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Full text of "Bulletin de la Société de Géographie"

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^.^38-JL.kY. 


BULLETIN 


DE  r.A 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE. 


TOME  XZ. 


COMPOSITION  DU  BUREAU  OK  I.A  SOCIJ^T^ 
PODR  1854-1855. 


PrSsiJent.  M.  Hip.  Fortoul,  iiiiuistre  de  riiislniclioii  |)iililiqiir 

„    ,  .  ,  I  MM.  GuiGNiAiiT,  meiiibrt!  de  I'lii'tlitiit. 

rice-PrestdettCs.  {  ,  _  ... 

I  LEFKBvRE-Uunt'KLE,  seiialeiir. 

4  MM.  Hin.  udchanoy. 
Scnitntetirs.  l  ..     j     e- 

I  rerd.  fabre. 

Secretairr.  M 


COMPOSITION  DU  BUREAU  DE  LA  COMMISSION  CENTKALK 

POUR  1854. 

President.  M.  Guickuot  (de  I'liiStiliit). 

yice-Presideins.      MM.  d'A\ezac  <t\  Jomard  (de  I'lostitllf). 
Secretaire  geiierul.  M.  Alfred  Maury. 
Secretaire  adjoint.  M.  V.-A.  Malte-Brum. 

Section  de  Correspondance . 

MM.  A.  d'AI)b<idi»',  cuit.  de  I'lnsliUil.  MM.    Iniheil  des  Molleleltes 

geiierul  Callier.  Lafoad. 

Coclielet.  Ph.  Lebas,  menibre  de  riiislitii'. 

Diifliit  de  Murrii<^.  Meissas 

C*  d'Esrayrac  de  Laiitiire.  Noel-Desvrrger.«,  rorr.de  I'lnsl. 

Ferry.  I'oulaiii  de  Kos>ay. 

Section  de  Publication. 

MM.    Alliert-Monlemonl.  MM.    Mauroy. 

CorlaDibert.  Moiel-Falio. 

Daiissy.  Pievosl  (C'onslaiil;,  m.  de  I'lnst. 

de  Froberville.  V"  de  .Saiilarein,  corr.  de  I'lnsl. 

CI.  Gay.  Sedillol. 

Jacobs.  Teruaiix-CoDipaiis. 

Section  de  Coniptabilite. 

MM.    Deraersay.  MM.    Isanibert. 

Dticliaiioy.  De  la  Roquetle. 

Gamier.  Lowenstein. 


Archivist  e  'bibiidtheca  ire . 


M. 


Tresorier  de  la  Societe. 
M.  Meignen,  uotaire,  rue  Saiut-Honore,  370. 


Menibres  adjoints. 

MM.  geueral  .Auvray.  M.  H.  Hecquard. 

G.  d'Eicblhal. 

M.  Noirol,  agent  dc  la  Soriete,  ru«  Chiistine,  J. 


BULLETIN 


DE     LA 


r  r 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

KfiDIGfi    PAR    LA    SECTION    DE    PUBLICATION 
ET  MM.    ALFRED  MALRY, 

SECR^TAIRK     GENERAL     l)£     LA    COMMISSION    CENTRALE, 

El' 

VA.    MALTE-BRLW, 

SECRETAIRE  ADJOINT. 


QDATRl^ME  SfiRlE.  —  TOME  NEUVlftME. 

ANN15;E  1855. 
janvier  -  juin. 

PARIS, 
CHEZ    ARTHUS-BERTHANi>, 

LIBRMRE    DE    LA    SOCI^T^    DE    G^OGUAPHIE, 

HUK     ■AUTEFEUILLB,    M"    II. 

1856. 


LISTE  DES    PRfiSIDF.NTS   HO.NORAlRHS    Dli   L\   SOCI£t£ 
DF.PDIS   SON   ORIGINK. 


MM. 
De  Lapi.acb. 
De  Pastoret. 

De   CHATKArBRIAND. 

CiiAnnoi.  DE  Voi.vtr. 
Becquf.y. 

Ai.EX.   DE  HiiMEOLDT. 
CUABROL  DE  CrOUSOF.. 

Georgi's  CuviER. 
Hyde  de  Necviixe. 

Due  do  DoiIDR^UVtI.I.E. 

J.-B.  Eyries. 


MM. 
Le  vico-amiral  de  Rii;ny. 
I.p  riiili'o -aniiial  Dumokt 

d'Urvim.e. 
I)iic  Decazes. 

I."   (Je  MoMAI.lVET. 
Dl-   I'.ARANTE. 

Ia-  ijuncral  Pei.et. 

GuiZOT. 

De  Sai.vam)y. 

I'lJPINIFR. 

Ue  I.AS  C^xsES. 


MM. 
Vm.i.kmain. 

Ci;NlN-riRIDAINR. 

L'l'iniinil  RoiJSSiN. 
L'amiral  ile  Mack.au. 
Le  vict'-aniiral  HAi.o\n. 

WAt.CKEWAER. 

C"  M01.K. 

JoMARD. 

he  coiitre-aiiiiral  Mathiiu. 
Ki-  vico-amiral  I  v  Place. 


LISTE   DES   CORRESPONDANTS   tfRAiVGERS    DANS    L'oRDRE 
DE   LEUR    nomination. 


MM. 

H.  S.  Tanner,  a  PhilaJilpliir. 

W.  WooDBRiDGE,  a  Hoslon. 

Le  It-coL  Edward  Sabine,  a  Loiidies. 

Le  docteur  KErNOANUM,  a  Rerliii. 

Le  durleur  Richardson,  a  Londres. 

Le  prolesscur  Rafn,  a  Copenliagiie. 

AiNSWoRTH,  a  EdiubourL'. 

Le  colonel  Long,  a  Louisville,  Ky. 

Le  capitaiiie  Maconochie,  a  Sydney. 

Le  ciinseilkr  de  Mackdo,  a  Lisl)onne. 

Le  professi'iir  Kari.  RiTTER,  a  Berlin. 

Le  cap.  John  Washington,   a  Londres. 

P.  DE  Angef.is  ,  a  liuenos-Ayres. 

Le  docleiir  Kriegk,  a  Francfoi  I. 

Adolpiie  Erman.  a  P)i*rlin. 

Le  docleur  W'ArrAts,  a  Goellinqiie. 


MM. 

Ferdinand  de  Luca,  a  tVaples. 
Le  docleur  Raruffi,  a  Turin. 
I  e  liciil.-ool.  Fr.  Coem.o,  a  Madrid. 
Le  prol'isseur  Munch,  it  Clirisliania. 
Legen.  Albei  IDE  la  Marmora,  a  Turin. 
Fiilgence  F'resnel,  a  Mo'-soul. 
(;h.  Scheffer,  ,i  Conslauliiioplc. 
Le  proffsseur  Paul  Chaix,  ;i  Geneve. 
J.  S.  AiiKRT,  colonel  des  ingenieurslo- 

pograplies  des  EUls-l'nis. 
Le  prol'rssenr  Alex.  Bache,  surinten- 

dant  du  <7ort-if-5Hre«'x,auxElats.Uni'i. 
Lepsius  (Richard),  a  Berlin. 
De  Martius,  a  Munich, 
KiEPERT  (Henri),  a  Weimar. 
pETERMANN  (Augusliis),  a  Golha. 


LISTE   DES   CORRESPONDANT.S   ETRANGERS   QUI   ONT  OBTENU 
LA   GRANDE   .MfiOAILLE. 


MM. 
Lecapil.  sir  J.  I'KANKLrN,  it  Londres 
Le  capilaine  Graah,  a  Copenhague. 
Le  capilaine  sir. John  Ross,  a  Londres. 


.MM. 
Le  capilaine  G.  Back. 
Le  capilaine  James  Clark  Ross,  a  Lon- 
dres. 


rnris. —  tmpiimrrie  ile  L.  MARTINET, 
riic  Mignoti,  8, 


BULLETIN 

DE     LA 

SOCIETE  DE  GEOGIUPHIE. 


JANVIER   ET   FEVRIER    1855, 


liciiioires,  etc. 


EXTRAIT 
d'une  letthe  de  m.  hekmann  e.  luuewig   a  m.  jomard, 

MEMBRE    UE    l-'lNSTITUT. 


New-York,  23  septeinbte  l854. 

Monsieur, 

Permettez-iuoi  de  vous  injporluner  encore  par 

I'envoi  d'un  de  ces  Iravaux  que  poiirsuit  ma  perseve- 
rance sur  mes  anciens  amis  les  aborigenes  du  Mexique, 
ra^moire  que  je  dois  lire  dans  la  seance  de  notre  Societe 
ethnologiqiie  samedi  prochain,  le  30  de  ce  mois. 

.I'ai  compose  ce  pelil  essai  pendant  les  chaleurs 
excessives  de  cet  ete,  et  il  y  avail  des  seniaines  enti^res 
ou  je  ne  poiivais  proliter  que  de  deux  on  Irois  heures 
de  loisir;  il  ui'a  done  fallii  nn  long  lemps  pour  le  finir. 
J'ai  lache  de  presenter  a  nos  elhnologistes  lesvuesque 
m'ont  suggerees  les  eludes  que  j'avais  enlreprises, 
avanld'enlrer  dans  la  carrieie  de  la  jurisprudence  (I), 

(i)  M.  Heniiniin  V.  Lmlewiy  est  juiiscoiisulle  cotniiie  etait  M.  L)u  ■ 
itonceau,  president  de  la  Sociele  pliilosophique  ame'ricaine  mon 
aiicien  correspondant.  E.-J. 


( « ) 

sur  les  antiquil^s  inexicaines  et  qui  m'ont  occup*^ 
toiites  les  fois  fine  j'avais  rficcasion  d'y  penser.  Je  ne 
sais  pas  si  elles  sont  jiislfs  e\  jo  prie  tnos  amis  litte- 
raires  de  m'inforuier  sur  ci;  polnl-la. 

Je  serais  henreux  que  vous  consentissicz  a  examiner 
ce  travail  el  a  me  dire  ce  que  vous  en  pensez;  el 
corame  j'esp^ro  irouver  plus  lard  une  occasion  de 
conlinuer  mes  eludes,  voire  oinnion,  mieux  que  toule 
autre,  m'lndiquera  la  meilloure  direction  dans  laquelle 
je  pourrai  proceder.  En  1851  el  1852,  j'ai  compose  un 
ou\rai;e  intitule  Literntitre  of  nmerican  aboriginal  lin- 
guisticx ,  doniiunl,  d'apres  Adelunf?,  Vater  el  July 
( professeur  a  Cracovie  ou  a  Lemberg  ),  une  lisle  bi- 
ijliograpliique  des  grammaires  et  voraUulaircs,  publics 
en  plus  de  200  langues  indiennes  de  noire  continent. 
Cette  lisle  forme  un  manuscril  de  plus  de  AGO  pages 
in-l'olio  el  m'a  coute  heaucoup  de  travail  :  je  I'ai 
envoyeo  h  M.July  P'»ur  en  faire  usage  dans  la  nouvelle 
Edition  de  son  ouvrage  qu'il  est  en  train  de  puldier. 

Hermann  E.  Ludewig. 


DE  LHISTOIRE  UES  AliORIGfeNES  DL   MEXIQUE. 

FAB     M.    HEIIMANM     LUDEVVIC.    (l). 

11  n*y  a  pas  de  noms  de  peuplos  plus  familiers  aux  per- 
sonnesqui  sesonlllvreesa  I'etudede  I'liistoire  primitive 
duMexique,que  ceux  desTolleques,  des  Chichin^eques 

(i)   Ce   memoir.',  destine    d'al)oiil  a  la   Sociele  elhiioIo;;i<|ue  cl<-s 
Etats-L'ni-s  a  ete  iraduit  sur  le  manuscritde  I'autcur  aimuel  la  Society 


(  7  ) 
etdes  Azt^ques;  on  relrouve  ces  noms  presque  Achaque 
page  de  cette  histoire.  Et  cependant  mil  d'enlre  ceux 
qui  ont  le  plus  approfondi  cette  6tude,  n'est  en  etat 
de  repondre  d'line  niani^re  satisl'aisanle  a  celle  ques- 
tion:  Quelles  6laienl  ces  nations?  et  quel  veritable 
role  ont-elles  joue  dans  I'liisloire  g^n^rale  du  iVlexique? 

Je  m'adressai  aussi  cette  demande,  il  y  a  quelque 
sepl  ans,  en  esquissant  un  memoire  qui  a  ele  lu, 
en  1840,  a  la  Society  ethnologique  am^ricaine.  Je  pre- 
nais  alors  connaissance  de  plusieurs  des  plus  impor- 
lants  documents  pour  Tethnologie  des  aborigenes  du 
Mexique  el  de  I'Amerique  centrale.  C'est  le  resultat 
des  recherches  que  je  fis  alors  et  que  j'ai  poursuivies 
depuis,  que  je  soumets  niaintenant  a  I'appreciation  du 
public  ;  recherches  qui  ne  sont  qu'un  aper^u  destin^ 
a  servir  do  point  de  depart  a  des  travaux  ulterieurs 
dirig^s  par  des  personnes  plus  versees  dans  la  rhatiere 
et  plus  a  nieme  de  puiser  aux  sources  qu'il  est  indis- 
pensable de  consulter  dans  de  pareiiles  investigations. 

Ce  n'est  point  ici  le  lieu  d'enlrer  dans  le  detail  de 
I'histoire  des  Tolteqties,  ('es  Chichimeques  et  des 
yVzleques  deja  traitee  dans  les  divers  ouvrages  consa- 
cr^s  a  I'histoire  de  I'Amerique.  Qu'il  nous  suIFise  de 
dire  que  suivani  I'opinion  commune,  les  Tolt^ques, 
apr^s  de  longues  migrations,  descendirent  du  nord 
dans  le  territoire  de  I'Anahuac,  en  soumirent  et  civi- 
lisferent  les  habitants  et  les  gouvernerent  durant  plu- 
sieurs sifecles.    De  grandes  calamiles  qui  avaienl  sin- 

hiisse,  bien  entendu,  la  respon-abilite  (Je  ses  assertions  ingenieuses  et 
peut-etre  souvent  hasardees.  On  a  aussi  respecte  la  forme  et  le  style 
de  I'auteur  qui  prend  dans  la  version  frantjaise  une  physionomifl 
parfois  singuliere.  Alfred  Maury. 


(  8  ) 
^ulierement  reduil  leiir  iiombre,  lesforcdreut  d'abaii- 
(lonner  ce  pays.  lis  furent  rcinplaces  quelqiies  annees 
apies  |)ar  une  iialion  sauvage  et  pillarde,  les  Chichi- 
mequesvenus  aussi  du  nord,  el  qui  se  re|)aiidircnl  par 
masses,  au  nombro  de  plusieiirs  millions,  dit-on,  dans 
lij  conlree  devenuc  d(!!serte;  ils  londerenl  un   empire 
qui  lomba  plus  lard  enlre  les  mains  des  Mexicains  ou 
Azteques,  nation    qui,    elle  encoro  ,  etait  emigr^e  du 
nord  dans  I'Anabuac,  et  qui  se  trouvait  en  possession 
du  lenitoire  au   moment  de  I'arrivee   des  Espagnols. 
Ceux-ci    donnerent    au    pays    le   nom    d'empiro   du 
Mexique,  lequel  a  depuis  prevalu.  Ces  trois  jieuples 
venaieul  des  conlrees    fort   eloign^os  dans   le    nord, 
comme  le   conlirment  los  lemoignages   des   bierogly- 
phes  mexicains.  Les  Tolleques  elaient  en   possession 
d'une  ci\ilisalion  rclativemenl  a\ancee  qu'ils  implan- 
lerent  cliez  les  sau\ages  aborigenes  de  TAnabuac.  Les 
Cliicbimeques,  au  contraire,  se  Irouvaient  dans  un  etal 
grossier;  ils  vivaicnt  de  la  chasse  ;  mais  en  se  melant 
aux  debris  du  pcuple  qui  les  avaient  precedes,  et  par 
un  elFet  de  leur  sejour  sous  un  climal  plus  doux,  ils 
se  civiliserenl. 

Les  Azleqnes  ne  paraissent  guere  s'etre  dislingues 
que  par  leur  bravoure,  leur  porlidie  ot  leur  culle  san- 
guinaire.  lis  parlaient,  dit-on,  connne  les  Tolt^ques 
et  les  Cliicbimeques,  une  seule  et  meme  langue ,  a 
savoir  le  nahuatl  ou  mexicain,  que  Ton  appelle  aussi 
I'azteque. 

Tels  sont  les  fails  admis  jus([u'ici,  mais  des  eludes 
plus  critiques  aous  onl  amen6  l\  les  tenir  en  grande 
partie  pour  errones;  ellcs  nous  ont  appris  a  peu  tenir 
comple ,   dans   les   idees  dillercnles   auxquelles  nous 


(  9  ) 
avons  ete  couduils,  ties  imaginations  et  des  fables  d^- 
bilees  par  les  populations  sauvages,  on  lociieillies  par 
la  credulity  des  missionnaires  es[)iignols  et  memo  soii- 
teniies  par  de  soi-disant  arclieologues.   Bernal  Diaz  , 
en  efl'el ,    nous    rapporte    que    I'arriv^e  des   premiers 
Indiens  de  I'Amerique  en  Espagne    donna    roccasion 
aux  savanls  de  ce  pays  de  batir  au  plus  vite  les  plus 
elranges  theories  sur  Torigine  de  ces  peuples;  ot  Ton 
peul  dire   que  Ton  n'a  gu^re    precede  difleremmenl 
depuis  dans  les  memes  Eludes,  et  en  courant  apres  les 
liypollieses  les  plus  eloignees,    les   auteurs  de  ces  re- 
cherches  ont  neglige  la  plus  naturelle  des  suppositions, 
celle  d'une  population  indigene.  Et  des  lors  la  manie 
d'allribuer  a  la  civilisation  aborigene  de  notre  conti- 
nent une  descendance  apostolique  de  I'ancien  monde 
passee  a  I'etat  incurable,    pendant    plusieurs   si^cles, 
nous  a  valu  I'hisloirc  imaginaire  des  emigrations  ©pu- 
rees par  des  millions  d'bommes   du   continent  asia- 
tique  sur  la  cote  glac^e  de  I'Amerique  russe,  a  travers 
les  lorets  impenetrables  de  I'Oregon,  les  plaines  d6- 
sertes  et  steriles  d'Llab  el  du  nouveau  Mexique.  C'esl 
dans  ces    deserts   que   les  millions  d'emigrants   ont, 
dit-on,  conslruit  plusieurs  villes,  les  Casus  grandes  des 
bords  des  Rios  Colorado,  Gila,  et  Chihuahua  dont  les 
mines  sent  encore  visibles  el  prouveraienl,  si  i'on  en 
crojail  les   traditions  rapportees  ci-dessus,   que  plus 
heuroux  que   les  voyageurs  modernes  qui    ont  vaine- 
ment   tente  de    traverser  ces  solitudes,    les  emigrants 
asiatiques  trouverent  la  une  vie  abondanle  et  Facile,  et 
^leverent  des  monuments  destines  a  perpeluer  ou  leur 
mauvais  gout   ou   leur    folic.    Heureusemenl  des  de- 
cou\erles  geographiques  failesdans  ces  derni^res  an- 


(  10  ) 
iiees,  nous  ont  doting  des  idoes  plus  raisonnables,  el 
personne  nc  pourrait  |)lus  sorieusemont  odinellre 
aujourd'luii  que  des  millions  de  Cliichim^ques  erre- 
roul  a  travel's  one  contr^e  ou,  pour  nous  seivir  des 
paroles  do  Kit  Carson,  veritable  connnisseur  dn  pays, 
un  loup  nieine  niourrait  de  (aim. 

C'est  soulemeiit  depuis  pen  que  la  crilique  liisto- 
rique  a  commence  a  jeler  quolque  luniiere  sur  I'his- 
toire  des  aborigenes  de  I'Einpire  mexicain  et  la  manifere 
dont  s'esl  peupl^  cot  empire.  Feu  noire  honorable 
president,  Albert  Gallatin,  dans  ses  Notices  sur  /cs 
nations  detni-civilisees  dit  Mexiqiie,  nous  a  presenle  un 
aper^u  trace  de  main  de  mallre,  des  tradiiicms  toll^- 
ques,  cliichim^ques  el  azt^ques,  sur  leur  dogr6  de 
probability  et  d'invraisomblance ;  d'un  autre  edit'?, 
M.  I'abbe  Brasseur,  de  B^urbourg,  a  rtH.emment  lente 
dans  ses  qualre  lettres  pour  servir  tC introduction  a  Ihis- 
toitv  des  aborigenes  du  Mexique,  de  combiner  les  tra- 
ditions liisloriques  de  I'Amerique  centralc  avcc  celles 
du  Mexique  :  c'esl  la  assur^nient  un  grand  pas  de  fait 
dans  la  bonne  voie.  Cet  ^crivain  a  montre  que  les 
Tolteques  venaient  plutol  du  su  I  que  du  nord,  et  que 
les  jirovinces  du  Yucatan,  <le  Cliiapas  et  de  Guatemala 
ont  ete  le  berceau  de  leur  civilisation.  Malheureuse- 
nient  il  a  e.ssaye  de  laire  remontei  celle  civilisation  a 
I'ancien  monde,  an  lieu  de  lui  reconnallre  une  ori- 
gine  autoclillione.  L'abbe  Brasseur  qui  consid6re  les 
Quichel  de  Guatemala  el  les  Cbichinieques  comme 
uiiis  par  une  parenle  ^troile,  explique  ce  dernier 
nom  par  les  mots  quiche-mecatl,  c*est-a-dirc  confedera- 
tion Quicbet.  II  compte  quatre  p^riodes  pour  le  grand 
empire  cbicliim^quc,  k  savoir  :  la  periode  chane-fiiiche. 


( 11 ) 

duranl  laqiielle  Volaii  et  ses  successeurs  les  Votanides 
Iransplant^rent  la  rivilisation  liehraique  dans  les 
deserts  du  Yucatan,  du  Chiapas;  la  p^riode  Tiilkn- 
Ulmeca  durant  laquelle  regna  la  dynaslie  du  second 
Votan,  c'est-a-dire  les  Tolleques;  la  p6riode  Cholnllane 
duranl  laquolle  cette  dyiiastie  tomba  en  decadence  et 
finit  par  disparaiire;  enfin,  la  p^riode  guatitnalleco- 
mexicaine  qui  fut  marquee  par  I'invasion  des  tribus 
sauvages  du  nord  dans  loul  I'cmpire  Quiche -Tullcca, 
el  dans  Ic  cours  de  laquelle  les  IVlexicains  parvinrent, 
a  force  de  cruaute  et  de  Irahisons,  i  la  superiorile  et 
au  pouvoir  donl  ils  etaient  en  possession  a  I'arrivee 
des  conqu(^rants  espagnols.  II  y  a  beauroup  de  vrai- 
semblanoe,  je  cvois,  dans  les  vues  de  cp  savant  eccl6- 
siaslique,  toutefois  son  travail  parait  cc)ntenir  trop  de 
cos  donnees  ni\  lliologiques  ol  elhnologiques,  qui  lui 
onlevent  |)resque  aulant  de  valeur  qu'aux  vieux  liisto- 
riaflores  espagnols.  II  ne  peut  y  avoir  de  doute  qu'au 
fond  de  toutes  ces  fictions  et  de  ces  iuiaginalions  doivent 
so  cacher  des  fails  qui,  si  on  les  pouvait  debarrasser 
des  fables  indiennes  qui  s'y  sonl  melees,  et  les  r^duire 
a  leurs  plus  siiii|iles  lermes ,  deviendraient  intel- 
ligibles  a  lout  le  monde;  mais  I'archeologie  conqiar^e 
ne  nous  doune  pas  les  moyens  d'operer  celte  separa- 
tion. EUe  6gare  le  Iravailleur  dans  un  labyrinthe  de 
l^tnoignages  grecs,  hebreux,  egypliens  et  pheniciens, 
au  milieu  duquel  il  perd,  non-seulement  la  veritable 
direction  de  ses  recherclies ,  mais  encore  le  d^sir 
d'avancer  davantage. 

Je  ne  crois  pas,  du  roste.  que  Ton  puisse,  dans  la 
recherche  qui  nous  occupe,  lirer  un  profit  r^el  de 
I'etudede  I'archeologie  de  I'ancien  monde.  Saus  doutd 


(  12  ) 
si  1  Aiuti'iquo  avail  etc  conmie  ilu  vieux  coulineul 
il  eiil  ^te  ingiat  vu  hicii  orgueillcux  de  la  pari  de 
celui-ci  d'oublier  si  lotalement  el  do  perdie  do  \uo  a  ce 
point  I'autre,  qii'il  s'est  vu  I'orci!  de  ledecouvrir  mieUjue 
qnalorzo  conls  on  quelque  deux  millc  ans  plus  lard. 
Pourquoi  apres  ccla  rocourir  a  dcs  cuiigies  cliasses 
de  leur  pays  el  oubliesPPourtpioi  poursuivre  a  Iravi-is 
des  Luilliers  de  fails  quelques  larcs  analogies  sans  va- 
leur  d'applicaliou  ?  Notre  noble  conlinent  est  assez 
vaste  et  assez  vieux  pour  avoir  son  arclieologio  a  lui, 
el  los  nialeriaux  de  cello  archeologie  ne  le  cedent  point 
en  inleret  a  ceux  de  I'ancien  nionde ,  lorsqu'on  les 
envisage  d'un  point  de  vue  auiericaiu  et  non  a  iravers 
les  prejuges  lilleraires  de  I'archeologie  europeenuc. 
Comnien^ons  par  reunir  les  materia ux  de  noire  propre 
archeologie,  souinellons-les  a  une  analyse  critique 
et  un  ordre  methodiquc  en  prenant  seulement  pour 
guides  les  principes  que  nous  fournit  I'liisloire  nalu- 
relle  de  I'lionime  qui,  a  peu  d'exceplions  pros,  de- 
meurent  les  in6mes  pour  tons  les  leinps  el  lous  les 
pays;  et  quand  nous  y  aurons  relrouve  Ic  veritable 
caraclere  des  liens  qui  unissent,  et  onl  loujours  uni 
les  homines  el  qui  les  unironl  elernellemenl,  alors 
nous  pourrons  jeler  les  yeux  autourde  nous,  et  orner 
la  capitale  donl  nous  nous  serons  rendus  maltres,  avec 
les  fleurs  (jue  des  etudes  comparees  nous  onl  permis 
de  cueillir  dans  les  jardins  plus  riches  el  mieux  cul- 
lives  de  i'ancien  monde.  En  sui\anl  la  marche  qui 
vienl  d'etre  indiquee  dans  lebut  d'obtenir  une  reponse 
aux  questions  que  je  me  suis  posees  d'abord,  on  est 
conduit  a  admellre  que  TAmerique  cenlrale  el  le 
Mexique  elaient  au  nombre  descontrees  les  plus  riches 


(l:i  ) 

(le  la  terro,  qu'elles  avaiiMit  une  noinbreuse  popula- 
tion indigene,  laqiiello  demeura  dans  «n  elal  floiis- 
sanl  pendanl  une  longue  periode ;  que  cello  popu- 
lation passa  par  tous  les  degres  inlermediaires  de 
societes  humaines  religieuse  el  polilique,  avant  d'ar- 
river  a  une  condition  politicjue,  resserree  par  un  lien 
plus  etroit,  sous  I'influence  de  quelque  chef  sacerdotal 
ou  niililairo  dans  la  lamille  duijuel  le  pouvoir  devint 
h^reditaire. 

La  tranquille  exislence  de  pareilles  populations  dans 
leur  elat  primitif  de  honheur  ne  saurait  allirer  beau- 
coup  I'allentionde  I'liistorien,  qui  ne  s'attache  qu'aux 
agitations  de  la  guerre  et  aux  consequences  de  la  tyran- 
nie  donl  esl  troublee  la  paisible  existence  des  peuj)les 
au  bonheur  desquels  on  peut  bien  appliquer  I'adage: 
bene  qui  latiiit,  bene  vixit. 

Nous  renconlrons  en  ellet  a  loutes  les  epoques  de 
riiistoire  du  Mexique,  telle  que  la  tradition  nous  I'a 
conservee,  une  population  aborigene  sur  laquelle  les 
tribus  envaliissantes  exercent  leur  oj)pression.  Cette 
bistoire  vraie,  pour  le  fond,  ne  s'occiipe  que  peu  de  ces 
aborigines,  etmemesouvenl  les  neglige  completenient, 
el  n'a  que  des  eloges  pour  leuis  oppresseurs,  qui,  par 
un  effet  de  I'eloigneinent  auquel  ils  apparaissent  dans 
le  temps,  sont  ordinairement  grandis  aux  proportions 
de  grants  ou  de  heros,  el  nienie  a  la  fin  transforines 
en  dieux.  — Deux  nations  se  distinguenl  enlre  les  po- 
pulations aborigines  du  Mexique  el  de  I'AuKirique 
centrale,  a  savoir  :  les  (Jiiic/ie  de  I'Amerique  cenlrale, 
et  les  Nahuatl  du  Mexique.  L'une  et  I'autre  compre- 
naient  un  certain  nombre  de  tribus  parlant  des  langues 
legerenienl  diff^rentes;  circonstance  qui  nous  montre 


(  l/l ) 

qu'elles  elalenl  issues  d'une  nieme  souche.  J'ai  deja 
eu  riionneur,  dans  un  travail  In  i\  la  Sociele  etlmolo- 
gique,  d'appeler  I'aUenlion  cle  cette  Compagnie  sur 
I'exihlence  de  nombreuses  Iranslorinations  ct  do  clian- 
gemenls  arbilmires  (ju'dOViTit  Ics  ianj^ues  de.->  ualions 
tlu  nouveau  uiondc,  usage  naliirel  ot  uiuverst;!  cUei 
toules  les  Iribus  errautes  al)origem.'s  du  lAm^rique, 
mais  qui  n'alt^re  pas  cependant  le  caraclere  g^iierique 
de  ces  languc-s.  II  osl  ais6  de  reconnailre  qu'elles  ap- 
parliennenl  a  uoe  seule  et  m^iiie  fannlle.  Les  langues 
niaya,  quiche  el  Isendal  [celiial]  prcsentenl  celte  ailinit^ 
commune,  et  ^laient  pariees  ainsi  que  plusieurs  aulres 
dans  les  paysquenous  appdons  mainlenant  Yucatan, 
Chiapas  et  Guaten)ala.  De  ces  trois  langues,  le  maja 
etait  ceitainement  la  plus  cuiliv^e  et  est,  en  conse- 
quence, celh  qui  a  le  plus  altire  lallention  et  I'elude 
des  Espagnols.  Le  caraclere  de  la  plus  haute  antiquile 
est  empreiut  sur  ces  idiouies.  Joints  aux  teinoignages 
que  nous  fournissent  toules  les  sources  de  I'hisloire 
des  aborigenes  de  I'Amerique,  ils  nous  administrent  la 
preuve  que  la  civilisation  de  la  partie  cenlrale  de  ce 
continent  elait  la  plus  ancienne,  et  qu'ainsi,  comme 
c'est  la  loi  ordinaire ,  la  civilisation  a  suivi  dans  le 
nouveau  monde  ladiieclion  du  sud  au  nurd.  Le  climat 
propre  a  I'Amerique  cenlrale  lit  miirir  plus  lot  les 
Iruils  de  la  civilisation  dans  le  Mexique  t>eptentiional, 
qui  cependanl  une  itiis  en  possession  de  ce  bienfait, 
prit  un  developpemenl  plus  rapide  et  plus  vigoureux. 
11  n'esl  point  ici  n6cessaire  d'enlrer  dans  les  details 
que  la  tradition  nous  a  rapport^s  sur  I'hisloire  des 
premiers  chefs  quiches.  Les  modernes  historiens  de 
TAm^rique  cenlrale  les  ont  d^sign^s  sous  le  noin   de 


(  15  ) 
Votanides  et  onl  rapporte,  sur  leur  pr^lendue  origine 
Iransatlanlique,  les  fables  les  plus  ridicules.  C'esl  a 
cette  caste  des  Votanides  que  paraissent  avoir  appar- 
lonu  cesTolt^ques  des  liisloriens  mexicains.  M.  I'abbti 
Brasseur  a  receiument  etabli  que  iesToltetpies  elaient 
venus  do  sud,  et  il  est  Ir^s  vraisemblable  qu'ils  etaieut 
sortis  de  Tulka  qui  occupalt  1 'emplacement  de  rOco- 
singo  actuel.  Les  diets  ou  caciques  de  cette  ville  peu- 
venl  avoir  appartenu  a  la  famille  Tul,  dont  les  derniers 
membres  sont  bien  connus  sous  le  nom  de  Tutuls 
{Xiu)i  et  Cobox).  lis  faisaient  sans  aucun  doute  partie 
de  la  noblesse  quiclie  et,  si  Ton  en  croit  la  tradition 
consignee  dans  le  Codex  Gondra,  citee  par  I'abbe  Bras- 
seur dans  sa  seconde  lettre,  le  meurtre  du  dernier 
descendant  de  la  dynastie  regnanle  de  Tulha,  enfant 
uiineur ,  excila  un  souievement  populaix'e  et  fut 
la  cause  de  leur  emigration.  lis  quitlerent  TuUia  en 
deux  corps  separes;  I'un  sous  la  conduite  de  Xelhua 
est  dit  s'^tre  rendu  dans  un  pays  appele  ISonohualco, 
et  I'autre,  queiques  annees  apr^s,  sous  celle  de  Jeyxco- 
huall,  emigra,  dit-on,  dans  I'Anahuac  ou  ils  soumirent 
les  Lllmekas  et  les  Xicalancos,  et  fond^renl  I'empire 
Tul  ou,  suivantla  forme  de  flexion  nahuatle,  Tolt^que 
(Toltek).  Cesdeux  chefs  |)arlirent  avec  toute  leur  suite, 
et  Ton  peul  inferer  de  la  tradition  etdes  peinlures  ideo- 
grapbiques,  que  la  troupe  conduite  par  Jeyxcobuatl 
effectuu  d'abord  une  portion  de  son  voyage  par  eau  ; 
ils  arrivtrent  a  un  point  nord-est  de  la  vallee  de  Mexico 
et  se  repandirent  de  la  dans  le  pays  ou  ils  fixerent 
leur  demeure.  II  est  clair  que  la  migration  de  ces  chefs 
s'etail  operee  dans  la  direclion  des  lieux  inconnus  et, 
par  consequent,  non  p^s  vers  le  sud,  qui  6tail  sous  la 


(1(5) 

domination  de   leurs  dominateiirs.    Le  voyage  qu'ils 
firent  par  eau  doit  avoir  eu  lieu  sur  les  rivi6res  qui  se 
jettent  dans  le  golfe  du  Mexique  et  alors  probabloment 
leur  itin^raire  fut  le  golfe  jusqu'a  la  lagune  cle  Tam- 
pico   ou  Tainiaqua,    ou    ils  paraissent  s'6lre  d'abord 
arrel^s  el  dou  ils  pcuvent  avoir  ensuite  remonte  la 
riviere  Tula,  qui   plus  tard,  dans  la  partie  inferieure 
de  fon  cours,  prfes  de  la  rivifere  Panuco,  a  rccu  le  noni 
de  Rio  Montezuma.  lis  renconlrerent  la  des  populations 
parlant  la  langue  nahuatle,  et  comme  la  tradition  nous 
dit  fonnellemenl  qu'ils  chang^rent  aussi  leur  langue, 
nous  ])ouvons   considerer  conime   certain  qu'a   leur 
arriv^o  dans  I'Anahuac  ,   les  Tululxiulis  adopt^rent  la 
langue  nabualle,  et  en  possession  qu'ils  elaienl  de  divers 
arts  et  de  divers  metiers,  ils  les  enseign^rent  aux  tri- 
bus  aborigines  sur  lesquelles   ils  ne  tardfereiit  pas  a 
acquerir  de  I'ascendant.   Nous   ne  savons  pas  exacto- 
ment  oii  se  trouvait  plac6  Nonohualco,    qui  est  cer- 
tainement  le   No/ino^'ol  de  la    chronique  Maya  et  le 
ISo/inial  de  Lizana,  mais  nous  dcvons  le  cliercher  dans 
les  provinces  m^ridionales  du  Mexique.   Les  Tutuls 
6migrerent,    conduits    par  Xelhua,   a  Nonohualco   et 
exercerent  vraisemblablement  la  meme  influence  sur 
les  populations  aborigenes  du  pays ;  car  nous  trouvons 
les  nations  dc  I'Anahuac  reduites  sous  la  domination 
des  Tutuls  ou  Tolleques  appel^s  Quicheniecatl  o\x  Chi- 
chimccatl,   parce    qu'ils   ^taient  allies    aux    Quiche. 
Ainsi,  rEm|)ire  chichim^que  ne  s'olTre  a  nous  comuie 
n'etanl  autre  que  I'cnipire  des  peuples  allii^sdesQuiclie. 
Cettc  elymologie  du  nom  de  Chichim^ques  nous  parall 
bien  la  plus  naturelle,  et  fort  pr6f(irable  a  celle  beau- 
coup  plus  forcee  par  laquelle  on  fait  d^river  ce  noiii 


(  17  ) 

des  mots  Techichinany,  Chicken,  Chichi  ou  Chichiini , 
rapporles  par  Torquemada,  Alva,  Betancourt  et,  der- 
iiierement  encore,  par  Buschmann.  En  eftet,  sous  le 
nom   de   Chichiinecall  ,   pris   dans   son   sens   le   plus 
general,  on  entendait  une  tribu   ou  une  nation   non 
divisee  parlant  une  langue  particuliere.   Lcs  NahuatI, 
les  Otomies  et  les  tribus  sauvages  du  nord,  si  toute- 
fois    elles    etaient    souniises    aux  Tolteques,    etaient 
aussi  comprises  sous  ce  nom.  Et  la  preuve  c'est  que  le 
petit  nombre  d'Indiens  qui  liabitenl  encore  (]uel([ues 
provinces  de  la   republique   du  Mexique  (Queretaro, 
San-Luis,  Polosi,   Guanaxuato  ,  et  M^choacan)  s'ap- 
pellent   Chichimeques ;  ce  qui  n'est  pas  cependant   un 
indice  d'une  origine  commune.   De  plus  nous  Irou- 
vons  qu'au  temps  de  la  fondalion  de  I'empire  Chichi- 
m^que ,    I'antique    empire    Quiche    s'appelait    Nima- 
quiche,  c'est-a-dire  le  grand   Quiche,  denomination 
qui  n'aurait  pas  eu  de  raison  d'etre,  si  un  empire  sem« 
blable  et  cerlainement  plus  puissant  avait  ete  fonde  a 
cote  de  I'empire  Quiche  priniitif;  enfin,  ajoutons  que 
le  Codex  Goiulra,  deja    cite,  en  parlant  de  la  double 
Emigration  des  chets  de Tulha, les  appelle Chichimeques 
pour  indiquer  qu'ils  etaienl  allies  a  la  famille  Quiche. 
Get  empire  Quichemecall  ne  tarda  pas,  sous  le  gouver- 
nement  des  chefs  de  Tulha  ou  Tululxiuh,  a  devenir 
plus  puissant  que  I'empire  primitif.  La  tradition  his- 
torique    nous   rapporte   qu'il    etait    fort  peupl(!! ,    que 
chaque  parcelle   de    terrain   daiih  la   vallee  de  Mexico 
etail   cultivee    et    que  ses   souverains  porterent    leur 
domination  sur  une  vaste  Etendue  de  pays.  On  ne  sau- 
ralt  supposer  cependant   que   leur  auloritt^   f'lU   d'uii 
joug  facile  el  leger  pour  les  nations  qui  leur  elaiont 

IX.    JANVIJ'R  KT   FiVRIEK.    2.  "2 


(  18  ) 
fouiiiises.  L^  vieux  systfeine  do  In  distinclion  en  serfs 
et  en  trois  classes  de  noblesse,  hqiicl  prevalul  ;iussi 
dans  I'enipiie  Quiche,  el  oil  les  Caciques,  les  Aliaus 
et  les  Calpullis  s'engraissaieut  des  sueurs  des  tra- 
vailleurs  ,  sc  conlinua  ceriainemenl  dims  I'einpire 
Tollequo;  il  peut  avoir  ele  linalemeiil  la  cause  de  ce 
lu^conlenlenarnt  et  de  celle  insurrecUonpopulairoqui, 
couinie  la  iradilion  nous  parlo  d'une  {;iande  famine 
ft  d'une  grande  s^cheresse,  auront  el^  vraisenihla- 
hlemenl  amends  par  uno  calamite  du  meine  genre,  et 
se  seront  lern)ines  par  le  renversement  de  leurs  or- 
gneillcux  souverains  et  de  lours  adherents  qui  furent 
disperses  en  dilT^rcnles  direcliuns.  On  comprend  fuci- 
lonient  qu'un  empire  aussi  puissanl  que  cehii  des  an- 
ciens  souverains  de  Tulha  reposaiit,  ainsi  quo  ions  les 
premiers  gouvcrnemcnls  aborigines,  suruiie  large  base 
arislocralique,  ne  pouvail  pas  elreddlruil  on  un  courl 
esj)ace  de  lenq)s;  il  doit  s'elro  ecoule  plusieurs  anneps 
avant  que  les  discordes  intestines  enire  les  oppres- 
seurs  et  les  opprimes  aient  eu  une  lorminaison  ,  el 
Ton  ne  peut  douter  que  les  infortunes  Maceguals  ou 
Ma}et|ues,  les  serfs  de  cet  Empire,  n'aionl  ele  soule- 
n us  par  les  Iribus  sauvages  du  nord ,  lesquelles,  ou 
furonl  appelees  au  sccours  des  opprimes,  ou  vinreut 
do  leur  propre  mouvement,  appronanlle  peril del'elal 
quileslenaitdans  unedure  sujetion,el  informesqu'elles 
pourraienl  r^nssir  dans  uno  expedition  conlre  lui.  Tels 
onl  6t6,  je  su|)pose,  la  cause  et  le  but  du  grand  mouvo- 
ment  quo  la  tradition  communo  ddsigne  sous  le  noui 
de  migration  cliichimeque,  et  qui  est  le  premier  sou- 
lavement  des  peuplos  opprimes  dont  I'liisloire  du 
Mftxique  elde  I'Amt^rique  centrale  fasse  mention.  Tous 


(  '9 ) 

les  (lelalis  do  la  tradition  relalivo  a  col  evenemont 
nous  am^nent  a  croire  que  les  plus  luunhlos  classes 
de  I'empire  Tolteque  eurent  aussi  leur  lour,  et  la 
descendance  de  Xololl,  attril>u^e  aux  Cliicbinieques, 
moiilre  clairenienl  leur  |  osilion  et  les  elements  dont 
ils  se  composaienl,  En  efl'el ,  on  rapporte  que  Xoiotl 
ful  le  herosqui,  lorsque  ses  freres,  les  enfants  de  i'air, 
eur(Mil  besoin  de  servileurs,  desceiidil  aux  enfers  et 
en  rap|)orla  I'os  qui,  brise  et  arrose  de  sang,  donna 
naissance  aux  servileurs.  Ceile  tradition  sur  Xololl 
renferme,  sans  conlredit,  un  sens  profond,  et  nionlre 
sous  des  coulours  symbollquos,  qui  n'onl  point  ^te 
assez  reinarquees,  los  proj^r^s  el  le  devoloppemcnt  de 
la  population  auparavant  opprimee.  Cel  os  scu  li  de 
I'obsourile  et  qui  enfanta  dos  serfs,  aprt;s  avoir  el6 
arrose  de  sang,  veul  dire  que  les  peuples  sauvages 
furent  souniis  par  des  oppresseurs  sangiiinaires,  n)ais 
ils  etaient  plong^s  dans  les  lenebres  de  la  vie  sauvage, 
leurs  yeux  ne  pouvaient  eire  ouverls  a  la  luniiere  et 
un  lermo  ne  devaitetre  appi)rl(!!  aux  sonirrances  (ju'ils 
enduraient  de  la  part  de  leurs  oppresseurs,  qu'apres 
une  lutte  prolong«^o.  L'oracle  annoncait  aux  lieros 
qu'ils  devaienl  perir  d6s  (jue  celte  lumiere  serail  nja- 
nifestee  et  c'est  ce  qui  arriva  en  eflVt;  mais  avanl  de 
perir,  ils  l^guerent  leurs  velements  a  leurs  servileurs. 
Les  opj)rimes  tuerent  done  leurs  oppresseurs,  et  se 
sul>slituerent  bardiment  a  leur  place;  la  couronne  el 
la  pourpre  royale  leur  I'urent  Iransferes,  et  les  Cliicbi- 
nieques, jadis  plonges  dans  la  barbaric  et  I'oppression, 
nionterent  sur  le  irone  de  leiu's  orgueilleux  raailres. 
Rien  ne  s'offre  avec  un  plus  grand  degre  d'evidence  et 
plus    nalurelleuient.    D'abord     la    tradition    relative 


(  20  ) 

a  Xolotl  nous  rapjiorto  qu'il  se  nielaiiiorphosa  lors- 
qu'il  lut  persecute  par  le  dieu  de  I'air,  en  ces 
trois  divinit^s  qu'adorait  le  peuple  :  le  Mais  [Ao/utl), 
Je  Maguey  {  Mexo/otl  )  et  Ic  poisson  { <4:voIot/ ) ,  el 
cependant  il  finil  par  etre  souinis;  ensuite  presque 
toutes  les  aulrcs  traditions  nous  indiquent  riunnble 
origine  dts  Chichimeques,  el  cette  origine  est  qua- 
lifi^e  de  cidcomoston ,  mot  qui  \eut  dire  les  sept 
cavernes.  Les  cavernes  ropresontent  les  habitations 
des  serfs  ou  artisans;  lesquelies  sonl  construites  dans 
les  carnpagnes,  avec  des  roseaux  et  des  feuilles ;  raais 
elks  conslituaicnt  dans  les  villes  les  Stages  inf^rieurs 
de  ces  vastes  Edifices,  qui  rappellent,  par  leur  disposi- 
tion ext^rieure,  I'organisalion  leodale  du  moyen  cige, 
si  souvenl  comparee  a  une  pyraniide  au  somniet  de 
laquelle  residait  le  seigneur  suzerain.  Dans  ces  edifices, 
le  seigneur  occupail  I'elage  sup^rieur  et  scs  vasseaux 
les  elages  inl'erieurs,  dans  I'ordre  de  leur  rang  jus- 
qu'aux  serviteurs  les  plus  inlimes  qui  demeuraient 
sur  les  dernieres ,  les  plus  basses,  les  plus  sombres  et 
les  plus  humitles  assises  de  ce  palais  pyramidal.  Dans 
les  provinces  septenlrionales  ou  regnait  plus  d'egalil6 
sociale  ,  les  diflerenls  quartiers  d'une  ni6nie  ville 
s'appelaient  cavernes,  et  la  fameuse  Cibola  que  fonda 
Vasquez  Coronado,  6lait  divisee  en  sept  cavernes  ou 
communaules. 

Non-seulement  ces  faits,  mais  encore  les  masses 
nombreuses  dans  lesquelies  on  dit  que  les  Chichimeques 
^migrerenl,  nous  monlront  que  I'^ruption  de  ces  peu- 
ples,  ou  que  la  lutte  qu'ils  soutinrent  avait  un  carac- 
tere  populaire  et  etait  due  aux  classes  inli^rieures.  Car 
on  ne  voit  mcntionn^s  dans  nnlles  autres  traditions, 


(  2'l  ) 
les  lioniines,  les  temiiies  ct  Ips  enlants  ilu  peiiple,  Un 
million  meine  de  ses  inembres  attii'e  moins  Faltenlion 
qu'un  seiil  rcjeton  de  la  noblesse,  et  ils  semblent 
n'elre  fails  que  pour  servir  a  celle  caste  d'esclaves  et 
pour  la  nieltre  en  relief. 

L'insurrection  des  Cbicliim^ques  futun  mouvement 
irresistible  de  la  masse  du  peuple  auquel  la  noblesse 
ne  peul  rien  opposer,  et  des-lors  il  valait  la  peine  de 
la  menlionner  ici  surtout,  puisque  les  insurges  s'em- 
parerent  du  trone  de  leurs  anciens  mallres.  11  n'est 
point  hors  de  pro|)os  de  remarquer  encore  que  la  nou- 
velle  dynaslie  inonlra,  par  son  noni  mfime  de  Cbiclii- 
meque ,  son  origine  populaire.  Car  il  no  pouvait  en 
subsliluer  un  a  leur  noni  ile  famille  Tid  ou  Tiitnl  el, 
quoique  les  principaux  cliefs  de  ce  nouvel  empire  po- 
pulaire fussent  certainemenl  Otomies,  c'est-a-dirc  de 
la  nation  la  plus  voisine  des  Nahuatl ,  le  peuple  fiit 
d^signe  parune  appellation  qui  rappelait  la  commune 
oppression,  et  cette  designation  continua  d'etre  prefe- 
ree  a  celle  qu'aurait  fourni  Ic  nom  de  I'une  ou  I'autre 
des  nations  ou  des  tribus  dont  se  forma  le  nouvel  em- 
pire Cbichimequc.  Nous  avons  deja  dil  que  les  Cbi- 
cbimequesn'avaient  pas  de  langue  qui  leur  ful  propre. 
Les  Toltfeques,  qui  soumirent  les  premiers  I'Anabuac, 
adopterent  pour  langue  le  nabuati ,  et  elendirenl  leur 
domination  sur  les  tribus  voisines  vivant  dans  un 
etat  comparativement  sauvage ,  principalemcnl  sur 
les  Otomies.  Lors  de  la  revolution  oper^e  pnr  les  Ma- 
ceguals,  ces  triluis  sauvages  du  nord  s'approcberont 
du  Mexique  proprernent  dil,  et  comme  clles  conti- 
nuerent  a  faire  usage  de  leurs  idiomes  respeclifs,  il  eu 
resulta  de  si  grands  embarras  que  bienlot  apres,   le 


(  '^'^  ) 

gouverneineiil  di'  TAnahnac  ayanl  |)ris  line  lorme 
plus  ri^guli^rc,  I'elablissemen'  d'une  laiigue  odicielle 
devint  do  jour  en  jour  plus  imcossaire,  L'empereur 
Tecliollalal/.in,  Ills  de  Quinantziii ,  doima  en  consc- 
quLiico  Tordre  quu  ie  naliuall,  qui  elait  la  ian,i;ue  pre- 
tloiniiiante  sous  I'eiupiri'  Tolle(|Ui'  et  doiil  on  se  servall 
non-seulenuMil  poui  les  desifiiialions  gec)pra|)liiques, 
uiais  encore  dans  rinterprelalion  des  liierogU  plies 
et  des  peinlures  idiographiques  naliualls,  frtt  adople 
par  les  (lliichiin^ques  «'t  plus  j)articuliereinent  par 
tous  les  officiers  du  sjouvernoinent.  Cet  ordre  s'exe- 
cuta  sans  grande  dilliculli^,  coinme  nous  rapproiid 
Ixtlilxochlll,  a  raisou  di'  rafllnile  ^Iroile  qui  existail 
entre  les  Cliichime(|ues  el  les  pi  eniiers  liabilants  de 
I'Analiuac  que  eel  ecrivain  designe  sous  le  nom  de 
Tolteques. 

La  cause  pour  laqiielle  les  Tolleques  et  les  Cliiclii- 
nieques  pailaienl  une  seul  et  memo  langue,  le  uahuatl, 
apparait  ainsi  avec  evidence.  Les  nations  qui  parlaieiit 
le  nahuall  et  qui  habitaiciil  TAnaliuac  etaient  assez. 
nombreuses  el  avaienl  assez  d'imporlance  pour  con- 
server  lenr  pi'opre  idiome  sous  la  dynaslio  Tululxiuli 
dont  les  uiembres,  par  uu  niolit' de  prudence,  I'adoj)- 
lerent  aussi,  au  lieu  de  garder  leur  langue  m^re,  le 
quiche;  et  celte  langue  demeura  en  usage  sous  les 
cliels  olomies  qui,  apr^s  avoir  reiiverse  les  Tolleques, 
prirent  possession  du  trone  imperial  et  durent  nalu- 
rellemeul  conserver  une  langue  qui  elait  devenue 
oflicielle. 

De  m6nie  que  I'empire  Quiche  qui  so  divisait  en 
irois  royaumes.  Quiche,  Rachi(iui,'l  el  Zutugil,  I'em- 
pire  populaire  Quicliemecall  se  divisa  aussi  en  trois, 


(  23  ) 
Tezcuco,  Mexico,  el  Teacopan;  et  ile  ni6mc  que 
le  roi  des  Quiches  etait  Ic  chd'  de  ces  Irois  empires 
et  portait  pour  ce  motil'  le  noai  de  Niuiaciuiche,  le  roi 
de  Tezcuco  rogut  le  i>om  de  Chichimecatl  TecuhUi, 
en  quality  de  chef  de  tout  I'euipire.  Les  Clncliime- 
catl  Tecuhtli  etaient,  aiiisi  que  je  I'ai  deja  observe, 
Otomies  et,  cornmc  nouvelli^  preuve  de  ce  fait,  on  doit 
rapj^elerque  le  grand  Nelzaliualcoyotzin  coinposa  des 
poeuies  en  oloini,  langue  qui,  coinme  le  reniarqiie 
Cranado.s  y  Galvez  dans  ses  Tardes  ainericaiins,  elait 
pour  lui  malernelle. 

La  branclie  olomie  des  Cliichinieques  ne  put  tou- 
jours  hitter  avec  la  hravouie  et  les  intrigues  des  Mexi- 
cains,  donl  Mocleuhzoma  (Montezuma)  parvint  a  saisil- 
le  gouvernement ;  il  s'euipara  aussi  de  I'autorite  deS 
rois  de  Mexico,  qui  occiqiaienl  le  second  rang  en  puis- 
sance parmi  les  chefs  de  la  grande  nation  chichinifeque. 

Ces  Mexicains  que  les  Espagnols  trouverent  en  pos- 
session de  rautoril(i  supreme  dans  I'ancien  empire 
chichimeque,  et  dont  des  lors  la  moderne  denomina- 
tion d'Anahuan  est  deriv^e,  out  allire  surtout  I'atten- 
tidh  dans  les  reclierches  enlreprises  sor  les  aborigines 
du  Mexique,  el  cependant  leur  histoire  primitive  de- 
meure  entoufee  d'aillaid  d'obscurile  que  par  le  pass6. 

On  a(hnet  generalemeiil  qu'ils  apparlenaient  aux 
iribus  nahualiac  et  qu'ils  i)arlaient  le  nahuall.  L'opi- 
nion  regue  est  qu'ils  s'a|jpelaient  dans  le  princi[)e 
Azl^ques  et  qu'ils  arriv^rent  a[)res  de  longues  migra- 
lioils  d'une  contree  fort  eloignee  au  nord,  nommee 
Azllan  ou  Allan.  C'est  ce  qui  ressort  des  peinluros 
hi6roglyphiques  dor\t  la  tiadilion  nous  a  donne  Tex- 
plicalion,  assertions  encore  plus  imaginairesque  cellcs 


(  24  ) 

qui  sont  relatives  aux  emigres  venus  de  Tullia  ou 
Amaquemocan,  On  a  serieiiscment  avanc^  que  Aztlan 
elail  situe  au  iioid  du  golfe  de  Calilovnic,  ct  infenit; 
quelques-uiis  I'onl  plac6  en  Asia,  et  les  ruinesdes  bords 
desRios  Colorado,  GiiaelCliiliuahua  ont  ele  presentees 
Loninie  les  denieures  des  Azteques. 

J'ai  deja  dil  que  les  r^cils  relalil's  a  ces  nombreuses 
migrations  a  travers  les  deserts  de  la  Californic  du 
nouveau  Mexique  el  de  la  Sonora,  sont  des  absurdil6s 
et  j'ajouterai  iri  que  si  des  mines  d'anciens  edifices  y 
existent  reellement,  ce  no  peut  elre  que  des  construc- 
tions militaires  destinces  a  servir  de  defense  conlre 
les  Iribus  du  nord  ou  a  dominer  celles  que  les  Tol- 
tequc's  avaient  souuiises ,  afin  d'assurer  le  payement 
des  contributions  qui  ne  pouvaient  etre  leviSes  que  par 
la  force.  On  les  aura  abandonnees  plus  lard  et  les 
explications  arbitraires  des  peinlures  symboliques  et 
des  traditions  ont  ele  la  seule  cause  de  I'iniportance 
qu'oii  y  a  encore  attachee.  L'origine  des  Tolteques 
est  lortreculee  el  leurs  migrations  ontet^  nombreuses. 
Les  Chicliim^ques  a  leur  arrivee  au  pouvoir,  se  di- 
saienl  venir  d'une  conlree  Ires  eloignee,  appel^e  Ama- 
quemecan.  Les  Azleques  devaient  en  consequence  se 
donner  une  seniblable  origine,  et  au  besoin  nne  plus 
ancienne  en  leur  qualite  de  derniers,  mais  non  cer- 
lainenient  des  moins  importants  conquerants  de  I'em- 
pire.  Comme  il  est  constant  que  les  Chicbiin^ques 
n'avaient  pas  d'idiome  a  eux,  mais  parlaienl  naliuatl, 
et  ainsi  que  je  I'ai  inontre  plus  haul,  attendu  qu'ils  ne 
laut  pas  enlendre  par  T^pitbele  de  Cbiiblmecall  unc 
nation  dislinc  te,  mais  seulement  une  confederation 
politique  (si  toulcfois  il  estperniis  de  donner  ce  nom 


(  25  ) 
a  oeux  qui  etaient  dans  un  6tat  de  siijetion)  dont  les 
Iribus  nahuatl  formaient  une  parlie  et  (|ui  etait  gou- 
vernee  par  la  dynastle  des  Tuls  ou  Tululs;  et  comme 
celte  famille  et  ses  adherents,  en  emigrant  dans  I'Ana- 
huac,  avaient  change  de  langue ,  nous  sommes  con- 
duits a  adnoettre  que  les  peuples  appel^s  Azteques 
etaient  ou  Tolteques  ou  Naluiallacs. 

Les  revolutions  naturelles  et  sociales  qui  mirent  lin 
a  la  branche  tolteque  de  I'empire  Chichim^que ,  et 
qui  plus  tard  delermin^rent  les  tribus  sauvages  du 
nord  a  envahir  la  riclie  contree  de  I'Anahuac ,  obli- 
gerent  necessairement  les  descendants  des  successeurs 
innnediats  des  Tolteques  a  s'echapper  au  plus  vite,  et 
nous  les  trouvons,  en  eiret,  fuyant  dans  toutes  les 
directions.  La  majeure  partic  de  la  population  de 
I'Anahuac  composee  des  int'ortunes  Maceguals,  ne  put 
nalurellement  les  suivre  dans  leur  fuite,  et  comme  ils 
ne  dtvaient  pas  elre  en  etat  de  se  gouverner  eux- 
memcs,  comme  ils  avaient  peul  etre  bien  appele  a  leur 
secours  les  tribus  sauvages  du  nord,  nous  devons  sup- 
poser  qu'il  regna  une  veritable  terreur  amenee  par 
I'arrivee  des  barbares  et  leurs  victoires  sous  les  Mace- 
guals, terreur  a  laquelle  seule  pouvait  Irouver  remede 
la  vieille  civilisation  Tolteque,  de  nature  a  adoucir  les 
nioeurs  sauvages  des  envahisseurs. 

L'cEuvre  principale  de  celte  civilisation  tut  de  rela- 
blir  I'influence  des  Iribus  nahuatl  aborigenes  qui  I'une 
apres  I'aulre  s'avan^aienl  et,  pour  ainsi  dire,  trans- 
migraienl  dans  une  existence  politique  et  une  nouvelle 
condition  d'influence,  revcnant  peut-elre  aux  an- 
ciennes  demeures  dont  les  avail  chasses  I'invasion  des 
barbares. 


(  26  ) 

II  doit  s'^lre  t^coiile  iin  leinps  cle  terrible  lutlc  cor- 
rpspoiuianl  a  celiii  ou  les  diUV'renles  nations,  que  nous 
renconlrons  lors  do  la  distribution  dos  de|iouilles  He 
IVinpire  Toll^que,  commenc^rent  a  se  consliluci-  on 
comijuinaules  r^guii6res  et  dislincles,  ct  finalenienl 
so  pai'lager(Mil  en  Irois  nations:  I'enipirc  CliicliiiTK^call 
dont  le  premier  si^ge  etail  occup^  par  les  Otouiies,  »t 
les  Iribus  Nahuatls. 

Nous  rencoiitroiis  six  du  ces  derni^ros  tribus  con- 
queranl  la  predominance  dans  le  |iremier  siecie  de  la 
revolution  (iliichiniecall ,  el  liabilanl  les  lieux  qui 
avaient  sans  doute  ^16  deja  leurs  demeures  sous  I'em- 
pire  Toll^que.  Panni  elles  se  irouvaienl  les  Colhuas 
qui  soul  nommes  en  premier  pai-  les  Naluiallacs , 
comnie  ayant  et6  Tolleques  ;  ce  iiom,  du  roste,  parait 
Souvenl  avoir  6te  employe  avee  une  acception  ine- 
prisanle  pour  designer  des  homines  d^clius  de  leur 
grandeur  premiere.  ( Beriud  Diaz  dil  linmniios  hal- 
Uidos) , 

La  derni^re  des  Iribns  iKi/mntls  qui  reparut  sur  le 
sol  qu'elles  avaient  jadis  liabil6,  est  celle  des  Azleques 
ou  Mexilli.  Ces  peu|)les  penelr^rent  dans  le  pa\s 
qu'avaient  r^occupe  les  Colhuas  ct  il  est  prouvd  qu'ils 
avaient  I  inlenlion  de  les  comballre,  par  suite  dun 
vieux  ditTerend.  Mais  leur  tentalive  ne  I'ut  pas  heureuse 
et  ils  lomJjerent  dans  la  sujeliuii  des  Colhuas.  Cepeii- 
danl  ils  parvinrenla  secouer  leur  joug,  et  ayant  choisi 
pour  clever  leur  nouvellc  residence,  remplactinent  de 
la  ville  actuelle  de  Mexico,  guides  dans  ce  choix  par  une 
proj)h6lie,  ils  lui  doimferent  le  nom  de  Teimcktellmi , 
ils  y  batirent  un  temple  k  leur  larouche  dieu  de  la 
guerre,     el   celte    ville    devinl    ensuile    le    centre    de 


(  27  ) 
I'enipire  Chichiineque,  la  splendide  cit6  de  Mexico. 
Maintenant  qu'^taient  ces  AztiMiues?  La  tradition 
dit  que  c'elaiont  des  Toltecjucs  qui,  an  temps  de  la  des- 
iruclinn  de  ce  peuple,  s'eiifuirent  dans  les  montagnes 
qui  s'^tendent  de  iVIechoacan  a  Aztlan  ,  conduits  par 
Uuelzin,  cliel" Tolteqiic,  C.ette  contree  litait  situee  pres 
do  lean,  et  lis  en  revinrent  pour  habiter  leurs  anciennes 
demeures,  apr^s  le  relour  de  tons  les  Chichimeques 
nahuati  de  ia  vallee  de  Mexico.  Nous  avons  done  main- 
tenant  deux  tribus  naluiati  qui  avaient  et6,  suivant  ia 
tradition  toiieqiie,  les  CioUiuas  et  les  Azteques;  et  fort 
<!e  ce  fail,  je  suppose  que  ces  deux  peuples  tiraient 
leur  origine  de  cts  Indicns  Quiche  ,  qui  suivirent  les 
chefs  tolleques  dans  leurs  migrations  vers  rAnaliuac 
el  qu'ils  constituaient  dans  I'empire  Tolt^que  les  deux 
castes  noble  et  sacerdolale.  Les  Azteques  ou  prStres 
dinaienl  natureilemenl  conformer  leur  culle  a  la 
religion  reconnue  chez  les  Nahuatlacs,  et  e(i  agissant 
ainsi,  en  greflant  I'adoration  de  Quetzalcoatl  sur  celle 
(le  Hiiilzitow,  i!s  devinrent  les  depositaires  des  an- 
ciennes traditions  et  les  promoleurs  des  sauvages 
superstitions,  mais  par-dessus  lout  les  soutiens  et 
les  complices  de  la  Ivrannie  des  empereurs  tolleques. 
Voila  pourquoi  ils  furent  I'objet  de  la  haine  univer- 
selie  ,  et  teiie  est  la  raison  pour  laquelle  ils  durent 
attendre  plus  longlemps  avant  de  relourner  dans 
I'Anahuac  et  de  reprendre  leur  ancienne  patrie.  Les 
Colhuas,  aulrement  dit  les  nobles,  etaienl  du  noudjre 
de  ceux  qui  revinrent  dans  i'Analiuac  el  qui  avaient 
appartenu  a  I'empire  Toltfeque ,  allies  de  pres  aux 
pretres,  en  compagnie  desquels  ils  avaient  comballu 
contre  les  droits  du  peuple. 


(  28  ) 

Nous  rencontrons  d'abord  cis  pieties  dans  une  po- 
sition subordoniiec ,  ajant  sans  douto  besoin  pour 
leur  siirel^  do  I'appul  des  Colhuas.  niais  par  cette 
traitrise  el  cmUo  astuce  qui  onl  on  loul  Icmps  et  on 
lout  lieu  caracleris6  chez  les  peuplos  non  chrolions 
la  casle  sacordolale,  ils  paivinrenl  bionlol,  non-seuli;- 
uienl  a  dominer  leurs  ancions  proleclcurs,  niais  encore 
tout  Je  resle  de  la  population  sur  laquelle  pouv.iil 
s'^tendie  leui'  pouvoir.  C'est  eux  qui  tievinrent  les 
gardiens  et  les  interpr^les  des  annales  ecritesdans  des 
peintures  symboliijues,  les  niallres  du  tresor  de  Tein- 
pire  Tolteque  et  Chichimt^que.  Et  ce  privilege  peul 
avoir  6le  I'une  des  causes  qui  los  rendit  mailres  de 
I'autorile  en  I'or^anl  I'eaipereur  Techotlalazin  a  faire 
de  la  langue  nahuatl  la  laiigue  officielle  de  ronipiie; 
loules  ces  peinlures  avaient  ele  on  eUet  expliquees 
dans  cet  idionie. 

Les  Azleques  n'eurenl  pas  plutol  repris  leur  pays  et 
leur  pouvoir  qu'ils  exercerent  do  iiouveau  leur  op- 
pression a  I'aide  du  culle  le  plus  sanguinaire,  do 
I'idolatrie  la  plus  hideuse;  et  lour  perfidie  el  leur 
cruaute  surenl  si  bien  s'arranger  que  nous  trouvons 
a  la  fin  un  cliel  sacerdotal  Mocloulizonia  luonte  sur 
le  Irone  de  Tempirc  Chlchimecatl  et  etendant  sous 
son  regnc  la  (loniination  des  vieux  Tolteques,  devenu 
celle  des  Azleques,  sur  presque  toutes  les  conlrees  qui 
constituent  aujourd'hui  la  r^publique  du  Mexique. 

De  cette  fa^on  la  vieille  domination  tolteque  ecluit 
aux  prelros  de  ce  })euple,  sous  lo  nom  d'Azteques, 
nom  dont  le  sens  n'a  point  encore  ele  Irouve,  uiais 
que  presque  tous  les  auleurs,  qui  se  sont  occupes  de 
cette  inatiere,  I'onl  deriver  de  AzlUiu  ou  .^idnn,  c'est- 


(  29  ) 
a-dire  le  pays  voisin  de  I'eau,  L'abbe  Brasseur  traduil 
ce  worn  \)nv  Iric  lies  herons,  el  s'efforce  ainsi  d'etablir 
que  ce  lac  6tait  situe  dans  une  contree  tropicale  ou 
ces  oiseaux  sont  indigenes,  du  mot  nztal,  c'est-a-dire 
heron  blanc.  Bushman  rejette  celte  etymologie  et  aime 
niieux  faire  ddriver  aztlan  du  mot  a.ztii  donl  la  signi- 
fication est,  dit-il,  perdue.  Le  mot  nztlon  est,  a  ce  qu'il 
croit,  li6  de  pres  au  mot  iztac,  blanc,  el  il  montre 
que  les  composes  iztac  ou  aztac  etaient  employes  dans 
le  meme  sens. Get  auteur  ne  hasarde  aucune  hypotliese 
sur  I'emplacement  de  Azllan,  que  Ton  suppose  gene- 
ralement  avoir  ete  dans  la  basse  Californie  ou  sur  la 
cote  de  Sinaloa. 

Maintenant,  si  la  tradition  rapporloe  par  Ixsllilxo- 
chill  est  vraio,  Aztlan  ou  Atlan  n'^tait  pas  la  patrie 
originelle  des  Azt^ques,  mais  seulement  le  pays  ou  ils 
se  refugierent  pendant  les  revolutions  et  I'invasion  qui 
mirent  fm  a  I'empire  Tolt^que.  II  serait  certainemenl 
Ires  gratuit  de  coiicluro  quelque  chose  sur  I'hisloire 
ancienne  des  Azteques  de  ce  sejour  purement  tempo- 
raire.  Nous  nous  permetlons  cependanl  une  supposi- 
tion sur  le  nom  d'Atlan  et  le  ferons  d^river  de  All,  eau. 
C'etail  dans  les  conlrees  qui  environnent  les  lacs  du 
Mexique  et  de  I'Amerique  centrale  que  les  colonies 
allaient  surlout  chercher  de  vastes  lieux  d'etablisse- 
ments.  Suivant  Guzman  et  Torres,  cites  par  Juarros, 
les  Tolt^ques  iSimaquiches  choislrenl  pour  leur  resi- 
dence Quiche,  situe  pr^s  du  lac  fl'Alitlan.  Les  Emi- 
grants Toll^ques  venus  par  mer  de  leur  ancien  pays, 
s'etablirent  sur  la  lagune  de  Tamiaqua,  pr^s  de  I'em- 
bouchure  de  la  riviere  Panuco.  Lls  Ylzacx,  une  des 
Iribus  les  plus  interessantes  du  Yucatan  et  dont  nous 


(  HO  ) 
parleronsplus  loin,  avaienl  leur  rapilale  dans  iino  lie 
(I'lin  lat'  connu  sous  \o  noni  de  /ac  de  I'eten. 

Les  Azleqiies  elabliieul  leur  demeure  pies  du  lac  dc 
Mexico.  Los  iKs  de  la  lagune  ileTerininos  ^laienl,  nlnsi 
que  Tile  de  Cozumol,  sur  la  cole  <lu  Yucalan,  et  cclle 
de    la    lagune    suj)erieure   de  Teliuanlepec,   ties   (Ve- 
quenl^os   pour    uii    uiulif    relij>;ie:ix.    I/ili'    de    Mono- 
posliac  elail  c^lehre  par  son  leniple  revere  do  Volan  , 
dil  :   le  cceui  du  peuple.    Les  idolcs   decQuvertes  dans 
les   il(  s  du   he  du  Nicaragua  ,  moiilnnl  (|u'il   oxiblait 
aussi  1.1    de  vaste-   sanctuaires.    II   senihlr,    du  reslc, 
tr^s  ualurel  que  Ton  eilt  ohoisi  pour  y  con^truire  ties 
temples  d'aussi  magnifiques  emplacpu)ents.  L'etvmo- 
logie   qui   explique    lo   n)ot   atlan  par   oau  lire    done 
de  celle  cirtonslance    une  assez  grandc    probabiiile. 
Ce  nom  aura   ele  donne  par  les  Nahuallacs  aux  can- 
tons voisins  de  ces  lacs  et,  des-lors,  le  noui  ii'Azteque 
sera  passe  a  ceux  qui  los  iiabilaicnl.  Ce  n'est  la  sans 
doute  qu'uue  supposition.  Ou  tloit  noler  cependant  a 
I'appui,  (jue  landis  que  ic  pajs  situe  a  I'entouiclu  lac  de 
Mexico  s'appelait  Jtlan,  celui  qui   environnail  !<•   lac 
d'Alitlan   et  qui  elail    ia  residence   des    Miniaquiche, 
porlait  Ic  nom   d'Ltat/an  ou   lliicallan  ,  et  lursque  la 
langue   nahuall  se   sorvait  du  mot  azleque  pour  d»^si- 
gner  les  liahilants  des  Lords  des  lais  du  Mexique,  elle 
designail  en  meme  temps  sous  le  nom  de  Ilucazteques 
ceuxdu  pays  que  baigiie  la  lagune  do  Tauiiagua,  Ics- 
quels  descendaieiit  desToltequcs  emigres  avant  qu'ils 
se  fussent  meles  aux  tribus  Nabualls.  On  ne  saurail 
done    douter  que  ces   Hucazlequos   no  tirassenl  leur 
origine     de     I'Aincrique    cculralo  ;    leur     langue     ot 
leurs  usages  6taient  d'ailleurs    les  memes  que  coux 


( SI ) 

(les  Indiens  Maya  el,  en  particulier,  que  ties  Ilzacx. 
Peut-eire  les  irlhus  appelees  Azt6(jues  qui  abandon- 
nferent  la  vallee  de  Mexico  et  se  refiigierent  au  nord, 
all^rent-elles  a  la  recherche  d'lin  autre  Allan  el  en 
trouv^rentelles  un  pres  du  lac  de  Chapala  au  pays  des 
Olomies,  lac  dans  lequel  se  verse  la  riviere  Toloiollan 
(Tulalatan),  non  loin  d'Amacuecan,  villed'ou  s'effeclua 
vraiseniblahlement  la  [)remi^re  irruplion  oloniie. 
-V'oila  lout  ce  que  peul  nous  apprendre  I'elymologie 
qui  lire  le  nom  d'Azteques  d'Atlan  ou  d'Aztlan.  D'un 
autre  cote,  si  les  mots  nztac  et  i.ztac  elaient  employes 
comnie  synonynies,  une  synonymie  pareille  ne  peut- 
elle  pas  avoir  exisie  entre  les  noms  Itzacx  et  JtzecsP 
La  sitiguliere  et  IVappante  resseuii:)lance  que  Ton 
remarque  ontre  le  nom  Ilzacx  doiuie  au  lac  Petcn 
(  Pelen  Itza)  dans  le  Yucatan,  el  le  nom  de  nos 
Azleques  niexicains  ,  rend  Ires  probable  que  ces 
Itzalx  que  la  chronique  Maya,  publi^e  par  Stephens, 
appolle  hotnmes  saints,  elaient  de  la  m6me  souclie 
que  nos  prelres  les  Azleques.  Leur  idolatrie,  I'in- 
flucnce  toute  politique  de  leurs  pretres,  qui  marchaient 
habilles  de  longs  velemenls  blancs  et  laissaienl  croitre 
leurs  clieveux  que  le  sang  inondail,  leurs  sacrifices 
humains ,  leur  usage  de  d^vorer  la  chair  de  ces 
vicliines,  victiujes  qui  Elaient  quelquefois  mises  en 
cage  et  engraissees  tout  expres,  sont  autanl  de  trails 
de  mceurs  (jui  conviennent  aux  yVzteques;  et  I'huma- 
iiite  se  refuse  a  adinettre  que  le  hasard  seul  eut  pu 
enl'anter  d'aussi  horribles  analogies.  Aucune  des  autres 
tribus  Yucalanes  ou  Mayas  n'approcl)ait  des  Ilzacx 
pour  la  cruaute  du  culte,  aucune  ne  professait  des 
superstitions   aussi  nombreuses  el  aussi  sanguinaires 


(  .'^2  ) 

que  les  Itzacx,  tiibii  qui,  etant  appel^e,  coinme  il  a  t^le 
dejii  clil;  les  lioinmes  saints,  et  ayant,  outre  leur  cliel 
politique  ou  Canck ,  uii  grand  pretre  ou  Quiiicanek, 
partageant  lo  pouvoir  supreme  et  conservant,  dans  son 
palais,  les  Annlteches  ou  annales  peintes  de  I'lustoire 
de  son  peuple,  Iribu  qui,  dis-je,  scmble  avoir  occupy 
enlre  les  Indians  ile  la  souche  luaya  ou  quiche , 
le  n)eiue  rang  que  les  Azl^ques  enlre  les  tribus 
nahuatls. 

Ces  circonstances  nous  font  croire  que  les  chefs  de 
Tula  qui,  comine  il  a  «ite  dit  plus  haul,  avaienl  t^niigrci 
de  la  a  Nonohualco,  se  rendirenl  ensuite  dans  le  Yu- 
catan el  fonderent  la  un  gouvernement ,  qui  pril  le 
nom  de  C  hichen-ltza ,  de  ceux  qui  occupaient  le  pre- 
mier rang  enlre  ses  fondaleurs  los  Quiches  el  les  Itzacx; 
c'est-a-dire  ceux  qui  elaienl  depositaires  de  I'aulorite 
politique  el  religieuse.  Les  Ilzacx  partirent  lorsque 
la  direction  du  gouvernement  devint  plus  politique; 
ils  se  rendirenl  d'abord  a  Champotou  ou  ils  commen- 
cei'ent  par  elever  des  temples,  puis  ils  se  relirerenl 
dans  les  monlagnes  a  la  recherche  de  leurs  demeures, 
comme  dil  la  cbroniqiie  maya.  Ils  elablirent  ces  de- 
meuies  sur  le  lac  de  Peten  en  un  lieu  qui  merile,  s'il 
en  ful  jamais,  le  nom  d'Atlan  ,  dans  le  sens  que  ce 
mot  recoil  dans  I'liistoire  mexicaine.  Dans  un  autre 
travail  que  j'ai  lu  deja  a  la  Societe  ethnologique,  j'ai 
remarqu^  que  Mocleuhzoma,  lorsqu'il  enlrail  en  con- 
sultation avec  lespretres  et  les  ofiiciers  de  la  couronne, 
se  servail  d'une  autre  langue  que  le  nahuall;  c'est  ce 
qui  est  etubli  par  le  lemoignagne  d'Orlegnilla ,  car 
ceiui-ci  elait  alors  present  et,  quoiquc  verse  dans  la 
connaissance  du  nahuall,  il  ne  put  cependant   com- 


(  -'-J  ) 

prendre  ce  que  disaicnt  Mocleuhzoma  et  Ics  pielros. 
Nous  pouvons  infd^rei"  do  la,  fjue  quaiid  les  Aztequt'S 
se  consultalent  enlre  oux  el  ne  voulaient  pas  6lie  eu- 
lendus  par  d'autrts,  ils  se  servaient  do  la  langue  |)ri- 
niitive  des  Tolloques,  le  quicln'  ou  le  niaya,  languo 
dans  laquelle  peul-etre  6talenl  composes  les  chanls 
que,  selon  Pedro  de  Rios,  ils  enlonnaient  a  Cholula, 
lors  des  fetes  que  Ton  celtbrail  aulour  de  la  pyramide. 
Alnsi,  pour  r^sumer  les  princqoaux  resultals  do  co 
travail,  quant  a  la  veritable  signilicalioii  des  iioms  de 
Tolloques,  tie  Chichimeques  el  d'Azloques,  et  ipianl  a 
la  vraio  place  ilespeuples,  ainsi  appeles  dans  I'liistoirc 
primitive  du  Mexique  eldel'Amerique  cenlraleje  dirai: 

1"  Les  noius  de  ToUtjquos ,  de  Chichimeques  et 
d'Azlijques  ne  designenl  i)as  des  nalious  iiidionnes  ou 
des  Irihus  s^parees,  niais  |)resentent  plulot  un  sons 
historique  et  slatistique,  et,  vraisemhlahlement,  sonl 
les  Irois  classes  ou  castes  d'une  memo  nation,  la  no- 
blesse, le  peujile  et  les  pretres. 

2°  Les  Toltequos  n'elaient  aulres  que  les  Tutuls  ou 
les  chefs  de  Tula  el  leurs  adherents,  lesquols  eiuigro- 
rent  dans  I'Anahuac  et  y  fonderent  la  dynastic  Toltoque 
ou  Tutulxiuh. 

3°  LesTuluIs,  en  tant  que  allies  des  Quiches,  por- 
taient  le  nom  de  Chicltiinecatl ;  ce  nom  ful  aussi  otendu 
a  leurs  sujels,  et  il  prevalut  apros  que  ces  derniers 
eurenl  renverse  la  dynaslie  lolleque  ;  parce  qu'il  elait 
devenu  une  appellalion  generique  du  peuple  el  parce 
que  les  iribus  sujettes  ou  Iribulaires  desTululs  avaient 
conlribu^  a  ronverser  leur  pouvoir  iiereditaire. 

k"  Les  Azteques  etaicnl  les  Ylzacx  ou  homines  saints 
qui  6mjgrerent  avec  les  Tululs  dans  I'Anahuac,  asso- 

IX.    JAISVIER  ET  FivuiliR.    3.  3 


(  3/1  ) 
cloronl  leur  oulle  originel  a  coliii  des  Naluiallacs,  vers 
la  fin  de  I'empire  Cliuliime(|iie,  s'einpar^renl  du  Irone 
imperial;  peul-elre  leur  nom  signifie-l-il  tout  simple- 
men  t  robes  blanches. 

50  Les  Tolt^ques  et  les  Azleques  qui  sortaient  de  la 
souclie  quiche  ou  inaya,  chan[i;erent  Jeur  langiie  et 
adoplereiit  le  naluiall  qui  elail  la  langue  ollicielle  de 
I'einpire  Tolteque  el  fut  bientol  retabli  par  les  em- 
pereurs  Chichiniecatl. 

6°  Les  Tolteques,  les  Cliicliimi-ques  et  les  Azleques 
n'6raigr^renl  pas  a  difT^rcnles  epoques  el  successive- 
nient  dans  I'Analiuac,   mais  vinrent  ensemble. 

lis  parvinrent  cepcndant  les  uiis  apr6s  les  aulres 
au  pouvoir,  el  comme  ils  possedaient  sur  leurs  migra- 
tions des  traditions  liisloriqoes  communes,  on  pril 
celles-ci  pour  des  recits  diHerents  et  se  rapportanl  a  des 
^venemenlsqui  avaifnl  eu  lieu  a  desp^riodesdisliiicles, 
landis  qu'ils  elaient  contemporains. 


M.  Jomard  a  coiDniuniqu^  ^  la  Socicte  la  letlre  suivaiite  qui  lui 
a  ele  adressee  par  M.  lecutniiiai)daiil  du  g^nie  Faidherbe. 

Saint-Louis,  le  1"  novembre  i854. 

Monsieur, 

J'ai  riionneur  de  vous  accuser  reception  du  petit 
cahier  de  questions  el  du  numero  du  Uulletin  de  la 
Societe  de  geograpbie. 

Je  vous  envoie  aujourd'hui  le  preaiier  cahier  du 
travail  de  linguistique  dont  je  vous  ai  pari^. 

Ce  premier  cahier  comprend  la  langue  ser^re;  vous 


(  35  ) 
verrez  que  je  ne  me  suis  |i;>s  borne  ;">  un  vocabulaire 
(le  mots;   mais   que  j'al   cheiclie  a  donner  les  regies 
principales  de  celle  langue.' 

II  m'a  ele  impossible  de  me  procurer  aucun  ren- 
seignement  sur  le  cliilTre  des  populations.  Peut-etre 
plus  tard  pourrai-je  (aire  des  reclierches  dans  ce  sens. 

Le  travail  analogue  a  celui  que  je  vous  envois  ost 
d^ja  fait  pour  plusieurs  oulies  langues  et  entre  aulies 
pour  le  sarakhole,  langue,  qui,  je  crois,  est  tout  aussi 
inconnue  que  le  serere;  niais  j'ai  lant  d'occupalions 
que  je  n'ai  meme  pas  le  temps  de  mettre  ce  travail  au 
net.  Je  vous  seiai  oblige  de  me  dire  si  le  mode  que 
j'ai  adopte  vous  j  arail  convcnable  pour  donner  une 
idee  de  ces  langues  et  pour  en  facilitcr  I'etude  aux  per- 
sonnes  qui  pourraient  en  avoir  besoin. 

J'ai  I'honneur  d'etre  ,  Monsieur,  voire  tres  humble 
et  tres  ob^issant  serviteur. 

L.  Faidherbii. 


Nous  exlrayons  du  travail  de  ftl.  Faidhebbk  le  morcean 

suivant : 

OE   LA  GRAcMMAIRE  S^RtRE. 


Serer 


•es. 


La  nation  s^r^re,  aujourd'hui  dispersee  en  plusieurs 
petils  Etats  sur  la  cole  on  refoul^e  dans  les  bois  de 
I'interieur,  doit  6tre  une  des  plus  anciennes  de  la 
Senegambie. 

Cast  un  peuple  noir  aux  cbeveux  cr^pus,  ayant  des 


( -(^ ) 

caract^res  physiques  piesqiio  idcnliqiics  aver  renx  des 
Ouolofs. 

La  langue  ser^re  osl  loul  ;'i  fait  analogue  dans  ses 
regies  gramma ticaies  a  la  langue  ouolol';  m;u.s  les  mots 
sont  difl'^rents  en  general. 

Dans  les  relations  de  voyage,  on  ne  s'esl  guere 
occupe  des  S^reres;  on  ne  les  a  jamais  menlionnes 
que  comme  une  nation  sauvage  elablie  dans  les  envi- 
rons du  c;ip  Vert. 

Nous  pensons  qu  il  y  a  beaucoiqj  de  sang  s^r^re 
chez  les  Pourognes,  esclaves  ou  adVanchis  desTiarzas, 
Maures  de  la  rive  droile  du  Senegal;  c'esl  en  elTet  sur 
k-s  .Sereres  qu'on  a  du  (aire  el  (|u'on  fait  encore  vo- 
lonliers  la  course  aux  captifs  ,  car  c'esl  la  partie  des 
aborigines  de  la  Senegandjie  qui  s'est  monliee  jusqu'a 
present  la  plus  rehelle  arinlluencede  I'ishimisme,  qui 
est  reslee  fiddle  a  sa  vie  un  peu  sauvage,  a  la  crovance 
et  a  lacrainle  des  sorciers,  et  qui  continue  sans  aucun 
scrupule  et  au  grand  scandale  des  musulmans  a  faire 
usage  des  liqueurs  fortes. 

Voici  ie  mode  de  succession  nu  pouvoir  chez  les 
Sereres. 

A  la  niort  du  roi,  son  here  de  m^re  lui  succede.  S'il 
n'y  a  pas  de  here,  c'esl  Ie  fils  de  sa  sijeur.  Le  lils  herite 
des  biens  de  son  pere  mais  non  de  son  aulorite;  le 
pouvoir  des  mad  (rois)  est  assez  borne;  ils  n'oseraient 
braver  les  personnages  influents  par  leurs  richesses 
ou  par  leurs  relations. 

II  y  a  beaucoup  de  griotschez  les  Sereres.  Les  griots 
constituent  chez  les  nations  de  la  St^negambie  une 
caste  a  i)art  dans  la  nation  ;  ils  ne  s'allient  qu'entre 
eux.  Leur  metier  consiste  a  jouer  des  instruments  et 


(  :i7  ) 

a  chanter,  homines  on  femnies.  lis  fotit  generaleaiont 
usage  des  li(]neurs  lories  avcc  exces,  vivent  gaiement 
et  sonlnieprises  flu  lesle  do  la  nation.  D'autres  classes 
de  la  population  partagent  avoc  eux  le  mepris  general : 
ce  sont  les  forgerons,  Ics  tisserands... 

Ce  people  forme  aujourd'luii  quatre  groupes  de 
population  principatix  :  habitant  le  Baol ,  le  Sin,  le 
Saloum  et  le  Dieghem. 

Baol. 

Le  Baol  est  une  province  ciu  Cayor  sur  le  bord  de 
la  mer,  enlre  Goree  et  Saint-Louis.  Les  villages  prin- 
cipaux  sont  aujourd'hui  loli,  Nkhoie,  Daded,  Dogol, 
Lab,  Lambai  (residence  du  chef),  Mbake  Sanianka, 
Mbagagne  Niouli,  Ouokan,  Nlientch,  Ndarik,  Ouakhai 
Diam,  Ntiakhar,  Kaba  (tres  grand)  ;  on  y  parle  le 
serere  melange  d'un  assez  grand  nombre  de  mots 
ouolofs,  c'est  le  serere  du  Baol  que  nous  donnerons 
ici,  parce  que  Saint-Louis  a  plus  de  relations  avec  le 
Baol  qu'avec  les  aulres  Elats  ser^res. 

Les  productions  sont  le  mil,  les  pislaches,  le  mais» 
le  colon,  les  niehes  (haricots  du  pays),  beaucoup  de 
bestiaux,  quelques  chevaux,  beaucoup  de  boeufs  por- 
teurs  et  quelques  anes.  Une  partie  de  ces  produits 
sont  vendus  par  les  Sereres  eux-memes  a  Saint-Louis 
et  a  Goree;  le  reste  est  achete  par  des  toucouleurs  qui 
les  apporlent  sur  ces  memes  ])oinls. 

Sin. 

Le  Sin  est  un  petit  Etal  serere  independant,  sur  la 
cote  enlre  Goree  el  la  Gambie.  Le  chef  prend  le  nom 
de  mad. 


(  :^8  ) 

Les villages  princlpaux  sontloal, principal  coniploir, 
Dlakhao,  residenci!  du  mad,  Sas,  Bof,  Dioin ,  olc. 

Les  productions  sonl  les  nieines  que  celles  du  Baol 
a  peu  de  chose  prfes. 

Salourii. 

Le  Saloum  est  un  petit  fetat  ser^re  independanl  , 
gouverne  par  un  mad,  sur  la  cote  enlre  le  Sin  et  la 
Gambie. 

Les  villages  principaiix  sont  :  Kaon,  residence  du 
mad,  Doukman,  Pakalla,  Tcliikat,  Gaiel ,  etc. 

Les  productions  sont  a  peu  prcs  les  mfimes  que 
celles  du  Sin  ct  du  Baol  ;  il  produit  plus  de  colon  et 
moins  de  bestiaux. 

Dieghem . 

Le  Di^ghem  est  un  filat  serfere  de  I'int^rieur,  sans 
chef  independanl  el  soumis  au  darnel  (1),  mais  lui  re- 
sistant souvent  a  la  faveur  de  ses  forfels.  Les  Ser^res 
de  la  cole  parlent  avec  eflroi  de  leurs  freres  du  Die- 
ghem  qu'ils  d6peip;nenl  comnie  sauvages  el  sorciers. 

Les  villages  principaux  sont  :  Tiadiai,  Ndoul,  Man- 
kounda,  Lakliar.  Ndioukh,  Mbouroukh,  Ndiaga  Niao, 
Mbaniakbniakh etc. 

II  s'y  trouve  des  bestiaux,  des  boeufs  porleurs.  Les 
habitants  du  Di^ghem  produisenl  bcaucoup  de  mil 
qu'ils  viennent  vendre  avec  des  pislaches  a  Sali  el  a 
Nbour,  villages  sur  la  cole  pres  de  Goree. 

(0  Uamel,  litre  du  roi  ilf  Ciyof. 


(  B9  ) 


jdngue  serere. 


Personne  que  nous  sacliions  ne  s'est  occupe  de  la 
langue  serere;  les  habitants  du  S^n^gal  eux-ra6raes, 
ne  songent  nullement  a  apprendre  cette  langue;  sous 
le  rapport  de  I'usage  qu'on  en  peut  faire,  son  6tude 
est  ties  peu  iinportante;  elle  n'offre  d'inl6r6t  que 
comnie  etant  la  langue  d'un  peuple  dont  les  Ouolofs 
ne  sunt,  selon  nous,  qu'un  rameau  perfeclionne  par 
le  IVoltement  des  Ai'ahes  et  des  Europeens ;  cetle  langue 
serait  alors  le  type  du  groupe  s^rere-yolof. 

II  y  a  beaucoup  de  chanleuses  chez  lesSer^res;  un 
griot  improvise  les  couplets  qui  lui  sont  payes  et  les 
femmes  reprennent  en  chceur  le  refrain  sur  des  airs 
qui  ne  sont  pas  toujours  d^pourvus  de  grace;  ces  cou- 
plets et  ces  refrains,  d'apres  leur  nature  ineme,  ren- 
ferment  souvent  les  noms  propres  des  personnes  en 
I'honneur  desquelles  ils  onl  616  composes.  Voici , 
comme  echantillon  du  serere,  quelques-uns  de  ces 
refrains  ' 

Ba-ret  o  ba-ret,  gai  laendor,  laendor  fardje;  ba-ret 
o  ba-ret. 

Ne  I'en  vas  pas,  oh  ne  t'en  vas  pas,  viens  causer 
avec  inoi,  causer  n'est  pas  raal  faire  ;  ne  t'en  vas  pas, 
oh!  ne  t'en  vas  pas. 

Ola  lai-kim :  mak-oa  mben-ain  te  khaleb-a  dieo-t- 
am  ;  ola  lai-kim. 

Allons,  je  ne  dirai  plus  rien  :  les  vieilles  m'injurient 
et  les  jeunes  filles  tiennent  des  propos  sur  moi  au 
puits;  allons  je  ne  dirai  plus  rien  ! 

Ram  khalain  am  :  diega  ndok  to  di^guim  korokh^ 
lai  tou-ma ;  kum  khalam-am. 


(  AO) 

!\Ioi,  jc  joiic  do  la  giiilarc  :  j'ai  uiio  case,  mais  je  n'ai 
pas  iln  marl  pour  y  causer  a\oc  uioi ;  inoi,  je  joiio  clc 
la  guilaio. 

Lago  I'j  lago  bol-na  hai-es  oun  kalim  dac-am  :  Mes 
aiiiants  in'ont  cassii  le  bras,  jc  ne  |iilc  plus,  jo  mo  re- 
pose (piler  Ic  mil  pour  la  nourriture  de  la  journee  est 
la  seule  occupalion  des  nogre.sses;  naturelleuicnt  les 
jeunes  cl  jolics  negresscs  iie  sont  pas  coUes  qui  se  la- 
liguenl  lo  plus  a  ce  travail). 

Fardj-am,  iida  diab-am  gor-nouu  Salam  Ngomar: 
Je  suis  laide,  pourlanl  je  vous  ai  onleve  vos  maris, 
Salam,  fdlo  de  Ngomar! 

Ce  qui  prouve  que  chez  les  negres  comme  partoul 
ailleurs,  I'amabilile,  la  coqucllerie  ou  d'aulres  talents 
peuvent  iultor  avanlageusemcnt  conlro  los  agremenls 
physiques. 

Biram  Pale,  oual  ndiai,  iial  klian  ami)erlBriam 
Pate,  oual  ndiai.  Que  lesjaloux  se  dessechent!  Celtc 
cliansoii  avail  sans  doute  pour  objet  de  vengor  une 
pauvre  pilicbcresse  des  brulaliids  d'un  mari  jaloux:  ces 
pauvres  negresscs,  la  nature  leur  a  donne  si  peu  de 
defense  ! 

laguetcb  Sen,  iai  ndiatou,  ial  liok,  laguelch  ouali: 
C'esl  laguelch  Sen  qui  a  une  belle  chevelure  ct  un  long 
cou  (une  voix  pergaiite),  c'esl  laguelch  le  fils  d'Ouali. 

Khokhan,  Ndioug  Dire,  ba-dal  at  nguelch-na,  ndik 
o-nai. 

Khokhan,  ills  de  Ndioug  Dire  ne  inarche  pas  sur  le 
soleil,  lout  a  I'heure  lu  vas  fondre! 

Ce  refrain  devait  s'adresser  a  un  do  ces  negres  qui, 
apr^s  avoir  gagne  quelque  aigcnt,  s'achelo  de  beaux 
habils,  paie  quekpies  griols  qui  le  suivenl  en  chantaiit 


(  M  )    • 
ses  exploits  ima!.;inaii'os  ct  coux  do  ses  ancelres  aussl 
imagiiiaiics,  ct   niarche   inaiL'stiiousemeiU   an    milieu 
des  rues  dc  Sainl-Louis  en  so  figurant  quo  le    inonde 
enlier  a  les  yeux  sur  lui. 

Robn-ani  Ij-es  iigor  nga,  kor-os  bong  a  ler-am,  rob 
in  soliokh  ouad  ka  kor. 

J'ai  scvre  nion  eid'ant,  mon  niari  ne  m'aiine  plus; 
je  me  suis  lavee  et  je  cherche  un  autre  mari. 

Voila  la  nature  meme;  ne  semble-t-il  pas  voir  une 
lauvetle,  qui  apres  avoir  eleve  unocouvee,  lisse  ses 
plumes  sur  une  branche  d'aub^pine,  a  I'approche  d'un 
nouveau  printemps,  et  s'apprete  a  faire  un  nouveau 
cboix  pour  les  amours  de  Tannine?  (Vest  un  peu  la  les 
mceurs  des  negres. 

Nonis  Sere  res. 

Aoiiis  <rhomines :  Di^gan,  NGor,  Lalir,  Biram,  Balou, 

Dagar,    Bai  ,    Diegdiam  ,    Bagnik  , 

Tanor. 
Nums  tie  fcinmes  :  Dibor  ,    Larba  ,    Maie  ,    Koumba  , 

Rb^mes,  Kodou,  Guiinbi,  Diouma, 

Mo^an  ,  Doumbe. 


(  42  ) 
i%iialy(ies  et  Kapports. 


RAPPORT 

sun    UN    TR.WAIL    DK    M.     U.    MAUTIN,    IXTITULfe  :   ((    EXAMEN 

))  d'un  mhmoire  posthume  de  m.  letronnk  et  DK  CES 
»  deux   questions  :    1°   la    circo.nfference    du    globe 

»  TERRESTRE  AVAIT-Ei.LE  ET^  MESURiE  KXACTEMERT 
))  AVANT  LES  TEMPS  HISTORIQDES  ;  '2°  LES  EHREURS  ET  LES 
»  CONTRADICTIONS  UE  LA  G^OGRAPUIE  UATHEMATIQIE 
»  DES  A.NCIENS  s'eXPLIQUENT-ELLES  PAR  LA  DIVERSITY 
1)   DBS   STADES   ET    DES    MILLES.   »    Par    M.   Sl^DILLOT. 


En  1816  rAcademiedes  inscriptions  et  belles-lettres 
couronnait  un  menaoire  de  M.  Letronne,  qui  avail 
pour  titre  :  Recherches  critiques,  historiques  et  geogrn- 
phiqites  snr  les  Jragments  d'Heron  d'Alexandrie,  on  da 
systenie  metrique  egyplien  considere  dans  ses  bases,  dans 
ses  rapports  avec  les  niesiires  itineraires  des  Grecs  et  des 
Roniaiffs,  et  dans  les  modifications  quil  a  subies  depuis 
le  regne  des  Pharaoiis  jusqu'a  f  invasion  des  Arahes. 

Ce  meinoire,  qui  indiquait  dans  son  auteur  un  re- 
marquablc  talent  d'exposilion  et  de  discussion,  admet- 
lait  la  possibilite  d'une  mesure  exacle  de  la  circunle- 
rence  lerreslre  chez  les  aiiciens  Lgyptieiis,  et  laissait 
entre\oir  une  science  astronomique  assez  avanc^e, 
anlerieure  aux  ecoles  de  la  Gr^ce. 

M.  Letronne  etant  revenu  plus  tard  sur  quelques- 
unes  des  opinions  consignees  dans  cet  ecrit,  ne  songea 
point  ale  faire    iinprinier;    niais  apr^s    sa   niort,  on 


(43  ) 

pensa  que  le  fruit  des  premieres  etudes  de  ce  savant 
exciterait  un  vif  inleret,  et  I'ouvrage  livr^  a  la  publi- 
cile  par  les  soins  de  M.  Vincent,  avcc  toutes  les  reserves 
convenables  il  est  vrai,  sert  aujourd'hui  de  point  de 
mire  aux  critiques  de  M.  H.  Martin. 

Pour  toutes  les  personnes  qui  ont  eu  I'honneur  de 
vivre  dans  I'intimite  de  M.  Lelronne,  il  ne  pent  exister 
de  doute  sur  les  modifications  que  I'illustre  erudit 
avait  apport^es  a  son  appreciation  primitive  des  mo- 
numents de  I'antiquite ;  les  m^moires  sorlis  de  sa 
plume  en  font  foi,  et  M.  H.  Martin  n'a  eu  en  quelque 
sorle  d'aulre  peine  que  d'opposer  M.  Letronne  a 
M,  Lelronne,  en  pulsant  dans  ses  plusr^cenls  Iravaux 
des  arguments  a  I'appui  de  la  th^se  que  lui-m^me  se 
proposal!  de  soutenir.  Mais  il  y  a  dans  la  manlere  de 
disserler  de  M.  H.  Martin  une  tendance  beaucoup  trop 
marquee  a  porter  sur  les  questions  le  plus  generale- 
ment  controversees,  un  jugement  absolu,  ou  bien  a 
rappt.'ler  certalues  hypotheses  ahandonnees  depuis 
longlcmps,  qu'il  lul  est  bien  facile  de  r^futer,  et  jc 
crois  devoir  presenter  a  ce  sujet  quelques  observations. 

Le  principal  but  de  M.  H.  Martin  est  de  d^montrer 
qu'ant^rieurement  a  I'^cole  d'Alexandrie,  les  anciens 
n'ont  jamais  entropris  de  mcsurer  un  arc  du  nieridien 
terrestre  ;  il  ne  \eut  point  que  le  sysleme  de  mesures 
d'lles p/ii/eteiie/tiies  ou ptolemaiques  soit  la  reproduction 
d'un  sysleme  r^guller  de  mesures,  usite  sous  les  Pha- 
raons,  et  fournisse  la  trace  d'une  mesure  du  degre 
moyen  de  I'Egypte;  11  ne  croll  pas  davanlage  aux 
calculs  presumes  des  Chald^ens  ou  des  Indiens  ;  enfin, 
11  repousse  toute  explication  des  divergences  que  I'on 
Irouve    dans  les  evaluations  grecques  de  la  circonfe- 


(  Vi  ) 
rence  du  glol)C,  el  qui,  i\  ses  yeiix,  n'lillcslent  (lu'mio 
chose,  1  if^noraiice   piofonde  dos  geograplies   inathi!:- 
maliciens  {jui  florissaient   ilu    tomps  d'Eialosthenc  cl 
d'Hip|)arqiie. 

Toulefois  avanl  (le  iliiveloppor  son  opinion,  M.  Henri 
Marlin  juf^e  a  |)ropos  d'^voqucrlo  souvenir  dece  peuplc 
prlmitit,  insliluleur  du  genre  liuniain,  qui  aurait  ap- 
pris  a  I'univers  (out  excepte  son  iiont;  il  parall  croire 
que  cc  reve  de  Tiniaginalion  di;  quelcjues  erudils 
coinple  encore,  en  France  et  ailleurs,  dos  partisans; 
il  cite  ineini'  la  Siberie  commc  un  des  pays  ou  Ton 
aurail  voulu  placer  Ic  si6ge  de  celtc  civilisation  ante- 
historique ;  inais  il  suffil  de  parcourir  les  travaux  pu- 
blics dans  ces  derniferes  annees  jiour  coniprcndre  le 
peu  de  valeur  d'une  seinblahle  proposition  :  do  telles 
idecs  ne  sont  plus  ilu  domainc  des  esprils  serieux; 
lout  le  nionde  aduielque  I'liistoire  dos  sciences  exactes 
commence  avec  I'ecole  d'Alexandrie ;  si  Ton  poursuit 
chez  d'autres  peuples,  les  Clialdeens,  les  Egypticns 
et  les  Indiens,  par  exeuij)le,  la  trace  de  quel(|ues  con- 
naissances  soit  en  astrononiie,  soil  en  malh^matiques, 
c'ost  en  s'appuyantsur  les  ecrits  des  Grecs  eux-m6nies 
ou  sur  des  monunionls  qui  s'accordent  avec  leurs 
traditions,  qu'on  arrive  a  un  petit  nomhrc  d'induc- 
tions  plus  ou  moins  probables. 

Aussi  ce  que  nous  reprochons  a  M.  H.  Martin, 
n'cst-ce  pas  d'elablir,  comme  nous  I'avons  d^ja  lait, 
qu'en  dehors  des  Grecs,  tout  se  reduit  a  des  conjec- 
tures; mais  bion  de  pretendre  d'une  nianiere  absolue 
qu'avant  eux  le  champ  de  la  science  a  ^le  enli^rement 
sterile,  et  de  conlondre  avec  de  vaines  hypotheses  qui 
sont  ensevclies  a  juste  litre  dans   la  poussiere  des  bi- 


( '^^^ ) 

liliollieqnes,  (les  Ih^oiies  basees  sur  des  investigations 
consciencieuses,  qu'il  combat  au  uioyen  d'arguinents 
negatifs  :  s'en  tenir  uniquement  aux  Iraites  grccs  qui 
nous  sont  parvenus  ct  clont  nous  ne  possedons  en 
general  quo  dos  fragnionls,  c'est  circonscrire  la  ques- 
tion d'une  maniere  Irop  ^Iroile  :  il  fan  I  toujours  (aire 
dansl'inleret  nieme  do  la  science  la  part  de  I'inconnu. 

L'interpretation  de  I'antiquite  repose  sur  I'examen 
des  monuments  ecrils  et  dcs  monuments  figures,  per- 
sonne  ne  le  conleste;  seulement,  dans  bien  des  cas, 
I'insuflisance  des  maleriaux  rend  cette  interpretation 
puremenl  bypolhetique;  de  la  cos  syslemes  concus  // 
/;7vo/v  que  la  critique  rejettc  avec  raison,  parce  qu'ils 
n'ont  rien  de  positif.  II  n'en  est  pas  de  meme  des 
rechercliesqui  onl  exi^o  de  longs  Iravaux,  la  discussion 
des  texles,  I'explicalion  raisonnee  de  documents  nom- 
breux.  De  telles  recherches  pen  vent  n'etre  pas  a  I'abri 
de  I'erreur,  mais  elles  ont  du  moins  le  merite  de  pro- 
voquer  la  contradiction,  d'appeler  Tatlention  des  eru- 
dits  sur  des  points  obscurs  ou  nial  definis,  et  du  clioc 
des  opinions  jaillit  parfois  la  verity.  A  coup  sur 
M.  H.  Martin  juge  avec  uneseverile  regrettable  ce  qu'il 
appelle  le  roman  de  Gossellin,  ses  tours  d'ac/resse,  ses 
trickeries  et  ses  manipulations  dont  MM.  Walckenaer, 
Malte-Brun  et  bien  d'autres  ont  ete  dupes.  Pour  notre 
part,  nous  n'avons  jamais  accepte  les  idees  de  Gos- 
sellin que  sous  loules  reserves;  mais  en  considerant  les 
Iravaux  qu'elles  ont  provoques  et  meme  en  dernier 
lieu,  les  observations  de  M.  H.  Martin  lui-m6me,  nous 
pensons  que  Ton  doit  au  savant  academicien,  une 
Ires  grande  reconnaissance. 

Nous  ajoulerons  que  M.  H.  Martin  ne  s'est  pent-etre 


(  46  ) 

pas  mis,  avec  assez  cle  soin,  au  courant  de  loul  co  qui 
a  ete  iinprime  sur  les  divers  siijels  qu'il  liaite:  il  an- 
nonce  que  dans  V histoire  c\u"\\  prepare  de  /'astionomie 
physique  des   anc:iens,   il  s'appuiora    sur  Ips  ecrils  de 
MiM.  Stulir,  Ideler,  Lelroiine,  Holtzinanu,  Roinaiui,  elc, 
elil  paiaitignorer  que  jc  les  ai  anahses^ijdans  le  loiue 
second  de  uies    Ma(eriaiij:  pour  servir  a  I'/iistoire  de 
rastrouninie,  des  mathetiiatiques,  de  la  geograpkie  chez 
les  Grecs  et  les  Oiientaux.  —  II  elablira,  dil-il  ailleurs, 
qu'Hipparque  a  le  premier   signal^  la  precession  des 
Equinoxes,  co(nnie  si  co  n'elail  pas  un  fail  L;en«^rale- 
nient  acce|Ue  dans  I'^tal  aclucl  de  iios  coiinaissances; 
et  il  ne  sail  pas,  sans  doule ,  que  nous  avoiis  prouv6 
qu'Hipparque  s'^tait  b(  aucoup   plus    approclie   de  la 
v6rite  qu'on  ne  le  supposait  jusqu'a  prosenl  dans  reva- 
luation de  ce  phenomene  [1).  —  II  ne  veul  pas  croire 
avec  M.  Chasles  que  les  Intliens  aieul  eu  ainsi  que  les 
Grecs,  leur  ecole  scienliliquc ;  il   voit  eu  eux  des  co- 
pistes  plutot  que  des  auteurs  originaux,  et  c'est  juste- 
ment  la  tLesu   que  nous  avons  soutenue  en   exposant 
que  j)lusieurs  inventions,   donl   les  Arabes  pla^aient 
I'origine  dans  1  Inde,  elaienl  grecques,  le  cercle  indien, 
par  exemple,  le  sy  stems  de  la  trepidation  des  fixes ,  les 
chijjres  el  la  numeration  decimule ,  ValgeL/e,   elc.  (3). 
Seulemeul  il  rebte  un  poinl  a  eclaircir;   M.  Cliasles 
rappelle    a  I'appui    de     son    opinion    que    cerlaiues 

(i)  Comparei!  la  note  ^ireinieie  cle  la  page  9, an.  cle  i\l.  11.  Martin, 
avec  nos  Materiaux,  etc.,  I.  11,  p.  46^5?  5oo,  etc. 

(2)  H.  Martin,  loc.  laud.;  et  Mat..,  t.  I*',  p.  g,  12  et  siiiv. 

(3)  H.  Martin,  p.  72  et  73;  et  Mat.,  I.  II,  p.  421-563.  Voyez  aussi 
le  Bulletin  dc  la  Societe  cle  geugiapliie,  4*  scrie,  t.  1",  p.  164,  23o; 
t,  II,  p.  32,  ^iS. 


(  A7  ) 
methodes  indiennes  ditt'ttrenl  de  celles  des  ma- 
tli^maliciens  d'Alexandrie  ,  el  c'est  la  une  grave 
consideration;  il  s'agil  de  recliercher  si  les  savants 
nestoriens  qui  ont  porte  leurs  connaissances  dans  les 
diverses  parlies  de  I'Asie,  n'avaient  pas  eux-memes 
modifie  les  methodes  de  Diophante  el  de  son  ^cole ; 
questions  dont  M.  H.  Martin  ne  semble  pas  se  preoc- 
ciiper.  —  11  Irouve  que  M.  Biot  a  une  opinion  heau- 
coup  trop  favorable  de  la  science  d'Yao  el  des  astro- 
nomes  chinois  anterieurs  do  dix  a  vingt-quatre  siecles 
avant  noire  ere,  et  il  ignore,  je  tuppuse,  que  j'ai 
r6duit  a  leur  juste  valeur  les  assertions  de  cet  acade- 
mician ,  avec  I'approbation  de  nos  plus  babiles  sino- 
logues; —  il  s'eleve  centre  i'abus  troinpeiir  des  niathe- 
niatiques  employees  a  echafauder  des  hypotheses  sans 
bases,  el  il  oublie  tout  ce  que  M.  Lelronne  et  nous- 
m^me  avons  ^crit  a  ce  sujel ,  en  uiontrant  a  quelles 
aberrations  pouvait  conduire  I'emploi  d'un  globe 
celeste  a  poles  mobiles,  et  du  calcul  des  probabilites 
applique  par  M.  Biot  a  des  questions  historiques.  — 
Enfin,  il  nous  dit,  d'apres  Theon  de  Smyrne,  que  les 
methodes  astronomiques  des  Chaldeens  n'elaient  pas 
geomelriques  comme  celles  des  fegyptiens  et  des  Grecs, 
mais  seulement  arithmeliques,  c'est-a-dire  qu'elles 
consistaient  dans  le  calcul  des  periodes  de  temps  qui 
ram^nent  les  mfemes  ph^nomenes  celestes;  c'est  ce 
que  nous  avons  clairement  indiqu^  en  6tudiaut  leur 
th^orie  de  la  lune,  d^crite  par  Geminus  et  fondee  sur 
une   consideration  arilbmetique  tres  ing^nieuse   (1), 

(l)  It.  Martin,  p  19,  74,  i35,  etc.;  et  Mat.^  Avant-propos,  p.  xv, 
t.  1",  p.  4,  5  et  618;  t.  II,  p.  563-651.  Voyez  ausisi  le  Bulletin  <\e 
notre  Societe,  dpja  cite. 


(  A8  ) 
el  c'esl  line  opinion  que  M.  Cliaslos  n'a  ccsse  de  pro- 
fesser  depuis  bion  dos  annoes. 

Si  nous  suivons  ainsi  pas  a  pas  M.  H.  Marlin,  c'esl 
qu'il  nous  parall  atlaclier  a  un  certain  ordre  d 'ideas 
line  nouvoaule  qu'ellos  ne  sauraient  avoir.  Longlenips 
avanl  nous,  Huol,  le  celebre  6v6que  d'Avranches,  ap- 
pr^ciail  avec  uno  grande  juslesse  de  vues  I'aslronomie 
des  aneions  : 

«  Cello  science,  6crivait-il,  etait  alors  si  d(^feclueuse 
»  qu'il  est  bion  pardonnable  aux  niodernes  de  I'avoir 
))  peu  eUidiee;  si  les  Chaldt^ens  paraissent  etre  les 
»  plus  anciens  obscrvaleurs  donl  on  se  souvienne,  les 
))  Egypliens  se  sonl  lrouv6s  par  la  situation  de  leur 
))  pays,  porttis  a  les  imiler  el  Macrobe  leur  donne 
»  infiuie  la  priorile  en  raj)porlaiil  rarlifice  donl  ils  so 
))  servaienl  pour  parvenir  a  une  cxacte  division  du 
»  zodiaquc ;  enfin,  les  Pheniciens  y  furent  anienes  de 
»  leur  cole  par  la  necessite  de  la  navigation.  Les  Grecs, 
))  instruils  par  eux,  culliverenl  I'aslronomie  dans  la 
»  suite  des  temps,  et  dtpuis  Tliales  el  Pylhagoie  ,  ellc 
))  fit  des  progres  remarqual)les  jusqua  Ptolemee.  Les 
»  Arabos  corrigerent  plus  tard  leurs  observations  ot 
»  les  nioclernes  ont  pouss«i  ces  connaissances  plus 
»  loin  qu'elles  n'avaienl  encore  6le.  » 

Nous  arrivons  mainlenant  aux  considerations  de 
M.  H.  Marlin  sur  les  anciennes  mesures  de  la  lerre; 
a  son  avis,  aucune  tentative  de  ce  genre  n'a  ete  I'aite 
avant  les  Grecs,  et  ceux-ci  n'ont  obtenu  que  des  re- 
sullals  errones.  On  peul,  indt^pendamment  desZiOOOOO 
stades  pr^sum^s  d'Aristole,  r^duire  a  cinq  les  (Evalua- 
tions qui  pr«isenlent  un  caractere  aulhenlique  : 


( VJ ) 

Archimedc  avail  trouv(!'.      300  000  stades. 

Hlpparque 278  000      - 

Eiatosthene 252  000     — 

Posidoniiis 2/1OOOO     — ■ 

et     180  000     — 
En  admeltant  pour  la  valeur  du   stade  184", 6,   il 
faiidrait  prendre  a  pen  presla  moyenne  entic  les  deux 
nombres  de   Posidonius,    pour  se   rapprocliei-   de   la 
v6rite,  c'est-a-dire  de  216  Zi89  stades. 

Une  fois  plac6  sur  ce  terrain,  M.  H.  Martin  fait  main 
basse  sur  loulos  les  hypotheses  qui  s'l^cartont  de  ces 
premieres  donnees;  il  les  regarde  comnie  de  puios 
reveries;  lorsqu'on  iui  demande  une  explication  quel- 
conque  dcs  divergences  des  Grecs,  il  les  attribue  a 
leur  profonde  ignorance;  rien  en  dega,  rien  au  dela. 
Esl-ce  la  une  methode  vraiment  philosophique  ,  et  les 
savants  peuvent-ils  se  contenler  de  semblabies  argu- 
ments. Personne  ne  supposera  que  les  Grecs,  en  pre- 
sence de  r^sultalssi  diff^rentsles  unsdes  autres.n'aient 
point  essaye  de  se  niettre  d'accord  par  de  nouvelles 
observations.  Un  passage  do  Cleoni^de,  expliqu6  par 
M.  Guigniaut,  juslifierait  au  besoin  celte  hypoth^se. 
Posidonius  lui-m6me,  en  nous  Iransniettant  ces  deux 
nombres  de  240  000  stades  et  de  180  000,  a  du  cher- 
cher  a  se  rendre  comple  de  leur  divergence.  Qui  nous 
dit  qu'a  d'autres  ^poques,  on  n'a  pas  ^tudie  la  ques- 
tion pour  obtenir  un  coefficient  plus  exact;  si  les 
documents  nous  manquent,  n'est-il  point  permis  de 
croire  que  dans  le  grand  nombre  de  traites  qui  nc 
noussont  point  parvenus,  on  aurait  pu  trouver  la  trace 
de  recherches  de  ce  genre,  et  doit-on  faire  un  crime 
a  un  erudil  de  s'etre  efforce  dc  suppleer  a  I'insuffisance 

IX.   JANVIER   KT   I'feVRIEK.   4.  4 


(50) 

des  ecrils  originaux,  par  iiuo  iht^orie  qui  nous  ropre- 
scuterait  ies  Grecs  sous  un  jour  inoins  defavorahle. 
Dans  Ies  tables  do  longitudes  et  de  latitudes  qui  nous 
onl  cle  transmises  par  I'ecole  d'Alexandrie,  il  existo 
des  Evaluations  irrej)iotlial)les  et  en  nicsiTtant  avec 
soin  In  distance  de  deux  \illes  eloipnees  d'un  degre  on 
de  30'  de  degre  el  placees  sur  le  nidine  nii^ridien,  on 
pouvait  reclilier  aisEmenl  Ies  erreurs  grossi^res  dont 
Ies  premieres  estimations  etaienl  enlachOes;  c'eslce  que 
Ies  Arabes  devaient  acconjplir  au  ix*"  sircle  de  notre 
^re.  Qui  pent  toutefois  affirnier  que  des  tcnlalives  de 
ce  genre  n'aienl  pas  ele  faites  pendant  la  brilianle 
periode  de  I'ecole  d'Alexandrie  ?  Gossellin  s'esl  laisse 
seduire  par  riiypolliEse  dc  la  difference  des  stades; 
c'ctait  line  niani^'ie  ing^nieuse  de  relever  Ies  Grecs, 
el  il  a  soulenu  cette  idee  avec  erudition  et  talent, 
bien  qu'il  ail  encouru  de  Ires  jusles  critiques.  M.  II. 
Martin,  apres  ime  tongue  digression  surla  nietrologie 
ancienne,  n'adniet  a  cole  du  slade  de  184", 6  que  le 
stadc  jjhilelericn  de  210"", 8;  mais  en  renversanl  lo 
syst^nie  de  Gossellin,  il  ne  met  a  la  place  qu'une  ne- 
gation, et  il  nous  ranifene  en  quelque  sorto  au  point  de 
d^pait  qui  n'explique  rien.  II  restera  luujours  la  ques- 
tion de  savoir  comment  Ies  Grecs  onl  des  Evaluations 
aussi  divergenles  hansque  leur  esj)rit  curieux  ait  songe 
;i  recliorcher  Ies  causes  d'un  tel  rEsultat,  et  pour  Ies 
erudils,  donlles  invistigations  se  portent  de  prelerence 
vers  Ies  temps  qui  onl  precede  I'ecole  d'Alexantlrie,  je 
doule  fori  qu'ils  accepienl  rargumenlalion  de  M.  II. 
Martin. 


(  51   ) 
Obsen>atioii  ndditionneUe  au  rapporl  qui  precede^ 

On  reproche  a  M.  H.  iMarlin  de  n'avoir  pas  lout  (lit, 
lout  cite,  a  propos  de  la  double  question  des  mesu- 
rages  antiques  de  la  terre,  el  de  I'unite  du  slade  itine- 
raire  eiuploy(i  a  formuler  les  resultats  obtenus.  J'ai 
trouve,  pour  ma  part,  qu'il  y  a  peut-etre  tjuelque 
ciiose  de  fond^  dans  colic  reniarque,  et  j'ai  rogrelte 
surtout  de  ne  renconlrer  dans  son  Examen  aucune 
mention  d'un  memoire  special  de  M.  William  Martin 
Leake,  sur  le  stade  co/niiie  mesure  de  longueur,  lu,  le 
26  novembre  1838,  a  la  Sociel6  royale  geographique 
de  Londies,  et  qui  ouvre  le  tome  IX  du  Journal  de 
cette  savante  con)pagnie.  M.  Leake  avail  soulenu  jus- 
tement  la  meme  tliese  que  M.  H.  Martin  a  reprise  au- 
jourd'hui,  et  qui  a  toujours  eu,  je  crois,  en  France, 
des  partisans  nun  douleux,  nialgre  Tespece  de  despo- 
tisme  que  les  doctrines  de  Gossellin  ont  si  longteinps 
exerce,  a  eel  egard,  sur  I'opinion  commune  des  erudits. 
L'empire  de  ces  doctrines  n'est  (dependant  pas  chez 
Dous  lellemenl  d6chu  qu'il  n'y  ait  encore  utility  reolle 
a  en  faire  ressorlir  les  trompeurs  artifices,  et  M.  H. 
Martin  a  eu  raison  de  se  livrer  au  travail  de  deuioli- 
lion  qu'il  vienl  d'accomplir.  II  a  Ires  bien  monlre  une 
fois  de  plus  qu'avec  des  moyens  tres  imparfaits  pour 
determiner  les  distances  lerrestres,  el  avec  des  moyens 
plus  impari'aits  encore  pour  determiner  la  quote-part 
de  grand  ctrcle  correlative  a  ces  distances,  il  ne  pou- 
vait  ressorlir  de  la  comparalson  de  ces  elements  gros- 
siers,  que  des  resultals  Ir^s  grossiers  eux-meujes;  et 
le  savant  doyen  de  Rennes  a  eu  soin  d'^lablir  que 
revaluation  d'Arislote  a  /jOOOOO  slades,  celle  d'Archi- 
m6de  a  300  000 ,    celle  d'Eraloslhene    a    250  000  ,  et 


(  ^V2  ) 
colle  fie  Posidonius  a  2/|0  000,  se  sonl  ainsi  chrono- 
logiquciDcnt  snccede  en  se  rapprocliant  de  plus  en 
plus  de  la  mesure  verilable,  ties  voisine  de  216000; 
puis  dans  un  ralcul  ullerieur  Posidonius  a  conclu 
180  000,  pecliant  cetle  iois  par  insulFisance  comnie 
auparavant  par  exces :  c'esl  lo  propre  des  approxima- 
tions d'osciller  de  part  ol  d'aulre  du  resullat  vrai. 

.Mais  le  recensemenl  de  ces  Evaluations  successives, 
onipriinle  presqce  tout  onlier  a  Cleom^de,   n'est  pas 
coniplel;  non  que  M.  H.  Martin  ait  neglige  de  relever 
tous  Ics  indices  e|)ars  dans   le   iraite    de   Cl^omede; 
niais  il  a  neglige,  comme,  au  surplus,    la  generality 
de   ses   devanclers,  des  rapproohenieuls  qui  |)orlent 
avec   eux  leur   conclusion.    Apr6s    avoir  rappelE,  en 
cflVt ,  que   Ton   estin)ait   a    un    quinzieme    du    cercle 
enlier,  Fare  comj)ris  tntre  Lysiniachie  el  Syene,  et  que 
la  distance  de  ces  deux  points  etait  i'aussement  (ivalut^e 
a  20  000  stades ,  d'oii  avait  el6  conclue  la  mesure  de 
SOOOOOslades  cilee  par  Archim^do,  il  remarque  Ires 
bien  que  dans  un  autre  endroit  Cleomdde  nc  conipte 
que  10  000  stades  d'Alexandric  a   rHollespont  [c'csl- 
a-diie  5  000  d'Alexandrie  a  Rhodes  el  5  000  de  Rhodes 
a   I'Hellesponl)    et   qu'en    ajoutant    les    5  000  stades 
d'Alexandrie   a   Svene,    on    n'a    plus    qu'un    total    de 
15  000,  au  lieu  de  20  000  ;  niais  il  ouhlie  de  conclure 
que  de  ces  donnees  il  ressort  aussi  une  circonfcience 
non  plus  de  300  000,  mais  de  225  000  stades,  evalua- 
tion la  plus  voisine  de  la  verile  que  I'antiquilE  nous 
ail  fournie.  Et  ce  n'est  pas  de  ces  seules  donnees  que 
resulle  la  meme  mi.'sure;  M.  H.  Martin  n'a  pas  neglig(^ 
non    plus   de    relever    dans  Cl<^omede   la    valeur  de 
SOOslades  repondant,  sur  I'orhe  terreslre,  au  diametre 
du  soleii;  mais  il  n'a  pas  mis  le  m6me  soin   a  remar- 


(  5o  ) 
qner  le  rapporl,  plusicurs  fois  signale  par  I'autour 
grec,  qui  ]<>  donne  coinnv.;  reconnu  d'abord  par  les 
figy])tiens,  lo  rapport  d'apr^s  leqnel  ce  diamelre  est 
iin  750'  du  ceiclo  entier,  ainsi  qu'on  I'avait  constate 
par  les  hydrologes  :  or  cii  imiltipliant  par  750  les 
300  stades  du  diamelre,  on  revienl  a  la  mesiue  lotalc 
de  225  000  stades  cgalemenl  donnee  par  los  elt^inenls 
que  nous  avons  ci-dessus  rapporld!S. 

Puisque  nous  rappelons  ainsi  les  indications  ras- 
sembl^es  dans  le  traits  de  Cleoni6de,  peut-etre  nous 
sera-t-il  permis  de  faire  reniarquer,  occasiounellement, 
que  revaluation  d'Eratoslhene  y  est  porlec  au  chillVo 
rond  de  250  000  stades,  londisque  dans  I'opinion  com- 
mune, c'est  252000 stades  qu'il  faudrail  lire;  maissil'on 
veut  bicn  considerer  que  Pline  attribue  formellenient 
a  Hipparque  une  correction  additive  aux  resullalsd'Era- 
toslbene,  j  endant  que  d'autre  part  Strabon  constate 
qu'Hipparquc  employait  revaluation  de  252000  stades, 
ne  sera-t-on  pas  conduit  a  conjecturer  que  I'addilion 
de  2  000  slades  est  precis^menl  celle  que  Ton  doit  a 
Hipparque,  el  qui  se  trouve  deguisee  dans  la  lecou  vul- 
gaire  de  Pline,  sous  un  cbiffre  exagtire?  d'Avezac. 


TYPES  DES  RACES   HDMAINKS 

[Types  of  Mankind). 
ParMM.NoTTetGLiDDON, — Conipte  rendu  par  M.Gustave  d'Kiohthal. 

Messieurs, 
Les  auleurs  du  livre  dont  vous  avez   bien  voulu  nie 
charger  de  vousrondre  comple,  ont  pris  soin  de  nous 
laire  connaitre,    au  debut    meuic   de    leur  travail,  la 
pensee  generale  dont  ils  se  sont  inspires. 


(  5/i  ) 

«  L'elhnologi.',  ont-ils  (lit,  on  r^p^lant  les  paroles 
de  I'hahik'  i>l  courap;eux  etlil<Mir  du  Journal  ellinolo- 
gique  de  Londres  ,  i'ethnologie  esl  la  science  qui 
eludie  les  differences  physiques  el  inlellecluelles  de 
I'liumanitc^,  et  les  lois  organiques  dont  ces  dilT(^rences 
dependent. 

»  Le  mot  d'ellinologie  a  g^neralement  ^16  employ* 
jusqu'ici  commo  synonyme  d'et/inngraphie :  il  a  design  6 
riiistoire  naturelle  de  I'homine;  mais  II  doit  prendre 
aujourd'hui  une  signification  heancoup  plus  vasl(?  ;  il 
doil  embrasser  I'histoire  tout  entifere  physique  et 
intelleclueile  des  diverses  families  humaines,  I'histoiie 
de  leurs  relations  el  <\e  leurs  institutions  sociales. 
Ainsi  comprise,  I'ethnologie  interesse  egaleinent  le 
philanthrope,  le  naturaliste,  I'liomme  d'Klat.  L'ethno- 
logie  cherche  a  connattre  quelle  a  ili,  a  I'origine,  la 
structure  organique  des  diverses  races,  leur  cararlere 
primitif ;  elle  etudie  les  modifications  que  ces  races 
onl  pu  ^prouver  par  I'influence  combinee  et  succes- 
sive de  diverses  causes  physiques  et  morales,  elle 
cherche,  enfin,  quelle  place  la  providence  a  assignee 
a  chaque  type  humain  dans  I'echelle  sociale. 

»  Tel  est  le  hut  de  ceWe  science,  n^e,  on  peut  le  dire, 
sous  les  yeux  de  notre  propre  generation.  La  presse 
abonde  en  publicalions  relatives  aux  diverses  sections 
de  I'elhnologie.  Cependant  aucune  tentative  n'a 
encore  6l6  faite,  que  nous  sachions,  pour  donner  a 
I'ethnologie,  dans  un  Iraite  systematique,  une  formc! 
nouvelle  en  harmonie  avec  les  progr^s  r^cenls  de  la 
science. 

»  Morton  avail  congu  le  plan  d'un  pareil  travail,  mais 
malheureusemenl   il    ne    v^cut    pas  assez   longtenips 


(55  ) 

pour  rexecuter.  Le  present  volume  est  bien  loin  sans 
(loute  de  repondre  aux  exigences  actuelles  de  la  science; 
cependant  nousavons  confiance  (ju'U  rouniira  d'utlles 
ressourcii's  et  pourra  servir  de  guide  a  ceux  qui  vien- 
dront  apr^s  nous.  » 

C'esl  alnsi  que  MVl.  Notl  et  Gllddon  coniprennent 
I'ensemble  de  la  self  nee  ethnologique.  Toutelois,  enlre 
Its  innouibrables  questions  qui  appartiennenl  a  ce 
domaine,  II  en  est  une  qui  a  parliculierement  fixe 
leur  allenllon,  qui  est  a  la  fois  le  point  de  depart  et 
I'objt'l  final  de  leurs  travaux;  c'est  celle  de  Vorigine 
(les  races.  Sur  ce  sujel,  on  le  sail  deux  grandes  opi- 
nions sont  on  presence.  L'une  s'appuyant  sur  le  recit 
de  la  Geneve,  atlirnie  que  loules  les  races  huinaines, 
sans  exception,  sont  issues  d'un  couple  unique  cree 
par  Dieu,  place  par  lui  dans  le  jardln  d'Eden,  11  y  a 
quelque  six  niille  ans,  L'autre,  se  fondant  sur  I'ob- 
servalion  des  caracleres  typlcpies,  pietend  que  les  dl- 
verses  races  n^  peuvent  provenir  d'une  uieme  souche 
priinili\e,  't  tout  v'n  reronnalssant  I'lmite  organi'pie 
de  I'espece  humalne  el  la  dlsposllion  de  tout^s  ses 
blanches  a  s'assocler  de  la  nianiere  la  plus  diroite, 
refuse  d'adniellre  (pie  cette  unit6  resulte  de  I'unlle 
d'orlgine. 

Cette  opinion  avait  ete  deja  souvent  expriniee,  lors- 
que,  11  y  a  quelques  annees,  M.  Morton  I'adopta,  cl 
consacra  a  la  defendre  un  talent  eminent  el  une 
science  Ires  etendue.  Ses  disciples  r^clament  pour  Ini 
riionneur  d'avoir  fonde  sur  cette  base  une  nouielle 
6cole  ethnologique  qu'lls  appellent  I'ecole  americaine, 
en  opposition  a  I'ecole  an^laise  ^lev6e  par  Prichard 
sur  le  princlpe  conlraire  tie  I'unite  d'origlne. 


(  5<>  ) 

Cest  ;i  la  lliooric  dc  la  pliitalitc  primilive  iles  races 
que  se  lallache  la  serie  He  Irailcs  dislincls  qui  compo- 
sent  Ic  livre  de  MM.  Noll  il  Gruldon. 

Le  premier  de  ces  Irailes  est  I'ceuvre  d'un  savaiil, 
doiil  Ic  noin  figure  an  premier  rang  |)armi  ceiix  des 
geologucs  cl  dos  palconlologisles  conlciiijiorains,  clqiii 
neclforjiie  en  Europe,  a  vugrandir  encore  sa  reputalion 
aux  Klats-Lnis  ou  il  professe  aujourd'iiui  la  paleon- 
tologic  a  rUniversite  de  Cambridge.  T/csl  une  esqnisse 
des  proi'inces  iKiliirelles  ilii  re^/ie  iiniiiidl  ct  dc  /curs 
rnpnorts  ch'CC  les  divcrscs  races  Iniinaincs.  «  II  y  a  ,  (lit 
M.  Agassi/,,  dans  I'liisloire  physique  do  I'esp^ce  liu- 
maine  uii  Irail  tpii  a  ele  cnliercmcnl  neglige  jus(|u'ici, 
nous  voulons  parler  des  relations  entrc  les  difTc^rcntes 
races  humaines,  el  les  animaux  cl  les  planles  qui  Iia- 
bilenl  les  memes  regions.  L'esquisse  que  nous  pre- 
senlons  a  ])our  but  de  combler  cette  lacune  el  de 
monlrer  que  les  limiles  qui  circonscrivenl  les  diffe- 
rents  groupes  nalurcls  d'animaux  a  la  surface  du  globe, 
sont  aussi  les  memes  qui  circonscrivenl  les  si(^ges  pri- 
mitifs  des  dideronles  races  (p.  i.vin).  »  M.  Agassiz 
admet  huil  lypes  huiiiains  priniilil's.  L'Arlic  ou  Esqui- 
mau, le  Mongol,  rEuro[)een,  i'Americain,  le  Negrc, 
le  Hollenlol,  le  Malais,  i'Auslralion  ;  el  il  montre  qu'a 
cliacune  des  regions  primilivemenl  occupees  par  cha- 
cune  (le  ces  races  correspond  une  fauiie  parliculiere, 
c  esl-a-dire  un  ensemble  de  races  animalcs  qui  ne  se 
relrouvenl  poinl  ailleurs.  Les  vues  de  M.  Agassiz  ont 
6l(i  exposees  par  lui  pour  la  pren)iere  fois  dans  la 
Refiie  Suisse  en  18/i5.  II  ne  nous  apparlienl  point  de 
les  discuter,  ni  de  les  jugcr  tn  detail,  niais  dans  leur 
ensemble,  dies  nous  j)araissenl  oil'rir  un  caracl6re  dc 


{  ^>7  ) 
verite   inanirtste,    et   ouviir   ;i    la    science   iin  chainp 
tout  noLiveau. 

A  la  suite  dii  niemoire  de  iM.  Agassiz,  vieiU  \o.  tra- 
vail proprc  de  MM.  Noll  et  Gliddon.  II  esl  divis6  en 
trois  parlies  tlonl  la  premiere  apparlient  plus  specia- 
lement  a  M.  Nott,  et  doi.t  la  sccoiule  et  la  Iroisieme 
sunt  I'usuvre  exclusive  de  M.  Gliddon. 

Dans  une  reniarquable  iulroduction,  M.  Noll  expose 
I'objel  S])ecial  de  la  premiere  parlie.  La  question  en 
lilige  cntre  les  partisans  de  r////<V('  et  ceux  de  \a  plu- 
iftlile  cles  origines  huniaines,  sc  raniene  evideuiinent 
u  celle-ci  :  Les  races  huniaines  ont-elles  ou  non  des 
caracteres  pcn>ianeiils  ?  Vgvsouuq  an  eflet  ne  coulesle 
qu'il  oxisle  aujourd'hui,  entre  les  diverses  races,  des 
diflerences  extreniement  marquees,  sous  le  rapport 
moral,  intellecluel  el  physique.  Mais  les  partisans  de 
V unite d'ovi glue  pretendent  que  ces  differences  resultent 
de  Taction  prolong^e  des  milieux  physiques,  on  bien 
des  circonslances  sociales  dans  lesqnelles  les  diverses 
races  ont  vecu.  Les  partisans  de  la  pliiralile  des  ori- 
gines  soutiennent  an  contraire  que  ces  causes  sont 
tout  a  fait  insuffisantes  pour  rendre  comple  des  diffe- 
rences dont  il  s'agil;  ils  n'admellent  point  que  I'aclion 
du  climat,  ou  celle  des  moeurs,  puisse  arrivcr  jamais 
a  modifier  les  caracleres  essenliels  del'organisme.  Les 
fails  n'ont  jamais  manqu6  aux  defcnseurs  de  cette 
th^orie  :  loutefois  I'etude  des  anciens  monuments  de 
lEgyple  el  de  TAssyrie,  qui  depuis  le  commencement 
de  ce  siecle,  el  notamment  depuis  quelques  annees,  a 
fail  tant  et  de  si  merveilleux  progres,  est  venue  donner 
a  leur  opinion  une  confirmation  Inallondue  el  qui 
sembic  decisive.  On  a  relrouv6,  en  effel,  sur  les  sculp- 


(  fts  ) 

lures  de  ces  monuments,  des  (i^uies  d'lioinmes  et 
d'animaux  donl  k'S  lypes  subsislenl  encore  aiijour- 
d'hui  parfaik'Uient  coiilormes  a  ces  antiques  modeles. 
Un  laps  de  plusieurs  milliers  d'ann^es  egal,  dans  cer- 
tains cas,  ou  prosque  ^gal  a  la  durde  (|ue  les  parti- 
sans de  Viinite  (Cori^ine  assignoiit  a  i'exislence  meme 
de  I'esp^ce  liumaine,  n'a  done  pu  inlroduirc  dans 
I'apparcnce  et  par  consequent  dans  I'organisalion  des 
races  donl  il  est  ici  question ,  aucune  modilication 
sensil)le.  D'un  autre  c6t<^,  les  momies  d'hommes  el 
d'animaux  irouv^es  dans  les  necropoles  de  I'Egypte 
atlestenl  6galement  la  permanence  des  anciens  types. 
Desormais  cetle  permanence  semble  done  plac6e  liors 
de  doule,  el  par  la  se  Irouve  en  meme  temps  confirme 
le  priiicipe  de  la  pluralile  primitive  des  races  hu- 
maines. 

M.  Gliddon  est  un  des  homines  de  noire  temps  qui 
ont  le  plus  soigneusement  etudid  et  qui  connaissent 
le  mieux  les  monuments  de  TEgypte  et  ceux  de  I'As- 
syrie.  Avec  sa  collaboration,  en  s'appuyant  autanl 
que  possible  sur  la  comparaisoii  des  represimtations 
assyriennes  et  ^gyptiennes  venues  jusqu'a  nous,  M.  Noll 
a  ecrit  six  chapilres  plcins  d'inleret  sur  la  permanence 
des  lypes  caucasien  en  general,  juif,  ^gyptien,  n6grc 
el  africain.  II  a  egalement  entrepris  cetle  demonstra- 
tion a  i  egard  des  races  aborigenes  dAmerique;  uiais 
ici  ce  soul  principalement  les  sqiudettes  trouves  du- 
puis  quelrjues  annees  en  si  grarul  nombro  dans  les 
anciennes  s»^pultures  qui  lui  onl  servi  de  lerme  de 
comparaison. 

A  ce  grand  travail,  viennent  se  joindre,  pour  com- 
puter la  premiere  partio,  deux  m^moires  posthumes 


(  59  ) 
de  Morion,  Fun  sur  les  Dimensions  du  cerveau  dans  /es 
dijferentes  races  et  les  differentes  families  humaines ; 
I'aulre  sur  I'origine  des  races  humaines;  puis  un  me- 
moire  tie  M.  Usher  (de  Mobile),  sur  la  geologie  et  la 
paleontologie,  dans  leur  rapports  avec  la  question  des 
origines  humaines.  Enfin  viennent  deux  aulres  me- 
inoircs  de  M.  Nolt,  I'un  sur  les  lois  de  Vhybridite  chez 
les  aniinaux  dans  leur  application  a  Vhomme^  I'aulre  sur 
Vanatoniie  des  races  humaines. 

Dans  le  travail  que  nous  venons  de  nommer , 
M.  Usher  resume  les  oliservalions  des  geologues, 
d'apres  lesquelles  la  surface  lerrestre,  telle  que  nous 
la  vojons  aujourd'hui ,  doit  necessairement  exisler 
d^ja  dopuis  des  niyriades  d'ann^us  ;  il  cile  aussi  des 
exemples  nombreux  de  debris  huinains  et  d'instru- 
nients  huinains  Irouves  dans  des  formations  g^olo- 
giques  dont  I'age  depasse  de  beaucoup  nos  plus  vieilles 
epoques  historiques. 

La  question  des  lois  qui  regissent  les  produits  hy- 
hrides  dans  h  s  races  humaines  avait  6te  posee  et  dis- 
cutee  Ires  heureusement  il  y  a  quelques  ann^es  par 
M.  Morion  (1).  M.  INott  reprenant  ce  travail,  y  a  ajoute 
de  nombreuses  observations,  de  curieux  d^veloppe- 
menls.  Et  il  esl  arrive  avec  M.  Morton  a  cetle  conclusion 
«  que  la  I'aculle  de  s'enlre-produire,  existante  chez  deux 
races  d'animaux,  ne  prouve  en  aucune  faQon  la  com- 
mune origine  de  ces  races  ;  qu'a  plus  forte  raison,  cette 
faculty  ne  pent  pas  elie  invoquee  comma  preuve  d'une 
nieme  origine  a  I'egaitl  de  deux  races  humaines  (2).  » 

(i)  Vo^ezSillimgn's  Jnunial,  <  847;  ^'  Charleston  medicalJournal, 
i848-i85i. 

(a)   Nous    n'avoiis    icpeiidctiit    pas    icliouve   ilaiis   le    travail    de 


(00  ) 

Le  dernier  memolre  ilc  M,  Noll  sur  raiialomic  dos 
races  (p.  397)  se  compose  principaletncnl  dc  resul- 
tats  oblenus  par  rotude  des  cranes  qui  composcnt  la 
belle  colleclion  do  fou  M.  Morton. 

Jiisqu'ici  nous  avons  vu  MM.  Noll  fl  Glid(K)ii  dc- 
inander  diroctemcnl  a  la  scioiice  la  confirmation  du 
principe  defendu  par  eiix;  mais  i'o|nnion  contraire 
repose  sur  autre  chose  qu'une  base  pnrement  scien- 
tilique.  Elle  s'appuie  surtout  sur  une  autorit^  scrip- 
luraie,  sur  un  double  lexle  de  la  Gen^se,  qui  deux 
lois  nous  monire  I'liumanile  lout  cnliere  sorlant 
d'un  cou|)le  unicpie,  d'Adam  ot  Eve,  a  i'epoque  de  la 
creation,  de  Nou  et  de  sa  femme  a  I'epoque  du  deluge. 
—  MM.  Noll  et  Gliddon  ont  cru  (juc  leur  ceuvre  serait 
inconipI(Me  s'ils  ne  reduisaienl  ;'i  sa  juste  Taleur  celle 
autorile  sans  cesse  invoqu^e  conlre  eux.  WA  est  I'objet 
de  la  seconde  el  de  la  Iroisieme  parlie  ledigeespar 
M.  Gliddon. 

Apres  avoir  raconle  la  deslruclion  du  genre  liumaiu 

M.  I^oll,  ccKc  cousideiatioii  (|ui  iiuiis  avail  j);mi  la  |iliis  iiii|ioi  lantf 
enlie  toiites  ci'Ues  presentees  par  Morton:  c'est  que  la  Fi'condile  dcs 
metis,  provonaiit  d'uspecej  voisincs  iiiais  tli^itinctes,  rroit  en  propor- 
tion lie  la  tlisposilion  de  t'cs  especes  a  la  doinesticite.  Or  riioniine 
etaiit  le  plus  diuicstiijiie  de  Ions  Ics  animaiix,  les  metis  humains 
doiveiit  elre,  en  vcrlu  dp  la  loi  siynalec,  les  plus  feconds  de  tous. 
(3elli'  fecondite  s'aecoidc  done  tres  bien  avec  la  cliversite  spdcifique 
des  races  humaines;  elle  n'en  prouve  en  aucune  facou  Ymt'tti',  comme 
ou  a  ern  puuvoir  I'atHrrner. 

!,(■  inetnoiredc  M.  Morton  tut  presente  a  la  Soeiele  elhnolu(>inue 
de  i'.iiis  daii-i  1  i  seance  du  22  (aloljre  1847-  "  donna  lieu  a  dcs  ob- 
servations tres  iiiteresiantes  de  la  part  de  M,  (JcoftVoy  Saint-tldaire 
sur  la  fecoadiie  des  metis  et  les  caracteres  difFercntiels  des  especes, 
(Voyez  le  Bulletin  de  la  Sociele  ellinolof»iqvie  pojir  1847.) 


(  01  ) 
par  lo  deluge,  I'luituur  do  la  Gon6se,  dans  son  c6l^hre 
chapilie  X,  ddnne  lo  tableau  des  peiiples  issus  de 
Noe  et  de  ses  irois  fiis,  Seni ,  Cliam  et  Japhcl.  De 
I'avis  de  lous  ceux  qui  I'ont  etudi(^,  cc  document  ren- 
ferme  les  renseigneuients  les  pKis  pr^cieux  sur  la 
filiation  de  certains  peuples  anciens.  —  Mais  qu'est-ce 
que  ces  peuples?  Que  lepresenlent-ils  pur  rapport  a 
I'ensemble  de  riiunianitePSonl-ilscet  ensemble  meme, 
ou  bien  en  sonl-ils  une  simple  fraction?  —  La  reponse 
a  cette  question  ressort  de  la  determination  meme  des 
diflerenls  noms  qui  figurent  dans  le  dixieme  cbapilre. 
Faite  par  Bocbarl  il  y  a  environ  deux  siecles,  avec 
aulant  de  sagacite  que  d'(^rudilion,  souvent  retoucbee 
depuis  sans  cbangements  considerables,  cotte  determi- 
nation a  ete  reprise  et  amendee  en  certains  points  par 
M.  Gliddon.  II  en  a  fixe  les  resultals,  dans  deux 
tables  jointes  a  son  travail  ,  I'une  g^nealogique  , 
I'autre  geographique;  et  il  a  ainsi  rendu  sensible 
cette  conclusion  que  le  cbapitre  X  de  la  Genese  ne 
renferme  qu'un  petit  nombre  des  peuples  qui  com- 
posent  I'ensemble  de  I'espece  bumaine;  qu'il  renferme 
les  peuples  seulement  qui  a  I'epoque  ou  le  document 
fut  ecrit  habitaient  I'Arabie,  I'Egyplo,  la  cote  septen- 
trionale  de  I'Afrique,  enfin  toute  la  partie  anterieure 
de  I'Asie  occidentale,  comprise  entre  la  mer  Noire, 
I'Eupbrate  et  la  Mediterranee.  C'est  a  peu  pres  le 
domaine  sur  lequel  s'etendail  le  commerce  des  Pli6- 
niciens,  et  par  cette  raison  il  y  a  tout  lieu  de  croire 
que  le  document  a  ete  puise  a  une  source  pbenicienne. 
Quoi  qu'il  en  soit,  le  cbapitre  X  ne  comprend  evidem- 
ment  qu'un  certain  nombre  de  peuples  Semites  et  ha- 
mites;  de  peuples  indo-germaniques,  il  ne  renferme 


(  62  ) 
qu'un  pelit  nonilire  el  laisse  en  dehors  la  plus  grantle 
parlie  de  cetle  immense  fainille  ;  d'ailleurs  i!  nc  inen- 
lionne  ni  unMogol,  ni  un  Polynesian,  ni  un  Aiislralion, 
ni  un  N6gre.  Ainsi,  a  prendre  le  lextc  de  la  Gcn^se,  il 
esl  faux  (jue  ce  livre  ^lablisse  en  auciine  maniere  la 
descendance  cle  l'universalit(^  des  peuples  a  I'egard  de 
Noe.  En  donnant  au  dixii  in'  chapilrc  loute  i'autorite 
imaginable,  cetlo  descendance  nc  s'appliqut-rail  encore 
qu'A  une  faible  minoril^.  Par-li  menie  celle  descen- 
dance ne  pent  dire  admise  a  I'egard  tlu  coupli;  piimilif 
(Adam  et  Eve),  puisque,  d'apres  la  Gen^se,  ]No6  el  sa 
femme  sont  deu)oures  {'unique  lignee  de  ce  couple 
priniitif. 

Mais  M.  Gliddoii  n'a  pas  voulu  s'en  lenir  la.  Remon- 
lant  au  texle  jn6ine,  sur  Jequel  on  pretend  fonder  la 
descendance  universelle  d'Adam.c'esl-a-dire  I'liistoire 
de  la  creation,  il  a  rappel^  que  depuis  plus  d'un 
sidcle  tons  les  exegeles  serieux  sonl  1 'accord  pour 
reconnailrc  que  dans  la  Genese  cetle  hisloire  esl 
double,  qu'd  y  a  un  premiiM-  document,  coinprenanl 
le  cbapilre  premier,  el  h  s  Irois  premiers  vorscts  du 
chapilri-  II,  el  un  deuxieme  document,  coinprenanl 
le  reste  da  chap.  II,  el  le  cbapilre  111  tout  enlier.  Or 
ces  deux  documents  dillerenl  comj)leteinenl  I'un  de 
I'aulre;  il  esl  facile  de  le  constaler  a  la  simple  lecture. 
Ici  nous  devons  seulemenl  faire  reniarquer  que  dans 
le  premier  document,  le  mot  Adam  esl  pris  dans  son 
sens  general,  dans  le  sens  d'espece  liumaine.  C'est 
dans  le  second  document  seulemenl  qu'il  prend  un 
sens  individuel  el  personnel.  Or  ce  second  docuraenl 
est,  suivant  loules  les  apparences,  d'origine  persane 
el  n'est  enlr6  dans  le  corps  des  ^crilures  sacrees  Ii6- 


(  63  ) 
braiques  qu'a  I'epoque  de   la   captivite  de  Babylone. 
Cependanl  c'esl  sur  ce  document  seul    que   repose  la 
doctrine   qui  fait  sorlir  tous  les  liommes  d'un  couple 
priuiilif. 

Enfin,  a  I'appui  des  travaux  que  nous  venons  de 
rappeler,  M.  Gliddon  a  coininenc^  une  sorte  d 'exposi- 
tion des  principes  g^n^raux  tie  la  critique  biblique. 
Dans  un  pays  ou  la  Bible  conserve  encore  une  si 
grande  aulorite,  il  a  regartl^  comme  un  devoir  de  com- 
niuniqiier  a  ses  compalriotes  cette  doctrine  professee 
aiijourd'bui  paries  plus  illustres  defenseurs  de  la  foi 
protestante  en  Allcmagne:  que  I'autorite  de  I'ecriture 
el  celle  de  la  raison  sonl  inseparables,  et  que,  loin 
d'avoir  rieu  a  craintire  des  entreprises  de  la  critique, 
la  Bible  ne  pent  que  gagner  a  eire  debarrassee  de 
I'enveloppedont  I'ignorance  etla  superstition  I'ont  par- 
fois  entour^e,  el  a  se  niontrer  aux  yeux  des  boniuies 
dans  sa  purel6  primitive. 

Tel  (St  en  resume,  Messieurs,  I'important  travail 
dont  vous  nous  avez  demands  de  vous  faire  connaltre 
la  substance.  Vous  y  verrez  comme  nous  sans  doute 
un  nouveau  et  remarquable  lemoignage  de  I'activit^ 
scientilique  et  pbilosopbique  qui  se  manifeste  aujour- 
(I'liui  aux  Etats-lJnis.  A|)res  avoir  monlre  au  monde, 
dans  ses  institutions  politiques,  I'exemple  de  la  sagesse 
unie  a  la  liberie,  apr^s  avoir  paye  son  tribut  a  la  civi- 
lisation par  de  magniliques  applications  de  la  science 
aux  besoins  de  I'industrie  el  aux  nt^cessites  de  la  vie, 
apres  nous  avoir  donne  If  paratonnerre,  la  navigation 
a  la  vapeur,  le  telegraj)be  electrique,  I'emploi  des 
agents  aneslh^siques,  les  Etats-Unis  s'avancent  aujour- 
d'hui  d'un  pas  hardi  dans  la  voie  de  la   r^forme  et  de 


( '■''• ) 

la  propagandc  scientifiqne  el  pliilosopliiquo.  lis  ap- 
porlent  ;i  cotlo  (tinro  la  iiiemo  ardour,  la  mOme  puis- 
sance d'acllon  ,  qui  les  onl  conduits  si  loin  dans  la 
voic  induslriille.  Deja  Emerson  el  Clianning  se  soul 
acquis  uii  nom  glorieux  parn)i  les  philosophes  et  ks 
iheologieus.  \\  ashingloii  Irviug,  Prescolt,  Bankroll, 
ont  pris  rang  parnii  les  liisloricns  dont  le  tenips  doit 
respecter  les  ceuvres;  Morion  el  son  6cole  auront  puis- 
saiunient  conlribue  a  r^g^nerer  la  science  de  I'liomnie 
el  a  la  populariser. 

Kn  VOU.S  faisant  coniialtre ,  Messieurs,  I'economie 
g^n^rale  du  livre  de  MM.  Nott  et  Gliddon ,  nous  n(uis 
somints  absleiuis  de  loute  critique  meme  sur  les 
|)oints  a  Tegard  dosquels  nos  convictions  s'ecarlaienl 
plus  ou  nioinsdes  Icurs:  un  pareil  travail  eQt  depasse 
la  inesure  du  compte  rendu  que  vous  nous  demandiez, 
la  mesure  meme  du  lemps  que  nous  pouvions  consa- 
crer  a  I'^tude  d'une  ceuvre  aussi  considerable.  II  est 
cependant  une  exception  que  nous  devons  faire  a  la 
regie  que  nous  nous  sommes  impos^e ;  nous  devons 
exprimer  devant  vous  le  regret  que  nous  avons  eprouv6 
en  voyant  deux  hommes  aussi  distingu^s  suLir  si 
completemenl  I'influence  ilu  prejuge  public,  malheu- 
reuscnient  si  puissant  aux  Elals-Linis,  au  sujet  de  la 
race  noire.  Et  cependanl  nous  sommes  bien  pres  de 
parlager  leurs  opinions  ethnologiques  a  I'^gard  de  cette 
race :  comme  eux  nous  croyons  a  rinleriorite  essen- 
lielledu  noir,  sous  le  rapj)orl  scienlifiquc  el  politique; 
mais  nous  ne  tirons  pas  de  ce  fail  los  memes  conse- 
quences. iNous  croyons  que  celle  inferiorite  est  com- 
pens^e  par  le  developpement  si  lemarquable  chez  le 
noir  de  loules  les  facult^ssyrnpalhiques.  Et  loin  d'ad- 


(  <i5  ) 
mellre  que  cetle  race  puisse  6tre  elernellement  voude 
a  I'esclavage,  nous  pensons  que  dans  rere  nouvollc, 
vers  laquelle  les  peuples  semblent  aujourd'hui  s'aclic- 
miner,  ere  de  travail,  de  paix  et  de  sympatliie,  la  race 
noire  est  appelde  a  remplir  un  role  non  raoins  im- 
portant que  celui  de  la  race  blanche.  Nous  ne  pouvons 
qu'indiquer  ici  cette  opinion ,  en  nous  refdrant  aux 
ddvelopperaents  que  nous  y  avons  donnes  ailleurs  (1). 
Et  pour  rendre  a  chacun  ce  qui  lui  est  du,  nous  devons 
aussi  rappeler  que  dans  un  livre  recent,  livre  egale- 
ment  emane  d'une  plume  americaine,  et  dont  I'appa- 
rition  a  cause  dans  toutes  les  parlies  du  monde  civilise 
une  si  vive  sensation ,  dans  le  roman  de  VOncle 
Tom,  cette  meme  opinion  a  etd  prdsentde  etddfendue 
par  M'"e  Beecher  Stowe  avec  autant  de  raison  que 
d'dloquence. 


RAPPORT 

sun  l'ouvrage  intitul£  :  Geographi grceci  minores,  avec 

COMMENT  AIRE  ET  ATLAS  DE  29  PLANCHES,  PAR  M.  ChARLES 

MuLLER.  Imp.  el  libr.  Didot.  1  vol.  gr.  in-S"  a  2  col. 

Par  M.    ISAMBEllT. 


C'est  une  enlrepriso  depuis  longtemps  annoncde,  et 
jamais  completement  exdcutde  qu'une  edition  coni- 
plele  ou  generale  des  Petits  geograpkes  grecs  ;  le  succes 
obtenu  par  les  quatre  volumes  de  I'anglais  Hudson, 
publiees  de  1698  a  1712,  avait  altire  I'attention  des. 
savants.  Leur  rarete  en  rendaitla  reimpression  urgenie 

(i)  Bulletin  de  la  Societe  elhnologique,  2'  triinestre  tie  1847. 
IX.  JANVIER  ET  F^VRIER.   5.  5 


(  66) 
Mais  cuinine  on  avail  leroutui  combien  clle  elail  in- 
complete, et  combien  d'ouviagcs  iuiporlants  avaient 
di'happe  a  cetle  edition,  (|iii  cKaillenrs  se  tompobe  en 
partie  de  geographes  arabes,  des  plans  avaient  6l6 
dresses.  Nous  n'avons  pas  6t6  stranger  a  la  pnhlicalion 
par  M.  Franc.  Gail  fil;-,  on  3  vol.  in-S",  a  riniprimerie 
royaie,  faile  de  1826  a  1831.  Elle  elait  accompagnee 
de  cinq  planches,  conlenanl  diverses  carles  pour  eclai- 
rer  les  lexles  qu'elle  renlernie;  car  un  recueii  de  ce 
e;enre  ne  peul  se  passer  de  carles,  ct  il  en  faut  aiitanl 
qu'il  \  a  d'ouvrages  separ^s ;  ces  carles  onl  el6dressees 
avec  soin,  les  lexles  onl  616  re\us;  et  chaque  geograplie 
esl  accompagne  de  disserlalions  el  de  notes  assez 
etendues:  mais  M.  Gail  n'a  pu  acliever  niemc  la  reiui- 
pression  des  lexles del'edi lion  d 'Hudson.  MM.Letronne, 
iMiiller  et  d'autres  savants,  pour  ne  jiarler  que  des 
Fran^ais,  a\anl  a  coeur  raccroissemeiil  de  la  geogra- 
phic, ont  pultlie,  a  pari,  quelques-uns  des  g(^ograplies 
d6ja  connus,  d'apr^s  de  nouveaux  manuscrils,  el  y 
onl  joint  de  nouveaux  eclaircissements. 

Mais    il    s'en  faul  qu'on  ].ul  he    flatter  d'avoir  une 
collection  complete,  quand  M.   Ch.  Miilier,  auquel  les 
sciences    hisloriques   iloivent   le   recueii    de    lous   les 
Tragments  des  hisloriens  perdus  depuis  les   temps  les 
plus  anciens  jusqu'a  la  (in  du  vi"  siecle  de  noire  6re, 
en  4  volumes  grand  \n-k',  a  pris  I'engagemenl  envers 
MM.  Didol    de  mellre  au    jour  I'ensemble  des  Petits 
geographes ;  nul  n'etail  plus  en  etat  que  ce  savant  cri- 
tique, de  nieltre  a  lin  une  si  lourde  enlreprise.  A  une 
connaissance  pariaile  de  la  phiiologie,  M.  Miilier  joint 
une  grande  habilele  dans  la  confection  des  carles,  el 
nul  ne  connail  mieux    les  sources.   Dun   autre  cole. 


(  «7  ) 

la  iiiaison  DiHol,  qui  n'avait  d'aboid  enlrepris  que  la 
publication  des  lexles  e|)ures  dcs  classiques  grecs, 
lie  recule  devanl  aucun  sacrifice  pour  ^tendre  cetle 
grande  enlreprise  :  olle  ajoute  a  present  des  com- 
nienlaires. 

Le  volume  actuel,  qui  ne  contienl  encore  que  lo  lirrs 
des  ouvrages  geograpliiques  ecrils  en  gn  c  ,  est  ac- 
compagne  deja  de  29  planches,  contenant  108  carles 
et  vues;  Taultur  n'apas  manque  de  donner  le  tableau 
syslematique  des  pays  d^crits,  quand  cela  a  eii  neces- 
,s  aire  ,  vi  (  <  relablir  dans  les  cartes  comparees  la 
veritable  configuration  des  cotes  et  des  contrees 
interieures  :  il  est  descentlu  dans  les  details  lopogra- 
phiqucs  necessaires,  quand  il  a  eu  a  eclaircir  les 
descriptions  parliculieres.  Nous  pouvons  assurer  que 
M.  Miiller  a  employ^  les  maleriaux  les  plus  recenls  et 
les  plus  aulbentiques ;  il  en  a  donne  une  courte  ana- 
lyse; el  il  a  rendu  justice  aux  graveurs,  et  surtout  a 
notre  honorable  et  savant  collogue  M.  Jacobs  pour  sa 
cooperation. 

Ce  premier  volume  renferme  a  lui  seul  plus  que  les 
Irois  volumes  de  I'odition  de  M.  Gail;  il  oflVe  par  ordre 
chronologiquc,  1°  le  P^riple  d'Hannon ,  ce  monu- 
ment si  respectable  des  explorations  des  Carlhaginois, 
faites  vers  la  fin  du  v*  siecle  avant  notre  ere;  —  2°  la 
description  de  la  mer  interieure,  ou  Mediterran6e, 
(ie  Scylax  de  Caryande,  6cnte  vers  I'an  338;  — 
3°  le  Periple  du  goH'e  arabique,  d'Agatarchide  de  Cos, 
redig^  vers  Fan  J  30;  —  4°  les  Mansiones  ou  stations 
Parthiques,  d'lsidore  de  Charax,  qui  (latent  du  pre- 
mier sifeclc  de  notre  ere  ;  —  5°  le  Periple  de  la  mer 
Erythree,  des  cotes  de  I'Afrique,  de  I'Arabie,  el  d'une 


(  ^8  ) 
portion  de  I'IikIl',  pai'  uii  anonymo,  enlvant  vers 
I'an  89  Je  cettc  6re  ;  —  0"  la  Na\igalioii  do  Ntiarque,  de 
rinde  i'l  rEiiphrale,  et  le  Periple  de  I'Eiixin,  d'Airien 
deNicomddie,  conlemporain  d'Adrien;  — 7°  Icsgrandes 
explorations  du  Sladiasnic  anonynie,  qui  I'urent  denies 
de  I'an  250  a  I'au  300;  -  ct  eufin,  8°  le  Periple  des 
deux  Oceans  dQ  a  la  plume  de  Maicien  d'Heraclde, 
vers  I'an  400. 

Cliaque  auleur  est  precede  d'line  disserlaliun  el 
acconipagne  de  notes  substanlielles. 

On  voil  quelle  moisson  nous  devons  recueillir  dans 
les  lomes  II  el  III  de  celte  colleclion. 

Point  de  doule  qu'ellc  ne  soil  accompagnde  d'aulres 
carles  el  d'une  table  alphabetique  ires  ample  des 
nonis  geographi(jues.  Notre  savanl  collegue,  M.  Noel 
Desnojers  doit  publier  les  Geographes  arabes;  et 
completer  ainsi  I'edilion  mixte  qu'Hudson  avail  com- 
mencee. 

Nous  croyons  que  I'enlrcprise,  ddja  si  avancee,  est 
une  des  plus  imporlanles  que  la  science  ail  tentdes 
de  nos  jours.  La  geographie  comparee,  aulant  que 
la  philologie,  doit  s'applaudir  de  ce  qui  vient  d'filre 
accompli  par  un  critique  si  excrce;  faisons  des  voeux 
pour  qu'elle  arrive  promptement  a  son  lerine  :  nous 
Savons  d'ailleurs  qu'elle  va  bientot  dire  suivie  du 
deuxieme  volume  de  Strabon,  avec  15  carles  redigdes 
avec  le  mdme  soin  et  la  meme  intelligence. 

ISAMBF.RT. 


( (^'•' ) 

EXPEDITION    l)E  L'AFUIQUE  CENTRALE  (1), 

PVnukv.    PAR    M.     AUG.     PETliRMANN. 

(Analyse  par  M.  Jomaiid.) 

{Suite.) 


HuiUeine  excursion.  —  Voyage  de  Barth  et  Overwep; 
a  Ranem,  dc  septembrc  a  novcmbre  1851. 

Aiissitot  que  les  voyageuis  Barlh  et  Ovenvcg  so 
furent  rejoints,  ils  appiirent  que  le  sullan  clu  Ouarlay 
etail  iiiort  et  que  tout  lo  pays  elait  en  proie  a  la  guerre 
civile.  La  Iribu  des  Oualad-Solinian ,  refoulee  par  les 
Turcs  au  nerd  et  au  nord-est  du  lacTsad,  resolut  de 
s'elablir  au  Ouaday;  le  cheykh  du  Bornou,  afin  d'aider 
les  voyageurs,  qui  voulaienl  profiler  de  cetle  circou- 
slancc  pour  explorer  le  i)ays  entierement  inconnu 
situe  enlre  le  Inc  Tsad  el  la  vallee  du  Nil,  equipa  vingl 
Arabes  charges  de  les  accouipagncr.  Lc  \h  de  soplein- 
bre  ils  quitlerenl  Rouka  ,  so  dirigeanl  sur  la  pointe 
nord-est  du  lac  el  traversanll'Yeou,  qui  se  jolte  clansle 
lacTsad  avec  un  fort  couranl.  Overwegdessinarembou- 
cliure  de  la  riviere  dans  le  lac,  pres  dc  lagrande  ville 
de  Bosso ;  apr^s  avoir  pass6  Woodle,  ils  alleignirenl 
rcxlr^mite  nord-esl  du  lacTsad.  Pendantcelte  course 
ils  virent  le  lac  couverl  d'un  grand  nombre  d'ilcs;  plus 
loin  a  Test,  les  bords  du  lac  sonl  marecageux  ct  Ton 
apergoit  des  troupes  d'eleplianls.  A  Birry,  ils  conli- 
nuerent  au  nord-esl.  Le  1"  octobre,  a  Bir-el-Rorno, 
ils  gagnerenl  le  cainpcmcnl  des  Oualad-Solinian  ,  (jui 

(i)  Voyc/,  lc  nuiTKTO  aont-sRpteinlire   |8.'J4,  p.  'Sg. 


(70) 

lesregurent  en  grande  ceremoiiii-.  La  tiibu  comptail 
ceni  families,  qiianliU^  de  Tibhous,   5  000  cliaineaux, 
plusieurs  milliers  He   lifBiils  el  iiioiitons.    De    Bir-el- 
Korno  ils  se  dirig^rent  siii  Maw,  la  capilale  de  Kaneni. 
La  guerio  des  Iribus  Ics  forca   de   revcnir  Ic  \h    no- 
vembre  a  Kouka,  ou    le   docteur  Barlh    avail  essuy^ 
des  allatiuos  rep^t^es  de  la  fi^vrc.  I,e  pays  de  Kanotn 
a  le  meiiie  aspect  que  Damergou,  coiitree  Touaiik;  il 
ost  situe  a  2  ou  300  milles  plus  a  I'ouest  sous  la  memo 
latitude,  el  forme  ainsi  la   transition   enlre  la   sechc- 
resse  du  desert  et   Ics  pluies  jx^riodiques  du  Soudan. 
En  ce  moment,  les  pluies  tropicales  avaient  cesse  sur 
le  Yeou.  En  quittant  a  Birri  les  bords  du  lac  Tsad,  les 
voyageurs  Irouvferent  un  sol  sablonneux   peu   habite, 
couverl   d'arbres,    rempli    d'antilopes,    de    lions,    de 
hyenes,  de   cbacals,   nvec  une  multitutle   d'elepbants 
ct  d'aulnicbes  ;  ils  tu6renl  un  serpent  pyllion  long  de 
18  pieds.  Dans  la  partie  nitcyt  il  y  a  absence  de  pierros 
ou   de    rocbes ;     les    ondulations    du    sol   presentenl, 
au  lieu  de  la  forme  ordinaire  des  valleos,  des  depres- 
sions circulaires   ou    ovales  d'une  regularite    remar- 
quable,  el  ou  se  trouvent  des  j)uils  entour^s  d'une  riche 
\egeluliou.  Dans  la  partie  est,  vers  Maw,   ces    formes 
singulieres  font  place  adesvallces  contenant  d'^paisses 
forfels  de  palmiers,  des  cbamps  de  mais,  et  mfime  de  bl6. 
Les  palmiers  doum  cl  les  dalliers  fleurissent  ensemble 
conime  aux  limites   d'Air.    Mais  les    populations   des 
deux  pays  presentenl   un   gran  I   contrasle  ;  Ks    babi- 
tants  d'Air  ont  |)Ourdemeure  leurs  rocbcrs  de  granit  et 
ils  ont  un  gouvernement  r^gulier;  leurs  innombrables 
cbameaux    Iruuvent    dans    les   vallees    une    sufiisante 
pature,  el  eux-mdmes  subsislenl  du  commerce  du  sel, 


(71  ) 

pour  leqiiel  ils  recoivfiil  du  U\e ,  des  esclavos,  des 
armes,  des  veleinents  et  loutes  les  n^cessites  do  la  vie; 
landis  que  les  Til)b.)us  de  Kanem  ne  jouissenl  pos 
d'un  gbuveinement  reguli«^r;  leurs  potitos  Iribus  vivenl 
Isoldes  dans  des  vallnns  distincls  el  onl  peu  de  com- 
merce. Quand  on  les  altacpie,  ils  se  relirent  dans  leurs 
e[)aisscs  forets  ou  dans  des  lieux  soulerrains.  Lc  Da- 
niergou  est  caracl(^rise  par  la  frequence  desgirafes,  le 
Kanem  par  celle  dos  elephants.  Lo  Kaneni  a  loujours 
etd  dependant,  ou  duOuaday.ou  du  Bornou,  allirnati- 
vement.  En  1850,  le  pays  elait  gouvern^  par  leOuaday; 
mais  en  1852,  il  etait  loml)6  au  pouvoir  de  I'armee 
alliee  des  Arabes  Oualal-Soliman  et  des  Bornouans. 

ISeiii'icnie  excursion.  —  Voyage  de  Bartli  et  Overweg 
a  Musgo,  de  novembre  IS'il  a  ft^vrier  1852. 

En  arrivant  a  Kouka  les  voyageurs  apprirent  que 
le  cheykh  de  Bornou  allnit  envoyer  au  Mandara  une 
arm^e,  comtne  an  leinps  du  major  Denhaui,  qui  prit 
pari  a  i'expedilion  contre  ce  pays  et  out  tanl  de  peine  a 
ecliapper.  Loin  d'etre  effrayes  par  les  dangers  ([u'avait 
essuyes  leur  prtidecesseur,  ils  se  d^cid^rent  a  accom- 
pagner  I'arm^e,  consislanl  en  10  000  cbevaux  el  au- 
lanl  de  |)ietons,  a\ec  une  immense  suite  dechamtaux 
et  autres  b6tes  de  charge.  L'exp^dition  parlil  le  25  no- 
vembre, se  dirigeaiit  au  sud-sud-esl,  passa  par  Angor- 
nou,  Roukia,  Yedi,  Marlfe,  Alia  el  Dikoa,  lieu  qui  est 
considerable  et  situe  sur  le  Koinadougou  :  c'est  un 
pays  de  plaine,  peu  boisd,  mais  complelement  cultive 
en  colon,  en  oignons,  etc.,  habit(5  par  lesKanori  jusqu'a 
Aflage  el  Sogoma :  jusque-la.  le  chemin  fut  le  menie 
que  celui  que  suivit  Denham  en  182/i ;  a  partir  de   ce 


( 72) 

point  on  alhi  plus  h  I'esl.  A  Digpera  les  envoyes  du 
sultan  de  Mandarali  annonct'ient  que  le  pays  sc  sou- 
incltall  ;i  la  doniiiialion  t\i\  Bornou,  ot  rannce  d'in- 
vasion  se  porta  dans  unc  autre  direction.  Le  lerriloire 
de  Musgo,  qui  conimenco  a  la  latitude  de  10°  55', 
iVappa  les  vovageurs  par  I'aspect  du  comfort  ol  d'une 
industrieuse  aclivite.  Le  pays  est  d'un  bel  aspect,  la 
plaine  est  liclie,  les  arbres  magnifiques ;  le  palmier 
giginya  est  particnlier  a  cette  region  tropicale  ;  le  doc- 
teur  Barth  ne  I'avait  trouv^  que  dans  son  voyage 
d'Adamaoua  a  Umboutoude;  on  rcniarque  des  etangs 
d'eau  depluie  appeles  iiigaljam,  qui  se  lient  el  lorment 
des  courants  assez  largos  el  profonds  pour  porter 
bateau.  L'armee  canipa  prfes  d'un  de  ces  etangs,  d'ou 
elle  ill  des  excursions  pour  aller  piller  el  ravager 
le  pays.  Les  voyageurs  se  joignirent  a  deux  de  ces  raz- 
zias, dirigees  I'une  au  nord-est,  I'aotre  a  I'est-sud-est, 
mais  qui  s'arrfiterenl  a  une  grande  riviere,  appelee 
Serbenel,  principal  aflluent  du  Shary,  el  donl  un  des 
l)ras  a  au  inoins  10  pieds  de  profondeur.  Tous  ceux 
qui  essay^rcnlde  la  traverser  lurenl  lues  par  rennenii. 
Ses  rivos  sont  escarpecs.  Les  gens  ile  Musgo  ne  sonl 
pas  une  belle  population,  mais  ils  sont  ce  qu'on  ap- 
pelle  bleu  bdtis  :  Xns  {cxwvnes  sont  horriblemcnl  defi- 
gurees  par  un  orncmeiit  d'ivoire  qu'elles  portent  a  la 
levre  superieure.  L'ai  inee,  apris  avoir  fait  un  bulin  de 
5  000  esclaves  el  10000  teles  de  belail,  rcninl,  par  une 
ligne  plus  orienlale,  a  Kouka,  le  1"  fevrier  J 852. 

Le  pays  explore  et  decouverl  pendant  ce  voyage  de 
Bartb  et  Overwog  est  dt'  ])lus  de  200  n)illes  g^ogra- 
pliiques  au  sud-esl  ile  Kouka:  c'est  une  immense 
plaino  pcncliro    \ers  le  lac  Tsad    avoc  one  lix'S  faible 


(  7S  ) 

inclinaison.  Entre  Wulia  et  Dawa  il  y  a  iine  ligne  de 
partago  qui  separe  le  bassin  du  lac  Tsad  de  cclui  du 
Koiiara.  D'apres  la  nature  et  la  forme  du  sol,  Tahon- 
dance  des  caux  ct  la  grandeur  de  I'inondalion,  il  ne 
serail  pas  surprenant  qn'ellos  fiissenl  rennies  pendant 
la  saison  pluvieuse,  ct  qu'il  exislat  une  communication 
non  inlerrompuc  au  raoyen  de  laquelle  de  petites 
barques  pussent  passer  du  Kouara  aulac  Tsad(l).Les 
vovageuis  n'ont  vu  aucuno  montagne  excepte  au  ter- 
riloire  de  Mandara.  Toule  la  conlree  est  d'une  grande 
fertility  et  habilee  par  une  population  Irfes  dense.  Les 
districts  inbabites  et  sans  culture  sont  occupes  par 
des  el^pbants,  des  girafes ,  des  lions  et  autres  betos 
fauves.  Par  ce  voyage  et  celui  du  docteur  Bartli  a  Yola, 
le  pays  est  connu  a  100  millos  plus  loin  quo  flans  la 
carte  du  major  Denham. 

Dtxieme  excursion.  —  Voyage  au  Bagirmi  (Baguir- 
vaii),  de  la  fin  de  mars  au  20  aoAt  1852. 

Les  deux  voyageurs  out  quitte  Rouka  a  la  fin  de 
mars  1852,  le  docteur  Bartli  allant  au  sud-est  vers  le 
Nil  et  le  docteur  Overvveg  au  sud-ouest  vers  le  Kouara. 
Le  docteur  Barlli  so  dirigea  sur  Masseiia,  capitale  du 
Bagirmi,  passanl  par  les  villes  d'Angornou  ,  Yedi, 
AtFade,  Debabe  Ingaya  et  Kala,  et  il  altcignil  Karnak 
Loggene,  cliet'-lieu  de  Loggun,  situ6  sur  la  riviere  Log- 
gene.  II  Iravcrsa  celle-ci  et  gagna  le  Scbary  (ou  I'Asu), 
en  face  de  la  petite  ville   du  nom  d'Asu,  limite  ouest 

(i)  .l':ii  (li'ja  fiiit  rei)ini(|ucr  (|ne  les  (lehoidc'inenl?  des  {jiaiuls  coii- 
roiits  di'  rintriicur  do  I'Afiicnie  rxplifinent  les  Ir.iditimis  des  iii- 
<li{;cn('S  siii'  \,\  coininiinlcnliDn  des  livii'iTs.  R.-.f. 


(  n  ) 

du  Baginui.  Le  pays  6tanl  en  ra])|Jort  d'aiiiilie  avec  le 
Bornoii,  il  y  espei  ul  uii  bon  accmil,  inais  il  ful  gian- 
doment  tl^sappoinU',    grace  aux  inliigues  d'lin  natlf, 
qui   croyanl    n'avoir  pas  ^le   assez  bicMi    Ir  iil6   par    le 
sultan  ct  le   vizn-  dc  Bornoii,  repandil  les  pins  absur- 
des   bruits  sur  le  docleur  Barlli,   dangeieiix  sorcier, 
disail'il,  qui  etaitvenii  dans  le  Uagiraii  pour  detroner 
le  sultai).  Le  voyageur  fut  arrSle  dans  sa  course  et  il 
lui  fut  impossible  de  traverser  le  fliuvo  de  I'Asu;  sans 
se  laisser  delourner  par  ces  dilliculles,  il  fit  un  circuit 
el  arriva  a  12  niillos  plus  bas  a  Kala  et  reussit  a  tra- 
verser la  livi^re;  inais  la  de  nouveaux  obstacles  I'ar- 
ret^renl;  il  ne  lui  fut  perinis  (]ue  d'euvoyer  ses  leltros 
de  recotninandation   au  cbef-lieu  ct  d'attendre  la  r6- 
ponse  a  Asu;  celle-ci  se  fit  longtemps  attendre;  enfin 
il  atteignit  la  capitale  le  28  d'avril,  iiiais  sans  pouvoir 
la  (lej)nsser.    La  il    essaya    de    recueillir   toutes   sortes 
d'iiifornialions  toiicbant  les  contr^es  du  sud  et  do  Test 
jusqu'au  Darfour.   Le  (5    'e  juilli't  arriva  un  niessagcr 
qui  lui  apportait  des  depecbes  d'Europe,  avec  d'agrea- 
bles  nouvelles.  Au  lieu   de  partir  sur-le-champ  pour 
Kouka,  il  resta  encore  un  mois  dans  le  Bagirini  oil  le 
sullan  le  (it  assister  a  une  grande  fete;  enfin,  le  10  aoiit, 
apr^s  trois  mois  de  s^jour  a  Massena,  il  lui  fut  permis 
de  j)artir.  Ce  sejour   avait  coincide  avec  I'^poque  des 
pluics,  commeiicant  avec  le  mois  d'avril  et  durant  jus- 
qu'a  celui  d'oclobre.    A   son  retour  il  trouva  la  riviere 
d^bord^e ,  et  fut  plusieurs  fois  oblig^  de  la   traverser 
a  la  nage,  tenant  a  la  main  la  bride  de  son  cbeval. 
Le  20  aoflt  il  rejoignit  son  compagnon   dc  voyage  a 
Kouka. 

Ce  voyage  a  beaucoup  ajoute  a  nos  connaissances  sur 


(  75  ) 
les  pays  a  I'est-sud-est  (In  lacTsad  jiisque  vers  le  bassin 
du  Nil.  Barth  est  le  premier  Europeen  qui  ait  vu  Ic  Ba- 
t^irmi.  Le  Schai  y  on  Asu  esl  a  Vest  de  la  riviere  de  Kar- 
nakLoggene,  qui  a  ^te  pris  pour  le  Schary  par  le  major 
Denliam,  mais  qui  n'en  est  qu'un  affluent  et  s'appelle 
Loggeme  dans  le  F-oggeee,  Serbenel  a  Wulia  ,  et  Ba- 
Gun  on  Ba-Ba>'  an  dela  de  cc  district;   le  vrai  Schary 
esl  la  riviere  qu'il  a  Iraversee  a  Mele  et  a  Asu,  lieu  ou 
I'llc  a  (300  metres  de  largo,  avec  un  courant  de  3  milles 
anglais  a  I'heure  ;  c'est  une  magnifique  riviere  qui,  au 
milieu  de  son  cours,  so    partage  en  floux    branches  et 
ent'erme  une  grande  lie,  depuis  Miltn  jusqu'a  Mesken; 
ici  les  deux   bras  se   rejoigncnt;    I'oriental    s'appelle 
Batchikam  ou  Ba-ir.    Massena  est  a  10  milles  nord  du 
Batchikam.  Le  Bagirmi  t'sl  pour  la  plus  grande  |)artie 
ime  immense  plaine.  Saul' les  frontieres  est  et  sud-est, 
I'islaniisme  y  a  penetre ;   mais  le  docteur  Barth  I'ap- 
pellc  un   pays  demi-paien.    La  route  jusqu'a  Massena 
est  une  des  principales  grandes  routes  suivies  par  les 
pelerins  allanl  a  la  iVlecque.  Le  docteur  a  recueilli  de 
la  bouclie  des  pelerins  qu'il  a  vus  a  Masseiia  des  infor- 
mations touchant   les  pays  situ6s  entre  ce  point  el  le 
Nil,de  maiiiere  a  completer  la  carte  du  Ouaday  et  des 
pays  voisins.  II  a  ecrit  et  cnvoye  au  gouvernement  bri- 
tannique  un  rt^cil  volumineux  sur  I'histoire,    la   g6o- 
grapbie  et  Tethnologie  du  Bagirmi    et  du  Ouad&y,  et 
rassembl6  des  vocabulaires    Ires  etendus  des  idiomes 
de  Loggene,  Bagirmi  et  Ouaday,    el    d'autres  de  deux 
cents  mots  seulement  appartenant  a  huit  aulres  idio- 
mes. Le  pays  a  un  commerce  tellement  developpe  qu'il 
regoit  les  maicliands,  non-seulementdu  Bornou  et  du 
Ouaday,  mais  ceux  de  Rano  ;  les  produits  europeens 


(  76  ) 
vont  jiisqii'a  Gtigomi,  ilans  Ics  conlrees  uionlagnciiscs 
ilu  sud-est. 

Onzieme excursion.  —  Vovaiie  (rOveiwci; vers Yakoba, 
du  24  mars  an  2'2  inai  1852. 

Lo  2i  mars,  Overweg  sc  mil  on  roule  au  sud-oucsl 
de  Kouka,  jm'os  du  puits  dc  Toggir,  il  visila  un  villago 
dont  Ics  habitants  etaient  prestjiic  tons  nvcugles :  plus 
loin,  Magomeri,  grand  marche,  Ics  puits  ont  iO  pieds 
de  profondeur.  Le  1""  avrll  il  ('tail  a  Gujcba,  grande 
ville  enceinte  do  nuirs;  lo  pays  est  riche  en  plantes 
et  en  arbros  <le  boaucoup  d'esp^ces  :  on  conipte  trenle- 
dcux  ditlerents  arbres,  rapportanl  des  fruits  bons  a 
manger,  et  quaranlo  animaux  que  chasscnl  les  gens 
de  Gujeba,  compris  la  civctlc  dont  on  retire  le  muse; 
le  lieu  appartient  au  Bornou  depuis  18/|7.  Le  doc.leur 
Ovcmeg  a  ete  bien  re^u  a  Gujelja;  il  y  occupait  unc 
maison  conligue  a  la  rc^sidence  du  sultan  ou  il  rcce- 
vait  la  visile  dune  multitude  dc  curieux,  allires  par 
les  sons  de  sa  hoite  a  miisiqiie;  ils  donnaienl  le  nom 
de  iiiolo  ;i  eel  instrument. 

Le  doctour  quitta Gujcba  Ic  9  avril,  se  porta  a  I'Duest 
jusqu'a  Dora.  I.es  bestiaux  qu'y  entretiennent  les  Fel- 
latas  sont  si  grands  et  si  forls  que  jamais  les  lions  nc 
les  allaqucnt.  Dora  est  unc  granrle  villo  qui  a  succcde 
a  uno  ancienne  Dora  ,  dtlstruite  en  1830  par  les 
Fellatas.  Les  habitants  ont  une  langue  |)ropre.  Le  doc- 
teur  Overweg  monla  sur  uno  Eminence  qui  domine  la 
ville,  d'ou  ion  a  unc  vue  elendue  sur  une  vaslc  plaine 
versanl  dans  Ic  Benuc,  cc  que  M.  Pcleruiaim  Irouve  etrc 
en  conlradiction  avec  d'autres  rajiports.  II  elait  en  train 
flo  monter  sur  uno  rnonlagne   beaucoup  plus  elevee 


(  77  ) 
lorsqiie  Ic  siillan  lui  fit  dire  de  I'LVOiiir  en  ville.  A  ia 
porle,  lui,  et  les  goiis  cle  Fika  qui  I'avaient  conduit, 
furenl  Ires  mal  rccus  par  une  foule  inuuense,  poussant 
des  cris  violents  centre  ceux-ci;  luais  le  docteur  per^a 
la  foule  et  parvint  a  regagnorson  hahilation;  ily  eut  un 
honiuie  qui  alia  jusqn'a  ])roposer  de  tuer  I'etrangGr. 
Malgre  la  protection  du  sullan,  il  fallut  quitter  le  lieu 
d^s  le  lendeniain  n)atin.  Overweg  porta  ses  pas  sur 
un  terrain  6levd  qui  loriue  le  partage  des  eaux  entre 
Test  et  I'ouest.Les  iroupeauxdesFellalas  renfermentau 
moins  niille  teles  de  betail.  Avant  Mulueli,  ville  forte, 
environnee  de  nuirs  et  de  fosses,  le  sol  est  de  gypse  et 
de  pierre  a  chaux  charg^e  de  fossiles  :  les  etrangers 
furent  bien  vequs  dans  la  ville.  A  Test  de  Billaraba,  pays 
deBaber,  on  voit  la  formation  basaltique.  Les  bonimes 
ont  de  beaux  traits  el  sont  de  mceurs  douces  et  inof- 
fensives.A  Siggedir  on  donna  au  docteur  le  spectacle 
d'une  danse  d'elephants.  Le  29  avril  il  eprouva  la  plus 
forte  averse  qui  fut  encore  tombee  de  la  saison ,  et  le 
30  il  rentra  aGujeba.  Puis,  apr^s  avoir  visite  plusieurs 
villes,  Uje  entre  autres,  qu'avalt  vue  le  docteur  Earth, 
parcouru  des  districts  tr6s  peupl^s,  observe  lesMarghi, 
population  belliqueuse  et  qui  se  sert  de  Heches  empoi- 
sonn^es,  il  revint  a  Kouka  le  6  niai. 

Tout  le  pays  au  sud-ouest  du  lac  Tsad  a  ete  ^tudi6 
geologiquement  avec  beaucoup  de  soin;  je  renvoie  a 
la  relation  pour  la  description  detaillee  des  terrains 
et  des  roches;  on  n'avait  jamais  recueilli  aulant  de 
notions  precises  sur  la  composition  du  sol  de  I'Afrique 
interieure  :  les  roches  basaltiques,  les  cones  reguliers 
de  basalte  abondent  a  Billaraba;   tout  est  basalle  a 


(  78  ) 
Siggedir  ut  an  pied  est  le  granild^compos^;  en  tteiieral, 
le  Ijasalte  domine  dans  lout  le  pays. 

La  salson  |)luvieuse  y  coinnience  iin  mois  pliitot 
qu'a  Kouka.Ja  contr^e  est  dos  plus  fertilcs.  11  y  a  un 
arbre  appolci  aussi  kouk((,  qtii  est  (I'mie  ininiense  pro- 
portion. L'abondance  des  bestiaux  y  est  telle  que  le 
prix  d'un  moulon  aSogoma  est  de  deux  ponce  (20  con- 
limes).  Lcs  principales  betos  fauves  sent  los  ('■lepbants, 
les  lions,  les  aulruchos,  olc.  Les  singes,  noirs  ot  rouges, 
sonl  en  grand  noinbre.  be  niiel  ost  d'excellenle  qua- 
lite.  La  |)artie  nord-ouesl  est  babit^e  pur  les  Rerre 
Kerri,  tribu  qui  vii  de  pillage  et  est  grandenient  redou- 
I6e  ;  non  loin  sont  les  fauieux  Nyeniyem,  c^l^bres  dans 
I'histoire  de  I'Afrique  inl^rieure  ;  selon  Ci'  qu'on  a  dit 
au  docleur,  ilssoiit  caniiibalcs  rt  babitenl  les  districts 
au  sud  des  Baber. 

Ici  finil  I'bistoire  des  remarquables  travaux  du  doc- 
leur Ovorweg;  car  peu  do  temps  s'est  ecoule  eiilre  son 
retour  a  Kouka  el  la  calastropbe  qui  I'a  enlev6  a  I'ox- 
piidition.  Le  15  de  juin  (  ominonc^'rent  les  pluies  di- 
luviales.  Le  1h  juin  los  dopf^cbes  d'Angletcrre  arri- 
veront  au  docleur  Bartb,  alors  dans  le  Baginui;  elles 
6laienl  impaliemmenl  atlendues;  ce  futpour  iiii  uu  jour 
de  joie,  uiais  11  no  put  renlrcr  ix  Kouka  quo  le  20  ooQt. 
En  arrivanl,  Bartb  fnt  saisi  d'iiiquiotudo ,  en  voyant 
ramaigrissemeul  de  son  ami  ot  son  |)ou  d'aj)p6tit. 
Pour  eviler  les  dangers  do  la  saison  pluviousc,  il  fut 
convenu  que  le  docleur  Overweg  ferail  quolque  longue 
excursion;  il  |iartit  done  pour  le  Komadougou  (le  nom 
d'Yeou,  cslinconnu  aux  nalifs).  Au  21  juillotil  trouva 
que  la  riviere  coulait  de  I'ouesl  a  Test,  coiirant  qui  a 


(  79  ) 
lieu  pendant  sepl  mois,  c!e  juillel  a  la  fin  de  f^vrier, 
Overweg  revint  en  assez  hon  elat  le  14  sepleinbro  a 
Kouka  ,  croyanl  avoir  relrouve  la  sanle;  cinq  jours 
apres  il  etait  saisi  de  la  fievrr,  sept  jours  plus  tard  ii 
n'^tait  plus.  A  peine  arrive  a  Maduari,  pres  du  lacTsad, 
ou  il  avait  voulu  elre  Iransporle,  il  expira  le  27  sep- 
tenibre ;  il  elait  age  de  trente  ans ;  le  docteur  Barlli 
rendit  les  derniers  devoirs  a  son  unique  coujpagnon 
de  voyage. 

Overweg  ^tait  n6  a  Ilaaibourg,  il  avait  pris  ses  degrt^s 
a  rCniversite  de  Berlin. 

Douzieine  excursion.  —  Marches  du  docteur  Earth 
depuis  aoilt  1852. 

Muni  (ie  leltres  encourageantes  et  des  ressources 
arrivees  d'Europe,  le  docleur  Barth  songea  aussitol  a 
plusieurs  projets  de  voyage,  I'un,  du  lac  Tsad  au  Dar- 
four;  I'aulie,  a  Tonibouctou;  le  troisi^nie,  vers  la  iner 
deslndes.  Plein  de  resolution  et  d'^nergie,  Barlh  re- 
joignait  avec  enthousiasine  son  unique  coinpagnon  ; 
rnais  il  arriva  juste  pour  le  voir  succomber;  sa  sanle 
a  lui-merne  etait  alter^e;  uiais,  avec  un  veritable  he-« 
roisnie ,  il  se  determina  aconlinuer  seul  I'entrepiise, 
a  explorer  les  rives  du  Kouara  jusqu'ici  inconnues, 
ainsi  que  les  terres  eulre  Sakkalou  et  Tombouctou,  et 
a  envoyer  tous  ses  papiers  a  Tripoli.  Le  sultan  du 
Bornou  aurait  voulu  le  telenir  a  Kouka  comme  repre- 
sentant  de  I'Angleterre,  mais  Barlh  avait  pris  son  parti; 
a  tout  prix  il  voulait  que  la  mission  eiit  un  resultat. 
Le  sultan  lui  fit  present  tie  deux  beaux  chameaux.  Ses 
derni^res  lettres  elaient  datees  de  Kachna  du  6  mars 
1863.   II  avait  6le  bien  regu  par  les  Fellatas;  la  pro- 


(80  ) 

lection  du  Galadima  (premier  minislre)  ii  Sakalou 
lui  6lalt  assurec.  II  ilevait  s'y  rendre  avoc  luie  escorle 
de  200  cavaliers.  A  Kachna,  il  avail  achete  des  pre- 
sents pour  les  chefs;  enfin,  il  elait  satisfait  du  zele  et 
de  la  fidelito  de  ses  serviteurs. 

Le  docteur  Barth  avail  I'inlention  de  se  rendre  a  la 
Tchadda,  au  point  jusqu'ou  sont  remontes,  en  1823, 
Allen  cl  Oldfield.  11  voulail  visiter  Kororrofa  au  sud 
de  ^akoha  el  de  Darroro  (Dunrora  de  Lander)  grand 
pays  qui  se  distingue  par  un  plus  liaut  degre  de  civilisa- 
tion et  par  son  industrie;  la  capitale,  AVukari,  est  une 
immense  ville,  a  8  ou  9  millcs  anglais  du  Benue.  Ce 
pays  ligurait  autrefois  sur  les  carles ,  mais  il  a 
disparu  des  cartes  modernes;  il  en  est  question  dans 
le  memoire  donne  a  Claperton  par  le  sultan  Bello  , 
oil  on  lit :  «  Kornoria  (Kororrofa)  embrasse  20  districts, 
possede  des  mines  d'or,  de  sel  el  d'anlimoine.  » 

Treizieme  excursion.  —  Voyage  du  docteur  Vogel. 

Un  nouveau  corapagnon  de  voyage  elait  devenu  in- 
dispensable, et  le  gouvernement  anglais  avail  expedie 
le  docteur  Edward  Vogel,  aide  de  M.  Hind  et  en  outre 
bon  botanisle,  en  qualite  d'astronome  de  I'exp^dition. 
II  elait  recommande  par  le  colonel  Sabine ,  i'amiral 
Smylb,  M.  Robert  Browne,  sir  Jackson  Honker  et  pr6- 
senle  par  ie  chevalier  Bunsen.  Le  docteur  Vogel  partit, 
de  Southauiplon,  le  2  fevrier,  avec  deux  hommes  du 
corps  des  mines,  et  des  caisses  d'instruments  propres 
a  remplacer  ceux  de  I'exp^dition,  perdus,  detruits  ou 
d^t^riores  par  trois  ans  de  voyage. 

Le  28  juin  1853,  il  quitta  Tripoli  accompagnti  de 
M.  Fr^d^ric  Warrington  (fils  de  I'ancicn  consul  an- 


(  81  ) 
glais),  ct  (I'lin  parent  du  sullan  du  Bornoii  qui  venait 
de  la  Mecquo  et  relournait  a  Kouka.  An  5  aoi\l,  ils 
etaient  a  Morzouk,  le  thermonielie  monla  jusqu'a 
100  degies  Fahrenheit  a  I'onibre  (environ  32  deg.  cen- 
ligrades)  et  120  degres  au  soleil  (environ  kl  deg.  |); 
I'appai'eil  pholographique  ne  ])ut  pas  servir. 

Je  n'extrais  pas  ici  les  observations  failes  par  le  doc- 
teur  Vogel  sur  cette  route,  la  nieme  qu'ont  suivie  el 
decrite  Denhani ,  Clapperlon  et  leurs  successeurs;  ii 
y  aurait  cependant  a  relever  d'int§ressantes  observa- 
tions d'histoire  naturelle  que  le  docteur  etait  parfai- 
tetnent  en  etat  de  recueillir.  Je  dois  ciler  seulenient 
ses  observations  d'aslronomie,  d'hypsometrie  et  de 
magnetisme.  Les  positions  de  Sokna  et  Mourzouk 
(29°  li'  ll"  et  25"  55'  i&'  en  latitude)  difl'erent  peu  de 
celies  qu'ont  donnees  Lyon,  Denhain  et  autres  ;  il  n'en 
est  pas  de  meme  pour  la  longitude  ;  le  docteur  Vogel 
assigne,  a  celle  de  Sokna,  16'  18'  30"  E.  Greenwich 
au  lieu  de  15°  28'  selon  Denham ,  et  14°  10'  15"  au 
lieu  de  15°  50'  selon  Lyon.  Le  professeur  Encke,  a 
Berlin,  a  calcule  les  observations  du  docteur  Vogel; 
mais  il  n'a  trouve  d'elements  complets,  quant  aux  lon- 
gitudes, que  pour  une  ile  du  lac  Tsad,  I'ile  deBelarigo, 
dont  la  position  est  de  IZi'  50'  long.  E.-N.  Greenwich. 
Voici  plusieurs  des  principales  latitudes  d^terminees : 

Ile  de  Belarigo.     13°  26'  37'  (lac  Tsad). 

Tripoli 32°  54'  Z|3" 

Tin  Tellust.  .    .     18°  35' 24" 

lie  Gouria.    .   .     13°  24'  32"  (lac  Tsad). 

Sogoma.    ...     11°  57'  30" 

WuUa 10°  9'  22" 

Yedi 12°  27'  27" 

IX.    JANVIER   ET  FiVRIER.   6.  6 


(  82  ) 
L'itllilude  de  beaucoup  de  lieux  a  el6  d^teruiin^e, 
a  I'aide  de  I'hj psomelre  de  M.  Regiiault,  |iai  IV'bul- 
lition  de  I'eau  (1);  celles  des  monts  Gliarian  a  I'aide  de 
I'aneroide  ;  ce  dernier  instrument  a  cess6  d'etre  exact 
plus  au  sud.  Toutes  les  observations  d^montrenl  que 
rAfriipie  seplentrionale,  de  la  Medilerranee  au  Soudan, 
represente  un  pb>leau  d'une  liautcur  movenne  de 
1  000  a  1  500  pieds  anglais,  comparable  a  celle  do  la 
Baviere  el  de  TAIIemagne  centrale.  l)e  ce  plateau  s'6- 
levent  des  cbalnes  de  inontagnes,  dont  la  plus  6lev6e 
est  one  ligne  etendue,  au  sud  d'EI-Glial,  qui  doil  avoir 
au  moins  h  000  pieds  de  baut. 

Principales  bauleurs  mesurees  a  I'bypsom^lre. 
KasrGbarian.  .      1  696  pieds  anglais. 
Wady  Gadama.      1  690 

Kaniada.     .    .    .      1  39Zi  a  1  668  pieds  anglais. 
Wady  Ajunger.      2  956  (point  le  plus  baulj. 
Tin  Tel  lust.  .   .     i  894 
Selubyeb.  ...      1  701 
Un  excellent  barom^tre  de  montagnes  a  fourni  una 
trenlaine  d'autres  resullals  pour  I'allilude  des  lieux: 
en  joici  quelcjues-uns : 

Sokna 1  036  pieds. 

Les  montagnes  Noires.   .      2  160  (le  plus  haut  point 

a  15  mil.  sud  de 
Godl'ab). 
Mourzouk,  au  consulat  anglais,   1  i495  pieds. 
En  r6sum6, 1'expedilion  a  beaucoup  ajout6  jusqu'ici 
a  nos  coniiaissances  surl'AlViquecentraie.surlanature 


(i)  C'esl  M.  Fasire,  consiructeur  d'iiistruBients  de  physique  a  Paris, 
qui  fabrique  celui-ci. 


(83) 

du  sol,  surtout;  le  iac  Tsod  est  infiniment  mieux  coiiiui; 
on  a  des  notions  absoluinent  neuves  sur  la  conlree 
d'Adamaoua,  sur  les  deux  (leuves  Benu6  et  Faro  qui  s'y 
renconlrent,  et  sur  Yda  la  capilale.  Nous  savons,  a 
n'en  pas  douler,  de  quelle  region  part  la  Tchadda, 
le  i^rand  affluent  (]ui  tonibe  duns  le  lias  Kouara  (Niger), 
a  environ  100  lieues  de  son  embouchure.  Du  cote  du 
Sahara,  nous  avons  appris  a  connaltie  le  royaumc 
d'Ahir(Air).  Puis,  le  pays  de  Bagirini  au  sud  el  au  sud- 
estdu  lac  Tsad,  pays  qu'on  ne  connaissail que  de  nom, 
oii  nul  Europeen  u'avait  p^n^lr^,  nous  est  d^voile;  le 
cours  du  Schary  est  rectl[i(§;  nous  savons  jiisqu'ou  les 
Fellatas  ont  porte  leur  influence  et  quels  soni  les  ter- 
ritoires  occupes  par  les  po|Hilations  paiennes,  etc.,  etc. 
M.  Petermann  a  pris  la  peine  de  calculer  la  longueur 
des  routes  qu'onl  parcourues  les  voyageurs;  jusqu'au 
mois  d'aoull852,  le  chilTre  s'elevait  a  5  800  uiilles 
g^ographiques. 

Enfm,  nous  poss^dons ,  grace  au  docteur  Bartll 
principalement ,  une  grande  carte  du  pays  coinpris 
entre  les  5'  et  15°  paralleles  nord,  entre  les  8*  et 
24*  m^ridien  a  I'orient  de  Greenwich. 

Voila  de  riches  acquisitions  pour  la  geographic  de 
I'Alrique  el  qui  assurent  a  jamais,  a  I'expedilion,  partie 
sous  les  ordresde  James  Kichardson,  la  reconnaissance 
de  loute  I'Europe  savante. 

Telle  est  I'analyse  fidele,  et  je  crois  complete,  de 
rouvrage  que  M.  A.  Petermann  a  consacre  a  cette  iin- 
portante  enlreprise,  a  I'aide  des  materiaux  originaux 
que  lui  a  confies  le  gouvernement  britannique  :  on  ne 
saurait  trop  le  louer  et  \e  remercier  pourrintelligence, 
la  Constance  et  I'habilet^  qu'il  a  df^ploy^es  dans  ce 


(  8/i  ) 
hcau  travail,   pour  le  soiii  appoiie   a  la  ri'daolion  des 
(loux  carles  dont  il  Fa  ciniclii. 

Mainlenanl  que  j'ai  expos6  eii  dt!;lail  les  trei/.e  ex- 
cursions des  voyageurs  anglo-germains ,  il  doit  6lre 
permis  d'en  examiner  les  principaux  resuitats.  Le  lac 
Tsad  a  change  de  position  sur  la  carte  de  185il ;  celle 
position  est  plus  m^ridionale  et  orienlaie  que  dans 
celle  de  182/i;  I'Yeou  n'est  plus  cette  riviere  qui  tom- 
bait  a  I'occidenl  du  lac  Tsad  ,  la  riviere  de  ce  nom 
est  placee  sur  la  nouvolle  carle  Lien  loin  au  sud-ouest: 
sa  source  est  reporl^e  jusque  pres  de  Yakoba.  Quant 
a  la  riviere  qui  lunibe  de  ce  cole  du  lac,  elie  s'apjielle 
Komadougou  ou  riviere  de  IJornou.  Kacbna,  Kano, 
Kataguin  onl  egalement  change  de  posilion.  Les  lies 
des  Biddoumas,  du  Jac  Tsad  ,  soul  ici  d^noniniees; 
ellessont  bien  plus  nombreuses  et  aulrement  disposees. 
Le  lac  lui-meme  est  d'une  configuration  difTerente;  son 
rivage  oriental  n'a  pas  ete  plus  explore  qu'en  1823; 
c'est  presque  le  tiers  de  la  circonference  lolale,  environ 
100  milles  geographiques,  et  la  question  esl  done  en- 
core peudanle,  celle  de  savoir  si  le  lac  se  diverse  a 
Test  dans  un  bassin  inforieur,  ou  bien  si  I'^vaporalion 
du  lac  conipense  Taftlux  des  eaux  qu'apportent  inces- 
samment,  a  I'ouesl  et  au  sud,  le  Scliary,  le  Komadou- 
gou et  uno  Iroisienie  riviere. 

On  sail  que  les  noirs  parlent  Iradilionncllenienl  de 
grands  cours  d'eaux  soulerrains,  et  ccla,  dejiuis  un 
temps  immemorial ;  ce  fait,  s'il  etail  certain,  donnerait 
I'explication  de  la  dispurilion  de  plusieurs  rivieres, 
dont  on  ignore  Tissue.  Les  anciens  eux-m^mes  en  ont 
parl6  dans  leurs  (Merits ;  c'est  une  circonstance  qu'on 


(  «5  ) 
liouve  consignee  dans  I'histoire  naturello  de  Pline  et 
ailleurs.  II  ne  serait  done  pas  tout  a  fait  impossible 
que  le  bassin  du  Bahr-el-Gbazal,  locality  encore  coin- 
pletement  inconnue  de  nos  jours,  ainsi  que  le  lac  dit 
Filtre,  re9ussenl  les  eaux  du  lac  Tsad  par  des  canaux 
souterrains. 

Enfin,  la  branche  du  Diiioliba,  que  Reni!;  Cai!li6  a 
vue  en  1828  a  Vest  de  Tombouclou ,  et  qui  semble 
aussi  avoir  k\.k.  apercue  par  le  docteur  Barth  en  1853, 
cette  branche  dont  on  ne  sait  pas  Tissue  (si  toutefois 
I'observation  est  positive),  ne  poiirrait-elle  pas  avoir 
un  ecoulement  sous  terre,  et  rcparaitre  au  jour  vers 
le  IQe  m^ridien  (esl  de  Paris)  sous  le  nom  de  Koma- 
dougou  (rivi^i'e  dont  la  source  est  ignoree)  et  non  loin 
du  lieu  ou  a  succonibe  James  Richardson  en  J  85 1? 
Cette  conjecture,  cette  explication  leveraient  I'objec- 
lion  a  laquello  donne  lieu  la  douceur  des  eaux  du  lac 
Tsad.  En  resum^,  on  en  restera,  sur  cette  question,  au 
meme  point  qu'il  y  a  trente  ans,  lant  que  les  voyageurs 
n'auront  pas  explore  toule  la  partie  orientale  du  lac 
Tsad  et  public  leurs  observations  (1), 

JoM&KD. 

(i)  Un  point  ile  geo{;raphie  a  present  mieux  eclairci,  est  la  posi- 
tion de  Tombouclou  ,  plus  septenlrioiiale  qu'on  ne  le  supposait. 
On  ne  sauiait  inetire  uiie  oliservation  de  rlimatologie  en  parallele 
avec  une  observatiDu  ile  Cecilia phie  mnlliematinue;  mnis  ii  e>t  |ici- 
niis  <Je  reniaiquer  (pie  le  docteur  Barth,  en  parlant  des  pluies  Iro- 
picales,  a  c'crit  qu'elles  se  faisaient  peu  sentir  a  Tombouctou,  ce  qui 
ne  serait  pas  d'accord  avec  la  latitude  de  i  5  a  i  (i  dcgres  sculemei.t: 
cette  remarque  vient  d'etre  Faile  ]iar  M.  d'Escayrac  de  Laulure  d.uis 
la  relation  de  son  voyage  en  Afrique.  La  latitude  du  lieu  excede 
en  effet  18  deyres,  d'apres  plusieurs  observations  du  docteur  Rarlh. 

E.-J. 


(  86  ) 
ilouvelles  et  couiiiiunieatloiis* 


NOUVFLLES    COCEBNANT    I,E    UOCTEl'R    BARTH. 

C.v.-i  iiouvelle>  sont  liMiismises  par  le  consul  il'AnnjIeterre  (le  lieute- 
nant colonel  Herman)  dans  des  lettres  de  Tripoli 
dn  28  novembre  1854-  —  Extraif. 

«  Une  letlrc  de  M.  Chui'cli,  I'un  des  luineurs  atta- 
ches a  rcx|)edition  de  I'Afriquc  cenlrale,  en  date  du 
12  aout,  est  venue  jeter  des  doutes  sur  la  nouvelle  de 
la  mort  (lu  docttMir  Bai'th.  II  est  vrai  que  celle  nouvelle, 
annoncee  au  consul  par  le  doctcur  Vogel,  dans  une 
lellre  du  18  juillct,  a  et(i  aussi  annonc<^e  formcllement 
par  uno  Icttre  du  sullan  de  Bornou  a  la  rcine  d'An- 
glelerri  ,  l[  conrirniee  |)ar  le  lenioignago  de  Ifadj- 
Hasscn  qui  acc()inj)agiia  le  docteur  Vogel  de  Morzouk 
a  Koiika,  niais  le  docleur,  le  sullan  el  Hadj-Hasscn, 
ont  sans  doule  puist';  a  la  nienie  sotirce  leurs  informa- 
lions.  La  probabilite  de  la  nouvelle  roule  sur  la  ques- 
tion de  savoir  si  le  docleur  Bartli  a  alleint  Sakatou  ou 
non.  Sur  C(!  point,  on  n'a  pas  dc  nouvelle  certaine; 
mais  le  rappoi  I  dii  cherif  qui  vient  d'arriver  a  Kouka 
conelut  a  la  negative. 

»  II  est  difficile  de  comprendre  qu'un  hoinnie  aussi 
accoutunie  aux  voyages  d'Afriqiie,  sachant,  de  plus, 
avant  dc  quitter  Ton)boucloii,  que  le  docteur  Vogel 
6tait  a  Kouka,  ou  aux  environs,  axant  gague  Sakatou, 
sain  et  saul,  n'ait  pas  innnediateinent  d^peclie  un 
courrier  a  Kouka  et  assur^,  aulant  que  ccia  dependait 
de  lui,  la  jonction  des  deux  expeditions.  Line  precau- 


(  87  ) 
tion  aussi  simple  aurail  au  inoins  arrets  toute  espece 
de  mouvemcnl  dii  docleur  Vogel  dans  une  direction 
contraire.  D'un  autre  cote,  on  peut  objecler  que  si 
la  nouvelle  de  la  niort  de  Barlh  a  Meroda  n'etait  pas 
fondee,  il  aurail  depuis  longtemps  atteint  Zinder, 
d'ou  il  aurail  fait  parvenir  des  nouvelles  par  Ghada- 
mfes,  ou  par  Morzouk.  Mais  il  est  possible  que  ses  de- 
jieclies  aient  ete  intercepl^es  par  les  Touariks,  qui 
depuis  quelque  temps  infestenl  les  routes  entre  ces 
deux  places  et  Zinder.  II  est  certainement  strange 
que  les  gens  de  la  grande  caravane  qui  vient  d'arriver 
a  Rouka,  dont  plusieurs  individus  venaient  de  Meroda, 
aient  iguor^  la  mort  de  Barth  an  inois  npres  Veve- 
nement;  et  il  est  encore  plus  etonnant  qu'aucun  de 
ses  serviteurs  (a  moins  qu'ils  aient  pilld  ses  bagages 
et  se  soient  ensuite  dispers(^s)  ne  soil  venu  reclamer, 
a  Kouka,  lout  au  moins  I'arriere  considerable  de  paye 
qui  leur  etait  du,  d'a])r^s  ce  que  rn'a  6crit  le  docleur 
Barlh.  » 

Lettre  de  T.  F.   Church  au  lieutenant  colonel  Herman, 
consul  a  Tripoli. 

Kouka,  I  a  aout  i854. 

«  Sachant  que  le  docleur  Vogel  vous  a  annonc*^, 
dans  une  lettre  dont  M.  H.  Warrington  etait  porteur, 
la  nouvelle  <le  la  mort  du  docleur  Barlb,  j'ai  pense 
qu'il  elail  de  mon  devoir  de  vous  communiquer  la 
nouvelle  que  j'ai  recue  ce  matin  el  qui,  je  suis  heu- 
reux  de  le  dire,  laisse  une  forle  esperance  que  le  doc- 
leur Barlh  est  bien  portant  et  que  la  precddente 
nouvelle  est  fausse.  Un  cherif  est  arrive  ici  le  9  de  ce 


(  8b) 

niois  d'uu  lieu  \(tisin  cle  Tonibouolou.  11  a  (juitle  Toin- 
boucloii,  il  y  a  environ  qiiatie  niois.  Qiiand  il  en  est 
parti,  le  docleur  y  tMait  encore  el  tout  a  fait  bien  por« 
lanl;  mais  il  devait  sons  ]ieii  en  sortir  jiour  so  rendrc 
a  Kouka;  el  il  apporlail  des  leltres  dii  sultan  do  Tom- 
bouclou  pour  diff^rents  chefs  fellatas,  a  Iravers  le  pays 
desquels  il  devait  passer  en  retournanl  a  Kouka;  il 
pense  que  le  docleur  est  niaintenant  en  route  pour  s'y 
rend  re. 

»  J'incline  a  cioire  ce  rapporl  ()lus  digne  do  con- 
fiance  que  le  premier,  le  cherif  ne  donnant  pas  celle 
nouvelle  pour  gagner  un  present;  car  il  esl  si  fana- 
tique  qu'il  n'aurait  pas  voulu  communiqucr  dlrecte- 
menl  avec  nous  aulres  ni^creants;  il  a  donne  cetle 
nouvelle  a  un  Arabe ,  ami  du  docleur  Barlh  ,  a 
Kouka. 

»  Ce  (|ui  me  jjousse  encore  plus  a  douter  de  la  nou- 
velle de  sa  mort,  c'ost  qu'uue  grande  caravane  elant 
lout  recemment  arriv^e  de  Kauno  (Kano?),  aucune 
des  personnes  de  cette  caravane  ne  savait  la  moindre 
chose  louchanl  revenomonl.  Personne  n'avait  vu  aucun 
de  ses  comj)agnoiis  ot  servilours,  quoique  pkisieurs 
d'enlre  eux  soient  arrives  des  environs  de  Meroda,  lieu 
oil  Ton  prelend  que  Ic  docleur  Barlh  est  mort;  ils  ont 
quilto  ces  lic-ux  Irois  semaines  ou  un  mois  apres  que 
nous  avons  eu  appris  la  nouvelle.  iVlassoud,  servileur 
du  docleur  Vogel ,  esl  parli  d'ici  le  26  juillet  pour 
aller  cliercher  des  informa lions  a  Kauno.  J'ai  grand 
ospoir  (pie  nous  ajiprendrons  bienlot  avec  certitude 
(]ue  le  docleur  Barlh  esl  encore  en  vie  et  en  bonne 
sanle. 

))  Nous  n'avons  ricn  appris  du  docteur  Vogel  depuis 


(  89  ) 
son  depart  tl'ici  lo  19  juillet,  mais  nous  ci'oyons  qu'il 
est  mainlenant  dans  le  Mandara. 

»  M.  Henri  Warrington  (dont  la  mort  a  6to  annoncee) 
partira  d'ici  demain  nialin  et  je  suis  heureux  de  dire 
que  nous  jouissons  lous  dc  la  meilleure  sant6.  » 

[Extrait  du  coinple  rendu  de  la  derniere  seance  de 
la  Societe  royale  geographique  de  Londres.) 

Observation.  —  D'apres  les  lettres  anlerieures  et  le 
recit  de  I'expedition,  on  voit  que  le  docleur  Barth  a 
ete  plusieurs  fois  malade  dans  le  cours  du  voyage, 
notaninienl  a  Kouka.  Voyez  I'analyse  de  I'ouvrage 
d'Aug.  Petermann,  cinqui^ine  excursion  [Bulletin  de 
septembre  185/i,  p.  170).  Cette  reniarque  aifaiblit 
un  peu  les  esperancrs  que  donnerait  Topinion  de 
M.  Church.  Niianuioins  il  est  encore  permis  de  con- 
server  une  lueur  d'espoir. 

Paris,  18  Janvier  1855.  E.-J. 


EXPEDITION  PAK  STliAMBOAT  DANS  L'iNTiRIIiUR  Dli  l'afriqUE. 

Lesnouvelles  Iransmises  depuis  quelques  jours  par 
M.  Aug.  Petermann  sur  les  decouvertes  dans  I'Afrique 
cenlrale  sont  d'un  haul  interet.  On  se  rappelle  qu'en 
juin  1851,  Barlh  a  decouvert  un  grand  et  puissant 
cours  d'eau  appele  Benou^,  c'est-a-dire  la  mere  des 
eaux.  D'apres  son  importance  el  sa  direction  (1)  el 
selon  d'iinciennes  conjectures  (2),  on  devail  admetlre 


(i)  I.aijjeur,  \  niillf;;  proFoiiJeiir,  au  iiiinimuni,  g  pieils. 

(•>)  Voyez    Ijulletin  du  la  Socitle  cle  gt'oniajiliip,  anne'es  1846-47 


(  90  ) 

que  c'etait  une  seule  el  niSme  riviere  avec  laTchadda: 
c'est  ce  qui  vienl  d'etre  constate  par  la  navigation  d'un 
steamboat,  la  Pleiade,  parti  de  Fernando-Po,  aujour- 
d'liui  port  anglais;  c'est  le  mfeme  navire  armti  par  les 
soiiis  de  M.  Mac-Gregor  Laird,  Ce  vaisseau  est  parli 
d'Angletorre  ie  30  niai  1S5/|,  munte  par  douze  marins 
europeens ;  un  certain  nombre  de  natiis  s'y  est  joint 
en  Alrique. 

Le  3  fevrier  dernier  le  navire  est  revenu  en  Angle- 
terre ,  sain  et  sauf,  apres  avoir  remonte  ie  Kouara , 
puis  la  Tchadda  jusqu'a  Yola ,  dans  le  pays  d'Ada- 
maoua. 

C'est  en  juillet  que /a  Pleiade  a  remonte  le  Kouara. 
Le  7  novembre  elle  est  renir^e  a  Fernando-P6,  apres 
qualre  mois  de  navigation  ,  et  apres  avoir  p^n^tre  a 
250  milies  anglais,  plus  loin  que  les  precedents  voya- 
geurs,  dans  I'lnterleur  du  continent  al'ricain. 

I!  parait  resiilkT  de  ce  voyage  (jue  les  observations 
du  docteur  Barlh  ont  porte  les  lieux  trop  a  Vest,  re- 
sullat  qui  concorde  avec  les  observations  du  docteur 
Vogel. 

L'exp^dition  a  6te  parlaitemenl  accueillie  par  les 
indigenes,  gens  paisibles  et  de  tnceurs  douces. 

Ainsi ,  on  pent  en  six  seniaincs,  parlant  d'un  port 
;inglais,  arriver  au  coeiu*  de  TAlrique,  sans  rien  avoir 
a  craindre,  ni  du  clinial,  ni  des  habilanls.  De  66  boni- 
mes  ([ui  nionlaienl  le  navire,  nul  n'a  succoinbe;  il  y 
a  eu  Ires  peu  de  maladies.  Sur  les  118  jours  qu'a  dure 
I'expedilion,  le  retour  a  pris  73  jours  environ,  d'ou 
Ton  peut  conclure  que  les  voyageurs  ont  du  faire  un 
grand  nombre  d 'observations  de  toute  esp^ce.  Celte 
expedition  ouvre  un  nouvel  et  vasle  champ  aux  d6- 


(  91  ) 
couvertcs   alricaines;  elle  marquera  une   sorte   d'^re 
nouvelle  pour  I'exploration  du  pays,  pour  les  relations 
cominerciales  avec  I'Europe,  et  pour  la  civilisation  de 
ce  vaste  conlinenl. 

Nota.  On  n'a  pas  regu  de  nouvelles  du  docteur  Vogel 
ni  du  sort  du  docteur  Barth  (1). 
\h  fevrier  1855. 

JOMARD. 


NOtVliLLE    CARTE    DE    L  ESPAGNE. 

Lo  goiivernement  espagnol  a  ordonne  la  confection 
d'une  carte  sur  le  modele  de  la  nouvelle  carte  deFrance: 
le  colonel  Ybanez  est  charge  de  la  diriger.  Les  trois 
corps  du  genie,  de  I'artillerie  cl  de  retat-major  con- 
courent  a  ce  grand  travail,  qui  sera  appuy^  sur  des 
operations  geodesiques  el  assujelti  a  une  clialne  de 
lri;iijgles  du  premier,  du  deuxifeme  et  du  Iroisieme 
ordies,  comme  dans  la  carte  de  France  du  Depot  de 
la  guerre. 

Attendu  qu'il  n'existe  pas  en  Espagne,  comme  chez 
nous,  de  mappes  cadastrales,  les  officiers  et  employes 
des  diflcrents  corps  auront  a  faire  les  leves  topogra- 
phiques,  pendant  que  d'autres  s'occuperont  de  la 
triangulation.  On  commencera  par  mesurer  une  base 
de  30  a  ZiO  kilometres  sur  le  plateau  de  Madrid,  el  la 
chalne  aboutira  a  um'   autre    base  sur  le  bord  de  la 

(l)  Nous  avions  espere,  I'an  deinier,  que  la  Pleiade  pourrait 
rcnueillir  le  tlucteiir  Baitti,  revenaiit  a  Yola  au-devant  d'ellc ;  mais  il 
a  piotiMi'  se  porter  sur  Touibouctou,  voyage  fait  pour  tenter  un 
hoinrne  aussi  iiitre[)ide,  mais  qui  etait  plein  de  perils 


(  92  ) 
iner.  M.  le  colonel  Vbanez  a  fait  ex^cuter  ici  pour  la 
mesiire  fles  bases,  unc  regie  de   h   moires,  conslruite 
d'apr^s  les  perfeclionnemcnis  les  plus   n^cenls.   Les 
operations  vont  commenccr  immcdialement. 

E.-J. 


DECLINAISON     MAGNETIQLE 

DANS  LA  MEn  ADRIATIQUK. 

M.  HtCQUARD,  consul  a  Scutari,  a  communique  la  note  suivante 
extraite  tic  V Observatore  Tiiestino,  n°  277. 

Observalions  failes  par  ie  D'  Kreil ,  dirccteur  de 
ri.  ctR.  Inslitut  central  m^l^orologique  et  magn^tique, 
par  ordrc  du  commandant  superiour  <lc  la  marine 
autrichienne,  pour  determiner  la  declinaison  magne- 
lique  dans  les  lieux  suivants  : 

Trieste lV03'(Maeslrale.  N.-O.) 

Venise U'S/i'  — 

Parenzo 1Z|°  15'  — 

Pola 13°  53'  — 

Fiume 13'  46'  — 

Lussin  Piccolo 13"  37'  — 

Zara 13°  41'  - 

Spalato 13*  OV  -- 

Lissa 12°  32  — 

Lesina 12°  li'l'  — 

Lagosta.   .   .   .   ; 12°  26'  - 

Curzola 12°  24'  — 

Gravosa 11°  50'  — 

Megline  (golfc  de  Caltaro).     11°  54'  — 


(  93  ) 

Anlivari ll'' 53'(Maeslralo.N.-0.) 

Durazzo H"  20'  — 

Avlone U»  20'  — 

Corfou 11°  08'  — 

Brindisi 11°  51'  — 

Molfella 12°  29'  — 

Ancone 13"  40'  — 


M.  S.  BERTHELOT  A  COMMUMQUi  A  LA  SOClfcrfe  DE  cfeoGRA- 
PHIE  LA  NOUVELLE  SUIVANTE  EN  DATE  DE  SAINTE-CROIX 
DE   T^N^RIFFE,    DU    5  DECEMBRE  1854. 

V Aquitaine  est  un  vapeur  a  h^lice  de  conslruction 
bordelaise  et  de  la  force  de  120  clievaux,  pouvant 
porter  plus  de  600  lonneaux  de  marcliandises.  Ce  beau 
navire,  de  08  metres  de  long  de  lete  en  tele  et  n'ayant 
que  3  metres  60  centimetres  de  tirant  d'eau,  appar- 
tient  a  MM.  AJaurel  et  Pron,  de  Bordeaux,  qui,  en  le 
destinant  pour  les  voyages  du  Senegal,  Tent  fait  con- 
struire  expres  pour  qu'il  put  reraonter  le  fleuve  avec 
sa  cargaison  jusqu'a  Bakel.  C'est  le  voyage  qu'il  vient 
d'executer  au  grand  etonnement  des  populations  rive- 
raines.  A  Saint-Louis  mfime,  la  plupart  des  habitants 
et  les  autoritt^s  de  la  colonie  consideraient  I'enlreprise 
avec  un  tel  navire,  sinon  imjiossible,  du  moins  tres 
hasard^e;  mais  le  brave  et  intelligent  capitaine  Pontac 
ne  s'est  pas  effray^  des  obstacles  qu'on  lui  faisait  en- 
Irevoir ;  il  lenait  a  remplir  sa  mission  et  vouluit  avoir 
la  gloire  de  penetrer  le  premier  dans  I'interieur  de 
I'Afrique  avec  un  navire  d'un  aussi  fort  tonnage,  pour 


(  »A  ) 

ex^cuter  a  I'Escale  dc  Bakel  inC'rae,  k  200  lieues  de 
remhoucliure  du  S(^negal ,  les  operations  d'^change 
qui  lui  avaienl  ^l6  confines.  C'est  en  eflfel  sur  ce  grand 
marcli^  de  goinme  du  pajs  de  Galnin  qu'il  a  effectuii 
son  chargement  de  relour. 

Le  capitaine  Ponlac  partit  de  Sainl-Louis  du  Sene- 
gal le  19  sepleiubre  dernier.  C'etait  la  saison  oil  le 
fleiive  enlrail  dans  sos  plus  grandes  cruis,  et  celle 
annee  surtoul  rinondaliun  qui  resnlte  de  ce  plu^no- 
in^ne  s'esl  6tendue  au  loin  sur  loutes  les  terres  adja- 
centes.  D'apres  le  rapport  du  capitaine  de  C  J  quit  nine, 
les  eaux  du  fleuve  presentaienl  de  toutes  parts  I'aspect 
d'inimenses  lagunes  ;  lous  les  pays  riverains  etaieiit 
inond^s,  et  Ion  n'apercevait  de  distance  en  distance 
que  les  cimes  de  quelques  groupes  d'acacia.  A  Bakel, 
presque  loutes  les  uiaisons  etaient  subniergees  et  les 
murailles  du  fort  avaient  beaucoup  souU'ert  de  I'inon- 
dation.  Aussi  la  navigation  etail-elle  devenue  fort 
difficile;  car  la  pliqjart  des  signes  de  reconnaissance 
des  deux  rives  se  trouvant  nojes,  les  pilotes  avaient  la 
plus  grande  peine  a  suivre  le  lit  du  fleuve  pour  ne  pas 
s'echouer  sur  les  bas-fonds.  Ce  n'etail  pas  non  [)lus 
sans  courir  de  graves  dangers  que  le  navire  pouvait 
franchir  les  coudes  ou  detours  que  fail  le  S6n6gal  dans 
plusieurs  endroits.  Ces  passages  sont  d'autant  plus 
perilleux  que  le  choc  des  eaux  du  fleuve  conlre  los 
rives  qui  leur  font  obstacle,  produit  alors  des  conlre- 
couranls  assez  violents  pour  opposer  une  resistance 
en  sens  inverse  de  revolution  que  doil  (aire  le  navire 
qui  renionle.  Aussi,  le  navire  I' Aqnitaine  a-l-il  failli 
s'6chouer  au  detour  de  Douaid ,   et  apr^s  bien   des 


'  (95  ) 

obstacles  franchis,  ii  esl  lienreiisemenl  parvenu  a 
Bakel  le  30  seplembre,  c'esl- a-dire,  onze  jours  apr^s 
son  depart  de  Saint-Louis.  Le  12  oclobre,  le  capitaine 
Pontac  avail  termine  ses  operations  d'echange  et  em- 
barque  un  cbargemenl  de  gomme,  d'aracbides  el  de 
peaux.  Enfin,  le  17  oclobro,  il  ^tait  de  relour  a  Saint- 
Louis.  —  V  Jquitaitte  n'a  perdu  auoun  homnie  de  son 
equipage  durant  cette  expedition,  bien  que  la  p]u|)art 
des  inalelols  aient  eu  a  payer  au  climat  d'Afrique  leur 
Iribut  de  soulFrances.  Le  capitaine  Pontac  m'a  rap- 
port6  que  pendant  sa  navigation  sur  le  flouvo,  le  tber- 
momelrequ'il  lenait  suspendu  dans  la  chambre  n'avait 
cesse  de  marquer  la  nuit  de  35  a  36  degres  cenligr. 
Quant  ;'i  la  temperature  diurne,  il  m'a  assur«^  qu'elle 
avail  ete  raremenl  au-dessous  de  hi  degr»!!S,  mais  que 
souvenl  elle  montait  plus  baut. 

Un  terrijjle  coupdeventde  nord-nord  est  que /'y/^w/- 
taine  a  eprouv^  ^  son  retour  du  S«^negal,  lui  a  rompu 
son  grand  mat.  Get  evenement  I'a  force  de  venir  re- 
lacber  a  Sainte-Groix  de  T^n^riffe,  d'ou  il  va  repartir 
apr^s  avoir  repare  ses  avaries.  —  Les  voyages  que  ce 
navire  doit  ex^cuter  periodiquement  a  Bakel  dans  la 
saison  favorable  pourront  conlribuer  a  faire  p^netrer 
la  civilisation  dans  le  coeur  de  I'Afrique;  car,  je  I'ai 
deja  dil;  et  il  est  opporlun  de  le  r^peler  dans  cette  cir- 
constance,  c'est  par  le  commerce,  par  les  relations 
qu'il  entrelient,  les  moyens  dont  il  dispose,  par  lous 
les  bienfails  qu'il  repand  et  les  progres  qu'il  intro- 
duit,  que  les  peuples  se  civilisent. 


(  ^^6  ) 

VOYAGE  SClF.NTIFIQUi;    DANS    l'iNDI:    ni'.    M.     ADOI.PHE 
SCllLAGINTWEIT    KT    Dli    SES    FRkRES. 

M.  Atlolplic  Schlaginlweit  depuis  son  depart  d'Eu- 
rope  avec  ses  fr(^res  a  ecrit  a  M.  le  colonel  W.  Sykes, 
I'un  des  direcleurs  de  la  Compagnie  des  hides,  deux 
lettres  dalees,  I'une  d'AIexandrie,  et  I'autre  de  Bom- 
bay, pour  annoncer  I'heureux  succ^s  de  leur  voyage. 
Leurs  nonibreiix  et  precieux  instruments  scienlifiques 
sent  parvenus  en  Ires  bon  6tat,  a  I'exceplion  d'un 
barometre  et  de  trois  tbermometres.  A  leur  arrivee 
a  Bombay,  ces  savants  allemands  ont  compare  leurs 
instruments  avec  ceux  de  TObservaloire  de  celle  villa, 
et  ils  se  preparaienl  a  parlir  a  la  Cn  de  novembre  pour 
Madras  en  passant  par  Poona. 

Pendant  leur  voyage  jusqu'a  Bombay,  ils  se  sont 
occup^s  d'observations  sur  la  temperature  et  la  den- 
sity des  mers  entre  Southampton  et  le  port  de  Bom- 
bay, etc.,  en  suivant  la  route  de  la  mer  Mediterranee 
et  de  la  mer  Rouge.  Un  rapport  a  ce  sujet  adresse  a 
la  cour  des  direcleurs  de  la  Compagnie  des  Indes  sera 
transmis  a  la  Soci^le  I'oyale  de  Londres,  qui  le  publiera 
sans  doute  dans  ses  Memoires. 

On  doit  faire  observer  que  M.  Adolphe  Schlagintweit 
est  seul  employ^  par  la  Compagnie  des  Indes  et  res- 
ponsable  des  inslrumcnis  que  cette  Compagnie  a  mis 
a  sa  disposition.  S'il  lui  survenait  quelque  accident, 
son  frere  Hermann  le  remplacerait.  M.  A.  Schlagintweit 
doit  d'abord  et  en  premiere  ligne  completer  le  le\e 
{survey)  magnc^lique  do  I'lnde  reste  incomplet  par  suite 
de  la  mort  du  capitaine  Elliot.  Toutcs  Ics  aulres  re- 
cherches  physi(|ues  sont  secondaires.  D.  L.  R. 


( ;'7  ) 


Nous  cxtrayons  dii  tcxlo  explicalif  qui  accumpagiie  la  carle 
geogiaphiciue  clu  Nicaragua  ,  que  lAI.  i\lYloNNi;T-I)tiPLV  a 
souniis  a  la  Societe  dc  geographic ,  i(\s  considerations 
suivantes. 

Des  I8/16,  S.  A.  I.  1e  prince  Louis-Napoleon,  apres 
avoir  etiidi^  clans  la  sfdilude  les  dilTerenLs  points  de 
jondion,  elail  \enu  deja,  par  un  travail  g^odesiqiio  et 
special  Ires  etendii,  faire  connaitre  la  preference  en 
faveur  des  lacs  du  Nicaragua  (1). 

En  J8Zi8,  celle  prc^ference  fut  niisc  en  Evidence  au 
monde  entior,  par  la  creation  du  royaume  Mosquito  ct 
le  protectorat  de  I'Angleterre  sur  ce  pretendu  royaume. 

Depuis  cette  epoque,  la  decouverte  des  richesses 
inepuisables  de  la  Californie  et  dc  i'Australie  est 
venue  augmenter  d'un  tiers  le  noinbre  des  navires  dou- 
blant  le  cap  Horn  ct  accroilra  dans  la  proportion  de 
1  a  300,  le  nombre  des  voyageurs  par  rislhme  anieri- 
cain.  Tres  procbainenient   il  sera  de  1  a  1000. 

La  conipagnie  Asjjinwald,  de  New- York,  lut  la  pre- 
miere a  faciliter  le  passage  par  Tistiime  de  Panama, 
en  amelioranl  la  route  et  en  t'aisant  un  chemin  de  fer, 
dont  uno  parlie  est  aujourd'hui  en  exploitation. 

Les  succes  rapides  de  cette  premiere  enlreprise  de 
transit,  malgre  son  imperfoclion  et  Tinsalubrit^  des 
deux  aboutissanis  ( Chagres  et  Panama)  exciterent 
bienlot  les  ambitions  particulieres.  Diverses  compa«- 
gnies  anglaises  ou  americaines  sc  jclerent  sur  tonles 

(l)  Voyez  Reutie  britanniqiie  de  mai  1849,  page  102  a  i.jG,  la  tia- 
duclion  de  ce  savaiil  travail. 

IX.   JAISVIIJR  liT   FiVRIER.    7,  7 


(  ^8  ) 
los    coles    cle   rAinerique   ceiilrale  ,     chercliant    par 
il'aulres  Iransits  cles  6leinenls  di'  fortune  ! 

C'est  alors  que  M.  cle  Garay  pr^senla  un  projet  ile 
chemin  de  fer  par  le  Teliuanlepec,  nialgr6  la  hauteur 
du  seuil  au-dessus  d(  s  deux  Oceans,  et  I'insalubritt^ 
des  deux  aboutissanls.  Le  projet  pr»^senlait  quelijue 
altiail  CI)  laisoii  c'e  la  bii^vele  dulrajel,  pourles  Elats- 
Lnis  surtout  (1). 

Tout  r^cemnaent  encore,  M.  Squier,  g^ologue  ame- 
ricain,  e^l  venu  presenter,  j-ar  V Honduras,  un  troisieme 
projet  de  chtuiin  de  fer.  Son  j  aicours  scrait  de  160 
milles  marins,  Iranchissaut  un  seuil  de  500  pieds 
anglais,  environ  153  n)etres  au-dessus  des  Oceans. 

11  est  a  reniarquer  que  ( es  projets  tnl  el6  congus 
uniquenient  en  \ue  de  laire  coujmuniquor  les  Ktats 
de  I'Lnion  avec  la  Californie. 

Legouvernemenl  anglais  tonsideiant  tousces  projets 
de  clieaiins  de  ler  coujuie  insufli.'-ants  avait  deja  cliei- 
che  a  se  preparer  uu  a\enir  lavorable,  en  se  creant,  a 
Greytown,  le  prolecleur  du  royaunie  Mosquito,  el  en 
ouvrant  a  la  pelile  r^publique  de  Nicaragua  un  credit, 
qui,  dans  un  temps  Ires  rapproche,  lui  assurail  la  pos- 
session de  ce  pays,  le  plan  riche  territoire  du  niondel 

Nouspouvons  dire,  que  celle  voie  de  couimunicalion 
etail  preparee  pour  I'Europe :  parce  qu'en  effel  I'An- 
glelerre  avail  en  vue  d'opposer  une  barrieie,  plulot  a 
resprild'en\aliissemenldes  Kiats-tnis  qu'a  la  France, 
qui  alors  elait  livree  a  des  agitations  poliliques  inle- 
rieures. 


(i)  Distance   de  Kew-York  a   San-Fraiicisio,  4^^9  niilles  oiariiis, 
(loiii   iGy  (==  198  niillts  lerreslres)  jxjiu   la  traveisee  de  I'Uihnie. 


(  99) 
L'inditl'^rence  de   la  seconde  puissance   uiaritlnie, 
pour  ses  inleiets  du  dehors,  sur  celte  parlie  du  ylobe, 
laissail  done   I'Angleterre   et  ies  ttats-Liiis  en   pre- 
sence pour  la  prise  de  possession  de  ce  passage  im- 
portant. 

Deux  ans  apres  celte  occupation  par  I'Anglelerre, 
Ies  Am^ricains,  dans  la  personne  de  MM.  Hwite  et  C'**, 
pass^rent,  ie  19  a\nl  1850,  un  traite  de  canalisation 
avec  le  gouvernenienl  de  Nicaragua. 

La  Compagnie  americaine,  dominant  par  ce  traite 
Ies  divers  projels  et  enlieprises  connus  ju^que  la,  re- 
chercliale  concoursde  I'Angletene  el  envoja  aLondres 
plusieurs  agents  charges  de  trailer. 

Les  elTorts  furent  infructueux  :  en  ellel,  il  etait  dif- 
ficile que  des  capilaux  anlipalhiques  vinssent  se  r^unir 
pour  une  entreprise  au  profit  d'une  Compagnie  ame- 
ricaine de  iroisieme  ordre  et  qui  n'elait  soulenue 
alors,  iinancieiement,  que  par  M.  Wenderhilt  qui, 
depuis,  s'esl  relird.  La  Compagnie  s'est  done  bornee  a 
un  transit  de  terre,  entre  la  Virgin  et  San-Juan  de  la 
Concordia. 

L'industrie  anglaise,  voulanl  dominer  toule  entre- 
prise de  canalisation  ,  et  pensanl  que  la  Compagnie 
Hwite  echouerait  dans  I'execulion  de  son  Iraile,  par 
une  mise  en  dechdance,  pour  conditions  essenlielles 
non  remplies,  est  venue  successivement  presenter  deux 
aulres  projels  :  I'un  par  ie  golle  de  Uarien,  partant  du 
port  Ecosses  et  debouchant  dans  celui  de  San-Miguel, 
se  servant  de  la  riviere  Sabana. 

Le  monde  industriel,  emu  par  celte  nouvelle  d6- 
couverle,  presenlee  par  MM.  Culleiis  el  Glsborn,  trcs- 
saillil   d'esp^rances  en   voyant  un   jirojet   plus  lacile 


(  100  ) 

encore  que  celui  du  transit  par  I'Ktat  de  Nica- 
ragua... !  Ce  que  jo  j)revi>yais  est  arrive  :  jo  fis  part  (le 
mes  reflexions  a  un  personnage  ^minont,  (jni  tlut  ineltre 
ma  Icltre  ontre  los  mains  de   sa  Majesle  rEiuporeur. 

En  Janvier  1855,  dos  explorations  soriouscs  forenl 
failes.  Dii  rapport  de  ces  explorations,  dont  I'amiral 
Duquesne  a  vouki  rondrc  comple  lui-merne,  il  est 
r^sull6  que  les  etudes  failes  contradieloirement,  |>re- 
sentaienl  dos  diflicultes  incalculables  d'ext^cution. 

L'autre  projet,  egalement  presente  par  le  golfe  de 
Darien ,  uiais  en  remontant  au  moins  30  milles  la 
riviere  de  VAtrato,  n'a  pas  encore  ete  Studio.  On  peut 
done  ie  considi^rer  comme  noii  avenu. 

Ainsi,  do  lous  ces  projets  de  canalisation  interoc6a- 
nique ,  nous  croyons  que  le  plus  serieux,  le  plus 
pratique,  le  seal  en  an  mot  (jin  doit  survivre,  est  celui 
qui  fut  elabore  par  le  prince  Louis-Napoleon,  sauf 
quelques  modifications,  que  des  eludes  ullerieures,  les 
miennes  comprises,  ont  pu  d^montrer  necessaires ! 

C'est  celui  que  la  compagnic  americaine,  nujour- 
(Vhui  cicchtie,  a  pretendu  ex«^cuter. 

C'est  celui  que  les  savants  explorateurs  Squier , 
linily.  Chevalier,  Oersted,  ont  indiqiie. 

C'est  celui  qu'sfTuMne  le  president  des  Ktals-linis, 
M.  Pierce,  dans  son  tlernier  message  (id6cenil)rel85/i). 

Enlin,  c'est  celui  c[ui  a  616  I'ohjet  do  mes  eludes. 

Parli  de  New-York  en  juillet  1850,  sur  une  petite 
goelelte  americaine,  en  compagnie  du  corps  des  ing6- 
nieurs  pour  les  Etudes  du  canal ,  je  me  posai  d^s  le 
principe  d'une  maniere  ind^pondanle  et  m'abstins 
de  passer  loute  espece  do  Iraites  avec  la  Compagnie 
Hwile  ;  craignant  que   rncs   travaux  ne  scrvissent   un 


(   101    ) 
jour  coiilre  inou  pays  el  conlre  ines  projels  ulterleiirs. 

Je  laissai  clone  les  ingenieurs  americains  a  San-Juan 
(Grey-Town)  et  rcmontai  la  riviere  dans  une  pirogue, 
seul  moyen  de  transport  en  usage  jusqu'alors;  je  suis 
liuit  jouis  a  renionter  les  160  kilometres  de  rivi^ro. 
Maintenant  le  Irajet  par  bateau  a  vapeur  se  fait  en 
vingt-quatre  lieures. 

Je  ne  fus  pas  !ongtemj)s  a  prendre  position  dans  le 
pays.  Les  pcrsonnes  eniinentes  du  gouverneinent  me 
lemoignerenl  leur  vive  sympalhie  pour  la  France,  ol 
je  fus  charge  ]iar  le  president  d'explorer  les  parties 
les  plus  int^ressanles  du  pays  (la  INouvelle  Segovie  et 
le  pays  Mosquito)   et  d'en  dresser  la  carte  (1). 

Cette  improvisation  d'ingenieur  d'un  pays  ou  il  n'y 
avait  aucun  document  a  consulter,  a  qui  meme  il  con- 
venait,  avant  I'^poque  de  son  ind^pendance  (1827), 
de  garder  inconnues  aux  autres  puissances  toutes  les 
richesses  et  toutes  les  ressources  qu'il  possede  ,  je  dois 
le  dire,  Messieurs,  eel  acle  de  haute  confiance  du  gou- 
vernemenl,  doubla  mon  encrgie  et  me  fit  Iriompher 
de  plus  d'un  obstacle. 

Je  n'ai  qu'a  me  feliciler  de  I'accueil  que  me  firent 
toute  la  population  indienne  et  meme  les  peuplades 
mosquitos.  Seul,  i)endant  quelques  mois  au  milieu 
d'eux,  je  leur  conliais  presque  loujours  ma  ceinlure  de 
pislolcls  cl  je  no  gardais  que  mon  salire,  plulot  comme 
decorum,   a  dire  vrai,  que  comme  mesure  lio  surele. 

Et,  remarquez-le  bien.  Messieurs,  je  n'ai  du  (jn'a 
n)a  qualite  de  Francais  et  a  mes  croyances  religieuses 


(l)  J'ai  rapporle  en   I"'rance    touted    les   pieces   a  I'appui   He   mes 
nsserlions  et  lie  mes  trav.iux. 


(  102  ) 

catholiques,   toules  les  concessions  de  terrains  et  de 
mines  ainiferes  et  argenlilerts  (jiii  m'ont  iie  failes ! 

Les  Mosi|uilos  sonl  d'un  caractdre  tiniide,  incjuiot, 
paresseux  et  voleurs.  lis  adorenl  le  soleil  ;  cependanl, 
lors  de  men  sejour  au  milieu  d'eux,  j'ai  eu  la  salisfac- 
tion  de  voir  les  mferes  me  presenter  nombre  d'enfau  ts 
pour  les  baptise  r. 


KOTICE    SUB    LK    CARTB    DE    I,A    FRANCS    PROTRSTANTE  , 

Dressee  par  M  Charles  Read  et  editee  par  Grassart,  i  i,ruedt;  laPaix' 

a  Paris, 

II  est  interessant  pour  le  g^of^raphe  do  connallre  1  i 
disli'ibulion  des  populations,  suivant  leiirs  croyances 
religieuses,  car  la  diversity  de  cultes  se  ratlache  a  un 
ensemble  de  circonstances  el  de  fails  intiinement  lies 
a  I'ethnologie  <'t  a  la  topograpliie  d'un  pays  ou  d'un 
canlon.  La  carle  do  la  France  protestante  est  done 
digne  de  I'etude  des  geograplies  ;  d'aulant  plus  qu'elle 
a  et6  dressee  d'apr6s  les  documents  ofliciels  par  la  pcr- 
sonne  la  mieux  placee  pour  les  comj)ulsor  et  les  con- 
troler,  M.  Charles  Read,  chef  de  service  dos  cultes  non 
calholiques  au  minisl^re  de  I'instruclion  publique  el 
des  cultes. 

Les  progros  du  proleslanlisme  en  France  sonl  un 
fait  qui  ressort  avec  evidence  de  I'examen  de  cetle 
carte.  En  depit  de  la  revocation  de  I'edil  de  Nantes  el 
des  pers6culions  dirigees  contre  les  reform^s  en  vertu 
de  I'ordonnance  de  1724,  les  protestants  se  trou\ent 
maintonant  dans  le  mfeme  rapport  numerique  avec  la 
population  calliolique,  qu'ils  i^taient  avanl  ces  mesures 


(  103  ) 

d'intol6rance.  On  en  coniple  aiijourd'hui  de  1  500  000 
a  1  800  000  repartis  sur  toute  I'etendue  de  I'empire 
IVanQais,  mais  plus  sp^cialeiiient  dans  les  d^paite- 
luenls  de  la  Seine,  de  la  Charente-Inferieure ,  du 
Tarn,  du  Tarn-et-Garonne,  du  Gard,  de  la  Loz^re  et 
de  I'Ardeche. 

Get  accroissement  graduel  et  peu  remarqu^  des 
protestants  qui  suivent  en  France  la  r^forme  de  Calvin, 
a  necessity  une  repartition  complete  de  lout  notre  pays 
en  circonscriptions  consistoriales,  et  tel  a  6\^  Tobjet 
jirincipaldu  decret  pr^sidenliel  du  10  novembre  1S52, 
dont  cette  carte  montre  le  sysl^me  de  division.  Une 
m^me  couleur  embrasse  les  parties  du  lerrlloire  pla- 
c^es  dans  une  mfenie  circonscriplion  consistoriale,  et 
un  signe  parliculier  fail  reconnaitre  le  chef-liou  du 
consistoire.  Los  localiles  ayant  des  temples  ou  eglises 
soul  indiquees  par  un  autre  signe  et  toutes  cclles  qui 
onl  une  population  chretionne  reformee  sonl  mar- 
quees a  I'exclusion  de  celles  qui  n'en  renferment  pas. 
M.  Read  a  de  plus  trace  le  cours  des  principales 
rivieres  et  les  lignes  de  chemins  de  fer.  En  outre,  I'au- 
leur  a  distribue,  a  I'entour  de  sa  carte  g^n^rale,  des 
cartes  partielles,  donnant  le  nom  et  la  position  des 
[laroisses  protestantes,  et  des  lieux  ayant  des  habi- 
tants qui  professenl  le  cuUe  r^forme,  dans  les  depar- 
tements  ou  la  population  protestante  est  la  plus  con- 
donsee.  Ce  sonl  la  Gironde  et  le  midi  de  laDordogne, 
la  Orome,  la  Loz^re,  le  Gard ,  I'Ardeche.  Ce  travail, 
execute  avec  un  grand  soin  et  qui  estdrslin^  a  devcnir 
un  element  statistique  officiel  pour  la  connaissance  de 
la  distinction  des  cultes  a  la  surface  du  globe,  n'ost 
que   la   premiere    partie   de    I'ceuvre   poursuivie    par 


(  m  ) 

M.  Cliarles  lleail.  tlcl  ecrivain  (jni  s'ost  consacre  aveo 
un  lionoiablc  devoiienieiU  i\  dc]im-e.v  riiisloire  dc;  sos 
roicligionnaires  el  qui  est  Ic  fori'lalcur  do  la  sociele 
dt'ja  si  florissanle  de  I'liistoire  dii  pioteslanlismr  fraii- 
^ais,  prepare  uiie  carte  du  ciilto  c^vangelique  ou  lullie- 
rion.  Volia  pourcjtioi  los  localitt^s  qui  appartienneiil  a 
h  coiilession  d'Augsbourg  ne  soul  point  indiquees 
sur  c  lie  caite,  laquelle  n'cst  annoncee(]ue  coimin!  unc 
parlie  pieiuierc ,  quoiqu'cllu  cousliluc  uii  lout  coiii- 
plel  :  celle  obseivalion  est  d'autant  plus  necessaire  a 
faire  ici  que  le  grand  iiombre  do  reforiu^s  ilu  rile 
francais,  dans  les  deparlements  de  I'ancienne  Alsace 
ct  de  I'ancienne  Lorraine,  pourrait  donner  le  change 
lI  faire  croire  que  toules  les  po])ulatiuns  pioteslanles 
de   la   France   figurenl  sur  cette  carle.    En  effet,   les 

arrondissements  de  Allkirclj,  de  Saint-Die,  Sclielesladt, 
Strasbourg,  Saverne  el  Weissenibourg,  renfennenl  uu 
grand  nombre  de  cahinisles. 

II  est  egalenient  curieux  de  conslaler  la  coincidence 
habiluelle  enlre  Jes  departemenls  piotestanls  et  coux 
qui,  suivanl  la  carle  do  M.  Charles  Dupin  ,'sonl  les 
plus  avances  pour  rinslruclion  primaire.  On  ne  sau- 
rail  contester  que  le  proteslanlisme  n'ait  pasbeaucoup 
plus  fail  pour  rinslruclion  populaire  que  le  catholi- 
cisnie;  et  si  ce  dernier  cultc  parail  avoir  la  superiorile 
pour  les  institutions  de  bienfaisance,  el  specialement 
pour  les  ordrcs  hospilaliers,  I'aulre  culte  a  Iravaille 
bien  plus  ellicaceinenl  a  repandre  Tinstruction  et  les 
lumieres.  On  pent  s'en  convaincre  en  couiparanl  I'elut 
intellecluel  de  I'ltalie,  de  I'Espagne  avec  celui  de  I'An 
gleterrc,  duDanemark,  de  la  Suede  et  de  la  Hollande. 
Et  pour  conslaler  que  ccllc  diderence  ne  lient  pas  a 


(  105  ) 
I..  clilTiJi-cnco  seiile  des  races  que  peupleul  ces  divers 
pays,  il  sudit  de  comparer  I'etat  de  rAlleiuagiie  me- 
lidionale  et  calliolique  avec  ccliii  de  I'AUeinagne  sep- 
iGiilrlonale  el  protestanle.  Du  reste,  il  est  facile  de 
|)enetrer  les  molifs  de  celle  difference,  en  examinant 
les  principes  sur  lesquels  repose  la  coiisliUilion  des 
deux  egiises. 

La  carle  de  i\I.  Read  a  ete  publiee  sous  le  patronage 
d'une  des  plus  glorieuses  conqueles  du  proteslanlisinc, 
I'aniiral  Baudin,  president  du  consistoire  central  de 
France,  et  donlla  patrie  deplore  la  perte  r^cenle. 

Alfred  Maury. 


(  106  ) 

ytctesi  lie  la  ^oclel^. 

tXTRAlTS  nKS  PUOCkS-VRRBAUX  DES  SKAKCES. 


Seance,  clu  b  jaiii'ier  J  855. 

PnfesiDENCR    SUCCESSITE    DE    MM.    JOMABD    ET     GUIGNIAUT. 

Le  proems- verbal  de  la  seance  du  1"  decemhre 
est  111  el  atlople,  aptes  (pielques  observations  de 
M,  Alfred  Maury,  relativemenl  a  la  mention  faite,  dans 
ce  proc^s-verbal,  du  rapport  qu'il  devra  presenter  sur 
les  carles  du  prince  Ii6r6dilaire  de  Su6de;  il  n'a  pas 
trouve.  dit-il,  dans  la  s^rie  des  cartes  olTertes  par  le 
prince  a  la  Sociele,  la  premiere  des  feuiiles,  la  plus 
iinportanle  pour  lui,  celle  ou  se  trouve  la  It^gende,  ct 
ii  ne  poiirra  reiidre  conipte  de  I'ouvrage  que  lorsqii'il 
aura  recu  la  feuillc  qui  manque  et  au  sujel  de  laqucllc 
il  a  6cril  a  M.  le  protesseiir  GefTroy. 

Le  proces-verbal  de  la  seance  generale  du  15  de- 
ceml)re  est  communique    a  la  Commission  centrale. 

Le  secretaire  general  donne  lecture  de  la  corres- 
pondancc  :  M.  le  secretaire  directeur  de  I'lnstitul 
royal  pour  la  g^ograpliie  ,  i'ethnograpliie  cl  Ics 
langues  des  possessions  neerlandaiscs  dans  les  Indes 
orienlales,  adresse  a  la  Soci6t6  les  publications  de  cot 
Instilut,  La  Commission  centrale  vote  des  remer- 
ciemcnls  a  I'lnstitul,  ct  decitle  qu'elle  echangera 
son  linlletiii  contra  les  ouvrages  qu'elle  vient  du 
recevoir. 

M.  fedouard  Anton  adresse,  de  la  part  de  M.  le  doc- 


(  407  ) 

teur  Philippl ,   de  Santiago,    au  Chili,   une  carte  du 
desert  d'Atacama, 

M.  Hecquarrl,  consul  de  France  a  Scutari  (Albania), 
adresse  a  la  Soci6t6  un  exirait  de  VObservatore  Tries- 
tiano,  contenant  des  observations  faites  par  le  docteur 
Kreii,  directeur  de  I'lnstitut  central  m^t^oroiogique 
et  magn^tique  (voy.  page  92  de  ce  Bulletin). 

M.  de  la  Roquette  annonce  I'heureuse  arriv^e  a 
Bombay  deMM.  Schlaginlweit  freres,  qui  doivent  partir 
pour  Madras  vers  la  fin  de  noveinbre  (1). 

M.  de  la  Roquette  offre,  de  la  partde  I'auteur  et  de 
r^diteur,  les  2°,  3'  et  h^  livraisons  de  I'Atlas  du  voyage 
de  M.  de  Castelnau. 

MM.  BoNNEAu,  Froidefond  des  Fauces,  Livi-ALVARks 
fils  et  Ernest  Mouin  sont  admis  dans  la  Societo. 

M.  l)elau)are ,  geographe-graveur,  est  pr^sente 
comme  canflidat  par  MM.  Jomard  el  Cortanibert. 

M.  le  president  annonce  que,  conform^ment  au 
Reglenient ,  on  vn  proceder  au  renouveilement  du 
bureau  de  la  Commission  cenlrale  pour  I'annee  1855. 
II  prononce,  enquiltanlla  prcsidence,  une  allocution 
ou  il  rappelle  Ics  travaux  de  la  Soci6t6  pendant  les 
deux  annees  qu'il  vienl  de  presider. 

SonI  elus  menil)res  du  bureau  pour  1855  : 

President:  M.  Guigniaut. 
Vice-presidents  :  MM.  d'Avezac  et  Jomard. 
Secretaire  general :  M.   V.-A.  Malte-Brdn. 
Secretaire  adjoint:  M.  Alfred  Maury. 

(l)  Voyez  la  note  aux  nouvelles  geographiques,  p.  92. 


(  loy  ) 

L'ordredu  jour  appelle  la  nomination  tl'iiu  nienibre 
adjoint  de  la  Commission  centralo  ;  iM.  le  general 
Auvray  est  elu. 

Les  nouve.iux  membros  dii  bureau  cnlicnt  en  lonc- 
tions.  .M.  Guigniaut ,  nouveau  president,  propose  de 
voter  des  reraerciemcnts  a  M.  Joaiard,  president  sor- 
lant.  Cette  proposition  est  adoptee. 

L'organisation  des  sections  pour  1855  est  modili^e 
de  la  manlere  suivante  : 

iM.  Cortambert  remplace  M.  Alfred  Maury  dans  la 
section  dc  publication,  et  MM.  Demersay  ct  de  la 
Pioquclte  ontront  dans  la  section  de  comptaiiilite. 

On  proc6de  a  la  nomination  de  la  Commission  du 
prix  annuel  pour  la  decouverte  la  plus  iu)porlaule 
en  geographie  :  sont  nommes  MM.  d'Avezac,  Daussy, 
Isanibert,  Jomard  et  Maury. 


Seance    du    19  Janvier  1855. 

PB^SIDlsNCE  DE  M.  GUIGNIAVT. 

Le  procfes-verbal  de  la  derniere  seance  est  lu  et 
adopte  apres  quelques  observations  de  M.  de  la 
Roquclle. 

iM.  le  president  propose  a  la  Commission  centrale 
de  voter  des  renicrciements  a  M.  Cortambert,  secretaire 
general  sorlaiit ,  les  preoccupations  et  les  Incidents 
iniprevus  de  la  derniere  seance  ayant  fait  perdre  de 
vue  ce  devoir.  Cette  proposition  est  accucillie  a  I'una- 
nimite. 


(  100  ) 

M.  le  prosidonl  rappclle  les  elections  de  cellfi  cler- 
ni^ro  seance  et  proclame  les  nonis  tics  memhres  coni- 
posant  los  Irois  sections  cle  la  Commission  cenlralo. 

M.  Jomard  annonco  que  le  colonel  Ibanez,  du  corps 
dii  genie  espagnol,  charge  dc  diriger  la  nouvcllc  carte 
d'Espagne  qui  a  ete  ordonn^e  par  le  gouvernement, 
est  pr^senlemenl  a  Paris,  occupy  des  preparatil's  de 
celle  grande  operation. 

Le  m6me  membre  pr^sente  a  ia  Societe  M.  Ch.  An- 
derson recemment  arrive  d'Afriquc  a  Paris,  d'ou  il 
doit  repartir  pour  visiter  la  Suede,  son  pays  natal,  et 
reloiirner  ensuite  ilans  I'AFrique  auslrale  :  son  premier 
voyage  a  ete  fait  en  compagnie  de  M.  Gallon,  et  men- 
lionne  avec  eloge  dans  le  Bulletin.  II  6tait  seul  dans 
son  second  voyage,  qui  s'est  etendu  jiisqu'au  18*degre 
de  latitude  sud.  Une  grande  carte  des  voyages  de 
M.  Anderson,  manuscrite,  est  ensuile  communiquee  a 
la  Societe  et  examinee  avec  un  vif  inldiret.  M.Anderson 
j)romet  un  conipte  rendu  de  ses  excursions,  el  il  au- 
torise  la  Societe  a  annexer  au  Bulletin  un  extrait  de  sa 
carte. 

M.  Jomard  entretient  ensuite  I'assemblee  des  r6- 
centes  nouvelles  de  Kouka  et  de  Tripoli,  au  sujet  de 
I'annonce  de  la  mort  du  docleur  Barlh.  II  resulte  des 
lettros  de  M.  Cliurcii ,  I'un  des  attaches  a  M.  Vogel 
(Kouka,  12  aout'JS5Zi),  et  de  ^1.  le  lieutenant-colonel 
Herman  (Trijioli,  28  novembrc),  qu'on  pourrait  clever 
desdoules  surl'authenlicite  de  la  nouvelle,  bien  qu'elle 
ait  el(^  transmise  a  la  reine  d'Angleterre  de  la  ])arl 
du  sultan  de  Bornou. 

M.  V.-A.  Malle-Brun  remercieses  collegues  de  I'hon- 
neiir  inespere  qu'ils  lui  ont  fait  en  le  nommant  secre- 


(  no  ) 

taire  g^n^ral ;  inais  il  expose  que  sa  position  de 
redacteur  en  chef  d(>s  ISouveUe.s  aiinales  des  voyages, 
avaiit  parii  a  quelques-uns  d'enlre  eiix  inconipalibJe 
avec  les  lonclions  de  secrelaire  gt^neral,  ii  croit  de  son 
devoir  de  donner  sa  deinisbion. 

A  la  suite  de  quelques  observations  piesenl^es  par 
MM.  de  la  Roquetle  et  Poulain  de  Bossay,  qui  d^clarent 
ne  pas  voir  d'inconipatibilile  dans  la  double  situation 
de  M.  V.-A.  Malle-Biun,  ct  apr^s  quelques  eclaircisse- 
iiients  de  M.  b'  president  a  ce  sujet,  M.  V.-A.  Malte- 
Brun  declare  qu'il  persisle  dans  sa  premiere  resolution, 
et  qu'il  met  sa  demission  a  la  disposition  de  ses 
collegues. 

M.  AU'rod  Maury  deuuuide  alors  la  parole;  il  expose 
dans  quelle  situation  il  avail  acceple  les  lonclions  de 
secrelaire  adjoint,  el  donne  sa  demission  en  la  inoti- 
vanl  sur  celle  de  M.  \.A.  Malte-Brun. 

M.  Tremaux,  uiembre  el  laur^at  de  la  Sociel^,  oQVe 
la  suite  ties  livraisons  de  son  Atlas  du  voyage  au 
Soudan.  M.  le  president  adi-esse  des  remercienienls  a 
I'auleur. 

M.  Delamark,  pr^senl6  a  la  derniere  seance ,  est 
admis  dans  la  Soci^te. 

M.  \ivien  de  Saint-Martin,  ancien  inembre,  qui 
avail  perdu  son  litre  par  suite  de  liirlicle  VI  du  R^gle- 
menl,  est  prescnlc  par  MM.  Jumard  et  Corlamberl. 

M.  S^dillol  donne  lecture  d'un  rapporl  sur  un  travail 
de  M.  Henri  Martin  (1),  qui  combat,  enire  aulres  opi- 

(i)  Exanien  d'un  Mc'moire  pnsihume  de  M.  Letroiiiie  et  de  ces 
deux  questions  :  i°  la  circouference  du  globe  teireslie  avnit-elle  eli' 
mesuree  exactement,  avant  les  temps  historiques?  ?.°   les  rrreurs  el 


( 111  ) 

nions  plus  on  moins  accredil^es ,  I'id^e  de  la  inesure 
d'un  arc  du  m^ridien  par  les  Egypliens.  Ce  rapport, 
qui  donne  lieu  a  plusieurs  observations  de  la  part  de 
MM.  Guigniaut,  d'Avezac  et  Jomard,  est  renvoy6  au 
Bulletin  (voy.  plus  haul). 

M.  Guslave  d'Eiclitlial  donne  lecture  d'un  rapport 
sur  Touvrage  intitule :  Types  of  mankind  [\)  de  MM.  Nolt 
et  Gliddon.  Ce  rapport  est  renvoy6  au  Bulletin  apr^s 
quelques  remarques  de  MM.  Guigniaut  et  Alfred 
Maury. 

La  stance  est  lev^e. 


Seance  du  1  jevrier  1855. 

M.  Ferdinand  de  Luca  ecrit  a  la  Society  pour  lui 
offrir  plusieurs  nouveaux  ouvrages  dont  il  est  I'auleur 
(voy.  ci-a|)res). 

M.  Jomard,  en  presenlant  a  la  Societe  M.  Myionnet- 
Dupuy,  offre  1"  une  carle  de  I'Elat  de  Nicaragua  dres- 
see  par  eel  ing^nieur  d'apr^s  ses  propres  observations; 


les  contnidictions  de  la  geojjraphie  luathematique  des  anciens  s'ex- 
pliquent-elles  par  la  diversite  des  stades  et  des  milles?  Paris,  i854, 
iii-8"  de  148  pajjes. 

(1)  Types  of  mankind  :  or  Elhnological  researches  based  upon 
the  ancient  niouumenls  paintings,  sculptures,  and  crania  of  races, 
and  upon  their  natural,  geographical  and  biblical  history,  illustrated 
by  selections  from  the  inedited  papers  of  Samuel  George  Morton, 
and  by  additionnal  contributions  from  Prof.  Agassiz,  W.  Usher,  and 
Prof.  H.S.  Patterson.  By  J.  C.  Nolt  and  George  R.  Gliddon.  London, 
Trid)ner,  1854.  In-S"  3o  »ch. 


(  112  ) 

'2°  une  ^rammairc  francaise  en  Inngue  arabe,  publiee 
par  M.  Dugal,  a  I'lisage  des  incli;^encs  de  I'Alg^rie, 
ot  pouvant  scrvir  aux  jeuncs  Arabes  de  I'Hgypte  el 
de  la  Syrie  qui  voiulraient  etudicr  a  fond  noti-e  langue. 
Get  oiivrage  est  renvoy^  a  I'examen  de  M.  Sedillot. 

11  ollVe  onsuile,  de  la  part  de  rautcur,  un  ouvrage 
de  M.  Gallon,  intitule  :  Jrt  of  Travel,  accompagn6 
de  figures;  M.  Morel-Falio  est  charge  d'en  rendie 
compte.  I.e  savant  voyageur  n'a  pas  reQu  la  medaille 
que  la  Soci6l6  lui  a  d^cernee  en  1854;  la  section  de 
coniplabilile  est  invitee  a  proposer  le  moyon  de  le 
dedommagor  de  cette  perle. 

Le  niemc  membre  annonce  que  Koenig  Bey  s'est 
occupe  (lepuis  quelque  temps  de  la  traduction  d'une 
liistoirc  de  Sennar,  ouvrage  qui  paralt  devoir  jeter 
des  lumieres  sur  i'histoire  de  I'ancienne  litbiopie ; 
ses  fonctions  de  secretaire  des  coinmandements  du 
nouveau  vice-roi  d'Egypte ,  Mohammed  Sayd,  rent 
oblig6  a  suspendre  momenlanement  raohevemenl  de 
ce  travail. 

Le  merae  membre  dispose  sur  le  bureau  un  long 
m«^moire  de  M.  Hermann  Ludewig,  I'un  de  ses  corres- 
j)ondants  de  New-York,  surles  aborigenes  du  Mexique, 
ou  I'auleur  emet  des  opinions  nouvelles  sur  les  Tol- 
leques,  les  Azteques  et  les  Chichimoques  (voyez  p.  2 
et  suiv.  de  ce  Bulletin). 

M.  Jomard  terraine  ses  communications  en  t'aisant 
hommage  a  la  Societe  de  la  2"'livraison  Aes  Monuments 
de  la  geographie. 

M.  AHred  Maury  offre,  de  la  part  de  I'auleur,  M.Ph. 
Parlatore,  deux  ouvrages  ayant  pour  litres:  1°  ^iciggio 
per  le  parti  settentrionaU  di  Europa  jatto  neW  anno  1851; 


(  H3  ) 

2^*  Memoir c  siir  le  Pnpyiiis  ties  anciens  ct  siir  le  Papyrus 
(le  Sidle. 

M.  V.-A.  Malle-Brun  communique  la  reduction  qu'il 
a  faile,  d'apres  les  instructions  de  M.  Jomard,  d'unc 
carte  de  Coree,  destinee  au  Bulletin, 

La  Commission  centrale  prociidc  a  la  reflection  de 
ses  secretaires,  elelle  nomme  M.  Alfred  Maury,  secre- 
taire general,  et  M.  V.-A.  Maltc-Brun,  secretaire 
adjoint. 

La  Commission  centrale  nomme  ensuite  MM.  Poulain 
de  Bossay,  de  la  Roquette  et  Isambert,  commissaires 
pour  le  prix  d'Orleans,  relalif  a  Timportalion  la  plus 
utile  a  Tagriculture,  a  I'industrie  ou  a  riiumanit(^. 

M.  le  president  lit  une  note  de  M,  Berlhclot,  com- 
inuniquee  par  M.  Garnier,  sur  la  mission  que  vient 
de  remplir  au  Senegal  le  navire  a  vapeur  VJquitaine 
(voyez  la  page  89  de  ce  Bulletin], 

M.  V.-A.  Malte-Brun  annonce  la  publicalion  reccntc 
d'une  carte  des  regions  arctiques  par  I'Amiraute  an- 
glaise.  II  enlre  dans  quclques  details  sur  la  nomen- 
clature de  celte  carle,  deslince  a  restituer  aux  anglo- 
ara^ricains  la  part  qui  leurrevient  dans  les  d<5couvertes 
arctiques. 

M.  Isambert  lit  unc  notice  sur  Tatlas  qui  accom- 
pagne  le  premier  volume  des  Pelits  gdograplies  grecs, 
que  vient  de  publier  la  librairie  Firmin  Didot  (voyez 
page  65  de  ce  Bulletin), 

M.  Fabre,  mcmbre  dc  la  Societe,  consul  de  France 
a  Chrisliania,  et  present  a  la  seance ;  au  moment  do 
relourner  a  son  posle,  prie  la  Socitito  do  liii  adresser 
quelques  instructions.  —  Renvoi  a  la  section  do  cor- 
rcspondance. 

IX.   JANVIER  V.l  I'iVRII'h.   8.  8 


(  ll/l } 

Scntici^  (In  IG  fvK'vicr  1855. 

A  I'occasion  du  procos-verbal,  iin  incmbic  rappolli' 
robsorvalion  qui  a  cle  fiilto  an  inoincnl  du  vole  poiTr 
la  nominalion  dc  la  Commission  du  concoiirs  au  prix 
rrOrloans,  et  il  j^ciisc  que  I'crreur  r^sullant  dc  cotte 
observalion  est  do  nature  a  invalidor  I'election.  I.a 
Commission  cenliale  parlagc  ro])inion  dc  co  mcinhre, 
et  decitlo  qu'il  sera  procc^de  ;"i  i.nc  nouvolle  clertinn 
dans  la  seance  du  2  mars. 

M.  Alfred  Maury  ai.nonce  qu'il  a  tiaduit  lo  me- 
moire  dc  W.  Hermann  Ludewig  sur  les  al)orig6nos  du 
Mexique. 

RI.  Jomard  donne  lecture  d'une  Ictlrc  que  lui  adressc 
de  Londres  M.  Anderson,  en  mSme  temps  qu'un  me- 
nioire  partie  imprimd  partie  manuscrit,  destine  a 
accompagner  la  carle  de  son  voyage,  M.  Anderson 
profile  de  celle  occasion  pour  transmellre  lo  vocu 
qu'a  exprime  sir FrancisGallon  au  sujctdela  m^daille 
qui  lui  a  ete  accordee  par  la  Societe  do  Paris,  ct  le  vif 
regret  qu'il  d'prouve  de  ne  I'avoir  pas  rccuc. 

Une  lellrc  de  M.  Riheiro,  da  tee  de  Fayal  (Azores), 
est  adrcss^e  au  mfime  membre  pour  remcrcier  la 
Societo  de  la  mention  qui  a  cle  faite  de  son  travail 
sur  la  statistiquc  des  Acores. 

M.  Jomard  communique  cgalemcnl  une  loltro  de 
I\l.  Brun,  dat6o  de  Marseille  5  fevrier.  Cc  voyagour  a 
ajipris  qu'en  d85Zi,  hi  Ijarques  sont  parlies  du  Scnnar 
jiour  le  (leuvc  Bhmc  ;  le  commerce  prend  cliaque  jour 
une  nouvellc  exlension  sur  ce  fleuve,  ct  M.  Brun 
cspere  que  bicnlol  les  rives  du  Keilak  cesseront  d'etre 


(  115  ) 

inconnucs.  Aiiisi  laSociule  n'a  qu'a  s'applaudir  d'avoii- 
distingue  et  recompense  ,  il  y  a  quinze  ans,  dans  la 
personne  de  M.  d'Arnaud,  Ic  premier  voyage  fait  sur 
le  fleuve  Blanc  supdricur. 

Le  meme  communique  par  exlrcyt  une  leltre  do 
M.  d'Escayrac,  datec  du  Caire,  11  Janvier,  et  renfcr- 
mant  d'interessantes  nouvelles  sur  le  fleuve  Blanc, 
sur  le  canal  des  deux  mers  et  surd'aulressujels  dignes 
d'allention,  Un  extrait  de  cclte  lettrc  est  destine  au 
BuUetin ,  ainsi  qu'une  carte  de  MM.  Vayssi(^re  el  de 
Malzac  representant  le  pays  au  nord  de  I'Abyssinie. 

M.  Jomard  profite  de  celte  occasion  pour  ofTrir  une 
carte  des  memes  voyageurs,  qui  lui  a  et^  remise  de 
leur  part,  par  M.Marietle,  et  qui  repr^sente  une  partie 
du  fleuve  Blanc,  du  5^  au  11*  degre  de  latitude,  ct  du 
pays  compris  entre  le  fleuve  el  I'extr^mite  sud  du 
Darfour.  Ccttc  carle  renferme  un  iiineraire  de  dix- 
huit  stations  entre  rembouchure  du  Niebor,  affluent 
du  Nil  Blanc,  et  Djonkor. 

Le  meme  membre  communique  I'exlraitd'une  lettre 
de  M.  Hermann  Ludewig,  de  New-York,  au  sujet  de 
son  mt^moire  sur  les  aborigines  du  Mexique,  depose 
a  la  preccdente  seance. 

Ensuile  il  presente  une  carte  cl  un  memoire  de 
M.  Myionnet-Dupuy,  ingc^nieurde  I'Etat  de  Nicaragua. 
Cette  carte  represenle  le  lerritoire  cntier  de  i'Elat  et 
se  distingue  des  cartes  connues  par  une  nomencla- 
ture Ir^s  ddlaillec  du  pays  des  Mosquilos  el  do  la  cole 
de  Honduras  (voyez  page  112  de  ce  Bulletin). 

M.  Jomard  termine  ses  communications  en  donnanl 
des  nouvelles  de  I'expedilion  accomplie  par  la  Pleiade, 
batin)cnl  a    vapour,    dans  I'inlerieur    de  FAlVique  en 


{  116  ) 
suivant  le  Kouaro,  la  Tchadda  et  le  Benouej  parvenu 
jiisqu'a  Yola,  cc  navirc  avail  espdre  Irouver  !c  docleur 
Barlh ;  Ic  voyage  a  dure  118  jours  sous  la  direclion  de 
M.  Baikic  ;  I'accueil  des  naturcls  a  did  hospitaller.  Le 
balimont  est  de  relour  en  Anglctcrre. 

M.  V.-A.  Mallc-Brun,  secretaire  adjoint,  depose  sur 
le  bureau  le  premier  cahicr  des  Aouvellcs  annales  des 
voyages,  public  SOUS  sa  direction. 

M.  Victor  Gudrin,  profcsseur  de  rhetoriquc  au  lycee 
d'Angers,  et  M.  Ernest  Desjardins,  professeur  d'histoire 
ct  de  geographic  au  lycee  de  Macon  ,  sont  presenles 
pour  elrc  admis  dans  la  Soci6l6  par  MM.  Guigniaul 
el  Jomard. 

M.  le  president  signale  les  litres  des  deux  candidats 
a  I'attenlion  de  la  Societe.  Le  premier,  ancicn  membre 
de  I'ecole  d'Athenes,  est  auteur  de  travaux  importants 
sur  la  gdographie  et  I'hisloire  des  iles  de  Samos  el  de 
Pathmos,  el  il  prepare  un  m6moirc  non  moins  inle- 
ressant  sur  I'ile  dc  Rhodes  et  sur  les  cotes  de  la 
Palestine;  le  second  vient  de  soutenir  avcc  un  grand 
succ6s  deux  theses  pour  le  doctoral  5s  lettres,  I'une 
sur  les  tables  alinientaives  qui  se  rallachent  a  un  grand 
systeme  d'assislance  publique  chezlesRomains,  I'aulre 
sur  la  loj)Ographie  duLatium  ct  dans  laqucUe  la  partie 
geograpliique  est  trail^e  avec  soin. 

Le  rapporleur  de  la  section  de  comptabilite,  pre- 
nant  on  consideration  la  dcmande  faite  par  M.  Jomard, 
dans  rinleret  de  M.  Gallon,  propose  a  la  Commission 
cenlralc  de  faire  les  frais  d'une  secondc  mddaille  pour 
reraplaccr  celle  qui  n'cst  pas  parvcnue  a  ce  voyagcur. 
Ccllc  proposition  csl  acccplee  a  I'unanimilo. 
M.  Tremaux  lil  unc  note  dans  laqucllc  il  relule  les 


i 


(  117  ) 

opinions  erron^es  de  certains  vojagcurs  sur  Ics 
Yamyam  ou  prelendus  horames  i'l  queue  de  rinldriour 
de  TAfiiquc. 

M.  le  president  fail  remarqner  I'abscncc  de  plu- 
sieurs  de  ses  collegues  charges  de  rapports  urgenls  et 
il  annonce,  pour  la  prochaine  seance,  une  nouvelle 
convocation  des  sections  de  corresjiondance  ct  de 
coinplahilit^,  ainsi  que  de  la  Commission  du  concours 
au  prix  annuel. 


(  lis  ) 

OUV RAGES  OFrERTS 

DANS  LtS  SEANCES  DE  JANVIER   ET  DE   FfiVHlER   1855. 


liUnOPE. 
Tilres  des  ouuroges.  Donalcuts. 

Vjii'jgio  per  le  parti  scltcnlrionali  ili  Kiiropa  fallo  lull'  amio  i85i, 
prima  parte,  i  vol.  in-S".  Firenze,  i854.  I'll-  Pahlaioiik. 

ASIE. 

Lcs  Saiiiaritains  de  Naploiise,  c'pisodc  d'un  pclciin.ifjo  dans  les  lieux 
saints.  I  vol.  in-8°.  Paris,  i85j.  L'ahbe  Iiarg^S. 

Hornc'O.  I$esclirijvin{5  van  vX  Stroomgebied  van  den  Barilo  T.  Dorneo. 
Descriplion  du  Ijns.sin  du  Barito  et  Voyage  sur  quelques-unes  des 
prinripalcs  rivieres  de  la  partie  sud-est  de  celte  iie,  par  le  docteur 
C.  A.  li.  M.  Sclnvaner,  do  t843  a  1847.  ^  ^'"'-  '"-8°.  Avec  cartes. 
Amsterdam,  i853-i854. —  Ueize  romdom  liet  ciland  Celebes  en 
naar  eenige  dcr  Moluksche  Eilanden,  etc.  Voyage  a  I'ile  Celebes 
et  a  queUjues  lies  des  Moluques,  execule  en  1800,  par  Z.  JM.  Sclic- 
pen,  du  navire  de  guerre  I' Argo.  I  vol.  in-8°,  avec  carles  ct  vucs. 
La  IJnye,  i853.  —  Bijdragen  tot  de  Taal-Laud-cn  Volkenkunde 
van  Neerlandsch  Indie,  etc.  Materiaux  pour  servir  a  la  geographic 
statistique  des  Indcs  ncerlandaiscs.  2  vol.  in-8".  La  Ilaye,  1  853- 
1854.  —  Banra,  MalaUka  en  Rilliton ,  etc.  Banca,  Malacca  ct 
Hilliton,  par  le  docteur  J.  H.  Croockeuitz,  public  aux  frais  des 
Indes  nceriaudaiscs  dans  les  annees  1849-1860.  1  vol.  in-8".  La 
liayc,  i852.         L'Ikstitut  n.  geog.  et  etiinog.  tes  Indes  oniEKj. 

AFRIQUE. 

Voyages  au  Soudan  oriental,  dans  I'Afriquc  septentrionale,  etc., 
executes  dc  1847  a  1854.   11%   \'',  i3«  <t   i4'  livraisons.  In-f". 

P.    Tllt.MAVX. 


(  119  ) 
AMKniQur, 

Rxnrditioii  dans  les  parlies  ceiitialcs  cle  i'Aiiic'rique  ilu  sud,  do  Hio 
de  Janeiro  a  Lima  et  de  Lima  an  Para,  execulee  par  ordre  dii  gon- 
vernement  fran^ais  pendant  Ics  anuc'es  i843  a  1847,  sous  la  di- 
rection de  INL  Francis  de  Casielnau.  Geograpliie,  cartes,  a',  3°  ci 
4'  livr.  in-f".  L'Altetb  et  M.  P.  HEnrnANn. 

I-e  Chili  considere  sous  le  rapport  de  son  agriculture  et  de  IVmiyra- 
tion  europc'i'nne,  par  Pjenjamin  Vicuna  Mackenna.  1  vol.  in-i3. 
Paris,  I  855.  L'AuTELli. 

Carta   del  Desierto   de  Atacama.    I    feuille. 

Le   D''   PiilLlPPi,    de  Santiago. 

I'nion  des  deux  oceans  Allanlique  et  PaciUque,  par  le  transit  ouvert 
;i  travers  la  re'publique  de  Nicaragua,  carte  delaillee  des  cin(| 
departements  avec  indication  des  piincipaux  traces  du  canal 
inleroceaniiiue  approuvc  par  le  gnuvernemeni  de  Nicaragua,  levi'c 
par  M.  Aug.  Myioiniet-Dupuy,  ancien  inge'nieur  de  I'Klat,  et 
pnblie'e  a  Paiis  en  i855,  avec  J'autorisation  du  gouvernenient 
IVancais.    1   feuille.  L'AuTEi'ii. 

OUVRAGES  GKiNERAUX  ET  MELANGES. 

Kitab   Toelipab,    Javaanscli-MoliammeJaanscli   Wetboek,   etc.     Le 

Kitab-Toulipab,   ou  Code  javano-niaboinmadan,  public  par  INL  S. 

Kej'ier.   1   vol.  in-8°.  La  Ilaye,  i853. 

Institut  n.  oiLor,.  et  ehikog.  des  IsnEs  oniENT. 
Granimaire  francaise  a  I'usage  des  Arabes  de  I'Algerie,  de  Tunis,  du 

Alaroc,  de  I'Egypte  et  de  la  Syiie,  par  M.  Guslave  Dugat.    1  vol, 

in  8".  Paris,  i854.  L'Alteit,. 

Memoire  sur  le  Papyrus  des  anciens  et  sur  le  Papyrus  de  Sicile,  j)ar 

M.  Philippe  Parlatore.  Rrocli.  in-4".  Paris,  i853.  L'Al'TEun. 

Catalogue   of  stars  near  the   Ecliptic,   observed  at  Markrec,   during 

ihe  years   1862,   i853  et   i854.  Vol.  Ill,  containing  1 5,  018   stars. 

1  vol.  in-80.  Dublin,  i8.'i4-  SociiLte  11.  de  Londhes. 

The  art  of  Travel,    or  a  shifts   and  contrivances    avail. dile    in    wild 

countries,  by  Francis  Galton.    1  vol.  in-12.   London,    i85.'). 

L'AirrKi'n. 
Imlole  dclla  geogralia  del  Secolo  XIX  coinparativanienlc  a  quclla  did 


(  120  ) 

Sccolo  preceJente.  Br.  iii-4°.  —  Consiilirnzioni  generali  sull.i  ros- 
trtiltura  de  Porti.  Br.  in-4".  — Relazionc  del  L.igo  Fuciiio  e  dell' 
cniissario  di  Claudio  dell'  arcliitctto  J.  S.  Scritta  verso  il  ladore 
del  Secolo  XVIII.  Hr.  iii-4".  M.  Fei\disa>d  de  Lica- 

Notice  des  travaux  de  la  Societe  de  gcojrapUie   et   des    proyrcs  des 
sciences  (jeographiqucs  pendant  I'anncc  i854<  Br.  in-S". 

M.  ConXAMBEIlT. 

MiiMoinr.s,  ueculii-s  et  journaux  periodiqurs. 

Menioires  de  rAcadcinie  royale  des  sciences  de  Turin,  tome  XIV  de 
la  2*  serie.  i  vol.  in-4"'.  Turin,  i854.  L'Academie. 

Annates  du  commerce  exterieur.  N"*  786  a  794- 

Le  MiXISTEr.E  DC  COMMEnCE. 

Biblioilicquc  universclle  de  Geneve.  Octobrc  et  noveniljre  i854. 

M.  Paul  CiiAix. 

Nouvcllcs  .nnnales  des  voyages.  Novembre  etdecembre  i854i  janviir 
18.55.  —  Revue  coloniale.  Novembre  et  decembre  |854-  —  Revue 
de  rOrient.  Decembre  i854,  et  Janvier  i855.  —  Bullelin  de  la 
Societe  zoologique  de  France.  Juin-novembrc  1854. —  Bullelin  de 
la  Societe  geologique  d'acclimataiion.  Decembre  i854  et  Janvier 
l855. —  Archives  des  missions  scienlifiques  et  littt'raires.  3'  call, 
du  4'  vol.  —  Journal  des  missions  cvangcliqucs.  Decembre  l854 
et  Janvier  1 855.  —  Annales  de  la  propagation  de  la  foi.  l''  n*  dc 
1 855.  —  Journal  d'education  populaire.  Decembre  1 854  •'  j^"- 
vier  1855.  —  L'Atlicnatum  francais.  N""  5i  ct  52  de  i854,  i  a  5 
dc  1 855.  Les  Ei)rrEvns. 


BULLETIN 


DF.     I.  A 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE. 


MARS    ET   AVRIL    1855. 


''Biioircs.  cl<». 


MEMOIRE    SUR    LE    RAGLE 

or 
HALLUCINATIOiN    DU    DfeRRT; 

Par  M.  W  rnintr  ii'EsCATn*!   riK  I.AiTur.E,  membre  dc  In  SocieU' 

Obseivations    pieiiniinaires. 

IJn  vojageur,  pi'esse  d'atteincire  le  terme  eioigne  de 
ses  laligucs,  marche  nuit  et  jour  :  accable  de  lassitude, 
il  nc  tarde  pas  a  elie  presso  par  Ic  sommeil ;  sa  volont6 
se  roidit  conlre  les  exigences  de  sa  nature;  une  lutte 
s'engage  el  coUe  succession  naturelle  de  repos  et  de 
veille,  qui  est  la  condition  ordinaire  de  la  vie,  fait  place 
cliez  lui  a  un  elat  parliculier  qui  nest  plus  ni  le  repos, 
ni  la  veille.  Ses  \eux  sont  ouverts,  son  oreille  percoil 
les  sons,  sa  main  sent  el  agit,  son  esprit  i-aisonne,  et 
pourtant  noire  voyageur  est  le  jouet  des  hallucinations 
les  plus  bizarres. 

Le  terme  d'hallucination  est  Irop  general  pour  de- 
signer l)ien  ce  phenomene.  Celui  d'hallucination  du 
desert  a  linconvdnient  de  faire  supposer  qu'il  ne  se 
produit  que  dans  le  desert  et  celui  tl'employer  deux 
mots  a  la  represenlalion  d'une  seule  iil^e. 

IX.     MAnS    F,T     AVtUL.     1.  9 


(  122  ) 

Je  proposerai  en  consequence  de  laire  passer  dans 
notre  langue  le  noin  arabe  de  co  phenomfene  ,  iioin 
bref,  sonoie  el  d'une  articulalion  (acile.  Cc  nom  est 
ragi,  (|ui  s'ecrit  avec  un  rr,  un  kaf  el  un  lam  (1)  ;  nous 
pourrions  I'erriro  ragle,  ce  qui  serail  |)lus  conforme 
anos  babiludcs  orthograpbiques;  les  Aiabes  emploient 
I'accusalif  adverbial  rag/an  (c'esl-a-dire  en  ragle)  pour 
designer  celui  qui  est  sous  linfluence  du  ragle. 

Le  vorbe  ragala  signifie  il  a  subi  Taction  du  ragle. 
Ce  \erbe,  a  sa  qualri^me  forme,  a  la  signification  de  : 
ii  a  traverse  le  desert,  il  a  niarcbe  rapideuient,  etc. 

Peut-filre  pourrions-nous  adopter  le  verbe  ragler, 
dontle  parlicipe  present  serait /Y/j5,'/r//<^.*de  infeme  valeur 
que  I'arabe  rnglan. 

II  serait  avanlageux  d'emplojer  les  memes  lernios 
que  les  Arabes  a  la  designation  d'un  pb^norn^ne  dont 
nous  n'avons  gu6re  a  nous  entretenir  qu'avec  eux. 

II  est  rareiuent  donn6  aux  bahilants  de  I'Europe 
d'observer  le  ragle,  A  j)art  quelques  courriers  expedi^s 
a  franc  etrier  a  de  grandes  distance,  et  quelques  (^tu- 
dianls  qui,  voyanl  av.  c  inquietude  approcber  ie  jour 
des  exaniens,  emjiloienl  ieurs  nuits  a  repasser  ce  qu'ils 
onl  appris,  <>n  pent  dire  que  ce  pbenomene  n'esl  connu 
que  des  soidals,  et  ne  se  uianiiesle  a  eux  qu'en  temps 
de  guerre  el  nans  des  circonslances  peu  ordinaires , 

(l)  Dans  ce  mot  le  An/ se  pioiioiice  cutniiie  un  g  dur;  c'est  en 
realilL-  une  leltie  affettee  de  polyphonie,  elle  est  articuiee  par  les 
Aiabes  comme  un  k  guUurnl  dans  les  mots  houran  (Coran),  hakk 
(verite,  Dieu),  et  comine  un  </  dur  dans  les  mots  uoum  {levee,  irourie), 
garn  (come).  Le«  leeteurs  du  Coran  en  font  toujours  un  A:  gutou-al, 
les  Egypliens  en  font  un  k  legerenient  aspire  et  ssmbiable  au  c  dur 
des  Toscans.  (Voy.  une  note  a  la  fin  de  ce  memuire.) 


f  123  ) 

comme  les  marches  de  nuit,  les  veilles  pro!ong(?!f's  en 
temps  dp  siege,  le  qui-vive  pcrpeUiel  d'une  armee 
donl  les  campements  sont  menaces  chaqiie  niiit  ou 
insultes  sans  cesse  par  un  ennemi  insaisissable. 

Les  soldats  n'ecrivent  gu^re  leurs  impre.ssions ;  les 
voyageurs,  plus  complaisants  pour  eiix-menies,  les 
ecrivenl  volontiers,  niais  ayant,  en  general,  soin  de  se 
latiguer  pen  ,  ils  ne  connaissenl  le  ragle  que  par  oui- 
dire  el  nous  en  dounent  un  portrait  peu  ressernblanl. 
Ils  ont  pour  la  pluparl  si  peu  d'idee  de  ce  phenomene, 
qu'ils  le  confondent  g^neralement  avec  le  mirage. 

Lorsque  je  voyageais  a  droimadaire  dans  leBelad-es- 
Soudan,  il  ni'arriva  plus  d'une  I'ois  de  laire  d'une  seule 
Iraile  un  voyage  de  cinq  journees  de  marche  ordi- 
naire ;  je  passais  alors  en  route  Irois  nuils  et  deux  jour- 
nees, el  la  laligue  causee  par  une  si  longue  privation 
de  sommeil  produisait  ciiez  moi  toutes  les  hallucina- 
tions du  7'ag'e.  Je  ne  songeai  malheureusenient  pas  a 
cette  epoque  anoter  toutes  mes  impressions,  et  je  n'en 
conservai  qu'une  reminiscence  gen^rale  que  j'ai  con- 
signee en  ces  lermes  dans  un  livre  intitule  :  Le  desert 
et  le  Soudan. 

«  J'ai  soiivent  souflert  de  la  privation  du  sommeil, 
»  qui  est  la  plus  cruelle  de  toutes;  peu  a  peu  je  senlais 
f)  le  trouble  se  mettre  dans  mes  idees ;  c'est  en  vain 
»  que  je  parlais  avec  mes  guides,  que  je  chantais,  que 
»  je  descendais  pour  marcher  un  peu,  que  je  m'asj  er- 
»  geais  le  visage  d'eau  fraiche  :  il  me  semblait  bienlot 
»  que  Ihorizoii  s'elevait  autuur  de  moi  comme  une 
»  muraille,  le  ciel  lormait  a  mes  yeux  la  voule  im- 
»  mense  d'une  salle  fermee  de  tous  coles,  les  etoiles 
))  n'^laienl  plus  que  des  milliersde  lampes  el  de  lustres 


(  124  ) 

)i  destines  a  cclairer  celte  salle  ;  puis  mes  yeux  se  fer- 
»maient,  nia  Idle  se  pcncliail  et  tout  d'un  cou[* 
»  scntant  que  je  perilais  Tequilibre,  je  uie  laltrapais 
»  a  ma  selle  elclierchais  en  cliaiitanl  a  ecailer  de  nou- 
»  veau  I'ennenii  qui  in'assiegeait  sans  cesse.  »  (  l.e 
desert  et  le  Soudan,  liv.  V,  cli.  v.) 

Jc  ne  songeais  point  a  revenir  sur  celle  description 
exacte,  mais  Ir^s  incomplete,  lorsque  i'occasion  m'a 
^le  donnee,  sinon  de  fair<!  du  ragle  unc  etude  plus 
^lendue,  du  moins  de  reveiller  d'anciens  souvenirs. 

Voulanl  del  nierement  rejoindre  a  Suez  M.  Ferdinand 
de  Lessops  et  visitci  avec  lui  ce  port,  dont  la  creation 
d'un  canal  des  deux  mers   pent   changer   la  face,  je 
partis  du   Caiie    sur   un   dromadaire  do  la  poste.  Ce 
voyage  Ires  court ,  car   il   employa  un  peu   moins  de 
trente  heures,  n'out  certainement  pas  donne  cliez  moi 
naissance  au  ragle,  si  je  ne  me  fusse  Irouve  dans  des 
circonslanccs   pliysiologiques  toutes  parliculieres.   Je 
venais  d'etre   malad(,'   el   n'clais   pas  encore  parfaite- 
inenL  retabli;  un  inalenlendu  fut  cause  que  je  n'em- 
porlai   point  de  vivres  et   ne  ])us  m'en   procurer  en 
route;  depuis  deux  ans  je  n'etais  pas  monte  a  droma- 
daire; cnfin,  ayanl  quilte  le  Caire  assez  tard  dans  la 
soiree,  je  mo  trouvai  jiasser  deux  nuils  sans  sommeil. 
Le  ragle   se  d^veloppa  avec  assez  d'intensile   pendant 
la  seconde  niiit,  j'en  causai  avec  les  gons  qui  me  con- 
duisaient:  je  rctrouvai  mes  souvenirs,  el  les  reflexions 
que  ce    suj<t    inleressant  m'inspira,  me  conduisirent 
a   quelques  consideralions  gen^raics ,  a  une  sorle  de 
ih^orie  du  ragle  (I). 

(i)   ViiV'/  uiip  noir  li  \-\  fin  tie  ce  mpinniie. 


(  1-^5  ) 

Une  longue  [Jiivalion  de  soinineil  et  la  fatigue  qui 
en  resulle  sont  les  causes  ordinaires  du  ragle,  qui  pent 
se  developper  aussi  sous  I'influcnce  d'une  solf  exces- 
sive, de  la  faim  ,  peut-etre  meme  du  chagrin  ,  de  la 
crainte,  etc, 

Les  sens  sont  ^mousses,  leurs  perceptions  devien- 
nent  confuses  et  ne  satisfont  pas  I'esprit,  qui  cherche 
a  les  completer;  une  sensation  imparfaile  sert  de  point 
de  depart  et  devient  le  rudiment  sur  lequel  s'clevent  les 
constructions  de  la  fantaisie  ;  I'cnclialnement  des  ideas 
accomplit  cette  transformation,  qui  a  lieu  suivant  la 
penle  des  aspirations  habiluelles  du  sujet  ou  dans  le 
sens  de  ses  preoccupations  du  moment. 

Les  aberrations  peuvent  se  rapportcr  a  la  vue,  a 
Touie,  au  gout,  a  I'odorat,  peul-elre  meme  au  toucher. 
Celles  de  la  vue  sont  de  beaucoup  les  plus  frequenles. 
L'ceil,  en  effet,  est  celui  de  nos  organes  que  nous  exer- 
50ns  le  plus,  qui  a  le  plus  besoin  de  repos :  I'obscurite 
complete  lui  fournirait  c.e  repos;  il  se  fatigue  au  con- 
Iraire  davantage  a  thercher  au  seiii  d'une  demi-obscu- 
rite,  do  ce  qu'on  a  appele  des  tenebres  visibies,  le 
d(5tail  ou  la  veritable  forme  des  objets.  Mos  autres  sens 
sont  rarement  soumis  a  une  cause  analogue  de  fatigue. 
Le  cas  peut  se  presenter  pour  Touie,  lorsqu'au  milieu 
du  tumulte  d'un  combat,  a  travers  le  groudemenl  de 
Tarlillerie,  IV-clal  de  la  mousquclerie,  I'eijranlement 
communique  au  sol  el  a  I'air  par  le  galop  des  chevaux 
et  le  roulement  des  voilures,  a  travers  les  cris  des 
blesses,  les  appels  qui  se  heurlent  et  se  confondent,  le 
bruit  des  tambours,  le  vacarme  des  clairons,  le  soldat 
cherche  vainemeiil  avec  une  attention  soutcnue  a  dis- 
tinguer  la  voix  de  ses  chefs. 


(  126  ) 

La  nature  ties  aliorralions  ne  pr^sente  pas  pour  un 
nieme  sujet  et  dans  les  memcs  circonslances  une 
grnnde  variety.  En  s;6n(^ral,  pour  ce  qui  coiiceine  la 
vuc,  ies  picrros  dc  vienuenl  iles  rochers  ou  des  edifices; 
les  Irares  des  aniuiaux,  les  emigres  domienl  a  la  route 
I'appareiice  d'une  lerre  labouree  on  d'une  prairie.  Les 
ombres  porl^es.  lorsqu'il  y  a  clair  de  lunc  surlout, 
figurenl  des  jmits,  des  precipices,  des  ravius;  des 
ombres  moindres  pr^senlenl  I'aspect  d'etres  animus; 
on  voil  passer  devanl  soi  de  longues  files  de  chameaux, 
des  voitures,  des  troupes  nombreuses,  des  bataillons 
dont  on  distingue  les  uniformes. 

On  voit  encore  souvent  s'elever  devant  soi  et  autour 
de  soi  toute  une  for&l  d'arlires  trfes  minces  et  pou  louf- 
fus,  mais  d'une  grange  hauteur  et  donl  le  feuillage 
caclie  une  partiedu  ciel  sans  voiler  pourtant  les  eloiles; 
dans  un  desert  parfailement  aride,  cette  aberration 
me  paralt  trouver  son  ruciimenl  dans  les  pelits  vais- 
seaux  |)liis  ou  moins  engorges  de  la  corn^e  transpa- 
rente.  Suivanl  que  I'oeil  est  plus  ou  moins  ouvert,  ces 
objets  prennenl  des  apparonces  dilTerenles. 

Les  images  ne  paraissent  souvent  pas  &tre  eloignees 
de  I'oeil  de  plus  de  50  centimetres  a  1  metre;  elles  ne 
s'en  rapproclient  pas  davantage,  a  ce  (jue  je  crois.  II 
m'csl  arrive  de  traverser  des  murailles  (|ui  reparais- 
saient  toujours  devant  moi,  mon  bras  allonge  plongeail 
dans  la  magonnerie,  nion  corps  ne  la  renconlrail 
jamais,  tile  s'ouvrait  pour  lui  donner  passage. 

Une  aberration  Irfes  fr^quenle  est  le  redressenient 
des  surfaces  borizonlales.  Des  Ireillis  s'^levent  aux  c6l6s 
de  la  routi- ;  I'liorizon  devient  un  niur,  nu  une  en- 
eeinle,  ou  une  immense  cuve ;  (|ueli|uefois  il  semble 


(  12/  ) 
fju'on  se  trouve  au  milieu  cl'un  cialere,  an  milieu  du 
Val-del-Bove,  ou  doquelque  gorge  resserree  des  Alpes. 
IJn  lait  d'uiie  naltire  analogue  est  la  Iransfoiniation 
de  la  partie  du  ciel  qui  esl  devant  nous  en  une  longue 
el  etroile  bande  de  gaze.  A  propos  du  redressement 
d(>s  surfaces  liorizonlales ,  je  m'exprimais  aiiisi  dans 
Le  desert  et  le  Soudan  : 

«  Nous  rapportons  toujours  les  perceptions  de  notre 
»  vue  aux  etlels  de  la  lumi^re  a  laquelle  nous  sommes 
»  le  plus  habitues;  c'est  pour  nous  celle  qui,  dans  nos 
»  climats,  se  produit  le  jour.  Cette  lumi^re  qui  se 
»  reddle  vivement  sur  les  plans  horizontaux,  laisse  les 
»  plans  verticaux  dans  I'ombie;  toute  surface  peu 
»  ^clair^e  est  des  lois  consideree  a  priori  par  nous 
»  comme  un  plan  vertical ;  et  la  nuit  ne  nous  oCFiant 
»  que  des  surfaces  obscures  lermin(ies  par  des  trails 
»  confus,  nous  n'y  rei  onnaissons  plus  les  plans  hori- 
»  zonlaux.  »  [  Le  desert  et  le  Soudan,  liv.  I",  cli.  v.) 
C'est  un  fait  de  mirage. 

Les  rochers,  les  maisons  el  tous  les  objets  qui  pr6- 
sentent  une  surface  verlicale,  paraissenl  plus  6lcv6s 
qu'ils  ne  le  sont,  sans  paraltre  plus  larges;  une  maison 
d'un  etage  parait  en  avoir  au  moins  deux. 

Le  rudiment  de  toute  aberration  etant  necessaire- 
ment  une  perception  confuse,  il  est  facile  d'en  con- 
clure  que  la  perception  des  objets  ^clair^s  ou  lumi- 
neux  ne  donnera  naissance  a  aucune  aberration  ,  a 
moins,  bien  enlendu.que  I'eclat  de  ces  objets  ne  puisse 
pas  6lre  soutenu  par  I'ceil. 

C'est  pourquoi,  dans  le  ragle,  si  I'on  se  Irompe  quel- 
quefois  sur  la  nature  des  etoiles,  on  ne  se  Irompe 
jamais  sur  leur  nombre,  leur  situation,  lour  giandeur. 


(  12S  ) 
Le  ragle  se  inanitesle  quelquelois  le  matin,  Ic  soir  et 
ineme  en  plcin  jour;  dans  ce  cas  rabenalioii  do  la  vue 
csl  occasi(tnn^e  parl't'ciat  insupportable  d'tineluiuieie 
eblouissanle.  Le  |)lienomene  est  alors  liabiluelK'nient 
c()mpli(jue  du  mirage  que  j'appelle  de  la  premiere 
espece,  a  savoir:  indecision  sur  la  forme  el  la  dimen- 
sion des  objels,  deplacement  el  flotleuK  nt  tics  in)ages. 

Les  aberrations  de  I'ouie,  beaueouj)  plus  rares  que 
celles  de  la  vue,  alteignent  surlout  ceux  qui  sonl  a  jeun, 
les  vo\  aj^eurs  soumis  a  l-inlluence  du  simoun,  dont 
les  onilles  sunt  latiguees  par  le  \ent,  irritees  par  le 
sal.le,  les  gens  sujels  aux  bourdonnenx.'nis  d'oreille; 
les  fievreuxqui  onl  en  rocours  au  sulfate  dequinine,  etc. 

Des  sons  reels  confusemcnl  percus,  sont  transfor- 
mes  par  limaginatioii ;  le  fiolement  des  herbes  du 
desert,  le  choc  dun  cailiou ,  le  mugissejnent  du  veni, 
deviennent  des  chants  melodieux,  des  oris  de  delresse, 
le  grondement  de   la  foudre,  des  coups  de  fusil,  etc. 

J'entendais  unc  nuil  ic  tic-lac  d'un  moulin;  j'eus  de 
la  peine  a  me  rendre  compte  de  I'origine  de  ce  bruit, 
j'y  arrivai  cependant  :  c'etail  la  boucle  de  mon  cein- 
turon  qui  iloltail  sur  le  ponnneau  de  la  selle  ou  j'avais 
accrociie  mon  sabre  suivani  I'usage  du  desert. 

On  se  represente  facileinenl  ce  (jue  peuvenl  etre  les 
aberrations  de  I'odorat  el  du  goiil.  J'aurai  I'occasion 
den  ciler  bicnlol  un  exemple. 

J'ai  dit  que  cet  enchainemenl  d'idees,  qui  donne 
naissance  au  ragle,  a  lieu  suivant  la  penle  des  aspi- 
rations nature! les  cki  sujot,  ou  dans  le  sens  de  ses 
preoccupations  du  moment. 

Les  aspirations  nalurelles  d'hommes  appartenant 
a  la  rafime  race,  ayanl  recu  uno  education  a  peu  pres 


( i-^y ) 

pareille,  ne  sauraient  dilTerer  beaucoup;  il  en  sera  de 
ineme  de  leiirs  preoccupations  lorsqu'ils  se  trouveront 
soiimis  a  I'eniplie  dcs  niemes  circonstances.  De  memes 
rudiments  seront  pour  eux  la  source  d'aberrations 
semblablos  ou  a  pen  pres  semblables.  Aussi  arrive-t-il 
presque  conslamtnent  que  dos  voyageurs  pris  simul- 
tanement  de  lagio  voient  se  derouler  devant  eux  les 
memes  images:  si  I'un  voit  dos  monlagnes,  I'autre  en 
verra  aussi;  si  I'un  voil  une  maison,  I'autre  verra  t^gale- 
mont  une  maison. 

Toulefois  les  monlagnes  de  I'un  et  les  monlagnes 
de  I'autre,  la  maison  de  I'un  el  la  maison  de  I'autre, 
pourronl  dillcrer  les  uncs  dcs  autres,  et  diff^rer 
notabloment. 

IJn  de  nos  arcbeologues  les  plus  crudits  traversait 
avec  un  babile  paysagiste  le  desert  de  Suez,  tous  deux 
lurent  pris  de  ragle;  se  rendant  mutuellemenl  compte 
de  leurs  impressions,  ils  reconnurent  qu'elles  6taient 
pareilles  el  en  resterent  surpris.  De  temps  en  temps 
I'un  de  nos  deux  voyagcurs  disait  a  I'autre :  a  Je  vais 
vous  dire  ce  que  vous  voyez  :  vous  voyez  telle  chose.  » 
Et  la  description  qu'il  faisait  des  images  vues  par  son 
compagnon  se  Irouvail  parlailcment  juste. 

Chez  des  gens  de  race  et  d'education  dilTerentes,  les 
hallucinations  presenleront  dans  les  memes  circon- 
slances  une  cerlaine  analogie,  mais  elles  seront  rare- 
ment  semblables.  Ainsi  ,  un  Bedouin  qui  n'aurail 
jamais  vu  d'arbres,  el  il  y  en  a  beaucoup  dans  ce  cas, 
ne  saurait  voir  s'^lever  autour  de  lui  une  for^t;  la  ou 
nous  verrons  une  voiture,  I'Arabe  verra  un  chameau ; 
la  ou  nous  verrons  un  clocher,  il  verra  un  minaret,  et 
ainsi  de  suite. 


(  ISO  ) 

line  forte  prc^occupalion  a  sur  la  nature  des  hallu- 
cinations line  influence  remarquable,  j'en  citeraiquel- 
qu(S  fxeniples. 

lln  modecin  ilistingue  (|ui  sc  trouvait  au  Caire  lut 
appi'le  i\v  niiil  aiix  Pyrainides  poui"  donner  sos  soins 
a  nil  vovai;eur  giit;ven)enl  hless^;  il  partil;  mais  le  soin- 
meil  appesanlissait  ses  paupiercs,  I'iuipatience  d'airi- 
vcr  assez  a  lemps  pour  arr;iclior  iin  mallieurcux  a  la 
iiiorl  lui  laisail  trou\er  la  roiili'  d'lmo  longueur  exces- 
.sive.  Preoccupe  du  mouieiil  oil  il  M-rrait  <iistiiictenienl 
les  Pyramides  se  dresser  devanl  lui',  il  ne  tarda  pas  a 
k\s  veil-  surgir  du  sein  des  tenebres  el  il  allait  les 
atleiiidrc,  {]uand  dies  firent  place  au  vide,  il  lis  revit 
encore,  ellcs  s'evanouirent  de  nouveau,  el  celle  vision 
se  renouvela  plus  de  vingt  fois  en  deux  lieures  sans 
(ju'il  lui  lut  possible  de  s'en  debarrasser. 

Ln  des  plus  recents  nuulyrs  do  la  science,  James 
Ricliardson,  s'olait  perdu  dans  le  desert:  «  J'elais  acca- 
»  bl6  de  fatigue,  dil-il  dans  la  relation  de  son  voyage, 
»  ines  sensations  resseniblaiont  ;'i  celles  d'un  liomme 
»  ivre  ( my  senses  began  to  reef  like  those  of  a  drunken 
»  man);  tantol  je  croyais  entendre  des  \oix  qui  ni'ap- 
»  pelaient,  tantol  je  voyais  des  luniieros,  tanlot  encore 
))  un  lioinnie  a  flroniailain-  envoye  a  nia  recliorclie,  el 
»  ce  qu'il  y  a\ait  de  plus  singulier,  c'est  que  toutes 
»  ces  impressions  etaienl  d'une  veril6  coniplele;  elles 
»  appartenaienl  bien  a  cc  uiondo,  non  a  un  nionde 
»  suruaturel  ( je  ne  m'en  elonne  pas).  Je  voyais  A  cliaque 
»  instant  des  gens  qui  me  ciiercliaienl,  je  les  entendais 
))  in'appeler  sans  relacbe,  Yakob,  Vakob  !  J'elais  d'au- 
»  lanl  plus  le  jouet  de  ces  illusions  qu'il  faisait  grand 
»  jour,  el  que  je  ne  croyais  (pTaux   deceplions  do  la 


(  1S1  ) 
»  nuit;  chaque  bouquet  d'herbe  ,  chaque  buisson  , 
))  cliaque  biitte  de  sable  devenait  un  chameau,  un 
»  homme,  un  mouton,  un  filre  anitne,  etc.  »  Dans  les 
tristes  circonslances  ou  il  se  liouvait,  la  preoccupa- 
tion constante  de  James  Richardson  ^tait  de  relrouver 
sa  caravane;  de  la  loutes  les  hallucinations  dont  il 
parle. 

Je  fis  rencontre,  il  y  a  pres  de  (|ualre  ans,  dans  le 
desert  desBycUaris  (entre  Soakeui  et  Beiber),  d'un  noir 
qui  s'y  etait  egar6  :  depuis  une  soixanlaine  d'heures, 
ce  malheureux  n'avait  rien  pris ;  en  proie  an  ragle,  il 
n'apercevail  autour  do  liii  que  des  sources  d'eau  vive, 
dont  il  croyait  s'abreuver  sans  cesse ;  I'air  sec  du 
desert  lui  apportait  des  efiluNes  luimides,  il  marchait 
avec  precaution  sur  le  sable,  se  croyant  sur  un  sol 
d^tremp6  ;  (luelquelois  il  apercevait  le  Nil  et  le  sentait, 
il  courait  alors  ou  se  tralnait  jusqu'a  ce  que  ses  forces 
vinssent  a  le  trahir.  Get  homme  ne  dormait  pas,  il 
n'etait  pas  le  jouet  de  rfives,  mais  d'hallucinations ; 
il  avait  beaucoup  de  fi^vre,  niais  le  delire  avail  com- 
mence avanl  la  fi^vre. 

On  se  demandera  peut-6tre  comment  ce  noir  pou- 
vait  s'imaginer  qu'il  s'abreuvait  alors  qu'il  se  trouvait 
au  centre  d'un  desert  aride  et  environne  d'une  atmo- 
sphere depouill6e  de  toute  huniidite  ;  le  voici :  la  j)eau 
de  cet  homme  ^tait  brulanle,  sa  langue  etait  couverte 
d'un  enduit  jaunalre  fort  epais ,  les  muqueuses  de  la 
bouche,  de  la  gorge,  du  nez  etaienl  le  siege  d'une  forte 
intlammation ;  le  contact  de  I'air,  qui  nous  semblait 
brulanl,  devail  lui  parailre  iroid,  lair  qu'il  resj)irait 
ratraichissait  momentanement  sa  langue  et  son  palais; 
en  proie  a  une  pr<';<JCCupation  unique,  il  devail  con- 


(  132  ) 
fondre  celte  seiination  de  fralcheui-  avec  celle  que  lui 
edt  fait  ^prouver  une  gorgee  d'eau. 

Nous  avons  vu  James  Ricliaidson  etre  IVappe  de  la 
ncttele  des  impressions  qu'il  rccevait  dii  raglc.  Ges  per- 
ceplions  t'ausscs  out  une  vorite  |)areille  a  cellos  de  nos 
reves;  elles  sonl  si  distinctes  que  nous  les  rapporlons 
a  nos  sens,  si  subliles  que  nous  saisissons  les  moindres 
details,  les  plus  fugitives  appaiences  des  objels  crees 
par  notre  imagination.  Cost  ainsi  que  marcliant  une 
nuit  au  milieu  d'une  vasle  plaine,  il  me  semblait 
coloyer  de  liautes  montagnes :  a  ma  gauche,  a  une 
profondeur  immense,  je  voyais  so  deiouler  une  riclie 
vallee;  sur  les  bords  d'un  ruisseau  coidant  au  milieu  de 
celte  vallee,  je  voyais  un  champ  de  trefle,  jecomplais 
les  foiioles  de  ce  trefle  imaginaire,  je  distinguais  jnemc 
les  etamincsde  ces  fleurs;  mais  la  commen^ait  le  reve, 
le  ragle  faisait  place  au  sommeil. 

Les  sens  cepcndant  perdent  en  clairvoyance  loul  ce 
que  gagne  I'imaginalion.  L'ceil,  par  exomple,  (pioi- 
qu'ouverl  ne  voit  plus  ou  prosque  plus,  et  les  plus 
grands  ell'orls  ne  sufTisent  pas  loujours  a  I'aire  aperce- 
voir  I'objet  le  plus  rapproche.  Une  nuit  je  voyageais 
sans  domestiques  et  acconqiagne  d'un  seul  guide  sur 
une  route  tr^s  frequenlee  el  Iros  apparente;  le  guide 
se  tenait  a  quel([ues  pas  en  arri6ro  de  moi ,  j'^tais  en 
proie  au  ragle  :  «  Tu  n'es  plus  dans  la  route  ,  me  cria 
»  lout  a  coup  mon  guide,  appuie  a  gauclie.  »  J'appuyai 
a  gauche  el  coupai  la  route  sans  la  voir ;  rappele  de 
nouveau,  jcpris  <^i  droite  et  coupai  encore  la  route  sans 
la  voir  davanlago  :  «  Je  ne  vois  plus  le  sol,  dis-je  alors 
»  a  mon  guide,  passe  devant  je  le  suivrai  sans  peine. » 
Lui-ineme  elail  bientol  le   jouet  dcs  memos  aberra- 


(  m  ) 

lions  et  ilevait  desceiulre  de  son  dromatlaiie  pour 
chercher  la  route  aveo  ses  pieds  et  ses  mains,  a  d^faut 
de  ses  yeux. 

Les  sens  sont  ^mousses,  I'iinagination  folle  :  la  rai- 
son  cependant,  loujoins  en  6veil,  n'est  pas  trompee 
par  les  joiix  de  la  fanlaisie. 

On  voit  un  palais,  on  en  compte  les  fenfetres,  mais 
on  sail  a  merveille  qu'il  n'y  a  point  la  de  palais.  C'est 
en  vain  pourtant  qu'on  so  roidit  pour  ne  point  Ic  voir, 
les  plus  beaux  raisonnemenls  n'y  font  rien;  on  sail 
qu'il  n'existe  pas,  on  agit  conime  s'il  n'en  exislait  pas, 
mais  on  le  voit  toujours,  a  moins  qu'on  ne  vienne  a 
pcnser  a  autre  chose  ou  que  I'imagination  no  fasse 
du  palais  une  furteressc  ou  une  ville. 

An  milieu  du  ragic  j'ai  d(^clanie  des  vers  ou  psal- 
modie  le  Goran  sans  me  tromper  d'une  syllabe ;  j'ai 
soutenu  des  conversations  treslongues  sans  le  moindre 
cmbarras  comme  aussi  sans  le  moindre  soulagenienl; 
j'ai  essays  de  resoudredes  problemesde  mathematiques 
etj'y  aireussi;j'ai  fait  mieux.dans  mon  dernier  voyage, 
pendantque  le  ragle  m'obsedait,  je  tirai  de  ma  poche 
un  petit  carnot  et  comme  j'^cris  facilement  a  droma- 
daire,  je  m'amusai  a  noter  sur  ce  carnet  toules  les  im- 
pressions que  je  recevais  du  ragle.  Ce  qu'il  y  a  d'assez 
remarquable,  c'est  que  j'en  elais  reduit  a  ecrire  a 
tatons;  je  ne  voyais  le  oarnet  que  par  intervalles,  il  pre- 
nait  presque  constamment  a  mes  yeux  I'apparence 
d'un  grand  album  couvert  de  Ir^s  beaux  dessins.  Je 
rcUis  le  lendemain  mes  notes  de  la  nuit,  leur  redaction 
lemoignait  de  la  parfaile  lucidite  qui  y  avait  preside. 

Lorsqu'on  parcourt  une  route  sur  laquelle  on  sail 
qu'il  n'exislc  pas   de  forels,    on  pent  done  par  I'elTel 


(  IS'i  ) 
dn  ragle  s'en  voir  entoiir^  sans  que  la  raison  s'y  trompe 
un  seiil  instant ;  inais  si  Ton  parcoiirl  une  route  in- 
connue,  on  jieut  fort  bieii  ajoiiler  foi  a  des  impressions 
centre  la  fausset^  desquelles  on  n'est  point  pr6mtini  a 
I'avance,  croire,  par  exeinple,  qu'il  exisle  un  fosse  la 
oil  Ton  (Ml  voit  un. 

On  pent  enlin  connaltre  bien  la  route,  I'avoir  suivio 
mille  fois,  el,  celle  route  6tant  bien  fray^e ,  ne  pas  la 
voir  ou  elle  est  et  la  voir  dislincteuient  oii  elle  n'est 
pas,  ct  tout  en  ne  dormant  pas,  tout  en  cliantant,  en 
causant,  sVgarer  completoment  dims  le  deserl. 

Celte  observation  servira  ;'i  r^soudre  une  question 
de  m^decine  legale  qui  peut  a  cbaque  instant  elre 
port^e  devant  un  conseil  de  guerre. 

Voici  cetle  question  :  un  guide  qui  ne  pent  pr^lexter 
son  ignorance  et  qui  ne  dorinait  point,  a  6gare  de  nuit 
la  colonne  qu'il  devait  conduiro;  peut-on  sur  ce  seul 
faille  declarercoupable  do  traliison  ?  Non  evideminent, 
car  il  |)Ouvait  etre  sous  rinfluence  du  ragle. 

La  cliose  n'a  rien  d 'improbable  si  ce  guide  est  un 
paysan  fatigu6  des  travaux  de  la  journ^e.  requis  le 
soir  sans  avoir  eu  le  temps  de  soupor,  peu  habitue  au 
cheval  et  tres  effray^  des  menaces  qu'on  lui  a  faites. 

L'erreur  des  militaiies  consiste  a  croire  qu'il  suftit 
que  le  guide  ne  dorme  pas  ;  il  faudrait  s'assurer  aussi 
qu'il  n'est  pas  sourois  au  ragle  ,  le  quoslionner  a  ce 
sujet  s'il  inspire  de  la  confiance,  el,  si!  ragle  forte- 
raent,  agir  en  consequence. 

On  saura  qu'un  liomnie  ragle  si  on  le  voit  elendre 
les  bras  en  avani  comme  pour  ccarter  un  obstacle, 
icarquiller  les  yeux.  chancelor  sur  sa  selle,  agir  sur 
la  bride  sans  motif  apparent,  ou,  s'il  estapied,  marcher 


(  135  ) 

comme  un  homme  ivre  et  se  d^lourner  pour  eviter 
des  objets  imaginaires. 

C'est  sur  les  ^loilesque  les  Arabes  se  guidenlpresque 
toujours,  quand  ils  voyagent  de  nuit  dans  le  desert; 
les  etoiles  ne  Iroinpent  jamais  ceiix  qui  subissent  le 
ragle,  d'ailleurs  toute  la  caravane  a  reconnu  de  suite 
I'eloile  choisie  par  le  guide,  et  s'il  venait  a  s'endormir, 
elle  ne  sortirail  pas  pour  cela  du  bon  cbeinin. 

Les  Arabes  qui  prennent  babituellement  peu  de 
sommeil  et  sont  brisks  a  loutes  les  fatigues  du  desert, 
souflrent  moins  que  nous  du  ragle;  mais  ils  en  souflVent 
aussi.  Leur  nianiere  de  vivre  si  miserable  est  ce  qui 
les  y  expose  surlout;  le  Bedouin  ne  mange  pas  tous 
les  jours. 

Le  ragle  se  produit  surtout  enlre  minuit  et  six  ou 
sept  heures  du  matin,  il  disparait  babituellement  pen- 
dant le  jour;  le  ragle  de  jour  est  affreux,  parce  (|u'il 
ne  se  montre  jamais  que  si  la  fatigue  est  excessive. 

Le  ragle  se  manifesle  ordinairement  par  acc^s,  dont 
la  moindre  duree  est  de  quelques  minutes. 

Le  ragle  conlinu  conslituerait  Ihallucinalion  des 
delirants,  (;omme  le  reve  continu  constitue  I'illusion 
des  maniaques. 

L'acces  commence  subitemenl,  sans  qu'on  puisse 
sen  dt'fendre;  il  cesse  tout  d'un  coup,  presque  tou- 
jours sans  cause  appreciable.  Au  debut  quelques  dis- 
tractions, des  lotions  d'eau  fralcbe,  etc. ,  peuvent  meltre 
lin  a  un  acces  de  ragle.  On  oblient  quelqueiois  ce  re- 
sultal  en  lixant  son  regard  sur  les  titoiles;  le  caf6  peut 
6tre  employe  avec  avantage,  mais  la  fatigue  generale 
el  I'irritalion  nerveuse  en  sont  accrues,  et  le  seul 
veritable  reuiede  que  je  connaisse  au  ragle,    c'est  le 


(  136  ) 
sommeil;  un  sommeil   do   (iiiehjnf^s  minutes  procure 
un  soiilagcraenl  cons'ulerable. 

Mais  il  arrive  souvenl  que  I'irrilalion  nervcuse  rende 
Ic  sommeil  impossible ;  cola  m'est  arrive  une  fois  en 
Iigyple :  il  faut  alors  avoir  recours  aux  bains. 

11  me  serail  difricili;  de  dire  si  le  rasjle  repose;  il  est 
positil  que  certains  animaux  ne  connaissont  que  le 
demi-sommeil  et  quedes  fous  peuvent  passer  plusieurs 
mois  sans  dormir. 

Le  raglc  precede  le  sommeil  do  Ibomme  et  en 
marque  la  fm  :  c'est  pendant  col  otat  do  somnolence 
que  des  es|irils  crc^dules  ou  limores  aj)ercoivent  dcs 
fantomes,  cnlendent  des  voix  myslerieuses.  La  faiblesse 
d'espril  ordinaire  a  ceux  qui  ejwouvent  ces  hallucina- 
tions, fail  quelquefois  passer  a  I'^lal  de  maladie  men- 
tale,  des  aberrations  passageres  chez  d'autres.  Dans 
un  livre  relatif  a  I'emploi  du  liascliich  ^Cannabis  indica), 
le  docteur  Moreau,  de  Tours,  a  explique  ces  pheno- 
m6nes  mieux  que  je  ne  saurais  le  faire. 

Le  raglc  se  prescnte  souvent  aussi  dans  le  cours  du 
sommeil;  un  bruit  soudain,  un  choc,  la  pifplre  dun 
insecle  peuvent  on  provoqucr  I'apparition.  C'est  alors 
que  la  raison,  roagissanl  conlre  les  impressions  du 
reve ,  nous  rapjielle  que  nous  dormons  el  que  cc  qui 
nouspr^occupe  ou  nous  apparait,  n'a  point  d'existence 
reelle;  nous  gardons  au  reveil  le  souvenir  des  rdves 
que  le  raglc  est  ainsi  venu  interrompre,  nous  perdons 
tout  souvenir  des  aulres;  c'est  ainsi  quo  le  somnam- 
bule  ignore  les  acles  qu'il  a  accomplis  dans  le  sommeil. 
Le  ragle  et  le  sommeil  sont,  du  reste,  assez  souvent 
difliciles  a  dislinguer  Tun  de  I'autre  ;  il  arrive  un  mo- 
ment oil  ils  sc  confondent;  ce  moment  est  celui  ou 


(  137  ) 

s'accomplit  lo  passage  tie  I'lin  a  rautro  tie  ces  elats. 
Le  ragle  priisente  le  plus  gi-aml  lapporl  avec  I'ivresse 
produilo  par  les  boissons  alcooliqucs,  avcc  celles  dues 
a  I'usage  do  I'opiuin,  du  haschicli,  da  cati,  du  safran, 
de  I'amhre  gris,  do  la  belladoue,  de  I'elher,  clc. ,  avcc 
ie  d^lirc  de  la  fievre  et  les  hallucinations  de  quelques 
fous.   C'est  une  es|iecc  bien  caracturisee  d'uii   memo 


genre. 


Le  ragle,  i'ivresse,  i'iiallucination  difTeient  du  reve : 
1"  En  ce  qu'ils  sc  produisent  en  dehors  du  somuicil, 
sans  que  rerethisine  normal  des  organcs  de  la  vie 
aninialc  soil  susjiendu  enlieremenl,  et  sans  que  la  rai- 
son  jierde  lolalcuient  sa  puissance;  2'  en  ce  qu'ils 
precedent  toujours  direclement  de  la  sensation  confuse 
dequelque  objet,  en  un  mot  d'un  rudiment  reel;  tandis 
que  le  reve  prend  sa  source  dans  lu  simple  souvenir. 
II  est  vrai  que  ces  souvenirs  so  presenlent  u  I'esprit 
par  suite  d'lui  enchahiemenl  d'idees,  dontla  premiere 
est  nee  de  quelque  sensation  qui  a  precede  le  som- 
meil;  mais  il  n'y  a  aucun  rapport  enlre  cetlc  sensation 
et  le  reve. 

La  vision  du  ragle  diflere  de  celle  du  mirage  en  ce 
que  dans  ce  dernier  ph(!!nomene,  ce  que  Ion  voit  existe 
rdiellement;  ainsi,  si  Ton  croit  voir  de  I'eau,  c'est  qu'il 
s'est  produit  reellement  I'image  d'une  surface  bleue 
miroitante  et  un  peu  agitee  ;  notre  esj)rit  se  Irompe 
seulement  en  supposant  que  Tcxislence  de  I'eau  est 
inseparable  de  la  production  d'une  telle  image. 

Au  Caire,  10  Janvier  1855. 

C"  u'EsCAYRiC   DE   LaUTCRE. 


IX.    UAUS    liT    AVniL,    2.  10 


(  138  ) 

Note. 

Le  plienomene  si  bien  decrit  par  M.  d'Escayrac  dif- 
lere  des  auties  especes  d'illusions  ou  d'liallucinalions. 
par  la  i-ause  coniiDc  par  les  eircls  ;  on  aiirail  egalc- 
nienl  lorl,  ol  d'en  foiitcstcr  la  n-alite  cl  do  le  conroDdre 
avcc  d'aulres  allectioiis  mcniales,  analogues  a  certains 
egards,  niais  distincles  au  fond.  Cflle-ci  csl  le  pi  t)diiil 
d'une  grande  I'aligue,  joinle  a  I'liisoiniiie  prolongoe  ; 
I'un  de  ses  caraclf'res  esl  de  cesser  complitenienl 
aussilot  qii'on  a  pris  un  pen  de  repos  ;  a  pen  pres 
comme  cesse  le  inal  de  mer,  aussitol  ([u'on  a  touclie 
la  terre. 

J'ai  moi-m6ine  eprouv6  un  coniirsencement  de  ragl 
dans  les  circoiistances  suivanles.  J'allais  d'Alexandrie 
a  Roselte,  a  pied,  a  la  suite  il'une  nouibreuse  caravane: 
c'est  un  voyage  de  qualorze  a  quinze  lieues;  on  allait 
lenlemeiit;  c'etait  environ  cinquanlo  jours  apr^s  le 
desaslre  d'Abuukir.  Jr  suivais  le  bord  tie  la  mer,  niar- 
cliant  penibleujent  sur  des  monceaux  de  debris  de 
tout  genre,  jeles  ;i  la  cole,  carcasses  de  navires,  gou- 
vernails,  cables,  vuilures,  aUuls,  [joi lions  de  ponls,  de 
matures  el  devergues,  etc.,  don  I  la  rive  6tail  joncbee(l). 
Bienlot  il  lallul  nuircber  sur  lies  sables  Ires  fins,  oil 
lespiedsenfon^aient  profond^nienl.  La  fatigue  auguien- 
taii  par  la  necessile  de  soulever,  a  chaque  pas,  un  sable 
pesanl.  Des  la  premiere  nuil ,  cetle  laligue  devint 
extreme;  je  n'avais  plus  la  perception  exacte  des  objels 
ni  de  la  forme  des   lieux  ;  la  surface  du   lac  iMadyeh 

(i)  Qa  et  la  des  Bedouins  Liulaieiit  les  Lois  pour  en  tirer  le  fer; 
le  vaisseau  le  Tinioleon  yisait  la  loul  eiitier. 


(  139  ) 
me  parut  6tre,  moins  une  nappe  dean  qu'une  plaine 
tres  unie.  Je  comhallais  le  so:!;imeil  a  grand  peine, 
marcliaiit  toujonrs,  sans  prendre  de  repos.  Dans  cet 
6lat  de  demi-veille,  des  images  bizarres  s'offraient  a 
nion  esprit,  et  rillusion  6tait  telle  que  j'entrai  dans 
le  lac  Ires  avant  sans  m'en  apercevoir,  I'eaii ,  d'ail- 
leurs,  elait  tr^s  chaude;  a  la  fin,  la  fralcheur  causee 
par  r^vaporation  de  I'eau  m'avertit  de  mon  erreur  et 
cette  singuliere  sensation  cessa  tout  a  fail. 

Une  autre  tois,  la  meme  cause  d'extraordinaire  fa- 
tigue etd'insoninie  fit  que  je  m'^garai  et  perdis  la  trace 
de  la  caravane. 

M.  d'Escayrac  fait  deriver  le  mot  ragl  du  mot  arabe 
ragalo ;  on  le  connalt  seulement  a  la  quatri^me  forme; 

nrgala   signifie    effectivement   veAox  fail transiuit 

desertuin.  II  est  a  remarquer  que  le  mot  rnghnla,  ecrit 
par  un  gbain,  a  la  premiere  forme  signifie  :  erravit^... 
nee  posuit  fecitve  suo  loco,...  aberravit  a  pascuis  came- 
liis,  etc.  J-D. 


QUELQQKS  DETAILS   SUR  LES   PRETIDiNDUS 

HOMMES  A  QUEUE. 


Depuis  quelque  temps,  une  question  qui  a  d^ja 
occup6  I'attenlion  publique  a  diverses  6poques,  a  ^te 
remise  en  discution  :  il  s'agit  de  savoir  si  reellement 
il  y  a  on  Afrique  des  populations  uiunies  d'un  appen- 
dice  caudal  et  con.stiluant  un  type  <ie  race. 

Ayant  visits  raoi-meme  les  peoples  qui  paraissent 
d6signes  par   ])lusieurs  des  narraleurs  africains  donl 


(  IZiO  ) 

los  locils  sonl  en  question,  jo  ciois  r|iril  est  convenablo 
de  Tairo  connailre  ce  que  j'ai  \u.  On  y  liouvera,  je 
penso,  I'origine  de  ces  recils  el  rexplicalion  dos  diffe- 
rences qu'ils  piesenlont  cntre  eux. 

M.  Duouuret  a  donne  dans  Ld  I'mnce  itiedicalc  du 
1"  septeinbie  dernier,  le  dessin  d'nn  honinie  ayant 
iin  appendicc  caudal  qu'il  dit  avoir  vli  a  la  Mcccjue  ; 
lo  Tail  n'est  pas  impossible,  on  a  vu  plusieuis  sujets,  des 
Porisiens  nieme,  niuuis  d'lni  a|)pcndice  de  ce  genre  ct 
d'aulres  anomalies  ))lus  surjuonanlos.  Mais  pour  ce  qui 
serail  dune  population  lout  enliere  de  cette  nature, 
j'ai  lieu  de  croire  que  rerreur  est  neo  d'uno  circon- 
slance  bien  simple  en  realite. 

Voyons  d'abord  en  (juelques  mols  quels  sont  les 
recils  qui  pouiraicut  laire  croire  a  rexisleuce  d'une 
race  d'hommes  ainsi  conslilues. 

Sur  unc  vinglainc  de  n^gres  du  Haoussa  el  des  envi- 
rons qui  onl  donne.les  renseigneujenls  recueiJlis  par 
M.  de  Gaslelnau,  trois  sculcment  prelondent  avoir  vu 
(les  liommes  a  queue,  un  autre  des  enfants;  encore, 
suivant  les  uns,  cetlc  queue  aurait  30  a  ZiO  ccnlinietres 
de  longULur,  suivant  d'aulres  jusqa'a  70,  el,  suivant 
M.  Ducourel,  8  a  10  centimetres.  Trois  de  ces  negres 
onl  vu  les  iSiam-Niams  sans  queue;  on  leur  a  dit  que 
d'aulres  en  avaienl,  mais's'ils  n'onl  pas  vu  de  queue 
nalurelle,  ils  se  soul  assu/es  quails  n'onl  dautres  velc- 
ments  qu'iine  pcau  cutlour  des  idius  (pages  /jl,  Zlx  et  29 
de  la  brochure  de  M.  de  Castelnau).  Qualre  aulrcs 
negres  onl  enleridu  parler  seulemciit  des  Niam-Niams 
conmic  elanl  pourvus  d'une  queue. 

Un  article  du  Bulletin  tie  la  Societe  de  geographie, 
du  numero  de   Janvier    1852,   resume  les   renseignc- 


(  Ui  ) 

ments  coiinns  siir  cc  siijet :  «  M.  Ducouret  annoncait 
couime  cortaine  I'exislence  des  liomines  a  queue  en 
Afrique,  sans  loutefois  juslirior  son  assertion.  Depuis, 
M.  Rocliot  d'Hericourt  ,  voyageur  en  Al)j'ssinie,  decla- 
rait,  non  pas  qu'il  avail -2'w  des  individus  en  possession 
d'un  piolongement  caudal,  mais  qu'il  en  avail  entendu 
parler.  Bien  avant  eux ,  plusieins  anciens  voyageurs 
avaicnt  ecritdans  le  meuie  sens;  et,  en  1677,  iin  Ilol- 
landais  nomme  Jean  Slruys,  homme,  il  est  vrai,  fort 
cr^dule,  el  considere  comnie  peu  V(5riHique,  assurait 
avoir  ?^«  un  individu  ayant  iine  queue  longuc  de  plus 
d'un  pied,  etc.  » 

Dans  certainesl^gendes  chinoises  et  japonaises,il  est 
fait  mention  d'liomines  a  queue  ;  suivant  les  unes,  elle 
serait  longue  et  veluc ,  suivant  d'aulres,  elle  serait 
coinme  celle  d'une  lortue,  c'est-a-dire  courte  et  non 
velue.  Horneman  cite  aussi  lesNiam-Niams,  qu'il  place 
enlre  I'Miyssinie  et  le  golfe  de  Benin,  et  qu'on  liii  a 
designes  conirae  elant  munis  d'une  queue.  M.  d'Ab- 
badie  parle  d'un  prelre  d'Abyssinie  qui  lui  certifia 
I'existence  d'liommcs  ayanl  une  queue  longue  d'une 
palme,  elcouverle  de  poil,  qu'il  coinparait  a  celle  d'une 
chevre.  Les  hommes  qui  seraient  pourvus  de  celle 
queue  viendraient,  selon  lui,  chaque  annee  a  la  foire  de 
Berberab.  Leur  pays  serait  a  quinze  journees  au  sud 
du  Harar.  Leurs  fcmmes,  ajoutail-il,  sent  belles  et  sans 
queue.  M.  d'Abbadie  rapporte  qu'etant  en  Tigre,  a 
Gondar  et  en  Gojiam ,  on  placait  ce  pays  du  cole  du 
sud,  et  qu'elant  en  Kambale  et  en  KafFa,  on  Ic  meltail 
au  nord.  D'apr^s  ces  renseignements,  ce  pays  serait 
situe  a  I'oueslde  la  ligne  qu'il  a  parcourue,  c'est-a-dire 
dans  les  montagnes  qui  s^parent  les  bassins  des  deux 


(  142  ) 
Nils.  Aucun  adlrc  lieu  ne  saurait  inieux  r^pondro  a 
tons  res  retiscipneinenls,  puisque  la  re.^ion  do  Test  est 
.celle  que  MM.  l\oclietd'Il«iricourt,  Arnaull  el  Vayssi^res 
ont  visilee,  et  ou  ils  ont  re(;u  des  renseignemoiUs  ana- 
logues. D'ailleurs  ce  pays  r^pond  aussi  aux  indications 
de  M.  Horneman,  qui  le  place  entre  I'Abyssinie  et  le 
golfede Benin.  Quant  au  pays  indique  par  les  negresde 
M.  de  Caslelnau,  il  paraitrail  plus  rapproch^  du  golfe 
de  B^nin.  Cnmnie  j'ai  penolr^  moi-menie  dans  ce.s 
myslf^ripuses  regions  avec  une  expedition  deMehemet- 
Ali  allanl  a  la  recherche  de  I'or,  on  sera  bieii  aise  de 
savoir  ce  qu'on  y  voit.  de  connatlre  enfin  lesquels  de 
tous  les  narrateurs  indii^nos  ont  raison  •  si  les  queues 
sent  longues,  courtes,  inoyenncs.  lisses  ou  velues;  si 
enfin  les  femmes  en  sent  niunies  ou  non,  etc. 

fitant  dans  le  Fa-Zoglo,  au  dela  du  Sennar,  j'ai 
aussi  et6  ^tonne  par  les  recits  des  indigenes.  Les  gens 
auxquels  nous  demandions  des  renseignements  sur 
les  peuples  chez  lesqueis  nous  devions  p^n^trer  les  d6- 
signaienl  tantot  par  I'^pilh^le  d'/iommes a  queue,  lantot 
par  celle  d'hommes  a  pean.  Je  me  promettais  deja 
mohls  et  merveilles  sur  ce  que  j'allais  voir.  I.es  idiomes 
'des  negres  sonl  si  pauvres  qu'il  est  fort  difficile  de 
s'enlendre  clairement,  et  quand  ils  parlent  une  langue 
etrang^re,  ils  n'cn  connaissont  guere  que  les  mots  qui 
ont  un  equivalent  dans  leur  propre  idiome.  Cepen- 
danl  je  ne  tardai  pas  a  reconnaltre  qu'il  ne  s'agissait 
qued'une  chose  fort  simple.  Voici  ce  qui  s'oflrit  a  nos 
yeuxdans  le  pays  des  Goumouss,  des  Gouroum  et  des 
Hiimotcli6.  I.es  hommes  vont  completemcnt  nus  sauf 
une  peau  de  forme  triangiilaire  qu'ils  portent  par 
derriere   appliqu^e   a    la   cluile   des   reins   et   doiil   la 


( n-i ) 

poiiile  inferieure  imilc  uiie  (jueiie  peiulante.  (On  pout 
voir  des  scenes  de  ces  |ieuples  sur  les  planclios  13, 
15,  22,  etc.,  dii  P  oyage  an  Soudan  oriental,  en  cours 
do  publicalion  dejniis  1852,  do  ineineque  siir  d'aiilres 
planches  du  Pnmllele  des  edifices  ancieiis  et  modernes 
que  je  [)Liblie  on  memo  lenips.)  Ainsi  on  voit  que  cette 
queue  peut  elro  courle  ou  longue,  lisse  ou  velue,  sui- 
vant  qu'elle  est  plus  ou  moins  bien  tann^e;  que  les 
leinmes  n'en  portent  pas  dans  celle  contree,  mais 
qu'ellcs  peuvent  Tort  hien  en  porter  dans  un  autre 
pays,  altendu  que  cette  peau  semble  principalemenl 
destinee  a  s'asseoir  plus  mollemenl.  Sous  ce  rapport, 
les  femmes  pourraient  I'admettre  avec  autant  de  raison 
que  les  ho:nmes,  si  I'etal  de  degradation  dans  lequcl 
elles  vivenl  ne  leur  imposait  des  mceurs  plus  rudes. 
Quant  a  la  poinle  en  forme  de  queue,  elle  a  pour  but 
d'oflVir  une  prise  facile  quand  ils  ram^nent  la  peau 
sous  eux  en  s'asseyant.  Celte  queue,  qui  paralt  si  sin- 
guliere  aux  autres  peuples  de  I'AI'rique,  et  qui  motive 
leiu's  exlravagantes  versions,  est  cependanl  plus  ration- 
nelle  que  nos  anciennes  qitenes  de  niorne  et  beaucoup 
d'autres  parties  de  nos  costumes  europeens.On  observe 
des  peaux  de  negre  dont  rextremil(^  se  bilurque,  mais 
elles  soul  moins  nombreuses  que  les  autres,  parce 
qu'elles  sont  d'un  usage  moins  commode. 

On  voit  que  non-seulemenl  ces  pays  correspondent 
bien  a  ceux  qui  sont  indiqiies  par  MM.  Horneman  , 
d'Abbadie,  Rocliet  d'Hericourt,  etc.,  mais  quecet  usage 
doit  avoir  donn6  lieu  au  quiproquo  plus  ou  moins 
volonlaire  de  quelques  narrateurs  africains;  car  ils 
aiment  a  jeter  du  merveilleux  dans  les  r^cils  et  dans 
les  contes  qui  font  leur  principale    recreation.  Tous 


(  Ihh  ) 

ces  resells  se  contredisenl  enlre  eux  sur  bien  des  points, 
landis  qu'ils  vionnent  plausiblenient  s'cxpliquer  el  se 
concilicr  par  Tibial  des  choses  que  je  \icns  de  ddciire. 

Qiiclqucs  n6gi-es,  en  voyanl  les  doutcs  nianifobli^^s 
par  leuis  interlocuteiirs,  sont  cnlres  dans  ilcs  ilciails 
circonslancies  pour  donnor  plus  de  precision  ;i  lours 
r^cils.  A  mon  sens,  ce  sonl  juslenicnt  ccs  details 
qui  traliissent  le  narraleur.  En  ellet,  ccs  irous  porces 
dans  des  bancs  pour  y  faire  passer  la  queue  en  s'as- 
scyant,  ou  bien  creuses  dans  le  sable  cliaquc  fois  qu'ils 
veulent  s'asseoir,  supposeraicnl  unc  bien  grande  rigi- 
dity a  eel  organe ;  ces  bommes  ne  pourraient  done 
s'asseoir  ni  sur  un  rocbcr  ni  sur  un  terrain  ferine,  et, 
quand  ils  seraient  ainsi  planlt^s  sur  Icurs  bancs,  ils  se 
verraient  grandenient  exposes  a  se  causer  de  vivcs  dou- 
Jeurs  par  le  nioindre  niouvement  irreflecbi.  On  sent 
que  tout  cela  est  peu  admissible,  car  la  nature,  en 
creant  des  organes,  les  conrornie  aux  besoins  des  indi- 
vidus,  ou,  si  Ton  ainic  uiieux,  la  race  ou  la  varieie 
pi-end  des  usages  en  barnionie  avec  sa  constitution 
pliysique. 

D'ailleurs,  parmi  les  negres  interroges  par  M.  de 
Castelnau,  et  qui  ont  vu  les  Niain-Niams,  il  en  est  qui 
n'onl  point  observe  de  queues  nalurelles,  mais  qui  les 
ont  lrouv6s  comme  ceux  que  j'ai  rencontres,  nus  et 
ne  pnrtant  fjii'iiiie  peait  autotir  des  reins  (pages  29,  /lO 
et  41  de  la  brochure  citee) ;  j'ai  rcniarqu6  aussi  que 
leurs  femmes  porlaient  un  morceau  de  bois  dans  la 
levre.  A  I'egard  de  cc  morceau  de  bois,  j'ajouterai 
quelques  details.  D'apres  ce  que  j'ai  vu,  le  Irou  de  la 
16vre  est  destine  a  recevoir  un  clou  rond,  de  compo- 
sition melallique,  qu'on  inlroduit  par  I'inlerieur  de  la 


(  1/15  ) 

liouclie  dans  la  levre  inferieure  et  qui  pcnd  un  peu 
plus  bas  (]ue  Ic  inenlon;  eel  ornement  n'est  pas  dis- 
gracieux ,  il  favorise  la  vue  des  dents  blanches;  mais 
vu  son  incommodite  pendant  qu'ellcs doiment,  qu'elles 
mangent  on  qu'elles  Iravaillcnt,  elles  le  relirent  pour 
le  remplacer  par  un  morceau  de  bois  qui  rcmplit 
I'oflice  de  bouciion  et  qui  n'a  que  I'epaisseur  de  la  levre. 
Co  morceau  de  bois,  n'etant  soutenu  que  par  la  pres- 
sion  de  la  levre,  finil,  avcc  I'age  de  la  personne,  par 
agrandir  beaucoup  le  irou  el  remlre  I'usage  du  clou 
impossible.  Alors  cc  Irou  ndcessite  un  bouchon  plus 
grand,  qui  rend  la  16vre  li'es  saillante  et  son  mouve- 
ment  disgracieux.  Je  possede,  a  Charcey,  dans  le  de- 
parteinenl  de  Saonc-el-Loire,  une  collection  d'objels 
elhnographiqiies  que  j'ai  rapportes  de  ces  pays,  et  Ton 
y  voil  itne  queue  (li's  Niai)i-i\iai/is,  c'est-a-dire  une  des 
pcaux  de  moulons  a  polls  courts  et  non  laineux  que 
Ton  Irouve  chez  eux.  On  y  reconnail  encore  I'empreinle 
de  la  forme  du  bas  des  reins  qu'elle  a  re^uepar  son  long 
usage.  Cetle  queue  elanl  celle  d'un  elegant  du  pays,  est 
surmonlee  dequelques  franges  ou  lanieres  decoupees. 
Un  petit  banc,  qui  fait  partie  de  la  meme  colleclion,  rne 
rappelle  aussi  le  banc  perc6  d'un  irou  pour  la  queue, 
suivant  le  recil  d'un  des  negres,  car  toule  narration, 
memo  la  plus  cxcenlrique,  sernble  avoir  pour  point 
de  depart  un  fond  de  verite.  Ce  banc  esl  pellt,  sa  sur- 
face elliptique  n'a  guere  que  30  centimetres  dans  sa 
plus  grande  dimension,  sa  hauteur  est  encore  moindre; 
les  pieds,  plus  ou  moins  nombreux,  et  disposes  avec 
une  certaine  recherche ,  sont  tallies  dans  le  meme 
morceau  de  bois  et  souvent  reunis  onlre  eux  par 
d'autres  decoupures  en  forme  d'orneracnl.  Les  negres 


(  1A6  ) 
de  cerlaiiips  tribiis,  qui  possedint  ordinairement  cha- 
cui)  till  hiiiK"  (Ir  cello  iialino.  iulroduisent  dans  ses 
decoiipiiros.  lum  la  ijiioiit',  mais  le  bras  jusqu'au  coude, 
pour  le  porler  sans  einbarras  qiiand  ils  vonl  faire  la 
causetle  sous  lo  grand  arbre  on  dans  le  voisinage.  Ce 
banc  neccssitft  un  travail  difticilc,  surloul  chcz  ces 
pen  pies  qui  n'onl  pas  les  oulils  necessaires,  el  il  lorrne 
uii  objet  de  luxe  dont  ils  sonl  fiers. 

Peu  apres  la  piihlicalion  de  ce  qui  precede  (dans 
r lllNslidtion  i\\.\  7  oclobre  dernifi),  MM.  Uucouret  el 
Roulieaud,  directcur  de  la  France  inedicaie,  firentquel- 
(jU(;s  objections  ilans  nn  pcht  ouvragc  precede  d'une 
jjrelace,  par  M.  Alexandre  Dun)as,  el  intitule  :  Foyage 
cut  jictfi  (les  ]\iani-I\iatni  on  Iioiiidh's  a  queue,  j)ar  liadji- 
Abd-el-Haniid-Bey.  (Cest  le  noin  que  prend  M.  I)n- 
couiel. ) 

iM.  Iloubeaud  Irouve  que  la  |)fau  en  question  «  sinuile 
assez  exactemenl  une  queue  pendante  enlre  les  jani- 
bes;  ))  niais  qne  ce  veleniiiil  «  pent  nieme  confuMner 
les  r^cils  de  M.  Ducouret,  si  le  Niani-Niam,  niele  a 
des'bouinies  sans  queue,  eprouve  (juelqne  honlo  de 
son  etrange  conformation.  »  Je  i'erais  reniarquer  que 
si  le  negre  voulait  dissiinulei-  nn  k-l  organe,  ce  serait 
nn  nioyen  pen  judiciiMix,  (pn>  de  le  reproduire  [)ar  le 
\elenu'nt  menu'  deslim'  a  h-  cacln  r.  D'ailleurs,  j'ai 
sonvenl  vu  les  nigres  complelenienl  nns  pendant  les 
lavages  des  sables  aurileres  a  la  sebile  el  pendant  cer- 
tains autres  Iravaux;  j'ai  meme  en  occasion  de  les 
reproduire  coniplelemenl  luis  dans  (jnel'jnes  planches 
du  Foyage  an  Soudan  cile  pins  liaiil.  I'lnlin,  les  lennnes 
ne  portent  ancun  vfilement  (jui  puisse  laisser  le 
moindredoute  a  eel  egard  Celte  circonslance  cxplique 


(  1A7  ) 

la  vari^t^  des  temmes  sans  queue  de  M.  d'Ahhadie. 

M.  Ducouret  pense  que  le  veleinent  dont  il  s'agil 
a  |)  pa  I'll  en  t,  en  effet,  a  diverses  tribus  de  I'interieur  de 
TAfrique,  niais  que  la  confusion  dont  je  parle  ne  serait 
|)Os.sible  que  «  si  les  n^gres  ^talent  inahordables  et  si 
les  Niam-Niams  n'avaient  jamais  et6  vusque  de  loin,  » 

Je  suis  tout  a  fait  de  cet  avis.  Aussi,  pour  moi  qui 
ai  vu  plusieurs  populations  de  ces  negres,  il  n'y  a  pas 
de  confusiiin  possible.  Mais  pour  M.  Ducomet ,  (jui 
publie  un  voyage  soi-disant  au  pnjs  des  hommes  a 
queue :  lequel  voyage  se  resume  en  des  details  sur  un 
bomme  de  celle  race  qu'il  dit  avoir  vu  a  la  Mecque,  et 
des  cboses  que  lui  ont  rncontc  les  Djellabs  au  sujct  des 
Niam-Niams;  dans  de  telles  conditions,  dis-je  ,  I'in- 
ct'ilitude  et  la  confusion  ne  sont  cerlainemenl  pas 
iu)possil)les.  Suivant  ce  voyageur,  des  liommes  a  queue 
sont  souvenl  amenes  sur  les  bords  de  la  mer  Rouge  ou 
ils  seraient  communs,  cependant  aucun  autre  voyageur 
n'a  pii  en  apeicovoir.  Quant  a  I'babitude  de  manger 
de  la  viande  crue  qu'il  cite  comme  un  des  caract^res 
des  Niam-Niams  ou  Gbilan,  on  sait  que  cet  usage  est 
common  eu  Ai)yssinie  m6me  cliez  des  chretiens. 

On  a  souvent  aussi  depeint  les  n6gres  et  particu- 
li(^remenl  les  Niam-Niams,  comnie  antbropophages. 
Je  dois  dire  qu'en  penetrant  dans  les  regions  reculees 
dont  nous  parlous,  je  m'allendais,  sinon  a  voir  manger 
de  la  cbair  bumaine,  au  moins  a  entendre  des  recils 
et  des  details  sur  le  cannibalisme.  Heureusement  mon 
allcnte  a  ete  Irompee;  et,  plus  nous  avancions  dans 
la  Nigrilic,  plus  les  liommes  desigufis  comme  ayant  ce 
godt  revoltant  seuiblaient  s'evanouir  ou  n'etre  qu'une 
fiction.  J'ai   I'espoir  qu'il  en  sera  loujonrs  aiiisi,  jus- 


(  m  ) 

ces 

cr- 


qu'a  cc   que,  la   derniore  conlree  elant  conniie, 

fails  passenl  an  doniaine   de   la  fable.  Dans  les  J^. 

nitres  pages  du  journal  de  J.  Richardson,  qui  vienl  de 

succomber  en  Afrique,  viclime  du  cliniat,  j'ai  remar- 

que  qu'il  a  fail  des  observations  seuiblables  :  il  dit  qu'a 

Gurai  (pres  du  lac  Tcliarl),  il  eut  occasion  d'onlendre 

parler  des  }'(?/«  -  }>7W5  (Niam-Niams);  il  paraltrait  que 

riiisloire  de  ces  mangeurs  d'homnics  remonte  aux  plus 

anciennes  traditions;    elle   s'est    peu  a   pcu  chargec 

d'embellissements,  mais,  suivanl  les  gens  du  pays,  il 

n'exisle  plus  aujourd'hui  ricn  de  pareil ;  ce  serail  unc 

pure  caloninie. 

Tn^Miux. 


IV.  B.  Apres  la  lecture  de  cet  article  a  la  seance 
de  la  Soci^le  de  geographic,  du  16  fevrier  dernier, 
M.  Jomard,  membre  de  I'lnsliUit,  rappela  que  dans 
une  stance  de  la  Commission  minislerielle  chargee 
d'apprecier  les  Iravaux  de  M.  Dgcouret ,  n'ayaiit  [)u 
presenter  aucune  preuve  a  I'appui  de  ses  assertions 
sur  les  Ghilan  ou  Niam-Nams,  inontra  le  dessin  d'un 
homme  de  celle  race  qu'il  disait  avoir  vu  a  la  Mecque; 
malheurcusemenl  ainsi  que  le  lit  remarquer  M.  Geof- 
frey Saint-Hilaire,  membre  de  la  Commission,  la 
queue,  au  lieu  de  former  le  prolongemenl  nalurol  de 
la  colonne  verlebrale,  se  Irouvait  altachee  a  la  troisiemc 
ou  quatrieme  vertebre.  »  Aujourd'hui,  suivant  le  dessin 
qu'il  public  en  tele  de  son  livre,  cette  queue  ne  semble 

pas  trop  mal  allachee. 

T... 


(  ili9  ) 
NOTICE 

SUR    I.E    VOYAGH    DK     M.     CIIAIU.ES     J.     ANDIiRSSOX 
DANS    LK    SUD-OUEST    DE    I,'AFftlQUE. 

PAR    M.    ALFRED     MAURY. 


II  y  a  qualre  aniiees  environ,  M.  Andersson  accom- 
pagna  M.  Gallon  tlans  un  voyage  d'exploration  enlre- 
pris  au  sud-oiiest  de  rAIVlqiic,  dans  la  region  qui 
s'elend  an  nord  de  la  haie  de  Walvisch.  Au  retour  de 
celte  cxj)edilion,  les  deux voyageurs  tenleient  d'allein- 
dre  ie  fameux  lac  Ngaml ,  qu'avaient  recemmcnt  fait 
connaitre  les  d«iCouverlcs  de  quelqucs  Anglais.  Mais 
une  secheiesse  excessive  et  inaccoutumee  les  ayant 
emp^ches  de  realiser  leur  projet,  M.  Andersson  pril 
la  rdsolulion  d'accomplir  seul  ce  voyage,  lant  il  elait 
convaincu  de  sa  possibillle  dans  des  circonstances  plus 
favorables,  et  altachant  une  juste  importance  a  <^tablir 
des  communicalions  enlre  I'inlerieur  de  I'Afriqiic'et 
la  cole  occidenlale.  Sa  tenlalivc  fut  heureusement  cou- 
ronnec  de  succes,  el  voici  I'aper^u  do  son  voyage  tel 
qu'ilresulle  des  communicalions  de  I'auteur. 

Notre  voyageur  se  rendil  d'abord  a  Cape-Town,  afin 
de  s'y  munir  de  tout  cc  qui  elait  necessaire  pour  son 
expedition.  Puis  il  rcgagna  la  bale  de  Walvisch,  c'^tait 
au  commencement  de  1853.  Celte  baie  est  depuis 
longlemps  connue  des  Europeens  et  la  carle  hydro- 
grapbique  en  a  ele,  dil-on,  drcssec  par  Ic  comman- 
dant Owen  de  la  marine  royale  brilannique.  Cetle  bale 
fournit  un  ancrage  sur  et  commode,  protege  des  trois 


(  150  ) 

cotes  par  line  jilage  sahlonneiise ;  olle  n'esl  ouverte 
qu'aux  seiils  vents  <lu  nord  etdu  norcl  ouesl  (|ui,  heii- 
reuseaient,  soufflent  larenienl.  Les  gios  batiments 
s'abrileiit  sous  la  proleclion  (lea)  d'une  petite  pres- 
qu'ile  sabloiineuse  dont  IVxtr^mit<!!  est  designee  |)ar 
les  niariiis  sous  le  noni  de  Pointc-du-l'elican.  De  pe- 
tiles  embarcations  peuvent  niouiller,  nieme  sans  dan- 
ger, a  moins  d'un  denii-mille  de  la  cote.  Celle-ci  iie 
pr^sente  pas,  il  est  vrai,  d'aiguade,  niiiis  on  liouve  de 
I'eau  a  Irois  niilles  dans  rinterieur  dcs  teries,  sur  iin 
beau  fond  de  verdure. 

La  baie  de  Walvisch  et  ses  environs  abomlenl  en 
poissons  de  toute  sorte.  On  a  elabli,  il  y  a  quelque 
temps,  une  pecberie  a  Sandwich- Harbour ,  a  environ 
20  niilles  au  sud  de  cette  baie.  SandwicliHarbour  a 
sur  elle  I'avantage  de  presenter  une  aiguade  sur  la  cole 
nienie.  .Mais  cet  avantage  est  racbele  par  le  grand 
inconvenient  d'etre  completemenl  separ6  de  Tinldrieur 
du  pajs  par  d'imiutnses  collines  de  sable.  A  cerlaines 
epoques  del'annee,  la  baie  de  Walvisch  est  frequent^e 
par  un  grand  nombre  de  baleines  de  la  petite  esp^ce, 
connue  sous  le  nom  de  baleines  a  bosse  [humnback), 
qui  viennenl  la  pour  niettre  bas  ;  el  Ton  a  deja  expe- 
di6  plusieurs  cbargements  de  I'huile  que  ces  baleines 
ontfournie.  Mais  ce  qui  fait  el  cequifera  surtout  I'im- 
j)ortance  de  la  baie  de  Walvisch,  c'est  la  voie  j)ron)pte 
et  facile  qu'elle  ouvre  jKiur  penetrer  dans  I'interieur 
de  I'Afrique,  voie  par  laquelle  iVl.  Aiidersson  et  Al.  Gal- 
ton  sont  deja  parvenus  a  accomplir  d'interessantes 
explorations. 

Dill^rentes  circonstances  retinrent  notre  voyageur 
dans  la  baie  de    Walvisch  jusqu'au   coaimenceiiient 


(  ^5!  ) 
tl'avril.  II  reprit  d'aborcl  la  route  que  M.  Gallon  a  fait 
connaltre,  et  sur  la  description  de  laquelle  nous  ne 
reviendrons  pas  pour  ce  motif.  Ce  lut  seuleinent  a 
Otchond)ind6  (Tounobio)  que  noire  voyagour  coin- 
menca  n  enlrer  dans  une  region  situ6e  plus  a  lest  de 
celle  qu'il  avail  precedemmeiit  parcourue.  Pour  plus 
de  commodile,  il  rt  inphiQa  les  deux  voitures  dans  les- 
quelles  il  avail  d'abord  place  ses  bagages,  ]iar  desbceul's 
de  somnie  el  de  luonture,  necessite  que  iui  imposaient 
les  difliculles  du  voyage,  et  qui  est  devenue  pour  Iui 
la  source  de  bien  des  privations. 

M.  Andersson  s'avangait  tour  a  tour  sur  le  rivage 
ou  dans  le  lit  de  la  riviere  Otchombinde.  Le  premier 
jour  fut  employe  a  suivre  un  sol  sablonneux  et  dit- 
ficile,  le  second,  il  arriva  vers  le  niidi  a  un  petit 
puits  oil,  grace  au  peu  de  temps  (|ui  s'etail  ecoul6 
depuis  la  cessalion  des  pluies,  il  Irouva  abondamment 
de  I'eau  pour  ses  animaux.  II  remartjua  a  celle  station 
les  traces  du  passage  de  voitures,  que  depuis  il  a  su 
^Ire  venues  du  sud,  conduites  par  des  Gritjuas  et  des 
Anglais,  qui  avaient  reussi  peu  auparavanl  a  traverser 
le  desert  de  Kalaliari  en  venant  direclemenl  de  Ruru- 
man,  pendant  ct  tie  meme  saison  des  pluies  bii  noire 
voyageur  se  rendail  au  lac.  Cette  troupe  avail  pour 
objetde  cliasser  I'^lephant  et  de  se  nieltre  en  relation 
avec  les  nalurels.  Les  uns  eurenl  grand'peine  a  trou- 
ver  leur  route  jusipi'au  lac  el  les  aulres  atteignirenl  a 
cbeval  le  pays  des  grands  Numaquas.G'est  un  de  ces  der- 
niers  qui  a  servi  plus  lard  d'inlerpr^le  a  M.  Andersson 
pour  la  langue  bicbuana. 

Notre    voyageur  laissa  rOlchombind^  a   sa  droite, 
inclina  un  peu  vers  le  uord,  et,  en  moins  d'une  demi- 


(  152  ) 

journeo,  aniva  a  un  liou  tlonl  le  sol  calcaire  etait  creus6 
d'un  ceilain  nonibrede  puils;  leur  elal  de  dt\^radalion 
seniblall  aniioncer  qu'ils  tilidonl  abandonnes  depuis 
bicn  dcs  annees.  M.  Andcrsson  cependant  reussil  a  y 
Irouvcrde  I'caii  potable  en  quanlite  sufTisanle.  Encore 
un  long  jcur  dc  maicbe  el  il  arriva  a  Gbanze,  autre 
fonlaine  crcusee  dans  le  calcaire  ou  viennenl  boire  Ics 
rhnioceros,  et  ou  venaient  jadis  aussi  s'abrouver  les 
eleplianls  qui  maintenant  ne  s'y  monlrent  plus.  Ghanze 
est  un  lieu  ou  n'avaient  ptnelrc  encore  que  pen  d'Eu- 
ropecns,  el  ou  les  Bichuanas  el  les  Griquas  venaient 
jadis  (pielquelois,  niais  quo  raffieux  elat  du  j)ays  leur 
a  fail  deserler.  En  1852,  un  voyageur  anglais,  Moyle, 
traversii  le  Kalahari  ot  arriva  a  Glianze  dans  un  but  de 
cliasso  el  de  coujniorce.  De  la,  il  se  fit  conduire  par 
desBuschnaansdansle  pays  des  grands  PSamaquas,  d'ou 
il  opera  son  retour.  II  Iraversa  une  seconde  fois  le 
desert  en  1853,  niais  moins  heureux  que  la  premiere 
fois,  il  perdil  presque  toul  son  betail  el  ses  chevaux,  a 
quatre  journ^es  de  I'Olchonibinde.  Ses  conipagnons 
el  ses  gens  se  disperserent,  plusieiu's  furent  pillos  par 
une  troupj  de  Griquas.  A  son  relour  du  lac  Ngami, 
M.  Andersson  renconlra  quelques  membres  de  cette 
Iriste  expedition  auxquels  il  no  put  malbeureusement 
porter  secours  el,  depuis,  il  n'en  a  plus  entendu  parler. 
Ici  commcncerent  les  premieres  souffiances  de 
noire  voyageur.  II  quilla  Glianz(§  et  resla  deux  jours 
et  deux  nuils  sans  eau,  car  il  ne  faul  pas  compter 
quelques  goi-gees  d'une  eau  fetide  avec  laquelle  il  cher- 
cha  vainementa  etancher  sa  soif.  Les  animaux  elaienl 
epuis<is  quand,  cnfui,  il  tomba  sur  une  fontaine.  Deux 
heures  apres  il  alteignit  Kobis,  ou  il  se  troiiva  bicn 


(  153  ) 

ampleinenl  cledommag6  de  son  manque  d'eau.  La, 
I'eau  6tait  abnndanle  ot  d'une  excellenle  qualite,  ello 
enlrelenait  de  beaux  piiluragos.  C'<^lait  a  Kohis  que 
les  Biclinanas  faisaient  [)aitre  leurs  besliaux  avant  que 
les  Hottcnlols  Rubabis  ne  les  eussent  attaques  et  pil- 
16s.  Les  Daniaras  s'avancent  quelquefois  aussi,  dlt-on, 
jusque-la ;  aujourd'bui  ,  on  n'y  renconlre  que  des 
Buschmans  qui  y  sont  plus  nombreux  qu'en  aucun 
autre  lieu  du  pays,  desNamaquas  et  des  Daniaras,  Sous 
le  rapport  des  caracleres  physiques,  ces  Buschmans 
sont  bien  superieurs  a  ceux  qui  habitent  plus  au  sud. 
Leurs  traits  sontmoins  laids,  leur  laillc  n'est  pas  aussi 
petite,  Icurd^marche  et  leurs  formes  ani.oncent  moins 
rabatarcilssenient. 

Quoique  ces  Buschmans  se  soienl  toujours  fort 
bien  conduits  a  I'^gard  de  M.  Andersson,  celui-ci  eut 
cepenrlant  plusieurs  fois  occasion  de  conslaler  la  vio- 
lence et  la  ferocite  de  leur  caractere.  II  vit,  par  exam- 
ple, leur  chef  tirer  des  fleches  sur  un  autre  chef  bus- 
chman  qui  voulait  defeiidre  un  objet  qui  appartenait 
a  notre  voyageur.  Bien  des  fois,  ces  hommes  mena- 
cerent  de  poignarder  ceux  de  son  escorle  sans  la 
moindre  provocation,  uniqucment  parce  quo  ces  der- 
niers  ne  voulaient  pas  leur  laisser  prendre  les  meil- 
leurs  morceaux  do  quelques  pieces  de  gibicr  qu'ils 
avaient  eu  la  chance  de  tuer.  Et,  cependant,  ces  Bus- 
chmans firent  toujours  preuve  do  la  plus  grande  hon- 
n&tcte,  car,  pendant  son  sejour  prolonge  a  Robis, 
jamais  M.  Andersson  n'eul  a  se  plaindre  do  la  dispa- 
rillon  d'aucun  objet.  11  y  a  plus,  lors  du  depart  de  ce 
voyageur  pour  les  lacs,  les  Buschmans  vinrenl  on  corps 
lui  oflrir  une  belle  sagaie,  comma  un  lemoignage  de 

IX.    MAUS   ET   AVRII,.    3,  11 


(  15/i  ) 

letir  reconnaissance  pom-  les  bons  traitements  qu'ils 
en  avaieiit  recus  durant  son  s(^joiir  en  cet  endroit. 

M.  Andersson  a  rencontre  a  Rol)is  un  noml)ie  pro- 
digieux  de  Uelcs  sauvages,  surtoiit  des  rliinoceros  et 
des  ^l»iphanls,  qui  y  accouraienl  la  nuil,  sans  doute 
a  raison  de  Tabsence  tolale  de  I'eau  dans  les  environs. 
C'est  un  de  ces  animaux  qui  avail  6le  cause  du  sejour 
prolonge  de  notre  voyagour.  Ln  iliiuoceros  noir  qu'il 
avail  alteint  inorlellemenl,  lui  avail  fait  de  lenibles  el 
norabreuses  l)lessures  qui  Ic  relinrenl  longlenips  cou- 
che  sans  pouvoir  faire  le  nioindre  uiouvemeat.  li  se 
d^cida  enfin,  un  peu  avant  de  jiartir,  a  envoyer  en 
ei  laireuis  quelques  gens  de  son  escorte,  porleiirs  de 
quelques  petits  presents,  deslint^s  au  clief  du  lac  Nganii, 
auquel  ils devaient  annoncer  sa  procbaine  arrivee.  Quel- 
ques semaines  apres,  cclte  ainbassade  revint  a  Kobis 
lui  apprendre  qu'il  leur  avait  ete  fait  un  accueil  favo- 
rable;  en  consequence,  d^s  que  noire  voyageur  fut 
en  6lat  de  monler  a  bceuf,  car  telle  est  la  moiilure  du 
pays,  il  poursuivit  son  voyage. 

Le  premier  jour  de  marcbe  s'op^ra  sur  un  sable 
assez  peu  meublo ,  lout  convert  d'ej)ais  taillis  d'une 
^pine  appelee  hakis.  Tout  ce  pays  fourniille  de  rliino- 
ceros et  d'el6plianls,  donl  IVI.  Andersson  retrouvait  i 
lout  instant  les  traces.  Le  jour  suivant  il  ariiva  a  une 
belle  aiguade  oil  il  vil  reunis  un  ccr  tain  nombre  de 
Bichuanas  qui  I'attendait  pour  le  conduire  a  leur  cbef. 
Ils  avaient  I'ordre  de  lui  rendre  lous  les  services  qu'il 
pourrait  exiger.  Y  avait-il  la  un  siniple  motif  de  cour- 
ioisie  ou  quelque  vue  interessee?  C'est  ce  que  noire 
voyageur  n'a  pu  decouvrir.  Cliacun  de  ces  Bicbuanas 
etait  arme  d'un  bouclier  en  peau  <le  boeuf  et  portait  un 


(  155  ) 

t'aisceau  do  sagaics,  C(!s  houmies  otaient  geiieralciiicnl 
lorts  el  bieii  forai^s,  leur  phjsionoiiiie  rappelail  celle 
cles  Cafros.  Celte  rencontre,  malgr^  la  iDaiiifere  j  olie 
sous  laquolle  elle  s'aiuioiignil,  lut  {.epenJanl,  pour 
M.  Andersson,  I'occasion  d'une  aventure  assez  desa- 
greable.  II  s'el.ut  6tabli  avcc  son  escorle  pres  de 
i'aiguade,  la,  precisenient  ou  plusieurs  Buschnians 
elaienl  cainpes,  el  s'apprelail  a  (>iendre  du  rtj/os,  lurs- 
qu'un  jeune  An-lais,  qu'il  avail  a  son  service,  vinl  en 
toute  liate  lui  dire  que  les  Buschmans  lui  apprenaient 
que  Sei)etoane,  inl'orme  de  leur  arnvee,  avail  einojc 
un  message  au  chef  du  lac  pour  I'engager  a  niassacier 
la  pelile  expedilion  donl  ce  voyaguur  elail  Ic  chef.  Le 
garQon  ajoula  quo  les  Buschmans  represenlaienl  ks 
Bichuanas  comme  ceuxqui  6laienl  charges  d'execuler 
ces  oidres.  M.  Andersson  regarda  eel  averlissement 
comme  un  de  ces  tonles  absurJes  et  sans  fondemeril 
qu'inventent  sou  vent  les  nalurels,  et,  sans  en  lenir 
couipte,  il  se  coucha  avec  la  meme  securile  que  s'll 
avail  ete  en  Europe.  Tel  ne  parut  pas  cepelidanl 
d'ahord  elre  le  cas.  Les  Buschmans  n'avaienl  point 
eutendu,  disaient-ils,  se  jouer  du  voyageor,  la  crainle 
les  avail  tenus  »iveilles  loule  la  nuil,  el  deja,  lu  matin, 
plusieurs  avaienl  plie  bagage  avcc  rinlention  de  de- 
camper  a  la  sourdine.  Mais  le  jour  suivanl  monlra  que 
la  premiere  impression  de  M.  Andersson  avail  ete 
juste.  C'elail  une  fable  fabriquee  par  les  Buschmans 
pour  le  relenir  parmi  eux  et  pouvoir  profiler  du  pro- 
duit  de  sa  chasse. 

En  quiltant  celte  aiguade,  iM.  An  lersson  abandonna 
la  route  Iracee  par  les  voitures  des  Griquas,  route  cjui 
paraissait  I'aire    uu  iro,)  long  circuit.    Ses  guides    lui 


( J^>^ ) 

firent  prondro  un  clieinin  de  traverse  par  iinc  conlr^e 
tres  bois(^e.  L'abondance  des  liakis  elait  telle  que  lours 
velemcnls,  leurs  voiturcs  et  mi^me  Ics  sacs  fails  de 
peaux  de  boeufs  ties  epaisses,  pcndues  a  leurs  sulles, 
dtait  reduiles  litleraieinonl  en  lainbcaux.  Depuis  le 
puits  qui  avoisine  la  riviere  il'Otclionibinde  jusqu'aux 
bords  du  lac,  ce  n'est  qu'une  masse  continue  de  buis- 
sons  epineux.  Et  cependnnl  un  pareil  pays  rent'errae 
d'excollonts  palurages,  doiil  lo  noinbre  ttait  encore 
jadis  plus  elendu,  comme  on  en  pept  juger  par  la  fre- 
quence des  puils  abandonnes.  La,  les  Damaras  ct  les 
Bicbuanas  font  paitre  leurs  troupcaux.  Ces  puits  so 
montrent  loujoursdans  le  sol  calcaire  ;  ils  resseiiibleiit 
en  lout  point  a  ceux  du  pays  dos  Damaras,  ct  M.  An- 
dersson  aurait  ete  tente  d'en  rapporter  I'elablisse- 
ment  a  ce  peuple  ,  si  les  Busclimans  ne  lui  avaienl 
point  appris  que  cos  puils  avaienl  6te  creuses  par  les 
Bicbuanas. 

Apres  una  longue  journee  de  marcbe,  noire  voya- 
geur  atleignit  un  endroit  6lev6  d'oii  il  put  jouir  d'une 
vue  magnilique  sur  le  lac  Ngami.  Malbeureuscment 
cette  vue  desencbanla  un  peu  notre  courageux  explo- 
raleur.  La  partie  ouest  du  lac  ilait  fori  loin  de  rt^pondre 
a  son  allente.  Quant  a  la  partie  est,  elle  n'csl  pas  sans 
merile.  Le  lac  Ngami,  dil  M.  Andersson,  est  inconles- 
tablemenl  unc  belle  nappe  d'eau,  mais  on  a  beaucoup 
exag^re  ses  dimensions.  Cola  tient  d'abord  a  ce  que 
personne  n'avait  encore  lcnl6  d'en  fairo  le  lour; 
ensuite  ses  bords  sont,  au  nord  et  a  Teil,  bas  ct  sablon- 
neux,  et,  par  un  temps  ndbuleux,  on  ne  pcul  pas  les 
dislingucr.  II  esl  probable  que  les  premiers  EuropiScns 
qui  onl  visild  le  lac  Ngami,  ont  pris  sa  longueur  pour 


(  i57  ) 
sa  largeur.  En  cfl'el  Cooley  nous  dit  que  le  voyageur 
conlemple   avec   delice  Ja   belle  riviere  el  le  lac  qui 
s'etend  a  pertc  de  vue  an  nord  et  a  I'ouest. 

La  circonference  tolale  du  lac  esl  probal)lement  de 
CO  a  70  niilles  geograpliiques  et  sa  largour  nioyenno 
est  de  7  milles,  n'en  depassanl  jamais  9  dans  sa  plus 
grande  largeur.  M.  Andersson  n'a  pu ,  il  est  vrai , 
faire  le  leve  du  pays,  mais  il  a  oper6  le  lour  prcsque 
coinplet  du  lac  et  a  pu  en  dt^terniiner  ainsi  la  forme 
dans  le  plus  grand  detail. 

Le  nom  de  Ngami  est  celui  sous  lequel  le  lac  est  lo 
plus  connu,  mais  il  en  porte  plusieurs  autres.  A  son 
cxlr^mil6  nord-ouesl,  ce  lac  recoit  le  Tioughe,  riviere 
elroile  mais  profonde  el  d'line  grande  masse  llquide 
a  I'epoque  des  liautes  eaux.  Suivant  le  D""  Livingslonc, 
cette  epoque  tombe  dans  les  niois  de  juin,  juillet  et 
aout,  cependant  elle  recule  (juelquefois.  La  source  du 
Tioughe  est  deineur^e  jusqu'a  present  inconnue;  mais 
il  y  a  lieu  de  croire  qu'elle  est  siluee  a  une  grande  dis- 
tance. Peut-eUe  celte  source  se  trouve-l-clle  sur  le 
grand  plateau  d'ou  sortent  le  Quanza  et  d'autres  cours 
d'eau  considerables.  La  direction  principalodu  Tioughe 
esl  nord-ouest,  mais  son  cours  est  si  sinueux  qu'apres 
Ireize  jours  de  remonte  pendant  lesquels  notre  voya- 
geur marchait  environ  cinq  heures  par  jour,  a  raison 
de  2  milles  -\  I'lieure,  il  ne  s'etait  eieve  cependant  que 
d'un  degre  en  latitude  au  nord  direct  du  lac.  A  la  dis- 
tance la  plus  eloignee  a  laquelle  il  s'eslijvance,  il  a 
toujours  trouve  la  riviere  navigable  pour  de  petites 
embarcalions,  et  il  ne  se  rappelle  que  trois  endroits 
ou  il  ait  rencontre  le  fond  a  une  profondeur  de  moins 
de  5pieds(mesure  anglaise).  En  general,  la  profondeur 


(  J58  ) 

etait  considerable  :  il  faut  romarqucr,  toiitefois,  que 
c'elait  r^poqiie  dcs  plus  liaulos  eaux.  C.ette  riviere 
n'oxct'de  gufere,  dans  sa  plus  grande  largeur,  /lO  yards; 
niais,  d'apr^s  les  informalions  prises  par  M.  Andersson, 
lorsqu'on  s'approche  de  sa  source,  olle  s'elargit 
notahlement  et  les  deux  rives  sent  souvenl  inondees  a 
une  grande  distance.  Le  Tioughe  prend  parfois  tout 
a  fait  I'aspect  d'un  vaste  lac  rcmpli  de  joncs  et  de 
roseaux,  el  seme  d'llots,  couverts  de  beaux  arbres  ou 
arbusles. 

La  conlr^e  an  nord  <'Sl  babilee  jusque  fort  loin  par 
un  peuple  appele  Bajeye  et  par  quelques  Buscbmans, 
disperstr-s  ca  et  la  et  qui  recoimaissent  tous  pour  cbef 
Lelchol6t6b6.  Au  dela  soiit  les  Malsanyanas ;  notre 
voyageur  n'a  pu  d(^couvrir  s'ils  constituent  une  nation 
a  pari  ou  sont  niel^s  avec  les  Bayi^y^s.  Au  nord  du 
pays  des  Matsan\anas,  on  lui  dit  que  se  trouvait  celui 
des  Bavicko  ou  Wavicko,  dont  la  capitale  porte  le  nom 
de  Libebe  qui  sert  aussi  a  designer  le  chef.  Dans  la 
relation  du  docleur  Livingstone,  lout  le  pays  qui  envi- 
ronne  Libebe  est  donne  comnae  une  succession  non 
interrompiie  de  niarais(^o^)  et  de  mar^cages  [swamp); 
le  sol  est  en  quelque  sorte  niin^  par  les  eaux  a  ce 
point  qu'il  n'est  pas  rare  de  voir  des  gens  s'enfoncer  a 
Iravers  sa  croCite  et  p6rir.  Les  informations  prises  par 
M.  Andersson  aupr^s  des  Griquas,  qtd  ^laient  parve- 
nus a  se  rendre  dans  ce  pays,  conlredisent  ces  asser- 
tions :  elles  pr^sentenl  au  contraire  le  pa\s  comme 
plat  el  tout  couvert  de  buissons,  entre  lesquels  s'^le- 
vent  de  distance  en  distance  des  arbres  isol^s.  Suivanl 
ces  memes  Griquas,  le  Tiougbe,  a  Libebe,  a  I'aspecl 
d'un  fleuve  magnifique  d'unc  grande  largcur,   el  est 


(  159  ) 

seme  de  belles  lies  i  u  les  nalurels  etablissent  surtout 
leurs  demeures, 

La  ville  de  l.ibebe  parait  elre  le  centre  du  com- 
merce qui  se  fail  a  rint^rieur.  Les  Mambaris  s'y  ren- 
dent  regulierement  pour  la  Iraite  des  esciaves,  de 
rivoiie,  elc.  Celte  iribu  reside  prohabiemenl  dans  les 
voisiiiages  du  nouvcl  etnblisseinent  porlugais  de  Lillle 
Fish-Bay,  Ce  qui  tend  a  le  faire  admeltre  on,  du  moins, 
a  I'onner  a  pensor  que  le  pays  des  Mambaris  n'est  pas 
eloigne  de  la  mer,  c'esl  que  les  Griquas  Irouv^rent  a 
I>il)eb6  deux  nations  blanches  diff^reiites,  qui  y  vien- 
nent  dans  des  interfels  'C  commerce.  L'uno,  qui  est 
vraisemblahlemenl  la  nation  portugaise,  achate  des 
esciaves;  I'autre,  dans  liiquelle  !\L  Andersson  croit 
rcconnaitre  les  Anglais  ou  les  Am^ricains,  se  borne 
a  prendre,  en  ecliange  de  ses  produits  manufacturieis, 
de  I'ivoire  et  d'aiitres  articles  du  pays.  Les  Maml>aris 
emporteni,  comme  objels  d'echange,  des  colonnades 
bleues  el  ravees,  des  flanelles,  des  verroteries  et  des 
bestiaux.  Les  Bavicko  achelenl  le  betail  non  pour  I'^le- 
ver,  niais  seuiemenl  pour  leur  consommation  alimen- 
taire,  car  s'ils  gardai(  nl  ccs  bcstiaux,  ils  craindraient 
d'etre  depouilles  par  leurs  voisins.  On  doit  encore  citer 
les  0\aj)angaris  el  les  Ovapanyamas  comme  visitant 
Libeb^  dans  un  inleret  de  coninierce.  Ces  deux  Iribus 
habitenl  la  conliee  situee  au  nord  de  I'Ovambo,  entre 
le  d7e  et  le  18^  digre  de  latitude  australe.  En  1851, 
M.  Auder.-son  ,  (jui  laisait  alors  partie  de  I'expe- 
dition  de  M.  Gallon,  avail  Irouve  ces  tribus  dans  des 
relations  de  coiumeice  avec  Libebe.  Les  Bavicko  sont 
de  plus  en  relation  commerciale  avec  les  Sebetoane, 
les  Lelcholelebe  el  d'aulres. 


(  101)  ) 

CcsBavicko  sont  ropresent^s  comme  une  |)opulation 
induslrieuse  cl  honnele,  livroc  i\  I'agiicullurc.  Leur 
mani6re  de  s'lial)iller  ressemble  lolloiuent  a  celle  cles 
Moviza,  nation  qui  habite  an  nortl  du  Zambeze  ct  a 
roiiest  (Ics  (ilablissemenls  portugais  dc  la  cote  de 
Mozaiubitjue,  qu'un  domestique  de  noire  voyageur, 
en  enlendaiit  la  description,  s'imagina  qu'il  elail  ques- 
tion des  Moviza,  qui  lui  ^taient  bien  connus.  Les  Bavicko 
possedent  quelques  notions  de  ni(5lallurgie;  cependant 
ils  nc  paraissent  pas  possedcr  Ic  for  dans  Icur  pays 
et  le  lircnt  en  abondance  de  cbez  leurs  voisins. 

Lne  route  conduit  aujourd'liui  du  lac  Nganii  ;'i 
Libebe  et  aux  conlrecs  environnnnles ;  loulefuis  le 
voyage  par  lerre  n'en  est  pas  nioins  dangereux  el  dil- 
ficile.  Line  fievre  epidemicpio  fail  d'borribles  ravages 
a  Liljt^be  a  cortaines  6poques  de  Tannic.  M.  Andersson 
cile  nolanimonl  une  lioupe  tic  Griquas  qui,  s'elant 
rendue  a  Libebe,  fut  attaqueepar  cotlemaladie  cl  dont 
la  nioilie  seulemenl  ecliappa  a  la  morl.  lleureuse- 
nienl  on  connait  aujourd'hui  assez  bien  la  saison  de 
repiileniio  et  Ton  peut  do  la  sorle  I'eviter.  in  autre 
obstacle  pourle  voyageuresl  la  jiresence  de  la  mouclie 
appcl^e  tsetse  et  dont  Ics  piqures  sont  niorlelles  pour 
Ics  chevaux,  les  cliiens  et  le  belail.  M.  Andersson  cite 
les  cxeniples  suivanls  des  ravages  de  eel  insecle,  dont 
rien  dans  Taspecl  ne  d^cele  a  ravancc  la  vertu  mallai- 
sante  :  les  Griquas,  dont  il  vient  d'etre  question,  voya- 
geaient  avec  trois  voitures  ct  avaienl,  par  consequent, 
un  grand  nombre  de  boeul's  dc  trait  (jui  perirent  jus- 
qu'au  dernier  avant  leur  rclour  au  lac.  11  en  fut  de 
meme  pour  quantite  de  cbevaux  qu'ils  avaient  amc- 
nes   dans  le   but   de   chasscr   les   elephanls.  De  plus 


(  101  ) 

ces  derniers  aiiiniaux  sonl  exposes,  de  d^cembre  en 
avril ,  dans  lout  le  pays  silue  au  noi'd  de  la  riviere 
Orange,  a  uiie  uialadie  qui  en  emporte  un  grand 
norabrc.  M.  Andersson  cile  encore  une  expedition 
anglaise  qui  avait  voulu  se  rendre  a  Lib^b^  et  qui,  sept 
ou  buit  jours  apres  avoir  quilte  le  lac,  fut  obligee  de 
revenir  ayant  perdu  par  la  morsure  de  la  inouche, 
bceufs  et  chevaux.  I!  y  eut  des  gens  de  la  troupe  dont 
la  perlc  ne  s'eleva  pas  a  nioins  de  36  cbevaux.  Cepen- 
dant,  il  doit  exister  des  roules  qui  sont  a  I'abri  de 
ce  terrible  insecle,  puisque  ces  memes  Griquas,  dont 
les  betes  ile  soniuie  avaienl  ete  decini^es,  a  leur  relour, 
n'en  avaient  pas  perdu  au  conlraire  une  seule  en 
allant;  et  effectivemenl ,  on  sait  que  le  tsetse  ne  se 
trouve  pas  dans  les  conlr^es  ouvertes  et  ne  frcquenlent 
que  les  buissons  et  les  roseaux. 

Les  Griquas  mirent  dix-neuf  jours  pour  se  rendre 
du  lac  a  Liixibe.  Leur  marclie  parait  avoir  et(5  paral- 
lele  au  cours  du  Tioughe ,  et  distante  de  cetle  riviere 
d'une  a  deux  joiunees  a  I'ouest.  lis  rencontrerent , 
cbeniin  faisanl,  deux  rivieres:  I'une  est  un  petit  bras 
du  Tioughe  qui  coulo  dans  la  direction  de  I'ouest  et 
va  se  pordre,  dil-on,  a  peu  de  distance  dans  les  sables; 
I'aulre,  au  point  ou  ils  le  rencontrercnt,  ne  presentait 
alors  qii'un  lit  sec  et  sablonneux.  Toutefois,  si  les  rap- 
jiorlstournis  lant  par  lesBuscbmans  que  pardes  negres 
inteltigenls,  soiit  exacts  ,  la  decouverte  de  ces  deux 
fleuvesn'est  pas  sans  importance.  Cettederni^re  riviere, 
en  effet.est  inlermiltenle  a  son  point  de  depart,  d'apr^s 
ce  que  les  Buscbmans  ont  rapporte  aux  Griquas,  et 
le  long  de  son  coui's  elle  est  alimenlee  par  des  sources, 
circonstance,  du  reste,  qui  ne  serai t  pas  sans  exemple 


(  16-2  ) 
on  Afri(|ue  ;  cnfin,  l)icnt6t  elle  prend  le  caractfere  d'un 
coins  d'eaii  permanent  et,  n  ccrtaines  ^poque«,  de\ient 
till  veritable  fleuve.  Elie  arrose  de  ses  ondes  tran- 
qiiillos  les  cantons  de  divorses  peuplades  noiros  el  finil 
par  se  jelor  dans  la  nier.  D'aulres  donniif's  ronfirmonl 
M.  Andcrsson  dans  I'exactiludc  do  ces  informations. 
Inlerroges  s'ils  connaissaient  uii grand  coiirs  d'cau  rians 
It  111  voisinage,  les  Ovambos  r^pcmdiient,  lors  de  la 
visite  (jue  Iciir  firent  les  voyageurs,  que  le  Ciin^nd  se 
troinait  ;'i  (jiialre  ou  cinq  journees  tic  cbez  eiix  et  foi- 
niait  line  branclied'une  riviere  i)ien  phis  considerable, 
qii'ils  avaient  eii  souvent  I'occasion  de  traverser  et  cpii 
venail  du  pays  de  Matia  on  Ovaliona,  par  leqiiel  ils 
d^sigraient  cortainemcnt  le  pays  des  Bicliuanas.  Et 
ce  rapport  fut  conlirme  d'aulie  part  [)ar  le  dire  des 
GIkhi  Damop  ou  Damaras  des  montagnes  el  par  celui 
d'aulres  Busclimans.  Ainsi,  il  y  a  lout  lieu  d'admettre 
i'exislence  d'un  grand  cours  d'eau,  navigable  peut- 
etie  jusque  [res  de  sa  source  el  qui  serail  celui  que 
les  Ovambos  nomment  Mukiuu  Mukovunja ,  vraisem- 
blablenient  celui  que  Cooley  designo  sous  le  nom  de 
JchiUinda  et  qu'il  fait  communiquer  avec  le  Cuneiie. 
II  est  probable  ((ue  le  Tiouglie  el  le  Mukiuu  Miiko- 
vanja  eoulent  jjarallelemenl,  niais  dans  des  directions 
(liiTeienles,  a  deux  ou  trois  journees  de  distance.  Et 
comme  les  Griquas  disent  que  celte  riviere  a  plusieurs 
cenlaines  de  milles  d'elendue,  il  y  a  tool  lieu  il'espe- 
rer  ([u'elle  deviendra  la  voie  la  jjlus  sure  pour  penelrer 
de  ce  cole  tlans  I  inlerieur  de  I'Afrique,  et  pour  elablir 
(les  relations  commerciales  avec  la  population  qui 
riiabite. 

I, a  rive  nord  du   lac  Ngami   esl  basse,  sablonneuse 


(  163  1 
et  depourviie  de  vegetation  ;  on  n'aper^oit  pas  m§me 
(in  arhre  ou  un  buisson  a  un  dcml-inille  et  souvent 
plus  de  distance.  M.  Andersson  suppose  que  la  confi- 
guration du  lac  a  subi,  dans  ces  derniers  siecles,  des 
clumgemenls  consider;ibles.  En  efTet,  d'apres  ce  qu'il 
lui  a  i'ti  rapporte,  les  Bayejes  allaient  harponner 
naguere  rhippopotaine  en  des  lieux  qui  sont  aujour- 
d'bui  couvcrts  de  vegetation.  Au  conlraire,  a  d'autres 
6poques,le  lac  parait  avoir  pr6sent6  moins  d'etendue, 
car  on  retiouve  constanuiient  dans  le  lac  des  tmncs 
d'arbres  submerges.  Notre  voyageur  ne  pense  pas  que 
cet  envahissement  des  eaux  soil  dti  a  I'affaisseuaenl  du 
sol  de  la  rive;  il  suppose  que  la  crue  extraordinaire 
de  quelque  affluent  du  lac  aura  fait  deborder  celui-ci 
dont  les  eaux,  a  raison  du  peu  de  pente  de  son  littoral, 
auront  sejourn^  assez  longtemps  sur  les  terres  pour 
y  detruire  la  vegetation.  La  rive  m^ridionale,  au  con- 
traire,  est  fort  elev^e  et  une  ct'inture  de  joncs  el  de 
roseaux  borde  I'eau,  au  point  de  ne  la  laisser  acces- 
sible qu'en  un  petit  nombre  de  points.  L'exlreinite 
occidenlale  est  aussi  assez  elevee,  quoique  le  lac  n'y 
soil  pas  profond;  et  c'estacette  circonstance  qu'estdue 
la  prt'^sence  d'une  espece  de  poule  d'eau.  Vers  son  extre- 
mity orientale,  au  contraire,  le  lac  prend  beaucoup  de 
fond  el  verse  ses  eaux  d;,ns  la  belle  riviere  de  Dzouga.  A 
une  pelite  distance  du  point  oil  il  soit  du  lac,  le  Dzonga 
a  deja  une  largeurd'environ  200yards  el  semble  ne  pas 
cooler  tant  son  cours  esl  Iranquille  et  imperct'ptible 
a  I'ceil.  M.  Andersson  rapporte  qu'on  lui  a  assur^,  ce 
qui  lui  seniblerait  un  fait  lt)rt  extraordinaire,  (ju'un 
des  fleuves  tributaires  duTioughe,  en  versant  ses  eaux 
dans    ie  Dzouga  ,    le    force    quehpiefois  a  r^lrograder 


(  loll  ) 

dans  le  lac,  en  sorte  quo  ce  lac  soiail  non-sculcuu;iil 
enlretenu  par  le  corns  d'oau  qui  tombe  a  son  extre- 
inile  norci-ouost,  uiais  encore  par  ceiui  de  son  extre- 
juit6  esl.  M.  Andersson  ajoule  que  le  docteur  Living- 
stone, dans  la  carle  qu'ii  a  (lunnec,  dt^signo  ce  trilnitaire 
par  io  nom  de  Dza  et  I'indiquc  couinie  6tanl  en  com- 
munication avec  le  Mababe  ,  une  des  branches  du 
Chobe.  Faudrait-il  voir,  dans  ce  sysltime  de  dislribu- 
lion  des  eaux,  I'explicTition  du  fail  cile  ici  ?  Quoi  qu'il 
en  soil,  le  phenomene  n'esl  nullcmcnl  improbable  et 
pcut  s'expli(|uer  par  Texlreme  horizoiilalile  du  sol. 
Le  lac  Ngami  senible,  en  effel,  d'apres  les  descriptions 
(!onn^es,  n'elre  qu'un  vaste  cbott. 

Le  Dzouga  continue  do  couler  a  I'orienl  [)cndanl 
UDO  longueur  d'environ  un  niois  de  marclie,  c'est-u- 
dire  de  250  a  300  niilles  en  comptanl  ses  sinuosilcs, 
el  i!  finit  par  disparallredans  un  marais  ou  une  plainc 
sablonneuse  prisenlant,  a  Fepoquede  la  saison  seche, 
uno  succession  do  mares  separees  les  unes  des  aulres 
par  des  endroils  sees.  La  vegetation  de  ses  rives  esl, 
dil-on,  d'une  grande  richesse,celles-ci  elant  babiluel- 
lement  couvertes  de  niagnifiquos  arbres  a  epais  Iciiil- 
lago  qui  s'avancent  jusque  sur  le  bord.  Ce  pays  est 
principalemcnl  babilo  par  des  Busclimans  et  des 
Bay6yes  qui  reconnaissent  en  majorile  Lctclioletebe 
pourleur  chef.  Le  memo  chef  exerce  son  autorile  sur 
la  polite  tribu  do  Bichuanas  elablis  aujourd'hui  sur  les 
bords  du  lac.  Celle  tribu  a  cte,  dil-on,  soumiso  |)ar 
Sebdloanc  (1),  inais  ils  echapp^renl  a   son    autorile, 

(i)  C'est  Selje'toanc  qui,  en  1824,  a  la  tete  d'une  horde  de  Man- 
tatis,  mena(^;a  d'envaliir  la  colonic,  inais  fut  repousst-  psr  les  Gricjiias. 


(  165  ) 

sous  la  condiiile  clu  pere  de  leiir  chef  actiiel  qui  iHait 
un  grand  guerrier;  et  alors,  airivos  sur  les  bords  du  lac 
Ngami,  ils  on  ddjpoudlcrent  les  habilanls  et  les  reduisi- 
rent  a  I'elat  d'esclavagc;  de  la  lenom  qu'ils  donnerent 
a  ceux-ci,  Bn  ou  Mn/wba,  c'esl-a-dire  ser^s.  Mais  dans 
leur  propre  langue,  ces  peuplcs  vaincus  se  donnent  le 
nom  de  Bayoyi^  ou  Wayeye,  ce  qui  veut  dire  homines. 
Les  Bicluianas  du  lac  qui  s'aj^pellent  Baloanas, 
vivent  exclusivement  de  chasse  et  lout  le  lemps  qu'ils 
ne  donnent  pas  a  cettc  occupalion,  ils  le  passent  a  dan- 
ser,  manger  et  dormir.  Letclioletebe  est,  commc  la 
plupart  de  ses  conipatriotes,  d'un  caractere  liailre  et 
fallacieux,  cupidc  a  I'exces,  et  se  faisant  reinarquer 
par  sa  grande  adresse  et  sa  circonspection,  que  M.  An- 
dersson  nous  a  signalees  par  quelqucs  traits.  U  se  refusa 
obstinement  a  lui  donner  aucune  infonnalion  sur  le 
pays,  all^guant  son  ignorance  et  celle  de  ses  homnies. 
Malbeur  a  vous  s'il  convoite  quelques  uns  des  objels 
que  vous  [lossddez ;  il  n'a  ni  fin  ni  cesse  que  vous  ne 
le  lui  ayiez  donn6.  Ge  ne  fut  pas  sans  peine  que 
M.  Andersson  parvinl  a  oblenir  des  guides  et  des  ba- 
teaux pour  aller  visiter  Libebe.  II  remonta  plusiours 
jours  le  Tioughe,  mais  arrive  au  village  ou  il  avait 
envoyi  en  avant  son  guide  pour  preparer  les  moyens 
de  poursuivre  sa  route,  la  mauvaise  volonte  des  liabi- 
lants  ell'absence  prt^lexlee  du  chef  empecherent  I'ex^- 

II  opuia  SI  retraile  au  nord,  se  frayant  par  les  aruirs  uiic  route  cliez 
les  I'icliuanas  qui  !ia!)itcnt  le  pays  silue  entie  Kiuuinan  el  la  poiiile 
est  (lu  D/.ouga.  De  la  il  se  porta  ;i  louesl  a  la  rencontre  Jes  Daniaras 
qui  lui  opposerent  une  vivo  resislance,  et  fut  contraint  tie  relourner 
vers  le  lac  Njjami  dont  il  pilla  les  riverains,  (j'est  dans  ee  pays  <nie 
I'oiU  trouve  MM.  Oswell  et  IJvin<i;sIone. 


(  166  ) 

cution  de  son  projet.  Ce  village  comprenait  mii  pen 
plus  d'une  cenlaine  de  cabaiies,  environn^es  (l'6l^- 
gants  paluiiers  et  d'arbros  fniitiers  gigaiilesques.  A 
ses  pieiis  sorpcnte  gracieuseiijenl  leTiouglieseuie  d'iles 
recouvertes  d'une  belle  vegelatinn. 

Le  pouvoir  de  Lelchoieteb^  est  tr^s  grand  et,  oomme 
celui  de  tous  ces  clieis,  fori  absolu;  car  il  a  sur  ses  sujcls 
le  droit  de  vio  et  de  inorl.  Apr^s  s'etre  nionlre  jadis 
fori  hospitalier,  il  est  aujourtrfiui  tres  peu  gen^reux. 
A!.  Andersson  n'a  nullement  en  a  se  loner  de  sa  lil)e- 
ralite:  lui  et  les  siens  6taienl  sans  cesse  en  butle  a  ses 
deuiandes  de  presents. 

Les  liichuanas  des  bords  du  lac  Nganii  sunt  riches 
en  cli^vres  et  en  nioutons,  mais  ne  possfedont  compa- 
rativeiuent  que  peu  de  betail  a  come.  Coinnio  les 
aulres  tribus  de  leur  race,  ils  attachent  un  grand  prix 
a  leurs  bceufs,  mais  surtoul  a  leurs  \aclies,  dont  ils  ne 
veulenl  se  d^faire  a  aucuii  prix.  Ils  donnent  volonliers 
pour  une  vache  une  quanlile  considerable  d'ivoire. 

Les  liayeyes,  que  i\I.  Cooley  regarde  comuie  \enus 
de  la  cole  occidenlale,  seniblent  etablis  dans  U'  pays 
depuis  un  lemps  tres  recul6.  lis  sont  grands  et  d'une 
cuiuplexion  robusle  :  leur  peau  est  couleur  de  suie  et 
leurpbysionoiuie  est  fort  laide.  Les  horumes  out  adople 
la  uiani^re  de  se  vetir  du  peuple  qui  les  a  souiuis.  Ce 
costume  consisle  siuaplenient  en  une  peau  allacliee 
autour  des  reins ,  large  par-devant  el  fornianl  bui 
cliaque  cole  une  sorle  de  gland.  En  outre,  ils  so  cou- 
vrent  d'une  autre  peau  cjuand  le  lonips  lexige.  Le 
costume  des  IVmmes  consisle,  coinnie  chez  les  Ovabe- 
reros  (Daniaras),  en  une  sorle  de  chemise  courle  I'aile 
de  peau.  Les  seuls  amies  donl  fassenl  usage  lesBaye}6s, 


{   167  ) 
sont  Line  espece  de  javeline  a  deux   ou  tiois  barhes  ; 
ils  ont  eniprunle   a   leurs  vainqueurs,  les  Bicluianas, 
I'usage  du  boiiclier  de  peau  de  boeuf  qui  a  6te  cause, 
selon  oux,  do  la  superiority  militaire  de  ceux-ci. 

Le  pays  qu'liabitaienl  les  Bayey^s  avant  leur  sou- 
mission  devail  etre  fori  etendu,  et  il  pr^sente  encore 
aujourd'hui  une  surface  considerable,  qui  offie  une 
plaine  continue  couple  par  des  rivieres  et  de  vastes 
marais.  Les  bords  des  rivieres  sont  en  general  tr^s  bas; 
mais  partout  ou  ils  s'elevent  a  (juelques  pieJs  ;ui- 
dessus  du  niveau  des  eaux,  ils  sont  onibrag^s  par  une 
v^g^tation  forte  et  abondante.  Les  arbres  sont  d'uue 
dimension  gigantesque,  et  converts  ou  enlaces  de  lianes 
et  de  planles  parasites.  Le  sol  est  fertile  et  fournit 
sans  grand  travail  d'abondants  produits.  Un  mois  ou 
deux  avant  la  saison  des  pluies ,  on  fail  choix  du  sol 
que  Ton  veut  culliver,  on  I'essarte  et  on  lui  donne  une 
legere  preparation  a  la  houe,  le  seul  instrument  d'agri- 
culture  Ubite  dans  ce  cas  par  les  Bayeyes.  Apres  les 
premieres  grandes|)luies,  on  seme  If  grain.  Les  Bayeyes 
en  connaissent  deux  esperes :  I'un  que  Ton  noname 
commandment  cafre  el  qui  resseuible  beaucoup  au 
doura  ^gyptien;  Tautre,  Ires  petit,  assez  semblable  a 
du  millel,  lequel  osl  plus  nutritif  et  fournit,  quand  il 
est  bien  6crase,  une  excellente  faiine.  i.e  tabac ,  les 
calebasses,  les  melons  d'eau  ,  les  cilrouilles,  lesf^ves, 
les  petils  pois  et,  en  general,  les  divers  genres  de  friiils, 
viennent  aussi  dans  ce  pays.  II  faut  surtoul  citer  le 
Oiengora,  Motu-a-hatn  des  Bicbuanas.  C'est  une  sorle 
de  feve  dont  la  cosse  se  recueille  sous  terro.  Je  sup- 
pose que  M.  Andersson  veut  designer  ici  la  pistache 
de  lerre,  Jrachls  hypogcea,  dont  une  vari^t^  est,  en  effet. 


(  1(^8  ) 
alVicaiiie.  Ce  produit  e^t,  dit-il,  hicn  connu  sur  la  cote 
do  Mozaml)i((iie  cl  sa  culture  a  t'to  porleo  par  Ics  noiis 
jusqu'a  I'ile  Maurice.  I.e  fi  uil  conslitue  un  article  d'im- 
portalion  assez  considerable  au  cap  do  Bonnc-Espt'- 
raiice.  Los  grands  sycomores  sauvagcs,  Ic  palmier,  les 
baobabs,  les  datliers,  Ic  aioschoma,  etc.,  constituent 
los  essences  d'arbres  principales.  Le  moscliorna  se 
fait  roiiiarquer  par  son  epais  feuillage  d'un  vert  (once. 
On  recueille  quand  il  est  tombe  a  terre,  son  fruit  qui 
poussc  au  sommet  d'un  stipe  exlremcnient  dlevd.  On 
le  pile  dans  un  niortier  et  Ton  en  fail  une  pate  que  Ton 
mange  delayee  dans  de  I'eau.  Cette  pate  aquelque  res- 
semblance  avec  du  miel  et  porle  une  saveur  douce  el 
agreablo,  inais  elle  est  pour  I'^trangcr  un  aliment 
(lout  il  doit  user  avec  beaucoupde  menagement.  L'arbre 
croit  loujours  sur  les  bords  des  rivieres  ou  an  nioins 
dans  leur  voisinage  immediat;  on  peul  transporter 
aisement  son  bois  au  lac  ])ar  la  voio  du  Tiougbe.  Les 
tiges  du  moschoma  servenl  aiix  Bayeyes  a  faire  des 
canols  el  son  bois  est  employ^  a  la  confection  des 
usteiisiles.  M.  Andersson  a  trouve  le  raoscboma  dans 
le  pays  d'Ovambo,  entrc  le  17'  et  le  J8°  degrc^  de 
latitude  auslrale,  et,  d'apres  ses  informations,  on  le 
renconlre  egalement  sur  la  cote  orientale  a  I'ouest  des 
etablissemcnts  des  Portugais. 

Les  Bay6y6s  conservenl  le  grain  et  les  aulres  pro- 
duils  du  sol  dans  de  larges  paniers  fails  de  feuilles  de 
palmiers  ou  de  substances  fibreuses.  Chez  eux  le  toin 
de  defricber  le  sol,  de  faire  la  moisson ,  de  ballro  et 
de  moudre  le  grain  est  cxclusivement  abandonn6  aux 
femmcs.  Les  bommes  m^neril  cbez  eux  une  vie  oisivc 
et  ne  deploient  lour  acli\ile  que  dans  la  chasse  ctdans 


(  IGO  ) 

la  peche.  Toutes  leurs  rivieres  sont  peupleos  d'liippn- 
polames  qu'ils  cliassont  a  I'nide  do  liarpons  ou  plulot 
d'nne  grande  sagaie  de  10  a  12  pieds  do  long,  garnie 
d'line  forle  pointe  de  for  et  prosentant  une  iiigenicuse 
disposilion  pour  empficher  que  I'engin  ne  so  brise  dos 
que  le  fer  a  p^netre  dans  la  chair  de  ranimal.  Celtc 
disposition  rappelle  cello  que  les  Groenlandais 
donnent  a  leurs  harpons.  Une  piece  de  hois,  atlachee 
a  I'exU'emite  de  la  corde  qui  lient  lo  harjion,  sert  de 
flotteur  ou  de  bouee  ;  I'aulre  extrennit(i  de  la  corde  est 
fixee  a  un  j)lou.  La  chasse  de  I'hippopolame  n'cst  pas 
sans  danger  et  elle  rappelle  un  peu  les  perils  de  la 
chasse  de  la  baleine.  L'animal  hiesse  renverse  les 
canots,  les  met  en  ])ieces ,  souvent  nieme  par  son 
simple  choc,  lorsque  I'elroitesse  du  lit  de  la  riviere  le 
contraint  a  passer  pros  des  emharcations.  Aussi  les 
radeaux  faits  de  roseaux  et  de  joncs,  sont-ils  preferes 
dans  celte  chasse,  comme  etant  d'une  nature  nioins 
fragile  ct  plus  elastique. 

Le  lac  Ngami  et  ses  affluents  abondent  en  une  foule 
de  poissons  dtilicieux  que  les  Bayeyt^s  prennent  u  I'aide 
de  filets  faits  avec  les  fibres  de  la  tige  d'une  sorte 
d'alo^s.  Cette  plante  crolt  en  grande  abundance  dans 
toutlepaysdesgrandsNamaquaSjle paysdes Damaras  et 
des  Ovambos,  ainsi  que  dans  les  contrees  siluees  a  I'esl. 
Mais  c'esl  au  lac  Ngami  qu'elle  r^ussit  le  mieux  :  ses 
fibres  sont  d'une  extreme  tenacile  et  paraissent  6lre 
plus  fortes  et  plus  floxibles  que  celles  du  chanvre,  dont 
la  culture  et  la  preparation  ne  sont  pas,  a  beaucoup 
pr6s,  aussi  faciles. 

Le  tableau  que  M.  Andersson  nous  trace  du  caracl^ra 
des  Bayeytis  n'est  certainement  pas  tr^s  flatld.  lis  sont 

iX,     MARS    ET    AVRIL.     4.  12 


(   170  ) 

tr^s  enclins  au  mensoiige  el  a  la  filoulerie,  traltres  el 
souptjonneux;  enlin  ils  parlagent  avec  loutesles  aulres 
popul;ilions  noires  la  passion  des  liqueurs  fortes  et  de 
la  cianse.  lis  se  fabriquent  une  soile  de  biere  a  I'aide 
de  latjuelle  ils  s'enivient ,  el  dans  leurs  danses  ils 
represenlent  d'une  inani^re  fori  expressive  la  cliasse 
des  diir^rents  aniniaux  sauvages.  Les  liummes  sonl  des 
priseurs  de  labac  d^termin^s  et  les  fetnmes  fumenl  le 
dacha, 

Leurs  babitalions  sont  de  larges  hutles  circulaires 
couverles  de  jonc  el  fort  analogues  a  celles  des  Nama- 
quas.  La  polygamic  esl  Irfes  repandue  cliez  eux.  Quanl 
a  burs  idees  religieusos,  on  n'a  gti^re  pu  en  pon^trer 
le  caracl^re :  elles  paraissent,  du  reslo,  tr^s  peu  deve- 
loppt^os  el  jouor  un  faible  role  dans  leur  vie. 

Depouill^s  de  leurs  besliaiix  par  les  Bicliuanas,  les 
Bayey^s  en  sont  reduils  a  clever  quelques  cbevres  dans 
le  but  surlout  d'avoir  leur  peau  pour  s  en  couvrir 
comiue  vetement.  Et  les  veteinents  sont  chez  eux  tool 
a  fail  necessaires,  car  le  pays  est  tr^s  bumide,  ce  qui 
engendre  beaucoup  d'aQeclions  rbuuialismales.  La 
petite  v^role  fail  aussi  cbez  eux  de  grands  ravages.  Le 
commerce  des  Bay^yes  consisle  surloul  en  plumes 
d'aulrucbe,  en  comes  de  rbinoceros  et  en  ivoire  que 
lourni.ssenl  I'liippopotame  el  I'olepliant.  Le  desert  de 
Kalabari  est  souvent  visits  par  les  Griquas;  ils  vont 
cliasser  ce  dernier  animal  qui  y  emigie  du  Dzouga 
apres  la  saison  des  pluies.  Les  Bicbuanas  cbassent  aussi 
pour  leur  peau,  dans  le  mfime  dtiserl,  If  tigre  el  le 
chacal.  On  y  rencontre  egalement  la  girafe,  le  couagga, 
esp^ce  de  zebre,  le  gnou  et  le  springbock. 

Ce  desert  de  Kalabari  s'etond  du  sud  du  lac  Ngami 


(  171  ) 
jusqu'aux  bonis  cle  la  riviere  Orange,  et  confine  a  Test 
et  a  Fouesl  avec  las  pays  des  grands  Namaquas  el  des 
Bicliuanas.  C'est  a  tort  que  Ton  a  represente  le  Kala- 
hari conime  une  vaste  plaine  (ie  sable  inhabitable, 
puisque  deux  populations  s'y  rencontrent,  les  Bichna- 
nas  et  les  Kalabaris  qui  ont  vraiseniblablenient  valu 
son  noni  au  desert.  Ces  Kalabaris  constituent  une 
nation  negre  pariant  la  meme  langue  que  les  Bichua- 
nas ;  ils  ne  poss^dent  pas  de  bestiaux,  niais  elevenl  un 
grand  nombre  de  ch^vres.  Us  cultivent  les  feves,  les 
pois,  les  calebasses,  les  cilrouilles  et  les  melons  d'oau; 
ces  deruiers  fruits  jouent  le  role  principal  dans  leur 
nourrilure  ,  et  quand  la  recolte  vient  a  aianquer,  la 
Iribu  a  a  redouter  les  horreurs  de  la  famine.  L'eau 
est  rare  dans  le  pays  des  Kalabaris,  cependant  elle  ne 
manque  jamais  complelement,  meme  pendant  la  saisou 
s6che.  Ces  n^gres,  dans  la  crainle  qu'on  ne  tarisse 
leur  sources,  ont  soin,  dil-on,  lorsqu'ils  onl  etanche 
leurs  soif,  de  les  cacber  sous  des  pierres  et  du  gazon, 
et  meme  d'aneantir  par  le  feu,  a  la  surface  du  sol, 
loule  trace  de  leur  existence. 

Au  nord  du  lac  Ngami  et  du  Dzouga,  le  pays  offre 
I'aspecl  d'une  vaste  plaine  ou  croissenl  ^a  el  la  quel- 
ques  arbres.  Cette  solitude  est  presque  tolalement 
abandonn^e  aux  bSles  fauves,  car  elle  n'est  babitee 
que  par  quelques  peuplades  buscbmanes  et  bayey^s. 
Dans  la  partie  que  coupe  la  riviere  Mababt^,  les  villages 
de  ces  deux  races  deviennent  toutefois  beaucoup  plus 
nombreux.  En  s'avan^ant  davantage  au  nord,  on  trouve 
une  conlree  fort  arrosee  elcoupee  par  des  canaux.  La 
population  qui  y  habile  est  lout  a  fail  dislincle  des 
Bicbuanas  par  la  couleur  de  la  peaii  el  par  la  langue. 


(   '7-2  ) 

Force  par  des  circonslancos  iniprevues  de  revenir 
en  Europe,  M.  Andersson  opi'-ra  son  retour  a  Cape- 
Town  par  lo  pays  des  grands  Namaquas.  Celtc  conlree 
s'^lend  depuis  le  pays  des  Damaras  au  nord  jusqu'a  la 
riviere  Orange  au  sud  ;  elle  n'cst,  a  piopremenl  parlor, 
que  la  vallec  du  Kousip  ou  Fish-river  qui  se  jelle  dans 
la  riviere  Orange.  Elle  est  fort  aride  et  expos^e  aux 
feux  d^vorants  du  soleil ;  elle  n'est  rafraichie  que  par 
des  pluies  periodiques,  mais  les  hahilanls  se  plaignenl 
que  ces  ])Iuies  nc  soient  plus  aussi  abondantis  que 
par  le  passe.  El  cetlc  diniinulinn  des  pluies  paraJt 
s'fetre  ^galemcnl  oj)6ree  dans  le  pays  des  Damaras  oil 
cependanl  les  souices  ne  sonl  pas  aussi  rares.  Le 
jiays  des  grands  Namaquas  parait  avoir  6le  jadis  sujel 
a  des  Ireniblemenls  de  terre  et  pout-eire  a  des  erup- 
tions volcaniques.  La  cote,  comme  celle  du  pays  des 
Damaras,  est  un  vaste  desert  qui  varie  en  largeur  de 
30  a  100  milles.  Toutefois,  ce  desert  a  son  genre  de 
ricliesse  :  on  y  Irouve  le  cuivre,  le  I'er  et  I'etain  en  assez 
grande  abondance. 

Les  grands  Namaquas  peuvenl  elre  dlvises  en  deux 
grandes  Iribus,  les  Topnacus  el  les  Oeslams.  Sous  celte 
derniere  denomination,  on  comprend  lous  les  Hotten- 
tots a  demi  civilises  qui  sont  venus  s'^lablir  dans  le 
pays.  Leur  noin  pourrait  bien  n'etre  ni6me  qu'une 
corruption  du  bollandais  Oerland  [Overland).  Les 
Topnaars,  c'esl-a-dire  les  premiers,  les  grands,  consti- 
tuentla population  priiuilivedu  pays.  S'il  Taut  en  croire 
les  informations  du  voyageur,  la  vie  est  tres  longue  dans 
le  pays  des  grands  Namaquas;  les  cenlen;iires  y  sont 
fort  communs.  A  la  mort  de  chaque  individu,  on  ini- 
mole  oil,  pour  micux  dire,  on  fMoulTe,  car,  dans  ce  cas 


(  173  ) 
I'eniploi  d'un  instrument  liaiichant  doit  etre  e\ite, 
des  bestiaux  en  I'honneur  du  defunl.  Plus  celui-ci  est 
riche,  plus  Ic  sacrifice  est  considerable.  Toute  cclle 
population  namaqua  est  de  race  buschmane,  laquello 
conslilue  Ic  type  veritable  de  ce  que  nous  appelons 
les  Holtentots. 

M.  Andersson  a  delermine  la  position  geographiquc 
des  lieux  qu'il  a  parcourus,  il  a  fait  des  observations 
d'altitude,  dlabli  un  ilin^rairo  dc  son  voyage.  Nous 
publierons  ces  documents  dans  un  procbain  numero 
du  Bulletin,  en  y  joignant  le  tableau  comparatif  des 
mots  otchiherero,  bayeye  el  chjilunanse  qu'il  a  dresse. 

Alfred  Maury. 


(  17/1  ) 
4iifilyse9  et  llapports. 


RAPPORT 

SDR  LA  CABTF.  PHYSIQUE  BT  MfexiOROLOGIQUE  1)1)  GLOBE 
TERRUSTRE  COMPRENANT  LA  DISTRIBUTION  G^OGHAPUIQUR 
I)E    LA    TEMPERATURE,    DUS    GRACES,    DES    VENTS    ET    DES 

NKiGKs,  par  iM.  J.-Ch.  Boudin  ,  medecin  eii  chef 
de  I'liopilnl  inllitaire  du  Roiile,  d^diee  a  M.  Alex, 
de  Humboldt;  1855,  3*  (^dit.,  corrig^e  et  consid6- 
rablement  auginent^e.  Paris,  J.-B.  Baillidre. 


Le  succes  qu'ont  obtenu  les  deux  premieres  editions 
de  la  carte  de  M.  le  docleur  Boudin  nous  a  valu  une 
nouvelle  pidilication  de  son  travail;  el  par  les  nom- 
breuses  modificalions  ([u  il  y  a  introduites,  cetle  3' edi- 
tion a  tout  ie  merituetl'intereld'uneoeuvre  inedite.  Mar- 
chant  sur  les  traces  de  MM.  Bergliaus,  Keith  Johnston, 
A.  Petermann,  ce  savant  medecin  a  voulu  representor 
(i'une  raani^re  graphique  et  dans  ses  rapports  avec  les 
differentes  regions  du  globe ,  la  distribution  de  la 
temperature,  des  orages,  des  vents,  <les  pluies  et  des 
neiges.  La  liaison  de  ces  conditions  et  de  ces  ph6no- 
m6nes  physiques  avec  la  disposition  des  continents  et 
des  niers,  est  un  fait  non-seulenient  important  a  con- 
naitre  commo  verification  et  application  do  la  thiorie 
par  laquelle  la  science  les  expli(|ue,  mais  elle  se  rat- 
tache  encore  aux  grands  problemes  do  I'ethnologio, 
de  la  geographic  ])otanique  ot  geologicjue,  el,  jusqu'a 
un  certain  point,  a  la  recherche  des  origines  et  a  I'^tude 


(  175  ) 
des  r^volulions  de  la  g^ograpliie  politique.  Voila  poiir- 
quoi,  Messieurs,  j'ai  duvous  signaler  la  publication  de 
celle  carle,  dent  I'auleur  a  droit  a  tous  nos  encourage- 
inenls  et  a  toule  noire  estime.  M.  Boudin  est  incon- 
teslableinent  un  des  medecins  les  plus  inslruits  de 
notre  armee ;  il  se  iivre,  depuis  de  longues  annees,  a 
des  recherches  de  stalislique  et  de  topograpUie  medi- 
cales,  qui  I'ont  adinirablement  prepare  a  la  tache  dont 
il  vient  de  s'acquiller  par  la  construction  de  sa  carte 
physique  et  mdft^oroiogique. 

Tenant  a  reunir  dans  un  mferne  tableau  I'ensemble 
desphenomenes  donl  il  poursuitla  marclie,  M.  Boudin 
a  lrac6  sur  une  maj)pemonde  les  differenles  courbes 
qui  mesurent  et  liniitent  Taction  des  meteores.  Les 
temperatures  moyi  nnes  de  I'liivor  et  de  I'ete  son!  in- 
diquees  dans  les  localiles  principales  du  globe;  tt  une 
ligne  passant  par  les  [)oinls  les  plus  cliauds  de  lous 
les  m^ridiens,  donne  la  directit)n  de  I'^qualeur  ther- 
mal qii'une  teinte  particuli^re  distingue  dc  I'equateur 
terreslre,  qu'il  coupe  pr^s  de  Singapour  et  donl  il  ne 
s'^loigne  jamais  de  plus  dc  15  degres ,  traversant 
I'isthuie  de  Panama,  et  Irouvant  son  autre  point  d'in- 
tersoclion  avec  la  lignc  ('([uinoxiale  dans  I'oc^an 
Pacifique  par  environ  156  clegros  de  longitude  occi- 
dentale. 

M.  Boudin  a  inditpie  sur  sa  carte,  poui'  chaque  mer, 
la  direction  des  vents  dominants,  et  leinle  par  des 
nuances  diverses  et  difTerents  modes  de  hachures  la 
region  des  vents  alizes,  celle  des  syslemes  de  mous- 
sons,  en  sorte  que  le  marin  embrasse  d'un  coup  sur 
cette  c;irte  les  lois  aneinom6lri(jues  qui  constituent 
I'une  des  bases  de  la  navigation.  Une  bande  blanche. 


(  176  ) 
qui  sopare  la  region  dos  nioussons  de  I'ocean  Pacl- 
fiqiie  eiiiialorial  de  cello  des  vents  dii  nord-esl,  ropie- 
senlc  la  zone  des  calmes  et  fles  plules  non  pdriodiques. 
Cellc  /one  a  pour  liinilo  Infcilcure,  par  120  el  135  de- 
gros  de  longitude  occldcnlale,  I'equateur  llierrnal  lul- 
meine. 

Des  lignes,  dlsllnguees  les  unes  des  aulres  par  la 
disposition  du  trail  ct  du  polntill^,  dimnenl  pour  les 
deux  heniisphcros  la  linilte  des  glaces  flotlanles.  Les 
regions  sans  pluic  sont  reconnalssables  par  le  grlse  a 
lignes  verllcalcs.   L'auleur  marque  ^galcment  sur  sa 
carle  la  limlle  e(|ualorlale  des  neigc§  au  niveau  de  la 
mer  dans  riiemisphero  nord :  c'est  uno  courbe  com- 
prise onlre  Ic  /|5*  degre  de  latitude  nord  qu'elle  atteinl 
dans  I'Atlantique,   et  le  Iropiquc    du   Cancer    qu'elle 
depasse  legerement  au  sud  de  la  Chine,   cl   au  dela 
duquel,  dans  le  Mexiquc,   olio   prescnle   un    verital)le 
point  de  rcbroussemeni,  en  sortc  que  ic  lOo"^  nieridicn 
occidental  correspond  a  sa  plus  haute  ordonnee  nega- 
tive. M.  Boudin  Indique,  par  la  notation  ecrlle,  les  re- 
gions sans  plule,  cellos  des  plules  estlvaies  et  hlbernales. 
Ainsl  11    est  aise  de  saislr  d'un   seul  coup   d'cjeil ,    au 
uioyen  de  cclte  carte,   la   relation   des  clinials  el  des 
phenom6nes    nieleorologiques    avec     les     lignos   iso- 
thermes  que  l'auleur  a  pris  soln  d'intiiquer  de   10  en 
10  degres.    Au    cap  de  Bonne-Esperancc,   nous  ren- 
controns  les   plules   aulonmales;  les  plules  estlvaies, 
au  contralrc,  caracterisenl  les  Carolines  cl  les  Etats  a 
I'ouest.  Des  legendes  nous  lout  connaitrc  egalenient 
en   divers  lieux  la  frequence  ou  [dulot  la  rarele   des 
coups  de  tonnerre. 

Autour  de   la    carte    onl   ete     disposes    un    grand 


(   J77  ) 

nombre  de  tableaux  et  de  I6geiules  I'ournissant  des 
indicalions  qui  ont  ecbappe   a  la  representation  gra- 
phique  ou,  du  inoins,  qui  auraient  Irop  surcharge  la 
uiappemondc  dont  rinspeclion   demeurc  ainsi   facile 
et  claire.  Nous  rcnconlrons  dans  cet  ensemble  d'indi- 
calions  supplenionlaires   :    1°   la    limite  atteinle   par 
divers  navigateurs  dans  les  hautes  latitudes  des  deux 
hemispheres;  2°  quelques  temperatures  extremes  re- 
gulierement  constatees ;    3°  la   quanlite   annuelle  de 
phiiepour  les  zones  lorride  et  temp«5ree;  !i°  Tallilude 
des  principales  Incalit^s  de  la  Palestine ;  5*  celle  des 
principales   cljahies    de    luonlagnes;    6"    les   limiles 
atleintes  en  altitude  et  en  profondeur;  7°  la  moyenne 
annuelle  des  jours  d'orage  ;   8°  la   quantite   annuelle 
d'eau  fi  dlverses  latitudes;  9"  Tallitude  moyenne  des 
continents;    10"   la    limile    d(  s   neiges   perpetuelles ; 
11"  le   decroissement  de  la    temperature    moyenne; 
12"  les  jours  de  neige  dans  i'annee  pour  diflerenls  lieux 
del'Europe;  13"  Taitilude  et  la  temperature  moyennes 
des  dillerentes  localites  deTAlg^rie;  l/i°ia  profondeur 
des  mers;   15°  la   superficie  coniparalive  des  diverses 
regions  du  globe;    16"   le  niveau  compare  des  mers; 
17°  la  densite  de  leurs  eaux ;   18"  la  pression  de  I'at- 
raosphere  en  diflerenls  lieux;  enfin ,   plusieurs  autres 
indications  thermomelriques  et  met^orologiques. 

Celle  foulc  de  renseignements  ajoule  un  prix  tout 
parlicuiicr  a  la  carte  du  docteur  Boudin,  drcssee,  en 
general,  d'apres  les  documents  les  plus  aulhentiques. 
JNous  regrettons,  cependant,  de  ne  pas  voir  notes  dans 
ccs  tableaux  les  points  extremes  oil  les  derniires  expe- 
ditions anglaises  sonl  parvenues  a  alteindre  dans  la 
region  arclique.  Peul  elro  out-il   ele  bon  d'indiquer. 


(  178  ) 

par  iin  syst^me  de  cotes,  la  haiileur  relative  des  divers 
plaloaux  au-dessus  du  niveau  des  mers,  puisqiie  cetle 
alliliiile  osl  dans  iin  rapport  6lroit  avec  les  neiges,  les 
pluies  et  la  tcmperatiiro  ?  II  eilt  ol^  facile,  en  prenanl 
pour  point  de  depart  les  observations  de  nos  inarins, 
de  tracer  I'equateur  majinetique  ot  les  lignes  sans 
declinaison,  de  I'a^on  a  faire  saisir  la  relation  des  phe- 
nom^nes  de  inagnetisme,  de  (-haieur  ct  d'^lectricile. 
L'indication  des  venis  variables  est  ce  qui  laisse  le  plus 
a  d^sirer  dans  la  carle  do  M.  Boudin  ;  ils  ne  sent  notes 
que  sur  quelques  n)ers,  niais  sur  les  continents  on  en 
cherche  vainement  la  designation.  Enlin,  n'eut-il  pas 
eto  utile  de  marquer  les  grands  courants  ot  surtout  le 
gn/J-stream,  qui  modifient  si  sensiblcinent  la  distribu- 
tion de  la  temperature  a  la  surface  des  mers,  el  exer- 
cent  precisement  sur  la  niarcho  des  glaces ,  donl 
M.  Boudin  a  eu  soin  de  nous  dessiner  la  liiuile,  une 
influence  notable? 

Mais  quoi  qu'il  en  soit  des  additions  donl  la  carle 
de  M.  Boudin  peut  encore  s'enrichir,  lelle  qu'elle  esl, 
elle  demeure  un  guide  excellent ,  d'un  usage  facile  et 
rapide,  d'une  pratique  journaliere. 

Tous  les  phenoinenes  de  la  nature  se  tiennent,  Tac- 
tion de  tous  les  agents  physiques  est  liee  par  des  iois 
connexes  que  nous  no  j)arviendrons  a  saisir,  au  nioins 
dans  leur  generalite  ,  que  par  un  travail  analogue  a 
celui  que  M.  Boudin  vient  d'executer.  La  geograpliie 
ne  peut  desoriuais  faire  abstraction  de  ces  phenoinenes 
physiques,  qui  sont  la  condition  d'existence  du  globe 
donl  elle  poursuit  la  description  el  I'hisloire.  Elle  est 
obligee,  precisement  a  raison  de  I'^tendue  de  son  objet, 
d'emprunlor  a   une   foule  de  sciences  accessoires  des 


(  179  ) 

donn^es  et  des  lumi^res,  et  voila  pourquoi  nous  de- 
vons  signaler  les  travaux  qui,  comme  cette  carte,  lui 
offrenl  sans  peine  et  quand  elle  le  veut,  les  r^sultals 
scientifiques  dont  elle  ne  peut  plus  d^sormais  se  passer. 

Alfred  MaOry. 


RAPPORT 

suR  l'exploration  de  la  vallAk  de  l'amazone  par  les 

LIKUTENANTS     DE    LA    MARINE     DES    ^TATS-UNIS,    HEUNUON 

ET  GIBBON,  EN  1851-1852.  I"  pai'tie,  1  vol.  in-8°, 
avec  3  cartes,  impriine  par  ordre  du  gouvernement 
des  Etats-Unis. 


L'iiniuense  vallee  du  Mississipi,  dans  I'Anierique  du 
nord,  est  devenue,  par  I'industrieuse  perseverance  de 
la  nation  am6ricaine,  le  centre  d'un  empire,  qui,  dans 
le  cours  d'un  demi-si^cle,  a  pris  sa  place  au  premier 
rang  des  grands  Etats  du  monde. 

La  vallee  de  I'Aniazone,  dans  I'Amerique  du  sud, 
est  plus  vaste  encore;  elle  s'^tend  en  longitude  de 
28  dc'gres  (1),  et  en  latitude  de  22  degres  (2).  Elle  est 
deslin^o  a  servir  de  d^bouche  commercial  vers 
I'Europe,  a  plusieurs  tlats  considerables  en  ^ten- 
due,  laBolivie,  le  Perou ,  r;tquatour,  la  Nouvelle- 
Grenade  etle  Venezuela.  —  Le  nombre  et  la  grandeur 
des  fleuves  qui  I'arrosent,  annoncent  qu'avanl  un 
si^cle  plus  de  trente  villesdu  premier  ordre  s'eleveront 

(i)  Dii  76*  au  48*  (legre  de  longitude  ouest  de  Greenwich. 
(1)   4  degres  de  latitude  nord  et  i8  degres  de  latitude  sud. 


(  180  ) 

sur  leurs  rives;  —  car  I'liisloire  du  j^enrc  hum;iin  do- 
montrc  que  partonl  ou  il  s'est  Irouve  un  port  on  une 
grande  riviere,  il  s'est  forme  de  grandcs  villos. 

Les  valloes  de  I'Amazone  et  dc  ses  Iribiilairos  sont 
placees  dans  le  voisinage  de  Tfiqualeur,  ct  Ic  sol  est 
d'une  fertility  luxurianto ;  quand  Ics  detVichemcnls 
Tauront  assaini,  il  produira  des  recoltcs  dc  toute  na- 
ture, et  pourra  nourrir  une  population  de  cent  mil- 
lions d'aines  peut-6lre. 

Elles  fourniront  aux  produits  de  I'Europe  tl  des 
aulres  parlies  du  globe  un  debouclie  nouveau ,  aussi 
grand  qu'avanlageux  aux  indigenes. 

Les  plus  riches  mines  d'argent  sont  aux  sources  du 
Huallaga  et  du  Maranon  ou  Ainazone,  au  Perou,  sans 
y  comprendre  les  mines  d'or  du  district  de  Cuzco  ct 
de  Polosi,  aux  sources  de  I'L  yacari,  du  Madrc-dc-Dios 
ou  Purus,  du  Beni  et  du  Mamore,  et  aulres  fleuves 
tributaircs  de  I'Amazone,  niaUieureusemeut  pcu  con- 
nus.  II  imporle  aujourd'hui  plus  que  jamais  dc  meltre 
ces  produits  a  la  porlee  de  I'Europo,  el  de  joindre 
les  deux  oc(^ans  Pacilique  et  Allanlique  par  ces 
grands  canaux  nalurels,  navigables  a  la  vapeur.  Sans 
doute,  le  chcmin  de  fer  qui  vient  de  s'ouvrir  dans 
risllimc  de  Panama,  et  permet  do  passer  en  trois 
heures  d'une  mer  a  I'autre,  n'oblige  plus  le  com- 
merce a  laire  I'immense  detour  du  cap  Horn  ;  mais 
tant  qu'un  canal  dc  navigation  ne  sera  pas  ou\erl  dans 
le  meme  istbme,  le  Iransbordement  des  marcliandises 
sera  un  inconvenient  immense,  et  Ton  penelrera  plus 
lacilemcnt  par  I'Amazone,  dans  les  Klats  encore  jeunes 
dont  la  population  augmente  rapidement. 

II  enesld'ailleUrs,commele  territoircdola  Bolivie  et 


(  181  ) 
les  conlr^es  etonclues  a  I'esl  do  la  clialne  princlpalo  de3 
Andes,  qui  ne  peuventcommuniquer  econoiniqueinent 
avec  les  Llats-LInis  et  I'Europe  que  par  la  navigation 
fluviale  dc  I'Amazone  el  de  ses  grands  afflucnls  du  sud. 

Cet  immense  lerriloire  a  do  quoi  former  encore 
plusieurs  empires;  il  s'agit  d'aillours  de  donner  la  vie 
a  des  fitals  encore  tort  arrieros.  —  Les  contrees  que 
le  Bresll  s'adjuge,  entre  les  republiques  d'origine 
espagudle  et  TAtlanlique ,  sont  telloment  conside- 
rables et  lellenient  desertcs,  malgr^  leur  heureuse 
situation,  qu'on  s'elonnait  que  les  nations  commer- 
^anles  n'cussent  point  encore  cherche  a  so  rendre 
conq^te  de  ccl  avenir,  et  a  y  introduire  le  principe  de 
la  lihre  navigation.  La  plupart  des  voyagours  qui 
depuis  un  siecle  ont  traverse  cos  regions,  ne  les  ont 
guere  examinees  qu'au  point  de  vue  de  raccroissement 
des  sciences  naturellos. 

Le  si^ge  natiirel  de  remj)ire  du  Br6sil  est  sur  I'Atlan- 
liqiie,  onlro  I'embouchure  de  I'Amazono  et  la  r6pu- 
Mique  de  Monte-Vidco;  et  cc  beau  domaine  est  deja 
immense.  Si  le  souverain  de  celLtat,  le  plus  puissant 
de  I'Amerique  du  sud,  avait  colonist  I'interieur  de  ses 
provinces  el  les  rives  du  Saint-Francisco  a  Test  du 
50'  degre  de  longitude  occidenlale  (de  Paris) ,  en  y  con- 
centrant  ses  eflorls ,  Thumanit^  n'aurait  qu'a  s'ap- 
plaudir  de  cet  6lan  donne  a  la  civilisation.  Mais  a  I'aide 
de  posies  avances  vers  I'ouest,  il  a  voulu  s'emparer,  el 
il  se  pretend  on  possession  solide,  des  sources  du 
Parana  et  du  Paraguay  qui  coulent  vers  le  sud,  el  de 
tous  les  aflluenls  nord  et  sud  de  I'Amazone;  landis 
qu'on  })ouvait  tout  au  plus  lui  abandonner  les  rivieres 
des  Tocantins  et  tie  I'Araguay.  Parlant  de  son  ^lablis- 


(  182  ) 

sement  de  Cuyabti,  il  i\,  par  le  fori  de  Beira  pr^s  rem- 
boucljiire  liu  Guapor^  ou  Ilenezdans  la  Mainoro,  posd 
une  liuiile  a  la  r^publique  d(?  Bolivie  au  67°  dcgic^  de 
longil.  II  a  fail  plus  :  il  a  penelr6  jusqu'aii  7A*  dcgr^ 
et  aux  liiiiiles  des  r^publiqiies  du  P6rou  et  de  rE(|ua- 
leur.  Au  nord  de  rAiiiazone,  il  esl  all6  jusqu'aux 
liiiiites  de  la  Nouvelle-Grenade,  du  Ven^zu^la  el  des 
trois  Guyanes,  aiiglaise,  lioUaiulaise  et  fran^aise , 
quoiqu'il  n'y  occupe  reellement  que  quelcjues  posies 
incapablcs  de  se  faire  respecter,  a  I'exception  de  son 
^tablissoincnl  Ires  recent  sur  le  fleuve  Negro.  Eufin, 
sa  preltntion  esl  de  fermer  I'eulree  de  lAiiiazone  a 
lous  lis  navires  Strangers,  el  de  lenir  sous  sa  domina- 
tion inerte  ces  conlrees  que  le  crealeur  a  destinies  a 
devenir  le  patrinioine  de  Thomnie  civilise.  Si  ces  pre- 
tentions sont  admises,  presque  tout  le  centre  de  I'Ame- 
rique  meridionale  est  condanin^,  pour  plus  d'un  siecle 
peut-6tre,  a  rester  desert ,  la  miserable  liabilation  de 
nombreuses  Iribus  sauvages,  el  la  proie  des  betes 
feroces  et  de  loules  les  races  de  I'epliles. 

Heureusenienl  que  la  republique  Argentine  el  le 
Paraguay  paraissenl,  en  ouvranl  leurs  tleuves  a  la  libre 
navigation,  vouloir  se  joindre  ala  Bolivie,  qui  a  refuse, 
en  1852,  de  livror  les  rivieres  qui  sortent  de  son  sein 
3  la  navigation  exclusive  du  Bresil.  Le  P^rou,  qui  s'^tait 
engage  par  un  lrait6  recenl  envers  le  Br»^sil,  a  reconnu 
le  piege  qu  on  lui  avail  lendu.  II  est  impossible  que 
les  gouvernemenls  de  I'liquateur,  de  la  iNouvelle- 
Grenade  el  du  Vdnezuela,  ne  se  rangenl  pas  du  c6l6  du 
principe  de  la  liberie  du  commerce,  el  que  les  gou- 
vernemenls europeens  ne  s'adressenl  pas  au  gou\er- 
nement   du  Bresil    pour    assurer   des    debouclies    au 


(  183  ) 

commerce  de  ces  Elals  avoc  rint^rieur,  ol  a  la  navi- 
gation (le  J'Amazone  elle-meine.  La  jalousie  qu'in- 
spirent  ies  entreprises  des  Elats-Unis  ne  doil  arreler 
aucune  de  ces  puissances,  puisqu'en  definitive,  Ies 
Araericains  du  nord  ne  demandent  rieii  d'exciusif 
pour  eux,  rien  qui  ne  doive  profiler  au  commerce 
general  et  a  I'accioissemenl  de  la  civilisation. 

Le  Bresil  resislera,  sans  dotilo,  plus  ou  moins  long- 
temps,  a  ce  besoin  universel.  Car  il  pretend,  en  vertu 
des  maximes  de  I'ancien  droit  des  gens,  qu'il  suilisait 
de  planter  un  drapeau  sur  une  terre  encore  neuve 
pour  en  devenir  souverain. 

Mais  ces  principes  sonl  aujourd'hui  surannesj  on 
ne  reconnalt  plub  de  mers  closes ;  la  possession  des 
rivages  de  la  mer  ne  s'6tend  pas,  meme  a  deux  on  trois 
lieues  des  cotes,  mais  seulement  a  la  portee  du  canon. 
—  Hors  (le  la,  hi  peclie  el  la  navigation  sont  libres. 

Sur  terre,  la  possession  doit  etre  limitee  aussi  a  ce 
qui  est  mis  en  culture  el  reellement  occupe ;  c'est  la 
le  veritable  londement  de  la  propri(^te  privee  :  tantiun 
prcescripliuii ,  quantum  possessum.  Quoi  qu'en  aienl  dit 
r^ceiiunent  quelques  voix  isolees  et  bientol  demen- 
ties  par  Ies  plus  haules  aulorit^s,  la  propri^le  privee 
n  est  pas  une  concession  des  gouvernements.  Les  gou- 
vernements,  au  contraire,  sont  institu^s  pour  garantir 
a  I'bomme  la  libre  jouissance  de  son  indtistrie  el  les 
fruits  de  son  travail. 

Pourquoi  ces  principes  de  droit  naturel,  consacres 
par  toute  la  legislation  romaine,  ne  seraient-ils  pas 
applicables  aux  proprietes  publiques,  el  surloul  aiix 
choses  ([ui  ne  sont  pas  susceplibles  de  propritile , 
comme  la  mer,  I'air,  les  eaux  couranles? 


(  ISA  ) 

Ricn  de  plus  IfJjgitlme,  cle  la  pari  dos  gouvornomenls 
coinine  dc  la  pail  des  iiullvidus,  que  de  rovcnd'ujucr 
la  propiiole  exclusive  de  lous  Ics  lieux  oil  ils  ont  fonde 
des  6lablissenienls,  el  dans  lesquels  ils  ont  t^labli  une 
force  puhliquc  capable  de  jjroleger  les  personnes  el 
Ics  propri^les.  Parloul  ou  le  Bri^sil  a  fonde  ct  enlre- 
tienl  tie  lels  elablissemenls,  nul  n'est  moins  dispense 
que  nous  a  lui  en  disputer  la  soiiveraineli^. 

iMais  ap[)areinmcnt,  il  ne  suflira  pas  d'elablir  a  I'cm- 
bouchure  d'une  riviere,  un  fort  qu'on  laissora  tomber 
en  ruincs,  el  ou  Ton  n'enlrellendra  (ju'une  garnison 
de  quelqucs  homines,  incapable  de  sc  faire  respecter, 
a  une  lieuc  de  son  enceinte,  pour  de  la  doininer  sur 
des  centaines  de  lieues.  En  ce  cas,  nous  croyons  que 
tous  ceux  qui  viendronl  s'elablir  sur  I'aulre  rive  du 
fleuve ,  si  celle  rive  esl  hors  de  la  purine  du  canon  du 
fort,  ou  dans  les  conlrees  adjacenles,  et  qui  ne  recla- 
meront  pas  sa  protection,  en  seronl  cl  demeureront 
independanls. 

Le  Bresil  commence  a  le  sentir;  car  il  ne  s'est  pas 
content^  de  fonder  ces  posies  avancos  comme  des  sen- 
tinelles  perdues ;  quand  il  a  voulu  rdellement  coloni- 
ser, comme  au  Barra  du  Rio-Negro,  il  a  6labli  une 
ville,  des  autoriles  judiciaires  et  adminislratives,  des 
troupes  et  un  gouverneur.  La  esl  done  une  souverainele 
reelle.  Rosle  a  savoir,  bona  fule,  jusqu'ou  s'elendent 
les  etabli.ssements  secondaires,  et  a  quelle  distance  du 
fleuve  et  de  ses  affluents  s'^tend  la  protection  :  car  la 
esl  la  limile  de  la  souverainele. 

Tels  sont,  nous  le  croyons,  les  principes  du  droit  des 
gens  moderne.  De  plus,  comme  il  importe  de  cultiver 
enlre  les  nations  <le  bonnes  relations  d'amili6  et  de 


(  i85  ) 
commerce,  la  liberie  de  la  navigation  est  un  principe 
general,  qui  doit  elrc  reconmi  partout,  inline  dans 
rinterieiir  des  pays  souverains.  L'Etat  qui  I'accorde 
au  commerce  etranger  ne  peut  etablir  que  des  droits 
de  douane  moderes,  pour  I'entretien  de  la  navigation 
et  les  depenses  des  etablissements ;  la  cloture  de^ 
fleuves  navigables  est  une  mesure  antisociale,  et  qui 
a  la  longue  ferait  metlre  la  puissance  qui  la  main- 
tiendrait  au  ban  des  nations  civilisees.  On  pourrait, 
a  litre  de  represailles,  fermer  les  ports  europeens,  ceux 
desEtats-Unis  et  des  puissances  ind^pendanles,  a  lout 
navire  portanl  le  pavilion  bresilien. 

Prenons  un  exeniple:  la  France  a  prt^londu  que  sos 
possessions  de  la  Guyane  s'etendaient  jusqu'a  I'em- 
bouchure  de  I'Amazone,  et  non  jusqu'au  point  do 
j)artage  des  oaux  qui  coulent  de  la  i)ase  de  ses  etablisse- 
ments :  aujourd'hui  ces  pretcnlions  sonl  rojclets, 
parce  qu'elle  n'a  pas  forme  d'clablissements  sur  la 
cote  jusqu'a  I'emboucbure  de  I'Amazone,  ni  sur  les 
cours  d'eau  qui,  de  ce  point  de  partage,  vonl  du  nord 
au  sud  porter  leurs  eaux  au  grand  fleuvc. 

La  meme  objection  est  faite  aux  gouvernemenls 
hollandais  et  anglais,  quoique  d(5ja  des  communica- 
tions commerciales  se  soient  etablies  sur  I'Ort^noque, 
et  qu'il  y  ait  eu  des  conflits  avec  le  gouverncment  bre- 
silien sur  les  limiles  de  sod  etablissement.  C'est  une 
question  de  fait  qu'il  ne  nous  est  j)as  donne  en  ce 
moment  d'^claircir. 

L'ouvrage  que  nous  avons  a  examiner  rapporle  deux 
documents  imporlants  6manes  d'un  ciloyen  ^claire  de 
Buenos-Ayres,  qui  invite  le  gouvernement  fran^ais 
a  se  preoccuper   de   la  question   de   I'Amazono.    Ces 

IX.   MAKS  ET   AVRIL.    5.  13 


(  186  ) 

(locuincnls  ne  remontent  pas  au  dela  do  1850  :  on  y 
riippelle  les  vues  que  rompercur  Naj)ol«^on  I"  avail 
congues  sur  ce  j)oint,  et  dont  il  ful  distrait  par  la 
guerre  maritime  el  conlinentale ;  rallenlion  ful  de 
nouveau  rappel6e  an  gouvernemcnt  royal  de  Louis- 
IMullppc,  qui  fil  faire  une  reconnaissance  a  rembou- 
churG.  M.  Arago ,  sous  le  gouvernenient  provisoire 
de  .1848,  s'en  occupa.  L'un  de  ces  documents  est  une 
letlre  adrcss^e,  le  2  f^vrier  1850,  au  prince  Napoleon, 
alors  president  de  la  r^publique,  dans  laquelle  se 
Irouve  rappelee  I'exploration  parlielle  faite,  il  y  a 
quelquos  annees,  par  un  ofiicier  de  la  marine  francaise 
(M.  do  Monlravel),  qui  remonta  I'Amazone  jusqu'au 
poste  brdjsilien  d'Obidos,  ou  il  fut  arrete  par  ordre  du 
gouvernemcnt  impiL'rial  du  Bresil,  comme  depassant 
les  llmiles  des  eaux  libres. 

Celle  affaire  ne  parait  pas  avoir  eu  d  autre  suite. 
Quoi  qu'il  en  soil,  si  la  France  n'a  pas  la  souverainole 
dcs  rives  de  rAllantique,  depuis  la  Guyane  jusqu'a 
I'embouchure  de  I'Amazone,  ct  des  eaux  qui  sortont 
de  ses  monlagnes  pour  agrandir  ce  ileuve,  c'estqu'elle 
n'y  a  pas  lait  d'elabllsseinenls  :  niais  le  Bresil  n'en  a 
pas  non  plus  jusqu'a  Almoirin.  La  question  reste  done 
Oil  litige,  et  une  tierce  puissance  pourrait  s'y  etabllr, 
si  Ics  deux  gouverncments  n'y  font  rien  ;  car  la  civi- 
llsalion  ne  peutsouflVir  do  la  mauvaise  volonte  ou  do 
rimpulssancc  des  gouvcrnenients,  el  Ton  dolt  remercier 
quiconque ,  en  prenanl  possession  du  sol,  on  le  for- 
lilisanl,  et  eu  ouvrant  de  nouveaux  debouches  au 
commerce,  sort  les  Inlerels  de  la  race  huuiaiue  et 
remplll  alnsi  les  dccrels  de  la  Providence. 
II  est  urgent  que  de  grands  canaux  soient  ouverts 


(  187  ) 

par  Tyhnazone  a  la  navigalion  a  la  vapour,  appellont 
(Ics  pupulalioiis  qui  luanquent  sur  ses  rivages  ct  sur 
se>s  affluonls,  appoilenl  aux  malheureux  Indiens  des 
subsislaiicos,  des  vetements  el  des  luinieres,  et  en 
chassent  ]cs  animaux  leroces  ou  inipurs  qui  les 
inleslent. 

Quoiqu'il  n'ail  encore  aucunc  posilion  dans  ces 
conlrees,  le  gouvernement  des  Etats-Unis  n'a  ])as 
manque  de  s'en  occuper,  el  I'on  verra  que  quand  la 
mission  donnee  aux  ofilciers  de  la  marine  a  ele  con- 
nue  du  gouvernement  du  Bresil ,  celui-ci  s'est  hale, 
sans  oser  cependanl  I'entraver,  de  provoquer  des 
mesures  pour  fermer  aux  etrangers  I'acces  des  caux 
interieures  du  grand  fleuve. 

Quellesquesoienlles  vuesdel'Dnion  amt^ricainedans 
rinilialive  qu'elle  a  prise  dans  la  defense  de  la  liberie 
de  celle  na\igalion,  il  faut  reconnailre  qu'elle  Iravaille 
dans  I'inl^rel  de  toutes  les  puissances  europeennes  qui 
ont  une  marine. 

A  la  place  des  efforls  Isolds  qu'on  a  fails  jusqu'a  ce 
jour,  il  imporle  que  les  puissances  se  reunissenl  pour 
combalUe  I'espril  exclusif  et  jaloux  du  Bresil. 

Deja  le  gouvernement  francais  a  accorde  des  encou- 
ragements a  M.  d'OrbigU),  dans  I'exploration  que  ce 
voyageur  a  faile,  de  1830  a  1833,  en  Bolivie.  II  a  sur- 
tout  favoris^  les  grands  travaux  de  M,  Fr.  de  Caslelnau, 
et  de  I'infortune  d'Odery,  ingenieur  des  mines,  accom- 
plis  de  ISZio  a  18Zi7.  La  Sociele  degeographie  a  d^cerne 
une  medaille  extraordinaire  a  M.  de  Caslelnau,  lors  de 
la  publicalion  des  premieres  livraisons  de  son  voyage, 
quoique  le  public  ne  connut  pas  encore  toule  I'^ten- 
due  de  ses  investigations,  puisque  son  ouvrage  n'est 


(  188  ) 

])as  encore  termini  et  qu'il  se  compose  dc  soixanle- 
quinze  feiiillcs,  soil  geographiqiies  soil  geoIogl(|ues. 

L'auleiir  de  la  relation  (pie  nous  examinons  n'a 
connii,  (lit-il,  Ics  resnltals  tleja  oblenus  par  iM.  dcCas- 
tclnaii  et  ses  collaborateurs,  qu'apres  son  relour  de 
son  voyage  d'exploralion  en  1853.  En  e(Tet,  les  pre- 
miers volumes  dc  I'exploraliom  francaisc  n'ont  paru 
que  dans  Ic  courant  de  1850,  el  I'expedilion  ameri- 
caine  a  recu  sa  mission  en  aoiit  1850,  quoiqu'elle 
n'ail  commence  son  voyage  qu'en  mai  1851. 

Ses  instructions,  a  la  dale  tin  15  fevrier,  qui  liii  par- 
vinrenl  a  Valjjaraiso  ,  lui  prescrivaient  d'itudier  sur 
les  lieux  la  totality  dc  cet  immense  bassin  ,  avec  les 
eaux  navigables,  non-seulemenl  de  I'Amazone,  mais 
de  ses  Iributaires. 

II  I'allait  non-seulement  ia[)porler  des  notions  pre- 
cises sur  la  condition  ile  cetle  vallee  par  rapporl  a  la 
navigation  de  ses  fleuves,  au  nombre  el  a  I'etat  indus- 
Iriel  et  social  de  ses  habitanls,  mais  encore  a  son 
climat,  aux  productions  acluelles  de  son  sol,  au  deve- 
loppement  possible  de  ses  ressources  commerciales, 
quant  aux  champs,  aux  forels,  aux  rivieres  et  aux 
mines. 

L'expedilion  devait  se  rendre  dans  la  Cordillere,  et 
explorer  I'Amazone  dopuis  sa  source  jusqu'a  son  em- 
bouchure. Elle  i'ul  pourvue  de  lous  les  instruments 
necessaires,  el  d'un  credit  de  5000  dollars  (20000  fi-.). 

On  lui  designail  specialemcnt  I'Ucayali  ou  I'Hual- 
laga,  rivieres  du  Peroii,  comme  I'objet  de  cetle  etude; 
mais  on  n'excluail  jias  les  lleuvcs  de  la  Bolivie  ,  tels 
que  le  Mamord,  I'llcnts  et  le  Keni,  aflluenls  du  Madeira. 
On  s'en  rajiporlait  a  son  jugement  sur  le  choix  de  sa 


(  189  ) 

route;  on  lui  recommamlait  d'civilerles  liostilil^s  avec 
la  populalion ,  et  de  ne  pas  prendre  une  suite  troo 
nombreuse,  (pii  put  alarmer  lesgouvernemenls  locaus; 
on  I'lnvitait  a  se  pii^occuper  surloul  de  la  question  de 
la  liberie  de  la  navigation. 

L'officier  distingue  charge  de  la  mission,  avant  de 
commencer  son  exploration,  prit  a  Valparaiso  et  a 
Santiago  du  Chili  tous  les  renseignenients  qui  furent 
a  sa  porlee  sur  les  travaux  antdrieurs,  principalement 
sur  les  tributaires  du  Madeira.  11  en  a  presente  un 
interessant  historique. 

Ensuite  il  s'occupa  du  haul  Perou ,  des  richesses 
niinerales  en  or  du  niont  Carabaya,  a  Test  de  Cuzco, 
et  des  grands  cours  d'eau  qui  arrosent  cetle  province, 
notamment  de  la  riviere  encore  inconnue  JVladre-de- 
Dios,  des  deux  branches  de  I'Drubaniba,  del'Apurimac 
et  du  Pango. 

Ayant  appris  que  les  fleuves  do  la  Bolivie  ne  se 
r^unissaieut  a  I'Amazone  que  dans  la  partie  basse  de 
son  cours,  vers  le  59°  degre  de  longitude  de  Greenwich, 
il  jugea  plus  urgent  de  s'occuper  d'abord  des  affluents 
les  plus  voisins  de  la  nicr  Pacifique. 

Le  lieutenant  Herndon  est  parti  do  Lima  lo  21  mai 
1851,  avec  des  passe-ports  ct  recommandations  du 
gouvernement  du  Perou,  en  compagnie  de  M.  Gibbon 
et  de  quatre  autres  personnes:  il  longea  les  rives  du 
Rimac,  riviere  de  Lima,  jusqu'au  sommet  de  la  Cor- 
dillera, ou  elle  prend  sa  source,  au  pied  des  mines 
d'argent.  —  II  n'y  a  qu'une  distance  d'environ  60  milles 
(100  kilometres)  de  la  mcr  Pacifique.  11  y  donne  d'in- 
teressants  details  sur  les  mines.  Le  3  juin,  I'expedition 
lit  I'ascension  du  uiont  Puypuy,  qu'on  dit   plus  elev6 


(  190  ) 

que  le  Chimborazo.  Le  6,  elle  6tail  a  Tarma,  petite 
villc  (le  7  000  hahitanls  environ,  clans  un  amphitheatre 
rnonlagneux,  enU-uree  de  riches  paturages;  on  fit  une 
excursion  a  Test  jusqu'au  fort  Ramon,  sur  le  Pcrene, 
I'un  dcs  affluents  de  rLca}a]i.  Le  lieutenant  Herndon 
Tie  suivit  pas  le  ccnseil  de  ceux  qui  I'engageaient  a 
descendre  TAmazono  de  ce  cole,  a  Test  de  la  Cordil- 
Ifere,  quoiqu'on  dit  le  projct  plus  facile  a  r^aliser.  II 
ignorait,  d'ailleurs,  que  M.  de  Caslelnau  eiit  explore 
rUcayali;  il  revinl  a  Tarma,  on  I'cxpedilion  se  frac- 
tionna  le  i"  juillet  1851  :  I'une  qui,  sous  la  direction 
du  lieutenant  Gibbon,  se  dirigea  de  cette  place  sur 
Cuzco,  au  sud-cst,  ainsi  que  nous  I'oxposerons  plus 
lard,  pour  explorer  les  rivieres  du  haut  P^rpu,  et  ulle- 
rieurement  celles  de  la  Bolivie  5  I'aulre,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Herndon  lui-memo  ,  dirigea  sa  route  an 
nord,  du  cote  des  sources  du  Huallaga. 

Le  9  juillet,  ce  dernier  arriva  a  la  petite  ville  de 
Cerro-Pasco,  sise  au  milieu  des  mines  d'argent,  qui 
renferment  de  6  a  16  000  ames,  selon  que  ces  mines 
sont  expioitees  avec  plus  ou  moins  d'activite. 

Un  pen  au  uiidi  est  le  beau  lac  de  Chincliaococha , 
de  20  milles  de  long  sur  environ  6  de  large,  qui  se 
decharge  dans  I'Lcayali  par  la  vallee  d'Oroya. 

Les  mines  de  cette  contr^e,  d^couverles  en  1630, 
ont,  suivant  les  rcnseignenients  pris  par  M.  de  Caslel- 
nau, notre  compalriole,  produit  jusqu'en  18/j9  envi- 
ron /|75  000  000  de  dollai's,  c'esl-a-dire  en  moyenne 
2170  000  dollars  (11501000  fr.). 

Le  15  juillet,  I'expedition  alteignit  le  village  d'Ambo, 
de  1  000  habitants,  siluc  a  la  jonclion  des  rivieres 
Huacar  ct  Huallaga.  C'est  uuc  belle  vallee.  La  s'el^ve 


(  191  ) 

line  des  plus  anciennes  villes  du  Perou ,  Huancuco, 
de  5  000  allies.  Le  Iluallaga  a  deja  liO  yards  (do  36  h 
37  metres)  de  large,  iiiais  dans  la  saison  seclic  il  n'a 
que  6  decimetres  de  profondeur  et  n'ost  pas  navigable. 
La  population  desire  vivement  I'ouverture  de  cette 


navigation. 


A  Tingo-Maria,  c'est-a-dire  a  335  milles  de  Lima, 
le  Huallaga  devient  navigable  pour  des  canots;  mais  ce 
genre  de  communication  fluvialo  n'acquiort  d'iaipor- 
tance  que  bieii  loin  plus  bas,  a  Chasuta,  ou  la  riviere 
atteint  5  pieds  (1",523)  de  profondeur,  n'est  jjlus  en- 
travee  par  des  rapides,  et  reste  constamnient  ouverle 
a  la  navigation. 

L'Ucayali,  autre  affluent  de  I'Amazone  a  Test,  est 
navigable  plus  au  sud ;  mais  le  pays  est  plus  sauvage. 

Chasuta  est  un  village  indien  de  1  200  liabilanls; 
la  population  est  douce  et  ennemie  du  sang;  c'est  le 
port  du  district  de  Tarapoto,  dont  la  ville  renferme 
environ  3  500  habitants,  et  relive  de  Moyobanba,  Dans 
ces  contrees  la  barbarie  commence.  Quoique  le  gou- 
vernement  du  Perou  ait  aboli  I'esclavage,  on  ne  s'y 
fait  pas  scrupule  de  reduire  en  servitude  les  enfants 
des  Indiens,  qu'on  enlfeve  a  leurs  parents,  sous  pr^texte 
de  les  instruire  dans  la  religion  catholique.  On  fit  une 
excursion  sur  le  Mayo,  affluent  du  Huallaga,  du  cote 
du  village  de  Jean-Guerra.  L'auteur  raconte  (p.  165) 
que  deux  dames  se  joignirent  a  la  cavalcade,  compos^e 
de  huit  personnes,  pour  une  partie  de  p6che  formtie 
par  un  ecclesiastique  :  elles  amuserent  la  society  dans 
son  passage  a  Iravers  les  bois;  mais  quoique  accou- 
lume  que  fiil  I'officier  americain,  ))ar  suite  de  ses 
voyages  en  dillerentes  parties  du  monde,  au  sans-gfine 


(  192  ) 

et  ti  la  libcite,  il  liu  un  peu  siirpris  de  voir  ces  Ama- 
zones,  a  leur  arriv^e,  d^poscr  lous  leurs  v^lenients, 
a  I'exceplion  d'un  mouchoir  de  soic  allache  sur  leurs 
handles,  el  se  baigner  dans  la  riviere,  a  unc  distance 
de  36  metres,  a  la  vue  de  tous  les  hommes. 

Le  3  septeinbrc,  I'expddilion  arriva  a  rembouchure 
du  Huallaga  dans  I'Amazone  ou  le  Maranon.  De  Tingo, 
ou  conimence  I'lisage  des  canols,  jusrju'a  Cliasuta,  il  y 
a  325  uiillesde  long;  et  de  Cbasuta,  oil  la  riviere,  ayant 
ail  uioins  1  m6tre  1/2  de  profondcur,  est  peiji^tiicl- 
leraent  navigable,  jusqu'a  son  coiilluent,  285  inilles. 
A  son  embouchure  la  rivifere  passe  subilement  dc  9  a 
fi5  picds  deprofondeur  (43'", 707),  el  arrive  a  une  lar- 
geur  de  350  yards  (Z|39n',800)  ;  TAmazone  en  a  500. 

Ce  qu'on  appelle  I'Aniazone  porle  au  Perou  le  nom 
de  Maranon,  jusqu'a  la  fronliore  brcsilienne;  celui  de 
Solimoens,  jusqu'a  sa  junction  avcc  le  Rio-Negro,  ct 
celui  d'Amazone  jusqu'a  I'Ocean.  II  convient  de  lui 
restitucr  son  nom  le  plus  general  el  le  plus  connu. 
Comine  I'afTluent  du  Maranon  est  plus  etendu,  a 
cause  de  ses  dolours,  que  I'lluallaga,  quoique  sa  source 
au  lac  Lauricocha  ne  soil  pas  plus  meridionale  que 
celle  du  Huallaga,  il  est  de  loule  evidence  que  celui-ci 
ne  peul,  surtout  a  raison  de  la  rarele  de  ses  caux, 
entrcr  en  coniparaison  avec  le  Maranon.  A  leur  jonc- 
tion,  comme  on  I'a  vu,  Ic  Maranon  est  bien  plus  large 
et  plus  profond  ;  il  vienl  de  I'ouest. 

Desormais  la  marche  de  ce  grand  fleuve,  dans  sa 
largeur  silencieuse,  est  sublime.  Les  arbrcs  gigantes- 
ques  qui  s'elevenl  sur  ses  rivos  et  sur  ses  ilos  en 
iinposent  ct  ont  une  grandc  solennite.  Sans  doule,  il 
lui  manque  ce  qui  distingue  le  Mississipi,  les  cultures, 


(   193  ) 

les  cites,  les  navires  a  vapeur;  inais  sa  vue  n'en  est 
pas  moins  IVappanle  poiu"  I'imagination;  ct  les  navi- 
galeurs  qui  ont  vecu  sur  les  solitudes  cle  la  mer  n'en 
6prouvent  pas  moins  cette  emotion  ;  pour  eux  c'est 
un  flcuvc  sans  limite.  Les  ressources  qu'il  ofTre  aux 
echanges  et  au  commerce  sont  incommensurables; 
son  avenii'  (!;blouit;  on  est  au  milieu  des  regions  les 
plus  enchanteresses  qui  soient  sur  la  terre. 

De  ses  monlagnes  on  pent  tirer  I'argent,  le  fer,  le 
cuivre,lecharbon  de  terre, le  mercure,le  zinc  ct  I'etain; 
du  sable  de  ses  affluents,  on  extraira  I'or,  les  dia- 
mants  et  les  pierres  precieuses;  de  ses  forets,  les  re- 
m^des  des  vertus  les  plus  rares,  des  aromates  exquis, 
des  gommes,  des  resines  de  loule  espece ;  du  bois 
des  teintes  les  plus  brillantes.  Son  climat  est  un  ete 
perpeluel  et  ses  moissons  permaiientes.  Ici,  M.  Hern- 
don  rappelle  la  description  qu'en  a  faite  M.  de  Cas- 
telnau,  qui  entredans  le  detail  des  diverses  productions, 
en  Sucre,  caf6,  tabacs,  cacao,  lamarin,  colon,  indigo, 
bananes,  et  tant  d'autres.  La  peche  nourrit  maintenant 
ses  rares  habitants. 

Le  9  septemljre,  I'exp^dition  arriva,  apres  un  trajet 
de  210  milles,  a  Nauta,  village  indien  de  1  000  habi- 
tants, a  I'embouchure  de  I'Llcayali;  on  remonta  celte 
riviere  jusqu'a  Sarayacu,  au  coude  le  plus  rapproche 
du  liuallaga;  Sarayacu  est  une  petite  ville  de  1  000  In- 
diens.  La  population  est  gouvernee  par  des  moines 
franciscains.  Son  climat  est  delicieux  et  Ic  sol  tres 
fertile. 

Le  lieutenant  Hcrndon  avait  le  dessein  de  j)ousser 
la  reconnaissance  derUcayali  jusqu'a  Chanchamayo, 
et  d'examiner  le  cours  du  Pachitoa ,  ce  qui  eut  com- 


(  m  ) 

pl^te  la  descriplion  flu  Pampa  del  Sacramento;  mais 
il  ne  trouva  pas  d'Indiens  pour  le  diriger  dans  co  pays 
ditljcile  et  dangeroux ;  il  a  rccours  a  I'ouvrage  dc 
iM.  de  Caslclnau  pour  decrlre  I'l  cayali  superiour 
(voy.  le  t.  IV  de  noire  voyageur  francais). 

L'offlcior  americain  redescendit  I'Ucayali  en  octo- 
bre.etrevinlaNauta  en  huit  jours,  apr^s  avoir  remonte 
270  milles;  i'Ucayali,  dans  I'inlervalle,  avail  grossi  et 
charriail  des  arbres.  M.  Herndon  reprit  la  descenlc 
de  I'Amazone  jusqu'a  Tabatinga,  limite  du  lerriloirc 
peruvien,  oil  il  arriva  le  A  decembre.  II  y  fut  regu  par 
le  commandant  bresilien.  La  est  un  fort  d'ailleurs  en 
ruines,  n'ayant  qu'unc  garnison  de  '20  soldals  ;  le  gou- 
vernemenl  du  Bresil  a  pense  que  ce  posle  suflisait 
pourlui  assurer  la  souverainel6  de  cescontrees,  quoi- 
que  le  fort  soil  hors  d'6tat  de  disputer  lo  passage  du 
fleuve,  et  que  sa  faible  garnison  soil  sans  eflicacite  sur 
les  immenses  contrecs  qui  s'ctondent  au  nord  el  au 
sud  de  I'Amazone. 

M.  de  Castelnau  (cli.  lvi)  dit  que  ce  fort  pretendu 
n'a  que  deux  pieces  de  canon  en  balterie  au-dessus 
de  la  riviere.  Les  maisons  en  arriore  servent  de  de- 
meiire  a  la  garnison,  d'environ  30  soldats,  comman- 
des  par  un  capitaine,  et  a  c^uol([ues  families  indiennes 
sans  velemenls;  il  y  a  une  cbapelle,  mais  sans  prfitre. 
Les  Indiens  ^laient  peu  sounds. 

Tabalinga  osl  en  face  dc  remboucliure  du  fleuve 
Yavari,  qui  remonte  jusqu'au  S"  degr6  de  latitude  sud 
et  forme  la  limile  du  Perou;  la  population  est  com- 
pos^e  d'Indiens  et  de  quelques  blancs  l)resiliens ;  ellc 
ne  d^passe  pas  200  ames.  M.  de  Castelnau  y  a  passe.  Le 
commandant  bresilien  ne  permit  pas  a  I'officier  am6- 


(  195  ) 

ricain  de  continuer  la  descente  du  fleuve  avec  un  canol 
^Iranger,  el  lui  offrit  le  sien  en  echange,  sous  pre- 
lexle  qu'il  ^taitplus  propre  a  la  navigation  inferieure, 
mais  en  realite,  afin  d'executer  I'absiirde  loi  qui  ne 
permet  pas  aux  batimenls  etrangers  de  naviguer  dans 
CCS  eaux. 

C'est  cette  prohibilion  que  le  gouvernement  des 
l^lats-Unis  a  pour  premier  objet  de  faire  lever,  par 
I'adoption  du  principe  dc  libre  navigation. 

11  n'y  a  point  de  culture  a  Tabatinga,  par  const^- 
quent  point  de  possession  r^elle  du  pays.  Entre  ce 
point  et  rembouchure  de  I'lca  ou  Patumayo,  fleuve 
descendant  de  I'fitat  de  I'l^lquateur,  de  plus  d'un  demi- 
mille  de  large  a  son  confluent,  on  ne  Irouve  que  deux 
postes  bresiliens,  I'un  appel6  San-Paulo,  village  de 
350  Indiens  et  de  30  blancs,  commandes  par  un  lieu- 
tenant, et  le  bameau  de  Matura  ,  compose  de  qualre 
ou  cinq  hultes,  dont  une  seule  est  habitee. 

Enire  ce  fleuve  et  I'embouchure  du  fleuve  Jutay, 
vcnant  du  sud,  sont  trois  autres  postes  bresiliens  : 
1°  San  Antonio  ,  village  de  quatre  ou  cinq  maisons 
et  de  quelques  huttes  indiennes,  ou  il  y  a  un  agent 
bi-6silion;  S'' Tunanlins,  de  200  a  300  Indiens  et  de 
25  blancs,  a  I'emboucbure  d'une  riviere  profonde  de 
18,  24  el  30  pieds;  et  3"  la  factorerie  d'Invira,  servant 
de  station  a  un  shooner  de  Irenle  tonneaux;  mais  il  y 
a  un  commandant  magistral,  avec  des  soldats.  Le 
Jutay,  qui  se  jelte  once  lieu  dansl'Amazone,  est,  dit-on, 
navigable  pendant  540  milles  environ. 

A  60  milles  de  son  emboucbure,  sur  I'Amazone,  est 
Fonteboa,  village  de  250  Indiens  et  de  8  blancs.  — 
36  milles  au   dela,  (,'st  remboucbure  du  Jurua,  large 


(  196  ) 

d'lin  demi-mille,  tandis  que  I'Ainazonc  a  un  luillc  et 
un  quart  (2  kilom.  100  nictr.).  On  dit  que  Ic  Jurua  est 
navigable  pendant  780  niilles  jusque  prcs  du  12«=  dC' 
gr6  de  latitude  mei  idionalc. 

Le  lieutenant  Ilorndon  se  refere  ici  encore  a  I'ou- 
vrage  de  iM.  de  Castelnau. 

A  105  inilles  de  Jurua  est  la  premiere  embouchure 
du  Japura,  qui  se  divise  en  plusieurs  branches  et  court 
du  nord-oucst  au  nord-est,  parallelemont  a  I'Ama- 
zone.  Depuis  sa  sortie  de  I'Etat  de  I'tquateur,  jus- 
qu'au  62'  degre^  de  longitude,  cette  rivi6re  n'est  pas 
connue  :  les  Incliens  qui  habitont  ces  parages  sont 
sauvages  el  cruels,  j)arce  que  le  gouvcrnement  bresi- 
lien  en  a  tolere  la  chasse,  pour  en  faire  des  csclaves. 
A  ce  point  d'einbouchurc,  I'Amazone  prciid  de  4  a 
5  milles  de  large. 

A  rembouchure  du  Telle,  autre  fleuve  (jui  vienl  du 
sud,  est  la  viile  ou  bourg  bresilien,  nonime  Lgas,  ou 
resident  unsubd^leguedugouvernenienl central, chargd 
de  la  police  du  district,  et  un  commandant  militaire; 
ce  bourg  renfeniie  environ  800  habitants  et  8  ou 
10  maisons  de  commerce,  qui  font  (juolques  affaires 
avec  le  Perou  et  avec  Para  du  Br^sil,  outre  le  commerce 
des  produits  de  I'interieur,  qu'ils  obtiennent  des  In- 
diens.  II  est  encore  a  1A50  milles  de  Para. 

Le  3  Janvier  1852,  i'expeclitioii  arriva  a  I'embou- 
chure  de  la  riviere  Purus,  large  de  3/il  de  mille,  que 
M.  Gibbon  croit  6tre  la  Madre-de-Dios ,  prenanl  sa 
source  dans  le  Perou  mc^ridional;  ello  a  70  pieds  do 
profondeur  a  1  mille  au-dessus,  et  96  a  sa  jonclion 
avec  I'Amazone,  qui,  dans  son  cours,  alleinl  jusqu'a 
138  pieds. 


(  197  ) 

L'immense  flenve  du  Rio-Ncgro  venant  clu  nord- 
oucst,  large  de  2  inillcs  a  son  embouchure,  et  le  plus 
grand  de  ses  Iribulaires,  vient  encore  raccroitre ;  la 
profondeur  du  Rio -Negro  est  de  105  pieds.  Le  lerritoire 
qu'il  traverse  a  ele  dernierement  erigd  en  province 
dite  de  I'Amazone.  Le  gouvernement  reside  a  Barra  ; 
mais  c'est  une  charge  pour  le  gouvernement  du  Br^sil. 
On  croil  qu'on  elabliraunedouanc  ;'i  Barra  ;  la  province 
a6000niilles  carres  d'etendue,  et  30000  habitants, 
seulement,  tant  Indians  quo  blancs  :  elle  a  deux  ba- 
taillons,  environ  1  300  liomnies,de  milice  pour  sa  de- 
fense et  pour  assurer  la  Iranquillile  publique  dans  les 
villages;  c'est  la  nne  veritable  occupation.  La  ville  de 
Barra,  qui  devrait  avoir  une  population  considerable 
a  cause  de  son  heureuse  situation,  n'a  encore  que 
3614  habitants  de  condition  libre,    et  234    esclaves. 

Le  Rio -Negro,  oppose  a  la  ville,  est  large  d'un  mille 
etdemi;  c'est  un  tres  beau  fleuve,  navigable  jusqu'au 
Rio-Maraya,  dans  une  distance  dc  25  jours  de  mar- 
che,  ou  environ  400  milles  ;  il  y  a  d^ja  des  communi- 
cations Stabiles  par  canots  entrc  le  haul  du  pays 
et  rOrt^noque  du  Venezuela;  par  le  Rio-Branco,  on 
communique  aussi  avec  la  Guyane  anglaise  el  la  val- 
lee  de  I'Essequibo,  a  I'aide  de  portages,  et  les  mar- 
chandises  de  prix  arrivenl  quclquefois  jusqu'a  Barra. 
L'auteur  donne  les  details  de  ces  deux  voies. 

Le  18  levrier  1852,  rex|)6dition  leva  I'ancre  de 
Barra;  elle  d^passa  I'embouchure  du  Madeira, large  de 
2  milles,  que  dcsccndit  un  pen  plus  tard  I'aulre  par- 
tie  de  I'exp^dilion  dirigee  par  M.  Gibbon.  C'est  du 
cole  du  sud  le  plus  grand  des  Iribulaires  de  I'Ama- 
zone. Mais  il  y  a  des  chutes  nombreuses  qui  ne  per- 


(  li)8) 
nieltent  ])as  de  le  romonter  avec  des  bateaux  i\  vapeur 
jus(jue  dans  la  l]oli\ie. 

L'autcurdecril  ensuite  sonmiairenienl  les  posies  do 
I'Amazone,  Sarpa,  Silves.  Villaiiova,  el  celui  plus  con- 
siderable d'Obidos,  de  500  habitants.  Celui-ci  est  au 
milieu  d'un  district  populeux  d'oiiviron  li  000  ames, 
et  pourvu  d'uuc  belle  eglise  ct  d'un  college;  cc  vil- 
lage est  situe  pres  I'einbouchurc  du  Trouibetas,  af- 
iluenl  du  nord;  ce  fleuve  u'est  navigable  pour  les  gios 
vaisseaux  que  pendant  cinq  ou  six  jours,  et  est  ensuilc 
obslrue  par  des  rochers  et  des  rapides;  il  est  d'aiileurs 
peu  connu. 

L'expedition  passa  ensuite  devant  rembouchure  du 
Tapajos,  large  d'un  mille  et  ilemi;  ce  fleuve  vient  du 
sud,  elparcourl  12  degres  de  latitude:  la  esllaville  de 
Sanlarcm,  a  ZiOOmillesderemboucliure  du  Rio-Negro, 
el  650  milles  de  la  mer.  C'est  la  plus  grandf  de  la  pro- 
vince apresPara;  sa  population  est  de  i  900  ames  de 
condition  libre,  et  de  1  500  a  1  600  enclaves.  La  Trance  y 
entretienl  un  vice-consul.  A  partir  de  ce  point  le  Tapa- 
jos est  navigaljle  |)our  les  vaisseaux  du  i)lus  fort  ton- 
nage jusqu'a  Itailuba,  pendant  200  milles;  ensuite  il 
resle  navigable  pour  les  navires  de  6  a  8  lonneaux. 
Le  Prelo,  un  de  ses  aflluents,  communique  avcc  le 
village  de  Diamanlino,  sis  au  milieu  des  monlagnes  de 
Diamaut;  de  ce  point  qui  I'ormc  le  parlage  des  eaux 
du  sud,  on  se  rend  soil  sur  Ic  fleuve  Paraguay,  soil  a 
Caiaba,  un  des  aflluents  du  Paraguay,  d'ou  Ton  com- 
munique aussi  avec  les  sources  du  Xingu,  qui  se  jette 
dans  TAmazonc  a  Porto  de  Moz,  apr6s  avoir  parcouru 
13  degres  de  latitude. 

L'auleur  nous  donne  le  r6cit  d'un  voyage  fait  sur  le 


(  190  ) 

Tapajos  par  M.  Mangin  tie  Lincour,   jeiine  ingt^nieur 

francais  tJtabli  a  Sanlareni. 

A    mesure    qu'il  s'approche  de    ces  conlrees   bien 

connues,  I'auleur  est  plus  sohre  de  details.  A  Gurupa, 

I'Amazone  a  10  milles  de  large. 

Gurupa  n'a  pourtant  que  300  habitants,  malgr^  une 

position   si  importante,    et   quoiqu'elle   soil   le  siege 

d'un  subd^legu^. 

L'auleur  y  apprit  quelques  details  sur  le  Xingu,  dont 

la  navigation   est  entrav6e  par  des  rapides,  dans  un 

espace  de  quatre  jours,  et  dont  les  bords  sont  inl'esti^s 

de  sauvages. 

A  35  milles  au-dessous  de   Gurupa,    commence  le 

grand  esluaire  de  I'Amazone,   qui  y  forme  une  baie 

immense  de  150  milles  de  large  :  on  pourrait  I'appeler 
baie  des  mille  iles.  Celle  de  Marajo,  la  plus  grande, 

contient  environ  10  000  milles  carr^s,  et  divise  I'Ama- 
zone en  deux  grands  canaux,  donl  le  plus  grand  se 
dirige  du  c6t6  de  Cayenne,  et  I'autre  forme  la  riviere 
du  Para.  L'exploration  d'une  partie  a  6te  faite  par  un 
navire  de  guerre  francais,  la  Boiilonnaise,  commande 
par  M.  de  Montravel;  mais  le  gouvernemenl  br^sllien 
ne  lui  permit  pas  de  remonler  au  dela  d'Obidos. 

L'exp^dilion  am^ricaine  arriva  au  port  de  Para  le 
11  avrill852.  Cette  ville,  fondee  en  1616,  a  80  milles 
de  I'embouchure  du  canal  du  Para,  dans  la  mer,  n'est 
pas  fortifiee.  Vu  la  salubrite  de  son  cllmat  et  les  avan- 
tages  immenses  de  sa  position ;  elle  devrait  renfermer 
plusieurs  ccnlaines  de  mille  habitants;  elle  n'a  en- 
core que  9  300  ames  de  condition  libre,  et  /i  700  es- 
claves.  L'auteur  en  altribue  la  cause  a  la  nonchalance 
desBresiliens  qui  se  renl'ermentdanslef/o/ceyrtr«/ert^e, 


(  200  ) 

el  a  la  devastation  qui  ful  la  suite  de  I'invasion  dcs  es- 
claves  r^voites  en  J8S5:  il  y  peril  do  10  ;'i  12000  i)cr- 
sonnes ;  la  rc^vollo  so  prolongea  pendant  plus  d'une 
annee ;  I'auleur  pense  que  les  causes  qui  ont  amene 
rinsurrcclion  existent  encore,  etque  lesTapuyos  pour- 
raient  de  nouveau  se  soulever  centre  leurs  patrons. 

Le  voyage,  qui  a  dure  pres  d'une  annee,  a  ^veillci 
I'atlention  des  nations  sur  rimporlance  de  la  libre  na- 
vigation de  I'Aniazone  el  de  ses  aflluenls.  Le  gouvcr- 
nement  du  Bresil  a  fait  avec  la  republique  du  P<^rou, 
le  23  octobre  1851,  un  traits  pour  assurer  en  appa- 
rence  aux  deux  Elats  la  reciprocile  d'un  libre  com- 
merce, au  nioyen  de  bateaux  a  vapeur,  dans  le  dessein 
d'aupmenler  la  poj)u!ation  el  de  civillser  les  Iribus  sau- 
vages;  mais  des  le  30  avril  1852,  un  d^cret  de  Tcuipe- 
reur  du  Bresil  a  concede^  ])our  trenle  ans  a  M.  de 
Souza  le  monopole  de  cetle  navigation,  sans  en  rien 
conimuniquer  au  represenlant  du  gouvernemenl  du 
P^rou,  qui  a  protesle  a  cet  egard,  le  20  Janvier  1853. 

En  mfinje  temps,  le  Perou  publia  le  5  avril  un 
d<^cret  ouvrant  le  cours  de  I'Aniazone  ,  sur  son 
territoire  jusqu'a  Nauta,  a  la  libre  navigation  des  na- 
tions etrangeres,  aux  memes  conditions  que  celles 
faites  au  Bresil,  en  1851,  et  disposa  de  sommes  pour 
assurer  lui  in&nie  la  communication  des  divers  <ita- 
blissemenls  cxislant  sur  le  Maranon ,  I'Huallaga  et 
rUcayali. 

La  Bolivic  a  refus^  aussi  au  Briisil  le  monopole 
qu'il  sollicitait  sur  ses  rivieres  comrauniquant  avec 
I'Aniazone. 

Enfin  ,  le  gouvernemenl  du  Paraguay  vient  de  pro- 
clamer  la  libre  navigation  de  ses  fleuves. 


(  201   ) 

II  esl  a  croire  que  les  goiivernemonls  de  I'l^lqualeur, 
tie  la  Nouvelle-GrenacJe,  de  Venezuela,  el  lesGuyanes, 
ne  verront  pas  de  bon  ceil,  cet  ohslacle  apporle  aux 
progi'^s  de  la  navigation,  Les  Ltals-Unis  y  sont  sans 
doute  les  plus  interesses  :  mais  rien  n'empeclierail  les 
puissances,  qui  ont  des  possessions  limitroplies , 
d'occuper  les  territoires  dontle  Bresil  n'est  pas  encore 
en  possession  effective.  Nousremarquonsen  parliculier 
que  le  Bresil  n'a  aucun  poste  elabli  au  dela  d'Aluiei- 
rein  a  remboucliure  de  la  riviere  Puius,  sous  le  52"  de- 
grc  30'  de  longitude  occidentale  de  Greenwich,  et 
qu'ainsi  il  existe  environ  2  degres  de  longitude  et  5  de- 
gres  de  latitude  de  cotes  inoccup^es  a  Test  jusqu'a 
remboucbure  de  I'Oyapoc,  liinite  acluelle  de  la  Guyane 
francaise,  que  dans  les  anciennes  cartes  en  appelait 
Guyane  porlugaise. 

Le  voyage  d'exploration  que  nous  vonons  d'anaiyser 
est  accompagnd!  de  deux  tableaux,  I'un  des  bauteurs 
el  distances  approximalives  depuis  le  Callao  de  Lima 
jusqu'a  Para;  Taulre  est  le  journal  Ires  detaillȤ  des 
observations  meteorologiques,  depuis  le  1""  juillet  1851 
jusqu'au  7  mai  1852. 

On  regrette  que  peu  de  lieux  aient  et6  observes 
en  latitude  et  en  longitude,  Peut-etre  cela  n'etait-il 
pas  encore  n^cessaire  dans  ces  lieux  si  peu  lia- 
bites,  alors  qu'on  suivait  exclusivement  le  cours  des 
eaux. 

En  resume ,  I'exploration  dont  nous  venons  de 
rendre  coniple  est  f(iconde  en  renseignements  de 
loute  nature. 

La  g^ograpbie  doit  s'applaudir  des  progres  qu'elle 

IX.   MARS   ET   AVRIL.   6.  1/j 


(  202  ) 

doil  au  gouvernemeul  americaiu  ,  lelativeinenl  a 
ties  coiilrees  ii  peu  counues,  et  a  des  fleuves  si  consi- 
derables. 

1(3  mars  1855.  Isamb^at. 

Appendice. 

Depuis  la  lecture  de  ce  rapport,  le  departement  de 
la  Marine  a  regu  le  rapport  de  M.  Gibbon. 

11  a  el6  pr^senle  au  gouvernement  aiuericain,  le 
25  Janvier  185Zi;  il  a  kih  public  siiivant  I'usage  au 
nonibre  de  10,000  exemplaires,  par  ordre  du  congr^s, 
en  un  volume  in-S"  a  Wasbinglou,  avec  une  s6rie  con- 
siderable d'observalions  nieteorologiques ,  quatorze 
points  observes  en  latitude  ou  en  longitude,  et  une 
carte  des  principales  bauleurs  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer. 

Une  grande  carte  du  voyage  est  jointe  a  cette  pu- 
blication. II  LSt  lacheux  que  le  lrac6  dcs  monlagms 
n'y  soil  pas;  niais  on  jjeul,  jusqu'a  un  certain  point, 
le  suppleer  par  la  direction  des  coursd'eau.  L'echello 
est  6galement  trop  petite;  cependant  elle  est  plus  grande 
que  celle  de  la  carle  de  la  Bolivie,  publiee  en  1839, 
par  M.  d'Orbigny  :  sans  doute  on  n'a  pu  la  faire  plus 
grande,  a  cause  de  rimniensite  des  pays  qu'elle  ren- 
ferme;  mais  cela.est  h  rcgreller,  parce  qu'on  n'y  suit 
pas  facilement  la  narration  d^laillee  du  voyage  im- 
portant auquel  elle  sert  d'appui ;  I'orlliographe  des 
nonis  y  est  meme  souvent  differente. 

Quoi  qu'il  en  soil,  en  la  comparant  a  ce  que  nous 
avions  deja  sur  le  Perou  et  sur  la  Colombie,  on  voil 
combien  la  geographic  de  ces  contr^es  est  amelioree; 


(  203  ) 

niais  c'est  surloul  le  cours  tie  lo  Madeira  ol  de  son 
affluent,  le  Mamore,  qui  se  troiivent  icclifies. 

Nous  aliens  I'aiialyser. 

On  a  vu  ce  que  iVI.  le  lieutenant  Herndon  a  explort^ : 
c'est  le  cours  de  I'Amazone  depuis  Nauta  jusqu'a  son 
embouchure  a  Para;  c'est  la  riviere  Huallaga,  depuis 
sa  source  jusqu'a  son  e.i-bouchure  dans  I'Amazone, 
sur  le  terriloirc  du  haul  Perou.  C'est  le  cours  de 
rUcayali,  depuis  son  embouchure  dans  I'Amazone  a 
Naula  en  remontant  son  cours  jusqu'a  Carayacu,  dans 
le  Pampa  del  Sacramento,  la  partie  superieure  ayant 
ele  d'aiilcurs  visitee  par  M.  de  Caslelnau  jusqu'a  Cuzco, 
dans  le  has  Perou.  Les  rivieres  intermediaires  enlre 
I'Lcayall  et  le  Madeira  sont  encore  inconnues,  ainsi 
que  la  plupart  des  affluents  de  la  rive  gauche  de  I'Ama- 
zone,  au  nord  et  a  I'ouest. 

La  mission  donnee  par  M.  Herndon  au  lieutenant 
Lardner  Gibbon,  a  Tarma,  le  9juillel  ISSI.etait  d'ex- 
plorer  les  fleuves  qui ,  de  ce  point  au  sud  du  P^rou 
ou  de  la  Bolivie,  dirigent  leurs  eaux  vers  I'Amazone, 
et  de  fixer  le  point  oil  ces  eaux  sont  navigables  :  car  le 
but  des  Etats-Unis  est  de  savoir  comment  la  naviga- 
tion a  la  vapeur  pourrait  6tre  inlroduite  dans  ces 
contrees. 

i\L  Gibbon  n'etait  accompagn^  que  d'un  Americain 
et  d'un  Espagnol,  non  compris  un  metis  et  son  jeune 
fils,  conducteur  des  mules  qui  portaient  le  bagage. 

A  Juajua,  petite  ville  de  2  500  ames,  au  milieu  des 
montagnes,  notre  voyageur  s'est  laiss6  persuader  que 
la  longevit(5  y  atteignait  jusqu'a  centvingt  etcent  Irente 
ans,  quoique  les  jeunesfiUes  m^tiset  espagnoles  soient 
luibiles  a  dix  ans,  et  eni'antent  quelquelbis  des  I'age 


(  204  ) 

de  hnit  ou  neiif  ans.  Mais  ce  fait  incroyable  esl  ck^ruit 
par  iin  passage  ulterieur  relatif  au  Perou  du  siul,  oil 
il  est  dit  (|ue  Ton  ne  Irouve  j)as  iin  soul  octogenaire 
dans  le  pays,  ou  lea  fdles  sont  nuhiles  a  doiizo  ans. 
A  Jiiajua,  il  en  convienl,  il  n'y  a  de  recenseuieni 
d'auciinc  ospece  dans  la  population,  ct  aucun  nioycn 
de  veiifier  celtc  long^vile  pretendtie.  II  ne  resle  que 
des  Iradilions,  connne  on  en  trouve  en  lous  les  pays, 
meme  en  notre  vicilie  Europe,  quoiqu'un  des  psaumes 
de  David,  altribiie  inenie  a  Moise,  fixe  la  dur^e  ordi- 
naire de  la  vie  de  I'lujnime  a  soixanle-dix  ans,  ct 
regarde  I'age  de  (lualrc-vingts  ans  el  an  dela  conime 
tres  exceplionncl. 

Les  caux  de  Juajun  sunt  tribulaires  de  I'Lcayali.  Au 
cenlre  de  lavallee,  il  y  a  les  traces  d'une  ancienne  cite 
anterieure  a  I'etablissemenl  du  christianisaic.  A  Iluan- 
cayo,  on  trouve  des  traces  d'une  civilisation  avancec 
dans  la  forme  des  constructions  el  dans  la  politesse 
des  habitants.  La  ville  de  Huanvelica.  (jui  a  8  000  anjcs 
de  population,  est  capitale  d'un  doparlement  de 
70  000  auies,  dont  un  tiers  est  criSole  ct  les  deux  autres 
Indiens  aborigenes.  Le  pays  est  cel^bre  par  ses 
mines  de  mercure  cxploilees  depuis  1570.  Pendant 
deux  cents  \ingt  ans  jusqu'a  1790,  elles  ont  produit 
1  O/iO  469  quinlaiix  ou  42  294  livrcs  par  an.  Les  com- 
munications avcc  la  mer  entrainent  deja  dix  jours 
pour  les  marchandises  et  six  pour  les  malles. 

Nous  passons  asscz  rapidcment  sur  ce  voyage  a 
travers  le  Perou,  parce  que  ce  pays  est  assez  connu 
et  ouvert  a  toules  les  investigations  des  voyageurs. 

L'auleur  dit  quel'esclavage  africain  existe  dans  cetlc 
partie  du  Perou,  quoiqne  M.  Herndon  nous  ail  appris 


i 


(  205  ) 

qu'il  avait  ete  aboli  par  Je  gouveruement ;  mais,  du 
resle,  les  esclaves  sont  tres  pen  nombreux,  smioul 
dans  les  departements  du  sud. 

M,  Gibbon  arriva,  le  24  aout,  a  Cuzco,  ancionnc  ca- 
pitale  des  Incas,  apres  avoir  Iravers^  le  fameux  pont 
suspendu  enlre  deux  montagnes  sur  I'Apurimac,  un 
des  affluents  de  I'llcayali;  ce  pont  a  20  yards,  plus 
de  18  metres  de  haulcur. 

Apres  un  s6jour  de  trois  semaines  dans  cclte  cite, 
notre  voyageur  quilte  les  pays  civilises  pour  allcr 
explorer  les  sources  de  la  riviere  Madrc-de-Dios,  dans 
le  pays  des  Indiens  Chunchos,  alors  en  liostilile  avec 
le  Perou.  Tel  elait,  en  eil'et,  I'un  des  principaux  objets 
de  sa  mission,  mais  arrive  a  la  jonclion  des  rivieres 
Pinlpini,  Tone,  Cosnipata  et  Rio-Gueros,  qui  forment 
le  fleuve  Madre-de-Dios  (i'Aniara-Mayu,  ou  le  Serpent 
selon  les  Indiens),  large  en  eel  endroit  de  70  yards 
(64  met.  environ),  ct  innavigable  encore,  il  fut  con- 
vaincu  qu'il  etait  impossible  d'aller  plus  avant  de  ce 
c6t4,  parce  que  les  Chinchos,  qui  avaienl  massacre  les 
missionnaires,  etaient  Irop  sauvages,  et  le  pays  trop 
desert  el  trop  depourvu  de  ressources.  Du  reste,  il  est 
demeure  convaincu  que  le  Madre-de-Dios  n'est  autre 
que  la  partie  supi^rleure  du  Purus,  I'un  des  plus  grands 
affluents  de  I'Araazone,  donl  clle  est  separee  par  une 
distance  de  735  milles  (1 183  kilom.). 

II  deplore  que  ce  debouche  ne  soil  pas  ouvert  aux 
productions  du  pays  el  du  deparlement  de  Cuzco , 
ainsi  qu'aux  riches  mines  de  Carabaya.  —  Ce  ne  serait 
qu'un  voyage  de  dix-liuil  jours  pour  les  bateaux  a 
vapeur,  en  supposant  qu'il  n'y  ait  pas  de  rapides  ou 
de  chutes,  ce  dont  il  n'a  pu  s'assurer,  tandis  que  par 


(  '200  ) 

]e  cap  Horn,  le  commerce  est  oblige  de  depenser  cent 
vingt  jours  pour  commuuiquer  avec  Cuzco.  La  gommc 
elaslique  [India  Uuhbei),  on  caoutchouc,  lui  a  paru 
J'article  le  plus  iinjiortant  d'exportalion. 

Le  P^rou  n'a  oncore  que  2  000  000  d'hahitants, 
malgre  la  beauto  de  son  climat,  a  cause  dcs  guerres 
civiles  donl  il  a  ete  agile  :  I'espril  de  la  population  est 
re^olutionnairo,  quoique  bigot.  II  y  a  des  resles  dcs 
supeislilions  de  la  religion  dcs  Incas,  et  beaucoup  de 
couvonls.  Les  Fran^ais  sont  les  plus  populaircs  parmi 
les  strangers. 

L'auteur  repril  sa  route  vers  le  sud  le  28  oclobre; 
il  passa  le  long  dn  beau  lac  do  Titicaca,  et  enlra,  le 
7  novembre,  dans  la  ville  de  la  Paz  snr  le  territoire  de 
la  Bdlivie  :  c'est  la  inetropole  commercialc  dn  cetle 
republiquc,  dent  le  territoire  penetre  tres  profonde- 
ment  dans  I'interieur  de  i'Am^rique  et  n'a  qu'un  port 
sur  le  Pacifique. 

La  ville  est  situee  sur  une  poiiio  riviere,  affluent  du 
Beni,  laquelle  n'est  qu'en  parlie  navigable.  Le  Beni 
lui-memc  est  un  des  grands  trlbutaires  du  Madeira. 
Le  bassin  de  ces  affluents  est,  selon  restimation  de 
M.  Gii)bon,  aussi  grand  que  celui  du  Nil,  plus  large 
que  celui  du  Danube  ou  du  Gange. 

Cetle  capilale,  de  /iSOOOames,  a  un  Ihealre,  un 
iDusee,une  blijliollieque ,  di^s  rues  bien  pavees,  de 
belles  Fontaines,  un  peuplo  bospitalier,  et  un  certain 
nombre  d'etrangors.  Les  lomnies,  que  l'auteur  trouve 
cbarmantes,  vennient  de  recevoir  et  d'accueillir  de 
nouveaux  cbapeaux  fran^ais,  landis  que  I'armeo  aussi 
avail  re9u  de  Paris  de  nouveaux  uniformes. 

L'esclavagc  a  et^  aboli  dans  ce  pays  par  la  rinquiemc 


(  207  ) 

Constitution  de  septembie  1851.  lln  membro  du 
congres,  Ires  populaire  et  tres  eclaire,  proposa  de 
declarer  la  liberty  des  cultes;  inais  il  se  trouva  seul 
de  cette  opinion:  les  eveques,  lesprelres  et  I'lilglise  de 
Bolivie,  ainsi  que  Ips  deux  petils  journaux  de  la  Paz, 
s'^lev^rent  contre  lui.  On  agita  la  question  de  savoir 
si  ce  senateur  patriote  ag(^  et  ^prouve  etail  un  hoinme 
Hbre.  Selon  le  cinquieme  article  de  la  Constitution,  la 
religion  apostoliqiie  romaine  est  la  religion  de  la  Bo- 
livie;  son  culte  est  exclusivement  protege;  cependant 
la  lil)ert6  de  conscience  est  reconnue.  Les  Indiens 
n'ont  aucune  part  au  gouvernement. 

Les  mines  du  Potosl  sont  maintenant  un  apanage 
de  la  Bolivie.  Sa  capilale  n'a  que  16  700  de  popula- 
tion :  son  territoire  est  appele  le  Cerro-diPasco.  Elle 
est  pres  de  la  source  du  Patumayo,  I'un  des  plus  grands 
affluents  du  Paraguay,  qui  n'est  pas  navigable  pour 
les  bateaux  ^  vapeur  dans  la  Bolivie,  et  ne  le  devient 
que  dans  la  confederation  Argentine.  Potosi  a  un 
hotel  des  monnaies,  ou  Ton  a  frappe,  en  18Zi9,  pour 
1  000  600  dollars. 

Mais  le  produit  des  deux  melaux  a  ^te,  en  1806, 
de  21186Zi60  dollars,  et,  en  18A6,  il  etait  encore  a 
9  789  660. 

Notre  voyageur  ne  se  rendlt  pas  a  Potosi,  mais  a 
Cochambamba,  dans  la  province  de  Bolivie  a  Test, 
qui  renferme  une  population  de  231  000  Creoles  et 
de  64  000  Indiens ;  la  capilale  a  30  000  et  plus  de 
population. 

Ayanl  appris  que  le  president  de  la  republique, 
Belzu,  avec  les  trois  ministres  composant  le  gouverne- 
ment de  la  Bolivie,  s'titail  rendu  de  Sucre,  capilale. 


(  208  ) 

cle  cet  filat,  a  (loclial)amba ,  M.  Gibbon  lui  demandu 
line  audience,  pour  solliciler,  au  nom  dos  Llals-Unis, 
une  route  plus  directe  que  celle  du  cap  Horn.  Le  prti- 
sidenl  lui  repondit  que  la  Bolivie  etail  eiicoie  dans 
I'cnfance,  et  qu'il  sorait  (Micbant6  de  s'allier  avcc  les 
Elals-Unis  parce  que  les  deux  nations  sont  americaines. 

Le  lieutenant  Gibbon  n'^lant  pas  un  agent  diplo- 
matique, ne  pouvait  que  r^clamer  dos  facilites  pour 
son  exploration,  et  c'esl  ce  qu'il  obtint  (22  dec.  1851). 

En  ce  moment  le  minislre  du  Bresil  avail  conclu 
avec  le  Perou  le  traite  dont  nous  avons  parle,  et  il 
travaillail  a  obtenir  de  la  Bolivie  la  navigation  exclu- 
sive pour  le  Bresil  des  rivieres  parcourant  les  vastcs 
contrees  de  la  Bolivie.  — Plus  loin  I'auleur  parle  d'une 
note  remise  au  president  Belzu  par  un  envoye  extraor- 
dinaire du  Bresil,  pour  la  concession  de  la  navigation 
exclusive  du  Madeira  et  aulres  affluents  de  I'Amazone. 
Cette  note  fut  combattue  par  deux  porsonnages,  qui 
representerent  qu'il  serait  plus  avantageux  de  traitcr 
avec  une  compagnie  qui  s'obligerait  a  inlroduire  dans 
la  r^publiquc  les  aits  mecaniques,  les  machines  et 
instruments  proprcs  a  favoriser  I'agriculture  et  I'ex- 
ploilation  des  mines.  Le  pr<5sident  6tait  d'ailleurs 
favorable  a  I'ouverlure  do  la  navigation  libre  au  com- 
merce des  Elats-Lnis.  Le  minislre  bresilien  repondit 
que  d^ja  les  Iitats-Unis  s'etaient  fait  c^der  un  large 
territoire  par  le  gouvernement  de  Mexico,  et  que  c'etait 
un  acheminemenl  pour  cux  de  s'etablir  dans  I'Ame- 
rique  meridionale.  Au  rcste,  ce  mini&tre,  n'ayant  pas 
et6  re^u  dans  son  caraclere  oHiciel,  dcmanda  scs  passe- 
ports  el  se  retira.  Les  opinions  etaienl  divis(ies  aCocha- 
bamba:  quelques-uns  disaient   qu'il    serait  sage  de 


{  209  ) 

declarer  les  villos  siluees  surles  branches  du  Madeira, 
porls  francs  pour  Ic  commerce  du  monde ;  les  aulres 
voiilaient  qu'on  menageat  le  Bresil,  afin  de  faire  par- 
venir  plus  facilcment  les  produits  de  I'exportation  a 
I'Allantique.  Lesmarchands  de  Cochabamba  employe- 
rent  leur  influence  pour  encourager  tout  acle  tendant 
a  favoriser  le  droit  de  passage  a  travers  le  territoire  du 
Bresil  jusqu'a  I'Ocean. 

Du  resle,  M.  Gibbon  oblint  du  niinislre  ordinaire  du 
Bresil,  des  passe-ports  et  des  rccomraandalions  pour 
le  gouverneur  de  Mata-Grosso. 

Notre  voyageur  passa  dans  la  Bolivie  I'hiver  de  1851 
a  1852,  et  no  parlit  de  Cochabamba  qu'au  mois  de 
mai,  apr^s  avoir  fait,  le  28  avril,  une  courle  excursion 
au  lac  Vara-Vara. 

La  Bolivie  n'a  qu'une  population  de  1  000  500ames, 
dont  plus  de  la  mollis  est  indienne  ;  il  n'y  a  que  quatre 
journaux :  son  gouvernement  est  d'ailleurs  regulier  et 
en  relation  avec  I'Europe.  II  est  fort  accessible  aux 
etrangers. 

II  y  a  des  manages  nombreux  a  Cochabamba,  ou 
le  sexe,  d'ailleurs  plus  beau  que  dans  le  reste  du  pays, 
est  quintuple  de  la  population  masculine.  Les  filles 
sont  nubiles  a  douze  ans,  et  Ton  ne  connait  pas  de 
vieillard  plus  qu'octogenaire;  de  1826  al851,  la  popu- 
lation a  augmente  d'un  tiers. 

En  sorlant  de  celle  ville,  notre  voyageur  Iraversa  la 
Mamore  appelec  acet  endroil Rio-Grande,  parcequ'elle 
a  d^ja  150  yards  (137  metres)  de  large;  elle  se  dirige 
au  sud  et  fait  un  Ires  long  detour. 

M.  Gibbon  quitta  la  riviere  pour  longer  le  Paracti 
non  encore  navigable.  On  elait  deja  dans  le  d6sert, 


(  210  ) 
jiarnii  les  Indiens  Yaracares  a  deml  civilisds.  Arrive  i 
Vinchiiln,   il  y  troma   ce   qu'on  appelle  lo   port,   ou 
commence    la   navip;alion  en   canots ,   cl  ou  il  y  a  six 
liangarHs  et  iin  agenl  du  goiiverneinent. 

La  riviere  grossie  par  des  alTluenls  prcnd  ici  le  nom 
do  Chapare  ;  elle  esl  large  de  iOO  yards  el  profonde  do 
12  piods  (3"»,65c)).  Dt^sorniais  noire  voyageur  a  quilte 
la  terre,  el  descend  en  canot  les  rivieres,  dans  la 
direction  du  sud  au  nord.  Les  terres  de  cos  contrives 
sonl  ferliles.  Le  gouvernement  les  offre  a  tout  prix  aux 
citoyens  el  m^me  aux  etrangers;  mais  il  y  a  peu  d'c^mi-  ' 
grants,  et  encore  moins  d'acheleurs. 

Le  Cliapor(5  fait  ensuite  sa  jonction  avec  le  Mamord, 
fjiii,  apres  avoir  fail  un  immense  dtitour  a  Test,  a  par- 
lir  de  sa  source  pres  de  Cochabamba,  pour  arroser 
Santa-Crux,  capitale  d'un  deparlomenl  de  la  Bolivio, 
revient  au  nord-ouesl ;  la,  ce  fleuve  a  30  pieds  (9",l/il) 
de  profondeur,  ot  /jOO  yards  (SGo^.GOO)  de  largeur. 
La  villo  de  Trinidad  qu'elle  arrose,  est  peuplee  de 
plus  de  3  000  ames;  c'csl  Ic  chef-lieu  d'un  ddparte- 
ment;  elle  n'a  que  20  soldats  de  milice  el  5  officiers 
de  garnison  ;  elle  esl  batie  avec  des  rues  a  angles  droits. 
La  popnialion  du  dd|iarteraenl  n'ost  que  de  30  000  In- 
diens Mojos,  souniis,  et  d'un  petit  norabre  de  Creoles; 
panni  eiix,  il  est  a  peine  7  000  contribuahles  pour  les 
depenses  du  gouvernemenl.  C'est  un  lieu  d'exil  pour 
los  lepris  de  justice. 

Le  voyage  vers  I'Amazonc  devienl,  a  ce  point,  Ires 
difficile,  parce  que  la  po|)ulation  diminue,  et  quo  les 
rives  du  fleuve  sonl  visitees  par  des  sauvages  redoutes  ; 
surtout  prfes  des  chutes  ou  rapides  qui  entravent  la 
navigation.   Les  canots  longs  cl  elroils  des   Mojos  ne 


(  211  ) 

sont  plus  suffisants,  et  presentent  par  cette  longueur 
meine,  dans  les  chutes,  le  danger  d'y  6tre  brises ; 
on  les  remplace  par  des  barques  plus  courtes ;  les 
Mojos  ne  voulaieiitpas  d'ailleurs  s'engagerau  dela  des 
rapides. 

Le  plus  grand  coinmerce  de  ce  pays  est  en  sel.  La 
population  est  devoree  par  la  petite  v^role  :  pendant 
le  court  sejour  de  M.  Gibbon  a  Trinidad,  il  perit 
100  personnes  de  cette  maladie. 

Le  19  aout,  le  Ihermometre  donnait  80  degres  Fah- 
renheit a  I'air  (26°, 07  centigr.)  et  dans  I'eau  7S  de- 
gres (25°, 56  centigr.).  Stir  cette  partie  du  fleuve,  on 
compte  jusqu'a  18  especes  de  poissons. 

Notre  voyageur  arriva  le  5  septembre,  a  I'embou- 
chure  de  I'ltenez,  dans  la  Mamore  :  c'est  a  Test  la  li- 
mito  de  la  Bolivio  et  du  Bresil.  L'ltenez  varie  de 
ZiOO  a  600  yards  (365  a  5^8  met.)  de  large;  il  traverse 
un  pays  plat  et  bien  bois^  :  la  chaleur  s'elevait  jus- 
qu'a 30  degres  centigrades;  ses  bords  sont  visiles  par 
des  tigres,  el  inondes  de  inoustiques.  M.  Gibbon  re- 
monta  l'ltenez  jusqu'au  fort  du  prince  de  Beira,  d^- 
fendu  seulemenl  par  liO  soldats  noirs.  II  depend  du 
gouvernement  br^silien  de  Mato-G rosso,  auparavant 
Villa-Bella,  dont  il  est  <^loigne  d'lin  mois  do  route. 
IN'est-il  pas  prodigieiix  que  le  Bresil  ait  etendu  sa  do- 
mination si  loin,  et  surtout  qu'il  aitpouss^  encore  plus 
a  I'ouest  des  posies  jusqu'aux  limites  du  haul  P^rou,  a 
Tabalinga,  a  I'embouchure  de  I'Yavari  ?  Ces  contrees 
sont  compl^lement  d^sertes  et  encore  inconnues;  il 
est  bien  desirable  qu'on  remonte  le  cnnrs  entier  de 
ryavari. 

Au  fort  de  Beira,  notre  voyageur  hesita  s'il  se  ren- 


(  ^il2  ) 

drait  par  tcire  a  Rio-Janeiro,  nialgre  la  distance,  uu 
s'il  rejoindrait  les  sources  du  Paraguay  pour  rcnlror 
dans  I'Atlanlique.  I.e  motif  de  celle  hesilalion  elait 
la  crainle  de  ne  pas  Irouvcr  d'embarcalions  capables 
de  franchir  les  nombreuscs  cbules  du  Mamor^  tt  ilu 
Madeira.  Mais  un  n6gociant  de  Para,  qui  avail  remonte 
CCS  fleuves  en  faisant  dc  nombreux  portages,  lui  ccda 
une  de  ses  enibarcalions,  et  il  put  recruter  assez  de  bras 
pour  la  manceuvrer  dans  les  endroits  perilleux.  II  re- 
desccndit  done  I'ltenez  el  ronlra  dans  le  Mainor^  le 
17  soptcmbre.  Les  deux  rives  paraissent  propres  a  la 
culture,  mais  sent  liabitees  par  des  Iribus  sauvages.  Les 
n^gres  de  I'cscorte  trouv^rent  une  grande  quanlite  de 
noisettes  dont  ils  se  nourrissent,  ainsi  que  les  Indicns; 
ces  negres  sont  de  pauvres  pecheurs,  tandis  que  les 
Indiens  trouvent  dans  la  peche  leur  existence  la  plus 
assuree. 

A  mesure  qu'on  descendait,  le  fleuve  s'dlargissait 
jusqu'a  un  demi-mille  (800  met,)  et  s'approfondissait 
de  24  a  48  pieds.  Mais,  le  20  scptembre,  on  arriva  aux 
premieres  chutes.  Le  lleuve  est  encombr^  d'iles  et  dc 
vochers  :  ils  rendent  la  navigation  a  la  vapeur  impos- 
sible, et  la  contrec  est  absolument  deserte.  On  eut  de 
plus  a  sc  metlre  en  garde  conlre  les  sauvages,  qui 
caus^rent  plusieurs  alertes,  et  centre  les  tigres. 

A  la  cinquieme  chute  se  fait  la  junction  du  Beni  el 
du  Mamore,  ce  qui  desorraais  constitue  un  seui  fleuve 
du  nom  de  Madeira.  La,  sur  la  rive  gauche  se  lermine 
aussi  le  territoire  deBolivie.  Au  nord,  a  Touest  comnie 
a  Test,  est  I'empire  interminable  et  ficlif  duBresil ;  car 
on  n'y  trouve  aucun  etablissement;  c'esl  le  ddscrt  le 
plus  absolu  ;  cl  nous  ne  doulons  pas  que  quiconque  s'y 


(  213  ) 
(^lablirail  n'endcvinl  leigitime  proprietaire  el  souverain. 
Nous  concevons  que  la  Bolivie  ou  le  Perou  n'en  aient 
point  I'ait  I'occujialion :  ils  ont  deja  assez  do  deserts  a 
peupler  avant  d'y  songer. 

A  1 'embouchure  des  deux  rivieres,  il  y  a  une  nappe 
d'eau  de  600  yards  environ  (558™, /lOO);  un  peu  plus 
has,  le  Madeira  est  large  de  1  niille  ou  1  600  metres. 

En  18/|6,  I'exploration  du  cours  inferieur  a  ele  laite 
par  J. -Aug.  Palacios,  gouverneur  du  departenienl  bo- 
livien  de  Mojos,  jusqu'au-dessons  des  chutes  du  Ma- 
deira ;  et  la  carte  qu'il  on  a  publiee  est  reniarquable- 
ment  correctc.  Mais  la  parlie  superieure  du  Beni  est 
encore  inconnue  a  I'Europe;  on  sail  seulement  que 
ce  fleuve  est  obstrue  par  des  chutes  qui  en  rendent  la 
navigation  impossible  pour  les  bateaux  a  vapeur. 

Le  Madeira  coule  d^sormais  a  travers  la  province 
bresilienne  de  Pailiti;  mais  celte  province  est  inha- 
l)itee. 

Cette  rivifere  est  deja  cel^bre  par  ses  nombreuses 
chutes  qui  sont,  en  general,  de  15  pieds  environ.  L'au- 
tour,  dans  une  gravure  expressive,  indique  les  proce- 
d(^s  par  lesquels  les  n^gres  et  autres  gens  de  I'embar- 
cation,  soitdu  hautdes  rochers,  soil  au  milieu  des  flots, 
parvinrentalaconduire  a  travers  un  chenal  tres  dange- 
reux.  Pendantcette  operation  loujours  difficile,  a  cause 
de  I'ignorance  ou  Ton  est  de  la  profondeur  des  eaux  et 
du  sol  qu'elles  creusent,  on  est  loujours  oblige  de 
faire  le  guet  centre  les  attaques  des  sauvages.  Si  la  ci- 
vilisation avail  amene  des  populations  sur  ces  rivages, 
les  perils  diminueraient  sensiblemenl.  On  parvien- 
drait  avec  la  poudre  acanon  a fairc  sauter  les  rochers 
caches  sous  I'eau,  el  a  tracer  de  nouveaux  passages. 


(  21A  ) 

En  allcndanl,  et  coiuine  on  coniple  jusqu'a  tlix-sept 
chutes  dans  un  espace  de  240  niilles  (386kilom('Mres), 
qui  couta  douze  jours  de  penibles  iravaux  a  I'eujl^ar- 
cation,  il  serail  preferable  de  tracer  une  route  de  lerre 
qui,  en  dpargnaiil  los  detours  du  fleuve,  ne  serail  que 
de  180  uiilles  (290  kilometres),  depuis  San-Antonio, 
terme  septentrional  des  chutes,  et  la  parlie  navigable 
du  Mamor6. 

Ces  parages  sont  habiles  par  des  Indiens  enli6re- 
ment  nus  et  sauvages,  niais  faciles  a  contenir,  noinmes 
les  Carapunas.  Les  parlies  de  Test  paraissent  les 
plus  fertiles  surlout  en  gonunes  elastiques,  noisettes  et 
cacao. 

A  San-Antonio  dune  la  navigation  a  vapeur  aurait 
son  terme.  A  Tile  Tamandua,  enlre  le  8'  el  le  9' degr6 
de  latitude,  M.  Gibbon  rencontra  une  centaine  de 
Bresiliens  venanl  de  I'Amazone  pour  reicoUer  les  sub- 
stances propres  a  faire  de  I'hujle.  On  avail  depasse  les 
pays  sauvages,  et  Ton  rentrait  en  communication  avcc 
la  civilisation.  Mais  cet  ollicier  fut  alleiiit  d'une  forte 
li^vre.Le  4  oclobre,  en  descendant  toujours  le  fleuve, 
on  eprouvait  une  chalcur  de  88  degres  Fahrenheit 
(31", 11  centigr.)  a  I'air,  et  I'cau  avail  eile-meme 
30°, 56  centigr.  La  largcur  du  Madeira  variail  de  600 
a  1  000  yards,  el  Ton  n'atteignait  j)as  sa  profondeur 
a  45  metres. 

Plus  bas,  les  Indiens  p6cheurs  etaient  convenable- 
ment  velus. 

A  Rosania-de-Crato,  on  irouva  un  posle  bresilien. 
Le  pays  a  Touesl  est  une  inmiense  prairie,  qui  pour- 
rail  uourrir  de  vastes  troupeaux. 

A  Poito-de-Malaura,  par  le  6*  degr6  de  latitude,  se 


(  215  ) 

Irouve  un  autre  posle  bresilien  ou  il  faut  exhiber  ses 
passe-ports.  Les  fruits  et  les  melons  du  pays  sont  d'une 
grande  beaute;  la  chaleur,  dans  cette  airiere-saison, 
6tait  encore  de  96  degres  Fahrenheit  (35°, 5t)  cenligr.), 
et  la  largeur  du  fleuve  de  plus  d'un  mille  (1  kilom. 
600  met.). 

Eiifin  I'expddition  arriva  a  la  \ille  ou  plutot  an 
village  de  Borha,  le  111  oclobre  1852.  II  n'y  a  la  que 
300  habitants,  et  ce  sont  principalement  des  negres. 
On  sail  que  I'esclavage  n'est  pas  aboli  au  Bresil.  Les 
Creoles  sont  tres  indolents,  et  le  commerce  insigni- 
fiani.  La  riviere  est  assez  profonde  pour  recevoir  des 
vaisseaux. 

Au-dessous  de  Borba,  on  entre  du  Madeira  dans 
I'Amazone  ;  a  son  embouchure,  le  fleuve  issu  de  la  Bo- 
livie  est  divise  en  deux  canaux,  celuide  I'ouesl,  profond 
de  78  pieds  (24  m^t.)  et  large  de  600  yards  (368  met.); 
le  canal  de  Test  a  3/i  de  mille  (environ  1200  met.). 

De  San-Antonio,  ou  des  dernieres  chutes  du  Madeira 
a  celte  embouchure,  il  y  a  500  milles  (800  kilom.)  de 
navigation  libre.  N'esl-cu  pas  d^ja  une  belle  conqu6le 
a  faire  au  prolit  de  la  civilisation?  Le  fleuve  est  prali- 
cable  en  loules  saisons  pour  un  navire  qui  tire  6  pieds 
(l"',S2Zi).  On  peut  se  rendre  des  Etats-Lnis  aux  chutes 
de  San-Antonio  en  trente  jours.  Qu'esl-ce  qu'un  voyage 
aussi  court,  si  les  profits  du  commerce  en  couvraient 
la  dei)ense?  La  valeur  de  ce  commerce,  a  I'egard  du 
Perou  meridional  et  de  la  Bolivie,  est  deja  evaluee  a 
10  000  000  de  dollars  ( 51  500  000  fr.) . 

On  sait  par  les  voyages  de  M.  de  Caslelnau  qu'a 
Test  du  Madeira  sont  encore  deux  grands  affluents  de 
I'Amazone  non  explores,  le  Tapajos  et  le  Xingu.  Noire 


(216  ) 

compatriote  a  liii-nifeine  parcoiiru  les  bords  des  deux 
aflluciils  du  fleuvc  des  Tocanlins,  qui  se  jetle  dans 
I'Aniazonc  pr6s  de  la  ville  br^silienne  de  Para,  el 
pul)lie  des  relations  des  contr^cs  qu'ils  traversent,  avec 
Gojaz,  chef-lieu  d'une  province  inlerieure  du  Bresil. 

11  resle  encore  beaucoup  a  faire  au  sud  de  rAmazone, 
puisqne  entrc  le  Madeira  et  le  Yacari  se  Irouvent 
d'immenses  rivieres  non  explorees,  le  Purus,  le  Tefl'e, 
le  Jurua,  le  Julay  et  I'Yavari,  liniite  imaginaire  des 
possessions  du  Bresil  a  I'ouest. 

Puisse  la  perseverance  des  vovageurs  et  des  gouvor- 
ncnienls  couibler  ces  lacunes  de  la  g(^ograpbie  !  Puisse 
surtoul  le  gouvernement  imperial  du  Bresil  accorder 
aux  voeux  des  puissances  et  du  coinuiercc  la  libre 
navigation  de  tous  ces  fleuves !  C'esl  peut-elre  le  plus 
silr  nioyen  pour  lui  d'y  conserver  une  souverainele 
jusqu'a  present  ephem^re  et  puremenl  nominale. 


{  217  ) 
iVoiivcllefS  et  coniiiiunieaiioiis. 


EXTRAIT  DE  DEUX  LETTRES  DE  M.  LE  COMTE  D  ESCAYRAC 
A  M.  JOMARD. 

Le  Caire,   5  fevrier  1 855. 

Dans  une  note  sur  la  canalisalion  tic  rislhme  cle 
Suez,  publiee  dans  le  numero  de  decenibre  (185Zi), 
M.  Tremaiix  exj)rinic  la  ciainle  que  les  Iravaux  de 
canalisation  ne  soient  rendus  fort  difficiles  par  la 
nature  d'un  sol  consislant  en  dunes  et  sables  niou- 
vants.  Je  m'empiesse  de  rassurer  acet  egard  la  Society 
de  g(^ograpliie,  et  le  voyageur  distingue  que  je  vieiis  de 
nommer.  Le  sal)le  qui  forme  la  partie  de  Tisthnic  de 
Suez,  que  suivra  le  canal,  est  si  ferine  que  les  derniers 
voyageurs,  MM.  de  Lesseps,  Linant-Bey,  Mougel-Bey, 
Ahas,  y  ont  relrouv^  partout  les  traces  des  divers  cam- 
pements  de  M.  Bourdalouc,  en  18^7,  et  de  Linanl- 
Bey  en  1853.  Sur  la  route  du  Caire  a  Suez,  trac«5c 
sur  le  meme  sol,  on  n'observe  aucun  niouvement  de 
sable,  et  les  sables  provenant  des  travaux  effectuc^s  sur 
cetle  route  et  amasses  sur  ses  deux  coles,  ne  s'eboulent 
point  par  I'effet  du  vent. 

De  Suez  au  bassin  des  lacs  amers,  il  n'y  a  point  de 
dunes;  du  bassin  des  lacs  amers  a  la  Medilerranee , 
il  y  en  a  quelques-unes ;  mais  le  canal  ne  les  traverse 
point  et  ne  les  longe  pas;  il  passe  a  une  grande  dis- 
tance a  I'ouest  de  ces  dunes,  qui,  poussees  paries  vents 
du  nord-ouest,  gagnentdansle  sud-esl.  L'ancien  canal 
partait  du  Nil;  s'il  a  ele  souvent  envase,  cela  liont  a  ce 

IX.    MA  us   ET    AVRH..   7.  15 


(  218  ) 

qu'il  n'elait  envahi  par  les  eaux  que  pendant  une 
parliodel'annee,  ets'il  a  616  abandonn^,  c'est  en  raison 
de  motifs  poliliques  qui  n'existent  point  de  nos  jours. 
Aucun  obstacle  serieux  ne  s'oppose  done  au  perce- 
ment  de  I'islbrae  de  Suez;  celle  ceuvre  tloit  elre  palron- 
nee  par  toules  les  nations  soucieuses  de  leur  gloire  et 
de  leurs  intt^rels,  et  il  y  a  lout  lieu  d'esp^rer  que  les 
travaux  du  perceuient  commenceront  bientot. 

Je  m'occupe  en  ce  mouienl  a  recueillir  des  vocabu- 
laires  galla,  nubien  ,  fourien,  etc.  Je  prcndrai  niille 
mots  de  cbaque  langue  et  des  pbrases;  je  t'erai  de  plus 
conjuguer  et  d^cliner  par  mes  informateurs,  afin  de 
pouvoir  presenter  la  grainmaire. 

J'emploie  un  syst^me  de  transcription  imaging  par 
moi  et  que  j'aurai  I'bonneur  de  vous  souniettre  ulle- 
rieurement :  j'ai  commence  par  le  galla  :  jc  posside 
troisesclavesde  cette  nation,  ce  qui  facilite  mon  travail. 

J'entreprendrai  prochainement  le  nubien,  puis  le 
fourien  ;  pour  cette  langue  je  ferai  chercher  a  el  Azliar 
des  eludiants  du  Darfour.  Je  vous  serai  infinimcnt 
oblige  de  m'ecrire  ce  qui  existe  sur  ces  langues,...  etc. 

C"  d'Escayrac  de  Laiture. 


^TUDES    ETHNOGRAPHIQUES    DE    M.    VALERIC. 

L  n  arlisle  des  plus  distingu^s,  M.  V.  Valerio,  qui  s'est 
consacr6  depuis  plusieurs  ann6es  a  des  Eludes  elhno- 
grapbiques,  au  point  de  vue  des  types  de  figure  el  des 
caracteres  pbysiquesde  race,  est  de  retour  d'un  voyage 
qu'il  avait  enlrcpris  sur  le  Danube.  M.  Valerio  s'dlait 
(leja  fait  coimailre  par  deux  explorations  de  la  Hon- 


(  210  ) 

grie.  FrappL'  <lii  grand  nomljrc  d'habilants  dc  raors 
divorses  qui  se  Irouvenl  r6iinis  siir  le  sol  do  ce 
rovaiinio.  il  forma  le  projet  d't^tudier,  en  artisle- 
elbnologiie,  ces  populations;  et  hravant  les  difficultos 
de  toLile  espece  qui  s'attachaient  a  I'exploration  d'un 
pays  fumant  encore  de  la  guerre  civile  et  place  sous 
le  rt'gime  de  I'elat  de  siege  le  plus  rigourcux,  il  couriit 
de  cabane  en  cabanp,  de  camp  en  camp  pourpeindre 
les  typ^s  les  plus  saillants  qui  s'oil'riraient  a  lui.  C'est 
ainsi  qu'il  a  rapporle  en  France  une  collection  d'aqua- 
relles  et  de  dessins  qui  ont  fail  I'admiralion  de  lous 
les  connaisseurs.  Ces  magnifiques  ported  uilles  qui  ont 
produit  cbez  ccux  qu'il  a  admis  a  les  examiner,  une 
veritable  sensation,  ont  fourni  a  leur  autour  le  fond 
d'une  publication  elbnograpbique  gravee  a  I'eau-forte, 
mais  qui,  malgre  son  merite,  ne  saurait  donner  I'idee 
de  la  perfection  des  originaux. 

Celte  fois,  M.  Valerio,  qui  a  appris  a  ne  pas  s'eflrayer 
des  epreuves  et  des  dangers  de  tout  genre,  a  pousse 
son  exploration  plus  loin.  Songeantque  I'armee  turque 
avail  rcuni  sur  les  bords  du  Danube  les  populations 
desconlr^es  les  plus  eloignees.il  entreprit  d'aller  otu- 
dier  sur  le  Ibealre  de  la  guerre  ce  cui'ieux  assemblage 
de  races  massees  par  I'empire  ottoman  contre  son 
ennemi  du  Nord.  Le  gouvernement  francais  voulut 
s'associer  a  I'ex^cution  d'un  projet  que  le  merite  per- 
sonnel de  son  auteur  garantissait  devoir  elre  men6 
a  bonne  fin,  donna  une  mission  sp^ciale  a  M.  Valerio, 
et  c'est  sous  les  auspices  de  S.  M.  I'Empereur  qu'il 
s'est  rendu,  Veti  dernier,  par  Vienne,  en  Servie,  en 
Valachie,  dans  la  Dobroutscha. 

Les  aquarelles  el  les  dessins  que  M.  Valerio  a  rap- 


(  2-20  ) 

port^s  de  son  voyage,  ne  sont  pas  moins  remarquables 
que  ceux  dc  son  exploialion  en  Ilongrie.  Admis  h  voir 
ces  portofeuillcs,  j'v  ai  reliouvo  loiiles  k'S  qualites  qui 
in'avaienl  seduil,  comine  bien  d'aulros,  dans  scs  pre- 
codentes  eludes.  Jamais,  avanl  M.  Valerio,  arlisle  iic 
s'elait  attache  a  reproduire  avec  aulant  de  verity  les 
moindres  details  des  traits,  de  la  physionomie.du  cos- 
tume d'une  race  ou  d'une  population.  II  n'y  a  pas 
de  description  qui  puisse  valoir  pour  Tellinologisle  cetle 
reproduction  si  fiddle  et  si  saisissanle  des  types  d'une 
nation  ou  d'une  race.  M.  \  alerio  a  pris  soin  de  clioisir 
des  individus  des  contrees  Ics  plus  c^loigneesqu'il  avail 
retrouvees  surloul  dans  Ic  corps  des  Bachi-Bozouks  : 
des  nej^rcs  venus  de  la  haute  l!-gy}>le  et  que  rosclavage 
V  avail  conduits  de  1  interieur  de  I'Afriquc;  des  Kurdes, 
des  Egypliens,  des  Arahes,  des  Turcs,  des  Grecs,  des 
Albanais.  En  face  de  ces  irreguliers,  iM.  Valerio  a  des- 
sine  ou  peint  des  Serbes  et  des  Valaques  des  deux 
sexes.  II  a  retrouve  aussi ,  en  Valachie,  ces  Zingaris 
ou  Bohemiens  dont  il  avail  fait  en  Hongrie  de  si  deli- 
cieuscs  aquarelles.  Ce  qui  m'a  frappe  dans  ces  portraits, 
la  plupart  en  pied  et  auxquels  le  costume  national 
<lonne  encore  un  cachet  plus  remarquable  de  v(^rile, 
ce  sonl  les  caract^res  bien  tranches  des  diff^rentes 
races.  Le  Serbe  a  une  physionomie  a  pari,  qui  se  rap- 
proche  d'un  cote  du  type  de  quclques  cantons  slaves 
de  I'ancien  archiduche  d'Aulriche,  el  de  Tautre  du 
type  poloriais.  En  Valachie,  surloul  chez  les  femmes, 
la  physionomie  rappelle  celle  des  Russes.  Les  Kurdes 
n'ont  rien  de  commun  dans  les  trails  avec  les  Arabes 
el  les  Turcs  ;  la  forme  du  nez  est  chez  eux  caracteris- 
lique.  Enfin  les  Albanais  ne  se  distinguent  gu^re  en 


(  221  ) 

realite  cles  Grecs,  dont  ils  ne  sont  qu'une  variete.  Ce  fait, 
en  desaccord  avec  certaines  theories  qu'on  avait  pro- 
diiites,  ressorl  avec  evidence  des  temoignages  de  visit. 
L'absence  de  femmes  rend  lualheureusement  pour 
les  races  que  M.  Valerio  a  rencontrees  dans  I'armee 
turque,  ces  etudes  moins  completes  que  celles  qu'il 
avait  entreprises  en  Hongrie.  Mais  il  faut  reconnaitre 
par  contre  qu'il  avait  a  vaincre  des  difficulles  nouvelles. 
Les  pr^juges  d'un  grand  nombre  d'individus  apparte- 
nant  a  I'armee  irreguliere  ottomane  s'opposaient  a  ce 
qu'ils  se  laissassent  peindre;  la  foi  musulmane  inter- 
disant  les  porlrails.  De  plus  unc  affreuse  epidemic, 
le  typhus,  s6vissait  sur  les  bords  du  Danube  quand 
M.  Valerio  les  visita,  et  I'incurie  el  la  maiproprele  de 
ces  populations  ajoutaient  a  la  contagion.  Ces  Bachi- 
Bozouks,  qui  ne  connaissent  que  leur  chef,  ignorent 
pour  la  plupart  le  turc  et  vivent  dans  un  etat  de  bar- 
baric cosmopolite,  ont  sans  doute  un  vif  int(^r6t  pour 
le  savant  et  I'artiste,  mais  sont  un  juste  sujet  d'effroi 
pour  ceux  qu'ils  viennent  prol^ger.  La  science  doit 
done  une  veritable  reconnaissance  a  rarlisle  distingue 
qui,  au  milieu  de  lant  d'obstacles,  a  mis  un  rare  talent 
au  service  de  relhnologie,  Dans  un  travail,  redige  il  y 
a  plus  de  deux  ans  (1),  j'avais  oppele  I'attention  des  amis 
de  cette  science  sur  I'utiliti!!  qu'il  y  aurait  a  recueillir 
les  portraits  fideles  des  individus  types  des  diverses 
races  ,  pour  chaque  contree  et  chaque  population, 
M.  Valerio  avait  de  son  c6t6  con^u  la  meme  idee,  mais 


(l)  Voyez  Questions  relatives  a  I'ethnoloyie  ancienne  de  la  France, 
dans  I'Annuaire  de  la  Societe  imperials  des  aiitiquaires  de  France, 
pour  I'annee  i853,  p,  194  et  suiv. 


(  '222  ) 

ce  qui  est  inniiiinent  plus  important,  il  I'a  r^alis^e. 
Nous  appelons  de  loutes  nos  forces  le  moment  ou  ce 
courageux  voyageur  pourra  publier  convenableinent 
le  rc^ullat  dc  ses  truis  explorations.  Le  goiivernement 
frangais,  en  palronnanl  une  paroille  publication  que 
scul  peut-filre  il  a  les  moyens  tie  faire  reussir,  paie- 
riiil  un  noble  tribut  a  la  science  et  h  I'art.  Nous  appre- 
nons  quo  plusinurs  des  de.ssins  de  M.  Valeric  figure- 
ronl  a  Texposition  universclle.  J'invite  lous  les  amis 
dc  rethnologie  ;'i  aller  les  voir  et  a  les  dtudier. 

Alfred  Maurt. 


CARTE  DE  LA  COlltE  (1). 

La  geographic  dc  la  Coree,  riche  royaume,  soumis 
ux  Chiuois  coinme  Iributaire  seulement,  el  gou- 
vcrn6  par  des  princes  hereditaires  indej)endanls,  est 
encore  imparfaitement  conniie  ,  el  les  carles  don- 
n6es  sur  ce  pays  sont  loin  d'etre  satisfaisantes.  G'esl 
pourqiioi  la  Soci«^l6  a  juge  a  pro|)os  de  publier 
une  carle  que  vient  de  rapporler,  de  la  Chine,  M.  de 
Monlignv,  el  qui  est  deposee  a  la  Bibliotheque  imp^- 
riale.  La  division  des  provinces,  marquee  sur  celte 
carle,  difl'^re  do  celle  qu'on  trouve  mentionn^e 
ailleurs  ;  la  nomenclature  y  est  plus  riche  et  les  details 
V  sont  plus  nombreux;  mais  malheureusemenl  les 
nionlagnes  n'y  sont  pas  ex|)rimees.  Le  vrai  nom  de  la 
capilale,  Jniaii^,  ou  Seoul,  dans  la  province  do  Kieng- 
kei-to,  manque  dans  les  trailes  de  geographic,  el  les 
noms  des  luiit  provinces  sont  un  peu  dillerenls,  no- 


a 


(i)  Voyez,  Jnns  le  Bulletin  de  Janvier -fevrier,  celte   carte  de  la 
(joree,  <|ui  a  etc  reiluile  a  l.i  tiiuilic  dc  rorij;iii<il. 


(  223  ) 

taminent  celui  de  la  province  du  sud-est,  Kiein'-satiL' 
ou  Kieng-sang-to ,  appelee  ailleurs  Kin-chan.  II  est 
vrai  que  les  noms  des  provinces,  tels  que  les  donne  la 
grande  Encyclopedie  japonaise,  comme  on  le  verra 
lout  a  I'heure,  sont  aussi  bien  dilTerents.  Enfin,  il 
senible  qu'on  ait  un  peu  exag^re  la  longueur  de  cej^ays 
en  lui  donnant  deux  cents  lieues  du  nord  au  sud. 

La  temperature  de  la  Coree  est  tr^s  differente  au 
nord  et  au  sud;  les  montagnes  se  couvrent  do  neige  ; 
on  ignore  leur  hauteur  absolue.  L'agricullure  y  est 
florissante,  ainsi  que  le  commerce  avecle  Japon  et  avec 
la  Chine.  Le  port  de  Nangasaki  n'est  pas  tres  6loign6 
de  la  province  du  sud-est. 

On  compte  dans  le  pays  plus  de  IGO  villes ;  mais 
la  population  parait  avoir  et6  exageree  dans  les  des- 
criptions. Les  habitants  ont  adople  la  religion,  les 
mcEurs,  la  langue  et  I'ecriture  de  la  Chine,  mais  ils 
ont  un  idiome  a  part.  La  Coree  est  fermee  aux  tHran- 
gers;  tout  etranger  qui  aborde  a  la  cote  devient  esclaye 
par  ce  seul  fait. 

II  a  fallu  se  bornerici  a  donner  une  echelle  approxi- 
mative a  cetle  carte  reduite,  c'est-a-dire  I'echelle  de 
1  a  1  963  000*  (1),  en  prenanl  pour  base  la  carte  qui  est 
dans  I'allas  de  M.  de  Siebold. 

La  partie  nord  de  la  Coree,  produite  a  la  meme 
Echelle  que  le  reste,  aurait  fait  sortir  la  carte  des  limites 
ordinaires  du  Bulletin:  on  a  6t6  oJjlige  de  la  reduirc  au 
tiers  de  I'echelle  de  la  premiere  partie  :  un  Irait  inlique 
la  ligne  de  jonction  des  deux  parties;  le  peu  de  noms 

(l)  L'echelle  lie  la  carle  inserce  au  Bulletin  lie  jaiivier-teviier  a 
ete  iiidiquce  par  eireur  comme  etant  tie  i  .-981  5oo;  ceUe  proprortioii 
est  celletle  rdchelle  de  la  carte  originate  ct  non  cellc  de  la  reduction. 


(  224  ) 

inscrils  sur  cellc  du  nord  pcrmeltait  cette  reduction. 

Les  niols  notd  el  siul  ont  616  places  commc  dans 
1 'original,  niais  il  ne  faudrait  pas  rcgarder  coninie  un 
meridien  la  ligne  qui  joindrait  ces  deux  mots. 

11  nous  a  semble  qu'on  ne  pouvait  niieux  donner 
dc  I'interfit  a  la  carle  apportde  par  M.  de  Montigny, 
qu'en  empruntanl  quelqucs  trails  de  la  description  de 
la  Cor6e  a  la  grande  Encyclopedie  jopnnnise ;  c'est  pour- 
quoi  nous  avons  eu  recours  a  un  jeune  savant  qui 
s'occupe  du  japonais  (et  qui  est  sur  le  point  de  publicr 
un  diclionnaire  de  cette  langue),  M.  L6on  de  Rosny, 
pour  faire  un  extrait  de  cet  ouvrage  peu  connu  ;  il  a 
bien  voulu  faire  eel  exlrait :  c'est  la  note  qu'on  va  lirej 
nous  avons  seulemenl  cle  forces  de  supprimer  les 
caracteres  orientaux,  qui  auraienl  prouvd  I'exactitude 
de  la  Iranscriplion  des  noras  en  caracl6res  europeens. 

«  La  Coree  est  appelee,  par  les  Chinois,  Tchao-sien, 
c'est-a-dire  I'lilegnnce  du  matin,  cl,  par  les  Japonais, 
Tcho-sen.  Les  indigenes  oux-meuies  dans  Icur  langue 
natale  appellonl  la  Coree  Tcho-seu.  (Juanl  au  mot  Coree, 
il  simble  assurement  venir  des  mots  kao-li  (japonais 
korai,  qui  signifient  la  haute  elegance,  expression  adop- 
tee en  Cliine  et  au  Japon ,  pour  designer  la  Coree). 

»  Dans  I'ouvrage  sinico-japonais  intitule  :  San  kok- 
dzou-ran  ,  c'est-a-dire  Considerations  sur  les  trots 
royaumes,  se  Irouve  une  belle  carle  de  la  Coree,  r6di- 
gee  en  chinois  et  japonais,  cl  sur  laqucile  figurent 
meme  quelques  groupes  coreens,  destines  a  indiqucr 
les  quatre  points  cardinaux  :  clle  a  pour  litre  chinois, 
Tchao-sicn  pa-tuo  tchi  sou,  c'est-a-dii  e  Carte  des  knit 
provinces  de  la  Coree.    Elle  a  el6  publi^e  a  Myako,  la 


(  225  ) 

cinqiiieme  ann^e  de  la  p^riode  leu-niee  (r^pondant 
a  1785)  a  I'autorane. 

))  Voici  les  noms  des  huit  provinces,  d'apr^s  la  pro- 
nonciation  transcrite  en  caract^res  japonais  : 

1.  Ter-ra-lai. 

2.  Keg-chak-tai. 

3.  Tchig-chag-tai. 

h,  Ken-ki-tai,  province  ou  se  Irouve  situee  la  capitale 
(Aing-sse). 

5.  Ka-an-tai. 

6.  Ba-l'ai-lai. 

7.  Fami-kyan-tai. 

8.  Be-an-tai. 

»  La  capilale  de  la  Coree  (King-su)  silu6e,  d'apr^s 
cetle  carte,  dans  la  province  Ken-ki-tai,  a  quatre 
portes  principales  qui  portent  chacune  le  nom  de 
I'un  des  quatre  points  cardinaux,  la  porte  du  nord 
[pak-mou],  la  porte  de  Test  (to-mou),  etc. 

»  Line  des  principales  iles  dependant  geographique- 
menl  de  la  Cor^e,  est  situee  a  Test  et  porte  le  nom  de 
Yak-lien-to. Eile  forme  un  rojaume,  appel6  le  Royaume 
des  mille  montagnes.  Sen-  (Chen)  san-kok  (des  mon- 
tagnes  innombrables).  Le  mont  le  plus  6lev6  est  ap- 
pal e  ho  (lake  (pr.  jap.). 

»  Dc  la  Cor^e  a  I'lle  de  Tsouchima,  qui  est  Tile 
japonaise  la  plus  rapprochee  de  la  presqu'ile  de  la 
Coree,  il  faut  compter  AS  ri  (lieues  japoiiaises)  de  tra- 
versee.  De  I'ile  de  Tsouchima  a  I'ile  d'Iki,  il  y  a  encore 
/|8  ri  de  dislance  (par  mer)  ;  enfin  de  cette  derni^re 
lie  a  Firando  (Fi-ra-do)  il  y  a  30  ri. 

»  La  Coree  est  separec  de  la  Chine  par  une  large 
riviere  appel^o  Oriyok-gava  (ou  mieux  Oryok-gavaj. 


(  226  ) 

All  noid-OLiusl  de  la  Coree  comuience  la  grando  iiiu- 
raille  de  la  Chine,  au  nord  de  laquelle  est  silu6e  le 
pays  des  Orankai. 

))  Ij'iiisloire  de  la  Coree  commence  par  une  suile 
de  Iraditions  m) ihologiques  au  milieu  desquelles  ap- 
parait  un  liumme  surnalurcl  appel6  Tan-kiun,  c'esl- 
a-diro  le  prince  de  I'arbre  Ian  (santal)  qui  ful  irouve 
sous  un  arbre  de  santal  par  les  indigenes  primitifs  do 
la  Coi'^e,  qui  en  firent  kur  roi. 

»  Au  commencement  de  noire  fere,  la  Coree  dtait 
di\isfee  en  irois  royaumes  qui  porlaient  les  noms  de 
Faksai,  Suria?  el  Korai,  ce  (jui  composail  les  san-kan 
ou  trois-kcin.  Apres  plusieurs  revolutions  el  apres  avoir 
^te  successivemenl  sous  le  joug  du  Japon  et  de  I'em- 
pire  Chinois,  la  Coree  est  enfin  devenue  colonic  Iribu- 
taire  de  ce  dernier  pays,  bien  qu'ayanl  neamnoins  un 
roi  particulier. 

»  Lne  des  plus  curieuseshistoires  de  laCor^e,  parmi 
celles  qui  sont  parvenues  jusqu'a  nous,  est  le  Tsyo- 
sen  mono  gatari ,  dent  quelques  fragments  ont  fetfe 
publics  dans  le  Aippon  de  M.  von  Siebold,  La  grande 
encyclopedie  japonai&e,  It  a-kau-san-sat-dzuu  ye,  ren- 
I'erme  6galemenl,  a  deux  cndroits  difl"6rcnts,  des 
articles  sur  la  Coree.  » 

JOMARD. 

ISotci.  Dans  la  carte  apporl^e  par  M.  de  .Moiiligny, 
I'une  des  provinces  orientales  porte  le  nom  de  Kang- 
guen-to;  c'est  sans  doule  Kiang-yuen-to  qu'il  aurail 
fallu  ecrire. 

Pour  la  rectilication  de  I'echelle  de  la  carte,  voycz 
la  note  de  la  page  223. 


(  227  ) 
NOUVELLES  DIVERSES. 

NOUVEIXE    PUBLICATION    DU    LIEUTENANT    F.     MAURY. 

M.  le  lieutenant  F.  Maury,  de  la  marine  nationale 
(les  I^tats-Unis,  vient  de  publier  sous  le  titre  de  The 
Physical  geography  of  the  Sea  (Geographie  physique  de 
la  iner),  un  ouvrage  plain  d'inleret  renfermant  une 
exposition  systeniatique  des  travaux  importanls  qu'il 
poursuit  depuis  longtemps  sur  la  marche  et  la  distri- 
bution des  vents  et  des  courants.  C'est  en  quelque 
soite  le  lexte  de  la  belle  carte  qu'il  a  fait  paraitre,  il  y 
a  quelques  annees,  el  qui  est  I'une  des  lentatives  les 
plus  heureuses  qui  aient  encore  ete  faites  pour  tirer 
la  meleorologie  maritime  du  chaos  dans  lequel  elle  a 
ete  jusqu'a  present  plongee. 


NAVIGATION    DE    L  AMAZONE. 

Don  Manuel  Ijurra,  gouverneur  d'une  des  provinces 
du  Perou,  baignee  par  le  fleuve  des  Amazones,  vienl 
d'accoinplir  en  Irenle  jours  le  voyage  de  Nauta  a  New- 
York.  Embarqut^  sur  un  steamer  dans  cetle  premiere 
\ille,  qui  est  situee  au  pied  des  Andes  peruviennes  et 
que  sa  position  ravissante  rend  un  des  lieux  les  plus 
delicieux  de  I'Am^riquc,  il  est  arriv^  en  quatorze  jours 
a  Para,  apr^s  avoir  passe  six  jours  en  relache  duranl 
cette  navigation;  en  quinze  jours  il  etait  rendu  aiix 
fitats-Lnis. 

11  scmblo  done  que  Nauta  soit  appele  a  jouer  un 
role  important  dans  les  progr^s  que  le  commerce   ne 


(  228  ) 

tardera  pasafairedansrAiueriquedii  bud.Si.rcpon  l;int 
aux  inl^rels  de  la  civilisation,  le  Bresil  accorde  le  libre 
droit  de  navigalion  sur  TAnQazone,  Ic  fleuve  deviendra 
pour  le  continent  meridional  ce  qu'esl  le  Mississipi 
pour  le  continent  septentrional,  et  son  parcoiirs  jour- 
nalier  achevcra  de  nous  ouvrir  le  inognifique  pays 
qui  I'entoure. 


MORT    DE    M.    J.    D^SAUGIERS. 

La  Society  de  gcographie  a  perdu,  le  28  avril  dernier, 
I'un  de  ses  membrcs  les  plus  dislingues  et  dont  le  noni 
elait  fait  pour  I'honorer  davanlage.  M.  Jules  Desau- 
giers,  ancien  conseiller  d'Etat,  ancien  directeur  des 
affaires  coinmerciales  au  ministere  des  affaires  6tran- 
geres,  officier  de  la  Lt^gion  d'honneur,  commandeur 
de  I'ordre  du  Lion  neerlandais,  est  mort  a  Paris  dans 
sa  soixante-dix-neuvieine  annee. 

M.  J.  Desaugiers  6tait  I'un  des  veterans  de  la  diplo- 
matic IVanQaise.  En  1793,  n'etant  point  encore  age 
de  dix-sept  ans,  il  parlit  a  la  suite  du  niinislre  pUni- 
polentiaire  Grouvelle ,  pour  Copenliague,  ou  il  ne 
tarda  pas  a  etre  attache,  ainsi  que  son  frere  aine,  en 
qualite  de  secretaire  de  legation.  11  garda  cette  posi- 
tion jusqu'en  18H,  epoque  a  laquelle  il  fut  envoys  a 
la  cour  de  Sclmerin,  en  qualite  de  charge  d'affaires. 
Sous  la  restauralion ,  il  occupa  successivement  les 
posies  de  consul  general  a  Dantzick,  Kcenigsberg  et 
Amsterdam.  Apres  I'etablissement  de  la  monarchic 
constitutionnelle  de  1830,  il  fut  appelc  a  la  direction 
(les  affaires  commerciales  au  minisl^re  des  affaires 
elrangeres,  poste  qu'il  occupa  jusqu'en  18/11. 


(  -229  ) 

Dans  ces  emplois  iniporlants,  M.  J.  Desaugiors,  que 
la  surveillance  de  nos  inlerets  commerciaux  exterieurs 
appelail  a  s'occuper  de  geographic,  ne  perdit  aucune 
occasion  d'ea  suivre  les  efforts  et  d'en  hater  les  progres. 
II  voulut  nifime  faire  passer  dans  noire  langue  I'un  des 
ouvrages  qui  ont  jele  le  plus  de  jour  sur  la  gdographie 
ancienne,  en  traduisanl  le  livre  de  Heeren,  intitule: 
Idees  siir  les  relations  poHtiques  et  commerciales  des  nn- 
ciens  peuples  (Paris,  1800,  1820,  3  vol.  in-8'),  traduc- 
tion qui  est  nialheureusement  demeur^e  incomplete. 

M.  J.  Desaugiers  qui  Irouvait  dans  ses  deuxfr^res  (1) 
des  examples  d'un  penchant  heureux  et  decide  pour 
les  lettres  et  qui  le  partageait,  sut  encore  le  fortifier 
dans  le  commerce  d'liommes  distingues  ;  ami  de 
Niebuhr,  de  Letronne,  de  Clarac,  il  puisa  pr^s  d'eux 
le  gout  des  lettres  savantes,  mais  se  horna  a  les 
cultiver  modestement  et  sans  hruil.  Doue  d'un  sens 
lilleraire  fin  et  delicat  qu'il  devait  a  une  forte  educa- 
tion classique,  il  avail  un  grand  charme  dans  la  conver- 
sation. Sa  bienveillance,  son  enjoueraent  ajoutaicnt 
encore  a  ce  que  son  m^rite  avail  de  consciencieux  el 
de  solide.  11  emporte  dans  la  lombe  les  regrets  de 
tous  ceux  qui  ont  ete  assez  heureux  pour  le  connaltre 
et  I'apprecier. 

La  Soci6l6  de  geographie,  qui  lo  comptait  depuis 
longlemps  parmi  ses  membres,  I'inscrira  au  nombre 
de  ceux  dont  la  memoire  lui  est  le  plus  chere. 

Alfred  Maury. 

(l)  M.  Aug.  Des.'.ugiers,  connu  par  des  compositions  dramaliques, 
et  Desaugiers,  le  celebre  chansonnier  et  vauJevilliste. 


(  230  ) 

RXTRAITS  DES  PROCES-VEHBAUX  DES  Sr^AN(:ES. 


Seance  da  2  mars  1855. 

M.  le  g^n^ral  Daumas,  direcleur  des  affaires  de 
lAlgerie,  adiesse  a  la  Socicte  sa  carle  du  Saliara  alg»'^- 
rien,  sa  Notice  sur  lo  cliauieau  d'Afrique  cl  plusieurs 
exeniplaires  de  V yllmanach  algerien;  il  exj)rimc  It?  vceu 
que  la  Sociele  puisse  tiouver  quelque  inl^rdt  a  cos 
publicatiuiis.  M.  le  general  Daumas  ajoule  (ju'ii  serait 
lieureux  que  la  Sociele  vtl  dans  cet  envoi  uue  preiive 
de  son  desir  de  concourir  a  ses  Iravaux,  el  de  son  em- 
pressement  a  se  niellre,  dans  toule  circonslance,  k  sa 
tlisposilion. 

M.  J.  Perthes,  de  Gotha  ,  adresse  a  la  Soci^l6  la 
J"  livraison  de  I'atlas  des  Ktals  prussiens,  de  Stieler, 
el  la  1"  livraison  de  la  carle  geo^nostique  du  Thiirin- 
ger-Wald  ,  de  Credner.  M.  Joniard  annonce  a  celte 
occasion  que  les  tiavaux  de  I'elablissemcnl  ^eogra- 
phique  de  M.  Perthes,  diriges  par  M.  Augustus  Peler- 
mann,  doivenl  ligurer  honorablenienl  a  la  prochaine 
exposition  universelle. 

M.  Jomard  donne  lecture  d'une  lellre  de  M.  le  comle 
d'Escayrac  de  Lauture,  niembre  de  la  Sociele,  dat6e 
du  Caire  le  25  Janvier,  renfermant  des  nouvcllcs  de 
deux  voyageurs  partis  pour  le  fleuvelilanc,  M.  Vayssi^re 
el  M.  Heuglin,  consul  d'Autriche  a  Khartoum,  avec 
des  observations  sur  une  carte  du  pays  silu6  au  nord 
de  I'Abyssinie,  par  MM.  Vayssi^re  el  Malzac,  el  donl  il 


(  231  ) 

a  6le  fait  hommage  a  la  Sociole  dans  sa  precedente 
stance.  La  nieme  letlre  contient  des  obseivalions  sur 
les  iiffluents  du  Nil  decouverts  par  M.  Brun  ,  sur  le 
nouveau  projet  de  canal  niariliuie  a  travers  I'isthme 
de  Suez,  et  sur  I'^tat  actuel  du  Darfour  d'apr^s  le  doc- 
teur  Cuny.  Enfin  M.  le  comto  d'Escayrac  annonce 
I'envoi  d'un  travail  dont  il  s'occupe  pour  le  Bulletin; 
c'est  une  fitude  sor  I'influence  que  le  canal  des  deux 
mers  exercera  sur  le  niouvement  commercial  du  bassin 
de  la  mer  Rouge  el,  en  particulier,  sur  celui  du  Belad- 
el-Soudan. 

Le  secretaire  donne  lecture  de  la  lisle  des  ouvrages 
oflPerts  a  la  Societe. 

MM.  Jomard  et  d'Avozac  presenlenl,  en  outre,  le 
premier,  la  relation  d'un  voyage  au  lac  Ngami,  par 
M.  Andersson  (voy.  ci-dessus,  p.  1A9),  et  le  second, 
la  Iroisieme  edition  de  I'exposition  du  systesne  des 
venls,  par  M.  le  capitaine  de  vaisseau  Lartigue. 

La  Commission  centrale  prononce  I'admission  de 
MM.  Ernest  Desjardins  et  Victor  Gu£rin  ,  present^s  a 
la  derniere  seance  par  MM.  Guigniaut  el  Jomard. 

Les  memes  membres  proposent,  comme  candidats, 
M.  Henri  de  Brossard,  attache  a  la  direction  des  atlaires 
de  I'Algerie,  M.  Nicolas  Dally,  ancien  prolesseur  a 
I'atlienee  royal  de  Bruxelles,  et  M.  Hebert,  notaire 
honoraire  a  Paris. 

La  Commission  centrale  precede  a  la  reelection  des 
commissaires  du  concours  au  Prix  d'Orlcans  et  elle 
nomnie  MM.  Jomard,  Isambert  et  De  la  Roquette. 

La  section  de  comptabilile  soumet  a  la  Commission 
centrale  le  budget  de  1855;  il  est  adopte  apr^s  quel- 
ques  observations  sur  les  mesures  a  prendre  pour  la 


(  23-2  ) 

venle  des  carles  exlraites   dii   Bulletin  de  la   Soci^l6. 

La  Commission  du  Prix  annuel  fait  connaltre  vor- 
balement  les  conclusions  de  son  rapport  sur  ce  con- 
cours.  La  grando  ni^daille  d'or  sera  decernee  a  M.  le 
capitaine  Mac-Clure  pour  sa  decouvcrte  du  passage 
nord-ouest,  et  M.  Ic  capilaine  Inglefield  recevra  une 
medaille  d'argent  pour  ses  d^couvertes  dans  les  menies 
regions. 

M.  Jomard  esquisse  de  memoire,  sur  le  tableau 
noir,  la  carte  mt^ldorologique  de  la  France,  telle  que 
M.  Leverrier,  directeur  de  I'Observaloire,  I'a  produile 
la  seniaine  derniere,  devant  rAcademio  des  sciences. 
Celte  carte  ropresenlait  I'elal  de  I'atniosphere  dans 
loule  la  France  pour  le  jour  meiiie  ou  il  en  faisait 
I'expose  ct  parlout  a  la  menie  heure,  c'est-;'i-dire  a 
dix  heures  du  malin,  d'apres  les  renseignemenls  Irans- 
mis  au  moyen  du  lelegraphe  eleclrique.  A  mesure 
que  les  reponses  aux  questions  arrivaient  a  I'Obser- 
valoire, on  tragait  sur  la  carte,  conlree  par  conlree, 
la  direction  des  vents;  on  notail  I'etat  nuageux  ou 
clair  du  ciel,  I'indicalion  de  la  pluie  ou  de  la  neige, 
enfin  loutes  les  circonslances  atmospb^riqucs,  absolu- 
ment  diff^renles  aux  extr^miles  opposees  du  terrltoire, 
a  ce  point  que  la  difference  entre  la  temperature  du 
nord  et  celle  du  raidi  allait  a  28  degres  centigrades. 

Le  mSme  membre  commence  la  lecture  d'un  me- 
moire de  M.  le  comle  d'Escayrac,  sur  I'ballucination 
du  desert,  appel^e  ragl  par  les  Arabes,  pb^nom^ne 
qui  se  produit  chez  les  voyageurs  a  la  suite  de  veilles 
prolong^es.  (Voy.  ci-dessus,  p.  121. J 


(   233   ) 

Seaiice  tin  16   iiinrs  1855. 

M.  le  sccrt^taire  de  la  Society  royale  de  Loiidres 
remercie  la  Socielo  de  i'einoi  de  son  Bidletiii,  et  liii 
adrcsse  le  volume  deses  transactions  pour  I'annee  1854. 

M,  le  secretaire  de  la  Socii^le  royale  d'Edinibourg 
adresse  egalement  la  suite  de  ses  transactions. 

M.  Daussy  depose  sur  le  bureau,  de  la  part  de 
M.  Penlland ,  la  carle  des  decouverles  dans  les  mors 
Arctiques  jusqu'en  185/i,  et  qui  est  offerte  a  la  Soci^to 
par  I'amiraute  anglaise. 

M.  Joniard  fait  remarquer,  a  I'occasion  de  cette 
pr(^senlation,  qu'en  offrant  cette  mfime  carte  a  i'Aca- 
demie  des  sciences,  M.  Pentland  a  donne  d'interes- 
sanls  details  sur  le  facsimile  d'une  carte  d'Andrea 
Bianco,  de  1/136,  tiree  d'un  atlas  du  meme  auteur,  et 
que  public  M.  lo  comte  Miniscalchi  dans  un  ouvrage 
special  destine  a  exposer  les  connaissances  des  Vt^ni- 
tiens  sur  les  conlries  du  nord  de  I'Europe.  II  rappelle 
qu'il  avait  consulte  enl8/i0,  pendant  son  voyage  a 
Venise,  ce  curieux  alias,  conserve  a  la  Bibliotheque 
de  Saint-Marc,  et  qu'il  en  a  rapport^  des  extraits,  qu'un 
ami  du  comte  Miniscalchi,  le  Podesta  de  Verone,  M.  le 
comte  Orti  Manara,  a  bien  voulu  completer.  II  attend 
lui-meme  un  exemplairo  Am  facsimile  de  la  carte  de 
Blanco,  qu'il  s'empressera  de  mellre  sous  les  yeux  de 
la  Sociele.  « 

Le  mome  membre  fait  hommage  de  la  3°  livraison 
des  Monuments  de  la  geograpliie. 

M.  Firmin  Didot  ecrit  a  la  Societe  pour  lui  olliir  la 
1"  parlie  du  texte  et  des  cartes  des  Pctils  geographes , 
grecs.   II  exprime  le  vceu    que  la    Societe  jugo   digno 

IX.    MAUS    I'T     AVRII,.    S.  16 


tl'iine  attcnlion  parliciiliere  ccl  iinporlanl  Iraviiil  du 
a  M.  Charles  Miiller.  M.  le  prtisident  signale  les  lexles 
et  les  annolalions  (|ui  olTicnl  Ic  plus  d'iiiU'rfel,  et  il 
ajoiilu  que  ce  travail  lui  parait  a  la  hauleur  de  la  science 
modcrnc  sous  k-s  rapports  critique  et  pliilologique. 
M.  Isaiiibert,  qui  a  deja  fait  un  rapport  prealable  dans 
la  seance  du  16  fi^vrier,  sur  la  1"  partie  de  rouvrap;e, 
confirmc  ropinion  exprimde  par  M.  le  president. 

M.  le  secretaire  donne  lecture  de  la  lisle  des  aulrcs 
ouvrages  deposes  sur  le  bureau. 

La  Sociele  adniet  an  iionjbre  de  ses  membres 
MM.  de  BuossAHD,  Dally  et  HiiBKnT  presenles  dans  la 
derni^re  seance. 

M.  Chaatah  Effendi,  ingenicur,  eleve  de  la  mission 
egvptienne,  est  propose  comme  candidal  par  MM.  Jo- 
niard  et  Guigniaul. 

M.  Isanibert  rend  compte  de  la  i"  partie  de  I'ex- 
ploration  de  la  vallee  de  I'Aniazone  par  M.  llerndon, 
lieutenant  de  la  marine  des  Etats-Unis.  (Voyez  ce  rap- 
port au  Bulletin,  p.  179.) 

M.  Alfred  Maury  fail  un  rapport  sur  la  carle  phy- 
sique et  meleorologique  du  globe  lerrestre  publi^e 
par  M.  le  docteur  Boudin.  (Voy.  Bulletin,  p.  17/j.) 

M.  Jomard  donne  de  nouveaux  details  sur  I'expe- 
dition  de  la  Pleiade  dans  I'interieur  de  I'Afrique  cen- 
trale ;  il  lail  connaitre  la  mort  Iragique  au  Thibet  du 
p^re  Kric^,  assassind  ainsi  que  son  compagnon  de 
voyage,  par  les  gens  d'une  Iribu  fanatique ;  enfin  il 
depose  sur  le  bureau  plusieurs  cxtraits  de  journaux 
americains  renferuiant  des  nouvellos  geographiques. 

La  seance  est  levee  a  dix  hemes. 


(  '235  ) 

Seance  dii  30  mars  1855, 

M.  lo  Ministre  de  rinstriiclion  piiblnjue  etdes  cultcs, 
president  de  la  Sociele,  annonco  qu'il  a  ecrit  a  MM.  les 
Ministres  de  la  uiarine  et  de  ragricullure  el  du  com- 
merce pour  les  engager  a  contribiier  avec  son  depar- 
tement  a  augmentcr  le  chiffre  du  prix  propose  par  la 
Socit^l^  pour  un  voyage  d'Algerie  en  Senegambie. 
M.  le  Ministre  de  I'agriculture  el  du  commerce  s'cst 
empresse  de  repondre  a  son  appel  et  de  seconder  les 
intentions  de  la  Sociele  en  consacrant  a  cet  objet  une 
somme  de  2  000  francs  ;  il  a  pense  qu'une  exploration 
qui  avail  pour  but  d'elablir  des  rapports  entre  nos 
possessions  de  I'Algerie,  et  de  la  Senegambie  et  les 
contrees  de  I'AtVique  inlerieure,  devait  produire  des 
resultats  utiles  pour  les  inlerels  (jui  ressorlissent  au 
deparlement  du  commerce. 

M.  le  president  saisit  ceile  occasion  pour  proposer  a 
la  Comnjission  cenlrale,  de  concert  avec  la  section 
de  comptabilile,  de  contribuer  pour  uric  somme  de 
500  IVancs  au  succes  de  I'entreprise  dont  la  Society  a 
concu  la  pensee,  et  qui  doil  s'executer  sous  ses  aus- 
pices avec  i'appui  et  les  encouragements  du  gouverue- 
ment.  Cette  proposition  est  adoptee  a  I'unanimite. 

MM.  Ernest  Desjardins  et  Henri  de  Brossard  ecrivent 
a  la  Sociele  pour  la  remercier  de  les  avoir  admis  au 
nombre  de  ses  membres,  et  ils  promellent  de  s'eflorcer 
de  concourir  a  ses  utiles  travaux. 

M.  do  la  Roquette  communique  uiic  lellre  de  M.  le 
docleur  Barudi,  avec  un  nuniero  de  la  Gazette  piemoii- 
taisr  du  10  mars  1855,  dans  lequel  ce  zcle  correspon- 


(  230  ) 

dant  vienl  de  publicr  un  coinpto  rendu  des  Iravaux  ilo 
la  Soci^te  pendant  I'ann^e  185/i. 

M.  Joniaid  coninumique  une  lellre  de  M.  le  comte 
d'Escayrac  ;  co  voyageur  lui  annonce  de  nouveaux  Ira- 
vaux :  1°  sur  le  canal  n)aritiine  de  Suez  el  sur  la  nature 
du  terrain  qu'il  doit  traverser;  2°  sur  les  langues  afri- 
cainesdont  il  se  propose  de  recueillir  des  vocabulalres 
et  des  gramniaires,  Plusieurs  n)cnibres,  MM.  Jomard 
et  Alfred  Maury  entre  aulres,  prennent  la  parole  sur 
ce  dernier  travail  el  proniottont  de  fournir  des  ren- 
seigneinents  propres  a  aider  M.  le  comte  d'Escayrac 
dans  ses  reclierclies  pliilologicpies. 

M.  le  secretaire  donne  lecture  des  ouvrages  oITerls 
a  la  Sociele-  Au  nombre  de  ces  ouvrages  se  trouve  le 
1"'  caliier  d'unt;  nouveile  publication  geograpbique 
de  M.  A.  Petermann.  dont  MM.  Jomard,  V.-A.  Maltc- 
Brun  et  Vivien  de  Saint-Marlin  font  ressorlir  I'iinpor- 
tance  sous  le  triple  rapport  deTinteret,  tie  i'exdcnlion 
et  de  la  raodicito  du  prix. 

M.  Cbaalab  ElTendi,  ingenieur  egyplicn,  presenle  a 
la  dorniiire  stance  par  MM.  Jomard  et  Guigniaut,  est 
admis  dans  la  Sociele. 

M.  Jomard,  au  noni  d'une  Commission  spociaie, 
fait  un  rapport  verbal  sur  le  concours  au  Prix  d'Orleans 
pour  I'impoi  tation  la  plus  utile  a  ragriculture,  a  I'in- 
dustrie  ou  a  I'bunianitd.  D'apres  les  conclusions  de 
ce  rapport,  le  prix  est  d6cern6  a  M.  de  Monligny, 
consul  general  de  France  a  Siiang-bai  el  Ning-po  : 
1°  pour  rimportation  el  I'acclimalion  de  plusieurs 
especes  utiles  a  I'agriculture,  nolamment  de  I'ignanie 
de  la  Cbine  ou  Dioscorea  Batatas,  do  VUo/cus  sacc/ia- 
raliis,  du  riz  du  uord  dc  la  C!:iii(,'  et  d'aiilics  vegOtaux 


(  237  ) 

dont  noire  agricullure  est  siir  le  point  de  s'enrichir; 
1°  j)om'  rintroduclion  el  ruccllniatalion  des  douze 
yaks  de  la  Chine,  deja  distiibues  dans  plusicurs  con- 
trees  de  Ja  France  de  cliniat  different,  et  ou  ils  ont 
parlailenienl  reussi,  et  mfiaie  oil  ils  se  sont  deja  repro- 
duits  et  multipli(is. 

M.  de  la  Roquelte  continue,  ])Our  M.  Joniard ,  la 
lecture  du  Memoire  de  M.  le  couile  d'Escayrac  de 
Lauture  sur  le  I'agl  ou  I'hallucinalion  du  desert. 

M.  Alfred  Maury  pr^sente  quelques  observations  sur 
le  ph^nomene  observe  par  M.  d'Escayrac,  et  exj^riine 
I'opinion  que  cette  hallucination  renlre  dans  la  cat6- 
gorie  des  hallucinations  hypnogogiques  ou  du  demi- 
somnieil  qui  ont  6te  I'objet  de  divers  travaux  en  Alle- 
magne,  et  sur  lesquelles  il  a  publie  un  memoire  special 
en  18/i7,  dans  les  Annales  medico- psychologiques  du 
systeme  iieiveux. 

M.  De  la  Roquelte  reclame  centre  I'omission  de  son 
noni  dans  le  proces-verbal  de  la  seance  du  19  Janvier, 
et  il  rappelie  les  observations  qu'il  a  failes  dans  cetle 
stance  au  sujet  du  rapport  de  M.  G.  d'Eichthal  sur 
les  Types  des  races  hutnaines,  de  MM.  Nott  et  Gliddon. 

L'heure  avancee  ne  permet  pas  a  M.  Vivien  de  Saint- 
Martin  de  I'aire  une  communication  sur  TAlVique 
centrale ;  celte  lecture  est  renvoyee  u  la  prochaine 
seance. 


(  -238  ) 
OUVUAGES  OFFEllTS 

DANS   LES  SEANCES   DES   2,    16    ET   30   MARS    1855. 


EUUOPli. 

Tilres  (les  ouvraijes.  Donateurs- 

Erg.lnzungen  zu  Stielci's  Ilancl-Allns,  Der  Preussische  Staat  in  lo  co- 
lori/.teti  KarlL-n.  i"  !ivi-.  Gollia,  i  8i)5.  —  Geognosticlic  Kane  lies 
Tliuiiii(;c-r  Wakk-j,  von  licimicli  Criilmr.  i"  liv.  Golha,  i855. — 
Versucli  cinei  liildungsgeseliichle  der  geognosliscUen  Verliullnisse 
des  Tliuiinger  Waldes,  von  II.  Crcdner,  i855.   Br.  in-8°. 

Justus  I'khtiies. 
Essai  sur  la  topogiajiliie  du  Laliuiu.  These  pour  le  doclor.tt  pie- 
sentee  a  la  faculte  des  leltres  de  Paris,  i  vol.  in-4°,  avec  cartes. 
I'aris,  1854.  —  L)e  l.iLulis  aliuienrariis  (lispiilalioiieni  liisturlcain 
Facullali  litleraruiu  parisiensi  pioponeljal  Ernest  Desjanliiis  llriii- 
ciatus.   1  vol.  in-4°,  avec  cartts  et  plans.  Parisiis,  i855. 

Ernest  Dii:sjAnuiNg. 

ArniQUE. 

Carte  ilii  Salunu  alyerien,  dressee  par  ortlie  de  M.  Ic  niareclial  ile 
Saint-Arnaud,  niinistre  de  la  guerre,  et  sous  la  direction  de  iM.  le 
{•eneral  de  division  E.  Daumas,  directeur  des  affaires  de  I'Algerie, 
par  C.-F.  de  la  Hoche.  i853,  -2"  edit.  1  Feudle. —  Dii  elianieau 
d'Afrique,  par  M.  le  general  Daumas.  Hrocli.  in-S".  —  .AInianaeli 
de  I'Algerie  pour  1  8.5.5,  Guide  du  colon,  pulilie  d'apres  Ij.'S  docu- 
ments tournis  par  le  iiiiiiislere  de  la  jjuerre.  I    vol.  in- 1  2. 

Le  general  Daumas. 

De  Algeria;  incolis  eorumfjue  silu ,  orijjine  et  n:oriI)ns,  Rcrolirii. 
Broch.  in-8°.  M.  BuvRV. 

Journey  to  lake  'iSjjarni,  and  an  Itinerary  of  (lie  principales  routes 
leadin;;  (o  it  IVcjni  llie  West  GoasI;  willi  the  latitude,  o(  some  of 
llic  cliiet  slalions.  \\\\  in- 12.   \i^^^f^.  Gli,   AMijiiisuN. 


(  239  ) 

AMKRIQUE. 

Memorial  pinyin,",  conipensalioii  for  services,  in  collcclinj;  v.ilualilc 
information  nnil  slnlistics  in  rehilion  to  the  j;oof;ra|)liy,  jirodiulive 
resources,  traile,  commerce,  etc.,  o|-  llie  indejiendent  oriental 
nations.   Hr.  in-8°.    iS.'j.i.  A.  Pai.mri;. 

REGIONS   AUCTIQUES. 
Discoveries  in  tlie  Arctic  Sea  up  to  i85.j,  published  according  to  act 
of  Parliament  at  the  hydrograpliie  Office  of  the  Admiralty.  April  8, 
i852.  Additions  to  i854.  L'Amiravte  akglaise. 

OUVRAGES  GENERAUX,  MELANGES. 

Geo{;raplii  Gra'ci  minores.  E  codicihus  recognovit ,  prolrgomenis, 
annotatione,  indicibus  initruNit ,  tahulis  aeri  incisis  illiistravit 
Carolus  Mullerus.  Volnmen  primum.  i  vol.  in-8".  Parisiis,  I  855. 
—  Taliula?  in  Geograplios  Grajcos  minores  a  Carolo  Mullero  ins- 
trnctae.    Pars  prima,  i  vol.  in-8".  Parisiis,  i855.  A.-F.  Didot. 

Les  Monuments  de  la  geographie,  on  Recueil  d'anciennes  cartes 
europeennes  el  orientales,  accompajjnees  de  spheres  terrestres  et 
celestes,  de  mappemondes  et  tables  cosmograpliiques,  d'astrolabe.s 
et  autres  instruments  d'observation,  depuis  les  temps  les  plus 
recules  jusqu'a  I'epoque  d'Ortelius  et  de  Gerard  Mercator.  Grand 
in-f°.   3'  livr.  M.  Jomaiii.. 

Exposition  du  sysleme  des  vents,  on  Traite  du  mouvement  de  Pair  a 
la  surface  du  globe  et  dans  les  regions  elevees  de  I'atmosphere. 
2*  edit.  I   vol.  i!i-8°.  Paris,   i855.      Le  capit.  de  vaisseau  Laiitigiie. 

Carte  physique  et  meteorologique  do  globe  terrestre,  comprenant  la 
distribution  geographique  de  la  temperature,  des  orages,  des  vents, 
des  pluies  et  des  neiges.  i  feuille.  3'  edit.,  i855.     Le  D""  Bocnitc. 

Mittheilungen  aus  J.  Perthes'  gcographischer  Anstalt  iiber  wichtige 
neue  Erforschungen  anf  dem  Gesammtgebiete  der  Geographie 
von  D''  A.  Petermanii.  ^1-4°.   •  "^  bv.,   i855.  J.  PfinTHE's. 

MEMOIUES,  RECUEILS   ET  JOURNAUX  SCIENTIFIQUES. 

Philosophioals  transactions  of  the  Royal  Society  of  London,  for  the 
year  i854.  Vol.  144.  (1"  et  2'  part.)  —The  Pioyal  Society.  3o  no- 
ven\bev    i8.54-    —   Address   of    the   right    honourable    the  Earl  of 


llosse,  the  I'lvsulcm,  «lolivcro«i  al  «\io  .»imi\<'r*,»i\  lucoliii;;  <it  iKo 
Royal  Sov-i*'lv.  on  novci«l>pr  3o.  1 854-  '^i"-  >"-S'.  —  Pr>>occiliii{fs 
of  ihr  Hov^l  S.M-ieiy  Vol.  VI.  n"*  loo.  tot.  loj  ;  vol.  VII,  u**  - 
oi  S.  Socikr^  n.  «>k  l.oNnniis. 

Tr.insaclions  of  tho  Uoy;»l  Society  of  Kilinliuii;!).  Vol.  X\l.  p.m.  i, 
for  iho  sosiuon  1 853-1 854.  t  vol.  in-4*.  —  Proi-pfihogs  of  tlio 
llov.^l  Society  of  K»liubui-{^.  Ses,<>ion  t8.'>3-i854-  l>i"-  in-S*. 

StHT.iKTfc'   n.  iVEoiKJsrnr.ii. 

.\uiiales  ilu  ootmneix-e  estcriewr.  N°*  795  a  800.  .l.-inxirr  iSo5. 

MiMsr.  PK  l"*gi\.  vr  lu-  oommkrce. 

.I0urn.1l  of  the  Franklin  Institute  of  the  state  of  lVnnsyK.inia ,  for 
the  pi\»u»ollon  of  the  weohaniv"  .irtv.  F.ilitetl  hv  John  1".  Fraier. 
>;*•  54*.  348  el  o4»>,  1 854-  —  Proeeovtings  of  the  .\nuTic,in  phi- 
losophical Society,  Br.  in-8*. —  Zeitschrift  lur  .^llpemeino  Ki-ilkumle. 
NoTeml>i-e  ct  ilecenthiv  iS54. —  J{ouvcllc<  annalcs  des  voya>;es. 
Fe'vrier.  —  Jlonrnal  asiativjue.  .^*  sorir.  t.  IV.  —  Ucvuc  tie  rOiient, 
Je  I'.Vlyene  ct  tics  colonies.  FcTncr  et  luars.  —  .lournal  Ac  I'lnsii- 
tut  historitjue.  .\nne«  i854  c'  Janvier  t855.  —  Bulletin  de  la 
Societe  loologique  d'accliinatation.  Fevricr. —  Bulletin  «leU  Societe 
{;cv>lv^uiuc  de  France.  Novemlire  l854  a  janvirr  i855.  —  .\utwlcs 
de  la  prop.^jjaliow  dc  la  foi.  M«rs,  — Journal  des  missions  c\an- 
!;elitiues.  Fcvrier.  —  Journal  d'tnlucation  populaire.  Fevrier.  — 
Bulletin  dc  l>  Societe  industrielle  dWnj^ei-s.  Annce  t854-  — 
L'Athena-um  tVancais.  N"  8.  0.  10  ct  m  .    l,es  AcTKins  tl  tniTEVi\J. 


ERR.VT.*   nr   BriLETlN    PE   .t.^NVIER    ET   rfeVRlEK. 

Pa^  84i  li(;n<?  8,  apivs^i/us  xjuutet:  senlcwemt. 

—  Iig.  ^-c).  an  (icu  dc  ijui  tombait,  liset:  tontbaut. 

—  lig.    ji,  au  liwi  de  /«i  rivierv,  lisei :  iu»e  riw'err 

—  lijV  10.  apivs  s'apfclle,  ajvHtie< :  nii<5i. 


BULLETIN 


DE    LA 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE. 


MAI   1855. 


ASSEMBLl^lE  GfiNl^lRALE  DH  27  AVRIL  1855. 


DISCOLRS 

DE 

M.    LEFEBVRE-DURUFLt, 

Messieurs, 

Appel6  a  riionneur  de  pr^sider  cette  Assembl6e 
giin^rale,  j'eri  c^prouverais  line  satlsfacllon  sans  m^- 
lange,  si  je  pouvais  oublier  que  je  ne  dois  cet  avanlage 
qu'a  I'absence  de  son  Excellence  M.  le  Mlnislre  de 
rinstrudion  piiblique.  Quel  autre,  en  clTel,  pourrait 
se  monlrer,  dans  un  pareil  jour,  a  la  l6le  de  celte 
Sociele,  avcc  plus  de  tilres  et  plus  d'ticlat  que  I'dmi- 
nent  fonctlonnaire  qui  a  implanlt^,  d'une  inaniire  si 
obligaloire  et  par  consequent  si  I'ticonde,  I'^ludo  do  la 
geograpbie  dans  lous  les  programmes  universitaircs? 
Quel  autre  pouvalt  dire  plus  clialcureusement  accueilii 
paries  applaudissements  de  cetle  savanle  reunion  que 
le  Ministre  qui,  cette  annee  memo,  vient  en  aide  a  la 
Soci^lti  pour  fonder  le  prix  deslin^  an  vr»yageur  qui, 
le  premier,  ouvrira  la   route   a  notrc  puliliijue  el   a 

IX.    MAI.    1.  17 


(  '21x2  ) 

noire  commerce,  enlre  les  fronii^res  de  I'Alg^rie  et 
celles  du  Senegal?  Aussi,  bien  qu'absent  de  sa  pei- 
sonne,  voire  honorable  President  n'en  sera  pas  nioins 
present  a  tons  les  esprils  par  ses  actes  et  par  ses 
oeuvres. 

Pour  moi,  .Messieurs,  qui  n'ai  ni  pouvoir  pour  doter 
notre  Soci6l6,  ni  connaissances  speciales  et  appro- 
fondies  pour  I'illustrer,  pour  luoi  qui  ne  peux  lui  offrir 
qu'un  vif  mais  sterile  amour  de  la  science,  ce  n'est 
qu'avec  I'espoir  de  rencontrer  une  exlrom.e  indul- 
gence que  j'ai  pu  me  resigner  a  occuper  pour  quel- 
ques  instants  la  premiere  place ,  je  ne  dirai  pas 
parmi  mcs  egaux,  mais  parmi  mes  superieurs  et  mes 
maitres. 

Si  Ton  excepte  I'epoque  de  la  decouverle  des  Indes 
orientales  et  de  I'Amerique,  je  ne  sache  pas  d'ere 
plus  brillante  pour  la  geograpliie  que  les  cinquante 
dernieres  ann^es  que  nous  vennns  de  parcourir.  Dans 
aucun  temps  les  jners  n'onl  ^t6  sillonndes  par  un 
nombre  plus  considerable  de  vaisseaux,  diriges  avec 
une  science  plus  certaine,  raus  avec  une  pareille  ra- 
pidile.  Dans  aucun  temps  les  gouvernemenls  n'ont 
entrepris  de  plus  inl^ressanls  el  de  plus  importants 
voyages  d'exploration  et  de  circumnavigation.  La  va- 
peur  a  rapproche  les  distances  sur  les  Oceans  comme 
elle  les  a  rapprochees  sur  la  lerre.  La  voile  menac^e 
sur  le  domaine  oil  elle  avail  jusque-la  regn6  sans  par- 
tage,  a  dO  ,  pour  conserver  au  moins  une  parlie  de 
son  empire,  demander  aux  vents  de  doubler  I'agilit^ 
de  ses  ailes. 

Dans    aucun  temps    autant    d'hommes    courageux 
n'ont  brave  avec  plus  de  Constance  el  d'audace,  les 


(  243  ) 

dangers  des  voyages  terrestres  et  n'onl  pen6tre  plus 
resolument  dans  des  pays  r^pul^s  jusque-la  inacces- 
sibles.  Aussi  que  de  contr6es  ou  decouvertes  ou  inieux 
connues ! 

Que  savait-on,  il  y  a  cinquante  ans,  de  I'Australie, 
de  I'Afrique  cenlrale,  de  la  Cliine,  de  I'Asie  Mineure, 
de  I'Amerique  m^ridionale,  des  immenses  possessions 
des  Etats-Unis  d'Amerique,  de  I'Ocean  glacial  arc- 
liquePQuede  decouvertes  n'a-t-oa  pas  dues  depuis  cette 
^poque  au  commerce,  a  la  guerre,  aux  revolutions 
meme?  Car  si  tous  les  mouvements  sociaux  ne  con- 
tribuent  pas  au  bonheur  de  I'humanite,  souvent  en 
compensation  ils  tournent  au  moins  au  profit  de  la 
science. 

Avec  quel  z^Ie  intelligent  n'a-t-on  pas  cherch6  a 
mettre  a  profit  les  richesses  minerales,  animales  et 
vegetales  que  les  (!;tudes  g^ographiques  nous  revelent? 
Et  tout  r^cemment  avec  quels  soins  diligents  n'a-t-on 
pas  prepard  une  hospitality  ^clairee  et  prevoyanle  a 
la  plante  industrielle  ou  alimentaire  qui  peut  se  nour- 
rir  dans  notre  sol,  k  I'animal  utile,  qui  peut  partager 
nos  travaux  ou  f^conder  nos  champs?  A  ces  trails. 
Messieurs,  votre  pensee  s'est  ddja  reportee  vers  celle 
Soci^te  d'acclimatation,  soeur  jumelle  de  la  votre,  qui, 
bien  que  touchant  encore  a  son  berceau,  est  d6ja 
grande  et  forte;  qui  fera  pour  la  pratique  de  la 
science  ce  que  vous  faites  pour  sa  th^orie.  Qu'elle 
receive  ici  la  vive  expression  de  notre  reconnaissance 
et  de  nos  fraternelles  sympathies  ! 

Ne  m'accuseriez-vous  pas  d'un  ingrat  oubli.  Mes- 
sieurs, si  je  quittais  cet  ordre  d'idees,  sans  payer  un 
tribut  d'eloges  anlicipe  au  laureat  que  vous  avez  jug^ 


(  2M  ) 
tlignc  dii  prix  olTert   a   la  decouverte    la  plus   utile   k 
rinduslric,  a  I'ogriculluro,  a  I'luimanite. 

Ici,  Messieurs,  il  y  a  un  double  hommage  a  rcndre, 
I'un  a  M.  de  Monligiiy,  consul  de  France  en  Chine,  au 
vainqueur  que  vous  allez  couronner;  I'aulre  a  la  ui6- 
moire  du  prince  fondaleur  du  prix  lui-meme.  line 
iiiorl  luuesle  et  premaluree  I'a  precipite  dans  la 
tonibe,  U'.  soufllo  lorriliie  des  revolutions  a  passe  sur 
sa  (lynaslie;  une  cliose,  respect6e  de  lous,  survit  a 
tantde  calaslroplies,  c'est  un  bienl'ail  envers  la  science 
etl'liumanile!  Grand  cnseignement,  Messieurs,  et  pour 
les  princes  et  pour  les  peuplesl 

A  cctle  esquisse  bien  incomplete  de  ce  qui  a  et6 
fait  en  faveur  de  la  geographic  dppuis  le  couimence- 
ment  de  ce  sidde,  ajoutons  celle  de  ce  qu'il  rosle  A 
faire,  de  ce  qui  se  fait  en  ce  moment  m6me ;  elle  ne 
vous  ollVira  pas  moins  d'inldrfit. 

En  Europe,    la  guerre  d'Orlent   amenera  cerlaine- 
mcnt  de  considerables  reclihcalions  dans   la  geogra- 
phic si  iniparl'aite  de  laTurquie.  En  Asio,  li-s  breches 
failes  aux  confius  de   I'empire  Chiiiois  ne    tarderont 
pas   a   nous  en    ouvrir    le   cceur.    L'Asie  Mineure   va 
chaque  jour  r6vt^lant  ses  merveilles  sous  les  fouilles 
savantes  des  arcbeologues  qui  relournent  son  sol.  La 
soif  de  Tor  poussti a  les  avenlureux  mineurs  jusqu'au 
ccnU'e  de  ce  continent  australien  encore  si  ignor6.  Des 
bonimes   animus   d'un  courage  que  leur  inspire  a  la 
fois  la  science,  la  philanlhropie  et  le  plus  noble  amour 
de  la  gloire  parlenl  des  points   les  plus  opposes  et  se 
donnenl  rendez-vous  au  centre  de  cette  Afrique,  dont 
la  terre  briilante  et  les  populations  barbaros  clevorent 
en. si  grand  nombre  couxqui  cherchenta  les  cormallre. 


(  245  ) 

Au  fur  et  a  mesuie  que  les  convulsions  polilii|ues  agi- 
tenl  les  innnenses  conlioes  de  I'Am^rique  nn6i klionale, 
de  liardis  exploraleurs  se  hasardent  dans  leurs  vasles 
et  magnifiques  solitudes,  et  suivcnt  le  cours  des  fleuves 
imraenses  qui  les  arrosent  et  qui  hienlot  y  porleront 
les  blenl'ails  de  la   colonisalion  et  du  commerce. 

Mais  ce  n'est  pas  tout  d'explorer  le  globe,  I'liomme 
veut  en  abreger  le  parcours.  I/ocean  Atlanlique  et 
Tocean  Pacifique  sonl  deja  unis  par  une  ligne  de  fer, 
et  bientot  nn  canal  confondra  leurs  eaux. 

Apr^s  avoir  rcpris  I'ancienne  et  primitive  route  des 
Indes,  I'Europe  sent  oujourd'bui  la  necessile  de  pon- 
voir  voguer  sans  inliMiuplion  des  eaux  de  !a  Mediler- 
ranee  sur  celles  de  la  uier  Rouge.  Celte  ponsee  ne  fait 
que  de  nailrc;  mais  elle  estde  celles  qui,  une  fois  pio- 
duites,  marchent  fatalement  a  leur  lerme.  En  vain 
les  int^rels  individuels  de  quelques  nations  pr^ton- 
draient  s'y  opposer,  ils  finiront  par  s'incliner  devant 
la  grande  voix  du  genre  humain. 

Enfin  le  temps  n'est  pas  loin  oii  la  l«l6graphie  en- 
lacera  la  tolalite  de  notre  globe  dans  le  reseau  de  ses 
fils  intelligents,  et  fera  circuler  la  pensee  bumaine 
autourdu  monde  avecla  rapidite  de  Teleclricile  raeme. 
Certes ,  Messieurs,  voila  une  admirable  perspective 
ouverte  a  la  geograpbie.  Voila  de  procbains  et  puis- 
sants  moyens  de  connallre  le  globe  enller,  comme 
nous  connaissons  le  pajs  qui  uous  a  vus  nallre;  mais, 
Messieurs,  cet  apogee  de  la  science,  ce  resuital  des 
nobles  efforts  et  des  vastes  connaissances  des  esprits 
d'elite,  qui  honorent  notre  usp^ce,  n'est  pas,  a  moii 
sens,  lout  ce  que  Ton  peut  souUaiter  pour  la  science 
de  nob  predilections. 


(  246  J 

U  est  un  autre  succ^s  que  je  voudrais  voir  la  geo- 
graphie  oblenir  en  France  ,  succ^s  modeste  en  lui- 
tn^nip,  mais  immense  dans  ses  resultats;  je  veux  parler 
du  succ^s  de  la  popularity. 

Ne  nous  le  dissimulons  pas,  Messieurs,  pour  qu'un 
art  ou  une  science  parviennenl  a  Icur  plus  Laule 
expression  chez  un  peuple,  pour  qu'ils  y  portent  Ions 
les  fruits  qu'ils  recelent,  il  ne  suflit  pas  qu'ils  soient 
I'objet  des  travaux  et  du  culle  d'un  certain  nombre 
d'esprits  superieurs,  il  faut  qu'ils  y  deviennent  popu- 
laires. 

Dans  I'anliquit^,  si  la  Chald6e  a  ete  si  loin  en  astro- 
nomie,  c'estque  chacun  de  ses  bergers  etait  astronome. 
De  nos  jours  si  la  niusique  a  compte  de  si  grands 
mattres  en  Allemagne  et  en  Ilalie,  c'est  que  la  musique 
y  est  populaire  aussi.  On  en  peut  dire  aulanl  de  la 
m^canique  en  Angleterre  et  aux  Elats-Unis.  La  geo- 
graphic n'est  pas  moins  familiere  h  cesdeux  dernieres 
nations.  Dans  quelque  maison  que  Too  onire,  soit 
habitation  de  la  classe  moyenne,  soit  m&me  simple 
chaumi^re,  il  est  bien  rare  de  ne  pas  trouver  une 
mappemondc  suspendue  aux  murailles,  ou  quelques 
livres  de  geographie  occupant  une  place  sp^ciale  a 
cot^  des  livres  religieux  de  la  famille.  Ces  livres  ne 
sent  pas  de  sees  el  arides  traites  de  geographie,  sque- 
letles  denudes,  fails  pour  degouler  de  cette  science; 
ce  sont  au  conlraire  des  ouvrages  pleins  de  couleur 
et  de  vie,  des  ouvrages  allrayanis  de  g^ograpiiie  des- 
criptive el  piltoresque,  offrant  les  tableaux  les  plus 
animus  des  sites,  des  niceurs,  des  costumes  et  des 
monuments  de  tous  les  peuples.  De  nombreuses  gra- 
vures  illuslrenl  ces  ouvrages  qui  s'attaquent  a  tous  les 


(  247  ) 

^ges,  qui  prennenl  loutes  les  formes,  depuis  celles 
de  I'alphabet  a  figures  jusqu'aux  amples  dimensions 
des  collections  a  liviaisons  nombreuses% 

Que,  si  passant  de  I'examcn  des  clioses  a  celui  des 
personnes,  on  observe  I'usage  que  fait  cbaqiie  famille 
de  ces  livres  populaires,  il  est  difiicile  den'en  etre  pas 
profond6menl  louche,  vivement  attendri.  En  effet , 
Messieurs,  pour  pen  que  Ton  attache  desyeux  altentifs 
sur  ces  families  r^unies  autovu'  de  la  carte  murale  ou 
gi'oupees  pour  entendre  la  lecture  de  quelque  livre  de 
g^ographie,  on  ne  tarde  pas  a  remarquer  qu'il  manque 
quelqu'un  dans  cette  famille.  C'e^l  un  pere ,  un  fils, 
un  frere,  un  epoux,  un  fiance.  Or  cet  absent,  soyez  silr 
que  les  speculations  du  commerce,  les  chances  p^ril- 
leuses  des  grandes  peches  ou  la  defense  du  pavilion 
national  le  reliennenl  sur  quelque  mer  loinlaine,  ou 
bien  encore  que,  seul  pour  tous ,  il  est  alle  tenter  la 
fortune  sur  quelque  terra  ^trang^re.  Des  regards  pen- 
sifs,  des  yeux  humides  de  larmes  sont  attaches  sur  le 
point  de  la  carle  oil  Ton  suppose  que  vogue  ou  tra- 
vaille  cet  objet  de  lant  d'affections  dans  la  mere  patrie. 
La  description  que  Ton  ecoute,  la  gravure  que  Ton 
conlemple  sont  celles  du  pays  ou  du  site  qu'il  habite. 

C'est  cette  douce  et  aimable  geographic.  Messieurs, 
que  nous  voudrions  voir  se  propager  en  France. 

A  la  suite  de  la  revolution  de  1792,  le  continent 
europ^en  (^lait  en  quelque  sorle  devenu  I'unique  hori- 
zon de  notre  nation.  Absorbes  dans  cette  pensee,  nous 
avons  et6  longtemps  sans  6prouver  le  besoiu  de  con- 
naitre  le  reste  du  globe.  Mais  maintenant  tout  change, 
et  ce  besoin  nouveau  se  develoj)pe  chaque  jour  davan- 
tage.  L'homme  ne  reufefme  plus  son  activite  dans  les 


(  248  ) 

liiiiites  do  son  pays  on  clu  continent  dont  il  dt^jpend, 
son  essor  n'a  plos  d'nulres  bornos  que  le  monde. 
Coinbicn  n'avons-nous  pas  dcja  de  families  qui,  comnie 
les  Angliiis  cl  Ics  Ann'iicains,  complcnt  quelquun  de 
leiiis  nu'nibios  siir  la  tone  cliangerel 

El  la  guerre,  la  guerre  qui,  en  ce  moment  nifirae, 
occupe  si  ij6roiquenientlant  de  nos  fdsel  de  nos  frdres, 
quel  dian  n'a-l-elle  pas  donnd  a  la  g(^ogra|)hie  des 
lieux  qui  hii  servcnl  de  theatre!  Quelle  faniille  n'a  pas 
sa  carte  d'Orienl?  Quelle  mere,  quelle  Spouse,  quelle 
sceur  n'arrfitent  pas  phisieurs  fois  cliaque  jour  un  ceil 
inqu'.et  el  rfiveur  sur  une  carte  de  Crim6e,  j)?ul-elre 
en  idpctanl  tout  has  avec  noire  iiiiu)ilable  i'abulislc: 

«  L'absence  est  le  plus  grand  des  maux!  » 

ou  bieD  encore  disant  avec  lui  : 

«  Hulas'....  il  pleul; 
i>  Mon  fr^re  a-t-il  tout  ce  qu'il  veut, 
»  Bon  soup^,  bon  gite  et  le  resle?  » 

Et  dans  noscamps,  combien  d'imagesgeographiques 
dc  cetle  palrie  pour  laquelle  on  combat  avec  lantd'en- 
Ihousiasuie  et  de  Constance  I  Couibien  de  nos  soldats 
pour  lesquels  une  carte  de  France  est  une  pi^ce  inse- 
parable de  leur  equipemenl !  Elle  occupe  dans  le 
havresac  un  coin  de  predilection  avec  les  lettres  de  la 
famille;  en  la  regardant  on  croit  un  instant  revoir  son 
pays  nalal ;  et  peut-elre  se  rappelanl  aussi  la  fable 
delicieuse  que  nous  citions  tout  a  I'lieure,  dit-on  : 

«  Ne  pleurez  point. 


(  249  ) 

»  Je  leviencliai  dans  pen  conter  de  point  en  point 
»  Mes  aventures  h  men  frfere ; 
»  Je  ie  dosenmiirai.  Ouiconqiie  ne  voit  gii&re 
»  N'a  giitre  a  dire  aiissi.  Aon  voyage  di?peint 
»  Vous  sera  d'uu  plaisir  extreme. 
»  Je  dirai :  j't'tais  la  :  telle  chose  m'avint: 
»  Vous  y  croirez  etre  vous-m^me.  » 

Toules  ces  circonslances,  Messieurs,  ne  semblent- 
elles  pas  se  reunir  pour  marquer  le  inomenl  present 
comme  I'opoque  tie  I'inauguralion  en  France  de  celte 
gt^ographie  intime  dont  je  viens  de  vous  tracer  le 
tableau?  Ne  penserez-vous  pas  qu'un  ouvrage  de  g(^o- 
graplile,  models  sur  des  ouvragcs  anglais  du  gi^nre 
que  je  vicns  de  eignaler,  ecrit  avec  c«)loris  el  avec 
charine,  caplivant  les  yeux  par  la  liddle  image  des 
choses,  ne  seralt  pas  indigne  du  patronage  et  de  la 
direction  de  votre  savanle  Societe? 

Nous  voyons  chaque  jour  prodiguer,  sur  des  ouvrages 
de  pure  imagination  ,  le  luxe  de  la  gravure  et  de  la 
lypographie  que  Ton  fait  descendre  en  leur  faveur 
aux  prix  les  plus  modiques  ;  ne  serail-il  pas  possible 
de  d^verser  un  peu  de  cette  prodigalite  sur  un  ouvrage 
qui,  bien  fait,  d^passerait  en  interet  et  en  altrait  les 
plus  seduisantes  conceptions  de  I'imagination?  Un 
tel  livre  creerait  en  France  a  c6t6  de  la  geographic 
savante,  dont  cette  Societe  occupe  les  sommels,  ce 
que,  pour  me  I'aire  comprendre  en  un  mot,  j'appel- 
lerai  Ja  geographic  du  foyer  domeslique,  la  geographic 
du  occur. 


(  250  ) 

RAPPORT  SUR  LE  PRIX  ANNUEL, 

poun  I.A  uicouvEnxB  la  plus  importante  en  G^IOGRAPHIE. 

Commis^nires^  MM.  n'AvK/.*c,    IsAMBtiiT,   Jomird,   MiuRf 
et   Dacssc,   rapporteur. 

Messieurs, 

La  Soci^l6  de  geographie  decerns  tons  les  ans  une 
medaille  d'honneur  a  I'auteur  dc  la  decouverte  la  plus 
iniportante.  Pour  que  les  documents  qui  constatenl 
cette  d^couverle  soient  bien  connus,  elle  retardo  de 
deux  ans  I'cpoque  a  laquclle  elle  donne  celle  m«^daille : 
ce  sont  done  les  travaux  executes  pendant  I'annee  1852 
que  nous  devons  couronner  aujourd'hui. 

Au  reste,  les  decouvertes  que  la  Society  desire  en- 
courager  ne  sont  point  de  ces  accidents  heureux  qu'un 
jour  voit  (^clore;  elles  sont  le  r^sultal  de  longs  et  con- 
stants efforts,  dans  lesquels  le  courage  et  la  force  d'ame 
hittont  centre  desdifficulles  souvent  renalssanles  et  au 
milieu  desquelles  les  bommes  intrepides,  qui  se  con- 
sacrent  a  ces  grands  travaux,  trouvenl  quelquefois  le 
Irepas,  ce  dont  nous  avons  eu  malbcureusement  plus 
d'un  oxemple. 

Pendant  I'annt^e  1852,  les  exj)loralions  les  plus  im- 
portantessepoursuivaienl  specialement  surdcux  points 
du  globe,  en  Afrique  et  dans  les  regions  polaires  au 
nord  de  I'Amerique. 

Vous  avez  I'anni^je  derni^re,  Messieurs,  port6  vos  suf- 
frages sur  les  bardis  voyageurs  qui  explorcnt  I'Afrique 
cenlrale;  de  nouveaux  travaux,  do  nouvelles  decou- 
vertes seront  sans  doute  Tobjet  de  vos  recompenses 


(  251  ) 

futures,  trop  heureux  si  nous  n'avons  pas  encore  une 
fois  a  ddposer  une  couronne  sur  un  tombeau. 

Aujourd'hui  votre  Commission  a  principalement 
considere  les  travaux  executes  au  nord  de  I'Am^rique. 
Un  grand  probleme,  poursuivi  depuis  des  si^cles,  a 
enfin  recu  une  solution  definitive,  le  passage  au  nord- 
ouest,  c'est-a-dire  la  communication  de  I'oc^an  Atlan- 
tique  avec  Toc^an  Pacifique  par  le  nord  de  rAm^rique, 
a  enfin  ete  constats  :  c'est  au  capitaine  Mac-Clure  qu'il 
a  ete  donn^  le  premier  de  revenir  en  Europe  par  la 
baie  de  Baffin  apres  avoir  p^netre  dans  la  raer  Polaire 
par  le  delroit  de  Behring;  votre  Commission  a  pens6 
qu'un  si  beau  resultat,  obtenu  par  des  efforts  perseve- 
rants  et  au  milieu  des  plus  grands  dangers,  meritait 
d'obtenir  a  son  auteur  la  grande  medaille.  Vous  nous 
permettrez,  Messieurs,  de  rappeler  ici  en  peu  de  mots 
les  circonslances  a  la  fois  penibles  et  honorables  qui 
ont  amen6  ce  resultat. 

La  rechercbe  du  passage  au  nord-ouest,  apr^s  avoir 
(5te  pendant  longtemps  comme  abandonn^e,  avait  6te 
remise  en  honneur  apr^s  que  les  voyages  du  capitaine 
Parry  eurent  fait  eonnatlre  que  la  baie  de  Baffin  n'6lail 
pas  une  mer  ferm^e,  et  que  le  detroit  de  Lancastre 
donnait  acces  dans  des  parages  souvent  remplis  de 
glaces,  il  est  vrai,  mais  qu'on  pouvait  cependant  esp^- 
rer  voir  un  jour  degag^s.  L'ile  Melville  sur  laquelle 
Parry  avait  hiverne ,  en  1819,  paraissait  elre  la  limile 
de  cet  arcbipel,  qui  s'elend  au  nord  de  I'Amerique  et 
dont  les  voyages  de  Parry,  de  Ross  et  de  Back  avaienl 
fait  connaltre  une  parlie;  mais  les  difficult^s  croissaient 
a  mesure  qu'on  pdn^trait  plus  avant  vers  I'ouest. 

En  Ij8ii5,  sir  John  Franklin,  qui  avait  d^ja,  en  1S2(> 


(  252  ) 

et  1822,  explore  par  terre  les  cotos  septontrionales  de 
I'Am^iique ,  resolul  de  faire  une  noiivclle  tentative 
pour  arriver  a  ce  grand  r^sullal  de  la  jonction  des 
deux  Oceans  ;  il  pensait  (jii'on  aiiiail  ])eut-clro  plus 
de  chances  de  succ6s  en  cherclianl  a  peti^trer  dans  la 
mer  Polaire,  en  s'elevant  vers  le  nord  par  une  de  ces 
ouverluies  qui  ont  cte  signalers  sur  Ics  cotes  qui  bor- 
dent  au  nord  le  d^troit  de  Barrow,  ou  par  I'lin  des 
d^lroits  qui  sdparent  les  lies  Parry. 

Malgre  toules  les  esperances  que  Ton  pouvait  fonder 
sur  un  chel"  aussi  experiinente  ct  sur  les  soins  que 
Ton  avail  pris,  afin  de  pourvoir  cellc  expedition  de 
tous  les  nioyens  qui  pouvaienl  en  assurer  la  r6ussile, 
liois  annees  s'^coul^rent  sans  qu'on  en  regiit  aucune 
nouvelle. 

L'incerlilude  sur  le  sort  de  cette  expedition,  la 
crainte  qu'elle  ne  ful  retcnue  dans  les  glaces  sans  ea 
pouvoir  sorlir,  engagirent  le  gouvernement  anglais  a 
envoyer  a  sa  recherche.  Depuis  1848,  de  nombreuses 
expeditions  furenl  envoyees  pour  chercher  aconslalcr 
ce  qu't^laienl  devonus  I'Krebiis  et  /a  Terreur,  et  pour 
porter  secours  a  leurs  Equipages  si  on  pouvait  les  de- 
couvrir.  La  France  fut  representee,  dans  ces  interes- 
santes  recliercbes,  par  notre  infortune  compalriote 
Ballot  que  vous  avez  entendu  ici,  en  1853,  vous  racon- 
ter  d'un  style  aussi  allachanl  que  niodesle  les  resultats 
de  sa  campagne  sur  le  navire  le  Prince- Albert,  fr^le  par 
lady  Franklin,  et  quidevait  succomber  engloulidans  les 
glaces  dans  un  second  voyage;  el  par  le  lieutenant  de 
vaisseau  de  Bray  qui  a  su,  comnie  Bellot.  conquerir 
I'eslitne  des  braves  luarins  anglais  engages  dans  cette 
noble  enlreprise.    Les   Americains  aussi  envoyerent 


(  25S  ) 

deux  Laliments,  sous  le  commandement  du  capitaine 
de  Haven ,  a  la  recherche  de  sir  John  Frankhn  et , 
aujourd'hui  nieme ,  une  nouvelle  tenlalive  a  encore 
lieu  de  leur  part,  (juoique  malheureusement  les  der- 
nieres  nouvelles  obtenues  par  le  docteurRae  semblent 
prouver  qu'on  ne  pent  plus  esp^rer  retrouver  vivant 
sir  John  ni  aucun  de  ses  compagnons. 

Toules  ces  expedilions,  oulre  la  pensee  humanitaii-e 
qui  les  guidail,  devaient  encore  augmenter  nos  con- 
naissances  dans  ces  parages  si  pen  connus.  C'est  une 
d'entre  dies  que  le  capilaine  Mac-Cilure  fut  charge  de 
diriger  :  il  devait  penelrer  dans  les  regions  polaires  par 
le  delroit  de  Beliring,  visiter  la  lerre  de  Banks,  que 
Parry  avail  apergue  dans  son  hivernage  a  I'ile  Melville, 
el  venir,  s'il  etait  possible,  gagner  le  detroit  de  Bar- 
row, afin  de  reconnailre  la  communication  de  I'ocean 
Pacifique  avec  I'ocean  Atlanti(iue  et  de  constater  ce 
faraeux  passage  si  longtemps  cherche  au  nord  de 
I'Aiuerique. 

C'esl  au  milieu  des  plus  grands  perils  affrontes  avec 
une  Constance  el  une  intr^pidile  admirables  que  le 
capitaine  Mac-Clure  est  parvenu  a  accomplir  ce  peril- 
leux voyage. 

Parti  d'Anglelerre  en  1850,  Y Investigator^  qu'il  com- 
mandait.se  trouvait,  au  mois  d'aout,  dans  la  iner  Gla- 
ciale  arctique,  vis-a-vis  le  caj)  Barrow  :  oblig6,  par  la 
presence  des  glaces  dans  le  nord,  a  prolonger  la  cole 
d'Amerique,  il  ^tait,  le  6  septembre,  par  le  Iravers  du 
cap  Pany  lorsqu'on  apercut,  a  une  distance  d 'environ 
50  milles  dans  le  nord-est,  une  terre  d'une  2,rande 
Elevation:  c'etait  Texlriimile  sud  d'une  ile  qui  regut  le 
nom  de  Baring  et  donl   la  lerre  de  Banks   forme  la 


(  254  ) 

parlie  septentrionale.  Poursuivant  sa  course  au  nord- 
esl,  V Investigator  penelra  dans  un  detroit  siluo  enlre 
I'lle  Baring  et  une  terre  qui  va  rejoindre  au  sud  ceiles 
qui  ont  6ld  designees  par  Deasc  et  Simpson,  et  par  le 
docleur  Rae ,  sous  les  noms  de  Wollaslon  et  de  Vic- 
toria. Ce  detroit  devait  le  conduire  jusque  dans  li^ 
bassin  situe  au  sud  de  I'ile  Melville,  par  iequel  il  aurait 
pu  gapner  le  detroit  de  Barrow  et  la  baie  de  Baffin, 
parcourant  ainsi  en  sens  inverse  le  passage  du  nord- 
ouest.  Mais  I'entree  de  ce  bassin  6tait  entierement  in- 
terceplee  par  une  banquise  impenetrable.  Apr^s  vingt 
leniatives  pour  I'aire  une  troupe  dans  cette  banquise, 
tentatives  dans  lesquelles  le  navire  manqua  bien  des 
fois  d'etre  ecrase  par  les  masses  6normes  de  glaces,  il 
fallut  rcnoncer  a  cetle  esperance  et  cbercber  un  abri 
pour  passer  I'hiver.  Ce  fut  au  milieu  d'un  iunnense 
champ  de  glace  que  V Investigator  fut  araarr6  pour 
passer  ainsi  sans  bouger  les  longs  mois  d'hiver,  et  ce 
ne  fut  que  le  17  juillet  suivant  qu'il  se  trouva  libre. 
Qu'on  se  figure  ce  que  c'est  que  d'etre  ainsi  renferme 
dans  un  oc6an  de  glace  ou  la  temperature  descend 
jusqu'a  30  et  40  degres  au-dessous  de  zero  I  Cepen- 
dant,  quoique  le  navire  fut  arrete  pendant  ce  long 
espace  de  temps,  I'equipage  ne  resta  pas  enchain^ 
dans  cette  Irisle  position.  Avant  que  I'biver  eilt  suspendii 
toute  excursion,  le  capitaine  Mac-Clure  se  dirigea  en 
tratneau  vers  I'exlremite  nord  de  I'lle  Baring  et,  le 
21  oclobre,  il  plantait  sa  tenle  sur  le  point  mfime 
indiqu^  sur  les  carles  de  Parry  sous  le  nom  de  terre 
de  Banks.  Au  printemps  suivant,  d^s  que  la  tempera- 
ture permit  de  faire  quelques  courses  sur  la  glace, 
c'est-4-dire  au  commencement  d'avril,  des  d^tache- 


(  265  ) 

inents  fiirent  envoy^s  de  divers  cot^s  pour  reconnallre 
les  terres  environnantes,  et  chercher  a  relier  les  nou- 
velles  d(!!COiJvertes  aux  d^couveiies  ant^rieures. 

Lorsque  enfin  le  navire  fut  degage  des  glaces,  le 
capitaine  Mac-Clure  fit  encore  de  nouvelles  tentatives 
pour  penetrer  dans  la  banquise  qui  le  separait  du 
bassinde  I'lle  Melville.  Forc6  d'y  renoncer,  il  enlreprit 
de  revenir  sur  ses  pas,  de  conlourner  I'ile  Baring  par 
le  sud  et  Touest,  et  de  gagner  la  lerre  de  Banks  en 
s'avangant  vers  le  nord  le  long  de  la  cote  occidentale. 

II  parvint,  en  effel,  au  milieu  des  dangers  les  plus 
6minenls,  a  arriver  enfin  a  la  partie  septentrionale  de 
rile  Baring.  Dans  quelques  excursions  que  Ton  lit  dans 
I'interieur  des  terres  au  commencement  de  septembre, 
on  renconlra  de  belles  vallees  encore  verdoyantes,  de 
nombreuses  traces  d'animaux  et,  chose  remarquable, 
une  rangee  de  collines  composes  d'amas  de  bois  dans 
tous  les  ditats. 

Arrets  encore  une  I'ois  par  les  glaces  fixes,  le  capi- 
taine Mac-Clure  trouva  un  refuge  pour  I'blver  dans 
un  havre  auquel  il  donna  le  nom  de  Merci,  situ^  par 
74°  N.  et  116°  0.,  a  une  trentaine  de  lieues  de  I'lle 
Melville.  II  y  passa  I'hiver  de  1851-52.  Au  mois  d'avril 
il  rdsolut  de  gagner  en  iralneau  Winter-Harbour  oil, 
trenle-trois  ans  auparavant,  I'exp^dition  de  Parry  avail 
hiverne  :  il  esp^rait  y  trouver  les  bailments  qui  avaient 
616  envoyes  par  Test;  mais  sa  deception  Tut  cruelle 
lorsque,  arriv6  a  ce  point,  il  n'y  trouva  que  la  mention 
d6pos6e  dans  un  cairn,  que  le  lieutenant  Mac-Clintock 
y  6tait  venu  au  printemps  de  1851.  II  fallut  done  se 
conlenler  de  confier  k  ce  meme  monument  un  rapport 
conlenant  le  r6cit  des  Iravaux  de  V Investigator,  afin 


(  256  ) 

que,  si  d'aulres  ballmcnls  venaienl  visiter  ce  point,  on 
eul  connaissance  tie  ce  qu'il  avail  fait  el  de  la  position 
dans  laquelle  il  se  trouvalt.  C'est  dans  ce  rapport 
du  capitaine  iMac-Clure  que  se  trouve  cette  phrase 
memorable. 

«  Si  Ion  n'enlendait  plus  parler  de  nous,  c'est  que 
»  probablement  nous  aurions  6t6  enlralnes  dans  les 
))  glaces  du  pole  au  nord  ou  a  I'ouest  de  I'ile  Melville. 
»  Or,  dans  ces  deux  hypotli^scs,  toute  tentative  pour 
»  nous  envoyer  des  secours  ne  ferait  qu'accroitie  le 
»  mal,  car  lout  vaisseau  entre  dans  les  glaces  polaires 
»  doit  6lre  inevilablemenl  broy^.  » 

Ainsi,  par  un  devouement  sublime,  le  brave  officier 
renongait  a  I'espoir  d'etre  secouru,  pour  dviler  ci  ses 
compatriotes  des  dangers  qu'il  regardait  comuie 
insurmontables. 

L'ele  de  1852,  si  toulefois  on  pent  donner  ce  nom 
a  une  saison  aussi  rigoureuse,  n'apporla  aucun  chan- 
gemenl  a  la  position  du  batiinenl.  M.  Mac-Clure  ne 
croit  pas  que  les  glaces  de  la  mer  Polaire  se  soient 
brisees  celle  ann^e.  II  fallut  done  se  resoudre  k  passer 
encore  Ihiver  de  1852-53  enferme  dans  le  mfime 
havre.  Get  liiver  tut  extremement  rigoureux  el  le  ther- 
moni^tre  descendit,  au  mois  de  Janvier,  jusqu'a  /i2  de- 
gres  au-dessous  de  zt^ro. 

La  diminution  des  vivres  forgait  enfin  a  penser  aux 
moyens  d'envoyer  unc  parlie  de  I'cquipage  gagner  sur 
la  glace  les  points  ou  Ton  pourrait  esp^rer  rejoindre  soil 
les  baleiniers  qui  IVequentent  le  detroil  de  Lancastre, 
soil  les  etablissemonls  de  la  compagnie  de  la  baie 
d'iludson.  Le  capilaino  Mac-Clure  ne  devait  conserver 
avec  lui  qu'une  vingiaine  d'bommes  pour  tenter  en- 


(  257  ) 
core,  s'il  olait  possible,  de  dogager  le  batiment.  Tout 
elait  dispose  pour  le  depart,  qui  elait  fixe  aa  15  avril 
1853,  lorsque,  le  6,  le  capitainc  Mac-Clure  et  le  lieu- 
tenant Creswel,  se  promenant  sur  la  glace,  apercurent 
devant  eux  un  point  noir  qui  seniblait  courir  vers 
eux....  Cetait  le  lieutenant  Pirn,  du  Herald,  que  le 
capitaine  Kellet,  qui  avail  lrouv6  la  note  deposee  sur 
I'ile  Melville,  envoy  ait  a  la  recherche  de  Vlrwestis^ator 
avec  un  detachement.  11  est  facile  de  s'imaginer  quelle 
sensation  eprouverent  nos  braves  marins  en  se  voyant 
tout  a  coup  rejoints  par  des  compalriotes  au  moment 
ou  iis  n'avaienl  devanl  eux  que  I'expectative  d'un 
voyage  plein  de  dangers  et  de  soufTrances,  et  n'etant 
plus  soutenus  que  par  un  espoir  hicn  faible.  Nous  ne 
chercherons  pas  a  rendre  ici  Teffel  que  dut  produirc 
celle  heureuse  rencontre;  ne  nous  occupant  unique- 
ment  que  de  ce  qui  interesse  !a  science  geographique, 
nous  dirons  seulement  que  le  passage  au  nord-ouest 
^lait  trouve,  et  quoique  un  navire  n'ait  i)as  ele  trans- 
porte  de  I'ocean  Allanlique  a  I'ocean  Pacifique  ou 
r^ciproquement ,  il  6lail  bien  constant  que  le  seul 
obstacle  a  ce  Irajet  ne  consistait  que  dans  I'accumu- 
lation  des  glaces  qu'une  circonslance  fortuite  pent 
dissiper. 

Apres  eire  venu  se  concerler  avec  le  ca])itaine  Kellet 
sur  ce  qu'il  y  avait  a  faire  dans  cette  conjonclure,  le 
capitaine  Mac-Cliu-e  retourna  a  son  bord  dans  la  baie 
de  Merci,  d'ou  il  expedia  ses  nialades  ct  ses  infirmes, 
qui  furent  ramenes  en  Angleterre  en  octobr  1853. 
II  aurail  desire  passer  encore  un  hiver  dans  le  meme 
point  pour  voir  si,  en  185Zi,  les  glaces  ne  se  rompraicnl 
de  maniere  a  degager  son  baliment,  niais  I'etat  de 
IX.    MAI.    2.  18 


(  258  ) 
re(|uipage  ne  le  permit  pns.  En  const^ijuoncp,  le  3  juin 
1853,  Vlnvcstif^alor  I'ul  aI)iuulonne  el  I'equipoge  \inl 
rejoindre  les  navires  du  ca|)ilaine  Kellet,  le  Resoitt  et 
Vliitrepide,  qui  ^laient  fixes  dans  Winter-Harbour,  sur 
rile  Melville.  Mais  ces  batinienls  cux-memes  durenl  6lre 
abandonnt^s  en  avril  185/i,  et  Ii>s  equij)ages  se  Irans- 
porlerenl  sur  la  glace  a  bnrd  du  Aorth-Stnr,  qui  les 
ramena  en  Anglolcrre,  ou  ils  arriverent  en  octobre  185A. 

Le  capilaine  Mac-Clure  a  employ^,  tians  ce  memo- 
rable voyage,  plus  de  qualre  annees,  luUant  avec  una 
admirable  inlrepidile  centre  des  dangers  que  la  pru- 
dence liumaine  |H)uvail  a  peine  conjurer;  il  a  passe 
qualre  bivers  dans  ces  rc^j^ions  inbospitalieres;  il  a 
decouvertdes  lerres  enti^rement  iuconnues;  il  a  resolu 
enlin  ce  fameux  probl^me  de  la  jonction  de  I'Dcean 
Paciiique  et  de  I'ocean  Allanlique.  Voire  Commission, 
Messieurs,  a  pense  que  la  Society  de  g^ograpliie  devail 
decerner,  a  M.  le  capilaine  Mac-Clure,  sa  grandc  me- 
daille,  qui  a  el6  insliluee  pour  reconipenser  les  decou- 
verles  les  plus  imporlantes. 

Si  les  beaux  travaux  du  capilaine  Mac-Clure  ont 
(ixe  au  plus  haul  degre  rallenlion  de  voire  Commis- 
sion, elle  n'a  pas  oubli6  ceux  qui  ont  6te  executes  a 
la  meme  epoque,  dans  les  regions  arctiques,  par  le 
capilaine  Inglelield  ,  que  nous  nous  rappelons  avec 
bonbeur  avoir  vu  au  milieu  de  nous.  Grare  a  lui, 
le  Smylb's  sound  ,  a  rexlremil6  de  la  liaie  de  Baflin, 
qu'on  avail  regards  jusqu'a  ce  jour  comme  un  goH'e 
ferme,  a  616  reconnu  comme  un  delroil  qui  donne 
acc6s  dans  la  mer  Polaire  ,  le  d^lroit  de  Jobn  a  ele 
explore  au  loin  vers  I'ouest  et  parait  rejoindre  I'exlre- 
mite  nord  du  canal  deWellinglon;  une  aulre  ouverlure, 


(  259  ) 

le  Whale  sound,  situee  siir  la  cole  orientale  de  la  bale 
de  Baflin ,  a  aussi  ele  osaminee  et  paralt  beaucoiip 
plus  profonde  qu'on  ne  le  croyail;  en  sorle  que  le 
Greenland,  que  Ton  regardait  comnie  une  masse  com- 
pacte,  pourrail  bien  aussi  ne  former  qu'un  groupe 
d'iles.  C'est  un  nouveau  champ  qui  s'ouvre  encore 
aux  decouvertes  vers  le  pole  arclique,  et  si  la  naviga- 
tion dans  les  glaces  etait  rendue  moins  dangereuse, 
on  pourrait  esperer  approcher  dans  cette  direction  vers 
le  pole,  objel  de  tant  de  recherches. 

Voire  Commission,  Messieurs,  a  pense  qu'une  m6- 
daille  d'argent  devait  6tre  decernee  au  capilaine  Ingle- 
field  pour  ses  decouvertes  dans  les  mers  arcliques. 

Sans  doute  beaucoup  d'autres  ofiiciers  se  sont  signa- 
les  dans  ces  recherches  par  d'imporlants  travaux;  la 
geographic  doit  l)eaucoup  de  reconnaissance  aux  capi- 
taines  Ross,  Austin,  Penny,  Kennedy,  Kellet,  Belcher, 
Collinson,  de  Haven  et  au  docteur  Rae,  qui  ont  suc- 
cessivement,  et  au  milieu  des  plus  grands  perils,  explore 
ces  parages  glacis  et  developpe  nos  connaissances  sur 
ces  regions,  mais  ne  pouvant  porter  les  honneurs  que 
sur  un  petit  nombre,  nous  avons  cru  devoir  choisir 
pour  objet  dcs  recompenses  de  la  Societe,  en  pre- 
miere ligne,  celui  qui  a  r^solu  definitivemenl  le  grand 
probleme  de  la  communicalion'des  deux  oceans,  et 
en  seconde,  celui  dont  les  decouvertes  importantes 
ont  ouvert  un  nouveau  champ  aux  explorations  futures. 


(   260  ) 

PRIX 
poun  l'importation  en  France  des  ESP^crs 

LES     PLUS      UTILES      A     l' ACniCLLTUnE  ,      A      l'iNUIIST  lilE 
OV    A    L'llUMANlTi. 

Coiinnission  composee  de  MM    Isambeut,  Ue  la  Koquette 
et  JoMAUD,  rapporteur. 


Messieurs, 
Lc  lapport  que  vous  allez  entendre  n'annonce  pas 
de  nouveaux  progies  de  la  science  geograpliique  pro- 
prenient  dilf,    mais    la   Soci6te    avail,    dejxiis  qninze 
annees,    une  mission    speciale    a    roniplir:   elle  elail 
cliargeo  de  decerner  le  prix  fondc  par  un  prince  ami 
des  sciences.  Nous  sounnesdonc  obliges,  pour  jiislilier 
lc    prix    qu'on    decerne    aujourd'luii ,    d'enlrer  dans 
quelques   developpemenls    que  I'lionorablo    audiloire 
voudra   bicn    entendre  avec  indulgence.    Apres   tout, 
le  but  final  de  la  geographic  n'est  pas  la  connaissance 
sterile  des  mmis  de   villes  ou   deroyaumcs;   il   n'est 
pas   uniquement  de  mesurer  Ics  distances    des   lieux 
ou   It  ur   altitude,   de  decrire  les  mers  et  le  cours  des 
fleuves :  la  science  aspire  encore  a  un  but  eleve  qu'on 
ne  pourrait  atteindi-*   sans  elle,  celui  de    meltre   en 
rapport,    a  I'aide  de   I'exlensioii    des  connnissances, 
toucs  les  parties  de  la  lerre  et  toutes  les  populations; 
d'^tudier  les  races  diverses  ct  les  productions  de  loulc 
espece  qui  pcuvenl  s'echanger  au  profit  de  1  liunKinil6 
lout  enliere  ;  tel  est  aussi  le  noble  but  que  se  j)roposeiit 
les  voyages  de  decouvertes,   c'est-a-dire  la  geographic 
mise  en  action  et  ses  lemons  mises  en  jiratique. 


(  261  ) 

L'an  passe,  a  pareille  ^poqiio,  nous  disions,  A  pro- 
pos  d'une  importation  Inuie  reconte  de  la  Gliine,  due 
au  consid  de  France  a  Scliang-hai  et  NInp,-|-,o,  M.  de 
Montigny,  qu'il  elait  a  legreller  que  cette  importation 
ne  put  etre  comprise  dans  le  concours;  «  I'annee  pro- 
chaine ,  celte  imporlalion  ne  peut  manquer  d'etre 
grandement  distinguee  par  la  Societe  de  geograpliie,  » 
Nous  ajoutions:  a  La  Societe  zoologique  d'acclimatalion 
doit  inraillihlenient  accelerer  les  resullats  qu'on  desire 
et  donl  la  France  attend  de  precieuses  ressources  ali- 
menlaires.  Telle  elnilla  deslinalion,  lei  etail  le  but  de 
la  I'f^compense  que  la  Soci^t6  de  geograpliie  a  el6 
cliargee  de  decerner,  et  qu'elle  sera  lieureuse  d'ad- 
juger  bientot  au  voyageur  6claire  qui  aura  procure 
I'imporlalion  la  plus  utile  a  I'agriculture  ou  aux  arts.  » 

Nous  disions  enfin,  comnie  conclusion  du  rapport 
de  I'annee  derniere,  qu'une  m(^daille  elail  decernee  a 
M.  de  Montigny  pour  I'impdvlalion  de  plusieurs  plantes 
de  la  Cliine,  sans  prejudice  pour  les  nouveaux  droits 
qu'il  aura  acquis  au  prix  d'Orleans. 

Cette  annee  ,  Messieurs,  a  (^le  marquee  |)ar  de  tels 
progres,  par  de  si  beaux  succfes,  que  \otre  Commis- 
sion n'a  ^prouve  qu'un  seul  embarras,  celui  de  choisir 
cntre  les  signal^s  services  qu'a  rendus  noire  consul 
aSchang-liai  elNing-po.et  dont  chacun  lui  donne  des 
droits  au  prix  j)ropose  depuis  quinze  ans. 

Et  d'abord,  si  Ton  avail  dit,  il  y  a  six  annees  seule- 
meni,  lorsqu'une  maladie  funeste  a  envahi  la  pomme 
de  terre,  cet  aliment  precieux  qui  nourrissail  les  popu- 
lations presqu'a  I'egal  du  froment  et  a  propos  duquel 
on  disait :  desormais  il  n'y  a  plus  de  famine  a  craindre 
en  Europe;  si  Ton  avail  dit  alors,  et  meme  l'an  der- 


(  262  ) 

nier,  la  Chine  possede  un  v^g^tal  qui  reinplacera  la 
pomine  de  terre  ;  Ic  consul  de  France  i't»  rappotte  avec 
lui;  ce  vegetal  convienl  parl'aitemenl  i  noire  climat; 
il  brave  I'inleiuperie  des  saisons;  bienlol  il  sera  com- 
pUlement  acclimal6  et  Ton  pourra  le  r^pandre  par 
milliers  d'indiviilus ;  ce  fait,  Messieurs,  el  cetle  pre- 
diction auraient  trouv6  bien  des  incredules;  on 
n'aurait  point  os6  esperor  un  si  grand  bienfait  de  la 
providence,  apr^s  les  crainles  qu'a  lait  naltre  la  reduc- 
tion du  produit  dela  pomme  de  terre,  I'nne  des  causes 
sans  doute  de  I'elevalion  du  prix  des  grains,  et  par 
suite  du  rencherissement  de  toules  les  denrees. 

Eh  bien,  Messieurs,  ce  service  nous  est  rendu,  ce 
bienfait  nous  est  acquis;  Vignmne  du  nord  de  la  Chine, 
apport6  par  M.  de  Monligny,  a  reussi  dans  loutes 
scries  de  terrains;  ce  n'est  plus  une  simple  in)porta- 
tion,  c'est  une  accliniatalion.  C'est  a  notre  Jardiii  des 
plantes  {doni.  le  sol  et  I'exposition  ne  passenl  pas 
pour  etre  bien  favorables  a  la  vegetation  des  plantes 
exotiques)  qu'ont  ^t^  confies  les  premiers  ij^names  et 
its  y  ont,  d^s  la  premiere  arm^e,  produit  d'abondanls 
tubercules  ;  MM.  les  administrateurs  du  Museum  d'his- 
toire  nalurelle  ont  constate  la  marche  heureuse  de 
cette  acclimalatiun.  M.  Decaisne ,  le  professeur  spe- 
cial de  culture,  qui  I'a  suivie  avec  autant  de  succ^s  que 
de  sollicitude,  a  eu  la  satisfaction  de  voir  I'igname 
croilre  et  se  d^velopper  avec  la  mfime  facilite  que  la 
pommc  Je  terre;  la  planle  a  produit  des  tubercules 
qui  ont  lourni  un  aliment  parlaitement  comparable  a 
cetle  derniere  ;  elle  a  fourni  des  tron^ons  et  des  bulbes 
qui  I'ont  mullipliee  sans  d6g6n6rescence  ni  altera- 
tion.   Mais   nous   allons  laisser    parler  Iui-m6rac    le 


(  263  ) 

savant  professeiir  qui   a  consacr6  a  cello  interessanle 
acclimalalion   une  notice  li-6s  d^veloppee,    accompa- 
gnt-e   (le  cinq  a  six    figdres.    Seulement   nous   devons 
la    resserrer     beaucoup    dans     un     exlrait    succinct. 
«  Ancuno  plantc   preconisee  depuis   quel'jues  annees 
»  pour  reinplacerla  poniine  de  lerre  ne  sauiait  entrer 
»  en  coinparaison  avec  I'ignaine-patate  (1).  L'ignaine 
»  est  doniestiqu^e  depuis  un  temps  immemorial  :  elle 
»  esl   parfailement   ruslique    pour    notre   climal;    sa 
»  racine  est  volumineuse,   riclie  en  mali^re  nutritive, 
»  d^ja  mangeabie  crue,  d'une  cuisson  facile  soil  dans 
»  I'eau  suit  sous  la  cendre...   C'est  un  pain  lout  a  fail 
»  au  mSme  litre  que  la  pomme  de  terre...  Nous  avons 
»  la  ferme  confiance  que  I'igname  de  la  Cliine  viendra, 
»  comme  en  son  temps  la  pounne  de  terre,  accroitre 
»  bien  des fortunes  el  surtoul  alleger  bien  desmis^res... 
))  Celte  utile  importation  ne  rencontrera  pas  les  ri!;pu- 
))  gnances  qui,  pendant  plus  de  deux  siecles,  ont  mis 
»  ol>slacle  a  I'aduplion  de  la  pomme  de  lerre.  » 

M.  Decaisne  ajoule  que  celle-ci  esl  plus  richemcnt 
alimentaire  et  qu'elle  est  deslineo  peut-fetre  a  rendre. 
sur  quelquos  points  ile  notre  lerritoire,  de  plus  grands 
services  que  la  pomme  de  lerre  elle-mfeme.  Eilective- 
ment,  on  peul  manger  ce  vegetal  comme  un  fruit,  sans 
le  faire  cuire,  ce  qu'on  ne  peul  faire  de  la  pomme  de 
lerre.  En  oulre,  la  cliimie  y  a  decouvert  un  principe 
azote,  un  gluten  comme  celui  que  le  fromenl  conlient, 
ce  qui  fait  penser  a  M,  Fremy,  professeur  au  Museum, 


(l)  II  ne  faut  pns  confondie  cet  ijjnanie,  qui  appaitieni  ,iu  nord 
lie  la  Chine,  avec  I'igname  des  re{»ions  tropicales,  i\\\\  ne  pourrait 
pas  reussir  dans  notre  clitnat. 


(  2(i4  ) 

que  cetle  racine  poiirralt  scrvir  a  faire  du  pain  : 
rebullilion  siifl'il  en  effot  ponr  la  reduire  en  line  belle 
pate  anal(i£j;iie  a  celle  de  la  farino  de  Lie.  La  saveur 
de  ces  lubcrcules,  cults  a  la  vapeur  ou  sous  la  cendre, 
dil  M.  Dccaisne,  est  cclle  des  poujines  de  lerie  de  la 
meilleure  qualile  el  la  cuisson  a  lieu  deux  fois  plus 
vite.  Ln  dernier  avantage  de  I'igname  est  de  se  con- 
server  dune  annee  a  rautre  et  memo  plus  longtemps, 
sans  s>ermer,  sans  craindre  la  clialeur  ni  le  froid.  On 
a  laisse  la  planle  en  lerre  et  elle  a  subi  un  froid  de 
—  ill  dcgres  sans  s'allercr.  Quant  a  la  inullipliialion, 
elle  n'esl  pas  doutouse  depuis  quo  M.  Paillet,  pepinici- 
risle  (1),  a  fail  surgir  de  terre  plus  de  cinquante  mille 
\)\eds  d'Igname  en  une  saison  :  elle  se  reprodult 
egalenicnl  |)ar  Ironcons  de  racines  et  par  boulures  de 
liges. 

Telle  est  en  al)reg6  la  planle  donl  M.  de  Montigny 
vient  d'enricbir  la  France  (2);  en  Cbine  elle  s'appelle 
seya,  c'esl  la  providence  des  classes  populaires,  au 
Japon  comme  en  Chine.  Aussilot  que  notre  consul  en 
eut  connaissance,  il  en  fit  servir  tous  les  jours  sur  sa 
table;  il  s'assura  de  ses  qualiles  alinienlaires  et, 
des  ISZiS,  il  en  envoya  ici  des  racines  (3). 

Ln  mfelro  carre  pouvanlnourrir  vingtpieds  d'ignanie, 

(i)  A  Paris,  4ii  i"'ie  d'Austerliiz  Saiiit-Marrcau 

(2)  Nous  renvoyons  a  Tecrit  de  M.  Decnisiie  pour  la  description 
botanique  et  liistoiique  de  la  jil.iiite. 

(3)  La  plante  aniva  en  France  en  1849;  il  la  croyait  perdue, 
lorsriuc  visilaiit  rixposilioii  ile  la  Socie'lc';  d'horticulture,  en  l854,  il 
aijercut  un  ilii/.onie  (rignanie  (|ue  M.  Paillet  y  avail  poilc;  c'<st 
depuis  ce  monieiil  que  la  naturali'inliun  et  la  propafjation  dii  pre'cieux 
vegetal  out  ete  asiuiees. 


C  265  ) 

dit  encore  M.  Decaisne,  le  prodiiit  de  1  hectare  pour-- 
rait  etre  calculo  a  (50  000  kilogrammes  de  tuherculcs, 
ce  qui  est  le  double  de  ce  que  la  pomme  de  terre  donno 
en  moyenne  sur  le  meine  espace  de  lerre. 

Au  jardin  du  Museum  I'igname  a  ele  plante  sur  des 
plates-bandes  a  50  cenliaielres  d'inlervalle  par  tron- 
cons  plus  ou  moins  epais  el  aussi  par  tuhercules 
enliers.  Le  residtat  de  trois  modes  de  culture  est  un 
produit  moyen,  de  303  grammes  par  tubercules,  longs 
de  35  a  50  centimetres.  Or,  on  aiirail  pu  planter  ks 
troncons  a  20  centimetres  seulement  de  distance  en 
tout  sens.  Le  professeur  conseille  de  laisser  les  tiges 
trainer  sur  le  sol,  a  I'exeraple  des  Cliinois,  au  lieu  de 
les  ramer,  afin  qu'elles  s'enracinenl  et  se  mulliplient 
d'autant. 

En  resume,  M.  Decaisne  n'liesite  pas  a  regarder 
I'igname  de  Chine  comme  superieure  en  qualite  a  la 
pomme  deteire...,  comme  plus  riche  en  principes 
nutritil's;  la  culsson  dans  I'eau  converlit  les  racines 
en  une  pate  qu'ii  compare  a  la  plus  belle  farine  de 
froment. 

II  n'est  pas  inutile,  en  terminant  ce  que  nous  avons 
a  dire  sur  la  naturalisation  de  I'igname  de  Chine , 
d'ajouter  que  la  plante  a  egalemcnt  tres  bien  reussi 
a  Alger:  les  tuhercules  ohtenus  avaient  le  goul  des 
meilleures  qualites  de  pomme  de  terre.  Peut-elre 
est-il  permis  de  rappeler  que  la  Societe  do  geographie, 
chargee,  en  1851,  par  notre  consul,  de  distri])uer  les 
graines  de  la  Chine  enlie  les  etablissements  d'agri- 
culture  de  la  France,  a  la  premiere  envoye  la  graine 
de  seya  dans  los  departemenls,  a  Oran  et  Alger. 
L'introduction  du  sorgho  a  sucre  de  la  Chine,  ou 


(  266  ) 

sorgho  noir  [Holciis  sacchnrntus)  pr^senle  aussi  iin  vif 
ini^r^t.  Plante  dans  le  cli?ipait('inLMit  dii  Var,  ce  v^gelal, 
riche  en  sucre,  a  pait'ailemont  re^iissi  ;  il  on  esl  He 
m6ine  cles  d^partemonts  des  Bouchos-du-Rli6ne  ,  dii 
Gard  el  du  Tarn. 

A  la  feime-ecole  do  ^Jandoul,  le  sorgho  a  foiirni  de 
I'alcool  et  du  sucre  en  assoz  grande  abondancff,  d  u 
rliura,  elc;  les  essais  continuent  en  grand.  La  plante 
fournil  aussi  une  nialiere  coloranle  d'un  Ir^s  beau 
rouge.  On  on  a  sem6  a  Lyon  /jO  hectares  pour  la  tein- 
ture.C'est  encore  la  Soci6t6  de  geographic  qui,  en  1851, 
avaitdistribii6celtegraine,ainsi  quo  celle  duseya,  entre 
vingt-deux  Soci6l6s  d'agricullure,  pepiniires,  leiines- 
^coles  el  jardins  d'accliuiatalion.  Le  sorgho  noir  a 
d'aulres  a\antages  pr6cieux.  Les  feuilles  donnent  un 
bon  fourrage,  et  la  bagasse  c'est  a-dire  la  canne  qui 
a  passe  au  pressoir,  sert  de  nourriture  aux  besliaux, 
fait  un  bon  combuslible  et  un  engrais  abondant.  Ainsi, 
pour  nous  servir  des  expressions  du  coinle  de  Beaure- 
gard, president  du  Cornice  agricole  de  Toulon,  «  Celte 
))  planle  piecieuse  abreuve  et  nourrit  largement  les 
»  hommes,  les  anitnaux  et  la  terre...  C'est  bien  elle, 
))  s'il  I'eilt  connue,  que  noire  bon  Olivier  de  Serres 
»  eOt  nomm6e  la  merveille  des  menages.  » 

Vous  le  voyez,  Messieurs,  la  Society  de  geographie 
peut  se  fcliciter  d'avoir  prSte  son  ooncours,  ii  y  a 
quatre  ans,  a  notre  genereux  representant  en  Cliine, 
pour  la  distribution  des  graines  sur  toute  I'eclielle 
climalerique  de  la  France ;  pouvait-elle  moins  faire 
pour  reuiplir  et  justifier  rhonorable  mission  de  bien 
public  dont  elle  avail  616  chargee? 

Si  le  temps  le  permeltait,  nous  entrerions  dans  les 


(  267  ) 

ni6mes  details  sur  rimporlation  d'autres  v6g6taux  que 
Toil  doit  a  M.  de  Monligny,  le  riz  sec  du  noid  de  la 
Cliino ,  riz  qui  se  cultive  parlout,  sur  les  montagnes 
comma  dans  les  vallees;  le  mais  geant  (1);  le  haricot 
de  Cor6e ,  grain  d'une  saveur  exquise,  et  I'alpiste, 
graiiie  fine,  que  d^vorent  les  animaux  de  basse-cour, 
egaleraent  bonne  pour  les  clievaux,  les  boeufs  et  les 
pores. 

La  France  pourra  done  s'affranchir  du  lourd  tribut 
qu'elle  paie  a  I'etranger  pour  se  procurer  du  riz. 

Mais  une  des  meilleures  conquetes  pour  noire  agri- 
culture est  celle  du  pois  ol^agineux ;  il  a  r^ussi  sur 
tous  les  terrains;  il  provient  d'un  climat  analogue  a 
celui  de  nos  provinces  du  nord,  c'est-a-dire  des  pro- 
vinces de  Honan,  de  Cliang-tong,  de  Chen  si;  on  peut 
en  lirer  25  pour  100  d'une  bonne  liuile  qui  est  prefe- 
rable aux  liuilfcs  de  navette  et  de  colza.  On  engraisse 
le  belail  avec  les  lourteaux.  Avec  la  farine  de  ce  pois, 
on  fait  une  pate  ou  sorle  de  fromage,  aliment  d'une 
grande  ressource  pour  les  classes  pauvres;  ce  dernier 
produit  se  transportepar  toule  la  Chine  el  au  Japon.  La 
culture  du  pois  oleagineux  a  ele  essajee  dans  un  grand 
nombre  de  departemenls ;  la  planle  y  a  porte  graine. 
En  AUemagne,  en  Hollande,  en  Su^de  et  en  Ilalie  , 
on  a  ^galement  recolle  de  la  graine  qui  a  milri ;  Tac- 
clinialation  du  pois  de  Chine  est  assur^e. 

M.  de  Monligny,  dit  le  baron  de  Monlgaudry,  a  rendu 
des  services  incalculables  par  I'introduclion  de  toules 
ces  graines,  et  Ton  peut  ajouter  que  si  la  France  avail 

(i)  Le  baron  de  Monlgaudry  pense  que  I'alpiste  et  le  mais  geant 
peuvent  aussi  etre  cultives  comine  paturage. 


(  268  ) 

plusieurs  consuls  aussl  eclaires  ct  aiissi  zeles  quo  lui, 
la  France  pounait  l)i(Mil6l  douhler  ses  recoltes. 

II  c'sl  leiiips  (le  parler  tie  deux  auties  iinportalions 
clues  au  consul  de  Franco  eii  Chine,  ot  qui  apparlien- 
nent  au  r^cjne  animal :  I'yak  ct  le  vcm-  a  soie  du  chene. 
Nous  avons  lous  pu  voir  au  Jardin  dos  plantos  lo  Irou- 
peau  des  doiizo  vaks,  arrives  dc  Chine  sains  et  saufs, 
a  la  suite  d'dno  hieii  longiie  navigation  qui  a  manque 
de  finir  pai*  un  naufrage.  Depuis,  cos  animaux  onl  ele 
rt^partis  prisqui'  tous  dans  divers  deparlements,  ou  le 
climat,  I'eli^valion  du  sol  ct  sa  nature  presentaient 
de  I'analogic  avoc  les  iioux  dont  iis  sont  originaires. 
On  a  lieu  de  so  fddicitor  du  clioix  qui  a  il&  fait  sous 
ce  rapport;  Irois  individus  sont  restos  au  Museum; 
deux  ont  ete  envoyes  par  le  minislro  de  I'inslruction 
publique  en  Auvergne;  deux  sont  a  Barcclonnelto ; 
Irois  dans  les  montngnes  du  Doubs  du  cole  de  Pon- 
larlier;  enfin  deux  sont  dans  le  Jura  pr6s  de  Cham- 
pagnole.  Tous  ces  animaux  recoivenl  les  meilleurs 
soins,  i/s  sont  devenus  tna^nifiqiies,  ils  se  sent  multi- 
plies. La  naturalisation  de  I'yak  en  France  est  desor- 
mais  certaine. 

C'esl  au  savant  president  de  la  Society  zoologique 
d'acclimalation ,  M.  Isidore  GeoU'roy  Saint-Hiiaire , 
qu'il  appartient  de  parler  avec  autoi-ite  de  I'introduc- 
tion  de  I'yak  ct  des  avantages  qu'on  pout  son  pro- 
mettre;  il  suit  avec  la  plus  grande  sollicilude  le  pro- 
gres  de  celle  im[)ortalion.  II  sulTit  de  dire  que  les  yaks 
prosp^renl  parlout;  deux  jounes  yaks  onl  double  de 
laillo.  A  la  fin  tl'octobre  dernier,  dans  le  Jura ,  est 
n6  un  jeune  yak,  le  premier  ne  en  Huiope;  un  autre 
est  ne  a  Paris  nifime,  il  n'y  a  pas  un  mois.   ISous  no 


(  269  ) 

pouvons   mieux  I'aire,   icl,    que  cle   citer  les  proprcs 
tei'iiies  cle  M.  GoofFroy  Sainl-Hilaire. 

«  Nous  lie  nous  somixies  pas  occupes  sculemont 
»  d'acclimalei'  et  d'essayerde  mulliplier  nos  animaux. 
»  Nous  Its  avons  Studies  a  divers  points  de  vue.  Vous 
»  pouvez  voir,  dans  le  rap|U)rt  de  M.  Duvernoy  (qui 
))  est  insere  dans  le  Bulletin  de  la  Soci^te  zoologiquc), 
»  les  resullats  des  observations  de  M.  Richard,  du 
))  Cantal,  sur  !a  conformation  de  I'animal  comme  bete 
»  de  Iraiisporl  elde  selle,  si  Ton  veut  meme  I'oniployer 
»  a  cet  usage,  coaime  on  le  lait  dans  le  pays.  Vous 
M  avez  pu  voir  dans  le  nieme  rapport  les  resullats  de 
))  I'analyse  du  lait  par  M.  Doyen.  Le  lait,  quo  tout  Ic 
))  nujnde  avail  deja  juge  excellent  au  gout,  s'est  trouve, 
»  a  I'analyse,  I'un  des  nieilleurs  et  des  plus  riclies  que 
»  Ton  connaisse ;  il  ne  cede  en  rion  a  cehii  de  la 
»  vache,  donl  il  se  rapproche  beauconp  d'ailleurs. 
»  Taiidis  que  ces  observations  se  I'aisaienl  ici,  j'avais 
))  envoye  des  poils  et  lainages  d'yaks  a  Mulhouse,  dont 
»  la  celebre  Sociele  industrielle  ni'avait  otlert  son 
))  concours.  Les  essais  onl  etc  fails  par  MM.  Sclilum- 
»  berger,  et  vous  pouvez  voir  dans  le  dernier  numero 
))  du  Bulletin  que  ces  messieurs  ont  tres  bien  reussi  a 
»  filer  celte  laine,  et  que  la  Societe  industrielle  de 
»  MuUiouse  promet  une  belle  place  dans  lindustriea 
))  cette  maliere,  a  la  fois  moUe,  resistante  el  brillante. 
»  J'ajouterai  ,  pour  vous  donner  tout  ( e  qu'il  y  a  de 
))  plus  iiouveau,  que  j'ai  ecrit  dans  le  Jura  pour  avoir 
))  de  la  laine  de  notre  jeune  yak  fruncais.  C'cst  une 
»  laine  d'une  finesse  et  d'un  moelleux  admirable. 
))  Quand   I'especc    sera  niullipliee,    les  veaux   males 


(  270  ) 

»  qn'on  enverra  a  la  l)ouchcrie  donneront  done,  oulre 
»  leiir  chaic,   ime  laine  Ires  |)recieiise.  » 

On  doil,  en  oU'et,  a  M.  Rirhanl  (in  Canlal,  \lce-pr6- 
sident  de  la  Soci^t^  d'accliinatalion,  un  rapporl  lumi- 
neuxel  siibslanliel  sur  I'actliniatalioii  desyaks,  siir  les 
condillons  a  reinplir,  les  nioyens  a  employer.  On  sail 
que  les  yaks  sont  qriginaires  dii  Tliibel  ;  on  a  du 
choisir  en  Europe  des  montagnes  ^lev^es,  donlles  p&lu- 
rages  sont  formes  d'lierbages  sees,  oil  dominenl  les  gra- 
inin^eset  les l(^gumineuses. Sices lierbages sont  pourvus 
d'arbres  el  d'eaux  liiiipides,  les  animaux  y  trouveront 
de  I'ombre  pendant  I'ardei.r  du  soleil,  une  iraicheur 
sahilaire,  une  boisson  salubre.  L'liiver,  la  nourriture 
sera  com|)oseede  lourragesbien  cboisis;  les  etables  se- 
ront  agrees,  construitessurun  sol  incline,  pav(^  en  dalles 
ou  en  briques,  et  proprement  entretenues,  etc.  Ces 
inslructions, donneesparlaSocieted'acclimatation,  out 
ete  et  conlinuent  d'etre  suivies  par  les  elablisseaienls 
auxquels  les  yaks  ont  616  confies.  Barcelonnette,  dans 
les  Basses-Alpes,  a  une  altitude  de  1180  metres;  la 
chaine  do  montagnes  a  plus  de  2  000  metres;  il  est 
plusieurs  villages  elablis  a  cette  hauteur.  Ce  pays  rap- 
pclle  le  Tliibet,  son  climat  el  ses  productions,  et,  dit 
M.  Valserres,  dans  son  rapport  a  la  Socidle  d'acclimata- 
lion,  lout  fait  jienserque  la  precieuse  toison  de  I'yakde 
la  Chine  se  produira  la  en  abondance,  en  m6me  temps 
qu'il  y  acquerra  loutes  ses  qualil6s  solides,  comme 
animal  de  monlagne,  comme  bSle  de  sommc  et  comme 
b6le  de  labour.  Le  yak  remplacera  lemulet;  il  ne 
rendra  pas  moins  de  services  sous  le  rapport  alimen- 
laire  pour  la  chair   et  le  lait.   L'animal  a  des  rap- 


(  271  ) 

ports  d'liabitude  comme  cle  conformation  avec  le 
cheval ;  comme  liii,  il  francUit  ties  fosses  et  donne  des 
ruados;  comme  le  chamois,  i!  s'elance  du  haul  des 
precipices.  Bien  que  places  a  la  porte  de  Biircelon- 
nette  les  yaks  prosperent;  il  y  a  lieu  de  croire  que 
places  a  une  plus  grande  elevation,  ils  reusslronl 
encore  mleux. 

Dans  le  Jura,  les  deux  yaks  n'ont  pas  moins  bien 
reussi  ({ue  dans  les  Alpes.  A  Besangon  les  trois  yaks 
ont  profite  de  la  mfime  facon  et  uionlre  les  memes 
habitudes  qu'a  Barcelonnelle.  L'animal  est  dnux, 
sociable;  il  lienl  du  cheval  par  la  queue,  par  la  cri- 
ni^re  et  par  les  allures;  du  boeuf,  par  la  structure  et 
la  solidile  ;  de  la  chevre  par  le  pied  et  par  laplitude 
a  sauler  les  fosses,  a  grimper  et  descendre  les  escar- 
peni(  nls.  La  genisse  est  d'une  petulance  extraordi- 
naire; le  jeune  taureau  a  cru  rapidement. 

La  tonte  de  la  laine  de  I'yak  peut  se  faire  deux  fois 
I'an.  L'engrais  est  tr6s  ammoniacal.  Telles  sont  les 
riches  qualilCs,  agricoles  et  induslrielles,  que  promet 
et  possede  I'yak  :  laine  soyeuse  pour  nos  manufac- 
tures; engrais  pour  nos  campagnes;  aliments  pour 
tons;  amelioration  nes  transports  dans  les  pays  de 
montagnes. 

De  ni^me  que  la  pomme  de  lerre  degen^rait  chez 
nous,  la  race  des  vers  a  soie  allait  aussi  en  deperis- 
sant.  Celte  grande  source  de  ricbesse  et  d'honneur 
pour  la  France  t^lait  inenacee;  I'epidemie  appelee 
muscarclineexergait  dans  nos  rnagnaneriesde  lenibles 
ravages.  Depuis  linvasion  dc  la  muscardine,  la  France 
elait  obligee  de  faire  venir  annuellement  d'ltalie  pour 
12  000  000  de  francs  de  la  graine.  On  appelait  a  grands 


(  272  ) 

cris  line  nouvellc  race  jioiir  siipploor  uiie  race  abatai- 
(lie.  C'esl  encore  M.  di'  Monli^nv  qui  est  veiiu  poiir- 
voir  a  ce  boso'in  ]iressnnl,  par  iiiic  sorle  de  mission 
providcnlielle  :  lionneur  a  lui  pour  avoir  coinpris  loiites 
ces  necessilL's,  el  mis  a  profit  avec  lanl  (rintelligeiicc 
et  dc  devouement  sa  position  oflficielle  I 

Les  populations  cliinoises  se  v6lisscnt  avec  line  soic 
tiree  dtis  vers  a  soie  da  chene;  M.  de  Montigny  a  envoys 
en  France  des  cocons,  encore  vivants,  de  ces  insectes; 
les  premiers  n'ont  pas  ete  sufTisamment  soignes;  raais 
il  a  depuis  fait  venir  de  la  graine  des  meilleures  races 
qu'on  eleve  en  Chine.  Les  plus  belles,  selon  ce  juge 
eclaire,  sont  celles  dont  la  graine  proviont  du  Hang- 
tscliou,  inarche  ou  abondcnl  les  soies  les  plus  renom- 
mees.  La  Societe  d'acclimatation  s'est  occups^e  de 
distribuer  cette  graine,  non-seulemont  en  France,  mais 
en  Algerie  et  en  divers  pays  de  I'Europe  :  les  resultals 
ne  se  feront  pas  atlendre. 

Nous  ne  devons  pas  entrer  dans  d'nulres  details  sur 
les  vers  a  soie  de  la  Chine,  pays  (jui  ronferme  plu- 
sieurs  saturnies  ou  esp6ces  sauvagcs,  vivant  sur  le 
frfene,  sur  le  chene  et  sur  d'aulres  arbres;  les  expe- 
riences commencees  et  suivies,  avec  autant  de  lumi^re 
que  d'assiduile,  par  la  Socii^te  d'acclimalalion,  resou- 
dront  bientot  la  question  posee  plus  liaut,  savoir  le 
prompt  remade  a  ap[)orter  a  la  d^gendrescence  dc  la 
race  frangaise. 

Les  developpcments  qui  pr6c6dcnt  font  asscz  pres- 
senlir  la  conclusion  a  laquelle  est  arrivee  la  Commis- 
sion centrale  de  la  Societe  de  geographie.  Depuis 
quinze  ans  la  Societe  avait  olFert  un  prix  pour  I'im- 
portalion  el  racclimalation  d'une  espece  utile  a  I'agri- 


(  273  ) 

culture  ou  aux  arts:  cc  prix  a  ckS  pour  ainsi  dire, 
gagne  plusieurs  fois  par  Ic  consul  dc  France  a  Shang- 
hai et  Ning-])o,  M.  de  Monligny;  qu'il  le  rccoive  enfin 
aiijourd'hui,  avec  nos  plus  vives  el  nos  plus  sinceres 
felicilations. 

Vous  le  voycz.  Messieurs,  la  Societe  de  geographie 
n'a  qu'a  s'applaudir  d'avoir  accept^  la  mission  dent 
le  fondateur  du  prix  I'avalt  honoree,  puisqu'clle  le 
decerne  aujourd'hui  a  de  grands  services  rendus  au 
pays.  La  Societe  peut  encore  se  lelicitcr  d'avoir,  la 
premiere,  appele  rallenlion  publiquc  sur  cet  impor- 
tant sujet,  en  offrant  le  prix  chaque  annee,  avec  per- 
severance, et  sans  se  decourager.  C'est  avec  satisfac- 
tion qu'en  se  lormant,  I'annee  derniere,  la  Sociele 
iVacclimatation  a  trouve  un  tel  prix  offert  aux  voya- 
geurs;  aujourd'hui  elle  se  r^jouira  de  le  voir  accorde 
a  un  homme  dent  personne  plus  et  mieux  qu'elle  ne 
peut  appr^cier  le  raerile  el  les  services;  et  aussi  nul 
juge  plus  eclaire,  plus  competent,  ne  pouvait  nous 
servir  de  guide  dans  le  choix  du  laureat. 

JOMARD, 
Rapporteur. 


IX.    MAI.     3.  19 


(  274  ) 
DE   L'INFLLENCE 

QUE  LK   C\NAL  DBS  DEUX    MF.RS    EXEIICERA   SDR   LK   COMAfP.RCR 

EN  GkyknKh 

ET    SUR   CELII    DK   LA  MER   ROUGE   EN  PARTICULIER. 


^perire  terram  gentibus.  Ouvrir  la  lorre  aux  nations: 
lelle  est  la  devise  du  savanl  et  ile  I'cxploralenr,  dii 
marin  el  du  soldat,  du  colonisatour  et  du  cominercanl; 
illustrcs  ou  obscurs,  les  uns  et  les  autres  la  meltenl 
en  pratique  et,  chaque  jour,  les  anciennes  barriercs 
quiferuiaient  le  monde  s'abaissenl  devant  noire  audace 
el  noire  perseverance. 

J'inscrivais,  il  y  a  quelques  rnois,  en  tfile  d'un  de 
nies  livres,  le  uiol  sul)lime  d'Aleximdre  el  je  le  com- 
mcnlais  en  quehjue  pages,  fermemenl  convaincu  do 
ce  grand  principe,  que  la  richesse  et  la  civilisation  des 
peuples  sont  en  raison  directo  des  relations  qu'ils  cn- 
Ireliennent  les  uns  avec  les  aulres. 

Ainsi  riionime  isol(§  est  sauvage;  I'habilanl  des 
pclites  ciles  est  quelquefois  l)arbare;  celui  des  grands 
cujpires  est  civilis6,  [/Europe  n'esl  si  grande  que 
depuis  que  le  reste  du  monde  s'osl  r^volo  a  ses 
recberclies. 

L'Europe,  li6riliere  longtemps  ouldieuse  des  Ro- 
niains,  sc  rap[)cla  un  jour  leur  gloire  et  leur  sagesse  ; 
conime  le  plienix  elle  sortil  de  ses  ccndres  et  cette 
rdsurreclion  lul  appelec  la  renaissance. 

Alors  la  pensee  devenue  libre  fut  vulgarisde  par 
rimprimerie;  alors  les  routes  de   rAint^rique  et  de 


(275  ) 

rinde  s'ouvrircnt  devant  Christophe  Colnmb  etdevant 
ce  grand  capitaine  auquel  Camoens  faisait  dire  : 

Sou  da  forte  Europa  bellicosa 
Busco  as  terras  da  India  tao  famosa. 

La  vieille  humanity  n'avait  point  encore  vii  de  revo- 
lution pareille ;  depuis  cependant  qn'elle  s'est  ac- 
complie ,  rEiirope  precipitant  sa  raarche,  autrefois 
chancelante,  s'avance  vers  le  progres  avec  line  vitesse 
toujours  accel^ree  et  dent  la  loi  ressemble  a  celle  de 
la  chute  des  corps. 

C'est  ainsi  que  la  vapeur  et  I'^lectricit^  nous  ont 
rendus  maitres  de  la  distance  et  du  temps,  et  que, 
grace  aux  chemins  de  fer,  la  terre  ferine  semble  rede- 
venir  le  chemin  de  la  terre. 

On  roconnait  cependant,  des  qu'on  y  refl6chit,  que 
le  voyageur  peut  seul  suivre  habituellement  ces  voies 
couteuses  et  que  le  grand  connnerce,  aslreint  a  plus 
d'economie,  devra  toujours  promener  sur  I'Oc^an  des 
milliers  de  navires  et  se  contenter  de  la  force  gratuite 
que  lui  pretent  les  vents. 

Percer  risthme  de  Suez  et  I'isthme  de  Panama,  c'est 
ouvrir  au  navigateur  des  routes  moins  longues  et  moins 
p^rilleuses ;  c'est  diminuer  les  frais  que  supporte  le 
commerce,  ^tendre  ses  relations  en  les  facilitant , 
accroilre  le  bien-6tre  ou  la  richesse  de  tous,  rappro- 
cher  les  peuples  et  rapprocher  ainsi  la  grandeur  des 
uns,  la  civilisation  des  autres.  Telle  est  une  des  taches 
reserv^es  a  la  seconde  raoiti6  de  notre  si^cle  d6ja  si 
grand,  siecle  a  la  gloire  duquel  cette  ceuvre  sufTirait 
seule. 


(  276  ) 

Lc  canal  amoricain  ct  celui  do  Suez  n'ont,  toiitefois, 
j)as  line  egalo  importance.  Le  canal  dc  Suez  unit 
rinde  et  I'Europe,  il  resume  le  commerce  ct  la  pro- 
sp(5ril6,  la  paix  et  lc  progres  de  I'Europe,  dc  I'Asie,  de 
I'Afrique  elle-meme,  dc  lout  cet  hcWnisphorc  en  un 
mot,  dont  la  superficio  continentalc  est  a  celle  de 
I'hemisph^re  oppose  comme  23  est  a  11. 

C'esl  a  M.  Ferdinand  dc  Lessops  qu'etait  reserve 
I'honneur  d'aitacher  son  nom  a  cetle  grande  entre- 
prise,  autorisee  et  palronnee  par  le  vice-roi  d'Egypte 
Mohammcd-Said. 

Heureux  d'avoir  pu  applaudir  un  des  premiers  en 
Egypte  k  ce  triomphe  nouveau  de  la  civilisation,  jc  me 
f^licite  encore  de  pouvoir  consacrer  quelques  pages  a 
I'elude  des  questions  que  souleve  rouvcrture  du  canal 
des  deux  mers. 

Si  Ton  compare  les  distances  ininimnm  qui  s^parcnt 
les  ports  de  I'Europe  de  ceux  de  I'lnde,  d'une  part, 
par  le  cap  de  Bonne-Esperance ,  de  I'aulre,  par  le 
canal  des  deux  mers,  on  constate  des  dillerences  enor- 
mes  a  I'avantage  de  cetle  derniere  voie.  Ces  did'erences, 
toutofois,  deviennent  plus  grandes  encore,  dfes  que  Ton 
vient  a  se  rappeler  que  la  ligne  droile  est  loin  d'dtre 
en  marine  le  plus  court  chemin  d'un  point  a  un  autre, 
et  que  les  navigaleurs  n'atteignent  lc  but  vers  lequel 
ils  se  dirlgcnt,  qu'en  suivant  successivemcnt  un  certain 
nombre  de  routes  qui  font,  les  unos  avcc  les  aulres, 
des  angles  plus  ou  moins  grands. 

Ainsi,  loin  de  gagner  direclemcnt  lc  ca])  de  Bonnc- 
Esperance,  Icsmarins  qui  partent  de  I'Europe  ou  des 
ports  allantiquesderAmerique  du  Nord  pour  se  rendre 


(  277  ) 

dans  rinde,  doiveiil  aller  reconnailre  les  Canaries  ou 
les  Acores,  se  porter  dans  ie  lit  des  vents  alis^s  de 
riiemispherc  nord,  gagner  la  cule  du  Bresil  et  recon- 
nailre le  cap  Frio,  ou  relaclier  a  Rio- Janeiro;  c'est 
alors  setdement  qu'iis  peuvcnt  faire  route  sur  le  cap 
de  Bonne-Esperance ,  mleux  nomm^,  peut-etre,  le 
cap  des  Teuipetes;  ilsfranchissent  enfin  le  banc  des 
Aiguilles,  gagnent  Bourbon  ou  Maurice,  et  de  la  se 
rendent  dans  I'lnde,  en  suivant  les  routes  que  leur 
Iraccnt  les  nioussons. 

Les  navires  de  la  Metliterranee  ont  a  lulter  contre 
des  conditions  plus  dt^savanlageuses  encore  :  il  Icur 
..  faut  souvent  une  quinzaine  de  jours  pour  franchir  le 
detroit  de  Gibraltar,  les  vents  d'ouest  regnant  habi- 
tuellement  dans  ce  d^troil,  ou  Ton  observe  un  cou- 
rant  Ir^s  rapide  qui  verse  dans  la  Mediterranec  les 
eaux  de  I'Ocean. 

II  en  resulte  que  les  voyages  de  I'lnde  prennent  au 
nioins  cinq  mois  a  cinq  mois  et  demi :  les  traversees 
de  relour  sont  un  peu  plus  directes  sans  etre  sensible- 
ment  plus  courtes;  la  cote  d'Afrique  pent  alors  fitre 
suivie  de  plus  pres,  grace  aux  alizes  de  riiemisphere 
sud ;  la  relaclie  indiquec  dans  ce  cas  est  Sainte- 
Helene. 

J'ai  suivi  moi-meme  ces  deux  routes,  il  y  a  une 
dizaine  d'annees.  Si  nous  examinons  maintenant  les 
conditions  faites  a  la  navigation  dans  les  trois  mers 
les  plus  voisines  du  canal  de  Suez ,  a  savoir  la  Medi- 
lerranee ,  la  mer  Rouge  et  le  golfe  d'Oman,  nous 
trouvons  : 

Que  sur  la  Mediterranee  les  vents  souHlent  du  nord 
pendant  la  plus  grande  parlie  de  I'annec,  passent  au 


(  278  ) 

sud  par  Test  vers  le  printeraps  et  reviennent  au  nord 
en  passaiU  par  I'ouest  et  le  nord-ouest. 

Qu'il  en  est  a  peu  pr^s  de  mfime  sur  la  mer  Rouge, 
ou  le  vent  du  nord,  qui  est  le  plus  Frequent,  elcve  les 
eaux  dans  la  direction  du  Bab-el-Mandeb ;  de  telle 
sorte  que  lorsque  le  calme  vient  a  se  produire ,  on 
remarque  un  courant  qui  porto  dans  le  nord;  ce  sont 
^videniMicnt  les  eaux  elevees  dans  le  sud  qui  tendenl 
a  reprendre  leur  niveau;  les  venis  de  la  partie  du  sud 
succ^dcnt  habituellement  au  calme. 

Le  golfe  d'Oman  a  deux  moussons,  la  mousson  du 
nord-est  qui  r^gne  avec  peu  de  Constance  pendant 
I'hiver,  et  celle  du  sud-ouesi  qui  regne  pendant  I'^t^ 
et  est  souvent  orageuse;  le  passage  d'une  mousson  a 
I'autre  s'effectue  la  comme  partoul  par  une  s6rie  de 
calme  et  de  coups  de  vent. 

11  me  sembie  r^sulter  de  ce  qui  precede  que  les 
navigateurs  auront  avantage  a  se  rendre  dans  I'lnde 
(par  le  canal)  pendant  I'automne  et  a  en  revenir  vers 
le  prin temps. 

L'abr^viation  considerable  de  la  distance  qui  separe 
les  ports  europ^ens  des  ports  de  I'lnde  n'est  pas  le 
seul  avantage  que  le  commerce  doive  trouver  a  la  fre- 
quenlation  du  canal  des  deux  iiiers  :  non-seulement, 
en  effet,  les  navires  alteindront  plus  rapidement  le 
point  extreme  de  leur  navigation  ,  mais  encore  ils 
rencontreront  sur  toute  leur  route  des  poinls  de  ve- 
lache  et,  ce  qui  est  plus  important,  des  marrlies  con- 
siderables. 

Le  navigateur,  apres  avoir  suivi  les  routes  t'aciles  de 
la  Mediterranee,  vendra  dans  le  canal  de  Suez  ou  a 
Djedda  une   partie    de  son    cliargerncnt,    aclieLera    a 


(  279  ) 

Massawa,  ou  a  Souaken,  ou  a  Berbera,  I'ivoire  qu'il 
^changera  dans  I'lnde  conlre  de  I'opium,  ou  qu'il 
transporlera  jusqu'eii  Cliine,  pour  y  obtenir  de  la 
sole  et  du  th^. 

II  complelera  son  chargement  de  retour  en  denrees 
coloniales  de  Manilla,  des  iles  do  la  Sonde,  de  Ceylan, 
en  colon  de  I'lnde  ou  de  I'Lgypte,  en  cafe  de  I'Abys- 
sinie ,  ou  de  rYemen ,  en  gomme  du  Soudan  ou  du 
Hedjaz,  en  ble  de  la  basse Egypte  ou  en  riz  de  Damielte, 
et  ces  operations  multiples,  qui  exigent  aujourd'hui 
des  annees  ou  constituent  presque  autant  de  specia- 
lites,  s'accompliront  rapidement  et  sans  p6ril,  avec 
peu  de  capitaux  et  de  petits  navires. 

En  effet,  en  reduisant  le  temps  necessaire  aux  ope- 
rations du  commerce,  on  en  reduit  les  irais  g^neraux, 
on  rend  un  plus  grand  nombre  de  ces  operations  pos- 
sibles dans  un  temps  donne,  on  les  facilite  aux  petits 
nt^gociants,  de  beaucoup  les  plus  nombreux. 

En  ofifrant  a  la  navigation  une  route  plus  facile, 
plus  sure,  on  permel  a  cette  navigation  de  s'accom- 
plir  avec  des  navires  d'un  faible  tonnage,  arm6s  a  bon 
compte;  en  un  mot,  on  ouvre  au  cabotage  les  routes 
de  rinde,  on  democratise  le  commerce  et  la  naviga- 
tion. Des  lors,  laTurquie,  laRussie,  rAutriche.l'Italie, 
I'Espagne  m^diterran^enne  peuventarmer  pour  I'lnde; 
ces  puissances  voient  s'accroitre  dans  une  immense 
proportion  leurmouvement  maritime.  Marseille  prend 
un  devclojipement  nouveau  et  les  ports  de  I'Ocean, 
Cadix,  Lisbonne,  le  Havre,  Rotterdam,  Hambourg, 
mulliplient  leurs  armements,  ainsi  que  I'Angleterre, 
rapprocbee  soudain  de  sa  puissante  colonic,  comme 
I'Espagne  et   la  Hollande    le   seront  de  Manille  et  de 


(  280  ) 

Batavia;  cnfin  raccroissemenl  des  relations,  la  con- 
currence d'une  part,  la  diminution  notaijle  des  frais 
de  I'nutro,  Icndronl  sans  cesse  a  abaisser  le  laux  des 
echanges,  les  produils  de  I'Asie  abondcront  sur  nos 
marches  :  les  marches  de  I'Asie  regorgeront  des  nolres, 
el  le  bien-otre  general  sera  necessairemenl  accru. 

Considerees  au  point  de  vue  des  avantages  qu'ellos 
doivcnl  retirer  de  I'ouverture  du  canal  des  deux  mers, 
les  conlr6es  diverses  inises  en  relation  par  ce  canal 
peuvent  etredivisees  en  six  classes,  dont  trois  a  Toiiest 
et  trois  a  Test  du  canal. 

A  savoir,  en  parlanl  tUi  canal  et  a  I'ouest: 
1*  Les  contrees  littorales  de  la  Meditcrranee  ; 
2°  L'Europe  allantique; 
'6'  L'Amt^rique  septentrionale  allantique. 
En  partant  du  canal  a  Test: 

1°  Les  contrees  baignees  par  la  mer  Rouge; 
2"  Celles  baign(^es  jiar  la  mer  des  Indes ; 
3"  L'Asie  orienlale  el  I'Occanie. 
II  est  evident  que  les  ports  baignes  par  la  Mediter- 
ranee  et  la  mer  Rouge  sont  ceux  qui  ont  le  plus  a 
gagner  a  I'ouverture  du  canal; 

Que  TEurope  allantique  et  I'Asie  meridionalo,  c'est- 
a-dire  Maskate,  Bassora ,  toute  I'lnde,  I'Enipire  bir- 
man,  ainsi  que  I'Afrique  orienlale,  c'est-a-dire  Zan- 
zibar, Mozambique,  !\Iadagascar,  ont  aussi  un  immense 
interet  a  voir  s'ouvrir  le  canal  de  Suez.  Enlin  la  parlie 
de  I'Am^rique  du  nord  qui  regarde  I'Atlantique  et  le 
golfe  du  Mexique,  d'une  part;  la  Cochinchine,  la 
Chine,  le  Japon,  les  lies  Lucon  el  de  la  Sonde,  I'Auslra- 
lie,  la  Nouvelle-Zelande  de  I'autre,  vienncnl  en  troi- 
si6me  ligne ;  il  est  clair  toutefois  qu'il  y  a  encore  ua 


(  281  ) 
avantnge  notable   a  suivre  le  canal  de  Suez  pour  se 
rendre  do  New- York ,   par   cxemple,   a  Canton   ou  a 
Balavia. 

Tout  le  monde  saisit  I'importance  du  commerce  de 
rinde,  de  la  Chine  ou  de  rOccanie.  Le  commerce  de 
la  mer  Rouge,  moins  considerable,  merite  cependant 
d'atlirer  I'attenlion,  mais  il  est  moins  connu  parce 
qu'il  cxisle  a  peine  aujourd'hui  et  ne  peut  acqu^rir 
de  d(^vcloppement  que  par  I'ouverture  du  canal  des 
deux  mors. 

La  mcr  Piouge ,  en  elTet,  si  rapprochee  de  nous  a 
vol  d'wiseau ,  en  devient  fort  t^loignee,  des  qu'il  s'agit 
de  doubler  lo  cap.  Le  Bab-el-Mandeb  est  aussi  loin  de 
nous  que  Pondichery  :  Souaken  est  aussi  loin  de  nous 
que  Batavia  ;  Suez,  plus  eloigne  encore  par  cette  voie, 
devient  par  le  canal  aussi  rapproch6  de  nous  que 
Beyrout;  enfin  les  deux  routes  mesurees  du  detroit 
deCibraltar  a  Souaken  sont  enlre  elles  comme  1  est  a  5. 

Tres  peu  de  navires  europeons  frequenlent  aujour- 
d'hui la  mer  Rouge  ;  on  y  voit  ajiparaitre,  chaque 
annee,  quelques  navires  appartenant  a  des  Parsis  de 
Bombay  et  niontes  par  des  Equipages  indous  (Laskars); 
maintenant  le  commerce  inlerieur  de  cetle  mer  se 
fait  par  les  barques  arabes  appel^es  daos,  ou  boutres, 
conslruites  a  Suez,  a  Djedda,  a  Kosseir,  a  Souaken,  a 
Mokha,  avec  des  bois  qui  viennent  de  I'lnde  ou  de 
Singapour. 

Ces  batimenls  sont  tous  d'un  tres  falble  tonnage,  ils 
ont  beaucoup  d'elancement  et  de  lonlure;  unedunelte 
pesantc  qui  nuit  a  la  manoeuvre  et  augmente  la  calaison 
a  I'arriere  ;  ils  greent  un  scul  mat  qui  porte  una  voile 
carrOc  ;  celte  voile  et  sa  vergue  sont,   lorsqu'on  s'ar- 


(  282  ) 

r6te,  amonees  au  pied  dii  mat :  il  faut  unc  trentaine 
d'homines  pour  la  liisser  de  nouveau,  et  celle  opera- 
tion ne  saiirait  s'accomplir  en  moins  d'nne  donii- 
heiire ;  les  viremenls  de  hord  sonl  aussi  difficiies  que 
dangereux. 

Les  daos  ne  naviguent  que  de  jour;  ils  appareillent 
sur  les  sopt  hcures  du  matin,  marchenl  jusque  vers 
les  quatro  lieiu-es,  en  vue  de  la  cole,  mouillent  alors 
un  grapin  on  s'6cliouenl  sur  le  sable. 

Lorsqu'il  s'agit  de  traverserla  mer  Rouge,  les  Arabes 
ont  soin  de  partir  d'un  point  situe  fort  au  vent  dc 
celui  qu'ils  veulent  atleindre  sur  la  cote  oppos^e ; 
cette  Iraversee  exige  une  soixanlaine  d'heures;  c'est 
loujours  un  moment  de  grand  emoi  pour  les  patrons 
de  barque.  Ces  patrons,  appeles  nakhouda  (d'un  mot 
persan),  ont  la  pretention  de  prendre  hauteur  avec 
des  astrolabes  d'une  v^n^rable  antlquile;  cette  pre- 
tention ne  m'a  pas  paru  complt^lemenl  justifiee.  J'ajou- 
lerai  qu'on  voit  rarement  un  compas  a  bord  des  daos; 
la  boussole  classicjue  des  Arabes  ne  consisle,  du  reste, 
qu'en  une  aiguille  plus  ou  moins  aimanlee,  traver- 
sant  un  bouchon  qui  nage  dans  un  seau  d'eau. 

On  ne  s'elonnera  pas,  apres  ce  que  je  viens  de  dire, 
si  un  cinquieme  des  daos  se  perd  chaque  ann6e. 

La  navigation  des  daos  n'est  pas  rapide,  j'ai  passe 
moi-meme  45  jours  sur  deux  do  ces  barques;  a  savoir 
45  jours  pour  me  rendre  de  Souaken  a  Djedda  (il  y  a 
60  licues  marines  environ);  el  30  jours  pour  me  rendre 
de  Djedda  a  Kosseir  (il  y  a  a  peu  pres  130  licues  ma- 
rines); il  est  vrai  que  nous  remontions  au  vent  :  pour 
descendre  sous  le  vent  on  emploie  la  moiti^  de  ce 
temps,  quelquel'ois  moins  encore. 


(  283  ) 

'  II  y  a  loin  de  ces  daos  a  nos  navires ;  aussi  peut-on 
dire  al'avance  que  I'introduction  par  le  canal  de  Suez- 
des  navires  europ^ens  dans  la  mer  Rouge  prodiiira, 
m6me  dans  le  commerce  int^rieur  de  cette  mer,  une 
revolution  complete. 

Les  ports  de  la  mer  Rouge  livreraient  au  commerce, 
du  caf6,  de  la  gomme,  de  I'ivoire  et  quelques  autres 
produits  tels  que  sen6,  cire,  plumes  d'autruche,  etc., 
que  je  cite  seulement  pour  memoire. 

A  Djedda,  on  chargerait  de  la  gomme; 

A  Souaken,  de  la  gomme  et  de  I'ivoire; 

A  Moklia,  du  caf6; 

A  Massawa,  ainsi  qu'a  Tadjuira,  Zeyla,  Berbera, 
situes  dans  le  golfe  d'Aden,  de  la  gomme,  de  I'ivoiro 
et  du  caf6. 

Si  la  gomme,  I'ivoire,  le  caf6  de  la  mer  Rouge  ne 
sont  pas  aujourd'hui  I'objet  d'un  grand  commerce,  il 
ne  faut  I'altribuer  qu'a  la  distance  qui  nous  separe  de 
la  mer  Rouge  par  le  cap  de  Bonne-Esperance ;  les 
grandes  puissances  dont  les  navires  doublenl  le  cap, 
c'est-a-dire  la  Grande-Bretagne,  la  France,  I'Espagne, 
la  Hollande  onl  d'ailleurs  des  colonies  qui  ne  leur 
permettent  pas  de  s'approvisionner  de  ce  cote,  au 
moins  en  ce  qui  concerne  le  caf6,  mais  des  que  le 
canal  de  Suez  sera  ouvert,  la  Grece ,  la  Turquie,  la 
Russie,  I'Autriche,  I'ltalie,  qui  n'ont  point  de  colonies 
a  menager,  trouvei-ont  un  avantage  notable  a  prendre 
dans  la  mer  Rouge  le  cafe  qu'elles  consomment  :  de 
loules  les  contrees  productrices  de  caf6,  I'Abyssinie 
sera  en  effet  la  plus  rapprochee  de  I'Europe  m^diter- 
ran^enne,  ct  particulierement  de  ses  deux  p^ninsules 
orientales,  la  Grt;ce  et  I'ltalie,   et  des  deux  mers  qui 


(  28/1  ) 

baignent  la  Russie  et  lAulricho.  Les  polltcs  Anlillcs 
sont  a  peu  pr6s  aussi  6loigi)«!!es  du  tlelroit  cic  Gibraltar 
que  de  I'Abjssinie;  Ics  grandcs  Anlilles  en  sonl  plus 
dislanles,  aiusi  quo  le  Br^sil ;  quanl  a  Ceylan  ot  aiix 
lies  de  la  Sonde,  on  ne  peut  plus  s'y  rcndre  que  par 
la  mer  Rouge. 

La  culture  du  Sucre  tend  d'aillouis,  dans  la  plupait 
des  colonies,  a  se  subslilucr  ile  plus  en  ])lus  acelle  du 
cafe,  moins  peul-elre  en  raison  du  privilege  accord(^ 
par  quelques  Elats  aux  sucres  coloniaux  qu'en  raison 
de  I'accroissement  enorme  de  la  consonimalion  du 
Sucre  et  des  alcools,  accroissement  qui  sc  Iraduil  par 
le  developpement  que  rcgoil  en  meaie  temps  I'indus- 
trie  sucriere  melropolilaine. 

L'Abyssinic,  dont  le  port  est  Massawa  (possession 
turque),  peut  fournir,  a  des  prix  raisonnables  et  en 
abondance,  un  cafe  de  qualite  superieure.  Ce  cafe, 
peu  repandu  en  Europe,  y  est  vendu  sous  le  nom  de 
cafe  mokha:  le  port  de  Mokha,  en  effet,  n'est  presquo 
jamais  visite  par  des  navires  europ^ens,  le  cafe  y  est 
beaucoup  plus  cher  qu'a  Massawa  :  il  est  vrai  qu'il 
est  d'une  quality  un  peu  plus  fine;  laTurquie,  I'Egyple, 
Venise  memo  en  consomment  un  peu. 

Le  capitaine  de  vaisseau  Jehenne,  connu  par  ses 
beaux  travaux  hydrographiques,  a  visile,  il  y  a  une 
douzaine  d'annees,  les  ports  de  la  mer  Rouge  et  du 
golfe  d'Aden.  M.  Perville,  botaniste  distingue,  attaclie 
a  celle  expedition ,  a  fait  un  rapport  plein  d'interet 
sur  les  cultures  de  I'Yemen  et,  en  particulier,  sur  colle 
du  cafe  ;  ce  rapport  a  etc  insere  dans  les  Annales 
jnaridtncs. 

Quelques  Europeens  frequenlent  ou  babilcnt  deju 


(  2S5  ) 

I'Abyssinie  :  il  y  a  lion  rl'osperer  que  I'ouverlure  du 
canal  des  deux  mers  en  atlirera  iin  plus  grand  nombre 
de  CO  c6t6  et  que  nous  vcrrons  se  former  la,  sous  la 
protection  des  puissances  europ^cnnes  et  du  consen- 
tement  des  autoi-iies  locales,  sur  un  sol  gratuit  et  avec 
une  rnain-d'oeuvre  peu  couteuse,  des  plantations  con- 
siderables dont  la  culture  sera  bien  entendue. 

L'Abyssinie,babilee  par  des  populations  cliretiennes, 
accueillera  sans  ombrage  les  emigrants  de  I'Europe  ; 
elle  acquerra  par  leur  contact  le  godt  de  nos  pro- 
duits,  dont  le  placement  pout  prendre,  de  ce  cole, 
une  certaine  importance,  surtout  en  ce  qui  concerne 
les  tissus,  les  armes  et  les  munitions  de  guerre,  la 
quincalllerie  et  les  verrolerics  employees  a  la  traite  de 
I'inlerieur;  je  crois  que  les  caux-de-vie  de  basse 
qualile  Irouveraient  aussi  un  bon  debit  dans  cette 
contree. 

Les  navires  europeens  pourraient  transporter,  cha- 
que  annee,  de  Massawa  a  Jafl'a,  un  gi'and  nombre  de 
pelerins  se  rendant  a  Jerusalem.  L'Abyssinien  devot 
affronte  aujourd'hui  les  plus  grandes  fatigues  et  les 
plus  grands  perils  pour  visiter  le  tombeau  de  Jesus- 
Christ.  Son  amour-propre  et  son  fanatisme  ont  beau- 
coup  a  souiTrir  sur  les  barques  de  la  mer  Rouge, 
mont6os  par  des  musulmans,  et  pendant  le  voyage  de 
Suez  a  Jerusalem,  a  Iravcrs  des  contrees  musulmanes; 
c'est  pourquoi  ce  pelerinagc,  aujourd'hui  peu  aclif, 
prendrait  un  essor  considerable  s'il  etait  favorise  par 
les  marines  europeennes,  et  je  crois  mfime  qu'une 
conipagnie  trouverait  un  grand  avantage  a  meltre  sur 
la  mer  Rouge  quelques  bateaux  a  vapour  qui  desser- 
viraient,  pendant  une  partic  de  I'annee,  lo  pMerinage 


(  286  ) 

de  Jerusalem  pour  les  chr^liens,  et,  penrlant  le  reste 
du  temps,  le  pelerinage  de  M^dine  et  de  la  Mccque 
pour  les  musulmans. 

Les  pelerins  musulmans  pourraient  6tre  Iranspor- 
l«is  de  Constantinople ,  de  Suiyrne  ,  de  Beyrout,  de 
Tanger,  d'Alger,  de  Tunis  el  du  Caire  a  Yemho  et  a 
Djedda.  Le  nombre  des  pelerins  de  la  Medilcrran^e 
est  de  30  a  hO  000  au  moins  par  annee  ;  on  peut  cal- 
culer  que  les  caravanes  de  Damas  et  du  Caire  en 
conserveraient,  a  elles  deux,  5  000,  et  que  les  barques 
de  Suez  et  de  Kosseir  en  transporteraient,  a  prix  r6- 
duit,  un  nombre  6gal;  le  reste  prendrait  passage  sur 
les  navires  europeens  et  passerait  par  le  canal  des 
deux  raers. 

j\Iassawa  consomme  aujourd'hui  peu  de  produils 
europeens;  quand  a  Souaken,  il  ne  recevra  jamais  de 
I'Europe  que  quelques  armes  de  traito,  de  la  quin- 
caillerie,  des  colonnades  anglaises  el  des  verroleries 
autrichiennes  necessaires  aux  echanges  sur  le  (leuve 
Blanc. 

Medine  dont  le  port  est  Yembo;  Djedda  el  surtout 
la  Mecque  sont  de  grandes  villes  oil  Ton  voit  plus  d'ai- 
sance  et  meme  plus  de  luxe  que  dans  la  plupart  des 
villes  musulmanes;  les  etrangers  qui  y  affluent  de 
toutes  les  parties  du  monde  k  I'epoque  du  pelerinage, 
y  donnent  et  y  depensent  beaucoup  d'argent;  ces 
villes  pourtant  s'el^vent  au  sein  d'une  contrec  aride 
et  sont  depourvues  de  toute  induslrie;  le  pelerinage 
leur  en  tenant  lieu,  elles  doivent  en  consequence  tirer 
du  dehors  tout  ce  qu'elles  consomment;  le  ble  leur 
est  envoye  d'Egypte  par  Suez  et  Kosseir;  une  grande 
partie  de  ce  ble  passera  par  le  canal :  e'est  par  I'tgypte 


(   287  ) 

^galement  que  les  articles  de  fabrication  europ^enne 
ou  musulmane  leur  parvionnent;  ils  leur  arriveraient 
desormais  par  le  canal ;  ces  inarchandises  consistent 
en  cotonnades,  draps,  soierics,  velemenls  confection- 
nes,  fusils  a  pierre  et  a  meclie  de  fabrique  autricbienne, 
quincaillcrie,  poterie,  buile,  beurre  fondu,  bougie, 
Sucre  d'l^gypte,  savons  de  Syrie ,  eau-de-vie  de  Chio, 
ou  d'Egypte.  On  fait  dans  les  villes  saintes  une  consom- 
mation  enorme  de  ce  dernier  produit  :  je  remarque, 
en  passant,  que  le  peuple  de  M^dine  et  celui  de  la 
Mecque  sont  fort  irreligieux,  bien  que  la  religion  les 
fasse  vivre. 

Les  villes  du  liedjaz  consomment  aussi  beaucoup  de 
produits  de  I'lnde. 

J'ai  ciie  Souaken  couirae  pouvanl  fournir  de  la 
gomme  et  de  I'ivoire  ;  ce  port  en  expedie  d(5ja  une 
cerlaine  quantity  a  Djedda,  ou  ces  marchandises  re- 
Qoivent  leur  destination  ult^rieure;  la  gomme  et  I'ivoire 
arrivent  a  Souaken  de  Kartoum  et  du  Soudan  egyptien. 
Je  donnerai  ici  quelques  renseignements  sur  le  Sou- 
dan en  general  el  le  Soudan  egyptien  en  parliculier. 

Le  nom  de  Soudan  (Nigritie)  est  donne  paries  Arabes 
a  une  zone  africaine  situ^e  au  sud  du  16*  degre  1/2 
tiord,  s'^lendant  du  Senegal  a  I'Abyssinie  et  se  d6ve- 
loppant  a  une  distance  un  peu  plus  grande  au  sud 
qu'au  nord  de  I'Equaleur. 

Les  limites  nord  et  sud  de  cetle  region  sont  d^ter- 
minees  par  les  pluies  eslivales;  ces  pluies  tombent  de 
mai  en  octobre,  dans  la  partie  du  Soudan  situee  au 
nord  de  I'tquateur ;  de  novembre  ^  mai  dans  I'autre 
hemisphere;  ces  pluies  ne  d^passent  pas  le  16'  1/2 de- 
gre de  latitude  boreale;  au  nord  de  ce  parall^le  com- 


(  288  ) 

mcnccnt  a  sc  monlrcr  ces  d^seils  arltles,  desert  de 
Sahara,  di^sorl  dc  Ljbic  qui  confmenl  dans  le  voisi- 
nage  de  laMediterranee  avec  los  rdgcDces  baibaresques 
souuiises  aux  pluics  hivernalcs  ct  sonl  inlorrompus, 
a  I'osl,  par  le  cours  forlllisant  du  Nil. 

Le  Soudan  esl  habile,  enlre  le  16^  1/2  el  le  10"  de- 
gr6  nord  par  des  noirs  uiusulmans  ct ,  au  sud  du 
10«  parallele,  par  des  noirs  idolalrcs,  que  les  premiers 
reduisent  souvent  en  esclavagc.  Des  Arabes  noirs  par- 
courenl  les  contr^es  septenlrionalesdu  Soudan;  on  les 
y  relrouvc  parlout,  depuis  Souaken  jusqu'aii  Senegal. 

On  rcmarque  en  Arabie  la  mfinic  division  de  climats 
qu'en  Afrique,  dc  telle  sorlc  que  cotte  peninsule  aride, 
sterile,  ou  couverte  dc  maigres  ])alurages  jusque  sous 
le  16'  J/2  degre ,  recoil  des  pluios  abondanles  el  se 
cou\re  d'une  riche  vegetation  au  sud  de  ce  parallele, 
c'esl-a-dire  dans  TY^men  ou  Arabie  heureuse. 

Les  pkiies  du  Soudan  alimentent  des  milliers  de 
sources  et  donnent  ainsi  naissance  a  de  grands  fleuves, 
a  de  vastes  lacs  ou  a  des  raarecages  qui,  couime  les 
fleuves,  sont  soumis  a  des  crues  annuclles. 

La  terre  humide,  sous  un  ciel  de  feu,  sc  couvre 
d'une  vegetation  puissante,  des  peuples  barbares  et 
peunonibreux  en  cultivent  a  peine  quelques  parcelles; 
parlout  aillcurs  s'elevent  d'immenses  for^ls,  compo- 
s^es  en  grande  partie  de  gommicrs  et  au  sein  des- 
quelles  errent  les  elephants. 

Le  commerce  du  Soudan  roule  d^s  lors  principale- 
mcnt  sur  la  gomme  el  I'ivoire;  on  pent  y  ajouter,  pour 
iri(5moire,  Ic  s^ne,  les  plumes  d'autruchc,  les  denls 
d'hippopotame,  la  cire,  etc. 

Ces  produits  sonl  actuellemcnt  recherches  par  le 


(  289  ) 

commerce  an  Senegal  ct  sur  loiile  la  cole  occlclenlale 
d'Afrique,  a  Zanzibar  et  siir  (jiK'lqiies  poiiils  de  la  cote 
orientale  d'AIViqiie. 

Transporles  par  les  Africains  a  Mogador  et  a  Tripoli 
de  Barbaric:  par  les  Africains  et  quelques  Europeens 
a  Alexandrie;  ils  sont  acquis  de  seconde  main  par  les 
Anglais,  les  Autrichiens,  les  Ilaliens. 

J'ai  fait  voir  ailleurs  que  le  prix  tie  ces  j)roduils 
elait  tres  eleve  au  Sent^gal,  dans  la  Gambie,  a  Mozam- 
bique, a  Zanzibar,  ainsi  que  sur  le  lilloral  de  la  Medi- 
terranee  et  a  Mogador  ou  des  frais  de  transport  par 
caravane  viennent  ajouter  un  element  nouveau  a  leur 
prix  venal. 

J'ai  montre ,  en  meme  temps,  que  ces  produils 
dlaient  au  plus  bas  prix  possible  dans  le  Soudan 
egyptien. 

La  partie  orientale  du  Soudan,  visit^e  par  moi  il  y 
a  quelques  annees,  est  devenue  trts  accessible  aux 
Europeens. 

Celle  region  conquise,  en  1821,  par  une  armee 
egyptienne  que  commandait  Mohammed-Bey  Defter- 
dar,  comprend  les  provinces  de  Dongolah,  Cordofan, 
Karloum,  Sennar,  Fazogl  et  Taka;  on  pourrait  y 
ajouter  une  province  nouvelle  qui  serait  le  bassin  du 
haut  Nil. 

Le  Soudan  egyptien  est  gouvern^  par  un  ferlk  ])acha 
(general  de  brigade),  envoye  du  Caire  avec  le  titre  de 
hokmadar  (gouverneur),  qui  r»^side  a  Karloum,  ct  des 
prefcls  ou  moudhirs  en  nombrc  egal  a  celui  des 
provinces. 

Souaken  ne  depend  plus  de  TLgypte;  ce  port  a  elu 
cede  au  sultan  et  fait  partie  du  pachalik  de  Djoddn. 
IX.  MAI.   h.  20 


(  290  ) 

Anl^rleuremcnt  a  1850,  le  commerce  clu  Soudan 
(^lait  un  monopole  du  gouverneiDenl  egyplien,  mono- 
pole  fond6  sur  ce  principe  que  les  dons  gratuits  do  la 
nature  apparliennenl  au  souverain;  la  gomme,  le  sene, 
qui  n'exigent  point  de  culture,  etaitnt  assiuiilcs  ainsi 
aux  produits  ties  mines  et  des  carrieres. 

Depuis  1850,  ce  commerce  est  libre  et  los  n^gocianls 
europ^ens,  qui  depuis  longtemps  s'y  iivraient  en  eon- 
trebande,  ont  pu  ^lendre  leurs  operations. 

La  gomme  est  rechercht^e  par  eux  dans  le  Cordofan 
el  le  Sennar;  la  gomme  du  Cordofan  est  la  plus  belle 
que  Ton  connaisse;  elle  se  presenle  en  morceaux  de 
la  grosseur  du  poing  el  d'une  parfaite  liinpidite  ;  la 
gomme  du  Hedjaz  et  celle  du  Senegal  sont  d'une  qua- 
lite  inferieure. 

Le  quintal  de  gomme  coiilait,  lors  de  mon  sejour 
dans  le  Cordofan ,  de  27  a  32  piastres  6gyptiennes  ; 
elle  etait  mlse  dans  des  peaux  cousues,  ce  qui  revenait, 
par  quintal,  a  3  piastres. 

Le  Cordofan  a  exports  jusqu'a  36  000  quintaux  de 
gomme  dans  une  annee;  il  pourrait  en  sortir  cent 
fois  plus  si  la  demande  6lait  cent  fois  plus  forte;  une 
partie  infinimenl  minime  de  la  gomme  produite  6tant 
seule  r^coltee  aujourd'liui. 

La  plus  grand e  partie  de  la  gomme  recolt^e  au  Caire 
est  dirigee  par  Alexandrie  sur  Trieste. 

Le  Cordofan  tl  le  Sennar  livrent  de  I'ivoire  au  com- 
meice;  ce  n'est  loutofois  qu'un  peu  plus  au  sud , 
vers  le  10«  parallele,  que  les  elephants  se  monlrent  en 
grand  nombre :  ces  animaux  frequentent  le  voisinage 
des  cours  d'eau  ;  ils  vivent  isoles  ou  par  families  pen- 
dant la  saison  sfeche  ou  hiver,  et  r6unis  en  troupes 


(  291  j 

nonibreuses  sous  la  direction  d'un  vieux  male,  appele 
par  les  Arabes  khabir  (guide)  pendant  la  salson  des 
pluies,  ou  hivernage  (kharif). 

Les  peuples  du  haut  Nil  ne  peuvent  chasser  I'^le- 
phant  que  pendant  I'hiver  ;  le  chassant,  en  effet,  a 
I'arine  blanche,  ils  ne  peuvent  songcr  a  I'attaquer  que 
lorsqu'il  se  trouve  isol6. 

Les  n^gociantri  t^tablis  dans  le  Soudan  recherchent 
aujourd'bui  I'ivoire  sur  le  fleuve  Blanc;  quelques-uns 
d'enlre  eux,  pourvus  de  bonnes  carabines,  se  livrent 
a  lachasse;  la  grande  portee  de  leurs  armes  leur 
permet  de  chasser  I'^l^phant,  nieme  pendant  I'hiver- 
nage,  alors  qu'il  se  reunit  en  troupcaux. 

Depuis  les  voyages  entrepris  par  M.  d'Arnaud  et 
Selim-Effendi  bimbachi,  le  fleuve  Blanc  est  de  plus 
en  plus  IrtSquente  par  les  barques  de  Khartoum,  el 
bien  que  les  sources  de  ce  fleuve  n'aient  pas  encore 
^te  decouvertes,  I'etude  de  son  hydrographie  a  fait  de 
grands  progr^s ;  on  a  d^ja  remont6  le  Nil  par  le  2^  de 
latitude  nord  ;  c'est  la  que  succombait,  il  y  a  deux 
ans,  le  missionnaire  Angelo  Vinco,  martyr  a  la  fois  de 
sa  religion  et  de  la  science. 

On  ne  s'est  pas  bornd,  du  reste,  a  6tudier  le  fleuve 
lui-meme,  ses  affluents  ont  et6  explores  en  parlie  et 
Ton  en  a  reconnu  de  nouveaux  qui  seront  explores  a 
leur  tour;  le  Snubat  et  le  Keilak  (Bahar-egh-ghzal, 
Misselad)  etaient  connus  deja  depuis  quelques  annees; 
trois  autres  affluents,  le  Gnok,  le  Miedjok,  et  una 
riviere  innoniee  ont  ete  signales  recemiaient  sur  la 
rive  droite  du  fleuve  un  peu  en  amont  du  Saubat  (peul- 
felre  doil-on  les  consid^rer  comme  les  trois  bras  d'une 
meme  riviere),  enfin  sur  la  rive  gauche  et  en  amont 


(  292  ) 
du  Keilak,  M.  VaYSslure   a  reconnu  derni^remenl   uii 
afilucnl  considerable,   oppele  dans  le   pays  Nlobohr, 
qui  >icnt  du  siid  cl  enlre  dans  le  Nil  par  qiialre  Ijou- 
ches  entre  les  7'  el  8'  parallcles  nord. 

Le  Saubat,  le  Niebolir,  lo  Keilak  surloul  qui  re^oit 
sur  sa  rive  droite  le  Kouan,  ou  Apabou,  sont  de  grands 
cours  d'cau  ;  le  Gnok  el  le  Miedjok  sont  navigaljles 
pour  les  barques  des  indigenes  au  inoins  jusqu'u  une 
grande  distance  de  leurs  emboucbures.  Toules  ces 
rivieres  coulantdans  un  pays  peu  accident^,  couvrent 
a  I'epoque  de  leurs  crues  d'immenses  espaces,  tandis 
que  pendant  la  saison  seclie  clles  promencnt  lentement 
des  eaux  moins  abondantcs  a  Iravcrs  los  mar^cages 
qu'elles  ont  cr^^s. 

Quelques  routes  commerciales  nietlcnl  le  bassin  du 
Nil  Blanc  en  rapport  avec  des  conlrees  plus  eloignees: 
telle  est  la  route  signalee  par  M.  Vayssi^re,  qui  con- 
duit des  boucbcs  du  Niebolir  a  Djonkor  dans  le  pays 
de  Rorek,  dont  la  population  parait  etre  musul- 
inano,  et  qui  depend  ,  selon  toute  probabilite,  du 
Darfour. 

Le  bassin  du  Nil  Blanc  constilue  le  plus  vasle  niarcbe 
d'ivoire  ouvert  au  commerce  dans  toule  I'YVfrique ; 
aucune  region  du  Soudan  idolatre  n'est  aussi  abor- 
dable  aux  Europeens  que  celle-la;  ])artout  ailleurs, 
le  negociant  doit  s'approvisionner  de  seconde  inain 
ou  se  resoudre  a  braver  d'immenses  dangers  et  d'im- 
menses fatigues  pour  faire  la  Iraite  de  I'ivoirc  dans 
I'inlerieur;  aussi  cette  traite  si  lucrative  est-elle  g6ne- 
ralement  abandonnee  aux  indigenes. 

Les  Euiopeens  jouissent  a  Kbartoum  d'une  f^iveur 
el  de   i)riv)legcs  qu'ils  n'obliennent  point  ailleurs;  les 


(  293  ) 

pcuplados  riveraines  du  fleuve  Blanc,  ou  sont  deja 
soumises  a  I'Egypte,  ou  ont  deja  vu  flotter  son  pavil- 
ion; nalurellement  timides,  elles  respectent  les  Euro- 
peens  comme  les  Egyptiens;  exemptes  de  fanalisme, 
elles  ne  ressentent  conlre  eux  aucune  haine,  et  si  des 
collisions  rogrettables,  dont  I'une  a  coute  la  vie  a 
Vaudey,  ont  eu  lieu,  il  n'en  faul  cherclier  la  cause 
que  dans  les  faules  commises  par  les  negocianls  et  le 
deplorable  esprit  de  rivalite  qui  les  anime ;  I'inipru- 
dence  des  uns,  la  faiblesse  des  autres,  le  d^sordre  et 
la  confusion  qui  en  resultent,  finironl  par  les  perdre 
si  Ton  ne  Irouve  moyen  d'y  remedier. 

C'est  en  parlic  aux  agents  des  puissances  euro- 
pt^ennes  en  Egypte,  en  partle  au  gouvernement  de  ce 
pays  qu'il  appartient  de  prendre,  a  cet  egard,  des 
mesures  convenables. 

Je  crois,  quant  a  moi ,  que  ce  qu'on  pourrait  faire 
de  plus  sage  serait  de  conceder  le  privilege  exclusif 
sur  le  fleuve  Blanc,  a  une  compagnie  dans  laquelle 
seraient  admis  les  negociants  aclucllement  ^tablis  a 
Khartoum  el  de  confier  le  soin  de  survoiller  les  ope- 
rations et  les  actos  de  cetle  compagnie  a  un  d^legue 
europ^en,  aulorise  a  en  exclure  les  negociants  contre 
Icsquels  s'4leveraient  de  justes  plaintes. 

Le  vice-roi  d  Egypte  pourrait,  de  son  cote,  comme 
maitre  legitime  du  haut  Nil  et  faisant  acle  de  souve- 
rain,  clever,  a  rembouchure  des  principaux  afiluents 
du  fleuve  Blanc,  quelques  postes  i'orlifies  dans  chacun 
desquels  il  placerait  une  cinquantaine  de  soldnts  noirs, 
sous  les  ordres  d'un  capilaine^  ces  postes  pourraient 
elre  relies  enlre  eux  par  un  service  de  barques  armees 
n  guerre,  montees  cliacune  par  une  vingiaine  d'hom- 


(  29/i  ) 

noes  charges  de  surveiller  les  riverains  du  fleuve  et  de 
prot^ger  les  barques  de  la  coinpagnie. 
-  Aupr^s  et  en  dedans  de  I'enceinte  extt'-rieure  de 
chaque  poste  forlifie,  la  compagnie  des  ^changes  avec 
les  indigenes  ^lablirait  un  coraploir  el  des  luagasins; 
un  employ^,  a  demeure  fixe,  charge  des  ^changes 
avoc  les  indigenes,  recevrail  et  emmagasinerail  I'ivoire 
que  les  barques  de  Khartoum  viendraient  chercher 
chaque  ann^e. 

La  caravane  du  Darfour  transporto,  chaque  ann^e, 
h  Siout  de  1  000  a  1  500  quintaux  d'ivoire ;  lorsque 
Taccfes  du  port  de  Souaken  sera  I'acilit^  aux  navires 
europ6ens  par  I'ouverture  du  canal  des  deux  mers, 
cet  ivoire  passera  tr^s  probabloraont  par  le  Cordofan 
el  Khartoum  pour  venir  s'embarquer  a  Souaken  :  les 
frais  de  transport  seronl  bien  moindres  et  cette  route 
sera,  pour  les  p^lerins  fouricns  qui  se  rendenl  a  la 
Mecquo,  bien  prc^ferable  a  cellc  pr^cedemmenl  suivie. 

La  caravane  do  Siout  se  trouve  nalurcllement  sup- 
priuiee  par  Tabolition  de  la  traite  des  noirs  dans  les 
tlats  de  Mohammed-Said  ;  celte  caravane,  en  effet, 
amenail,  chaque  ann^e,  de  1  000  a  1  500  esclaves 
dont  elle  trouvait  a  Siout  un  prix  plus  eleve  que  celui 
qu'elle  eut  pu  en  obtenir  dans  le  Cordofan. 

La  caravane  du  Darfour  suivail  le  desert  jusqu'a 
Siout;  elle  eilt  pu  aboutir,  sur  le  Nil,  ^  Dongolah, 
mais  les  marcbands  I'ouriens  trouvaient  a  vendre  avec 
plus  d'avantage,  6  Siout,  lours  chameaux  (^puis^s  (ils 
n'avaicnt  besoin  pour  le  retour  que  d'un  nombre 
moindre  de  ces  animaux);  d'ailleurs  le  sultan  du  Dar- 
four, craignant  une  invasion  de  I'Egypte,  a  soin  de 
tenir  form^e  la  roule  qui  va  de  ses  fronli^ros  a  Don- 


(  295  ) 

golah;  celte  route,  comme  toutes  ceiles  du  desert,  est 
delermineo  par  la  situation  des  puits;  les  tgyptiens 
qui  ne  connaissent  point  ces  puits,  el  ne  trouveraient 
peut-etre  pas  de  guides  sur  lesquels  ils  pussent 
compter,  n'oseraient  point  s'y  hasarder. 

Le  Darfour  a  aioins  a  redoulor  une  agression  qui 
partirait  du  Cordofan. 

J'ai  fait  connaitre  ailleurs  (voy.  Le  desert  et  leSniidan, 
liv.  V,  chap.  Ill,  routes  suivies  par  le  commerce)  la 
route  commerciale  qui  unit  Caube ,  capitale  du  Dar- 
four, a  Lobeidh,  capitale  du  Cordofan;  celte  route 
est  parcourue  en  quinze  jours  par  les  caravanes:  les 
transports  s'y  efTectuenl  a  raison  de  75  a  80  piastres 
egyptiennes  par  ralial,  ou  charge  de  chameau  (cinq 
quinlaux). 

Le  Iransportdes  marchandises, de  Lobeidii  auCaire, 
coute  150  piastres  par  rahal  et,  avec  les  arrets  neces- 
saires,  exige  au  moins  deux  mois. 

A  SAVOIr:  piastres  par  rahal.     jours. 

De  Lobeidh  a  Debbe 8o  i5  a    i8 

De  Debbe  a  Dongolah,  par  barque.   ...  3  a     4              ^ 
Dt;  Dongolah  aWadi  halfa,  par  caravane, 

le  transport  sur  cette  partie  du  Nil  pre- 

sentant  (juelque  danger 5o                »a 

De  Wadi  halfa  a  Asouan,  par  barque.  .   .  5  a     6              8 
Location    de    chameaux  pour    eviter    les 

cataractes 3                      - 

D' Asouan  au  Caire,  par  barque lo   ou   la  i5    a   20 

Piastres,  total.   .      146  a    i5o     53  i  a  61  i 

Le  transport  des  memes  marchandises,  de  Lobeidh  a 
Souaken,  ne  coute,  au  maximum,  que  128  piastres  par 
rahal  et  n'exige  que  trente  a  trente-cinq  jours  au  plus. 


{  296  ) 

A  i^AVOin:  PIASTRES  PAR  RABAL.      JOUIIS. 

De  Lobc'idli  a  Khartoum 5o  ;i     60  10 

Do  Kliaitouni  a  Berber,  par  liar(|ue.  ...  4   ^        ^        8   a    10 

De  Berber  a  Sounkcn 60  12 

Total.   .      ii4  a    128      3o  a  .Ha 

II  en  resuUc  que  le  n^gociant  qui,  au  lieu  de  Irans- 
porlcr  sesgomuics  auCaire,lestransporlora  aSouaken, 
r^aliscra  une  Economic  notable  et  pouria ,  dans  la 
derni^rc  partie  dc  la  saison  s6che,  cpoque  do  la  recidte 
de  la  gonimc,  faire  deux  campagncs  de  gominc  au 
lieu  d'une, 

De  Khartoum  au  Cairo,  il  y  a  deux  routes; 

A    SAVOIH,   LA    PnEMlERE  :  PIASTRES  PAR  RAIIAL.       JOURS. 

De  Khartoum  a  Debbe 5o  a  60  12 

De  Debbe  au   Caire 66  a   70        38  ^  a  43  * 

Cette  route,  par  divers  motifs,  est  peu  siiivie. 

LA    SECONDE;  piastres  PAR  RAIIA I..       JOURS. 

De  Kliartoum  a  Berber 4  i>  8  8   .i    10 

De  Berljer  a  Korosko,  par  paravane.  ...  160   a  180  1  5   a   20 

Do  Korosko  a  Asonan,  par  barque.   ...  3    a  4  3 
Location    de    chaineau    pour    eviter    les 

cataractes 3  \ 

D'.^souan  au  Caire,  par  liarque 10  .n  12  i5    a  20 

180  a   207     4i  i  a  53i 

De  Khartoum  a  Souaken,  copcn^lanl,  le  iranspcrt 
d'un  rahal  nc  coi'ile  que  Oil  a  68  piastres  et  le  voyage 
n'exige   que  20  a  22  jours. 

11  me  semble  resuller  de  cc  qui  precede  que  des 
que  le  canal  des  deux  mers  sorn  livr6  a  la  navigation, 
lout  le  commerce  du  Soudan   ^gypticn  dcvra  passer 


(  297  ) 

par  Souaken,  et  que  la  plus  grande  parlie  de  ce  com- 
merce devra  passer  par  !e  canal. 

Je  crois  avoir  demontre  egalement  que  le  canal  des 
deux  mers  ouvrira  au  commerce  europeen  des  mar- 
ches importanls  dans  la  mer  Rouge  et  nous  rendra 
maitres  de  lout  le  mouvement  interieur  de  cette  mer. 

Ainsl  I'Europe  verra  grandir  son  commerce  et  sa 
puissance,  tandis  que  des  contrees  et  des  peuples,  trop 
longlemps  oubli«^s,  verront  tomber  la  barriere  fatale 
qui  los  separait  de  nous. 

Nous  n'avons  envisage  el  bien  rapidement  encore, 
que  le  plus  petit  accident  d'une  immense  rt^volutlon, 
que  serait-ce  si  nous  en  examinions  toutes  les  conse- 
quences? 

C'est  quand  le  canal  des  deux  mers  s'ouvrira  qu'on 
pourra  en  toute  verile  dire  a  I'Europe  : 

All  thine  shall  be  the  subject  main 
And  every  shore  its  circles  thine. 

Ou  encore  ai>ec  le  po'ete  portngnis  qui,  luii  des  premiers, 
suii'it  les  routes  de  Vlnde^  I'Ocean  tout  enlier  obeira  a 
I'Europe. 

Ser  Ihe  ha  todo  o  oceano  obediente. 

Et  «  les  Europeens  bienlot  maJtres  du  monde  lui 
»  dicleront  des  lois  meilleures.  » 

E  por  elles  em  fim  de  lodo  senhores 
Serad  dndas  na  terra  leis  mclhores. 

C"  d'Escayrac  du  Laiture. 

Le  Caire,  28  fevrier  1 855. 


(  298  ) 
NOTICE  BIOGRAPHIQUE  SUR  LE   GENERAL    SEMINO, 

PAR    M.    DE    LA    ROQLETTE. 
LUE    A    LA    SEANCE    GENEBALE    DU    ^2^    ATRa    1855. 


Messieurs , 

Trois  ans  se  sonl  deja  ecoul^s  depuis  la  morl  du 
general  Seiiiino,  Tun  de  vos  correspondanls  strangers, 
de  ce  voyageur  aventureux  aussi  distingue  par  ses 
talents  que  par  son  z6le  et  son  activite,  qui  a  explore, 
pendant  pres  d'un  quart  de  siecle,  la  majeure  partic 
(les  provinces  de  la  Perse,  tantot  en  conduisant  aiix 
combats  les  troupes  indig6nes,  tantot  seul  ou  accom- 
pagn6  d'ingenieurs  charges  de  le  seconder  dans  des 
missions  scientifiques  ou  d'ulilite  pubiique.  Jc  viens 
aujourd'hui  lui  rendre  devant  vous  un  jusle,  quoique 
lardif  hommage. 

Barth^lemy  S^mino,  membre  correspondanl  de  la 
Society  de  geographic,  g^n^ral  au  service  du  chah  de 
Perse,  naquil  en  I'an  vii  (1799),  dans  la  meme  ville 
ou  Vanloo,  Cassini  et  Massena  ont  vu  le  jour,  a  Nice, 
a  cetle  ^poque  chef-lieu  du  d^partemenl  des  Alpes 
mariliraes ,  et  faisant  par  consequent  parlie  de  la 
France.  Marie-\  irginie  Besard,  sa  mere,  6lait  nee  a 
Saint-Tropez ;  et  Anjbroise  Semino,  son  pere,  occu- 
pait  le  poste  d'agent  consulaire  de  la  rt^jiublique  ligu- 
rienne  a  Nice  (1).  L'annee  qui  suivit  la  mort  de  son 

(i)  J'ai  puisc  ces  fails  dans  des  notes  que  le  general  Semino  m'a 
fait  transmetlre  plusieurs  annees  avant  sa  mort.  C'est  done  par 
erreur  que  dans  una  notice  que  la  Revue  orientate  a  publiee  en  iSSa 


(  299  ) 

mari,  Madame  S^mino  ^pousa,  en  secondes  noces, 
Henri  Augard,  pharmacien  en  chef  de  rarmt^ie  du  roi 
Murat,  et  lorsqu'il  quilla  le  service  de  Naples  pour 
passer  en  la  mSme  quality  a  I'arm^e  d'ltalie,  Augard 
ommena  avec  lui  son  beau-fils  qui  n'avait  pas  encore 
alteint  sa  quatorzi^me  annee.  lVlalgr6  un  age  aussi  peu 
avanc6,  les  besoins  du  service  medical  6taient  alors 
tellement  pressants  que  sur  la  requisition  des  chefs 
de  ce  service,  le  jeune  Semino,  qui  se  trouvait  a  Udine, 
fut  nomme,  en  1813,  officier  de  sanle  de  troisi^me 
classe.  II  exerga  ces  fonctions  pendant  un  an  environ 
sous  les  ordres  imm^diats  de  son  beau-p^re,  fut  en- 
suite  attache  a  I'ambulance  de  la  premiere  division, 
qu'il  ne  tarda  pas  a  quitter  pour  s'engager  comma 
volonlaire  dans  le  84^  regiment  d'infanterie  de  ligne, 
avec  Icquel  il  combattit  a  la  bataille  livree,  le  8  fe- 
vrier  181Z|,  pres  du  Mincio,  Apres  cetle  affaire,  Semino 
eut  a  remplir  une  mission  delicate  que  lui  confia  le 
gend;ral  Quesnel  et  dont  il  s'acquitta  avec  courage  et 
intelligence.  Lorsque  les  cantonnements  eurent  6t6 
abandonnes  et  pendant  la  retraite  sur  Milan  et  Turin, 
Semino  fut  attache  a  la  4°"  division,  aupr^s  du  com- 
missaire  des  guerres  Latouche.  Licencie  a  la  rentree 
de  I'ai'm^e  en  France  avec  le  titre  de  sous-lieutenant, 
il  se  retira  a  Valencelles,  departement  des  Basses- 
Alpes,  lieu  de  residence  de  sa  m^re. 

Avant  la  fin  de  cetle  meme  annee  1814,  Semino  se 
rendit  a  G6nes  avec  I'intenlion  d'alleindre  I'ile  d'Elbe 


(t.  II,  p.  474)5  *^'  1"^  nous  avons  ete  cependant  heureux  de  consulter. 
M.  le  colonel  Colonil)aii  a  fait  naltie  Semino  aux  iles  d'Hyeres  et 
qu'il  assure  que  son  pere  etait  vice-consul  de  France  en  Chypre. 


(  300  ) 

pom*  s'y  enroler  dans  le  bataillon  qu'on  appelail  sacr6, 
mais  la  police  I'ayant  fail  arreler,  il  ne  j)ut  pour- 
suivre  son  voyage.  Parvenu  a  s'evadcr,  il  sc  disposait 
a  aller  rejoindre  sa  ni^re,  quand  il  appril  que  I'eni- 
pereur  Napoleon  venall  de  ponelrer  en  France.  Pre- 
nant  sur  le  champ  son  parti,  Semino  se  procure  un 
bateau  pecheur  el  se  fait  mclirc  a  terre  a  Saint-Maxi- 
min.  Arrele  de  nouveau  parce  qu'il  n'etait  porteur 
d'aucun  papier,  il  ful  conduit  a  Draguignan  ou  le 
prefet,  Defermon,  lui  fit  un  bon  accueil  et  en  lui  deli- 
vrant  un  passeport  rachemina  sur  I'arraee  de  la  Loire. 
Semino  v  resta  pcu  de  temps  atlache  au  quarlier 
general,  et  lorsque  la  seconde  reslauration  fut  accom- 
plio,  il  rentra  dans  ses  foyers. 

N'ayant  pas  voulu  prendre  du  service  sous  les  Bour- 
bons, Semino  passa  au  milieu  de  sa  famille  les  cinq 
annees  qui  s'dcoulerent  de  1815  a  1820,  livrd  a  des 
eludes  serieuses  qu'il  avail  jusqu'alors  forc^menl  ne- 
gligees, et  dont  il  comprenait  maintenant  la  neces- 
site  pour  I'execution  de  ses  projels  futurs.  Au  prin- 
temps  de  cette  derni^re  annee,  il  se  rendit  a  Odessa 
ou  il  se  proposail  de  fonder  une  imprimerie  lithogra- 
phique  sous  les  auspices  du  baron  Rainaud  et  dc 
M.  Sacalo  Verani,  mais  il  ne  fit  pas  un  long  sejour 
dans  cette  ville.  Lors  de  I'insurredion  des  provinces 
danubiennes,  son  caractere  aventiu'eux  le  decida  a 
abandonner  la  perspective  de  fortune  que  sembhiit 
lui  oCFrir  I'entreprise  honorable  et  lucrative  pour  la- 
quelle  il  avail  quitl^  sa  patrie ,  et  a  pr6ter  I'oreille  aux 
propositions  qui  lui  furent  failes  par  les  princes 
Alexandre  et  Dimilri  Ypsilanli.  11  se  rendit  en  conse- 
quence en  Moldavie,    assisla  a  toules  les  affaires   qui 


(  301  ) 

eiircnt  lieu  clans  ce  j)a\s  jnsqu'au  moment  ou  la  d^- 
faite  complete  des  Hetairisles  par  les  troupes  turques, 
el  la  fuite  dos  chefs  insurges  mirent  fin  a  une  tentative 
mal   concue   et  encore   plus   mal    dlrigi^e.     Apres   le 
dernier  et  funeste  combat  de   Scouteni,  Semino  dut 
chercher  aussi  son  salut  dans  la  fuite  ;  il  parvint  avec 
un  petit  nombre  de  ses  camarades  a  traverser  le  Prutli 
a  la  nage  el  a  gagner  le  territolre  russe.  Retenu  deux 
mois  prisonnier,  puis  rendu  a  la  liberie,  il  se  dirigea 
sur  Odessa.  Mais  ne  voulant  plus  renlrer  dans  I'asso- 
cialion  litbographique    qui   I'avait    d'abord    conduile 
dans  celte  ville,  il  s'enibai'qua  en  1822  el  fit,  pour  le 
compte  de  la  niaison  anglaise  Alwood   et  Marr,  une 
exploration  des  cotes  de  I'Abkhazie.   Les  resultats  de 
celte  exploration  amenerenl  relablissement  de  deux 
coniptoirs,    I'un    en   Miugrelie,    dont  Semino   eut   la 
direction  provisoire,  et  le  second  a  Tiflis.  L'apret^  du 
climat  de  la  contree  dans  laquelle  le  sort  I'avait  place 
forca  bient6t  Semino  a  la  quitter,  et  il  se  rendit  a  Tiflis 
dans  I'espoir  de  se  gu^rir  d'obstruclions   du   foie  et 
de  la  rale  qui  lui  causaient  d'atroces  soufTrances.  Ses 
maux  n'ayant   pu  y  etre  soulages,  il  se   dotermina  a 
essayerdu  climat  plus  salubre  deTauris,  ville  de  Perse, 
oil,  apres  un  court  sejour,  il  guerit  complelemenl.  II  se 
trouvait  dans  celte  ville  lorsqu'on  lui  proposa  d'entrer 
au  service  de  la  compagnie  des  Indes   orientales,   el 
que,  par    une   ordonnance   dal^e   du   fort   William, 
28  mars  1823,   il  fut  allache,  on   qualile  d'ingenleur 
hydrograpbe,    au    major,   depuis    general    Monleith; 
Semino  resla  ^i  ce  service  jusqu'a  la  fin  de  1826.   La 
carle  de  Perse   que  le  gt^neral  Montrith  a  publiee  a 


(  302  ) 

Londres  en  1828  doil  A  Semino  le  lev6  trigonom^- 
tiique  do  la  fronlierc  entre  la  Russie  et  la  Perso,  loule 
la  partie  enire  Tauris  et  rcmhouchure  du  Rizil  Lzen 
dans  la  mer  Caspicnne,  ainsi  que  le  Icv^  du  pays  situ6 
au  nord  du  lac  d'Ourmich. 

La  guerre  s'^tant  engagee  enlre  la  Russie  et  la  Perse, 
Semino  donna,  en  1827,  sa  demission  du  service  de 
la  compagnie  des  Indes,  pour  passer  a  celui  du  gou- 
vernement  persan  qui  oiTrait  des  emotions  plus  vives 
a  son  caractere  aventureux  avec  I'espoir  d'un  rapide 
avancement.  11  fit  contre  les  Russes  la  campagne  de 
cette  ann6e  sous  les  ordres  du  prince  Abbas-Mirza, 
avec  lequel  il  combattit  aux  batailles  d'Yavonboulak 
et  d'Abbas-Abad.  A  la  conclusion  de  la  paix  en  1828, 
Semino  fut  nomni^  commissaire  du  gouvernement 
persan,  j;our  surveiller  et  inspecter  Teniigralion  des 
Armeniens  que  les  Russes  faisaient  sortir  de  Perse; 
etcommeil  comprenait  etparlait  m6me  correctement 
le  pei'san  et  le  russe,  il  fut  adjoint  cette  meme  anntie 
a  la  commission  chargee  de  la  delimitation  des  fron- 
tiferes  entre  la  Perse  et  la  Russie.  Cette  mission  rem- 
plie  a  la  satisfaction  des  deux  puissances,  S(^mino 
regut,  en  1829,  des  mains  d 'Abbas-Mirza,  uno  me- 
daille  specialement  frappee  en  son  lioruieur,  et  obtint 
en  m6me  temps  la  decoration  du  Lion  el  du  Soleil  de 
seconde  classe,  ainsi  que  cclle  de  Saint-Wladimir  de 
Russie;  nonmi6  en  m6me  temps  aide-de-camp  d'Abbas- 
Mirza  avec  rang  de  colonel,  il  fut  ensuite  attache  a  la 
mission  de  Kosrev-Mirza,  I'un  des  fils  de  ce  prince, 
qui  dut  se  rendre  a  Saint-P^lersbourg  a  I'occasion  de 
I'assassinat  de  Grebaiedofl'  ot   de  toute  I'ambassade 


(  303  ) 

riisse  a  T^h^ran.  A  son  retour  en  1830,  S6mino,  qui 
avail  recu  avant  de  quiUer  la  Russie  I'ordre  de  Sainte- 
Anne  de  troisi^me  classe,  romplit  les  fonctions  de  chef 
d'6tat-major  (lans  I'armee  persane  rdiunie  conire  des 
khans  rebelles  et  commandee  par  Ablxas-Mirza.  II 
dirigea  les  sieges  de  toutes  les  places  qu'on  fut  oblig6 
d'atlaquer.et  c'estalui  quele  prince  en  dutla  reddilion. 
L'expedition  du  sud  de  la  Perse  venait  a  peine  d'etre 
heureusement  terrninee  qu'Abbas-Mirza  mai-cha  avec 
ses  troupes  contre  les  revokes  duKhoracan.  Dans  celte 
seconde  campagne  executee  pendant  les  anndses  1831 
et  1832,  S6mino  remplit  les  memes  fonctions  que  dans 
la  campagne  prec^dente  et  fut,  en  outre,  noinme  com- 
mandant en  second  de  toute  I'artillerie  {naib-toptchi- 
bac/ii).  Les  places  de  Soultan-Meidan ,  d'Amir-Abad 
et  de  Coulchan  ne  se  rendirent  qu'aprfes  des  sieges  en 
r^gle  diriges  par  lui,  et  pour  ainsi  dire  sous  les  )eux 
d'Abbas-Mirza,  dont  il  captiva  de  plus  en  plus  I'estime 
et  la  confiance.  Neanmoins,  harcel^  bienlot  par  les 
intrigues  de  quelques  oflficiers  Strangers  residant  a  la 
cour  de  Teheran  ,  qu'appuyait  I'inimitie  personnelle 
du  Kaimacan  Mirza-Aboul-Cassum,  S6mino  crut  devoir 
offrir  sa  demission  qui  fut  accept^e. 

Determine  d^s  lors  a  renlrer  promptement  en 
France,  il  se  rendit  aTauris  ou  il  fut  forc6  de  s'arreter 
quelques  jours  pour  y  attendre  le  paiement  des  arrier^s 
qui  lui  etaient  dus,  et  qu'on  ne  s'empressait  pas  d'ac- 
quitler.  II  se  trouvait  encore  dans  cette  derni^re  ville 
lorsqu'il  y  recut  de  Mohammed,  fils  aine  d'Abbas- 
Mirza,  et  devenu  depuis  chah  de  Perse,  une  leltre 
congue  dans  les  termes  les  plus  flatteurs  par  laquelle 
ce   prince  le   priait   de   differer   encore  son   depart. 


(  304  ) 
Cedant  aiix  graciouses  instances  d'lin  prince  aiiquel 
la  niort  d'Abbas-Miiza  nc  tarda  pas  e'l  ouvrir  le 
cliemin  au  tiono  ,  ct  persuade  qu'il  no  tarderait 
pas  a  eloigner  le  mlnistre  son  implacable  enneini, 
Semino  se  decida  a  rester.  En  1835 ,  il  repril  le 
poste  qu'il  avail  occupe  pr^cidemment ,  et  apr6s 
s'etrc  acquille  avec  succes  de  plusicurs  iniporlantes 
missions,  il  fit  avec  le  chab  la  campagne  du  Gourglian. 
II  avail  I'espoir  de  s'emparer  de  Kbiva  et  de  Bokbara, 
mais  des  considcirations  poliliques  s'opposferent  a  ce 
qu'il  poursuivlt  le  siege  de  ces  places.  L'annee  suivante 
il  penetia  dans  I'Afgbanislan  a  la  tele  de  I'armee  per- 
sane,  el  en  sept  jours  il  forga  la  forleresse  de  Gourian 
a  se  rendre.  Deja  il  pressait  vivement  la  forle  place 
d'Heral,  lorsque  le  ministre  d'Angleterre,  accouru  au 
camp  en  toule  bate,  s'inlerposa  entre  les  puissances 
bellig^rantos,  el  obtinl,  par  son  influence  aupr^s  des 
ministres  de  la  Perse ,  la  cessation  des  bostiiites.  Ge 
fut  a  cetle  dipoque  que  le  cbab  donna  a  Semino  le 
commandement  de  sa  garde  et  le  decora  du  grand 
cordon  du  Lion  et  du  Soleil.  II  accompagna  ensuile 
ce  prince  dans  la  visite  qu'il  fit  des  provinces  inte- 
rieures  de  son  empire;  puis  il  inspecta  loules  les  places 
situ6es  sur  les  bords  du  golfe  Persique ;  il  en  fit  forti- 
fier plusieurs  et  prit  part  aux  negociations  entara^es 
entre  les  Persans  et  les  Turcs. 

Tout  lui  souriait,  et  sa  fortune  semblail  desormais 
assuree,  lorsque  la  morl  de  Mobammed-Cbab  vinl 
cbanger  compleleraent  sa  position  a  la  cour  de  T6be- 
ran.  II  ne  tarda  pas,  en  elTet,  a  s'aperccvoir  des  pro- 
gr6s  que  ses  adversaires  avaient  fails  aupr^s  du  nou- 
veau  souverain.   La  delimitalion   des  IVonlieres  cnlre 


(  305  ) 

la  Turquie  et  la  Perse,  confi(^e  a  une  commission  com- 
posee  d'ofliciers  lures,  anglais,  russes  el  persans,  elait 
dirigee  en  quelque  sovte  par  kii.  Oa  lui  relira  cette 
direction  et  on  Teloigna  m6me  de  loute  participalion 
aux  affaires.  Sa  disgrace  dans  cette  circonslance  lui 
fut  d'autant  plus  sensible  qu'elle  i'einpecliait  de  con- 
tinuer  les  Iravaux  qu'il  avail  entrepris  sur  la  geogra- 
phic de  la  partie  de  I'Asie  ou  il  residait  depuis  lanl 
d'annees.  II  resta  cependant  encore  quelque  temps 
en  Perse,  mais  plulot  pour  metlre  ordre  a  ses  affaires 
parliculiferes  avant  de  s'en  eloigner  d^finilivemenl  que 
dans  I'espoir  de  rentrer  enfaveur.  II  se  Irouvait  encore, 
a  la  fin  de  1850,  a  Teheran  ou  je  pus  lui  annoncer 
que,  d'apres  le  desir  qu'il  m'avait  fait  t^moigner,  la 
Societe  de  geographic,  sur  ma  proposition  el  celle  de 
M.  Poulain  de  Bossay,  I'avait  nomme  son  correspon- 
dant.  II  nous  envoya  d'abord  de  curieux  documents 
et  promettail  d'en  transmettre  bientot  de  nouveaux, 
rnais  sa  position  devenait  chaque  jour  de  plus  en  plus 
difficile  par  suite  des  Iracasseries  qu'on  ne  cessait  de 
lui  susciter.  Ses  puissants  ennemis,  non  contents  de 
I'avoir  fait  depouiller  de  la  majeure  partie  de  sa  for- 
tune, acquise  par  vingt-trois  ans  d'honorables  et  utiles 
services  rendus  a  un  pays  ou  il  avail  occupe  les  postes 
les  plus  eleves,  usaient  maintenant  des  moyens  les 
plus  odieux  pour  I'empfecher  d'en  franchir  les  fron- 
tieres.  II  y  parvint  cependant,  se  rendlt  immediatement 
a  Constantinople  avec  sa  famille  et  se  proposail  d'alier 
bientot  se  reposer  de  ses  Iravaux  et  de  ses  fatigues, 
soil  en  Italic,  soit  dans  une  des  lies  de  I'Archipel,  lors- 
que,  le  Ih  avril  1852,  apres  une  courte  maladie,  la 
raort  vint  le  surprendre  a  Smyrne  oii  des  affaires 
IX.    MAI.    5.  21 


(  306  ) 

il'int^ret  I'avalent  appel6.  Outre  clivers  travaux  gra- 
pliiques,  des  releves,  des  itineraires,  et  une  carle  g^ne- 
rale  do  la  Perse  iracee  sur  une  grande  ^chelle  et  dont 
nous  ne  poss^dons  malheureusement  que  des  IVag- 
raenls,  documents  qui  serviront  a  enrichir  Tatlas  du 
voyage  de  feu  Ilommaire  de  Hell,  dont  sa  veuve  public 
en  ce  moment  la  relation,  nous  avons  regu  du  general 
S^mino  des  plans  colories,  ouvrage  d'ingenieurs  per- 
sans,  dont  une  partie  a  ete  publics  dans  votre  Bulletin 
avec  la  traduction  des  l^gendes  persanesqui  les  cou- 
vraient,  que  nous  devons  a  la  bienveillance  du  savant 
membre  de  I'lnstitut ,  M.  Garcin  de  Tassy.  Semino 
nous  annoncait  I'envoi  successif  d'autres  documenis 
g^ograpliiques,  mais  a  sa  mort  des  discussions  s'etant 
elevees  enlre  les  personnes  qui  pretendaient  a  sa 
succession  ,  les  promesses  de  notre  correspondant 
n'ont  pu  etre  r^alisees.  Tout  nous  faisait  et  devait  nous 
faire  esperer  ce|)endant  un  resultat  bien  different, 
car  la  legation  sarde  en  Turquie,  dont  j'avais  cru 
devoir  provoquer  officieusement  I'intervention  par 
I'intermediaire  de  M.  le  cbevalier  Cristoforo  Negri  et 
de  notre  savant  collegue,  Vattier  de  Bourville,  que  nous 
avons  eu  le  malbeur  de  perdre  il  y  a  a  peine  un  an, 
a  montr^  dans  celle  circonstance  la  plus  extreme  bien- 
veillance et  un  zele  aussi  actif  que  desinteresse.  Des 
demarches  sont  continuees  dans  I'inl^ret  de  la  science, 
el  nous  ne  croyons  pas  qu'il  faille  encore  d^ses|)erer 
d'obtcnir  un  jour  le  complement  des  documents  geo- 
grapbiques  qui  nous  ont  616  promis.  Le  general  Se- 
mino elait  dou6,  suivant  le  l6moignage  du  colonel 
Colombari  qui  a  servi  avec  lui  en  Perse,  du  caraclere 
le  plus  loyal,  d'un  grand  courage  el  dune  patience  k 


(  307  ) 

toute  epreuve.  II  aimait  passionn^inent  I'etude  et  de- 
vait  a  ses  seuls  efforts  et  a  sa  perseverance  les  connais- 
sances  militaires  qu'il  avail  acquises.  Mais  ses  conseils, 
souvent  excellents,  etaient  rarement  suivis  par  les 
Orientaux,  par  les  tninistres  persans  du  moins,  parce 
que  son  extreme  simplicity  ne  leur  en  iraposait  pas 
suffisamment,  que  ces  derniers  Etaient  jaloux  d'ailleurs 
do  rinfluence  exercee  par  un  etranger  sur  le  prince 
Abbas-Mirza  et  sur  son  fds  ain6  le  chah  Mohammed, 
et  cnfin,  nous  devons  le  dire,  parce  qu'il  ne  possedait 
pas  toujours  le  don  de  la  persuasion,  et  qu'il  manquait 
souvent  d'a-propos  dans  ses  demarches. 

Semino  semble.  avoir  eu  le  don  des  langues,  puis- 
qu'il  avail  appris  de  lui-merae  le  grec,  le  russe,  I'ita- 
lien  el  I'anglais,  qu'il  parlait  presque  aussi  bien  que 
le  francais,  et  qu'il  possedait  aussi  le  turc  et  le  persan. 
La  connaissance  de  ces  divers  idiomes,  tres  appreciee 
en  Perse,  le  mit  a  meme  de  se  rendre  utile  et  n^ces- 
saire  en  plusieurs  circonstances  importantes.  Aussi 
ajoutons-nous  quelque  foi  aux  assertions  de  leltres 
ecrites,  en  1852,  de  Saint-Petersbourg,  qui  lui  attri- 
buent  la  traduction  du  frangais  en  persan  de  VHistoire 
de  Russie  sous  Pierre  le  Grand,  de  Voltaire,  et  du  trace 
de  plusieurs  cartes  des  campagnes  de  Pierre  I"  et  de 
son  rival  Charles  XII,  qui  accompagnent  cette  traduc- 
tion, ainsi  que  de  celles  qui  sont  jointes  a  un  Jbrege 
de  Vhistoire  d^Jlexandre  le  Grand,  6crit  en  persan 
par  Mahomet-Ben-Hussein  (1). 

(i)  Ces  deux  ouvrages,  imprimes  Ji  Teheran  en  i85o  ou  i85i, 
ont  ete,  a  ce  qu'il  parait,  offerts  en  don  par  Goughia-Khan,  premier 
drogman  de  la  legation  de  Perse  a  Saint-Petersbourg,  a  la  Biblio- 
theque  imperiale  de  cette  capitate,  qui  les  a  places  provisoirement 


{  308  ) 

Seniino  avail  opous6  en  ISZiii ,  suivant  le  colonel 
Colombari,  line  Georgienne,  veii\e  du  general  polo- 
nais  Borowski,  dont  il  a  laisse  un  fils. 


NOTK 

sun    LA    POSITION    Di;     TI.N-B0KT0UE 
niSCLTANT    DU    DBRNIER    VOYAGK    DU    DOCTEUR    BARTH  , 

PAH      M.     d'aVEZAC. 
(LVE    a   la   SOCIETE  DE  CEOGRAPHIE  le   15  AVRII.  185l>.) 


Lorsque  fut  annoncee  I'arriv^e  du  docteur  Barth  a 
cette  Ten-Bokloue  dont  la  position  avait  el6  si  diverse- 
ment  estimee  par  les  geographes,  la  solution  de  toules 
les  incertitudes  a  cet  egard  paraissait  devoir  resuller 
des  elements  nouveaux  dont  ce  magnifique  voyage 
allait  enricliir  la  science;  et  quand  les  journaux  pu- 
bliorent  une  delermination  dont  les  chifTres  (itaient 
18"  3'  48"  de  latitude  nord,  et  li'  5'  dc  longitude  a  I'ouest 
de  Paris,  persuade  que  j'^lais  qu'une  position  ainsi 
fixee  a  la  secotule  pres  pour  la  latitude,  etait  n^ces- 
sairenaent  le  r^sultat  d'observations  astronomiques 
tr^s  precises,  je  reconnus  humbleincnt  ,  uioi  qui 
m'^tais  autrefois  beaucoup  occup^  a  recliercher  une 
position  approximative  de  la  fameuse  ville  alricaine, 

dans  la  galerie  des  livres  rares.  lis  doivcnt  faire  partie  de  la  section 
des  ouvraf;es  ccrits  sur  la  Russie  par  des  etrang-ers.  Le  donateur 
les  altribue  a  Mourra  Seminou,  c'est-a-dire  Monsieur  Seniinou  , 
ingtMiicur  gcograplie  Finncais,  rcsidant  a  Teheran. 


(  309  ) 

que  j'elais  denieure,  dans  luon  estiiue  si  laborieuse- 
nient  conclue,  bien  eloigiie  de  la  position  v(!'ritable 
obtenue  par  le  couraj^eux  et  habile  voyageiir.  Cepen- 
dant,  des  calctds  ilineraires  si  niullipli^s,  et  fails  avec 
tant  de  soin,  m'avaient  indique  si  imperieusenient  lo 
lesullal  auqiicl  je  m'etais  arrele,  qu'il  s'eleva  dans 
mon  esprit  quelque  doule  sur  I'exaclitude  typogra- 
phique  des  cliiffres  imprimes  dans  les  journaux,  ct 
que  je  suspendis  la  capitulation  absolue  de  mes  pre- 
cedentes  convictions,  jusqu'a  plus  ample  informej  et 
je  donnai  a  un  zele  conlrore,  qui  n'epargne  ni  soin 
ni  depense  pour  tcnir  a  jour  de  toutes  les  decouvertes 
un  atlas  a  la  preparation  duquel  il  consacre  ses  plus 
chers  loisirs,  le  conseil  d'attondre  des  lumieres  plus 
certaines  avant  de  faire  corriger  sur  ses  cuivres  ma 
position  deTen-Boktoue,  qu'il  avail  bien  voulu  adopter. 
La  construction  graphique  des  lignes  itineraires 
venant  de  I'ouest,  s'appuyant  sur  des  latitudes  obser- 
v6es  jusqu'a  Sami,  et  sur  quelques  longitudes  egale- 
ment  observees  jusqu'a  I'endroit  ou  Mungo-Pai'k  tra- 
versa  le  Ba-Oulima  (1),  m'avaient  conduit,  il  y  a 
quelque  vingt  ans  et  plus  (2),  par  unc  serie  de  points 
successivement  ecbelonnes  d'ouest  en  est,  a  asseoir 
la  position  de  G^ny  vers  13°  32'  N.,  et  6"  52' 0.  de 
Paris,  et  a  conclure  Ten-Boktoue  par  environ  16°  N.  et 
5°  36'  0.  de  Paris  (3).  Ces  deux  points  sont  li^s,  pour 

(i)  Exanien  et  rectification  des  positions  asfronomiquement  deter- 
minees  en  Afiique  par  Mungo-I'ark  ;  dans  le  Bulletin  de  la  Society 
de  geographie  de  fevrier  i834. 

(2)  Examen  des  «  Remarques  et  recherches  ge'ograpliiques  sur  le 
Voyn{»e  de  Caillie,  »  lu  a  la  Societe  asiatiqiie  le  3  oclobre  l83i. 

(3)  Apercu  des  parties  explorees  du  Niger,  et  de  celles  qui  restent 


(  310) 

moi,  pur  un  maximum  de  distance  tie  163  milles  g^o- 
graphiques  en  ligne  droile,  resultant  de  mon  ap- 
preciation raisonnde  de  la  route  effective  de  Cailli6, 
controlee  par  revaluation  moyenne  des  dix  a  douze 
journees  de  marche  (1)  complies  par  les  indigenes 
entre  les  deux  vllles. 

La  diff(!!rence  entre  ma  position  de  Ten-Boktoue  el 
celle  qui  est  annonc^e  coinme  resultant  du  voyage  de 
Barlh,  n'est  pas  nioindre  de  150  milles  ;  il  faudrait 
done,  pour  ramener  ma  construclion  aux  conditions 
de  la  position  nouvelle ,  independamment  de  la  mise 
a  I'ecart  de  tous  les  autres  elements  de  determination 
employes  dans  mes  calculs,  opler  entre  les  deux  termes 
de  celte  rigoureuse  alternative:  ou  considerer  comme 
non  avenue  lamesure  que  j'avais  adoptee  abonescient 
de  la  distance  de  G6ny  a  Ten-Boktoue,  ce  qui  me 
semble  bien  difficile ;  ou  laisser  entralner  par  le  d6- 
placement  de  Tcn-Bokfoue  tout  le  r^seau  des  positions 
liees  a  celle  de  G^ny,  ce  qui  me  parait  |)lus  deraison- 
nable  encore.  Cependunt,  comme  il  n'y  a  rien  de  si 
brutal  qu'unfait,  el  que  c'est  folic  que  de  ne  s'y  point 
soumeltre  quand  il  est  avere,  j'altendais  de  nouvelles 
lumi^res  sur  les  determinations  de  Barth,  afin  de  me 
donner  amoi-menie,  sinon  des  motifs  de  douter  encore 


a  explorer;  dans  le  Bulletin  de  la  Soci^.t^  de  geographic  d'aout  1841, 
pag.  80,  81. 

(1)  Renseijjnements  donues,  en  1788,  a  Veiiluie,  par  Abd-el- 
Rahliman  et  Ben-'Aly;  dans  le  Bulletin  de  la  Socield  de  geographic 
de  septembre  et  oclobre  1849,  p-  177.  —  Renseigneinents  fouruis 
eii  1804  a  M.  Cabill,  a  Rabat,  par  Hag{jy  Mohhainmeil-el-Aranaiiy. 
—  Infornialions  recueillies  en  1796,  a  Silla,  par  Mungo-Park;  dans 
son   Vojage,  chap.  xvi. 


( 311 ) 

du  resultat  annouce,  dii  moins  une  solution  quelcon- 
que  de  I 'alternative  qu'il  impliquail  a  I'^gard  du  lien 
qui  le  rallache  a  la  position  de  Geny. 

C'est  au  milieu  de  ces  incertitudes  encore  suhsis- 
tantes  dans  men  esprit,  que  j'ai  eu  I'occasion  de  jeter 
les  yeux  sur  la  petite  carle  de  la  route  de  Barth  entre 
S(!)kolo  el  Ten-Boktoue,  si  nettement  dessinee  par  notre 
habile  confrere  le  docleur  P6lerniann,  et  ins6ree  dans 
le  premier  cahier  des  Mittheilungeii  nouvellenient  pu- 
bliees  par  Justus  Perthes,  de  Gotha  ;  c'est  precis6menl 
la  route  dont  Mohhammed-el-Masany  avail,  en  Jan- 
vier 1827,  donne  I'itin^raire  a  Clapperlon,  avec  un 
lrac6  de  sa  fagon  (1).  J'ai  pu  relever,  dans  la  notice 
dont  la  carte  de  M.  Petermann  est  accompagnee,  cetle 
remarque,  trfes  imporlante  dans  la  question  actuelle  : 
«  Autant  qu'il  est  a  notre  connaissance,  toutes  les  po- 
»  sitions  donn^es  par  Barlh  reposenl  simplement  sur 
))  des  calculs  d'eslime,  et  point  sur  des  observations 
))  astronomiques.  » 

Celte  remarque  me  met  fori  a  I'aise  dans  1 'appre- 
ciation a  faire,  quant  a  present,  de  la  construction 
graphique  de  la  route  de  Barth.  Telle  que  nous  la 
donne  la  carte  de  Petermann,  elle  se  resout  en  une 
distance  tolale  d'environ  btJOmilles  geographiques  en 
ligne  droile  entre  Sokoto  et  Ten-Bokloue,  et  cette  me 
sure  est  prdcis6ment  celle  qui  r^sulte  de  ma  position 
de  Ten-Boktoue  a  I'^gard  de  la  position  de  Sokolo 
admise  sur  les  carles  meraes  de  Petermann.  Je  n'ai 

(i)  Voir  la  piece  n°  i,  dans  I'appendice  du  second  Voyage  de 
Clanperton.  —  Voir  aussi,  dans  le  Journal  de  la  Socidt^  giographique 
de  Londr^i  les  itineraires  recueillis  eii  i85i  par  le  docteur  Barth, 
tome  XXI,  p.  2l5  a  218. 


(  312  ) 

done  point  a  elever  de  doule  siir  la  justesse  de  rostime 
du  docleur  Borlli  dans  reviiloalion  de  ses  dislnnces, 
ni  inerae  de  ses  rel^vcnienls  au  compas  de  route ;  mais 
ne  me  scra-l-11  pas  perinis  de  sujiposer  qu'en  faisanl 
son  point  il  n'aiira  pas  lenu  conijUe  de  la  variation 
magneliquc,  puisqu'il  suflit  d'une  correction  de  de- 
clinaison  pour  que  sa  lignc  de  route  vienne  s'enclias- 
ser  exactement  dans  I'espace  que  lui  avait  reserve  ma 
construction  ? 


(  M3  ) 
iVonvcllcs  et  conisiiunieaiioiis. 

EXTRAIT    d'uNE    L-ETTRE 
DE    M.   LE   COMTE  d'eSCAYRAC   DE  LAUTURE    A    M.    JOMARD. 

Le  Gaire,  aS  avril  i855. 

Monsieur, 

J'ai  eu  riionneur  de  vous  adresser  dernierement 
un  travail  relatif  a  la  canalisation  de  I'isthme  de  Suez. 
J'aurai  encore  I'honneur  de  vous  envoyer  procliaine- 
nient  et  successivement  quelques  vocabulaires  des 
langues  nubiennes,  bjcliariennes,  fouri,  wadayi,  etc., 
et  du  dialecte  des  Ghadjar  ou  boh^miens  du  Caire, 
Jangue  presque  perdue,  etqui  ne  me  semble  pas  d'ori- 
gine  sanscrite,  ayant  une  forme  trfes  semitique  et  pas 
de  mots  sanscrits. 

Les  vocabulaires  seront  prdc^des  d'une  introduction 
expliquant  les  precedes  employes  a  les  recueillir  et 
a  transcrire  les  mots ;  ainsi  que  I'expose  d'un  systeme 
particulier  de  transcription  applicable  a  toutes  les 
langues. 

Chaque  vocabulaire  coraprendra  en  moyenne 
1  000  mots  dont  200  verbes,  80  adjectifs,  80  proposi- 
tions ou  adverbes,  etc.  Cbaque  vocabulaire  sera  pre- 
cede de  I'enumeration  des  consonnes  et  voyelles 
employees  par  la  langue  reproduile. 

J'exprimerai  la  quantite,  I'accent  s'il  y  a  lieu,  la 
tonalite  nieme  par  des  signcs  convenables. 

Les  vocabulaires  seront  suivis  cliacun  de  conjugai- 
sons,  ddclinaisons,  etc.  Je  recborcherai  les  formes 
verbalcs,  etc.   Je  donnerai  une  petite  syntaxe. 


(  3ia ) 

Enfin  je  donuerai  des  dialogues,  des  r^cils  ou  des 
clumsons  nationalos.  Chaque  travail  s6par6  emploiera, 
si  Ic  \ocabulaire  est  en  .'oubK;  colonne,  30  pages; 
s'il  est  en  colonne  simple,  !ili  pages.  Je  placerai  en 
regard  des  mots  quelques  rapprochements  et  quelques 
observations. 

/'.  S.  Pas  de  nouvelles  g^ographiques  pour  le  mo- 
ment, si  ce  n'esl  la  carte  de  I'isthnie  et  du  canal  dressee 
par  M.  Linant,  et  qui  sera  bienlot  prete. 


NOUVELLES    DE    L  AFRIQUE    CENTRALE. 

RENCONTRE    DU    D'  BARTH    KT    DU    D'  VOGEL. 
(Nouvelles    communique'es  par  M.  Jomard  d'apres  M.  Petermann.) 

Du  2^  avril  1855.  —  Le  docteur  Vogel  est  parti  de 
Kouka  a  la  fin  de  novembre  dans  la  tlirection  de  Zin- 
der;  il  avail  6cril  de  Kano  le  24  octobre.  De  son  cote, 
sans  le  savoir,  le  docteur  Barth  etait  parli  de  Rano, 
se  (lirigeanl  a  Test,  pr^cis^ment  par  le  raenie  chemin. 
Le  1"  decembre  1854,  ils  se  sont  rencontres  a 
Bundi,  On  peut  juger  de  la  sensation  qu'eprouva  le 
docteur  Vogel,  connaissanl  la  nouvelle  de  la  mort  de 
son  compygnon,  nouvelle  qui  lui  avait  et6  confirmee 
a  plusieurs  reprises.  Bundi  est  a  30  milles  allemands 
au  nord-est  de  Kano,  et  a  50  milles  a  I'ouest  de 
Kouka.  Cette  nouvelle,  6crile  au  crayon  sur  un  feuillet 
do  papier,  a  dte  sur-le-champ  transmise  par  uu  expr^s 
au  colonel  Herman,  a  Tripoli. 


(315  ) 

Pendant  plus  de  deux  ans,  le  docleur  Barth  n'avait 
jamais  eu  le  moindre  commerce  avec  des  Europdens. 

II  revient  en  Europe  par  Mourzouk  et  Tripoli. 

Le  docteur  Vogel  persiste  a  continuer  son  voyage; 
il  se  porte  dans  le  sud  plein  de  sante ,  de  force  et 
d'^nergie. 

28  a^'r^l  1855.  —  M.  P^tei'mann  a  re?u  une  lettre 
directe  du  docteur  Barth.  On  y  lit  que  Tombouctou 
est  appelee  par  les  habitants  la  Reine  du  desert.  Le 
docteur,  a  partir  de  cette  ville ,  a  suivi  la  rive  droite 
du  Kouara;  il  s'est  porte  au  sud,  puis  a  Sakkatou  par 
une  ligne  courbe.  Son  sejour  a  Tombouctou  a  ete 
d'uii  an,  accompagne  de  soucis  et  d'angoisses;  il  a 
suivi  le  fleuve  jusqu'au  parallele  de  Sakkatou;  sur  le 
fleuve  il  a  vu  d'innombrables  navires,  servant  au  grand 
commerce  des  Touariks ;  ce  commerce  se  dirige  vers 
I'ouest,  i'est  et  le  nord,  rarement  vers  le  sud  et  vers 
la  Guinee.  Les  habitants  apprirent  du  docteur  Barth, 
avec  une  admiration  sans  bornes,  quel  etait  le  com- 
mencement et  la  fm  du  grand  fleuve.  II  a  et6  bien 
re^u  partout,  et  on  I'asoUicite  vivement  de  rester  dans 
le  pays,  ou  bien  d'y  revenir  par  cetle  voie.  Le  docleur 
apporte  avec  lui  les  cartes  qu'il  a  dressees.  II  avait 
appris  I'heureuse  issue  de  I'expedilion  de  la  Tchadda. 

C'est  avec  chagrin  et  une  sorte  d'indignalion  qu'il 
a  appris  qu'on  avait  r^pandu  le  bruit  de  sa  mort. 


(  316  ) 

POPULATION     CIIINOISE    DE    I.A    CALIFORNIE. 

On  esliinc  a  50  000  lo  chifTre  ties  Gliinois  acluclln- 
meiit  fix^s  en  Californie.  lis  occupent  a  San  Francisco 
un  quaiiier  parliculier  et  sonl  au  nombre  ile  7  000. 
Tons  les  jours  ties  navires  en  anit-'nent  par  cenlaines. 
La  plupart  sc  livrcnt  au  commerce  et  ouvrent  de 
peliles  boutiques.  En  general  ils  apparliennent  a  la 
classe  la  plus  grossiere  et  la  plus  miserable  du  Celeste 
Empire,  el  se  dislinguent  par  leur  malpropretd,  leurs 
vices,  leur  passion  pour  le  jeu  el  leur  insubordination. 
Non-sculement  ils  sont  en  hoslilite  habituelle  avec 
les  emigres  des  aulres  races,  mais  ils  sont  frequem- 
ment  divises  entre  eux,  el  ces  divisions  de  partis  ou 
d'inlerets  donnent  lieu  a  de  funesles  collisions.  Ils  se 
livrent  de  plus  avec  fureur  a  I'usage  de  I'opium  et  des 
liqueurs  fortes,  en  sorte  qu'en  prt"'sence  de  tels  germes 
de  destruction  et  du  peu  de  tendance  qu'ils  ont  a  se 
meler  avec  les  autres  colons,  on  se  demande  s'ils  fon- 
deronl  en  Californie  une  population  durable. 


DfePART    DE    M.     A.    DE    GOBINEAU    POUR    LA    PERSE. 

M.  Arthur  de  Gobineau,  premier  secretaire  de  I'am- 
bassade  extraordinaire  que  le  gouvernement  frangais 
vient  d'envoyer  en  Perse,  et  qui  s'est  fait  connaitre 
par  des  tra\aux  d'ethnologie  fort  importanls,  et  notam- 
ment  par  un  Essai  sur  rinegalite  des  races  huniaines, 
se  propose  de  profiler  de  son  sejour  dans  ce  pays, 
pour  poursuivre  ses  recherches  sur  la  distribution  des 
langues  et  des  races.  Prc^pard  par  de  fortes  6ludes 
comiDencees  en  Allemagne,  il  est  a  m6mc  de  rcndre 


(  317  ) 

dc  grands  services  ;i  la  science.  La  Perse  est  aujour- 
d'hui  le  pays  le  plus  inleressant  a  ^tudier  sous  le  rap- 
port des  races,  puisquo  c'est  en  quelquc  sorte  le  ber- 
ceau  dcs  nations  indo-europeennes,  ou  tout  au  nioins 
le  premier  siege  de  leur  developpnnient.  Les  progr^a 
que  la  connaissance  du  zend  a  faits,  grace  aux  Iravaux 
deMM.  Grotefend,  Lassen,  E.  Burnouf,  Spiegel,  Appert, 
les  notions  plus  exactes  dont  on  est  aujourd'liui  en 
possession  sur  les  origines  de  la  religion  perse  el  sur 
les  populations  aryas,  sont  aulant  d'^lements  qui 
promettenl  aux  efforts  de  M.  de  Gobineau  d'heureux 
succ^s. 


(  318  ) 
PROGRAMME  DFS  PRIX  PROPOSES  PAR  L\  SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

EN    1855. 


Prix  annuel  pour  la    decoui'erte  In  plus  importante 
en  geographie. 

La  Soci^td  offre  sa  grande  m^daille  d'or  au  voyageur 
qui  aura  fait,  en  geographic,  pendant  le  rours  de  I'an- 
n6e  1853,  la  d^couverte  jugee  la  plus  importante  parnii 
celles  dent  la  Soci6t6  aura  eu  connaissance ;  il  rece- 
vra,  en  outre,  le  titre  de  correspondant  perp^tuel,  s'il 
est  elranger,  ou  celui  de  membre,  s'il  est  Francais,  et  il 
jouira  de  tous  les  avantages  qui  sent  attaches  a  ces 
titres. 

A  d^faut  de  d^couvertes  proprement  dites,  des  nae- 
dailles  d'argent  ou  de  bronze  seront  d^cern^cs  aux 
voyageurs  qui  auront  adress6  pendant  le  meme  temps 
a  la  Society  los  notions  ou  les  communications  les  plus 
neuves  et  les  plus  utiles  au  progr^s  de  la  science.  lis 
seront  portcs  de  droit,  s'ils  sont  strangers,  sur  la  liste 
des  candidals  pour  les  places  de  correspondant. 


II. 

Prix  pour  les  decouvertes  en  Afrique. 

Ce  prix,  fonde  par  la  Societe  de  geographie,  el  auquel 
le  Ministre  de  I'inslructionpubliques'est  associ^,  ainsi 


(  319  ) 

que  le  Minislre  du  commerce,  de  ragriculliire  ot  des 
travaux  publics,  consiste  en  une  medaille  de  la  valeur 
de  4  500  francs,  susceptible  d'accroissement  par  la 
souscriplion  qui  demeure  ouverte  au  local  de  la  Soci6t6. 
II  sera  adjuge  au  voyageur  qui  se  sera  rendu  de 
la  colonic  du  S(^negal  en  Alg^rie  ,  ou  de  I'Alg^rie  k 
la  colonie  du  S^n^gal,  en  passant  par  Tombouctou, 
el  qui,  en  mfiuie  temps,  aura  rapporte  des  itineraires, 
et  recueilli  des  observations  neuves  sur  les  caravanes 
qui  traversent  cette  partie  du  Sahara. 


Ill  a  VI,  Prix /bndes  par  M.  Anloine  d'Akbadik  (1). 

III. 

Une  medaille  de  la  valeur  de  530  francs : 

Pour  un  voyage  sur  le  Nil  Blanc  ou  sur  ses  rives, 
en  amont  du  parallele  de  k°  10'  de  latitude  nord. 

On  devra  doiinerla  relation  du  voyage  et  determiner, 
par  des  observations  astronomique.s,  I'titendue  de  la 
ligne  parcourue. 

(i)  Voir  le  Bulletin  de  decembre  i854,  page  33o,  pour  le  dere- 
ioppetaent  des  sujets  de  prix,  n°'  III  a  VI. 


(  320  ) 

IV,   V,   VI. 

Tiois  mWaillos  de  la  valeur  do  100  francs  cliaciinc : 

1"  Pour  la  mesure  des  debits  comparatifs  ciii  flcuve 

Blanc  ft  du  fleuve  Bleu  a  Khartoum. 
2*  Pour  la  niesurc  dcs  debits  comparatifs  du  Saubat 

et  du  Kcilak  pres  do  Icurs  embouchures. 
3°  Pour  la  mesure  du  debit  du  fleuve  ordinairemenl 
suivi  en  amont  du  lac  Nu,  en  le  comparant  au 
debit  de  I'aflluent  qui  lui  est  a  peu  prfes  parallele 
du  cote  de  Pesl. 
La  condition  pour  chacun  de  ces  trois  derniers  prix 
est  de  fournir  tous  les  details  de  Toperation,  afin  qu'on 
puisse  se  rendre  coruptc  du  degre  de  confiance  qu'elle 
m^rite. 


VII. 

Ai'i^e/Iem en ts    ha rometriques . 
Mddailles  d'or  de  la  valeur  de  JOG  francs  chacuue  : 

Deux  medailles  d'encouragement  sont  oITertes  aux 
auteurs  des  nivellements  barometriques  les  plus  eten- 
dus  el  les  plus  exacts  fails  sur  les  lignes  de  partage  des 
eaux  des  grands  bassins  de  la  France. 

Les  raenioires  et  profils,  accompagnes  des  cotes  et 
des  iltimenls  de  calculs,  devronl  6tre  d^pos^s  au  bu- 
reau de  la  Commission  centrale,  au  plus  tard,  le  31  d6- 
cembre  J855. 

Les  fonds  de  ces  deux  medailles  ont  ct6  fails  par 
ftl.  Perrot,  niembre  de  la  Society. 


(  321  ) 
Actes  de  la  Soci^t^. 

EXTRAITS  DES  PROCliS -VERBA UX  DES  SEAINCES. 


Seance  du  13  avril  1855. 

Le  proces-verbal  de  la  derniere  seance  est  lu  el 
adople. 

M.  le  professeur  Anger,  secretaire  de  la  Societe 
orientale  de  Leipzig,  reinercie  la  Societe  de  renvoi  de 
son  Bulletin  et  lui  adresse  la  suite  des  publications  de 
la  Societe  orientale. 

M.  de  Angelis,  correspondant  do  la  Socit^t^  a  Mon- 
tevideo, lui  ecrit  pour  lui  ollrir  une  Notice  sur  la  navi- 
gation de  I'Amazone,  qu'il  vienl  de  publier  en  reponse 
a  un  M^moire  de  M.  le  lieutenant  F.  Maury,  officier 
de  la  marine  nationale  des  htals-Unis.  —  Renvoi  a 
M.  Isambert  pour  un  compte  rendu. 

Le  mSme  correspondant  rappelle  a  la  Soci^t^  I'envoi 
qu'il  lui  a  fait  prec^demment  d'un  Memoire  sur  le 
detroit  de  Magellan  ;  cet  ouvrage  n'est  pas  parvenu 
a  la  Societe. 

M.  le  marquis  Godefroy  de  Menilglaise  ecrit  a  la 
Societe  pour  lui  faire  boininage  de  sa  cbronique  de 
Guines  et  d'Ardres,  qui  s'arrete  a  I'an  1203  et  jette 
une  vive  lumiere  sur  les  mcEurs  et  les  institutions  du 
xn"  siecle.  —  Renvoi  a  M.  Poulain  de  Bossay  pour 
un  compte  rendu. 

M.  Vattemare  adresse  le  4'  volume  du  Docuinentary 
history  of  New  -}  ork ,  et  il  prie  la  Societe  de  lui  re- 
IX.  MAI.   6.  22 


(  322  ) 

metlre  en  ecliange  de  ce  don  la  suite  do  son  Bulletin 
pour  la  Bil)liollic^(|ue  do  I'Elat  de  New-York. 

M.  -lomard  communique  une  leltre  de  M.  le  com- 
mandant Faidlierbe,  gouverneur  du  Senegal,  annoti- 
cant  son  second  niemoire  sur  la  langue  sarakliole, 
forniantla  suite  de  son  premier  Miimoire  sur  la  langue 
s6r^re,  communique  a  la  Soci^te  dans  uuc  de  ses 
pr^c^dentes  seances,  et  insert  par  extrait  dans  son 
Bulletin. 

A  I'DCcasion  de  cet  envoi ,  M.  Jomard  propose  de 
convoquer,  aussitot  apr^s  I'Asserablee  j^^nerale,la 
section  de  publication,  afin  de  fairo  un  rapport  sur 
I'impression  des  sepli^me  ct  huili^me  volumes  des 
Memoires.  Les  deux  dictionnuires  et  grammaires 
s^r^re  et  sarakliole  de  M.  Faidherbe ,  les  vo\  ages 
de  Benjamin  de  Tudele ,  le  voyage  portugais  au 
Congo  ,  d'apr^s  un  manuscrit  de  la  Bibliotbeque 
imp^riale,  enfin  le  texte  de  Marco-Polo,  signals  par 
M.  Paulin  Paris,  peuvent  servir  a  completer  le  septi^me 
volume  et  a  former  le  huilieme.  Cette  proposition  est 
agr^ee. 

M.  le  secretaire  lit  la  lisle  des  ouvrages  offerts  h  la 
Society. 

M.  de  la  Roquette  offre ,  de  la  part  de  la  Soci^te 
meteorologique  de  France ,  la  collection  de  son 
Annuaire,  et  deraande  que  la  Societe  lui  adresse  en 
ecbangc  la  k'  s6rie  de  son  Bulletin.  Celte  proposition 
est  adoptee. 

Sont  pr^sent^s  comme  candidats  pour  I'aire  parlie 
de  la  Society  :  M.  Rlialil  Bey,  commissaire  de  S.  A. 
le  vice-roi  d'hgypte  pr^s  de  I'exposilion  universelle, 
par  MM.  Jomard  et  Guigniaut,  et  M.  Erhard  Schieble, 


(  323  ) 

graveiir-geographe,  par  MAI.  de  la  Roquette  ct  V.-A. 
Malte-Brun. 

M.  d'Avezac  presenle  qiielques  ol)servatioris  sur 
I'esquisse  de  la  route  du  do(;teur  Earth  entre  Sokoto 
et  Ten-Boktoue  ,  qui  reposant  uniquement  sur  des 
calculs  d'eslime,  ne  peut  6lre  consid^ree,  dans  son 
lrac6  actuel,  com  me  offrant  une  determination  defini- 
tive de  la  position  de  Ten-Bokloue. 

M.  Vivien  de  Saint-Martin  commence  la  lecture  d'un 
expose  historique  de  I'exploration  de  I'Afrique  centrale 
par  MM.  J.  Richardson,  Barlh,  Ovenveg  et  Vogel,  et  des 
r^sultats  de  celte  exploration. 

M.  Garnier  lit  la  relation  d'une  excursion  dans 
I'Araucanie  ,  province  meridionale  du  Chili,  fails  en 
octobre  185Zi,  par  M.  Delaporte,  direcleur  de  I'ecole 
nationale  d'agriculture,  a  Santiago. 


yissemblee  generale  du  27  avril  1855, 

sous    LA    PRESIDBNGE     DE     M.    LEFEBVRE  -  DURUFL^ , 
Senateur. 

Le  proces-verbal  de  la  derniere  seance  est  lu  et 
adopte. 

MM.  les  directeurs  des  Depots  de  la  guerre  et  de  la 
marine  adressent  a  la  Soci^te  la  suite  des  publications 
faites  dans  ces  deux  etablissements. 

M.  le  president  de  la  Society  zoologique  d'acclima- 
taiion  remercie  la  Society  de  la  recompense  qu'elle 
vient  d'accorder  a  M.  de  Montigny  pour  le  zfeie  pers6- 
v^rant  avec  lequel  il  a  dole  la  France  de  tant  de  nou- 


(  32A  ) 

velles  richesses ;  11  oflfre  en  mfime  lemps  a  la  Sociole 
iin  exemplaire  de  la  gravure  du  beau  dessin  des  Yaks 
fait  ]iar  lM"°  Uosa  Bonlieur. 

M.  le  baron  do  Hammei'-Purgslali  adresse  a  la  Socicle 
trois  dc  ses  nouveaux  Merits,  extraits  des  Meinoires  de 
rAcadetnie  imperiale  de  Vienne.  Le  premier  est  unc 
Dissertation  sur  le  charaeau,  el  les  deux  autres  sont 
relatil's  a  la  g(^ograpliie  arabe  de  I'Espagne.  L'auteur 
signalela  difl'^rence  qu'il  aremarquoe  enlre  Ics  articles 
al  et  a  des  Espagnols  et  des  Portugais,  el  celte  decou- 
verte  lui  paralt  devoir  servir  de  lecon  aux  orienlalistes, 
qui  ignorenl  la  difference  essenliollc  oxi.stant  entre 
les  lettres  solaires  el  les  Ictlres  lunaires. 

M.  Imbert  des  Moltelettes  fait  lionimage  a  la  Societe 
d'un  extrait  de  son  grand  atlas  d'liistoire  moderne, 
presentant  I'Europe  a  des  6poques  successives,  ainsi 
que  les  limites  de  ses  diffcrenls  Etats,  depuis  la  paix 
de  Wcstphalie,  base  des  traites,  jusqu'a  nos  jours. 

M.  I'abbe  Dinom6  offre  a  la  Societe  un  opuscule 
qu'il  vient  de  publier  sur  les  informations  obleuues 
depuis  la  fin  du  xviii"  si^cle,  au  sujel  de  I'Afrique 
septenlrionale,  comparces  avec  les  d^couvertes  faites 
jusqu'a  ce  jour  dans  la  meme  region. 

M.  le  secretaire  communique  la  lisle  des  ouvrages 
deposes  sur  le  bureau. 

Des  echanlillons  d'igname  de  la  Chine,  du  poil  de 
I'yak  et  des  cocons  du  ver  a  soic  du  cbene,  importds 
par  M.  de  Montigny,  ont  61^  ^galement  deposes  sur  le 
bureau  par  les  soins  de  la  Societe  zoologique  d'accli- 
matation. 

M.  le  president  proclame  les  noms  des  membres 
admis  dans  la  Societe  depuis  la  dorniere  Assembl^e 


(  325  ) 

generale,  ot  il  presente  avec  M.  Jomnrd,  comme  can- 
didals,  M.  I'amiial  Romain-Desfosses  et  M.  le  comte 
de  Grossolles-Flamarens,   senateurs. 

M.  Lefebvre-Durufle,  qui  preside  rAssomblee  en 
I'absence  de  M.  le  ministre  de  I'inslruction  publique, 
trace  dans  son  discours  un  tableau  des  dernieres  d^- 
couvertes  geograpiiiques,  et  fait  entrevoir  les  progr^s 
qui  resulteront  pour  la  geographie  de  la  guerre 
d'Orient,  des  nouvelles  communications  avec  la  Cbine, 
des  Iravaux  des  arch^ologues  dans  I'Asie  Mineure,  de 
la  recherche  de  I'or  sur  le  continent  auslralien,  du 
devouement  des  voyageurs  dans  I'AlVique  centrale, 
des  lenlalives  des  explorateurs  des  solitudes  de  I'Amf?;- 
rique  m^ridionale  dans  un  but  de  commerce  et  de 
civilisation,  et  enfin  de  la  circulation  de  la  pens^e 
humaine  autour  du  monde  au  moyen  de  la  telegra- 
phic dlectrique.  M.  le  president  termine  son  discours 
en  exprimant  le  d^sir  de  voir  la  geographie  se  popu- 
lariser  en  France,  et  il  recommande  au  patronage 
6claire  de  la  Society  les  ouvrages  qui  tendraient  a 
rendre  attrayante  pour  tous  I'^lude  de  cette  science 
(p.  2/11). 

M.  Jomard  ,  au  nom  d'une  Commission  speciale , 
fait  un  rapport  sur  le  concours  au  Prix  d'Orl^ans 
pour  I'imporlation  la  plus  ulile  a  I'agriculture,  a  I'in- 
dustrie  ou  a  I'humanit^.  Ce  prix  est  decerne  a  M.  de 
Monligny,  consul  de  France  a  Schang-hai  et  Ning-po, 
pour  son  zfele  pers^verant  a  dotor  la  France  de  I'yak, 
des  vers  a  solo  du  chfine,  de  I'igname-patate  et  de  plu- 
sieurs  autres  plantes  precieuses  de  la  Chine  (p.  260). 

M.  Daussy,  au  nom  d'une  seconde  Commission,  fait 
nn  rapport  sur  le   concours  au  Prix  annuel  pour  la 


(  326  ) 

(Jecouverte  la  plus  importante  en  geographic  D'apres 
les  conclusions  de  ce  rapport,  hi  Societe  decerne  sa 
grande  m^dailic  d'or  a  M.  lecapilaine  Mac-Clure  pour 
sa  decouverle  du  passagi;  nord-ouesl,  et  une  grande 
m^daille  d'argent  a  M.  le  capitaine  Inglelield  pour  ses 
d^couvertes  dans  les  regions  arcticjues  (p.  250). 

M.Jomard  lit  un  Memoirc  de  M.  lecomle  d'Escayrac 
de  Lauture  sur  le  canal  de  Suez,  et  sur  I'influence  que 
son  ouverture  doit  exercer  sur  le  commerce  et  la 
civilisation  (p.  274), 

M.  de  la  Roquolte  lit  une  Notice  n^crologique  sur 
M.  le  general  Semino,  ancien  correspondant  de  la 
Society  en  Perse ,  auquel  la  geograpliie  doit  d'impor- 
tants  travaux  sur  cette  contree  (p.  298). 

M.  Jomard  lit  le  Programme  des  prix  propos(^s  en 
1855  (1),  et  11  pr6sente  la  2°  s^rie  des  Instructions  r6- 
dig6es  par  la  Societe  pour  les  voyageurs. 

Le  temps  n'a  pas  pormis  de  lire  la  relation  d'une 
excursion  dans  I'Araucanie  par  M.  Delaporte. 

L'Assembl^e,  conformement  a  ses  staluts,  proc^de 
a  r^lection  des  membres  du  bureau  de  la  Soci^t^  et 
au  renouvellement  de  la  Commission  centrale.  Sont 
6lus  : 

Pour  le  bureau  : 

President M.  LEFEBVRR-Diii\UFi,fe,  s6natenr. 

,.  ,    ,  (    M.  le  general  Aupick,  s^nateur. 

Vice-presidents,    i    .,     ,,      ,.      „ 

I      M.     I'aulin     lALABOT. 

(   M.  le  general  Auvray. 
Scrutateurs.   •    •    i    .,    t,  ^  ,, 

(    M.  Vivien   de  Jsaint -Martin. 

Secretaire M.  Cortambert. 

;i)  Voir  ce  Programme,  p.  3i8. 


(  327  ) 

Pour  la  Commission  centrale  : 

MM.  A.  d'Abbadie,  Albert -Montetnont ,  gi^nd'ral 
Aupick,  general  Aiivray,  d'Avezac ,  AIon.  Bonneau, 
Constant  Prevost,  Cortanibert,  Daussy,  AU'red  Deiner- 
say,  Giistave  d'Eichthal,  cointe  d'Escayrac,  de  Fro- 
berville.Garnier.Guigniaut,  Isambert,  Jacobs,  Joinard, 
Gabriel  Lafond,  de  la  Roquette ,  Lel'ebvx^e-Durufle , 
Lourmand,  V.-A.  Malte-Brun,  Mauroy,  Alfred  Maury, 
Morel-Fatio,  Morin ,  Noel  des  Vergers,  Poulain  de 
Bossay,  Renard,  V"  de  Santarem,  Am.  S^dillot,  Paulin 
Talabot,  Tr^maux,  Vivien  de  Saint-Martin  et  Meignen, 
notaire  Iresorier. 

La  seance  est  levee  a  onze  heures. 


Seance  du   h  mai  1855. 

Le  procfes-verbal  de  la  derniere  seance  est  lu  et 
adopte. 

M.  le  ministre  de  Tinstruclion  publique  transmet 
une  letlre  do  M.  le  ministre  de  la  marine  et  des  colo- 
nies, relative  au  sujet  de  prix  propose  par  la  Society 
pour  un  voyage  d'exploration  dans  I'interieur  de 
TAtVique. 

M.  le  general  Aupick,  nomm^  vice-president,  et 
M.  Gortambert,  nomme  secretaire  de  la  Soci^te  a  la 
derniere  Assemblee  generale,  remercient  la  Commis- 
sion centrale  de  ce  temoignage  d'estime  et  promettent 
de  concourir  a  ses  utiles  travaux. 

M"'  Burton  6crit  a  M.  le  president  pour  lui  adresser 
delapartdeson  cousin,  M.  I  o  lieu  tenant  Richard  Burton, 
voyageur  en  Alrique.    un   Meinoire   sur   la    route  do 


(  328  ) 

Zeyla  a  Harar,  qn'il  a  parcoiirue  dans  sos  tlerniiii'os 
excursions.  — Renvoi  au  Dnlletin: 

M.  Porlcs,  iueiiil)ie  de  I'inslruclion  publiqno,  fait 
liommago  a  la  Soci^te  d'un  pelil  livre  a\  ant  pour  tilre  : 
Enmiieralioii  poetiqne  des  departsinents  francais.  L'au- 
teiir  s'osliaie  heureux  tl'filre  entre  d'avance  en  partie 
dans  la  pen  see  manileslee  par  iVJ.  Lefebvre-Durufle, 
dans  son  discours  d'ouverlure  cle  I'Assembiee  g^nerale 
(ie  la  Societc  du  27  avril,  sur  I'utililc''  de  propager  le 
goul  des  eludes  g(^ographi(jues  en  France. 

M.  Alex.  Bonneau  ^crit  a  la  Soci(5le  pour  lui  offrir, 
de  la  pari  des  edileurs,  le  premier  vohime  du  grand 
Dictionnaire  de  geographie  universelle  ancienne  et 
moderne  public-  par  M.  Bescherelle,  el  en  son  nom, 
un  num^ro  dc  la  Reuue  conleinporaine  renfermanl  ses 
eludes  sur  la  grande  queslion  de  la  canalisation  de 
Tistlime  de  Suez. 

M.  le  secretaire  communique  la  lisle  des  ouvrages 
deposes  sur  le  bureau. 

iM.  I'amiral  RoMAiN-DESFOssis  el  M.  le  comte  de 
GROssoLLiis-Fi,AiUAKEKs,  scnalcurs,  presenl^s  u  la  der- 
ni^re  seance,  sont  admis  dans  la  Sociele. 

M.  le  baron  de  Fourraent,  senateur,  et  M.  Nou- 
gar^de  de  Fayet,  sont  proposes  comme  candidals  par 
MM.  Lefebvre-Durufle  el  Jomard. 

M.  Isanibert  rend  comple  de  I'ouvrage  que  M.  de 
Angelis  vient  d'adresser  a  la  Soci^te  sur  la  navigation 
de  I'Amazone.  D'apr^s  les  observations  qui  lui  sont 
faites  par  quclques  membres ,  M.  Isambert  consent  a 
modifier  la  redaction  de  son  rapport  avant  de  I'inserer 
au  Bulletin, 

M.  Jomard  donne   les    nouvelles  df  I'exp^dition  de 


(  329  ) 

I'AIViqiie  centrale  qui  lui  sont  pnrvenues  i)arM.  Peter- 
nifinn  en  date  des  25  el  28  avril.  Le  docleiir  Vogel  et 
le  docleur  Barth,  I'un  parii  de  Kano  le  24  oclobre, 
et  I'aiilre  de  Kouka  a  la  fin  de  novembre,  se  dirigeant 
I'un  a  I'est  cl  I'autre  a  I'ouest,  se  sont  rencontres  a 
Bundi  le  1"  decembre.  Le  docteur  Barth  n 'avail  jamais 
eu  de  commerce  avec  les  Europeens  depuis  plus  de 
deux  ans.  II  revient  en  Europe  par  Mourzouk.  Le  doc- 
tecur  Vogel  continue  son  voyage  dans  le  sud.  Une 
lettrc  directe  du  docteur  Baiih  a  M.  P^lermann  donne 
de  curieux  details  sur  le  grand  fleuve  de  Tombouctou. 
Ce  voyageur  a  recu  un  bon  accueil  dans  le  pays  et  il 
a  el6  invile  par  les  habitants  a  y  revenir  par  cette  voie. 
—  Renvoi  de  ces  details  au  Bulletin. 

Le  mfime  membra  communique  une  letlre  de  M.  le 
comte  d'Escayrac  au  sujet  des  vocabulaires  africains 
dont  il  s'occupe  au  Caire,  savoir :  les  langues  nu- 
biennes,  bichariennes,  du  Darfour  el  du  Waday,  le 
dialecte  des  Gahdjar  ou  boh^niiens  du  Caire,  langue 
presque  perdue  et  de  la  famille  semitique ;  chaque 
vocabulaire  aura  mille  mols  et  comprendra  une  petite 
syntaxe. 

M.  Mougel-Bey  a  termini  le  rapport  des  ing^nieurs 
du  canal  des  deux  mers.     -  Renvoi  au  Bulletin. 

Le  meme  membre  communique,  d'apres  M.  Peter- 
mann,  des  details  sur  I'hydrographie  de  I'AlVique 
interieure.  —  Renvoi  au  Bulletin, 

Enfin  il  fait  connaili  e  le  resultat  des  dernieres  ope- 
rations failes  par  M.  de  Verneuil,  geologue,  pour  deter- 
miner la  hauteur  absolue  du  plateau  de  Madrid.  Celte 
capitale  esl  a   668  melres  au-dessus  du  niveau  de  la 


(  330  ) 

mer.  M.  de  Huinholtit  I'avait  determin^e  S  662  metres, 
et  les  ingenieurs  espagncils  a  environ  30  metres  cle 
moins. 

Seance  dn  18  niai   1855. 

Le  proc^s-verbal  de  la  derniere  stance  est  In  et 
adopts,  et  il  est  donne  communication  du  proc^s- 
verbal  de  la  seance  gendrale  du  27  avril. 

M.  le  ministre  de  I'inslruction  publique  ^crit  a  la 
Soci6t6  pour  la  reinercior  du  litre  de  president  hono- 
raire  qu'elle  vient  de  lui  conf^rer;  il  ajoute  qu'il  sera 
toujours  heureux  de  s'associer  a  ses  utiles  travaux  et 
de  seconder  ses  efforts. 

M.  Paulin  Talabol  remercie  ^galement  la  Soci^te 
pour  sa  nomination  de  vice-president;  il  s'empressera 
de  concourir,  en  tout  ce  qui  dependra  de  lui,  aux 
travaux  qu'elle  poursuit  avec  tant  de  perseverance  pour 
la  propagation  des  sciences  geographiques. 

M.  Tremaux  adresse  les  memes  reniercienients  pour 
sa  nomination  de  membre  de  la  Commission  centrale. 

M.  le  docteur  L.  Coddcy  ecrit  a  la  Soci6l6  pour  la 
prier  de  lui  procurer  de  I'^corce  du  moucennah  qui  a 
la  propriete  de  gu^rir  du  t^nia,  et  dont  il  a  6te  fait 
mention  dans  une  lettre  de  M.  le  docteur  Perron , 
ins6ree  dans  le  Bulletin  du  niois  de  decembre  1854. 

M.  le  consul  g^n^ral  de  France  k  la  Havane  trans- 
met  a  la  Societe  une  lettre  de  M.  Esteban  Picbardo, 
avec  la  3"  partie  de  la  Geographie  de  Vile  de  Cuba 
publi^e  par  ce  savant. 

M.  le  secretaire  lit  la  liste  des  ouvrages  offerts  a  la 
Societe. 


{  331  ) 

M.  Jomard  offre,  de  la  part  de  I'auleur,  M.  Alexandre 
Wllcocks,  un  Essai  sur  les  marees.  M.  Daussy  est  pri6 
d'en  rend  re  compte. 

La  Soci6te  admet  au  nombre  de  ses  raembres  M.  le 
Laron  de  Fourment  ,  senateur,  et  M.  NouGARkoE  de 
Fayet. 

M.  Pinoiidel  de  la  Bertoche,  ancien  membre  de  la 
Sociele,  est  pr^sente  de  nouveau,  comnie  candidal, 
par  MM.  de  la  Roquette  et  Noel  des  Vergers. 

La  Commission  centrale  complete  ses  trois  sections 
avec  les  nouveaux  membrcs  elus  a  I'Assemblee  gene- 
rale  du  27  avril. 

Section  de  correspondance  :  MM.  le  g6n6ral  Aupick  , 
le  general  Aiivray,  Alex.  Bonneau,  d'Eichthal,  Morin, 
Renard  et  Vivien  de  Saint-Martin. 

Section  de  publication:  MM.  Lourmand  et  Treniaux. 
Section  de  comptabilite :   MM.    Lefebvre-Durufle    et 
Talabot. 

M.  de  la  Roquette  annonce  que  les  m^dailles  des- 
tinies a  MM.  Mac-Clure,  Inglefield  et  Gallon  sont  par- 
venues  a  la  Sociele  royale  geographique  de  Londres, 
el  qu'elles  seront  remises  aux  laureats,  en  seance 
solennelle,  par  le  president  de  cette  Society, 

Le  m6me  membre  annonce  que  le  conseil  de  la 
Society  royale  geographique  de  Londres  a  decide  que 
la  mddaille  d'or  Victoria  serait  d^cernee,  cette  annee, 
au  docteur  David  Livingston  pour  ses  exploralions,  el 
que  le  surplus  des  remunerations  royales,  serait  accords 
au  voyageur  su6doisCh.-J.  Anderson,  pour  ses  explora- 
tions dans  I'Afrique  m^ridionale,  particuli^rement 
pour  celles  qui  s'6tendent  de  Tounabis  au  lac  Ngami, 


(  332  ) 

pour  sa  description  du  lac  hii-nieino  el  pour  avoir 
rcmoiile  la  riviere  Toghc. 

M.  le  secrc^taire  dnnne  lecture  du  Meuioire  de 
M.  Richard  Burton  sur  la  route  de  Zayla  a  Harar 
dans  I'Afrique  orientale.  Ce  document  est  renvoy6  au 
Bulletin,  apres  quelques  observations  ajoulties  par 
M.  Joniaid  sur  le  cafe  et  les  6lo(Tes  du  pays  des  Gallas. 

D'apri^s  le  desir  cxpiinie  par  M.  Lourniand,  le  pre- 
sident renvoie  a  son  examen  le  petit  livre  deM.  Portes 
sur  VEjiuineration  poetique  des  departements  francnis. 

Le  meme  inenibre  einet  le  va3U  que  la  Societe  pro- 
file de  I'exposition  universelle  qui  atlirera  un  grand 
nombre  de  savants  elrangers  a  Paris,  pour  proposer 
la  formation  d'un  congr^s  scientifique  dans  le  but  de 
s'occuper  de  I'uniformit^  des  poids  et  mesures.  Cette 
proposition  est  ajournee. 


(  333  ) 
OUVRAGES  OFFEKTS 

DANS  LES  SEANCES  D'AVRIL   ET  MAI    1855, 


EUROPIi. 

Tilres  (les  ouvraijes.  Donaleius. 

Etudfcs  sur  le  I'elopoiiese,  pai'  E.  Bcule,  ancieii  inembre  di;  rreolu 
d'Athenes,  piibliees  sous  les  auspices  <lu  miiiistere  de  riiislruction 
publique.  i  vol.  in-8°.  Paris,  i855.  F.  Didot. 

Chrouiijue  de  Guiiies  ct  d'Ardres,  par  Lambert,  cure  d'Ardres,  918- 
l2o3.  Textes  latin  at  francais  en  regard,  revus  sur  hiiit  nianuscrits 
avec  notes,  cartes,  glossaires  et  tables,    i   vol.  in-8".  Paris,  1  855. 

Le  Mis  nE  Gouefrov  Menilglaise. 

Enuint'r.ilion  poetique  des  departenienls  francais.  Br.  in-8°.  IJ.i- 
gneres,  1854.  M.  PonrKs. 

Ueber  die  arabische  Geographic  vonSpanien.  Broth.  in-S". —  Uebcr 
die  arabiscben  Worter  im  Spanischen.  Br.  in-8°. 

Baron  de  Hammer-Pcugstall. 

AFRIQUE. 

Coup  dVeil  rapide  sur  les  informations  obtenues  depuis  la  tin  du 
xviii*  siecle  au  sujet  de  I'interieur  de  I'Afrique  septentrionale,  com- 
pare avec  les  decouvertes  faites  jusqu'a  ce  jour  dans  la  menie 
region;  suivi  de  reflexions  sommaires  sur  le  cours  du  Kouara, 
vulgairement  nppele  Niger,  et  sur  I'bydrographie  de  I'Afrique  cen- 
trale  au  nord  de  I'Equateur.  Br.  in-8°.  Orleans,    i855. 

L'abbe  Dinome. 

Ricbesse  minerale  de  I'AIgerie,  accompagne'e  d'eclaircisstments  Iiis- 
toriques  ol  geographiques  sur  cette  partie  de  I'Afrique  sepltn- 
trionale,  par  Henri  Fournel,  ingenieur  en  chef  des  mines,  public 
par  ordre  du  gouvernenient.  Tome  II,  texte,  1"  fascicule,  i  vol. 
in-4°.  Paris,  i854-  Le  MiMsxEnK  de  la  cuehhe. 


(  nh  ) 

AMERIQUE. 

Titles  des  ouvrnyes.  Donateurs. 

De  la  iLivigaiion  de  I'Aaiazone.  Beponse  a  uu  tnemoire  de  M.  Maury, 
ofHcier  de  la  marine  des  £ta(s-Unis.  I  vol.  in-8°.  Monteyideo, 
I  85.'c  P.  UK  A^^;ELls. 

Tlie  Doi'Uiiientai'y  History  ot  the  State  of  New-York;  arranged  undei 
direction  of  the  hon.  Christopher  Morgan,  secretary  of  Slate.  l)y 
K.-R.  OCallaghan,  M.  D.  Vol.  IV.  i  vol.  in-8o.  Albany,  i85i. 

M.    Al.  VATTEMAnE. 

Geoyrafia  de  la  Isla  de  Cul)a,  pubiicase  bajo  los  auspicios  de  la  real 
Junta  de  Fomcnto.  Tome  III.  i  vol.  in-8°.  Habana,  i855. 

Don  EsTEBAs  PiCHAnuo. 

Le  piiote  cotier  des  Etats-Unis  de  E.  et  G.-W.  Blunt;  traduit  de 
I'anglais,  mis  en  ordre  et  annoic  d'apres  les  travaux  bydrogra- 
phiques  les  plus  recents,  par  Cli.  Pigeard,  lieutenant  de  vaisseau. 
I  vol.  in-8°.  Paris,  i854-  Depot  ue  la  marihe. 

OCEANIE. 

Voyage  au  Pole  sud  et  dans  I'Oceanie  sur  les  corvettes  I' Astrolabe 
et  la  Zele'e,  sous  le  commandemunt  de  M.  le  capitaine  de  vaisseau 
Dumont-d'Urville.  Zoologie,  3',  4'  et  5' vol.,  i853  el  i854;  Bota- 
nique,  2  vol.;  Anlhro[)ologie,  i  vol.,  )  854  ;  Geologie,  mineralogie 
et  physique  du  voyage,  I  vol.,  l854.  —  Campagne  de  circumnavi- 
gation de  la  fre'gate  I'Artimhe,  sous  le  commandernent  de  M.  La- 
place, capitaine  de  vaisseau,  6'  vol.,  i854.  —  Voyage  en  Islande 
et  au  Groenland,  sur  !a  corvette  la  Recherche.  Journal  du  voyage, 
par  M.  E.  Mequet,  enseigne  de  vaisseau.  i  vol.  in-8*.  Paris,  i852. 
—  Considerations  gencralcs  sur  I'Oce.Tn  Indien,  par  M.  Gh.  Phi- 
lippe de  Kerhallet,  capitaine  de  fregate,  suivies  de  la  traduction, 
par  le  meme,  des  Instruciions  pour  la  navigation  dans  le  detroit 
de  Torres,  et  accompagnees  de  prescriptions  nautiques  pour 
echapper  aux  ouragans.  2*  edition.  Paris,  i853.  —  Conside'rations 
geneiales  sur  I'ocean  Atlantique,  par  M  Ch.  Philippe  de  Kerhallet, 
capitaine  de  fregate,  suivies  (Us  prescriplions  nautiques  pour 
echapper  aux  ouragans,  et  d'un  Memoire  sur  les  ouragans  de 
I'ocean  Atlantique.  3'  edition.  Paris,  i854-     Dep6i  de  la  uaiiine. 


(  335  ) 

CARTES  ET  AT[,AS. 

Tiires  des  ouvmges.  Dottataurs. 

L'Euiope,  depuis  la  paix  de  Weslphalie  jusqu'a  iios  jours,  1 648- 1 855, 
dediee  aux  jeunes  diplomates.  Extrait  du  grand  alias  chroiiolo- 
gique,  geographique  etgenealogique  d'histoire  moderne.  5  feuillcii. 

iMBEnT    DES    MOTTELETTES. 

lb'  livraison  de  la  carte  de  France  comprenant  les  feuilles  de  Cler- 
mont, Limoges  et  Napoleonville.  3  feuilles.  Depot  de  la  guerbe. 

!N°  1 4^9-  New-York,  ses  mouillages  et  ses  atlerages,  d'apres  la  carle 
levee  trigoiiometriquement  sons  la  direction  de  F.-R.  Hassler, 
surintendant  de  la  reconnaissance  des  cotes  des  Etats-Dnis. 
1  I'euille.  —  N°  i^'jo.  Carte  particuliere  du  golt'e  du  Mexique, 
partie  comprise  entre  la  baie  de  Tampa  et  les  Bouclies  du  Missis- 
sipi  dressee  d'apres  la  carte  d'Cdmund  Blunt.   I  feuille. 

Dep6t  de  la  Mahike. 

OUVRAGES  GfilSERAUX,   MELANGES. 

Grand  dictionnaire  de  ge'ographie  universelle  ancienne  et  niodenie, 
ou  description  physique,  politique,  historique,  commerciale,  sta- 
tistique,  industrielle,  scientifique,  litteraire,  artistique,  morale, 
religieuse  de  toutes  les  parties  du  monde ,  par  Bescherelle  aine. 
i"-'  livraison.  Les  Editeurs. 

Rechercbes  sur  les  variations  et  la  niurche  des  pendules  et  des  chro- 
nometres,  suivies  d'un  projet  d'organisation  du  service  des  chro- 
nometres  appartenant  a  la  marine;  par  M.  Aristide  Lieussou, 
ingenieur  hydrographe  de  la  marine.  1  vol.  in-8°.  Paris,  i854. — 
Annales  hydrographiques,  recueil  d'avis,  instructions,  documents 
et  memoires  relatifs  a  I'hydrogiaphie  et  a  la  navigation,  publie 
par  le  depot  general  de  la  marine.  Annee  i853,  9' vol.  i  vol.  in-8°. 

—  Annuaire  des  marees  des  coles  de  France  pour  I'annee  i855, 
publie  au  Depot  de  la  marine,  par  M.  Chazalon,  ingenieur-hydro- 
graphe,  i  vol.  Paris,   i855.  Depot  de  la  marine. 

An  Essay  on  the  Tides:  theory  of  iho  two  forces.  1  vol.  in- 12.  Phi- 
ladelphia,  1 855.  M.  Alex.  Wilcocks. 

Das  Kauiel.  Dissertation  sur  le  chameau.  i  vol.  in-4°.  Vienne,  i854' 

Baron  de  Uammek  Pcrgstall. 


(  336  ) 

Titres  ties  ouvftiges.  Donatewt. 

Explication  dc  la  methodc  (I'iniiiiiitiiriilalioii  locale,    i   vol.   iii-12. 

iM.  Hebeht. 

.MliMOIUES,  llECULILS  ET  JOUHNAUX   PKIUODIQUES. 

Aunales  du  commerce  exterieur.  N'^'  801  a  8i4-    Mimstkre  dv  com. 

Bibliotheque  nniverselle  de  Geneve,  et  Annales  dcs  sciences  phy- 
siques et   naturelles.  Fevrier  et  mars.  M.  Paul  Cbaix- 

Precis  analytiqiie  des  Iravaax  do  I'Academie  des  sciences,  belles- 
lettres  et  arts  de  Rouen,  pendant  I'annee   1 853-1 864.   1  vol.  in-8°. 

—  Annuaire  de  la  Societe  nieteorologique  de  France.  Annees  i853 
et  1854. —  Zeitschrift  der  Ueutschen  inorj'enlandisclien  Gesells- 
cliaft.  Annees  i853  et  i8.')4;ctn*"  1  et  1  de  |855. —  Nouvelles 
aunales  des  voyages.  Mars  et  avril.  —  Bulletin  de   la    Societe  geo- 

lo;;ique  de  France  (i5  janvier-5  fe'vrier).  —  Bulletin  de  la  Societe 
iiii|)eriale  zooloc,ique  d'accliniatation.  Mars  et  avril.  —  Journal 
des  missions  evangeliques.  Mars.  —  Journal  d'dducation  popu- 
laire.  Mars.  —  Revue  de  I'Orient,  del'Algerie  et  des  colonies.  Avril. 

—  JU'vue  contemporaine.  72°  livraison.  —  Journal  of  the  Franklin 
Institute.  Fevrier.  —  I/Athenaeum  francais.  N°'  i3,  14,  17,  '8 
et  19.  Les  EniTEURs. 


ERRATA   DU  BULLETIN  DE  MARS   ET  AVRIL. 

Page   218,  lig.  24,  V.  Valerio,  lisez :  Th.  Valerio. 
Page   225,  lig.  I  2,apres  le  motpri»ici^fl/,  ajoutez  f«-mo»j  en  chinois, 
et  dai  inon  en  chinois-japonais. 

—  lig.  l4i  Kin(j-su,  lisez:  Kiny-sse. 

—  lig.  18,  pak-mou,  to-moii,  lisez:  pak-tnon,  to-tnon. 

—  lig.  24,  pr.  jap.;  pour  prononciation  japonaise. 


BULLETIN 

DF,     LA 

SOGTETE  DE  GEOGRAPHIE. 

JUIN   1855. 

lleiiioii*eis,  etc. 


MEMOTRE  SUR  LA  ROUTE  DE  ZEVLA  A  HARAR 

(AFRIQUli    ORIKNTALU). 
lETTIlE    *     M.    LF.    SKCnKTAIP.E    CKMORAI.    DE    I.A    SOCIETK. 


Aden,  lo  24  fovrier  iSSfi. 

Monsieur, 

eTe  prcnds  la  liberty  de  vous  adresser  ci-joint 
I'lnimhle  temoignage  de  mon  respect  pour  une  Societe 
qui  exei'ce  son  bienveillanl  patronage  siir  nous  autres 
voyageurs. 

Je  fus  nomme,  le  23  aoiit,  par  la  tres  lionorable 
cour  des  directeurs  de  I'empire  des  Indes^  chef  d'une 
mission  plutot  ex])loiatiice  que  scienlifique.  Un  de  nos 
geographes  les  plus  disliiigu^s,  I'amiral  sir  Charles 
Malcolm,  qui  nous  a  ete  malheureusement  enleve , 
avail  depuis  longtemps  use  de  son  influence  auprfes 
(le  la  Societe  royale  g^ogiaphique  de  Londres,  pour 
se  procurer  quclques  informations  sur  la  region  in- 
connue  habitue  par  la  nation  Comal  (Somali).  Le 
IX.  JUIN.  I.  23 


(  388  ) 

preuiier  projel  connu  ixmr  anixer  ;'i  ce  hut  dale  de 
I'cin  18/i9.  I  ne  seulo  difllculle  se  presentait  a  son  exe- 
culiou,  iiiais  elle  etail  considerable.  C'elail  le  niauvais 
renom  que  s'6lait  acquis  celte  nation. 

En  i852  ayant  accompli  sans  encomhre  le  pelori- 
nage  de  la  Mccquo,  apr6s  avoir  visile  Medine,  je  pensais 
qii'avec  la  reputation  do  hadji,  je  pourrais  rtiussir  a 
traverser  le  pavs  des  ^'.onials,  peuple  quasi-inusulinan. 
Je  soumis  en  consequence  mon  projetalord  Elphins- 
tone,  gouverneur  actucl  de  Bombay.  C'est  a  ce  nom 
si  cher  a  I'lnde  orienlale  que  je  dois  I'lieureuse  reussite 
de  mes  efforts. 

Je  m'embarquai  a  Bombay  pour  Aden,  le  1"  juiliet 
185Zi,  avec  un  de  mes  adjudants,  le  lieutenant  Heme. 
Aden  etait  un  point  favorable  a  nos  desseins  d'etudier 
la  langue  et  les  mceurs  du  peuple  Comal.  Mallieureu- 
semenl  ceux  de  mes  compatrioles  qui  liabiteut  celte 
colonic  jugerent  dt^ilavorablement  mes  projets;  je  fus 
repr^sente  comme  un  voyageur  fanatiquc  r6solu  a 
prodiguer  sa  vie  et  celle  des  autres  pour  ne  recueillir 
que  quelqucs  faibles  informations  pbilologiques  et 
aulres.  Les  journaux  reproduisircnt  ce  jugement,  el 
le  public  elanl  le  raaitrej  je  dus  ceder  a  une  opinion 
egai'ee ;  autrement  j'eusse  couru  risque  de  voir  mes 
projets  clieris  brises  par  ce  petit  orago  populaire.  Je 
fus  console  en  parlie  par  deux  ainiahlos  Francais,  donl 
je  tais  ici  les  noms  pour  ne  pas  blcsser  leur  moilestie 
et  qui  m'assurerent  de  leur  liospilalile  si  jamais  nous 
arrivions  a  Zanzibar. 

Cbangeant  done  de  plan,  je  delachai  le  lieutenant 
Speke,  un  autre  de  mes  adjudants,  avec  ordre  de  visiter 
un  pays  de  moins  mauvaisc  reputation,  la  region  in- 


(  3B9  ) 

coniuie  d'Ouady  Nogal.  Et  i)our  prouver  la  valour  d'tin 
hadji,  je  resolus  de  vi&iler  Harar  [Hiii-iut),  cite  celebre 
de  rAlVique  orieiitale  qui  a  r^ussi  jusqu'ici  a  for- 
mer ses  |)ortes  aux  voyageurs  europeens.  MM.  Krapf 
et  Isenberg,  M.  Rochet  (d'Hericourl),  le  capilaine  Bar- 
ker, le  lieutenant  Christopher  (sans  nomnier  uno  foulo 
nioins  connue),  n'ontpu  penelrer  dans  ce  Tiuibouclou 
de  I'Orient.  Par  prd;caution  je  detachai  le  lieutenant 
Horno  avec  mission  de  s'etablir  a  Berbera  pour  nous 
venir  tn  aide  en  cas  de  malheur,  et  la  suite  prouva 
que  j'avais  sagemeni  agi.  Ledespote  de  Hai'ar  me  donna 
permission  de  penetrer  chez  lui,  en  consequence,  tlit- 
on,  de  la  lerreur  popiilaire  inspiree  par  mon  «  Irere  » 
de  Berbera  qu'on  supposait  poste  pour  arreter  les 
caravanes  de  I'int^rieur. 

Le  29  octobre,  je  me  rendis,  travesti  en  vrai  Asia- 
tique  heterogene,  a  Zayla ,  petit  port  de  la  region 
coniale  deja  connu  par  la  descriplion  de  M.  Rochet, 
et  depuis  par  les  malheurs  de  la  belle  fregate  le 
Caiman.  Je  fus  accueilli  avec  empressoment  par  le 
gouverneur  comal ,  El  Hadj  Scharmarke.  II  avail  re- 
connu,  avec  sa  finesse  orientalo,  sous  le  costume  de 
marchand  polerin,  loflicier  anglais,  et  se  doutail  de 
quelque  projet  politique.  Sa  bienveillance  etait  meme 
exageree  :  je  fus  retenu  pendant  vingt-huit  jours,  sous 
lo  pretexto  d'attendre  des  mulels  que  j'avais  eu  soin 
de  payer  quatre  niois  d'avance;  mais  en  realile  parce 
fju'ayant  r^pondu  pour  ma  teto  au  goiivernement 
d'Aden,  le  bon  Scharmarke  se  trouvait  dans  une  posi- 
tion assez  critique.  Les  Cotnals  de  la  tribu  Eesa  ve- 
naienl,  evi  efl'el,  d'egorger  Ma^ared,  un  de  ses  fils  ;  les 
Gallas   des   environs   de  Harar  etaient,   disait-on,   en 


(  3/iO  ) 

rc^voltc,  Ics  clieniins  t'laient  fermes  et  la  polite  v^rolo, 
alTreiise  epulemie  qui  lire  son  origine  de  cette  region, 
sevissait  sur  la  ville  de  Harar.  Vous  jiigerez,  Monsieur, 
si,  lors  do  ma  lialle  lorcee  a  Zajla ,  je  n'avais  pas 
raison  de  lessenlir  les  «  crude  juneste  snianie  »  propres 
a  celui  (jui,  ayant  vanle  sa  superioril^  aux  aulres,  sc 
voit  menace  d'un  doublo  mallieur. 

Apres  mainle  discussion,  en  liadji  obsline,  je  rem- 
porlai  la  \icloiie  la  plus  complete.  Le  gouverneur 
de  Z;iyla  se  \il  force  do  me  trouver  des  uuinilions  do 
voyage,  des  mulets  etqualre  chamoaux  pour  ma  petite 
provision  de  tabac,  de  toiles,  de  colon,  de  riz  ot  de 
dalles.  II  envoya  cherclier  parmi  les  Eesa  un  petit 
chef  ayant  mission  de  me  servir  d'abbav.  Dans  ce  pays 
Yabbnn,  qui  correspond  au  ghafir  du  Sinai,  ;i  \ akli  du 
Hedjaz,  el  au  vnbin  do  I'Arabie  oriontale,  se  constilue 
guide,  courtier,  prolectour  et  ecorcheurdes  voyagours. 
Sans  sa  permission,  on  ne  saurait  traverser  un  metre 
de  terrain  et,  pour  prix  de  ses  services,  il  demande 
sa  nourrilure  et  celie  de  ses  parents,  amis  et  con- 
naissances,  de  plus  dos  cadeaux  de  ilrap  el  do  tabac, 
sans  compter  les  nombreux  aiticles  qui  ^veillont  sa 
cupidile.  Dans  les  conlrees  6loign6es  de  la  cote,  I'abban 
devient  maltre  de  la  vie  ol  dos  bions  do  son  client. 
Enfin  I'abban  constilue  une  mode  tr^s  africaine  pour  la 
perception  des  impots. 

De  Zayla  a  Harar,  il  y  a  deux  routes.  La  piusdirecte, 
qui  comple  dix  fortes  stapes  dans  la  direction  du  sud- 
ouest,  traverse  pendant  liuit  journeos  le  pays  des 
Eesa,  ot  on  deux  jours  les  montagiies  des  Gallas  de  la 
tribu  Nola.  Le  Iladj  Scharmacke  ne  jugoa  pas  apropos 
de  me  fail  o  prendre  une  voie  ploine  de  dangers.  Car  ces 


(  3Z.1  ) 
duux  Iribus  out  lieritc  dc  leurs  aucelres  raljomiuable 
habitude  de  la  mulilalion  ;  laches  ct  traitres,  ils  rccoi- 
vcnt  I'elranger  avec  hospitable,  le  traveiseiit  a  Tiin- 
provistc  d'un  coup  de  lance  et  celui  qui  tire  le  pre- 
mier sang  s'enipresse  de  saisir  un  signe  posilif  de  son 
ex])loit.  Alors  il  so  rend  aupres  de  sa  femme  qui  vanle, 
on  poussant  des  hurlemenls  de  joie,  la  j)rouesse  du 
uiailre.  Des  lors  ce  dernier  porte  coinme  en  decora- 
tion ,  dans  sa  perruque  touGTue  et  beurree,  le  «  bdl  » 
ou  plume  d'aulruche  symbole  de  riieroisme  africairi. 
Le  heros  ne  borne  pas  ses  exploits  aux  hommes;  il 
egorge  encore  les  enlants  et  Ton  m'a  assure  qu'une 
iemme  perdrait  la  vie  si  Ton  avail  espoir  de  trouver 
dans  ses  flancs  un  embryon  male.  Les  bonnes  qualiles 
des  Eesn  soul  la  generosite  et  I'habitude  de  la  verite  : 
chez  eux  le  parjure  est  assez  rare. 

La  secondc  route  qui  cotoie  la  oier  dans  la  direction 
du  sud  est  plus  longue,  niais  elle  est  moins  dangc- 
reuse.  C'est  celle-la  que  le  bon  Scliaraiarke  nie  fit 
suivre. 

Le  27  novembre  185Zi,  a  Irois  heures  aprfes  midi,  je 
quiltai  la  ville  de  Zayla  pour  traverser  les  plaincs 
situees  entre  les  monlagnes  et  la  mer.  Ma  caravane 
comptait  une  vingtaine  de  personnes  dont  la  plupart 
portaient  des  lances,  des  boucliers  et  de  longues 
dagues.  DeuxConials  de  la  police  d'Aden,  qui  avaient 
regu  ordre  de  m'accompagner,  elaient  armes  couune 
moi-meme  de  longues  carabines;  j'avais  de  plus  deux 
pislolels  a  six  coups  (invention  Colt),  arme  qui  cause 
le  plus  grand  eilroi  aux  Bedouins. 

JNous  traversames  au  j)elit  pas  une  plaine  dessechee 
dont  le  sol,  iujpregne  de  nitre,  ne   produit  rien  que 


(  3/i2  ) 

des  plantos  salines  propius  a  la  iiouiriUuc  dcs  cha- 
lueaux.  On  reniarque  des  «  fiiunare  »  ou  aprfes  Jes 
pluies  violontes  de  la  «  moiisson  »  africaiue  ,  les  eaux 
des  raontagnes  lorment  dos  torrents  dangereux.  Les 
depressions  de  celte  plaine  portent,  au|)res  de  la  mer, 
liaced'une  inondation  recenle.  A  quelqiie  distance  de  la 
cote,  on  troiive  uiie  vc^g^talion  suffisant  a  la  nourrilure 
des  vastes  troupeaux  de  nioiitons,  de  chd'vres  et  de 
chameaux  qui  formcnt  la  richosse  des  Bddouins.  Quand 
les  pluies  autoninales  on  I  fertilise  celle  plaine,  les 
nomades  quitlent  leurs  raonlagnes  pour  jouirdu  soleil 
et  pour  le  paturage  de  leurs  bestiaux.  Mais  en  ete  nul 
etre  huinain  ne  saurait  r^sister  au  .simoim  et  aux  ler- 
ribles  ardeurs  de  celte  region  qui  se  cliange  alors  en 
un  allreux  desert.  L'elendue  de  la  plaine  peut  elre 
de  /i5  a  Zi8  niilles  anglais  (mes.  g^ographique).  J'eus 
soin  lie  visiter  les  cainpenienls  des  Bedouins  qui  me 
regurent  avec  enipressement  :  des  Iribus  liostiles  de- 
vastaient  le  pays,  el  dans  ce  cas  un  p^lerin  arm6  jus- 
qu'aux  dents,  habile  lireur  et  un  peu  niagicien  tel  que 
)c  leur  paraissais,  etait  doublenienl  t'oruiidable.  Les 
hutles  de  Comals,  appel6es  gufgi,  ont  une  litrine  arron- 
die  au  sommet,  leur  hauteur  est  a  peine  celle  d'un 
hornme  ;  elles  sont  coniposees  de  branches  pliees  en 
demi-cercles  supportant  des  nattes  lissees  par  les  fem- 
mes.  Leur  disposition  eirculaire  rappelle  le  /(/an/  des 
Cal'res  du  Cap.  Le.s  pelites  divisions  ciu  centre  pro- 
t^gent  les  nou\eau-nes;  on  parque  les  vaches  ou  les 
chameaux  au  milieu ;  les  huttes  sont  dispos^os  a 
I'cntour  et  le  lout  est  entoure  d'une  haute  et  large 
haic  de  buisson  et  d'epines  scenes.  Telle  est  la  dis- 
position  du   fcr  ou    village   yomal.     II    n'y   a    d'autre 


(  343  ) 

cloture  qu'iin  monceau  do  branches  d'acacias.  Los 
habitations  sont  sans  hixe  ;  une  peau  de  vache  sent  de 
lit.  Le  lait,  nourrilure  ordinaire  dc  ces  Bedouins,  est 
caille  dans  des  oulres  de  chevre  et  des  pelits  seaiix; 
en  hiver  on  trouvedans  cesliuttes  un  feu  sans  cheminee 
ct  pindant  la  nuit,  le  propri(^lairo  ,  sa  femnie  ot  sa 
famille  parlagent  I'abri  et  la  fumee  avec  los  faibles 
ct  I'reles  agneaux. 

Nous  traversames  celte  plaine,  voyageant  a  la  mode 
du  pays,  c'est-a-dire  en  paresseux.  Les  Comals  divi- 
sont  leurs  routes  en  gedi  ou  marches  de  qualre  a  cinq 
lieures.  Une  deini-gedi  par  jour  est  le  maximum  de 
leurs  elTorts.  Chemin  faisant  le  voyageur  distril^ue  .^^es 
ellels  et  sa  provision  aux  bonnes  gens  qui,  en  effrontes 
mendianls,  assiegent  sa  hutte  avcc  des  grands  cris  de 
wall  issi  «  tlonne-moi  quelque  chose!  (1).  »  Vieniient 
des  haltes  frcquentes  sous  pr^texte  de  danger,  de  niala- 
die,  de  faibiesso.  Quand  les  provisions  leur  nianqiient, 
les  Comals  sonl  capables  d'accomplir  deux  gedis  par 
jour,  marchant  assez  lestement  de  (juatre  a  huit  heures 
du  matin,  et  deux  heures  de  la  soir6e.  Enlin  dans  les 
endi'oits  dangereux  ils  vous  menent  a  grands  pas 
depuis  I'aurore  jusqu'a  la  nuil.  J'ai  vu  en  mainte 
occasion  une  caravane  faire  d'un  trait  28  milles.  Mais 
le  voyageur  ne  doit  pas  s'attendre  a  voir  souvenl  des 
exeuiples  d'une  pareille  c^lerite.  Ces  sauvages  sonl 
mous,  faibles  et  faineants.  Ainsi  tout  consi)ire  a  for- 
mer une  ciialne  d'obstacles  (jui  ne  se  ronipt  que  par 
le  moyen  d'un  grand  flegme. 

(i)  Ainsi  les  Arabes  tlesif;nent  satiriquement  le  pays  des  Comals 
par  le  iioin  du  Bilartl  a'ah  issi,  —  Pays  de  donne-nioi  quclfjiic 
chose. 


(  Ub  ) 
Le  3  deceinbre  nous  arri\ames  a  la  lioiUicic  mc- 
ridionalc  dcs  Eesa,  el  nous  passamcs  quehjucs  jour- 
necs  asscz  conlorlables  au  pied  do  Ja  inontagne  ijui 
ferine  le  premier  gradiu  de  I'Ahyssinie  alpine.  Celte 
cliaioe  suil  la  imr  depuis  Tajouzzcit  jiisqu'a  Jcrd 
Uafoun  (Guardaliin):  sa  fonnalion  geologique  presenlc 
successivement  ilu  calcaire,  du  gres  el  des  terrains 
crislallins  dans  les  regions  elevt'-es.  Ici  nous  trouvanies 
un  cliniat  plus  frais,  el  un  pays  fertilise  parlespluies 
liivernales.  Le  7  decenibre  nous  onfilanies  It;  lil  aride 
dun  lorrenl,  seul  xigz;ig  connu  par  cos  nations  pri- 
railives,  et  nos  cliameaux,  renforc^s  par  unc  addition 
considerable,  grinip^rent  avec  diflicull^  un  senlier 
penible  parsem^  de  granites,  de  gres  et  do  grits  micac^s 
disposes  en  gradins  on  par  grosses  masses  delachees, 
Les  granites  de  celte  nionlagne  elaienllellemenl  brutes 
que  le  quartz,  le  mica  el  le  feldspalli  se  Irouvaient 
separes  I'un  de  I'aulre,  On  reniarquall  des  liL^nes  de 
torrents  etde  calaractesqui  se  de.ssinaient  sur  les  flancs 
arides  et  noiratres  des  montagnes.  Ce  ])ays  se  cbange 
en  desert  avanl  la  saison  des])Iuies;  fertilise  par  la 
«  mousson  »  ijuin-seplembre),  il  nourril  a  peine  une 
faible  j)opulalion  de  vacbes  nomades.  On  y  Irouve  des 
gazelles,  des  aulrucbes,  des  couaggas  et  plusieurs  aulrcs 
esp^ces  de  betes  fauves;  le  daini  iiain,  appcle  par  les 
Abyssins,  Bciii  /.y/'«/7,  el  par  les  Comals,  Sagaro;  enfin  des 
pelils  lievres  et  des  gros  rals.  Les  lions  font  I'iiorreur 
des  timides  babilanls:  pendant  nion  vo\age  je  ne  vis 
qu'un  seul  de  cos  aniniaux  qui  s'esquiva  d'un  coup  de 
carabine  portti  au  clair  de  la  lune.  Lne  espece  de  per- 
drix  ou  plulot  de  poule  sauvagc  el  connue  sous  le  nom 
de  kabk  (aux  amateurs  ile  la  poesie  pcrsane],  se  Irouve 


(  3Zi5  ) 

sous  lous  les  buissons.  Ce  qui  m'olonnait  c'otait  la 
tiniiclite  du  gihier  tlaiis  iin  pays  ou  les  amies  a  feu 
sont  inconnuos  et  dont  les  nalifs  affames  detesteni  la 
volaille. 

Siir  ces  montagnes  nous  trouvames  un  terrain  aride 
presentant  une  succession  de  pelites  collines  couvertes 
d'acacias,  de  plaines  dessech^es  oil  les  cailloux  ser- 
vaient  de  gazon  et  de  vallons  porlant  les  marques  de 
fiumare  violentes.  La  fraicheiir  de  I'aii-  indiquait  une 
altitude  considerable  el  le  pays  s'elevait  a  I'occident. 
Ici  babitent  les  Comals  Gudabursi ,  petite  Iribu  d'en- 
viron  10  000  boucliers  qui,  grace  a  ses  montagnes  et 
a  ses  cbevaux  ,  se  maintient  pied  ferme,  contre  les 
100  OOOEesas.  lis  sont  d'ailleurs  renommes  pour  leur 
caractere  bospilalier  et  la  vie  des  voyageurs  est  cbez  eux 
en  surete.  Je  ne  saurais  toutefois  repondre  dc  ses  biens : 
car  les  Gudabursi  sont  d'une  avidite  remarquable  ;  le 
mensonge,  la  faussel^  et  la  mesquinerie  denotent  leur 
ignoble  origine.  Ces  sauvages  sont  des  Comals,  dit-on, 
de  lamille  batarde. 

Du  3  au  23  decembre,  nous  traversanies  ces  mon- 
tagnes, marcbant  un  jour  sur  cinq  de  bake.  Le  9,  je 
visilai  une  ancienne  ville  que  les  Bedouins  appelaient 
Darbiyak  Kolah  [  le  fori  de  Kolab;  ce  nom  est  celui 
de  sa  reine) ;  il  est  probablemenl  d'origine  galla.  On 
y  remarque  des  ruines  de  mosquees  et  de  tombeaux 
musulmaus.  La  seule  tradition  que  j'aie  pu  recueillir 
a  ce  sujet,  c'esl  que  la  ville  a  toujours  ele  en  guerre 
avec  Aububab,  sa  voisine,  et  que  les  deux  ciles  se  sont 
mutuellemcnt  delruites.  Les  ruines  sonl  composees 
de  pierres,  les  unes  non  equarries,  les  aulres  laill^es; 
I'argile  y  sort,   comnie  c'est  I'ordinaire  dans  ce  pays. 


(  34(i  ) 

de  mortiei".  Mais  la  race  {iiii  laisail  la  son  domicile 
elait  bien  sup^rieuie  aux  iioniades  proprietaires  ac- 
tuels  du  sol,  qui  regardent  les  lesles  des  awwalin  (les 
anciens )  avec  iin  ceil  craiutil  et  slupide.  Les  Oulemas 
de  Ilarar  n'ont  pu  ^claircir  men  ignorance  surce  sujet 
qui  n'est  pas  sans  int«5r6t.  Le  11  decembrc,  je  visilai 
Aububah  dont  les  ruines  se  reduisent  a  un  petit  dome 
d'arcbiteclure  grossi^re  ou  gll  un  schaykh  niusulnian. 
Les  Bedouins  dunnaient  le  nom  d'Aububah  a  la  ville, 
auvallon,  au  saint.  Co[)en(lantle  savant  Scbaycli  Tanii, 
dont  je  fis  la  connaissancc  a  Harar,  m'assura  que  ce 
pcrsonnage  6tait  do  la  famlllo  d'Abu  Zerbay  (Abou 
Zerbin)  qui,  en  I'an  l/i29,  enseii;na  aux  Arabes  les 
luxes  africains  du  caf6  el  du  cat,  J'eus  soin  de  faire 
men  p^lerinage  pr6s  des  resles  d'uii  saint  si  amateur 
du  conforlable.  II  repose  aupres  de  la  porte  nieridio- 
nale  de  Zajla. 

Le  14  d^ccniljre,  6tanl  canipe  sur  les  bords  de  la 
grande  vallee  Harawwab,  ou,  disait-on,  les  elepbanls 
broulent  coninie  des  brebis,  je  forgai  a  coups  de  poing 
le  nonnne  Boubh,  mon  abban  gudahursi,  a  seller  sa 
rossinanle.  Je  montai  avec  ma  carabine  et  fuivi  de 
Mobanjuied-Mabmoud,  mon  fidele  Comal,  je  parcou- 
rus  la  vallee  de  part  et  d'autro.  Cest  une  depression 
qui  porte  les  eaux  dos  montagnes  au  pays  des  Danakil 
non  loin  de  Teijourrab.  Dans  cotle  foret  ( rcniplie 
d'acacias  et  du  Cactus  que  reclierchc  I'el^pbant)  les 
mooches,  peste  du  pays  gomal,  et  le  soleil,  nous  fai- 
saient  endurer  des  tourmenls  que  I'esp^rance  seule 
de  la  reussite  rendait  supportahles.  Esperance,  helas 
chimerique  !  — •  vaines  visions  de  la  porte  d'ivoire  ! 
Apr^s  cinq  ou  six  beuresde  course,  nous  retournames 


(  3/i7  ) 

joyeux  comme  relounient  toiijoiirs  les  chasseurs  desap- 
pointes,  en  faisant  manger  des  abominalions  (la  phrase 
est  orienlale)  a  Beuhh,  a  ses  confreres  et  generale- 
ment  a  sa  Iribu. 

Le  23  decembre,  nous  Iraversames  le  ban  Marar,  ou 
prairie  de  Marar ,  can)pagne  herbeuse  qui  separe  le 
premier  gradin  du  second.  Sa  longueur  est  plus  con- 
siderable, m'assura-t-on,  que  sa  largeur  et  celle-ci  n'est 
pas  inoins  de  28  milles.  La  surface  de  cette  plaine 
onduldie  etait  couverte  d'une  vegetation  dessech^e; 
au  milieu  nous  traversames  une  ouady  {fuuiuu-a)  ou 
s'arret^rent  les  Coraals  pour  manger  la  gomme  des 
acacias.  Nous  convoyames  une  petite  caravane  com- 
pos6e  de  quatre  chameaux,  douze  vaches  et  une  cin- 
quantaine  d'anes  accompagnes,  comme  toujours,  dans 
ces  pays  peu  galants,  d'un  nombre  egal  de  femmes 
lourderaent  chargees.  Elle  allait  atix  montagnes  des 
Girhi  pour  troquer  le  beurre  et  les  cuirs  du  pays  bas 
contre  le  hiirud  ou  Holcus  sorghum  des  cultivateurs  (1). 
Cette  plaine  est  un  rendez  vous  de  voleurs  et  de  bri- 
gands; les  Gudabnrsis,  les  Eesas,  les  Hair  Awnls  et 
les  Berteris  s'y  disputent  les  de|)ouilles  du  malheureux 
voyageur.  Nous  parlimes  a  six  heures  du  matin  et 
nous  arrivames  sous  les  montagnes  de  Harar  a  huit 
du  soir,  sans  qu'aucun  de  nous  eijt  couru  de  danger. 

Le  bon  Schermarke  m'avait  muni  d'une  letlre  aches- 
see  au  ^'eVa<^^  Adan  (le  prince  Adan,  corruption  Qomale 
de  Adam),  chef  -de  la  Iribu  girhi.  Malheureusemenl 
notre  guide  gudabursi  etait  beau-fr^re  du  gerad  :  par 

(l)  Ce  grain  est   lies  cornmun  ilnns  le  Srinde  et   I'Aiabie  :  ici  nu 
Tappelle  taam^  la  \e  jowati;  Iturutl  est  11-  mot  conial. 


(  3ZiS  ) 

conseqcioul,  ils  avaient  cu  des  clispulcs  tie  lemme,  do 
faniille  et  dc  Iribu.  En  pareilles  circonstances,  I'liabl- 
lude  du  pays  est  peu  commode  pour  I'etranger:  les 
deux  parlies  ne  s'accordent  qu'a  lui  ifluser  jiassage. 
Apr^s  niainls  doutes,  discussions  etd^lais,  le  gerad 
nous  envoya  son  fils  ain«^,  Sclierwa,  et  une  dc  sos  six 
princesses,  la  honne  viveuse  Dahabo,  soeur  do  Beuhli. 
Le  26  decembre  nous  enlriinies  dans  les  niontagnes 
des  girhi,  ou  s'offrit  soudain  a  nous  une  scone  tout 
a  fait  nouvelle. 

Le  pays  est  nionlagneux  et  la  \6p,6talion  alpino.  Lne 
espece  de  pin  que  les  Arabes  nomnient  Sinaubar,  les 
Comals  Dayyib,  donno  un  sombre  aspect  aux  flancs 
et  aux  sommets  des  rochers  dopouilles  de  ierre  par 
des  pluios  furieuses.  La  presence  de  col  ar])re  denote 
une  allitude  de  5  000  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la 
nier,  coujme  la  conslalo  le  lieutenant  Heme  siir  les 
cimes  du  niont  Gulap,  non  loin  de  Berbera.  Nous 
contemplames  avec  joie,  dans  ces  fertiles  valliies,  des 
ruisseaux  d'eau  pure,  le  plus  charmant  spectacle 
qu'offre  I'Orienl  au  voyageur  altere.  Pour  la  premiere 
fois  depuis  que  j'avais  qiiille  I'lnde,  je  vis  des  traces 
d'agricullure.  G'etait  ie  temps  de  la  moisson,  et  les 
paysans  (nous  avons  quille  les  Bedouins)  cbantaient 
gaiement  pendant  lour  doux  travail.  Ils  nous  enlou- 
rerent,  nous  temoignanl  une  curiosile  encore  plus  vive 
que  celle  qu'avaieut  nionlrde  les  nomades,  et  je  dus 
uiassacrer  quelqucs  malbeureux  vaulours  ou  pcrcno- 
pleres  pour  me  d^livrer  des  importuns. 

iNuus  demoiirames  six  jours  sous  la  protection  du 
gorad  Adan.  La  cause  de  ce  nouveau  delai  a  lout  a 
fait  lo  coloris  local.  Mes  doux  C-omals  virent  avoc  ellroi 


(  3/i9  ) 

mon  intenlion  arretee  d'entrer  dans  la  funeste  ville  de 
Ilarar.  On  me  conjura  d'adresser  une  parole  an  sultan; 
on  m'ennuya  avec  des  conies  do  diables  el  de  dragons; 
on  ourdit  meine  centre  uioi  de  petiles  conspirations. 
'!  antot  les  chameaux  ne  pouvaient  marcher;  lanlot 
on  ne  voulait  pas  aller  cliercher  des  anes  pour  le 
transport  de  nos  effets.  Pauvres  gens!  ils  ne  pouvaient 
triompher  de  I'opiniatrete  d'un  liadji.  Le  2  Jan- 
vier 1855,  je  me  decidai  ii  parlir  seul  sur  inon  mulct, 
muni  dune  lettre  du  gouvernement  d'Aden ,  avec 
I'intention  deme  presenter  au  sultan.  Alors  les  Comales 
eurenl  lionte  de  me  laisser  partir  comme  un  gueux. 
Les  dews,  policemen,  le  cceur  brise,  m'accompagnerent 
done,  et  un  Uoisieme,  qui  cachait  avec  peine  sa  joie, 
resta  aupres  du  gerad  Adan  pour  garder  mes  efTets  et 
pour  remettre  au  lieutenant  Herne,  au  cas  oii  je  serais 
retenu  prisonnier,  une  letlre  d'avis.  Jo  resolus  de  me 
presenter  comme  un  emissaire  anglais  pour  deux  rai- 
sons:  1"  les  Comals  respectent  peu  I'liommo  qui  en 
temps  de  danger  nie  sa  patrie  ou  sa  tribu  ;  2°  a  mosure 
que  j'approchais  d'Harar,  la  population  me  croyait 
davantage  Turc, — nation  ignoble,  plus  d^leslee  dans 
ces  regions  que  le  Feringhi.  —  Le  3  Janvier,  j'entrai  a 
Harar  ou  je  fus  recu  passablement  par  le  sultan,  d'ail- 
leurs  assez  nn^cbant  hommc.  Sans  entrer  dans  le  detail 
tie  mille  petits  evenements  qui  se  succedorent  pen- 
dant mon  sejour  de  dix  journees, —  Allah!  qu'elles 
etaient  longues  !  —  je  dirai  seulement  qu'on  me  con- 
g^dia  avec  deux  mulcts  et  une  lettre  adressee  au  gou- 
vernement d'Aden  (1). 

(i)  Ci-joint  est  la  lisle  des  stations.  Je  dois  prevenir  toutefois  que 


(  350  ) 

L'ancionne  melropole  do  rempiio  hadiviili  esl 
situ^e'a  peu  pres  a  175  millos  do  Zayln,  et  a  219  inilles 
de  Berliera  :  la  direction  est  respeclivomenl  220  et 
257  degres.  Cetle  evaluation  donne  une  latitude  de 
9"  20'  N.  et  une  longitude  de  42"  17' E.  (de  Greenwich): 
elie  ropond  assez  bien  aux  estimations  de  nos  goo- 
graplies. 

Lat,  .      9''22'N.  ^    Le  lient.  Crullcndon  i  marine 
Long.  112°  35'  E.  j  Indes). 

les  seuls  inslrutnents  que  inoii  caractere  de  hadji  me  permit  d'avoir, 

etaient  une  nioiUre,  uuc  petile  houssole  et  un  lliertnoinetre. 

„.       .  Distance   en 

milles  anglaii. 

1.  De  Zayla  a  Gudiiidaras.  S.-E.  .   .  i65°  19 

2.  De  Gudingaras  a  Kuranseli.    .   .    .  i45°  8 

3.  De  Kuranseli  a  Adad 225°  23 

4.  De  Adad   a  Damal 4o5°  i  ) 

5.  De  Damal  a  Ilarmo '9°°  •' 

6.  De  Ilarmo   a  Tujaf 202°  10 

7.  De  Tujaf  a   iialiuialah 192°  7 

Ici  il  y  a  un  sycomore  celebre  repute  nioitie  chcmin.    —     91  mill, 

8.  De  Halimalah  a  Aububah 245°  21 

9.  De  Aububah  a  Koralay 165°  a5 

10.   De  Koralay   a  Ilarar 260°  65 

Total 202 

La  direction  de  llarar  (jui  nie  fut  donnee  par  les  natifs  de  Zayla, 

est    S.-O.      222*. 

De  Zayla  a  Harar  le  mukatdb  (courier)  arrive  a  |)i('d  en  5  journ, 
dit-on.Les  caravanes  les  plus  lestes  prenucnl  i  i  jouis,  les  plus  lentcs 
de    I  I   a   1 2. 

Theimometre  (Fahrenlieit)  a  Zayla.    .   .   210°  (eau  bouillanto). 

—  —  a  Halimalah.    2q4" 

—  —  a  Koralay.   .    201° 

—  —  a  Harar.   .   .   aon° 


(  :^5l  ) 

Lat.  .     Q-SS'N.  )    ^         .    .  .      ,,       „ 

.^   ^  , »-,    I    ^e  missionnaire  Krapr. 
Long.   42"  07'  E.  )  ^ 

Lat.  .     9"  24'  N.  )   Le  capitaine   Harvis    (  arm6e 

Long,   hti"  22'  E.  i  (Indes. 

Mon  Ihermomelre  indiquait  uno  hauteur  d'environ 
5  500  pieds  anglais  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 
Cette  ville  est  sur  la  pente  d'une  colline,  dont  la  decli- 
vite  est  de  I'ouest  a  Test.  A  rorient  on  remarque  des 
jardins  de  bananiers,  de  citronnlers,  decaft^iers,  de  cat 
et  de  vars  {bastard  saf/irin),  il  y  a  aussi  des  lirnoniers, 
du  raisin  sans  fruit,  des  datliers  qui  ne  portent  pas  de 
dalles  et  de  la  canne  a  Sucre.  Le  terrain  de  I'occident 
esl  dispose  en  terrasses  pour  I'irrigation  des  jardins; 
au  nord  il  existe  une  petite  colline  qui  constitue  le 
«  Pere  la  Chaise  »  de  cette  ville  sainte ,  et  au  sud  les 
habitations  sont  baties  dans  une  depression  consi- 
derable. 

Le  cliniat  m'a  paru  d^licieux,  ni  chaud  ni  froid. 
Trois  fois  en  onze  jours  nous  eunies  de  la  pluie;  Fair 
etait  frais  et  le  soleil  supportable.  L'eau  gelait  dans 
les  montagnes  voisines ;  dans  la  ville  la  temperature 
6lait  plus  raod^ree.  Les  habitants  parlaient  de  six 
mois  de  «  mousson  »  :  on  s'ex[)lique  ainsi  la  ferlilite 
prodigieuse  du  sol. 

Harar  fut  batie,  il  y  a  trois  cent  seize  ans,  par  I'emir 
Nur,  prince  devot  qui  occupe  un  grand  vilain  tombeau 
plar6  sous  un  petit  dome.  Dans  les  jours  de  Moliam- 
med-Gragne ,  c  t  Allila  nmsulman  (jui  meiiagait  de 
bruler  et  de  ravager  i 'em [/ire  chretien  de  I'Abyssinie, 
c'etait  un  amas  de  miserables  bourgades.  L'^mir  fit 
construire  une  muraille  avec  des  tourelles  qui  sub- 
si.ste  encore.   L'histoire   moderne  de   celle   ville  n'a 


(  352  ) 

rien  irinloressant ;  ello  se  borne  nu  jihad  (croisaclos) 
conlrelosGallas  p;uens  et  auxqiierelles  inleslines  d'une 
grandc  famille  de  pelils  dcspoles. 

La  ville  no  contienl  rien  f\<i  romai(|ii;il)li'.  Ello  a 
cinq  portesd'uno grand  cur  vrainionl  orienUili',  ;'i  savoii-: 

J.   A  Test,  Argob  Bari. 

2.  Au  nord,  Asum  Bari. 

3.  A  I'ouest,  Asmadein  Bari. 
A.   Au  sud,  Badro  Bari. 

5.   Au  sud-est,  Sukutal  Bari  (1). 

La  jaini,  ou  niosqu^c-cathedrale,  est  un  d'clifice  |ieu 
artificiel  qui  ressemble  a  nne  grange  ourop^enne.  II  a 
deux  minarets  d'architeclure  grossiere  et  de  forme 
remarquable.  On  m'a  assure  que  c'cst  un  produit  de 
I'art  lure.  La  ville  est  d'un  aspect  sombre  et  morne; 
celte  apparencc  est  due  a  I'absence  du  morticr,  la- 
quelle  donne  aux  villes  de  I'Orienl  un  reflet  fatigant. 
Les  raaisons  sent  construites  en  granite  ct  en  calcaire 
disposes  par  masses  grossieres  rangees  sans  ordre  el 
unies  par  lo  moyen  de  couches  do  bois  et  (.I'argile.  Les 
toils  Hont  j)lals  et  peu  d'habilalions  ont  un  second  6tnge. 
On  enlre  par  une  porte  faile  dc  grosses  tiges  de  Holcus, 
dans  une  basse-cour  au  fond  de  laquelle  se  Irouve  la 
maison.  Les  femmes,  ainsi  que  cela  a  toujours  lieu 
dans  les  pays  musulmans,  sont  separees  dos  liommes. 
Pour  rues  on  ne  trouve  que  des  allees,  des  culs-de-sac 
etde  rudes  escaliers  fort  p^nibles  a  escaiadcr.  La  ville 
ne  conlient  pas  un  soul  jardin ;  on  y  voit  quelques 
arbres  (le Ficus  religiosa  ?)  et  bon  nombre  de  cimeti^res. 


(i)  Bari  dans  la  langue  tie  Harar  sigiiiHe  une  porie.  C'est  le  bar 
ties  Amhares,  comnie  ilans  «  anr()-])ar,  »  eic,  eic. 


(  353  ) 
Harar  renferme   unu  population   d'environ   10  000 
ames,   y  compris   2  500  Coinals  et  sans  compler  tine 
large  popnlalion    flotlante  de  Galias  et  de   Biidouins. 
Les  feimnos  sont  extraordinau'eiiient  nouibi-euses,  fait 
qui  esl  du  al'esclavage.  Je  ne  juge  pas  Ires  favorabie- 
inontdes  inoeurs  et  du  personnel  des  habitants  de  cette 
ville.  lis  sont  tellement  adonnes  a  la  boisson  que  les 
Oulemas  memo  ne  sauraient  resistor  aux  cbarmes  du 
/ey  (I'liydromel),  el  du/ius/m  ( bieie  connue  en  Orient 
sous  le  nom  de  honzat)   (1).   L'eniir  a  dii  etablir  jiour 
la  correction  des  mceui  s,  un  guet  de  nuit  qui  surveille 
les  ruelles  en  appliquant  une  bastonnade  preparative 
do  la  prison  aux  voleurs  et  aux  ainoureux.Les  liomnies 
out,  dit-on,  niauvals  cceur;  je  cerlifie  qu'ils  n'onl  pas 
;ui  moins  bonne  mine:  ils  souiTrent  de  ropUlhahnie, 
des    scrofules    et   d'autres  maladies  plus   civilis^es  et 
plus    terribles.    La    toilette  est  ties  simple,   une  tobe 
(toga  abyssiniennej  et  des  saiidales  grossieres,  quel- 
quefois  une    calotte   blanche   sur   la  lete   rase   et  un 
Jiil/tt  on   (Jrap  autour  des   reins.    Le   port  des  armes 
6lant  defendu  dans  la  ville,  on  sort  avec  un  baton  de 
cinq  pieds  de  long.  Les  I'emmes  sont  assez  genlilles  : 
leur  bouclie   est  prcsque  europeenne  et   la  lignc  des 
traits  est  quasi  caucasienne.  Elles  s'habillent  avcc  une 
chemise  de  colon  teinteen  bleu  fonce  avec  deux  triangles 
ecarlates  sur  la  poitrine  et  le  dos.  Cette  simple  toilette 
esl  relevee  exti^rieuremenl  par  une  echarpe  de  colon 
fabriquee  a  Harar.  Les  femmus  marcheiU  pieds  nus  et 

(i)  L'histoii-e  de  ce  mot  est  assez  extraonlinaiio;  il  est  coiiiiu 
ilepiiis  I'lijjypte  jusqii'a  la  Tartaric.  Aussi  a-t-il  donne  un  verbe  aux 
Allemaiuls:  biizeti^  s'lmbiber;  et  en  anglais,  to  booze,  siguilie  Ijoire 
au  Libcron. 

IX.  JuiN.  "2.  24 


(  35/i  ) 

qmind  olles  sortenl  ellos  ne  se  voilenl  pas  la  figure. 
Leur  l6le  esl  couvorle  de  moiisscline  hlein'  ;  et  leurs 
clievciix  sonl  altaclies  de  fa^on  a  former  deux  gros 
pelolons  sous  les  oreilles.  Leur  parure  se  compose 
de  bracelets,  cercles  en  come  do  Iniflle  faljriques 
dans  J'Inde,  de  colliers  de  coiail,  d'epingles  dorees 
qu'on  met  dans  les  chevtiix,  d'un  i  nban  de  salin  noir 
qiiOn  passe  aulour  de  la  tete,  (  f  de  bagues  de  fabrique 
«  birminghaniaise.  »  Ces  dames  on  I  la  voix  excessive- 
ment  rauque,  —  contrasle  delavorable  avec  la  nation 
?omale  donl  la  moili^  feminine  possede  un  organe 
doux  et  flule  qu'on  relrouve  quelquelois  parmi  les  ne- 
gresses.  Puellaiitm  suta  sunt  pudenda  more  Gdlldvuni  et 
Soniahirum ;  iwvn  nnpta  soh'itur  cultello.  —  Precaution 
extraordinaire  et  tr^s  eflicace  ,  indigene  de  I'Africjue 
qui,  comme  on  la  dil,  a.t\  fiptt  ti  /.atvov.  Le^  femmes 
de  Harar  aiment  ^perdument  le  labac  ,  emploj'6 
comme  cbique,  ci  inter  pocula,  elles  rivalisent  avec  les 
hommes.  Je  n'ai  eu  aucune  diilicull^  a  entamer  de 
longues  conversations  avec  ces  aimables  citoyennos  : 
n'ajanl  jamais  vu  de  visage  europeen  elles  me  trou- 
verent  beau  (circonstancc  exceptionnelle)  el  —  icl  les 
propositions  se  font  avec  I'ain  able  abandon  de  la  mode 
putipbarienne. 

Harar  est  riche  en  saints,  en  erudils  et  en  fanali- 
ques.  Les  Shaycbs,  Abadil  el  Bekii,  et  Ao  Rabmah 
y  ayant  laisse  leur  pr^cieuse  depouille ,  onl  rendu 
Ja  ville  lameuse  dans  I'liagiograpbie  musulmane. 
Les  Oulemas  les  plus  celebres  sunt  Je  kabir  Kbalil  el 
le  kabir  \unis.  iii  Jrequentai  la  sagesse  de  Harar,  donl 
I'erudition  me  parut  bornee  aux  sciences  purement 
religieuses.  1  es  livres  sonl  assi  z  abdndanls.  Je  remar- 


(  355  ) 

quai  des  katiioiis  el  ties  inaiuiscrits  elegaimnenl  et 
currecleraent  ecrlls.  Lus  liabilants  do  Harar  se  sont 
acquis  uiie  c6lebrit^  pour  la  reliiire  des  livres  et  un 
Persan,  dont  je  fis  la  connaissance  a  Harar,  ui'assura 
que  aieme  aSchiraz  il  n'avait  rlen  vu  de  semblable.  Au 
reste,  il  ii'y  a  poiiil  tie  college,  point  de  n'«^/' (fonda- 
tion),  point  d'encouragemenl  pour  las  eludianls:  aussi 
malgre  la  c^lebiite  cle  celte  ville,  on  ne  doit  accorder 
aucune  foi  a  ses  vantes  d'^ducation,  Les  Bedouins  du 
voisinage  sonl  infestes  par  des  widad  (calottins)  qui 
savent  lire  le  Koran,  sans  pourtant  le  coaiprendre, 
6crire  un  peu  el  rt!!citer  une  multitude  de  pri^res. 
Grace  a  cos  connaissances,  iis  esp^reut  pouvoir  vivre 
gratis  el  eu  «  duke  otiiiii),  »  -  but  universe!  de  I'ec- 
cl^siastique  dans  les  pays  cliauds  ou  i'hoinme  est 
paresseux. 

Les  Uabilanls  de  Harar  parlent  une  langue  tout  a 
fait  diflerente  de  celle  des  Galias,  des  C^onials  et  des 
Amhaies.  J'ai  compose  de  cette  langue  un  essai  de 
gramnjaire  et  un  vocabulaire  d'a  peu  pres  1500  mots. 
Cet  aper^u  pourra  peut-etre  satislaire,  en  attendant 
mieux,  les  pbilologues.  Connne  c'est  I'ordinaire  dans 
ces  pays,  la  langue  nie  parait  un  dialecte  seniilique 
grelle  sur  un  idionie  indigene.  La  cons(.)nne  douiinante 
est  le  khd,  son  rauque  et  gutliu'al.  Les  hoinmes  qui 
ont  reQu  quelque  education  parlent  la  langue  arabo; 
on  comprend  aussi  a  Harar  I'ambarique,  le  galla,  la 
langue  des  Comals  et  celle  des  Danakils. 

Quatre  tribus  de  Galias  s'^lendent  jusqu'aux  portes 
de  la  ville : 

1.  Les  Nola,  a  Test  et  au  nord-est. 

2.  Les  Alo,  a  roc<"idenl. 


(  r.5(5  ) 

o.   Lcs  Babuli ,  ail  sud. 

h.   Lcs  Jtirsa,  a  I'esl  ot  au  sud-csl. 

I!  ( .si  impossible  de  voir  ccllc  Dalioii  sans  s'apeice- 
voir  (jue  c'osl  line  race  melee  cic  sang  seinitirjue  cl 
indigene,  doscendanl  des  Comals  qui  occupant  la 
cole,  onl  regu  de  I'Arabie,  la  grande  pepiniiTe  de 
la  race  caucasienne,  des  subsides  iretjueiils  de  sang 
pur.  Los  Gallas  ne  sent  nullemeii^^  faiialiques  :  les 
clu'oliens,  les  nuisulinaiis  el  les  paiens  qui  adorenl  1(> 
H'o/c  (Dieu)  vivenl  paisiblemonl  sous  le  meine  loit. 

Les  Gallas  n'onl  point  a  liarar  la  reputation  que 
nous  leur  fiiisons.  lis  pourraient  aiseraent  an^antir 
la  ville ,  mais  I'emir  ])ajo  a  litre  de  solde,  et  on 
realile  conime  tribut,  600  a  700  tobes  par  annee  aux 
clul's  des  Bedouins.  Le  Galla  a  le  droit  de  porler  sa 
lance  dans  les  rues;  quaiid  il  passe  par  la  cour  du 
palais,  il  ne  trolte  pas  avec  le  bias  droit  nu,  ainsi  que 
doivent  faire  les  sujets  de  Son  Allesse,  et  il  boil  son  trj 
dans  la  niaison  des  princes.  En  revanclic  il  est  vole 
par  les  citoyens  qui  payent  tres  bon  luarcbe  pour 
son  cafe ,  son  tabac ,  son  wars  el  son  beau  colon. 
L'einir  puniraitavec  rigueur  celui  qui  oserait  enseigner 
aux  Bedouins  rartificc  pernicieux  des  poids  et  des 
mesures. 

Le  gouvernement  sereduil  a  1  emir.  Cir  pelil  prince, 
qui  s'inlilule  E/  Su/tau  ibre  El  Sudan  ibn  El  Saltan, 
est,  dit-on,  d'origine  galla,  ce  (jui  ne  lempecbe  pas 
de  s'arroger  lo  litre  d'El  Bekri  (descendant  du  calife 
Aboubekr).  C'esl  uii  jeune  liomme  de  vingt-lrois  a 
vrngt-quatre  ans,  I'rele,  petit,  jaune,  imberbe,  a  front 
pliss6,  auxyeux  saillants,  ayant  rairmt^chanlel  I'aspect 
d'un  pelil  rajah  indien.  Sa  sante  est  faibli',  oe  qui  est 


(  357 
peut-elre  i'eireld'une  pollon  quo  lui  a  adminislice  I'mic 
de  ses  qiiulrc  femmes.  U  a  deux  enfanls  tie  jeune  age. 
Orplielin  ot  despolo  depuis  trois  ans  ,  il  retloute  line 
cinquautaine  de  gros  el  foils  cousins  qui  peuvent  lui 
dispuler  le  tione.  Deja  il  a  cmprisorine  Irois  d'enlre 
eux,  el  comine  a  Harar  le  delenu  vil  enchaine  dans 
un  cacliot  noir,  sans  autre  noui  riture  que  la  provision 
envojee  par  la  famtlle,  la  prison  el  la  uiorl  sonl  ici 
a  pen  pres  synonymes.  L'emir  afftcte  toule  reliquelle 
d'un  grand  monarque.  Quand  on  lui  est  presente,  on 
est  saisi  par  ses  gurdes  du  coi'ps  el  traine  au  pied  du 
trone,  ou  il  I'aul  cmbrasser  sa  longue  main  seche  et 
jaimatre  en  dessus  comnie  en  dessous.  On  ne  regardo 
pas  en  face  S.  A.  sans  courir  risque  de  la  discipline. 
S'll  crache,  un  chainhellan  lui  presenle  le  pan  de  sa 
I'obe.  Dans  les  rues,  des  valels  cliassent  sur  le  passage 
du  prince,  a  grands  coups  de  fouet,  les  individus  qui 
ne  s'esquivent  pas  au  cri  do:  Let!  let!  (sauve-loi !);  et 
dans  la  mosquee,  deux  ou  trois  soldats,  armes  de  fusils 
a  m^che,  veillent  sur  lui  pendant  qu'il  fait  sa  j)riere. 
Son  wazir,  le  gerad  Mohammed  el  sa  mere  ,  la  Gisti 
Fit'meh,  uialgre  i'autorite  du  pouvoir  inalernel  en 
Orient,  n'osent  lui  donner  le  moindre  conseil.  La 
princesse  a  ineme,  m'assure-l-on,  recu  parfois  des 
rcproches  accompagnes  de  menaces. 

La  loi  crimineile  est  rigoureusemeut  adminislree  a 
Harar.  L'herilier  de  celui  qui  peril  viclirae  d'un  ineur- 
Ire,  coupe,  avec  un  grand  couleau,  la  gorge  du  meur- 
triir.  Le  vol  est  puni  par  la  mutilation  de  la  main. 
Pour  les  petils  crimes,  la  peine  est  la  lusligation  :  deux 
bourreaux  appliquent  de  grands  eouj)s  de  kurbnch 
sur  la  poilrine  et  les  reins  du  crimiiiul.  Quand  una 


{  358  ) 

femmc  est  ainsi  punic,  on  commence  par  versnr  de 
I'eau  sur  sa  personne,  espuce  de  bapleme  que  la  dtili- 
catesse  exige.  Le  cachot,  I'amcndc  ct  surtoul  la  confis- 
cation lotale  sont  le  cliatimcnl  des  offenses  politiques. 
L'^mir  est  celcbre  pour  la  promptilude  de  ses  dt^ci- 
sions.  Ordinairement  il  permet  A  ses  siijets  d'avoir 
recours  a  la  sheiiat  (loi  des  oulemas).  Le  cadliy,  Abd- 
el-Rahman,  esl  un  homme  assez  propre;  mais  en  r^gle 
gen^rale,  in  iirhe  et  orbi,  les  nilnislres  de  la  religion  ne 
sont  pas  tr6s  exeniplairos  pour  I'administralion  de  la 
justice.  Themis  est  une  exigeante,  jalouse  des  pelits 
soins  prodigues'a  une  concurrence  quelconque.  Ainsi, 
a  Harar,  si  Ton  court  risque  d'etre  vole  par  I'emir,  on 
est  encore  sQr  d'etre  dcorche  par  le  cadliy. 

L'uiiique  monnaie  de  Harar  est  une  petite  piece  dcml 
la  face  i>()rte  I'inscMiption  :  —  Monnoynge  de  Harar. 
—  Aux  revers  on  lit  la  dale  A.  H.  (12i8).  On  appelle 
cette  piece  une  niahallak  (  mot  harari  qui  signifie 
argent)  :  22  bananes  valenl  une  niahallak;  22  ma- 
liallaks,  une  asbrasi,  valeur  llu'-oriquo  de  commerce, 
et  3  ashrasis ,  le  real  ou  talari.  L'emir  punit  sans 
pitie  ceux  qui  possedcnt  ou  (|ui  font  circuler  d'autres 
esp^ces. 

Harar  est  une  ville  essentiellenicnt  commerciale.  La 
perception  des  droits  est  simple.  Toute  marcbandise 
paye  pour  octroi  une  tobe  do  seize  coudcs  par  ane; 
I'ane  par  consequence  passe  les  porles  de  ia  \ille  sup- 
ports par  quatre  ou  cinq  portefaix.  L'impot  des  cul- 
tivateurs  est  10  pour  100,  tarif  general  du  jiays.  On 
ne  manque  que  d'argent:  la  marcbandise  est  rare, 
el  celui  qui  possede  un  capital  de  1  000  francs  passe 
pour  raillionnaire.  On    ne  paye  pas  les  employes  au 


(  359  ) 

comptani:  ils  resolvent  le  don  d'un  jardin  de  cafoicrs, 
ou  un  r6al  (Marie-Ther^se)  de  grain,  quantile  suffisanle 
pour  la  nourritiire  annuelle  d'une  seule  personne. 
Trois  caravanes  i)orlent  a  Berbera  les  riches  produits 
du  pays  des  Gallas  :  celles  de  Janvier  et  de  fdivrier  sont 
peu  nombreuses;  cellede  mars  est  compos6e  de  2  000 
hommes  et  3  000  chameaiix.  Une  masse  d'esclaves  tires 
de  Gurague,  d'Efat,  et  des  differentes  tribus  gallas  est  tro- 
qute  avec  les  Arabes  de  Mascate  conlre  des  datles  et  du 
riz.  L'ivoire  conslitue  un  monopole  royal:  I'emir  achete 
avoc  de  faibles  cadeaux  les  depouilles  de  I'elepbant  et 
les  envoie  a  Berbera  accompagnees  d'un  wakil.  Je  ne 
vous  offre  pas  une  description  du  caf^,  qui  est  d^ja  re- 
iionime  en  Europe.  On  sail  qu'ici,conime  dans  I'Yemen, 
pays  ou  la  nature  a  prodigue  ce  produit,  les  habitants 
se  servent  rarement  du  fruit.  Le  Yemeni  emploie  la 
kischr  ou  foUicule,  et  le  Harari  prepare  une  boisson 
nauseabonde  avec  les  feuilles  broyees  apres  avoir  ete 
rolies  dans  un  pot  de  m^tal.  Le  premier  caf6,  comme 
le  tabac,  croit  a  Jarjar,  pays  des  Gallas,  a  sept  jours  a 
I'ouest  de  Harar.  L'erair  en  defend  une  exportation 
trop  considerable,  craignant  d'en  diminuer  la  valeur; 
aussi  retient-il  les  hardsell,  ou  cultivaleurs,  pour  em- 
pecber  I'art  de  tomber  en  desuetude.  On  achete  pour 
un  real  a  peu  pres  soixante-dix  livres  de  tabac.  Le  wars 
est  employe  par  les  Arabes  de  Sur  et  de  Mascate,  qui 
s'en  servent  comme  cosm^tlque  et  pour  la  teinture 
des  robes.  Les  tobes  de  Harar  sont  celebres  dans  I'Afri- 
que  orienlale  :  tissees  a  la  main,  elles  portent  I'em- 
preinle  de  ( ei  instrument  divin ,  et  depassent  de  loin 
en  beaute  et  en  solidil(^  les  plus  beaux  produits  de  nos 
ateliers  mecaniques.  Aussi  sont  elles  cheres :  on  paye 


(   360   I 

10  el  menie  J 5  it-aiix  |)Oiir  im  ailicle  dc  preiiiieic  qua- 
lite.  Le  helail  esl  pen  nomlireiix.  On  mange  ordinai- 
renunt  la  viande  do  boeuf  pondiec  do  pimont  el  sans 
sel :  les  moiilcms  ot  les  clievrcs  sonl  lares.  L'uniir  a  tiiic 
douzainc  de  nuiuvais  pi  tits  chevaux,  hons  sculemenl 
pourgrimpf  r  les  plus  execiablesclieniins.  Les anes sonl 
plusforls  et  plus  \ailianls  que  ceux  du  pays  comal.  Les 
mulels  sont  excellcnts  :  je  niarchai  cinti  jours  cl  pros- 
que  deux  nuits  monle  sur  le  uieme  animal  qui  n'arriva 
que  peu  fatigu6  a  Bcrbora.  On  les  vend  dopuis  2  jusqu'a 
AOroaux.  Pour  un  real  on  nclieto  cent  vingl  pctits  pou- 
lels.  En  un  molles  comestibles  sont  abondanls  el  a  bon 
marche.  Ajoutcz  a  ces  produits  la  gouimc,  le  beurre, 
ies  peaux  de  betail,  le  grain  et  les  esclaves,  et  vous 
auroz  une  lisle  compl^le  do  rcxporlalion  de  Harar. 
Elle  serait  considerable,  si  lim  erliliide  des  cliemins 
el  le  danger  de  la  vie  n'augiuenlaienl  le  louage  des 
animaux  el  ne  diminuaient  le  nombro  des  marcbands 
voyageurs. 

Je  manquerais,  Monsieur,  a  men  devoir  de  narra- 
teur  fidele  en  laissant  passer  cetle  occasion  d'averlir 
mes  confreres  les  voyageurs  que  celte  vilb^  n'oflVo  aucun 
objel  de  curiosile  ou  de  jouissance.  I, a  dcslin6c  m'a 
lire  du  danger  sauf  et  sain.  Vous  qui  ne  recbercbez 
pas  le  Irepas,  cvilcz  de  visiter  Harar  jicrulant  hi  vie  de 
I'einir,  Ahmed -bin-Abubekr. 

Je  ne  vous  donne  aucune  description  do  mon  rotour 
a  Berbera,  cu  j'arrivai  le  13  Janvier.  Ce  port  celobre  el 
emporiuin  do  I'Afrique  orientale,  vous  osl  deja  connu. 
De  Berbora.  ou  mes  adjudants,  les  lieutenants  Heme  ct 
Slroyan  m'allendaient  non  sans  inqnioiude,  jc  m'em- 
barquai  pour  Aden. 


(  361  ) 

U  faut,  pom-  penelrer  clans  le  pajs  cles  Clomals,  faire 
line  iorle  depcnso  de  toiles,  tabac  et  munitions  de  bou- 
cbe  :  le  lout  pour  etre  pille  pai"  messieurs  les  sauvagps. 
La  liberalitt^  du  gouvcriienunt  des  Indcs  nie  prodigue 
lout.  Je  suis  a  present  a  depenser  15  000  francs  pour 
une  provision  qui  doit  nous  durer  six  mois.  J'ai  trois 
adjudanls;  nous  avons  une  petite  troupe  de  domes- 
tiques  amies,  et  nous  sommes  munis  de  tous  les  instru- 
ments d'observallon  dont  on  pent  se  servirdans  un  pays 
de  sauvages  soupgonneux  et  crainlifs.  Le  mois  d'avril 
nous  vcrra,  j'espere,  encore  une  fois  reunis  et  prepa- 
res a  ontamer  une  seconde  enlreprise.  Men  intention 
est  d'aborder  a  Berbera,  de  visiter  les  monlagnes  de 
Gulap,  situees  a  deux  fortes  journees  dans  la  direction 
du  sud,  et  d'y  commencer  une  guerre  acliarnee  conlre 
les  elephants,  seule  mani^re  de  sacquerir  une  belle 
reputation,  (juand  on  refuse  de  mutiler  son  prochain. 
Avanl  la  «  mousson  »  nous  nous  dirigerons  vers  Osa- 
dayne  pour  observer  ce  fleuve  celebre,  le  webbe 
Shebayli  [Hamis'  Rh>er).  Apres  quoi — Allah  kerim! 
comme  diseiit  les  vrais  croyants,  —  Dieu  est  g^ne- 


reux  ! 


Comme  Moise  sur  le  mont  Pisgah,  nous,  \oyageurs, 
contemplons  de  loin  la  terre  sainle  de  la  science. 
Daignez,  Monsieur,  nous  accorder  les  instructions  de 
la  Societ(^  g^ographique  de  France;  nous  ne  man- 
querons  pas,  selon  nos  inoyens,  de  consuller  ses 
moindres  desirs.  Jusqu'a  la  fin  d'avril  prochain,  une 
Icttre  (adressec  au  Lieutenant  Burton,  Bombay  Army 
Conimanding  Somali  expedition,  care  of  the  Political 
Resident.  Aden.  Arabia)  me  sera  remise  par  mes  amis. 

Je  confie  ces  remarques  a  la  politesse  fran^aise  qui 


(  362  ) 

parflonnera  les  erreurs  d'oinission  el  ile  t;rainmaire 
clans  la  langiie  la  plus  exaclo  de  I'Europe  (1). 
Veuillez,   etc. 

Ricli.  F.  Burton, 

Alias. 


NOTES 

SUB  h'iTKT    PRESENT  DU  SKNNAR,   SUR    SON    AVENIR    ET    SON 

INFLUENCE    SCR   l'aVENIR   DE   l'^GYPTE.    (eXTRAIT.) 


La  pluparl  des  voyageurs  qui  se  sent  avonlur^s 
dans  le  centre  de  i'Afrique,  sont  niorts  pour  donner 
do  nouveaux  pays  a  la  geographic,  de  nouveaux  d6- 
bouch^s  a  I'industrie,  de  nouveaux  aliments  a  I'avide 
commerce  et  de  nouveaux  convives  a  la  civilisation. 
Tr^s  peu  ont  pu  relrouviT  dans  leur  pays  le  repos  et 
la  recompense  qui  leur  etaient  dus. 

J'essaierai  d'indiquer  a  ces  courageux  champions 
de  la  science  une  route  qui  diminuera  leurs  fatigues 
et  les  dangers,  et  sera  pour  le  gouvernement  qui  vou- 
dra  la  leur  faciliter,  un  moycn  d'agrandissement  et 
do  prosp^rite. 

Je  lacherai  de  faire  comprendre  au  gouvernement 
egyptien,  qu'il  pourra  ainsi  reconqu^rir  a  sa  civilisation 
des  peujdes  riches,  autrefois  seslrihutaires  el  qui  depuis 
plus  de  deux  mille  ans  gisenl  pour  ainsi  dire  sur  leur 
sol,   comme  Promethee  sur  son  rocher,   attendant  un 

(i)  Nous  avons  tenu  a  conserver  a  cette  lettre  son  style  d'un  carac- 
tcre  original  Lien  fju'incorrecl,  ces  iiicorreclions  sont  toit  exciisaljles 
chez  un  etmiiger,  nous  nous  sonniRs  iioincs  a  taire  cjuel(jues  cor- 
rections indispensables.  (Alfred  Madry.) 


(  3()3  ) 

rayon  de  ce  feu  sacrd,  qui  doit  les  regenerer  en  leur 
donnant  une  nouvelle  vie. 

J'espere  que  le  prince  eclaire  qui  gouverne  main- 
tenant  rfigypte,  comma  ceux  qui  s'interessent  aux 
progres  de  l'humanil6,  voudronl  bien  me  tenir  comple 
de  ma  bonne  volont^,  a  defaut  du  talent  que  deman- 
derait  un  pareil  sujet. 

Pour  avoir  une  idee  de  I'importance  du  I'ole  que 
J'filhiopiedoitreprendredanssesdeslin^esetdel'avenir 
de  I'Egypte,  ii  suffisait  de  fouiller  dans  les  quelques 
pages  d'histoire  qui  nous  reslent  sur  ce  pays. 

On  verrait  qu'il  etait  riche  en  toute  esp^ce  de  cultu- 
res, en  min^rauxprecieux,  en  or,  fer,  cuivre,  en  plantes 
medicinales,  etc.,  que  les  penples  les  plus  eloign^s, 
aujourd'hui  inconnus,  apportaient  de  loutes  parts  dans 
ses  marcbes,  soit  par  caravanes,  soil  par  le  moyen  dos 
fleuves,  et  que  la  ils  trouvaient,  en  echange,  les  produits 
de  I'Egypte,  de  la  Syrie  et  des  Indes. 

On  verrait  qu'une  colonic  d'Llliiopiens,  suivant  le 
Nil  a  travers  ses  cataractes,  etait  venue  fonder  cetle 
cel^bre  ville  aux  cent  portes  (Thebes)  qui,  la  premiere, 
avait  donn^  un  lit  au  fleuve  et  change  les  marais  pes- 
tilentieis  de  I'Egypte  en  champs  converts  des  plus 
riches  inoissons. 

On  saurait  aussi  que  tanl  que  ces  deux  nations 
6taient  rest^es  unies  par  une  communautd;  d'interel, 
de  moeurs  et  de  religion,  I'Egypte  avail  garde  le  pre- 
mier rang  parmi  les  nations  ;  qu'elle  n'avait  ete  acces- 
sible a  ses  ennemis  et  n'etait  decline  qu'apr^s  que 
ces  liens  eurent  ete  rompus;  alors  que  Psammc^tique  y 
eut  exii6  deux  cent  mille  families  de  la  caste  guerriere, 
leguant  ainsi  a  son  successeur  un  royaume  veuf  de  ses 


(  36a ) 

allies  et  de  sos  defensenrs.  Camhysfi  lroii\a  I'Kgvple 
ouvcilc    cl    (Icpiiis    ello     a   tniijours    cii    des  niailres. 

Mais  qu'est-il  besoin  de  I'liisloire  !  J'adinets  que  la 
prosperite  passee  d'un  pays  no  piiisso  6lrc  prouv^e, 
oil  lie  serve  dans  ma  lliese  fpi'autant  qu'elle  oirro  d'ele- 
inenls  pom-  I'avenir. 

La  forlune  d'un  pavs  dc^pend  de  la  fertliile  de  son 
sol,  de  sa  position  geograpliiquc  et  de  sa  lopographie. 
Or  sous  ce  clouhle  rapport,  I'lllthiopie  egyptienne  est 
un  des  pays  les  plus  favorises  du  moiule.  II  sullira  do 
jeler  les  yeux  sur  la  carle  pour  s'en  convaincre. 

Depuisle  18^  degr^  ile  latitude  nord,  lenne  despluies 
equatoriales,  jusqu'a  Sennar  sons  le  13^,  le  Nil  recoit 
le  Iribiil  des  eaux  de  qualre  aHluenLs,  qui  sorj^entont 
i'l  Iravers  des  plninos  d'une  luxurianle  \e,t;elalion,  oil 
paissent  de  nombreux  troupeaux.  Ces  alHucnls  ii'al- 
lendent  que  des  bras  et  un  del)ouche  iacile  pour  don- 
ner  a  ce  pays  la  vie  et  le  bien-elre  que  la  circulation 
norniale  dii  sang  donne  aux  etres  qii'il  anime. 

Dans  les  vastes  plaines  qu'arroseiil  le  Dender  et  le 
Rabad ,  entrc  le  fleuve  Bleu  cl  I'Atbaraii,  on  cullive 
sans  frais  le  plus  beau  colon  du  inonde ;  celui  dont 
on  a  tire  la  graine  du  Mabo,  si  renomme  avant  qu'il 
eul  degenere  sous  le  cliinat  de  I'Egypte.  On  y  cul- 
live aussi  le  sesame  qui  ne  vaut  (pie  5  francs  Vciidcb, 
ou  le  sac  de  280  livres,  c'esl-a-tlire  buil  lois  nioins 
qu'en  Iigy|)lc,  ainsi  que  le  colon,  llemel-l'acba,  le  seal 
gouverneur  general  qui  ait  compris  jusqu'a  pr(isent  les 
ressources  de  ce  pays,  a  fail  des  fabriqucs  d'indigo, 
de  Sucre  etde  savon  qui  lui  rendaient  le  500  pour  100, 
dans  des  endroils  occupcs  avant  lui  par  des  forols 
sauvages. 


(  365  ) 

Dans  los  jardins,  que  les  etrangers  ont  fails  aulour 
lie  KliartOLiin,  on  irouve  piesqiie  loute  I'annee des  lleiirs 
cl  des  fruits  sur  les  grenadiers,  les  figuiers  et  ies  ci- 
Ironniers.  La  vigne,  qui  produit  deux  fois  I'an  ,  et  le 
bananier,  n'ont  pas  de  saison.  L'arbre  acrenie  donne 
egalenieiil  double  recolto  en  juillet  et  en  decendjre. 

J'ai  onvoye  en  Egypte  des  echanlillons  du  \in  que 
j'ai  fait  avec  les  treillcs  de  men  jardin;  il  n'a  pas  ele 
juge  inferieur  aux  vins  les  plus  estimes  de  I'Espagne. 
Le  vojageur  arabe  Selini-el-Assouenli  raconle,  au 
XIII*  si^cle,  qn'il  a  parcouru  la  Nubie  jiisqu'a  vVloa 
(Saba),  a  six  heures  sud  de  Khailouiu,  et  cheminant 
loujours  a  Tonibre  des  forels  de  palmiers,  ou  sous  les 
Ireilles  do  vignes,  qui  ont  ete  delrultes  par  I'invasion 
arabe.  II  ne  faudrait  que  Irois  ans  pour  rendre  le  pays 
lei  qu'il  elait  alors.  Ainsi  le  sol  de  I'Ethiopie  est  pour 
le  nioins  aussi  fertile  que  celui  de  I'Egypte. 

Par  ses  fleuves  et  ses  rivieres,  il  pent  avoir  coninie 
I'bgypte  une  irrigation  arlificielle;  plus  qu'elie,il  a  sa 
iiianne  celeste,  ses  pluies  annuelles,  qui  lui  donnent 
gratuilement  d'abondanles  recoltes. 

Le  fleuve  Blanc  n'a  pas  de  rives  propreiiient  diles; 
il  laisse  en  se  retirant  des  lerres,  qui  ont  souvent  une 
lieue  de  largeur,  toutes  preparees  pour  diverses  sortes 
de  cultures.  Cos  bords,  deserts  inaintenant,  appelle- 
raient  de  nombreuses  populations  de  cultivaleurs,  si 
on  les  garantissail  conlre  les  excursions  des  Gbelouks; 
il  ne  faudrait  pour  cela,  pendant  quelques  mois  de 
rannee,  qu'une  croisiere  de  deux  bateaux  arm^s  qui 
seruienl  ampleinent  payes  parle  droit  qu'on  elablirait 
sur  les  bois  de  construction  que  I'arsenal  el  la  ville 
de  Khartoum  lireraient  des  hautes  forets  de  mimosa. 


(  3613   ) 

(jiii  onibriigenl  les  bords  cle  ce  flcuve.  Ces  bois  |)(tiir- 
raienl  devenir  ^galemeiil  uiie  richesse  pour  I'ttjypte, 
qui  en  est  dt^pourvue  et  le  payc  au  poids  de  I'argenl. 
On  pourrait  de  mfenie  exploiter  les  immenses  forfits 
dent  le  fleuve  Bleu  enlratne  chaque  annee,  pendant 
ses  crues,  d'^nornies  Ironcs  qui  servent  pour  la  gios- 
sifere  menuiserie  du  pays  (J).  Le  noyer,  I'acajoa  ne  sonl 
point  coniparables  k  la  pluparl  de  ces  bois,  soit  pour 
leur  durt^e,  soit  pour  la  bcaul*^  de  leur  vernis.  Les 
cercueils  des  momies  en  sont  des  eclianlillons. 

La  province  du  Rordofan  produit  cliaque  ann6e 
de  40000  a  45  000  quinlaux  do  gommes,  valant  au 
pays  environ  800  000  a  1  000  000  de  francs,  qui  se- 
raient  doublets  du  moment  oil  les  transports  seront 
plus  faciles.  Liie  caravane  de  i  000  quinlaux  ne  peut 
arriver  au  Caire  avant  six  mois  et  souvent  avaiit  un  an, 
tandis  qu'olle  pourrait  y  aniver  en  quinze  jours  de 
Rharloum.On  pourrait  ogalcmentintroduire  dans  cette 
province  la  culture  en  grand  des  arachides,  qui  de- 
viendraient  un  article  important  d'exportation. 

Le  Soudan  egyptien  est  peupl6  d'environ  un  et  demi 
a  deux  millions  d'hommes,  de  deux  races  bien  dis- 
tinctes.  Les  habilants  des  villes  et  villages  sont  un  me- 
lange d'lithioj)ien5,  de  Founcigis  ,  de  lierb^res  croises 
avec  des  Arabes.  Les  autres  sont  noniades,  a|)parte- 
nantaces  tribus  successivement  ^migrtiesdu  H(;(ljazdes 
les  xiu^  et  xive  si>  cle.  lis  errent  dans  les  steppes  de 
I'interieur  avec  leurs  bestiaux  consistant  en  bceufs, 
ebameaux,  moutoiis,  ch^vres,  etc. 

(l)  11  en  etait  aiiisi  dans  I'ancien  empire  e{»yptien;  \oy. Description 
de  I'tjYpte,  Thebes,  antiq.,  vol.  Ill,  pi.  .\o,  tiy.  5,  et  I'explicaiion 
cle  la  planche.  (Jomard.) 


(  :^67  ) 

Lcs  premiers  cultivent  la  terre ,  iiiais  seulement  a 
I'epoque  des  pluics  annuelles  qui  comniencent  a  la 
fin  de  juin  et  finissent  en  septembre.  Quand  les  pre- 
miers orages  orit  suflfisamment  liumoct6  le  sol,  ils 
y  jeltent  le  grain,  vont  uiie  on  deux  fois  sarcler  leurs 
chaujps,  et  recoltent  en  oclobre  et  novembre.  Ils  ne 
cullivent  ainsi  que  le  dixieme  de  leur  terre  et  quand 
la  recolle  a  el6  assez  abondanle,  elle  sufTitpour  appro- 
visionner  le  pays  pour  cinq  ans. 

Annee  commune,  le  grain  (raais  blanc),  tlont  ils  se 
nourrissenl  presque  exclusivemenl,  ne  vaut  que  1  fr. 
a  1  fr.  50  c.  I'ardeb  dans  les  pays  qui  le  recoltent.  II 
pourrait  se  vendre  en  Lgyple  de  1'2  a  15  francs. 

Le  prix  ordinaire  du  bceuf  est  de  10  a  15  francs.  A  la 
modicile  de  ces  prix,  il  est  facile  de  se  rendre  compte 
de  rinerlie  des  cullivaleurs,  de  la  pauvret^  apparente 
du  pays,  comme  de  I'impulsion  que  donnerait  un 
debouche  facile  a  I'agriculture  el  a  I'el^ve  des  besliaux. 
Coaibien  de  steppes,  dont  on  brule  I'herbe  inutile  pour 
delruire  les  reptiles  qui  s'y  cacheni,  deviendraienl  de 
riches  proprietes ! 

Je  me  rappelle  que  Mohammed-Aly-Pacha  ecrivait 
une  fois  au  gouverneur  general  Kliourchid- Pacha, 
«  Je  ne  concois  pas  comment  chaque  fois  que  je  te 
demande  des  tributs,  tu  m'objectcs  la  pauvret6  des 
sujels  que  je  t'ai  donnes  a  gouverner  ;  ils  onl  deux  Nils 
landis  que  je  n'en  ai  qu'un;  fais  travailler  ces  paresseux 
comme  je  fais  en  Egyple  et  ils  deviendront  riches.  » 

Khourchid-Pacha  reponilil  upeu  pres  ainsi:  « Quand 
mes  Seimariens  culliveraient  dix  fois  plus  qu'ils  ne  le 
font,  ils  n'auraient  jamais  que  des  grains  et  des  bes- 
liaux et  point  d'argent  a  vous  donner.  »   II  aurail  pu 


(  m  ) 

ajouter :  Envoycz-nous  quelques-uns  de  ces  acholeurs 
que  les  Francs  expedient  dansvos  ports  avec  leiirs  bati- 
menls,  et  nous  vous  donnerons  dix  fois  plus  que  \ous 
ne  nous  demandez. 

Le  pacha  d'Egyple  demnndait  alors  Irenle,  qiuuanU', 
cinquante  mille  vachcs,  ot  elles  niouraient  presque 
toules  de  faim,  de  soil"  el  des  fatigues  d'uiie  longue 
iravers^e,  qui  n'otait  jamais  moins  do  six  n)ois. 

Tanl  qu'on  n'aui'a  pas  love  cclle  sorte  de  blocus,  doiil 
les  cataractes  el  le  Sahara  onl  onlour6  I'Elhiopie,  ello 
sera  coumio  ces  ports  encombres  de  richessos  que  les 
croisieres  ennemies  ont  rendues  ruineuses. 

Toulc  la  question  dos  richesses  territoriales  du  Sou- 
dan est  la,  comujo  le  dtinionliera  plus  has  \v.  tableau 
approxinialif  des  ressources  actuellcs  du  pays  (I). 

Voyons  les  avantages  ct  les  rielicsses  que  pcuvoiil 
donnerace  payssa  position  geographiqiie  el  sesfleuves. 
Nousrenconlronsd'abord  au  nord  de  Khartoum,  I'Atba- 
rah,  qui  nous  conduira  au  Tigre  el  a  Gondar,  ou  nous 
trouverons  le  muse,  des  peaux  tannees,  de  la  cire,  ainsi 
que  le  oafe  qui  s'y  vend  de  15  a  25  centimes  la  livre. 

[.e  fleuve  Bleu  pourra  nous  rciidre  niaitres  ile  ces 
niarclu'sdu  cenh'edel'Abyssinie,  lelsquc  leGocljam,  ou 
le  Gallah,  le  negre,  et  I'Amliara  se  reunisscnt  plusieurs 
fois  I'an  pour  leurs  echanges.  Sur  les  hautes  rives  au 
cieia  de  Fazoql,  on  pourrail  etablir  des  coniploirs,  ou  les 
n^gresdes  nionlagucs  auriferesduBertal.du  Kamamil, 
et  le  Galla,  trop  eloign^  dt!S  routes  du  Godjani,  \ion- 
dronl  ai^porter,  les  premiers,  leur  poudre  d'or,  et,  les 
seconds,  d'excellents  chevaux.de  la  cire,  de  I'or  ct  aussi 

(i)  Ce  tal)ieau,  lout  ile  cluffres,  a  clii  elrc  oinis  dans  le  Bulleliu. 


(  369  ) 
de  I'ivoire,  inatiere  dont  ils  se  servent  pour  fairo  des  pi- 
quets, comnie  faisaicnl  les  riverains  du  Nil  Blanc  avant 
notre  airivee. 

Un  olficier  de  I'arm^e  cigyptionne,  nomm6  Hamel- 
EITendi,  elait  I'acilement  par\enii ,  il  y  a  quehpies 
ann^es,  a  etablir  des  relations  avec  ces  peuples  dans 
le  poslo  qu'on  lui  avail  confie  pres  des  minieres  sud 
deFazoqI.  Ce  posts  avait  etc  foiule  par  Mohammed- A  ly 
lorsde  son  voyage,  en  1839,  a  ces  minieres.  En  moins 
dedeuxans,  et  avec  un  capital  inoindredc  2  000  francs, 
il  avait  gagne  avec  eux  plus  de  SO  000  francs.  Di-ja 
ses  Gallas  venaient  par  caravanes  ochanger  les  ar- 
ticles designes  ci-dessus,  conlre  des  verroleries  et  des 
toiles.  Avec  la  loyaute  et  la  bonne  foi  dans  les  rela- 
tions, ce  niarch^  serait  devenu,  en  peu  d'annees,  un 
emporium  des  plus  considerables:  mais  cet  Hamet- 
ElTendi,qui  avait  eusoin  d'eloignerlespelits  raarcliands 
de  ce  qu'il  appclait  son  marche,  se  Irouva  un  jour  sans 
fonds  en  face  d'une  riche  caravane  de  chevaux  , 
d'ivoire ,  de  poudre  tl'or  et  d'esclaves  appartenaiit  a 
des  Gallas. 

Au  lieu  de  parlager  avec  les  pelits  capitalisles,  qu'il 
avait  eloignes,  ces  richesses  que  ses  moyens  ne  lui  per- 
nicttaient  pas  d'acquerir  loyalement,  il  aiina  mieux 
s'en  einparer  de  vive  force,  et  les  negres  et  les  Gallas 
ne  revinrent  plus. 

Ce  qui  doit  surtout  attirer  I'attention  et  I'interet  du 
gouvernement  egyptien,  c'est  le  commerce  et  la  navi- 
gation du  lleuve  lilauc;  je  ne  repelerai  pas  ici  ce  que  j'ai 
deja  dit  dans  la  narration  de  mes  voyages:  il  sulfira 
de  dire  qu'on  doit  suivre  ses  trois  principaux  afHuents, 
presque  lous  navigables  jusqu'aupres  de  leurs  sources. 
IX.    luix.   3.  25 


(  370  ) 

En  oirivant  por  le  Saubat  an  pied  des  monlagnes 
d'Imadon,  sur  les  confins  sud  du  royaume  de  Calla , 
on  pourrail  faire  ravonner  un  commerce  d'ivolie,  de 
poudre  d'or,  elc,  avec  Ics  negres  riverains,  les  Gallas 
et  les  poiiplades  sud-oucst  des  Adels.  Les  echanges 
d'ivoirc,  de  rer,clc.,quin'(5laieut,eii  1845,  que  de  200 
quintaux,  au  plus,  avec  les  riverains  de  la  hranche  sud, 
onl  ele  I'annec  derniere,  grace  aux  relations  que  j'ai 
etablies  en  1850  el  1851 ,  de  800  quinlaux  qui  onl  donne 
au  Sennar  un  capital  dc  iOO  000  francs,  et  a  la  douanc 
du  Caire  pros  de  50  000  fr. 

Que  scra-ce  (juand  nous  serons  arrives  clicz  les 
Rouendas  sous  la  lignu,  chex  lesquels  mes  gens  ont 
rencontre  en  1851  des  concurrents,  on  relation  avec  le 
Zanzibar? 

Quand  nous  aurons  remonli^  le  Reilak  jusqu'au 
lac  Fillre,  qui  nous  empecbera  de  monopoliser  pour 
I'Kgypte  le  ricbe  commerce  d'imporlallon  et  d'expor- 
lation,  que  les  royaumes  de  Bournou,  Borgou,  Ouaday 
elBaghermi  font  avec  le  Maroc  elTri[)oli  i>ar  le  grand 
Sabara,  avec  des  dangers  el  des  fatigues  de  lous  genres  ? 
Quand  nous  aurons  visile  ensuile  cette  riviere  qui, 
du  sud,  vient  apporter  au  Reilak  sa  plus  grande  masse 
d'eau.  Le  Sennar  aura  relrouve  ses  anciens  iribulaires 
et  reconquis  son  ancien  commerce  el  son  influence. 

11  ostliors  de  doule  quo  les  royaumes  que  jo  viens 
dc  nommer,  sonl  Irois  el  qualro  fois  plus  ricbes  que 

lElbiopie  ogyplienne 

C'esldonc  un  commerce  Irois  el  quatre  fois  plus  con- 
siderable, pluslucralif  qu'il  s'agit  do  lui  accpierir 

L'jVoxple  ist-elle   plus  eloignee  des  sources  de  ses 
lb  u\'  s,  moinhuiteressee  a  se  les  acqu(^rirque  la  Franco 


(  371  ) 

et  I'Augleterre,  qui,  depu'is  ces  deniieres  annees  siir- 
tout,  ont  fait  tant  d'eflorts,  tant  de  sacrifices  pour  y 
^tablirleur  commerce  et  leiir  influence  civilisatrice?.... 

II  faut  d'abord  ancantir  les  terribles  barri^res  que 
le  desert  el  les  calaractes  ont  jetees  enlre  I'Egypte  et  la 
Nuble.  Le  projet  qui  consisle  a  faire  sauter  les  cata- 
racles  a  I'aide  de  la  poudre  sorait  le  plus  coiiteux,  le 
plus  didicile  <'l  celui  qui  otlriiait  moins   de  resultats. 

Les  cataractes  ne  sout  point,  comme  on  pourrait  se 
I'imaglner,  une  chute,  des  ecueils  ou  des  rapides  dc 
quelques  lieures,  qu'un  travail  de  mines  pourrait  faire 
disparaitre;  mais  bien,  surtout  les  deuxieme  et  troi- 
sifeme,  une  continuite  de  rapides,  d'ecueils,  de  chutes, 
pendant  sept  a  huit  jours,  entre  des  rochers  contre 
lesquels  le  Nil  se  brise  en  (icumant. 

La  main  de  I'homme  ne  pourra  jamais  detruire  ces 
plateaux  de  granite,  qui  commencent  les  preaiiers  a 
Ouady  Haifah  et  finissent  a  TAfir;  les  seconds,  a 
Meraoneh  (ancienne  Napata),  et  finissent  a  la  province 
de  Berber. 

Tout  ce  qu'on  tenterait  pour  amolndrir  une  chute 
ne  ferait  qu'augmenter  la  chute  suivante,  comme  cela 
est  arrive  a  I'Ambel,  la  plus  terril)le  des  deuxi^mes 
caltiracles,  oii  Ton  a  du  renoncer  a  ces  Iravaux  qu'avait 
ordonnes  Mohammed-Aly. 

Ces  calaractes  ferment  complelemcnt  la  navigation 
du  Nil,  pendant  les  deux  tiers  de  I'annee.  Ce  n'est  que 
pendant  I'apog^e  de  I'inondalion,  qu'on  peut  y  exposor 
quelques  bateaux. 

Brun-Rollet. 


{ -Mi ) 

Aual^HCfi  et  IKapfiorts. 


REPORT 

OF  AK  EXPEDITION  I)O^V^  THE  Zl'M  AND  COI.OUADO  nlVliRS, 
BV  CAPT.  I..  SITGRAVES  ,  CORPS  TOPOGIl APIUCAL  ENGI- 
NEEKS.    WASHINGTON,    1853. 

l.XPEDITION  AD  RIO  COLORADO  ET  A  I.A  RlVli.Ri;  ZUM  ; 
RAPPORT  DU  CAPITAINE  L.  SITGRAVES,  1)U  COUPS  DES 
INGEKIEURS    TOPOGRAPUES  ;    >V ASIIINGTON,    1853. 

Conipic   icnilu    par  M.  MonKL-l'ATio. 


AncidI  (I'linalyser  le  rappoi  I  do  capilaine  Silgravcs 
(I  do  descendre  avec  lui  les  deux  coins  treaii  donl  la 
reconnaissance  etait  le  but  do  rcxjiedilion,  nous  de- 
vdiis  iDc'llre  sous  \cs  yeux  du  leclour  les  inslruclioiis 
donnues  au  commandant  par  le  depailemeiil  do  la 
guerre. 

«  Des  auloriles  respcclahles  represonlcnt  la  liviuie 
))  Zuni  comnie  un  aflluent  du  Colorado;  cclte  riviere 
))  a  ele  cxploree  j)ar  le  lieiilenanl  Simpson  jusqu'au 
»  \illagc  (pueblo)  de  Zuni;  vous  vous  reiidrcz  done  a 
))  eel  endruil,  qui  sera  jjar  Ic  Tail  le  point  do  depart 
»  de  vos  lra\avix  d'exploralion.  Du  pueblo  de  Zuni, 
))  \ous  descendrcz  la  riviere  de  ce  nom  jusqu'a  sa 
))  joiiciion  a\c'c  U;  Colorado;  vous  determinerez  son 
))  cours  ct  sa  nature,  en  vue  surtout  des  ressources 
))  (iiicllc  [)()uii  ail  ollrir  a  la  navigation,  et  vous  etudie- 
))  rez  Ic  caracleie  aiii.^i  cpie  les  productions  des  terros 


(  373  ) 

»  qa'oile  traverse.  Le  confluent  tluZunl  et  du  Colorado 
))  sera  determine  avec  soin;  puis  voiis  sulvrez  lo  Colo- 
))  rado  jusqii'a  I'endroit  ou  le  fleiive  se  jelte  dans  le 
))  golfe  de  Californie,  en  ayanl  soin  de  Faire  Ics  ohscr- 
))  valions  necessaires  pour  en  dessinor  exactemenl  lo 
))  cours.  » 

Le  personnel  de  I'expedition  Fut  organise  aSanta-Fe. 
Le  capitaine  Sitgraves  avail  sous  ses  ordrcs  un  lieute- 
nant du  genie;  un  medecin  naturaliste,  un  dessina- 
teur  et  un  guide;  cinrj  Aniericains  et  dix  Mexicains , 
cos  dernieis  inuletiers  et  liommos  de  peine.  Le 
1''  aoiit  185'2,  sous  la  protection  de  quelrjues  soldals, 
le  capitaine  Sitgraves  et  ses  gens  arrivaient  a  Sanlo- 
Domingo  sur  le  Rio-Grande,  et  le  I"'  septenibre  au 
pueblo  de  Zuni.ou  grace  a  de  nouveaux  retards  causes 
par  I'escorte  qu'on  dut  atlendre  plusieius  jours,  il 
iailut  rester  jusqu'au  24;  ce  jour-la  on  se  rait  defiiii- 
tivement  en  route.  Le  s^jour  a  Zuni  Fut  d'ailleurs  mis 
a  profit;  le  naturaliste  commenca  des  collections  et 
Ton  lit  des  observations  repetees  de  longitude  et  de 
latitude  pour  obtenir  un  bon  relevement  du  point  de 
depart. 

Le  24  septeuibre  on  fit  seulement  six  niillcs  en 
cotoyant  le  Zuni ;  celte  riviere,  ou  plutot  ce  filet  d'eau, 
baigne  des  chumps  de  ble  cultiv^s  par  les  Indiens 
Zunis ,  tandis  que  lours  plantations  s'elevent  sur  les 
valions  ou  dans  los  gorges  ferliles  des  montagnes.  Au- 
tour  du  pueblo,  on  voit  de  petits  jardins  potagers  arro- 
ses  et  soignes  par  les  Femmes  indiennes.  Le  25,  on 
suivit  encore  la  riviere  par  un  senlier  bien  battu  et 
Ton  campa  aupres  d'une  belle  source  au  pied  de 
roches  escarpees.   Le  26,  la  vallee  Fut  lout  a  coup  in- 


( ^n  ) 

icnoiTipue  par  des  nuiiailles  abriiptes  <le  gr^s  uiele 
do  Lasalte,  niais  jdus  loin  elle  se  reformn  en  s'elar- 
jjissanl  de  plusieiiis  uiillcs  et  coinuuiiiiqiia  u  tlioile  cl 
a  gauclie  avec  plusieurs  autres  vallees.  Partout  ou  la 
roilie  de  gies  pr^sentait  une  surlace  plane,  on  romar- 
qua  des  dessins  indiens  ou  liieroglyplies  graves  ou 
points. 

Le  27,  les  voyageursrencontr^renl  quelques  Indiens 
Apaches  qui  allaient  vendre  des  anes  au  pueblo  et, 
suivanl  toujours  le  senlier  dont  on  a  parle  plus  haul, 
ils  arri\erent  sur  les  Lords  du  Petit  Colorado  [little 
Colorado  rh'er).  Getle  riviere,  princij^e  ou  affluent  du 
grand  Colorado  de  I'ouest,  n'est  la  qu'un  cours  d'eau 
insignifiant,  divis6  en  plusieurs  filets  qui  courenl  a 
travers  une  vallee  depourvue  d'arl)res ,  au  milieu 
d'herbes  epaisses.  De  chaque  cole  les  terres  s'^l^vent 
gradiiellenient,  et  ca  et  la  pointent  quelques  roclies 
de  gres.  Le  28,  la  vallee  olait  devenue  une  large 
plaine;  et  le  sol  se  trouvant  defence  par  les  ])luies,  on 
quitta  les  bords  de  la  riviere  pour  gagner  les  terres 
plus  elevees.  Dans  un  terrain  mobile  et  sablonneux 
ou  les  midets  enfoncaient  a  chaque  pas,  on  trouva  des 
cailloux  d'ngate  et  de  jaspe,  ainsi  que  des  masses  de 
matiercs  ji^lrifi^es,  apparemmenl  des  troncs  d'arbres; 
ces  masses  elaienl  zebrees  de  bleu,  de  blanc,  de  jauno, 
mais  surlout  de  rouge.  Le  30  septembre,  on  suivit  de 
nouveau  la  riviere  qui  coule  dans  une  profonde  ^chan- 
crure;  el  le  l"  octobre,  vers  la  liii  du  jour,  on  aper- 
cut  dans  I'ouest  les  montagnes  do  San-Francisco  et, 
dans  le  nord  plusieurs  pics  volcaniqucs. 

Le  2  octobre,  le  capitainc  Silgraves  campa  sur  les 
bords  d'nn  flea  affluents  dn  petit  Colorado,  au  ruisseau 


(  375  ) 
tie  Cheye\o\\[Che('e/o/i's  fork).  11  cut  peine  a  Irouver  son 
chemin  an  niilicu  d'lin  tledale  de  ravins  ot,  le  3,  apres 
s'etre  engage  clans  tine  [lasso  sans  issue,  il  int  oblige 
do  revenir  sur  ses  pas,  de  retraverser  la  riviere  et  se 
dinger  vers  le  nord  a  Iravers  un  pays  depourvu  de 
vegetation.  Le  5,  mfeme  aspect  desole;  les  mulels 
conimenc(irent  a  donner  des  signes  de  fatigue;  le  7, 
on  can:!pa  pres  de  la  riviere  ,  non  loin  d'habitations 
de  pierre,  que  le  guide  dit  appartenir  a  des  Indiens 
Moguls. 

Jusqu'au  8  octobre ,  le  capitaine  Sitgraves  avait 
autant  que  possible  suivi  les  bords  du  petit  Colorado, 
niais  ce  jour-la,  il  Fallut  abandonner  ce  projet,  la 
riviere  se  precipitant  de  cascade  en  cascade  sur  des 
tables  horizontales  de  gres,  d'une  bauteur  verticale 
de  100  a  120  piods  (anglais),  pour  se  lancer  dans  un 
couloir  (canon)  tie  cette  hauteur  qui  porle  ses  eaux 
jusqu'au  grand  Colorado.  Le  capitaine  Sitgraves  ne 
jugea  pas  prudent  de  suivre,  avoc  les  bagages  et  ses 
b^tes  faliguees,  le  precipice  qui  forme  la  rive  du 
petit  Colorado,  et,  sur  I'avis  du  guide,  il  se  dirigea  vei's 
lesmonlagnes  pour  lomber  sur  le  Colorado  au-dessous 
de  I'enibouchure  du  petit  Colorado  ;  de  la  on  pourrail 
remonter  ct  explorer  aussi  loin  que  possible.  Apr6s 
avoir  pris  cette  determination  ct  quille  la  riviere , 
I'expedition  suivit  la  base  de  rochers  tallies  en  liautes 
tables  horizontales  et  formes  de  nombreux  detritus 
de  lave.  Au  milieu  de  ces  roches,  quolques  points  cul- 
minants  porlaient  des  ruines  d'^difices  de  pierre, 
^videniment  les  resles  d'nne  cite  considerable  ;  de  tons 
cot^s  le  sol  elait  couvcrl  de  fragments  de  poteries  de 
fabrique  mexicaine.  Le  capitaine  Sitgraves  attribue  an 


(  376  ) 

manque  d'eau  la  depojjulalion  de  celte  contiee  abau- 
donnee. 

Le  9,  on  \i[  qnelqucs  arbres  sm-  los  montagnes, 
principalement  dos  ccdri's ;  c>l  lo  guide ,  cnvoye  a  la 
d^couverlo,  loniba  sui-  uu  campenicnt  considerable 
d'Indiens  Yanipais,  ctabiis  aiqnes  d'unc  soiirco.  II  no 
lilt  p.TS  possible  de  cominunlqiicr  avec  eux ;  ils  s'en- 
fuirent  a  I'appioche  des  voyageurs,  laissant  dans  leurs 
cabanes  une  foulc  d'uslcnsiles  de  valour  pour  des 
Indiens.  Le  capilaine  Silgraves  rogrelle  avec  raison 
dans  son  rapport  que  le  guide  ait  permis  a  ses  liomnics 
de  s'approj)rier  une  partie  de  ces  objets.  Le  10,  Ic  1  I 
et  le  12,  continuation  du  voyage  a  travers  lesnion- 
tagncs,  I'cau  etait  rare,  neanmoins  la  v^g^lation  elait 
Ijelle;  au  cedre  avail  succede  le  j)in  ;'i  plgnons  [Pinus 
edulis)  :  dcs  autilopes  par  troiq)es  paraissaient  au  loin 
dans  la  plaine.  Le  12  au  soir,  apies  avoir  alleinl  le 
sounmet  des  nionlagncs,  on  commen^ait  a  descendro 
le  vcrsant  meiidional  lorsque  la  decouverle  d'une 
source  abondante  docida  le  capilaine  Sitgraves  a  cani- 
jier  et  a  prendre  un  peu  de  repos  dont  lout  le  nionde 
avail  grand  besoin.  On  resta  deux  jours  a  cct  endroil. 

Le  13,  le  guide  fit  une  excursion  de  decouverle  el 
surprit  encore  quelques  Indiens;  niais  cetlc  lois  on 
respecla  leurs  proprieles  et  on  leur  laissa  quelques 
presents  en  tabac,  mouclioirs,  couteaux,  pour  les  en- 
gager a  communiquer  avec  les  voyageurs  et  donner 
ainsi  quelques  renseignements  sur  la  coiilree.  Le  15, 
Texpedilion  planta  ses  tenles  [)res  du  lit  dessecht^  d'uil 
^tang;  quelques  llaques  d'eau  cxislaient  encore  ca  et 
la  caciiees  dans  les  iiaules  herbes,  on  y  tioiiva  une 
esp^ce  de  trede,  diirerente  du  trefle  coiumun  desttals 


(  377  ) 

de  rUnion.  Qiielques  arbres  cle  I'essence  du  clit-nc 
etaient  meles  aux  arbres  verls.  Ce  jour-la  le  grand 
chronomelre  so  trouva  arrel*^  dans  la  boite,  et  le  cliro- 
nomelre  depoche  du  capitaine  Sitgraves  manquanl  de 
regularity,  on  ne  put  faire  par  la  suite  que  des  obser- 
vations approxinuitives. 

Le  18,  un  deshommes  do  I'expedilion,  un  Mexicain, 
qui  avail  ele  bicsse  a  la  t6te  quelques  jours  auparavant, 
ne  pouvanl  allcr  jilus  loin,  il  I'allut  prendre  un  peu 
de  re[)os ;  ropos  dont  les  hfites  <^puisees  profiterent 
comnie  les  voyageurs.  Le  21,  on  se  remit  en  route,  et 
le  capitaine  Silgraves  remarque  la  beaute  du  paysage, 
qu'il  compare  a  un  vrai  pare.  Ge  jour-la,  les  voyageurs 
furont  rejouis  parle  retour  d'un  de  leurs  compagnons 
6gare  a  la  chasse  depuis  le  19.  Get  homme,  qu'on  avait 
cru  perdu  et  qui  depuis  irois  jours  errait  sans  boire 
ni  manger,  avait  par  basard  retrouve  la  trace  de  I'ex- 
pedition.  Le  23,  apres  avoir  suivi  de  profonds  ravins 
et  quilte  les  bauleurs  dans  I'espoir  de  trouver  de  I'eau, 
on  d(^couvril  quelques  mares  dans  le  lit  dessech^  d'un 
ruisseau  ;  le  2!i,  on  conimenca  a  traverser  la  plaine 
dans  la  direction  de  I'ouesl ;  le  terrain  etait  coupe  de 
precipices  el  do  ravins  avcc  des  masses  de  porpbyre 
et  de  quartz. 

Le  24,  le  iVIexicain  blesse  mourut  et  ful  enterr^  au 
pied  d'un  sapin  qu'on  marqua  d'une  croix.  La  verdure 
eiait  dessecbee  el  le  sol,  semblable  a  de  la  cendre, 
n'offrait  aucune  apparcnce  d'bumidit<i.  Le  26,  douze 
mulels  s'ecbapp^rent,  il  fallut  courir  sur  leurs  traces 
et  renvoyer  en  arriere  un  certain  nombre  d'bommes, 
Le  27,  on  surprit  une  bandc  de  miserables  Indiens; 
I'un  d'eux  consentit  a  conduire  dans  un  endroit  cu  il 


(  378  ) 

y  avail  de  I'eau  :  en  effel,  deux  niaigres  sources  cachecs 
dans  une  gorge  rocheuse  permirent  aux  voyagours 
d'liuniecter  leurs  gosiers  desseches  et  leur  donnerent 
la  lorco  d'alleimlre  un  vrai  i  uisstau  d'cau  courantc 
silue  12  niilles  plus  loin,  ct  sur  Ics  bords  duqucl  on 
trouva  elahlis  des  Indiens  ^  ampais.  La  riierbc  elail 
abondanle,  et  les  mulels  pordus  le  27  ayant  6l<^  rame- 
nes  iieureusenienl,  betes  et  gens  j)urent  se  rcl'aire  de 
leurs  fatigues. 

Ce  ruisscau ,  que  le  capitaine  Sitgraves  nomma  le 
Yampai,  nail  de  trois  pcliles  sources,  el,  dans  I'espace 
duti  deini-mille,  il  se  perd  a  plusieurs  reprises  sous 
lerre  jusqu'a  ce  qu'il  disparaisse  lout  a  lait. 

Le  1°' novembre,  on  cut  a  se  difcmlre  contra  une 
douzainc  d'Indiens  voleurs  de  mulcts;  quclques  volees 
de  fleches  nc^cessilferent  I'emploi  des  arines  a  feu,  ct, 
d'apres  les  traces  sanglantes  Irouvees*  sur  les  rochers, 
il  paraitrait  qu'im  Indien  au  moins  aurait  et6  blesse. 

Le  2,  (in  quilta  la  vallee  du  Yanipai,  pour  traverser 
une  plaine  tout  a  fait  nue,  sans  cau,  ni  bois,  ni  lierbe; 
par  coutre,  il  y  avail  abondance  de  cactus.  Le  3,  il 
fallut  gravir  une  cbalne  de  liautos  montagnes  par  des 
passages  escarpds  et  diliicilcs,  mais  I'espoir  qu'une 
fois  arrive  au  sonimct  on  decouvrirait  le  Colorado, 
donnait  du  cceur  aux  plus  I'aligut^s;  luais,  vaine  attente, 
au  lieu  du  fleuve  si  desire,  une  autre  plaine  innncnse 
et  desol^e,  ct  puis  une  seconde  cbalne  de  montagnes. 
Cc  jour-la,  le  guide,  ^L  L.,  lomba  dans  une  em- 
buscade  d'Indiens  et  ful  alleint  dc  trois  fleclios;  on 
voulul  poursuivre  ces  visilours  nialcncontreux,  mais 
ils  disparurent  au  milieu  des  rochors. 

La  journ6e  du  h   ful  employee  a  travcrsor  la  plaine 


(  379  ) 

et  la  nuit  fut,  comnie  Ja  prec^dente,  sans  eau  ni  her- 
bage ;  le  5,  enfin,  du  souiinel  de  la  scconde  monlagne, 
on  d^couvrit  le  Colorado,  dont  lo  cours  marque  pai' 
de  grands  arbres  se  deroulait  aa  milieu  d'uno  largo 
valine.  Les  feux  nombreux  indiquaient  une  populalicn 
indienne  considerable,  et  a  cetle  vue,  les  voyageurs 
poiisserent  des  hourras,  comme  pour  saluer  la  fin  de 
leurs  miseres  el  de  leiirs  fatigues:  d'apres  le  thernio- 
m^tre,  on  elait  a  3  200  pieds  (anglais)  au-dessus  du 
fleuvo. 

Arrive  sur  les  bords  du  fleuve,  le  copitaine  Sitgraves 
en  mesura  la  largeur  qu'il  Irouva  de  266  yards  (2ii3'"); 
sa  plus  grande  j)rot'ondeur  ne  depassant  pas  6  pieds. 
Le  courant  ^tait  rapide  mais  il  ne  put  en  ^valuer  la 
v^locite.  Du  reste,  le  s(d  elait  desole;  rien  que  des 
broussailles  et  des  hcrbes  s^ches  pour  toute  vegeta- 
tion. En  somme  la  contr^e  Iraversee,  depuis  les  mon- 
tagnes  de  San-Francisco,  elait  nue  et  denuee  d'interel; 
ce  n'^taient  que  montagnes  ot  plaines  desertes;  ces 
derni^res  elevees  en  moyenne  de  5  000  pieds  (anglais) 
au-dessus  de  la  mer.  Sur  les  montagnes  seulenient  on 
apergoit  des  arbres  et  parini  ceux-ci  le  cedre  est  le 
plus  important;  quant  aux  plaines,  elles  n'ollVcnt  que 
peu  de  ressources  au  bolaniste.  Le  7,  on  suivit  un 
senlier  bien  trace  le  long  du  fleuve  et  bientot  on  fit 
la  rencontre  de  nombreux  Indiens  do  la  Iribu  des 
Mohaves. 

Ces  Lidiens  sont  de  laille  alhletique,  quoique  vivant 
exclusivement  de  veg^laux;  ces  hommes  sont  tous  nus 
a  I'exception  d'une  espece  de  calegon  ;  leurs  cheveux 
sont  tailles  carrement  ,sur  le  front,  et  sur  les  cot^s  el 
par  derriere  ils  les  laissent  pousser  et  flotler  de  toute 


(  380  ) 

Jour  longueur;  quelquefois  ils  Jes  roulenl  el  en  font 
un  paquet  sur  lour  tele.  Le  soul  velement  porte  par 
les  feiniuos  consiste  en  une  lonjj;ue  frange  foriii^o  de 
brins  d'^corce  cle  saule,  lournec  aulour  de  la  laille  el 
tonibanl  jusqu'aux  gonoux;  lus  femmes,  pas  plus  que 
Ics  liommes,  ne  porlonl  de  cliaussuros.  Leurs  amies 
sonl  Tare  el  los  lleciies,  la  huice  el  lo  halon;  ils  out 
riiabilude  de  porler  avec  eux,  quand  il  full  IVoid,  un 
brandon  allunie,  cl  le  capilainc  Silgravcs  reinarquo 
quo  eel  usage  esl  mcnlionne  dans  rexpedilion  de  'J5ZiO 
au  Colorado,  el  ful  I'originc  dii  nom  do  Rio  del  Tizon. 
donne  au  fleuve  par  hs  prenners  exi)I()raleurs.  Le 
capitaine  Silgravcs  out  quelque  diflicullo  ;'i  mainlenir 
les  Indigenes  a  dislanco;  M.  Woodhouso,  le  niedecin 
de  I'expedltion,  lecut  une  flocho  dans  la  janibe,  el  le 
16,  il  fallul  ropoussor  par  la  lorce  une  allaque  g(ine- 
rale  d'Indiens  Yunias  ;  un  soldat  ful  surpris  el  mas- 
sacre. Ncannioins  I'expedilion  descendail  loujours  le 
fleuve.  Pendant  celle  parlie  de  la  route,  on  perdil  plu- 
sieurs  mulels  qui  lonib^renl  do  fatigue  pour  ne  plus 
se  relever ;  on  fut  n^cessairement  obliged  d'abandonner 
lout  CO  qui  n'elait  pas  de  necossile  absolue  en  ])rovi- 
sions  el  rechanges.  On  dut  ni6me  luer  les  beles  les 
plus  epuisees  pour  s'en  nourrir  faule  de  inieux,  lors- 
qu'onfin,li;  30  novenibre,  I'expedilion  a  bout  deforces, 
atteignit  le  confluent  de  la  Gila,  oil  se  Irouve  un  posle 
niilitaii-e  occup6  par  les  troupes  destilals  de  TUnion 
americaine. 

La  le  but  do  I'expedilion  elail  rcnipli,  le  cours 
du  Colorado  jus(iu'a  la  nior  lies  pen  dislanle  elanl 
d'aillours  bien  connu  el  rucemnicnl  explore,  le  capi- 
taine Sitgraves  tcrmine  son  rap|)orl   a  son  arrivoo  au 


(  381  ) 

posle  IVonliere,  bien  que  les  inslruclioiis  cle  son  gou- 
vernemenl  lul  prescrivissent  de  suivre  Ic  Colorado 
JLisqu'a  son  embouchure  dans  le  golfe  de  Californie ; 
vraiseniblal)Ieinent  I'elat  d'epuisement  de  sa  troupe 
nc  lui  permit  point  d'aller  plus  loin. 

Lc  rapport  du  capilaine  Sitgraves  est  accompagnc!; 
de  la  table  des  distances  parcourues;  de  la  table  des 
positions  g^ograpliiques  (celle-ci  donne  pour  le  pueblo 
de  Zuni  :  latitude  35°  Oil'  10"  (la  longitude  manque); 
ct  j)our  le  confluent  de  la  Gila  :  latitude  38°  43'  31", 
longitude  ouesl  de  Greenwich,  11/1°  33'  O/i") ;  de  la 
table  des  observations  meleorologiques  faites  deux  ct 
trois  lois  par  jour. 

Le  docteur  Woodhouse,  niedecin  et  naturaliste  do 
I'expedilion,  a  donne  un  rapport  siir  I'hisloire  naturelle 
des  contrees  visitees,  ct  une  monograpliie  complete 
des  quadrupedes,  oiseaux,  reptiles,  poissons  ct  vcge- 
taux  reconnus;  parnii  les  oiseaux  et  les  reptiles  quel- 
ques  es])eces  sonl  nouvelles.  Puis,  un  rajjport  medical 
dans  lequel  on  suit  avec  interelle  Irailement  suivi  par 
le  docteur  lui-meme  pour  une  morsure  du  serpent  a 
sonnottes  [Crutalns  Lecontei), 

Enlin  eel  ouvrage,  deja  bien  rempli,  est  complete 
par  un  grand  nombre  de  dessins  lithographies  repre- 
sentaut  des  sites  ct  des  paj  sagos,  des  scenes  indicnnes, 
(ks  specimen  nonibreux  d'histoire  naturelle  et  par  une 
grande  carle  du  voyage. 


(  382  ) 
NOTE 

SUR  I,A  CARTE  DU  COURS  DU  MARER  (1). 


La  Socit'le  de  goograplile  a  puldle,  en  182/i,  une  • 
premiere  serie  de  Questions pi-opasces  ait.v  i>oyageurs[2]; 
il  est  une  de  ces  questions  qui  n'a  pas  encore  et6  ro- 
solue  conipleteraent  et  qui  est  relative  au  pays  de  Taka 
et  au  cours  di^  la  rivii'-ic  du  Marob,  riviere  situ6e  a  Test 
du  Nil  Bleu  et  au  nord  de  I'Abyssinie ;  cc  cours  a  tou- 
jours  «^t6  considere  comme  probloinatique  et  il  Test 
pcut-elre  encore  aujourd'hui.  C'est  pourquoi  la  Sociele 
avait  appele  Taltention  sur  I'ouvragc  public  par  Ic 
savant  voyageur  Burckbardt  sur  la  Nubic ;  il  n'a  pos 
sufiisamment  fait  connaitre  Ics  affluents  de  I'Albara  , 
(que  Ion  identitie  ordinairemont  avec  I'Aslaboras),  ni 
la  nature  ou  I'elevation  du  sol  entre  I'yVlbara  ct  la  luer 
Rouge,  dcpuis  le  15°  degre  de  latitude  nord  jusqu'au 
19°.  Aussi  a-t-on  accueilli  avec  inl^ret  une  carte  r^- 
cente,  tracee  par  deux  voyageurs,  MM.  Vayssiere  ct 
Malzac,  a  qui  Ton  doit  deja  une  esquisse  de  cetle  parlie 
du  bassin  du  Bahr-el-Ab^ad,  qu'a  nouvellement  explo- 
ree  M.  Brun-lloUct  (3).  D'apr^s  cette  carle,  la  riviere 
de  Marcb  prendrait  sa  source  a  75  milles  geograplii- 
ques  nord-nord  ouest  de  Gondar  ( lat.  14'^  50',  long, 
orienlale  Paris  Zli°  llO') .  Au  lieu  dltRassala,  elle  entre- 

(i)  Voir  la  i-arto  inseree  au  Bulletin  ik'  jiiin. 

(2)  Questions    pro|iosees  aux  voyageurs  et  a  loutes  les  pcrsomies 
(|ui  s'iiilci  assent  aux  |iru{;res  de  la  {;eo{;i-aphie.  l"  serie. 

(3)  Voir  ie   Bulletin   cle   mars-avrii    l855,  et  le    Bulletin    <le    de- 
cembre   i854. 


(  383  ) 

rait  dans  un  grand  marais  dc  25  lieues  de  long;  puis 
se  jeUerait,  a  60  lieues  plus  loin,  dans  un  autre  marais 
tout  voisin  de  la  nier  Rouge  :  c'est  la  que  llnirait  son 
cours  sans  aboulir  a  la  mcr. 

Le  grand  marais  donl  on  a  parle  communique  a  une 
valine  dirigee  nord  et  sud,  appelee  Wadi-Abbay,  par 
ou  Ton  croyait  autrefois  que  s'^coulait  la  riviere  de 
Marcb;  le  cours  qu'assigne  a  celle  riviere  la  carte  de 
MM.  Vayssi^re  et  Malzac,  parait  lever  les  doutes  qu'on 
avail  sur  celle  direction. 

Les  tribus  qui  habitent  entre  les  15'  et  19°  degres 
de  latitude  ,  et  entre  les  32"  et  35°  degres  de  longi- 
tude est  de  Paris,  portent  le  nom  commun  dc  Badje 
ou  Bidja;  d'aulres  iribus  plus  m^ridionales,  jadis  chre- 
tiennes,  sont  habiluellement  en  guerre  avec  les  popu- 
lations de  TAbyssinie.  Elles  vivent  dans  des  cavernes 
comme  les  anciens  Troglodytes. 

L'Albara  prend  sa  source  sur  la  frontiere  d'Abys- 
sinie,  va  cnsuite  arroser  les  ruines  de  Goz-Redjeb  ; 
puis  il  se  jetle  dans  le  Ba!n'-el-Azraq,  ou  Nil  Bleu, 
un  peu  au-dessus  du  18°  parallelc  nord  et  de  la  ville 
de  Berber.  Jomard. 


NOTE    sun    LA    COR^E    (1). 

D'aprfes  une  leltre  assez  recenle  de  M.  Ferreol, 
vicaire  aposlolique  de  la  Coree,  on  comptait  dans  ce 
pays  12  450  chr^tiens.  Selon  une  autre  lettre  de 
M.  Daveluy,  aussi  missionnaire  aposlolique  en  Coree, 
le   pays  etait  agite    par  des   troubles  ])olitiques  :   des 

(i)    Voir  I'aiticle  siu  la  Coree,  Bulletin  ite  rnnrs-avril. 


(  384  ) 

insuneclions  ont  eclate  clans  la  region  de  I'osl;  la 
chute  de  la  clynaslie  elail  annoncee  coinnic  ties  pro- 
bable;  le  jeune  roi,  sorli  de  prison  pour  s'asseoir  sur 
Je  trone ,  laissait  usurper  I'autorile  par  les  hauls 
I'onctionnaires ;  les  plus  grands  abus  regnaicnt  dans 
radminislration  et  faisaicnl  croiro  a  une  revoUillon 
prochaine. 

On  sait  que  les  missionnalres  francais  sont  en  Coree 
dopuis  18i5;  scion  eux  la  j)opulation  est  do  10  millions 
d'habilanls;  I'J^lvangilo  y  a  ete  porte  vers  1632. 

II  est  egalement  dilFicilc  d'aborder  dans  celte  pres- 
qu'lle  et  d'y  pent^trer;  les  rlvagos  sont  cnvironn^s 
d'ecueils  loul  autour;  c'est  uno  nier  f^conde  en  nau- 
frages ;  au  nord  est  un  desert  largo  do  15  lieues,  de- 
pourvu  de  culture  et  de  loulc  habitation,  et,  dc  plus, 
garde  par  dc  nouibreux  soldals.  i  Jnnalcs  de  la  pro- 
pai^((Uun  de  la  J'oi.)  E.  J. 


COMl'AHAISON   DES  VOCABULAHiKS 
OTJIHERERO,    BAYliYE    KT   CHJILIMAiNSE; 

U'.M'IIKS    M.     CHARLES    J.    ANDEllSSON. 

La  hingue  bayeyo  offre  la  plus  grande  ressemblance 
avcc  ccllc  des  Ovahorero  et  prescnle  en  general  unc 
grande  allinite  avec  quelques-uns  des  dialecles  do  la 
cole  orientalede  rAfrique;  elie  presenle  toulefois  deux 
ou  trois  de  ces  sons  d'une  aspiration  parliculiere,  dits 
klicks ;  ce  qui  la  rapproche  des  langues  hollenlotes. 
L'oljiberero  est  la  langue  des  Dainaras  et  le  cbjilinianse 
celle  d'une  tribu  quihabite  a  I'ouesl  des  etablissemcnls 
porlugais  dc  la  cole  orienlale. 


Oljiherero. 

Bnyeje. 

Chjilimansc. 

Okuoko 
Otjiku 

Omuzi  (toujours 
bref) 

Engoro 
Roo 

Movi 

Maoko 

Movene 

Movi 

Enga 

Roaiijja 

Mafomo 

Oljisiui,  ondoii- 
&>  (?) 

Etongo 

» 

(  385  ) 

VOCABULAlUli    COMPAnii. 

(On  a  conserve  i'orlhograplic  anylaise  ilont  M.  Andersson  s'est  servi 
pour  renilre  Iss  sons.) 

Anglais. 
\ 
Arm, 
Arrow, 

—  point, 

Assegai, 
A«l. 

B 

Bag,  Ondjatu  Eshisi  Sapo 

Read,  Ondjendje  Sooli  Ozanga 

—  of  bono,                      )'  Sen'gama  Sambo,  Daiira 
Bean,  Ekunde  Mcmba  Njemba 
Beard,  Orujetliu  Indezo  Indevo 
Belly,  Eshuri  Ora  Mimba 

Beer,  »  Oara  Wadoa 

Bow,  Outa  Kota  Outa 

—  siring,  Omuko  Kazenga  Ozenga 
Buy,  Omutliandu  Morombana  Morondiala 
Breast,  woman's  Evere  sinij.  Mavere  Mazuku 

Omavere  pi. 

Brotber,  eldest  Eiumlii  JMopanga,(?)  Ain/atsi 

Mozatnaya  (?) 

—  younger,  Omangu                           «  Morombala 
Buffalo,  Onjati  Onjati  Onjali 
Bush  Tick,  Oiigupa  Zenkopa  a 
Buy,  lo.  Okuranda  Koora  Kogola 

C 

Calabash,  Ondjupa  Kad'gava  Fonguc 

Cap,  covering  for  Ekori  En'kava  Chapeo 

llie  bead 

Cattle,  Onjanda  (sheep  Dasliangava  \va-  Ngouibe 

et  goats)  nume  (I) 

Cbest,  Ornkoro  Zedzuva  Cbifoa 

Child  (infant),  Omuvena(male  Nana  Moana 

infant) 

Chopperorhatchet,  Ekuva  Enkakara  Badzo 

IX.    JUIN.    A.  26 


(  386  ) 


Anglais. 

Otjiherevo. 

Bayeye, 

Chjilimanse. 

Cold, 

0[nbe|)era 

Ouipepo 

Onipepo 

Copper, 

Oljiserandu 

Fn'koa  (?) 

n 

Corn, 

» 

Mavere(Caffre 
corn) 

Mabera  (Caffre 
corn) 

Com,  somewhat 

like 

»> 

Mano'koa 

Mavere ,     Ma- 

Canary     seed 

in 

fonde 

shape  et  size 

Corn-troiigIi,or 

hol- 

» 

Chitona 

Noli 

low  piere  of  wood 

in  wliich  ihe  corn 

is  crushed  or  1 

gro- 

und 

Corn-{;rinder,    i 

CIU- 

11 

Moshi 

Moil  SI 

sher,    or    pes 

;tle. 

with     which 

the 

corn  is  conve 

rled 

into  Hour 

Cow. 

Oinkompe 
Onthindu 

Enka^e 

Ngombe  (catle 
in   general  ) 

D 

•1  Dakka,  » 

» 

Rovanse 

Banje 

^"!T> 

Otnboa 

Omboa 

Oaiboa 

Drink,  to 

No  a 

Koiia 

Konoa 

Drinking  cup. 

E 
Ear, 

>f 

Echipi  on'kara 

Mokuniljo 

Okutui 

Koti 

'nseve 

Earth-fruit,  a  sp 

ecies            " 

Oiengoia 

Nemo 

of  a    beaTi  , 

will 

1 

pods  under  groiini 

1 

Eat,  to 

Koria,  riaa 

Kolia 

Kodia 

Elbow, 

Omhai-.imbanja 

Rokokona 

» 

Elephant, 

Ondjohu 

Ongovo 

Ondzoo 

Eye. 

V 
Fasten,  to 

Esho,  p/.Oniesho  Amesho 

Ma  so 

I'andeka,  kota 

Sliiminin.i 

Alanga 

Fat, 

Oniate 

.A  inazi 

Mafot.i 

Father, 

Tate   (isho,   youi 
father,  ishe,  his 
father) 

•     Tati 

Paha,  banibo 

Fit-tree  (wild), 

Oniukui  jiiinba 

.Mokoja 

Makojo 

Finjvr, 

Ominue 

Minoe 

Monoc 

Fire, 

Oinuri) 

Mongiro 

Moalo 

Fool, 

Onipatlie     (  from 

Sikondo 

iSiaro 

Valli.i,  lo  leach) 


(  387  ) 


Anglais. 

Otjiherero. 

Bayeye. 

Chjilimanse. 

Fowl, 

Ontera(from 

Th( 

2-    Sienjeshi 

Uoko 

ilia,  to  tremble 

) 

Fruit  Tree  (wil 

Id) 

Moshoma 

Moshoma 

Fruit,  with  a  la 

rge 

On'oro 

H 

oblong  fruit 

Fruit  Tree  (wild),               » 

Se'koa 

II 

—       —       _ 

>) 

Oi 

» 

G 

Giraffe, 

Ombashe 

Ombashe 

Chipembere 

Girl, 

Omukatliana 

Mokana 

Mosikana 

Gnu, 

Otjimburu 

Onzodzo 

Palabala 

Goat, 

Onkompo 

Opuh  (?) 

Onibozi 

Gold, 

M 

Darama  (?; 

Dalania 

Grass, 

Eshothu 

Modzodso 

Maosoa 

Gun. 

Ondjembo 
Otjimbari 

Tuboro 

Foti      (   smaller 
Gun,  perhaps 
Pistol  (?) 

H 

Hair, 

Onkise,   ondj 

jse 

Seshyshi 

Sisi 

Hartebeest, 

Orukambe 

Onzoro  (bastard 
Hartebeest) 

He, 

e,  eje,je,  ma, 
u,  ua,  etc., 
cording  to 
prefix    of 
noun 

me, 
ac- 
the 
the 

)t 

Ojo 

Head, 

Otjiuru 

Mosoro 

Mosoro 

Hear,  to 

Thuva 

Koiva 

Oansoa 

Heaven, 

Ejuru 

Lero 

Gore,  Modenga 

Hide, 

Omukoba 

Enj;oo 

Palame 

Hippopotamus 

,    Ongantu 

Onvovo 

Onvoo 

Hunger, 

Ondjara 

Enjara 

Onjala 

Husband. 

» 

Arora 

Morome    oange 

I 

1, 

uami.  Ami 

Geme  (?) 

Eue 

Iron, 

Otjitenda 

Otari 

Otare 

—  ring. 
J 
Jackal. 

Onkohe 

Tugakano  (?) 

>» 

Ompantje 

Opokojo 

Boro 

K 

Knife, 

Oruvio 

Kaffroe 

Chipanga 

Knob=tick. 

Onkunja 

Rashan 

Opziuiljo 

( 

388  ) 

Aiiijliiis. 

Otjihi'teiv. 

Bayeye. 

Chjilimanse. 

L 

Lead, 

Ohanga  (?) 

Orolo 

t)pu!a 

Lec, 

Okufiima 

Mon'o 

ISinihira 

Lip, 

Oiiiuna 

Suporo 

Mulomo 

LUteii,  tu. 

Puralena 

Koiva 

Oansoa 

M 

-Man, 

Uiiiurumeulu 

Mokorokoine 

Moronic 

Meat, 

Onjama 

Onjania 

Njaina 

Milk,  sweel 

Omaisi 

Mashutta 

Kaka 

Milk,  sour 

Omaire  (t'roni  j( 
to  glitter) 

;ra              • 

Koava 

Mother, 

Mnma,  Unjoko 

Ma 

M.ii 

Moon, 

Oiiiuethe 

Okoezc 

Moe/.i 

Mouth. 

Otjenjo 

Moronic 

Malomo 

N 

iSail, 

Ontuii{;o 

Zcnf;ara 

.. 

Neck, 

Knkoli 

lizoiigo 

Kms 

Nose. 

I'^juru 

Lero 

Pono 

O 

Ux, 

Oiikouipoiituoni 

he    Oporo 

N(|oiiiLe  (ox  or 
cow  ) 

Ostrich. 
P 
<<  I'heasani,  « 

Ombo 

Elipof'n 

» 

Onpoari 

()n{»ori 

i> 

(Fraiicolin) 

l>in,    Willi 

Ouipiiila 

Oiiyire 

()iij;ulvc 

i'ot. 

Onjtiiigii 

Kahoina 

Kaianjjo 

Powder, 

Osire 

Mosiiiri 

» 

Pull,  to. 

)) 

Sherapo 

n 

n 

Hain,  to 

ixoka 

Vovorauleiia 

KuiKin  vol.i 

niiinocei-06, 

On{;ava 

Oslion{;odi!o 

0 

itu.sh. 

n 

Litjalsa(?)rusli 

tlOlll 

whichthey  manu- 

facture their  mats. 

S 

Salt, 

OinuoiiQua 

Kotsoai 

Molijo 

Sand, 

Esheke 

Movo 

Setja 

Sec,  to 

Muna,  tara 

Konioana 

Oana 

Sheep, 

Uiitu 

O{;o  (?) 

Ma(>,ai 

Shoulder, 

Otjiluve 

Zckij'aha 

Mapeo 

(  389  ) 


Anglaii. 

Otjihereto, 

Bayeye. 

Chjilimanse. 

Sister, 

» 

Mo'ganya 

Rali 

Sit,  to 

Kara-peshi 

Sekania 

Kara 

Sleep,  to 

K.ira 

Korangara, 
rangare 

Te-     Kolara 

SnuFF, 

" 

Moloinbc 

I'odia 

Spoon, 

Orutue 

Kato 

(lluko 

Stand  lip,  lo 

Sekainn 

(Jem  a 

Komeia 

Star, 

Onjosf? 

Sicnjata 

INjene/e 

Steal,  lo 

Vaka 

Koiva  (?) 

Koba 

Sii.k, 

Oknti 

Rati 

P/imb(i 

Sun. 

Ejuva(fiom  juva  to  Leba 

l)/oa 

cut  or  divide.) 

T 

Terlli, 

Omajo  (sing,  ejo) 

Aiiiciio 

Mano 

Thou  or  you. 

Obe,  ovo    "-'"'^'•' 

Goe 

Roe 

Throat, 

Oniurishu 

Moloo 

Kolo 

To, 

Ku,  ko,  k,  pu,  po, 
p,  mu,  mo,  m 

" 

Oku 

Tobacco, 

Omakaja 

Motombe 

Fodia 

Toe, 

Omunue 

Zena 

Minoe 

Tongue. 
U 
Understand,  to 

Eraka 

Rurimc 

Rurime 

.  Thuva 

Daivo 

Dafva,  oansoa 

W 

Walk,  to 

Rianga 

Rakeke 

Kofamba 

Water, 

Omeva 

Ami 

Movola 

—  buck, 

» 

Oiija 

» 

We, 

0 

Sherako 

Ife 

Wolf, 

Ombungo 

Omporo 

Tika 

Woman, 

Omukathcndu 

Mokaz 

Mokaze 

—   married. 

Omukathendu  Va- 
kupua 

Vanga  (?) 

—     oaioroa 

You. 


Ov. 


Goe 


l'"oe 


NOMS    D£    NOIklBRK. 


1 

Uinue, 

Mo'kekf 

a 

Vevari, 

Vaviri 

3 

Vetaiu, 

Vatato 

4 

Vane, 

Vane 

Omoe 

Vaviri 
Vataio 
Van  a 


(  390  ) 

5  Vetano,  Mavanareanja  Vasliana 

6  Hambohumue.  —        Vaia'ka  Vafantato 

7  Hambombari,  —        Varasupi  Clunomop 

8  Hambondatu,  Vanjenisa  Zere 

9  Omuvio,  Varane  Femba 
lo  Omiirongo,  Vnkotniki  Koine 

I  I      Oinirongt)    na          Vakoiniki  Vara'k.i  Komina  Oinoe 
mue  peshi 

Etc.,  etc.,  etc.          Etc.,  etc.,  etc.  Etc.,  etc.,  etc. 

70     Omirongovivari,     Mavanareanja    Avato-  Makome  Maviri 

vavii'i 

3o     —  Vitatu,                Vara'ka  Avato  vatain  —     Matate 

4o     —  Vine,                                     »  —     Mana 

.•jo     —  Vitano,                                »  —     Mashana 

Co     —  Hambouemue,                     »  —     Vatantalr> 

Etc.,  etc.,  etc.  Etc.,  etc.,  etc. 

lOo     Omirongo  Mirongo.                "  Mazana. 

Observations . 

En  otjiherero  I'infinitif  se  forme  en  niettant  oku 
devant  rimperatif,  ex.:  randa,  achate,  okin-anda,  ache- 
ter.  Les  noms  de  nombre  de  un  a  cinq  regoivent  des 
changements  selon  les  mots  qui  les  precedent,  ex. ; 
Omwidu  iwiiie,  un  homme,  mot  a  mot  liomme  un;  —  On 
djiio  imne,  une  maison,  —  maison  une; —  Ekori  rinute, 
un  bonnet,  — bonnet  un; —  Otjitjuma  tjimiii,  —  vais- 
seau  (un);  —  Okati  kumue,  —  baton  (un);  —  Orimo 
rumiie,  —  couteau  (un);  —  Oi>andu  vevari,  hommes 
(deux); —  Othondjuo  intatu  ou  thetatu,  maisons  (trois); 
—  Omakorijane,  bonnets  (quatre);  —  Ovitjuma  intano, 
vaisseaux  (cinq). 

En  chjilimanse,  les  lettres  R  et  L  se  confondent. 

11  y  ft  en  baj(^y(i,  deux  aspirations  k/icks,  I'une 
douce  el  I'aulre  forte. 


(  391  ) 
.'^eiesi  cle  la  Sociele. 

RXTRAITS  DES  PROCES-VERBAUX  DES  SEAKGES. 


Seance  dii  1"  jidn  1855. 

Le  proc^s-verbal  de  la  derniere  stance  est  lu  et 
adople. 

M.  le  baron  de  Fourmenl,  senateur,  adresse  ses 
remerciemenls  a  la  Societe  qui  vienl  de  ['admeltre  an 
nombre  de  ses  niembres. 

M.  le  capitaine  de  vaisseau  Mac-CIure,  dans  une 
lellre  dat^e  du  18  mai,  exprinie  a  cettc  compagnie  sa 
vive  reconnaissance  du  temoignage  d'int^ret  et  d'estime 
qu'elle  vient  de  lui  donner,  en  lui  decernant  sa  grande 
m^daille  d'oi-,  pour  la  decouverle  du  passage  nord- 
ouest.  U  la  I'emercie  egalement  du  diplome  qui  lui 
conf^re  le  litre  de  correspondant  etranger  de  la 
Societe. 

M.  Jomard  donne  communication  de  deux  lettres 
de  M.  Brun-Rollet,  en  date  de  Turin  ;  dans  la  premiere 
M.  Biun-Rollet  informe  la  Societe  que  M.  Ibrahim, 
dont  I'ilineraire  a  dste  trace  dans  la  carte  ins^r^e  au 
BuUelin  de  mars-avril,  est  un  Svrien  qu'il  a  etabli  en 
1851  dans  la  Iribu  desKyks;  «  il  paraitrait,  dit-il,quele 
lrac6  aurait  devi6  trop  au  nord  et  que  la  riviere  oil 
s'esl  arrets  Ibraliim  ne  serail  qu'un  des  aboulissants 
du  Keilak.  Le  nom  de  Telfiou,  donne  au  Saubat,  vient 
du  mot  fioa  qui  veul  dire  eau  en  diaka.  Les  Cliirs  et 
les  Bary  I'appelient  Afeou,  les  Berry  et  les  GlieJouks 


(  392  ) 

autreinent »  Dans  la  secondc  Icttio,  M.  Brun  an- 

noncc  un  mi^moire  intitule  :  I\otes  siir  I'avenir  du 
commerce  du  Sennar,  ct  il  insisle  sur  la  noccssil^ 
d'oionilre  Ics  relations  commercialos  dc  TLgypte  dans 
ri'rllhiopie  supericure ,  moyen  d'accroilre  en  meme 
lemps  les  conuaissancesgeograpliiques. —  Renvoi  d'un 
extrait  de  ce  memoire  au  Bulletin. 

Le  mfime  membre  anncnce  qu'on  a  d^couvert,  aux 
environs  de  Limoges,  entre  aulres  anliquites,  un  pied 
remain  dont  la  longueur  eslde  295  millimelres;  cetle 
dimension  dilTiJie  peu  de  la  dimension  du  pied  anti- 
que trouvo,  il  y  a  quel((ues  annees,  en  Normandie, 
dans  la  forelde  Maulevrier.  C'est  aussi  un  pied  a  cliar- 
niere,  c'est-a-dire  divise  en  deux  dcmi-pieds. 

M.  Jomanl  expose  ensuite  les  communicalions  taites 
a  la  dcrniere  seance  de  la  Sociele  royale  g6ograplii([ue 
de  Londres. 

M.  Vogel  edit  a  la  Societe  pour  lui  offrir  de  la  part 
de  I'auleur,  M.  Schnilzler,  un  exemplaire  de  sa  des- 
cription de  la  Crimee. 

M.  Alfred  Maury  fait  liommage  de  scs  Recherches  sur 
la  religion  et  le  culte  des  populations  primitives  do  la 
Gr^ce,  exlraites  d'un  grand  travail  qu'il  prepare  sur 
X Histoire  flu  Polytheisme  grecu-latiu,  dcpuis  son  origine 
jusqu'a  son  enliere  destruction.  M.  Maury  enlro  dans 
quelques  details  surce  travail  et  sur  ses  rapports  avec 
la  geographic  el  I'ethnographie  anciennes  de  la  Greco. 

M.  de  la  Roquette  olTre  un  exemplaire  de  la  Notice 
sur  les  Egode,  qu'il  vient  de  [niblier  dans  la  liiogra- 
phie  universelle. 

M.  le  secretaire  lit  la  liste  des  ouvrages  deposits  sur 
le  bureau. 


(  393  ) 

M.  Lourmand  rend  coinpte  de  la  brochure  inlilul^: 
Enunic'intion  poetiqiie  des  departements  francais,  par 
M.  J.  Portes.  II  conclut  en  ees  lermes  :  «  L'auleur  osl 
loiiabled'avoir  fait  des  efforts  pour  populariser  I'eliide 
d'une  partie  importanle  de  la  geograpliie ;  niais,  si  jo 
ne  me  Irompe,  il  faut  s'ouvrir  uno  autre  voie  ])our 
arriver  au  hut  vers  lequel  nous  appelons  lous  les 
hommes  capahles.  » 

M.  Morel-Faliodonne  lecture  du  MemoiredeM.  Brun- 
Rollet  sur  les  conlrees  du  liaut  Nd. 

La  Commission  centralc  decide  qu'ello  procedera, 
dans  sa  prochaine  seance,  a  la  nomination  do  h'ois 
membres  adjoinls. 


Seance  da   15  juin  1855. 

Le  proces-verhal  de  la  dernierc  seance  est  lu  et 
adopte. 

M.  de  Monligny,  de  relour  d'uue  mission  temporaire 
en  Jfriqite,  ecril  a  la  Soci^te  pour  la  remercicr  de  la 
distinction  dont  elle  vienl  de  I'honorer  en  lui  decer- 
nant  Ic  prix  dOrleans  pour  ses  importations  de  Chiue 
et  lour  acclimatalion  en  France  et  en  Algerie.  M.  de 
Montigny  s'cngage  a  faire  de  nouveaux  et  energiqucs 
efforts  pour  juslifier  la  conDance  de  la  Societe. 

L'Instilut  hislorique  et  geographique  des  Indes 
orienlales  icrit  a  la  Societe  pour  lui  adresser  le  Iroi- 
si^me  volume  de  ses  Memoires. 

M.  J.  Perthes,  de  Gotha,  ecrit  6galeuienl  a  la  Soci^lo 
pour  lui  faire  hommage  de  plusieurs  nouveaux  travaux 
g^ographiques   publics  dans  son   etablissement. 


(  394  ) 

M.  Jomard  depose  sur  le  bureau  la  li"  livraison  do 
ses  Monuments  de  la  goographie  ct  il  donnc  un  apcrcu 
des  carles  donl  elle  se  compose. 

M.  G.  Lafond  I'ait  hommage  de  son  Guide  {general 
des  assurances  maritimes  et  fluviales.  II  fail  a  ce  sujet 
une  proposition  que  d^vcloppe  ensuile  M.  Jomard  et 
qui  consisle  a  adresser  une  circulairc  a  tons  les  agents 
et  correspondanls  des  assurances  maritimes,  aux 
consuls  fran^ais  et  Strangers,  aux  chambres  de  com- 
merce et  a  tous  ceux  qui  s'occupent  ou  peuvenl  s'oc- 
cuper  de  geographic  par  leurs  relations. 

M.  Cortambert  offre,  de  la  pari  de  M.  J.  Garnier,  un 
numero  du  Journal  des  connaissanccs  utiles  public  sous 
la  (lireclion  de  eel  economiste,  et  il  en  pro|)ose  I'^change 
avec  le  Bulletin.  Celle  proposition  est  appuyee  et  ren- 
voyee  a  la  section  de  comptabilile. 

M.  le  secretaire  lit  la  lisle  des  autres  ouvrages  depo- 
ses sur  le  bureau. 

La  Commission  centrale  precede  a  I'^leclion  de  trois 
membres  adjoints.  MM.  A.  Barbie  du  Bocage,  Fabre 
et  de  Froidelonds  des  Farges,  obtiennent  la  majority 
des  suffrages. 

M.  V.-A.  Malte-Brun  presente  un  coiiiple  rendu  des 
Iravaux  de  la  Societe  imporiale  geographique  de  Saint- 
P^tersbourg  pendant  les  annees  1853  et  1854. 

M.  de  la  Roquetto  rappelle  le  Discours  prononc^ 
parM.  Lefebvre-Durufle  a  la  derniere  Assembl^e  gene- 
rale,  dans  lequel  I'honorable  president  de  la  Societe 
t'aisait  remarquer  Tariditi  des  geographies  elc^mentaires 
mises  entre  les  mains  de  la  jcunesse  frangaise  et,  par 
opposition,  I'allrait  des  trailes  seniblablos  [lublies  en 
Angleterre  et  aux  Ktats-Lnis,  et  il  saisil  celle  occasion 


(  395  ) 

pour  proposer  a  la  Commission  centrale  de  fonder  un 
prix  en  faveur  du  meilleur  ouvrage  execute  d'apres  le 
plan  indique  par  M.  Lefebvre-Durufle.  Les  fonds  de  ce 
prix  pourraienl  6tre  fails  soil  par  la  Societe,  soil  par 
souscriptions  ou  par  ces  deux  modes  a  la  fois.  Dans 
ce  dernier  cas,  M.  de  la  Roquette  offre  de  souscrire 
pour  une  somme  de  50  francs.  Celte  proposilion  est 
appuy6e  et  renvoy^e  a  la  section  de  comptabilit<5  qui 
I'examinera  el  fera  son  rapport  a  la  prochaine  seance. 
M.  Tremauxlil  une  Notice  sur  I'esclavage  au  Soudan 
oriental  et  sur  I'influence  qu'il  exerce  sur  les  moiurs. 
Cette  Notice  est  renvoy^e  au  Bulletin. 


(  300  ) 
OLVRAGES  OFFEUTS 

DANS  I,KS  SEANCES  DES   l'"^   FT   1")  JUIN   ISft"). 


KIROPR. 

Tllres  des  oiiviaijes.  Donatenrs. 

Description  do  la  Crimee  surlout  an  |>iiiiil  <ln  viif  ile  ses  liRiies  <1p 
rominunic.-ilion.  Moiio<>rapliie  geojTr.ipliique  et  lopofjraphique, 
avpc  line  lartn.  :  vol.  in-8".   Paris,   18.').').  M.  ScHNiTzi.Ed. 

r.echerches  sur  la  religion  et  le  rulte  des  popiilaiioiis  priinilives  de 
JaGrece.  1  vol.  in-8°.  Paris  "855.  M.  Alfred  M\rnv. 

CARTES  ET  ATI. AS. 

Les  monuments  de  la  geograpliie,  ou  Recueil  d'anciennes  cartes 
europeennes  et  oileiitales,  publics  en  fae-simile  de  la  {jiandeur 
des  originaiix,  etc.  4*  livraison,  in-P.  M.  Jomahd. 

Erganzunfjen  zu  Stieler's  atlas.  Der  Osterreichisclie  Kaiserstaat.  i"  li- 
vraison de  8  feuilles.  Gotha,  i855.  —  Wand-atlas  von  E.  von 
Sydow.  N°  V.  Nord-America.  IS°  VI.  Siid-America.  Gotha,  i855.— 
Scliulwand-Karte  von  F.  von  Stidpnagel.  Politische  vebersicht  von 
DeutsclilanJ.  Gotlia,  i855.  M.  Justus  Pehthes. 

Carle  gcnerale  des  vents  dominants  a  la  surface  des  mers,  pendant 
les  niois  de  Janvier,  fe'vrier  et  mars,  et  pendant  les  mois  de  juillet, 
aotit  et  septembre.  2  feuilles.  Le  cap.  de  vaisseau  Lartigue. 

OrVRAGES  GfeiSERAUX,  MELANGES. 

Comptc  rendu  annuel  adresse  a  S.  E.  Mgr.  de  Rrock,  ministre  des 
finances,  par  le  directeur  de  I'observatoire  physique  central  de 
Russie.  In-4°.  Saint-PetersLourg,  i8.54  M.  Kl-pkff.b. 

De  I'introduclion  des  Armeniens  catholiques  en  Algerie.  Br.  in-8°. 
Paris,  i855.  M.  A.  Babbik  nu  Rocaoe. 

Guide  general  des  assurances  niaritimes  cl  fluviales,  contenant  des 
instructions  indispensables  aux  capiiaines,  armatenrs,  iharfjenrs. 


(  307  ) 

Tiltes  des  ouviages.  Duiiateuis. 

consuls,  courtiers,  assures  et  assureurs  ile  loutes  les  contre'es  iiia- 
ritinies  du  globe  ;  les  polices  et  des  observations  sur  les  usages  do 
chaque  lucalite  oii  il  se  fait  des  assurances  maritimes,  lluvialej  et 
de  transport,  i  vol.  in-8*.  Paris,  i855.  M.  Lafokd  dk  Luncy. 

l/Aspbodele,  ses  applications  industrielies,  alcool,  papier,  carton. 
Broch.  in-8°.  Paris,  1 855.  M.  Pinondei.  de  Labertoche. 

Notice  biographique  sur  les  Egede.  i?r.  in-8°.       M.  De  la  RoQUErrE. 

MEVIOIRES,  RECUEILS  ET  JOURNAUX  PERIODIQUES. 

Bijdragen  tot  de  Taai-Land-en  Volkenkunde  van  Neerlandscli  Indie. 
3'  vol.  'SGraveidiagc,  1855.  I^sT.  hoy.  des  Indes  oniEjir. 

Mittlieiiiingrn  iiber  wiclitige  neue  Ert'orscliungen  auf  dem  Gesamint- 
biele  dor  Geographic.  N"  II  et  III.  Gotha,  i855.  M.  A.Peteiimann. 

Proceedings  of  the  Royal  Society.  Vol.  VII.  N"'  I  I  et  12.  —  Journal 
of  the  Franklin  Institute.  Mars.  —  Zeitsclnift  fiir  Allgeineine  Erd- 
kunde.  Janvier  et  fevrier  i855.  —  Nouvelles  annales  des  voyages. 
Mai.  —  Revue  de  I'Orient.  Mai.  —  Bulletin  de  la  Societe  geolo- 
gique  de  France.  Feviier.  —  Bulletin  de  la  Socie'te  zoologiquc 
d'acclinialation.  Mai.  —  Journal  des  missions  evangeli<|ues.  Mai. 
—  Annales  de  l,i  propagation  de  la  foi.  Mai.  —  L'Investigateur, 
journal  de  I'liistitul  histoiique.  Fevrier  et  mars.  —  Journal  d'e'dn- 
cation  populaire.  Avril-niai.  —  L'Atliena3um  francais.  W  2i  et  23. 

Les  EniTELns. 


(  398  ) 

TABLE  DES  MATIERES 

COSTESCES 

DANS    LE    TOME    IX    DE    LA    4«   SfiRIE. 

N"  49  a  5U. 

(Janvier    a    Juin    i855.) 


MEMOIRES,    ETC. 


I'agv). 


Extiait  d'une  lettie  de  M    Flermann  E.  Ludewij;  a  M.  Jornard, 

membre  de   I'lnstitiit 5 

Ue  I'hisloire  des  aborigenes  du  Mcxique,  par  M.  Hermann  Lu- 

dewig 6 

Lettre  de  M.  le  commandant  dii  genie  Faidherbe  a  M.  Jomai  d.       34 

De   la  {jiammaire  seiere,  par  M.  raidherlx- 35 

Memoiie   sur  Ic   ragle  ou  lialluciiiation   du   desert;  par  M.   le 

couite  d'Escayrac    de    Lauture 121 

Quelques    details    sur    les   prelendus    hommes    a    queue,    par 

M.  Tremaux.    • i3q 

Notice  sur  le  voyage  de  M.  Charles  J.  Aiidersson  dans  le  sud- 

ouest  de  I'Afrique,  par  M.  Alfred  Maury i/{q 

AssEMBLEE  CENEtiALE  DU  27  AVP.ii,  I  855 Dlscours  de  M.  Le- 

febvre-Durufle,   senateur 241 

Rapport  sur  le  prix  annuel  pour  la  de'couvertc  la  plus  iinpor- 

tanle  en  geographic,  par  M.  Daussy,  rapporteur 25n 

Pris,  pour  I'importation  en  France,  des  especes  les  plus  utiles  a 
Tagriculture,  a  Tindustrie  ou  a  rhumanile,  par  M.  Jomard, 
rapporteur 260 

De  I'influence  que  le  canal  des  deux  mers  exercera  sur  le  com- 
merce en  general  et  sur  celui  de  la  mer  Rouge  en  particulier, 
par  M.  le  comte  d'Escayrac  de  Lauture 2^4 

Notice   hiographique   sur   le   general  Semino,   par  M.   de    la 

Roq"elle 298 

Note    sur   la   position    de  Teii-Boktoue    resultant    du    dernier 

voyage  du  docteur  Barth,  par  M.  d'Avezac 3o8 

Memoire  sur  la  route  de  Zeyla  a  Harar  (AFrique  orientale), 
par   M.  Rich.  F.  Burton 33-, 


(  399  ) 

Pages. 

Notes  sur  I'etat  present  du  Sennar,  sur  son  avenir  et  son  in- 
fluence sur  lavenir  de  I'Egyptc,  par  M.  Brun-Rollet 362 

ANALYSES,    Ki'   IIAI'POUTS,   ETC. 

Rapport  sur  1111  travail  de  M.  II.  Martin,  intitule:  «  Examen 
11  d'un  inenioire  poslhume  de  M.  Letronne  et  de  ces  deux 
11  (piesliuns  :  1"  la  circouferunce  du  globe  terrestre  avait-elle 
>i  e'to  mesuree  exaclement  avant  les  temps  liistoriques  ;  2°  les 
>i  erreiirs  el  les  contradictions  de  la  yeographie  mathetna- 
>i  lique   des    anciens  s'explirpient-elles   par   la   diversile  des 

stades   et   des    niilles.   «   Par  M.  Sedillot ^2 

Observation     addiiionnclle     au     rapport     qui    precede,     par 

M.   d'Avezac 5i 

Types  des  races  bumaines  (Types  of  mankindj,  par  MM.  Nott 

et  Gliildun.  Conipte  rendu   par  M.  Guslave  d'Eichthal.   .    .        53 
Rapport  sur  I'ouvrage  intitule:  Geoijraphi grivci  minores^  avec 
coinnientaire  et  atlas  de  29  planches,  par  M.  Charles  Midler. 

—  Par  M.  Isandjert 65 

Expedition  de  I'Afrique  cenlrale,  publie'e   par  M.  Aug.   Petci- 

mann,  Analyse  par  M.  Joniard 6q 

Rapport  sur  la  carte  physique  et  mete'orologique  du  globe  ter- 
restre  comprenant  la  dislribution  geoffraphique  de  la  leni- 
pe'rature,  des  orages,  des  vents  et  des  neijjes,  par  M.  J.-Cli. 
Boudin,   me'decin    en  chef  de   I'hopital    inilitaire  du   Roule. 

Par  M.   Alfred  Maury ,  y4 

Rapport  sur  I'exploration  dela  vallee  de  I'Amazone  par  lis  lieu- 
tenants de  la  marine  des  Etals-Unis,  Herndon  et  Gibbon, 

en  i85l-l852;  par  M.  Isambert inn 

Report  of  an  Expedition  down  the  Zuni  and  Colorado  Rivers, 
by  capt   L.  Sitgraves,  corps  topographical  cn^jineers.  Wash- 
ington,  i853. 
Expe.dition  au  Rio  Colorado  et  a  la   riviere  Zuni;   rapport  du 
capitaine  L.  Sitgraves,  du  corps  des  ingenieurs  topographes. 

Washington,  i853.  Compte  rendu  par  Morel-Fatio 372 

Note  sur  la  carte  du   cours  du  Mareb,  par  M.  Jomard.     .   .    .     882 

Note  sur  la  Coree 383 

Comparaison    des   vocal. ulaires    Otjiherero,    Bayeye  et  Ghjili- 

manse;  d'apres  M.  Andersson 384 

NOUVELLES   ET   COHMllMCATIONS. 

Kouvelles  concernant  le   doclenr  Barth 86 

Expedition  par  un  steamboat  dans  I'interieur  de  l'Afri(|ue.  .    .        89 
Nouvelle  carte  de  TEspaflne 91 


(  400  ) 

IJcL-linaison  nia^jnciiquc  ilans  la  iiier  Aili-ia(i(|iu- 93 

Cominunicalioii  de  M.  S.  liorlhelot  sur  uiic  iiouvcllc  datt-o   de 

Sainte-Croix  de  Trnciitfe,  du  5  dt'ccinbre   l85.{ <)3 

Considerations   sur  la  carle   geograpliique  du  Nicaragua  ,   par 

M    Myionnet-Dupuy y-r 

Notice  sur  la   carle   de    la  France  proteslanie,    dressce  par 

M.  CI).  Read.    Par  M    Alfred  Maury I02 

Extrait  de  deux  letlres  de  M.  le  cotnle  d'Kscayrac  a  M.  Jomard.  217 

Etudes  elhi)ograpliic|ues  de  M.Th.  Valerio,par  M.  AUVed  Maury.  218 

Carte  de  la  CorJe,  par  M.  Jomard 222 

Extrait   d'une    leltre  de  M.    le  comle    d'Escayrac   de   Lauture 

a  M.  Jomard 3l3 

Kouvelles  de  I'AFriqiie  rentrale.  —  Rencontre  du  docleur  Barlli 

el  du  docleur  Vopcl 01  4 

Population  chinoise  dv  la  Californie 3l6 

Depart  de  M.  A.  de  Gobineau  pour  la  Perse 3l6 

Programme  des  prix   proposes    par    la  Socic'tc  de  georrapliie 

en  i855 3i8 

NoiivFLi.Es  nivERSES. —  ISouvelle  pnhlication  du  lieut.  F.  Maury.  227 

Navigation   de  I'Amazone 227 

Mori  de  M.  J.  De'saugiers 228 

ACXnS   DE  L\   SOCIKTi;. 

Extraits   des   proces-verbnux  des  seances  de  la  Commission 

centrale 106,  280,  32i,3yi 

Ouvrages  offerts  a  la  Societe 118,  238,  333,  3f)6 

Errata 240,  336 

Table  generale  des  matieres  du  tome  IX 3r)8 

Pt.ANCllES. 

Carte  de  In  (^oree  d'apres  I'original  dresse  par  Andre  Kim  en  i84(j 
et  otfert  par  M.  de  Montigny,  reduite  a  la  moitie  par  M.  V.-A. 
Malte-Hrun,  i855. 

lOsquisse  do  la  partie  du  bassin  du  Rahr-cl-Abiad  comprise  enire 
les  11*  et  5*  flegres  de  latitude  nord,  dresse'e  en  mars  et  avril  l854, 
par  M.M.  A.  Vayssieres  et  Mal/.ac,  reduite  a  la  moitie  de  Toriginal 
par  V.-A.  Malte-Rrun. 

Carte  du  eours  du  Mareb  et  d'une  partie  de  la  liaule  Nubie,  par 
MM.  Vayssiere  et  Malzac,  coinmuniqne'e  par  M.  d'Escayrac  de 
Lauture  et  reduite  par  M.  V.-A.  Malte-Rrun,  aux  deux  tiers  de 
I'originai  i855. 

FIN    HE    LA   TABLE    DU    Ix'    VOLUME. 


'4"9tmijt-ren 


'in-  RMrt.m    J,.t,mf>rr^-- 


XV 


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X.-J}.   ■n.ulc.r  l.-.v  Trit         '    I'    I    h 


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B.  Kviui/a-utn  dcJfou.i 

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