  de  defense.  Les  fastes  de  cette 

sanglante  expedition  ont  cte  retraces  par  tous  les  his- 

lorlens  ,  et  M.  Prescott  les  a  peints  des  plus  vivos  cou- 

Icurs. 

La  reduction  de  cette  place  allait  ouvrir  i\  Cortes  une 
autre  carriere  d'activite   et  d'illustration.    Ce  n'^tait 
plus  le  guerrier  luttant  avec  une  fei-raet6  inebranlable 
conlre  ses  nombreux  ennemls  :  c'etait  I'liomme  d'l^tat, 
cliercbant  a  mettre  en  valeur  toutes  lesressources  d'un 
empire  souniis  par  ses  armes.  II  lui  roste  a  affermirla 
domination  de  I'Espagne  sur  cette  vastc  contree  ou  il 
ne  trouve  plus  d'obstacles  a  vaincre,  et  il  pourra  suivre 
avec  perseverance  le  cours  dos  decouvortos  qu'il  a  si 
gloi'ieuscment  commencecs.  Cette  secondc  jiartic  de  la 
vie  de  Cortes  a  eu  moins  d'liistoriens :  ellc  netait  plus 
entourec  de  toutes  les  pompcs  de  la  victoire;  n^an- 
moins  olio  est  digne  d'occupcr  toute  notrc  attention. 


(  361  ) 
et  nous  reprcnons  ici  avec  plus  de    details  ranalysc 
du  bel  et  savant  ouvi'agc  de  M.  Pi'escott. 

Lcs  Espagnols  n'l^taient  rentr^s    en  possession   de 
Mexico  qu'opres  un  siege  de  trois  mois ,  ou  Ton  avait 
eprouv^  de  part  et  d'autre  toutes  lcs  calamites  de  la 
guerre.  Cette  capitale  ,  qu'il  avait  fallu  reprendre  pied 
a  pied ,  ctait  presque    enti^rement  detruite  et   avait 
perdu  Ic  plus  grand  nombre  de  scs  habitants.  Cortes 
voulut  la  relever  de  scs  ruincs ,  et  la  nouvelle  ville  fut 
batie  sur  le  meme  emjjlacement  que  I'ancienne.  La 
place  Mayor  occupa  le  terrain  ou  s'etait  eleve  le  grand 
teocalli ;  les  idoles  brisees  servirent  de  materiaux  pour 
la  construction  d'une  eglise  ;  une  fortcrcssc  fut  batie; 
et  afin  de  la  pourvoir  d'artillerie ,  on  coula  des  pi6ces 
de  bronze,  on  cut  des  boulcts  de  pierre,  on  fit  extraire 
du  volcan  de  Popocatepetl  le  soufre  qui  devait  entrer 
dans  ia  fabrication  de  la  poudre  :  Mexico  rassembla  en 
quelqucs  annees  deux  mille  families  espagnolcs ,  et  il 
se  trouvait  trente  mille  autres  families  dans  le  quarller 
occupe  par  les  Indicns.  D'autres  villos  furent  cr^ees 
dans  les  positions  les  plus   favorables  :  Cortes  fonda 
Zacatula,  sur  les  bords  de  la  mer  du  Sud;  Coliman  , 
dans  le   Michuacan ;  Saint-Estevan  ,  sur  I'Adantique  , 
pres  de  Tampico ;  Mcdellin  ,  dans  le  voisinage  de  V(ira- 
Cruz  ;  Antigua,  sur  la  riviere  de  ce  nom. 

En  faisant  ses  distributions  de  domaines  ,  Cortes 
adopta  le  vieieux  systemc  de  la  repartition  des  Indiens 
cntre  les  nouveaux  possesseurs  du  territoire;  et  quoi- 
que  cet  acte  fut  desavoud  par  la  couronnc,  il  fut  main- 
tenu  ,  et  I'interet  particulier  sut  eluder  lcs  ordres  qui 
le  prohibaient.  Les  Tlascalans  toutefols  en  furent 
cxemples ,  ])ar  reconnaissance  pour  les  importanls 
services  qu'ils  avaicnt  rendus. 


(  362  ) 

Uouzc  religieux  IVanciscalns  arn\6rcnt  d'Espagne  au 
Mexique  en  1524,  pour  travailler  a  la  conversion  des 
Indiens  ,  et  pour  continuer  de  faire  abattre  les  idolcs  , 
les  signcs,  les  monuments,  les  images,  qui  paraissaient 
appartcnir  a  un  culte  detruit.  Line  partie  des  conqu6- 
rants  s'etablit  dans  la  riche  vallee  d'Oaxaca ;  un  plus 
grand  nombre  dans  celle  de  la  capitale.  On  poursuivit 
I'exploitalion  des  mines  de  Zacatiicas ,  Guannaxoto, 
Tasco,  ct  Ton  transplanta  dans  les  terres  culllvables 
los  diflerents  vegetaux  qui  pouvaient  s'y  naturaliser. 
La  cannc  a  sucrc  Tut  apportee  des  iles  espagnoles  :  on 
avail  dc'ju  lindigo  ,  le  coton  ,  et  bientot  on  vit  fleurir  le 
peclier,  lelimonier,  I'oranger,  la  vigne ,  I'olivier,  qui 
jusqu'alors  etaient  inconnus. 

Cortes  avait  forme  de  nouveaux  plans  de  d(5couvertes 
et  de  conquetes  :  il  avait  fait  (^quiper  une  flottllle  a 
Zacatula  pour  explorer  les  rives  de  la  raer  du  Sud  ; 
ses  vaisseaux  p(^rirent  dans  un  incendie ;  mais  il  prit 
sur-le-champ  des  mesures  pour  r6parer  cette  perte.  Le 
but  principal  de  son  armement  etait  de  decouvrir  un 
delroit  entre  cette  mer  et  le  golfe  du  Mexique ;  et  une 
autre  escadre ,  equip6e  sur  ce  golfe ,  devait  en  recon- 
naitre  6galeraent  les  parages.  La  proximity  des  deux 
mers  se  trouvait  constat^e  par  la  decouverte  de  Balboa, 
et  Ton  etait  a  la  recherche  d'une  communication  entre 
elles.  Cette  importanle  question  occupail  les  savants 
et  les  navigateurs  :  c'etait  le  grand  secret  du  detroit ; 
Cortes  mettait  tous  ses  soins  a  le  pcnetrer ,  et  ce  fut 
encore  dans  cette  vue  qu'il  fit  equiper  une  nouvelle 
escadre,  dont  le  comraandemont  fut  donne  a  Chris- 
toval  de  Olid,  un  de  ses  plus  habilcs  capitaines.  Olid 
devait  faire  voile  pour  le  pays  de  Honduras,  y  iilanler 
une  colonic  sur  la  cote  du  nord  ,  et  detacher  ensuile 


(  363  ) 

quelques  vaisseaux  pour  croiser  le  long  do  la  cote  me- 
lidlonale ,  et  aller  vers  le  Darien  cliercher  co  detroit 
inystdirieux. 

Une  grande  expedition  pai'  tcrre  fut  en  meme  temps 
confiee  a  Pedro  Alvarado  ;  il  devait  descendre  la  pente 
m^ridionale  des  Cordilieres  ,  etpdn^trcr  dans  les  pays 
(pii  s'^tendent  au-dela  du  territoire  d'Oaxaca.  Cetle 
campagne  sc  tcrmina  par  la  conquete  du  Guatimala. 
Trois  ans  aprfes  la  reprise  de  Mexico,  Cortes  avait  sou- 
mis  a  la  Castille  quatre  cents  lieues  de  pays  sur  I'At- 
lantlque,  et  plus  de  cinq  cents  lieues  le  long  de  lamer 
du  Sud. 

Ce  general  apprit  bientot  qu'Olid  chercliait  a  se 
rcndrc  indepcndant  dans  le  pays  qu'il  avait  ete  charg6 
de  coloniser;  il  voulut  punircette  defection,  etcliargea 
Francisco  de  LasCasas,  liomme  adroit  et  r^solu  ,  de  se 
rendre  allonduras,  et  d'arreter  cetofficier.  Las  Casas  fit 
naufrage  et  tomLa  entre  les  mains  d'Olid ;  mais  ayant 
r^ussi  a  exciter  une  insurrection  contrelui,  ils'empara 
tie  sa  personne ,  et  lui  fit  trancher  la  tete  sur  la  place 
du  marclie  de  Naco.  Cortes  n'^tait  encoi'e  informe  que 
du  naufrage  de  Las  Casas,  et  il  croyait  son  dessein  avorte, 
lorsqu'il  partit  lui-meme  de  Mexico,  le  12  octobre  152Zi, 
avec  un  corps  de  cent  cavaliers,  de  cinquante  fantas- 
sins  et  de  trois  mille  Indiens,  pour  se  diriger  sur 
Honduras.  II  s'arreta  dans  la  province  de  Guaxacualco, 
et  prit  a  Tabasco  des  renseignements  sur  la  I'oute  a 
suivre  :  on  lui  remit  une  carte  des  principaux  lieux  oii 
les  Indiens  do  celte  contree  venaient  faire  leur  com- 
merce d'ecliange;  et  a  I'aide  de  cette  carte,  d'une 
boussole ,  et  des  guides  qu'il  pouvait  renconti-er,  11 
cntreprit  de  traverser  les  tcrres  basses  et  marecageuses 


(  364  ) 

qui  sotendcnt  entre  le  Guaxacualco  ct  lo  gollc  do 
Honduras. 

Les  cours  d'cau  que  Ton  rencontra  etaient  si  nom- 
breux  qu'il  falJait  construirc  do  proche  en  proclie  do 
nouvcaux  ponts  pour  Ics  IVanclilr;  ct  les  dilTicultc'S 
du  voyage  furent  bicnlot  accrues  par  le  manque  do 
subsistances:  les  habitants  fuyaient  dcvant  les  troupes, 
apres  avoir  mislefeu  alcursmaisons.  Le  premier  village 
que  rarniee  rencontra  fut  Izlapan;  die  passa  ensuite  a 
quelqucs  lieues  de  Palenque,  dont  il  n'cst  fait  aucune 
mention  dans  les  rccits  de  Cortes;  elle  eut  a  traverser 
line  contrec  humide  ,  ou  Ton  ne  trouvait  que  quelques 
points  cultives  ct  dos  forets  de  ccdres  et  de  bois  do 
tcintui'c;  ses  guides  I'abandonnercnt,  et  la  carte  ct  la 
boussolc  pouvaient  scules  I'aidcr  a  sortir  de  ce  laby- 
rinthe.  Ses  faibles  provisions  etaient  consomniees,  et 
un  grand  nonibrc  d'hommes  periront  d'epuisenient  et 
d'inanition.  Biontot  l(^s  troupes  rencontroront  une 
riviere  plus  large  ct  plus  prolonde  que  toutes  celles 
qu'onavait  travcrsees;  mille  arbres  furent  abattus  dans 
les  foi'ctspour  y  etablir  un  pont ;  ct  ce  monument  de 
travail  et  de  perseverance  subsistait  encore  longtcmps 
aprcs.  De  nouvclles  difficult(is  survenaient  de  jour  en 
jour;  I'armee  rcdoublait  d'efTorts  pour  francbir  un 
sol  fangeux  et  sans  consistance ;  enfin  on  arriva  dans 
une  fertile  plaine  couverte  de  mais,  oil  etait  situe  le 
clief-lieu  d'unc  peuplade  indienne. 

Les  Espagnols  roparcrcnt  leurs  forces  dans  colte 
station  ct  sc  dirigcrent  ensuite  vers  le  lac  Peten,  qui 
appartcnait  alors  a  ime  trlbu  de  la  nation  Maya ,  eta- 
blie  dans  le  Yucatan  ;  sa  capitalc  etait  situee  dans  une 
ilc  du  lac,  ct  Ton  en  apercevait  detr^sloin  lesteocallis 
ct  les  grands  edifires. 


(  365  ) 

Nous  dcvons  rappeler  iinc  interessante  circonstancc 
de  la  vie  de  Marina ,  qui  accompagnait  CoxHes  et  qui 
lui  servait  d'interprete.  Lorsqu'ontraversait  la  province 
de  Guaxacualco  ,  elley  rencontra  sa  mere  et  sonfrere, 
pardonna  a  sa  mi're  qui  I'avait  autrefois  vendue  a  des 
marchands,  fut  vivement  attendrie  a  son  aspect,  et  lui 
remit  en  present  tous  les  joyaux  qu'ellc  avait  sur  elle. 
Cortes  voulut ,  pendant  I'expedition  de  Honduras,  fixer 
lesoi't  de  cette  jeunc  ludienne ,  en  lui  faisant  epouscr 
don  Juan  Xamarillo ,  et  des  biens  lui  furent  assignes 
dans  son  pays  natal ,  oil  elle  passa  probablement  le 
reste  de  ses  jours.  Depuis  ce  temps  le  nom  de  Marina 
disparait  des  pages  de  I'histoire ;  niais  il  fut  toujoui's 
cher  aux  Espagnols,  qu'elle  avait  fidelement  servis  ,  et 
auxindiens,  qui  la  trouverent  sans  ccsse  compatissantc 
a  leurs  maux. 

L'armee  continuant    sa  marche  eut  a  traverser  la 

Sierra-de-los-Peclernales ;  elle  essuya,  en  rentrant  dans 

laplaine,   la  saison  des  pluies,   qui  grossissaient  les 

torrents   et  les  rivieres.   On  dut  passer  tres  pres  do 

Copan;  mais  sansdoute  on  nc  I'apercutpas,  et  Ion  se 

hatad'arriver  a  Naco,  situ6  sur  les  bords  du  Golfo  dolce. 

Cortes  se  preparait  a  y  entrer  de  vive  force,  lorsqu'il 

appritpar  ses  6claireurs  la  nouvelle  de  la  mort  d'Olid  : 

son  autorite  se  trouvait  retablie,  et  il  fut  recu  par  ses 

compatriotes  avecune  vive  allegresse.  Tout  le  pays  en- 

vironnant  fut  examine  avec  soin  ;  Cortes  passa  un  mois 

a  I'explorer ;  il  s'embarqua  ensuite  avec  une  partie  de 

ses  ti'oupes ,  et  apres  avoir  toucbe  quelqucs  jioints  dii 

littoral,  il  alia  jeter  I'ancre  a  Truxillo,  principal  eta- 

blissement  des  Espagnols  sur  la  cote  de  Honduras.  Ce 

guerrier  voulait  tenter  une  nouvelle  expedition   pour 

soumettre  la  vaste  province  de  Nicaragua,  en  eludior 


(  366  ) 

loutes  les  ressources,  aller  a  la  rocherclie  ilu  diilroil , 
dont  il  otail  pr^occupd,  s'avancer  a  Costarica,  a  \  e- 
ragua,  et  arborer  enfin  sa  banniere  sur  Ics  bords  de  la 
bale  do  Panama ;  mais  les  nouvelles  qu'il  recut  dc 
Mexico  ravertlrentqu'il  en  <!;tait  eloignc  dopuis  trop long- 
temps,  et  que,  pour  sauvcr  cello  capitalc  ,  il  dcvait  v 
revenir  sans  delai.  En  cffet,  des  dissensions  s'y  elaienl 
manifestees  d^s  le  moment  de  son  d(§part :  les  troubles 
s'etaient  accrus;  on  avail  r^pandu  le  bruit  que  Cortes 
avait  pc^ri  dans  les  inarais  dc  Chiapa ;  on  avait  memc 
celebro  scs  obsoques,  etl'on  avait  dispos6de  sesbiens, 
en  partie  pour  lui  falre  dire  des  messes  ,  enpartie  pour 
acquitter  ce  que  Ton  nommait  scs  dettes  envers  I'Etat, 
Cortes  se  hata  de  regler  I'adminislration  des  colonies 
de  Honduras,  et  il  s'embarqua  pour  Vera-Cruz  avccun 
petit  noinbre  d'liommcs ;  niais  la  tcnipole  endommagea 
son  navire  et  lelorrade  rtntrer  dans  le  port  dc  Truxillo. 
Unc  seconde  tentative  ne  futpas  plus  heureuse ,  il  on 
fit  une  troisi^me ,  et  s'embarqua  le  25  a\ril  1526. 
Mais  lorsqu'il  cut  gagno  les  parages  de  la  Nouvelle- 
Espagnc ,  un  coup  de  vent  lui  fitperdro  sa  route  et  Ic 
jeta  sur  File  de  Cuba.  Enlin  il  remit  en  mer  le  16  mai, 
et  il  arriva  pros  de  Saint-Juan  d'Llloa  le  liuitiemc  jour 
de  sa  navigation. 

Toute  sa  route  a  travers  le  Mexique  fut  une  marclic 
trionipliale;  on  accourait  de  toutes  parts  pour  Ic  voir; 
il  Tut  rcru  dans  toutes  los  villes  de  la  maniore  la  plus 
solennello,  et  rontra  dans  la  capitalc  au  mois  do 
juin  1526,  vingt  mois  aprtjs  son  deparl. 

Pendant  son  absence  ,  ses  enneinis  avaient  redouble 
leiirs  intrigues  en  Espagno ,  pour  le  perdrc  dans  I'esprit 
do  lacour,  et  Charles-Quint  avait  envoyi  au  Mexique 
Jui  jugc  (Ic  irsidence  pour  examiner  sa  conrluite.  F-os 


(  367  ) 

plaintes  etaient  devenues  si  multipliees  ct  si  graves, 
qu'une  commission  fonnec  u  Madrid  sousle  titred'au- 
dience  royale  dc  la  Nouvelle-Espagne ,  fut  chargce  d'en 
prendre  connaissance,  et  que  le  prc^sldent  du  conscil 
des  Indcs  (!;crivit  a  Cortes  de  venir  se  disculpcr.  Cortes 
avaitdeja  resolu  de  faire  ce  voyage  avant  d'en  recevoir 
I'injonction ;  il  quitta  Mexico  pour  se  rendre  au  port  de 
Villarica,  ou  il  recut  la  nouvelle  de  la  mort  de  son 
p^re  ,  qu'il  avait  esp6r6  revoir  bientot.  Deux  vaisseaux 
6taient  prepares  pour  son  passage  ;  il  prit  avec  lui  le 
fidele  Sandoval,  Tapia  ,  quelques  autres  cavaliers  atta- 
ches a  sa  personne,  il  fit  aussi  cmbarquer  plusieurs 
chefs  asteques  ou  tlascalans,  et  emporta  une  grando 
collection  de  plantes  et  demint^raux,  quelques  animaux 
du  pays ,  des  oiseaux  I'ares  et  au  beau  plumage  ,  des 
vases,  divers  objets  de  parure ,  d'ameublemcnt ,  et 
lespluscurieuxproduits  de  I'industrie  mexicaine. 

La  traversee  fut  heureuse ,  et  Cortes  arriva  a  Palos  au 
mois  de  mai  1528.  Colomb  y  avait  debarque  trente-cinq 
ans  auparavant,  a  son  retour  de  la  decouverte  du 
Nouveau-Monde ,  et  Francois  Pizzarre ,  le  conquerant  du 
Perou ,  y  aborda  pendant  le  s^jom^  de  Cort6s.  Ainsi 
les  homnies  qui  avaient  soumis  a  I'Espagne  deux  puis- 
sants  empires  se  rencontrerent  a  Palos ,  I'un  apres 
avoir  accompli  scs  conquetos,  I'autre  lorsqu'il  allait 
poursuivre  Ics  sienncs. 

Sandoval  mourut  dans  cette  ville  a  la  memo  epoque. 
II  etait  ne  a  Medellin  comme  Cortes ,  et  avait  cte  son 
compagnon  fidele  ,  celui  dont  Fhabilcte  et  le  caractire 
lui  inspiraient  le  plus  de  confiance ,  et  qu'il  employa 
constammcnt  dans  les  occasions  les  plus  dillicilcs.  Les 
obseques  de  ce  jeune  guerrier ,  qui  n'avaitv^cu  que 
trente  ct  un  ans,  furent  faites  par  les  religieux  de  cc 


(  368  ) 

memo  couvont  do  la   Rabida  oii  C.olomb  a\ail    Iioum- 
un  acciieil  hospitaller. 

Cortiis  ccrivlt  a  la  cour  pour  rinformcr  de  son  arri- 
veo.  Toules  les  preventions  qii'on  avait  cues  contre 
lui  tHaient  deja  disslpocs,  ct  dans  lous  les  lieux  do  son 
passage  on  lui  rcndit  les  plus  grands  lionncurs.  Chai'les- 
Quint  etait  alors  a  Tolede ;  il  accucillit  Cortes  avec 
bicnveillance ,  lui  fit  de  nombreuses  questions  sur  les 
paysqu'il  avait  souniisa  la  couronnc  >  le  rcoutsouvent, 
etleconsultasur  la  meilleure  mani^rc  de  gouvernerlcs 
colonies,  sur  les  reglements  a  faire  pour  anieliorcr  la 
condition  des  habitants,  sur  les  moyens  d'cncouragor 
jo  travail  et  I'industrio.  Le  nionarquc  saisit  souvent 
I'occasion  de  donncr  a  Cortes  des  leinoignagcs  d'es- 
time  et  de  favour  :  lorsqu'il  paraissait  en  public ,  il  Ic 
placait  a  ses  cotes ;  le  general  ctant  tombc  maladc , 
rcmpereur  alia  le  voir  et  lui  rendrc  des  soins.  II  hi' 
confera,  par  un  acte  du6  juillot  1529,  le  titre  de  mar- 
quis de  la  vallee  d'Oaxaca  ;  il  joignit  a  ce  litre  lui  t(!r- 
ritoire  consid(^rable  dans  la  memo  contr6c  ,  ct  d'autres 
proprietes  a  Mexico ,  ct  dans  la  valloe  cnvironnantc ; 
ce  don  comprenait  plus  de  vingt  villes  cu  villages  el 
vin2;t-deux  inille  vassaux, 

Oa  no  rendlt  pas  a  Cortes  le  gouvernement  dii 
Mexique.  C'etait  lapolitlque  de  la  couronnc  d'cinplover 
unc  classc  de  ses  sujets  pour  etcndrc  ses  conquiiles,  el 
line  autre  classe  pour  les  I'cgir.  Mais  en  refusant  a 
Cortes  radministration  civile  de  la  colonic  ,  on  kiicon- 
fiait  le  coinmandcment  militairc ;  on  le  iiomma  capi- 
laine-gcneral  do  la  Nouvclle-Espagne  et  des  cotes  de  la 
inor  du  Sud  ;  il  eul  le  didit  d'y  faire  des  decouvcrtes 
dont  on  lui  accordail  en  proprielc  la  douzicinc  partie, 
el  d'etablir  des  reglenvnts  dans  los  ft  rrcsqu'il  pourrall 


(  369  ) 

coloniser ;  le  gouvernement  espagnol  voulait  le  retlrer 
du  premier  theatre  de  scs  exploits,  ct  lui  ouvrir  une 
nouvelle  carri^re  d'ambition ,  ou  il  put  agrandir  encore 
les  domaines  de  la  couronne. 

Au  printemps  de  I'annee  suivante  ,  Cort6s  s'embar- 
qua  pour  la  Nouvelle-Espagne  avec  sa  seconde  femme, 
ni^ce  du  due  de  Bejar,  et  avec  sa  mere,  qui  etait  avanc6e 
en  age ;  il  etait  suivi  d'un  long  cortege  de  pages  et 
de  serviteurs.  II  se  rendit  d'abord  a  Hispaniola,  pour 
y  attendre  que  le  Mexique  eut  recu  sa  nouvelle  organi- 
sation, et  il  alia  ensuite  y  exercer  ses  fonctions  de  ca- 
pitaine-g^n^ral. 

Des  discussions  avec  le  gouvernement  civil  lui  ayant 
bientot  I'endu  penible  le  sejour  do  la  capitale  ,  il  quitta 
Mexico  pourne  plusy  revenir ,  et  alia  fixer  sa  residence 
dans  la  ville  de  Cuernavaca,  assise  sur  la  pente  meri- 
dionale  des  Cordilieres ,  et  dominant  une  plaine  eten- 
due ,  qui  6tait  la  plus  belle  ct  la  plus  florissante  partie 
de  ses  domaines;  il  y  introduisit  la  canne  a  sucre  ,  des 
troupeaux  de  merinos  ,  I'education  des  vers  a  soie ;  il 
encouragea  la  culture  du  cbanvre  et  du  lin  ,  etablit  des 
fabriques,  tira  de  I'or  des  mines  de  Tehuantopec,  ct 
de  I'argent  de  celle  de  Zacatecas  ;  I'exploitation  en  etait 
alors  facile  ,  etlesmetauxprecieux  se  trouvaient  encore 
pres  de  la  surface  du  sol. 

Avant  son  voyage  en  Espagnc ,  Cortes  avait  cnvoye 
une  petite  escadre  aux  Moluques,  et  cctte  expedition 
eut  quelques  importants  resultats;  il  se  preparait  a  en 
former  une  seconde ;  mais  scs  plans  furent  interrompus 
et  la  construction  de  ses  navii'es  fut  negligee  et  alian- 
donnee  pendant  son  absence.  II  equipa  en  1532  ot 
1533  deux  autres  flottilles  pour  des  voyages  de  decou- 
vertes   au  nord-ouest ;   on  atteignit ,  dans  une  de  ces 

I.    MAT.    ^.  25 


(  370  ) 

navigations,  rextremite  lueridionale  cle  la  Califoraie  , 

et  un  debarquement  y  fut  efloctue  dans  Ic  port  do  la 

Yera-Paz.  Ln  de  ses  vaisseaux  ,  jetL"  par  le  gros  temps 

sur  Ics  coles   de  la  Nouvollc-Galice ,  fut  captur(i  par 

Guzman,  vieil  ennemi  de  Cortes,  ct  celui-ci  n'avanl 

pu  obtenir  justice,  alia  lui-meme  roprendre  son  navirc. 

La  il  fut  rejoint  par  la  sccondc  llottille  qu'il  avail  fait 

6quiper  dans  le  golfe  de  Tcbuantcpcc.  Scs  vaisseaux 

etaient  pourvusde  tous  les  objetsnt^cessaires  a  I'cHablis- 

semcnt  d'une  colonic  dans  la  region  nouvcllement  d^- 

couverte  ,  et  ils  y  transportaient  quatre  cents  Espagnols 

et  trois  cents  Africains ;  mais  cetle  expedition  fut  mal- 

heureuse.   Cortes,  en  naviguant  dansle  golfe  de  Cali- 

fornie,  fut   assailli  par  une  violcnte  tcmpolc,  fut  jete 

sur  des  (!!cueils ,   ct  regagna  peniblcmcnt  le   port  de 

V6ra-Paz ,  d'ou  il  revint  au  Mexiquc  apres  une  longue 

absence.  La  colonic  qu'il  avail  voulu fonder  se  trouvait 

alors  reduite  a  I'extri^mite  par  la  famine  et  les  maladies, 

etil  futbientot  suivipar  un  petit  nombre  de  malbeureux 

qui  avaient  survecu  aux  desastrcs  de  celte  entreprise. 

Sans  etrc  decouragc  par  ccs  revers ,  Cort6s  songeait 

encore  a  quclqucs  dccouvertes  dignes  de  lui,  et  dans 

cetle  vue  il  equipa  trois  autres  navires  dont  il  remil  le 

commandemcnl  a  Mloa.  Cetle  expedition ,   qui  parlit 

au  niois  de  juillcl  1529  ,  elendit  bcaucoup  plus  les  pro- 

gres  de  la  geographic.  Llloa  ponetra  jusqu'au  fond  du 

golfe  de   Californie:  revenant  ensuite  sur  ses  pas,    il 

longca  toutc  la  cote  de  la  Peninsule ,    en    doubla  la 

pointe  meridionale  ,  ct  remonta  Ic  long  de  ses  rives 

occidentales,  jusqu'au  29°  degre  de  latitude  nord.  Le 

liardi  navigaleur  fit  alors  parvenir  a  Corttjs  la  nouvelle 

de  ses  decouvertes ,  et  il  conlinuasa  route  vers  le  nord, 

mais  on  n'entendit  plus  parler  de  lui ,  ct  son  silence  no 

permit  pas  de  doulcrdc  sa  perlo. 


.    (  371  ] 

Ainsi  se  termin6i'ent les  enlreprlses  uiailliiaes  laltos 
ou  cUrigecs  par  Fernand  Cortes;  ellos  lui  avalent  coutc 
trois  cent  mlllc  castillans  d'or;  la  mer  du  Sud  avail 
^ti  reconnue  ,  depuis  la  bale  dc  Panama  jusqu'au  Rio 
Colorado  ,  qui  coule  au  fond  du  golfe  dc  Californic, 
ct  I'autre  cote  de  cette  presqu'ilc  avait  et6  decouvcrt 
jusqu'  al'ile  de  Cedi'os. 

Malgrd  ses  embarras  pecuniaires,  Cortes  faisait  encore 
de  nouveaux  efTorts  pour  etendi-e  les  limites  de  ses  de- 
couvertes;  et  il  se  proparait  a  equiper  une  nouvello 
escadre  de  cinq  vaisseaus,  qu'il  dcvait  mettre  sous  le 
commandementde  don  Louis,  son  fils  naturcl ;  maisle 
vicc-roi  Mendoza  lui  en  refusa  I'autorisation ,  et  re- 
clama  pour  lui-meme  le  droit  de  faire  des  de^couvertcs 
etdes reconnaissances  dansles  contrees  du  nord-ouest. 

Les  embarras  que  Ton  suscitait  a  Cortes  le  detcrmi- 
n^rent  a  faire  un  nouvcau  voyage  en  Espagne  :  il  dit 
adieu  a  son  epouse,  a  sa  mt?re ,  s'embarqua  en  15/iO 
avec  son  fds  aine  ,  qui  n'avait  alors  que  huit  ans ,  ct 
apres  une  hcureuse  navigation ,  il  prit  terre  dans  son 
pays  natal.  Cortes  fut  bonoral^lement  recu  ,  mais  plus 
froidement ,  et  Ion  se  bornait  a  des  marques  de  cour- 
toisie. 

L'ann^e  suivante ,  il  s'embarqua  comme  volontaire, 
dans  la  memorable  expedition  de  Charles-Quint  centre 
Alger.  Mais  I'escadre  fut  dispersee  par  une  violente 
tempetc  :  le  vaisseau  ou  il  se  trouvait  fit  naufrage  sur 
la  cote  d'Afrique ,  et  'jorl^s  et  son  fils  ne  s'ecliappe- 
rent  qu'a  la  nage.  La  valeur  musulmane  ,  aidco  par 
les  elements  ,  triompba  de  ses  ennemis  ;  et  Ion  tint  un 
conseil  de  guerre  dans  Icquel  on  prit  la  decision  d'aban- 
donncr  I'entreprise  et  de  retourner  en  Castillo.  Cortes 
s'indignait  de  ccttc  disposition  ;  il  voulait  s'obsliner  au 


(  272) 
si«ige,  et  tlemandait  qu'on  lui  permit   de  r^duire  la 
place  :  on  prlt  son  ardeur  pour  un  enthousiasuie  ro- 
mancsque,  et  son  conseil  ne  lut  pas  suivi. 

A  son  retour  en  Espagne  ,  le  conquorant  du  Mexiquc 
adrcssa  aa  gouverncmont  diverscs  rt'clamalions  aux- 
quellcs  on  n'eut  point  egard,  Sa  position  avait  cbangci; 
il  etait  trop  ag(^  pour  qii'on  put  attcndre  de  lui  d'autros 
services  importants;  les  conquerants  du  Perou  occu- 
paient  alors  I'attention  publique  ;  on  csperait  de  nou- 
veaux  tr^sors,  et  Cortes  vit  que  la  faveur  do  la  cour 
s'atlachait  plus  a  I'avenir  qu'au  pass6. 

Au  mois  de  fevrier  1544 ,  il  adressa  une  nouvelle 
lettre  a  I'empereur ,  pour  lui  rappeler  ses  sacrifices  , 
I'embarras  dc  sa  situation ,  Ics  dcttcs  qu'il  avait  con- 
tractees ,  et  ses  plaintcs  contre  Ics  ofliciers  dc  la  cou- 
ronne  qui  riigissaient  Ic  Mexiquc.  Trois  annees  de  sol- 
licitatlons  n'eurcnt  aucun  succes  ;  et  Cortes  ayant  pris 
la  resolution  de  retourner  en  Amerique ,  vlnt  avec  son 
fils  a  Seville  ,  oil  il  desirait  s'eniLarquer  ;  mais  il  lut 
attaque  d'une  dyssenterie  qui  epuisa  rapidement  ses 
forces  :  il  prt^vit  sa  fin  prochainc  ,  et  il  s'y  prepara. 
Cortes  avait  fait  son  testament  depuls  quelque  temps; 
et  son  fils  aine,  Don  Martin ,  age  de  quinze  ans,  deve- 
nait  son  heritier.  II  pourvut  au  sort  dc  ses  autres  en- 
fants,  fit  ses  liberalites  a  d'anciens  servileurs,  donna 
d'abondantes  cbarites  ,  et  disposa  des  biens  qu'il  avait 
a  Mexico  ,  pour  y  fonder  trois  institutions  :  un  bopital , 
un  college  pour  I'education  des  missionnaires,  et  un 
couvent  de  religieuses.  Le  h^ros  arrivait  avec  calme  a 
sa  derniere  hcure;  et  apr^s  avoir  confcsse  sesfautes  et 
I'ccu  les  sacrcmcnts  ,  il  expira  le  2  ddcembrc  1547  ,  a 
I'agc  de  soixante-trois  ans.  On  c6lebra  avec  pompe  ses 
funcirailles  ,  et  son  corps  fut  inbumd  dans  le  monastere 


(  373  ) 

dc  Saint-Isidore.  Don  Martin  ,  son  fils,  le  fit  transporter 
fn  1572  dans  la  NouvcUe-Espagne,  et  on  le  deposa  k 
Tczcuco  ,  pres  des  lombeaux  de  sa  fille  ot  de  sa  mere. 
Les  autorites  de  Mexico  reclam^rent  sa  depouille 
en  1629  :  die  y  fut  successivement  placee  dans  I'^glise 
de  Saint-Francois  ,  et  dans  un  hopital  que  Cortes  avait 
fonde.  Ainsi ,  plusicurs  villos  avaient  rcgarde  comme 
un  devoir  de  lui  rendre  les  honneurs  supremes,  et 
Mexico  gardait  sa  cendre  depuis  deux  siecles ,  lors- 
qu'en  1823,  au  milieu  d'un  mouvcmcnt  r^volution- 
naire  ,  la  populace  fut  sur  le  point  de  briscr  son  tom- 
beau. 

Cortes  n'avait  pas  eu  d'enfants  de  son  premier  ma- 
nage :  il  en  laissa  quatre  du  second ,  un  fils  et  trois 
(illes  ,  qui  firent  les  plus  brillantes  alliances  :  il  laissait 
aussi  deux  fils  naturcls;  la  mere  de  I'un  d'eux  etait 
Marina.  La  lign^e  masculine  do  Cortes  s'eteignit  a  la 
quatri^me  generation ;  et  son  titre  et  ses  biens  echu- 
rent  aux  femmes  :  une  d'elles  s'allia  a  la  maison  de 
Terranova  ,  qui  descendait  du  grand  capitaine  Gonzalve 
de  Cordoue ;  et  un  mariage  subsequent  fit  passer  ce 
noble  et  illustre  hei'itagc  dans  la  famille  des  dues  de 
Mont^leone. 

M.  Prescott  terminc  la  biograpliie  de  Cortes  par 
d'interessantes  remarques  sur  son  caract6re,  ses  grandes 
qualites,  son  empire  sur  tout  ce  qui  I'environnait,  ses 
connaissances ,  les  importations  agricoles  dont  il 
eni'icliit  le  Mexique ,  sa  proposition  de  soumettre  a  la 
Castille  les  iles  a  epiceries,  ses  projets  de  colonisation 
en  Californie  ,  et  le  nombre  et  I'imj^ortance  de  ses  d6- 
couvertes. 

L'analyse  que  nous  venons  de  fairc  ne  pourrait  pas 
rcmplacer  la  lecture  de  I'ouvrage  dc  M.  Prescott,  mais 


(374) 

clle  pent  iki  luoins  eu  I'alre  romarquci' le  rati  rile ,  cl 
jiiontror  combiou  I'historien  a  dii  laire  do  rcchorches 
pour  trailer  dignement  un  si  beau  sujot.  11  nous  est 
diiTiclle  dc  juger  toujours  avec  prc^cision  unc  grande  ct 
belie  ccuvre  ,  ^crite  dans  une  langue  clrangere  :  les 
qualilc's  du  style  ^cliappent  alors  trop  souvent;  mais 
du  molns  Ic  merite  dcs  pensees  nc  ccssc  pas  d'etre 
aperru ;  cl  lorsqu'elles  sont  grandes ,  nalurclles  ,  et 
derivees  d'une  noble  et  vaste  intelligence,  cctle  pre- 
miere base  des  qualitcs  d'un  ouvrage  en  fait  ressortir 
toule  I'iniportance ,  el  attache  vivement  a  sa  lecture. 
Nous  lelicilons  M.  Prescott  du  nouveau  succ6s  liisto- 
riqiie  ctlillcraire  qu'il  vienl  d'oblenir  ,  el  des  lumieres 
qu'il  a  repandues  sur  les  dilTerentes  questions  liees  a 
un  sujet  si  fecond  et  si  grand. 

ROUX  DF.  RocnELbE> 


ExTRAiT  dc  Id  Cojresjxindance  dc  M.  VabbeVuM^.Ki. 
(  Coniinunique  par  31.  le  baron  Roger. ) 

Saint-Louis  du  Senegal ,  le  1 8  Fevrier  i844. 
% 

«  Je  m'estime  heurcux  que  vous  aycz  cte  content  de 
nion  preccJsdent  envoi.  Je  in'occuj>e  en  ce  moment  de 
I'eunir  des  documents  plus  interessants ;  ce  sont  des 
notes  arabes  sur  I'emigralion  dcs  Maures  au  Senegal , 
sur  I'histoire  de  leurs  rois,  sur  Icurs  mocurs,  leurs 
fables ,  ct  sur  les  distances  cl  la  position  dcs  dilTe- 
rentes villes  qu'ils  parcourent  dans  I'intdrieur.  Malhcu- 
reusement  les  grands  voyages  des  caravanes  n'ont  lieu 
que  dans  la  mauvaisc  saison.  Cctle  fois,  ayant  plus  dc 


(  375  ) 

Iciiips ,  je  metlrai ,  selon  vos  recommaiidations  ,  une 
traduction  en  regard  de  i'arabe.  » 

• > ' 

((Notre  petit  etablissement  (le  college  de  Saint-Louis) 
prospere  toujours;  nous  avons  quarante-cinq  Aleves 
qui  nous  donnent  beaucoup  de  consolations  sous  tous 
les  rapports.  Je  regarde  cette  annee  comme  le  veritable 
commencement  du  collt^gc ,  car  nos  classes  sont  bien 
organisees.  A  la  fin  de  I'annee  je  vous  communiquerai 
le  resum6  de  tout  ce  que  nos  jcunes  gens  auront  ap- 
prls. — Je  me  prdpare  a  en  envoyer  quatrc  ,  au  mois  de 
mai,  a  Paris,  pour  etudior  au  s(?minaire.  — Les  trois 
qui  se  destinent  a  I'ecole  des  mineurs,  et  dont  je  vous 
ai  d6ja  parle ,  nous  ofTrent  de  grandes  esperances.  lis 
ont  ete  confes  a  M.  Iluart,  qui  les  a  menes  jusqu'aux 
mines  du  Bambouck  parterre;  ils  etudient  la  minera- 
logie  sur  les  lieux  memes.  Je  vous  envoie  la  lettre  que 
je  viens  de  recevoir  de  M.  Huart  a  leur  sujel.  Elle  est 
datec  de  Bakel :  je  pense  que  vous  la  lirez  avec  interet, 
Ces  trois  jeunes  gens  m'ecrivent  de  I'inlerieur  du  pays, 
etme  racontent  les  fatigues  de  leurs  courses,  d'un  ton 
quimontre  qu'ils  dtisirent  eti'e  utiles  a  Icur  patrie.  Dans 
deux  mois  ils  vont  revenir  en  descendant  sur  les  rives 
de  la  Gamble.  » 


ExTRAiT  de  la  lettre  de  M.  Huart  a  M.  Vabbe  Boilat. 

(( Partis  le  28  novembrc  ,  nous  nous  sommes  rendus 
a  Boulcbane,  capitalc  du  Bondou ,  ou  les  enfants  ont 
^te  presentes  a  I'Almamy  comme  de  futurs  agents  du 
gouvernement.  Ce  chef  a  beaucoup  approuve  cettc  heu- 


(  376  ) 

reusL'  idee  de  noire  gouvcrneur  ,  qui ,  dans  sa  sollici- 
lude  pour  le  S(!;nogal,  ne  se  borne  pas  au  present,  mais 
s'occupc  encore  de  I'avenir.  Continuant  notre  route . 
nous  avons  traverse  I'intiirieur  du  Bondou  ,  dans  la  di- 
rection sud  ;  visitd  successivement  les  mines  de  la  Fa- 
leme  ,  situees  a  Soinsandi-pal ,  Sainsandi-Sarracolet,  aux 
deux  \illap;esde  Tomboura  ct  aux  deux  villages  de  Tom- 
houlo.  Puis  ,  nous  avons  pass6  cctte  riviere  et  parcouru 
avcc  soin  cetlc  partie  du  Bambouck  ,  si  riclio  par  ses 
mines,   et  que  notre  mission  nous  prescrivait  d'etu- 
dier.  Les  mines  de  Yacueba ,  cellcs  de  Danibayayc  ^  de 
Giiinde ,  dc  Dambaynye  n°  2,  de  Gasca  et  beaucoup 
d'autres  moins  importantes  ont  fixe  notre  attention. 
Nous  avons  pu  sur  les  lieux  faire  opdrer  les  enfants 
eux-memes,  leur  montrer  les  vices  de  la  manipulation 
ties  indigenes ,  en  subslituant  la  noire  plus  en  rapport 
avec  la  nature  du  terrain,  apres  leur  avoir  fait  d'abord 
remarquer  le  defaut  de  soins,  de  connaissances ,  et 
peut-etre  d'intclligence  qui  ont  prcsidd  a  I'^tablisse- 
ment  des  mines  et  au  travail  des  galeries  souterraincs. 
Nous  n'avons  pas  ndgligc  non   plus  les  mines  fal6- 
meeimes,  moins  riclics  peut-etre,  mais  jiourtant  d'un 
inleret  nuijeur. 

»  Notre  retour  s'est  cffectu6,  nonpar  I'interieur,  pour 
6viler  un  double  cmploi,  le  connaissant  d6ja,  mais  en 
longcant  la  Faleme ,  ce  qui  nous  a  servi  a  etablir  un 
itineraire.  L'inspcction  scrupuleuse  des  lieux  que  nous 
proposons  pour  I'etablissement  des  futurs  comptoirs  , 
a  complete  notre  campagne  ,  et  apres  trente-trois  jours 
(le  marclie,  nous  sommcs  rcvenus  a  Bake),  etc.  » 


(  377  ) 

DEUXIEME    SECTION, 

Actes  de  la  Societe. 

EXTRAIT  DE9  PROCES-VERBAUX  DES  SEANCES. 


Pr^sidunce  de  M.  Roux  de  Rocueu-e. 


Seance  du  3  mail^hh. 

Le  proces-verbat  de  la  derniure  seance  est  lu  et 
adopte. 

M.  le  vice-amiral  baron  de  Mackau ,  ministre  de  la 
marine  et  des  colonies  ,  nomme  President  de  la  So-i 
ci^te  dans  sa  derniere  assemblee  gen^rale ,  (^crit  a  la 
Commission  centrale  qu'il  est  sensible  a  cette  flat- 
teuse  distinction,  et  il  I'assure  du  vif  interet  qu'il  prend 
a  ses  utiles  travaux. 

MM.  Cochelet  et  Guignaut,  nommes  vice-presidents, 
M.  de  Froberville,  admis  dans  la  Commission  centrale  , 
et  M.  Amedee  Tardleu ,  nouveau  mcmbrc  de  hi  So- 
ciete ,  adressent  aussi  des  remcrciements  pour  leurs 
nominations. 

M.  Ilommalre  de  Hell  rend  grace  a  la  Societe  de 
riionorable  suffrage  qu'elle  vicnt  d'accorder  a  ses  tra- 
vaux en  lul  decernant  une  mcdaille  d'or  pour  son 
voyage  a  la  mer  Caspienne. 

M.  Jomard  offre  ,  au  nom  do  M.  Dclaporte,  un  exem- 


(  378  ) 

])laire  de  I'ouvrage  que  cct  oriontaliste  vient  de  puLlicr 
sous  le  litre  de  :  Specimen  de  la  latigiie  hcihere. 

Lc  memo  membra  met  sous  les  ycux  de  Tasscmbl^e 
un  portrait  de  Chistoplie  Colomb  ,  qu'il  a  fait  dcs- 
siner  a  Viccnce,  d'apros  un  tableau  atlribuci  au  Ti- 
ticn,  ct  qui  dilTore  de  tous  les  portraits  connus  de  ce 
celobre  navigateur. 

IM.  le  baron  Roger  communique  dcs  lettres  ecrites 
du  Senegal  par  M.  I'abbe  Boilat ,  qui  annoncent  le  pro- 
cbain  envoi  de  plusieurs  documents  ,  nolamment  de 
Notes  originales  sur  I'ancienne  emigration  des  Maures 
dans  ce  pays  ct  sur  leurs  traditions  historiques,  ainsi 
que  plusieurs  itineraires  dans  rinterieur  de  I'Afrique. 
Ces  lettres  aussi  sont  relatives  aunc  reconnaissance  des 
mines  d'or  du  Bambouck,  executee  sous  la  dii'ccllon  de 
M.  lluart ,  par  trois  jeunes  Sent'galais  qui  se  destinent 
a  I'ecole  des  mineurs.  M.  Iluart  parait  avoir  retrouv^ 
presque  toutes  les  localit^s  signalees  au  commence- 
ment du  xvui'  sieclc ,  dans  I'cxploration  de  Compa- 
gnon ,  que  nous  a  conserv6e  le  P.  Labat.  Les  indi- 
genes se  livrent  encore  a  I'cxploitation  des  mines  par 
les  procdd^s  les  plus  grossiers ;  cependant  on  parlc 
de  galeries  souterraines,  ce  qui  serait  deja  un  grand 
progres.  — M.  lc  baron  Roger  estpri6  de  donner  com- 
munication de  ces  documents  au  comite  du  Bul- 
letin. 

M.  Eyries  lit  un  M6moire  ayant  pour  titre  :  Le  Niger, 
le  I\il ,  le  Gii;  par  leu  Reicliard  ,  geographe  alle- 
mand.  —  Cetle  communication  est  renvoy(ie  au  co- 
mite du  Bulletin. 

Seance  du  17  viai. 

Lc  procfes-verbal  de  la  dernicre  seance  est  lu  et 
adopte. 

]M.  lo  President  rend  compte  du  bicnveillant  accueil 


(  379  ) 
fait  par  madame  la  ducliessc  d 'Orleans  a  la  deputation 
qui  a  eu  I'lionneur  do  lui  presenter  Ics  dernicrs  volu- 
mes des  Memoires  de  la  Soci^te.  S.  A.  R,  s'est  entrete- 
nuc  avec  interet  des  progres  de  la  geograpliie  ,  des 
plus  i-ecentes  decouvertes  ,  et  de  plusieurs  voyages  qui 
ont  pour  but  de  les  entendre  encore.  Deja  elle  fait  etu- 
dier  la  geograpliie  a  son  fils ;  le  jeune  prince  aime 
cette  etude ,  et  son  auguste  mere  fait  esperer  a  la  So- 
cicte  qu'il  en  sera  un  jour  le  protecteur, 

MM.  les  menibres  du  bureau  de  la  Commission  cen- 
trale  se  sont  aiissi  presentes  chezM.  I'amiral  de  Mackau, 
ininistre  de  la  marine  et  nouveau  president  dela  Society 
de  geograpliie.  II  Icur  a  temoigne  tout  son  empresse- 
ment  a  seconder  les  travaux  d'une  Societe  a  laquelle  il 
avait  deja  appartenu  des  le  moment  de  sa  fondation. 

M.  le  conseillcr  d'Etat  de  Macedo,  secretaire  perp6- 
tuel  de  I'Academie  royale  des  sciences  de  Lisbonne  , 
remercie  la  Societe  en  son  nom  et  au  nom  de  cette 
Academie  pour  I'envoi  de  son  Bulletin. 

M.  Vandermaclen  ecrit  a  la  Societe  ,  pour  lui  offrir 
un  supplement  a  la  2"=  Edition  de  I'Essai  de  M.  Heus- 
chling  sur  la  statistique  g^nerale  de  la  Belgique  ,  dont 
il  lui  a  adresse  precedemment  un  exemplaire. 

M.  Jomard  offre  a  la  Society ,  de  la  part  de  M.  le 
comte  Graberg  de  Hemso ,  ses  Notices  sur  les  progress 
de  la  geographic  pendant  les  annecs  1842  et  18/13. 

Le  meme  membro  communique  par  extrait  une 
lettre  de  M.  d'Arnaud  ,  en  date  du  22  mars  dernier. 
Dans  cette  lettre  ,  M.  d'Arnaud  rend  comptc  du  voyage 
penible  ct  pdrilleux  qu'il  vient  de  faii-e  dans  le  grand 
desert  de  Nubie,  de  Rorosco  aAbouliamod,  ainsi  que 
de  plusieurs  autres  excursions  plus  recentcs.  II  an- 
nonce   que   le   vice-roi  songe  toujours   a  un  nouveau 


(  380  ) 
voyage  a  la  recherche  des  sources  du  Nil-Blanc  ,  ct  qu'il 
s'occiipe  de  faire  construire  deux  politsbatlnients  a  va- 
peur  pour  continuer  a  remonter  le  fleuve. 

M.  le  vicomte  dc  Santarem  fait  un  rapport  sur  les 
ti-avaux  de  la  Societe  royale  maritime  et  coloniale  de 
Lisbonne. 

M.  Roux  de  Rochellc  fait  Tanalyso  d'un  ouvrage  de 
M.  Pi'escott  surl'ancicnne  civilisation  duMcxlque,sur  sa 
conqucte  et  sur  les  decouvcrtes  ulterleures  do  Fcrnand- 
Cortes. 

Ces  diverses  communications  sont  renvoycics  au  co- 
mit(^  du  Bulletin. 

La  Societe  apprcnd  avec  douleur  la  mort  de  M.  Du 
Ponceau,  unde  sos  corrcspondants  Strangers,  et  pre- 
sident dc  la  Society  phllosophiquc  amerlcalne  de  Plil- 
ladelphie.  L'assembl(ie ,  vivement  touchee  de  la  perle 
d'un  savant  si  recommandablc,  demando  que  I'ex- 
pression  de  ses  regrets  solt  consignt^e  au  proces-verbal. 

UEMBRE   ADMIS  DANS  LA  SOCIliTi, 

Seance  du  17  mai  IShh. 
M.  Serajihin  Lallier  ,  capltaine  au  long  cours. 

OUVRAGES  OFFERTS  A   LA  SOCltXE. 

Seance  du  12  am/  IShh. 

Par 31.  le  ministre  de  V agriculture  et  du  commerce  : 

Documents  sur  le  commerce  extcrieur,  n"'  132  a  144. 

Par  I'Jcademie  de  Rouen  :  Precis  analytique  de  ses 
travaux  pour  18/|3  ,  1  vol.  in-8. 

ParM.  Gabriel  Lafond :  Voyages  autour  du  monde  : 
mers  duSud.dc  la  Chine  ct  archipcls  do  I'lndc,  137' 
a  1/|2'  livraison. 


(  381  ) 

Par  les  auteurs  et  editeurs  :  Nouvelles  annalos  des 
voyages ,  mars.  —  Annales  maritimes  et  coloniales , 
mars.  —  Bulletin  de  la  Soci^te  geologique  de  France, 
2°  serie,  t.  I",  feuillos  11  a  13.  —  Journal  d'ediication 
populaire ,  bulletin  de  la  Societi^  pour  I'instruction 
^lemcntaire,  fevricr.  —  L'Investigateur,  journal  de 
rinstitutliistorique,  avril.  — Memorial  encyclopedique, 
mars.  —  L'Eclio  du  monde  savant, 

Assemblee  generale  du  26  avjil  ISili. 

Par-  31.  le  directeur-general  du  Depot  de  la  guerre  : 
Nouvelle  carte  topographique  de  la  France,  levee  par 
les  officiers  d'Etat-Major  ,  et  gravee  au  DejDot  g^n^ral 
de  la  guerre ,  sous  la  direction  de  M.  le  lieutenant- 
general  baron  Pelet,  feuilles  17,  Cherbourg.  —  30 
Lisieux.  —  63  Mortagne.  —  'dh  Beaugency.  —  95  Or- 
l(^ans.  —  112  Dijon.  —  137  Chalons- sur-Saone.  — 
1/19  Saint-Claude  ,  et  169  Belley. 

Departements  de  laMarne,  du  Bas-Rhin  etde  Seine- 
et-Oise  ,  extraits  de  la  carte  topographique  de  la 
France ,  18  feuilles. 

Carte  generale  de  I'Algerie ,  dressee  au  Depot  general 
de  la  guerre,  f^vrier  ISZi/i.  1  feuille. 

Cartes  des  provinces  d'Oran,  d'Alger  et  de  Constan- 
tino, dressees  au  Depot  general  de  la  guerre,  fevrier 
\U!x  ,  3  feuilles. 

Par  M.  le  minis tre  de  la  marine':  Cartes  hydrogra- 
phiques  publiees  au  Depot  gent^ral  de  la  marine ,  do 
decembre  18A3  a  avril  18/iZi.  — N°  1,007,  plandugolfo 
de  Saint-Ti'opezou  de  Grimaud  (departoment  du  Var). 
—  1,008,  plan  du  golfe  Jouan  ,  du  port  do  Cannes  et 
de  ses  environs  (departoment du  Var).  —  1,009,  plan 
du  port  d'Antibes  et  des  environs   ( ddparlemont  du 


(  382  ) 

\ar).  —  1,010,  plan  dos  emiroiis  do  la  C.iolal, 
de  Cassis  et  de  Port-Miou  ( littoral  dcs  IJouchcs-du  • 
Rhone).  —  1011.  Position  des  ilcs  Saint-Felix ot  Saint- 
Ambroise  sur  la  cote  du  Perou.  Position  des  ilcs  Ilor- 
migas  sur  la  cote  duCallao  de  Lima  (P6rou).  —  1012. 
Plan  des  altdrages  et  du  mouillage  dc  Scala-Nova. 
—  1013.  Plan  d'atteragc  du  Callao  de  Lima  (Perou); 

\  0}  age  autour  du  monde  ex6cut6  sur  les  corvettes 
de  S.  M.  VUranie  et  la  Physicienne,  pendant  Ics  annecs 
1817,  1818  ,  1819  et  1820,  par  M.  Louis  dc  Freycinet. 
Magnctisme  terrestre ,  1  vol.  in-Z|. 

Voyage  autour  du  monde,  execute  pendant  les  annexes 

1836  et  1837,  sur  la  corvette  de  S.  M.  la  Bonite  ,  com- 

mandee  par  M.   Valllant.   Ilistoire  naturelle ,  Zoologie 

par  MM.  EydouxetSouleyet,  la^livraison.  —  Dotaniqnc 

par  1\L  Caudicliaud,  8'  et  O""  livraisons. 

^'oyage  autour  du  monde  sur  la  fregatc  la  Melius , 
pendant  les  annees  1836-1839. —  Atlas  d'histoire  na- 
turelle ,  5'  ot  6*^  livraisons. 

Voyage  au  pole  sud  et  dans  rOcoanie ,  sur  los  cor- 
vettes VJs/ra/abe  et  la  Ze/ee ,  pendant  les  amines 
1837-1840.  /lydrogrnp/i/e,  tome  1".  —  Atlasd'histoiro 
nalLiroilo.  Zoologie,  10"  livraison.  —  Uotaniqnc ,  7' 
livraison. 

Campagnc  de  ciiTumnavigation  do  la  frigate  r.^/7<''- 
niisc ,  pendant  les  annees  1837-18/iO,  tome  3. 

E.\pos6  dcs  operations  geodesiques  relatives  auxtra- 
^aux  liydrographiquos  execulos  sur  les  cotes  moridio- 
nales  de  France ,  sous  la  direction  de  feu  M.  Monnici', 
par  M.  Begat,  1  vol.  \n-h. 

Annuaire  dcs  marees  dcs  cotes  de  France,  juinr 
IS/lO,  18/i2,  1843  et  I8/1/1  ,  public  au  Depot  do  la 
marine,  par  .M.  Clui/.allon  ,  /|  vol.  in-18. 


(  383  ) 

Par  M.  le  r/i/nistre  de  I' Instruction  intHiquc  :  \uyage 
en  Orient  par  M.  Leon  deLaborde,  dcuxllvraisons. 

Description  de  I'Asie-Mineurefaite  par  ordre  du  gou- 
vernement  francais,  de  1833  a  1837,  par  M.  Charles 
Texier. 

Description  de  I'Arm^nic,  la  Perse  et  la  Mesopota- 
mie,  par  M.  Charles  Te'xier. 

Par  1M.  le  miiiistrc  ties  affaires  etrnngeres  :  ^  oyagcs 
pittorosques  et  romantiqucs  dans  I'ancienne  France  , 
par  MM.  Nodier,  Taylor  etCailleux. 

Par  M.  Hoinniaire  de  Hell  :  Les  steppes  de  la  mer 
Caspienne ,  le  Caucase ,  la  Crimee  et  la  Russie  nieri- 
dionalc ,  5'  livraison. 

ParM.  Ober  iMnller  :  Hochkarte    Aon  Dcutschland. 

Par  M.  Delaporte  :  Specimen  de  la  langue  bei'bere, 
1  cahier  in-f°  lithographie. 

Par  M.  Scrantzler  :  Apercu  general  geographique  et 
statistiquc  de  I'empire  de  Russie,  18Zii,  brochure  8". 

Par  JSl.  lun'cnstei/i :  Karte  von  Nassau  un  thellen  dor 
angranzendcn  Staaten  bis  Ilanau ,  Giessen  ,  Olpe ,  Bonn 
und  Creuznach,  1  feuille. 

Seances  dcs  3  et  17  mai  18/iZi. 

Par  M.  le  viinistre  de  Pagriculture  et  da  commerce  : 
Documents  sur  le  commerce  cxtericur,  N"'  Zi5  a  157. 

ParM.  Vandermaelcn  :  Essni  sur  la  statistique  gene- 
rale  de  la  Belgique  ,  par  M.  Ileuschling  ;  supplement 
a  la  2"=  (Edition.  1  vol.  in-8. 

Par  M.  le  comte  Gr-aberg  de  Hemso  :  Degli  ullimi  pro- 
gress! della  geografia.  18/il  et  18ii2  ;  2  broch.  in-8. 

Par  M,  Jl.  yld.  Camns :  Discurso  inaugural  prc- 
nunciado  para  la  solcmne  apcrtura  del  curso  de  J8/|3- 
hh  en  la  universidad  literaria  dc  esta  Corte.  Madrid  , 
18/i3  ,  broch.  in-8. 


(  384  ) 

ParM.  Brafais  :  l{a[)i^oi'l  ii  M.  le  maire  do  Lyon, 
sur  les  observations  recucillies  par  la  Commission  liv- 
drometrique  ,  par  MM.  Lortet  ct  Bravais  ;  broch.  in-8. 

Par  les  aiiteurs  et  editeiirs  :  Annales  maritiracs  el 
coloniales,  avril.  — Bullolln  de  la  Society  de  geologie, 
avril.  —  Journal  d'education  populaire ,  mars.  — 
L'Invcstigateur,  journal  de  I'lnstitut  historiquo  ,  mai« 
—  L'licho  du  mondc  savant. 


Errata  du  Bulletin  d'avril  i844- 

p.   265  ,  ligne  20,  confinee  :  liscz  confirmee. 

p.   3l5  ,  ligne  5,  a  fine,  et  3i6  ,  1.  2  ,  Catervood  :  lisez  Cathervood, 
P.  3i8  ,  lifjne  2  ,  Venture ,  de  I'aradis  :  lUez  Venture  de  Paradis. 
//»(■</,   ligne  i5  ,  M.  D.   Arnand  :  liscz  d'Arnaud. 


BULLETIN 


DE    LA 

r  r  I 


SOGIETE  DE  GE(3GIIAPH1E 


JUIN  ISlih. 


PREMIERE    SECTION. 


MEMOIRES,   liXTRAlTS,   ANALYSES  ET  liAPPOHTS, 


ILE  DE  MADAGASCAR. 


RKCHERCHES  SUR  LES  SAKKALAVA , 

PAR  M.  V.  l\OEL. 

(  Suite  et  fin.  ) 


Apr^s  le  jugement  des  rois  a  leur  mort,  usage  salu- 
taire  que  Ton  est  etonne  de  trouver,  a  des  epoques  si 
eloignecsl'une  de  Taulre  ,  dans  la  patrie  des  Pharaons 
ot  chez  Ics  incultes  habitants  de  Madagascar,  la  cou- 
tume  la  plus  remarquable  chez  les  Sakkalava  est  sans 
contredit  cclle  du  Fatlidraha  ou  de  C identification  da 
sang.  Aucune  dc  leurs  pratiques  n'obvic  avcc  plus 
d'efiicacite  a  rimperfectioii  de  leurs  lois  civiles.  L'on 
se  rappelle ,  en  elTet ,  sur  cfuelles  bases  fragiles  repose 
la  sociele  sakkalava  :  le  pere  peut  renier  tons  ses 
I.   JUIN.   1.  26 


(  ;i8(3  ) 

enfants  indistinctcmoiit ,  et  ccux  qui  ont  (^'tc'  repousses 
par  lui  n'onl  d'aulrc  moycn  pour  coiiquerir  leur  place 
clans  la  societe  quo  de  se  fairc  adopter  par  iin  etranger. 
Sans  doule  les  premiers  qui  se  firent  IVeres  de  sang 
furent  deux  rnalhcureux  auxguels  la  ressource  dc 
I'adoption  fit  defaut. 

La  ceremonie  du  Fattidraha  s'accomplit  dc  la  ma- 
ni6re  suivante  :  I'un  des  assistants  reniplit  uii  vase 
d'eau  douce  (malietsaka  n'oumi)  et  d'eau  dc  mer 
(rfinau);  \  A mpittoukn-  Fattidraha  ou  proclamateur 
du  faltidrrdia  met  dans  ce  vase  la  poinlc  d'une  lance 
(sabofdia),  dont  ceux  qui  aspirenl  a  dcvenir  iVeres 
empoignent  la  liampe  a  deux  mains,  a  la  hauteur  de 
leur  poitrine.  L'Ampittofika-Fattrldr;dia  s'accroupil 
alors  aupres  du  vase,  et  celui  qui  la  rempii  y  met 
successivement  sept  parcelles  d'argent,  sept  grains  dc 
poudre  (poundi)  ,  sept  pierres  a  fusil  (vatti-f;di) ,  sept 
balles,  sepl  os  de  bceufs  (tuofda-aukena) ,  sept  ca2urs 
d'herbes  (tsoka-ahitsi)  ,  sept  grains  de  sable  ])ris  dans 
un  trou  de  fourmis  (allanga-ni-viltiki) ,  sept  fragments 
de  r^corce  d'un  arbre  appele  Mangara-Hara  ,  sept 
morceaux  de  meu-mite  (villanga)  ,  et  sepl  pincecs  de 
terre  prises  a  cbacun  des  qualre  points  cardinaux 
(zourou-n'lani).  Ces  difft^rents  objets  se  nomment  Ics 
temoins  de  Videntifuntion  du  sang  (  sahadani-falti- 
draha).  Cbaque  fois  que  I'un  d'cux  est  depose  dans  Ic 
vase,  rAmpittouka  expliquc  avec  prolixil(!!,  tout  en 
frappanl  a  petits  coups  le  fer  de  la  lance  avec  un  cou- 
teau  ,  les  devoirs  particuliers  dont  cet  objet  est  comme 
le  signe  mneniolechnique  ou  I'emljlime ,  et  ])rofere 
rles  menaces  conlrc  celle  des  parlies  conlractanlcs  qui 
oserail  les  enfreindre.  Lorsque  lous  les  temoins  sonl 
dans  le  vase,   rAinpiUofdva  se  resume  ;'i  peu  prcs  en 


(  387  ) 

ces  termes  :  «  0  vous  (anarco)  qui  vous  liez  a  la  face 
»  des  clieux  et  des  lioninies  des  lourds  liens  du  fatti- 
»  draha ,  avant  que  votre  sang  coule  dans  les  veines 
»  d'un  autre  vous-meme,  rappelez-vous  bien  le  sens  de 
»  chacun  de  ces  temoins.  Get  argent  veut  dire  que  vous 
»  devez  partagcr  en  freres  les  richesses  que  les  dieux 
»  vous  envoient;  cette  poudre ,  cesballes  et  cespiei'res 
»  a  fusil  doivent  vous  faire  souvenir  que  les  combats 
»  et  les  dangers  vous  seront  desormais  communs;  ces 
»  OS  de  bceufs  signifient  que  vous  devrez  vous  livrer  en- 
»  semble  a  la  joie  des  festins;  le  cceur  de  ces  herbes, 
»  que  vous  devrez  errer  ensemble  dans  les  profondeurs 
»  des  forets ,  si  un  sort  ennemi  force  I'un  de  vous  a  fuir 
»  la  societe  des  homines  ;  ce  sable  arrache  au  trou  de 
>)  la  fourmi,  vous  dit  que  vous  devez  travailler  ensem- 
»  ble  ;  cette  marmite ,  que  vous  devez  manger  le  meme 
»  riz  sur  la  meme  natte  ;  et  cette  terre  prise  aux  quatre 
»  points  cardinaux,  que  chacun  de  vous  doit  suivre 
»  partout  son  compagnon>  quelles  que  soient  la  dis- 
))  tance  et  la  direction  ou  I'auront  pousse  les  destins. 
»  Un,  deux,  trois,  quatre,  cinq,  six,  sept;  tel  est  le 
»  nombre  de  chacun  des  ttJimoins  de  votre  alliance ; 
»  c'est  aussi  le  nombre  des  jours  de  la  semaine  et  celui 
»  des  ann^es  qui  s'ecoulent  avant  que  Ton  recom- 
»  mence  a  les  compter;  il  vous  indique  que  vous  de- 
»  vrez  vous  aider  mutuellcment  aussi  longtemps  que 
»  les  jours  et  les  annecs  y  seront  compris.  Un ,  deux , 
»  trois,  quatre,  cinq,  six,  sept;  si  I'un  de  vous  viole 
))  ime  seule  des  obligations  du  fattidrrdia ,  que  son 
»  existence  soit  hrisce  (maitou)  ,  el  qu'il  p(^risse 
))  comme  un  malfailcur,  les  mains  li^es  derric're  le  dos, 
»  par  le  fer  acere  d'une  zagaie  semhlable  a  celle  qui 
»  recoil  aujourd'hui  ^os  serments.  » 


(  388  ) 

Cettc  harangue  teriuineo,  luii  dfs  deux  freies  prend 

If  ct)utcau  des  mains  do  rAmpiltouka,   s'en  fait  une 

incision  dans  le  creux  de  I'estomac ,  ct  le  passe  a  son 

compagnon,  qui  accomplil  la  memc  opi^ration.  Chacun 

d'eux  prend  alors  une  feuille  d'arbre  quelconque,  la 

plie  en  cornet,  puise  dans  le  vase  aux  ingredients  une 

certaine  quantity  du  liquide  qu'il  contient,  fail  lomber 

dans  le  cornet,  avec  le  couteau,  quolqucs  gouttes  du 

sang  de  son  compagnon  ,  en  opere  le  melange  a  I'aide 

du  meme  instrument ,  en  boit  une  partie  et  verse  le 

reste  sur  celui-ci  en  repetanl  la  formule  sacramenlelle  : 

Un,  deux,  trois,  quatre,  cinq,  six,  sept,  si  tu  \ioles 

Ics  devoirs  de   notrc   fraternite  de  sang,   tu  es  mort 

(fittou-mailou). 

Les  Sakkalava  sont  persuad(5s  que  celui  qui  cnfreint 
les  lois  du  fattidrfdia  ne  saiu-ait  prosperer ;  ils  sont 
egalement  convaincus  que ,  lorsque  I'un  des  deux 
freres  mcurt,  I'autre  meurt  subitement ,  ou  ne  tarde 
pas  a  le  suivre. 

La  circoncision  des  enfants  (fizaratsi-n'tsiki)  est 
chez  les  Sakkalava,  comme  I'indiquc  son  nom,  I'occa- 
sion  d'une  fete  importante.  Elle  a  ordinairement  lieu 
parmi  les  Antalates  lors  des  solennitcs  du  Muoulad 
ce  don  de  la  naissance  Mahomet ,  et  parmi  les  autres 
Sakkalava  a  des  epoques  indetermin^es.  Pendant  que 
les  parents  se  li\Tent  a  la  danse ,  boivent  outre  mcsure 
et  font  bonne  cherc,  les  enfants  sont  conduits  a  I'op^- 
ratcur  ou  ampizcu'atsi.  Lorsque  tous  les  enfants  ont 
subi  la  doulourcuse  operation  ,  celui-ci  rcmet  leurs 
d^pouilles  aux  assistants,  qui  les  introduisent  dans  leurs 
fusils  en  guise  de  bourre,  et  en  font  une  d^charge  ge- 
nerale.  A  ce  signal  atlendu  impatiemmenl,  les  rejouis- 
sances  recomraencent,  et  durent,  comme  toujours,  jus- 
qu'a  extinction  de  comestibles  ct  de  boissons. 


(  389  ) 

Les  Sakkalava  restent  strictcment  renlonnes  chez 
eux  et  s'abstiennent  de  toute  affaire  pendant  certains 
jours  qu'ils  appellent  fait.  Chaque  I'amille ,  cliaque 
individii  a  les  siens  qu'il  chome  scrupuleusement.  Le 
nombre  de  ces  jours  est  conside^rable  parrai  les  classes 
superieures  ,  surtout  parmi  les  princes  ;  il  n'est  guere 
que  de  deux  ou  trois  chez  la  plupart  des  Anakombo. 

Chaque  Sakkalava  ,  en  particulier,  a  egalement  ses 
mets  Ja/i,  auxquels,  dans  ses  idees,  il  ne  saurait  gouter 
sans  s'exposer  a  une  mort  certaine.  Le  pore  est  fali 
pour  beaucoup  de  personnes ;  quelques  aniniaux  doi- 
vent  a  la  seule  couleur  de  leur  robe  I'exclusion  dont 
ils  sont  frappes.  Le  chat  tigre  (karou)  ,  par  exeniple, 
est  fa/i,  et  se  voit,  a  ce  titre,  repousse  de  toutes  les 
cases ;  tandis  que  ses  confreres  au  poil  blanc  et  noir 
sontpartout  adniis  et  fetes. 

Les  Sakkalava  attachentune  valeur  superstitieuse  aux 
moindres  objets  qui  ont  appartenu  a  leurs  ancetres. 
lis  suspendent  a  leur  cou  les  plus  portatifs,  quand  ils 
vont  a  la  guerre,  et  sont  persuades  que  ces  sortes  de 
reliques  les  rendent  invulnerables.  Ils  placent  ceux  de 
ces  objets  qu'ils  ne  peuvent  porter  avec  eux  dans  quel- 
que  coin  de  leur  case,  et  leur  vouent  un  culte  r6el. 
Les  uns  et  les  autres  sont  appeles  ahott/i  oufangafotidi , 
pr^servateurs. 

Les  tombeaux  sont  pour  les  Sakkalava  I'objet  do  la 
plus  profonde  veneration.  Ils  les  visitent  frequemment, 
evoquent  les  manes  de  leurs  peres,  et  les  prient  d'in- 
terceder  pour  eux  aupr^s  de  Znnnhnri,  singuliere  divi- 
nite,  dont,  malgrenos  efforts,  il  nous  serait  impossible 
"  de  donner  une  definition  tant  soit  pen  exacte.  Cette 
action  se  nomme  inidznurnu  ami  iii  mza-fii,  et,  a  notre 
avis,  elle  constitue  la  partie  seripus(%  inviolable,  de  la 


(  390  ) 

roligioii  dcs  Madecasses,  si  laiil  11   \  ;i  quo  les  Alade- 
casses  aient  une  roligion. 

^  MT.  Exercices  corporeh. 

Les  Sakkalava  scrnblonl  avoir  hoiiHuir  do  lout  Ira- 
vail  penible  ct  continu,  lis  ne  sc  meltent  pas  moins  de 
deux  ou  trois  cents  pour  faire  la  besogne  d'une  ving- 
ta'ne  d'Europeens.  Si,  par  exemple,  ils  transportont  un 
arbre  abatlu  ,  toutes  les  parties  en  soal  supporlees 
par  le  dos  de  quelqu'un  d'entre  cux;  ceux  qui  ne 
peuvcnt  coop^rcr  au  transport  d'uncmanicrc  aussi  ac- 
tive s'agitent  autour  de  Tarbre,  liurlcnt  de  joic  a  clia- 
que  mouvement  qu'il  fait  en  avant;  ou ,  quand  il  ne 
va  pas  assez  vite  a  leur  grci,  s'armcnt  de  ses  branches 
ct  Ten  frappent  en  vocifcrant,  comme  pour  lui  com- 
muniquer  une  velocite  magique,  Au  reste,  quel  que 
soit  le  genre  de  corv^es  auquel  les  souraettent  leurs 
chefs,  il  est  impossible  de  travailler  de  meilleure  grace 
qu'ils  ne  lefont.  Jamais  leurs  chants  ne  sont  plus  vifs, 
leur  allure  plus  ^chevelee,  leurs  danses  plus  furibondes 
et  leurs  cris  plus  joyeux  que  dans  ces  occasions.  Mais 
toute  cette  ardeur  n'est  qu'un  feu  de  paille ,  et  ce  n'esi 
qu'aprcs  un  long  ropos  que  les  plus  intrepides  se  di- 
cidcront  a  roprondro  dc  nouveau  la  bechc  ou  la  co- 
gnac. 

La  danse  destravailleurs  consiste  siniplcment  en  gam- 
bades plus  ou  moins  gracieuses.  Les  guerriers  lancent 
quelquefois,  cndansant,  leurs  armes  a  uiic  hauteur 
prodigieuse,  ct  les  saisissent  a  leur  chute  avec  une 
adressc  qui  fcralt  lionte  a  nos  plus  cilebres  tambours- 
majors.  Les  danses  dc  caraclere  sont  I'apanage  ex- 
ciusil'des  domestiques,  des  esclavosol  dosboulTons.  Les 


(  39J   ) 
danseurs ,  plus  uu  inoins  nombreux  ,    sont  armcs  de 
leurs  lusils,  se  niettcnt  sur  deux  rangs ,  marchent  en 
cadence,  mais  avec  gravity,  se  croiscnt,  abaissent  ou 
el^vent  leurs  armes,  sanspourtant  se  nienacer,  et  con- 
tiniient  ces  pi'omcnades  insigniliantes,  jusqu'a  ce  que 
le  mailre  leur  crdonne  de  se  rctiver.  La  danse  caract6- 
ristie  des  fouimcs  est  a  peu  prfes  lameme  que  la  prece- 
dente  ;  elles  tieniient  dans  leur  main  droite  une  longue 
baguette,  et  balancent  legferement  leur  corps  en  clian- 
tant  un  refrain  invariable.  Les  coryphees  de  la  troupe 
sont  souvent  des  bekatsi ,  espece  d'etres  degrades  qui 
op^rent  sur  eux-memcs  la  castration ,  vivent  avec  les 
feiiiraes,  en  portent  les  vetenients,  et  dont  le  veritable 
sexe  reste  souvent  un  ^ternel  probl^me.  Le  trait  sail- 
lant  de  la  danse  des  bouffons,  pcrsonnages  distingues 
par  la  clocliettc    attacliee  a  leur  cou,   un  cliapeau  bi- 
zarre, et  plus  encore  par  leur  dilTorinite  naturelle,  est 
un  tatonnement  seniblable  a  celui  d'un  honime  qui 
chercherait  quelque  chose  dans  I'obscurite,  et,  en  cer- 
tains moments  indiques  par  la  mesure  pr(!!cipit6e  de  la 
musique,  une  sorte  de  convulsion,  d'agitation  febrile 
et  voluptueuse  dans  tout  le  syst6me  charnu,  princi- 
palement  de  la  partie  subjacento  aux  reins.  L'instru- 
ment  au  son  duquel  s'execulent  ccsdanses  est  un  tam- 
tam (  en  sakkalava,  liazou-lrdie )  ;  le  monotone  dzedzi, 
la  {•allika  aux  sons  stridents  et  varies,  et  la  flute ,  ne 
servent  aux  Sakkalava  que  comme  passe-temps  domes- 
tique  aux  heures  prolongees  de  \qmy  far  nieiite. 

Les  cxercices  dans  lesquels  les  Sakkalava  deploient 
le  plus  d'adresse  ,  sont  la  chassc  aux  boeufs  et  le  jeu 
du  dzoiilouiiuihe.  Ilsse  rendent  en  ti^oupe  dans  les  forets 
oil  ces  aniniaux  vivent  a  I'etat  sauvago,  les  cernent,  et 
les   saisissoni    par  les   cornes   ou    par    les    jarnbrs   au 


(  302  ) 

moven  d'un  lacet,  au  moment  oii  Us  cherchent  a  se 
frayor  un  passage  paiTni  Ics  chasseurs.  La  tradition  at- 
tribue  rinventlon  de  la  chasse  au  lacel  aux  premiers 
\  oula-Mena.  Le  dzouloumdhe  est  le  uieme  esercice 
que  celui  de  la  chasse  au  lacet,  raoins  toutefois  les  dan- 
gers. Les  joueurs,  armes  chacun  d'unecorde  loveedans 
leur  main,  se  divisent  en  deux  bandes,  faisant  face  I'une 
a  I'autre  sur  toute  leur  longueur.  L'un  d'cux  jetteavec 
force,  dans  I'mtervalle  qui  separe  les  deux  camps,  en 
lui  imprlmant  un  rapide  mouvement  de  rotation,  une 
roue  formee  par  deux  morccaux  de  bois  croises  l'un 
sur  I'autre;  tons,  alors  ,  jetlent  successivement  leur 
lacet ,  et  celui  qui  arrete  la  roue  dans  sa  course  I'a- 
mene  a  lui  et  la  jette  aux  autres  joueurs. 

§  \  III.  Habitations  ,  vetements ,  nourrititre. 

Le  logement  des  Sakkalava  de  Nossi-b6  se  compose 
pour  I'ordinairc  de  deux  pieces,  construitos  separe- 
ment  :  la  case  a  coucher  et  la  cuisine.  La  premiere 
occupe  un  cspace  d'environ  12  pieds  de  long  sur  8  de 
large ;  chacune  des  faces  correspond  a  peu  pres  exac- 
tement  a  l'un  des  quatre  points  cardinaux ,  les  deux 
pignons  regardant  le  nord  et  le  sud.  La  porte  princi- 
pale  est  toujours  vers  le  c6t6  droit  de  la  pai-oi  meridio- 
nale  ;  les  issues  particulieres  ,  c'est-a-dire  celles  qui 
sont  reservt^es  a  la  famille  ,  sont  percees  dans  les  au- 
tres parois,  indistinctcment.  Quatre  poteaux  do  3  pouces 
de  diametre  chacun  et  de  8  pieds  de  hauteur  environ, 
Torment  les  angles  de  la  case ;  d'autres  sont  places 
entre  ceux-ci ,  en  plus  ou  moins  grande  quantite,  sui- 
vant  le  nombre  des  portes  particulieres  que  Ion  veul 
avoir.  Trois  traverses  (liiizou-lava)  fixees  aux  pot^dux 


(  393  ) 

des  angles  avec  des  cordes  et  au  moyeii  d'entailles , 
comme  toutes  les  autres  pieces  de  la  charpente  ,  Ion- 
gent  horizon talement  cliacune  des  pai-ois  dc  la  ease  ; 
la  traverse  supcricure,  ou  sabliere  haute,  ainsi  que 
I'entrait,  sont  a  environ  8  picds  du  sol ;  celle  du  mi- 
lieu, ou  sabliere  moyenne,  a  5  pieds,  et  la  sabliere  de 
charabi-ee,  sur  laquelle  repose  le  plancher  (rapaka)  , 
a  1  pied  ou  1  pied  1/2.  Les  arbalitriers  se  fixent  aux 
extremites  superieures  des  quatre  poteaux  principaux 
ou  coi'niers,  en  depassant  d'un  denii-pied  le  soniniet 
du  pignon ;  c'est  dans  I'espece  de  fourche  formee  par 
le  croisement  de  ces  deux  pieces  que  se  pose  le  fai- 
tage.  Lorsque  les  pieces  superieures  dc  la  charpente 
(talan-douha)  sont  en  place,  les  ouvriers  s'occupent 
du  plancheiage ,  qui  se  fait  en  placant  des  lambourdes 
de  distance  en  distance  sur  les  sabliei-es  de  chanibrc^e, 
et  en  les  recouvrant  de  gaulcttes  et  de  branches  de 
ravinal  avec  leurs  feuilles  que  Ion  ti'esse  avec  soin,  Les 
parois  et  la  toiture  se  garnissent  de  la  menie  niani^re, 
mais  avec  nioins  de  solidity. 

La  cuisine  est  batie  sur  de  moindres  proportions  et 
n'a  pas  d'aulre  plancher  que  le  sol.  Ln  trou  creuse 
dans  la  terre  pres  de  la  porte  principale  sert  de  foyer 
(fata)  ;  une  ^tagere  (salaza)  elevee  au-dessus  du  foyer 
sert  a  faire  boucaner  le  poisson.  Les  esclavcs  couchent 
dans  la  cuisine  svu'  des  nattes  grossieres;  les  niaitres  y 
prennent  souvent  leurs  repas. 

Les  armes  des  Sakkalava  sont  appendues  horizonta- 
lement  a  la  paroi  de  la  case  qui  fait  face  a  I'entree  ;  ils 
dorment  sur  une  espece  de  canape  appel6  kibbane , 
ou  sur  le  plancher,  lequel  est  souvent  recouvert  d'une 
natte  artistenient  travaillee.  La  cuisine  contient  lous 
les    instruments   aratoii-cs  et    culinaires.    Les   families 


S04  ) 

nombreuses  occupout  quolquel'ois  \'uif;l  logoin(M\ls  se- 
pares ,  qui  forment  une  sorte  tie  liameau  gouvcin6  par 
le  chef  lie  la  famille. 

Lcs  maisons  des  chofs  a  Nossi-B6  ne  sc  distiiiguent 
des  habitations  ordinaires  que  par  dos  dimensions  un 
peu   plus  grandes,    et   Ic   soln  plus  partlculic'renient 
apportd  a  leur  construction  ;    celle  de  la  reine   elle- 
meiTie  n'est  composee  que  de  quelques  maisons  alTec- 
t^es  a  diflfercnts   usages  ,    et  construites ,  comme  les 
aulres ,  avec  des  places  dc  bois  non  6quarries  ct  des 
branches  dc  ravlnals.  Mais  il  n'en  est  pas  de  niemc  a 
Mcnab^,  Marouvouhai  et  Boueni,  ou  les  maisons  ordi- 
naires sontpresque  toutes  en  bois  et  n'ont  dc  i'euillage 
qu'a  leur    partie  superieure.  Les  maisons  des  grands 
dans  ccs  villes  sont  Ires  spacieuscs  et  construites  en 
planches    6paisses,  taillees    a  grand'peine  ,  mais  Ires 
proprement,  aumoyen  du  hachet  madecasse.  L'habita- 
tion   d'Andrian  Souli   a  Boueni  (§tait   composee  d'un 
grand   nondire   dc  cliambres  reunles,    chacune  des- 
quelles    avait    40   pieds  de  long  sur  25   de  largo    et 
autant  de  hauteur.  II  y  a  sans  doute   loin  crune  con- 
struction  semblable   a  I'habitation  que  les  Sakkalava 
de  Nossi-Bc  out  batie  a  la  reine  qui  partage  leur  exil. 
Cettc  habitation  n'a  de  particulier  que  son  entourage , 
especc   de   mur  en  bois   forme   par  une   reunion  de 
poulres  parfaitement  jointes  entrc   elles  et  de   12  a 
15  pieds  de  haul,  qui  enceignent  un  carr6  d'cnviron 
60  pieds  de  cote.  La  portc  de  V Entourage  de  Cor  (fefi- 
n'voCdamena)  ,    commo    I'appellent   cmphatlquement 
les  lideles  de  Tsi-Oumei-Rou ,  n'a  pas  plus  de  I  pied  et 
demi  de  large,  ctle  seuil,  qu'il  faut  enjamber,  sc  trouve 
a  pres  de  2  pieds  du  sol.  Le  mode  do  fcrmeture  de  eel 
(Mroit     passaije    est     curiiii\  .    n),ii^    cxlreniement    in- 


(  395  ) 

coniinodo  pour  lo  \isitGur  inollonsil ;  il  consiste  en 
huit  on  dix  poutrcs  suspendues  qu'il  faut  pousser  for- 
tement  d'en  bas  et  ecartcr  avoc  effort  lorsqu'on  veut 
penetrcr  dans  linterieiu'.  En  temps  de  troubles,  les 
poutres  mobiles  sont  fixees  solidement  au  seuil ,  et  la 
porte  n'olTre  alors  pas  moins  dc  resistance  aux  efforts 
de  I'assaillant  que  Ic  reste  de  I'cnceinte.  Outre  les 
maisons  de  la  reine,  lEntom^age  de  lor,  puisque  c'est 
le  nom  convenu,  renlci'me  encore  I'estrade  oii  cette 
princesse  donne  ses  audiences  particulieres,  et  oii  ont 
lieu  les  assemblees  I'oyales.  Cette  estrade  est  en  plan- 
ches ^palsses  et  grossierement  travaillees ;  elle  a  2  pieds 
de  hauteur  et  n'est  abrit(^e  que  ])ar  une  mechante 
toiture. 

Les  villages  ou  villes  des8akkalavaont  en  g<^nei'alpeu 
de  regularite.  Les  lieux  que  ces  peuples  aftcctionnent 
pour  leurs habitations  sont,  dans  I'interieur,  les  points 
les  plus  eleves  des  montagnes  et  des  collines  qu'ils 
entourent  de  fosses  profonds  et  de  hautes  palissades , 
et,  sur  la  cote  ,  les  plages  de  sable  (fassa-n'dava) ,  dont 
la  surface  unie  leur  permet ,  au  moment  du  danger,  dc 
mettre  promptement  a  (lot  les  pirogues  qui  doivcnt  les 
soustraire  aux  poursuites  de  leurs  enncmis.  Les  plaines 
ne  contiennent  guere  que  quolques  miserables  cases 
qu'habitent  tenipoi'airement  les  esclaves  employees  par 
leurs  maitres  a  la  garde  des  troupeaux  ou  a  la  culture 
des  champs. 

Le  vetement  des  Sakkalava  de  la  classe  moyenne  et 
des  classes  superieures  est  compose  de  deux  pai'ties ;  la 
premiere  est  une  toile  en  rabane  ou  en  coton ,  dont  ils 
s'enveloppcnt  la  partie  inf^rieure  du  corps,  et  (ju'ils 
fixent  autour  des  handles  par  le  moyen  dune  ceinlnvv 
(fe-sTki).  r.eltc  (oile,  ap|)elee  vetemeni  inlVMieur  (sTki- 


(  S96  ) 

ainbani)  est  quelquefois  boidee  dune  fraugo  en  soio 
identique  pour  la  foi  ine  ct  les  couleurs  a  cellos  qui  se 
iabriquent  dans  I'Onian  et  a  Zanzibar,  et  dont  les 
Arabes  do  ces  pays  vendont  la  niatiere  aux  Sakkrdava- 
Antalotes;  les  femmos  do  ceux-ci  la  tissent  d'apros  les 
procedcs  usit^s  a  Madagascar.  La  soconde  partic  du 
vetement  sakkalava ,  ou  vetement  superieur  (siki-an- 
teti,  sembou ,  et  aussi  lamba) ,  est  une  sorte  de  man- 
teau  avec  ou  sans  iVanges  dont  ils  so  drapent  a  I'es- 
pagnole,  et  dont  I'etolTe  en  soie,  en  colon  ou  en  rabanc 
varie  de  finesse ,  de  couleur  et  de  dossin ,  selon  la  ri- 
chesse,  les  gouts  ou  la  qualite  des  individus  qui  le 
portent. 

Lorsquc  les  Sakkalava  se  disposent  a  combatti'c ,  ils 
se  debarrassent  d'abord  de  leurs  manloaux ,  et,pour 
plus  de  liberie  dans  leurs  mouvemenls  relevent  devanl 
eux,  apres  les  avoir  r6unis  entre  leurs  jambcs,  les  deux 
extreniites  de  Icur  sTki-anibani  qu'ils  tordent  en- 
semble et  fixent  a  lour  ceinturc.  Ils  se  mettent  aussi 
dans  cet  etat  voisin  de  la  nudity  toutes  les  fois  qu'ils 
Iravaillent  la  terro  et  qu'ils  coopercnt  a  I'^rection  des 
cases ,  au  transport  des  arbres ,  et  meme  lorsqu'ils  ne 
font  que  diriger  ces  travaux.  Les  esclaves  des  deux 
classes  ont  prosque  toujours  leur  sTki-ambani  arrange 
de  cette  I'aron  ,  et  portent  rarement  le  manteau  ,  que 
I'on  pourrait  considercr  coranie  le  signe  de  la  fran- 
chise. Les  femmes  libres  ou  esclaves  ont  pour  tout 
vetement  une  chemise  en  rabanc  ou  on  colon  ol  vni 
mouchoir  dont  elles  se  couvrent  le  cou.  Au  lieu  do 
porter  lovns  onfanls  sur  leurs  bras,  comme  les  Euro- 
pecnnes,  ou  sur  lours  6paulos,  comme  les  femmos 
arabes,  olios  les  logent  onlro  leur  dos  ot  lour  chemise, 
positioi)  aussi  commode  pour  les  onlanls  (juo  pour  los 


( 3^^>7 ) 

meres,  lesqiielles  ilemeurent  ainsi  librcs  do  leurs  deux 
bras.  Les  colliers,  les  bracelets et  les  baguca,  qui  parent 
assez  freqxiemment  le  cou,  les  bras  et  les  doigts  des 
liommes,  sont  des  additions  indisjiensables  au  cos- 
tume des  femmes  sakkalava.  Les  deux  sexes  consacrent 
une  notable  partie  de  leur  temps  a  I'entretien  de  leur 
chevelure,  qu'ils  laissent  croitre  dans  toute  sa  lon- 
gueur ;  lis  la  partagent  sur  le  sommet  de  la  tete ,  et  la 
divisent  en  milliers  de  petites  tresses  cjui  tombont  avee 
elegance  sur  leurs  6paules.  Les  Antalotes  seuls  et  les 
osclaves  provenant  des  marches  du  continent  alVicain 
sont  priv6s  de  cet  ornement ,  les  premiers  parce 
que  les  maliomctans  sont  dans  I'usage  de  se  raser  la 
tete ,  et  les  seconds  parce  que  la  nature  laineuse  et 
rebelle  de  leurs  cheveux  ne  leur  jiermet  pas  de  suivre 
la  mode  sakkrdava. 

La  base  de  la  nourriture  des  Sakkalava  est  leriz,  dont 
nous  ferons  connaitre  les  nombreuses  varietes  en  pai- 
lant  de  I'agriculture  ;  la  viande  de  boeuf  ,  plusieurs  va- 
rietes de  mais ,  le  millet  caffre ,  les  patates  douces  et 
les  ignames ;  les  Icntilles ,  les  haricots ,  les  feves  et  les 
ambi'evates  viennent  en  seconde  ligne ,  et  sont  pour 
eux  une  precieuse  rcssource  dans  les  temps  de  disette. 
Parmi  les  Fruits  dont  ils  font  la  plus  grande  consom- 
mation  ,  sont  diverses  vai'ietes  de  bananes  auxquelles 
ils  laissent  rarement  le  temps  de  murir;  I'ananas  ,  la 
pasteque ,  la  mangue ,  la  vangassaie ,  la  cltrouille  et 
une  mauvaise  espece  de  melons.  Ils  se  nourrissent  en 
outre  de  la  chair  des  moutons  ,  des  ch6vres  ,  du  pore  , 
des  makis  ,  et  de  la  grosse  chauvc-souris  (  i>espertilio 
vampyrus  •  en  sakkalava  fannlhi )  ,  et  enfin  de  lait  de 
vache ,  et  de  toute  espece  d'oiseaux,  le  corbeau,  le- 
pervier  et  les  autres  oiseaux  de  proie  exceptes. 


(  398  ) 

Los  Sakkala\a  tk-s  cotos  luangeiit  Ixaucoiij)  do  pois- 
sonsqu'ilsprennent  a  I'haine^on,  au  filet  ot  au  panior, 
et  surtout  heaucoup  de  testacy's  ct  dc  crustac(^s  qu'ils 
pechent  a  basse  mer.  Les  poulcs  ,  le  riz  ,  le  niais , 
les  brides  et  les  citrouillcs  se  cuisent  a  I'eau  dans  des 
marmites  en  terre ,  ct  ils  assaisonncnt  cos  aliments 
avec  du  beurre  et  du  sel ;  les  racinos  nutrilivos  ct  cer- 
taines  bananes  se  font  culrc  sous  la  ccndre.  La  viande 
so  mange  toujours  rotie  et  saignanto  ,  ct  les  fruits  sonl 
ordinaircment  consonniK^s  r.vant  Icur  nialuiitf. 

Les  Sakkalava  preiment  lours  ropas  ^.ur  uiio  natte. 
Les  mets  sont  contcnus  dans  des  plats  qu'ils  achetent 
aux  Antalotcs  ou  qu'ils  fabriquent  eux-memes,  et 
quelquofois  dans  des  feuilles  de  ravinals.  Ils  se  servent 
ordinaircment  dc  lours  mains  pour  manger;  mais 
beaucoup  de  manages  cmploiont  a  cet  elTct  des  cuil- 
Idres  en  bois.  L'eau  est  leur  boisson  ordinaire  ;  ils  r6- 
scrvent  pour  los  jours  de  fete  les  liqueurs  fortes  qu'ils 
fabriquent  ct  cellos  que  leur  vcndent  los  Europoons. 
Les  provisions  d'oau  sont  contenues  dans  des  troncs 
dc  bambou  ,  et  ils  se  servent  ordinaircment  pour 
boirc  de  calebassos  partagcics  on  doux.  Lours  repas 
ont  lieu  a  des  licures  fort  irregulieros ;  ils  passent 
souvent  la  plus  grande  partic  do  la  nuit  a  causer  de 
nouvelles  politiqucs  aupr6s  do  la  maison  des  chefs,  et 
dorment  jusqu'a  midi.  Lorsqu'ils  mangcnt  ,  tous  ob- 
servcnt  Ic  plus  grand  silence,  et  ne  s'occupont  qu'a 
salisfairc  leur  appctit.  D^s  que  I'un  des  commonsaux 
est  rassasic^  ,  il  se  16vo  sans  la  nioindre  ccromonic  , 
saluc,  part,  ou  bien  va  s'asscoir  dans  un  coin  dc  la 
case  ,  ct  attend  pour  entamcr  la  conversation  que  les 
autros  aioiit  cgalcmcnt  satisfail  loin-  a]>i)olil.  Qunnd  un 
\iNiloin'  aiii\o  pendant  lo  repas,  s'il   n'a   pas  onxic  dc 


(  m  ) 

proliter  de  la  circonstancc ,  il  no  Tail  que  montrcr 
sa  tele  a  la  porte  de  la  case  ,  salue  et  passe  son  che- 
min ;  s'il  entre  ,  chacun  lui  fait  place  et  le  laissc  man- 
ger comme  il  I'entend  et  comme  il  pent ;  niais  il  ferait 
injure  au  niaitre  de  la  maison  en  s'abstenant  de  pren- 
dre part  au  repas,  quclque  maigre  ou  quelque  avance 
qu'il  fut. 

g  IX.   Maladies. 

Les  maladies  les  plus  repandues  cliez  les  Sakkalava 
sont  le  kat/i  et  le  koiitld.  Lc  hatti  est  une  sorte  de 
luroncle  qui  sort  en  plus  ou  inoins  grand  nombre  ; 
le  koulla  ressemble  a  un  abces ;  le  malade  ressent 
avant  d'cn  etre  allllge  une  douleur  aigue  dans  toutes 
les  articulations.  Les  ainpitahn-  koulla  traitent  cette 
derniere  maladie ,  ainsi  que  le  hatti ,  par  I'application 
du  sue  de  certaines  racines  et  (^corces.  Le  sefou  est  la 
maladie  la  plus  commune  apres  celles  que  nous  venons 
de  mentionner :  c'est  une  espece  de  croup.  La  lepre 
[dngou-nun  ou  talieni)  est  aussi  assez  commune.  Lo 
kihboH  houi  est  une  plaie  continue  qui  nait  ordinaire- 
ment  sur  les  jambes  et  ressemble  a  la  partie  dun 
membre  sur  laquelle  on  aurait  applique  un  vcsica- 
toire.  Les  Sakkalava  regardent  cette  maladie  commo 
incurable ;  toute  la  science  de  leurs  medecins  se  borne 
a  empeclier  le  mal  de  s'etendre.  Le  kizdvou  est  une 
maladie  qui  attaque  I'epiderme,  le  detruit,  et  fait  tom- 
ber  les  cils,  les  cheveux  et  la  barbe.  Les  ampitdhn- 
kizdi'ou  parviennent  quelquefois  a  la  guerir;  mais  si 
le  malade  n'est  pas  traite  a  temps,  son  corps  entier  se 
couvre  de  pustules ,  et  il  meurt  ordinaircmont  apres 
deux  ou  trois  ans  de  souflrance.  Le  soi'iraka  est  uiic 
simple  affection  de  I'epiderme,  que  les  medecins  sak 


(  AOO  ) 

kalava  guerisscnt  souvent,  quand  cllc  nVst  ])a.s  tro]) 
ancienne  :  los  parties  attaquees  sont  tl'uu  blanc  mat 
(I6sagr6ablc  a  I'cEiL  L't'lephantiasis  ((Ijriddi)  nous  a 
paru  avoir  chez  les  Sakkalava  les  mfimes  caractores 
que  celui  qu'on  a  observe  en  figypte,  en  Arabic  ct  rlans 
rinde.  All  rosto ,  quoique  les  victimes  de  cette  torril)le 
maladle  soicnt  assez  nombreuses  aux  iles  Comores  et 
dans  cellos  do  la  cote  orientalo  d'AlVique,  clle  est 
excessivement  rare  a  Madagascar.  Beaiicoup  de  Sakka- 
lava sont  affliges  d'hydrocMes  (  voiuoutsl)  d'une  gros- 
seur  extraordinaire  ,  pour  la  guerison  desquels  la 
science  de  leurs  mcdecins  est  impuissante.  Lo  soii- 
mindrn  attaque  le  nez  etlalevre  superieure,  qu'il  ronge 
jusqu'aux  os.  L'epilepsic  [(u-t'le  \ii  hoiiron  ou  iiuil  de 
Voisemi)  n'est  pas  moins  frequente  a  Madagascar  qu'en 
Europe.  Les  maladies  v^n^riennes  n'y  sont  non  plus 
pas  moins  nombreuses  que  dans  ce  dernier  pays,  mais 
les  chancres  seuls  (tsilimbaza)  y  sont  dangereux;  les 
gonorrhees  [vania  anipanroti/cn  ,  morbus  canis)  sont 
si  peu  de  chose  aux  youx  dcs  habitants,  que  beaucoup 
d'entre  eux  les  laissent  passer  a  I'etat  chroniquc,  et  les 
gardent  pendant  toute  leur  vie  sansle  moins  du  monde 
s'en  inquieter.  La  fievre  intermittente  [tdzoii) ,  ce  flt^au 
si  funeste  aux  Euroj)6ens  qui  sejournent  sur  les  cotes 
i\e  Madagascar,  et  aux  Ilova  (jue  le  commerce  ou  le 
service  railitaire  eloigne  de  leui's  steriles  mais  salu- 
bres  monlagnes,  compte  aussi  de  nombreuses  victimes 
parmi  ceux  qui  naissont  dans  son  domaine.  Sm'  vingt 
indigenes  de  IJoutni  ou  du  Mf'na-B6,  cette  maladie  en 
enleve  un  ou  deux;  sur  le  meme  nombre  de  Ilova  ou 
d'Arabes,  il  n'en  meurt  pas  moins  de  huit  a  dix,  en- 
core ceux  qui  survivenl  ont-ils  presque  toujours  le  foie 
attaque.  La  saison  pendant  laqueUe  les  fiovros  r^gnent 


(  m  ) 

avec  le  plus  d'intensite  a  Madagascar  est  I'^poque  des 
foi'tes  clialeurs  et  des  jiluies ;  elle  est  comprise  entrc  les 
mois  de  d(L'ceml5re  et  d'avril ,  el  se  nomme  I'liivernage 
ou  la  raauvaise  saison.  Bicn  qu'il  y  ait  a  Mayotte  quel- 
ques  niarais  et  des  paletuviers,  comme  sur  la  cote 
N.-O.  de  Madagascar,  les  fi6vres  y  sont  plus  rares  et 
out  un  caractere  entierement  difft^rent  de  cclui  de  la 
fievre  madecasse.  Les  Europ^ens  qui  out  contracts 
ccUe-ci  ne  perdent  la  paleur  qui  en  est  le  stiginate  que 
lorsqu'ils  vont  vivre  dans  un  lieu  sain ,  et  encore  sont- 
ils,  meme  dans  ce  cas ,  exposes  a  de  dangereuses  re- 
chutes.  Quant  a  ceux  qui  restent  dans  le  pays,  apres 
avoir  ecliappe  aux  preniiei's  acces,  ils  s'habituent  a  la 
fievre,  ils  n'cn  guerissent  jamais.  A  Mayotte,  au  con- 
traire,  les  fievreux  guerissent  parfaitcment  et  repren- 
nent  leurs  couleurs  sur  les  lieux  memcs  ou  ils  sont 
tombes  nialades.  Nous  constaterons  ici  en  passant 
un  fait  digne  d'etre  remarque,  c'est  que  la  mauvaise 
saison  de  Madagascar  est  justement  la  saison  la  plus 
saine  a  Mayotte  ,  et  celle  que  les  habitants  appellent 
consequemment  la  bonne  saison. 

^  X.  Propriete  territoria'e ,  agriculture,  Industrie. 

Les  tei'res  occupees  par  les  sujets  du  meme  souve- 
rain  sont  reputees  la  propriete  exclusive  de  celui-ci, 
qui  pent  les  leur  retraire  a  son  gr6.  Toutel'ois  la  fai- 
blesse  de  la  population  sakkalava,  comparee  a  I'eten- 
due  du  sol  sur  lequel  elle  est  dissemini^e,  et  ses  habi- 
tudes presque  nomades,  rendent  I'exercice  de  ce  droit 
pen  redoutable  au  plus  grand  nombre  :  aussi  I'ampan- 
dzaka-mandzaka  ne  s'en  arme-t-il  querarcment,  el  seu- 
iemcnt  contre  ceux  dont  les  habitations  avoisinenl  de 
trop  pres  les  terrains  rovaux  ou  sacres. 

I.    juiN.   2.  27 


(  /i02  ) 

Le  roi  oonc6do  dircctcruent  ies  terres  aiix  grands 
vassaux,  cl  ccux-ci  partagent  la  portion  de  terriloiro 
qui  leur  est  (iclnie  ontrc  Ies  cliol's  ainpaiid/.aka  ou 
anatraudrian  a  leur  devotion.  Lcs  families  libres 
attach6es  a  ces  derniers  construisent  un  village  au 
centre  des  terres  qui  leur  ont  ete  alloueos.  Les  habi- 
tants exploitent  les  terres  par  corvi^es ,  ou  plutot  par 
contingents,  Ic  chef  de  \illage  n'ayant  pas  le  droit  de 
forcer  les  honimes  libres  au  travail ,  avant  que  le  kab- 
bar  ait  jug6  lour  cooperation  n6cessaire  au  hien  de  la 
communaute.  Le  partage  des  r^coltos  a  lieu  propor- 
tionncllement  au  nonibrc  de  travailleurs  libres  ou  es- 
claves  que  fournit  chaque  faniille. 

Les  principaux  produits  du  sol  sont,  a  Boueni'  Nossi- 
b6  et  Mayotte,  le  riz  ,  le  mais,  le  coton,  le  tabac  et  les 
patates.  Les  vari^tes  de  riz  quo  Ion  cultive  dans  ces 
pays  sont  : 

Le  vari-telou-vofila  ( le  riz  qui  dure  trois  niois) . 

Le  vari-lingo   (  le  riz  liano    ou   qui  viont   dans   les 

lianes) . 
Le  vari-vatou    (le  riz  pierre  ou  qui  vient  dans   les 

terrains  pierreux). 
Le  vari-aranga  (le  riz  sable  ouqui  viont  dans  les  ter- 
rains sablonneux). 
Le  vari  tsi  mat^  tsangourou-ni  (ou  le  rizdont  le  plant 

ne  meurtpas?...) 
Le  vari-tsi-lavou   (  ou  le  riz  qui  nc  tombe  pas). 
Le  vari-anghek6  (ou  le  riz  aux  grains  serr^s). 
Le  vari-be-ivou-ni  (ouleriz  tr^sl^gor). 
Le  vari-lava  (ou  le  riz  long). 
Le  vari-kalai  (ou  le  riz  mince). 
Le  vari-be  (ou  le  gros  riz). 
Le  vari-mandzatou  (ou  le  riz  qui  centuple). 


(  403  ) 

Lc  vari-maliia  (on  le  rizniaigre). 

Le  varl-alatsa  (oule  rlz  qui  s'^gr^ne), 

Le  varl-bouta. 

Le  vaii-tolou  avrra. 

Le  vari-kalanga. 

Le  vari-tera  malande. 

Le  vari-vitou. 

Lc  vari-magounialaii. 

Les  vari6t6s  que  les  Sakkalava  cultivent  le  plus  gene- 
ralement  sont  celles  elites  vari-be  ot  vfiri-kalai,  parce 
qu'elles  tiennent  mieux  sur  pied  et  rapportent  davan- 
tage.  Cette  derniere  ct  le  vriri-mandzatau  soul  les  plus 
estimees. 

Le  riz  tolon-voula ,  comme  I'indique  son  nom  ,  met 
trois  mois  pour  parvenir  a  sa  maturite  :  on  le  seme 
dans  les  lieux  bas  a  I'^poque  dcs  premieres  pluies, 
c'cst-a-dire  vers  la  fin  d'aoiit ,  et  il  est  en  etat  d'etre 
recolte  au  mois  de  novembre,  qui  est  a  Boueni 
r^poque  des  grandes  pluies,  Les  riz  \atou ,  tsi-lavou  et 
le  vari-be  se  sement  en  deccmbre  dans  les  lieux  hu- 
mides  ct  les  marais.  Les  vari6tes  tsi-mate-tsan-gofi- 
ron-ni ,  b6-Ivou-ni  et  lava  se  sement  indifft^remment 
dans  les  mois  de  novembre  ou  de  dccembre.  Les  riz 
mandzatou  ,  maliia  ,  kalanga  ,  tera-malandi  ,  aranga 
et  bouta  se  sement  a  la  fin  d'octobre.  L'on  seme  jjeu 
de  riz  lingo,  parce  qu'il  tient  peu  sur  pied  et  qu'aus- 
sitot  mur  il  tombe  et  se  perd. 

A  I'exception  dcs  inz  lava,  vatou  ct  tsi-lavou ,  qui 
mettent  cinq  mois  a  murir,  toutes  les  vari^tes  sont 
mures  apr^s  quatre  mois. 

Les  Sakkalava  ont  trois  especes  de  mais  :  le  vazan- 
gombe,  le  ramaladi  et  le  tsakoutsakou.  La  troisieme 
a  (He  import^c  a  Madagascar  par  les  Europeens:  les 


(  404  ) 

ej)is  el  los  grains  sunt  cloux  lois  ])lus  gios  qiif  ccux 
(les  aulros  qualitcs,  et  clle  est  recllement  la  nieillouro  ; 
inals  les  habitants  aiment  mieux  le  ramaladi  ct  pr6- 
ferenl  le  rlz  a  loutes  les  especes  de  mais.  lis  vendent 
Ic  ramaladi  a  moitie  prix  de  cette  premiere  denree. 
Ceux  du  Menab6  pr^ferent  au  conlraire  le  mais  au  riz. 
Le  tsakoutsakou  demande  trois  mois  pour  murir ;  le 
vazangombe  et  le  ramaladi  en  mettcnt  cinq. 

Le  colon  de  Boueni  est  d'mie  bonne  qualite  :  on  I'y 
recolte  en  mai  ct  juin.  Le  tabac  \  atleint  une  hauteur 
d'environ  un  metre.  Apres  avoir  depouille  ses  leuilles 
de  leurs  cotes,  on  les  tord  comme  pour  en  former  une 
corde  el  on  les  fait  sdcher  au  solell.  Les  Antalotes ,  les 
Comorois  et  les  Souahilis  machent  ce  tabac,  quiserait 
probablement  tres  bon  a  fumer,  s'il  etait  mieux  pre- 
pare. On  le  sdme  en  mars  et  on  le  coupe  en  juin. 

Les  pays  sakkala\  a  fournissent  en  outre  du  fer,  des 
boeufs,  de  la  cire,  de  la  soie,  du  gingembre ,  de  la 
gomme-resine  et  de  la  gomme-copal ,  dc  I'eb^ne ,  du 
sandal,  ct  une  infinite  de  bois  tinctoriaux,  de  construc- 
tion et  d'ebenisterie. 

La  terre  de  Eoueni  et  du  Mena-Be  est  si  fertile,  ellc 
est  si  liberale  dc  ses  dons,  que  le  cultivaleur  n'a  que 
de  bien  laibles  elTorts  a  faire  pour  en  tirer  sa  subsis- 
tance.  La  cannc  a  sucre ,  I'indigotier,  le  sesame ,  une 
foule  innombrablc  d'arbres  a  fruits ,  de  plantes  utiles , 
de  legumes  et  de  racines  nourrissantes  y  viennent 
presque  sans  culture.  La  iente  charrue  et  la  lourde 
pioche  sont  inconnucs  aux  habilants  de  ces  riches 
rontrees;  une  cspece  dc  levier  en  bois,  arm^  a  I'une 
de  ses  extremiles  d'une  petite  bechc  ((Ihrdi),  leur  tient 
lieu  de  I'une  et  de  I'aulrc.  Un  petit  hachet  (famak*^) 
leur  sert  pour  abatlre  les  arbres  et  pour  faire  du  bois. 


(  liOb  ) 

lis  se  donnent  rarement  la  peine  tie  fumer  les  lerres 
appauvrles ;  ils  pr(5ftrent  g^iit^ralement  les  abandonner 
]iour  des  terrains  vierges  ou  depuis  longtemps  en  ja- 
cliere,  dontlepaysne  manque  jamais.  Quand,  par  un 
motif  quelconque ,  ils  conservent  leurs  anciennes  plan- 
tations ,  ils  les  fument  avec  la  cendre  des  lierbes  et  des 
Lroussailles  qu'ils  rassemblent  en  tas  et  auxqucUes  ils 
mettent  lo  feu.  Ils  emploient  dgalement  le  feu  pour 
d^friclier  les  forets ;  les  racines  des  plantes  sont  arra- 
cbees  a  I'aidc  du  fibali ;  les  troncs  calcines  des  arbres 
sont  laiss^s  debout,  et  Ion  cultive  le  sol  dans  leurs 
intervalles.  Pour  dc'fricber  les  plaines  qu'ils  veulent 
ensemoncer,  les  Sakkalava  y  font  simplement  parquer 
leurs  bceufs  pendant  quelque  temps;  les  herbes  foulees 
sous  les  pieds  de  ces  animaux  se  melent  a  leur  fu- 
niier,  et  le  tout  foinne  avec  la  terre  une  boue  grasse 
sur  laquelle  on  seme  le  riz  sans  autre  preparation.  La 
semence ,  genec  ou  etouffee  par  des  racines  (^tran- 
geres,  ne  donne  d'abord  qu'une  maigre  recolte ;  la 
seconde  est  plus  abondante ,  et  celles  qui  suivent  ne 
laissent  plus  rien  a  desirer. 

Quand  le  I'iz  commence  a  pousser,  les  Sakkalava  ar- 
raclient  les  pieds  qui  sont  trop  rapproches  ,  pioclient 
la  terre  autour  de  ceux  qu'ils  laissent,  et  enlevcnt  les 
bcrbcs  qui  pourraient  nuire  a  leur  devcloppement.  La 
meme  operation  a  lieu  pour  la  culture  du  mais.  Les 
pieds  de  riz  et  des  petites  especcs  de  mais  sont  espaces 
a  12  ou  15  pouces;  les  pieds  de  tsakoutsakou  sont  a 
une  double  distance  les  uns  des  autres. 

Les  fds  de  rafia  et  autres  servant  a  la  fabrication  des 
etolTes  appeUes  pa gnes  par  lesEuropecns ,  s'obliennent 
on  exposantau  soleil,  apres  en  avoir  iirealablement  cn- 
Irvo  la  pollicule  ,  les  feuilles  qui  rcnrcrincnl  cetle  utile 


(  AOG  ) 

protluttloii.  li  nc  icslo  plus  alors  qu  u  Ics  hunii.^clor  et 
a  sc'parer  Ics  lils  avec  les  doigts  ou  avec  un  peigne.  Les 
fcnimc'S  unisscnt  cos  fils  les  uns  aux  autrcs  par  des 
noeuds  jirosquc  inipcrcoptiblos,  et  les  dlsposcnt  en 
^cheveaux. 

Les  Sakkalava  se  servent ,  pour  teindre  en  vert  et  en 
bleu  fonc6,  de  rinfuslondcs  feuilles  dessd'chees  do  I'in- 
dlgotier  (nOntsi).  Deux  ou  trois  lavages  donnent  la  pre- 
miere couleur  ;  cinq  ou  six  la  seconde.  L'infusion  des 
feuillos  de  la  nieme  plantc  niel6c  a  une  infusion  de 
feuilles  de  tamarinicr  ouadu  jus  de  citron,  leur  donne 
un  bleu  clair.  Les  baios  de  diversos  varietes  do  paletu- 
viers  (bonko),  el  celui  d'un  arbusle  nomuie  ardiiga  , 
fournissent  un  rouge  plus  ou  moins  eclatant ;  la  racine 
du  safran  indigene  (tamoutumou)  donne  une  assez 
belle  couleur  jaune. 

L'immersion  des  fils  ou  des  etolTes  a  lieu  au  mo- 
ment oil  la  teinture  commence  a  entrer  en  ebulli 
tion ;  on  les  en  retire  quand  elle  est  refroidie  et  on  les 
fait  s6cher  au  soleil.  La  meme  operation  se  renouvolle 
jusqu'a  ce  que  les  objets  a  teindre  aicnt  la  couleur 
voulue. 

Le  tissage,  cbez  les  Sakkalava,  no  [)r6sente  ricn  de 
particulier  comme  precede.  Le  metier  est  tres  bas, 
de  sorte  que  rouvri6re  doit  rester  assise  a  terre,  sur  une 
natte,  les  jambes  (^tendues  dans  le  sens  de  la  cbaine. 
Le  battant,  les  navettes,  un  petit  instrument  qui  sert  a 
saisir  les  fds  qui  se  rompent,  sont  en  bois  d'(^bene  ou 
d'un  bois  tresdur. 

Parmi  les  pagnes  que  tissent  les  femmes  des  Anti- 
boueni,quelqucsunessontd'unegrandelinesse,d'autres 
sont  reniar(juables  par  la  vari6te  des  dessins  et  la  com- 
binalson  des  couleurs.  Mais  les  femmes  de  Saintc-Ma- 


(  407  ) 
rie  ,  cIduI  uii  coiilacl  ties  aiicieii  avec  Ics  Europeons  a 
d6velopp6  le  gout,  sont  actuellement  sans  rivalcs  pour 
la  labrication  de  cet  article. 

Les  Sakkalava  se  scrvent  pour  travailler  le  bois  d'un 
lourd  levier,  dontl'un  des  bouts  esttermine  en  ciseau; 
d'un  hacbet  (famak6)  ,  d'un  ciseau  (fandraka)  sem- 
blable  a  ceux  de  nos  tailleurs  de  pierres;  d'une  tar- 
riere,  d'un  mailletet  d'une  petite  scie  a  main  (niessou- 
megnou).  Le  levier  est  employe  pour  creuser ,  le  lia- 
cbetpour  laconncr,  etle  ciseau  pour  sculpter.  Les  am- 
])itetiki-kapila-hazou ,  ouvriers  qui  font  toutes  sortes 
de  petits  objets  en  bois,  tels  que  plats,  cuillercs,  outils 
de  tisserands ,  instruments  de  musique,  etc ;  les  ainpa- 
nefl-ampin garetsi  on  armuriers,  dont  tout  I'art  consiste 
a  confectionner  le  bois  d'un  fusil,  ct  a  repai-er  sa  bat- 
terie  tant  bien  que  mal,  ne  se  servent  quo  du  bachet 
et  d'un  petit  couteau  qui  leur  sert  apolir.  Les  ampitam 
ba-daka  ou  creuseurs  do  pirogues  ne  font  guerc  usage 
que  du  levier;  les  ampitetiki-laka  ou  constructeurs  de 
jiirogues ,  dont  les  derniers  ne  sont  a  proprement  par- 
ler  que  les  manoeuvres ,  emploient  ces  diCferents  outils 
tour  a  tour. 

Les  objets  qui  sortent  des  mains  des  artisans  que 
nous  venons  do  nommer  sont  quelquefois  du  dernier 
fmi.  Les  pirogues  sont  faites  dun  seul  tronc  d'arbre 
ou  de  planches  epaisscs,  laborieusement  arrachees  a 
plusieurs.  Les  plus  petites  contiennent  deux  ou  trois 
personnes ;  les  plus  grandes  en  contiennent  de  dix  a 
quinzc.  Quelqucs  unes  sont  ornees  de  sculptures  tr^s 
bien  faites  quoique  d'un  gout  mediocre.  Les  voiles  de 
ces  faibles  embarcations  ,  sur  lesquelles  les  Sakka- 
lava  allaient  naguere  poi'ter  la  terreur  dans  I'archipel 
des  Comores  ,  sont  des  rabanes  blanches ,   tres  gros- 


(  408  ) 

si^res,  iiiais  tl  iiiic  solidite  sullisaiik';  Ic  balancier  ct 
les  bancs  sont  le  plus  souvent  de  simples  branches 
d'arbre. 

Les  constructeurs  de  pirogues  et  leurs  aides  font 
aussi,  accessoircinent ,  des  cercuoils  et  des  planches 
pom-  ostrados  a  kabbar,  I'orleresscs  en  bois  ou  toube, 
entourages  de  tonibeaux  et  cases  royalcs.  Les  mon- 
tcurs  de  fusils  font,  a  leurs  momcnlsperdus  ,  des  bou- 
cliers,  des  bois  de  lances,  de  lihall ,  etc. 

Deux  sortes  d'ouvriers  travaillent  les  m^taux :  les 
ampanefi  -vi  et  les  anipanefi-amperatsi.  Les  premiers 
fabriquent  des  armes  et  des  insh-uments  d'agriculture; 
les  seconds  confectionnent  des  baguos ,  des  colliers  , 
des  bracelets,  deschainettes  et  des  talismans  d'or,  d'ar- 
gent  et  de  cuivre.  Les  uns  et  les  autres  se  servent  de  la 
forge.  Leur  marteau  et  leur  enclume  sont  d'unc  ex- 
treme petltesse  :  aussi  ne  peu\ent-ils  rpi'a  grand'poine 
forger  les  pieces  de  quelque  volume,  Les  fers  de  lance, 
de  javelot  et  les  bijoux  de  prix  sont  les  objets  qu'ils 
travaillent  avec  le  plus  de  soin.  Le  mc^canisme  de  leur 
soufflet  de  forge  est  curieux.  Get  instrument,  dont  le 
nom  sakkalaya  tafou-joura  est  une  imitation  parfaite 
du  bruit  qu'il  fait  en  fonctionnant,  est  compose  de 
deux  troncs  de  bambous,  que  Ton  plante  a  quelques 
centimetres  dans  le  sol,  apr^s  les  avoir  nettoyes  a  I'in- 
terieur,  de  maniere  a  former  des  cylindres  creux  aussi 
parfaits  que  possible.  Ln  enfant  comprime  alternati- 
vement,  au  moyen  d'un  6couvillon  qu'il  lient  dans 
chaque  main  et  qu'il  fait  jouer  comme  des  pistons, 
I'aircontenu  dans  Fun  et  I'autre  bambou,  et  le  force  a 
s'echapper  par  des  conduits  en  fer  ou  en  cuivre  ailap- 
tes  a  la  partie  du  tronc  que  le  charbon  avoisine. 


(  /l09  ) 

§  XI.    Coiiiineice. 

Quelqucs  tribus  d'lme  race  particuliere  ,  losquolles 
se  donnent  a  elles-memes  le  nom  de  Hova,  mais  que  le 
reste  des  habitants  de  Madagascar  d(^signe  par  un 
autre  noni  peu  flatteur,  furciit,  dit  la  tradition,  chas- 
sees  duMena-be,  qu'elles  habiterent  longtemps,  et 
poursuivies  par  leurs  enncmis  jusque  dans  la  partie  la 
moins  accessible  des  montagncs  qui  travei'sent  I'ile 
du  nord  au  sud.  Lcs  vallees  du  pays  dans  lequel  les  fu- 
gitifs  s'arreterent  etaient  inliabltablcs,  a  cause  des  ma- 
rais  qui  les  couvraient;  le  b^tail  meme  ne  pouvait  y 
vivre ;  et  les  flancs  des  montagnes  etaient  si  I'ocheux 
que  les  nouveaux  habitants,  loin  de  pouvoir  les  culti- 
ver ,  n'y  trouvaient  qu'avec  peine,  dans  de  I'ares  en- 
droits,  assez  de  tcrre  jiour  former  de  petits  plateaux 
sur  lesquels  ils  batissaient  leurs  clietives  demeures. 
Forces  par  la  repulsion  des  autres  peu])les  a  liabiter 
ce  sol  ingrat,  et  devant  de  toute  necessitc  se  procurer 
du  dehors  les  choses  les  plus  indispcnsables  a  la  vie, 
ils  se  livrerent  avec  ardeur  a  Findustrie  et  au  com- 
merce, et  parvinrent  a  la  longuo,  a  force  de  bravoure 
et  d'adresse,  a  sortir  de  labjection  a  laquelle  la  haine 
des  races  rivales  les  avait  condamnes.  Lcs  Hova  etaient 
deja  dans  le  xvii"  siecle  une  nation  puissante,  dont  la 
domination  s'etendait,  depuis  longtemps  sans  doute  , 
]:)ien  au-dela  dos  limites  de  la  contree  moiitagneuse  et 
sterile  qu'ils  appclerent  de  leurnom  Ankova.  Andrian- 
dahe-foutsi  n'avait  pu  les  chasser  ni  d'Amboungou 
ni  de  la  partie  est  du  Mena-be;  et  quand  les  fds  de  ce 
prince  conduisirent  les  armees  sakkahna  dans  l(>s 
provinces  de   Boueiii ,  d'yVntsiaiiaka  et  d'/Vnkara  ,  ils 


(  AlO  ) 

lesliouNcrenl  pailout  mel6s  a  leurs  ennciuis,  el  cpiou- 
v6rcnt  de  leur  part  la  [)his  \he  r6sistancc. 

Aiikova  etalt,  par  la  nature  des  besoins  etde  I'lndus- 
trie  de  ses  habitants,  ct  par  la  facility  avec  laquclle  ils 
pouvaiont  sc  rendre  dans  le  MOna-bo,  en  descendant 
les  lleuvcs,  le  phis  conunodc  debouche  de  co  dernier 
pays.  Des  obstacles  sans  nombre,  resultant  dc  la  si- 
tuation trop  interieure  des  marches  sakkalava ,  atten- 
daient  au  contraire  les  capitaines  marchands  qui  fre- 
quentaient  les  cotes  arides  de  I'ouest;  et  les  rares  na- 
vires  d'Europe  ou  d'Arabie  qui  apparaissaient  a  de 
longs  intervalles  a  Mouroundava  el  dans  I'ancicn  port 
de  Massalydj  ne  prenant  gu^re  ([ue  des  esclavos  en 
retour  desarniesafeu  qu'ils  apportaienl  aux  Sakkalava, 
ceux-ci  se  voyaienl  forces  d'echanger  leurs  bceufs,  leur 
riz,  leur  niais,  leur  soie  et  leur  niinorai  de  ler,  contre 
leselolTcs,  les  bijoux,  les  amies,  les  instruments  d'agri- 
culturc  et  les  ustensiles  de  menage  fabriques  pav  les 
Ilova.  Aussi ,  loin  de  nuire  au  commerce  de  ces  der- 
niers,  dans  le  Mena-be ,  I'accroissement  de  la  puissance 
des  Sakkala\a ,  au  commencement  du  xviii"  siecle,  ne 
lit  que  I'etendre  en  le  rdigularisant. 

Mais  Tarrivce  des  Sakkalava  a  Boueni ,  6v6nement 
qui  eut  lieu  vers  1700  environ,  porta  un  rude  coup  a  la 
prosperity  commercialc  des  Hova.  Ce  peuplc  posse- 
dait  alors  lo  pays  d'Anlsianakactle  sud  de  Boueni.  La 
cote  nord-ouest  etait  occupee  en  grande  partie  par  les 
Hoimzdti,  peuplade  musulmane  ,  que  la  tradition  fait 
Miiir  dc  MeHnde  (Malinda),  ])0in-  habiter  unc  petite 
ile  situec  a  peu  de  distance  de  la  baie  de  Bombetoc, 
el  pai-  les  Mozdnghi  ou  Monztighi,  tribu  indigene  que 
les  emigrants  de  la  cote  orientale  d'Afrique  dstaient 
parvenus  a  la  longue  a  con\ertir  a  I'islamisme.  Lanii- 


( /ill ) 

patliie  cles  naluiels  coutre  les  inusulinaiis,  la  diilicLilto 
de  conimercer  avec  dc  pcUtes  peuplades  toujoui's  en 
querelle,  avaient,  dctcinps  immemorial,  rapproch^  les 
Mozanglii  et  les  Hounz.nti  dcs  Hova.  Ceux-ci  leur  aclie- 
taicnt  en  ])loc  les  marcliandises  apportees  par  les  Arabes 
dans  les  ports  de  BouOni ,  les  payaient  avec  les  pro- 
ductions de  la  province  dont  ils  se  pourvoyaient 
d'avancc  ,  ou  avec  les  produits  de  leur  Industrie,  et 
les  colportaient  ensuitc ,  ])our  les  vendre  en  detail  , 
dans  toutes  les  contr(!'es  dc  Madagascar  ou  ils  avaient 
acces.  Le  roi  des  Sakkalava  du  nord,  Andrian-Am- 
bouni-arrivou ,  mit  fin  presque  d'un  seul  coup  a  cct 
etat  de  choses  si  favorable  aux  Ilova :  il  los  expvdsa 
de  tout  le  nord  de  I'ile ,  qu'il  ferma  a  leur  trafic, 
et  conc^da  aux  musulmans  ,  moyennant  un  modique 
droit  de  transit  sur  les  marcliandises  d'origine  etran- 
gere,  le  inonopole  du  commerce  dans  toute  I'etendue 
descontrees  nouvellement  soumises  aux  armes  des  fds 
de  I'or. 

Soit  que  les  Mozanglii  et  les  Hounzati  eussent  des 
griefs  coiitre  les  Sakkalava,  soit  que  le  fanatisme  et 
I'orgueil  les  inspirassent  seuls ,  ils  n.e  tarderent  pas  a 
rompre  avec  eux.  Le  chef  qui  gouvernalt  a  cctteepoque 
les  deux  tribus  musulmancs,  le  sultan  Manufi ,  profita 
pour  attaquer  les  sujets  d'Andrian-Ambouni  d'un  mo- 
ment ou  ce  prince  se  trouvait  engage  avec  une  partie 
de  ses  forces  dans  une  expedition  lointaine.  La  lutte 
ne  parait  pas  avoir  ete  longue.  Le  sultan  Manafi  fut 
tue  dans  un  dcs  combats  que  lui  livra  le  prince  An- 
drian-Maliatindri-arrivou,  et  ce  jeune  homme  litun  si 
terrible  massacre  des  musulmans  ,  que  le  souvenir  dc 
cet  acte  de  cruaut6,  auquel  son  nom  fait  allusion,  a 
rendu  sa  memoire  odieuse,  nieinc   parini   l(>s   Sakka- 


(  A12  ) 

lava.  Los  Mozanglii  qui  purcnt  echappor  au  It-r  di'  \'cn- 
nemi  sc  relugi6rcnt  duns  le  port  de  Loiigani ,  loquel 
est  silue  a  reinboucluirc  du  neuvc  Madzainba  ;  ils  y 
lurent  attaques  quolquc  temps  apres  et  d^faits  de  nou- 
veau.  Mais  cette  fois  les  Sakkalava  sc  raontrerent 
moins  iidmniains  :  Andiian-Anihouiii  lour  permit  de 
s'etablir  dans  la  baie  de  Bombetoc ,  ou  s'6leva  unc  ville 
fortifi(!!e  que  Ics  fondalcurs  appi^li'-rcnt  dc  lour  nom  . 
Moznrigni ,  la  vilte  des  Mozanghi. 

La  protection  qu'Andrian  -  Ambouni  accorda  aux 
Mozanylii,  et  laccueil  Jiienvcillant  quii  lit  aux  Arabes 
de  rOman  ,  de  la  cote  oricntalo  d'Arrique  et  de  I'archi- 
pel  des  Comores  engag^rent  un  grand  nombre  de 
marcliands  de  ces  divers  pays  a  se  fixer  a  Mozangai ,  et 
la  tranquillite  du  pays  favorisant  le  succ6s  de  leurs  en- 
trcprises  commerciales  ,  ils  acquircnt  en  peu  dc  temps 
une  importance  que  les  Sakkalava  virent  grandir  sans 
onibrage.  Cependant  les  colons  ara])os  n'avaient  pas 
dopoiiillo  dans  leur  nouvelle  palrie  le  fanatisni(»  natal ; 
le  souvenir  des  succes  encore  recents  de  lours  conqia- 
triotes  centre  les  Portugais  cxaltail  au  plus  baut 
dogre  leur  fierte  militaire,  et ,  lualgre  le  peu  de  forces 
dont  ils  pouvaicnt  disposer,  ils  crurent  possible  de  se 
soustrairc  a  la  dependance  dun  people  qu'ils  taxaionl , 
lion  sans  quolque  raison ,  dc  polytheismc  et  de  bar- 
baric. 

La  revoke  des  babitants  de  Mozangai  cut  le  sort  que 
devait  altendre  luit;  aussi  folic  tentative ;  ils  lurent 
cbasses  des  niurs  de  cette  ville  ,  of  uu  noninie  Hasunn  , 
auquel  ils  avaient  confere  le  litre  de  snitnn  des  inusul- 
mans  (  Soultlian-el-Mousloniyn  )  fut  fait  prisonnierpar 
les  soldats  d  Andrian-Ainhoimi.    Mais  celte  laoile  vie- 


(  M3  ) 
toire  jela  le  roi  clcs  Sakkala\a  clans  uii  gi'and  embai- 
ras,  et  la  situation  etait  ,  on  eftet  ,  cmbarrassante.  Ci' 
prince  tii'ait  des  Arabcs  son  revenu  le  plus  considerable 
et  le  plus  net ;  les  Sakkalava  etaient  inaptes  au  com- 
merce qu'ils  regardaient  comine  une  occupation  indigrie 
d'eux.  Les  indigenes  ,  habitues  a  une  vie  presque  sal- 
vage ,  joignaient  a  leur  antique  liaine  contre  les  castes 
cominercantes  dont  ils  avaient  souvent  6te  les  dupes  , 
un  defaut  d'intelligence  qui  ne  laissait  rien  a  esperer 
d'eux.  Si  le  rtionarque  altirait  les  Hova  dans  ses  Etats, 
il  se  placait  vis-a-vis  de  ce  peuple  ruse  dans  une  sorte 
de  vasselage  commercial ,  et  reconstituait  gratuitement 
a  leur  profit  les  elements  de  leur  puissance  decbue. 

Ces  considerations  firent  sentir  imperieuscment  au 
roi  le  besoin  qu'il  avait  des  musulraans,  et  il  congut 
et  executa  un  projet  qui  donne  une  idee  favorable  de 
son  habilete.  L'eloignemcnt  des  Sakkalava  dans  I'inte- 
rieur  des  terres  et  la  force  do  Mozangai ,  que  sa  posi- 
tion permettalt  d'approvisionnor  par  mer,  avaient  seuls 
fait  concevoir  aux  Arabes  I'espoir  d'ecbapper  a  leur 
domination.  Andrian-Anbouni  pensa  done  qu'il  suffi- 
rait  pour  oter  a  ces  derniers  toute  vell^ite  de  revoke  a 
I'avenir,  d'opposer  une  ville  sakkalava  a  leur  ville,  une 
marine  a  la  leur,  et  il  fit  batir  a  cet  effet  dans  le  fond 
de  la  bale  de  Mozangai ,  la  ville  de  Bombetoc  ,  dont  11 
confia  le  commandement  a  sa  fdle  Andrian-jNUian- 
tanl-arrlvou.  II  put  alors  se  montrer  genereux  envers 
des  ennemls  qui  n'etaient  pas  a  cralndre ;  11  rappela 
les  fugitifs  des  dilTcrents  points  de  la  cote  oil  Us  etaient 
alles  chercber  un  aslle  lemporairc  ,  leur  permit  de  se 
gouverner  eux-memes  et  a  leur  maniere ,  et  d'arborer 
un  pavilion  particullcr,  maintint,  moyennant  une  pe- 
tite part  dans  les  benefices,  un  droit  de  0  a  8  p.  0/0 


(  4U  ) 
qu'ils  avaient  mis  pendant  lour  ri-voltc  sur  les  mar- 
chandises  appoi'ti^es  a  Mozangai  par  navires  etrangers, 
rcndit  la  liberte  a  Hassan ,  et  le  conlinna  dans  sa  di- 
gnity de  sultan  ou  do  muft\  des  musulmans. 

Dp  la  fondation  dcBombt^toc  date  la  prosperite  coni- 
merciale  du  royaumc  dc  Boueni  et  sa  ci^jl^brite  a  I'ex- 
t^riciir;  le  commerce  des  Arabes  continua  a  se  d6ve- 
lopper  jusqu'a  la  mort  de  la  reine  Andrlan-MamOlou- 
gni-arrivou,  ou  A  aliini  ,  qui  regna  dc  1780  a  1810  en- 
viron. Mo/angai  renferuiait  alors  jjIus  de  6,000  Arabes 
et  Indiens  avecleurs  families  ;  lesmarcbands  de  Surato 
y  envoyaient  cliaque  annec  plusieurs  vaisseaux  cbar- 
ges  d'etolTes  de  soie ,  nommees  ncoulis ,  et  diverses 
sortes  de  toiles  qu'ils  tlicliangeaient  pour  des  esclaves; 
de  r^caille  ,  dont  les  eaux  d'Ankara  et  de  Boueni 
abondent,  des  piastres  et  de  petites  chaines  en  or  et 
en  argent ,  que  fabriquaient  les  liova.  Les  Arabes  du 
golfe  Persiquc ,  dos  Comores  et  de  la  cote  orientale 
d'Afrique  apportaient  a  Boueni  dos  arnies  a  feu,  des 
sabres,  des  poignards,  do  la  poudre,  des  lamba  de  co- 
ton  a  franges  de  soie,  de  la  poudre  d'or  et  de  la  verro- 
terie ;  ils  prenaient  en  rctour  des  esclaves,  du  riz,  dos 
peaux  de  boeufs,  du  bois  d'alo^s,  de  la  gomme  copal 
et  6lemi ,  de  I'ecaillo,  do  la  cireet  du  miel.  Les  Arabes 
do  Mozangai  allaient  debitor  au  loin ,  moycnnant  unc 
commission  de  10  pour  0/0,  les  marchandises  que  leur 
confiaient  les  marcbands  Strangers.  Ils  se  servaient 
pour  connnercer  dans  I'intc^riour  de  cbaloupes  au 
moven  desquelles  ils  rcmontaient  les  rivieres  jus- 
qu'auxlimites  dos  Sakkalava,  et  ramassaient,  on  cfl'ec- 
tuant  leur  retour  par  la  memo  voie,  le  riz  et  les  autres 
produits  destines  a  lexportation. 

dependant  les  Hova  roconqui'raicnt  do  jour  en  jour 


(  /4l5  ) 
leur  anclenne  im])ortance.  Andiian  -  Arapouini  etait 
parvenu,  des  le  commencement  dc  ce  sl^clc ,  a  reunir 
sous  son  autorite  leurs  tribus  desunies ;  Valiini  , 
qu'intimidaient  I'attitude  hostile  de  ceux  de  ses  pa- 
rents qui  gouvernaient  en  son  nom  dans  la  province 
d'Anaboungou ,  et  les  projets  d'independance  de  Lam- 
bouini ,  roi  tributaii'e  d'Ankara ,  chei'cbait  a  capter 
par  des  presents  annuel s  ramiti(^  du  loi  d'Ankova. 
Bientotles  provinces  d'Ankai  et  des  Anlsianaka  furont 
conquises  par  les  Hova ,  et  le  royaume  de  Boueni  ne 
tarda  pas  a  subiren  grande  partie  le  meme  joug. 

Les  conquetes  de  Radama  et  de  Ranavalou  ont  place 
le  commerce  de  Madagascar  sur  des  bases  entierement 
nouvelles.  C'est  par  la  cote  est  de  Madagascar  que  s'o- 
pere  aujourd'hui  lecoulement  des  produits  (Strangers 
dans  toute  I'ile.  Le  mouvement  de  Mozangai  et  de  Mou- 
rounsanga,  qu'occupent  les  Ilova,  est  a  peu  de  chose 
pr^s  nul,  depuis  que  la  reine  a  etabli  un  droit  d'an- 
crage  de  75  francs  sur  les  navires  etrangers  qui  mouillent 
dans  ces  ports  ,  plus  un  droit  de  10  pour  0/0  sur  los 
marchandises,  a  leur  entree  comme  a  leur  sortie. 
Les  operations  commerciales  qui  se  font  a  la  baie  do 
Bali ,  a  Kiakombe  ,  a  Milandza  ,  a  Mouroundava  et  autres 
points  de  la  cote  encore  independants,  sont  devenues 
inslgnifiantes  par  suite  des  guerres  dont  ces  pays  sonl 
continuellement  le  theatre. 

Mais  cet  etat  dechosesneparait  pas  devoir  durer.  La 
reine  des  Hova  est  vieille  et  usee  par  la  debauchc;  elle  est 
montee  sur  le  trone  d'Andrian-Ampouini  et  de  Radama 
au  m(!!pris  des  usages  de  sa  nation,  et  n'a  d'ailleurs 
aucun  h^ritier.  Sa  mort  amenera  necessairement  des 
complications  dont  les  Sakkalava  sont  disposes  a  tirer 
parti.  Le  brave  Tsi-Miharou  vient  de  chasser  les  Hova 


(  4J6  ) 

di'  la  province  d'Ankara ;  If  loi  du  Mciia-be  ,  Taliki- 
Andrau,  le  roi  d'Ainboungou,  Andrian-Souli,  le  coura- 
gcux  champion  de  la  liberie  des  Anti-Boueni,  Naliikoti, 
Fiouzaona  ,  tous  ces  guerricrs  illustrcs  n'atlcndent 
qu'un  moment  favorable  pour  marcher  snr  liiiUTiour, 
et  saper  dans  ses  fondoments  mal  assures  la  ])uissance 
chancclante  des  llova. 

Quel  role  la  France  aura-t-elloajouer  dans  le  dranie 
qui  se  prepare  ,  et  quelle  influence  notre  colonic  de 
Mayotte  est-ellc  appelec  a  exercer  sur  Favcnir  commer- 
cial des  pays  sakkalava? Ce  sont  des  questions  que 

nous  lie  saurions  traiter  dans  un  simple  travail  etlino- 
graphique  avec  I'etendue  qu'elles  coniportent.  Nous 
nous  arreterons  done  ici ,  en  cxprimant  le  vceu  que  les 
interets  de  notre  politique  ne  nous  forcent  jamais  a  s6- 
vir  centre  le  peuple  que  nous  avons  cssaye  de  faire 
connaitre;  peuple  enfant  et  volagc  ,  mais  bon  et  gen6- 
reux,  qui  attend  de  nous  les  bionfaits  de  la  civilisa- 
tion ,  et  que,  grace  a  Mayotte  ,  cettc  Make  des  mers  de 
rinde  que  nous  tenons  de  lui  ,  il  nous  est  si  facde  de 
prot^ger. 


(  h\l  ) 

ExTRAiT  (la  coDiplc-rcndu  dcs  travaiLV  de  F  Jcadcniie  des 
sciences  de  Sainl  -Petersbourg,  pendant  /'annee  18/i3  , 
par  M.  Fuss  ,  secretaire  perpelnel. 


M.  Peters  nous  a  lu  un  memoire  sur  la  latitude  geo- 
graplilque  de  I'observatoire  central  de  Poulkova ,  de- 
duite  des  observations  de  I't^toile  polairc.  La  latitude  de 
lobservatoire  trouvee  par  ce  moyen  est  de  59°  IxQ'  18" 
78,  et  I'erreur probable  dece  resultatne  va  pas  au-dela 
de  0,0i  d'une  seconde. 

M.  Struve  le  jeune  nous  a  communique  dans  un 
memoire  la  determination  des  positions  g^ographi- 
ques  de  Novgorod,  Moscou  ,  Fuazan ,  Lipetsk ,  Yoro- 
n^je  et  Toula.  Le  voyage  entrepris  par  I'auteur , 
I'annee  derniere ,  pour  I'observation  de  I'eclipse  du 
soleil  ,  et  dans  lequel  il  a  parcouru  3,500  verstes 
en  trentc  -  neuf  jours,  lui  a  fourni  le  resultat  geogra- 
pliique  qui  fait  le  sujet  du  memoire  dont  nous  par- 
Ions.  Cc  travail  peut  encore  etre  considere  comme 
premier  essai  heureux  de  I'emploi  des  chronometres 
pour  la  determination  exacte  des  longitudes  dans  de 
longs  voyages  par  terre.  En  outre  ,  le  memoire  de  notre 
jeune  astronome  a  cela  de  particulier ,  qu'on  y  trouve 
pour  la  premiere  fois  les  valeurs  respectives  des  chro- 
nometres qui  ont  servi  au  transport  du  temps,  ou  si  Ton 
veut  leur  poids  respectif ,  deduit  de  leur  comparaison 
journaliere,  precede  qui  est  tres  utile  toutes  les  fois 
qu'il  n'est  pas  possible  de  calculor  ces  valours  par 
la  determination  reiteree  de  la  longitude  d'lui  memc 
lieu. 

M.  KupfTer,  qui,  a  I'Academie,  doit  etre  considere 
I.   JUiN.   3.  28 


(  418  ) 

couiiiK'    le   representant   cU;  la   physique  du  globe,  a 
pr6sid6  ,  coinjne  par  le  pass6 ,   aux  travaux  relatifs   a 
la  met^orologie  et  au  magn^tisme  terrestre  ,  travaux 
qui  s'ex^cutent  dans  toute  I'etendue  de  I'empire  ,  sur 
unc  ^cliellc   vraiment   imposante  :   aussi  M.   RuplTer, 
outre  une  note  qu'il  a  lue  a  rAcad(imie  sur  I'inclinai- 
son  magnetique  de  Pekin  ,  a-t-il,  en  sa  quality  de  di- 
recteur    en    chef  des   obsorvatoiros    magnt'tiques  et 
m^teorologiques   des  mines  ,   public  ,  cette  annee  ,  le 
llecucil  des  observations  faites  dans  ces  etablisscments. 
Or,  ces  travaux  purement  mecaniques  etmateriels  une 
fois  regies,  notre  academicien  a  dil  naturcllement  por- 
ter son  attention  sur  le  c6t6  scientifique  de  ses  etudes 
de   predilection   :   les   m^thodes   d'observations ,  par 
exemple  ,'6tant  encore,  meme  apr^s  les  vues  nouvelles 
ouvertes  par  un  genie  tel  que  celui  de  M.  Gauss ,  sus- 
ceptibles  de  bien  des  perfectionnements,  M.  KuplTer, 
adonne  a  ces  travaux,  s'est  bientot  vu  arrets  par  le  man- 
que d'emplacement  convenable.  A  I'observatoire  ma- 
gnetique central,  I'urgence  des  observations courantes 
ne  permet  pasd'^tablir,  pour  quelque  temps,  d'autres 
instruments  magnetiques,  dont  les  aiguilles  pourraient, 
par  leur  attraction,  introduire  de  grandes  erreurs  dans 
les  observations  absolues.  Des  lors,  rutillte  d'un  eta- 
blissement  sp^clalement  consacre  a  toutes  les  recher- 
ches  qui  se  rapportent  a  la  physique  do  la  terre  ,  sans 
entrer   pr6cisement  dans  le  systeme  des   operations 
journalieres ,  s'est  pr6sent6  a  son  esprit,   et  il  en   a 
sugger6    I'idee   a    ses    chefs  eclaires,    M.     le    general 
Tchf'fkine,  chof  dc  retat-major  des  mines,  eta  M.  le 
comte  Cancrin ,  ministre  des  finances.  Ce  haut  fonr- 
lionnaire  ,  durant  son  long  ministere  ,  a  dote  la  Russie 
d'un  si  grand  nombrc  d'institutions  utiles  qui  immor- 


(  ^au ) 

lulisciont  sa  ni^moire  dans  les  annales  dcs  sciences, 
qn'on  nc  doit  pas  etre  etonne  de  le  voir  saisir  avcc  ar- 
detir  cettonouvello  occasion  pour  satisfaire  aux  bcsoins 
si  varies  des  etudes  physiques,  dans  la  plus  large  ac- 
ception  de  ce  inot ,  en  fondant,  avec  i'autorlsation  de 
S.  M.  I'empereur,  un  observatoire  physique,  dont  nous 
ne  pouvons  micux  (^noncer  le  caractere  qu'en  vous 
communiquant  ici  un  extrait  de  la  lettre  par  laquelle 
I'illustrc  fondateur  lui  -  merne  a  annonce  a  M.  de 
Humboldt  les  intentions  gracieuses  de  S.  M.  impe- 
riale. 

((  Cet  obser\atoire  ,  ecrit  M  le  comte  Cancrin  ,  sera 
place  dans  un  batiment  construit  a  cet  efTet  ,  avec  les 
salles  et  cabinets  necessaires.  Un  directeur,  avec  un  con- 
servateur  et  un  personnel  subalterne  suffisant ,  seront 
loges  dans  I'etablissement.  Celui-ci  sera  muni  des  in- 
struments necessaires  a  la  culture  des  principales 
branches  de  la  physique ,  surtout  dans  ses  rapports 
avecle  travail  des  metaux,  la  m^canique  et  I'^lectricite, 
ainsi  qu'avec  la  m(^teorologie  et  le  magn^tisme  terres- 
tre ,  qui ,  au  reste  ,  conserveront  conime  succursale 
I'obsorvatoire  magnetique  existant  actuellement.  L'^ta- 
blissement  sera  dot6  de  facon  a  pouvoir  se  completer 
des  instruments  nouveaux  indiques  par  le  besoin  de  la 
science,  et  a  satisfaire  aux  frais  des  experiences  cou- 
rantes.  En  un  mot,  I'observatoire  physique  de  I'lnsti- 
tut  des  mines  ,  etabli  sur  une  echelle  large  ,  mais  de- 
nu6  de  faste,  sera  a  mfimede  satisfaire  au  triple  but  : 
1°  d'6tendre  par  des  rccherches  approfondies  les  limi- 
tes  de  la  physique  et  de  ses  applications  utiles ;  2°  de 
r^unir  et  d'utiliser  pour  la  science  les  decouvertes  et 
oxpc^riences  partielles  faites  en  physique  dans  I'^tendue 
•de  I'empire  ;  3°  de  propagor  et  de  perfectionner  I'dtude 


(  /|20  1 

lie  ci'ttc  scicnco  pur  un  cuius  supriiciir  ,  [)rincij)ale- 
mcnt  a  I'usagc  des  olevos  de  rinslilut  des  mines  et 
d'aiilres  personnessurfisaniment  preparc^es.  » 

1\1.  Dorn  nous  a  livrt''  la  cinquic-me  parlic  dc  scin 
Recucil  do  luateriaux  relatifs  a  I'liistoirc  des  pays  cl 
des  peuples  du  Caucase ,  renfermant  des  notices  geo- 
grapliiques  tiroes  des  liistoricns  et  geographes  arabes, 
peu  cxploites  sous  se  rapport. 

Notre  statisticien,  1\1.  Koppeii,  a  visite  cette  annee  les 
gouvorneincnts  de  Riazan  ,  dc  Tambov  ,  de  \  oroneje  , 
de  Kliarkov ,  de  Koursk  ,  d'Orcl,  dc  Toula  ct  de  Ka- 
louga.  Ce  voyage,  avec  ceJui  qu'il  fit  en  1840,  lui  a 
fourni  le  sujet  d'un  ouvrage  etendu,  embrassant  la  par- 
tie  centrale  de  la  Russie  europ^enne,  et  qu'il  prepare 
pour  la  publication.  Outre  les  materiaux  recueillis  ainsi 
par  I'obstTvalion  immediate,  uncvaste  correspondance, 
soit  ofiicielle  ,  soil  priv6e,  fait  aflluerdans  nos  archives 
statistiqucs  un  grand  nombre  de  renseignements  ini- 
portants  que  M.  Koppen  se  fail  un  devoir  de  compul- 
ser  et  de  redigor  avec  son  assiduity  accoutumec.  Cost 
ainsi  qu'il  nous  a  lu ,  cette  annee ,  un  mcmoire  sur  la 
distribution  des  habitants  de  la  Russie ,  selon  les  con- 
ditions, dans  les  (lilTerenles  provinces,  et  un  autre  sur 
la  population  non  russe  des  domaines  d'apanagc.  II 
nous  a  communique  de  plus  ,  dans  une  note  ,  des  ren- 
seignements fort  curieux  sur  la  partie  du  nord-est  du 
gouvernement  d'Arkhangel  ,  d'apr^s  Ic  rapport  d'un 
marchand  d'OustSvssolsk  ,  nommc^  Latkine  ,  qui ,  le 
premier,  a  IVanchi  les  montsOurals  a  une  latitude  aussi 
elev(i!e  ;  et  dans  une  scconde  note  ,  il  nous  a  fait  voir 
que  les  Karatai,  pcupladedont  parlent  certains  aulcurs 
orientaux  ,  ct  que  Lepekhinc  a  encore  visitec  dans  ses 
voyages,  soul  une  liihu  des  Mordvas,   et  existent  en- 


(  A21   ) 
core  en  tres   pelit  nombre   dans   le  gouvernemont  do 
Simbirsk. 

Nous  passerons  sous  silence  I'lmporlante  expedition 
scientifique  de  M.  Middendorll,  bien  que  nous  ayons 
eu  de  ses  nouvelles  de  Touroukhansk.  Nous  aimons 
mieux  vous  presenter  plus  tard  un  ensemble  plus  com- 
plet  des  resultats  marquantsdont  ce  voyage  d'explora- 
tion  promel  d'enrichir  la  science.  II  en  est  de  laenie 
des  courses  penibles ,  non  termln^es  encore ,  de  notre 
zoologue-preparateur  Woznesenssky  dans  leslointains 
parages  des  mers  du  Kamtchatka  et  d'Okhostk.  Mais 
nous  ne  saurions  nous  dispenser  de  dire  quelques  mots 
d'une  exp<!(dition  conimencee  et  lieureusement  accom- 
plie  dans  le  courant  de  cette  annee ,  et  qui  a  eu  un 
but  tout  special. 

La  geograpbie  matli(^matique  d'un  pays  peut  ctro 
avancee  de  deux  mani^res  dilTerentes,  d'abord  ])ar  les 
leves  trigonomt'triqucs .  ensuite  au  moyen  de  la  de- 
termination astronomlque  des  lieux.  Line  institution 
particuliere ,  le  Depot  militaire  et  topographique  de 
i'^tat-major  de  Sa  Majoste  ,  organise  ct  survoille  des 
operations  trigonometriques d'une  etendue  imposante ; 
des  travaux  analogues,  par  rapport  au  littoral  de  la 
mer  Baltique,  ont  etc  entrepris  et  liabilenient  execu- 
tes par  le  departement  bydrograpliique  du  minislere 
de  la  mai'ine.  Ce  n'est  que  dans  des  cas  exceptionnels, 
et  lorsqu'il  s'agit  de  recherches  relatives  a  la  figure  des 
terres,  que  des  operations  trigonometriques  peuvent 
^tre  du  ressort  de  I'Academie  et  de  son  etablissenient 
astronomique.  Or,  nonobstant  le  developpement  (pi'on 
a  donne  jusqu'a  ce  jour  aux  triangulations,  celles-ci  ne 
peuvent  cependant  s'etendre  que  sur  one  parlie  seub'- 
ment  du  vaste  empire ,  et  il  passera  encore   bien  des 


(  422  ) 

generations  avanl  qu  un  i<!;seau  trigonometriquc  con- 
llim  \w.  vienne  embrasser  laRussic  europt^enne  enticre. 
On  volt  done  que  sans  I'appui  dos  determinations  as- 
tronouiiques  des  lieux,  la  geographic  de  la  plus  grande 
partie  de  I'enipire  inanquerait  de  fondement ,  et  c'esl 
avec  ralson  que  I'Academie  ,  d^s  sa  fondation ,  a  con- 
stammenl  envisage  comme  une  de  ses  missions  prinei- 
pales ,  les  travaux  tendant  a  Favancement  de  la  geo- 
graphie  de  I'empire.  Aussi  peut-elle  le  dire  avec  or- 
gueil  :1a  geograpliie  matliematique  de  la  Russie  repose 
presque  uniquement  sur  des  operations  dirig^es  par 
elle.  D^sormais,  I'observatoire  central  doit  etre  le  centre 
et  le  point  de  depart  de  toutes  les  operations  de  ce 
genre.  Or,  a  cet  efTet,  il  elait  indispensable,  avant 
tout ,  de  bien  determiner  la  position  de  cet  etablisse- 
ment  meme  ,  par  rapport  aux  points  fixes  de  la  terre. 
Sa  latitude,  que  nous  \cnons  de  citer,  est  a  1/10°  de  se- 
condepres  ;  mais  sa  longitude  etail  ad'ecteed'one  incei'- 
titude  de  3*.  en  temps  ou  de  45"  en  arc.  II  eiit  ete  de- 
place  de  vouloir  augmenter  la  confusion  pi'ovenant  deja 
de  I'acceptation  de  plusieurs  premiers meridiens;  il  s'a- 
gissait  plutot  de  fixer  la  longitude  de  Poulkova  par  rap- 
port au  meridien  de  Greenwich, le  plus  ancien  qui  exisle, 
el  que  les  astronomes  de  tous  les  payssont  convenus  do 
conslderer  connne  le  vrai  point  de  zero  des  longitudes 
lerrestres.  Le  transport  du  temps  par  do  bons  clii'ono- 
m6trcs  paraissait  etre  le  moyen  le  plus  propre  a  cc 
but,  vu  la  grande  f'aciilte  de  communication  qu'ol- 
iVaient  les  bateaux  a  vapeur.  Lne  jonction  immediate 
entre  Poulkova  et  Greenwich  nous  eilt ,  11  est  vrai ,  Ic 
j)lus  promptement  conduit  au  but ;  mais  la  rarete  des 
comn)unlcatlons  directes  entre  ces  deux  lieux,  el  les 
longs   intervalles  de    temps    cnlK*   les   aiiivees  el  les 


( ^-^-^ ) 

departs  des  pyroscaphes  anglais,  ont  fait  preferer  de 
choisir  un  point  intorm^diaire  plus  rapproch^  ,  savoir  : 
Altona,  dont  d'aillcurs  la   longitude,   par  rapport   ;'t 
Greenwich ,  devait  elre   supposee   cxaCtement  connuc 
parl'expedition  anglo-danoise  de  1824.  L'Academicmit 
done  sous  les  yeux  de  M.   le  ministre  de  I'instruction 
publique  ,  son  president,  le  plan  d'une  suite  de  voyages 
a  faire  sur  les  bateaux  a  vapeur  de  Lubeck,  durant  une 
saison  enti^re,  dans  le  but  de  determiner  au  juste,  par 
le  transport  reiter^  du  temps ,  la  dilTei-ence  de  longi- 
tude entre  les  observatoires  de  Poulkova  et  d'Altona.  1! 
iut  facile  d'lnteressor  a  ceprojet  aussiM.  le  ministre  des 
fmances,  et  d'obtenir,    par  la   puissantc   cooperation 
des  deux  ministres  ,  I'asscntiment  de  S.  M.  I'cmpereur 
a  ce  sujet ,  et  les  moyens  n^cessaires  pour  le  mettre  en 
CBuvre.   L'op^ration  commenga  done  en  mai  de  cette 
annee ,  et  fut  terminee,  ajires  dix-sept  trajcts,  au  mois 
de    septembre.    L'appareil    de  I'exp^dition    consistait 
d'abord  en  35  cbronom^tres  appartenant,  soit  a  I'ol)- 
servatoire ,  soit  a  I'etat-major  ou  a  I'amiraute  ,  soit  a  des 
personnes  priv(^es.  L'astronome   d'Altona,   M.  Schu- 
macher,   eut  I'extreme   obligeance   de  mettre  sur-le- 
champ  a  la  disposition  de  nos  astronomcs  plusieurs 
beaux  chronometres  de  son  observatoire,  et  les  artistes 
horlogers  les  plus  distingues  de  tons  les  pays,  tels  que 
MM.   Hauth  de  Saint-P^tersbourg  ,  Ressels,  d'Altona, 
Tiede  de    Berlin ,   Dent  et    Muston    de    Londres ,   ot 
Breguet   de  Paris,  s'empress^rent   a  I'envi  de  suivre 
I'exemple  donne  par  l'astronome  danois ,  en  envoyant 
a  ce  concours  les  productions  les  plus  parfaites  de  leur 
art;  de  sorte  que  le  nombre  des  chronometres  au  ser- 
vice de  I'expedition  s'^leva  bientot  a  86.  M.  Struve  lui- 
meme  se  chargea  do  la  direction  du  premier  voyage. 


(  hn  ) 

tant  pour  initier  les  jounes  astronomes  a  la  coiiduile 
dc  cette  iinportante  operation  que  pour  s'aboucher 
avec  M.  Schumacher,  etarreter,  de  concert  aveclui,  les 
nonibreux  details  de  I'opi^ration  ;  les  trajets  subs«i- 
qucnts  furent  confies  a  la  direction  dc  MM.  Struve  le 
jeune  et  Sabler  ,  secondes  successivcmcnt  par  MM.  Pe- 
ters, George  Fuss,  Savitch  ,  Schidlovsky  ,  LiapounolT 
et  Woldscdt^  et  par  les  astronomes  danois  ,  MM.  Pe- 
tersen et  Nehus. 

Pour  ne  pas  pcrdrc  le  fruit  d'un  voyage,  dans  le  cas 
d'un  retard  accidentcl ,  deux  stations  auxiliaires  furent 
etablies  a  Lubeck  et  a  Cronstadt.  M.  Nehus,  capitaine 
du  genie  au  service  danois,  fut  charg6  de  la  direction 
du  petit  observatoire  temporaire  de  Lubeck,  pendant 
toute  la  duree  de  I'expedition  ,  tandis  que  MM.  George 
Fuss  et  Savitch  se  relev^rent  alternativcment  a  Cron- 
stadt pour  y  faire  les  observations  necessaires  a  la  de- 
termination du  temps;  il  n'etait  pas  d'ailleurs  hors  de 
propos  ,  a  cette  occasion ,  de  reunir  le  principal  port 
de  I'cinpire  directcmcnt  avec  I'obscrvatoirc  central. 
La  longitude  de  I'observatoire  de  Poulkova  ,  telle  qu'elle 
r^sulte  definitivement  des  dix-sept  voyages  clirono- 
mtitriques ,  est  de  1  h.  21'  32"  50  a  Test  de  I'observa- 
toire d'Altona  ;  et  cette  d(^termination,  n'etant  affecttie 
que  dune  crreur  probable  de  quclques  centiemes  de 
seconde,  doit  a  juste  titre  etre  consider(^e  conime 
i^tant  plus  rigoureuse  qu'aucune  autre  determination 
de  longitude  qui  existe.  En  outre  ,  notre  expedition  a 
prouve  de  la  mani^re  la  plus  irrecusable  Fimmensc 
utilite  qu'ofTrent  les  chronometres  lorsqu'il  s'agit  de 
pousser  au  dernier  degr^  d'exactitude  les  determina- 
tions geograpliiques,  et  cela  meme  dans  le  transport 
de  ces  instruments  delicats   a  des  distances  trcs  con- 


(  A25  ) 

sid^rables,  aussi  bien  pai^  mer  que  pur  terre.  EUe  a 
livre  enfin  une  ^chelle  infaillible  pour  I'appreciation 
de  la  valeur  ou  du  poids  respectif  des  chronomeU'os. 
Sous  ce  rapport ,  le  premier  prix  appartient  a  M.  Dent, 
k  Londres  ;  le  deuxiemc,  a  notre  horloger  de  Saint-P6- 
tersbourg,  M.  Hauth;  les  cbronometres  de  MM.  Kessel, 
Tiede  et  Muston  occupent  le  troisieme,  et  ceux  de 
M.  Breguet  le  quatrieme  rang.  En  general,  le  succfes 
brillant  de  cette  expt^ditlon  est  du,  en  grande  partie , 
a  la  haute  protection  qu'a  daign<i  lui  accordcr  S.  M.  le 
roi  du  Danemark  .  et  a  la  cooperation  empressee  de 
son  celebre  astrononie  ,  M.  Schumacher.  Ces  disposi- 
tions bienveillantes  nous  font  esperer  la  r^ussite  pro- 
chaine  d'une  autre  operation  chronom^trique  ,  indis- 
pensable pour  completer  notre  teuvre ,  je  veux  dire 
d'une  vei'ification  soignee  de  la  difT^rence  de  longitude 
entre  Altona  et  Greemvich  ,  le  rdsultat  de  I'expedition 
de  182Zi  s'dtant  trouv6,  pour  la  precision,  inferieur  au 
notre ,  et  par  consequent  n'oflVant  point  les  garanties 
d^sirees.  M.  Struvenous  a  dejapr^sent^  la  relation  com- 
plete sur  I'exptJjdition  chronometrique  de  1843  ,  et  I'A- 
cademie  en  a  ordonnd  la  publication. 

Nous  pourrions  encore  ajouter  bien  des  choses  sur  le 
vaste  champ  qui  s'ouvre  a  prt^sent  a  la  geographic  de 
I'empire  et  auxrecherches  ulterieuressur  la  figure  de  la 
terre ,  par  la  mesure  des  degr^s  de  longitude  ;  et  bien 
que  sous  le  premier  rapport ,  il  y  ait  deja  un  projet  tout 
arrett!;  pour  I'annee  suivante,  ce  serait  toujours  antici- 
per  sur  les  travaux  a  venir  que  de  vouloir  on  parler  a 
prtl-sent.  Nous  aimons  done  mieux  on  remettre  la  rela- 
tion a  notre  compte-rondu  prochaiii. 


(  /i2C  ) 

DEUXIEME    SECTIOrV. 


Acted  de  la  ^ociete. 

HXlRVir   DKS   J'KOCES-VEKKAIJX    DKS  SKANCES. 
PrKSIDENCE  Dli  iVl.    RoUX  DE  FiOCIIHLLE. 

Seance  (hi  7  jdiii  l8/ii. 

M.  le  aiareclial  due  de  Dalmatie  ,  ministrc  d(!  la 
guerre,  6crit  a  la  Society  que  son  intention  est  de  pla- 
cer la  Grammaire  et  le  Dictionnaire  berbers  de  Ven- 
ture (Jans  les  dilFerentcs  bibliothoques  de  TAlgiirie  ,  oii 
cct  ouvrage  pourra  etre  consult^  utileinent  par  les  of- 
ficiers  qui  s'adonnent  a  I'^tude  d'une  langue  si  ini- 
portante  pour  nos  relations  avec  les  indigenes  ,  ct  il 
desire  que  la  Sociote  puisse  mettre  a  sa  disposition 
cinquanto  nouveaux  exeniplaires  de  cet  ouvrage.  La 
Commission  centrale  decide  qu'ils  seront  immediate- 
ment  envojes  a  M.  le  ministre  de  la  guerre. 

M.  le  comte  de  Monlalivet,  intendant  general  de  la 
liste  civile  ,  annoncc  que,  sur  sa  proposition  ,  le  Roi 
a  bien  voulu  accorder  a  la  Society  une  somme  de 
1,000  fr.  ,  a  titre  d'encouragement  pour  I'annee  1844. 

M.  le  vicorate  de  Santarem  communique  une  lettre 
de  M.  Noel  Desvergers  dans  laquelle  il  I'informc  de 
Iheureux  resultat  do  ses  rcchorches  dans  les  t^lablisse- 
incnts  scientiliques  de  I'ltalic. 

Plusicurs  dons  de  cartes  et  d'ouvrages  sent  faits  a  la 
Soci^td.  La  Commission  centrale  vote  des  remercie- 
menls  aux  auteurs ,  ct  ordonnc  le  depot  de  ces  envois 
a  sa  bibliotlu'qiic. 

M.  ,I(»iii;u(l  exprime  le  desir  fpn-  la  carlo  des  Rocky- 


(  A27  ) 
Mountains  offerte  r^cemment  a  la  Soci(!!te  par  M.  Albert 
Gallatin  puisse  etre  publico  clans  Ic  Bulletin.  Sur  sa 
proposition,  I'examen  en   est   renvoye  au  comlt(^  clii 
Bulletin. 

Plusleurs  membres  appellent  I'attentlon  de  I'assem- 
bl6e  sur  les  cartes  en  relief  anclennes  ct  niodernes,  et 
sur  les  cartes  typograpbiques  tie  M.  Duvcrger,  qui  se 
trouvent  a  rexpositlon  de  I'lndustrle. 

M.  Desjardlns  communique  un  Recuell  Inc^dlt  de  me- 
langes sclentlfiques  ,  acconipagne  d'un  grand  nombrc 
de  desslns ,  par  M.  Ic  comte  de  Rasoumowskl ;  11  desire 
que ,  sulvant  les  Intentions  de  I'auteur  ,  recemment 
decide  ,  ce  Recuell  puisse  etre  public  ,  et  11  pense  que 
plusleurs  des  fragments  dont  11  se  compose  seralent  de 
nature  a  interesser  les  lecteurs  du  Bulletin.  —  MM.  Des- 
jardlns et  Bortbelot  sont  pries  d'examlner  ce  Recuell 
et  d'en  rendre  compte  a  la  Commission  centrale. 

M.  Roux  de  Rocbelle  continue  la  lecture  de  son 
.analyse  de  I'ouvi-age  de  M.  Prescott  sur  le  Mexique  ; 
cette  seconde  pai'tle  de  son  travail  est  surtout  relative 
aux  d^couvertes  geograpblques  de  Fernand  Cortoz.  ^ 
Renvoi  au  conilte  du  Bulletin. 

Seance  du  21  juin  18/i4. 

M.  le  mlnlstre  de  la  guerre  ecrit  a  la  Soclete  pour  I;» 
remercler  de  renvoi  qu'elle  lui  a  fait  de  clnquante 
nouveaux  exemplalres  de  la  Grammalre  et  du  Dlctlon- 
naire  berbers  de  Venture  ,  destines  aux  bibllotbequcs 
de  I'Algc^rie. 

M.  le  baron  de  Derfelden  de  Hindersteln  adresse 
quelques  observations  sur  1 'analyse  que  M.  Daussy  a 
take  de  son  atlas  de  rar<  bipcl  des  Indes. 

MM.   les  redacteiirs  dun   nouM'au    lecuril   sciciitin- 


(  tl2S  ) 
que,  public  a  Llreclit,  en  langue  hollandaiso,  ^crivent 
a  la  Society  pour  lui  faire  horaniage  des  premiers  nu- 
meros  qui  viennent  de  paraitre. 

M.  Ilolthauson  ,  de  DusselsdorIT,  adresse  a  la  So- 
ci6te  un  nouvel  atlas  topographique  et  physique  qu'il 
vient  de  publier.  M.  de  La  lloquctte  est  pri6  d'en  ren- 
dre  coinpte. 

D'autres  ouvrages  sont  aussi  oITerts  a  la  Socititt^. 

La  Commission  contrale  ordonne  le  d(^p6t  de  ces 
envois  a  la  bibliotheque,  et  vote  des  rcmerciements  aux 
donateurs. 

M.  d'Avezac  lit  un  fragment  sur  I'histoire  et  les  an- 
ciennes  divisions  tcrritoriales  du  nord  de  I'Afrique. 

M.  Joraard  met  sous  les  yeux  de  I'assemblee  une 
petite  carte  du  cours  sujierieur  du  Nil  et  de  I'Afrique 
orientale  ,  par  M.  Mac-Queen. 

M.  Roux  do  Fioclielle  est  pri6  de  faire  une  notice 
n<^crologique  sur  M.  Du  Ponceau  ,  correspondant  de 
la  Societe  ,  mort  recemment  a  Philadelphie. 

MEMBRE   AUMIS  DANS  LA   SOCIl'.TIi. 

Seance  du    7  jit  in  IS/i/i. 
M.  Georges  Beauerkei.ler,  auteur  de  cartes  en  relief. 

OUVRAGES   OFFERTS  A   I.A  SOCltx/:. 

Seance  du  7  jidn  18i/|. 

Par  M.  ^/«f\6rtHr/ ;  La  Turquie  d'Europe  ou  Obser- 
vations sur  la  gdograpliie  ,  la  geologic ,  I'liistoii-e  natu- 
relle ,  la  statistique,  les  mteurs ,  les  coutumcs ,  I'ar- 
ch^ologie,  ragriculturo  ,  I'industric  ,  le  commerce  ,  les 
gouvcrnements  divers,  le  clerg(5,  I'liistoirc  et  I'l^tat  po- 
litique de  cet  empire  ,  4  vol.  in-8. 

Par  M.  Hmnmnire  de.  Hell :  Les  Steppes  de  la  mer 
Caspienne,  7"  livraison. 

Par  M.  Cnreitc  :  Du  commerce  de  I'Algerie  avec  I'A- 


(  429  ) 
IVique  centrale  et  les  tlats  l)arbaresqnos.  Reponsea  la 
Note  deM.  deLastcyrie,  depute,  sur  le  commerce  du 
Soudan.  Carte  de  TAlgerie  dressee  sur  des  materiaux 
entierement  neufs  ,  1  feuille. 

Par  M.  Marcel :  Numismatique  orientale.  Tableau 
general  des  monnaies  ayant  coui's  en  Algerie ,  1  vol. 
in-Zi. 

Par  M.  Dubiic  :  Tableau  politique  ,  militaire,  mari- 
time, colonial,  financier  de  la  Fi-ance  en  ISlih. 

Par  les  auteurs  et  editeurs :  Annales  maritimes,  avril. 
—  Journal  asiatique,  avril.  —  Memorial  cncyclope- 
dique,  avril.  —  L'Eclio  du  monde  savant. 

Seance  du  1\  juiii. 

Par  M.  Holthausen  :  Tojiiscli  Physikalischer  atlas 
inlO  blattcrn.  Nacli  den  besten  materialien ,  t- tc. 
1  vol.  fol. 

Par  M.  La/ond  :\oyage  autour  du  monde,  l/i3°  a 
154*  livraison.  —  Malaisie  et  iles  Moluques. 

Par  iiy.  Jomard  :  Discours  sur  la  vie  et  les  travaux  de 
G.-L.-B.  Wilhem,  broch.  in-8. 

Par  M.  Sumner  :  Lber  den  Zustand  der  Iridianer 
Nordamerika,  broch.  in-8. 

Par  M.  Rueb  :  Bijdragen  tot  de  Kennis  der  Neder- 
landsclie  en  Vreemde  Kolonien ,  Bijzondcr  betrekke- 
lijk  de  vrijlating  der  Slaven.  N"'  1  et  2 ,  in-8. 

Par  M.  Scoble :  Observations  sur  le  Rajiport  de  M.  le 
due  de  Broglie  sur  I'esclavage  ,  broch.  in-8. 

Par  les  Editeurs  :  Bidletin  dela  Soci(^te  industrielle 
d'Angers,  3  N"'.  — Recueil  de  la  Societe  polytech- 
nique  ,  avril.  —  Memorial  encyclopedique ,  mai.  — 
Bulletin  mensuel  de  la  Societe  d'abolition  de  I'escla- 
vage ,  h  N"'.  —  L'tcho  du  monde  savant. 


TABLE  DES  MATIERES 

coniBnuKs 

DANS   LE   I"  VOLUME  DE    \..\  3'   SERIE. 

N"5  I  a  6. 

(  Janvier  a  Juin  i844- ) 

PREMIERE  SECTION. 

MliMOIRES,    KXTRA.ITS,     ANALISKS    ET    IIAPPOUTS. 

Stir  les  ;;laies  du  pole  austral.  —  Exainen  tl'iine  Notice  Jc  M.  le 

l)"^  llumbron  surcesujet,  par  M.  Daissy 5 

Carte  generale  des  possessions  neerlandaises  dans  le  grand  ar- 
<:hipel  Indien  ,  par  M.  le  baron  Von  Derfelhen  de  FlI^DEllS- 
TEIN.  (  Auiionce  analytirjue  par    M.  DaI'SSY.  ) 26 

Jixtfait  dune  lettreadressee  du  Caire  a  M.  d'Avezac  parM.  C.-T. 

Lefebvhe,  lieutenant  de  vaissi-aii  de  la  marine  royale.  .        4^ 

Extrail    d'une   lettre   de   M.    C.-T.    Lefrbviik   a   M.   Jnynard, 

nienilire  de  I'lnstiliit 5t 

Decouveile  du  lao  Torrens  dans  la  Nouvelle  -  Ilollande,  par 
M.  Eyre 56 

Note  sur  une  ancienne  carte  manuserite  historiee  de  la  col- 
lection de  feu  Guillauiiie  Barbie  du  l?orr»ge,  par  M.  d'A- 
vezac       .       63 

llesurne  d'un  voyage  a  la  nier  Caspienue  ,  par  M.  HoMiMAritE  he 
Hell 81 

iXotice  snr  la    carte  de  la   Russie  tneridiimale ,  faisant    partie 

tic.  la  relation  du  voyafje  ii  la   nicr  Caspienne,  |)ar  le  nieme.        87 

Notice  sur  le  dessechenicnt  de  la  men  i/c  Haarlem,  contcnant 
un  expose  rapide  de  la  partie  historiquect  hy(lrauli(|ue,  ainsi 
(]ue  du  problenie  toucliant  Ics  niaehines  liydrauliques  aappli- 
(juer  aux  epuiseuients,  par  M.  J.-G.-W.  Merkes.  (Article 
<'omnriunique  par  M.  Jomarh.  ) gj 


(  A31  ) 

Voyajie  ile  M.  Schomburok  aiix  souifes  du  Tiikutu  en  1842.  (lix- 
traitdu  journal  de  la  Sociele  royaiegeojjiaphiijue  de  Londres, 
par  M.  Daussy.) 109 

Voyage  de  M.  Schombhrck  dans  l.i  Guiane  en  i843.  (Commu- 
nique par  JVI.  SiMMONDs.  ) 118 

Description  de  la  riviere  de  Carneroons  et  de  la  baie  d'Ani- 
boises,par  le  capitaine  Allen,  commandant  le  bateau  a 
vapeur  le  fVilberforce.  (Extrait  du  journal  de  la  Soeiete  royale 
geographique  de  Londres,  volume  xiii,  par  M.  Daussy.).    .      ia3 

Note  sur  la  culture  des  linioniers  aux  hords  du  lac  de  Gardu  , 

par  M.  le   baron   RoGEii l33 

Note  sur  It's  crues   pre'matLirees  du  INil  en    i843,  par  M.  Jo- 

MARD 1 38 

Kxtrait  de    la  leltre  de  M.  le  Dr  Pehhos  sur  le  metrie  sujel.     .      i4o 

Note  sur    le  Sahara,   par  M.   J. — D 142 

Extrait  d'une   b  ttre  adressee    p:<r  M.  le  baron    Alexasdhe  de 

HimuOLDT  a  M.  Fkedf.ric  Lacroix  ,  sur  le  cours  de  I'Oxus.      .      147 

Extrait  d'une  lettre  de  M,  Albert  Gallatin,  adressee  a  M.  Jo- 
MARD,  annoncarit  Tenvoi  a  la  Soeiete  d'une  carte  manuscrile 
des  Kocliy-Mountains 1 48 

Extrait   de^  deux  leltres   adressees   par  M.   le  D"'  Montaone  a 

M.  JoMARD  ,  sur  un  phenomene  observe   dans  la  iner  Rouj^e.      liq 

Notejdes  objets  rapportes  du  dernier  voyage  aux  rives  du  Bahr- 

el-Abiad,  par  M.  J.— D ,54 

Sur    la    Gramniaire    et  le    Dictionnaire  abreges   de    la    lanf^ue 

berbere  de  feu  Ventdre  DE  Parauis,  par  le  meme.    .      .     ,      1 59 

Le  Niger,  le  Nil ,  le  Gir,  parM.  G.-G.  Reiciiarij.  (Memoire  com- 

niuninue  par  M.  EyrieS.) l6n 

Memoire  sur  Ics  progres  des  decouvertes  geographiques  dans 

I'ile  de  Madagascar,   par  M.   Eugene  de  Froberville.  2i5 

llineraire   de    Raguse    a    Constantinople.    ( Gouimuniijue   par 

M.   CoCHELET.  ) 238 

Episode  sur  I'enterrement  du  carique  Catbiji  dans  I'Araucanie, 

par  M.  Claude  Gay 268 

Notice  gcographique  sur  le  Kourdistan  ,  par  M.  Texier.   .  282 

Notice  sur  la  geographic  du  Texas,  sur  la  variele  de  ses  pro- 
ductions, de  ses  animaux,  de  ses  plantes  et  de  ses  ricliesses 
naturelles  ^et  commereiales  ,  par  M.  Ashbel  Smith  ,  meinbre 
de  la  Soeiete  de  geographic 3s  I 


n 


(  /132  ) 

Analyse  il'iiii  unvi-.ige  de  M.  Phescott  ,  ile  Roslnii,  sin  l,i 
conqut'Io  tin  Me.\i(|ne,  et  sur  ranrieniie  civilis:ilii)ii  ilc  ct;t 
dm|iire 345 

Extrnit  lie  la  corre<|ionil.>n(  e   do  M.  ral)l)c  Hoilat.  (Cummu- 

niqno  par   M.  le  baioii  Hogeii   ) 3-_J 

Extrait  de  la  lettie  de  M.  Hoaht  h  M.  I'abbe  Boilat.      .     .      .      3^5 

Recheirlies  sur  les  Sakkalava ,  par   M.  V.  Noel.   ((<■  et  dernier 

ailitle.  ) 385 

Extrait  du  cornpte-rendu  des  travauxdc  rAcademiedcs  sciences 

de  Saint-Peteesbourg,  par  M.  Fiss,  secretaire  perpeiuel.     .     4'7 

DEUXltME  SECTION. 

ACTES  nP,  LA  SOCliXE. 

Rapport  an  nom  de  la  Commission  du  prix  annuel  poui-  la  de- 
couverte  la  plus  iniportante  en  geographic  en  1841  ;  M.  Jo- 
MARD,  ra|)porteur 2^9 

Pi oces-verbal  de  la  seance  gene'rale  du  26  avril  1844     •      •     •  ^'7 

Proces-verbaux  des  seances  de  la  Commission  centralc ,  161  ,  244> 

3i5,  377    et  426 

M('nd)res  adrnis  dans   la  Scjcii'te 247,  Bip,   38o   et  4^8 

Ouvrages  offtrts  a  la  Socicte.       80,  i68  ,   248,   819,   38o   et  4^8 


I 


FIN    l)K    LA    lABLE    lltS-iUU^lillKS  DU     !•■'   VOLUME. 

1>>,  .  cfo  >>> 


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