^.^38-JL.kY.
BULLETIN
DE r.A
SOCIETE DE GEOGRAPHIE.
TOME XZ.
COMPOSITION DU BUREAU OK I.A SOCIJ^T^
PODR 1854-1855.
PrSsiJent. M. Hip. Fortoul, iiiiuistre de riiislniclioii |)iililiqiir
„ , . , I MM. GuiGNiAiiT, meiiibrt! de I'lii'tlitiit.
rice-PrestdettCs. { , _ ...
I LEFKBvRE-Uunt'KLE, seiialeiir.
4 MM. Hin. udchanoy.
Scnitntetirs. l .. j e-
I rerd. fabre.
Secretairr. M
COMPOSITION DU BUREAU DE LA COMMISSION CENTKALK
POUR 1854.
President. M. Guickuot (de I'liiStiliit).
yice-Presideins. MM. d'A\ezac <t\ Jomard (de I'lostitllf).
Secretaire geiierul. M. Alfred Maury.
Secretaire adjoint. M. V.-A. Malte-Brum.
Section de Correspondance .
MM. A. d'AI)b<idi»', cuit. de I'lnsliUil. MM. Iniheil des Molleleltes
geiierul Callier. Lafoad.
Coclielet. Ph. Lebas, menibre de riiislitii'.
Diifliit de Murrii<^. Meissas
C* d'Esrayrac de Laiitiire. Noel-Desvrrger.«, rorr.de I'lnsl.
Ferry. I'oulaiii de Kos>ay.
Section de Publication.
MM. Alliert-Monlemonl. MM. Mauroy.
CorlaDibert. Moiel-Falio.
Daiissy. Pievosl (C'onslaiil;, m. de I'lnst.
de Froberville. V" de .Saiilarein, corr. de I'lnsl.
CI. Gay. Sedillol.
Jacobs. Teruaiix-CoDipaiis.
Section de Coniptabilite.
MM. Deraersay. MM. Isanibert.
Dticliaiioy. De la Roquetle.
Gamier. Lowenstein.
Archivist e 'bibiidtheca ire .
M.
Tresorier de la Societe.
M. Meignen, uotaire, rue Saiut-Honore, 370.
Menibres adjoints.
MM. geueral .Auvray. M. H. Hecquard.
G. d'Eicblhal.
M. Noirol, agent dc la Soriete, ru« Chiistine, J.
BULLETIN
DE LA
r r
SOCIETE DE GEOGRAPHIE
KfiDIGfi PAR LA SECTION DE PUBLICATION
ET MM. ALFRED MALRY,
SECR^TAIRK GENERAL l)£ LA COMMISSION CENTRALE,
El'
VA. MALTE-BRLW,
SECRETAIRE ADJOINT.
QDATRl^ME SfiRlE. — TOME NEUVlftME.
ANN15;E 1855.
janvier - juin.
PARIS,
CHEZ ARTHUS-BERTHANi>,
LIBRMRE DE LA SOCI^T^ DE G^OGUAPHIE,
HUK ■AUTEFEUILLB, M" II.
1856.
LISTE DES PRfiSIDF.NTS HO.NORAlRHS Dli L\ SOCI£t£
DF.PDIS SON ORIGINK.
MM.
De Lapi.acb.
De Pastoret.
De CHATKArBRIAND.
CiiAnnoi. DE Voi.vtr.
Becquf.y.
Ai.EX. DE HiiMEOLDT.
CUABROL DE CrOUSOF..
Georgi's CuviER.
Hyde de Necviixe.
Due do DoiIDR^UVtI.I.E.
J.-B. Eyries.
MM.
Le vico-amiral de Rii;ny.
I.p riiili'o -aniiial Dumokt
d'Urvim.e.
I)iic Decazes.
I." (Je MoMAI.lVET.
Dl- I'.ARANTE.
Ia- ijuncral Pei.et.
GuiZOT.
De Sai.vam)y.
I'lJPINIFR.
Ue I.AS C^xsES.
MM.
Vm.i.kmain.
Ci;NlN-riRIDAINR.
L'l'iniinil RoiJSSiN.
L'amiral ile Mack.au.
Le vict'-aniiral HAi.o\n.
WAt.CKEWAER.
C" M01.K.
JoMARD.
he coiitre-aiiiiral Mathiiu.
Ki- vico-amiral I v Place.
LISTE DES CORRESPONDANTS tfRAiVGERS DANS L'oRDRE
DE LEUR nomination.
MM.
H. S. Tanner, a PhilaJilpliir.
W. WooDBRiDGE, a Hoslon.
Le It-coL Edward Sabine, a Loiidies.
Le docteur KErNOANUM, a Rerliii.
Le durleur Richardson, a Londres.
Le prolesscur Rafn, a Copenliagiie.
AiNSWoRTH, a EdiubourL'.
Le colonel Long, a Louisville, Ky.
Le capitaiiie Maconochie, a Sydney.
Le ciinseilkr de Mackdo, a Lisl)onne.
Le professi'iir Kari. RiTTER, a Berlin.
Le cap. John Washington, a Londres.
P. DE Angef.is , a liuenos-Ayres.
Le docleiir Kriegk, a Francfoi I.
Adolpiie Erman. a P)i*rlin.
Le docleur W'ArrAts, a Goellinqiie.
MM.
Ferdinand de Luca, a tVaples.
Le docleur Raruffi, a Turin.
I e liciil.-ool. Fr. Coem.o, a Madrid.
Le prol'isseur Munch, it Clirisliania.
Legen. Albei IDE la Marmora, a Turin.
Fiilgence F'resnel, a Mo'-soul.
(;h. Scheffer, ,i Conslauliiioplc.
Le proffsseur Paul Chaix, ;i Geneve.
J. S. AiiKRT, colonel des ingenieurslo-
pograplies des EUls-l'nis.
Le prol'rssenr Alex. Bache, surinten-
dant du <7ort-if-5Hre«'x,auxElats.Uni'i.
Lepsius (Richard), a Berlin.
De Martius, a Munich,
KiEPERT (Henri), a Weimar.
pETERMANN (Augusliis), a Golha.
LISTE DES CORRESPONDANT.S ETRANGERS QUI ONT OBTENU
LA GRANDE .MfiOAILLE.
MM.
Lecapil. sir J. I'KANKLrN, it Londres
Le capilaine Graah, a Copenhague.
Le capilaine sir. John Ross, a Londres.
.MM.
Le capilaine G. Back.
Le capilaine James Clark Ross, a Lon-
dres.
rnris. — tmpiimrrie ile L. MARTINET,
riic Mignoti, 8,
BULLETIN
DE LA
SOCIETE DE GEOGIUPHIE.
JANVIER ET FEVRIER 1855,
liciiioires, etc.
EXTRAIT
d'une letthe de m. hekmann e. luuewig a m. jomard,
MEMBRE UE l-'lNSTITUT.
New-York, 23 septeinbte l854.
Monsieur,
Permettez-iuoi de vous injporluner encore par
I'envoi d'un de ces Iravaux que poiirsuit ma perseve-
rance sur mes anciens amis les aborigenes du Mexique,
ra^moire que je dois lire dans la seance de notre Societe
ethnologiqiie samedi prochain, le 30 de ce mois.
.I'ai compose ce pelil essai pendant les chaleurs
excessives de cet ete, et il y avail des seniaines enti^res
ou je ne poiivais proliter que de deux on Irois heures
de loisir; il ui'a done fallii nn long lemps pour le finir.
J'ai lache de presenter a nos elhnologistes lesvuesque
m'ont suggerees les eludes que j'avais enlreprises,
avanld'enlrer dans la carrieie de la jurisprudence (I),
(i) M. Heniiniin V. Lmlewiy est juiiscoiisulle cotniiie etait M. L)u ■
itonceau, president de la Sociele pliilosophique ame'ricaine mon
aiicien correspondant. E.-J.
( « )
sur les antiquil^s inexicaines et qui m'ont occup*^
toiites les fois fine j'avais rficcasion d'y penser. Je ne
sais pas si elles sont jiislfs e\ jo prie tnos amis litte-
raires de m'inforuier sur ci; polnl-la.
Je serais henreux que vous consentissicz a examiner
ce travail el a me dire ce que vous en pensez; el
corame j'esp^ro irouver plus lard une occasion de
conlinuer mes eludes, voire oinnion, mieux que toule
autre, m'lndiquera la meilloure direction dans laquelle
je pourrai proceder. En 1851 el 1852, j'ai compose un
ou\rai;e intitule Literntitre of nmerican aboriginal lin-
guisticx , doniiunl, d'apres Adelunf?, Vater el July
( professeur a Cracovie ou a Lemberg ), une lisle bi-
ijliograpliique des grammaires et voraUulaircs, publics
en plus de 200 langues indiennes de noire continent.
Cette lisle forme un manuscril de plus de AGO pages
in-l'olio el m'a coute heaucoup de travail : je I'ai
envoyeo h M.July P'»ur en faire usage dans la nouvelle
Edition de son ouvrage qu'il est en train de puldier.
Hermann E. Ludewig.
DE LHISTOIRE UES AliORIGfeNES DL MEXIQUE.
FAB M. HEIIMANM LUDEVVIC. (l).
11 n*y a pas de noms de peuplos plus familiers aux per-
sonnesqui sesonlllvreesa I'etudede I'liistoire primitive
duMexique,que ceux desTolleques, des Chichin^eques
(i) Ce memoir.', destine d'al)oiil a la Sociele elhiioIo;;i<|ue cl<-s
Etats-L'ni-s a ete iraduit sur le manuscritde I'autcur aimuel la Society
( 7 )
etdes Azt^ques; on relrouve ces noms presque Achaque
page de cette histoire. Et cependant mil d'enlre ceux
qui ont le plus approfondi cette 6tude, n'est en etat
de repondre d'line niani^re satisl'aisanle a celle ques-
tion: Quelles 6laienl ces nations? et quel veritable
role ont-elles joue dans I'liisloire g^n^rale du iVlexique?
Je m'adressai aussi cette demande, il y a quelque
sepl ans, en esquissant un memoire qui a ele lu,
en 1840, a la Society ethnologique am^ricaine. Je pre-
nais alors connaissance de plusieurs des plus impor-
lants documents pour Tethnologie des aborigenes du
Mexique el de I'Amerique centrale. C'est le resultat
des recherches que je fis alors et que j'ai poursuivies
depuis, que je soumets niaintenant a I'appreciation du
public ; recherches qui ne sont qu'un aper^u destin^
a servir do point de depart a des travaux ulterieurs
dirig^s par des personnes plus versees dans la rhatiere
et plus a nieme de puiser aux sources qu'il est indis-
pensable de consulter dans de pareiiles investigations.
Ce n'est point ici le lieu d'enlrer dans le detail de
I'histoire des Tolteqties, ('es Chichimeques et des
yVzleques deja traitee dans les divers ouvrages consa-
cr^s a I'histoire de I'Amerique. Qu'il nous suIFise de
dire que suivani I'opinion commune, les Tolt^ques,
apr^s de longues migrations, descendirent du nord
dans le territoire de I'Anahuac, en soumirent et civi-
lisferent les habitants et les gouvernerent durant plu-
sieurs sifecles. De grandes calamiles qui avaienl sin-
hiisse, bien entendu, la respon-abilite (Je ses assertions ingenieuses et
peut-etre souvent hasardees. On a aussi respecte la forme et le style
de I'auteur qui prend dans la version frantjaise une physionomifl
parfois singuliere. Alfred Maury.
( 8 )
^ulierement reduil leiir iiombre, lesforcdreut d'abaii-
(lonner ce pays. lis furent rcinplaces quelqiies annees
apies |)ar une iialion sauvage et pillarde, les Chichi-
mequesvenus aussi du nord, el qui se re|)aiidircnl par
masses, au nombro de plusieiirs millions, dit-on, dans
lij conlree devenuc d(!!serte; ils londerenl un empire
qui lomba plus lard enlre les mains des Mexicains ou
Azteques, nation qui, elle encoro , etait emigr^e du
nord dans I'Anabuac, et qui se trouvait en possession
du lenitoire au moment de I'arrivee des Espagnols.
Ceux-ci donnerent au pays le nom d'empiro du
Mexique, lequel a depuis prevalu. Ces trois jieuples
venaieul des conlrees fort eloign^os dans le nord,
comme le conlirment los lemoignages des bierogly-
phes mexicains. Les Tolleques elaient en possession
d'une ci\ilisalion rclativemenl a\ancee qu'ils implan-
lerent cliez les sau\ages aborigenes de TAnabuac. Les
Cliicbimeques, au contraire, se Irouvaient dans un etal
grossier; ils vivaicnt de la chasse ; mais en se melant
aux debris du pcuple qui les avaient precedes, et par
un elFet de leur sejour sous un climal plus doux, ils
se civiliserenl.
Les Azleqnes ne paraissent guere s'etre dislingues
que par leur bravoure, leur porlidie ot leur culle san-
guinaire. lis parlaient, dit-on, connne les Tolt^ques
et les Cliicbimeques, une seule et meme langue , a
savoir le nahuatl ou mexicain, que Ton appelle aussi
I'azteque.
Tels sont les fails admis jus([u'ici, mais des eludes
plus critiques aous onl amen6 l\ les tenir en grande
partie pour errones; ellcs nous ont appris a peu tenir
comple , dans les idees dillercnles auxquelles nous
( 9 )
avons ete couduils, ties imaginations et des fables d^-
bilees par les populations sauvages, on lociieillies par
la credulity des missionnaires es[)iignols et memo soii-
teniies par de soi-disant arclieologues. Bernal Diaz ,
en efl'el , nous rapporte que I'arriv^e des premiers
Indiens de I'Amerique en Espagne donna roccasion
aux savanls de ce pays de batir au plus vite les plus
elranges theories sur Torigine de ces peuples; ot Ton
peul dire que Ton n'a gu^re precede difleremmenl
depuis dans les memes Eludes, et en courant apres les
liypollieses les plus eloignees, les auteurs de ces re-
cherches ont neglige la plus naturelle des suppositions,
celle d'une population indigene. Et des lors la manie
d'allribuer a la civilisation aborigene de notre conti-
nent une descendance apostolique de I'ancien monde
passee a I'etat incurable, pendant plusieurs si^cles,
nous a valu I'hisloirc imaginaire des emigrations ©pu-
rees par des millions d'bommes du continent asia-
tique sur la cote glac^e de I'Amerique russe, a travers
les lorets impenetrables de I'Oregon, les plaines d6-
sertes et steriles d'Llab el du nouveau Mexique. C'esl
dans ces deserts que les millions d'emigrants ont,
dit-on, conslruit plusieurs villes, les Casus grandes des
bords des Rios Colorado, Gila, et Chihuahua dont les
mines sent encore visibles el prouveraienl, si i'on en
crojail les traditions rapportees ci-dessus, que plus
heuroux que les voyageurs modernes qui ont vaine-
ment tente de traverser ces solitudes, les emigrants
asiatiques trouverent la une vie abondanle et Facile, et
^leverent des monuments destines a perpeluer ou leur
mauvais gout ou leur folic. Heureusemenl des de-
cou\erles geographiques failesdans ces derni^res an-
( 10 )
iiees, nous ont doting des idoes plus raisonnables, el
personne nc pourrait |)lus sorieusemont odinellre
aujourd'luii que des millions de Cliichim^ques erre-
roul a travel's one contr^e ou, pour nous seivir des
paroles do Kit Carson, veritable connnisseur dn pays,
un loup nieine niourrait de (aim.
C'est soulemeiit depuis pen que la crilique liisto-
rique a commence a jeler quolque luniiere sur I'his-
toire des aborigenes de I'Einpire mexicain et la manifere
dont s'esl peupl^ cot empire. Feu noire honorable
president, Albert Gallatin, dans ses Notices sur /cs
nations detni-civilisees dit Mexiqiie, nous a presenle un
aper^u trace de main de mallre, des tradiiicms toll^-
ques, cliichim^ques el azt^ques, sur leur dogr6 de
probability et d'invraisomblance ; d'un autre edit'?,
M. I'abbe Brasseur, de B^urbourg, a rtH.emment lente
dans ses qualre lettres pour servir tC introduction a Ihis-
toitv des aborigenes du Mexique, de combiner les tra-
ditions liisloriques de I'Amerique centralc avcc celles
du Mexique : c'esl la assur^nient un grand pas de fait
dans la bonne voie. Cet ^crivain a montre que les
Tolteques venaient plutol du su I que du nord, et que
les jirovinces du Yucatan, <le Cliiapas et de Guatemala
ont ete le berceau de leur civilisation. Malheureuse-
nient il a e.ssaye de laire remontei celle civilisation a
I'ancien monde, an lieu de lui reconnallre une ori-
gine autoclillione. L'abbe Brasseur qui consid6re les
Quichel de Guatemala el les Cbichinieques comme
uiiis par une parenle ^troile, explique ce dernier
nom par les mots quiche-mecatl, c*est-a-dirc confedera-
tion Quicbet. II compte quatre p^riodes pour le grand
empire cbicliim^quc, k savoir : la periode chane-fiiiche.
( 11 )
duranl laqiielle Volaii et ses successeurs les Votanides
Iransplant^rent la rivilisation liehraique dans les
deserts du Yucatan, du Chiapas; la p^riode Tiilkn-
Ulmeca durant laquelle regna la dynaslie du second
Votan, c'est-a-dire les Tolleques; la p6riode Cholnllane
duranl laquolle cette dyiiastie tomba en decadence et
finit par disparaiire; enfin, la p^riode guatitnalleco-
mexicaine qui fut marquee par I'invasion des tribus
sauvages du nord dans loul I'cmpire Quiche -Tullcca,
el dans Ic cours de laquelle les IVlexicains parvinrent,
a force de cruaute et de Irahisons, i la superiorile et
au pouvoir donl ils etaient en possession a I'arrivee
des conqu(^rants espagnols. II y a beauroup de vrai-
semblanoe, je cvois, dans les vues de cp savant eccl6-
siaslique, toutefois son travail parait cc)ntenir trop de
cos donnees ni\ lliologiques ol elhnologiques, qui lui
onlevent |)resque aulant de valeur qu'aux vieux liisto-
riaflores espagnols. II ne peut y avoir de doute qu'au
fond de toutes ces fictions et de ces iuiaginalions doivent
so cacher des fails qui, si on les pouvait debarrasser
des fables indiennes qui s'y sonl melees, et les r^duire
a leurs plus siiii|iles lermes , deviendraient intel-
ligibles a lout le monde; mais I'archeologie conqiar^e
ne nous doune pas les moyens d'operer celte separa-
tion. EUe 6gare le Iravailleur dans un labyrinthe de
l^tnoignages grecs, hebreux, egypliens et pheniciens,
au milieu duquel il perd, non-seulement la veritable
direction de ses recherclies , mais encore le d^sir
d'avancer davantage.
Je ne crois pas, du roste. que Ton puisse, dans la
recherche qui nous occupe, lirer un profit r^el de
I'etudede I'archeologie de I'ancien monde. Saus doutd
( 12 )
si 1 Aiuti'iquo avail etc conmie ilu vieux coulineul
il eiil ^te ingiat vu hicii orgueillcux de la pari de
celui-ci d'oublier si lotalement el do perdie do \uo a ce
point I'autre, qii'il s'est vu I'orci! de ledecouvrir mieUjue
qnalorzo conls on quelque deux millc ans plus lard.
Pourquoi apres ccla rocourir a dcs cuiigies cliasses
de leur pays el oubliesPPourtpioi poursuivre a Iravi-is
des Luilliers de fails quelques larcs analogies sans va-
leur d'applicaliou ? Notre noble conlinent est assez
vaste et assez vieux pour avoir son arclieologio a lui,
el los nialeriaux de cello archeologie ne le cedent point
en inleret a ceux de I'ancien nionde , lorsqu'on les
envisage d'un point de vue auiericaiu et non a iravers
les prejuges lilleraires de I'archeologie europeenuc.
Comnien^ons par reunir les materia ux de noire propre
archeologie, souinellons-les a une analyse critique
et un ordre methodiquc en prenant seulement pour
guides les principes que nous fournit I'liisloire nalu-
relle de I'lionime qui, a peu d'exceplions pros, de-
meurent les in6mes pour tons les leinps el lous les
pays; et quand nous y aurons relrouve Ic veritable
caraclere des liens qui unissent, et onl loujours uni
les homines el qui les unironl elernellemenl, alors
nous pourrons jeler les yeux autourde nous, et orner
la capitale donl nous nous serons rendus maltres, avec
les fleurs (jue des etudes comparees nous onl permis
de cueillir dans les jardins plus riches el mieux cul-
lives de i'ancien monde. En sui\anl la marche qui
vienl d'etre indiquee dans lebut d'obtenir une reponse
aux questions que je me suis posees d'abord, on est
conduit a admellre que TAmerique cenlrale el le
Mexique elaient au nombre descontrees les plus riches
(l:i )
(le la terro, qu'elles avaiiMit une noinbreuse popula-
tion indigene, laqiiello demeura dans «n elal floiis-
sanl pendanl une longue periode ; que cello popu-
lation passa par tous les degres inlermediaires de
societes humaines religieuse el polilique, avant d'ar-
river a une condition politicjue, resserree par un lien
plus etroit, sous I'influence de quelque chef sacerdotal
ou niililairo dans la lamille duijuel le pouvoir devint
h^reditaire.
La tranquille exislence de pareilles populations dans
leur elat primitif de honheur ne saurait allirer beau-
coup I'allentionde I'liistorien, qui ne s'attache qu'aux
agitations de la guerre et aux consequences de la tyran-
nie donl esl troublee la paisible existence des peuj)les
au bonheur desquels on peut bien appliquer I'adage:
bene qui latiiit, bene vixit.
Nous renconlrons en ellet a loutes les epoques de
riiistoire du Mexique, telle que la tradition nous I'a
conservee, une population aborigene sur laquelle les
tribus envaliissantes exercent leur oj)pression. Cette
bistoire vraie, pour le fond, ne s'occiipe que peu de ces
aborigines, etmemesouvenl les neglige completenient,
el n'a que des eloges pour leuis oppresseurs, qui, par
un effet de I'eloigneinent auquel ils apparaissent dans
le temps, sont ordinairement grandis aux proportions
de grants ou de heros, el nienie a la fin transforines
en dieux. — Deux nations se distinguenl enlre les po-
pulations aborigines du Mexique el de I'AuKirique
centrale, a savoir : les (Jiiic/ie de I'Amerique cenlrale,
et les Nahuatl du Mexique. L'une et I'autre compre-
naient un certain nombre de tribus parlant des langues
legerenienl diff^rentes; circonstance qui nous montre
( l/l )
qu'elles elalenl issues d'une nieme souche. J'ai deja
eu riionneur, dans un travail In i\ la Sociele etlmolo-
gique, d'appeler I'aUenlion cle cette Compagnie sur
I'exihlence de nombreuses Iranslorinations ct do clian-
gemenls arbilmires (ju'dOViTit Ics ianj^ues de.-> ualions
tlu nouveau uiondc, usage naliirel ot uiuverst;! cUei
toules les Iribus errautes al)origem.'s du lAm^rique,
mais qui n'alt^re pas cependant le caraclere g^iierique
de ces languc-s. II osl ais6 de reconnailre qu'elles ap-
parliennenl a uoe seule et m^iiie fannlle. Les langues
niaya, quiche el Isendal [celiial] prcsentenl celte ailinit^
commune, et ^laient pariees ainsi que plusieurs aulres
dans les paysquenous appdons mainlenant Yucatan,
Chiapas et Guaten)ala. De ces trois langues, le maja
etait ceitainement la plus cuiliv^e et est, en conse-
quence, celh qui a le plus altire lallention et I'elude
des Espagnols. Le caraclere de la plus haute antiquile
est empreiut sur ces idiouies. Joints aux teinoignages
que nous fournissent toules les sources de I'hisloire
des aborigenes de I'Amerique, ils nous administrent la
preuve que la civilisation de la partie cenlrale de ce
continent elait la plus ancienne, et qu'ainsi, comme
c'est la loi ordinaire , la civilisation a suivi dans le
nouveau monde ladiieclion du sud au nurd. Le climat
propre a I'Amerique cenlrale lit miirir plus lot les
Iruils de la civilisation dans le Mexique t>eptentiional,
qui cependanl une itiis en possession de ce bienfait,
prit un developpemenl plus rapide et plus vigoureux.
11 n'esl point ici n6cessaire d'enlrer dans les details
que la tradition nous a rapport^s sur I'hisloire des
premiers chefs quiches. Les modernes historiens de
TAm^rique cenlrale les ont d^sign^s sous le noin de
( 15 )
Votanides et onl rapporte, sur leur pr^lendue origine
Iransatlanlique, les fables les plus ridicules. C'esl a
cette caste des Votanides que paraissent avoir appar-
lonu cesTolt^ques des liisloriens mexicains. M. I'abbti
Brasseur a receiument etabli que iesToltetpies elaient
venus do sud, et il est Ir^s vraisemblable qu'ils etaieut
sortis de Tulka qui occupalt 1 'emplacement de rOco-
singo actuel. Les diets ou caciques de cette ville peu-
venl avoir appartenu a la famille Tul, dont les derniers
membres sont bien connus sous le nom de Tutuls
{Xiu)i et Cobox). lis faisaient sans aucun doute partie
de la noblesse quiclie et, si Ton en croit la tradition
consignee dans le Codex Gondra, citee par I'abbe Bras-
seur dans sa seconde lettre, le meurtre du dernier
descendant de la dynastie regnanle de Tulha, enfant
uiineur , excila un souievement populaix'e et fut
la cause de leur emigration. lis quitlerent TuUia en
deux corps separes; I'un sous la conduite de Xelhua
est dit s'^tre rendu dans un pays appele ISonohualco,
et I'autre, queiques annees apr^s, sous celle de Jeyxco-
huall, emigra, dit-on, dans I'Anahuac ou ils soumirent
les Lllmekas et les Xicalancos, et fond^renl I'empire
Tul ou, suivantla forme de flexion nahuatle, Tolt^que
(Toltek). Cesdeux chefs |)arlirent avec toute leur suite,
et Ton peul inferer de la tradition etdes peinlures ideo-
grapbiques, que la troupe conduite par Jeyxcobuatl
effectuu d'abord une portion de son voyage par eau ;
ils arrivtrent a un point nord-est de la vallee de Mexico
et se repandirent de la dans le pays ou ils fixerent
leur demeure. II est clair que la migration de ces chefs
s'etail operee dans la direclion des lieux inconnus et,
par consequent, non p^s vers le sud, qui 6tail sous la
(1(5)
domination de leurs dominateiirs. Le voyage qu'ils
firent par eau doit avoir eu lieu sur les rivi6res qui se
jettent dans le golfe du Mexique et alors probabloment
leur itin^raire fut le golfe jusqu'a la lagune cle Tam-
pico ou Tainiaqua, ou ils paraissent s'6lre d'abord
arrel^s el dou ils pcuvent avoir ensuite remonte la
riviere Tula, qui plus tard, dans la partie inferieure
de fon cours, prfes de la rivifere Panuco, a rccu le noni
de Rio Montezuma. lis renconlrerent la des populations
parlant la langue nahuatle, et comme la tradition nous
dit fonnellemenl qu'ils chang^rent aussi leur langue,
nous ])ouvons considerer conime certain qu'a leur
arriv^o dans I'Anahuac , les Tululxiulis adopt^rent la
langue nabualle, et en possession qu'ils elaienl de divers
arts et de divers metiers, ils les enseign^rent aux tri-
bus aborigines sur lesquelles ils ne tardfereiit pas a
acquerir de I'ascendant. Nous ne savons pas exacto-
ment oii se trouvait plac6 Nonohualco, qui est cer-
tainement le No/ino^'ol de la chronique Maya et le
ISo/inial de Lizana, mais nous dcvons le cliercher dans
les provinces m^ridionales du Mexique. Les Tutuls
6migrerent, conduits par Xelhua, a Nonohualco et
exercerent vraisemblablement la meme influence sur
les populations aborigenes du pays ; car nous trouvons
les nations dc I'Anahuac reduites sous la domination
des Tutuls ou Tolleques appel^s Quicheniecatl o\x Chi-
chimccatl, parce qu'ils ^taient allies aux Quiche.
Ainsi, rEm|)ire chichim^que ne s'olTre a nous comuie
n'etanl autre que I'cnipire des peuples allii^sdesQuiclie.
Cettc elymologie du nom de Chichim^ques nous parall
bien la plus naturelle, et fort pr6f(irable a celle beau-
coup plus forcee par laquelle on fait d^river ce noiii
( 17 )
des mots Techichinany, Chicken, Chichi ou Chichiini ,
rapporles par Torquemada, Alva, Betancourt et, der-
iiierement encore, par Buschmann. En eftet, sous le
nom de Chichiinecall , pris dans son sens le plus
general, on entendait une tribu ou une nation non
divisee parlant une langue particuliere. Lcs NahuatI,
les Otomies et les tribus sauvages du nord, si toute-
fois elles etaient souniises aux Tolteques, etaient
aussi comprises sous ce nom. Et la preuve c'est que le
petit nombre d'Indiens qui liabitenl encore (]uel([ues
provinces de la republique du Mexique (Queretaro,
San-Luis, Polosi, Guanaxuato , et M^choacan) s'ap-
pellent Chichimeques ; ce qui n'est pas cependant un
indice d'une origine commune. De plus nous Irou-
vons qu'au temps de la fondalion de I'empire Chichi-
m^que , I'antique empire Quiche s'appelait Nima-
quiche, c'est-a-dire le grand Quiche, denomination
qui n'aurait pas eu de raison d'etre, si un empire sem«
blable et cerlainement plus puissant avait ete fonde a
cote de I'empire Quiche priniitif; enfin, ajoutons que
le Codex Goiulra, deja cite, en parlant de la double
Emigration des chets de Tulha, les appelle Chichimeques
pour indiquer qu'ils etaienl allies a la famille Quiche.
Get empire Quichemecall ne tarda pas, sous le gouver-
nement des chefs de Tulha ou Tululxiuh, a devenir
plus puissant que I'empire primitif. La tradition his-
torique nous rapporte qu'il etait fort peupl(!! , que
chaque parcelle de terrain daiih la vallee de Mexico
etail cultivee et que ses souverains porterent leur
domination sur une vaste Etendue de pays. On ne sau-
ralt supposer cependant que leur auloritt^ f'lU d'uii
joug facile el leger pour les nations qui leur elaiont
IX. JANVIJ'R KT FiVRIEK. 2. "2
( 18 )
fouiiiises. L^ vieux systfeine do In distinclion en serfs
et en trois classes de noblesse, hqiicl prevalul ;iussi
dans I'enipiie Quiche, el oil les Caciques, les Aliaus
et les Calpullis s'engraissaieut des sueurs des tra-
vailleurs , sc conlinua ceriainemenl dims I'einpire
Tollequo; il peut avoir ele linalemeiil la cause de ce
lu^conlenlenarnt et de celle insurrecUonpopulairoqui,
couinie la iradilion nous parlo d'une {;iande famine
ft d'une grande s^cheresse, auront el^ vraisenihla-
hlemenl amends par uno calamite du meine genre, et
se seront lern)ines par le renversement de leurs or-
gneillcux souverains et de lours adherents qui furent
disperses en dilT^rcnles direcliuns. On comprend fuci-
lonient qu'un empire aussi puissanl que cehii des an-
ciens souverains de Tulha reposaiit, ainsi quo ions les
premiers gouvcrnemcnls aborigines, suruiie large base
arislocralique, ne pouvail pas elreddlruil on un courl
esj)ace de lenq)s; il doit s'elro ecoule plusieurs anneps
avant que les discordes intestines enire les oppres-
seurs et les opprimes aient eu une lorminaison , el
Ton ne peut douter que les infortunes Maceguals ou
Ma}et|ues, les serfs de cet Empire, n'aionl ele soule-
n us par les Iribus sauvages du nord , lesquelles, ou
furonl appelees au sccours des opprimes, ou vinreut
do leur propre mouvement, appronanlle peril del'elal
quileslenaitdans unedure sujetion,el informesqu'elles
pourraienl r^nssir dans uno expedition conlre lui. Tels
onl 6t6, je su|)pose, la cause et le but du grand mouvo-
ment quo la tradition communo ddsigne sous le noui
de migration cliichimeque, et qui est le premier sou-
lavement des peuplos opprimes dont I'liisloire du
Mftxique elde I'Amt^rique centrale fasse mention. Tous
( '9 )
les (lelalis do la tradition relalivo a col evenemont
nous am^nent a croire que les plus luunhlos classes
de I'empire Tolteque eurent aussi leur lour, et la
descendance de Xololl, attril>u^e aux Cliicbinieques,
moiilre clairenienl leur | osilion et les elements dont
ils se composaienl, En efl'el , on rapporte que Xoiotl
ful le herosqui, lorsque ses freres, les enfants de i'air,
eur(Mil besoin de servileurs, desceiidil aux enfers et
en rap|)orla I'os qui, brise et arrose de sang, donna
naissance aux servileurs. Ceile tradition sur Xololl
renferme, sans conlredit, un sens profond, et nionlre
sous des coulours symbollquos, qui n'onl point ^te
assez reinarquees, los proj^r^s el le devoloppemcnt de
la population auparavant opprimee. Cel os scu li de
I'obsourile et qui enfanta dos serfs, aprt;s avoir el6
arrose de sang, veul dire que les peuples sauvages
furent souniis par des oppresseurs sangiiinaires, n)ais
ils etaient plong^s dans les lenebres de la vie sauvage,
leurs yeux ne pouvaient eire ouverls a la luniiere et
un lermo ne devaitetre appi)rl(!! aux sonirrances (ju'ils
enduraient de la part de leurs oppresseurs, qu'apres
une lutte prolong«^o. L'oracle annoncait aux lieros
qu'ils devaienl perir d6s (jue celte lumiere serail nja-
nifestee et c'est ce qui arriva en eflVt; mais avanl de
perir, ils l^guerent leurs velements a leurs servileurs.
Les opj)rimes tuerent done leurs oppresseurs, et se
sul>slituerent bardiment a leur place; la couronne el
la pourpre royale leur I'urent Iransferes, et les Cliicbi-
nieques, jadis plonges dans la barbaric et I'oppression,
nionterent sur le irone de leiu's orgueilleux raailres.
Rien ne s'offre avec un plus grand degre d'evidence et
plus nalurelleuient. D'abord la tradition relative
( 20 )
a Xolotl nous rapjiorto qu'il se nielaiiiorphosa lors-
qu'il lut persecute par le dieu de I'air, en ces
trois divinit^s qu'adorait le peuple : le Mais [Ao/utl),
Je Maguey { Mexo/otl ) et Ic poisson { <4:voIot/ ) , el
cependant il finil par etre souinis; ensuite presque
toutes les aulrcs traditions nous indiquent riunnble
origine dts Chichimeques, el cette origine est qua-
lifi^e de cidcomoston , mot qui \eut dire les sept
cavernes. Les cavernes ropresontent les habitations
des serfs ou artisans; lesquelies sonl construites dans
les carnpagnes, avec des roseaux et des feuilles ; raais
elks conslituaicnt dans les villes les Stages inf^rieurs
de ces vastes Edifices, qui rappellent, par leur disposi-
tion ext^rieure, I'organisalion leodale du moyen cige,
si souvenl comparee a une pyraniide au somniet de
laquelle residait le seigneur suzerain. Dans ces edifices,
le seigneur occupail I'elage sup^rieur et scs vasseaux
les elages inl'erieurs, dans I'ordre de leur rang jus-
qu'aux serviteurs les plus inlimes qui demeuraient
sur les dernieres , les plus basses, les plus sombres et
les plus humitles assises de ce palais pyramidal. Dans
les provinces septenlrionales ou regnait plus d'egalil6
sociale , les diflerenls quartiers d'une ni6nie ville
s'appelaient cavernes, et la fameuse Cibola que fonda
Vasquez Coronado, 6lait divisee en sept cavernes ou
communaules.
Non-seulement ces faits, mais encore les masses
nombreuses dans lesquelies on dit que les Chichimeques
^migrerenl, nous monlront que I'^ruption de ces peu-
ples, ou que la lutte qu'ils soutinrent avait un carac-
tere populaire et etait due aux classes inli^rieures. Car
on ne voit mcntionn^s dans nnlles autres traditions,
( 2'l )
les lioniines, les temiiies ct Ips enlants ilu peiiple, Un
million meine de ses inembres attii'e moins Faltenlion
qu'un seiil rcjeton de la noblesse, et ils semblent
n'elre fails que pour servir a celle caste d'esclaves et
pour la nieltre en relief.
L'insurrection des Cbicliim^ques futun mouvement
irresistible de la masse du peuple auquel la noblesse
ne peul rien opposer, et des-lors il valait la peine de
la menlionner ici surtout, puisque les insurges s'em-
parerent du trone de leurs anciens mallres. 11 n'est
point hors de pro|)os de remarquer encore que la nou-
velle dynaslie inonlra, par son noni mfime de Cbiclii-
meque , son origine populaire. Car il no pouvait en
subsliluer un a leur noni ile famille Tid ou Tiitnl el,
quoique les principaux cliefs de ce nouvel empire po-
pulaire fussent certainemenl Otomies, c'est-a-dirc de
la nation la plus voisine des Nahuatl , le peuple fiit
d^signe parune appellation qui rappelait la commune
oppression, et cette designation continua d'etre prefe-
ree a celle qu'aurait fourni Ic nom de I'une ou I'autre
des nations ou des tribus dont se forma le nouvel em-
pire Cbichimequc. Nous avons deja dil que les Cbi-
cbimequesn'avaient pas de langue qui leur ful propre.
Les Toltfeques, qui soumirent les premiers I'Anabuac,
adopterent pour langue le nabuati , et elendirenl leur
domination sur les tribus voisines vivant dans un
etat comparativement sauvage , principalemcnl sur
les Otomies. Lors de la revolution oper^e pnr les Ma-
ceguals, ces triluis sauvages du nord s'approcberont
du Mexique proprernent dil, et comme clles conti-
nuerent a faire usage de leurs idiomes respeclifs, il eu
resulta de si grands embarras que bienlot apres, le
( '^'^ )
gouverneineiil di' TAnahnac ayanl |)ris line lorme
plus ri^guli^rc, I'elablissemen' d'une laiigue odicielle
devint do jour en jour plus imcossaire, L'empereur
Tecliollalal/.in, Ills de Quinantziii , doima en consc-
quLiico Tordre quu ie naliuall, qui elait la ian,i;ue pre-
tloiniiiante sous I'eiupiri' Tolle(|Ui' et doiil on se servall
non-seulenuMil poui les desifiiialions gec)pra|)liiques,
uiais encore dans rinterprelalion des liierogU plies
et des peinlures idiographiques naliualls, frtt adople
par les (lliichiin^ques «'t plus j)articuliereinent par
tous les officiers du sjouvernoinent. Cet ordre s'exe-
cuta sans grande dilliculli^, coinme nous rapproiid
Ixtlilxochlll, a raisou di' rafllnile ^Iroile qui existail
entre les Cliichime(|ues el les pi eniiers liabilants de
I'Analiuac que eel ecrivain designe sous le nom de
Tolteques.
La cause pour laqiielle les Tolleques et les Cliiclii-
nieques pailaienl une seul et memo langue, le uahuatl,
apparait ainsi avec evidence. Les nations qui parlaieiit
le nahuall et qui habitaiciil TAnaliuac etaient assez.
nombreuses el avaienl assez d'imporlance pour con-
server lenr pi'opre idiome sous la dynaslio Tululxiuli
dont les uiembres, par uu niolit' de prudence, I'adoj)-
lerent aussi, au lieu de garder leur langue m^re, le
quiche; et celte langue demeura en usage sous les
cliels olomies qui, apr^s avoir reiiverse les Tolleques,
prirent possession du trone imperial et durent nalu-
rellemeul conserver une langue qui elait devenue
oflicielle.
De m6nie que I'empire Quiche qui so divisait en
irois royaumes. Quiche, Rachi(iui,'l el Zutugil, I'em-
pire populaire Quicliemecall se divisa aussi en trois,
( 23 )
Tezcuco, Mexico, el Teacopan; et ile ni6mc que
le roi des Quiches etait Ic chd' de ces Irois empires
et portait pour ce motil' le noai de Niuiaciuiche, le roi
de Tezcuco rogut le i>om de Chichimecatl TecuhUi,
en quality de chef de tout I'euipire. Les Clncliime-
catl Tecuhtli etaient, aiiisi que je I'ai deja observe,
Otomies et, cornmc nouvelli^ preuve de ce fait, on doit
rapj^elerque le grand Nelzaliualcoyotzin coinposa des
poeuies en oloini, langue qui, coinme le reniarqiie
Cranado.s y Galvez dans ses Tardes ainericaiins, elait
pour lui malernelle.
La branclie olomie des Cliichinieques ne put tou-
jours hitter avec la hravouie et les intrigues des Mexi-
cains, donl Mocleuhzoma (Montezuma) parvint a saisil-
le gouvernement ; il s'euipara aussi de I'autorite deS
rois de Mexico, qui occiqiaienl le second rang en puis-
sance parmi les chefs de la grande nation chichinifeque.
Ces Mexicains que les Espagnols trouverent en pos-
session de rautoril(i supreme dans I'ancien empire
chichimeque, et dont des lors la moderne denomina-
tion d'Anahuan est deriv^e, out allire surtout I'atten-
tidh dans les reclierches enlreprises sor les aborigines
du Mexique, el cependant leur histoire primitive de-
meure entoufee d'aillaid d'obscurile que par le pass6.
On a(hnet generalemeiil qu'ils apparlenaient aux
iribus nahualiac et qu'ils i)arlaient le nahuall. L'opi-
nion regue est qu'ils s'a|jpelaient dans le princi[)e
Azl^ques et qu'ils arriv^rent a[)res de longues migra-
lioils d'une contree fort eloignee au nord, nommee
Azllan ou Allan. C'est ce qui ressort des peinluros
hi6roglyphiques dor\t la tiadilion nous a donne Tex-
plicalion, assertions encore plus imaginairesque cellcs
( 24 )
qui sont relatives aux emigres venus de Tullia ou
Amaquemocan, On a serieiiscment avanc^ que Aztlan
elail situe au iioid du golfe de Calilovnic, ct infenit;
quelques-uiis I'onl plac6 en Asia, et les ruinesdes bords
desRios Colorado, GiiaelCliiliuahua ont ele presentees
Loninie les denieures des Azteques.
J'ai deja dil que les r^cils relalil's a ces nombreuses
migrations a travers les deserts de la Californic du
nouveau Mexique el de la Sonora, sont des absurdil6s
et j'ajouterai iri que si des mines d'anciens edifices y
existent reellement, ce no peut elre que des construc-
tions militaires destinces a servir de defense conlre
les Iribus du nord ou a dominer celles que les Tol-
tequc's avaient souuiises , afin d'assurer le payement
des contributions qui ne pouvaient etre leviSes que par
la force. On les aura abandonnees plus lard et les
explications arbitraires des peinlures symboliques et
des traditions ont ele la seule cause de I'iniportance
qu'oii y a encore attachee. L'origine des Tolteques
est lortreculee el leurs migrations ontet^ nombreuses.
Les Chicliim^ques a leur arrivee au pouvoir, se di-
saienl venir d'une conlree Ires eloignee, appel^e Ama-
quemecan. Les Azleques devaient en consequence se
donner une seniblable origine, et au besoin nne plus
ancienne en leur qualite de derniers, mais non cer-
lainenient des moins importants conquerants de I'em-
pire. Comme il est constant que les Chicbiin^ques
n'avaient pas d'idiome a eux, mais parlaienl naliuatl,
et ainsi que je I'ai inontre plus haul, attendu qu'ils ne
laut pas enlendre par T^pitbele de Cbiiblmecall unc
nation dislinc te, mais seulement une confederation
politique (si toulcfois il estperniis de donner ce nom
( 25 )
a oeux qui etaient dans un 6tat de siijetion) dont les
Iribus nahuatl formaient une parlie et (|ui etait gou-
vernee par la dynastle des Tuls ou Tululs; et comme
celte famille et ses adherents, en emigrant dans I'Ana-
huac, avaient change de langue , nous sommes con-
duits a adnoettre que les peuples appel^s Azteques
etaient ou Tolteques ou Naluiallacs.
Les revolutions naturelles et sociales qui mirent lin
a la branche tolteque de I'empire Chichim^que , et
qui plus tard delermin^rent les tribus sauvages du
nord a envahir la riclie contree de I'Anahuac , obli-
gerent necessairement les descendants des successeurs
innnediats des Tolteques a s'echapper au plus vite, et
nous les trouvons, en eiret, fuyant dans toutes les
directions. La majeure partic de la population de
I'Anahuac composee des int'ortunes Maceguals, ne put
nalurellement les suivre dans leur fuite, et comme ils
ne dtvaient pas elre en etat de se gouverner eux-
memcs, comme ils avaient peul etre bien appele a leur
secours les tribus sauvages du nord, nous devons sup-
poser qu'il regna une veritable terreur amenee par
I'arrivee des barbares et leurs victoires sous les Mace-
guals, terreur a laquelle seule pouvait Irouver remede
la vieille civilisation Tolteque, de nature a adoucir les
nioeurs sauvages des envahisseurs.
L'cEuvre principale de celte civilisation tut de rela-
blir I'influence des Iribus nahuatl aborigenes qui I'une
apres I'aulre s'avan^aienl et, pour ainsi dire, trans-
migraienl dans une existence politique et une nouvelle
condition d'influence, revcnant peut-elre aux an-
ciennes demeures dont les avail chasses I'invasion des
barbares.
( 26 )
II doit s'^lre t^coiile iin leinps cle terrible lutlc cor-
rpspoiuianl a celiii ou les diUV'renles nations, que nous
renconlrons lors do la distribution dos de|iouilles He
IVinpire Toll^que, commenc^rent a se consliluci- on
comijuinaules r^guii6res et dislincles, ct finalenienl
so pai'lager(Mil en Irois nations: I'enipirc CliicliiiTK^call
dont le premier si^ge etail occup^ par les Otouiies, »t
les Iribus Nahuatls.
Nous rencoiitroiis six du ces derni^ros tribus con-
queranl la predominance dans le |iremier siecie de la
revolution (iliichiniecall , el liabilanl les lieux qui
avaient sans doute ^16 deja leurs demeures sous I'em-
pire Toll^que. Panni elles se irouvaienl les Colhuas
qui soul nommes en premier pai- les Naluiallacs ,
comnie ayant et6 Tolleques ; ce iiom, du roste, parait
Souvenl avoir 6te employe avee une acception ine-
prisanle pour designer des homines d^clius de leur
grandeur premiere. ( Beriud Diaz dil linmniios hal-
Uidos) ,
La derni^re des Iribns iKi/mntls qui reparut sur le
sol qu'elles avaient jadis liabil6, est celle des Azleques
ou Mexilli. Ces peu|)les penelr^rent dans le pa\s
qu'avaient r^occupe les Colhuas ct il est prouvd qu'ils
avaient I inlenlion de les comballre, par suite dun
vieux ditTerend. Mais leur tentalive ne I'ut pas heureuse
et ils lomJjerent dans la sujeliuii des Colhuas. Cepeii-
danl ils parvinrenla secouer leur joug, et ayant choisi
pour clever leur nouvellc residence, remplactinent de
la ville actuelle de Mexico, guides dans ce choix par une
proj)h6lie, ils lui doimferent le nom de Teimcktellmi ,
ils y batirent un temple k leur larouche dieu de la
guerre, el celte ville devinl ensuile le centre de
( 27 )
I'enipire Chichiineque, la splendide cit6 de Mexico.
Maintenant qu'^taient ces AztiMiues? La tradition
dit que c'elaiont des Toltecjucs qui, an temps de la des-
iruclinn de ce peuple, s'eiifuirent dans les montagnes
qui s'^tendent de iVIechoacan a Aztlan , conduits par
Uuelzin, cliel" Tolteqiic, C.ette contree litait situee pres
do lean, et lis en revinrent pour habiter leurs anciennes
demeures, apr^s le relour de tons les Chichimeques
nahuati de ia vallee de Mexico. Nous avons done main-
tenant deux tribus naluiati qui avaient et6, suivant ia
tradition toiieqiie, les CioUiuas et les Azteques; et fort
<!e ce fail, je suppose que ces deux peuples tiraient
leur origine de cts Indicns Quiche , qui suivirent les
chefs tolleques dans leurs migrations vers rAnaliuac
el qu'ils constituaient dans I'empire Tolt^que les deux
castes noble et sacerdolale. Les Azteques ou prStres
dinaienl natureilemenl conformer leur culle a la
religion reconnue chez les Nahuatlacs, et e(i agissant
ainsi, en greflant I'adoration de Quetzalcoatl sur celle
(le Hiiilzitow, i!s devinrent les depositaires des an-
ciennes traditions et les promoleurs des sauvages
superstitions, mais par-dessus lout les soutiens et
les complices de la Ivrannie des empereurs tolleques.
Voila pourquoi ils furent I'objet de la haine univer-
selie , et teiie est la raison pour laquelle ils durent
attendre plus longlemps avant de relourner dans
I'Anahuac et de reprendre leur ancienne patrie. Les
Colhuas, aulrement dit les nobles, etaienl du noudjre
de ceux qui revinrent dans i'Analiuac el qui avaient
appartenu a I'empire Toltfeque , allies de pres aux
pretres, en compagnie desquels ils avaient comballu
contre les droits du peuple.
( 28 )
Nous rencontrons d'abord cis pieties dans une po-
sition subordoniiec , ajant sans douto besoin pour
leur siirel^ do I'appul des Colhuas. niais par cette
traitrise el cmUo astuce qui onl on loul Icmps et on
lout lieu caracleris6 chez les peuplos non chrolions
la casle sacordolale, ils paivinrenl bionlol, non-seuli;-
uienl a dominer leurs ancions proleclcurs, niais encore
tout Je resle de la population sur laquelle pouv.iil
s'^tendie leui' pouvoir. C'est eux qui tievinrent les
gardiens et les interpr^les des annales ecritesdans des
peintures symboliijues, les niallres du tresor de Tein-
pire Tolteque et Chichimt^que. Et ce privilege peul
avoir 6le I'une des causes qui los rendit mailres de
I'autorile en I'or^anl I'eaipereur Techotlalazin a faire
de la langue nahuatl la laiigue officielle de ronipiie;
loules ces peinlures avaient ele on eUet expliquees
dans cet idionie.
Les Azleques n'eurenl pas plutol repris leur pays et
leur pouvoir qu'ils exercerent do iiouveau leur op-
pression a I'aide du culle le plus sanguinaire, do
I'idolatrie la plus hideuse; et lour perfidie el leur
cruaute surenl si bien s'arranger que nous trouvons
a la fin un cliel sacerdotal Mocloulizonia luonte sur
le Irone de Tempirc Chlchimecatl et etendant sous
son regnc la (loniination des vieux Tolteques, devenu
celle des Azleques, sur presque toutes les conlrees qui
constituent aujourd'hui la r^publique du Mexique.
De cette fa^on la vieille domination tolteque ecluit
aux prelros de ce })euple, sous lo nom d'Azteques,
nom dont le sens n'a point encore ele Irouve, uiais
que presque tous les auleurs, qui se sont occupes de
cette inatiere, I'onl deriver de AzlUiu ou .^idnn, c'est-
( 29 )
a-dire le pays voisin de I'eau, L'abbe Brasseur traduil
ce worn \)nv Iric lies herons, el s'efforce ainsi d'etablir
que ce lac 6tait situe dans une contree tropicale ou
ces oiseaux sont indigenes, du mot nztal, c'est-a-dire
heron blanc. Bushman rejette celte etymologie et aime
niieux faire ddriver aztlan du mot a.ztii donl la signi-
fication est, dit-il, perdue. Le mot nztlon est, a ce qu'il
croit, li6 de pres au mot iztac, blanc, el il montre
que les composes iztac ou aztac etaient employes dans
le meme sens. Get auteur ne hasarde aucune hypotliese
sur I'emplacement de Azllan, que Ton suppose gene-
ralement avoir ete dans la basse Californie ou sur la
cote de Sinaloa.
Maintenant, si la tradition rapporloe par Ixsllilxo-
chill est vraio, Aztlan ou Atlan n'^tait pas la patrie
originelle des Azt^ques, mais seulement le pays ou ils
se refugierent pendant les revolutions et I'invasion qui
mirent fm a I'empire Tolt^que. II serait certainemenl
Ires gratuit de coiicluro quelque chose sur I'hisloire
ancienne des Azteques de ce sejour purement tempo-
raire. Nous nous permetlons cependanl une supposi-
tion sur le nom d'Atlan et le ferons d^river de All, eau.
C'etail dans les conlrees qui environnent les lacs du
Mexique et de I'Amerique centrale que les colonies
allaient surlout chercher de vastes lieux d'etablisse-
ments. Suivant Guzman et Torres, cites par Juarros,
les Tolt^ques iSimaquiches choislrenl pour leur resi-
dence Quiche, situe pr^s du lac fl'Alitlan. Les Emi-
grants Toll^ques venus par mer de leur ancien pays,
s'etablirent sur la lagune de Tamiaqua, pr^s de I'em-
bouchure de la riviere Panuco. Lls Ylzacx, une des
Iribus les plus interessantes du Yucatan et dont nous
( HO )
parleronsplus loin, avaienl leur rapilale dans iino lie
(I'lin lat' connu sous \o noni de /ac de I'eten.
Les Azleqiies elabliieul leur demeure pies du lac dc
Mexico. Los iKs de la lagune ileTerininos ^laienl, nlnsi
que Tile de Cozumol, sur la cole <lu Yucalan, et cclle
de la lagune suj)erieure de Teliuanlepec, ties (Ve-
quenl^os pour uii uiulif relij>;ie:ix. I/ili' de Mono-
posliac elail c^lehre par son leniple revere do Volan ,
dil : le cceui du peuple. Les idolcs decQuvertes dans
les il( s du he du Nicaragua , moiilnnl (|u'il oxiblait
aussi 1.1 de vaste- sanctuaires. II senihlr, du reslc,
tr^s ualurel que Ton eilt ohoisi pour y con^truire ties
temples d'aussi magnifiques emplacpu)ents. L'etvmo-
logie qui explique lo n)ot atlan par oau lire done
de celle cirtonslance une assez grandc probabiiile.
Ce nom aura ele donne par les Nahuallacs aux can-
tons voisins de ces lacs et, des-lors, le noui ii'Azteque
sera passe a ceux qui los iiabilaicnl. Ce n'est la sans
doute qu'uue supposition. Ou tloit noler cependant a
I'appui, (jue landis que ic pajs situe a I'entouiclu lac de
Mexico s'appelait Jtlan, celui qui environnail !<• lac
d'Alitlan et qui elail ia residence des Miniaquiche,
porlait Ic nom d'Ltat/an ou lliicallan , et lursque la
langue nahuall se sorvait du mot azleque pour d»^si-
gner les liahilants des Lords des lais du Mexique, elle
designail en meme temps sous le nom de Ilucazteques
ceuxdu pays que baigiie la lagune do Tauiiagua, Ics-
quels descendaieiit desToltequcs emigres avant qu'ils
se fussent meles aux tribus Nabualls. On ne saurail
done douter que ces Hucazlequos no tirassenl leur
origine de I'Aincrique cculralo ; leur langue ot
leurs usages 6taient d'ailleurs les memes que coux
( SI )
(les Indiens Maya el, en particulier, que ties Ilzacx.
Peut-eire les irlhus appelees Azt6(jues qui abandon-
nferent la vallee de Mexico et se refiigierent au nord,
all^rent-elles a la recherche d'lin autre Allan el en
trouv^rentelles un pres du lac de Chapala au pays des
Olomies, lac dans lequel se verse la riviere Toloiollan
(Tulalatan), non loin d'Amacuecan, villed'ou s'effeclua
vraiseniblahlement la [)remi^re irruplion oloniie.
-V'oila lout ce que peul nous apprendre I'elymologie
qui lire le nom d'Azteques d'Atlan ou d'Aztlan. D'un
autre cote, si les mots nztac et i.ztac elaient employes
comnie synonynies, une synonymie pareille ne peut-
elle pas avoir exisie entre les noms Itzacx et JtzecsP
La sitiguliere et IVappante resseuii:)lance que Ton
remarque ontre le nom Ilzacx doiuie au lac Petcn
( Pelen Itza) dans le Yucatan, el le nom de nos
Azleques niexicains , rend Ires probable que ces
Itzalx que la chronique Maya, publi^e par Stephens,
appolle hotnmes saints, elaient de la m6me souclie
que nos prelres les Azleques. Leur idolatrie, I'in-
flucnce toute politique de leurs pretres, qui marchaient
habilles de longs velemenls blancs et laissaienl croitre
leurs clieveux que le sang inondail, leurs sacrifices
humains , leur usage de d^vorer la chair de ces
vicliines, victiujes qui Elaient quelquefois mises en
cage et engraissees tout expres, sont autanl de trails
de mceurs (jui conviennent aux yVzteques; et I'huma-
iiite se refuse a adinettre que le hasard seul eut pu
enl'anter d'aussi horribles analogies. Aucune des autres
tribus Yucalanes ou Mayas n'approcl)ait des Ilzacx
pour la cruaute du culte, aucune ne professait des
superstitions aussi nombreuses el aussi sanguinaires
( .'^2 )
que les Itzacx, tiibii qui, etant appel^e, coinme il a t^le
dejii clil; les lioinmes saints, et ayant, outre leur cliel
politique ou Canck , uii grand pretre ou Quiiicanek,
partageant lo pouvoir supreme et conservant, dans son
palais, les Annlteches ou annales peintes de I'lustoire
de son peuple, Iribu qui, dis-je, scmble avoir occupy
enlre les Indians ile la souche luaya ou quiche ,
le n)eiue rang que les Azl^ques enlre les tribus
nahuatls.
Ces circonstances nous font croire que les chefs de
Tula qui, comine il a «ite dit plus haul, avaienl t^niigrci
de la a Nonohualco, se rendirenl ensuite dans le Yu-
catan el fonderent la un gouvernement , qui pril le
nom de C hichen-ltza , de ceux qui occupaient le pre-
mier rang enlre ses fondaleurs los Quiches el les Itzacx;
c'est-a-dire ceux qui elaienl depositaires de I'aulorite
politique el religieuse. Les Ilzacx partirent lorsque
la direction du gouvernement devint plus politique;
ils se rendirenl d'abord a Champotou ou ils commen-
cei'ent par elever des temples, puis ils se relirerenl
dans les monlagnes a la recherche de leurs demeures,
comme dil la cbroniqiie maya. Ils elablirent ces de-
meuies sur le lac de Peten en un lieu qui merile, s'il
en ful jamais, le nom d'Atlan , dans le sens que ce
mot recoil dans I'liistoire mexicaine. Dans un autre
travail que j'ai lu deja a la Societe ethnologique, j'ai
remarqu^ que Mocleuhzoma, lorsqu'il enlrail en con-
sultation avec lespretres et les ofiiciers de la couronne,
se servail d'une autre langue que le nahuall; c'est ce
qui est etubli par le lemoignagne d'Orlegnilla , car
ceiui-ci elait alors present et, quoiquc verse dans la
connaissance du nahuall, il ne put cependant com-
( -'-J )
prendre ce que disaicnt Mocleuhzoma et Ics pielros.
Nous pouvons infd^rei" do la, fjue quaiid les Aztequt'S
se consultalent enlre oux el ne voulaient pas 6lie eu-
lendus par d'autrts, ils se servaient do la langue |)ri-
niitive des Tolloques, le quicln' ou le niaya, languo
dans laquelle peul-etre 6talenl composes les chanls
que, selon Pedro de Rios, ils enlonnaient a Cholula,
lors des fetes que Ton celtbrail aulour de la pyramide.
Alnsi, pour r^sumer les princqoaux resultals do co
travail, quant a la veritable signilicalioii des iioms de
Tolloques, tie Chichimeques el d'Azloques, et ipianl a
la vraio place ilespeuples, ainsi appeles dans I'liistoirc
primitive du Mexique eldel'Amerique cenlraleje dirai:
1" Les noius de ToUtjquos , de Chichimeques et
d'Azlijques ne designenl i)as des nalious iiidionnes ou
des Irihus s^parees, niais |)resentent plulot un sons
historique et slatistique, et, vraisemhlahlement, sonl
les Irois classes ou castes d'une memo nation, la no-
blesse, le peujile et les pretres.
2° Les Toltequos n'elaient aulres que les Tutuls ou
les chefs de Tula el leurs adherents, lesquols eiuigro-
rent dans I'Anahuac et y fonderent la dynastic Toltoque
ou Tutulxiuh.
3° LesTuluIs, en tant que allies des Quiches, por-
taient le nom de Chicltiinecatl ; ce nom ful aussi otendu
a leurs sujels, et il prevalut apros que ces derniers
eurenl renverse la dynaslie lolleque ; parce qu'il elait
devenu une appellalion generique du peuple el parce
que les iribus sujettes ou Iribulaires desTululs avaient
conlribu^ a ronverser leur pouvoir iiereditaire.
k" Les Azteques etaicnl les Ylzacx ou homines saints
qui 6mjgrerent avec les Tululs dans I'Anahuac, asso-
IX. JAISVIER ET FivuiliR. 3. 3
( 3/1 )
cloronl leur oulle originel a coliii des Naluiallacs, vers
la fin de I'empire Cliuliime(|iie, s'einpar^renl du Irone
imperial; peul-elre leur nom signifie-l-il tout simple-
men t robes blanches.
50 Les Tolt^ques et les Azleques qui sortaient de la
souclie quiche ou inaya, chan[i;erent Jeur langiie et
adoplereiit le naluiall qui elail la langue ollicielle de
I'einpire Tolteque el fut bientol retabli par les em-
pereurs Chichiniecatl.
6° Les Tolteques, les Cliicliimi-ques et les Azleques
n'6raigr^renl pas a difT^rcnles epoques el successive-
nient dans I'Analiuac, mais vinrent ensemble.
lis parvinrent cepcndant les uiis apr6s les aulres
au pouvoir, el comme ils possedaient sur leurs migra-
tions des traditions liisloriqoes communes, on pril
celles-ci pour des recits diHerents et se rapportanl a des
^venemenlsqui avaifnl eu lieu a desp^riodesdisliiicles,
landis qu'ils elaient contemporains.
M. Jomard a coiDniuniqu^ ^ la Socicte la letlre suivaiite qui lui
a ele adressee par M. lecutniiiai)daiil du g^nie Faidherbe.
Saint-Louis, le 1" novembre i854.
Monsieur,
J'ai riionneur de vous accuser reception du petit
cahier de questions el du numero du Uulletin de la
Societe de geograpbie.
Je vous envoie aujourd'hui le preaiier cahier du
travail de linguistique dont je vous ai pari^.
Ce premier cahier comprend la langue ser^re; vous
( 35 )
verrez que je ne me suis |i;>s borne ;"> un vocabulaire
(le mots; mais que j'al cheiclie a donner les regies
principales de celle langue.'
II m'a ele impossible de me procurer aucun ren-
seignement sur le cliilTre des populations. Peut-etre
plus tard pourrai-je (aire des reclierches dans ce sens.
Le travail analogue a celui que je vous envois ost
d^ja fait pour plusieurs oulies langues et entre aulies
pour le sarakhole, langue, qui, je crois, est tout aussi
inconnue que le serere; niais j'ai lant d'occupalions
que je n'ai meme pas le temps de mettre ce travail au
net. Je vous seiai oblige de me dire si le mode que
j'ai adopte vous j arail convcnable pour donner une
idee de ces langues et pour en facilitcr I'etude aux per-
sonnes qui pourraient en avoir besoin.
J'ai I'honneur d'etre , Monsieur, voire tres humble
et tres ob^issant serviteur.
L. Faidherbii.
Nous exlrayons du travail de ftl. Faidhebbk le morcean
suivant :
OE LA GRAcMMAIRE S^RtRE.
Serer
•es.
La nation s^r^re, aujourd'hui dispersee en plusieurs
petils Etats sur la cole on refoul^e dans les bois de
I'interieur, doit 6tre une des plus anciennes de la
Senegambie.
Cast un peuple noir aux cbeveux cr^pus, ayant des
( -(^ )
caract^res physiques piesqiio idcnliqiics aver renx des
Ouolofs.
La langue ser^re osl loul ;'i fait analogue dans ses
regies gramma ticaies a la langue ouolol'; m;u.s les mots
sont difl'^rents en general.
Dans les relations de voyage, on ne s'esl guere
occupe des S^reres; on ne les a jamais menlionnes
que comme une nation sauvage elablie dans les envi-
rons du c;ip Vert.
Nous pensons qu il y a beaucoiqj de sang s^r^re
chez les Pourognes, esclaves ou adVanchis desTiarzas,
Maures de la rive droile du Senegal; c'esl en elTet sur
k-s .Sereres qu'on a du (aire el (|u'on fait encore vo-
lonliers la course aux captifs , car c'esl la partie des
aborigines de la Senegandjie qui s'est monliee jusqu'a
present la plus rehelle arinlluencede I'ishimisme, qui
est reslee fiddle a sa vie un peu sauvage, a la crovance
et a lacrainle des sorciers, et qui continue sans aucun
scrupule et au grand scandale des musulmans a faire
usage des liqueurs fortes.
Voici ie mode de succession nu pouvoir chez les
Sereres.
A la niort du roi, son here de m^re lui succede. S'il
n'y a pas de here, c'esl Ie fils de sa sijeur. Le lils herite
des biens de son pere mais non de son aulorite; le
pouvoir des mad (rois) est assez borne; ils n'oseraient
braver les personnages influents par leurs richesses
ou par leurs relations.
II y a beaucoup de griotschez les Sereres. Les griots
constituent chez les nations de la St^negambie une
caste a i)art dans la nation ; ils ne s'allient qu'entre
eux. Leur metier consiste a jouer des instruments et
( :i7 )
a chanter, homines on femnies. lis fotit generaleaiont
usage des li(]neurs lories avcc exces, vivent gaiement
et sonlnieprises flu lesle do la nation. D'autres classes
de la population partagent avoc eux le mepris general :
ce sont les forgerons, Ics tisserands...
Ce people forme aujourd'luii quatre groupes de
population principatix : habitant le Baol , le Sin, le
Saloum et le Dieghem.
Baol.
Le Baol est une province ciu Cayor sur le bord de
la mer, enlre Goree et Saint-Louis. Les villages prin-
cipaux sont aujourd'hui loli, Nkhoie, Daded, Dogol,
Lab, Lambai (residence du chef), Mbake Sanianka,
Mbagagne Niouli, Ouokan, Nlientch, Ndarik, Ouakhai
Diam, Ntiakhar, Kaba (tres grand) ; on y parle le
serere melange d'un assez grand nombre de mots
ouolofs, c'est le serere du Baol que nous donnerons
ici, parce que Saint-Louis a plus de relations avec le
Baol qu'avec les aulres Elats ser^res.
Les productions sont le mil, les pislaches, le mais»
le colon, les niehes (haricots du pays), beaucoup de
bestiaux, quelques chevaux, beaucoup de boeufs por-
teurs et quelques anes. Une partie de ces produits
sont vendus par les Sereres eux-memes a Saint-Louis
et a Goree; le reste est achete par des toucouleurs qui
les apporlent sur ces memes ])oinls.
Sin.
Le Sin est un petit Etal serere independant, sur la
cote enlre Goree el la Gambie. Le chef prend le nom
de mad.
( :^8 )
Les villages princlpaux sontloal, principal coniploir,
Dlakhao, residenci! du mad, Sas, Bof, Dioin , olc.
Les productions sonl les nieines que celles du Baol
a peu de chose prfes.
Salourii.
Le Saloum est un petit fetat ser^re independanl ,
gouverne par un mad, sur la cote enlre le Sin et la
Gambie.
Les villages principaiix sont : Kaon, residence du
mad, Doukman, Pakalla, Tcliikat, Gaiel , etc.
Les productions sont a peu prcs les mfimes que
celles du Sin ct du Baol ; il produit plus de colon et
moins de bestiaux.
Dieghem .
Le Di^ghem est un filat serfere de I'int^rieur, sans
chef independanl el soumis au darnel (1), mais lui re-
sistant souvent a la faveur de ses forfels. Les Ser^res
de la cole parlent avec eflroi de leurs freres du Die-
ghem qu'ils d6peip;nenl comnie sauvages el sorciers.
Les villages principaux sont : Tiadiai, Ndoul, Man-
kounda, Lakliar. Ndioukh, Mbouroukh, Ndiaga Niao,
Mbaniakbniakh etc.
II s'y trouve des bestiaux, des boeufs porleurs. Les
habitants du Di^ghem produisenl bcaucoup de mil
qu'ils viennent vendre avec des pislaches a Sali el a
Nbour, villages sur la cole pres de Goree.
(0 Uamel, litre du roi ilf Ciyof.
( B9 )
jdngue serere.
Personne que nous sacliions ne s'est occupe de la
langue serere; les habitants du S^n^gal eux-ra6raes,
ne songent nullement a apprendre cette langue; sous
le rapport de I'usage qu'on en peut faire, son 6tude
est ties peu iinportante; elle n'offre d'inl6r6t que
comnie etant la langue d'un peuple dont les Ouolofs
ne sunt, selon nous, qu'un rameau perfeclionne par
le IVoltement des Ai'ahes et des Europeens ; cetle langue
serait alors le type du groupe s^rere-yolof.
II y a beaucoup de chanleuses chez lesSer^res; un
griot improvise les couplets qui lui sont payes et les
femmes reprennent en chceur le refrain sur des airs
qui ne sont pas toujours d^pourvus de grace; ces cou-
plets et ces refrains, d'apres leur nature ineme, ren-
ferment souvent les noms propres des personnes en
I'honneur desquelles ils onl 616 composes. Voici ,
comme echantillon du serere, quelques-uns de ces
refrains '
Ba-ret o ba-ret, gai laendor, laendor fardje; ba-ret
o ba-ret.
Ne I'en vas pas, oh ne t'en vas pas, viens causer
avec inoi, causer n'est pas raal faire ; ne t'en vas pas,
oh! ne t'en vas pas.
Ola lai-kim : mak-oa mben-ain te khaleb-a dieo-t-
am ; ola lai-kim.
Allons, je ne dirai plus rien : les vieilles m'injurient
et les jeunes filles tiennent des propos sur moi au
puits; allons je ne dirai plus rien !
Ram khalain am : diega ndok to di^guim korokh^
lai tou-ma ; kum khalam-am.
( AO)
!\Ioi, jc joiic do la giiilarc : j'ai uiio case, mais je n'ai
pas iln marl pour y causer a\oc uioi ; inoi, je joiio clc
la guilaio.
Lago I'j lago bol-na hai-es oun kalim dac-am : Mes
aiiiants in'ont cassii le bras, jc ne |iilc plus, jo mo re-
pose (piler Ic mil pour la nourriture de la journee est
la seule occupalion des nogre.sses; naturelleuicnt les
jeunes cl jolics negresscs iie sont pas coUes qui se la-
liguenl lo plus a ce travail).
Fardj-am, iida diab-am gor-nouu Salam Ngomar:
Je suis laide, pourlanl je vous ai onleve vos maris,
Salam, fdlo de Ngomar!
Ce qui prouve que chez les negres comme partoul
ailleurs, I'amabilile, la coqucllerie ou d'aulres talents
peuvent iultor avanlageusemcnt conlro los agremenls
physiques.
Biram Pale, oual ndiai, iial klian ami)erlBriam
Pate, oual ndiai. Que lesjaloux se dessechent! Celtc
cliansoii avail sans doute pour objet de vengor une
pauvre pilicbcresse des brulaliids d'un mari jaloux: ces
pauvres negresscs, la nature leur a donne si peu de
defense !
laguetcb Sen, iai ndiatou, ial liok, laguelch ouali:
C'esl laguelch Sen qui a une belle chevelure ct un long
cou (une voix pergaiite), c'esl laguelch le fils d'Ouali.
Khokhan, Ndioug Dire, ba-dal at nguelch-na, ndik
o-nai.
Khokhan, ills de Ndioug Dire ne inarche pas sur le
soleil, lout a I'heure lu vas fondre!
Ce refrain devait s'adresser a un do ces negres qui,
apr^s avoir gagne quelque aigcnt, s'achelo de beaux
habils, paie quekpies griols qui le suivenl en chantaiit
( M ) •
ses exploits ima!.;inaii'os ct coux do ses ancelres aussl
imagiiiaiics, ct niarche inaiL'stiiousemeiU an milieu
des rues dc Sainl-Louis en so figurant quo le inonde
enlier a les yeux sur lui.
Robn-ani Ij-es iigor nga, kor-os bong a ler-am, rob
in soliokh ouad ka kor.
J'ai scvre nion eid'ant, mon niari ne m'aiine plus;
je me suis lavee et je cherche un autre mari.
Voila la nature meme; ne semble-t-il pas voir une
lauvetle, qui apres avoir eleve unocouvee, lisse ses
plumes sur une branche d'aub^pine, a I'approche d'un
nouveau printemps, et s'apprete a faire un nouveau
cboix pour les amours de Tannine? (Vest un peu la les
mceurs des negres.
Nonis Sere res.
Aoiiis <rhomines : Di^gan, NGor, Lalir, Biram, Balou,
Dagar, Bai , Diegdiam , Bagnik ,
Tanor.
Nums tie fcinmes : Dibor , Larba , Maie , Koumba ,
Rb^mes, Kodou, Guiinbi, Diouma,
Mo^an , Doumbe.
( 42 )
i%iialy(ies et Kapports.
RAPPORT
sun UN TR.WAIL DK M. U. MAUTIN, IXTITULfe : (( EXAMEN
)) d'un mhmoire posthume de m. letronnk et DK CES
» deux questions : 1° la circo.nfference du globe
» TERRESTRE AVAIT-Ei.LE ET^ MESURiE KXACTEMERT
)) AVANT LES TEMPS HISTORIQDES ; '2° LES EHREURS ET LES
» CONTRADICTIONS UE LA G^OGRAPUIE UATHEMATIQIE
» DES A.NCIENS s'eXPLIQUENT-ELLES PAR LA DIVERSITY
1) DBS STADES ET DES MILLES. » Par M. Sl^DILLOT.
En 1816 rAcademiedes inscriptions et belles-lettres
couronnait un menaoire de M. Letronne, qui avail
pour titre : Recherches critiques, historiques et geogrn-
phiqites snr les Jragments d'Heron d'Alexandrie, on da
systenie metrique egyplien considere dans ses bases, dans
ses rapports avec les niesiires itineraires des Grecs et des
Roniaiffs, et dans les modifications quil a subies depuis
le regne des Pharaoiis jusqu'a f invasion des Arahes.
Ce meinoire, qui indiquait dans son auteur un re-
marquablc talent d'exposilion et de discussion, admet-
lait la possibilite d'une mesure exacle de la circunle-
rence lerreslre chez les aiiciens Lgyptieiis, et laissait
entre\oir une science astronomique assez avanc^e,
anlerieure aux ecoles de la Gr^ce.
M. Letronne etant revenu plus tard sur quelques-
unes des opinions consignees dans cet ecrit, ne songea
point ale faire iinprinier; niais apr^s sa niort, on
(43 )
pensa que le fruit des premieres etudes de ce savant
exciterait un vif inleret, et I'ouvrage livr^ a la publi-
cile par les soins de M. Vincent, avcc toutes les reserves
convenables il est vrai, sert aujourd'hui de point de
mire aux critiques de M. H. Martin.
Pour toutes les personnes qui ont eu I'honneur de
vivre dans I'intimite de M. Lelronne, il ne pent exister
de doute sur les modifications que I'illustre erudit
avait apport^es a son appreciation primitive des mo-
numents de I'antiquite ; les m^moires sorlis de sa
plume en font foi, et M. H. Martin n'a eu en quelque
sorle d'aulre peine que d'opposer M. Letronne a
M, Lelronne, en pulsant dans ses plusr^cenls Iravaux
des arguments a I'appui de la th^se que lui-m^me se
proposal! de soutenir. Mais il y a dans la manlere de
disserler de M. H. Martin une tendance beaucoup trop
marquee a porter sur les questions le plus generale-
ment controversees, un jugement absolu, ou bien a
rappt.'ler certalues hypotheses ahandonnees depuis
longlcmps, qu'il lul est bien facile de r^futer, et jc
crois devoir presenter a ce sujet quelques observations.
Le principal but de M. H. Martin est de d^montrer
qu'ant^rieurement a I'^cole d'Alexandrie, les anciens
n'ont jamais entropris de mcsurer un arc du nieridien
terrestre ; il ne \eut point que le sysleme de mesures
d'lles p/ii/eteiie/tiies ou ptolemaiques soit la reproduction
d'un sysleme r^guller de mesures, usite sous les Pha-
raons, et fournisse la trace d'une mesure du degre
moyen de I'Egypte; 11 ne croll pas davanlage aux
calculs presumes des Chald^ens ou des Indiens ; enfin,
11 repousse toute explication des divergences que I'on
Irouve dans les evaluations grecques de la circonfe-
( Vi )
rence du glol)C, el qui, i\ ses yeiix, n'lillcslent (lu'mio
chose, 1 if^noraiice piofonde dos geograplies inathi!:-
maliciens {jui florissaient ilu tomps d'Eialosthenc cl
d'Hip|)arqiie.
Toulefois avanl (le iliiveloppor son opinion, M. Henri
Marlin juf^e a |)ropos d'^voqucrlo souvenir dece peuplc
prlmitit, insliluleur du genre liuniain, qui aurait ap-
pris a I'univers (out excepte son iiont; il parall croire
que cc reve de Tiniaginalion di; quelcjues erudils
coinple encore, en France et ailleurs, dos partisans;
il cite ineini' la Siberie commc un des pays ou Ton
aurail voulu placer Ic si6ge de celtc civilisation ante-
historique ; inais il suffil de parcourir les travaux pu-
blics dans ces derniferes annees jiour coniprcndre le
peu de valeur d'une seinblahle proposition : do telles
idecs ne sont plus ilu domainc des esprils serieux;
lout le nionde aduielque I'liistoire dos sciences exactes
commence avec I'ecole d'Alexandrie ; si Ton poursuit
chez d'autres peuples, les Clialdeens, les Egypticns
et les Indiens, par exeuij)le, la trace de quel(|ues con-
naissances soit en astrononiie, soil en malh^matiques,
c'ost en s'appuyantsur les ecrits des Grecs eux-m6nies
ou sur des monunionls qui s'accordent avec leurs
traditions, qu'on arrive a un petit nomhrc d'induc-
tions plus ou moins probables.
Aussi ce que nous reprochons a M. H. Martin,
n'cst-ce pas d'elablir, comme nous I'avons d^ja lait,
qu'en dehors des Grecs, tout se reduit a des conjec-
tures; mais bion de pretendre d'une nianiere absolue
qu'avant eux le champ de la science a ^le enli^rement
sterile, et de conlondre avec de vaines hypotheses qui
sont ensevclies a juste litre dans la poussiere des bi-
( '^^^ )
liliollieqnes, (les Ih^oiies basees sur des investigations
consciencieuses, qu'il combat au uioyen d'arguinents
negatifs : s'en tenir uniquement aux Iraites grccs qui
nous sont parvenus ct clont nous ne possedons en
general quo dos fragnionls, c'est circonscrire la ques-
tion d'une maniere Irop ^Iroile : il fan I toujours (aire
dansl'inleret nieme do la science la part de I'inconnu.
L'interpretation de I'antiquite repose sur I'examen
des monuments ecrils et dcs monuments figures, per-
sonne ne le conleste; seulement, dans bien des cas,
I'insuflisance des maleriaux rend cette interpretation
puremenl bypolhetique; de la cos syslemes concus //
/;7vo/v que la critique rejettc avec raison, parce qu'ils
n'ont rien de positif. II n'en est pas de meme des
rechercliesqui onl exi^o de longs Iravaux, la discussion
des texles, I'explicalion raisonnee de documents nom-
breux. De telles recherches pen vent n'etre pas a I'abri
de I'erreur, mais elles ont du moins le merite de pro-
voquer la contradiction, d'appeler Tatlention des eru-
dits sur des points obscurs ou nial definis, et du clioc
des opinions jaillit parfois la verity. A coup sur
M. H. Martin juge avec uneseverile regrettable ce qu'il
appelle le roman de Gossellin, ses tours d'ac/resse, ses
trickeries et ses manipulations dont MM. Walckenaer,
Malte-Brun et bien d'autres ont ete dupes. Pour notre
part, nous n'avons jamais accepte les idees de Gos-
sellin que sous loules reserves; mais en considerant les
Iravaux qu'elles ont provoques et meme en dernier
lieu, les observations de M. H. Martin lui-m6me, nous
pensons que Ton doit au savant academicien, une
Ires grande reconnaissance.
Nous ajoulerons que M. H. Martin ne s'est pent-etre
( 46 )
pas mis, avec assez cle soin, au courant de loul co qui
a ete iinprime sur les divers siijels qu'il liaite: il an-
nonce que dans V histoire c\u"\\ prepare de /'astionomie
physique des anc:iens, il s'appuiora sur Ips ecrils de
MiM. Stulir, Ideler, Lelroiine, Holtzinanu, Roinaiui, elc,
elil paiaitignorer que jc les ai anahses^ijdans le loiue
second de uies Ma(eriaiij: pour servir a I'/iistoire de
rastrouninie, des mathetiiatiques, de la geograpkie chez
les Grecs et les Oiientaux. — II elablira, dil-il ailleurs,
qu'Hipparque a le premier signal^ la precession des
Equinoxes, co(nnie si co n'elail pas un fail L;en«^rale-
nient acce|Ue dans I'^tal aclucl de iios coiinaissances;
et il ne sail pas, sans doule , que nous avoiis prouv6
qu'Hipparque s'^tait b( aucoup plus approclie de la
v6rite qu'on ne le supposait jusqu'a prosenl dans reva-
luation de ce phenomene [1). — II ne veul pas croire
avec M. Chasles que les Intliens aieul eu ainsi que les
Grecs, leur ecole scienliliquc ; il voit eu eux des co-
pistes plutot que des auteurs originaux, et c'est juste-
ment la tLesu que nous avons soutenue en exposant
que j)lusieurs inventions, donl les Arabes pla^aient
I'origine dans 1 Inde, elaienl grecques, le cercle indien,
par exemple, le sy stems de la trepidation des fixes , les
chijjres el la numeration decimule , ValgeL/e, elc. (3).
Seulemeul il rebte un poinl a eclaircir; M. Cliasles
rappelle a I'appui de son opinion que cerlaiues
(i) Comparei! la note ^ireinieie cle la page 9, an. cle i\l. 11. Martin,
avec nos Materiaux, etc., I. 11, p. 46^5? 5oo, etc.
(2) H. Martin, loc. laud.; et Mat.., t. I*', p. g, 12 et siiiv.
(3) H. Martin, p. 72 et 73; et Mat., I. II, p. 421-563. Voyez aussi
le Bulletin dc la Societe cle geugiapliie, 4* scrie, t. 1", p. 164, 23o;
t, II, p. 32, ^iS.
( A7 )
methodes indiennes ditt'ttrenl de celles des ma-
tli^maliciens d'Alexandrie , el c'est la une grave
consideration; il s'agil de recliercher si les savants
nestoriens qui ont porte leurs connaissances dans les
diverses parlies de I'Asie, n'avaient pas eux-memes
modifie les methodes de Diophante el de son ^cole ;
questions dont M. H. Martin ne semble pas se preoc-
ciiper. — 11 Irouve que M. Biot a une opinion heau-
coup trop favorable de la science d'Yao el des astro-
nomes chinois anterieurs do dix a vingt-quatre siecles
avant noire ere, et il ignore, je tuppuse, que j'ai
r6duit a leur juste valeur les assertions de cet acade-
mician , avec I'approbation de nos plus babiles sino-
logues; — il s'eleve centre i'abus troinpeiir des niathe-
niatiques employees a echafauder des hypotheses sans
bases, el il oublie tout ce que M. Lelronne et nous-
m^me avons ^crit a ce sujel , en uiontrant a quelles
aberrations pouvait conduire I'emploi d'un globe
celeste a poles mobiles, et du calcul des probabilites
applique par M. Biot a des questions historiques. —
Enfin, il nous dit, d'apres Theon de Smyrne, que les
methodes astronomiques des Chaldeens n'elaient pas
geomelriques comme celles des fegyptiens et des Grecs,
mais seulement arithmeliques, c'est-a-dire qu'elles
consistaient dans le calcul des periodes de temps qui
ram^nent les mfemes ph^nomenes celestes; c'est ce
que nous avons clairement indiqu^ en 6tudiaut leur
th^orie de la lune, d^crite par Geminus et fondee sur
une consideration arilbmetique tres ing^nieuse (1),
(l) It. Martin, p 19, 74, i35, etc.; et Mat.^ Avant-propos, p. xv,
t. 1", p. 4, 5 et 618; t. II, p. 563-651. Voyez ausisi le Bulletin <\e
notre Societe, dpja cite.
( A8 )
el c'esl line opinion que M. Cliaslos n'a ccsse de pro-
fesser depuis bion dos annoes.
Si nous suivons ainsi pas a pas M. H. Marlin, c'esl
qu'il nous parall atlaclier a un certain ordre d 'ideas
line nouvoaule qu'ellos ne sauraient avoir. Longlenips
avanl nous, Huol, le celebre 6v6que d'Avranches, ap-
pr^ciail avec uno grande juslesse de vues I'aslronomie
des aneions :
« Cello science, 6crivait-il, etait alors si d(^feclueuse
» qu'il est bion pardonnable aux niodernes de I'avoir
)) peu eUidiee; si les Chaldt^ens paraissent etre les
» plus anciens obscrvaleurs donl on se souvienne, les
)) Egypliens se sonl lrouv6s par la situation de leur
)) pays, porttis a les imiler el Macrobe leur donne
» infiuie la priorile en raj)porlaiil rarlifice donl ils so
)) servaienl pour parvenir a une cxacte division du
» zodiaquc ; enfin, les Pheniciens y furent anienes de
» leur cole par la necessite de la navigation. Les Grecs,
)) instruils par eux, culliverenl I'aslronomie dans la
» suite des temps, et dtpuis Tliales el Pylhagoie , ellc
)) fit des progres remarqual)les jusqua Ptolemee. Les
» Arabos corrigerent plus tard leurs observations ot
» les nioclernes ont pouss«i ces connaissances plus
» loin qu'elles n'avaienl encore 6le. »
Nous arrivons mainlenant aux considerations de
M. H. Marlin sur les anciennes mesures de la lerre;
a son avis, aucune tentative de ce genre n'a ete I'aite
avant les Grecs, et ceux-ci n'ont obtenu que des re-
sullals errones. On peul, indt^pendamment desZiOOOOO
stades pr^sum^s d'Aristole, r^duire a cinq les (Evalua-
tions qui pr«isenlent un caractere aulhenlique :
( VJ )
Archimedc avail trouv(!'. 300 000 stades.
Hlpparque 278 000 -
Eiatosthene 252 000 —
Posidoniiis 2/1OOOO — ■
et 180 000 —
En admeltant pour la valeur du stade 184", 6, il
faiidrait prendre a pen presla moyenne entic les deux
nombres de Posidonius, pour se rapprocliei- de la
v6rite, c'est-a-dire de 216 Zi89 stades.
Une fois plac6 sur ce terrain, M. H. Martin fait main
basse sur loulos les hypotheses qui s'l^cartont de ces
premieres donnees; il les regarde comnie de puios
reveries; lorsqu'on iui demande une explication quel-
conque dcs divergences des Grecs, il les attribue a
leur profonde ignorance; rien en dega, rien au dela.
Esl-ce la une methode vraiment philosophique , et les
savants peuvent-ils se contenler de semblabies argu-
ments. Personne ne supposera que les Grecs, en pre-
sence de r^sultalssi diff^rentsles unsdes autres.n'aient
point essaye de se niettre d'accord par de nouvelles
observations. Un passage do Cleoni^de, expliqu6 par
M. Guigniaut, juslifierait au besoin celte hypoth^se.
Posidonius lui-m6me, en nous Iransniettant ces deux
nombres de 240 000 stades et de 180 000, a du cher-
cher a se rendre comple de leur divergence. Qui nous
dit qu'a d'autres ^poques, on n'a pas ^tudie la ques-
tion pour obtenir un coefficient plus exact; si les
documents nous manquent, n'est-il point permis de
croire que dans le grand nombre de traites qui nc
noussont point parvenus, on aurait pu trouver la trace
de recherches de ce genre, et doit-on faire un crime
a un erudil de s'etre efforce dc suppleer a I'insuffisance
IX. JANVIER KT I'feVRIEK. 4. 4
(50)
des ecrils originaux, par iiuo iht^orie qui nous ropre-
scuterait ies Grecs sous un jour inoins defavorahle.
Dans Ies tables do longitudes et de latitudes qui nous
onl cle transmises par I'ecole d'Alexandrie, il existo
des Evaluations irrej)iotlial)les et en nicsiTtant avec
soin In distance de deux \illes eloipnees d'un degre on
de 30' de degre el placees sur le nidine nii^ridien, on
pouvait reclilier aisEmenl Ies erreurs grossi^res dont
Ies premieres estimations etaienl enlachOes; c'eslce que
Ies Arabes devaient acconjplir au ix*" sircle de notre
^re. Qui pent toutefois affirnier que des tcnlalives de
ce genre n'aienl pas ele faites pendant la brilianle
periode de I'ecole d'Alexandrie ? Gossellin s'esl laisse
seduire par riiypolliEse dc la difference des stades;
c'ctait line niani^'ie ing^nieuse de relever Ies Grecs,
el il a soulenu cette idee avec erudition et talent,
bien qu'il ail encouru de Ires jusles critiques. M. II.
Martin, apres ime tongue digression surla nietrologie
ancienne, n'adniet a cole du slade de 184", 6 que le
stadc jjhilelericn de 210"", 8; mais en renversanl lo
syst^nie de Gossellin, il ne met a la place qu'une ne-
gation, et il nous ranifene en quelque sorto au point de
d^pait qui n'explique rien. II restera luujours la ques-
tion de savoir comment Ies Grecs onl des Evaluations
aussi divergenles hansque leur esj)rit curieux ait songe
;i recliorcher Ies causes d'un tel rEsultat, et pour Ies
erudils, donlles invistigations se portent de prelerence
vers Ies temps qui onl precede I'ecole d'Alexantlrie, je
doule fori qu'ils accepienl rargumenlalion de M. II.
Martin.
( 51 )
Obsen>atioii ndditionneUe au rapporl qui precede^
On reproche a M. H. iMarlin de n'avoir pas lout (lit,
lout cite, a propos de la double question des mesu-
rages antiques de la terre, el de I'unite du slade itine-
raire eiuploy(i a formuler les resultats obtenus. J'ai
trouve, pour ma part, qu'il y a peut-etre tjuelque
ciiose de fond^ dans colic reniarque, et j'ai rogrelte
surtout de ne renconlrer dans son Examen aucune
mention d'un memoire special de M. William Martin
Leake, sur le stade co/niiie mesure de longueur, lu, le
26 novembre 1838, a la Sociel6 royale geographique
de Londies, et qui ouvre le tome IX du Journal de
cette savante con)pagnie. M. Leake avail soulenu jus-
tement la meme tliese que M. H. Martin a reprise au-
jourd'hui, et qui a toujours eu, je crois, en France,
des partisans nun douleux, nialgre Tespece de despo-
tisme que les doctrines de Gossellin ont si longteinps
exerce, a eel egard, sur I'opinion commune des erudits.
L'empire de ces doctrines n'est (dependant pas chez
Dous lellemenl d6chu qu'il n'y ait encore utility reolle
a en faire ressorlir les trompeurs artifices, et M. H.
Martin a eu raison de se livrer au travail de deuioli-
lion qu'il vienl d'accomplir. II a Ires bien monlre une
fois de plus qu'avec des moyens tres imparfaits pour
determiner les distances lerrestres, el avec des moyens
plus impari'aits encore pour determiner la quote-part
de grand ctrcle correlative a ces distances, il ne pou-
vait ressorlir de la comparalson de ces elements gros-
siers, que des resultals Ir^s grossiers eux-meujes; et
le savant doyen de Rennes a eu soin d'^lablir que
revaluation d'Arislote a /jOOOOO slades, celle d'Archi-
m6de a 300 000 , celle d'Eraloslhene a 250 000 , et
( ^V2 )
colle fie Posidonius a 2/|0 000, se sonl ainsi chrono-
logiquciDcnt snccede en se rapprocliant de plus en
plus de la mesure verilable, ties voisine de 216000;
puis dans un ralcul ullerieur Posidonius a conclu
180 000, pecliant cetle iois par insulFisance comnie
auparavant par exces : c'esl lo propre des approxima-
tions d'osciller de part ol d'aulre du resullat vrai.
.Mais le recensemenl de ces Evaluations successives,
onipriinle presqce tout onlier a Cleom^de, n'est pas
coniplel; non que M. H. Martin ait neglige de relever
tous Ics indices e|)ars dans le iraite de Cl^omede;
niais il a neglige, comme, au surplus, la generality
de ses devanclers, des rapproohenieuls qui |)orlent
avec eux leur conclusion. Apr6s avoir rappelE, en
cflVt , que Ton estin)ait a un quinzieme du cercle
enlier, Fare comj)ris tntre Lysiniachie el Syene, et que
la distance de ces deux points etait i'aussement (ivalut^e
a 20 000 stades , d'oii avait el6 conclue la mesure de
SOOOOOslades cilee par Archim^do, il remarque Ires
bien que dans un autre endroit Cleomdde nc conipte
que 10 000 stades d'Alexandric a rHollespont [c'csl-
a-diie 5 000 d'Alexandrie a Rhodes el 5 000 de Rhodes
a I'Hellesponl) et qu'en ajoutant les 5 000 stades
d'Alexandrie a Svene, on n'a plus qu'un total de
15 000, au lieu de 20 000 ; niais il ouhlie de conclure
que de ces donnees il ressort aussi une circonfcience
non plus de 300 000, mais de 225 000 stades, evalua-
tion la plus voisine de la verile que I'antiquilE nous
ail fournie. Et ce n'est pas de ces seules donnees que
resulle la meme mi.'sure; M. H. Martin n'a pas neglig(^
non plus de relever dans Cl<^omede la valeur de
SOOslades repondant, sur I'orhe terreslre, au diametre
du soleii; mais il n'a pas mis le m6me soin a remar-
( 5o )
qner le rapporl, plusicurs fois signale par I'autour
grec, qui ]<> donne coinnv.; reconnu d'abord par les
figy])tiens, lo rapport d'apr^s leqnel ce diamelre est
iin 750' du ceiclo entier, ainsi qu'on I'avait constate
par les hydrologes : or cii imiltipliant par 750 les
300 stades du diamelre, on revienl a la mesiue lotalc
de 225 000 stades cgalemenl donnee par los elt^inenls
que nous avons ci-dessus rapporld!S.
Puisque nous rappelons ainsi les indications ras-
sembl^es dans le traits de Cleoni6de, peut-etre nous
sera-t-il permis de faire reniarquer, occasiounellement,
que revaluation d'Eratoslhene y est porlec au chillVo
rond de 250 000 stades, londisque dans I'opinion com-
mune, c'est 252000 stades qu'il faudrail lire; maissil'on
veut bicn considerer que Pline attribue formellenient
a Hipparque une correction additive aux resullalsd'Era-
toslbene, j endant que d'autre part Strabon constate
qu'Hipparquc employait revaluation de 252000 stades,
ne sera-t-on pas conduit a conjecturer que I'addilion
de 2 000 slades est precis^menl celle que Ton doit a
Hipparque, el qui se trouve deguisee dans la lecou vul-
gaire de Pline, sous un cbiffre exagtire? d'Avezac.
TYPES DES RACES HDMAINKS
[Types of Mankind).
ParMM.NoTTetGLiDDON, — Conipte rendu par M.Gustave d'Kiohthal.
Messieurs,
Les auleurs du livre dont vous avez bien voulu nie
charger de vousrondre comple, ont pris soin de nous
laire connaitre, au debut meuic de leur travail, la
pensee generale dont ils se sont inspires.
( 5/i )
« L'elhnologi.', ont-ils (lit, on r^p^lant les paroles
de I'hahik' i>l courap;eux etlil<Mir du Journal ellinolo-
gique de Londres , i'ethnologie esl la science qui
eludie les differences physiques el inlellecluelles de
I'liumanitc^, et les lois organiques dont ces dilT(^rences
dependent.
» Le mot d'ellinologie a g^neralement ^16 employ*
jusqu'ici commo synonyme d'et/inngraphie : il a design 6
riiistoire naturelle de I'homine; mais II doit prendre
aujourd'hui une signification heancoup plus vasl(? ; il
doil embrasser I'histoire tout entifere physique et
intelleclueile des diverses families humaines, I'histoiie
de leurs relations el <\e leurs institutions sociales.
Ainsi comprise, I'ethnologie interesse egaleinent le
philanthrope, le naturaliste, I'liomme d'Klat. L'ethno-
logie cherche a connattre quelle a ili, a I'origine, la
structure organique des diverses races, leur cararlere
primitif ; elle etudie les modifications que ces races
onl pu ^prouver par I'influence combinee et succes-
sive de diverses causes physiques et morales, elle
cherche, enfin, quelle place la providence a assignee
a chaque type humain dans I'echelle sociale.
» Tel est le hut de ceWe science, n^e, on peut le dire,
sous les yeux de notre propre generation. La presse
abonde en publicalions relatives aux diverses sections
de I'elhnologie. Cependant aucune tentative n'a
encore 6l6 faite, que nous sachions, pour donner a
I'ethnologie, dans un Iraite systematique, une formc!
nouvelle en harmonie avec les progr^s r^cenls de la
science.
» Morton avail congu le plan d'un pareil travail, mais
malheureusemenl il ne v^cut pas assez longtenips
(55 )
pour rexecuter. Le present volume est bien loin sans
(loute de repondre aux exigences actuelles de la science;
cependant nousavons confiance (ju'U rouniira d'utlles
ressourcii's et pourra servir de guide a ceux qui vien-
dront apr^s nous. »
C'esl alnsi que MVl. Notl et Gllddon coniprennent
I'ensemble de la self nee ethnologique. Toutelois, enlre
Its innouibrables questions qui appartiennenl a ce
domaine, II en est une qui a parliculierement fixe
leur allenllon, qui est a la fois le point de depart et
I'objt'l final de leurs travaux; c'est celle de Vorigine
(les races. Sur ce sujel, on le sail deux grandes opi-
nions sont on presence. L'une s'appuyant sur le recit
de la Geneve, atlirnie que loules les races huinaines,
sans exception, sont issues d'un couple unique cree
par Dieu, place par lui dans le jardln d'Eden, 11 y a
quelque six niille ans, L'autre, se fondant sur I'ob-
servalion des caracleres typlcpies, pietend que les dl-
verses races n^ peuvent provenir d'une uieme souche
priinili\e, 't tout v'n reronnalssant I'lmite organi'pie
de I'espece humalne el la dlsposllion de tout^s ses
blanches a s'assocler de la nianiere la plus diroite,
refuse d'adniellre (pie cette unit6 resulte de I'unlle
d'orlgine.
Cette opinion avait ete deja souvent expriniee, lors-
que, 11 y a quelques annees, M. Morton I'adopta, cl
consacra a la defendre un talent eminent el une
science Ires etendue. Ses disciples r^clament pour Ini
riionneur d'avoir fonde sur cette base une nouielle
6cole ethnologique qu'lls appellent I'ecole americaine,
en opposition a I'ecole an^laise ^lev6e par Prichard
sur le princlpe conlraire tie I'unite d'origlne.
( 5<> )
Cest ;i la lliooric dc la pliitalitc primilive iles races
que se lallache la serie He Irailcs dislincls qui compo-
sent Ic livre de MM. Noll il Gruldon.
Le premier de ces Irailes est I'ceuvre d'un savaiil,
doiil Ic noin figure an premier rang |)armi ceiix des
geologucs cl dos palconlologisles conlciiijiorains, clqiii
neclforjiie en Europe, a vugrandir encore sa reputalion
aux Klats-Lnis ou il professe aujourd'iiui la paleon-
tologic a rUniversite de Cambridge. T/csl une esqnisse
des proi'inces iKiliirelles ilii re^/ie iiniiiidl ct dc /curs
rnpnorts ch'CC les divcrscs races Iniinaincs. « II y a , (lit
M. Agassi/,, dans I'liisloire physique do I'esp^ce liu-
maine uii Irail tpii a ele cnliercmcnl neglige jus(|u'ici,
nous voulons parler des relations entrc les difTc^rcntes
races humaines, el les animaux cl les planles qui Iia-
bilenl les memes regions. L'esquisse que nous pre-
senlons a ])our but de combler cette lacune el de
monlrer que les limiles qui circonscrivenl les diffe-
rents groupes nalurcls d'animaux a la surface du globe,
sont aussi les memes qui circonscrivenl les si(^ges pri-
mitifs des dideronles races (p. i.vin). » M. Agassiz
admet huil lypes huiiiains priniilil's. L'Arlic ou Esqui-
mau, le Mongol, rEuro[)een, i'Americain, le Negrc,
le Hollenlol, le Malais, i'Auslralion ; el il montre qu'a
cliacune des regions primilivemenl occupees par cha-
cune (le ces races correspond une fauiie parliculiere,
c esl-a-dire un ensemble de races animalcs qui ne se
relrouvenl poinl ailleurs. Les vues de M. Agassiz ont
6l(i exposees par lui pour la pren)iere fois dans la
Refiie Suisse en 18/i5. II ne nous apparlienl point de
les discuter, ni de les jugcr tn detail, niais dans leur
ensemble, dies nous j)araissenl oil'rir un caracl6re dc
{ ^>7 )
verite inanirtste, et ouviir ;i la science iin chainp
tout noLiveau.
A la suite dii niemoire de iM. Agassiz, vieiU \o. tra-
vail proprc de MM. Noll et Gliddon. II esl divis6 en
trois parlies tlonl la premiere apparlient plus specia-
lement a M. Nott, et doi.t la sccoiule et la Iroisieme
sunt I'usuvre exclusive de M. Gliddon.
Dans une reniarquable iulroduction, M. Noll expose
I'objel S])ecial de la premiere parlie. La question en
lilige cntre les partisans de r////<V(' et ceux de \a plu-
iftlile cles origines huniaines, sc raniene evideuiinent
u celle-ci : Les races huniaines ont-elles ou non des
caracteres pcn>ianeiils ? Vgvsouuq an eflet ne coulesle
qu'il oxisle aujourd'hui, entre les diverses races, des
diflerences extreniement marquees, sous le rapport
moral, intellecluel el physique. Mais les partisans de
V unite d'ovi glue pretendent que ces differences resultent
de Taction prolong^e des milieux physiques, on bien
des circonslances sociales dans lesqnelles les diverses
races ont vecu. Les partisans de la pliiralile des ori-
gines soutiennent an contraire que ces causes sont
tout a fait insuffisantes pour rendre comple des diffe-
rences dont il s'agil; ils n'admellent point que I'aclion
du climat, ou celle des moeurs, puisse arrivcr jamais
a modifier les caracleres essenliels del'organisme. Les
fails n'ont jamais manqu6 aux defcnseurs de cette
th^orie : loutefois I'etude des anciens monuments de
lEgyple el de TAssyrie, qui depuis le commencement
de ce siecle, el notamment depuis quelques annees, a
fail tant et de si merveilleux progres, est venue donner
a leur opinion une confirmation Inallondue el qui
sembic decisive. On a relrouv6, en effel, sur les sculp-
( fts )
lures de ces monuments, des (i^uies d'lioinmes et
d'animaux donl k'S lypes subsislenl encore aiijour-
d'hui parfaik'Uient coiilormes a ces antiques modeles.
Un laps de plusieurs milliers d'ann^es egal, dans cer-
tains cas, ou prosque ^gal a la durde (|ue les parti-
sans de Viinite (Cori^ine assignoiit a i'exislence meme
de I'esp^ce liumaine, n'a done pu inlroduirc dans
I'apparcnce et par consequent dans I'organisalion des
races donl il est ici question , aucune modilication
sensil)le. D'un autre c6t<^, les momies d'hommes el
d'animaux irouv^es dans les necropoles de I'Egypte
atlestenl 6galement la permanence des anciens types.
Desormais cetle permanence semble done plac6e liors
de doule, el par la se Irouve en meme temps confirme
le priiicipe de la pluralile primitive des races hu-
maines.
M. Gliddon est un des homines de noire temps qui
ont le plus soigneusement etudid et qui connaissent
le mieux les monuments de TEgypte et ceux de I'As-
syrie. Avec sa collaboration, en s'appuyant autanl
que possible sur la comparaisoii des represimtations
assyriennes et ^gyptiennes venues jusqu'a nous, M. Noll
a ecrit six chapilres plcins d'inleret sur la permanence
des lypes caucasien en general, juif, ^gyptien, n6grc
el africain. II a egalement entrepris cetle demonstra-
tion a i egard des races aborigenes dAmerique; uiais
ici ce soul principalement les sqiudettes trouves du-
puis quelrjues annees en si grarul nombro dans les
anciennes s»^pultures qui lui onl servi de lerme de
comparaison.
A ce grand travail, viennent se joindre, pour com-
puter la premiere partio, deux m^moires posthumes
( 59 )
de Morion, Fun sur les Dimensions du cerveau dans /es
dijferentes races et les differentes families humaines ;
I'aulre sur I'origine des races humaines; puis un me-
moire tie M. Usher (de Mobile), sur la geologie et la
paleontologie, dans leur rapports avec la question des
origines humaines. Enfin viennent deux aulres me-
inoircs de M. Nolt, I'un sur les lois de Vhybridite chez
les aniinaux dans leur application a Vhomme^ I'aulre sur
Vanatoniie des races humaines.
Dans le travail que nous venons de nommer ,
M. Usher resume les oliservalions des geologues,
d'apres lesquelles la surface lerrestre, telle que nous
la vojons aujourd'hui , doit necessairement exisler
d^ja dopuis des niyriades d'ann^us ; il cile aussi des
exemples nombreux de debris huinains et d'instru-
nients huinains Irouves dans des formations g^olo-
giques dont I'age depasse de beaucoup nos plus vieilles
epoques historiques.
La question des lois qui regissent les produits hy-
hrides dans h s races humaines avait 6te posee et dis-
cutee Ires heureusement il y a quelques ann^es par
M. Morion (1). M. INott reprenant ce travail, y a ajoute
de nombreuses observations, de curieux d^veloppe-
menls. Et il esl arrive avec M. Morton a cetle conclusion
« que la I'aculle de s'enlre-produire, existante chez deux
races d'animaux, ne prouve en aucune faQon la com-
mune origine de ces races ; qu'a plus forte raison, cette
faculty ne pent pas elie invoquee comma preuve d'une
nieme origine a I'egaitl de deux races humaines (2). »
(i) Vo^ezSillimgn's Jnunial, < 847; ^' Charleston medicalJournal,
i848-i85i.
(a) Nous n'avoiis icpeiidctiit pas icliouve ilaiis le travail de
(00 )
Le dernier memolre ilc M, Noll sur raiialomic dos
races (p. 397) se compose principaletncnl dc resul-
tats oblenus par rotude des cranes qui composcnt la
belle colleclion do fou M. Morton.
Jiisqu'ici nous avons vu MM. Noll fl Glid(K)ii dc-
inander diroctemcnl a la scioiice la confirmation du
principe defendu par eiix; mais i'o|nnion contraire
repose sur autre chose qu'une base pnrement scien-
tilique. Elle s'appuie surtout sur une autorit^ scrip-
luraie, sur un double lexle de la Gen^se, qui deux
lois nous monire I'liumanile lout cnliere sorlant
d'un cou|)le unicpie, d'Adam ot Eve, a i'epoque de la
creation, de Nou et de sa femme a I'epoque du deluge.
— MM. Noll et Gliddon ont cru (juc leur ceuvre serait
inconipI(Me s'ils ne reduisaienl ;'i sa juste Taleur celle
autorile sans cesse invoqu^e conlre eux. WA est I'objet
de la seconde el de la Iroisieme parlie ledigeespar
M. Gliddon.
Apres avoir raconle la deslruclion du genre liumaiu
M. I^oll, ccKc cousideiatioii (|ui iiuiis avail j);mi la |iliis iiii|ioi lantf
enlie toiites ci'Ues presentees par Morton: c'est que la Fi'condile dcs
metis, provonaiit d'uspecej voisincs iiiais tli^itinctes, rroit en propor-
tion lie la tlisposilion de t'cs especes a la doinesticite. Or riioniine
etaiit le plus diuicstiijiie de Ions Ics animaiix, les metis humains
doiveiit elre, en vcrlu dp la loi siynalec, les plus feconds de tous.
(3elli' fecondite s'aecoidc done tres bien avec la cliversite spdcifique
des races humaines; elle n'en prouve en aucune facou Ymt'tti', comme
ou a ern puuvoir I'atHrrner.
!,(■ inetnoiredc M. Morton tut presente a la Soeiele elhnolu(>inue
de i'.iiis daii-i 1 i seance du 22 (aloljre 1847- " donna lieu a dcs ob-
servations tres iiiteresiantes de la part de M, (JcoftVoy Saint-tldaire
sur la fecoadiie des metis et les caracteres difFercntiels des especes,
(Voyez le Bulletin de la Sociele ellinolof»iqvie pojir 1847.)
( 01 )
par lo deluge, I'luituur do la Gon6se, dans son c6l^hre
chapilie X, ddnne lo tableau des peiiples issus de
Noe et de ses irois fiis, Seni , Cliam et Japhcl. De
I'avis de lous ceux qui I'ont etudi(^, cc document ren-
ferme les renseigneuients les pKis pr^cieux sur la
filiation de certains peuples anciens. — Mais qu'est-ce
que ces peuples? Que lepresenlent-ils pur rapport a
I'ensemble de riiunianitePSonl-ilscet ensemble meme,
ou bien en sonl-ils une simple fraction? — La reponse
a cette question ressort de la determination meme des
diflerenls noms qui figurent dans le dixieme cbapilre.
Faite par Bocbarl il y a environ deux siecles, avec
aulant de sagacite que d'(^rudilion, souvent retoucbee
depuis sans cbangements considerables, cotte determi-
nation a ete reprise et amendee en certains points par
M. Gliddon. II en a fixe les resultals, dans deux
tables jointes a son travail , I'une g^nealogique ,
I'autre geographique; et il a ainsi rendu sensible
cette conclusion que le cbapitre X de la Genese ne
renferme qu'un petit nombre des peuples qui com-
posent I'ensemble de I'espece bumaine; qu'il renferme
les peuples seulement qui a I'epoque ou le document
fut ecrit habitaient I'Arabie, I'Egyplo, la cote septen-
trionale de I'Afrique, enfin toute la partie anterieure
de I'Asie occidentale, comprise entre la mer Noire,
I'Eupbrate et la Mediterranee. C'est a peu pres le
domaine sur lequel s'etendail le commerce des Pli6-
niciens, et par cette raison il y a tout lieu de croire
que le document a ete puise a une source pbenicienne.
Quoi qu'il en soit, le cbapitre X ne comprend evidem-
ment qu'un certain nombre de peuples Semites et ha-
mites; de peuples indo-germaniques, il ne renferme
( 62 )
qu'un pelit nonilire el laisse en dehors la plus grantle
parlie de cetle immense fainille ; d'ailleurs i! nc inen-
lionne ni unMogol, ni un Polynesian, ni un Aiislralion,
ni un N6gre. Ainsi, a prendre le lextc de la Gcn^se, il
esl faux (jue ce livre ^lablisse en auciine maniere la
descendance cle l'universalit(^ des peuples a I'egard de
Noe. En donnant au dixii in' chapilrc loute i'autorite
imaginable, cetlo descendance nc s'appliqut-rail encore
qu'A une faible minoril^. Par-li menie celle descen-
dance ne pent dire admise a I'egard tlu coupli; piimilif
(Adam et Eve), puisque, d'apres la Gen^se, ]No6 el sa
femme sont deu)oures {'unique lignee de ce couple
priniitif.
Mais M. Gliddoii n'a pas voulu s'en lenir la. Remon-
lant au texle jn6ine, sur Jequel on pretend fonder la
descendance universelle d'Adam.c'esl-a-dire I'liistoire
de la creation, il a rappel^ que depuis plus d'un
sidcle tons les exegeles serieux sonl 1 'accord pour
reconnailrc que dans la Genese cetle hisloire esl
double, qu'd y a un premiiM- document, coinprenanl
le cbapilre premier, el h s Irois premiers vorscts du
chapilri- II, el un deuxieme document, coinprenanl
le reste da chap. II, el le cbapilre 111 tout enlier. Or
ces deux documents dillerenl comj)leteinenl I'un de
I'aulre; il esl facile de le constaler a la simple lecture.
Ici nous devons seulemenl faire reniarquer que dans
le premier document, le mot Adam esl pris dans son
sens general, dans le sens d'espece liumaine. C'est
dans le second document seulemenl qu'il prend un
sens individuel el personnel. Or ce second docuraenl
est, suivant loules les apparences, d'origine persane
el n'est enlr6 dans le corps des ^crilures sacrees Ii6-
( 63 )
braiques qu'a I'epoque de la captivite de Babylone.
Cependanl c'esl sur ce document seul que repose la
doctrine qui fait sorlir tous les liommes d'un couple
priuiilif.
Enfin, a I'appui des travaux que nous venons de
rappeler, M. Gliddon a coininenc^ une sorte d 'exposi-
tion des principes g^n^raux tie la critique biblique.
Dans un pays ou la Bible conserve encore une si
grande aulorite, il a regartl^ comme un devoir de com-
niuniqiier a ses compalriotes cette doctrine professee
aiijourd'bui paries plus illustres defenseurs de la foi
protestante en Allcmagne: que I'autorite de I'ecriture
el celle de la raison sonl inseparables, et que, loin
d'avoir rieu a craintire des entreprises de la critique,
la Bible ne pent que gagner a eire debarrassee de
I'enveloppedont I'ignorance etla superstition I'ont par-
fois entour^e, el a se niontrer aux yeux des boniuies
dans sa purel6 primitive.
Tel (St en resume, Messieurs, I'important travail
dont vous nous avez demands de vous faire connaltre
la substance. Vous y verrez comme nous sans doute
un nouveau et remarquable lemoignage de I'activit^
scientilique et pbilosopbique qui se manifeste aujour-
(I'liui aux Etats-lJnis. A|)res avoir monlre au monde,
dans ses institutions politiques, I'exemple de la sagesse
unie a la liberie, apr^s avoir paye son tribut a la civi-
lisation par de magniliques applications de la science
aux besoins de I'industrie el aux nt^cessites de la vie,
apres nous avoir donne If paratonnerre, la navigation
a la vapeur, le telegraj)be electrique, I'emploi des
agents aneslh^siques, les Etats-Unis s'avancent aujour-
d'hui d'un pas hardi dans la voie de la r^forme et de
( '■''• )
la propagandc scientifiqne el pliilosopliiquo. lis ap-
porlent ;i cotlo (tinro la iiiemo ardour, la mOme puis-
sance d'acllon , qui les onl conduits si loin dans la
voic induslriille. Deja Emerson el Clianning se soul
acquis uii nom glorieux parn)i les philosophes et ks
iheologieus. \\ ashingloii Irviug, Prescolt, Bankroll,
ont pris rang parnii les liisloricns dont le tenips doit
respecter les ceuvres; Morion el son 6cole auront puis-
saiunient conlribue a r^g^nerer la science de I'liomnie
el a la populariser.
Kn VOU.S faisant coniialtre , Messieurs, I'economie
g^n^rale du livre de MM. Nott et Gliddon , nous n(uis
somints absleiuis de loute critique meme sur les
|)oints a Tegard dosquels nos convictions s'ecarlaienl
plus ou nioinsdes Icurs: un pareil travail eQt depasse
la inesure du compte rendu que vous nous demandiez,
la mesure meme du lemps que nous pouvions consa-
crer a I'^tude d'une ceuvre aussi considerable. II est
cependant une exception que nous devons faire a la
regie que nous nous sommes impos^e ; nous devons
exprimer devant vous le regret que nous avons eprouv6
en voyant deux hommes aussi distingu^s suLir si
completemenl I'influence ilu prejuge public, malheu-
reuscnient si puissant aux Elals-Linis, au sujet de la
race noire. Et cependanl nous sommes bien pres de
parlager leurs opinions ethnologiques a I'^gard de cette
race : comme eux nous croyons a rinleriorite essen-
lielledu noir, sous le rapj)orl scienlifiquc el politique;
mais nous ne tirons pas de ce fail los memes conse-
quences. iNous croyons que celle inferiorite est com-
pens^e par le developpement si lemarquable chez le
noir de loules les facult^ssyrnpalhiques. Et loin d'ad-
( <i5 )
mellre que cetle race puisse 6tre elernellement voude
a I'esclavage, nous pensons que dans rere nouvollc,
vers laquelle les peuples semblent aujourd'hui s'aclic-
miner, ere de travail, de paix et de sympatliie, la race
noire est appelde a remplir un role non raoins im-
portant que celui de la race blanche. Nous ne pouvons
qu'indiquer ici cette opinion , en nous refdrant aux
ddvelopperaents que nous y avons donnes ailleurs (1).
Et pour rendre a chacun ce qui lui est du, nous devons
aussi rappeler que dans un livre recent, livre egale-
ment emane d'une plume americaine, et dont I'appa-
rition a cause dans toutes les parlies du monde civilise
une si vive sensation , dans le roman de VOncle
Tom, cette meme opinion a etd prdsentde etddfendue
par M'"e Beecher Stowe avec autant de raison que
d'dloquence.
RAPPORT
sun l'ouvrage intitul£ : Geographi grceci minores, avec
COMMENT AIRE ET ATLAS DE 29 PLANCHES, PAR M. ChARLES
MuLLER. Imp. el libr. Didot. 1 vol. gr. in-S" a 2 col.
Par M. ISAMBEllT.
C'est une enlrepriso depuis longtemps annoncde, et
jamais completement exdcutde qu'une edition coni-
plele ou generale des Petits geograpkes grecs ; le succes
obtenu par les quatre volumes de I'anglais Hudson,
publiees de 1698 a 1712, avait altire I'attention des.
savants. Leur rarete en rendaitla reimpression urgenie
(i) Bulletin de la Societe elhnologique, 2' triinestre tie 1847.
IX. JANVIER ET F^VRIER. 5. 5
( 66)
Mais cuinine on avail leroutui combien clle elail in-
complete, et combien d'ouviagcs iuiporlants avaient
di'happe a cetle edition, (|iii cKaillenrs se tompobe en
partie de geographes arabes, des plans avaient 6l6
dresses. Nous n'avons pas 6t6 stranger a la pnhlicalion
par M. Franc. Gail fil;-, on 3 vol. in-S", a riniprimerie
royaie, faile de 1826 a 1831. Elle elait accompagnee
de cinq planches, conlenanl diverses carles pour eclai-
rer les lexles qu'elle renlernie; car un recueii de ce
e;enre ne peul se passer de carles, ct il en faut aiitanl
qu'il \ a d'ouvrages separ^s ; ces carles onl el6dressees
avec soin, les lexles onl 616 re\us; et chaque geograplie
esl accompagne de disserlalions el de notes assez
etendues: mais M. Gail n'a pu acliever niemc la reiui-
pression des lexles del'edi lion d 'Hudson. MM.Letronne,
iMiiller et d'autres savants, pour ne jiarler que des
Fran^ais, a\anl a coeur raccroissemeiil de la geogra-
phic, ont pultlie, a pari, quelques-uns des g(^ograplies
d6ja connus, d'apr^s de nouveaux manuscrils, el y
onl joint de nouveaux eclaircissements.
Mais il s'en faul qu'on ].ul he flatter d'avoir une
collection complete, quand M. Ch. Miilier, auquel les
sciences hisloriques iloivent le recueii de lous les
Tragments des hisloriens perdus depuis les temps les
plus anciens jusqu'a la (in du vi" siecle de noire 6re,
en 4 volumes grand \n-k', a pris I'engagemenl envers
MM. Didol de mellre au jour I'ensemble des Petits
geographes ; nul n'etail plus en etat que ce savant cri-
tique, de nieltre a lin une si lourde enlreprise. A une
connaissance pariaile de la phiiologie, M. Miilier joint
une grande habilele dans la confection des carles, el
nul ne connail mieux les sources. Dun autre cole.
( «7 )
la iiiaison DiHol, qui n'avait d'aboid enlrepris que la
publication des lexles e|)ures dcs classiques grecs,
lie recule devanl aucun sacrifice pour ^tendre cetle
grande enlreprise : olle ajoute a present des com-
nienlaires.
Le volume actuel, qui ne contienl encore que lo lirrs
des ouvrages geograpliiques ecrils en gn c , est ac-
compagne deja de 29 planches, contenant 108 carles
et vues; Taultur n'apas manque de donner le tableau
syslematique des pays d^crits, quand cela a eii neces-
,s aire , vi ( < relablir dans les cartes comparees la
veritable configuration des cotes et des contrees
interieures : il est descentlu dans les details lopogra-
phiqucs necessaires, quand il a eu a eclaircir les
descriptions parliculieres. Nous pouvons assurer que
M. Miiller a employ^ les maleriaux les plus recenls et
les plus aulbentiques ; il en a donne une courte ana-
lyse; el il a rendu justice aux graveurs, et surtout a
notre honorable et savant collogue M. Jacobs pour sa
cooperation.
Ce premier volume renferme a lui seul plus que les
Irois volumes de I'odition de M. Gail; il oflVe par ordre
chronologiquc, 1° le P^riple d'Hannon , ce monu-
ment si respectable des explorations des Carlhaginois,
faites vers la fin du v* siecle avant notre ere; — 2° la
description de la mer interieure, ou Mediterran6e,
(ie Scylax de Caryande, 6cnte vers I'an 338; —
3° le Periple du goH'e arabique, d'Agatarchide de Cos,
redig^ vers Fan J 30; — 4° les Mansiones ou stations
Parthiques, d'lsidore de Charax, qui (latent du pre-
mier sifeclc de notre ere ; — 5° le Periple de la mer
Erythree, des cotes de I'Afrique, de I'Arabie, el d'une
( ^8 )
portion de I'IikIl', pai' uii anonymo, enlvant vers
I'an 89 Je cettc 6re ; — 0" la Na\igalioii do Ntiarque, de
rinde i'l rEiiphrale, et le Periple de I'Eiixin, d'Airien
deNicomddie, conlemporain d'Adrien; — 7° Icsgrandes
explorations du Sladiasnic anonynie, qui I'urent denies
de I'an 250 a I'au 300; - ct eufin, 8° le Periple des
deux Oceans dQ a la plume de Maicien d'Heraclde,
vers I'an 400.
Cliaque auleur est precede d'line disserlaliun el
acconipagne de notes substanlielles.
On voil quelle moisson nous devons recueillir dans
les lomes II el III de celte colleclion.
Point de doule qu'ellc ne soil accompagnde d'aulres
carles el d'une table alphabetique ires ample des
nonis geographi(jues. Notre savanl collegue, M. Noel
Desnojers doit publier les Geographes arabes; et
completer ainsi I'edilion mixte qu'Hudson avail com-
mencee.
Nous croyons que I'enlrcprise, ddja si avancee, est
une des plus imporlanles que la science ail tentdes
de nos jours. La geographie comparee, aulant que
la philologie, doit s'applaudir de ce qui vient d'filre
accompli par un critique si excrce; faisons des voeux
pour qu'elle arrive promptement a son lerine : nous
Savons d'ailleurs qu'elle va bientot dire suivie du
deuxieme volume de Strabon, avec 15 carles redigdes
avec le mdme soin et la meme intelligence.
ISAMBF.RT.
( (^'•' )
EXPEDITION l)E L'AFUIQUE CENTRALE (1),
PVnukv. PAR M. AUG. PETliRMANN.
(Analyse par M. Jomaiid.)
{Suite.)
HuiUeine excursion. — Voyage de Barth et Overwep;
a Ranem, dc septembrc a novcmbre 1851.
Aiissitot que les voyageuis Barlh et Ovenvcg so
furent rejoints, ils appiirent que le sullan clu Ouarlay
etail iiiort et que tout lo pays elait en proie a la guerre
civile. La Iribu des Oualad-Solinian , refoulee par les
Turcs au nerd et au nord-est du lacTsad, resolut de
s'elablir au Ouaday; le cheykh du Bornou, afin d'aider
les voyageurs, qui voulaienl profiler de cetle circou-
slancc pour explorer le i)ays entierement inconnu
situe enlre le Inc Tsad el la vallee du Nil, equipa vingl
Arabes charges de les accouipagncr. Lc \h de soplein-
bre ils quitlerenl Rouka , so dirigeanl sur la pointe
nord-est du lac el traversanll'Yeou, qui se jolte clansle
lacTsad avec un fort couranl. Overwegdessinarembou-
cliure de la riviere dans le lac, pres dc lagrande ville
de Bosso ; apr^s avoir pass6 Woodle, ils alleignirenl
rcxlr^mite nord-esl du lacTsad. Pendantcelte course
ils virent le lac couverl d'un grand nombre d'ilcs; plus
loin a Test, les bords du lac sonl marecageux ct Ton
apergoit des troupes d'eleplianls. A Birry, ils conli-
nuerent au nord-esl. Le 1" octobre, a Bir-el-Rorno,
ils gagnerenl le cainpcmcnl des Oualad-Solinian , (jui
(i) Voyc/, lc nuiTKTO aont-sRpteinlire |8.'J4, p. 'Sg.
(70)
lesregurent en grande ceremoiiii-. La tiibu comptail
ceni families, qiianliU^ de Tibhous, 5 000 cliaineaux,
plusieurs milliers He lifBiils el iiioiitons. De Bir-el-
Korno ils se dirig^rent siii Maw, la capilale de Kaneni.
La guerio des Iribus Ics forca de revcnir Ic \h no-
vembre a Kouka, ou le docteur Barlh avail essuy^
des allatiuos rep^t^es de la fi^vrc. I,e pays de Kanotn
a le meiiie aspect que Damergou, coiitree Touaiik; il
ost situe a 2 ou 300 milles plus a I'ouest sous la memo
latitude, el forme ainsi la transition enlre la sechc-
resse du desert et Ics pluies jx^riodiques du Soudan.
En ce moment, les pluies tropicales avaient cesse sur
le Yeou. En quittant a Birri les bords du lac Tsad, les
voyageurs Irouvferent un sol sablonneux peu habite,
couverl d'arbres, rempli d'antilopes, de lions, de
hyenes, de cbacals, nvec une multitutle d'elepbants
ct d'aulnicbes ; ils tu6renl un serpent pyllion long de
18 pieds. Dans la partie nitcyt il y a absence de pierros
ou de rocbes ; les ondulations du sol presentenl,
au lieu de la forme ordinaire des valleos, des depres-
sions circulaires ou ovales d'une regularite remar-
quable, el ou se trouvent des j)uils entour^s d'une riche
\egeluliou. Dans la partie est, vers Maw, ces formes
singulieres font place adesvallces contenant d'^paisses
forfels de palmiers, des cbamps de mais, et mfime de bl6.
Les palmiers doum cl les dalliers fleurissent ensemble
conime aux limites d'Air. Mais les populations des
deux pays presentenl un gran I contrasle ; Ks babi-
tants d'Air ont |)Ourdemeure leurs rocbcrs de granit et
ils ont un gouvernement r^gulier; leurs innombrables
cbameaux Iruuvent dans les vallees une sufiisante
pature, el eux-mdmes subsislenl du commerce du sel,
(71 )
pour leqiiel ils recoivfiil du U\e , des esclavos, des
armes, des veleinents et loutes les n^cessites do la vie;
landis que les Til)b.)us de Kanem ne jouissenl pos
d'un gbuveinement reguli«^r; leurs potitos Iribus vivenl
Isoldes dans des vallnns distincls el onl peu de com-
merce. Quand on les altacpie, ils se relirent dans leurs
e[)aisscs forets ou dans des lieux soulerrains. Lc Da-
niergou est caracl(^rise par la frequence desgirafes, le
Kanem par celle dos elephants. Lo Kaneni a loujours
etd dependant, ou duOuaday.ou du Bornou, allirnati-
vement. En 1850, le pays elait gouvern^ par leOuaday;
mais en 1852, il etait loml)6 au pouvoir de I'armee
alliee des Arabes Oualal-Soliman et des Bornouans.
ISeiii'icnie excursion. — Voyage de Bartli et Overweg
a Musgo, de novembre IS'il a ft^vrier 1852.
En arrivant a Kouka les voyageurs apprirent que
le cheykh de Bornou allnit envoyer au Mandara une
arm^e, comtne an leinps du major Denhaui, qui prit
pari a i'expedilion contre ce pays et out tanl de peine a
ecliapper. Loin d'etre effrayes par les dangers ([u'avait
essuyes leur prtidecesseur, ils se d^cid^rent a accom-
pagner I'arm^e, consislanl en 10 000 cbevaux el au-
lanl de |)ietons, a\ec une immense suite dechamtaux
et autres b6tes de charge. L'exp^dition parlil le 25 no-
vembre, se dirigeaiit au sud-sud-esl, passa par Angor-
nou, Roukia, Yedi, Marlfe, Alia el Dikoa, lieu qui est
considerable et situe sur le Koinadougou : c'est un
pays de plaine, peu boisd, mais complelement cultive
en colon, en oignons, etc., habit(5 par lesKanori jusqu'a
Aflage el Sogoma : jusque-la. le chemin fut le menie
que celui que suivit Denham en 182/i ; a partir de ce
( 72)
point on alhi plus h I'esl. A Digpera les envoyes du
sultan de Mandarali annonct'ient que le pays sc sou-
incltall ;i la doniiiialion t\i\ Bornou, ot rannce d'in-
vasion se porta dans unc autre direction. Le lerriloire
de Musgo, qui conimenco a la latitude de 10° 55',
iVappa les vovageurs par I'aspect du comfort ol d'une
industrieuse aclivite. Le pays est d'un bel aspect, la
plaine est liclie, les arbres magnifiques ; le palmier
giginya est particnlier a cette region tropicale ; le doc-
teur Barth ne I'avait trouv^ que dans son voyage
d'Adamaoua a Umboutoude; on rcniarque des etangs
d'eau depluie appeles iiigaljam, qui se lient el lorment
des courants assez largos el profonds pour porter
bateau. L'armee canipa prfes d'un de ces etangs, d'ou
elle ill des excursions pour aller piller el ravager
le pays. Les voyageurs se joignirent a deux de ces raz-
zias, dirigees I'une au nord-est, I'aotre a I'est-sud-est,
mais qui s'arrfiterenl a une grande riviere, appelee
Serbenel, principal aflluent du Shary, el donl un des
l)ras a au inoins 10 pieds de profondeur. Tous ceux
qui essay^rcnlde la traverser lurenl lues par rennenii.
Ses rivos sont escarpecs. Les gens ile Musgo ne sonl
pas une belle population, mais ils sont ce qu'on ap-
pelle bleu bdtis : Xns {cxwvnes sont horriblemcnl defi-
gurees par un orncmeiit d'ivoire qu'elles portent a la
levre superieure. L'ai inee, apris avoir fait un bulin de
5 000 esclaves el 10000 teles de belail, rcninl, par une
ligne plus orienlale, a Kouka, le 1" fevrier J 852.
Le pays explore et decouverl pendant ce voyage de
Bartb et Overwog est dt' ])lus de 200 n)illes g^ogra-
pliiques au sud-esl ile Kouka: c'est une immense
plaino pcncliro \ers le lac Tsad avoc one lix'S faible
( 7S )
inclinaison. Entre Wulia et Dawa il y a iine ligne de
partago qui separe le bassin du lac Tsad de cclui du
Koiiara. D'apres la nature et la forme du sol, Tahon-
dance des caux ct la grandeur de I'inondalion, il ne
serail pas surprenant qn'ellos fiissenl rennies pendant
la saison pluvieuse, ct qu'il exislat une communication
non inlerrompuc au raoyen de laquelle de petites
barques pussent passer du Kouara aulac Tsad(l).Les
vovageuis n'ont vu aucuno montagne excepte au ter-
riloire de Mandara. Toule la conlree est d'une grande
fertility et habilee par une population Irfes dense. Les
districts inbabites et sans culture sont occupes par
des el^pbants, des girafes , des lions et autres betos
fauves. Par ce voyage et celui du docteur Bartli a Yola,
le pays est connu a 100 millos plus loin quo flans la
carte du major Denham.
Dtxieme excursion. — Voyage au Bagirmi (Baguir-
vaii), de la fin de mars au 20 aoAt 1852.
Les deux voyageurs out quitte Rouka a la fin de
mars 1852, le docteur Bartli allant au sud-est vers le
Nil et le docteur Overvveg au sud-ouest vers le Kouara.
Le docteur Barlli so dirigea sur Masseiia, capitale du
Bagirmi, passanl par les villes d'Angornou , Yedi,
AtFade, Debabe Ingaya et Kala, et il altcignil Karnak
Loggene, cliet'-lieu de Loggun, situ6 sur la riviere Log-
gene. II Iravcrsa celle-ci et gagna le Scbary (ou I'Asu),
en face de la petite ville du nom d'Asu, limite ouest
(i) .l':ii (li'ja fiiit rei)ini(|ucr (|ne les (lehoidc'inenl? des {jiaiuls coii-
roiits di' rintriicur do I'Afiicnie rxplifinent les Ir.iditimis des iii-
<li{;cn('S siii' \,\ coininiinlcnliDn des livii'iTs. R.-.f.
( n )
du Baginui. Le pays 6tanl en ra])|Jort d'aiiiilie avec le
Bornoii, il y espei ul uii bon accmil, inais il ful gian-
doment tl^sappoinU', grace aux inliigues d'lin natlf,
qui croyanl n'avoir pas ^le assez bicMi Ir iil6 par le
sultan ct le vizn- dc Bornoii, repandil les pins absur-
des bruits sur le docleur Barlli, dangeieiix sorcier,
disail'il, qui etaitvenii dans le Uagiraii pour detroner
le sultai). Le voyageur fut arrSle dans sa course et il
lui fut impossible de traverser le fliuvo de I'Asu; sans
se laisser delourner par ces dilliculles, il fit un circuit
el arriva a 12 niillos plus bas a Kala et reussit a tra-
verser la livi^re; inais la de nouveaux obstacles I'ar-
ret^renl; il ne lui fut perinis (]ue d'euvoyer ses leltros
de recotninandation au cbef-lieu ct d'attendre la r6-
ponse a Asu; celle-ci se fit longtemps attendre; enfin
il atteignit la capitale le 28 d'avril, iiiais sans pouvoir
la (lej)nsser. La il essaya de recueillir toutes sortes
d'iiifornialions toiicbant les contr^es du sud et do Test
jusqu'au Darfour. Le (5 'e juilli't arriva un niessagcr
qui lui apportait des depecbes d'Europe, avec d'agrea-
bles nouvelles. Au lieu de partir sur-le-champ pour
Kouka, il resta encore un mois dans le Bagirini oil le
sullan le (it assister a une grande fete; enfin, le 10 aoiit,
apr^s trois mois de s^jour a Massena, il lui fut permis
de j)artir. Ce sejour avait coincide avec I'^poque des
pluics, commeiicant avec le mois d'avril et durant jus-
qu'a celui d'oclobre. A son retour il trouva la riviere
d^bord^e , et fut plusieurs fois oblig^ de la traverser
a la nage, tenant a la main la bride de son cbeval.
Le 20 aoflt il rejoignit son compagnon dc voyage a
Kouka.
Ce voyage a beaucoup ajoute a nos connaissances sur
( 75 )
les pays a I'est-sud-est (In lacTsad jiisque vers le bassin
du Nil. Barth est le premier Europeen qui ait vu Ic Ba-
t^irmi. Le Schai y on Asu esl a Vest de la riviere de Kar-
nakLoggene, qui a ^te pris pour le Schary par le major
Denliam, mais qui n'en est qu'un affluent et s'appelle
Loggeme dans le F-oggeee, Serbenel a Wulia , et Ba-
Gun on Ba-Ba>' an dela de cc district; le vrai Schary
esl la riviere qu'il a Iraversee a Mele et a Asu, lieu ou
I'llc a (300 metres de largo, avec un courant de 3 milles
anglais a I'heure ; c'est une magnifique riviere qui, au
milieu de son cours, so partage en floux branches et
ent'erme une grande lie, depuis Miltn jusqu'a Mesken;
ici les deux bras se rejoigncnt; I'oriental s'appelle
Batchikam ou Ba-ir. Massena est a 10 milles nord du
Batchikam. Le Bagirmi t'sl pour la plus grande |)artie
ime immense plaine. Saul' les frontieres est et sud-est,
I'islaniisme y a penetre ; mais le docteur Barth I'ap-
pellc un pays demi-paien. La route jusqu'a Massena
est une des principales grandes routes suivies par les
pelerins allanl a la iVlecque. Le docteur a recueilli de
la bouclie des pelerins qu'il a vus a Masseiia des infor-
mations touchant les pays situ6s entre ce point el le
Nil,de maiiiere a completer la carte du Ouaday et des
pays voisins. II a ecrit et cnvoye au gouvernement bri-
tannique un rt^cil volumineux sur I'histoire, la g6o-
grapbie et Tethnologie du Bagirmi et du Ouad&y, et
rassembl6 des vocabulaires Ires etendus des idiomes
de Loggene, Bagirmi et Ouaday, el d'autres de deux
cents mots seulement appartenant a huit aulres idio-
mes. Le pays a un commerce tellement developpe qu'il
regoit les maicliands, non-seulementdu Bornou et du
Ouaday, mais ceux de Rano ; les produits europeens
( 76 )
vont jiisqii'a Gtigomi, ilans Ics conlrees uionlagnciiscs
ilu sud-est.
Onzieme excursion. — Vovaiie (rOveiwci; vers Yakoba,
du 24 mars an 2'2 inai 1852.
Lo 2i mars, Overweg sc mil on roule au sud-oucsl
de Kouka, jm'os du puits dc Toggir, il visila un villago
dont Ics habitants etaient prestjiic tons nvcugles : plus
loin, Magomeri, grand marche, Ics puits ont iO pieds
de profondeur. Le 1"" avrll il ('tail a Gujcba, grande
ville enceinte do nuirs; lo pays est riche en plantes
et en arbros <le boaucoup d'esp^ces : on conipte trenle-
dcux ditlerents arbres, rapportanl des fruits bons a
manger, et quaranlo animaux que chasscnl les gens
de Gujeba, compris la civctlc dont on retire le muse;
le lieu appartient au Bornou depuis 18/|7. Le doc.leur
Ovcmeg a ete bien re^u a Gujelja; il y occupait unc
maison conligue a la rc^sidence du sultan ou il rcce-
vait la visile dune multitude dc curieux, allires par
les sons de sa hoite a miisiqiie; ils donnaienl le nom
de iiiolo ;i eel instrument.
Le doctour quitta Gujcba Ic 9 avril, se porta a I'Duest
jusqu'a Dora. I.es bestiaux qu'y entretiennent les Fel-
latas sont si grands et si forls que jamais les lions nc
les allaqucnt. Dora est unc granrle villo qui a succcde
a uno ancienne Dora , dtlstruite en 1830 par les
Fellatas. Les habitants ont une langue |)ropre. Le doc-
teur Overweg monla sur uno Eminence qui domine la
ville, d'ou ion a unc vue elendue sur une vaslc plaine
versanl dans Ic Benuc, cc que M. Pcleruiaim Irouve etrc
en conlradiction avec d'autres rajiports. II elait en train
flo monter sur uno rnonlagne beaucoup plus elevee
( 77 )
lorsqiie Ic siillan lui fit dire de I'LVOiiir en ville. A ia
porle, lui, et les goiis cle Fika qui I'avaient conduit,
furenl Ires mal rccus par une foule inuuense, poussant
des cris violents centre ceux-ci; luais le docteur per^a
la foule et parvint a regagnorson hahilation; ily eut un
honiuie qui alia jusqn'a ])roposer de tuer I'etrangGr.
Malgre la protection du sullan, il fallut quitter le lieu
d^s le lendeniain n)atin. Overweg porta ses pas sur
un terrain 6levd qui loriue le partage des eaux entre
Test et I'ouest.Les iroupeauxdesFellalas renfermentau
moins niille teles de betail. Avant Mulueli, ville forte,
environnee de nuirs et de fosses, le sol est de gypse et
de pierre a chaux charg^e de fossiles : les etrangers
furent bien vequs dans la ville. A Test de Billaraba, pays
deBaber, on voit la formation basaltique. Les bonimes
ont de beaux traits el sont de mceurs douces et inof-
fensives.A Siggedir on donna au docteur le spectacle
d'une danse d'elephants. Le 29 avril il eprouva la plus
forte averse qui fut encore tombee de la saison , et le
30 il rentra aGujeba. Puis, apr^s avoir visite plusieurs
villes, Uje entre autres, qu'avalt vue le docteur Earth,
parcouru des districts tr6s peupl^s, observe lesMarghi,
population belliqueuse et qui se sert de Heches empoi-
sonn^es, il revint a Kouka le 6 niai.
Tout le pays au sud-ouest du lac Tsad a ete ^tudi6
geologiquement avec beaucoup de soin; je renvoie a
la relation pour la description detaillee des terrains
et des roches; on n'avait jamais recueilli aulant de
notions precises sur la composition du sol de I'Afrique
interieure : les roches basaltiques, les cones reguliers
de basalte abondent a Billaraba; tout est basalle a
( 78 )
Siggedir ut an pied est le granild^compos^; en tteiieral,
le Ijasalte domine dans lout le pays.
La salson |)luvieuse y coinnience iin mois pliitot
qu'a Kouka.Ja contr^e est dos plus fertilcs. 11 y a un
arbre appolci aussi kouk((, qtii est (I'mie ininiense pro-
portion. L'abondance des bestiaux y est telle que le
prix d'un moulon aSogoma est de deux ponce (20 con-
limes). Lcs principales betos fauves sent los ('■lepbants,
les lions, les aulruchos, olc. Les singes, noirs ot rouges,
sonl en grand noinbre. be niiel ost d'excellenle qua-
lite. La |)artie nord-ouesl est babit^e pur les Rerre
Kerri, tribu qui vii de pillage et est grandenient redou-
I6e ; non loin sont les fauieux Nyeniyem, c^l^bres dans
I'histoire de I'Afrique inl^rieure ; selon Ci' qu'on a dit
au docleur, ilssoiit caniiibalcs rt babitenl les districts
au sud des Baber.
Ici finil I'bistoire des remarquables travaux du doc-
leur Ovorweg; car peu do temps s'est ecoule eiilre son
retour a Kouka el la calastropbe qui I'a enlev6 a I'ox-
piidition. Le 15 de juin ( ominonc^'rent les pluies di-
luviales. Le 1h juin los dopf^cbes d'Angletcrre arri-
veront au docleur Bartb, alors dans le Baginui; elles
6laienl impaliemmenl atlendues; ce futpour iiii uu jour
de joie, uiais 11 no put renlrcr ix Kouka quo le 20 ooQt.
En arrivanl, Bartb fnt saisi d'iiiquiotudo , en voyant
ramaigrissemeul de son ami ot son |)ou d'aj)p6tit.
Pour eviler les dangers do la saison pluviousc, il fut
convenu que le docleur Overweg ferail quolque longue
excursion; il |iartit done pour le Komadougou (le nom
d'Yeou, cslinconnu aux nalifs). Au 21 juillotil trouva
que la riviere coulait de I'ouesl a Test, coiirant qui a
( 79 )
lieu pendant sepl mois, c!e juillel a la fin de f^vrier,
Overweg revint en assez hon elat le 14 sepleinbro a
Kouka , croyanl avoir relrouve la sanle; cinq jours
apres il etait saisi de la fievrr, sept jours plus tard ii
n'^tait plus. A peine arrive a Maduari, pres du lacTsad,
ou il avait voulu elre Iransporle, il expira le 27 sep-
tenibre ; il elait age de trente ans ; le docteur Barlli
rendit les derniers devoirs a son unique coujpagnon
de voyage.
Overweg ^tait n6 a Ilaaibourg, il avait pris ses degrt^s
a rCniversite de Berlin.
Douzieine excursion. — Marches du docteur Earth
depuis aoilt 1852.
Muni (ie leltres encourageantes et des ressources
arrivees d'Europe, le docleur Barth songea aussitol a
plusieurs projets de voyage, I'un, du lac Tsad au Dar-
four; I'aulie, a Tonibouctou; le troisi^nie, vers la iner
deslndes. Plein de resolution et d'^nergie, Barlh re-
joignait avec enthousiasine son unique coinpagnon ;
rnais il arriva juste pour le voir succomber; sa sanle
a lui-merne etait alter^e; uiais, avec un veritable he-«
roisnie , il se determina aconlinuer seul I'entrepiise,
a explorer les rives du Kouara jusqu'ici inconnues,
ainsi que les terres eulre Sakkalou et Tombouctou, et
a envoyer tous ses papiers a Tripoli. Le sultan du
Bornou aurait voulu le telenir a Kouka comme repre-
sentant de I'Angleterre, mais Barlh avait pris son parti;
a tout prix il voulait que la mission eiit un resultat.
Le sultan lui fit present tie deux beaux chameaux. Ses
derni^res lettres elaient datees de Kachna du 6 mars
1863. II avait 6le bien regu par les Fellatas; la pro-
(80 )
lection du Galadima (premier minislre) ii Sakalou
lui 6lalt assurec. II ilevait s'y rendre avoc luie escorle
de 200 cavaliers. A Kachna, il avail achete des pre-
sents pour les chefs; enfin, il elait satisfait du zele et
de la fidelito de ses serviteurs.
Le docteur Barth avail I'inlention de se rendre a la
Tchadda, au point jusqu'ou sont remontes, en 1823,
Allen cl Oldfield. 11 voulail visiter Kororrofa au sud
de ^akoha el de Darroro (Dunrora de Lander) grand
pays qui se distingue par un plus liaut degre de civilisa-
tion et par son industrie; la capitale, AVukari, est une
immense ville, a 8 ou 9 millcs anglais du Benue. Ce
pays ligurait autrefois sur les carles , mais il a
disparu des cartes modernes; il en est question dans
le memoire donne a Claperton par le sultan Bello ,
oil on lit : « Kornoria (Kororrofa) embrasse 20 districts,
possede des mines d'or, de sel el d'anlimoine. »
Treizieme excursion. — Voyage du docteur Vogel.
Un nouveau corapagnon de voyage elait devenu in-
dispensable, et le gouvernement anglais avail expedie
le docteur Edward Vogel, aide de M. Hind et en outre
bon botanisle, en qualite d'astronome de I'exp^dition.
II elait recommande par le colonel Sabine , i'amiral
Smylb, M. Robert Browne, sir Jackson Honker et pr6-
senle par ie chevalier Bunsen. Le docteur Vogel partit,
de Southauiplon, le 2 fevrier, avec deux hommes du
corps des mines, et des caisses d'instruments propres
a remplacer ceux de I'exp^dition, perdus, detruits ou
d^t^riores par trois ans de voyage.
Le 28 juin 1853, il quitta Tripoli accompagnti de
M. Fr^d^ric Warrington (fils de I'ancicn consul an-
( 81 )
glais), ct (I'lin parent du sullan du Bornoii qui venait
de la Mecquo et relournait a Kouka. An 5 aoi\l, ils
etaient a Morzouk, le thermonielie monla jusqu'a
100 degies Fahrenheit a I'onibre (environ 32 deg. cen-
ligrades) et 120 degres au soleil (environ kl deg. |);
I'appai'eil pholographique ne ])ut pas servir.
Je n'extrais pas ici les observations failes par le doc-
teur Vogel sur cette route, la nieme qu'ont suivie el
decrite Denhani , Clapperlon et leurs successeurs; ii
y aurait cependant a relever d'int§ressantes observa-
tions d'histoire naturelle que le docteur etait parfai-
tetnent en etat de recueillir. Je dois ciler seulenient
ses observations d'aslronomie, d'hypsometrie et de
magnetisme. Les positions de Sokna et Mourzouk
(29° li' ll" et 25" 55' i&' en latitude) difl'erent peu de
celies qu'ont donnees Lyon, Denhain et autres ; il n'en
est pas de meme pour la longitude ; le docteur Vogel
assigne, a celle de Sokna, 16' 18' 30" E. Greenwich
au lieu de 15° 28' selon Denham , et 14° 10' 15" au
lieu de 15° 50' selon Lyon. Le professeur Encke, a
Berlin, a calcule les observations du docteur Vogel;
mais il n'a trouve d'elements complets, quant aux lon-
gitudes, que pour une ile du lac Tsad, I'ile deBelarigo,
dont la position est de IZi' 50' long. E.-N. Greenwich.
Voici plusieurs des principales latitudes d^terminees :
Ile de Belarigo. 13° 26' 37' (lac Tsad).
Tripoli 32° 54' Z|3"
Tin Tellust. . . 18° 35' 24"
lie Gouria. . . 13° 24' 32" (lac Tsad).
Sogoma. ... 11° 57' 30"
WuUa 10° 9' 22"
Yedi 12° 27' 27"
IX. JANVIER ET FiVRIER. 6. 6
( 82 )
L'itllilude de beaucoup de lieux a el6 d^teruiin^e,
a I'aide de I'hj psomelre de M. Regiiault, |iai IV'bul-
lition de I'eau (1); celles des monts Gliarian a I'aide de
I'aneroide ; ce dernier instrument a cess6 d'etre exact
plus au sud. Toutes les observations d^montrenl que
rAfriipie seplentrionale, de la Medilerranee au Soudan,
represente un pb>leau d'une liautcur movenne de
1 000 a 1 500 pieds anglais, comparable a celle do la
Baviere el de TAIIemagne centrale. l)e ce plateau s'6-
levent des cbalnes de inontagnes, dont la plus 6lev6e
est one ligne etendue, au sud d'EI-Glial, qui doil avoir
au moins h 000 pieds de baut.
Principales bauleurs mesurees a I'bypsom^lre.
KasrGbarian. . 1 696 pieds anglais.
Wady Gadama. 1 690
Kaniada. . . . 1 39Zi a 1 668 pieds anglais.
Wady Ajunger. 2 956 (point le plus baulj.
Tin Tel lust. . . i 894
Selubyeb. ... 1 701
Un excellent barom^tre de montagnes a fourni una
trenlaine d'autres resullals pour I'allilude des lieux:
en joici quelcjues-uns :
Sokna 1 036 pieds.
Les montagnes Noires. . 2 160 (le plus haut point
a 15 mil. sud de
Godl'ab).
Mourzouk, au consulat anglais, 1 i495 pieds.
En r6sum6, 1'expedilion a beaucoup ajout6 jusqu'ici
a nos coniiaissances surl'AlViquecentraie.surlanature
(i) C'esl M. Fasire, consiructeur d'iiistruBients de physique a Paris,
qui fabrique celui-ci.
(83)
du sol, surtout; le iac Tsod est infiniment mieux coiiiui;
on a des notions absoluinent neuves sur la conlree
d'Adamaoua, sur les deux (leuves Benu6 et Faro qui s'y
renconlrent, et sur Yda la capilale. Nous savons, a
n'en pas douler, de quelle region part la Tchadda,
le i^rand affluent (]ui tonibe duns le lias Kouara (Niger),
a environ 100 lieues de son embouchure. Du cote du
Sahara, nous avons appris a connaltie le royaumc
d'Ahir(Air). Puis, le pays de Bagirini au sud el au sud-
estdu lac Tsad, pays qu'on ne connaissail que de nom,
oii nul Europeen u'avait p^n^lr^, nous est d^voile; le
cours du Schary est rectl[i(§; nous savons jiisqu'ou les
Fellatas ont porte leur influence et quels soni les ter-
ritoires occupes par les po|Hilations paiennes, etc., etc.
M. Petermann a pris la peine de calculer la longueur
des routes qu'onl parcourues les voyageurs; jusqu'au
mois d'aoull852, le chilTre s'elevait a 5 800 uiilles
g^ographiques.
Enfm, nous poss^dons , grace au docteur Bartll
principalement , une grande carte du pays coinpris
entre les 5' et 15° paralleles nord, entre les 8* et
24* m^ridien a I'orient de Greenwich.
Voila de riches acquisitions pour la geographic de
I'Alrique el qui assurent a jamais, a I'expedilion, partie
sous les ordresde James Kichardson, la reconnaissance
de loute I'Europe savante.
Telle est I'analyse fidele, et je crois complete, de
rouvrage que M. A. Petermann a consacre a cette iin-
portante enlreprise, a I'aide des materiaux originaux
que lui a confies le gouvernement britannique : on ne
saurait trop le louer et \e remercier pourrintelligence,
la Constance et I'habilet^ qu'il a df^ploy^es dans ce
( 8/i )
hcau travail, pour le soiii appoiie a la ri'daolion des
(loux carles dont il Fa ciniclii.
Mainlenanl que j'ai expos6 eii dt!;lail les trei/.e ex-
cursions des voyageurs anglo-germains , il doit 6lre
permis d'en examiner les principaux resuitats. Le lac
Tsad a change de position sur la carte de 185il ; celle
position est plus m^ridionale et orienlaie que dans
celle de 182/i; I'Yeou n'est plus cette riviere qui tom-
bait a I'occidenl du lac Tsad , la riviere de ce nom
est placee sur la nouvolle carle Lien loin au sud-ouest:
sa source est reporl^e jusque pres de Yakoba. Quant
a la riviere qui lunibe de ce cole du lac, elie s'apjielle
Komadougou ou riviere de IJornou. Kacbna, Kano,
Kataguin onl egalement change de posilion. Les lies
des Biddoumas, du Jac Tsad , soul ici d^noniniees;
ellessont bien plus nombreuses et aulrement disposees.
Le lac lui-meme est d'une configuration difTerente; son
rivage oriental n'a pas ete plus explore qu'en 1823;
c'est presque le tiers de la circonference lolale, environ
100 milles geographiques, et la question esl done en-
core peudanle, celle de savoir si le lac se diverse a
Test dans un bassin inforieur, ou bien si I'^vaporalion
du lac conipense Taftlux des eaux qu'apportent inces-
samment, a I'ouesl et au sud, le Scliary, le Komadou-
gou et uno Iroisienie riviere.
On sail que les noirs parlent Iradilionncllenienl de
grands cours d'eaux soulerrains, et ccla, dejiuis un
temps immemorial ; ce fait, s'il etail certain, donnerait
I'explication de la dispurilion de plusieurs rivieres,
dont on ignore Tissue. Les anciens eux-m^mes en ont
parl6 dans leurs (Merits ; c'est une circonstance qu'on
( «5 )
liouve consignee dans I'histoire naturello de Pline et
ailleurs. II ne serait done pas tout a fait impossible
que le bassin du Bahr-el-Gbazal, locality encore coin-
pletement inconnue de nos jours, ainsi que le lac dit
Filtre, re9ussenl les eaux du lac Tsad par des canaux
souterrains.
Enfin, la branche du Diiioliba, que Reni!; Cai!li6 a
vue en 1828 a Vest de Tombouclou , et qui semble
aussi avoir k\.k. apercue par le docteur Barth en 1853,
cette branche dont on ne sait pas Tissue (si toutefois
I'observation est positive), ne poiirrait-elle pas avoir
un ecoulement sous terre, et rcparaitre au jour vers
le IQe m^ridien (esl de Paris) sous le nom de Koma-
dougou (rivi^i'e dont la source est ignoree) et non loin
du lieu ou a succonibe James Richardson en J 85 1?
Cette conjecture, cette explication leveraient I'objec-
lion a laquello donne lieu la douceur des eaux du lac
Tsad. En resum^, on en restera, sur cette question, au
meme point qu'il y a trente ans, lant que les voyageurs
n'auront pas explore toule la partie orientale du lac
Tsad et public leurs observations (1),
JoM&KD.
(i) Un point ile geo{;raphie a present mieux eclairci, est la posi-
tion de Tombouclou , plus septenlrioiiale qu'on ne le supposait.
On ne sauiait inetire uiie oliservation de rlimatologie en parallele
avec une observatiDu ile Cecilia phie mnlliematinue; mnis ii e>t |ici-
niis <Je reniaiquer (pie le docteur Barth, en parlant des pluies Iro-
picales, a c'crit qu'elles se faisaient peu sentir a Tombouctou, ce qui
ne serait pas d'accord avec la latitude de i 5 a i (i dcgres sculemei.t:
cette remarque vient d'etre Faile ]iar M. d'Escayrac de Laulure d.uis
la relation de son voyage en Afrique. La latitude du lieu excede
en effet 18 deyres, d'apres plusieurs observations du docteur Rarlh.
E.-J.
( 86 )
ilouvelles et couiiiiunieatloiis*
NOUVFLLES COCEBNANT I,E UOCTEl'R BARTH.
C.v.-i iiouvelle> sont liMiismises par le consul il'AnnjIeterre (le lieute-
nant colonel Herman) dans des lettres de Tripoli
dn 28 novembre 1854- — Extraif.
« Une letlrc de M. Chui'cli, I'un des luineurs atta-
ches a rcx|)edition de I'Afriquc cenlrale, en date du
12 aout, est venue jeter des doutes sur la nouvelle de
la mort (lu docttMir Bai'th. II est vrai que celle nouvelle,
annoncee au consul par le doctcur Vogel, dans une
lellre du 18 juillct, a et(i aussi annonc<^e formcllement
par uno Icttre du sullan de Bornou a la rcine d'An-
glelerri , l[ conrirniee |)ar le lenioignago de Ifadj-
Hasscn qui acc()inj)agiia le docteur Vogel de Morzouk
a Koiika, niais le docleur, le sullan el Hadj-Hasscn,
ont sans doule puist'; a la nienie sotirce leurs informa-
lions. La probabilite de la nouvelle roule sur la ques-
tion de savoir si le docleur Bartli a alleint Sakatou ou
non. Sur C(! point, on n'a pas dc nouvelle certaine;
mais le rappoi I dii cherif qui vient d'arriver a Kouka
conelut a la negative.
» II est difficile de comprendre qu'un hoinnie aussi
accoutunie aux voyages d'Afriqiie, sachant, de plus,
avant dc quitter Ton)boucloii, que le docteur Vogel
6tait a Kouka, ou aux environs, axant gague Sakatou,
sain et saul, n'ait pas innnediateinent d^peclie un
courrier a Kouka et assur^, aulant que ccia dependait
de lui, la jonction des deux expeditions. Line precau-
( 87 )
tion aussi simple aurail au inoins arrets toute espece
de mouvemcnl dii docleur Vogel dans une direction
contraire. D'un autre cote, on peut objecler que si
la nouvelle de la niort de Barlh a Meroda n'etait pas
fondee, il aurail depuis longtemps atteint Zinder,
d'ou il aurail fait parvenir des nouvelles par Ghada-
mfes, ou par Morzouk. Mais il est possible que ses de-
jieclies aient ete intercepl^es par les Touariks, qui
depuis quelque temps infestenl les routes entre ces
deux places et Zinder. II est certainement strange
que les gens de la grande caravane qui vient d'arriver
a Rouka, dont plusieurs individus venaient de Meroda,
aient iguor^ la mort de Barth an inois npres Veve-
nement; et il est encore plus etonnant qu'aucun de
ses serviteurs (a moins qu'ils aient pilld ses bagages
et se soient ensuite dispers(^s) ne soil venu reclamer,
a Kouka, lout au moins I'arriere considerable de paye
qui leur etait du, d'a])r^s ce que rn'a 6crit le docleur
Barlh. »
Lettre de T. F. Church au lieutenant colonel Herman,
consul a Tripoli.
Kouka, I a aout i854.
« Sachant que le docleur Vogel vous a annonc*^,
dans une lettre dont M. H. Warrington etait porteur,
la nouvelle <le la mort du docleur Barlb, j'ai pense
qu'il elail de mon devoir de vous communiquer la
nouvelle que j'ai recue ce matin el qui, je suis heu-
reux de le dire, laisse une forle esperance que le doc-
leur Barlh est bien portant et que la precddente
nouvelle est fausse. Un cherif est arrive ici le 9 de ce
( 8b)
niois d'uu lieu \(tisin cle Tonibouolou. 11 a (juitle Toin-
boucloii, il y a environ qiiatie niois. Qiiand il en est
parti, le docleur y tMait encore el tout a fait bien por«
lanl; mais il devait sons ]ieii en sortir jiour so rendrc
a Kouka; el il apporlail des leltres dii sultan do Tom-
bouclou pour diff^rents chefs fellatas, a Iravers le pays
desquels il devait passer en retournanl a Kouka; il
pense que le docleur est niaintenant en route pour s'y
rend re.
» J'incline a cioire ce rapporl ()lus digne do con-
fiance que le premier, le cherif ne donnant pas celle
nouvelle pour gagner un present; car il esl si fana-
tique qu'il n'aurait pas voulu communiqucr dlrecte-
menl avec nous aulres ni^creants; il a donne cetle
nouvelle a un Arabe , ami du docleur Barlh , a
Kouka.
» Ce (|ui me jjousse encore plus a douter de la nou-
velle de sa mort, c'ost qu'uue grande caravane elant
lout recemment arriv^e de Kauno (Kano?), aucune
des personnes de cette caravane ne savait la moindre
chose louchanl revenomonl. Personne n'avait vu aucun
de ses comj)agnoiis ot servilours, quoique pkisieurs
d'enlre eux soient arrives des environs de Meroda, lieu
oil Ton prelend que Ic docleur Barlh est mort; ils ont
quilto ces lic-ux Irois semaines ou un mois apres que
nous avons eu appris la nouvelle. iVlassoud, servileur
du docleur Vogel , esl parli d'ici le 26 juillet pour
aller cliercher des informa lions a Kauno. J'ai grand
ospoir (pie nous ajiprendrons bienlot avec certitude
(]ue le docleur Barlh esl encore en vie et en bonne
sanle.
)) Nous n'avons ricn appris du docteur Vogel depuis
( 89 )
son depart tl'ici lo 19 juillet, mais nous ci'oyons qu'il
est mainlenant dans le Mandara.
» M. Henri Warrington (dont la mort a 6to annoncee)
partira d'ici demain nialin et je suis heureux de dire
que nous jouissons lous dc la meilleure sant6. »
[Extrait du coinple rendu de la derniere seance de
la Societe royale geographique de Londres.)
Observation. — D'apres les lettres anlerieures et le
recit de I'expedition, on voit que le docleur Barth a
ete plusieurs fois malade dans le cours du voyage,
notaninienl a Kouka. Voyez I'analyse de I'ouvrage
d'Aug. Petermann, cinqui^ine excursion [Bulletin de
septembre 185/i, p. 170). Cette reniarque aifaiblit
un peu les esperancrs que donnerait Topinion de
M. Church. Niianuioins il est encore permis de con-
server une lueur d'espoir.
Paris, 18 Janvier 1855. E.-J.
EXPEDITION PAK STliAMBOAT DANS L'iNTiRIIiUR Dli l'afriqUE.
Lesnouvelles Iransmises depuis quelques jours par
M. Aug. Petermann sur les decouvertes dans I'Afrique
cenlrale sont d'un haul interet. On se rappelle qu'en
juin 1851, Barlh a decouvert un grand et puissant
cours d'eau appele Benou^, c'est-a-dire la mere des
eaux. D'apres son importance el sa direction (1) el
selon d'iinciennes conjectures (2), on devail admetlre
(i) I.aijjeur, \ niillf;; proFoiiJeiir, au iiiinimuni, g pieils.
(•>) Voyez Ijulletin du la Socitle cle gt'oniajiliip, anne'es 1846-47
( 90 )
que c'etait une seule el niSme riviere avec laTchadda:
c'est ce qui vienl d'etre constate par la navigation d'un
steamboat, la Pleiade, parti de Fernando-Po, aujour-
d'liui port anglais; c'est le mfeme navire armti par les
soiiis de M. Mac-Gregor Laird, Ce vaisseau est parli
d'Angletorre ie 30 niai 1S5/|, munte par douze marins
europeens ; un certain nombre de natiis s'y est joint
en Alrique.
Le 3 fevrier dernier le navire est revenu en Angle-
terre , sain et sauf, apres avoir remonte ie Kouara ,
puis la Tchadda jusqu'a Yola , dans le pays d'Ada-
maoua.
C'est en juillet que /a Pleiade a remonte le Kouara.
Le 7 novembre elle est renir^e a Fernando-P6, apres
qualre mois de navigation , et apres avoir p^n^tre a
250 milies anglais, plus loin que les precedents voya-
geurs, dans I'lnterleur du continent al'ricain.
I! parait resiilkT de ce voyage (jue les observations
du docteur Barlh ont porte les lieux trop a Vest, re-
sullat qui concorde avec les observations du docteur
Vogel.
L'exp^dition a 6te parlaitemenl accueillie par les
indigenes, gens paisibles et de tnceurs douces.
Ainsi , on pent en six seniaincs, parlant d'un port
;inglais, arriver au coeiu* de TAlrique, sans rien avoir
a craindre, ni du clinial, ni des habilanls. De 66 boni-
mes ([ui nionlaienl le navire, nul n'a succoinbe; il y
a eu Ires peu de maladies. Sur les 118 jours qu'a dure
I'expedilion, le retour a pris 73 jours environ, d'ou
Ton peut conclure que les voyageurs ont du faire un
grand nombre d 'observations de toute esp^ce. Celte
expedition ouvre un nouvel et vasle champ aux d6-
( 91 )
couvertcs alricaines; elle marquera une sorte d'^re
nouvelle pour I'exploration du pays, pour les relations
cominerciales avec I'Europe, et pour la civilisation de
ce vaste conlinenl.
Nota. On n'a pas regu de nouvelles du docteur Vogel
ni du sort du docteur Barth (1).
\h fevrier 1855.
JOMARD.
NOtVliLLE CARTE DE L ESPAGNE.
Lo goiivernement espagnol a ordonne la confection
d'une carte sur le modele de la nouvelle carte deFrance:
le colonel Ybanez est charge de la diriger. Les trois
corps du genie, de I'artillerie cl de retat-major con-
courent a ce grand travail, qui sera appuy^ sur des
operations geodesiques el assujelti a une clialne de
lri;iijgles du premier, du deuxifeme et du Iroisieme
ordies, comme dans la carte de France du Depot de
la guerre.
Attendu qu'il n'existe pas en Espagne, comme chez
nous, de mappes cadastrales, les officiers et employes
des diflcrents corps auront a faire les leves topogra-
phiques, pendant que d'autres s'occuperont de la
triangulation. On commencera par mesurer une base
de 30 a ZiO kilometres sur le plateau de Madrid, el la
chalne aboutira a um' autre base sur le bord de la
(l) Nous avions espere, I'an deinier, que la Pleiade pourrait
rcnueillir le tlucteiir Baitti, revenaiit a Yola au-devant d'ellc ; mais il
a piotiMi' se porter sur Touibouctou, voyage fait pour tenter un
hoinrne aussi iiitre[)ide, mais qui etait plein de perils
( 92 )
iner. M. le colonel Vbanez a fait ex^cuter ici pour la
mesiire fles bases, unc regie de h moires, conslruite
d'apr^s les perfeclionnemcnis les plus n^cenls. Les
operations vont commenccr immcdialement.
E.-J.
DECLINAISON MAGNETIQLE
DANS LA MEn ADRIATIQUK.
M. HtCQUARD, consul a Scutari, a communique la note suivante
extraite tic V Observatore Tiiestino, n° 277.
Observalions failes par ie D' Kreil , dirccteur de
ri. ctR. Inslitut central m^l^orologique et magn^tique,
par ordrc du commandant superiour <lc la marine
autrichienne, pour determiner la declinaison magne-
lique dans les lieux suivants :
Trieste lV03'(Maeslrale. N.-O.)
Venise U'S/i' —
Parenzo 1Z|° 15' —
Pola 13° 53' —
Fiume 13' 46' —
Lussin Piccolo 13" 37' —
Zara 13° 41' -
Spalato 13* OV --
Lissa 12° 32 —
Lesina 12° li'l' —
Lagosta. . . . ; 12° 26' -
Curzola 12° 24' —
Gravosa 11° 50' —
Megline (golfc de Caltaro). 11° 54' —
( 93 )
Anlivari ll'' 53'(Maeslralo.N.-0.)
Durazzo H" 20' —
Avlone U» 20' —
Corfou 11° 08' —
Brindisi 11° 51' —
Molfella 12° 29' —
Ancone 13" 40' —
M. S. BERTHELOT A COMMUMQUi A LA SOClfcrfe DE cfeoGRA-
PHIE LA NOUVELLE SUIVANTE EN DATE DE SAINTE-CROIX
DE T^N^RIFFE, DU 5 DECEMBRE 1854.
V Aquitaine est un vapeur a h^lice de conslruction
bordelaise et de la force de 120 clievaux, pouvant
porter plus de 600 lonneaux de marcliandises. Ce beau
navire, de 08 metres de long de lete en tele et n'ayant
que 3 metres 60 centimetres de tirant d'eau, appar-
tient a MM. AJaurel et Pron, de Bordeaux, qui, en le
destinant pour les voyages du Senegal, Tent fait con-
struire expres pour qu'il put reraonter le fleuve avec
sa cargaison jusqu'a Bakel. C'est le voyage qu'il vient
d'executer au grand etonnement des populations rive-
raines. A Saint-Louis mfime, la plupart des habitants
et les autoritt^s de la colonie consideraient I'enlreprise
avec un tel navire, sinon imjiossible, du moins tres
hasard^e; mais le brave et intelligent capitaine Pontac
ne s'est pas effray^ des obstacles qu'on lui faisait en-
Irevoir ; il lenait a remplir sa mission et vouluit avoir
la gloire de penetrer le premier dans I'interieur de
I'Afrique avec un navire d'un aussi fort tonnage, pour
( »A )
ex^cuter a I'Escale dc Bakel inC'rae, k 200 lieues de
remhoucliure du S(^negal , les operations d'^change
qui lui avaienl ^l6 confines. C'est en eflfel sur ce grand
marcli^ de goinme du pajs de Galnin qu'il a effectuii
son chargement de relour.
Le capitaine Ponlac partit de Sainl-Louis du Sene-
gal le 19 sepleiubre dernier. C'etait la saison oil le
fleiive enlrail dans sos plus grandes cruis, et celle
annee surtoul rinondaliun qui resnlte de ce plu^no-
in^ne s'esl 6tendue au loin sur loutes les terres adja-
centes. D'apres le rapport du capitaine de C J quit nine,
les eaux du fleuve presentaienl de toutes parts I'aspect
d'inimenses lagunes ; lous les pays riverains etaieiit
inond^s, et Ion n'apercevait de distance en distance
que les cimes de quelques groupes d'acacia. A Bakel,
presque loutes les uiaisons etaient subniergees et les
murailles du fort avaient beaucoup souU'ert de I'inon-
dation. Aussi la navigation etail-elle devenue fort
difficile; car la pliqjart des signes de reconnaissance
des deux rives se trouvant nojes, les pilotes avaient la
plus grande peine a suivre le lit du fleuve pour ne pas
s'echouer sur les bas-fonds. Ce n'etail pas non [)lus
sans courir de graves dangers que le navire pouvait
franchir les coudes ou detours que fail le S6n6gal dans
plusieurs endroits. Ces passages sont d'autant plus
perilleux que le choc des eaux du fleuve conlre los
rives qui leur font obstacle, produit alors des conlre-
couranls assez violents pour opposer une resistance
en sens inverse de revolution que doil (aire le navire
qui renionle. Aussi, le navire I' Aqnitaine a-l-il failli
s'6chouer au detour de Douaid , et apr^s bien des
' (95 )
obstacles franchis, ii esl lienreiisemenl parvenu a
Bakel le 30 seplembre, c'esl- a-dire, onze jours apr^s
son depart de Saint-Louis. Le 12 oclobre, le capitaine
Pontac avail termine ses operations d'echange et em-
barque un cbargemenl de gomme, d'aracbides el de
peaux. Enfin, le 17 oclobro, il ^tait de relour a Saint-
Louis. — V Jquitaitte n'a perdu auoun homnie de son
equipage durant cette expedition, bien que la p]u|)art
des inalelols aient eu a payer au climat d'Afrique leur
Iribut de soulFrances. Le capitaine Pontac m'a rap-
port6 que pendant sa navigation sur le flouvo, le tber-
momelrequ'il lenait suspendu dans la chambre n'avait
cesse de marquer la nuit de 35 a 36 degres cenligr.
Quant ;'i la temperature diurne, il m'a assur«^ qu'elle
avail ete raremenl au-dessous de hi degr»!!S, mais que
souvenl elle montait plus baut.
Un terrijjle coupdeventde nord-nord est que /'y/^w/-
taine a eprouv^ ^ son retour du S«^negal, lui a rompu
son grand mat. Get evenement I'a force de venir re-
lacber a Sainte-Groix de T^n^riffe, d'ou il va repartir
apr^s avoir repare ses avaries. — Les voyages que ce
navire doit ex^cuter periodiquement a Bakel dans la
saison favorable pourront conlribuer a faire p^netrer
la civilisation dans le coeur de I'Afrique; car, je I'ai
deja dil; et il est opporlun de le r^peler dans cette cir-
constance, c'est par le commerce, par les relations
qu'il entrelient, les moyens dont il dispose, par lous
les bienfails qu'il repand et les progres qu'il intro-
duit, que les peuples se civilisent.
( ^^6 )
VOYAGE SClF.NTIFIQUi; DANS l'iNDI: ni'. M. ADOI.PHE
SCllLAGINTWEIT KT Dli SES FRkRES.
M. Atlolplic Schlaginlweit depuis son depart d'Eu-
rope avec ses fr(^res a ecrit a M. le colonel W. Sykes,
I'un des direcleurs de la Compagnie des hides, deux
lettres dalees, I'une d'AIexandrie, et I'autre de Bom-
bay, pour annoncer I'heureux succ^s de leur voyage.
Leurs nonibreiix et precieux instruments scienlifiques
sent parvenus en Ires bon 6tat, a I'exceplion d'un
barometre et de trois tbermometres. A leur arrivee
a Bombay, ces savants allemands ont compare leurs
instruments avec ceux de TObservaloire de celle villa,
et ils se preparaienl a parlir a la Cn de novembre pour
Madras en passant par Poona.
Pendant leur voyage jusqu'a Bombay, ils se sont
occup^s d'observations sur la temperature et la den-
sity des mers entre Southampton et le port de Bom-
bay, etc., en suivant la route de la mer Mediterranee
et de la mer Rouge. Un rapport a ce sujet adresse a
la cour des direcleurs de la Compagnie des Indes sera
transmis a la Soci^le I'oyale de Londres, qui le publiera
sans doute dans ses Memoires.
On doit faire observer que M. Adolphe Schlagintweit
est seul employ^ par la Compagnie des Indes et res-
ponsable des inslrumcnis que cette Compagnie a mis
a sa disposition. S'il lui survenait quelque accident,
son frere Hermann le remplacerait. M. A. Schlagintweit
doit d'abord et en premiere ligne completer le le\e
{survey) magnc^lique do I'lnde reste incomplet par suite
de la mort du capitaine Elliot. Toutcs Ics aulres re-
cherches physi(|ues sont secondaires. D. L. R.
( ;'7 )
Nous cxtrayons dii tcxlo explicalif qui accumpagiie la carle
geogiaphiciue clu Nicaragua , que lAI. i\lYloNNi;T-I)tiPLV a
souniis a la Societe dc geographic , i(\s considerations
suivantes.
Des I8/16, S. A. I. 1e prince Louis-Napoleon, apres
avoir etiidi^ clans la sfdilude les dilTerenLs points de
jondion, elail \enu deja, par un travail g^odesiqiio et
special Ires etendii, faire connaitre la preference en
faveur des lacs du Nicaragua (1).
En J8Zi8, celle prc^ference fut niisc en Evidence au
monde entior, par la creation du royaume Mosquito ct
le protectorat de I'Angleterre sur ce pretendu royaume.
Depuis cette epoque, la decouverte des richesses
inepuisables de la Californie et dc i'Australie est
venue augmenter d'un tiers le noinbre des navires dou-
blant le cap Horn ct accroilra dans la proportion de
1 a 300, le nombre des voyageurs par rislhme anieri-
cain. Tres procbainenient il sera de 1 a 1000.
La conipagnie Asjjinwald, de New- York, lut la pre-
miere a faciliter le passage par Tistiime de Panama,
en amelioranl la route et en t'aisant un chemin de fer,
dont uno parlie est aujourd'hui en exploitation.
Les succes rapides de cette premiere enlreprise de
transit, malgre son imperfoclion et Tinsalubrit^ des
deux aboutissanis ( Chagres et Panama) exciterent
bienlot les ambitions particulieres. Diverses compa«-
gnies anglaises ou americaines sc jclerent sur tonles
(l) Voyez Reutie britanniqiie de mai 1849, page 102 a i.jG, la tia-
duclion de ce savaiil travail.
IX. JAISVIIJR liT FiVRIER. 7, 7
( ^8 )
los coles cle rAinerique ceiilrale , chercliant par
il'aulres Iransits cles 6leinenls di' fortune !
C'est alors que M. cle Garay pr^senla un projet ile
chemin de fer par le Teliuanlepec, nialgr6 la hauteur
du seuil au-dessus d( s deux Oceans, et I'insalubritt^
des deux aboutissanls. Le projet pr»^senlait quelijue
altiail CI) laisoii c'e la bii^vele dulrajel, pourles Elats-
Lnis surtout (1).
Tout r^cemnaent encore, M. Squier, g^ologue ame-
ricain, e^l venu presenter, j-ar V Honduras, un troisieme
projet de chtuiin de fer. Son j aicours scrait de 160
milles marins, Iranchissaut un seuil de 500 pieds
anglais, environ 153 n)etres au-dessus des Oceans.
11 est a reniarquer que ( es projets tnl el6 congus
uniquenient en \ue de laire coujmuniquor les Ktats
de I'Lnion avec la Californie.
Legouvernemenl anglais tonsideiant tousces projets
de clieaiins de ler coujuie insufli.'-ants avait deja cliei-
che a se preparer uu a\enir lavorable, en se creant, a
Greytown, le prolecleur du royaunie Mosquito, el en
ouvrant a la pelile r^publique de Nicaragua un credit,
qui, dans un temps Ires rapproche, lui assurail la pos-
session de ce pays, le plan riche territoire du niondel
Nouspouvons dire, que celle voie de couimunicalion
etail preparee pour I'Europe : parce qu'en effel I'An-
glelerre avail en vue d'opposer une barrieie, plulot a
resprild'en\aliissemenldes Kiats-tnis qu'a la France,
qui alors elait livree a des agitations poliliques inle-
rieures.
(i) Distance de Kew-York a San-Fraiicisio, 4^^9 niilles oiariiis,
(loiii iGy (== 198 niillts lerreslres) jxjiu la traveisee de I'Uihnie.
( 99)
L'inditl'^rence de la seconde puissance uiaritlnie,
pour ses inleiets du dehors, sur celte parlie du ylobe,
laissail done I'Angleterre et ies ttats-Liiis en pre-
sence pour la prise de possession de ce passage im-
portant.
Deux ans apres celte occupation par I'Anglelerre,
Ies Am^ricains, dans la personne de MM. Hwite et C'**,
pass^rent, ie 19 a\nl 1850, un traite de canalisation
avec le gouvernenienl de Nicaragua.
La Compagnie americaine, dominant par ce traite
Ies divers projels et enlieprises connus ju^que la, re-
chercliale concoursde I'Angletene el envoja aLondres
plusieurs agents charges de trailer.
Les elTorts furent infructueux : en ellel, il etait dif-
ficile que des capilaux anlipalhiques vinssent se r^unir
pour une entreprise au profit d'une Compagnie ame-
ricaine de iroisieme ordre et qui n'elait soulenue
alors, iinancieiement, que par M. Wenderhilt qui,
depuis, s'esl relird. La Compagnie s'est done bornee a
un transit de terre, entre la Virgin et San-Juan de la
Concordia.
L'industrie anglaise, voulanl dominer toule entre-
prise de canalisation , et pensanl que la Compagnie
Hwite echouerait dans I'execulion de son Iraile, par
une mise en dechdance, pour conditions essenlielles
non remplies, est venue successivement presenter deux
aulres projels : I'un par ie golle de Uarien, partant du
port Ecosses et debouchant dans celui de San-Miguel,
se servant de la riviere Sabana.
Le monde industriel, emu par celte nouvelle d6-
couverle, presenlee par MM. Culleiis el Glsborn, trcs-
saillil d'esp^rances en voyant un jirojet plus lacile
( 100 )
encore que celui du transit par I'Ktat de Nica-
ragua... ! Ce que jo j)revi>yais est arrive : jo fis part (le
mes reflexions a un personnage ^minont, (jni tlut ineltre
ma Icltre ontre los mains de sa Majesle rEiuporeur.
En Janvier 1855, dos explorations soriouscs forenl
failes. Dii rapport de ces explorations, dont I'amiral
Duquesne a vouki rondrc comple lui-merne, il est
r^sull6 que les etudes failes contradieloirement, |>re-
sentaienl dos diflicultes incalculables d'ext^cution.
L'autre projet, egalement presente par le golfe de
Darien , uiais en remontant au moins 30 milles la
riviere de VAtrato, n'a pas encore ete Studio. On peut
done ie considi^rer comme noii avenu.
Ainsi, do lous ces projets de canalisation interoc6a-
nique , nous croyons que le plus serieux, le plus
pratique, le seal en an mot (jin doit survivre, est celui
qui fut elabore par le prince Louis-Napoleon, sauf
quelques modifications, que des eludes ullerieures, les
miennes comprises, ont pu d^montrer necessaires !
C'est celui que la compagnic americaine, nujour-
(Vhui cicchtie, a pretendu ex«^cuter.
C'est celui que les savants explorateurs Squier ,
linily. Chevalier, Oersted, ont indiqiie.
C'est celui qu'sfTuMne le president des Ktals-linis,
M. Pierce, dans son tlernier message (id6cenil)rel85/i).
Enlin, c'est celui c[ui a 616 I'ohjet do mes eludes.
Parli de New-York en juillet 1850, sur une petite
goelelte americaine, en compagnie du corps des ing6-
nieurs pour les Etudes du canal , je me posai d^s le
principe d'une maniere ind^pondanle et m'abstins
de passer loute espece do Iraites avec la Compagnie
Hwile ; craignant que rncs travaux ne scrvissent un
( 101 )
jour coiilre inou pays el conlre ines projels ulterleiirs.
Je laissai clone les ingenieurs americains a San-Juan
(Grey-Town) et rcmontai la riviere dans une pirogue,
seul moyen de transport en usage jusqu'alors; je suis
liuit jouis a renionter les 160 kilometres de rivi^ro.
Maintenant le Irajet par bateau a vapeur se fait en
vingt-quatre lieures.
Je ne fus pas !ongtemj)s a prendre position dans le
pays. Les pcrsonnes eniinentes du gouverneinent me
lemoignerenl leur vive sympalhie pour la France, ol
je fus charge ]iar le president d'explorer les parties
les plus int^ressanles du pays (la INouvelle Segovie et
le pays Mosquito) et d'en dresser la carte (1).
Cette improvisation d'ingenieur d'un pays ou il n'y
avait aucun document a consulter, a qui meme il con-
venait, avant I'^poque de son ind^pendance (1827),
de garder inconnues aux autres puissances toutes les
richesses et toutes les ressources qu'il possede , je dois
le dire, Messieurs, eel acle de haute confiance du gou-
vernemenl, doubla mon encrgie et me fit Iriompher
de plus d'un obstacle.
Je n'ai qu'a me feliciler de I'accueil que me firent
toute la population indienne et meme les peuplades
mosquitos. Seul, i)endant quelques mois au milieu
d'eux, je leur conliais presque loujours ma ceinlure de
pislolcls cl je no gardais que mon salire, plulot comme
decorum, a dire vrai, que comme mesure lio surele.
Et, remarquez-le bien. Messieurs, je n'ai du (jn'a
n)a qualite de Francais et a mes croyances religieuses
(l) J'ai rapporle en I"'rance touted les pieces a I'appui He mes
nsserlions et lie mes trav.iux.
( 102 )
catholiques, toules les concessions de terrains et de
mines ainiferes et argenlilerts (jiii m'ont iie failes !
Les Mosi|uilos sonl d'un caractdre tiniide, incjuiot,
paresseux et voleurs. lis adorenl le soleil ; cependanl,
lors de men sejour au milieu d'eux, j'ai eu la salisfac-
tion de voir les mferes me presenter nombre d'enfau ts
pour les baptise r.
KOTICE SUB LK CARTB DE I,A FRANCS PROTRSTANTE ,
Dressee par M Charles Read et editee par Grassart, i i,ruedt; laPaix'
a Paris,
II est interessant pour le g^of^raphe do connallre 1 i
disli'ibulion des populations, suivant leiirs croyances
religieuses, car la diversity de cultes se ratlache a un
ensemble de circonstances el de fails intiinement lies
a I'ethnologie <'t a la topograpliie d'un pays ou d'un
canlon. La carle do la France protestante est done
digne de I'etude des geograplies ; d'aulant plus qu'elle
a et6 dressee d'apr6s les documents ofliciels par la pcr-
sonne la mieux placee pour les comj)ulsor et les con-
troler, M. Charles Read, chef de service dos cultes non
calholiques au minisl^re de I'instruclion publique el
des cultes.
Les progros du proleslanlisme en France sonl un
fait qui ressort avec evidence de I'examen de cetle
carte. En depit de la revocation de I'edil de Nantes el
des pers6culions dirigees contre les reform^s en vertu
de I'ordonnance de 1724, les protestants se trou\ent
maintonant dans le mfeme rapport numerique avec la
population calliolique, qu'ils i^taient avanl ces mesures
( 103 )
d'intol6rance. On en coniple aiijourd'hui de 1 500 000
a 1 800 000 repartis sur toute I'etendue de I'empire
IVanQais, mais plus sp^cialeiiient dans les d^paite-
luenls de la Seine, de la Charente-Inferieure , du
Tarn, du Tarn-et-Garonne, du Gard, de la Loz^re et
de I'Ardeche.
Get accroissement graduel et peu remarqu^ des
protestants qui suivent en France la r^forme de Calvin,
a necessity une repartition complete de lout notre pays
en circonscriptions consistoriales, et tel a 6\^ Tobjet
jirincipaldu decret pr^sidenliel du 10 novembre 1S52,
dont cette carte montre le sysl^me de division. Une
m^me couleur embrasse les parties du lerrlloire pla-
c^es dans une mfenie circonscriplion consistoriale, et
un signe parliculier fail reconnaitre le chef-liou du
consistoire. Los localiles ayant des temples ou eglises
soul indiquees par un autre signe et toutes cclles qui
onl une population chretionne reformee sonl mar-
quees a I'exclusion de celles qui n'en renferment pas.
M. Read a de plus trace le cours des principales
rivieres et les lignes de chemins de fer. En outre, I'au-
leur a distribue, a I'entour de sa carte g^n^rale, des
cartes partielles, donnant le nom et la position des
[laroisses protestantes, et des lieux ayant des habi-
tants qui professenl le cuUe r^forme, dans les depar-
tements ou la population protestante est la plus con-
donsee. Ce sonl la Gironde et le midi de laDordogne,
la Orome, la Loz^re, le Gard , I'Ardeche. Ce travail,
execute avec un grand soin et qui estdrslin^ a devcnir
un element statistique officiel pour la connaissance de
la distinction des cultes a la surface du globe, n'ost
que la premiere partie de I'ceuvre poursuivie par
( m )
M. Cliarles lleail. tlcl ecrivain (jni s'ost consacre aveo
un lionoiablc devoiienieiU i\ dc]im-e.v riiisloire dc; sos
roicligionnaires el qui est Ic fori'lalcur do la sociele
dt'ja si florissanle de I'liistoire dii pioteslanlismr fraii-
^ais, prepare uiie carte du ciilto c^vangelique ou lullie-
rion. Volia pourcjtioi los localitt^s qui appartienneiil a
h coiilession d'Augsbourg ne soul point indiquees
sur c lie caite, laquelle n'cst annoncee(]ue coimin! unc
parlie pieiuierc , quoiqu'cllu cousliluc uii lout coiii-
plel : celle obseivalion est d'autant plus necessaire a
faire ici que le grand iiombre do reforiu^s ilu rile
francais, dans les deparlements de I'ancienne Alsace
ct de I'ancienne Lorraine, pourrait donner le change
lI faire croire que toules les po])ulatiuns pioteslanles
de la France figurenl sur cette carle. En effet, les
arrondissements de Allkirclj, de Saint-Die, Sclielesladt,
Strasbourg, Saverne el Weissenibourg, renfennenl uu
grand nombre de cahinisles.
II est egalenient curieux de conslaler la coincidence
habiluelle enlre Jes departemenls piotestanls et coux
qui, suivanl la carle do M. Charles Dupin ,'sonl les
plus avances pour rinslruclion primaire. On ne sau-
rail contester que le proteslanlisme n'ait pasbeaucoup
plus fail pour rinslruclion populaire que le catholi-
cisnie; et si ce dernier cultc parail avoir la superiorile
pour les institutions de bienfaisance, el specialement
pour les ordrcs hospilaliers, I'aulre culte a Iravaille
bien plus ellicaceinenl a repandre Tinstruction et les
lumieres. On pent s'en convaincre en couiparanl I'elut
intellecluel de I'ltalie, de I'Espagne avec celui de I'An
gleterrc, duDanemark, de la Suede et de la Hollande.
Et pour conslaler que ccllc diderence ne lient pas a
( 105 )
I.. clilTiJi-cnco seiile des races que peupleul ces divers
pays, il sudit de comparer I'etat de rAlleiuagiie me-
lidionale et calliolique avec ccliii de I'AUeinagne sep-
iGiilrlonale el protestanle. Du reste, il est facile de
|)enetrer les molifs de celle difference, en examinant
les principes sur lesquels repose la coiisliUilion des
deux egiises.
La carle de i\I. Read a ete publiee sous le patronage
d'une des plus glorieuses conqueles du proteslanlisinc,
I'aniiral Baudin, president du consistoire central de
France, et donlla patrie deplore la perte r^cenle.
Alfred Maury.
( 106 )
ytctesi lie la ^oclel^.
tXTRAlTS nKS PUOCkS-VRRBAUX DES SKAKCES.
Seance, clu b jaiii'ier J 855.
PnfesiDENCR SUCCESSITE DE MM. JOMABD ET GUIGNIAUT.
Le proems- verbal de la seance du 1" decemhre
est 111 el atlople, aptes (pielques observations de
M, Alfred Maury, relativemenl a la mention faite, dans
ce proc^s-verbal, du rapport qu'il devra presenter sur
les carles du prince Ii6r6dilaire de Su6de; il n'a pas
trouve. dit-il, dans la s^rie des cartes olTertes par le
prince a la Sociele, la premiere des feuiiles, la plus
iinportanle pour lui, celle ou se trouve la It^gende, ct
ii ne poiirra reiidre conipte de I'ouvrage que lorsqii'il
aura recu la feuillc qui manque et au sujel de laqucllc
il a 6cril a M. le protesseiir GefTroy.
Le proces-verbal de la seance generale du 15 de-
ceml)re est communique a la Commission centrale.
Le secretaire general donne lecture de la corres-
pondancc : M. le secretaire directeur de I'lnstitul
royal pour la g^ograpliie , i'ethnograpliie cl Ics
langues des possessions neerlandaiscs dans les Indes
orienlales, adresse a la Soci6t6 les publications de cot
Instilut, La Commission centrale vote des remer-
ciemcnls a I'lnstitul, ct decitle qu'elle echangera
son linlletiii contra les ouvrages qu'elle vient du
recevoir.
M. fedouard Anton adresse, de la part de M. le doc-
( 407 )
teur Philippl , de Santiago, au Chili, une carte du
desert d'Atacama,
M. Hecquarrl, consul de France a Scutari (Albania),
adresse a la Soci6t6 un exirait de VObservatore Tries-
tiano, contenant des observations faites par le docteur
Kreii, directeur de I'lnstitut central m^t^oroiogique
et magn^tique (voy. page 92 de ce Bulletin).
M. de la Roquette annonce I'heureuse arriv^e a
Bombay deMM. Schlaginlweit freres, qui doivent partir
pour Madras vers la fin de noveinbre (1).
M. de la Roquette offre, de la partde I'auteur et de
r^diteur, les 2°, 3' et h^ livraisons de I'Atlas du voyage
de M. de Castelnau.
MM. BoNNEAu, Froidefond des Fauces, Livi-ALVARks
fils et Ernest Mouin sont admis dans la Societo.
M. l)elau)are , geographe-graveur, est pr^sente
comme canflidat par MM. Jomard el Cortanibert.
M. le president annonce que, conform^ment au
Reglenient , on vn proceder au renouveilement du
bureau de la Commission cenlrale pour I'annee 1855.
II prononce, enquiltanlla prcsidence, une allocution
ou il rappelle Ics travaux de la Soci6t6 pendant les
deux annees qu'il vienl de presider.
SonI elus menil)res du bureau pour 1855 :
President: M. Guigniaut.
Vice-presidents : MM. d'Avezac et Jomard.
Secretaire general : M. V.-A. Malte-Brdn.
Secretaire adjoint: M. Alfred Maury.
(l) Voyez la note aux nouvelles geographiques, p. 92.
( loy )
L'ordredu jour appelle la nomination tl'iiu nienibre
adjoint de la Commission centralo ; iM. le general
Auvray est elu.
Les nouve.iux membros dii bureau cnlicnt en lonc-
tions. .M. Guigniaut , nouveau president, propose de
voter des reraerciemcnts a M. Joaiard, president sor-
lant. Cette proposition est adoptee.
L'organisation des sections pour 1855 est modili^e
de la manlere suivante :
iM. Cortambert remplace M. Alfred Maury dans la
section dc publication, et MM. Demersay ct de la
Pioquclte ontront dans la section de comptaiiilite.
On proc6de a la nomination de la Commission du
prix annuel pour la decouverte la plus iu)porlaule
en geographie : sont nommes MM. d'Avezac, Daussy,
Isanibert, Jomard et Maury.
Seance du 19 Janvier 1855.
PB^SIDlsNCE DE M. GUIGNIAVT.
Le procfes-verbal de la derniere seance est lu et
adopte apres quelques observations de M. de la
Roquclle.
iM. le president propose a la Commission centrale
de voter des renicrciements a M. Cortambert, secretaire
general sorlaiit , les preoccupations et les Incidents
iniprevus de la derniere seance ayant fait perdre de
vue ce devoir. Cette proposition est accucillie a I'una-
nimite.
( 100 )
M. le prosidonl rappclle les elections de cellfi cler-
ni^ro seance et proclame les nonis tics memhres coni-
posant los Irois sections cle la Commission cenlralo.
M. Jomard annonco que le colonel Ibanez, du corps
dii genie espagnol, charge dc diriger la nouvcllc carte
d'Espagne qui a ete ordonn^e par le gouvernement,
est pr^senlemenl a Paris, occupy des preparatil's de
celle grande operation.
Le m6me membre pr^sente a ia Societe M. Ch. An-
derson recemment arrive d'Afriquc a Paris, d'ou il
doit repartir pour visiter la Suede, son pays natal, et
reloiirner ensuite ilans I'AFrique auslrale : son premier
voyage a ete fait en compagnie de M. Gallon, et men-
lionne avec eloge dans le Bulletin. II 6tait seul dans
son second voyage, qui s'est etendu jiisqu'au 18*degre
de latitude sud. Une grande carte des voyages de
M. Anderson, manuscrite, est ensuile communiquee a
la Societe et examinee avec un vif inldiret. M.Anderson
j)romet un conipte rendu de ses excursions, el il au-
torise la Societe a annexer au Bulletin un extrait de sa
carte.
M. Jomard entretient ensuite I'assemblee des r6-
centes nouvelles de Kouka et de Tripoli, au sujet de
I'annonce de la mort du docleur Barlh. II resulte des
lettros de M. Cliurcii , I'un des attaches a M. Vogel
(Kouka, 12 aout'JS5Zi), et de ^1. le lieutenant-colonel
Herman (Trijioli, 28 novembrc), qu'on pourrait clever
desdoules surl'authenlicite de la nouvelle, bien qu'elle
ait el(^ transmise a la reine d'Angleterre de la ])arl
du sultan de Bornou.
M. V.-A. Malle-Brun remercieses collegues de I'hon-
neiir inespere qu'ils lui ont fait en le nommant secre-
( no )
taire g^n^ral ; inais il expose que sa position de
redacteur en chef d(>s ISouveUe.s aiinales des voyages,
avaiit parii a quelques-uns d'enlre eiix inconipalibJe
avec les lonclions de secrelaire gt^neral, ii croit de son
devoir de donner sa deinisbion.
A la suite de quelques observations piesenl^es par
MM. de la Roquetle et Poulain de Bossay, qui d^clarent
ne pas voir d'inconipatibilile dans la double situation
de M. V.-A. Malle-Biun, ct apr^s quelques eclaircisse-
iiients de M. b' president a ce sujet, M. V.-A. Malte-
Brun declare qu'il persisle dans sa premiere resolution,
et qu'il met sa demission a la disposition de ses
collegues.
M. AU'rod Maury deuuuide alors la parole; il expose
dans quelle situation il avail acceple les lonclions de
secrelaire adjoint, el donne sa demission en la inoti-
vanl sur celle de M. \.A. Malte-Brun.
M. Tremaux, uiembre el laur^at de la Sociel^, oQVe
la suite ties livraisons de son Atlas du voyage au
Soudan. M. le president adi-esse des remercienienls a
I'auleur.
M. Delamark, pr^senl6 a la derniere seance , est
admis dans la Soci^te.
M. \ivien de Saint-Martin, ancien inembre, qui
avail perdu son litre par suite de liirlicle VI du R^gle-
menl, est prescnlc par MM. Jumard et Corlamberl.
M. S^dillol donne lecture d'un rapporl sur un travail
de M. Henri Martin (1), qui combat, enire aulres opi-
(i) Exanien d'un Mc'moire pnsihume de M. Letroiiiie et de ces
deux questions : i° la circouference du globe teireslie avnit-elle eli'
mesuree exactement, avant les temps historiques? ?.° les rrreurs el
( 111 )
nions plus on moins accredil^es , I'id^e de la inesure
d'un arc du m^ridien par les Egypliens. Ce rapport,
qui donne lieu a plusieurs observations de la part de
MM. Guigniaut, d'Avezac et Jomard, est renvoy6 au
Bulletin (voy. plus haul).
M. Guslave d'Eiclitlial donne lecture d'un rapport
sur Touvrage intitule : Types of mankind [\) de MM. Nolt
et Gliddon. Ce rapport est renvoy6 au Bulletin apr^s
quelques remarques de MM. Guigniaut et Alfred
Maury.
La stance est lev^e.
Seance du 1 jevrier 1855.
M. Ferdinand de Luca ecrit a la Society pour lui
offrir plusieurs nouveaux ouvrages dont il est I'auleur
(voy. ci-a|)res).
M. Jomard, en presenlant a la Societe M. Myionnet-
Dupuy, offre 1" une carle de I'Elat de Nicaragua dres-
see par eel ing^nieur d'apr^s ses propres observations;
les contnidictions de la geojjraphie luathematique des anciens s'ex-
pliquent-elles par la diversite des stades et des milles? Paris, i854,
iii-8" de 148 pajjes.
(1) Types of mankind : or Elhnological researches based upon
the ancient niouumenls paintings, sculptures, and crania of races,
and upon their natural, geographical and biblical history, illustrated
by selections from the inedited papers of Samuel George Morton,
and by additionnal contributions from Prof. Agassiz, W. Usher, and
Prof. H.S. Patterson. By J. C. Nolt and George R. Gliddon. London,
Trid)ner, 1854. In-S" 3o »ch.
( 112 )
'2° une ^rammairc francaise en Inngue arabe, publiee
par M. Dugal, a I'lisage des incli;^encs de I'Alg^rie,
ot pouvant scrvir aux jeuncs Arabes de I'Hgypte el
de la Syrie qui voiulraient etudicr a fond noti-e langue.
Get oiivrage est renvoy^ a I'examen de M. Sedillot.
11 ollVe onsuile, de la part de rautcur, un ouvrage
de M. Gallon, intitule : Jrt of Travel, accompagn6
de figures; M. Morel-Falio est charge d'en rendie
compte. I.e savant voyageur n'a pas reQu la medaille
que la Soci6l6 lui a d^cernee en 1854; la section de
coniplabilile est invitee a proposer le moyon de le
dedommagor de cette perle.
Le niemc membre annonce que Koenig Bey s'est
occupe (lepuis quelque temps de la traduction d'une
liistoirc de Sennar, ouvrage qui paralt devoir jeter
des lumieres sur i'histoire de I'ancienne litbiopie ;
ses fonctions de secretaire des coinmandements du
nouveau vice-roi d'Egypte , Mohammed Sayd, rent
oblig6 a suspendre momenlanement raohevemenl de
ce travail.
Le merae membre dispose sur le bureau un long
m«^moire de M. Hermann Ludewig, I'un de ses corres-
j)ondants de New-York, surles aborigenes du Mexique,
ou I'auleur emet des opinions nouvelles sur les Tol-
leques, les Azteques et les Chichimoques (voyez p. 2
et suiv. de ce Bulletin).
M. Jomard terraine ses communications en t'aisant
hommage a la Societe de la 2"'livraison Aes Monuments
de la geographie.
M. AHred Maury offre, de la part de I'auleur, M.Ph.
Parlatore, deux ouvrages ayant pour litres: 1° ^iciggio
per le parti settentrionaU di Europa jatto neW anno 1851;
( H3 )
2^* Memoir c siir le Pnpyiiis ties anciens ct siir le Papyrus
(le Sidle.
M. V.-A. Malle-Brun communique la reduction qu'il
a faile, d'apres les instructions de M. Jomard, d'unc
carte de Coree, destinee au Bulletin,
La Commission centrale prociidc a la reflection de
ses secretaires, elelle nomme M. Alfred Maury, secre-
taire general, et M. V.-A. Maltc-Brun, secretaire
adjoint.
La Commission centrale nomme ensuite MM. Poulain
de Bossay, de la Roquette et Isambert, commissaires
pour le prix d'Orleans, relalif a Timportalion la plus
utile a Tagriculture, a I'industrie ou a riiumanit(^.
M. le president lit une note de M, Berlhclot, com-
inuniquee par M. Garnier, sur la mission que vient
de remplir au Senegal le navire a vapeur VJquitaine
(voyez la page 89 de ce Bulletin],
M. V.-A. Malte-Brun annonce la publicalion reccntc
d'une carte des regions arctiques par I'Amiraute an-
glaise. II enlre dans quclques details sur la nomen-
clature de celte carle, deslince a restituer aux anglo-
ara^ricains la part qui leurrevient dans les d<5couvertes
arctiques.
M. Isambert lit unc notice sur Tatlas qui accom-
pagne le premier volume des Pelits gdograplies grecs,
que vient de publier la librairie Firmin Didot (voyez
page 65 de ce Bulletin),
M. Fabre, mcmbre dc la Societe, consul de France
a Chrisliania, et present a la seance ; au moment do
relourner a son posle, prie la Socitito do liii adresser
quelques instructions. — Renvoi a la section do cor-
rcspondance.
IX. JANVIER V.l I'iVRII'h. 8. 8
( ll/l }
Scntici^ (In IG fvK'vicr 1855.
A I'occasion du procos-verbal, iin incmbic rappolli'
robsorvalion qui a cle fiilto an inoincnl du vole poiTr
la nominalion dc la Commission du concoiirs au prix
rrOrloans, et il j^ciisc que I'crreur r^sullant dc cotte
observalion est do nature a invalidor I'election. I.a
Commission cenliale parlagc ro])inion dc co mcinhre,
et decitlo qu'il sera procc^de ;"i i.nc nouvolle clertinn
dans la seance du 2 mars.
M. Alfred Maury ai.nonce qu'il a tiaduit lo me-
moire dc W. Hermann Ludewig sur les al)orig6nos du
Mexique.
RI. Jomard donne lecture d'une Ictlrc que lui adressc
de Londres M. Anderson, en mSme temps qu'un me-
nioire partie imprimd partie manuscrit, destine a
accompagner la carle de son voyage, M. Anderson
profile de celle occasion pour transmellre lo vocu
qu'a exprime sir FrancisGallon au sujctdela m^daille
qui lui a ete accordee par la Societe do Paris, ct le vif
regret qu'il d'prouve de ne I'avoir pas rccuc.
Une lellrc de M. Riheiro, da tee de Fayal (Azores),
est adrcss^e au mfime membre pour remcrcier la
Societo de la mention qui a cle faite de son travail
sur la statistiquc des Acores.
M. Jomard communique cgalemcnl une loltro de
I\l. Brun, dat6o de Marseille 5 fevrier. Cc voyagour a
ajipris qu'en d85Zi, hi Ijarques sont parlies du Scnnar
jiour le (leuvc Bhmc ; le commerce prend cliaque jour
une nouvellc exlension sur ce fleuve, ct M. Brun
cspere que bicnlol les rives du Keilak cesseront d'etre
( 115 )
inconnucs. Aiiisi laSociule n'a qu'a s'applaudir d'avoii-
distingue et recompense , il y a quinze ans, dans la
personne de M. d'Arnaud, Ic premier voyage fait sur
le fleuve Blanc supdricur.
Le meme communique par exlrcyt une leltre do
M. d'Escayrac, datec du Caire, 11 Janvier, et renfcr-
mant d'interessantes nouvelles sur le fleuve Blanc,
sur le canal des deux mers et surd'aulressujels dignes
d'allention, Un extrait de cclte lettrc est destine au
BuUetin , ainsi qu'une carte de MM. Vayssi(^re el de
Malzac representant le pays au nord de I'Abyssinie.
M. Jomard profite de celte occasion pour ofTrir une
carte des memes voyageurs, qui lui a et^ remise de
leur part, par M.Marietle, et qui repr^sente une partie
du fleuve Blanc, du 5^ au 11* degre de latitude, ct du
pays compris entre le fleuve el I'extr^mite sud du
Darfour. Ccttc carle renferme un iiineraire de dix-
huit stations entre rembouchure du Niebor, affluent
du Nil Blanc, et Djonkor.
Le meme membre communique I'exlraitd'une lettre
de M. Hermann Ludewig, de New-York, au sujet de
son mt^moire sur les aborigines du Mexique, depose
a la preccdente seance.
Ensuile il presente une carte cl un memoire de
M. Myionnet-Dupuy, ingc^nieurde I'Etat de Nicaragua.
Cette carte represenle le lerritoire cntier de i'Elat et
se distingue des cartes connues par une nomencla-
ture Ir^s ddlaillec du pays des Mosquilos el do la cole
de Honduras (voyez page 112 de ce Bulletin).
M. Jomard termine ses communications en donnanl
des nouvelles de I'expedilion accomplie par la Pleiade,
batin)cnl a vapour, dans I'inlerieur de FAlVique en
{ 116 )
suivant le Kouaro, la Tchadda et le Benouej parvenu
jiisqu'a Yola, cc navirc avail espdre Irouver !c docleur
Barlh ; Ic voyage a dure 118 jours sous la direclion de
M. Baikic ; I'accueil des naturcls a did hospitaller. Le
balimont est de relour en Anglctcrre.
M. V.-A. Mallc-Brun, secretaire adjoint, depose sur
le bureau le premier cahicr des Aouvellcs annales des
voyages, public SOUS sa direction.
M. Victor Gudrin, profcsseur de rhetoriquc au lycee
d'Angers, et M. Ernest Desjardins, professeur d'histoire
ct de geographic au lycee de Macon , sont presenles
pour elrc admis dans la Soci6l6 par MM. Guigniaul
el Jomard.
M. le president signale les litres des deux candidats
a I'attenlion de la Societe. Le premier, ancicn membre
de I'ecole d'Athenes, est auteur de travaux importants
sur la gdographie et I'hisloire des iles de Samos el de
Pathmos, el il prepare un m6moirc non moins inle-
ressant sur I'ile dc Rhodes et sur les cotes de la
Palestine; le second vient de soutenir avcc un grand
succ6s deux theses pour le doctoral 5s lettres, I'une
sur les tables alinientaives qui se rallachent a un grand
systeme d'assislance publique chezlesRomains, I'aulre
sur la loj)Ographie duLatium ct dans laqucUe la partie
geograpliique est trail^e avec soin.
Le rapporleur de la section de comptabilite, pre-
nant on consideration la dcmande faite par M. Jomard,
dans rinleret de M. Gallon, propose a la Commission
cenlralc de faire les frais d'une secondc mddaille pour
reraplaccr celle qui n'cst pas parvcnue a ce voyagcur.
Ccllc proposition csl acccplee a I'unanimilo.
M. Tremaux lil unc note dans laqucllc il relule les
i
( 117 )
opinions erron^es de certains vojagcurs sur Ics
Yamyam ou prelendus horames i'l queue de rinldriour
de TAfiiquc.
M. le president fail remarqner I'abscncc de plu-
sieurs de ses collegues charges de rapports urgenls et
il annonce, pour la prochaine seance, une nouvelle
convocation des sections de corresjiondance ct de
coinplahilit^, ainsi que de la Commission du concours
au prix annuel.
( lis )
OUV RAGES OFrERTS
DANS LtS SEANCES DE JANVIER ET DE FfiVHlER 1855.
liUnOPE.
Tilres des ouuroges. Donalcuts.
Vjii'jgio per le parti scltcnlrionali ili Kiiropa fallo lull' amio i85i,
prima parte, i vol. in-S". Firenze, i854. I'll- Pahlaioiik.
ASIE.
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saints. I vol. in-8°. Paris, i85j. L'ahbe Iiarg^S.
Hornc'O. I$esclirijvin{5 van vX Stroomgebied van den Barilo T. Dorneo.
Descriplion du Ijns.sin du Barito et Voyage sur quelques-unes des
prinripalcs rivieres de la partie sud-est de celte iie, par le docteur
C. A. li. M. Sclnvaner, do t843 a 1847. ^ ^'"'- '"-8°. Avec cartes.
Amsterdam, i853-i854. — Ueize romdom liet ciland Celebes en
naar eenige dcr Moluksche Eilanden, etc. Voyage a I'ile Celebes
et a queUjues lies des Moluques, execule en 1800, par Z. JM. Sclic-
pen, du navire de guerre I' Argo. I vol. in-8°, avec carles ct vucs.
La IJnye, i853. — Bijdragen tot de Taal-Laud-cn Volkenkunde
van Neerlandsch Indie, etc. Materiaux pour servir a la geographic
statistique des Indcs ncerlandaiscs. 2 vol. in-8". La Ilaye, 1 853-
1854. — Banra, MalaUka en Rilliton , etc. Banca, Malacca ct
Hilliton, par le docteur J. H. Croockeuitz, public aux frais des
Indes nceriaudaiscs dans les annees 1849-1860. 1 vol. in-8". La
liayc, i852. L'Ikstitut n. geog. et etiinog. tes Indes oniEKj.
AFRIQUE.
Voyages au Soudan oriental, dans I'Afriquc septentrionale, etc.,
executes dc 1847 a 1854. 11% \'', i3« <t i4' livraisons. In-f".
P. Tllt.MAVX.
( 119 )
AMKniQur,
Rxnrditioii dans les parlies ceiitialcs cle i'Aiiic'rique ilu sud, do Hio
de Janeiro a Lima et de Lima an Para, execulee par ordre dii gon-
vernement fran^ais pendant Ics anuc'es i843 a 1847, sous la di-
rection de INL Francis de Casielnau. Geograpliie, cartes, a', 3° ci
4' livr. in-f". L'Altetb et M. P. HEnrnANn.
I-e Chili considere sous le rapport de son agriculture et de IVmiyra-
tion europc'i'nne, par Pjenjamin Vicuna Mackenna. 1 vol. in-i3.
Paris, I 855. L'AuTELli.
Carta del Desierto de Atacama. I feuille.
Le D'' PiilLlPPi, de Santiago.
I'nion des deux oceans Allanlique et PaciUque, par le transit ouvert
;i travers la re'publique de Nicaragua, carte delaillee des cin(|
departements avec indication des piincipaux traces du canal
inleroceaniiiue approuvc par le gnuvernemeni de Nicaragua, levi'c
par M. Aug. Myioiniet-Dupuy, ancien inge'nieur de I'Klat, et
pnblie'e a Paiis en i855, avec J'autorisation du gouvernenient
IVancais. 1 feuille. L'AuTEi'ii.
OUVRAGES GKiNERAUX ET MELANGES.
Kitab Toelipab, Javaanscli-MoliammeJaanscli Wetboek, etc. Le
Kitab-Toulipab, ou Code javano-niaboinmadan, public par INL S.
Kej'ier. 1 vol. in-8°. La Ilaye, i853.
Institut n. oiLor,. et ehikog. des IsnEs oniENT.
Granimaire francaise a I'usage des Arabes de I'Algerie, de Tunis, du
Alaroc, de I'Egypte et de la Syiie, par M. Guslave Dugat. 1 vol,
in 8". Paris, i854. L'Alteit,.
Memoire sur le Papyrus des anciens et sur le Papyrus de Sicile, j)ar
M. Philippe Parlatore. Rrocli. in-4". Paris, i853. L'Al'TEun.
Catalogue of stars near the Ecliptic, observed at Markrec, during
ihe years 1862, i853 et i854. Vol. Ill, containing 1 5, 018 stars.
1 vol. in-80. Dublin, i8.'i4- SociiLte 11. de Londhes.
The art of Travel, or a shifts and contrivances avail. dile in wild
countries, by Francis Galton. 1 vol. in-12. London, i85.').
L'AirrKi'n.
Imlole dclla geogralia del Secolo XIX coinparativanienlc a quclla did
( 120 )
Sccolo preceJente. Br. iii-4°. — Consiilirnzioni generali sull.i ros-
trtiltura de Porti. Br. in-4". — Relazionc del L.igo Fuciiio e dell'
cniissario di Claudio dell' arcliitctto J. S. Scritta verso il ladore
del Secolo XVIII. Hr. iii-4". M. Fei\disa>d de Lica-
Notice des travaux de la Societe de gcojrapUie et des proyrcs des
sciences (jeographiqucs pendant I'anncc i854< Br. in-S".
M. ConXAMBEIlT.
MiiMoinr.s, ueculii-s et journaux periodiqurs.
Menioires de rAcadcinie royale des sciences de Turin, tome XIV de
la 2* serie. i vol. in-4"'. Turin, i854. L'Academie.
Annates du commerce exterieur. N"* 786 a 794-
Le MiXISTEr.E DC COMMEnCE.
Biblioilicquc universclle de Geneve. Octobrc et noveniljre i854.
M. Paul CiiAix.
Nouvcllcs .nnnales des voyages. Novembre etdecembre i854i janviir
18.55. — Revue coloniale. Novembre et decembre |854- — Revue
de rOrient. Decembre i854, et Janvier i855. — Bullelin de la
Societe zoologique de France. Juin-novembrc 1854. — Bullelin de
la Societe geologique d'acclimataiion. Decembre i854 et Janvier
l855. — Archives des missions scienlifiques et littt'raires. 3' call,
du 4' vol. — Journal des missions cvangcliqucs. Decembre l854
et Janvier 1 855. — Annales de la propagation de la foi. l'' n* dc
1 855. — Journal d'education populaire. Decembre 1 854 •' j^"-
vier 1855. — L'Atlicnatum francais. N"" 5i ct 52 de i854, i a 5
dc 1 855. Les Ei)rrEvns.
BULLETIN
DF. I. A
SOCIETE DE GEOGRAPHIE.
MARS ET AVRIL 1855.
''Biioircs. cl<».
MEMOIRE SUR LE RAGLE
or
HALLUCINATIOiN DU DfeRRT;
Par M. W rnintr ii'EsCATn*! riK I.AiTur.E, membre dc In SocieU'
Obseivations pieiiniinaires.
IJn vojageur, pi'esse d'atteincire le terme eioigne de
ses laligucs, marche nuit et jour : accable de lassitude,
il nc tarde pas a elie presso par Ic sommeil ; sa volont6
se roidit conlre les exigences de sa nature; une lutte
s'engage el coUe succession naturelle de repos et de
veille, qui est la condition ordinaire de la vie, fait place
cliez lui a un elat parliculier qui nest plus ni le repos,
ni la veille. Ses \eux sont ouverts, son oreille percoil
les sons, sa main sent el agit, son esprit i-aisonne, et
pourtant noire voyageur est le jouet des hallucinations
les plus bizarres.
Le terme d'hallucination est Irop general pour de-
signer l)ien ce phenomene. Celui d'hallucination du
desert a linconvdnient de faire supposer qu'il ne se
produit que dans le desert et celui tl'employer deux
mots a la represenlalion d'une seule iil^e.
IX. MAnS F,T AVtUL. 1. 9
( 122 )
Je proposerai en consequence de laire passer dans
notre langue le noin arabe de co phenomfene , iioin
bref, sonoie el d'une articulalion (acile. Cc nom est
ragi, (|ui s'ecrit avec un rr, un kaf el un lam (1) ; nous
pourrions I'erriro ragle, ce qui serail |)lus conforme
anos babiludcs orthograpbiques; les Aiabes emploient
I'accusalif adverbial rag/an (c'esl-a-dire en ragle) pour
designer celui qui est sous linfluence du ragle.
Le vorbe ragala signifie il a subi Taction du ragle.
Ce \erbe, a sa qualri^me forme, a la signification de :
ii a traverse le desert, il a niarcbe rapideuient, etc.
Peut-filre pourrions-nous adopter le verbe ragler,
dontle parlicipe present serait /Y/j5,'/r//<^.*de infeme valeur
que I'arabe rnglan.
II serait avanlageux d'emplojer les memes lernios
que les Arabes a la designation d'un pb^norn^ne dont
nous n'avons gu6re a nous entretenir qu'avec eux.
II est rareiuent donn6 aux bahilants de I'Europe
d'observer le ragle, A j)art quelques courriers expedi^s
a franc etrier a de grandes distance, et quelques (^tu-
dianls qui, voyanl av. c inquietude approcber ie jour
des exaniens, emjiloienl ieurs nuits a repasser ce qu'ils
onl appris, <>n pent dire que ce pbenomene n'esl connu
que des soidals, et ne se uianiiesle a eux qu'en temps
de guerre el nans des circonslances peu ordinaires ,
(l) Dans ce mot le An/ se pioiioiice cutniiie un g dur; c'est en
realilL- une leltie affettee de polyphonie, elle est articuiee par les
Aiabes comme un k guUurnl dans les mots houran (Coran), hakk
(verite, Dieu), et comine un </ dur dans les mots uoum {levee, irourie),
garn (come). Le« leeteurs du Coran en font toujours un A: gutou-al,
les Egypliens en font un k legerenient aspire et ssmbiable au c dur
des Toscans. (Voy. une note a la fin de ce memuire.)
f 123 )
comme les marches de nuit, les veilles pro!ong(?!f's en
temps dp siege, le qui-vive pcrpeUiel d'une armee
donl les campements sont menaces chaqiie niiit ou
insultes sans cesse par un ennemi insaisissable.
Les soldats n'ecrivent gu^re leurs impre.ssions ; les
voyageurs, plus complaisants pour eiix-menies, les
ecrivenl volontiers, niais ayant, en general, soin de se
latiguer pen , ils ne connaissenl le ragle que par oui-
dire el nous en dounent un portrait peu ressernblanl.
Ils ont pour la pluparl si peu d'idee de ce phenomene,
qu'ils le confondent g^neralement avec le mirage.
Lorsque je voyageais a droimadaire dans leBelad-es-
Soudan, il ni'arriva plus d'une I'ois de laire d'une seule
Iraile un voyage de cinq journees de marche ordi-
naire ; je passais alors en route Irois nuils et deux jour-
nees, el la laligue causee par une si longue privation
de sommeil produisait ciiez moi toutes les hallucina-
tions du 7'ag'e. Je ne songeai malheureusenient pas a
cette epoque anoter toutes mes impressions, et je n'en
conservai qu'une reminiscence gen^rale que j'ai con-
signee en ces lermes dans un livre intitule : Le desert
et le Soudan.
« J'ai soiivent souflert de la privation du sommeil,
» qui est la plus cruelle de toutes; peu a peu je senlais
f) le trouble se mettre dans mes idees ; c'est en vain
» que je parlais avec mes guides, que je chantais, que
» je descendais pour marcher un peu, que je m'asj er-
» geais le visage d'eau fraiche : il me semblait bienlot
» que Ihorizoii s'elevait autuur de moi comme une
» muraille, le ciel lormait a mes yeux la voule im-
» mense d'une salle fermee de tous coles, les etoiles
)) n'^laienl plus que des milliersde lampes el de lustres
( 124 )
)i destines a cclairer celte salle ; puis mes yeux se fer-
»maient, nia Idle se pcncliail et tout d'un cou[*
» scntant que je perilais Tequilibre, je uie laltrapais
» a ma selle elclierchais en cliaiitanl a ecailer de nou-
» veau I'ennenii qui in'assiegeait sans cesse. » ( l.e
desert et le Soudan, liv. V, cli. v.)
Jc ne songeais point a revenir sur celle description
exacte, mais Ir^s incomplete, lorsque i'occasion m'a
^le donnee, sinon de fair<! du ragle unc etude plus
^lendue, du moins de reveiller d'anciens souvenirs.
Voulanl del nierement rejoindre a Suez M. Ferdinand
de Lessops et visitci avec lui ce port, dont la creation
d'un canal des deux mers pent changer la face, je
partis du Caiie sur un dromadaire do la poste. Ce
voyage Ires court , car il employa un peu moins de
trente heures, n'out certainement pas donne cliez moi
naissance au ragle, si je ne me fusse Irouve dans des
circonslanccs pliysiologiques toutes parliculieres. Je
venais d'etre malad(,' el n'clais pas encore parfaite-
inenL retabli; un inalenlendu fut cause que je n'em-
porlai point de vivres et ne ])us m'en procurer en
route; depuis deux ans je n'etais pas monte a droma-
daire; cnfin, ayanl quilte le Caire assez tard dans la
soiree, je mo trouvai jiasser deux nuils sans sommeil.
Le ragle se d^veloppa avec assez d'intensile pendant
la seconde niiit, j'en causai avec les gons qui me con-
duisaient: je rctrouvai mes souvenirs, el les reflexions
que ce suj<t inleressant m'inspira, me conduisirent
a quelques consideralions gen^raics , a une sorle de
ih^orie du ragle (I).
(i) ViiV'/ uiip noir li \-\ fin tie ce mpinniie.
( 1-^5 )
Une longue [Jiivalion de soinineil et la fatigue qui
en resulle sont les causes ordinaires du ragle, qui pent
se developper aussi sous I'influcnce d'une solf exces-
sive, de la faim , peut-etre meme du chagrin , de la
crainte, etc,
Les sens sont ^mousses, leurs perceptions devien-
nent confuses et ne satisfont pas I'esprit, qui cherche
a les completer; une sensation imparfaile sert de point
de depart et devient le rudiment sur lequel s'clevent les
constructions de la fantaisie ; I'cnclialnement des ideas
accomplit cette transformation, qui a lieu suivant la
penle des aspirations habiluelles du sujet ou dans le
sens de ses preoccupations du moment.
Les aberrations peuvent se rapportcr a la vue, a
Touie, au gout, a I'odorat, peul-elre meme au toucher.
Celles de la vue sont de beaucoup les plus frequenles.
L'ceil, en effet, est celui de nos organes que nous exer-
50ns le plus, qui a le plus besoin de repos : I'obscurite
complete lui fournirait c.e repos; il se fatigue au con-
Iraire davantage a thercher au seiii d'une demi-obscu-
rite, do ce qu'on a appele des tenebres visibies, le
d(5tail ou la veritable forme des objets. Mos autres sens
sont rarement soumis a une cause analogue de fatigue.
Le cas peut se presenter pour Touie, lorsqu'au milieu
du tumulte d'un combat, a travers le groudemenl de
Tarlillerie, IV-clal de la mousquclerie, I'eijranlement
communique au sol el a I'air par le galop des chevaux
et le roulement des voilures, a travers les cris des
blesses, les appels qui se heurlent et se confondent, le
bruit des tambours, le vacarme des clairons, le soldat
cherche vainemeiil avec une attention soutcnue a dis-
tinguer la voix de ses chefs.
( 126 )
La nature ties aliorralions ne pr^sente pas pour un
nieme sujet et dans les memcs circonslances une
grnnde variety. En s;6n(^ral, pour ce qui coiiceine la
vuc, ies picrros dc vienuenl iles rochers ou des edifices;
les Irares des aniuiaux, les emigres domienl a la route
I'appareiice d'une lerre labouree on d'une prairie. Les
ombres porl^es. lorsqu'il y a clair de lunc surlout,
figurenl des jmits, des precipices, des ravius; des
ombres moindres pr^senlenl I'aspect d'etres animus;
on voil passer devanl soi de longues files de chameaux,
des voitures, des troupes nombreuses, des bataillons
dont on distingue les uniformes.
On voit encore souvent s'elever devant soi et autour
de soi toute une for&l d'arlires trfes minces et pou louf-
fus, mais d'une grange hauteur et donl le feuillage
caclie une partiedu ciel sans voiler pourtant les eloiles;
dans un desert parfailement aride, cette aberration
me paralt trouver son ruciimenl dans les pelits vais-
seaux |)liis ou moins engorges de la corn^e transpa-
rente. Suivanl que I'oeil est plus ou moins ouvert, ces
objets prennenl des apparonces dilTerenles.
Les images ne paraissent souvent pas &tre eloignees
de I'oeil de plus de 50 centimetres a 1 metre; elles ne
s'en rapproclient pas davantage, a ce (jue je crois. II
m'csl arrive de traverser des murailles (|ui reparais-
saient toujours devant moi, mon bras allonge plongeail
dans la magonnerie, nion corps ne la renconlrail
jamais, tile s'ouvrait pour lui donner passage.
Une aberration Irfes fr^quenle est le redressenient
des surfaces borizonlales. Des Ireillis s'^levent aux c6l6s
de la routi- ; I'liorizon devient un niur, nu une en-
eeinle, ou une immense cuve ; (|ueli|uefois il semble
( 12/ )
fju'on se trouve au milieu cl'un cialere, an milieu du
Val-del-Bove, ou doquelque gorge resserree des Alpes.
IJn lait d'uiie naltire analogue est la Iransfoiniation
de la partie du ciel qui esl devant nous en une longue
el etroile bande de gaze. A propos du redressement
d(>s surfaces liorizonlales , je m'exprimais aiiisi dans
Le desert et le Soudan :
« Nous rapportons toujours les perceptions de notre
» vue aux etlels de la lumi^re a laquelle nous sommes
» le plus habitues; c'est pour nous celle qui, dans nos
» climats, se produit le jour. Cette lumi^re qui se
» reddle vivement sur les plans horizontaux, laisse les
» plans verticaux dans I'ombie; toute surface peu
» ^clair^e est des lois consideree a priori par nous
» comme un plan vertical ; et la nuit ne nous oCFiant
» que des surfaces obscures lermin(ies par des trails
» confus, nous n'y rei onnaissons plus les plans hori-
» zonlaux. » [ Le desert et le Soudan, liv. I", cli. v.)
C'est un fait de mirage.
Les rochers, les maisons el tous les objets qui pr6-
sentent une surface verlicale, paraissenl plus 6lcv6s
qu'ils ne le sont, sans paraltre plus larges; une maison
d'un etage parait en avoir au moins deux.
Le rudiment de toute aberration etant necessaire-
ment une perception confuse, il est facile d'en con-
clure que la perception des objets ^clair^s ou lumi-
neux ne donnera naissance a aucune aberration , a
moins, bien enlendu.que I'eclat de ces objets ne puisse
pas 6lre soutenu par I'ceil.
C'est pourquoi, dans le ragle, si I'on se Irompe quel-
quefois sur la nature des etoiles, on ne se Irompe
jamais sur leur nombre, leur situation, lour giandeur.
( 12S )
Le ragle se inanitesle quelquelois le matin, Ic soir et
ineme en plcin jour; dans ce cas rabenalioii do la vue
csl occasi(tnn^e parl't'ciat insupportable d'tineluiuieie
eblouissanle. Le |)lienomene est alors liabiluelK'nient
c()mpli(jue du mirage que j'appelle de la premiere
espece, a savoir: indecision sur la forme el la dimen-
sion des objels, deplacement el flotleuK nt tics in)ages.
Les aberrations de I'ouie, beaueouj) plus rares que
celles de la vue, alteignent surlout ceux qui sonl a jeun,
les vo\ aj^eurs soumis a l-inlluence du simoun, dont
les onilles sunt latiguees par le \ent, irritees par le
sal.le, les gens sujels aux bourdonnenx.'nis d'oreille;
les fievreuxqui onl en rocours au sulfate dequinine, etc.
Des sons reels confusemcnl percus, sont transfor-
mes par limaginatioii ; le fiolement des herbes du
desert, le choc dun cailiou , le mugissejnent du veni,
deviennent des chants melodieux, des oris de delresse,
le grondement de la foudre, des coups de fusil, etc.
J'entendais unc nuil ic tic-lac d'un moulin; j'eus de
la peine a me rendre compte de I'origine de ce bruit,
j'y arrivai cependant : c'etail la boucle de mon cein-
turon qui iloltail sur le ponnneau de la selle ou j'avais
accrociie mon sabre suivani I'usage du desert.
On se represente facileinenl ce (jue peuvenl etre les
aberrations de I'odorat el du goiil. J'aurai I'occasion
den ciler bicnlol un exemple.
J'ai dit que cet enchainemenl d'idees, qui donne
naissance au ragle, a lieu suivant la penle des aspi-
rations nature! les cki sujot, ou dans le sens de ses
preoccupations du moment.
Les aspirations nalurelles d'hommes appartenant
a la rafime race, ayanl recu uno education a peu pres
( i-^y )
pareille, ne sauraient dilTerer beaucoup; il en sera de
ineme de leiirs preoccupations lorsqu'ils se trouveront
soiimis a I'eniplie dcs niemes circonstances. De memes
rudiments seront pour eux la source d'aberrations
semblablos ou a pen pres semblables. Aussi arrive-t-il
presque conslamtnent que dos voyageurs pris simul-
tanement de lagio voient se derouler devant eux les
memes images: si I'un voit dos monlagnes, I'autre en
verra aussi; si I'un voil une maison, I'autre verra t^gale-
mont une maison.
Toulefois les monlagnes de I'un et les monlagnes
de I'autre, la maison de I'un el la maison de I'autre,
pourronl dillcrer les uncs dcs autres, et diff^rer
notabloment.
IJn de nos arcbeologues les plus crudits traversait
avec un babile paysagiste le desert de Suez, tous deux
lurent pris de ragle; se rendant mutuellemenl compte
de leurs impressions, ils reconnurent qu'elles 6taient
pareilles el en resterent surpris. De temps en temps
I'un de nos deux voyagcurs disait a I'autre : a Je vais
vous dire ce que vous voyez : vous voyez telle chose. »
Et la description qu'il faisait des images vues par son
compagnon se Irouvail parlailcment juste.
Chez des gens de race et d'education dilTerentes, les
hallucinations presenleront dans les memes circon-
slances une cerlaine analogie, mais elles seront rare-
ment semblables. Ainsi , un Bedouin qui n'aurail
jamais vu d'arbres, el il y en a beaucoup dans ce cas,
ne saurait voir s'^lever autour de lui une for^t; la ou
nous verrons une voiture, I'Arabe verra un chameau ;
la ou nous verrons un clocher, il verra un minaret, et
ainsi de suite.
( ISO )
line forte prc^occupalion a sur la nature des hallu-
cinations line influence remarquable, j'en citeraiquel-
qu(S fxeniples.
lln modecin ilistingue (|ui sc trouvait au Caire lut
appi'le i\v niiil aiix Pyrainides poui" donner sos soins
a nil vovai;eur giit;ven)enl hless^; il partil; mais le soin-
meil appesanlissait ses paupiercs, I'iuipatience d'airi-
vcr assez a lemps pour arr;iclior iin mallieurcux a la
iiiorl lui laisail trou\er la roiili' d'lmo longueur exces-
.sive. Preoccupe du mouieiil oil il M-rrait <iistiiictenienl
les Pyramides se dresser devanl lui', il ne tarda pas a
k\s veil- surgir du sein des tenebres el il allait les
atleiiidrc, {]uand dies firent place au vide, il lis revit
encore, ellcs s'evanouirent de nouveau, el celle vision
se renouvela plus de vingt fois en deux lieures sans
(ju'il lui lut possible de s'en debarrasser.
Ln des plus recents nuulyrs do la science, James
Ricliardson, s'olait perdu dans le desert: « J'elais acca-
» bl6 de fatigue, dil-il dans la relation de son voyage,
» ines sensations resseniblaiont ;'i celles d'un liomme
» ivre ( my senses began to reef like those of a drunken
» man); tantol je croyais entendre des \oix qui ni'ap-
» pelaient, tantol je voyais des luniieros, tanlot encore
)) un lioinnie a flroniailain- envoye a nia recliorclie, el
» ce qu'il y a\ait de plus singulier, c'est que toutes
» ces impressions etaienl d'une veril6 coniplele; elles
» appartenaienl bien a cc uiondo, non a un nionde
» suruaturel ( je ne m'en elonne pas). Je voyais A cliaque
» instant des gens qui me ciiercliaienl, je les entendais
)) in'appeler sans relacbe, Yakob, Vakob ! J'elais d'au-
» lanl plus le jouet de ces illusions qu'il faisait grand
» jour, el que je ne croyais (pTaux deceplions do la
( 1S1 )
» nuit; chaque bouquet d'herbe , chaque buisson ,
)) cliaque biitte de sable devenait un chameau, un
» homme, un mouton, un filre anitne, etc. » Dans les
tristes circonslances ou il se liouvait, la preoccupa-
tion constante de James Richardson ^tait de relrouver
sa caravane; de la loutes les hallucinations dont il
parle.
Je fis rencontre, il y a pres de (|ualre ans, dans le
desert desBycUaris (entre Soakeui et Beiber), d'un noir
qui s'y etait egar6 : depuis une soixanlaine d'heures,
ce malheureux n'avait rien pris ; en proie an ragle, il
n'apercevail autour do liii que des sources d'eau vive,
dont il croyait s'abreuver sans cesse ; I'air sec du
desert lui apportait des efiluNes luimides, il marchait
avec precaution sur le sable, se croyant sur un sol
d^tremp6 ; (luelquelois il apercevait le Nil et le sentait,
il courait alors ou se tralnait jusqu'a ce que ses forces
vinssent a le trahir. Get homme ne dormait pas, il
n'etait pas le jouet de rfives, mais d'hallucinations ;
il avait beaucoup de fi^vre, niais le delire avail com-
mence avanl la fi^vre.
On se demandera peut-6tre comment ce noir pou-
vait s'imaginer qu'il s'abreuvait alors qu'il se trouvait
au centre d'un desert aride et environne d'une atmo-
sphere depouill6e de toute huniidite ; le voici : la j)eau
de cet homme ^tait brulanle, sa langue etait couverte
d'un enduit jaunalre fort epais , les muqueuses de la
bouche, de la gorge, du nez etaienl le siege d'une forte
intlammation ; le contact de I'air, qui nous semblait
brulanl, devail lui parailre iroid, lair qu'il resj)irait
ratraichissait momentanement sa langue et son palais;
en proie a une pr<';<JCCupation unique, il devail con-
( 132 )
fondre celte seiination de fralcheui- avec celle que lui
edt fait ^prouver une gorgee d'eau.
Nous avons vu James Ricliaidson etre IVappe de la
ncttele des impressions qu'il rccevait dii raglc. Ges per-
ceplions t'ausscs out une vorite |)areille a cellos de nos
reves; elles sonl si distinctes que nous les rapporlons
a nos sens, si subliles que nous saisissons les moindres
details, les plus fugitives appaiences des objels crees
par notre imagination. Cost ainsi que marcliant une
nuit au milieu d'une vasle plaine, il me semblait
coloyer de liautes montagnes : a ma gauche, a une
profondeur immense, je voyais so deiouler une riclie
vallee; sur les bords d'un ruisseau coidant au milieu de
celte vallee, je voyais un champ de trefle, jecomplais
les foiioles de ce trefle imaginaire, je distinguais jnemc
les etamincsde ces fleurs; mais la commen^ait le reve,
le ragle faisait place au sommeil.
Les sens cepcndant perdent en clairvoyance loul ce
que gagne I'imaginalion. L'ceil, par exomple, (pioi-
qu'ouverl ne voit plus ou prosque plus, et les plus
grands ell'orls ne sufTisent pas loujours a I'aire aperce-
voir I'objet le plus rapproche. Une nuit je voyageais
sans domestiques et acconqiagne d'un seul guide sur
une route tr^s frequenlee el Iros apparente; le guide
se tenait a quel([ues pas en arri6ro de moi , j'^tais en
proie au ragle : « Tu n'es plus dans la route , me cria
» lout a coup mon guide, appuie a gauclie. » J'appuyai
a gauche el coupai la route sans la voir ; rappele de
nouveau, jcpris <^i droite et coupai encore la route sans
la voir davanlago : « Je ne vois plus le sol, dis-je alors
» a mon guide, passe devant je le suivrai sans peine. »
Lui-ineme elail bientol le jouet dcs memos aberra-
( m )
lions et ilevait desceiulre de son dromatlaiie pour
chercher la route aveo ses pieds et ses mains, a d^faut
de ses yeux.
Les sens sont ^mousses, I'iinagination folle : la rai-
son cependant, loujoins en 6veil, n'est pas trompee
par les joiix de la fanlaisie.
On voit un palais, on en compte les fenfetres, mais
on sail a merveille qu'il n'y a point la de palais. C'est
en vain pourtant qu'on so roidit pour ne point Ic voir,
les plus beaux raisonnemenls n'y font rien; on sail
qu'il n'existe pas, on agit conime s'il n'en exislait pas,
mais on le voit toujours, a moins qu'on ne vienne a
pcnser a autre chose ou que I'imagination no fasse
du palais une furteressc ou une ville.
An milieu du ragic j'ai d(^clanie des vers ou psal-
modie le Goran sans me tromper d'une syllabe ; j'ai
soutenu des conversations treslongues sans le moindre
cmbarras comme aussi sans le moindre soulagenienl;
j'ai essays de resoudredes problemesde mathematiques
etj'y aireussi;j'ai fait mieux.dans mon dernier voyage,
pendantque le ragle m'obsedait, je tirai de ma poche
un petit carnot et comme j'^cris facilement a droma-
daire, je m'amusai a noter sur ce carnet toules les im-
pressions que je recevais du ragle. Ce qu'il y a d'assez
remarquable, c'est que j'en elais reduit a ecrire a
tatons; je ne voyais le oarnet que par intervalles, il pre-
nait presque constamment a mes yeux I'apparence
d'un grand album couvert de Ir^s beaux dessins. Je
rcUis le lendemain mes notes de la nuit, leur redaction
lemoignait de la parfaile lucidite qui y avait preside.
Lorsqu'on parcourt une route sur laquelle on sail
qu'il n'exislc pas de forels, on pent done par I'elTel
( IS'i )
dn ragle s'en voir entoiir^ sans que la raison s'y trompe
un seiil instant ; inais si Ton parcoiirl une route in-
connue, on jieut fort bieii ajoiiler foi a des impressions
centre la fausset^ desquelles on n'est point pr6mtini a
I'avance, croire, par exeinple, qu'il exisle un fosse la
oil Ton (Ml voit un.
On pent enlin connaltre bien la route, I'avoir suivio
mille fois, el, celle route 6tant bien fray^e , ne pas la
voir ou elle est et la voir dislincteuient oii elle n'est
pas, ct tout en ne dormant pas, tout en cliantant, en
causant, sVgarer completoment dims le deserl.
Celte observation servira ;'i r^soudre une question
de m^decine legale qui peut a cbaque instant elre
port^e devant un conseil de guerre.
Voici cetle question : un guide qui ne pent pr^lexter
son ignorance et qui ne dorinait point, a 6gare de nuit
la colonne qu'il devait conduiro; peut-on sur ce seul
faille declarercoupable do traliison ? Non evideminent,
car il |)Ouvait etre sous rinfluence du ragle.
La cliose n'a rien d 'improbable si ce guide est un
paysan fatigu6 des travaux de la journ^e. requis le
soir sans avoir eu le temps de soupor, peu habitue au
cheval et tres effray^ des menaces qu'on lui a faites.
L'erreur des militaiies consiste a croire qu'il suftit
que le guide ne dorme pas ; il faudrait s'assurer aussi
qu'il n'est pas sourois au ragle , le quoslionner a ce
sujet s'il inspire de la confiance, el, si! ragle forte-
raent, agir en consequence.
On saura qu'un liomnie ragle si on le voit elendre
les bras en avani comme pour ccarter un obstacle,
icarquiller les yeux. chancelor sur sa selle, agir sur
la bride sans motif apparent, ou, s'il estapied, marcher
( 135 )
comme un homme ivre et se d^lourner pour eviter
des objets imaginaires.
C'est sur les ^loilesque les Arabes se guidenlpresque
toujours, quand ils voyagent de nuit dans le desert;
les etoiles ne Iroinpent jamais ceiix qui subissent le
ragle, d'ailleurs toute la caravane a reconnu de suite
I'eloile choisie par le guide, et s'il venait a s'endormir,
elle ne sortirail pas pour cela du bon cbeinin.
Les Arabes qui prennent babituellement peu de
sommeil et sont brisks a loutes les fatigues du desert,
souflrent moins que nous du ragle; mais ils en souflVent
aussi. Leur nianiere de vivre si miserable est ce qui
les y expose surlout; le Bedouin ne mange pas tous
les jours.
Le ragle se produit surtout enlre minuit et six ou
sept heures du matin, il disparait babituellement pen-
dant le jour; le ragle de jour est affreux, parce (|u'il
ne se montre jamais que si la fatigue est excessive.
Le ragle se manifesle ordinairement par acc^s, dont
la moindre duree est de quelques minutes.
Le ragle conlinu conslituerait Ihallucinalion des
delirants, (;omme le reve continu constitue I'illusion
des maniaques.
L'acces commence subitemenl, sans qu'on puisse
sen dt'fendre; il cesse tout d'un coup, presque tou-
jours sans cause appreciable. Au debut quelques dis-
tractions, des lotions d'eau fralcbe, etc. , peuvent meltre
lin a un acces de ragle. On oblient quelqueiois ce re-
sultal en lixant son regard sur les titoiles; le caf6 peut
6tre employe avec avantage, mais la fatigue generale
el I'irritalion nerveuse en sont accrues, et le seul
veritable reuiede que je connaisse au ragle, c'est le
( 136 )
sommeil; un sommeil do (iiiehjnf^s minutes procure
un soiilagcraenl cons'ulerable.
Mais il arrive souvenl que I'irrilalion nervcuse rende
Ic sommeil impossible ; cola m'est arrive une fois en
Iigyple : il faut alors avoir recours aux bains.
11 me serail difricili; de dire si le rasjle repose; il est
positil que certains animaux ne connaissont que le
demi-sommeil et quedes fous peuvent passer plusieurs
mois sans dormir.
Le raglc precede le sommeil do Ibomme et en
marque la fm : c'est pendant col otat do somnolence
que des es|irils crc^dules ou limores aj)ercoivent dcs
fantomes, cnlendent des voix myslerieuses. La faiblesse
d'espril ordinaire a ceux qui ejwouvent ces hallucina-
tions, fail quelquefois passer a I'^lal de maladie men-
tale, des aberrations passageres chez d'autres. Dans
un livre relatif a I'emploi du liascliich ^Cannabis indica),
le docteur Moreau, de Tours, a explique ces pheno-
m6nes mieux que je ne saurais le faire.
Le raglc se prescnte souvent aussi dans le cours du
sommeil; un bruit soudain, un choc, la pifplre dun
insecle peuvent on provoqucr I'apparition. C'est alors
que la raison, roagissanl conlre les impressions du
reve , nous rapjielle que nous dormons el que cc qui
nouspr^occupe ou nous apparait, n'a point d'existence
reelle; nous gardons au reveil le souvenir des rdves
que le raglc est ainsi venu interrompre, nous perdons
tout souvenir des aulres; c'est ainsi quo le somnam-
bule ignore les acles qu'il a accomplis dans le sommeil.
Le ragle et le sommeil sont, du reste, assez souvent
difliciles a dislinguer Tun de I'autre ; il arrive un mo-
ment oil ils sc confondent; ce moment est celui ou
( 137 )
s'accomplit lo passage tie I'lin a rautro tie ces elats.
Le ragle priisente le plus gi-aml lapporl avec I'ivresse
produilo par les boissons alcooliqucs, avcc celles dues
a I'usage do I'opiuin, du haschicli, da cati, du safran,
de I'amhre gris, do la belladoue, de I'elher, clc. , avcc
ie d^lirc de la fievre et les hallucinations de quelques
fous. C'est une es|iecc bien caracturisee d'uii memo
genre.
Le ragle, i'ivresse, i'iiallucination difTeient du reve :
1" En ce qu'ils sc produisent en dehors du somuicil,
sans que rerethisine normal des organcs de la vie
aninialc soil susjiendu enlieremenl, et sans que la rai-
son jierde lolalcuient sa puissance; 2' en ce qu'ils
precedent toujours direclement de la sensation confuse
dequelque objet, en un mot d'un rudiment reel; tandis
que le reve prend sa source dans lu simple souvenir.
II est vrai que ces souvenirs so presenlent u I'esprit
par suite d'lui enchahiemenl d'idees, dontla premiere
est nee de quelque sensation qui a precede le som-
meil; mais il n'y a aucun rapport enlre cetlc sensation
et le reve.
La vision du ragle diflere de celle du mirage en ce
que dans ce dernier ph(!!nomene, ce que Ion voit existe
rdiellement; ainsi, si Ton croit voir de I'eau, c'est qu'il
s'est produit reellement I'image d'une surface bleue
miroitante et un peu agitee ; notre esj)rit se Irompe
seulement en supposant que Tcxislence de I'eau est
inseparable de la production d'une telle image.
Au Caire, 10 Janvier 1855.
C" u'EsCAYRiC DE LaUTCRE.
IX. UAUS liT AVniL, 2. 10
( 138 )
Note.
Le plienomene si bien decrit par M. d'Escayrac dif-
lere des auties especes d'illusions ou d'liallucinalions.
par la i-ause coniiDc par les eircls ; on aiirail egalc-
nienl lorl, ol d'en foiitcstcr la n-alite cl do le conroDdre
avcc d'aulres allectioiis mcniales, analogues a certains
egards, niais distincles au fond. Cflle-ci csl le pi t)diiil
d'une grande I'aligue, joinle a I'liisoiniiie prolongoe ;
I'un de ses caraclf'res esl de cesser complitenienl
aussilot qii'on a pris un pen de repos ; a pen pres
comme cesse le inal de mer, aussitol ([u'on a touclie
la terre.
J'ai moi-m6ine eprouv6 un coniirsencement de ragl
dans les circoiistances suivanles. J'allais d'Alexandrie
a Roselte, a pied, a la suite il'une nouibreuse caravane:
c'est un voyage de qualorze a quinze lieues; on allait
lenlemeiit; c'etait environ cinquanlo jours apr^s le
desaslre d'Abuukir. Jr suivais le bord tie la mer, niar-
cliant penibleujent sur des monceaux de debris de
tout genre, jeles ;i la cole, carcasses de navires, gou-
vernails, cables, vuilures, aUuls, [joi lions de ponls, de
matures el devergues, etc., don I la rive 6tail joncbee(l).
Bienlot il lallul nuircber sur lies sables Ires fins, oil
lespiedsenfon^aient profond^nienl. La fatigue auguien-
taii par la necessile de soulever, a chaque pas, un sable
pesanl. Des la premiere nuil , cetle laligue devint
extreme; je n'avais plus la perception exacte des objels
ni de la forme des lieux ; la surface du lac iMadyeh
(i) Qa et la des Bedouins Liulaieiit les Lois pour en tirer le fer;
le vaisseau le Tinioleon yisait la loul eiitier.
( 139 )
me parut 6tre, moins une nappe dean qu'une plaine
tres unie. Je comhallais le so:!;imeil a grand peine,
marcliaiit toujonrs, sans prendre de repos. Dans cet
6lat de demi-veille, des images bizarres s'offraient a
nion esprit, et rillusion 6tait telle que j'entrai dans
le lac Ires avant sans m'en apercevoir, I'eaii , d'ail-
leurs, elait tr^s chaude; a la fin, la fralcheur causee
par r^vaporation de I'eau m'avertit de mon erreur et
cette singuliere sensation cessa tout a fail.
Une autre tois, la meme cause d'extraordinaire fa-
tigue etd'insoninie fit que je m'^garai et perdis la trace
de la caravane.
M. d'Escayrac fait deriver le mot ragl du mot arabe
ragalo ; on le connalt seulement a la quatri^me forme;
nrgala signifie effectivement veAox fail transiuit
desertuin. II est a remarquer que le mot rnghnla, ecrit
par un gbain, a la premiere forme signifie : erravit^...
nee posuit fecitve suo loco,... aberravit a pascuis came-
liis, etc. J-D.
QUELQQKS DETAILS SUR LES PRETIDiNDUS
HOMMES A QUEUE.
Depuis quelque temps, une question qui a d^ja
occup6 I'attenlion publique a diverses 6poques, a ^te
remise en discution : il s'agit de savoir si reellement
il y a on Afrique des populations uiunies d'un appen-
dice caudal et con.stiluant un type <ie race.
Ayant visits raoi-meme les peoples qui paraissent
d6signes par ])lusieurs des narraleurs africains donl
( IZiO )
los locils sonl en question, jo ciois r|iril est convenablo
de Tairo connailre ce que j'ai \u. On y liouvera, je
penso, I'origine de ces recils el rexplicalion dos diffe-
rences qu'ils piesenlont cntre eux.
M. Duouuret a donne dans Ld I'mnce itiedicalc du
1" septeinbie dernier, le dessin d'nn honinie ayant
iin appendicc caudal qu'il dit avoir vli a la Mcccjue ;
lo Tail n'est pas impossible, on a vu plusieuis sujets, des
Porisiens nieme, niuuis d'lni a|)pcndice de ce genre ct
d'aulres anomalies ))lus surjuonanlos. Mais pour ce qui
serail dune population lout enliere de cette nature,
j'ai lieu de croire que rerreur est neo d'uno circon-
slance bien simple en realite.
Voyons d'abord en (juelques mols quels sont les
recils qui pouiraicut laire croire a rexisleuce d'une
race d'hommes ainsi conslilues.
Sur unc vinglainc de n^gres du Haoussa el des envi-
rons qui onl donne.les renseigneujenls recueiJlis par
M. de Gaslelnau, trois sculcment prelondent avoir vu
(les liommes a queue, un autre des enfants; encore,
suivant les uns, cetlc queue aurait 30 a ZiO ccnlinietres
de longULur, suivant d'aulres jusqa'a 70, el, suivant
M. Ducourel, 8 a 10 centimetres. Trois de ces negres
onl vu les iSiam-Niams sans queue; on leur a dit que
d'aulres en avaienl, mais's'ils n'onl pas vu de queue
nalurelle, ils se soul assu/es quails n'onl dautres velc-
ments qu'iine pcau cutlour des idius (pages /jl, Zlx et 29
de la brochure de M. de Castelnau). Qualre aulrcs
negres onl enleridu parler seulemciit des Niam-Niams
conmic elanl pourvus d'une queue.
Un article du Bulletin tie la Societe de geographie,
du numero de Janvier 1852, resume les renseignc-
( Ui )
ments coiinns siir cc siijet : « M. Ducouret annoncait
couime cortaine I'exislence des liomines a queue en
Afrique, sans loutefois juslirior son assertion. Depuis,
M. Rocliot d'Hericourt , voyageur en Al)j'ssinie, decla-
rait, non pas qu'il avail -2'w des individus en possession
d'un piolongement caudal, mais qu'il en avail entendu
parler. Bien avant eux , plusieins anciens voyageurs
avaicnt ecritdans le meuie sens; et, en 1677, iin Ilol-
landais nomme Jean Slruys, homme, il est vrai, fort
cr^dule, el considere comnie peu V(5riHique, assurait
avoir ?^« un individu ayant iine queue longuc de plus
d'un pied, etc. »
Dans certainesl^gendes chinoises et japonaises,il est
fait mention d'liomines a queue ; suivant les unes, elle
serait longue et veluc , suivant d'aulres, elle serait
coinme celle d'une lortue, c'est-a-dire courte et non
velue. Horneman cite aussi lesNiam-Niams, qu'il place
enlre I'Miyssinie et le golfe de Benin, et qu'on liii a
designes conirae elant munis d'une queue. M. d'Ab-
badie parle d'un prelre d'Abyssinie qui lui certifia
I'existence d'liommcs ayanl une queue longue d'une
palme, elcouverle de poil, qu'il coinparait a celle d'une
chevre. Les hommes qui seraient pourvus de celle
queue viendraient, selon lui, chaque annee a la foire de
Berberab. Leur pays serait a quinze journees au sud
du Harar. Leurs fcmmes, ajoutail-il, sent belles et sans
queue. M. d'Abbadie rapporte qu'etant en Tigre, a
Gondar et en Gojiam , on placait ce pays du cole du
sud, et qu'elant en Kambale et en KafFa, on Ic meltail
au nord. D'apr^s ces renseignements, ce pays serait
situe a I'oueslde la ligne qu'il a parcourue, c'est-a-dire
dans les montagnes qui s^parent les bassins des deux
( 142 )
Nils. Aucun adlrc lieu ne saurait inieux r^pondro a
tons res retiscipneinenls, puisque la re.^ion do Test est
.celle que MM. l\oclietd'Il«iricourt, Arnaull el Vayssi^res
ont visilee, et ou ils ont re(;u des renseignemoiUs ana-
logues. D'ailleurs ce pays r^pond aussi aux indications
de M. Horneman, qui le place entre I'Abyssinie et le
golfede Benin. Quant au pays indique par les negresde
M. de Caslelnau, il paraitrail plus rapproch^ du golfe
de B^nin. Cnmnie j'ai penolr^ moi-menie dans ce.s
myslf^ripuses regions avec une expedition deMehemet-
Ali allanl a la recherche de I'or, on sera bieii aise de
savoir ce qu'on y voit. de connatlre enfin lesquels de
tous les narrateurs indii^nos ont raison • si les queues
sent longues, courtes, inoyenncs. lisses ou velues; si
enfin les femmes en sent niunies ou non, etc.
fitant dans le Fa-Zoglo, au dela du Sennar, j'ai
aussi et6 ^tonne par les recits des indigenes. Les gens
auxquels nous demandions des renseignements sur
les peuples chez lesqueis nous devions p^n^trer les d6-
signaienl tantot par I'^pilh^le d'/iommes a queue, lantot
par celle d'hommes a pean. Je me promettais deja
mohls et merveilles sur ce que j'allais voir. I.es idiomes
'des negres sonl si pauvres qu'il est fort difficile de
s'enlendre clairement, et quand ils parlent une langue
etrang^re, ils n'cn connaissont guere que les mots qui
ont un equivalent dans leur propre idiome. Cepen-
danl je ne tardai pas a reconnaltre qu'il ne s'agissait
qued'une chose fort simple. Voici ce qui s'oflrit a nos
yeuxdans le pays des Goumouss, des Gouroum et des
Hiimotcli6. I.es hommes vont completemcnt nus sauf
une peau de forme triangiilaire qu'ils portent par
derriere appliqu^e a la cluile des reins et doiil la
( n-i )
poiiile inferieure imilc uiie (jueiie peiulante. (On pout
voir des scenes de ces |ieuples sur les planclios 13,
15, 22, etc., dii P oyage an Soudan oriental, en cours
do publicalion dejniis 1852, do ineineque siir d'aiilres
planches du Pnmllele des edifices ancieiis et modernes
que je [)Liblie on memo lenips.) Ainsi on voit que cette
queue peut elro courle ou longue, lisse ou velue, sui-
vant qu'elle est plus ou moins bien tann^e; que les
leinmes n'en portent pas dans celle contree, mais
qu'ellcs peuvent Tort hien en porter dans un autre
pays, altendu que cette peau semble principalemenl
destinee a s'asseoir plus mollemenl. Sous ce rapport,
les femmes pourraient I'admettre avec autant de raison
que les ho:nmes, si I'etal de degradation dans lequcl
elles vivenl ne leur imposait des mceurs plus rudes.
Quant a la poinle en forme de queue, elle a pour but
d'oflVir une prise facile quand ils ram^nent la peau
sous eux en s'asseyant. Celte queue, qui paralt si sin-
guliere aux autres peuples de I'AI'rique, et qui motive
leiu's exlravagantes versions, est cependanl plus ration-
nelle que nos anciennes qitenes de niorne et beaucoup
d'autres parties de nos costumes europeens.On observe
des peaux de negre dont rextremil(^ se bilurque, mais
elles soul moins nombreuses que les autres, parce
qu'elles sont d'un usage moins commode.
On voit que non-seulemenl ces pays correspondent
bien a ceux qui sont indiqiies par MM. Horneman ,
d'Abbadie, Rocliet d'Hericourt, etc., mais quecet usage
doit avoir donn6 lieu au quiproquo plus ou moins
volonlaire de quelques narrateurs africains; car ils
aiment a jeter du merveilleux dans les r^cils et dans
les contes qui font leur principale recreation. Tous
( Ihh )
ces resells se contredisenl enlre eux sur bien des points,
landis qu'ils vionnent plausiblenient s'cxpliquer el se
concilicr par Tibial des choses que je \icns de ddciire.
Qiiclqucs n6gi-es, en voyanl les doutcs nianifobli^^s
par leuis interlocuteiirs, sont cnlres dans ilcs ilciails
circonslancies pour donnor plus de precision ;i lours
r^cils. A mon sens, ce sonl juslenicnt ccs details
qui traliissent le narraleur. En ellet, ccs irous porces
dans des bancs pour y faire passer la queue en s'as-
scyant, ou bien creuses dans le sable cliaquc fois qu'ils
veulent s'asseoir, supposeraicnl unc bien grande rigi-
dity a eel organe ; ces bommes ne pourraient done
s'asseoir ni sur un rocbcr ni sur un terrain ferine, et,
quand ils seraient ainsi planlt^s sur Icurs bancs, ils se
verraient grandenient exposes a se causer de vivcs dou-
Jeurs par le nioindre niouvement irreflecbi. On sent
que tout cela est peu admissible, car la nature, en
creant des organes, les conrornie aux besoins des indi-
vidus, ou, si Ton ainic uiieux, la race ou la varieie
pi-end des usages en barnionie avec sa constitution
pliysique.
D'ailleurs, parmi les negres interroges par M. de
Castelnau, et qui ont vu les Niain-Niams, il en est qui
n'onl point observe de queues nalurelles, mais qui les
ont lrouv6s comme ceux que j'ai rencontres, nus et
ne pnrtant fjii'iiiie peait autotir des reins (pages 29, /lO
et 41 de la brochure citee) ; j'ai rcniarqu6 aussi que
leurs femmes porlaient un morceau de bois dans la
levre. A I'egard de cc morceau de bois, j'ajouterai
quelques details. D'apres ce que j'ai vu, le Irou de la
16vre est destine a recevoir un clou rond, de compo-
sition melallique, qu'on inlroduit par I'inlerieur de la
( 1/15 )
liouclie dans la levre inferieure et qui pcnd un peu
plus bas (]ue Ic inenlon; eel ornement n'est pas dis-
gracieux , il favorise la vue des dents blanches; mais
vu son incommodite pendant qu'ellcs doiment, qu'elles
mangent on qu'elles Iravaillcnt, elles le relirent pour
le remplacer par un morceau de bois qui rcmplit
I'oflice de bouciion et qui n'a que I'epaisseur de la levre.
Co morceau de bois, n'etant soutenu que par la pres-
sion de la levre, finil, avcc I'age de la personne, par
agrandir beaucoup le irou el remlre I'usage du clou
impossible. Alors cc Irou ndcessite un bouchon plus
grand, qui rend la 16vre li'es saillante et son mouve-
ment disgracieux. Je possede, a Charcey, dans le de-
parteinenl de Saonc-el-Loire, une collection d'objels
elhnographiqiies que j'ai rapportes de ces pays, et Ton
y voil itne queue (li's Niai)i-i\iai/is, c'est-a-dire une des
pcaux de moulons a polls courts et non laineux que
Ton Irouve chez eux. On y reconnail encore I'empreinle
de la forme du bas des reins qu'elle a re^uepar son long
usage. Cetle queue elanl celle d'un elegant du pays, est
surmonlee dequelques franges ou lanieres decoupees.
Un petit banc, qui fait partie de la meme colleclion, rne
rappelle aussi le banc perc6 d'un irou pour la queue,
suivant le recil d'un des negres, car toule narration,
memo la plus cxcenlrique, sernble avoir pour point
de depart un fond de verite. Ce banc esl pellt, sa sur-
face elliptique n'a guere que 30 centimetres dans sa
plus grande dimension, sa hauteur est encore moindre;
les pieds, plus ou moins nombreux, et disposes avec
une certaine recherche , sont tallies dans le meme
morceau de bois et souvent reunis onlre eux par
d'autres decoupures en forme d'orneracnl. Les negres
( 1A6 )
de cerlaiiips tribiis, qui possedint ordinairement cha-
cui) till hiiiK" (Ir cello iialino. iulroduisent dans ses
decoiipiiros. lum la ijiioiit', mais le bras jusqu'au coude,
pour le porler sans einbarras qiiand ils vonl faire la
causetle sous lo grand arbre on dans le voisinage. Ce
banc neccssitft un travail difticilc, surloul chcz ces
pen pies qui n'onl pas les oulils necessaires, el il lorrne
uii objet de luxe dont ils sonl fiers.
Peu apres la piihlicalion de ce qui precede (dans
r lllNslidtion i\\.\ 7 oclobre dernifi), MM. Uucouret el
Roulieaud, directcur de la France inedicaie, firentquel-
(jU(;s objections ilans nn pcht ouvragc precede d'une
jjrelace, par M. Alexandre Dun)as, el intitule : Foyage
cut jictfi (les ]\iani-I\iatni on Iioiiidh's a queue, j)ar liadji-
Abd-el-Haniid-Bey. (Cest le noin que prend M. I)n-
couiel. )
iM. Iloubeaud Irouve que la |)fau en question « sinuile
assez exactemenl une queue pendante enlre les jani-
bes; )) niais qne ce veleniiiil « pent nieme confuMner
les r^cils de M. Ducouret, si le Niani-Niam, niele a
des'bouinies sans queue, eprouve (juelqne honlo de
son etrange conformation. » Je i'erais reniarquer que
si le negre voulait dissiinulei- nn k-l organe, ce serait
nn nioyen pen judiciiMix, (pn> de le reproduire [)ar le
\elenu'nt menu' deslim' a h- cacln r. D'ailleurs, j'ai
sonvenl vu les nigres complelenienl nns pendant les
lavages des sables aurileres a la sebile el pendant cer-
tains autres Iravaux; j'ai meme en occasion de les
reproduire coniplelemenl luis dans (jnel'jnes planches
du Foyage an Soudan cile pins liaiil. I'lnlin, les lennnes
ne portent ancun vfilement (jui puisse laisser le
moindredoute a eel egard Celte circonslance cxplique
( 1A7 )
la vari^t^ des temmes sans queue de M. d'Ahhadie.
M. Ducouret pense que le veleinent dont il s'agil
a |) pa I'll en t, en effet, a diverses tribus de I'interieur de
TAfrique, niais que la confusion dont je parle ne serait
|)Os.sible que « si les n^gres ^talent inahordables et si
les Niam-Niams n'avaient jamais et6 vusque de loin, »
Je suis tout a fait de cet avis. Aussi, pour moi qui
ai vu plusieurs populations de ces negres, il n'y a pas
de confusiiin possible. Mais pour M. Ducomet , (jui
publie un voyage soi-disant au pnjs des hommes a
queue : lequel voyage se resume en des details sur un
bomme de celle race qu'il dit avoir vu a la Mecque, et
des cboses que lui ont rncontc les Djellabs au sujct des
Niam-Niams; dans de telles conditions, dis-je , I'in-
ct'ilitude et la confusion ne sont cerlainemenl pas
iu)possil)les. Suivant ce voyageur, des liommes a queue
sont souvenl amenes sur les bords de la mer Rouge ou
ils seraient communs, cependant aucun autre voyageur
n'a pii en apeicovoir. Quant a I'babitude de manger
de la viande crue qu'il cite comme un des caract^res
des Niam-Niams ou Gbilan, on sait que cet usage est
common eu Ai)yssinie m6me cliez des chretiens.
On a souvent aussi depeint les n6gres et particu-
li(^remenl les Niam-Niams, comnie antbropophages.
Je dois dire qu'en penetrant dans les regions reculees
dont nous parlous, je m'allendais, sinon a voir manger
de la cbair bumaine, au moins a entendre des recils
et des details sur le cannibalisme. Heureusement mon
allcnte a ete Irompee; et, plus nous avancions dans
la Nigrilic, plus les liommes desigufis comme ayant ce
godt revoltant seuiblaient s'evanouir ou n'etre qu'une
fiction. J'ai I'espoir qu'il en sera loujonrs aiiisi, jus-
( m )
ces
cr-
qu'a cc que, la derniore conlree elant conniie,
fails passenl an doniaine de la fable. Dans les J^.
nitres pages du journal de J. Richardson, qui vienl de
succomber en Afrique, viclime du cliniat, j'ai remar-
que qu'il a fail des observations seuiblables : il dit qu'a
Gurai (pres du lac Tcliarl), il eut occasion d'onlendre
parler des }'(?/« - }>7W5 (Niam-Niams); il paraltrait que
riiisloire de ces mangeurs d'homnics remonte aux plus
anciennes traditions; elle s'est peu a pcu chargec
d'embellissements, mais, suivanl les gens du pays, il
n'exisle plus aujourd'hui ricn de pareil ; ce serail unc
pure caloninie.
Tn^Miux.
IV. B. Apres la lecture de cet article a la seance
de la Soci^le de geographic, du 16 fevrier dernier,
M. Jomard, membre de I'lnsliUit, rappela que dans
une stance de la Commission minislerielle chargee
d'apprecier les Iravaux de M. Dgcouret , n'ayaiit [)u
presenter aucune preuve a I'appui de ses assertions
sur les Ghilan ou Niam-Nams, inontra le dessin d'un
homme de celle race qu'il disait avoir vu a la Mecque;
malheurcusemenl ainsi que le lit remarquer M. Geof-
frey Saint-Hilaire, membre de la Commission, la
queue, au lieu de former le prolongemenl nalurol de
la colonne verlebrale, se Irouvait altachee a la troisiemc
ou quatrieme vertebre. » Aujourd'hui, suivant le dessin
qu'il public en tele de son livre, cette queue ne semble
pas trop mal allachee.
T...
( ili9 )
NOTICE
SUR I.E VOYAGH DK M. CIIAIU.ES J. ANDIiRSSOX
DANS LK SUD-OUEST DE I,'AFftlQUE.
PAR M. ALFRED MAURY.
II y a qualre aniiees environ, M. Andersson accom-
pagna M. Gallon tlans un voyage d'exploration enlre-
pris au sud-oiiest de rAIVlqiic, dans la region qui
s'elend an nord de la haie de Walvisch. Au retour de
celte cxj)edilion, les deux voyageurs tenleient d'allein-
dre ie fameux lac Ngaml , qu'avaient recemmcnt fait
connaitre les d«iCouverlcs de quelqucs Anglais. Mais
une secheiesse excessive et inaccoutumee les ayant
emp^ches de realiser leur projet, M. Andersson pril
la rdsolulion d'accomplir seul ce voyage, lant il elait
convaincu de sa possibillle dans des circonstances plus
favorables, et altachant une juste importance a <^tablir
des communicalions enlre I'inlerieur de I'Afriqiic'et
la cole occidenlale. Sa tenlalivc fut heureusement cou-
ronnec de succes, el voici I'aper^u do son voyage tel
qu'ilresulle des communicalions de I'auteur.
Notre voyageur se rendil d'abord a Cape-Town, afin
de s'y munir de tout cc qui elait necessaire pour son
expedition. Puis il rcgagna la bale de Walvisch, c'^tait
au commencement de 1853. Celte baie est depuis
longlemps connue des Europeens et la carle hydro-
grapbique en a ele, dil-on, drcssec par Ic comman-
dant Owen de la marine royale brilannique. Cetle bale
fournit un ancrage sur et commode, protege des trois
( 150 )
cotes par line jilage sahlonneiise ; olle n'esl ouverte
qu'aux seiils vents <lu nord etdu norcl ouesl (|ui, heii-
reuseaient, soufflent larenienl. Les gios batiments
s'abrileiit sous la proleclion (lea) d'une petite pres-
qu'ile sabloiineuse dont IVxtr^mit<!! est designee |)ar
les niariiis sous le noni de Pointc-du-l'elican. De pe-
tiles embarcations peuvent niouiller, nieme sans dan-
ger, a moins d'un denii-mille de la cote. Celle-ci iie
pr^sente pas, il est vrai, d'aiguade, niiiis on liouve de
I'eau a Irois niilles dans rinterieur dcs teries, sur iin
beau fond de verdure.
La baie de Walvisch et ses environs abomlenl en
poissons de toute sorte. On a elabli, il y a quelque
temps, une pecberie a Sandwich- Harbour , a environ
20 niilles au sud de cette baie. SandwicliHarbour a
sur elle I'avantage de presenter une aiguade sur la cole
nienie. .Mais cet avantage est racbele par le grand
inconvenient d'etre completemenl separ6 de Tinldrieur
du pajs par d'imiutnses collines de sable. A cerlaines
epoques del'annee, la baie de Walvisch est frequent^e
par un grand nombre de baleines de la petite esp^ce,
connue sous le nom de baleines a bosse [humnback),
qui viennenl la pour niettre bas ; el Ton a deja expe-
di6 plusieurs cbargements de I'huile que ces baleines
ontfournie. Mais ce qui fait el cequifera surtout I'im-
j)ortance de la baie de Walvisch, c'est la voie j)ron)pte
et facile qu'elle ouvre jKiur penetrer dans I'interieur
de I'Afrique, voie par laquelle iVl. Aiidersson et Al. Gal-
ton sont deja parvenus a accomplir d'interessantes
explorations.
Dill^rentes circonstances retinrent notre voyageur
dans la baie de Walvisch jusqu'au coaimenceiiient
( ^5! )
tl'avril. II reprit d'aborcl la route que M. Gallon a fait
connaltre, et sur la description de laquelle nous ne
reviendrons pas pour ce motif. Ce lut seuleinent a
Otchond)ind6 (Tounobio) que noire voyagour coin-
menca n enlrer dans une region situ6e plus a lest de
celle qu'il avail precedemmeiit parcourue. Pour plus
de commodile, il rt inphiQa les deux voitures dans les-
quelles il avail d'abord place ses bagages, ]iar desbceul's
de somnie el de luonture, necessite que iui imposaient
les difliculles du voyage, et qui est devenue pour Iui
la source de bien des privations.
M. Andersson s'avangait tour a tour sur le rivage
ou dans le lit de la riviere Otchombinde. Le premier
jour fut employe a suivre un sol sablonneux et dit-
ficile, le second, il arriva vers le niidi a un petit
puits oil, grace au peu de temps (|ui s'etail ecoul6
depuis la cessalion des pluies, il Irouva abondamment
de I'eau pour ses animaux. II remartjua a celle station
les traces du passage de voitures, que depuis il a su
^Ire venues du sud, conduites par des Gritjuas et des
Anglais, qui avaient reussi peu auparavanl a traverser
le desert de Kalaliari en venant direclemenl de Ruru-
man, pendant ct tie meme saison des pluies bii noire
voyageur se rendail au lac. Cette troupe avail pour
objetde cliasser I'^lephant et de se nieltre en relation
avec les nalurels. Les uns eurenl grand'peine a trou-
ver leur route jusipi'au lac el les aulres atteignirenl a
cbeval le pays des grands Numaquas.G'est un de ces der-
niers qui a servi plus lard d'inlerpr^le a M. Andersson
pour la langue bicbuana.
Notre voyageur laissa rOlchombind^ a sa droite,
inclina un peu vers le uord, et, en moins d'une demi-
( 152 )
journeo, aniva a un liou tlonl le sol calcaire etait creus6
d'un ceilain nonibrede puils; leur elal de dt\^radalion
seniblall aniioncer qu'ils tilidonl abandonnes depuis
bicn dcs annees. M. Andcrsson cependant reussil a y
Irouvcrde I'caii potable en quanlite sufTisanle. Encore
un long jcur dc maicbe el il arriva a Gbanze, autre
fonlaine crcusee dans le calcaire ou viennenl boire Ics
rhnioceros, et ou venaient jadis aussi s'abrouver les
eleplianls qui maintenant ne s'y monlrent plus. Ghanze
est un lieu ou n'avaient ptnelrc encore que pen d'Eu-
ropecns, el ou les Bichuanas el les Griquas venaient
jadis (pielquelois, niais quo raffieux elat du j)ays leur
a fail deserler. En 1852, un voyageur anglais, Moyle,
traversii le Kalahari ot arriva a Glianze dans un but de
cliasso el de coujniorce. De la, il se fit conduire par
desBuschnaansdansle pays des grands PSamaquas, d'ou
il opera son retour. II Iraversa une seconde fois le
desert en 1853, niais moins heureux que la premiere
fois, il perdil presque toul son betail el ses chevaux, a
quatre journ^es de I'Olchonibinde. Ses conipagnons
el ses gens se disperserent, plusieiu's furent pillos par
une troupj de Griquas. A son relour du lac Ngami,
M. Andersson renconlra quelques membres de cette
Iriste expedition auxquels il no put malbeureusement
porter secours el, depuis, il n'en a plus entendu parler.
Ici commcncerent les premieres souffiances de
noire voyageur. II quilla Glianz(§ et resla deux jours
et deux nuils sans eau, car il ne faul pas compter
quelques goi-gees d'une eau fetide avec laquelle il cher-
cha vainementa etancher sa soif. Les animaux elaienl
epuis<is quand, cnfui, il tomba sur une fontaine. Deux
heures apres il alteignit Kobis, ou il se troiiva bicn
( 153 )
ampleinenl cledommag6 de son manque d'eau. La,
I'eau 6tait abnndanle ot d'une excellenle qualite, ello
enlrelenait de beaux piiluragos. C'<^lait a Kohis que
les Biclinanas faisaient [)aitre leurs besliaux avant que
les Hottcnlols Rubabis ne les eussent attaques et pil-
16s. Les Daniaras s'avancent quelquefois aussi, dlt-on,
jusque-la ; aujourd'bui , on n'y renconlre que des
Buschmans qui y sont plus nombreux qu'en aucun
autre lieu du pays, desNamaquas et des Daniaras, Sous
le rapport des caracleres physiques, ces Buschmans
sont bien superieurs a ceux qui habitent plus au sud.
Leurs traits sontmoins laids, leur laillc n'est pas aussi
petite, Icurd^marche et leurs formes ani.oncent moins
rabatarcilssenient.
Quoique ces Buschmans se soienl toujours fort
bien conduits a I'^gard de M. Andersson, celui-ci eut
cepenrlant plusieurs fois occasion de conslaler la vio-
lence et la ferocite de leur caractere. II vit, par exam-
ple, leur chef tirer des fleches sur un autre chef bus-
chman qui voulait defeiidre un objet qui appartenait
a notre voyageur. Bien des fois, ces hommes mena-
cerent de poignarder ceux de son escorle sans la
moindre provocation, uniqucment parce quo ces der-
niers ne voulaient pas leur laisser prendre les meil-
leurs morceaux do quelques pieces de gibicr qu'ils
avaient eu la chance de tuer. Et, cependant, ces Bus-
chmans firent toujours preuve do la plus grande hon-
n&tcte, car, pendant son sejour prolonge a Robis,
jamais M. Andersson n'eul a se plaindre do la dispa-
rillon d'aucun objet. 11 y a plus, lors du depart de ce
voyageur pour les lacs, les Buschmans vinrenl on corps
lui oflrir une belle sagaie, comma un lemoignage de
IX. MAUS ET AVRII,. 3, 11
( 15/i )
letir reconnaissance pom- les bons traitements qu'ils
en avaieiit recus durant son s(^joiir en cet endroit.
M. Andersson a rencontre a Rol)is un noml)ie pro-
digieux de Uelcs sauvages, surtoiit des rliinoceros et
des ^l»iphanls, qui y accouraienl la nuil, sans doute
a raison de Tabsence tolale de I'eau dans les environs.
C'est un de ces animaux qui avail 6le cause du sejour
prolonge de notre voyagour. Ln iliiuoceros noir qu'il
avail alteint inorlellemenl, lui avail fait de lenibles el
norabreuses l)lessures qui Ic relinrenl longlenips cou-
che sans pouvoir faire le nioindre uiouvemeat. li se
d^cida enfin, un peu avant de jiartir, a envoyer en
ei laireuis quelques gens de son escorte, porleiirs de
quelques petits presents, deslint^s au clief du lac Nganii,
auquel ils devaient annoncer sa procbaine arrivee. Quel-
ques semaines apres, cclte ainbassade revint a Kobis
lui apprendre qu'il leur avait ete fait un accueil favo-
rable; en consequence, d^s que noire voyageur fut
en 6lat de monler a bceuf, car telle est la moiilure du
pays, il poursuivit son voyage.
Le premier jour de marcbe s'op^ra sur un sable
assez peu meublo , lout convert d'ej)ais taillis d'une
^pine appelee hakis. Tout ce pays fourniille de rliino-
ceros et d'el6plianls, donl IVI. Andersson retrouvait i
lout instant les traces. Le jour suivant il ariiva a une
belle aiguade oil il vil reunis un ccr tain nombre de
Bichuanas qui I'attendait pour le conduire a leur cbef.
Ils avaient I'ordre de lui rendre lous les services qu'il
pourrait exiger. Y avait-il la un siniple motif de cour-
ioisie ou quelque vue interessee? C'est ce que noire
voyageur n'a pu decouvrir. Cliacun de ces Bicbuanas
etait arme d'un bouclier en peau <le boeuf et portait un
( 155 )
t'aisceau do sagaics, C(!s houmies otaient geiieralciiicnl
lorts el bieii forai^s, leur phjsionoiiiie rappelail celle
cles Cafros. Celte rencontre, malgr^ la iDaiiifere j olie
sous laquolle elle s'aiuioiignil, lut {.epenJanl, pour
M. Andersson, I'occasion d'une aventure assez desa-
greable. II s'el.ut 6tabli avcc son escorle pres de
i'aiguade, la, precisenient ou plusieurs Buschnians
elaienl cainpes, el s'apprelail a (>iendre du rtj/os, lurs-
qu'un jeune An-lais, qu'il avail a son service, vinl en
toute liate lui dire que les Buschmans lui apprenaient
que Sei)etoane, inl'orme de leur arnvee, avail einojc
un message au chef du lac pour I'engager a niassacier
la pelile expedilion donl ce voyaguur elail Ic chef. Le
garQon ajoula quo les Buschmans represenlaienl ks
Bichuanas comme ceuxqui 6laienl charges d'execuler
ces oidres. M. Andersson regarda eel averlissement
comme un de ces tonles absurJes et sans fondemeril
qu'inventent sou vent les nalurels, et, sans en lenir
couipte, il se coucha avec la meme securile que s'll
avail ete en Europe. Tel ne parut pas cepelidanl
d'ahord elre le cas. Les Buschmans n'avaienl point
eutendu, disaient-ils, se jouer du voyageor, la crainle
les avail tenus »iveilles loule la nuil, el deja, lu matin,
plusieurs avaienl plie bagage avcc rinlention de de-
camper a la sourdine. Mais le jour suivanl monlra que
la premiere impression de M. Andersson avail ete
juste. C'elail une fable fabriquee par les Buschmans
pour le relenir parmi eux et pouvoir profiler du pro-
duit de sa chasse.
En quiltant celte aiguade, iM. An lersson abandonna
la route Iracee par les voitures des Griquas, route cjui
paraissait I'aire uu iro,) long circuit. Ses guides lui
( J^>^ )
firent prondro un clieinin de traverse par iinc conlr^e
tres bois(^e. L'abondance des liakis elait telle que lours
velemcnls, leurs voiturcs et mi^me Ics sacs fails de
peaux de boeufs ties epaisses, pcndues a leurs sulles,
dtait reduiles litleraieinonl en lainbcaux. Depuis le
puits qui avoisine la riviere il'Otclionibinde jusqu'aux
bords du lac, ce n'est qu'une masse continue de buis-
sons epineux. Et cependnnl un pareil pays rent'errae
d'excollonts palurages, doiil lo noinbre ttait encore
jadis plus elendu, comme on en pept juger par la fre-
quence des puils abandonnes. La, les Damaras ct les
Bicbuanas font paitre leurs troupcaux. Ces puits so
montrent loujoursdans le sol calcaire ; ils resseiiibleiit
en lout point a ceux du pays dos Damaras, ct M. An-
dersson aurait ete tente d'en rapporter I'elablisse-
ment a ce peuple , si les Busclimans ne lui avaienl
point appris que cos puils avaienl 6te creuses par les
Bicbuanas.
Apres una longue journee de marcbe, noire voya-
geur atleignit un endroit 6lev6 d'oii il put jouir d'une
vue magnilique sur le lac Ngami. Malbeureuscment
cette vue desencbanla un peu notre courageux explo-
raleur. La partie ouest du lac ilait fori loin de rt^pondre
a son allente. Quant a la partie est, elle n'csl pas sans
merile. Le lac Ngami, dil M. Andersson, est inconles-
tablemenl unc belle nappe d'eau, mais on a beaucoup
exag^re ses dimensions. Cola tient d'abord a ce que
personne n'avait encore lcnl6 d'en fairo le lour;
ensuite ses bords sont, au nord et a Teil, bas ct sablon-
neux, et, par un temps ndbuleux, on ne pcul pas les
dislingucr. II esl probable que les premiers EuropiScns
qui onl visild le lac Ngami, ont pris sa longueur pour
( i57 )
sa largeur. En cfl'el Cooley nous dit que le voyageur
conlemple avec delice Ja belle riviere el le lac qui
s'etend a pertc de vue an nord et a I'ouest.
La circonference tolale du lac esl probal)lement de
CO a 70 niilles geograpliiques et sa largour nioyenno
est de 7 milles, n'en depassanl jamais 9 dans sa plus
grande largeur. M. Andersson n'a pu , il est vrai ,
faire le leve du pays, mais il a oper6 le lour prcsque
coinplet du lac et a pu en dt^terniiner ainsi la forme
dans le plus grand detail.
Le nom de Ngami est celui sous lequel le lac est lo
plus connu, mais il en porte plusieurs autres. A son
cxlr^mil6 nord-ouesl, ce lac recoit le Tioughe, riviere
elroile mais profonde el d'line grande masse llquide
a I'epoque des liautes eaux. Suivant le D"" Livingslonc,
cette epoque tombe dans les niois de juin, juillet et
aout, cependant elle recule (juelquefois. La source du
Tioughe est deineur^e jusqu'a present inconnue; mais
il y a lieu de croire qu'elle est siluee a une grande dis-
tance. Peut-eUe celte source se trouve-l-clle sur le
grand plateau d'ou sortent le Quanza et d'autres cours
d'eau considerables. La direction principalodu Tioughe
esl nord-ouest, mais son cours est si sinueux qu'apres
Ireize jours de remonte pendant lesquels notre voya-
geur marchait environ cinq heures par jour, a raison
de 2 milles -\ I'lieure, il ne s'etait eieve cependant que
d'un degre en latitude au nord direct du lac. A la dis-
tance la plus eloignee a laquelle il s'eslijvance, il a
toujours trouve la riviere navigable pour de petites
embarcalions, et il ne se rappelle que trois endroits
ou il ait rencontre le fond a une profondeur de moins
de 5pieds(mesure anglaise). En general, la profondeur
( J58 )
etait considerable : il faut romarqucr, toiitefois, que
c'elait r^poqiie dcs plus liaulos eaux. C.ette riviere
n'oxct'de gufere, dans sa plus grande largeur, /lO yards;
niais, d'apr^s les informalions prises par M. Andersson,
lorsqu'on s'approche de sa source, olle s'elargit
notahlement et les deux rives sent souvenl inondees a
une grande distance. Le Tioughe prend parfois tout
a fait I'aspect d'un vaste lac rcmpli de joncs et de
roseaux, el seme d'llots, couverts de beaux arbres ou
arbusles.
La conlr^e an nord <'Sl babilee jusque fort loin par
un peuple appele Bajeye et par quelques Buscbmans,
disperstr-s ca et la et qui recoimaissent tous pour cbef
Lelchol6t6b6. Au dela soiit les Malsanyanas ; notre
voyageur n'a pu d(^couvrir s'ils constituent une nation
a pari ou sont niel^s avec les Bayi^y^s. Au nord du
pays des Matsan\anas, on lui dit que se trouvait celui
des Bavicko ou Wavicko, dont la capitale porte le nom
de Libebe qui sert aussi a designer le chef. Dans la
relation du docleur Livingstone, lout le pays qui envi-
ronne Libebe est donne comnae une succession non
interrompiie de niarais(^o^) et de mar^cages [swamp);
le sol est en quelque sorte niin^ par les eaux a ce
point qu'il n'est pas rare de voir des gens s'enfoncer a
Iravers sa croCite et p6rir. Les informations prises par
M. Andersson aupr^s des Griquas, qtd ^laient parve-
nus a se rendre dans ce pays, conlredisent ces asser-
tions : elles pr^sentenl au contraire le pa\s comme
plat el tout couvert de buissons, entre lesquels s'^le-
vent de distance en distance des arbres isol^s. Suivanl
ces memes Griquas, le Tiougbe, a Libebe, a I'aspecl
d'un fleuve magnifique d'unc grande largcur, el est
( 159 )
seme de belles lies i u les nalurels etablissent surtout
leurs demeures,
La ville de l.ibebe parait elre le centre du com-
merce qui se fail a rint^rieur. Les Mambaris s'y ren-
dent regulierement pour la Iraite des esciaves, de
rivoiie, elc. Celte iribu reside prohabiemenl dans les
voisiiiages du nouvcl etnblisseinent porlugais de Lillle
Fish-Bay, Ce qui tend a le faire admeltre on, du moins,
a I'onner a pensor que le pays des Mambaris n'est pas
eloigne de la mer, c'esl que les Griquas Irouv^rent a
I>il)eb6 deux nations blanches diff^reiites, qui y vien-
nent dans des interfels 'C commerce. L'uno, qui est
vraisemblahlemenl la nation portugaise, achate des
esciaves; I'autre, dans liiquelle !\L Andersson croit
rcconnaitre les Anglais ou les Am^ricains, se borne
a prendre, en ecliange de ses produits manufacturieis,
de I'ivoire et d'aiitres articles du pays. Les Maml>aris
emporteni, comme objels d'echange, des colonnades
bleues el ravees, des flanelles, des verroteries et des
bestiaux. Les Bavicko achelenl le betail non pour I'^le-
ver, niais seuiemenl pour leur consommation alimen-
taire, car s'ils gardai( nl ccs bcstiaux, ils craindraient
d'etre depouilles par leurs voisins. On doit encore citer
les 0\aj)angaris el les Ovapanyamas comme visitant
Libeb^ dans un inleret de coninierce. Ces deux Iribus
habitenl la conliee situee au nord de I'Ovambo, entre
le d7e et le 18^ digre de latitude australe. En 1851,
M. Auder.-son , (jui laisait alors partie de I'expe-
dition de M. Gallon, avail Irouve ces tribus dans des
relations de coiumeice avec Libebe. Les Bavicko sont
de plus en relation commerciale avec les Sebetoane,
les Lelcholelebe el d'aulres.
( 101) )
CcsBavicko sont ropresent^s comme une |)opulation
induslrieuse cl honnele, livroc i\ I'agiicullurc. Leur
mani6re de s'lial)iller ressemble lolloiuent a celle cles
Moviza, nation qui habite an nortl du Zambeze ct a
roiiest (Ics (ilablissemenls portugais dc la cote de
Mozaiubitjue, qu'un domestique de noire voyageur,
en enlendaiit la description, s'imagina qu'il elail ques-
tion des Moviza, qui lui ^taient bien connus. Les Bavicko
possedent quelques notions de ni(5lallurgie; cependant
ils nc paraissent pas possedcr Ic for dans Icur pays
et le lircnt en abondance de cbez leurs voisins.
Lne route conduit aujourd'liui du lac Nganii ;'i
Libebe et aux conlrecs environnnnles ; loulefuis le
voyage par lerre n'en est pas nioins dangereux el dil-
ficile. Line fievre epidemicpio fail d'borribles ravages
a Liljt^be a cortaines 6poques de Tannic. M. Andersson
cile nolanimonl une lioupe tic Griquas qui, s'elant
rendue a Libebe, fut attaqueepar cotlemaladie cl dont
la nioilie seulemenl ecliappa a la morl. lleureuse-
nienl on connait aujourd'hui assez bien la saison de
repiileniio et Ton peut do la sorle I'eviter. in autre
obstacle pourle voyageuresl la jiresence de la mouclie
appcl^e tsetse et dont Ics piqures sont niorlelles pour
Ics chevaux, les cliiens et le belail. M. Andersson cite
les cxeniples suivanls des ravages de eel insecle, dont
rien dans Taspecl ne d^cele a ravancc la vertu mallai-
sante : les Griquas, dont il vient d'etre question, voya-
geaient avec trois voitures ct avaienl, par consequent,
un grand nombre de boeul's dc trait (jui perirent jus-
qu'au dernier avant leur rclour au lac. 11 en fut de
meme pour quantite de cbevaux qu'ils avaient amc-
nes dans le but de chasscr les elephanls. De plus
( 101 )
ces derniers aiiiniaux sonl exposes, de d^cembre en
avril , dans lout le pays silue au noi'd de la riviere
Orange, a uiie uialadie qui en emporte un grand
norabrc. M. Andersson cile encore une expedition
anglaise qui avait voulu se rendre a Lib^b^ et qui, sept
ou buit jours apres avoir quilte le lac, fut obligee de
revenir ayant perdu par la morsure de la inouche,
bceufs et chevaux. I! y eut des gens de la troupe dont
la perlc ne s'eleva pas a nioins de 36 cbevaux. Cepen-
dant, il doit exister des roules qui sont a I'abri de
ce terrible insecle, puisque ces memes Griquas, dont
les betes ile soniuie avaienl ete decini^es, a leur relour,
n'en avaient pas perdu au conlraire une seule en
allant; et effectivemenl , on sait que le tsetse ne se
trouve pas dans les conlr^es ouvertes et ne frcquenlent
que les buissons et les roseaux.
Les Griquas mirent dix-neuf jours pour se rendre
du lac a Liixibe. Leur marclie parait avoir et(5 paral-
lele au cours du Tioughe , et distante de cetle riviere
d'une a deux joiunees a I'ouest. lis rencontrerent ,
cbeniin faisanl, deux rivieres: I'une est un petit bras
du Tioughe qui coulo dans la direction de I'ouest et
va se pordre, dil-on, a peu de distance dans les sables;
I'aulre, au point ou ils le rencontrercnt, ne presentait
alors qii'un lit sec et sablonneux. Toutefois, si les rap-
jiorlstournis lant par lesBuscbmans que pardes negres
inteltigenls, soiit exacts , la decouverte de ces deux
fleuvesn'est pas sans importance. Cettederni^re riviere,
en effet.est inlermiltenle a son point de depart, d'apr^s
ce que les Buscbmans ont rapporte aux Griquas, et
le long de son coui's elle est alimenlee par des sources,
circonstance, du reste, qui ne serai t pas sans exemple
( 16-2 )
on Afri(|ue ; cnfin, l)icnt6t elle prend le caractfere d'un
coins d'eaii permanent et, n ccrtaines ^poque«, de\ient
till veritable fleuve. Elie arrose de ses ondes tran-
qiiillos les cantons de divorses peuplades noiros el finil
par se jelor dans la nier. D'aulres donniif's ronfirmonl
M. Andcrsson dans I'exactiludc do ces informations.
Inlerroges s'ils connaissaient uii grand coiirs d'cau rians
It 111 voisinage, les Ovambos r^pcmdiient, lors de la
visite (jue Iciir firent les voyageurs, que le Ciin^nd se
troinait ;'i (jiialre ou cinq journees tic cbez eiix et foi-
niait line branclied'une riviere i)ien phis considerable,
qii'ils avaient eii souvent I'occasion de traverser et cpii
venail du pays de Matia on Ovaliona, par leqiiel ils
d^sigraient cortainemcnt le pays des Bicliuanas. Et
ce rapport fut conlirme d'aulie part [)ar le dire des
GIkhi Damop ou Damaras des montagnes el par celui
d'aulres Busclimans. Ainsi, il y a lout lieu d'admettre
i'exislence d'un grand cours d'eau, navigable peut-
etie jusque [res de sa source el qui serail celui que
les Ovambos nomment Mukiuu Mukovunja , vraisem-
blablenient celui que Cooley designo sous le nom de
JchiUinda et qu'il fait communiquer avec le Cuneiie.
II est probable ((ue le Tiouglie el le Mukiuu Miiko-
vanja eoulent jjarallelemenl, niais dans des directions
(liiTeienles, a deux ou trois journees de distance. Et
comme les Griquas disent que celte riviere a plusieurs
cenlaines de milles d'elendue, il y a tool lieu il'espe-
rer ([u'elle deviendra la voie la jjlus sure pour penelrer
de ce cole tlans I inlerieur de I'Afrique, et pour elablir
(les relations commerciales avec la population qui
riiabite.
I, a rive nord du lac Ngami esl basse, sablonneuse
( 163 1
et depourviie de vegetation ; on n'aper^oit pas m§me
(in arhre ou un buisson a un dcml-inille et souvent
plus de distance. M. Andersson suppose que la confi-
guration du lac a subi, dans ces derniers siecles, des
clumgemenls consider;ibles. En efTet, d'apres ce qu'il
lui a i'ti rapporte, les Bayejes allaient harponner
naguere rhippopotaine en des lieux qui sont aujour-
d'bui couvcrts de vegetation. Au conlraire, a d'autres
6poques,le lac parait avoir pr6sent6 moins d'etendue,
car on retiouve constanuiient dans le lac des tmncs
d'arbres submerges. Notre voyageur ne pense pas que
cet envahissement des eaux soil dti a I'affaisseuaenl du
sol de la rive; il suppose que la crue extraordinaire
de quelque affluent du lac aura fait deborder celui-ci
dont les eaux, a raison du peu de pente de son littoral,
auront sejourn^ assez longtemps sur les terres pour
y detruire la vegetation. La rive m^ridionale, au con-
traire, est fort elev^e et une ct'inture de joncs el de
roseaux borde I'eau, au point de ne la laisser acces-
sible qu'en un petit nombre de points. L'exlreinite
occidenlale est aussi assez elevee, quoique le lac n'y
soil pas profond; et c'estacette circonstance qu'estdue
la prt'^sence d'une espece de poule d'eau. Vers son extre-
mity orientale, au contraire, le lac prend beaucoup de
fond el verse ses eaux d;,ns la belle riviere de Dzouga. A
une pelite distance du point oil il soit du lac, le Dzonga
a deja une largeurd'environ 200yards el semble ne pas
cooler tant son cours esl Iranquille et imperct'ptible
a I'ceil. M. Andersson rapporte qu'on lui a assur^, ce
qui lui seniblerait un fait lt)rt extraordinaire, (ju'un
des fleuves tributaires duTioughe, en versant ses eaux
dans ie Dzouga , le force quehpiefois a r^lrograder
( loll )
dans le lac, en sorte quo ce lac soiail non-sculcuu;iil
enlretenu par le corns d'oau qui tombe a son extre-
inile norci-ouost, uiais encore par ceiui de son extre-
juit6 esl. M. Andersson ajoule que le docteur Living-
stone, dans la carle qu'ii a (lunnec, dt^signo ce trilnitaire
par io nom de Dza et I'indiquc couinie 6tanl en com-
munication avec le Mababe , une des branches du
Chobe. Faudrait-il voir, dans ce sysltime de dislribu-
lion des eaux, I'explicTition du fail cile ici ? Quoi qu'il
en soil, le phenomene n'esl nullcmcnl improbable et
pcut s'expli(|uer par Texlreme horizoiilalile du sol.
Le lac Ngami senible, en effel, d'apres les descriptions
(!onn^es, n'elre qu'un vaste cbott.
Le Dzouga continue do couler a I'orienl [)cndanl
UDO longueur d'environ un niois de marclie, c'est-u-
dire de 250 a 300 niilles en comptanl ses sinuosilcs,
el i! finit par disparallredans un marais ou une plainc
sablonneuse prisenlant, a Fepoquede la saison seche,
uno succession do mares separees les unes des aulres
par des endroils sees. La vegetation de ses rives esl,
dil-on, d'une grande richesse,celles-ci elant babiluel-
lement couvertes de niagnifiquos arbres a epais Iciiil-
lago qui s'avancent jusque sur le bord. Ce pays est
principalemcnl babilo par des Busclimans et des
Bay6yes qui reconnaissent en majorile Lctclioletebe
pourleur chef. Le memo chef exerce son autorile sur
la polite tribu do Bichuanas elablis aujourd'hui sur les
bords du lac. Celle tribu a cte, dil-on, soumiso |)ar
Sebdloanc (1), inais ils echapp^renl a son autorile,
(i) C'est Selje'toanc qui, en 1824, a la tete d'une horde de Man-
tatis, mena(^;a d'envaliir la colonic, inais fut repousst- psr les Gricjiias.
( 165 )
sous la condiiile clu pere de leiir chef actiiel qui iHait
un grand guerrier; et alors, airivos sur les bords du lac
Ngami, ils on ddjpoudlcrent les habilanls et les reduisi-
rent a I'elat d'esclavagc; de la lenom qu'ils donnerent
a ceux-ci, Bn ou Mn/wba, c'esl-a-dire ser^s. Mais dans
leur propre langue, ces peuplcs vaincus se donnent le
nom de Bayoyi^ ou Wayeye, ce qui veut dire homines.
Les Bicluianas du lac qui s'aj^pellent Baloanas,
vivent exclusivement de chasse et lout le lemps qu'ils
ne donnent pas a cettc occupalion, ils le passent a dan-
ser, manger et dormir. Letclioletebe est, commc la
plupart de ses conipatriotes, d'un caractere liailre et
fallacieux, cupidc a I'exces, et se faisant reinarquer
par sa grande adresse et sa circonspection, que M. An-
dersson nous a signalees par quelqucs traits. U se refusa
obstinement a lui donner aucune infonnalion sur le
pays, all^guant son ignorance et celle de ses homnies.
Malbeur a vous s'il convoite quelques uns des objels
que vous [lossddez ; il n'a ni fin ni cesse que vous ne
le lui ayiez donn6. Ge ne fut pas sans peine que
M. Andersson parvinl a oblenir des guides et des ba-
teaux pour aller visiter Libebe. II remonta plusiours
jours le Tioughe, mais arrive au village ou il avait
envoyi en avant son guide pour preparer les moyens
de poursuivre sa route, la mauvaise volonte des liabi-
lants ell'absence prt^lexlee du chef empecherent I'ex^-
II opuia SI retraile au nord, se frayant par les aruirs uiic route cliez
les I'icliuanas qui !ia!)itcnt le pays silue entie Kiuuinan el la poiiile
est (lu D/.ouga. De la il se porta ;i louesl a la rencontre Jes Daniaras
qui lui opposerent une vivo resislance, et fut contraint tie relourner
vers le lac Njjami dont il pilla les riverains, (j'est dans ee pays <nie
I'oiU trouve MM. Oswell et IJvin<i;sIone.
( 166 )
cution de son projet. Ce village comprenait mii pen
plus d'une cenlaine de cabaiies, environn^es (l'6l^-
gants paluiiers et d'arbros fniitiers gigaiilesques. A
ses pieiis sorpcnte gracieuseiijenl leTiouglieseuie d'iles
recouvertes d'une belle vegelatinn.
Le pouvoir de Lelchoieteb^ est tr^s grand et, oomme
celui de tous ces clieis, fori absolu; car il a sur ses sujcls
le droit de vio et de inorl. Apr^s s'etre nionlre jadis
fori hospitalier, il est aujourtrfiui tres peu gen^reux.
A!. Andersson n'a nullement en a se loner de sa lil)e-
ralite: lui et les siens 6taienl sans cesse en butle a ses
deuiandes de presents.
Les liichuanas des bords du lac Nganii sunt riches
en cli^vres et en nioutons, mais ne possfedont compa-
rativeiuent que peu de betail a come. Coinnio les
aulres tribus de leur race, ils attachent un grand prix
a leurs bceufs, mais surtoul a leurs \aclies, dont ils ne
veulenl se d^faire a aucuii prix. Ils donnent volonliers
pour une vache une quanlile considerable d'ivoire.
Les liayeyes, que i\I. Cooley regarde comuie \enus
de la cole occidenlale, seniblent etablis dans U' pays
depuis un lemps tres recul6. lis sont grands et d'une
cuiuplexion robusle : leur peau est couleur de suie et
leurpbysionoiuie est fort laide. Les horumes out adople
la uiani^re de se vetir du peuple qui les a souiuis. Ce
costume consisle siuaplenient en une peau allacliee
autour des reins , large par-devant el fornianl bui
cliaque cole une sorle de gland. En outre, ils so cou-
vrent d'une autre peau cjuand le lonips lexige. Le
costume des IVmmes consisle, coinnie chez les Ovabe-
reros (Daniaras), en une sorle de chemise courle I'aile
de peau. Les seuls amies donl fassenl usage lesBaye}6s,
{ 167 )
sont Line espece de javeline a deux ou tiois barhes ;
ils ont eniprunle a leurs vainqueurs, les Bicluianas,
I'usage du boiiclier de peau de boeuf qui a 6te cause,
selon oux, do la superiority militaire de ceux-ci.
Le pays qu'liabitaienl les Bayey^s avant leur sou-
mission devail etre fori etendu, et il pr^sente encore
aujourd'hui une surface considerable, qui offie une
plaine continue couple par des rivieres et de vastes
marais. Les bords des rivieres sont en general tr^s bas;
mais partout ou ils s'elevent a (juelques pieJs ;ui-
dessus du niveau des eaux, ils sont onibrag^s par une
v^g^tation forte et abondante. Les arbres sont d'uue
dimension gigantesque, et converts ou enlaces de lianes
et de planles parasites. Le sol est fertile et fournit
sans grand travail d'abondants produits. Un mois ou
deux avant la saison des pluies , on fail choix du sol
que Ton veut culliver, on I'essarte et on lui donne une
legere preparation a la houe, le seul instrument d'agri-
culture Ubite dans ce cas par les Bayeyes. Apres les
premieres grandes|)luies, on seme If grain. Les Bayeyes
en connaissent deux esperes : I'un que Ton noname
commandment cafre el qui resseuible beaucoup au
doura ^gyptien; Tautre, Ires petit, assez semblable a
du millel, lequel osl plus nutritif et fournit, quand il
est bien 6crase, une excellente faiine. i.e tabac , les
calebasses, les melons d'eau , les cilrouilles, lesf^ves,
les petils pois et, en general, les divers genres de friiils,
viennent aussi dans ce pays. II faut surtoul citer le
Oiengora, Motu-a-hatn des Bicbuanas. C'est une sorle
de feve dont la cosse se recueille sous terro. Je sup-
pose que M. Andersson veut designer ici la pistache
de lerre, Jrachls hypogcea, dont une vari^t^ est, en effet.
( 1(^8 )
alVicaiiie. Ce produit e^t, dit-il, hicn connu sur la cote
do Mozaml)i((iie cl sa culture a t'to porleo par Ics noiis
jusqu'a I'ile Maurice. I.e fi uil conslitue un article d'im-
portalion assez considerable au cap do Bonnc-Espt'-
raiice. Los grands sycomores sauvagcs, Ic palmier, les
baobabs, les datliers, Ic aioschoma, etc., constituent
los essences d'arbres principales. Le moscliorna se
fait roiiiarquer par son epais feuillage d'un vert (once.
On recueille quand il est tombe a terre, son fruit qui
poussc au sommet d'un stipe exlremcnient dlevd. On
le pile dans un niortier et Ton en fail une pate que Ton
mange delayee dans de I'eau. Cette pate aquelque res-
semblance avec du miel et porle une saveur douce el
agreablo, inais elle est pour I'^trangcr un aliment
(lout il doit user avec beaucoupde menagement. L'arbre
croit loujours sur les bords des rivieres ou an nioins
dans leur voisinage immediat; on peul transporter
aisement son bois au lac ])ar la voio du Tiougbe. Les
tiges du moschoma servenl aiix Bayeyes a faire des
canols el son bois est employ^ a la confection des
usteiisiles. M. Andersson a trouve le raoscboma dans
le pays d'Ovambo, entrc le 17' et le J8° degrc^ de
latitude auslrale, et, d'apres ses informations, on le
renconlre egalement sur la cote orientale a I'ouest des
etablissemcnts des Portugais.
Les Bay6y6s conservenl le grain et les aulres pro-
duils du sol dans de larges paniers fails de feuilles de
palmiers ou de substances fibreuses. Chez eux le toin
de defricber le sol, de faire la moisson , de ballro et
de moudre le grain est cxclusivement abandonn6 aux
femmcs. Les bommes m^neril cbez eux une vie oisivc
et ne deploient lour acli\ile que dans la chasse ctdans
( IGO )
la peche. Toutes leurs rivieres sont peupleos d'liippn-
polames qu'ils cliassont a I'nide do liarpons ou plulot
d'nne grande sagaie de 10 a 12 pieds do long, garnie
d'line forle pointe de for et prosentant une iiigenicuse
disposilion pour empficher que I'engin ne so brise dos
que le fer a p^netre dans la chair de ranimal. Celtc
disposition rappelle cello que les Groenlandais
donnent a leurs harpons. Une piece de hois, atlachee
a I'exU'emite de la corde qui lient lo harjion, sert de
flotteur ou de bouee ; I'aulre extrennit(i de la corde est
fixee a un j)lou. La chasse de I'hippopolame n'cst pas
sans danger et elle rappelle un peu les perils de la
chasse de la baleine. L'animal hiesse renverse les
canots, les met en ])ieces , souvent nieme par son
simple choc, lorsque I'elroitesse du lit de la riviere le
contraint a passer pros des emharcations. Aussi les
radeaux faits de roseaux et de joncs, sont-ils preferes
dans celte chasse, comme etant d'une nature nioins
fragile ct plus elastique.
Le lac Ngami et ses affluents abondent en une foule
de poissons dtilicieux que les Bayeyt^s prennent u I'aide
de filets faits avec les fibres de la tige d'une sorte
d'alo^s. Cette plante crolt en grande abundance dans
toutlepaysdesgrandsNamaquaSjle paysdes Damaras et
des Ovambos, ainsi que dans les contrees siluees a I'esl.
Mais c'esl au lac Ngami qu'elle r^ussit le mieux : ses
fibres sont d'une extreme tenacile et paraissent 6lre
plus fortes et plus floxibles que celles du chanvre, dont
la culture et la preparation ne sont pas, a beaucoup
pr6s, aussi faciles.
Le tableau que M. Andersson nous trace du caracl^ra
des Bayeytis n'est certainement pas tr^s flatld. lis sont
iX, MARS ET AVRIL. 4. 12
( 170 )
tr^s enclins au mensoiige el a la filoulerie, traltres el
souptjonneux; enlin ils parlagent avec loutesles aulres
popul;ilions noires la passion des liqueurs fortes et de
la cianse. lis se fabriquent une soile de biere a I'aide
de latjuelle ils s'enivient , el dans leurs danses ils
represenlent d'une inani^re fori expressive la cliasse
des diir^rents aniniaux sauvages. Les liummes sonl des
priseurs de labac d^termin^s et les fetnmes fumenl le
dacha,
Leurs babitalions sont de larges hutles circulaires
couverles de jonc el fort analogues a celles des Nama-
quas. La polygamic esl Irfes repandue cliez eux. Quanl
a burs idees religieusos, on n'a gti^re pu en pon^trer
le caracl^re : elles paraissent, du reslo, tr^s peu deve-
loppt^os el jouor un faible role dans leur vie.
Depouill^s de leurs besliaiix par les Bicliuanas, les
Bayey^s en sont reduils a clever quelques cbevres dans
le but surlout d'avoir leur peau pour s en couvrir
comiue vetement. Et les veteinents sont chez eux tool
a fail necessaires, car le pays est tr^s bumide, ce qui
engendre beaucoup d'aQeclions rbuuialismales. La
petite v^role fail aussi cbez eux de grands ravages. Le
commerce des Bay^yes consisle surloul en plumes
d'aulrucbe, en comes de rbinoceros et en ivoire que
lourni.ssenl I'liippopotame el I'olepliant. Le desert de
Kalabari est souvent visits par les Griquas; ils vont
cliasser ce dernier animal qui y emigie du Dzouga
apres la saison des pluies. Les Bicbuanas cbassent aussi
pour leur peau, dans le mfime dtiserl, If tigre el le
chacal. On y rencontre egalement la girafe, le couagga,
esp^ce de zebre, le gnou et le springbock.
Ce desert de Kalabari s'etond du sud du lac Ngami
( 171 )
jusqu'aux bonis cle la riviere Orange, et confine a Test
et a Fouesl avec las pays des grands Namaquas el des
Bicliuanas. C'est a tort que Ton a represente le Kala-
hari conime une vaste plaine (ie sable inhabitable,
puisque deux populations s'y rencontrent, les Bichna-
nas et les Kalabaris qui ont vraiseniblablenient valu
son noni au desert. Ces Kalabaris constituent une
nation negre pariant la meme langue que les Bichua-
nas ; ils ne poss^dent pas de bestiaux, niais elevenl un
grand nombre de ch^vres. Us cultivent les feves, les
pois, les calebasses, les cilrouilles et les melons d'oau;
ces deruiers fruits jouent le role principal dans leur
nourrilure , et quand la recolte vient a aianquer, la
Iribu a a redouter les horreurs de la famine. L'eau
est rare dans le pays des Kalabaris, cependant elle ne
manque jamais complelement, meme pendant la saisou
s6che. Ces n^gres, dans la crainle qu'on ne tarisse
leur sources, ont soin, dil-on, lorsqu'ils onl etanche
leurs soif, de les cacber sous des pierres et du gazon,
et meme d'aneantir par le feu, a la surface du sol,
loule trace de leur existence.
Au nord du lac Ngami et du Dzouga, le pays offre
I'aspecl d'une vaste plaine ou croissenl ^a el la quel-
ques arbres. Cette solitude est presque tolalement
abandonn^e aux bSles fauves, car elle n'est babitee
que par quelques peuplades buscbmanes et bayey^s.
Dans la partie que coupe la riviere Mababt^, les villages
de ces deux races deviennent toutefois beaucoup plus
nombreux. En s'avan^ant davantage au nord, on trouve
une conlree fort arrosee elcoupee par des canaux. La
population qui y habile est lout a fail dislincle des
Bicbuanas par la couleur de la peaii el par la langue.
( '7-2 )
Force par des circonslancos iniprevues de revenir
en Europe, M. Andersson opi'-ra son retour a Cape-
Town par lo pays des grands Namaquas. Celtc conlree
s'^lend depuis le pays des Damaras au nord jusqu'a la
riviere Orange au sud ; elle n'cst, a piopremenl parlor,
que la vallec du Kousip ou Fish-river qui se jelle dans
la riviere Orange. Elle est fort aride et expos^e aux
feux d^vorants du soleil ; elle n'est rafraichie que par
des pluies periodiques, mais les hahilanls se plaignenl
que ces ])Iuies nc soient plus aussi abondantis que
par le passe. El cetlc diniinulinn des pluies paraJt
s'fetre ^galemcnl oj)6ree dans le pays des Damaras oil
cependanl les souices ne sonl pas aussi rares. Le
jiays des grands Namaquas parait avoir 6le jadis sujel
a des Ireniblemenls de terre et pout-eire a des erup-
tions volcaniques. La cote, comme celle du pays des
Damaras, est un vaste desert qui varie en largeur de
30 a 100 milles. Toutefois, ce desert a son genre de
ricliesse : on y Irouve le cuivre, le I'er et I'etain en assez
grande abondance.
Les grands Namaquas peuvenl elre dlvises en deux
grandes Iribus, les Topnacus el les Oeslams. Sous celte
derniere denomination, on comprend lous les Hotten-
tots a demi civilises qui sont venus s'^lablir dans le
pays. Leur noin pourrait bien n'etre ni6me qu'une
corruption du bollandais Oerland [Overland). Les
Topnaars, c'esl-a-dire les premiers, les grands, consti-
tuentla population priiuilivedu pays. S'il Taut en croire
les informations du voyageur, la vie est tres longue dans
le pays des grands Namaquas; les cenlen;iires y sont
fort communs. A la mort de chaque individu, on ini-
mole oil, pour micux dire, on fMoulTe, car, dans ce cas
( 173 )
I'eniploi d'un instrument liaiichant doit etre e\ite,
des bestiaux en I'honneur du defunl. Plus celui-ci est
riche, plus Ic sacrifice est considerable. Toute cclle
population namaqua est de race buschmane, laquello
conslilue Ic type veritable de ce que nous appelons
les Holtentots.
M. Andersson a delermine la position geographiquc
des lieux qu'il a parcourus, il a fait des observations
d'altitude, dlabli un ilin^rairo dc son voyage. Nous
publierons ces documents dans un procbain numero
du Bulletin, en y joignant le tableau comparatif des
mots otchiherero, bayeye el chjilunanse qu'il a dresse.
Alfred Maury.
( 17/1 )
4iifilyse9 et llapports.
RAPPORT
SDR LA CABTF. PHYSIQUE BT MfexiOROLOGIQUE 1)1) GLOBE
TERRUSTRE COMPRENANT LA DISTRIBUTION G^OGHAPUIQUR
I)E LA TEMPERATURE, DUS GRACES, DES VENTS ET DES
NKiGKs, par iM. J.-Ch. Boudin , medecin eii chef
de I'liopilnl inllitaire du Roiile, d^diee a M. Alex,
de Humboldt; 1855, 3* (^dit., corrig^e et consid6-
rablement auginent^e. Paris, J.-B. Baillidre.
Le succes qu'ont obtenu les deux premieres editions
de la carte de M. le docleur Boudin nous a valu une
nouvelle pidilication de son travail; el par les nom-
breuses modificalions ([u il y a introduites, cetle 3' edi-
tion a tout ie merituetl'intereld'uneoeuvre inedite. Mar-
chant sur les traces de MM. Bergliaus, Keith Johnston,
A. Petermann, ce savant medecin a voulu representor
(i'une raani^re graphique et dans ses rapports avec les
differentes regions du globe , la distribution de la
temperature, des orages, des vents, <les pluies et des
neiges. La liaison de ces conditions et de ces ph6no-
m6nes physiques avec la disposition des continents et
des niers, est un fait non-seulenient important a con-
naitre commo verification et application do la thiorie
par laquelle la science les expli(|ue, mais elle se rat-
tache encore aux grands problemes do I'ethnologio,
de la geographic ])otanique ot geologicjue, el, jusqu'a
un certain point, a la recherche des origines et a I'^tude
( 175 )
des r^volulions de la g^ograpliie politique. Voila poiir-
quoi, Messieurs, j'ai duvous signaler la publication de
celle carle, dent I'auleur a droit a tous nos encourage-
inenls et a toule noire estime. M. Boudin est incon-
teslableinent un des medecins les plus inslruits de
notre armee ; il se iivre, depuis de longues annees, a
des recherches de stalislique et de topograpUie medi-
cales, qui I'ont adinirablement prepare a la tache dont
il vient de s'acquiller par la construction de sa carte
physique et mdft^oroiogique.
Tenant a reunir dans un mferne tableau I'ensemble
desphenomenes donl il poursuitla marclie, M. Boudin
a lrac6 sur une maj)pemonde les differenles courbes
qui mesurent et liniitent Taction des meteores. Les
temperatures moyi nnes de I'liivor et de I'ete son! in-
diquees dans les localiles principales du globe; tt une
ligne passant par les [)oinls les plus cliauds de lous
les m^ridiens, donne la directit)n de I'^qualeur ther-
mal qii'une teinte particuli^re distingue dc I'equateur
terreslre, qu'il coupe pr^s de Singapour et donl il ne
s'^loigne jamais de plus dc 15 degres , traversant
I'isthuie de Panama, et Irouvant son autre point d'in-
tersoclion avec la lignc ('([uinoxiale dans I'oc^an
Pacifique par environ 156 clegros de longitude occi-
dentale.
M. Boudin a inditpie sur sa carte, poui' chaque mer,
la direction des vents dominants, et leinle par des
nuances diverses et difTerents modes de hachures la
region des vents alizes, celle des syslemes de mous-
sons, en sorte que le marin embrasse d'un coup sur
cette c;irte les lois aneinom6lri(jues qui constituent
I'une des bases de la navigation. Une bande blanche.
( 176 )
qui sopare la region dos nioussons de I'ocean Pacl-
fiqiie eiiiialorial de cello des vents dii nord-esl, ropie-
senlc la zone des calmes et fles plules non pdriodiques.
Cellc /one a pour liinilo Infcilcure, par 120 el 135 de-
gros de longitude occldcnlale, I'equateur llierrnal lul-
meine.
Des lignes, dlsllnguees les unes des aulres par la
disposition du trail ct du polntill^, dimnenl pour les
deux heniisphcros la linilte des glaces flotlanles. Les
regions sans pluic sont reconnalssables par le grlse a
lignes verllcalcs. L'auleur marque ^galcment sur sa
carle la limlle e(|ualorlale des neigc§ au niveau de la
mer dans riiemisphero nord : c'est uno courbe com-
prise onlre Ic /|5* degre de latitude nord qu'elle atteinl
dans I'Atlantique, et le Iropiquc du Cancer qu'elle
depasse legerement au sud de la Chine, cl au dela
duquel, dans le Mexiquc, olio prescnle un verital)le
point de rcbroussemeni, en sortc que ic lOo"^ nieridicn
occidental correspond a sa plus haute ordonnee nega-
tive. M. Boudin Indique, par la notation ecrlle, les re-
gions sans plule, cellos des plules estlvaies et hlbernales.
Ainsl 11 est aise de saislr d'un seul coup d'cjeil , au
uioyen de cclte carte, la relation des clinials el des
phenom6nes nieleorologiques avec les lignos iso-
thermes que l'auleur a pris soln d'intiiquer de 10 en
10 degres. Au cap de Bonne-Esperancc, nous ren-
controns les plules aulonmales; les plules estlvaies,
au contralrc, caracterisenl les Carolines cl les Etats a
I'ouest. Des legendes nous lout connaitrc egalenient
en divers lieux la frequence ou [dulot la rarele des
coups de tonnerre.
Autour de la carte onl ete disposes un grand
( J77 )
nombre de tableaux et de I6geiules I'ournissant des
indicalions qui ont ecbappe a la representation gra-
phique ou, du inoins, qui auraient Irop surcharge la
uiappemondc dont rinspeclion demeurc ainsi facile
et claire. Nous rcnconlrons dans cet ensemble d'indi-
calions supplenionlaires : 1° la limite atteinle par
divers navigateurs dans les hautes latitudes des deux
hemispheres; 2° quelques temperatures extremes re-
gulierement constatees ; 3° la quanlite annuelle de
phiiepour les zones lorride et temp«5ree; !i° Tallilude
des principales Incalit^s de la Palestine ; 5* celle des
principales cljahies de luonlagnes; 6" les limiles
atleintes en altitude et en profondeur; 7° la moyenne
annuelle des jours d'orage ; 8° la quantite annuelle
d'eau fi dlverses latitudes; 9" Tallitude moyenne des
continents; 10" la limile d( s neiges perpetuelles ;
11" le decroissement de la temperature moyenne;
12" les jours de neige dans i'annee pour diflerenls lieux
del'Europe; 13" Taitilude et la temperature moyennes
des dillerentes localites deTAlg^rie; l/i°ia profondeur
des mers; 15° la superficie coniparalive des diverses
regions du globe; 16" le niveau compare des mers;
17° la densite de leurs eaux ; 18" la pression de I'at-
raosphere en diflerenls lieux; enfin , plusieurs autres
indications thermomelriques et met^orologiques.
Celle foulc de renseignements ajoule un prix tout
parlicuiicr a la carte du docteur Boudin, drcssee, en
general, d'apres les documents les plus aulhentiques.
JNous regrettons, cependant, de ne pas voir notes dans
ccs tableaux les points extremes oil les derniires expe-
ditions anglaises sonl parvenues a alteindre dans la
region arclique. Peul elro out-il ele bon d'indiquer.
( 178 )
par iin syst^me de cotes, la haiileur relative des divers
plaloaux au-dessus du niveau des mers, puisqiie cetle
alliliiile osl dans iin rapport 6lroit avec les neiges, les
pluies et la tcmperatiiro ? II eilt ol^ facile, en prenanl
pour point de depart les observations de nos inarins,
de tracer I'equateur majinetique ot les lignes sans
declinaison, de I'a^on a faire saisir la relation des phe-
nom^nes de inagnetisme, de (-haieur ct d'^lectricile.
L'indication des venis variables est ce qui laisse le plus
a d^sirer dans la carle do M. Boudin ; ils ne sent notes
que sur quelques n)ers, niais sur les continents on en
cherche vainement la designation. Enlin, n'eut-il pas
eto utile de marquer les grands courants ot surtout le
gn/J-stream, qui modifient si sensiblcinent la distribu-
tion de la temperature a la surface des mers, el exer-
cent precisement sur la niarcho des glaces , donl
M. Boudin a eu soin de nous dessiner la liiuile, une
influence notable?
Mais quoi qu'il en soit des additions donl la carle
de M. Boudin peut encore s'enrichir, lelle qu'elle esl,
elle demeure un guide excellent , d'un usage facile et
rapide, d'une pratique journaliere.
Tous les phenoinenes de la nature se tiennent, Tac-
tion de tous les agents physiques est liee par des iois
connexes que nous no j)arviendrons a saisir, au nioins
dans leur generalite , que par un travail analogue a
celui que M. Boudin vient d'executer. La geograpliie
ne peut desoriuais faire abstraction de ces phenoinenes
physiques, qui sont la condition d'existence du globe
donl elle poursuit la description el I'hisloire. Elle est
obligee, precisement a raison de I'^tendue de son objet,
d'emprunlor a une foule de sciences accessoires des
( 179 )
donn^es et des lumi^res, et voila pourquoi nous de-
vons signaler les travaux qui, comme cette carte, lui
offrenl sans peine et quand elle le veut, les r^sultals
scientifiques dont elle ne peut plus d^sormais se passer.
Alfred MaOry.
RAPPORT
suR l'exploration de la vallAk de l'amazone par les
LIKUTENANTS DE LA MARINE DES ^TATS-UNIS, HEUNUON
ET GIBBON, EN 1851-1852. I" pai'tie, 1 vol. in-8°,
avec 3 cartes, impriine par ordre du gouvernement
des Etats-Unis.
L'iiniuense vallee du Mississipi, dans I'Anierique du
nord, est devenue, par I'industrieuse perseverance de
la nation am6ricaine, le centre d'un empire, qui, dans
le cours d'un demi-si^cle, a pris sa place au premier
rang des grands Etats du monde.
La vallee de I'Aniazone, dans I'Amerique du sud,
est plus vaste encore; elle s'^tend en longitude de
28 dc'gres (1), et en latitude de 22 degres (2). Elle est
deslin^o a servir de d^bouche commercial vers
I'Europe, a plusieurs tlats considerables en ^ten-
due, laBolivie, le Perou , r;tquatour, la Nouvelle-
Grenade etle Venezuela. — Le nombre et la grandeur
des fleuves qui I'arrosent, annoncent qu'avanl un
si^cle plus de trente villesdu premier ordre s'eleveront
(i) Dii 76* au 48* (legre de longitude ouest de Greenwich.
(1) 4 degres de latitude nord et i8 degres de latitude sud.
( 180 )
sur leurs rives; — car I'liisloire du j^enrc hum;iin do-
montrc que partonl ou il s'est Irouve un port on une
grande riviere, il s'est forme de grandcs villos.
Les valloes de I'Amazone et dc ses Iribiilairos sont
placees dans le voisinage de Tfiqualeur, ct Ic sol est
d'une fertility luxurianto ; quand Ics detVichemcnls
Tauront assaini, il produira des recoltcs dc toute na-
ture, et pourra nourrir une population de cent mil-
lions d'aines peut-6lre.
Elles fourniront aux produits de I'Europe tl des
aulres parlies du globe un debouclie nouveau , aussi
grand qu'avanlageux aux indigenes.
Les plus riches mines d'argent sont aux sources du
Huallaga et du Maranon ou Ainazone, au Perou, sans
y comprendre les mines d'or du district de Cuzco ct
de Polosi, aux sources de I'L yacari, du Madrc-dc-Dios
ou Purus, du Beni et du Mamore, et aulres fleuves
tributaircs de I'Amazone, niaUieureusemeut pcu con-
nus. II imporle aujourd'hui plus que jamais dc meltre
ces produits a la porlee de I'Europo, el de joindre
les deux oc(^ans Pacilique et Allanlique par ces
grands canaux nalurels, navigables a la vapeur. Sans
doute, le chcmin de fer qui vient de s'ouvrir dans
risllimc de Panama, et permet do passer en trois
heures d'une mer a I'autre, n'oblige plus le com-
merce a laire I'immense detour du cap Horn ; mais
tant qu'un canal dc navigation ne sera pas ou\erl dans
le meme istbme, le Iransbordement des marcliandises
sera un inconvenient immense, et Ton penelrera plus
lacilemcnt par I'Amazone, dans les Klats encore jeunes
dont la population augmente rapidement.
II enesld'ailleUrs,commele territoircdola Bolivie et
( 181 )
les conlr^es etonclues a I'esl do la clialne princlpalo de3
Andes, qui ne peuventcommuniquer econoiniqueinent
avec les Llats-LInis et I'Europe que par la navigation
fluviale dc I'Amazone el de ses grands afflucnls du sud.
Cet immense lerriloire a do quoi former encore
plusieurs empires; il s'agit d'aillours de donner la vie
a des fitals encore tort arrieros. — Les contrees que
le Bresll s'adjuge, entre les republiques d'origine
espagudle et TAtlanlique , sont telloment conside-
rables et lellenient desertcs, malgr^ leur heureuse
situation, qu'on s'elonnait que les nations commer-
^anles n'cussent point encore cherche a so rendre
conq^te de ccl avenir, et a y introduire le principe de
la lihre navigation. La plupart des voyagours qui
depuis un siecle ont traverse cos regions, ne les ont
guere examinees qu'au point de vue de raccroissement
des sciences naturellos.
Le si^ge natiirel de remj)ire du Br6sil est sur I'Atlan-
liqiie, onlro I'embouchure de I'Amazono et la r6pu-
Mique de Monte-Vidco; et cc beau domaine est deja
immense. Si le souverain de celLtat, le plus puissant
de I'Amerique du sud, avait colonist I'interieur de ses
provinces el les rives du Saint-Francisco a Test du
50' degre de longitude occidenlale (de Paris) , en y con-
centrant ses eflorls , Thumanit^ n'aurait qu'a s'ap-
plaudir de cet 6lan donne a la civilisation. Mais a I'aide
de posies avances vers I'ouest, il a voulu s'emparer, el
il se pretend on possession solide, des sources du
Parana et du Paraguay qui coulent vers le sud, el de
tous les aflluenls nord et sud de I'Amazone; landis
qu'on })ouvait tout au plus lui abandonner les rivieres
des Tocantins et tie I'Araguay. Parlant de son ^lablis-
( 182 )
sement de Cuyabti, il i\, par le fori de Beira pr^s rem-
boucljiire liu Guapor^ ou Ilenezdans la Mainoro, posd
une liuiile a la r^publique d(? Bolivie au 67° dcgic^ de
longil. II a fail plus : il a penelr6 jusqu'aii 7A* dcgr^
et aux liiiiiles des r^publiqiies du P6rou et de rE(|ua-
leur. Au nord de rAiiiazone, il esl all6 jusqu'aux
liiiiites de la Nouvelle-Grenade, du Ven^zu^la el des
trois Guyanes, aiiglaise, lioUaiulaise et fran^aise ,
quoiqu'il n'y occupe reellement que quelcjues posies
incapablcs de se faire respecter, a I'exception de son
^tablissoincnl Ires recent sur le fleuve Negro. Eufin,
sa preltntion esl de fermer I'eulree de lAiiiazone a
lous lis navires Strangers, el de lenir sous sa domina-
tion inerte ces conlrees que le crealeur a destinies a
devenir le patrinioine de Thomnie civilise. Si ces pre-
tentions sont admises, presque tout le centre de I'Ame-
rique meridionale est condanin^, pour plus d'un siecle
peut-6tre, a rester desert , la miserable liabilation de
nombreuses Iribus sauvages, el la proie des betes
feroces et de loules les races de I'epliles.
Heureusenienl que la republique Argentine el le
Paraguay paraissenl, en ouvranl leurs tleuves a la libre
navigation, vouloir se joindre ala Bolivie, qui a refuse,
en 1852, de livror les rivieres qui sortent de son sein
3 la navigation exclusive du Bresil. Le P^rou, qui s'^tait
engage par un lrait6 recenl envers le Br»^sil, a reconnu
le piege qu on lui avail lendu. II est impossible que
les gouvernemenls de I'liquateur, de la iNouvelle-
Grenade el du Vdnezuela, ne se rangenl pas du c6l6 du
principe de la liberie du commerce, el que les gou-
vernemenls europeens ne s'adressenl pas au gou\er-
nement du Bresil pour assurer des debouclies au
( 183 )
commerce de ces Elals avoc rint^rieur, ol a la navi-
gation (le J'Amazone elle-meine. La jalousie qu'in-
spirent ies entreprises des Elats-Unis ne doil arreler
aucune de ces puissances, puisqu'en definitive, Ies
Araericains du nord ne demandent rieii d'exciusif
pour eux, rien qui ne doive profiler au commerce
general et a I'accioissemenl de la civilisation.
Le Bresil resislera, sans dotilo, plus ou moins long-
temps, a ce besoin universel. Car il pretend, en vertu
des maximes de I'ancien droit des gens, qu'il suilisait
de planter un drapeau sur une terre encore neuve
pour en devenir souverain.
Mais ces principes sonl aujourd'hui surannesj on
ne reconnalt plub de mers closes ; la possession des
rivages de la mer ne s'6tend pas, meme a deux on trois
lieues des cotes, mais seulement a la portee du canon.
— Hors (le la, hi peclie el la navigation sont libres.
Sur terre, la possession doit etre limitee aussi a ce
qui est mis en culture el reellement occupe ; c'est la
le veritable londement de la propri(^te privee : tantiun
prcescripliuii , quantum possessum. Quoi qu'en aienl dit
r^ceiiunent quelques voix isolees et bientol demen-
ties par Ies plus haules aulorit^s, la propri^le privee
n est pas une concession des gouvernements. Les gou-
vernements, au contraire, sont institu^s pour garantir
a I'bomme la libre jouissance de son indtistrie el les
fruits de son travail.
Pourquoi ces principes de droit naturel, consacres
par toute la legislation romaine, ne seraient-ils pas
applicables aux proprietes publiques, el surloul aiix
choses ([ui ne sont pas susceplibles de propritile ,
comme la mer, I'air, les eaux couranles?
( ISA )
Ricn de plus IfJjgitlme, cle la pari dos gouvornomenls
coinine dc la pail des iiullvidus, que de rovcnd'ujucr
la propiiole exclusive de lous Ics lieux oil ils ont fonde
des 6lablissenienls, el dans lesquels ils ont t^labli une
force puhliquc capable de jjroleger les personnes el
Ics propri^les. Parloul ou le Bri^sil a fonde ct enlre-
tienl tie lels elablissemenls, nul n'est moins dispense
que nous a lui en disputer la soiiveraineli^.
iMais ap[)areinmcnt, il ne suflira pas d'elablir a I'cm-
bouchure d'une riviere, un fort qu'on laissora tomber
en ruincs, el ou Ton n'enlrellendra (ju'une garnison
de quelqucs homines, incapable de sc faire respecter,
a une lieuc de son enceinte, pour de la doininer sur
des centaines de lieues. En ce cas, nous croyons que
tous ceux qui viendronl s'elablir sur I'aulre rive du
fleuve , si celle rive esl hors de la purine du canon du
fort, ou dans les conlrees adjacenles, et qui ne recla-
meront pas sa protection, en seronl cl demeureront
independanls.
Le Bresil commence a le sentir; car il ne s'est pas
content^ de fonder ces posies avancos comme des sen-
tinelles perdues ; quand il a voulu rdellement coloni-
ser, comme au Barra du Rio-Negro, il a 6labli une
ville, des autoriles judiciaires et adminislratives, des
troupes et un gouverneur. La esl done une souverainele
reelle. Rosle a savoir, bona fule, jusqu'ou s'elendent
les etabli.ssements secondaires, et a quelle distance du
fleuve et de ses affluents s'^tend la protection : car la
esl la limile de la souverainele.
Tels sont, nous le croyons, les principes du droit des
gens moderne. De plus, comme il importe de cultiver
enlre les nations <le bonnes relations d'amili6 et de
( i85 )
commerce, la liberie de la navigation est un principe
general, qui doit elrc reconmi partout, inline dans
rinterieiir des pays souverains. L'Etat qui I'accorde
au commerce etranger ne peut etablir que des droits
de douane moderes, pour I'entretien de la navigation
et les depenses des etablissements ; la cloture de^
fleuves navigables est une mesure antisociale, et qui
a la longue ferait metlre la puissance qui la main-
tiendrait au ban des nations civilisees. On pourrait,
a litre de represailles, fermer les ports europeens, ceux
desEtats-Unis et des puissances ind^pendanles, a lout
navire portanl le pavilion bresilien.
Prenons un exeniple: la France a prt^londu que sos
possessions de la Guyane s'etendaient jusqu'a I'em-
bouchure de I'Amazone, et non jusqu'au point do
j)artage des oaux qui coulent de la i)ase de ses etablisse-
ments : aujourd'hui ces pretcnlions sonl rojclets,
parce qu'elle n'a pas forme d'clablissements sur la
cote jusqu'a I'emboucbure de I'Amazone, ni sur les
cours d'eau qui, de ce point de partage, vonl du nord
au sud porter leurs eaux au grand fleuvc.
La meme objection est faite aux gouvernemenls
hollandais et anglais, quoique d(5ja des communica-
tions commerciales se soient etablies sur I'Ort^noque,
et qu'il y ait eu des conflits avec le gouverncment bre-
silien sur les limiles de sod etablissement. C'est une
question de fait qu'il ne nous est j)as donne en ce
moment d'^claircir.
L'ouvrage que nous avons a examiner rapporle deux
documents imporlants 6manes d'un ciloyen ^claire de
Buenos-Ayres, qui invite le gouvernement fran^ais
a se preoccuper de la question de I'Amazono. Ces
IX. MAKS ET AVRIL. 5. 13
( 186 )
(locuincnls ne remontent pas au dela do 1850 : on y
riippelle les vues que rompercur Naj)ol«^on I" avail
congues sur ce j)oint, et dont il ful distrait par la
guerre maritime el conlinentale ; rallenlion ful de
nouveau rappel6e an gouvernemcnt royal de Louis-
IMullppc, qui fil faire une reconnaissance a rembou-
churG. M. Arago , sous le gouvernenient provisoire
de .1848, s'en occupa. L'un de ces documents est une
letlre adrcss^e, le 2 f^vrier 1850, au prince Napoleon,
alors president de la r^publique, dans laquelle se
Irouve rappelee I'exploration parlielle faite, il y a
quelquos annees, par un ofiicier de la marine francaise
(M. do Monlravel), qui remonta I'Amazone jusqu'au
poste brdjsilien d'Obidos, ou il fut arrete par ordre du
gouvernemcnt impiL'rial du Bresil, comme depassant
les llmiles des eaux libres.
Celle affaire ne parait pas avoir eu d autre suite.
Quoi qu'il en soil, si la France n'a pas la souverainole
dcs rives de rAllantique, depuis la Guyane jusqu'a
I'embouchure de I'Amazone, ct des eaux qui sortont
de ses monlagnes pour agrandir ce ileuve, c'estqu'elle
n'y a pas lait d'elabllsseinenls : niais le Bresil n'en a
pas non plus jusqu'a Almoirin. La question reste done
Oil litige, et une tierce puissance pourrait s'y etabllr,
si Ics deux gouverncments n'y font rien ; car la civi-
llsalion ne peutsouflVir do la mauvaise volonte ou do
rimpulssancc des gouvcrnenients, el Ton dolt remercier
quiconque , en prenanl possession du sol, on le for-
lilisanl, et eu ouvrant de nouveaux debouches au
commerce, sort les Inlerels de la race huuiaiue et
remplll alnsi les dccrels de la Providence.
II est urgent que de grands canaux soient ouverts
( 187 )
par Tyhnazone a la navigalion a la vapour, appellont
(Ics pupulalioiis qui luanquent sur ses rivages ct sur
se>s affluonls, appoilenl aux malheureux Indiens des
subsislaiicos, des vetements el des luinieres, et en
chassent ]cs animaux leroces ou inipurs qui les
inleslent.
Quoiqu'il n'ail encore aucunc posilion dans ces
conlrees, le gouvernement des Etats-Unis n'a ])as
manque de s'en occuper, el I'on verra que quand la
mission donnee aux ofilciers de la marine a ele con-
nue du gouvernement du Bresil , celui-ci s'est hale,
sans oser cependanl I'entraver, de provoquer des
mesures pour fermer aux etrangers I'acces des caux
interieures du grand fleuve.
Quellesquesoienlles vuesdel'Dnion amt^ricainedans
rinilialive qu'elle a prise dans la defense de la liberie
de celle na\igalion, il faut reconnailre qu'elle Iravaille
dans I'inl^rel de toutes les puissances europeennes qui
ont une marine.
A la place des efforls Isolds qu'on a fails jusqu'a ce
jour, il imporle que les puissances se reunissenl pour
combalUe I'espril exclusif et jaloux du Bresil.
Deja le gouvernement francais a accorde des encou-
ragements a M. d'OrbigU), dans I'exploration que ce
voyageur a faile, de 1830 a 1833, en Bolivie. II a sur-
tout favoris^ les grands travaux de M, Fr. de Caslelnau,
et de I'infortune d'Odery, ingenieur des mines, accom-
plis de ISZio a 18Zi7. La Sociele degeographie a d^cerne
une medaille extraordinaire a M. de Caslelnau, lors de
la publicalion des premieres livraisons de son voyage,
quoique le public ne connut pas encore toule I'^ten-
due de ses investigations, puisque son ouvrage n'est
( 188 )
])as encore termini et qu'il se compose dc soixanle-
quinze feiiillcs, soil geographiqiies soil geoIogl(|ues.
L'auleiir de la relation (pie nous examinons n'a
connii, (lit-il, Ics resnltals tleja oblenus par iM. dcCas-
tclnaii et ses collaborateurs, qu'apres son relour de
son voyage d'exploralion en 1853. En e(Tet, les pre-
miers volumes dc I'exploraliom francaisc n'ont paru
que dans Ic courant de 1850, el I'expedilion ameri-
caine a recu sa mission en aoiit 1850, quoiqu'elle
n'ail commence son voyage qu'en mai 1851.
Ses instructions, a la dale tin 15 fevrier, qui liii par-
vinrenl a Valjjaraiso , lui prescrivaient d'itudier sur
les lieux la totality dc cet immense bassin , avec les
eaux navigables, non-seulemenl de I'Amazone, mais
de ses Iributaires.
II I'allait non-seulement ia[)porler des notions pre-
cises sur la condition ile cetle vallee par rapporl a la
navigation de ses fleuves, au nombre el a I'etat indus-
Iriel et social de ses habitanls, mais encore a son
climat, aux productions acluelles de son sol, au deve-
loppement possible de ses ressources commerciales,
quant aux champs, aux forels, aux rivieres et aux
mines.
L'expedilion devait se rendre dans la Cordillere, et
explorer I'Amazone dopuis sa source jusqu'a son em-
bouchure. Elle i'ul pourvue de lous les instruments
necessaires, el d'un credit de 5000 dollars (20000 fi-.).
On lui designail specialemcnt I'Ucayali ou I'Hual-
laga, rivieres du Peroii, comme I'objet de cetle etude;
mais on n'excluail jias les lleuvcs de la Bolivie , tels
que le Mamord, I'llcnts et le Keni, aflluenls du Madeira.
On s'en rajiporlait a son jugement sur le choix de sa
( 189 )
route; on lui recommamlait d'civilerles liostilil^s avec
la populalion , et de ne pas prendre une suite troo
nombreuse, (pii put alarmer lesgouvernemenls locaus;
on I'lnvitait a se pii^occuper surloul de la question de
la liberie de la navigation.
L'officier distingue charge de la mission, avant de
commencer son exploration, prit a Valparaiso et a
Santiago du Chili tous les renseignenients qui furent
a sa porlee sur les travaux antdrieurs, principalement
sur les tributaires du Madeira. 11 en a presente un
interessant historique.
Ensuite il s'occupa du haul Perou , des richesses
niinerales en or du niont Carabaya, a Test de Cuzco,
et des grands cours d'eau qui arrosent cetle province,
notamment de la riviere encore inconnue JVladre-de-
Dios, des deux branches de I'Drubaniba, del'Apurimac
et du Pango.
Ayant appris que les fleuves do la Bolivie ne se
r^unissaieut a I'Amazone que dans la partie basse de
son cours, vers le 59° degre de longitude de Greenwich,
il jugea plus urgent de s'occuper d'abord des affluents
les plus voisins de la nicr Pacifique.
Le lieutenant Herndon est parti do Lima lo 21 mai
1851, avec des passe-ports ct recommandations du
gouvernement du Perou, en compagnie de M. Gibbon
et de quatre autres personnes: il longea les rives du
Rimac, riviere de Lima, jusqu'au sommet de la Cor-
dillera, ou elle prend sa source, au pied des mines
d'argent. — II n'y a qu'une distance d'environ 60 milles
(100 kilometres) de la mcr Pacifique. 11 y donne d'in-
teressants details sur les mines. Le 3 juin, I'expedition
lit I'ascension du uiont Puypuy, qu'on dit plus elev6
( 190 )
que le Chimborazo. Le 6, elle 6tail a Tarma, petite
villc (le 7 000 hahitanls environ, clans un amphitheatre
rnonlagneux, enU-uree de riches paturages; on fit une
excursion a Test jusqu'au fort Ramon, sur le Pcrene,
I'un dcs affluents de rLca}a]i. Le lieutenant Herndon
Tie suivit pas le ccnseil de ceux qui I'engageaient a
descendre TAmazono de ce cole, a Test de la Cordil-
Ifere, quoiqu'on dit le projct plus facile a r^aliser. II
ignorait, d'ailleurs, que M. de Caslelnau eiit explore
rUcayali; il revinl a Tarma, on I'cxpedilion se frac-
tionna le i" juillet 1851 : I'une qui, sous la direction
du lieutenant Gibbon, se dirigea de cette place sur
Cuzco, au sud-cst, ainsi que nous I'oxposerons plus
lard, pour explorer les rivieres du haut P^rpu, et ulle-
rieurement celles de la Bolivie 5 I'aulre, sous la direc-
tion de M. Herndon lui-memo , dirigea sa route an
nord, du cote des sources du Huallaga.
Le 9 juillet, ce dernier arriva a la petite ville de
Cerro-Pasco, sise au milieu des mines d'argent, qui
renferment de 6 a 16 000 ames, selon que ces mines
sont expioitees avec plus ou moins d'activite.
Un pen au uiidi est le beau lac de Chincliaococha ,
de 20 milles de long sur environ 6 de large, qui se
decharge dans I'Lcayali par la vallee d'Oroya.
Les mines de cette contr^e, d^couverles en 1630,
ont, suivant les rcnseignenients pris par M. de Caslel-
nau, notre compalriole, produit jusqu'en 18/j9 envi-
ron /|75 000 000 de dollai's, c'esl-a-dire en moyenne
2170 000 dollars (11501000 fr.).
Le 15 juillet, I'expedition alteignit le village d'Ambo,
de 1 000 habitants, siluc a la jonclion des rivieres
Huacar ct Huallaga. C'est uuc belle vallee. La s'el^ve
( 191 )
line des plus anciennes villes du Perou , Huancuco,
de 5 000 allies. Le Iluallaga a deja liO yards (do 36 h
37 metres) de large, iiiais dans la saison seclic il n'a
que 6 decimetres de profondeur et n'ost pas navigable.
La population desire vivement I'ouverture de cette
navigation.
A Tingo-Maria, c'est-a-dire a 335 milles de Lima,
le Huallaga devient navigable pour des canots; mais ce
genre de communication fluvialo n'acquiort d'iaipor-
tance que bieii loin plus bas, a Chasuta, ou la riviere
atteint 5 pieds (1",523) de profondeur, n'est jjlus en-
travee par des rapides, et reste constamnient ouverle
a la navigation.
L'Ucayali, autre affluent de I'Amazone a Test, est
navigable plus au sud ; mais le pays est plus sauvage.
Chasuta est un village indien de 1 200 liabilanls;
la population est douce et ennemie du sang; c'est le
port du district de Tarapoto, dont la ville renferme
environ 3 500 habitants, et relive de Moyobanba, Dans
ces contrees la barbarie commence. Quoique le gou-
vernement du Perou ait aboli I'esclavage, on ne s'y
fait pas scrupule de reduire en servitude les enfants
des Indiens, qu'on enlfeve a leurs parents, sous pr^texte
de les instruire dans la religion catholique. On fit une
excursion sur le Mayo, affluent du Huallaga, du cote
du village de Jean-Guerra. L'auteur raconte (p. 165)
que deux dames se joignirent a la cavalcade, compos^e
de huit personnes, pour une partie de p6che formtie
par un ecclesiastique : elles amuserent la society dans
son passage a Iravers les bois; mais quoique accou-
lume que fiil I'officier americain, ))ar suite de ses
voyages en dillerentes parties du monde, au sans-gfine
( 192 )
et ti la libcite, il liu un peu siirpris de voir ces Ama-
zones, a leur arriv^e, d^poscr lous leurs v^lenients,
a I'exceplion d'un mouchoir de soic allache sur leurs
handles, el se baigner dans la riviere, a unc distance
de 36 metres, a la vue de tous les hommes.
Le 3 septeinbrc, I'expddilion arriva a rembouchure
du Huallaga dans I'Amazone ou le Maranon. De Tingo,
ou conimence I'lisage des canols, jusrju'a Cliasuta, il y
a 325 uiillesde long; et de Cbasuta, oil la riviere, ayant
ail uioins 1 m6tre 1/2 de profondcur, est peiji^tiicl-
leraent navigable, jusqu'a son coiilluent, 285 inilles.
A son embouchure la rivifere passe subilement dc 9 a
fi5 picds deprofondeur (43'", 707), el arrive a une lar-
geur de 350 yards (Z|39n',800) ; TAmazone en a 500.
Ce qu'on appelle I'Aniazone porle au Perou le nom
de Maranon, jusqu'a la fronliore brcsilienne; celui de
Solimoens, jusqu'a sa junction avcc le Rio-Negro, ct
celui d'Amazone jusqu'a I'Ocean. II convient de lui
restitucr son nom le plus general el le plus connu.
Comine I'afTluent du Maranon est plus etendu, a
cause de ses dolours, que I'lluallaga, quoique sa source
au lac Lauricocha ne soil pas plus meridionale que
celle du Huallaga, il est de loule evidence que celui-ci
ne peul, surtout a raison de la rarele de ses caux,
entrcr en coniparaison avec le Maranon. A leur jonc-
tion, comme on I'a vu, Ic Maranon est bien plus large
et plus profond ; il vienl de I'ouest.
Desormais la marche de ce grand fleuve, dans sa
largeur silencieuse, est sublime. Les arbrcs gigantes-
ques qui s'elevenl sur ses rivos et sur ses ilos en
iinposent ct ont une grandc solennite. Sans doule, il
lui manque ce qui distingue le Mississipi, les cultures,
( 193 )
les cites, les navires a vapeur; inais sa vue n'en est
pas moins IVappanle poiu" I'imagination; ct les navi-
galeurs qui ont vecu sur les solitudes cle la mer n'en
6prouvent pas moins cette emotion ; pour eux c'est
un flcuvc sans limite. Les ressources qu'il ofTre aux
echanges et au commerce sont incommensurables;
son avenii' (!;blouit; on est au milieu des regions les
plus enchanteresses qui soient sur la terre.
De ses monlagnes on pent tirer I'argent, le fer, le
cuivre,lecharbon de terre, le mercure,le zinc ct I'etain;
du sable de ses affluents, on extraira I'or, les dia-
mants et les pierres precieuses; de ses forets, les re-
m^des des vertus les plus rares, des aromates exquis,
des gommes, des resines de loule espece ; du bois
des teintes les plus brillantes. Son climat est un ete
perpeluel et ses moissons permaiientes. Ici, M. Hern-
don rappelle la description qu'en a faite M. de Cas-
telnau, qui entredans le detail des diverses productions,
en Sucre, caf6, tabacs, cacao, lamarin, colon, indigo,
bananes, et tant d'autres. La peche nourrit maintenant
ses rares habitants.
Le 9 septemljre, I'exp^dition arriva, apres un trajet
de 210 milles, a Nauta, village indien de 1 000 habi-
tants, a I'embouchure de I'Llcayali; on remonta celte
riviere jusqu'a Sarayacu, au coude le plus rapproche
du liuallaga; Sarayacu est une petite ville de 1 000 In-
diens. La population est gouvernee par des moines
franciscains. Son climat est delicieux et Ic sol tres
fertile.
Le lieutenant Hcrndon avait le dessein de j)ousser
la reconnaissance derUcayali jusqu'a Chanchamayo,
et d'examiner le cours du Pachitoa , ce qui eut com-
( m )
pl^te la descriplion flu Pampa del Sacramento; mais
il ne trouva pas d'Indiens pour le diriger dans co pays
ditljcile et dangeroux ; il a rccours a I'ouvrage dc
iM. de Caslclnau pour decrlre I'l cayali superiour
(voy. le t. IV de noire voyageur francais).
L'offlcior americain redescendit I'Ucayali en octo-
bre.etrevinlaNauta en huit jours, apr^s avoir remonte
270 milles; i'Ucayali, dans I'inlervalle, avail grossi et
charriail des arbres. M. Herndon reprit la descenlc
de I'Amazone jusqu'a Tabatinga, limite du lerriloirc
peruvien, oil il arriva le A decembre. II y fut regu par
le commandant bresilien. La est un fort d'ailleurs en
ruines, n'ayant qu'unc garnison de '20 soldals ; le gou-
vernemenl du Bresil a pense que ce posle suflisait
pourlui assurer la souverainel6 de cescontrees, quoi-
que le fort soil hors d'6tat de disputer lo passage du
fleuve, et que sa faible garnison soil sans eflicacite sur
les immenses contrecs qui s'ctondent au nord el au
sud de I'Amazone.
M. de Castelnau (cli. lvi) dit que ce fort pretendu
n'a que deux pieces de canon en balterie au-dessus
de la riviere. Les maisons en arriore servent de de-
meiire a la garnison, d'environ 30 soldats, comman-
des par un capitaine, et a c^uol([ues families indiennes
sans velemenls; il y a une cbapelle, mais sans prfitre.
Les Indiens ^laient peu sounds.
Tabalinga osl en face dc remboucliure du fleuve
Yavari, qui remonte jusqu'au S" degr6 de latitude sud
et forme la limile du Perou; la population est com-
pos^e d'Indiens et de quelques blancs l)resiliens ; ellc
ne d^passe pas 200 ames. M. de Castelnau y a passe. Le
commandant bresilien ne permit pas a I'officier am6-
( 195 )
ricain de continuer la descente du fleuve avec un canol
^Iranger, el lui offrit le sien en echange, sous pre-
lexle qu'il ^taitplus propre a la navigation inferieure,
mais en realite, afin d'executer I'absiirde loi qui ne
permet pas aux batimenls etrangers de naviguer dans
CCS eaux.
C'est cette prohibilion que le gouvernement des
l^lats-Unis a pour premier objet de faire lever, par
I'adoption du principe dc libre navigation.
11 n'y a point de culture a Tabatinga, par const^-
quent point de possession r^elle du pays. Entre ce
point et rembouchure de I'lca ou Patumayo, fleuve
descendant de I'fitat de I'l^lquateur, de plus d'un demi-
mille de large a son confluent, on ne Irouve que deux
postes bresiliens, I'un appel6 San-Paulo, village de
350 Indiens et de 30 blancs, commandes par un lieu-
tenant, et le bameau de Matura , compose de qualre
ou cinq hultes, dont une seule est habitee.
Enire ce fleuve et I'embouchure du fleuve Jutay,
vcnant du sud, sont trois autres postes bresiliens :
1° San Antonio , village de quatre ou cinq maisons
et de quelques huttes indiennes, ou il y a un agent
bi-6silion; S'' Tunanlins, de 200 a 300 Indiens et de
25 blancs, a I'emboucbure d'une riviere profonde de
18, 24 el 30 pieds; et 3" la factorerie d'Invira, servant
de station a un shooner de Irenle tonneaux; mais il y
a un commandant magistral, avec des soldats. Le
Jutay, qui se jelte once lieu dansl'Amazone, est, dit-on,
navigable pendant 540 milles environ.
A 60 milles de son emboucbure, sur I'Amazone, est
Fonteboa, village de 250 Indiens et de 8 blancs. —
36 milles au dela, (,'st remboucbure du Jurua, large
( 196 )
d'lin demi-mille, tandis que I'Ainazonc a un luillc et
un quart (2 kilom. 100 nictr.). On dit que Ic Jurua est
navigable pendant 780 niilles jusque prcs du 12«= dC'
gr6 de latitude mei idionalc.
Le lieutenant Ilorndon se refere ici encore a I'ou-
vrage de iM. de Castelnau.
A 105 inilles de Jurua est la premiere embouchure
du Japura, qui se divise en plusieurs branches et court
du nord-oucst au nord-est, parallelemont a I'Ama-
zone. Depuis sa sortie de I'Etat de I'tquateur, jus-
qu'au 62' degre^ de longitude, cette rivi6re n'est pas
connue : les Incliens qui habitont ces parages sont
sauvages el cruels, j)arce que le gouvcrnement bresi-
lien en a tolere la chasse, pour en faire des csclaves.
A ce point d'einbouchurc, I'Amazone prciid de 4 a
5 milles de large.
A rembouchure du Telle, autre fleuve (jui vienl du
sud, est la viile ou bourg bresilien, nonime Lgas, ou
resident unsubd^leguedugouvernenienl central, chargd
de la police du district, et un commandant militaire;
ce bourg renfeniie environ 800 habitants et 8 ou
10 maisons de commerce, qui font (juolques affaires
avec le Perou et avec Para du Br^sil, outre le commerce
des produits de I'interieur, qu'ils obtiennent des In-
diens. II est encore a 1A50 milles de Para.
Le 3 Janvier 1852, i'expeclitioii arriva a I'embou-
chure de la riviere Purus, large de 3/il de mille, que
M. Gibbon croit 6tre la Madre-de-Dios , prenanl sa
source dans le Perou mc^ridional; ello a 70 pieds do
profondeur a 1 mille au-dessus, et 96 a sa jonclion
avec I'Amazone, qui, dans son cours, alleinl jusqu'a
138 pieds.
( 197 )
L'immense flenve du Rio-Ncgro venant clu nord-
oucst, large de 2 inillcs a son embouchure, et le plus
grand de ses Iribulaires, vient encore raccroitre ; la
profondeur du Rio -Negro est de 105 pieds. Le lerritoire
qu'il traverse a ele dernierement erigd en province
dite de I'Amazone. Le gouvernement reside a Barra ;
mais c'est une charge pour le gouvernement du Br^sil.
On croil qu'on elabliraunedouanc ;'i Barra ; la province
a6000niilles carres d'etendue, et 30000 habitants,
seulement, tant Indians quo blancs : elle a deux ba-
taillons, environ 1 300 liomnies,de milice pour sa de-
fense et pour assurer la Iranquillile publique dans les
villages; c'est la nne veritable occupation. La ville de
Barra, qui devrait avoir une population considerable
a cause de son heureuse situation, n'a encore que
3614 habitants de condition libre, et 234 esclaves.
Le Rio -Negro, oppose a la ville, est large d'un mille
etdemi; c'est un tres beau fleuve, navigable jusqu'au
Rio-Maraya, dans une distance dc 25 jours de mar-
che, ou environ 400 milles ; il y a d^ja des communi-
cations Stabiles par canots entrc le haul du pays
et rOrt^noque du Venezuela; par le Rio-Branco, on
communique aussi avec la Guyane anglaise el la val-
lee de I'Essequibo, a I'aide de portages, et les mar-
chandises de prix arrivenl quclquefois jusqu'a Barra.
L'auteur donne les details de ces deux voies.
Le 18 levrier 1852, rex|)6dition leva I'ancre de
Barra; elle d^passa I'embouchure du Madeira, large de
2 milles, que dcsccndit un pen plus tard I'aulre par-
tie de I'exp^dilion dirigee par M. Gibbon. C'est du
cole du sud le plus grand des Iribulaires de I'Ama-
zone. Mais il y a des chutes nombreuses qui ne per-
( li)8)
nieltent ])as de le romonter avec des bateaux i\ vapeur
jus(jue dans la l]oli\ie.
L'autcurdecril ensuite sonmiairenienl les posies do
I'Amazone, Sarpa, Silves. Villaiiova, el celui plus con-
siderable d'Obidos, de 500 habitants. Celui-ci est au
milieu d'un district populeux d'oiiviron li 000 ames,
et pourvu d'uuc belle eglise ct d'un college; cc vil-
lage est situe pres I'einbouchurc du Trouibetas, af-
iluenl du nord; ce fleuve u'est navigable pour les gios
vaisseaux que pendant cinq ou six jours, et est ensuilc
obslrue par des rochers et des rapides; il est d'aiileurs
peu connu.
L'expedition passa ensuite devant rembouchure du
Tapajos, large d'un mille et ilemi; ce fleuve vient du
sud, elparcourl 12 degres de latitude: la esllaville de
Sanlarcm, a ZiOOmillesderemboucliure du Rio-Negro,
el 650 milles de la mer. C'est la plus grandf de la pro-
vince apresPara; sa population est de i 900 ames de
condition libre, et de 1 500 a 1 600 enclaves. La Trance y
entretienl un vice-consul. A partir de ce point le Tapa-
jos est navigaljle |)our les vaisseaux du i)lus fort ton-
nage jusqu'a Itailuba, pendant 200 milles; ensuite il
resle navigable pour les navires de 6 a 8 lonneaux.
Le Prelo, un de ses aflluents, communique avcc le
village de Diamanlino, sis au milieu des monlagnes de
Diamaut; de ce point qui I'ormc le parlage des eaux
du sud, on se rend soil sur Ic fleuve Paraguay, soil a
Caiaba, un des aflluents du Paraguay, d'ou Ton com-
munique aussi avec les sources du Xingu, qui se jette
dans TAmazonc a Porto de Moz, apr6s avoir parcouru
13 degres de latitude.
L'auleur nous donne le r6cit d'un voyage fait sur le
( 190 )
Tapajos par M. Mangin tie Lincour, jeiine ingt^nieur
francais tJtabli a Sanlareni.
A mesure qu'il s'approche de ces conlrees bien
connues, I'auleur est plus sohre de details. A Gurupa,
I'Amazone a 10 milles de large.
Gurupa n'a pourtant que 300 habitants, malgr^ une
position si importante, et quoiqu'elle soil le siege
d'un subd^legu^.
L'auleur y apprit quelques details sur le Xingu, dont
la navigation est entrav6e par des rapides, dans un
espace de quatre jours, et dont les bords sont inl'esti^s
de sauvages.
A 35 milles au-dessous de Gurupa, commence le
grand esluaire de I'Amazone, qui y forme une baie
immense de 150 milles de large : on pourrait I'appeler
baie des mille iles. Celle de Marajo, la plus grande,
contient environ 10 000 milles carr^s, et divise I'Ama-
zone en deux grands canaux, donl le plus grand se
dirige du c6t6 de Cayenne, et I'autre forme la riviere
du Para. L'exploration d'une partie a 6te faite par un
navire de guerre francais, la Boiilonnaise, commande
par M. de Montravel; mais le gouvernemenl br^sllien
ne lui permit pas de remonler au dela d'Obidos.
L'exp^dilion am^ricaine arriva au port de Para le
11 avrill852. Cette ville, fondee en 1616, a 80 milles
de I'embouchure du canal du Para, dans la mer, n'est
pas fortifiee. Vu la salubrite de son cllmat et les avan-
tages immenses de sa position ; elle devrait renfermer
plusieurs ccnlaines de mille habitants; elle n'a en-
core que 9 300 ames de condition libre, et /i 700 es-
claves. L'auteur en altribue la cause a la nonchalance
desBresiliens qui se renl'ermentdanslef/o/ceyrtr«/ert^e,
( 200 )
el a la devastation qui ful la suite de I'invasion dcs es-
claves r^voites en J8S5: il y peril do 10 ;'i 12000 i)cr-
sonnes ; la rc^vollo so prolongea pendant plus d'une
annee ; I'auleur pense que les causes qui ont amene
rinsurrcclion existent encore, etque lesTapuyos pour-
raient de nouveau se soulever centre leurs patrons.
Le voyage, qui a dure pres d'une annee, a ^veillci
I'atlention des nations sur rimporlance de la libre na-
vigation de I'Aniazone el de ses aflluenls. Le gouvcr-
nement du Bresil a fait avec la republique du P<^rou,
le 23 octobre 1851, un traits pour assurer en appa-
rence aux deux Elats la reciprocile d'un libre com-
merce, au nioyen de bateaux a vapeur, dans le dessein
d'aupmenler la poj)u!ation el de civillser les Iribus sau-
vages; mais des le 30 avril 1852, un d^cret de Tcuipe-
reur du Bresil a concede^ ])our trenle ans a M. de
Souza le monopole de cetle navigation, sans en rien
conimuniquer au represenlant du gouvernemenl du
P^rou, qui a protesle a cet egard, le 20 Janvier 1853.
En mfinje temps, le Perou publia le 5 avril un
d<^cret ouvrant le cours de I'Aniazone , sur son
territoire jusqu'a Nauta, a la libre navigation des na-
tions etrangeres, aux memes conditions que celles
faites au Bresil, en 1851, et disposa de sommes pour
assurer lui in&nie la communication des divers <ita-
blissemenls cxislant sur le Maranon , I'Huallaga et
rUcayali.
La Bolivic a refus^ aussi au Briisil le monopole
qu'il sollicitait sur ses rivieres comrauniquant avec
I'Aniazone.
Enfin , le gouvernemenl du Paraguay vient de pro-
clamer la libre navigation de ses fleuves.
( 201 )
II esl a croire que les goiivernemonls de I'l^lqualeur,
tie la Nouvelle-GrenacJe, de Venezuela, el lesGuyanes,
ne verront pas de bon ceil, cet ohslacle apporle aux
progi'^s de la navigation, Les Ltals-Unis y sont sans
doute les plus interesses : mais rien n'empeclierail les
puissances, qui ont des possessions limitroplies ,
d'occuper les territoires dontle Bresil n'est pas encore
en possession effective. Nousremarquonsen parliculier
que le Bresil n'a aucun poste elabli au dela d'Aluiei-
rein a remboucliure de la riviere Puius, sous le 52" de-
grc 30' de longitude occidentale de Greenwich, et
qu'ainsi il existe environ 2 degres de longitude et 5 de-
gres de latitude de cotes inoccup^es a Test jusqu'a
remboucbure de I'Oyapoc, liinite acluelle de la Guyane
francaise, que dans les anciennes cartes en appelait
Guyane porlugaise.
Le voyage d'exploration que nous vonons d'anaiyser
est accompagnd! de deux tableaux, I'un des bauteurs
el distances approximalives depuis le Callao de Lima
jusqu'a Para; Taulre est le journal Ires detaillȤ des
observations meteorologiques, depuis le 1"" juillet 1851
jusqu'au 7 mai 1852.
On regrette que peu de lieux aient et6 observes
en latitude et en longitude, Peut-etre cela n'etait-il
pas encore n^cessaire dans ces lieux si peu lia-
bites, alors qu'on suivait exclusivement le cours des
eaux.
En resume , I'exploration dont nous venons de
rendre coniple est f(iconde en renseignements de
loute nature.
La g^ograpbie doit s'applaudir des progres qu'elle
IX. MARS ET AVRIL. 6. 1/j
( 202 )
doil au gouvernemeul americaiu , lelativeinenl a
ties coiilrees ii peu counues, et a des fleuves si consi-
derables.
1(3 mars 1855. Isamb^at.
Appendice.
Depuis la lecture de ce rapport, le departement de
la Marine a regu le rapport de M. Gibbon.
11 a el6 pr^senle au gouvernement aiuericain, le
25 Janvier 185Zi; il a kih public siiivant I'usage au
nonibre de 10,000 exemplaires, par ordre du congr^s,
en un volume in-S" a Wasbinglou, avec une s6rie con-
siderable d'observalions nieteorologiques , quatorze
points observes en latitude ou en longitude, et une
carte des principales bauleurs au-dessus du niveau de
la mer.
Une grande carte du voyage est jointe a cette pu-
blication. II LSt lacheux que le lrac6 dcs monlagms
n'y soil pas; niais on jjeul, jusqu'a un certain point,
le suppleer par la direction des coursd'eau. L'echello
est 6galement trop petite; cependant elle est plus grande
que celle de la carle de la Bolivie, publiee en 1839,
par M. d'Orbigny : sans doute on n'a pu la faire plus
grande, a cause de rimniensite des pays qu'elle ren-
ferme; mais cela.est h rcgreller, parce qu'on n'y suit
pas facilement la narration d^laillee du voyage im-
portant auquel elle sert d'appui ; I'orlliographe des
nonis y est meme souvent differente.
Quoi qu'il en soil, en la comparant a ce que nous
avions deja sur le Perou et sur la Colombie, on voil
combien la geographic de ces contr^es est amelioree;
( 203 )
niais c'est surloul le cours tie lo Madeira ol de son
affluent, le Mamore, qui se troiivent icclifies.
Nous aliens I'aiialyser.
On a vu ce que iVI. le lieutenant Herndon a explort^ :
c'est le cours de I'Amazone depuis Nauta jusqu'a son
embouchure a Para; c'est la riviere Huallaga, depuis
sa source jusqu'a son e.i-bouchure dans I'Amazone,
sur le terriloirc du haul Perou. C'est le cours de
rUcayali, depuis son embouchure dans I'Amazone a
Naula en remontant son cours jusqu'a Carayacu, dans
le Pampa del Sacramento, la partie superieure ayant
ele d'aiilcurs visitee par M. de Caslelnau jusqu'a Cuzco,
dans le has Perou. Les rivieres intermediaires enlre
I'Lcayall et le Madeira sont encore inconnues, ainsi
que la plupart des affluents de la rive gauche de I'Ama-
zone, au nord et a I'ouest.
La mission donnee par M. Herndon au lieutenant
Lardner Gibbon, a Tarma, le 9juillel ISSI.etait d'ex-
plorer les fleuves qui , de ce point au sud du P^rou
ou de la Bolivie, dirigent leurs eaux vers I'Amazone,
et de fixer le point oil ces eaux sont navigables : car le
but des Etats-Unis est de savoir comment la naviga-
tion a la vapeur pourrait 6tre inlroduite dans ces
contrees.
i\L Gibbon n'etait accompagn^ que d'un Americain
et d'un Espagnol, non compris un metis et son jeune
fils, conducteur des mules qui portaient le bagage.
A Juajua, petite ville de 2 500 ames, au milieu des
montagnes, notre voyageur s'est laiss6 persuader que
la longevit(5 y atteignait jusqu'a centvingt etcent Irente
ans, quoique les jeunesfiUes m^tiset espagnoles soient
luibiles a dix ans, et eni'antent quelquelbis des I'age
( 204 )
de hnit ou neiif ans. Mais ce fait incroyable esl ck^ruit
par iin passage ulterieur relatif au Perou du siul, oil
il est dit (|ue Ton ne Irouve j)as iin soul octogenaire
dans le pays, ou lea fdles sont nuhiles a doiizo ans.
A Jiiajua, il en convienl, il n'y a de recenseuieni
d'auciinc ospece dans la population, ct aucun nioycn
de veiifier celtc long^vile pretendtie. II ne resle que
des Iradilions, connne on en trouve en lous les pays,
meme en notre vicilie Europe, quoiqu'un des psaumes
de David, altribiie inenie a Moise, fixe la dur^e ordi-
naire de la vie de I'lujnime a soixanle-dix ans, ct
regarde I'age de (lualrc-vingts ans el an dela conime
tres exceplionncl.
Les caux de Juajun sunt tribulaires de I'Lcayali. Au
cenlre de lavallee, il y a les traces d'une ancienne cite
anterieure a I'etablissemenl du christianisaic. A Iluan-
cayo, on trouve des traces d'une civilisation avancec
dans la forme des constructions el dans la politesse
des habitants. La ville de Huanvelica. (jui a 8 000 anjcs
de population, est capitale d'un doparlement de
70 000 auies, dont un tiers est criSole ct les deux autres
Indiens aborigenes. Le pays est cel^bre par ses
mines de mercure cxploilees depuis 1570. Pendant
deux cents \ingt ans jusqu'a 1790, elles ont produit
1 O/iO 469 quinlaiix ou 42 294 livrcs par an. Les com-
munications avcc la mer entrainent deja dix jours
pour les marchandises et six pour les malles.
Nous passons asscz rapidcment sur ce voyage a
travers le Perou, parce que ce pays est assez connu
et ouvert a toules les investigations des voyageurs.
L'auleur dit quel'esclavage africain existe dans cetlc
partie du Perou, quoiqne M. Herndon nous ail appris
i
( 205 )
qu'il avait ete aboli par Je gouveruement ; mais, du
resle, les esclaves sont tres pen nombreux, smioul
dans les departements du sud.
M, Gibbon arriva, le 24 aout, a Cuzco, ancionnc ca-
pitale des Incas, apres avoir Iravers^ le fameux pont
suspendu enlre deux montagnes sur I'Apurimac, un
des affluents de I'llcayali; ce pont a 20 yards, plus
de 18 metres de haulcur.
Apres un s6jour de trois semaines dans cclte cite,
notre voyageur quilte les pays civilises pour allcr
explorer les sources de la riviere Madrc-de-Dios, dans
le pays des Indiens Chunchos, alors en liostilile avec
le Perou. Tel elait, en eil'et, I'un des principaux objets
de sa mission, mais arrive a la jonclion des rivieres
Pinlpini, Tone, Cosnipata et Rio-Gueros, qui forment
le fleuve Madre-de-Dios (i'Aniara-Mayu, ou le Serpent
selon les Indiens), large en eel endroit de 70 yards
(64 met. environ), ct innavigable encore, il fut con-
vaincu qu'il etait impossible d'aller plus avant de ce
c6t4, parce que les Chinchos, qui avaienl massacre les
missionnaires, etaient Irop sauvages, et le pays trop
desert el trop depourvu de ressources. Du reste, il est
demeure convaincu que le Madre-de-Dios n'est autre
que la partie supi^rleure du Purus, I'un des plus grands
affluents de I'Araazone, donl clle est separee par une
distance de 735 milles (1 183 kilom.).
II deplore que ce debouche ne soil pas ouvert aux
productions du pays el du deparlement de Cuzco ,
ainsi qu'aux riches mines de Carabaya. — Ce ne serait
qu'un voyage de dix-liuil jours pour les bateaux a
vapeur, en supposant qu'il n'y ait pas de rapides ou
de chutes, ce dont il n'a pu s'assurer, tandis que par
( '200 )
]e cap Horn, le commerce est oblige de depenser cent
vingt jours pour commuuiquer avec Cuzco. La gommc
elaslique [India Uuhbei), on caoutchouc, lui a paru
J'article le plus iinjiortant d'exportalion.
Le P^rou n'a oncore que 2 000 000 d'hahitants,
malgre la beauto de son climat, a cause dcs guerres
civiles donl il a ete agile : I'espril de la population est
re^olutionnairo, quoique bigot. II y a des resles dcs
supeislilions de la religion dcs Incas, et beaucoup de
couvonls. Les Fran^ais sont les plus populaircs parmi
les strangers.
L'auteur repril sa route vers le sud le 28 oclobre;
il passa le long dn beau lac do Titicaca, et enlra, le
7 novembre, dans la ville de la Paz snr le territoire de
la Bdlivie : c'est la inetropole commercialc dn cetle
republiquc, dent le territoire penetre tres profonde-
ment dans I'interieur de i'Am^rique et n'a qu'un port
sur le Pacifique.
La ville est situee sur une poiiio riviere, affluent du
Beni, laquelle n'est qu'en parlie navigable. Le Beni
lui-memc est un des grands trlbutaires du Madeira.
Le bassin de ces affluents est, selon restimation de
M. Gii)bon, aussi grand que celui du Nil, plus large
que celui du Danube ou du Gange.
Cetle capilale, de /iSOOOames, a un Ihealre, un
iDusee,une blijliollieque , di^s rues bien pavees, de
belles Fontaines, un peuplo bospitalier, et un certain
nombre d'etrangors. Les lomnies, que l'auteur trouve
cbarmantes, vennient de recevoir et d'accueillir de
nouveaux cbapeaux fran^ais, landis que I'armeo aussi
avail re9u de Paris de nouveaux uniformes.
L'esclavagc a et^ aboli dans ce pays par la rinquiemc
( 207 )
Constitution de septembie 1851. lln membro du
congres, Ires populaire et tres eclaire, proposa de
declarer la liberty des cultes; inais il se trouva seul
de cette opinion: les eveques, lesprelres et I'lilglise de
Bolivie, ainsi que Ips deux petils journaux de la Paz,
s'^lev^rent contre lui. On agita la question de savoir
si ce senateur patriote ag(^ et ^prouve etail un hoinme
Hbre. Selon le cinquieme article de la Constitution, la
religion apostoliqiie romaine est la religion de la Bo-
livie; son culte est exclusivement protege; cependant
la lil)ert6 de conscience est reconnue. Les Indiens
n'ont aucune part au gouvernement.
Les mines du Potosl sont maintenant un apanage
de la Bolivie. Sa capilale n'a que 16 700 de popula-
tion : son territoire est appele le Cerro-diPasco. Elle
est pres de la source du Patumayo, I'un des plus grands
affluents du Paraguay, qui n'est pas navigable pour
les bateaux ^ vapeur dans la Bolivie, et ne le devient
que dans la confederation Argentine. Potosi a un
hotel des monnaies, ou Ton a frappe, en 18Zi9, pour
1 000 600 dollars.
Mais le produit des deux melaux a ^te, en 1806,
de 21186Zi60 dollars, et, en 18A6, il etait encore a
9 789 660.
Notre voyageur ne se rendlt pas a Potosi, mais a
Cochambamba, dans la province de Bolivie a Test,
qui renferme une population de 231 000 Creoles et
de 64 000 Indiens ; la capilale a 30 000 et plus de
population.
Ayanl appris que le president de la republique,
Belzu, avec les trois ministres composant le gouverne-
ment de la Bolivie, s'titail rendu de Sucre, capilale.
( 208 )
cle cet filat, a (loclial)amba , M. Gibbon lui demandu
line audience, pour solliciler, au nom dos Llals-Unis,
une route plus directe que celle du cap Horn. Le prti-
sidenl lui repondit que la Bolivie etail eiicoie dans
I'cnfance, et qu'il sorait (Micbant6 de s'allier avcc les
Elals-Unis parce que les deux nations sont americaines.
Le lieutenant Gibbon n'^lant pas un agent diplo-
matique, ne pouvait que r^clamer dos facilites pour
son exploration, et c'esl ce qu'il obtint (22 dec. 1851).
En ce moment le minislre du Bresil avail conclu
avec le Perou le traite dont nous avons parle, et il
travaillail a obtenir de la Bolivie la navigation exclu-
sive pour le Bresil des rivieres parcourant les vastcs
contrees de la Bolivie. — Plus loin I'auleur parle d'une
note remise au president Belzu par un envoye extraor-
dinaire du Bresil, pour la concession de la navigation
exclusive du Madeira et aulres affluents de I'Amazone.
Cette note fut combattue par deux porsonnages, qui
representerent qu'il serait plus avantageux de traitcr
avec une compagnie qui s'obligerait a inlroduire dans
la r^publiquc les aits mecaniques, les machines et
instruments proprcs a favoriser I'agriculture et I'ex-
ploilation des mines. Le pr<5sident 6tait d'ailleurs
favorable a I'ouverlure do la navigation libre au com-
merce des Elats-Lnis. Le minislre bresilien repondit
que d^ja les Iitats-Unis s'etaient fait c^der un large
territoire par le gouvernement de Mexico, et que c'etait
un acheminemenl pour cux de s'etablir dans I'Ame-
rique meridionale. Au rcste, ce mini&tre, n'ayant pas
et6 re^u dans son caraclere oHiciel, dcmanda scs passe-
ports el se retira. Les opinions etaienl divis(ies aCocha-
bamba: quelques-uns disaient qu'il serait sage de
{ 209 )
declarer les villos siluees surles branches du Madeira,
porls francs pour Ic commerce du monde ; les aulres
voiilaient qu'on menageat le Bresil, afin de faire par-
venir plus facilcment les produits de I'exportation a
I'Allantique. Lesmarchands de Cochabamba employe-
rent leur influence pour encourager tout acle tendant
a favoriser le droit de passage a travers le territoire du
Bresil jusqu'a I'Ocean.
Du resle, M. Gibbon oblint du niinislre ordinaire du
Bresil, des passe-ports et des rccomraandalions pour
le gouverneur de Mata-Grosso.
Notre voyageur passa dans la Bolivie I'hiver de 1851
a 1852, et no parlit de Cochabamba qu'au mois de
mai, apr^s avoir fait, le 28 avril, une courle excursion
au lac Vara-Vara.
La Bolivie n'a qu'une population de 1 000 500ames,
dont plus de la mollis est indienne ; il n'y a que quatre
journaux : son gouvernement est d'ailleurs regulier et
en relation avec I'Europe. II est fort accessible aux
etrangers.
II y a des manages nombreux a Cochabamba, ou
le sexe, d'ailleurs plus beau que dans le reste du pays,
est quintuple de la population masculine. Les filles
sont nubiles a douze ans, et Ton ne connait pas de
vieillard plus qu'octogenaire; de 1826 al851, la popu-
lation a augmente d'un tiers.
En sorlant de celle ville, notre voyageur Iraversa la
Mamore appelec acet endroil Rio-Grande, parcequ'elle
a d^ja 150 yards (137 metres) de large; elle se dirige
au sud et fait un Ires long detour.
M. Gibbon quitta la riviere pour longer le Paracti
non encore navigable. On elait deja dans le d6sert,
( 210 )
jiarnii les Indiens Yaracares a deml civilisds. Arrive i
Vinchiiln, il y troma ce qu'on appelle lo port, ou
commence la navip;alion en canots , cl ou il y a six
liangarHs et iin agenl du goiiverneinent.
La riviere grossie par des alTluenls prcnd ici le nom
do Chapare ; elle esl large de iOO yards el profonde do
12 piods (3"»,65c)). Dt^sorniais noire voyageur a quilte
la terre, el descend en canot les rivieres, dans la
direction du sud au nord. Les terres de cos contrives
sonl ferliles. Le gouvernement les offre a tout prix aux
citoyens el m^me aux etrangers; mais il y a peu d'c^mi- '
grants, et encore moins d'acheleurs.
Le Cliapor(5 fait ensuite sa jonction avec le Mamord,
fjiii, apres avoir fail un immense dtitour a Test, a par-
lir de sa source pres de Cochabamba, pour arroser
Santa-Crux, capitale d'un deparlomenl de la Bolivio,
revient au nord-ouesl ; la, ce fleuve a 30 pieds (9",l/il)
de profondeur, ot /jOO yards (SGo^.GOO) de largeur.
La villo de Trinidad qu'elle arrose, est peuplee de
plus de 3 000 ames; c'csl Ic chef-lieu d'un ddparte-
ment; elle n'a que 20 soldats de milice el 5 officiers
de garnison ; elle esl batie avec des rues a angles droits.
La popnialion du dd|iarteraenl n'ost que de 30 000 In-
diens Mojos, souniis, et d'un petit norabre de Creoles;
panni eiix, il est a peine 7 000 contribuahles pour les
depenses du gouvernemenl. C'est un lieu d'exil pour
los lepris de justice.
Le voyage vers I'Amazonc devienl, a ce point, Ires
difficile, parce que la po|)ulation diminue, et quo les
rives du fleuve sonl visitees par des sauvages redoutes ;
surtout prfes des chutes ou rapides qui entravent la
navigation. Les canots longs cl elroils des Mojos ne
( 211 )
sont plus suffisants, et presentent par cette longueur
meine, dans les chutes, le danger d'y 6tre brises ;
on les remplace par des barques plus courtes ; les
Mojos ne voulaieiitpas d'ailleurs s'engagerau dela des
rapides.
Le plus grand coinmerce de ce pays est en sel. La
population est devoree par la petite v^role : pendant
le court sejour de M. Gibbon a Trinidad, il perit
100 personnes de cette maladie.
Le 19 aout, le Ihermometre donnait 80 degres Fah-
renheit a I'air (26°, 07 centigr.) et dans I'eau 7S de-
gres (25°, 56 centigr.). Stir cette partie du fleuve, on
compte jusqu'a 18 especes de poissons.
Notre voyageur arriva le 5 septembre, a I'embou-
chure de I'ltenez, dans la Mamore : c'est a Test la li-
mito de la Bolivio et du Bresil. L'ltenez varie de
ZiOO a 600 yards (365 a 5^8 met.) de large; il traverse
un pays plat et bien bois^ : la chaleur s'elevait jus-
qu'a 30 degres centigrades; ses bords sont visiles par
des tigres, el inondes de inoustiques. M. Gibbon re-
monta l'ltenez jusqu'au fort du prince de Beira, d^-
fendu seulemenl par liO soldats noirs. II depend du
gouvernement br^silien de Mato-G rosso, auparavant
Villa-Bella, dont il est <^loigne d'lin mois do route.
IN'est-il pas prodigieiix que le Bresil ait etendu sa do-
mination si loin, et surtout qu'il aitpouss^ encore plus
a I'ouest des posies jusqu'aux limites du haul P^rou, a
Tabalinga, a I'embouchure de I'Yavari ? Ces contrees
sont compl^lement d^sertes et encore inconnues; il
est bien desirable qu'on remonte le cnnrs entier de
ryavari.
Au fort de Beira, notre voyageur hesita s'il se ren-
( ^il2 )
drait par tcire a Rio-Janeiro, nialgre la distance, uu
s'il rejoindrait les sources du Paraguay pour rcnlror
dans I'Atlanlique. I.e motif de celle hesilalion elait
la crainle de ne pas Irouvcr d'embarcalions capables
de franchir les nombreuscs cbules du Mamor^ tt ilu
Madeira. Mais un n6gociant de Para, qui avail remonte
CCS fleuves en faisant dc nombreux portages, lui ccda
une de ses enibarcalions, et il put recruter assez de bras
pour la manceuvrer dans les endroits perilleux. II re-
desccndit done I'ltenez el ronlra dans le Mainor^ le
17 soptcmbre. Les deux rives paraissent propres a la
culture, mais sent liabitees par des Iribus sauvages. Les
n^gres de I'cscorte trouv^rent une grande quanlite de
noisettes dont ils se nourrissent, ainsi que les Indicns;
ces negres sont de pauvres pecheurs, tandis que les
Indiens trouvent dans la peche leur existence la plus
assuree.
A mesure qu'on descendait, le fleuve s'dlargissait
jusqu'a un demi-mille (800 met,) et s'approfondissait
de 24 a 48 pieds. Mais, le 20 scptembre, on arriva aux
premieres chutes. Le lleuve est encombr^ d'iles et dc
vochers : ils rendent la navigation a la vapeur impos-
sible, et la contrec est absolument deserte. On eut de
plus a sc metlre en garde conlre les sauvages, qui
caus^rent plusieurs alertes, et centre les tigres.
A la cinquieme chute se fait la junction du Beni el
du Mamore, ce qui desorraais constitue un seui fleuve
du nom de Madeira. La, sur la rive gauche se lermine
aussi le territoire deBolivie. Au nord, a Touest comnie
a Test, est I'empire interminable et ficlif duBresil ; car
on n'y trouve aucun etablissement; c'esl le ddscrt le
plus absolu ; cl nous ne doulons pas que quiconque s'y
( 213 )
(^lablirail n'endcvinl leigitime proprietaire el souverain.
Nous concevons que la Bolivie ou le Perou n'en aient
point I'ait I'occujialion : ils ont deja assez do deserts a
peupler avant d'y songer.
A 1 'embouchure des deux rivieres, il y a une nappe
d'eau de 600 yards environ (558™, /lOO); un peu plus
has, le Madeira est large de 1 niille ou 1 600 metres.
En 18/|6, I'exploration du cours inferieur a ele laite
par J. -Aug. Palacios, gouverneur du departenienl bo-
livien de Mojos, jusqu'au-dessons des chutes du Ma-
deira ; et la carte qu'il on a publiee est reniarquable-
ment correctc. Mais la parlie superieure du Beni est
encore inconnue a I'Europe; on sail seulement que
ce fleuve est obstrue par des chutes qui en rendent la
navigation impossible pour les bateaux a vapeur.
Le Madeira coule d^sormais a travers la province
bresilienne de Pailiti; mais celte province est inha-
l)itee.
Cette rivifere est deja cel^bre par ses nombreuses
chutes qui sont, en general, de 15 pieds environ. L'au-
tour, dans une gravure expressive, indique les proce-
d(^s par lesquels les n^gres et autres gens de I'embar-
cation, soitdu hautdes rochers, soil au milieu des flots,
parvinrentalaconduire a travers un chenal tres dange-
reux. Pendantcette operation loujours difficile, a cause
de I'ignorance ou Ton est de la profondeur des eaux et
du sol qu'elles creusent, on est loujours oblige de
faire le guet centre les attaques des sauvages. Si la ci-
vilisation avail amene des populations sur ces rivages,
les perils diminueraient sensiblemenl. On parvien-
drait avec la poudre acanon a fairc sauter les rochers
caches sous I'eau, el a tracer de nouveaux passages.
( 21A )
En allcndanl, et coiuine on coniple jusqu'a tlix-sept
chutes dans un espace de 240 niilles (386kilom('Mres),
qui couta douze jours de penibles iravaux a I'eujl^ar-
cation, il serail preferable de tracer une route de lerre
qui, en dpargnaiil los detours du fleuve, ne serail que
de 180 uiilles (290 kilometres), depuis San-Antonio,
terme septentrional des chutes, et la parlie navigable
du Mamor6.
Ces parages sont habiles par des Indiens enli6re-
ment nus et sauvages, niais faciles a contenir, noinmes
les Carapunas. Les parlies de Test paraissent les
plus fertiles surlout en gonunes elastiques, noisettes et
cacao.
A San-Antonio dune la navigation a vapeur aurait
son terme. A Tile Tamandua, enlre le 8' el le 9' degr6
de latitude, M. Gibbon rencontra une centaine de
Bresiliens venanl de I'Amazone pour reicoUer les sub-
stances propres a faire de I'hujle. On avail depasse les
pays sauvages, et Ton rentrait en communication avcc
la civilisation. Mais cet ollicier fut alleiiit d'une forte
li^vre.Le 4 oclobre, en descendant toujours le fleuve,
on eprouvait une chalcur de 88 degres Fahrenheit
(31", 11 centigr.) a I'air, et I'cau avail eile-meme
30°, 56 centigr. La largcur du Madeira variail de 600
a 1 000 yards, el Ton n'atteignait j)as sa profondeur
a 45 metres.
Plus bas, les Indiens p6cheurs etaient convenable-
ment velus.
A Rosania-de-Crato, on irouva un posle bresilien.
Le pays a Touesl est une inmiense prairie, qui pour-
rail uourrir de vastes troupeaux.
A Poito-de-Malaura, par le 6* degr6 de latitude, se
( 215 )
Irouve un autre posle bresilien ou il faut exhiber ses
passe-ports. Les fruits et les melons du pays sont d'une
grande beaute; la chaleur, dans cette airiere-saison,
6tait encore de 96 degres Fahrenheit (35°, 5t) cenligr.),
et la largeur du fleuve de plus d'un mille (1 kilom.
600 met.).
Eiifin I'expddition arriva a la \ille ou plutot an
village de Borha, le 111 oclobre 1852. II n'y a la que
300 habitants, et ce sont principalement des negres.
On sail que I'esclavage n'est pas aboli au Bresil. Les
Creoles sont tres indolents, et le commerce insigni-
fiani. La riviere est assez profonde pour recevoir des
vaisseaux.
Au-dessous de Borba, on entre du Madeira dans
I'Amazone ; a son embouchure, le fleuve issu de la Bo-
livie est divise en deux canaux, celuide I'ouesl, profond
de 78 pieds (24 m^t.) et large de 600 yards (368 met.);
le canal de Test a 3/i de mille (environ 1200 met.).
De San-Antonio, ou des dernieres chutes du Madeira
a celte embouchure, il y a 500 milles (800 kilom.) de
navigation libre. N'esl-cu pas d^ja une belle conqu6le
a faire au prolit de la civilisation? Le fleuve est prali-
cable en loules saisons pour un navire qui tire 6 pieds
(l"',S2Zi). On peut se rendre des Etats-Lnis aux chutes
de San-Antonio en trente jours. Qu'esl-ce qu'un voyage
aussi court, si les profits du commerce en couvraient
la dei)ense? La valeur de ce commerce, a I'egard du
Perou meridional et de la Bolivie, est deja evaluee a
10 000 000 de dollars ( 51 500 000 fr.) .
On sait par les voyages de M. de Caslelnau qu'a
Test du Madeira sont encore deux grands affluents de
I'Amazone non explores, le Tapajos et le Xingu. Noire
(216 )
compatriote a liii-nifeine parcoiiru les bords des deux
aflluciils du fleuvc des Tocanlins, qui se jetle dans
I'Aniazonc pr6s de la ville br^silienne de Para, el
pul)lie des relations des contr^cs qu'ils traversent, avec
Gojaz, chef-lieu d'une province inlerieure du Bresil.
11 resle encore beaucoup a faire au sud de rAmazone,
puisqne entrc le Madeira et le Yacari se Irouvent
d'immenses rivieres non explorees, le Purus, le Tefl'e,
le Jurua, le Julay et I'Yavari, liniite imaginaire des
possessions du Bresil a I'ouest.
Puisse la perseverance des vovageurs et des gouvor-
ncnienls couibler ces lacunes de la g(^ograpbie ! Puisse
surtoul le gouvernement imperial du Bresil accorder
aux voeux des puissances et du coinuiercc la libre
navigation de tous ces fleuves ! C'esl peut-elre le plus
silr nioyen pour lui d'y conserver une souverainele
jusqu'a present ephem^re et puremenl nominale.
{ 217 )
iVoiivcllefS et coniiiiunieaiioiis.
EXTRAIT DE DEUX LETTRES DE M. LE COMTE D ESCAYRAC
A M. JOMARD.
Le Caire, 5 fevrier 1 855.
Dans une note sur la canalisalion tic rislhme cle
Suez, publiee dans le numero de decenibre (185Zi),
M. Tremaiix exj)rinic la ciainle que les Iravaux de
canalisation ne soient rendus fort difficiles par la
nature d'un sol consislant en dunes et sables niou-
vants. Je m'empiesse de rassurer acet egard la Society
de g(^ograpliie, et le voyageur distingue que je vieiis de
nommer. Le sal)le qui forme la partie de Tisthnic de
Suez, que suivra le canal, est si ferine que les derniers
voyageurs, MM. de Lesseps, Linant-Bey, Mougel-Bey,
Ahas, y ont relrouv^ partout les traces des divers cam-
pements de M. Bourdalouc, en 18^7, et de Linanl-
Bey en 1853. Sur la route du Caire a Suez, trac«5c
sur le meme sol, on n'observe aucun niouvement de
sable, et les sables provenant des travaux effectuc^s sur
cetle route et amasses sur ses deux coles, ne s'eboulent
point par I'effet du vent.
De Suez au bassin des lacs amers, il n'y a point de
dunes; du bassin des lacs amers a la Medilerranee ,
il y en a quelques-unes ; mais le canal ne les traverse
point et ne les longe pas; il passe a une grande dis-
tance a I'ouest de ces dunes, qui, poussees paries vents
du nord-ouest, gagnentdansle sud-esl. L'ancien canal
partait du Nil; s'il a ele souvent envase, cela liont a ce
IX. MA us ET AVRH.. 7. 15
( 218 )
qu'il n'elait envahi par les eaux que pendant une
parliodel'annee, ets'il a 616 abandonn^, c'est en raison
de motifs poliliques qui n'existent point de nos jours.
Aucun obstacle serieux ne s'oppose done au perce-
ment de I'islbrae de Suez; celle ceuvre tloit elre palron-
nee par toules les nations soucieuses de leur gloire et
de leurs intt^rels, et il y a lout lieu d'esp^rer que les
travaux du perceuient commenceront bientot.
Je m'occupe en ce mouienl a recueillir des vocabu-
laires galla, nubien , fourien, etc. Je prcndrai niille
mots de cbaque langue et des pbrases; je t'erai de plus
conjuguer et d^cliner par mes informateurs, afin de
pouvoir presenter la grainmaire.
J'emploie un syst^me de transcription imaging par
moi et que j'aurai I'bonneur de vous souniettre ulle-
rieurement : j'ai commence par le galla : jc posside
troisesclavesde cette nation, ce qui facilite mon travail.
J'entreprendrai prochainement le nubien, puis le
fourien ; pour cette langue je ferai chercher a el Azliar
des eludiants du Darfour. Je vous serai infinimcnt
oblige de m'ecrire ce qui existe sur ces langues,... etc.
C" d'Escayrac de Laiture.
^TUDES ETHNOGRAPHIQUES DE M. VALERIC.
L n arlisle des plus distingu^s, M. V. Valerio, qui s'est
consacr6 depuis plusieurs ann6es a des Eludes elhno-
grapbiques, au point de vue des types de figure el des
caracteres pbysiquesde race, est de retour d'un voyage
qu'il avait enlrcpris sur le Danube. M. Valerio s'dlait
(leja fait coimailre par deux explorations de la Hon-
( 210 )
grie. FrappL' <lii grand nomljrc d'habilants dc raors
divorses qui se Irouvenl r6iinis siir le sol do ce
rovaiinio. il forma le projet d't^tudier, en artisle-
elbnologiie, ces populations; et hravant les difficultos
de toLile espece qui s'attachaient a I'exploration d'un
pays fumant encore de la guerre civile et place sous
le rt'gime de I'elat de siege le plus rigourcux, il couriit
de cabane en cabanp, de camp en camp pourpeindre
les typ^s les plus saillants qui s'oil'riraient a lui. C'est
ainsi qu'il a rapporle en France une collection d'aqua-
relles et de dessins qui ont fail I'admiralion de lous
les connaisseurs. Ces magnifiques ported uilles qui ont
produit cbez ccux qu'il a admis a les examiner, une
veritable sensation, ont fourni a leur autour le fond
d'une publication elbnograpbique gravee a I'eau-forte,
mais qui, malgre son merite, ne saurait donner I'idee
de la perfection des originaux.
Celte fois, M. Valerio, qui a appris a ne pas s'eflrayer
des epreuves et des dangers de tout genre, a pousse
son exploration plus loin. Songeantque I'armee turque
avail rcuni sur les bords du Danube les populations
desconlr^es les plus eloignees.il entreprit d'aller otu-
dier sur le Ibealre de la guerre ce cui'ieux assemblage
de races massees par I'empire ottoman contre son
ennemi du Nord. Le gouvernement francais voulut
s'associer a I'ex^cution d'un projet que le merite per-
sonnel de son auteur garantissait devoir elre men6
a bonne fin, donna une mission sp^ciale a M. Valerio,
et c'est sous les auspices de S. M. I'Empereur qu'il
s'est rendu, Veti dernier, par Vienne, en Servie, en
Valachie, dans la Dobroutscha.
Les aquarelles el les dessins que M. Valerio a rap-
( 2-20 )
port^s de son voyage, ne sont pas moins remarquables
que ceux dc son exploialion en Ilongrie. Admis h voir
ces portofeuillcs, j'v ai reliouvo loiiles k'S qualites qui
in'avaienl seduil, comine bien d'aulros, dans scs pre-
codentes eludes. Jamais, avanl M. Valerio, arlisle iic
s'elait attache a reproduire avec aulant de verity les
moindres details des traits, de la physionomie.du cos-
tume d'une race ou d'une population. II n'y a pas
de description qui puisse valoir pour Tellinologisle cetle
reproduction si fiddle et si saisissanle des types d'une
nation ou d'une race. M. \ alerio a pris soin de clioisir
des individus des contrees Ics plus c^loigneesqu'il avail
retrouvees surloul dans Ic corps des Bachi-Bozouks :
des nej^rcs venus de la haute l!-gy}>le et que rosclavage
V avail conduits de 1 interieur de I'Afriquc; des Kurdes,
des Egypliens, des Arahes, des Turcs, des Grecs, des
Albanais. En face de ces irreguliers, iM. Valerio a des-
sine ou peint des Serbes et des Valaques des deux
sexes. II a retrouve aussi , en Valachie, ces Zingaris
ou Bohemiens dont il avail fait en Hongrie de si deli-
cieuscs aquarelles. Ce qui m'a frappe dans ces portraits,
la plupart en pied et auxquels le costume national
<lonne encore un cachet plus remarquable de v(^rile,
ce sonl les caract^res bien tranches des diff^rentes
races. Le Serbe a une physionomie a pari, qui se rap-
proche d'un cote du type de quclques cantons slaves
de I'ancien archiduche d'Aulriche, el de Tautre du
type poloriais. En Valachie, surloul chez les femmes,
la physionomie rappelle celle des Russes. Les Kurdes
n'ont rien de commun dans les trails avec les Arabes
el les Turcs ; la forme du nez est chez eux caracteris-
lique. Enfin les Albanais ne se distinguent gu^re en
( 221 )
realite cles Grecs, dont ils ne sont qu'une variete. Ce fait,
en desaccord avec certaines theories qu'on avait pro-
diiites, ressorl avec evidence des temoignages de visit.
L'absence de femmes rend lualheureusement pour
les races que M. Valerio a rencontrees dans I'armee
turque, ces etudes moins completes que celles qu'il
avait entreprises en Hongrie. Mais il faut reconnaitre
par contre qu'il avait a vaincre des difficulles nouvelles.
Les pr^juges d'un grand nombre d'individus apparte-
nant a I'armee irreguliere ottomane s'opposaient a ce
qu'ils se laissassent peindre; la foi musulmane inter-
disant les porlrails. De plus unc affreuse epidemic,
le typhus, s6vissait sur les bords du Danube quand
M. Valerio les visita, et I'incurie el la maiproprele de
ces populations ajoutaient a la contagion. Ces Bachi-
Bozouks, qui ne connaissent que leur chef, ignorent
pour la plupart le turc et vivent dans un etat de bar-
baric cosmopolite, ont sans doute un vif int(^r6t pour
le savant et I'artiste, mais sont un juste sujet d'effroi
pour ceux qu'ils viennent prol^ger. La science doit
done une veritable reconnaissance a rarlisle distingue
qui, au milieu de lant d'obstacles, a mis un rare talent
au service de relhnologie, Dans un travail, redige il y
a plus de deux ans (1), j'avais oppele I'attention des amis
de cette science sur I'utiliti!! qu'il y aurait a recueillir
les portraits fideles des individus types des diverses
races , pour chaque contree et chaque population,
M. Valerio avait de son c6t6 con^u la meme idee, mais
(l) Voyez Questions relatives a I'ethnoloyie ancienne de la France,
dans I'Annuaire de la Societe imperials des aiitiquaires de France,
pour I'annee i853, p, 194 et suiv.
( '222 )
ce qui est inniiiinent plus important, il I'a r^alis^e.
Nous appelons de loutes nos forces le moment ou ce
courageux voyageur pourra publier convenableinent
le rc^ullat dc ses truis explorations. Le goiivernement
frangais, en palronnanl une paroille publication que
scul peut-filre il a les moyens tie faire reussir, paie-
riiil un noble tribut a la science et h I'art. Nous appre-
nons quo plusinurs des de.ssins de M. Valeric figure-
ronl a Texposition universclle. J'invite lous les amis
dc rethnologie ;'i aller les voir et a les dtudier.
Alfred Maurt.
CARTE DE LA COlltE (1).
La geographic dc la Coree, riche royaume, soumis
ux Chiuois coinme Iributaire seulement, el gou-
vcrn6 par des princes hereditaires indej)endanls, est
encore imparfaitement conniie , el les carles don-
n6es sur ce pays sont loin d'etre satisfaisantes. G'esl
pourqiioi la Soci«^l6 a juge a pro|)os de publier
une carle que vient de rapporler, de la Chine, M. de
Monlignv, el qui est deposee a la Bibliotheque imp^-
riale. La division des provinces, marquee sur celte
carle, difl'^re do celle qu'on trouve mentionn^e
ailleurs ; la nomenclature y est plus riche et les details
V sont plus nombreux; mais malheureusemenl les
nionlagnes n'y sont pas ex|)rimees. Le vrai nom de la
capilale, Jniaii^, ou Seoul, dans la province do Kieng-
kei-to, manque dans les trailes de geographic, el les
noms des luiit provinces sont un peu dillerenls, no-
a
(i) Voyez, Jnns le Bulletin de Janvier -fevrier, celte carte de la
(joree, <|ui a etc reiluile a l.i tiiuilic dc rorij;iii<il.
( 223 )
taminent celui de la province du sud-est, Kiein'-satiL'
ou Kieng-sang-to , appelee ailleurs Kin-chan. II est
vrai que les noms des provinces, tels que les donne la
grande Encyclopedie japonaise, comme on le verra
lout a I'heure, sont aussi bien dilTerents. Enfin, il
senible qu'on ait un peu exag^re la longueur de cej^ays
en lui donnant deux cents lieues du nord au sud.
La temperature de la Coree est tr^s differente au
nord et au sud; les montagnes se couvrent do neige ;
on ignore leur hauteur absolue. L'agricullure y est
florissante, ainsi que le commerce avecle Japon et avec
la Chine. Le port de Nangasaki n'est pas tres 6loign6
de la province du sud-est.
On compte dans le pays plus de IGO villes ; mais
la population parait avoir et6 exageree dans les des-
criptions. Les habitants ont adople la religion, les
mcEurs, la langue et I'ecriture de la Chine, mais ils
ont un idiome a part. La Coree est fermee aux tHran-
gers; tout etranger qui aborde a la cote devient esclaye
par ce seul fait.
II a fallu se bornerici a donner une echelle approxi-
mative a cetle carte reduite, c'est-a-dire I'echelle de
1 a 1 963 000* (1), en prenanl pour base la carte qui est
dans I'allas de M. de Siebold.
La partie nord de la Coree, produite a la meme
Echelle que le reste, aurait fait sortir la carte des limites
ordinaires du Bulletin: on a 6t6 oJjlige de la reduirc au
tiers de I'echelle de la premiere partie : un Irait inlique
la ligne de jonction des deux parties; le peu de noms
(l) L'echelle lie la carle inserce au Bulletin lie jaiivier-teviier a
ete iiidiquce par eireur comme etant tie i .-981 5oo; ceUe proprortioii
est celletle rdchelle de la carte originate ct non cellc de la reduction.
( 224 )
inscrils sur cellc du nord pcrmeltait cette reduction.
Les niols notd el siul ont 616 places commc dans
1 'original, niais il ne faudrait pas rcgarder coninie un
meridien la ligne qui joindrait ces deux mots.
11 nous a semble qu'on ne pouvait niieux donner
dc I'interfit a la carle apportde par M. de Montigny,
qu'en empruntanl quelqucs trails de la description de
la Cor6e a la grande Encyclopedie jopnnnise ; c'est pour-
quoi nous avons eu recours a un jeune savant qui
s'occupe du japonais (et qui est sur le point de publicr
un diclionnaire de cette langue), M. L6on de Rosny,
pour faire un extrait de cet ouvrage peu connu ; il a
bien voulu faire eel exlrait : c'est la note qu'on va lirej
nous avons seulemenl cle forces de supprimer les
caracteres orientaux, qui auraienl prouvd I'exactitude
de la Iranscriplion des noras en caracl6res europeens.
« La Coree est appelee, par les Chinois, Tchao-sien,
c'est-a-dire I'lilegnnce du matin, cl, par les Japonais,
Tcho-sen. Les indigenes oux-meuies dans Icur langue
natale appellonl la Coree Tcho-seu. (Juanl au mot Coree,
il simble assurement venir des mots kao-li (japonais
korai, qui signifient la haute elegance, expression adop-
tee en Cliine et au Japon , pour designer la Coree).
» Dans I'ouvrage sinico-japonais intitule : San kok-
dzou-ran , c'est-a-dire Considerations sur les trots
royaumes, se Irouve une belle carle de la Coree, r6di-
gee en chinois et japonais, cl sur laqucile figurent
meme quelques groupes coreens, destines a indiqucr
les quatre points cardinaux : clle a pour litre chinois,
Tchao-sicn pa-tuo tchi sou, c'est-a-dii e Carte des knit
provinces de la Coree. Elle a el6 publi^e a Myako, la
( 225 )
cinqiiieme ann^e de la p^riode leu-niee (r^pondant
a 1785) a I'autorane.
)) Voici les noms des huit provinces, d'apr^s la pro-
nonciation transcrite en caract^res japonais :
1. Ter-ra-lai.
2. Keg-chak-tai.
3. Tchig-chag-tai.
h, Ken-ki-tai, province ou se Irouve situee la capitale
(Aing-sse).
5. Ka-an-tai.
6. Ba-l'ai-lai.
7. Fami-kyan-tai.
8. Be-an-tai.
» La capilale de la Coree (King-su) silu6e, d'apr^s
cetle carte, dans la province Ken-ki-tai, a quatre
portes principales qui portent chacune le nom de
I'un des quatre points cardinaux, la porte du nord
[pak-mou], la porte de Test (to-mou), etc.
» Line des principales iles dependant geographique-
menl de la Cor^e, est situee a Test et porte le nom de
Yak-lien-to. Eile forme un rojaume, appel6 le Royaume
des mille montagnes. Sen- (Chen) san-kok (des mon-
tagnes innombrables). Le mont le plus 6lev6 est ap-
pal e ho (lake (pr. jap.).
» Dc la Cor^e a I'lle de Tsouchima, qui est Tile
japonaise la plus rapprochee de la presqu'ile de la
Coree, il faut compter AS ri (lieues japoiiaises) de tra-
versee. De I'ile de Tsouchima a I'ile d'Iki, il y a encore
/|8 ri de dislance (par mer) ; enfin de cette derni^re
lie a Firando (Fi-ra-do) il y a 30 ri.
» La Coree est separec de la Chine par une large
riviere appel^o Oriyok-gava (ou mieux Oryok-gavaj.
( 226 )
All noid-OLiusl de la Coree comuience la grando iiiu-
raille de la Chine, au nord de laquelle est silu6e le
pays des Orankai.
)) Ij'iiisloire de la Coree commence par une suile
de Iraditions m) ihologiques au milieu desquelles ap-
parait un liumme surnalurcl appel6 Tan-kiun, c'esl-
a-diro le prince de I'arbre Ian (santal) qui ful irouve
sous un arbre de santal par les indigenes primitifs do
la Coi'^e, qui en firent kur roi.
» Au commencement de noire fere, la Coree dtait
di\isfee en irois royaumes qui porlaient les noms de
Faksai, Suria? el Korai, ce (jui composail les san-kan
ou trois-kcin. Apres plusieurs revolutions el apres avoir
^te successivemenl sous le joug du Japon et de I'em-
pire Chinois, la Coree est enfin devenue colonic Iribu-
taire de ce dernier pays, bien qu'ayanl neamnoins un
roi particulier.
» Lne des plus curieuseshistoires de laCor^e, parmi
celles qui sont parvenues jusqu'a nous, est le Tsyo-
sen mono gatari , dent quelques fragments ont fetfe
publics dans le Aippon de M. von Siebold, La grande
encyclopedie japonai&e, It a-kau-san-sat-dzuu ye, ren-
I'erme 6galemenl, a deux cndroits difl"6rcnts, des
articles sur la Coree. »
JOMARD.
ISotci. Dans la carte apporl^e par M. de .Moiiligny,
I'une des provinces orientales porte le nom de Kang-
guen-to; c'est sans doule Kiang-yuen-to qu'il aurail
fallu ecrire.
Pour la rectilication de I'echelle de la carte, voycz
la note de la page 223.
( 227 )
NOUVELLES DIVERSES.
NOUVEIXE PUBLICATION DU LIEUTENANT F. MAURY.
M. le lieutenant F. Maury, de la marine nationale
(les I^tats-Unis, vient de publier sous le titre de The
Physical geography of the Sea (Geographie physique de
la iner), un ouvrage plain d'inleret renfermant une
exposition systeniatique des travaux importanls qu'il
poursuit depuis longtemps sur la marche et la distri-
bution des vents et des courants. C'est en quelque
soite le lexte de la belle carte qu'il a fait paraitre, il y
a quelques annees, el qui est I'une des lentatives les
plus heureuses qui aient encore ete faites pour tirer
la meleorologie maritime du chaos dans lequel elle a
ete jusqu'a present plongee.
NAVIGATION DE L AMAZONE.
Don Manuel Ijurra, gouverneur d'une des provinces
du Perou, baignee par le fleuve des Amazones, vienl
d'accoinplir en Irenle jours le voyage de Nauta a New-
York. Embarqut^ sur un steamer dans cetle premiere
\ille, qui est situee au pied des Andes peruviennes et
que sa position ravissante rend un des lieux les plus
delicieux de I'Am^riquc, il est arriv^ en quatorze jours
a Para, apr^s avoir passe six jours en relache duranl
cette navigation; en quinze jours il etait rendu aiix
fitats-Lnis.
11 scmblo done que Nauta soit appele a jouer un
role important dans les progr^s que le commerce ne
( 228 )
tardera pasafairedansrAiueriquedii bud.Si.rcpon l;int
aux inl^rels de la civilisation, le Bresil accorde le libre
droit de navigalion sur TAnQazone, Ic fleuve deviendra
pour le continent meridional ce qu'esl le Mississipi
pour le continent septentrional, et son parcoiirs jour-
nalier achevcra de nous ouvrir le inognifique pays
qui I'entoure.
MORT DE M. J. D^SAUGIERS.
La Society de gcographie a perdu, le 28 avril dernier,
I'un de ses membrcs les plus dislingues et dont le noni
elait fait pour I'honorer davanlage. M. Jules Desau-
giers, ancien conseiller d'Etat, ancien directeur des
affaires coinmerciales au ministere des affaires 6tran-
geres, officier de la Lt^gion d'honneur, commandeur
de I'ordre du Lion neerlandais, est mort a Paris dans
sa soixante-dix-neuvieine annee.
M. J. Desaugiers 6tait I'un des veterans de la diplo-
matic IVanQaise. En 1793, n'etant point encore age
de dix-sept ans, il parlit a la suite du niinislre pUni-
polentiaire Grouvelle , pour Copenliague, ou il ne
tarda pas a etre attache, ainsi que son frere aine, en
qualite de secretaire de legation. 11 garda cette posi-
tion jusqu'en 18H, epoque a laquelle il fut envoys a
la cour de Sclmerin, en qualite de charge d'affaires.
Sous la restauralion , il occupa successivement les
posies de consul general a Dantzick, Kcenigsberg et
Amsterdam. Apres I'etablissement de la monarchic
constitutionnelle de 1830, il fut appelc a la direction
(les affaires commerciales au minisl^re des affaires
elrangeres, poste qu'il occupa jusqu'en 18/11.
( -229 )
Dans ces emplois iniporlants, M. J. Desaugiors, que
la surveillance de nos inlerets commerciaux exterieurs
appelail a s'occuper de geographic, ne perdit aucune
occasion d'ea suivre les efforts et d'en hater les progres.
II voulut nifime faire passer dans noire langue I'un des
ouvrages qui ont jele le plus de jour sur la gdographie
ancienne, en traduisanl le livre de Heeren, intitule:
Idees siir les relations poHtiques et commerciales des nn-
ciens peuples (Paris, 1800, 1820, 3 vol. in-8'), traduc-
tion qui est nialheureusement demeur^e incomplete.
M. J. Desaugiers qui Irouvait dans ses deuxfr^res (1)
des examples d'un penchant heureux et decide pour
les lettres et qui le partageait, sut encore le fortifier
dans le commerce d'liommes distingues ; ami de
Niebuhr, de Letronne, de Clarac, il puisa pr^s d'eux
le gout des lettres savantes, mais se horna a les
cultiver modestement et sans hruil. Doue d'un sens
lilleraire fin et delicat qu'il devait a une forte educa-
tion classique, il avail un grand charme dans la conver-
sation. Sa bienveillance, son enjoueraent ajoutaicnt
encore a ce que son m^rite avail de consciencieux el
de solide. 11 emporte dans la lombe les regrets de
tous ceux qui ont ete assez heureux pour le connaltre
et I'apprecier.
La Soci6l6 de geographie, qui lo comptait depuis
longlemps parmi ses membres, I'inscrira au nombre
de ceux dont la memoire lui est le plus chere.
Alfred Maury.
(l) M. Aug. Des.'.ugiers, connu par des compositions dramaliques,
et Desaugiers, le celebre chansonnier et vauJevilliste.
( 230 )
RXTRAITS DES PROCES-VEHBAUX DES Sr^AN(:ES.
Seance da 2 mars 1855.
M. le g^n^ral Daumas, direcleur des affaires de
lAlgerie, adiesse a la Socicte sa carle du Saliara alg»'^-
rien, sa Notice sur lo cliauieau d'Afrique cl plusieurs
exeniplaires de V yllmanach algerien; il exj)rimc It? vceu
que la Sociele puisse tiouver quelque inl^rdt a cos
publicatiuiis. M. le general Daumas ajoule (ju'ii serait
lieureux que la Sociele vtl dans cet envoi uue preiive
de son desir de concourir a ses Iravaux, el de son em-
pressement a se niellre, dans toule circonslance, k sa
tlisposilion.
M. J. Perthes, de Gotha , adresse a la Soci^l6 la
J" livraison de I'atlas des Ktals prussiens, de Stieler,
el la 1" livraison de la carle geo^nostique du Thiirin-
ger-Wald , de Credner. M. Joniard annonce a celte
occasion que les tiavaux de I'elablissemcnl ^eogra-
phique de M. Perthes, diriges par M. Augustus Peler-
mann, doivenl ligurer honorablenienl a la prochaine
exposition universelle.
M. Jomard donne lecture d'une lellre de M. le comle
d'Escayrac de Lauture, niembre de la Sociele, dat6e
du Caire le 25 Janvier, renfermant des nouvcllcs de
deux voyageurs partis pour le fleuvelilanc, M. Vayssi^re
el M. Heuglin, consul d'Autriche a Khartoum, avec
des observations sur une carte du pays silu6 au nord
de I'Abyssinie, par MM. Vayssi^re el Malzac, el donl il
( 231 )
a 6le fait hommage a la Sociole dans sa precedente
stance. La nieme letlre contient des obseivalions sur
les iiffluents du Nil decouverts par M. Brun , sur le
nouveau projet de canal niariliuie a travers I'isthme
de Suez, et sur I'^tat actuel du Darfour d'apr^s le doc-
teur Cuny. Enfin M. le comto d'Escayrac annonce
I'envoi d'un travail dont il s'occupe pour le Bulletin;
c'est une fitude sor I'influence que le canal des deux
mers exercera sur le niouvement commercial du bassin
de la mer Rouge el, en particulier, sur celui du Belad-
el-Soudan.
Le secretaire donne lecture de la lisle des ouvrages
oflPerts a la Societe.
MM. Jomard et d'Avozac presenlenl, en outre, le
premier, la relation d'un voyage au lac Ngami, par
M. Andersson (voy. ci-dessus, p. 1A9), et le second,
la Iroisieme edition de I'exposition du systesne des
venls, par M. le capitaine de vaisseau Lartigue.
La Commission centrale prononce I'admission de
MM. Ernest Desjardins et Victor Gu£rin , present^s a
la derniere seance par MM. Guigniaut el Jomard.
Les memes membres proposent, comme candidats,
M. Henri de Brossard, attache a la direction des atlaires
de I'Algerie, M. Nicolas Dally, ancien prolesseur a
I'atlienee royal de Bruxelles, et M. Hebert, notaire
honoraire a Paris.
La Commission centrale precede a la reelection des
commissaires du concours au Prix d'Orlcans et elle
nomnie MM. Jomard, Isambert et De la Roquette.
La section de comptabilile soumet a la Commission
centrale le budget de 1855; il est adopte apr^s quel-
ques observations sur les mesures a prendre pour la
( 23-2 )
venle des carles exlraites dii Bulletin de la Soci^l6.
La Commission du Prix annuel fait connaltre vor-
balement les conclusions de son rapport sur ce con-
cours. La grando ni^daille d'or sera decernee a M. le
capitaine Mac-Clure pour sa decouvcrte du passage
nord-ouest, et M. Ic capilaine Inglefield recevra une
medaille d'argent pour ses d^couvertes dans les menies
regions.
M. Jomard esquisse de memoire, sur le tableau
noir, la carte mt^ldorologique de la France, telle que
M. Leverrier, directeur de I'Observaloire, I'a produile
la seniaine derniere, devant rAcademio des sciences.
Celte carte ropresenlait I'elal de I'atniosphere dans
loule la France pour le jour meiiie ou il en faisait
I'expose ct parlout a la menie heure, c'est-;'i-dire a
dix heures du malin, d'apres les renseignemenls Irans-
mis au moyen du lelegraphe eleclrique. A mesure
que les reponses aux questions arrivaient a I'Obser-
valoire, on tragait sur la carte, conlree par conlree,
la direction des vents; on notail I'etat nuageux ou
clair du ciel, I'indicalion de la pluie ou de la neige,
enfin loutes les circonslances atmospb^riqucs, absolu-
ment diff^renles aux extr^miles opposees du terrltoire,
a ce point que la difference entre la temperature du
nord et celle du raidi allait a 28 degres centigrades.
Le mSme membre commence la lecture d'un me-
moire de M. le comle d'Escayrac, sur I'ballucination
du desert, appel^e ragl par les Arabes, pb^nom^ne
qui se produit chez les voyageurs a la suite de veilles
prolong^es. (Voy. ci-dessus, p. 121. J
( 233 )
Seaiice tin 16 iiinrs 1855.
M. le sccrt^taire de la Society royale de Loiidres
remercie la Socielo de i'einoi de son Bidletiii, et liii
adrcsse le volume deses transactions pour I'annee 1854.
M, le secretaire de la Socii^le royale d'Edinibourg
adresse egalement la suite de ses transactions.
M. Daussy depose sur le bureau, de la part de
M. Penlland , la carle des decouverles dans les mors
Arctiques jusqu'en 185/i, et qui est offerte a la Soci^to
par I'amiraute anglaise.
M. Joniard fait remarquer, a I'occasion de cette
pr(^senlation, qu'en offrant cette mfime carte a i'Aca-
demie des sciences, M. Pentland a donne d'interes-
sanls details sur le facsimile d'une carte d'Andrea
Bianco, de 1/136, tiree d'un atlas du meme auteur, et
que public M. lo comte Miniscalchi dans un ouvrage
special destine a exposer les connaissances des Vt^ni-
tiens sur les conlries du nord de I'Europe. II rappelle
qu'il avait consulte enl8/i0, pendant son voyage a
Venise, ce curieux alias, conserve a la Bibliotheque
de Saint-Marc, et qu'il en a rapport^ des extraits, qu'un
ami du comte Miniscalchi, le Podesta de Verone, M. le
comte Orti Manara, a bien voulu completer. II attend
lui-meme un exemplairo Am facsimile de la carte de
Blanco, qu'il s'empressera de mellre sous les yeux de
la Sociele. «
Le mome membre fait hommage de la 3° livraison
des Monuments de la geograpliie.
M. Firmin Didot ecrit a la Societe pour lui olliir la
1" parlie du texte et des cartes des Pctils geographes ,
grecs. II exprime le vceu que la Societe jugo digno
IX. MAUS I'T AVRII,. S. 16
tl'iine attcnlion parliciiliere ccl iinporlanl Iraviiil du
a M. Charles Miiller. M. le prtisident signale les lexles
et les annolalions (|ui olTicnl Ic plus d'iiiU'rfel, et il
ajoiilu que ce travail lui parait a la hauleur de la science
modcrnc sous k-s rapports critique et pliilologique.
M. Isaiiibert, qui a deja fait un rapport prealable dans
la seance du 16 fi^vrier, sur la 1" partie de rouvrap;e,
confirmc ropinion exprimde par M. le president.
M. le secretaire donne lecture de la lisle des aulrcs
ouvrages deposes sur le bureau.
La Sociele adniet an iionjbre de ses membres
MM. de BuossAHD, Dally et HiiBKnT presenles dans la
derni^re seance.
M. Chaatah Effendi, ingenicur, eleve de la mission
egvptienne, est propose comme candidal par MM. Jo-
niard et Guigniaul.
M. Isanibert rend compte de la i" partie de I'ex-
ploration de la vallee de I'Aniazone par M. llerndon,
lieutenant de la marine des Etats-Unis. (Voyez ce rap-
port au Bulletin, p. 179.)
M. Alfred Maury fail un rapport sur la carle phy-
sique et meleorologique du globe lerrestre publi^e
par M. le docteur Boudin. (Voy. Bulletin, p. 17/j.)
M. Jomard donne de nouveaux details sur I'expe-
dition de la Pleiade dans I'interieur de I'Afrique cen-
trale ; il lail connaitre la mort Iragique au Thibet du
p^re Kric^, assassind ainsi que son compagnon de
voyage, par les gens d'une Iribu fanatique ; enfin il
depose sur le bureau plusieurs cxtraits de journaux
americains renferuiant des nouvellos geographiques.
La seance est levee a dix hemes.
( '235 )
Seance dii 30 mars 1855,
M. lo Ministre de rinstriiclion piiblnjue etdes cultcs,
president de la Sociele, annonco qu'il a ecrit a MM. les
Ministres de la uiarine et de ragricullure el du com-
merce pour les engager a contribiier avec son depar-
tement a augmentcr le chiffre du prix propose par la
Socit^l^ pour un voyage d'Algerie en Senegambie.
M. le Ministre de I'agriculture el du commerce s'cst
empresse de repondre a son appel et de seconder les
intentions de la Sociele en consacrant a cet objet une
somme de 2 000 francs ; il a pense qu'une exploration
qui avail pour but d'elablir des rapports entre nos
possessions de I'Algerie, et de la Senegambie et les
contrees de I'AtVique inlerieure, devait produire des
resultats utiles pour les inlerels (jui ressorlissent au
deparlement du commerce.
M. le president saisit ceile occasion pour proposer a
la Comnjission cenlrale, de concert avec la section
de comptabilile, de contribuer pour uric somme de
500 IVancs au succes de I'entreprise dont la Society a
concu la pensee, et qui doil s'executer sous ses aus-
pices avec i'appui et les encouragements du gouverue-
ment. Cette proposition est adoptee a I'unanimite.
MM. Ernest Desjardins et Henri de Brossard ecrivent
a la Sociele pour la remercier de les avoir admis au
nombre de ses membres, et ils promellent de s'eflorcer
de concourir a ses utiles travaux.
M. do la Roquette communique uiic lellre de M. le
docleur Barudi, avec un nuniero de la Gazette piemoii-
taisr du 10 mars 1855, dans lequel ce zcle correspon-
( 230 )
dant vienl de publicr un coinpto rendu des Iravaux ilo
la Soci^te pendant I'ann^e 185/i.
M. Joniaid coninumique une lellre de M. le comte
d'Escayrac ; co voyageur lui annonce de nouveaux Ira-
vaux : 1° sur le canal n)aritiine de Suez el sur la nature
du terrain qu'il doit traverser; 2° sur les langues afri-
cainesdont il se propose de recueillir des vocabulalres
et des gramniaires, Plusieurs n)cnibres, MM. Jomard
et Alfred Maury entre aulres, prennent la parole sur
ce dernier travail el proniottont de fournir des ren-
seigneinents propres a aider M. le comte d'Escayrac
dans ses reclierclies pliilologicpies.
M. le secretaire donne lecture des ouvrages oITerls
a la Sociele- Au nombre de ces ouvrages se trouve le
1"' caliier d'unt; nouveile publication geograpbique
de M. A. Petermann. dont MM. Jomard, V.-A. Maltc-
Brun et Vivien de Saint-Marlin font ressorlir I'iinpor-
tance sous le triple rapport deTinteret, tie i'exdcnlion
et de la raodicito du prix.
M. Cbaalab ElTendi, ingenieur egyplicn, presenle a
la dorniiire stance par MM. Jomard et Guigniaut, est
admis dans la Sociele.
M. Jomard, au noni d'une Commission spociaie,
fait un rapport verbal sur le concours au Prix d'Orleans
pour I'impoi tation la plus utile a ragriculture, a I'in-
dustrie ou a I'bunianitd. D'apres les conclusions de
ce rapport, le prix est d6cern6 a M. de Monligny,
consul general de France a Siiang-bai el Ning-po :
1° pour rimportation el I'acclimalion de plusieurs
especes utiles a I'agriculture, nolamment de I'ignanie
de la Cbine ou Dioscorea Batatas, do VUo/cus sacc/ia-
raliis, du riz du uord dc la C!:iii(,' et d'aiilics vegOtaux
( 237 )
dont noire agricullure est siir le point de s'enrichir;
1° j)om' rintroduclion el ruccllniatalion des douze
yaks de la Chine, deja distiibues dans plusicurs con-
trees de Ja France de cliniat different, et ou ils ont
parlailenienl reussi, et mfiaie oil ils se sont deja repro-
duits et multipli(is.
M. de la Roquelte continue, ])Our M. Joniard , la
lecture du Memoire de M. le couile d'Escayrac de
Lauture sur le I'agl ou I'hallucinalion du desert.
M. Alfred Maury pr^sente quelques observations sur
le ph^nomene observe par M. d'Escayrac, et exj^riine
I'opinion que cette hallucination renlre dans la cat6-
gorie des hallucinations hypnogogiques ou du demi-
somnieil qui ont 6te I'objet de divers travaux en Alle-
magne, et sur lesquelles il a publie un memoire special
en 18/i7, dans les Annales medico- psychologiques du
systeme iieiveux.
M. De la Roquelte reclame centre I'omission de son
noni dans le proces-verbal de la seance du 19 Janvier,
et il rappelie les observations qu'il a failes dans cetle
stance au sujet du rapport de M. G. d'Eichthal sur
les Types des races hutnaines, de MM. Nott et Gliddon.
L'heure avancee ne permet pas a M. Vivien de Saint-
Martin de I'aire une communication sur TAlVique
centrale ; celte lecture est renvoyee u la prochaine
seance.
( -238 )
OUVUAGES OFFEllTS
DANS LES SEANCES DES 2, 16 ET 30 MARS 1855.
EUUOPli.
Tilres (les ouvraijes. Donateurs-
Erg.lnzungen zu Stielci's Ilancl-Allns, Der Preussische Staat in lo co-
lori/.teti KarlL-n. i" !ivi-. Gollia, i 8i)5. — Geognosticlic Kane lies
Tliuiiii(;c-r Wakk-j, von licimicli Criilmr. i" liv. Golha, i855. —
Versucli cinei liildungsgeseliichle der geognosliscUen Verliullnisse
des Tliuiinger Waldes, von II. Crcdner, i855. Br. in-8°.
Justus I'khtiies.
Essai sur la topogiajiliie du Laliuiu. These pour le doclor.tt pie-
sentee a la faculte des leltres de Paris, i vol. in-4°, avec cartes.
I'aris, 1854. — L)e l.iLulis aliuienrariis (lispiilalioiieni liisturlcain
Facullali litleraruiu parisiensi pioponeljal Ernest Desjanliiis llriii-
ciatus. 1 vol. in-4°, avec cartts et plans. Parisiis, i855.
Ernest Dii:sjAnuiNg.
ArniQUE.
Carte ilii Salunu alyerien, dressee par ortlie de M. Ic niareclial ile
Saint-Arnaud, niinistre de la guerre, et sous la direction de iM. le
{•eneral de division E. Daumas, directeur des affaires de I'Algerie,
par C.-F. de la Hoche. i853, -2" edit. 1 Feudle. — Dii elianieau
d'Afrique, par M. le general Daumas. Hrocli. in-S". — .AInianaeli
de I'Algerie pour 1 8.5.5, Guide du colon, pulilie d'apres Ij.'S docu-
ments tournis par le iiiiiiislere de la jjuerre. I vol. in- 1 2.
Le general Daumas.
De Algeria; incolis eorumfjue silu , orijjine et n:oriI)ns, Rcrolirii.
Broch. in-8°. M. BuvRV.
Journey to lake 'iSjjarni, and an Itinerary of (lie principales routes
leadin;; (o it IVcjni llie West GoasI; willi the latitude, o( some of
llic cliiet slalions. \\\\ in- 12. \i^^^f^. Gli, AMijiiisuN.
( 239 )
AMKRIQUE.
Memorial pinyin,", conipensalioii for services, in collcclinj; v.ilualilc
information nnil slnlistics in rehilion to the j;oof;ra|)liy, jirodiulive
resources, traile, commerce, etc., o|- llie indejiendent oriental
nations. Hr. in-8°. iS.'j.i. A. Pai.mri;.
REGIONS AUCTIQUES.
Discoveries in tlie Arctic Sea up to i85.j, published according to act
of Parliament at the hydrograpliie Office of the Admiralty. April 8,
i852. Additions to i854. L'Amiravte akglaise.
OUVRAGES GENERAUX, MELANGES.
Geo{;raplii Gra'ci minores. E codicihus recognovit , prolrgomenis,
annotatione, indicibus initruNit , tahulis aeri incisis illiistravit
Carolus Mullerus. Volnmen primum. i vol. in-8". Parisiis, I 855.
— Taliula? in Geograplios Grajcos minores a Carolo Mullero ins-
trnctae. Pars prima, i vol. in-8". Parisiis, i855. A.-F. Didot.
Les Monuments de la geographie, on Recueil d'anciennes cartes
europeennes el orientales, accompajjnees de spheres terrestres et
celestes, de mappemondes et tables cosmograpliiques, d'astrolabe.s
et autres instruments d'observation, depuis les temps les plus
recules jusqu'a I'epoque d'Ortelius et de Gerard Mercator. Grand
in-f°. 3' livr. M. Jomaiii..
Exposition du sysleme des vents, on Traite du mouvement de Pair a
la surface du globe et dans les regions elevees de I'atmosphere.
2* edit. I vol. i!i-8°. Paris, i855. Le capit. de vaisseau Laiitigiie.
Carte physique et meteorologique do globe terrestre, comprenant la
distribution geographique de la temperature, des orages, des vents,
des pluies et des neiges. i feuille. 3' edit., i855. Le D"" Bocnitc.
Mittheilungen aus J. Perthes' gcographischer Anstalt iiber wichtige
neue Erforschungen anf dem Gesammtgebiete der Geographie
von D'' A. Petermanii. ^1-4°. • "^ bv., i855. J. PfinTHE's.
MEMOIUES, RECUEILS ET JOURNAUX SCIENTIFIQUES.
Philosophioals transactions of the Royal Society of London, for the
year i854. Vol. 144. (1" et 2' part.) —The Pioyal Society. 3o no-
ven\bev i8.54- — Address of the right honourable the Earl of
llosse, the I'lvsulcm, «lolivcro«i al «\io .»imi\<'r*,»i\ lucoliii;; <it iKo
Royal Sov-i*'lv. on novci«l>pr 3o. 1 854- '^i"- >"-S'. — Pr>>occiliii{fs
of ihr Hov^l S.M-ieiy Vol. VI. n"* loo. tot. loj ; vol. VII, u** -
oi S. Socikr^ n. «>k l.oNnniis.
Tr.insaclions of tho Uoy;»l Society of Kilinliuii;!). Vol. X\l. p.m. i,
for iho sosiuon 1 853-1 854. t vol. in-4*. — Proi-pfihogs of tlio
llov.^l Society of K»liubui-{^. Ses,<>ion t8.'>3-i854- l>i"- in-S*.
StHT.iKTfc' n. iVEoiKJsrnr.ii.
.\uiiales ilu ootmneix-e estcriewr. N°* 795 a 800. .l.-inxirr iSo5.
MiMsr. PK l"*gi\. vr lu- oommkrce.
.I0urn.1l of the Franklin Institute of the state of lVnnsyK.inia , for
the pi\»u»ollon of the weohaniv" .irtv. F.ilitetl hv John 1". Fraier.
>;*• 54*. 348 el o4»>, 1 854- — Proeeovtings of the .\nuTic,in phi-
losophical Society, Br. in-8*. — Zeitschrift lur .^llpemeino Ki-ilkumle.
NoTeml>i-e ct ilecenthiv iS54. — J{ouvcllc< annalcs des voya>;es.
Fe'vrier. — Jlonrnal asiativjue. .^* sorir. t. IV. — Ucvuc tie rOiient,
Je I'.Vlyene ct tics colonies. FcTncr et luars. — .lournal Ac I'lnsii-
tut historitjue. .\nne« i854 c' Janvier t855. — Bulletin de la
Societe loologique d'accliinatation. Fevricr. — Bulletin «leU Societe
{;cv>lv^uiuc de France. Novemlire l854 a janvirr i855. — .\utwlcs
de la prop.^jjaliow dc la foi. M«rs, — Journal des missions c\an-
!;elitiues. Fcvrier. — Journal d'tnlucation populaire. Fevrier. —
Bulletin dc l> Societe industrielle dWnj^ei-s. Annce t854- —
L'Athena-um tVancais. N" 8. 0. 10 ct m . l,es AcTKins tl tniTEVi\J.
ERR.VT.* nr BriLETlN PE .t.^NVIER ET rfeVRlEK.
Pa^ 84i li(;n<? 8, apivs^i/us xjuutet: senlcwemt.
— Iig. ^-c). an (icu dc ijui tombait, liset: tontbaut.
— lig. ji, au liwi de /«i rivierv, lisei : iu»e riw'err
— lijV 10. apivs s'apfclle, ajvHtie< : nii<5i.
BULLETIN
DE LA
SOCIETE DE GEOGRAPHIE.
MAI 1855.
ASSEMBLl^lE GfiNl^lRALE DH 27 AVRIL 1855.
DISCOLRS
DE
M. LEFEBVRE-DURUFLt,
Messieurs,
Appel6 a riionneur de pr^sider cette Assembl6e
giin^rale, j'eri c^prouverais line satlsfacllon sans m^-
lange, si je pouvais oublier que je ne dois cet avanlage
qu'a I'absence de son Excellence M. le Mlnislre de
rinstrudion piiblique. Quel autre, en clTel, pourrait
se monlrer, dans un pareil jour, a la l6le de celte
Sociele, avcc plus de tilres et plus d'ticlat que I'dmi-
nent fonctlonnaire qui a implanlt^, d'une inaniire si
obligaloire et par consequent si I'ticonde, I'^ludo do la
geograpbie dans lous les programmes universitaircs?
Quel autre pouvalt dire plus clialcureusement accueilii
paries applaudissements de cetle savanle reunion que
le Ministre qui, cette annee memo, vient en aide a la
Soci^lti pour fonder le prix deslin^ an vr»yageur qui,
le premier, ouvrira la route a notrc puliliijue el a
IX. MAI. 1. 17
( '21x2 )
noire commerce, enlre les fronii^res de I'Alg^rie et
celles du Senegal? Aussi, bien qu'absent de sa pei-
sonne, voire honorable President n'en sera pas nioins
present a tons les esprils par ses actes et par ses
oeuvres.
Pour moi, .Messieurs, qui n'ai ni pouvoir pour doter
notre Soci6l6, ni connaissances speciales et appro-
fondies pour I'illustrer, pour luoi qui ne peux lui offrir
qu'un vif mais sterile amour de la science, ce n'est
qu'avec I'espoir de rencontrer une exlrom.e indul-
gence que j'ai pu me resigner a occuper pour quel-
ques instants la premiere place , je ne dirai pas
parmi mcs egaux, mais parmi mes superieurs et mes
maitres.
Si Ton excepte I'epoque de la decouverle des Indes
orientales et de I'Amerique, je ne sache pas d'ere
plus brillante pour la geograpliie que les cinquante
dernieres ann^es que nous vennns de parcourir. Dans
aucun temps les jners n'onl ^t6 sillonndes par un
nombre plus considerable de vaisseaux, diriges avec
une science plus certaine, raus avec une pareille ra-
pidile. Dans aucun temps les gouvernemenls n'ont
entrepris de plus inl^ressanls el de plus importants
voyages d'exploration et de circumnavigation. La va-
peur a rapproche les distances sur les Oceans comme
elle les a rapprochees sur la lerre. La voile menac^e
sur le domaine oil elle avail jusque-la regn6 sans par-
tage, a dO , pour conserver au moins une parlie de
son empire, demander aux vents de doubler I'agilit^
de ses ailes.
Dans aucun temps autant d'hommes courageux
n'ont brave avec plus de Constance el d'audace, les
( 243 )
dangers des voyages terrestres et n'onl pen6tre plus
resolument dans des pays r^pul^s jusque-la inacces-
sibles. Aussi que de contr6es ou decouvertes ou inieux
connues !
Que savait-on, il y a cinquante ans, de I'Australie,
de I'Afrique cenlrale, de la Cliine, de I'Asie Mineure,
de I'Amerique m^ridionale, des immenses possessions
des Etats-Unis d'Amerique, de I'Ocean glacial arc-
liquePQuede decouvertes n'a-t-oa pas dues depuis cette
^poque au commerce, a la guerre, aux revolutions
meme? Car si tous les mouvements sociaux ne con-
tribuent pas au bonheur de I'humanite, souvent en
compensation ils tournent au moins au profit de la
science.
Avec quel z^Ie intelligent n'a-t-on pas cherch6 a
mettre a profit les richesses minerales, animales et
vegetales que les (!;tudes g^ographiques nous revelent?
Et tout r^cemment avec quels soins diligents n'a-t-on
pas prepard une hospitality ^clairee et prevoyanle a
la plante industrielle ou alimentaire qui peut se nour-
rir dans notre sol, k I'animal utile, qui peut partager
nos travaux ou f^conder nos champs? A ces trails.
Messieurs, votre pensee s'est ddja reportee vers celle
Soci^te d'acclimatation, soeur jumelle de la votre, qui,
bien que touchant encore a son berceau, est d6ja
grande et forte; qui fera pour la pratique de la
science ce que vous faites pour sa th^orie. Qu'elle
receive ici la vive expression de notre reconnaissance
et de nos fraternelles sympathies !
Ne m'accuseriez-vous pas d'un ingrat oubli. Mes-
sieurs, si je quittais cet ordre d'idees, sans payer un
tribut d'eloges anlicipe au laureat que vous avez jug^
( 2M )
tlignc dii prix olTert a la decouverte la plus utile k
rinduslric, a I'ogriculluro, a I'luimanite.
Ici, Messieurs, il y a un double hommage a rcndre,
I'un a M. de Monligiiy, consul de France en Chine, au
vainqueur que vous allez couronner; I'aulre a la ui6-
moire du prince fondaleur du prix lui-meme. line
iiiorl luuesle et premaluree I'a precipite dans la
tonibe, U'. soufllo lorriliie des revolutions a passe sur
sa (lynaslie; une cliose, respect6e de lous, survit a
tantde calaslroplies, c'est un bienl'ail envers la science
etl'liumanile! Grand cnseignement, Messieurs, et pour
les princes et pour les peuplesl
A cctle esquisse bien incomplete de ce qui a et6
fait en faveur de la geographic dppuis le couimence-
ment de ce sidde, ajoutons celle de ce qu'il rosle A
faire, de ce qui se fait en ce moment m6me ; elle ne
vous ollVira pas moins d'inldrfit.
En Europe, la guerre d'Orlent amenera cerlaine-
mcnt de considerables reclihcalions dans la geogra-
phic si iniparl'aite de laTurquie. En Asio, li-s breches
failes aux confius de I'empire Chiiiois ne tarderont
pas a nous en ouvrir le cceur. L'Asie Mineure va
chaque jour r6vt^lant ses merveilles sous les fouilles
savantes des arcbeologues qui relournent son sol. La
soif de Tor poussti a les avenlureux mineurs jusqu'au
ccnU'e de ce continent australien encore si ignor6. Des
bonimes animus d'un courage que leur inspire a la
fois la science, la philanlhropie et le plus noble amour
de la gloire parlenl des points les plus opposes et se
donnenl rendez-vous au centre de cette Afrique, dont
la terre briilante et les populations barbaros clevorent
en. si grand nombre couxqui cherchenta les cormallre.
( 245 )
Au fur et a mesuie que les convulsions polilii|ues agi-
tenl les innnenses conlioes de I'Am^rique nn6i klionale,
de liardis exploraleurs se hasardent dans leurs vasles
et magnifiques solitudes, et suivcnt le cours des fleuves
imraenses qui les arrosent et qui hienlot y porleront
les blenl'ails de la colonisalion et du commerce.
Mais ce n'est pas tout d'explorer le globe, I'liomme
veut en abreger le parcours. I/ocean Atlanlique et
Tocean Pacifique sonl deja unis par une ligne de fer,
et bientot nn canal confondra leurs eaux.
Apr^s avoir rcpris I'ancienne et primitive route des
Indes, I'Europe sent oujourd'bui la necessile de pon-
voir voguer sans inliMiuplion des eaux de !a Mediler-
ranee sur celles de la uier Rouge. Celte ponsee ne fait
que de nailrc; mais elle estde celles qui, une fois pio-
duites, marchent fatalement a leur lerme. En vain
les int^rels individuels de quelques nations pr^ton-
draient s'y opposer, ils finiront par s'incliner devant
la grande voix du genre humain.
Enfin le temps n'est pas loin oii la l«l6graphie en-
lacera la tolalite de notre globe dans le reseau de ses
fils intelligents, et fera circuler la pensee bumaine
autourdu monde avecla rapidite de Teleclricile raeme.
Certes , Messieurs, voila une admirable perspective
ouverte a la geograpbie. Voila de procbains et puis-
sants moyens de connallre le globe enller, comme
nous connaissons le pajs qui uous a vus nallre; mais,
Messieurs, cet apogee de la science, ce resuital des
nobles efforts et des vastes connaissances des esprits
d'elite, qui honorent notre usp^ce, n'est pas, a moii
sens, lout ce que Ton peut souUaiter pour la science
de nob predilections.
( 246 J
U est un autre succ^s que je voudrais voir la geo-
graphie oblenir en France , succ^s modeste en lui-
tn^nip, mais immense dans ses resultats; je veux parler
du succ^s de la popularity.
Ne nous le dissimulons pas, Messieurs, pour qu'un
art ou une science parviennenl a Icur plus Laule
expression chez un peuple, pour qu'ils y portent Ions
les fruits qu'ils recelent, il ne suflit pas qu'ils soient
I'objet des travaux et du culle d'un certain nombre
d'esprits superieurs, il faut qu'ils y deviennent popu-
laires.
Dans I'anliquit^, si la Chald6e a ete si loin en astro-
nomie, c'estque chacun de ses bergers etait astronome.
De nos jours si la niusique a compte de si grands
mattres en Allemagne et en Ilalie, c'est que la musique
y est populaire aussi. On en peut dire aulanl de la
m^canique en Angleterre et aux Elats-Unis. La geo-
graphic n'est pas moins familiere h cesdeux dernieres
nations. Dans quelque maison que Too onire, soit
habitation de la classe moyenne, soit m&me simple
chaumi^re, il est bien rare de ne pas trouver une
mappemondc suspendue aux murailles, ou quelques
livres de geographie occupant une place sp^ciale a
cot^ des livres religieux de la famille. Ces livres ne
sent pas de sees el arides traites de geographie, sque-
letles denudes, fails pour degouler de cette science;
ce sont au conlraire des ouvrages pleins de couleur
et de vie, des ouvrages allrayanis de g^ograpiiie des-
criptive el piltoresque, offrant les tableaux les plus
animus des sites, des niceurs, des costumes et des
monuments de tous les peuples. De nombreuses gra-
vures illuslrenl ces ouvrages qui s'attaquent a tous les
( 247 )
^ges, qui prennenl loutes les formes, depuis celles
de I'alphabet a figures jusqu'aux amples dimensions
des collections a liviaisons nombreuses%
Que, si passant de I'examcn des clioses a celui des
personnes, on observe I'usage que fait cbaqiie famille
de ces livres populaires, il est difiicile den'en etre pas
profond6menl louche, vivement attendri. En effet ,
Messieurs, pour pen que Ton attache desyeux altentifs
sur ces families r^unies autovu' de la carte murale ou
gi'oupees pour entendre la lecture de quelque livre de
g^ographie, on ne tarde pas a remarquer qu'il manque
quelqu'un dans cette famille. C'e^l un pere , un fils,
un frere, un epoux, un fiance. Or cet absent, soyez silr
que les speculations du commerce, les chances p^ril-
leuses des grandes peches ou la defense du pavilion
national le reliennenl sur quelque mer loinlaine, ou
bien encore que, seul pour tous , il est alle tenter la
fortune sur quelque terra ^trang^re. Des regards pen-
sifs, des yeux humides de larmes sont attaches sur le
point de la carle oil Ton suppose que vogue ou tra-
vaille cet objet de lant d'affections dans la mere patrie.
La description que Ton ecoute, la gravure que Ton
conlemple sont celles du pays ou du site qu'il habite.
C'est cette douce et aimable geographic. Messieurs,
que nous voudrions voir se propager en France.
A la suite de la revolution de 1792, le continent
europ^en (^lait en quelque sorle devenu I'unique hori-
zon de notre nation. Absorbes dans cette pensee, nous
avons et6 longtemps sans 6prouver le besoiu de con-
naitre le reste du globe. Mais maintenant tout change,
et ce besoin nouveau se develoj)pe chaque jour davan-
tage. L'homme ne reufefme plus son activite dans les
( 248 )
liiiiites do son pays on clu continent dont il dt^jpend,
son essor n'a plos d'nulres bornos que le monde.
Coinbicn n'avons-nous pas dcja de families qui, comnie
les Angliiis cl Ics Ann'iicains, complcnt quelquun de
leiiis nu'nibios siir la tone cliangerel
El la guerre, la guerre qui, en ce moment nifirae,
occupe si ij6roiquenientlant de nos fdsel de nos frdres,
quel dian n'a-l-elle pas donnd a la g(^ogra|)hie des
lieux qui hii servcnl de theatre! Quelle faniille n'a pas
sa carte d'Orienl? Quelle mere, quelle Spouse, quelle
sceur n'arrfitent pas phisieurs fois cliaque jour un ceil
inqu'.et el rfiveur sur une carte de Crim6e, j)?ul-elre
en idpctanl tout has avec noire iiiiu)ilable i'abulislc:
« L'absence est le plus grand des maux! »
ou bieD encore disant avec lui :
« Hulas'.... il pleul;
i> Mon fr^re a-t-il tout ce qu'il veut,
» Bon soup^, bon gite et le resle? »
Et dans noscamps, combien d'imagesgeographiques
dc cetle palrie pour laquelle on combat avec lantd'en-
Ihousiasuie et de Constance I Couibien de nos soldats
pour lesquels une carte de France est une pi^ce inse-
parable de leur equipemenl ! Elle occupe dans le
havresac un coin de predilection avec les lettres de la
famille; en la regardant on croit un instant revoir son
pays nalal ; et peut-elre se rappelanl aussi la fable
delicieuse que nous citions tout a I'lieure, dit-on :
« Ne pleurez point.
( 249 )
» Je leviencliai dans pen conter de point en point
» Mes aventures h men frfere ;
» Je ie dosenmiirai. Ouiconqiie ne voit gii&re
» N'a giitre a dire aiissi. Aon voyage di?peint
» Vous sera d'uu plaisir extreme.
» Je dirai : j't'tais la : telle chose m'avint:
» Vous y croirez etre vous-m^me. »
Toules ces circonslances, Messieurs, ne semblent-
elles pas se reunir pour marquer le inomenl present
comme I'opoque tie I'inauguralion en France de celte
gt^ographie intime dont je viens de vous tracer le
tableau? Ne penserez-vous pas qu'un ouvrage de g(^o-
graplile, models sur des ouvragcs anglais du gi^nre
que je vicns de eignaler, ecrit avec c«)loris el avec
charine, caplivant les yeux par la liddle image des
choses, ne seralt pas indigne du patronage et de la
direction de votre savanle Societe?
Nous voyons chaque jour prodiguer, sur des ouvrages
de pure imagination , le luxe de la gravure et de la
lypographie que Ton fait descendre en leur faveur
aux prix les plus modiques ; ne serail-il pas possible
de d^verser un peu de cette prodigalite sur un ouvrage
qui, bien fait, d^passerait en interet et en altrait les
plus seduisantes conceptions de I'imagination? Un
tel livre creerait en France a c6t6 de la geographic
savante, dont cette Societe occupe les sommels, ce
que, pour me I'aire comprendre en un mot, j'appel-
lerai Ja geographic du foyer domeslique, la geographic
du occur.
( 250 )
RAPPORT SUR LE PRIX ANNUEL,
poun I.A uicouvEnxB la plus importante en G^IOGRAPHIE.
Commis^nires^ MM. n'AvK/.*c, IsAMBtiiT, Jomird, MiuRf
et Dacssc, rapporteur.
Messieurs,
La Soci^l6 de geographie decerns tons les ans une
medaille d'honneur a I'auteur dc la decouverte la plus
iniportante. Pour que les documents qui constatenl
cette d^couverle soient bien connus, elle retardo de
deux ans I'cpoque a laquclle elle donne celle m«^daille :
ce sont done les travaux executes pendant I'annee 1852
que nous devons couronner aujourd'hui.
Au reste, les decouvertes que la Society desire en-
courager ne sont point de ces accidents heureux qu'un
jour voit (^clore; elles sont le r^sultal de longs et con-
stants efforts, dans lesquels le courage et la force d'ame
hittont centre desdifficulles souvent renalssanles et au
milieu desquelles les bommes intrepides, qui se con-
sacrent a ces grands travaux, trouvenl quelquefois le
Irepas, ce dont nous avons eu malbcureusement plus
d'un oxemple.
Pendant I'annt^e 1852, les exj)loralions les plus im-
portantessepoursuivaienl specialement surdcux points
du globe, en Afrique et dans les regions polaires au
nord de I'Amerique.
Vous avez I'anni^je derni^re, Messieurs, port6 vos suf-
frages sur les bardis voyageurs qui explorcnt I'Afrique
cenlrale; de nouveaux travaux, do nouvelles decou-
vertes seront sans doute Tobjet de vos recompenses
( 251 )
futures, trop heureux si nous n'avons pas encore une
fois a ddposer une couronne sur un tombeau.
Aujourd'hui votre Commission a principalement
considere les travaux executes au nord de I'Am^rique.
Un grand probleme, poursuivi depuis des si^cles, a
enfin recu une solution definitive, le passage au nord-
ouest, c'est-a-dire la communication de I'oc^an Atlan-
tique avec Toc^an Pacifique par le nord de rAm^rique,
a enfin ete constats : c'est au capitaine Mac-Clure qu'il
a ete donn^ le premier de revenir en Europe par la
baie de Baffin apres avoir p^netre dans la raer Polaire
par le delroit de Behring; votre Commission a pens6
qu'un si beau resultat, obtenu par des efforts perseve-
rants et au milieu des plus grands dangers, meritait
d'obtenir a son auteur la grande medaille. Vous nous
permettrez, Messieurs, de rappeler ici en peu de mots
les circonslances a la fois penibles et honorables qui
ont amen6 ce resultat.
La rechercbe du passage au nord-ouest, apr^s avoir
(5te pendant longtemps comme abandonn^e, avait 6te
remise en honneur apr^s que les voyages du capitaine
Parry eurent fait eonnatlre que la baie de Baffin n'6lail
pas une mer ferm^e, et que le detroit de Lancastre
donnait acces dans des parages souvent remplis de
glaces, il est vrai, mais qu'on pouvait cependant esp^-
rer voir un jour degag^s. L'ile Melville sur laquelle
Parry avait hiverne , en 1819, paraissait elre la limile
de cet arcbipel, qui s'elend au nord de I'Amerique et
dont les voyages de Parry, de Ross et de Back avaienl
fait connaltre une parlie; mais les difficult^s croissaient
a mesure qu'on pdn^trait plus avant vers I'ouest.
En Ij8ii5, sir John Franklin, qui avait d^ja, en 1S2(>
( 252 )
et 1822, explore par terre les cotos septontrionales de
I'Am^iique , resolul de faire une noiivclle tentative
pour arriver a ce grand r^sullal de la jonction des
deux Oceans ; il pensait (jii'on aiiiail ])eut-clro plus
de chances de succ6s en cherclianl a peti^trer dans la
mer Polaire, en s'elevant vers le nord par une de ces
ouverluies qui ont cte signalers sur Ics cotes qui bor-
dent au nord le d^troit de Barrow, ou par I'lin des
d^lroits qui sdparent les lies Parry.
Malgre toules les esperances que Ton pouvait fonder
sur un chel" aussi experiinente ct sur les soins que
Ton avail pris, afin de pourvoir cellc expedition de
tous les nioyens qui pouvaienl en assurer la r6ussile,
liois annees s'^coul^rent sans qu'on en regiit aucune
nouvelle.
L'incerlilude sur le sort de cette expedition, la
crainte qu'elle ne ful retcnue dans les glaces sans ea
pouvoir sorlir, engagirent le gouvernement anglais a
envoyer a sa recherche. Depuis 1848, de nombreuses
expeditions furenl envoyees pour chercher aconslalcr
ce qu't^laienl devonus I'Krebiis et /a Terreur, et pour
porter secours a leurs Equipages si on pouvait les de-
couvrir. La France fut representee, dans ces interes-
santes recliercbes, par notre infortune compalriote
Ballot que vous avez entendu ici, en 1853, vous racon-
ter d'un style aussi allachanl que niodesle les resultats
de sa campagne sur le navire le Prince- Albert, fr^le par
lady Franklin, et quidevait succomber engloulidans les
glaces dans un second voyage; el par le lieutenant de
vaisseau de Bray qui a su, comnie Bellot. conquerir
I'eslitne des braves luarins anglais engages dans cette
noble enlreprise. Les Americains aussi envoyerent
( 25S )
deux Laliments, sous le commandement du capitaine
de Haven , a la recherche de sir John Frankhn et ,
aujourd'hui nieme , une nouvelle tenlalive a encore
lieu de leur part, (juoique malheureusement les der-
nieres nouvelles obtenues par le docteurRae semblent
prouver qu'on ne pent plus esp^rer retrouver vivant
sir John ni aucun de ses compagnons.
Toules ces expedilions, oulre la pensee humanitaii-e
qui les guidail, devaient encore augmenter nos con-
naissances dans ces parages si pen connus. C'est une
d'entre dies que le capilaine Mac-Cilure fut charge de
diriger : il devait penelrer dans les regions polaires par
le delroit de Beliring, visiter la lerre de Banks, que
Parry avail apergue dans son hivernage a I'ile Melville,
el venir, s'il etait possible, gagner le detroit de Bar-
row, afin de reconnailre la communication de I'ocean
Pacifique avec I'ocean Atlanti(iue et de constater ce
faraeux passage si longtemps cherche au nord de
I'Aiuerique.
C'esl au milieu des plus grands perils affrontes avec
une Constance el une intr^pidile admirables que le
capitaine Mac-Clure est parvenu a accomplir ce peril-
leux voyage.
Parti d'Anglelerre en 1850, Y Investigator^ qu'il com-
mandait.se trouvait, au mois d'aout, dans la iner Gla-
ciale arctique, vis-a-vis le caj) Barrow : oblig6, par la
presence des glaces dans le nord, a prolonger la cole
d'Amerique, il ^tait, le 6 septembre, par le Iravers du
cap Pany lorsqu'on apercut, a une distance d 'environ
50 milles dans le nord-est, une terre d'une 2,rande
Elevation: c'etait Texlriimile sud d'une ile qui regut le
nom de Baring et donl la lerre de Banks forme la
( 254 )
parlie septentrionale. Poursuivant sa course au nord-
esl, V Investigator penelra dans un detroit siluo enlre
I'lle Baring et une terre qui va rejoindre au sud ceiles
qui ont 6ld designees par Deasc et Simpson, et par le
docleur Rae , sous les noms de Wollaslon et de Vic-
toria. Ce detroit devait le conduire jusque dans li^
bassin situe au sud de I'ile Melville, par iequel il aurait
pu gapner le detroit de Barrow et la baie de Baffin,
parcourant ainsi en sens inverse le passage du nord-
ouest. Mais I'entree de ce bassin 6tait entierement in-
terceplee par une banquise impenetrable. Apr^s vingt
leniatives pour I'aire une troupe dans cette banquise,
tentatives dans lesquelles le navire manqua bien des
fois d'etre ecrase par les masses 6normes de glaces, il
fallut rcnoncer a cetle esperance et cbercber un abri
pour passer I'hiver. Ce fut au milieu d'un iunnense
champ de glace que V Investigator fut araarr6 pour
passer ainsi sans bouger les longs mois d'hiver, et ce
ne fut que le 17 juillet suivant qu'il se trouva libre.
Qu'on se figure ce que c'est que d'etre ainsi renferme
dans un oc6an de glace ou la temperature descend
jusqu'a 30 et 40 degres au-dessous de zero I Cepen-
dant, quoique le navire fut arrete pendant ce long
espace de temps, I'equipage ne resta pas enchain^
dans cette Irisle position. Avant que I'biver eilt suspendii
toute excursion, le capitaine Mac-Clure se dirigea en
tratneau vers I'exlremite nord de I'lle Baring et, le
21 oclobre, il plantait sa tenle sur le point mfime
indiqu^ sur les carles de Parry sous le nom de terre
de Banks. Au printemps suivant, d^s que la tempera-
ture permit de faire quelques courses sur la glace,
c'est-4-dire au commencement d'avril, des d^tache-
( 265 )
inents fiirent envoy^s de divers cot^s pour reconnallre
les terres environnantes, et chercher a relier les nou-
velles d(!!COiJvertes aux d^couveiies ant^rieures.
Lorsque enfin le navire fut degage des glaces, le
capitaine Mac-Clure fit encore de nouvelles tentatives
pour penetrer dans la banquise qui le separait du
bassinde I'lle Melville. Forc6 d'y renoncer, il enlreprit
de revenir sur ses pas, de conlourner I'ile Baring par
le sud et Touest, et de gagner la lerre de Banks en
s'avangant vers le nord le long de la cote occidentale.
II parvint, en effel, au milieu des dangers les plus
6minenls, a arriver enfin a la partie septentrionale de
rile Baring. Dans quelques excursions que Ton lit dans
I'interieur des terres au commencement de septembre,
on renconlra de belles vallees encore verdoyantes, de
nombreuses traces d'animaux et, chose remarquable,
une rangee de collines composes d'amas de bois dans
tous les ditats.
Arrets encore une I'ois par les glaces fixes, le capi-
taine Mac-Clure trouva un refuge pour I'blver dans
un havre auquel il donna le nom de Merci, situ^ par
74° N. et 116° 0., a une trentaine de lieues de I'lle
Melville. II y passa I'hiver de 1851-52. Au mois d'avril
il rdsolut de gagner en iralneau Winter-Harbour oil,
trenle-trois ans auparavant, I'exp^dition de Parry avail
hiverne : il esp^rait y trouver les bailments qui avaient
616 envoyes par Test; mais sa deception Tut cruelle
lorsque, arriv6 a ce point, il n'y trouva que la mention
d6pos6e dans un cairn, que le lieutenant Mac-Clintock
y 6tait venu au printemps de 1851. II fallut done se
conlenler de confier k ce meme monument un rapport
conlenant le r6cit des Iravaux de V Investigator, afin
( 256 )
que, si d'aulres ballmcnls venaienl visiter ce point, on
eul connaissance tie ce qu'il avail fait el de la position
dans laquelle il se trouvalt. C'est dans ce rapport
du capitaine iMac-Clure que se trouve cette phrase
memorable.
« Si Ion n'enlendait plus parler de nous, c'est que
» probablement nous aurions 6t6 enlralnes dans les
)) glaces du pole au nord ou a I'ouest de I'ile Melville.
» Or, dans ces deux hypotli^scs, toute tentative pour
» nous envoyer des secours ne ferait qu'accroitie le
» mal, car lout vaisseau entre dans les glaces polaires
» doit 6lre inevilablemenl broy^. »
Ainsi, par un devouement sublime, le brave officier
renongait a I'espoir d'etre secouru, pour dviler ci ses
compatriotes des dangers qu'il regardait comuie
insurmontables.
L'ele de 1852, si toulefois on pent donner ce nom
a une saison aussi rigoureuse, n'apporla aucun chan-
gemenl a la position du batiinenl. M. Mac-Clure ne
croit pas que les glaces de la mer Polaire se soient
brisees celle ann^e. II fallut done se resoudre k passer
encore Ihiver de 1852-53 enferme dans le mfime
havre. Get liiver tut extremement rigoureux el le ther-
moni^tre descendit, au mois de Janvier, jusqu'a /i2 de-
gres au-dessous de zt^ro.
La diminution des vivres forgait enfin a penser aux
moyens d'envoyer unc parlie de I'cquipage gagner sur
la glace les points ou Ton pourrait esp^rer rejoindre soil
les baleiniers qui IVequentent le detroil de Lancastre,
soil les etablissemonls de la compagnie de la baie
d'iludson. Le capilaino Mac-Clure ne devait conserver
avec lui qu'une vingiaine d'bommes pour tenter en-
( 257 )
core, s'il olait possible, de dogager le batiment. Tout
elait dispose pour le depart, qui elait fixe aa 15 avril
1853, lorsque, le 6, le capitainc Mac-Clure et le lieu-
tenant Creswel, se promenant sur la glace, apercurent
devant eux un point noir qui seniblait courir vers
eux.... Cetait le lieutenant Pirn, du Herald, que le
capitaine Kellet, qui avail lrouv6 la note deposee sur
I'ile Melville, envoy ait a la recherche de Vlrwestis^ator
avec un detachement. 11 est facile de s'imaginer quelle
sensation eprouverent nos braves marins en se voyant
tout a coup rejoints par des compalriotes au moment
ou iis n'avaienl devanl eux que I'expectative d'un
voyage plein de dangers et de soufTrances, et n'etant
plus soutenus que par un espoir hicn faible. Nous ne
chercherons pas a rendre ici Teffel que dut produirc
celle heureuse rencontre; ne nous occupant unique-
ment que de ce qui interesse !a science geographique,
nous dirons seulement que le passage au nord-ouest
^lait trouve, et quoique un navire n'ait i)as ele trans-
porte de I'ocean Allanlique a I'ocean Pacifique ou
r^ciproquement , il 6lail bien constant que le seul
obstacle a ce Irajet ne consistait que dans I'accumu-
lation des glaces qu'une circonslance fortuite pent
dissiper.
Apres eire venu se concerler avec le ca])itaine Kellet
sur ce qu'il y avait a faire dans cette conjonclure, le
capitaine Mac-Cliu-e retourna a son bord dans la baie
de Merci, d'ou il expedia ses nialades ct ses infirmes,
qui furent ramenes en Angleterre en octobr 1853.
II aurail desire passer encore un hiver dans le meme
point pour voir si, en 185Zi, les glaces ne se rompraicnl
de maniere a degager son baliment, niais I'etat de
IX. MAI. 2. 18
( 258 )
re(|uipage ne le permit pns. En const^ijuoncp, le 3 juin
1853, Vlnvcstif^alor I'ul aI)iuulonne el I'equipoge \inl
rejoindre les navires du ca|)ilaine Kellet, le Resoitt et
Vliitrepide, qui ^laient fixes dans Winter-Harbour, sur
rile Melville. Mais ces batinienls cux-memes durenl 6lre
abandonnt^s en avril 185/i, et Ii>s equij)ages se Irans-
porlerenl sur la glace a bnrd du Aorth-Stnr, qui les
ramena en Anglolcrre, ou ils arriverent en octobre 185A.
Le capilaine Mac-Clure a employ^, tians ce memo-
rable voyage, plus de qualre annees, luUant avec una
admirable inlrepidile centre des dangers que la pru-
dence liumaine |H)uvail a peine conjurer; il a passe
qualre bivers dans ces rc^j^ions inbospitalieres; il a
decouvertdes lerres enti^rement iuconnues; il a resolu
enlin ce fameux probl^me de la jonction de I'Dcean
Paciiique et de I'ocean Allanlique. Voire Commission,
Messieurs, a pense que la Society de g^ograpliie devail
decerner, a M. le capilaine Mac-Clure, sa grandc me-
daille, qui a el6 insliluee pour reconipenser les decou-
verles les plus imporlantes.
Si les beaux travaux du capilaine Mac-Clure ont
(ixe au plus haul degre rallenlion de voire Commis-
sion, elle n'a pas oubli6 ceux qui ont 6te executes a
la meme epoque, dans les regions arctiques, par le
capilaine Inglelield , que nous nous rappelons avec
bonbeur avoir vu au milieu de nous. Grare a lui,
le Smylb's sound , a rexlremil6 de la liaie de Baflin,
qu'on avail regards jusqu'a ce jour comme un goH'e
ferme, a 616 reconnu comme un delroil qui donne
acc6s dans la mer Polaire , le d^lroit de Jobn a ele
explore au loin vers I'ouest et parait rejoindre I'exlre-
mite nord du canal deWellinglon; une aulre ouverlure,
( 259 )
le Whale sound, situee siir la cole orientale de la bale
de Baflin , a aussi ele osaminee et paralt beaucoiip
plus profonde qu'on ne le croyail; en sorle que le
Greenland, que Ton regardait comnie une masse com-
pacte, pourrail bien aussi ne former qu'un groupe
d'iles. C'est un nouveau champ qui s'ouvre encore
aux decouvertes vers le pole arclique, et si la naviga-
tion dans les glaces etait rendue moins dangereuse,
on pourrait esperer approcher dans cette direction vers
le pole, objel de tant de recherches.
Voire Commission, Messieurs, a pense qu'une m6-
daille d'argent devait 6tre decernee au capilaine Ingle-
field pour ses decouvertes dans les mers arcliques.
Sans doute beaucoup d'autres ofiiciers se sont signa-
les dans ces recherches par d'imporlants travaux; la
geographic doit l)eaucoup de reconnaissance aux capi-
taines Ross, Austin, Penny, Kennedy, Kellet, Belcher,
Collinson, de Haven et au docteur Rae, qui ont suc-
cessivement, et au milieu des plus grands perils, explore
ces parages glacis et developpe nos connaissances sur
ces regions, mais ne pouvant porter les honneurs que
sur un petit nombre, nous avons cru devoir choisir
pour objet dcs recompenses de la Societe, en pre-
miere ligne, celui qui a r^solu definitivemenl le grand
probleme de la communicalion'des deux oceans, et
en seconde, celui dont les decouvertes importantes
ont ouvert un nouveau champ aux explorations futures.
( 260 )
PRIX
poun l'importation en France des ESP^crs
LES PLUS UTILES A l' ACniCLLTUnE , A l'iNUIIST lilE
OV A L'llUMANlTi.
Coiinnission composee de MM Isambeut, Ue la Koquette
et JoMAUD, rapporteur.
Messieurs,
Lc lapport que vous allez entendre n'annonce pas
de nouveaux progies de la science geograpliique pro-
prenient dilf, mais la Soci6te avail, dejxiis qninze
annees, une mission speciale a roniplir: elle elail
cliargeo de decerner le prix fondc par un prince ami
des sciences. Nous sounnesdonc obliges, pour jiislilier
lc prix qu'on decerne aujourd'luii , d'enlrer dans
quelques developpemenls que I'lionorablo audiloire
voudra bicn entendre avec indulgence. Apres tout,
le but final de la geographic n'est pas la connaissance
sterile des mmis de villes ou deroyaumcs; il n'est
pas uniquement de mesurer Ics distances des lieux
ou It ur altitude, de decrire les mers et le cours des
fleuves : la science aspire encore a un but eleve qu'on
ne pourrait atteindi-* sans elle, celui de meltre en
rapport, a I'aide de I'exlensioii des connnissances,
toucs les parties de la lerre et toutes les populations;
d'^tudier les races diverses ct les productions de loulc
espece qui pcuvenl s'echanger au profit de 1 liunKinil6
lout enliere ; tel est aussi le noble but que se j)roposeiit
les voyages de decouvertes, c'est-a-dire la geographic
mise en action et ses lemons mises en jiratique.
( 261 )
L'an passe, a pareille ^poqiio, nous disions, A pro-
pos d'une importation Inuie reconte de la Gliine, due
au consid de France a Scliang-hai et NInp,-|-,o, M. de
Montigny, qu'il elait a legreller que cette importation
ne put etre comprise dans le concours; « I'annee pro-
chaine , celte imporlalion ne peut manquer d'etre
grandement distinguee par la Societe de geograpliie, »
Nous ajoutions: a La Societe zoologique d'acclimatalion
doit inraillihlenient accelerer les resullats qu'on desire
et donl la France attend de precieuses ressources ali-
menlaires. Telle elnilla deslinalion, lei etail le but de
la I'f^compense que la Soci^t6 de geograpliie a el6
cliargee de decerner, et qu'elle sera lieureuse d'ad-
juger bientot au voyageur 6claire qui aura procure
I'imporlalion la plus utile a I'agriculture ou aux arts. »
Nous disions enfin, comnie conclusion du rapport
de I'annee derniere, qu'une m(^daille elail decernee a
M. de Montigny pour I'impdvlalion de plusieurs plantes
de la Cliine, sans prejudice pour les nouveaux droits
qu'il aura acquis au prix d'Orleans.
Cette annee , Messieurs, a (^le marquee |)ar de tels
progres, par de si beaux succfes, que \otre Commis-
sion n'a ^prouve qu'un seul embarras, celui de choisir
cntre les signal^s services qu'a rendus noire consul
aSchang-liai elNing-po.et dont chacun lui donne des
droits au prix j)ropose depuis quinze ans.
Et d'abord, si Ton avail dit, il y a six annees seule-
meni, lorsqu'une maladie funeste a envahi la pomme
de terre, cet aliment precieux qui nourrissail les popu-
lations presqu'a I'egal du froment et a propos duquel
on disait : desormais il n'y a plus de famine a craindre
en Europe; si Ton avail dit alors, et meme l'an der-
( 262 )
nier, la Chine possede un v^g^tal qui reinplacera la
pomine de terre ; Ic consul de France i't» rappotte avec
lui; ce vegetal convienl parl'aitemenl i noire climat;
il brave I'inleiuperie des saisons; bienlol il sera com-
pUlement acclimal6 et Ton pourra le r^pandre par
milliers d'indiviilus ; ce fait, Messieurs, el cetle pre-
diction auraient trouv6 bien des incredules; on
n'aurait point os6 esperor un si grand bienfait de la
providence, apr^s les crainles qu'a lait naltre la reduc-
tion du produit dela pomme de terre, I'nne des causes
sans doute de I'elevalion du prix des grains, et par
suite du rencherissement de toules les denrees.
Eh bien, Messieurs, ce service nous est rendu, ce
bienfait nous est acquis; Vignmne du nord de la Chine,
apport6 par M. de Monligny, a reussi dans loutes
scries de terrains; ce n'est plus une simple in)porta-
tion, c'est une accliniatalion. C'est a notre Jardiii des
plantes {doni. le sol et I'exposition ne passenl pas
pour etre bien favorables a la vegetation des plantes
exotiques) qu'ont ^t^ confies les premiers ij^names et
its y ont, d^s la premiere arm^e, produit d'abondanls
tubercules ; MM. les administrateurs du Museum d'his-
toire nalurelle ont constate la marche heureuse de
cette acclimalatiun. M. Decaisne , le professeur spe-
cial de culture, qui I'a suivie avec autant de succ^s que
de sollicitude, a eu la satisfaction de voir I'igname
croilre et se d^velopper avec la mfime facilite que la
pommc Je terre; la planle a produit des tubercules
qui ont lourni un aliment parlaitement comparable a
cetle derniere ; elle a fourni des tron^ons et des bulbes
qui I'ont mullipliee sans d6g6n6rescence ni altera-
tion. Mais nous allons laisser parler Iui-m6rac le
( 263 )
savant professeiir qui a consacr6 a cello interessanle
acclimalalion une notice li-6s d^veloppee, accompa-
gnt-e (le cinq a six figdres. Seulement nous devons
la resserrer beaucoup dans un exlrait succinct.
« Ancuno plantc preconisee depuis quel'jues annees
» pour reinplacerla poniine de lerre ne sauiait entrer
» en coinparaison avec I'ignaine-patate (1). L'ignaine
» est doniestiqu^e depuis un temps immemorial : elle
» esl parfailement ruslique pour notre climal; sa
» racine est volumineuse, riclie en mali^re nutritive,
» d^ja mangeabie crue, d'une cuisson facile soil dans
» I'eau suit sous la cendre... C'est un pain lout a fail
» au mSme litre que la pomme de terre... Nous avons
» la ferme confiance que I'igname de la Cliine viendra,
» comme en son temps la pounne de terre, accroitre
» bien des fortunes el surtoul alleger bien desmis^res...
)) Celte utile importation ne rencontrera pas les ri!;pu-
)) gnances qui, pendant plus de deux siecles, ont mis
» ol>slacle a I'aduplion de la pomme de lerre. »
M. Decaisne ajoule que celle-ci esl plus richemcnt
alimentaire et qu'elle est deslineo peut-fetre a rendre.
sur quelquos points ile notre lerritoire, de plus grands
services que la pomme de lerre elle-mfeme. Eilective-
ment, on peul manger ce vegetal comme un fruit, sans
le faire cuire, ce qu'on ne peul faire de la pomme de
lerre. En oulre, la cliimie y a decouvert un principe
azote, un gluten comme celui que le fromenl conlient,
ce qui fait penser a M, Fremy, professeur au Museum,
(l) II ne faut pns confondie cet ijjnanie, qui appaitieni ,iu nord
lie la Chine, avec I'igname des re{»ions tropicales, i\\\\ ne pourrait
pas reussir dans notre clitnat.
( 2(i4 )
que cetle racine poiirralt scrvir a faire du pain :
rebullilion siifl'il en effot ponr la reduire en line belle
pate anal(i£j;iie a celle de la farino de Lie. La saveur
de ces lubcrcules, cults a la vapeur ou sous la cendre,
dil M. Dccaisne, est cclle des poujines de lerie de la
meilleure qualile el la cuisson a lieu deux fois plus
vite. Ln dernier avantage de I'igname est de se con-
server dune annee a rautre et memo plus longtemps,
sans s>ermer, sans craindre la clialeur ni le froid. On
a laisse la planle en lerre et elle a subi un froid de
— ill dcgres sans s'allercr. Quant a la inullipliialion,
elle n'esl pas doutouse depuis quo M. Paillet, pepinici-
risle (1), a fail surgir de terre plus de cinquante mille
\)\eds d'Igname en une saison : elle se reprodult
egalenicnl |)ar Ironcons de racines et par boulures de
liges.
Telle est en al)reg6 la planle donl M. de Montigny
vient d'enricbir la France (2); en Cbine elle s'appelle
seya, c'esl la providence des classes populaires, au
Japon comme en Chine. Aussilot que notre consul en
eut connaissance, il en fit servir tous les jours sur sa
table; il s'assura de ses qualiles alinienlaires et,
des ISZiS, il en envoya ici des racines (3).
Ln mfelro carre pouvanlnourrir vingtpieds d'ignanie,
(i) A Paris, 4ii i"'ie d'Austerliiz Saiiit-Marrcau
(2) Nous renvoyons a Tecrit de M. Decnisiie pour la description
botanique et liistoiique de la jil.iiite.
(3) La plante aniva en France en 1849; il la croyait perdue,
lorsriuc visilaiit rixposilioii ile la Socie'lc'; d'horticulture, en l854, il
aijercut un ilii/.onie (rignanie (|ue M. Paillet y avail poilc; c'<st
depuis ce monieiil que la naturali'inliun et la propafjation dii pre'cieux
vegetal out ete asiuiees.
C 265 )
dit encore M. Decaisne, le prodiiit de 1 hectare pour--
rait etre calculo a (50 000 kilogrammes de tuherculcs,
ce qui est le double de ce que la pomme de terre donno
en moyenne sur le meine espace de lerre.
Au jardin du Museum I'igname a ele plante sur des
plates-bandes a 50 cenliaielres d'inlervalle par tron-
cons plus ou moins epais el aussi par tuhercules
enliers. Le residtat de trois modes de culture est un
produit moyen, de 303 grammes par tubercules, longs
de 35 a 50 centimetres. Or, on aiirail pu planter ks
troncons a 20 centimetres seulement de distance en
tout sens. Le professeur conseille de laisser les tiges
trainer sur le sol, a I'exeraple des Cliinois, au lieu de
les ramer, afin qu'elles s'enracinenl et se mulliplient
d'autant.
En resume, M. Decaisne n'liesite pas a regarder
I'igname de Chine comme superieure en qualite a la
pomme deteire..., comme plus riche en principes
nutritil's; la culsson dans I'eau converlit les racines
en une pate qu'ii compare a la plus belle farine de
froment.
II n'est pas inutile, en terminant ce que nous avons
a dire sur la naturalisation de I'igname de Chine ,
d'ajouter que la plante a egalemcnt tres bien reussi
a Alger: les tuhercules ohtenus avaient le goul des
meilleures qualites de pomme de terre. Peut-elre
est-il permis de rappeler que la Societe do geographie,
chargee, en 1851, par notre consul, de distri])uer les
graines de la Chine enlie les etablissements d'agri-
culture de la France, a la premiere envoye la graine
de seya dans los departemenls, a Oran et Alger.
L'introduction du sorgho a sucre de la Chine, ou
( 266 )
sorgho noir [Holciis sacchnrntus) pr^senle aussi iin vif
ini^r^t. Plante dans le cli?ipait('inLMit dii Var, ce v^gelal,
riche en sucre, a pait'ailemont re^iissi ; il on esl He
m6ine cles d^partemonts des Bouchos-du-Rli6ne , dii
Gard el du Tarn.
A la feime-ecole do ^Jandoul, le sorgho a foiirni de
I'alcool et du sucre en assoz grande abondancff, d u
rliura, elc; les essais continuent en grand. La plante
fournil aussi une nialiere coloranle d'un Ir^s beau
rouge. On on a sem6 a Lyon /jO hectares pour la tein-
ture.C'est encore la Soci6t6 de geographic qui, en 1851,
avaitdistribii6celtegraine,ainsi quo celle duseya, entre
vingt-deux Soci6l6s d'agricullure, pepiniires, leiines-
^coles el jardins d'accliuiatalion. Le sorgho noir a
d'aulres a\antages pr6cieux. Les feuilles donnent un
bon fourrage, et la bagasse c'est a-dire la canne qui
a passe au pressoir, sert de nourriture aux besliaux,
fait un bon combuslible et un engrais abondant. Ainsi,
pour nous servir des expressions du coinle de Beaure-
gard, president du Cornice agricole de Toulon, « Celte
)) planle piecieuse abreuve et nourrit largement les
» hommes, les anitnaux et la terre... C'est bien elle,
)) s'il I'eilt connue, que noire bon Olivier de Serres
» eOt nomm6e la merveille des menages. »
Vous le voyez, Messieurs, la Society de geographie
peut se fcliciter d'avoir prSte son ooncours, ii y a
quatre ans, a notre genereux representant en Cliine,
pour la distribution des graines sur toute I'eclielle
climalerique de la France ; pouvait-elle moins faire
pour reuiplir et justifier rhonorable mission de bien
public dont elle avail 616 chargee?
Si le temps le permeltait, nous entrerions dans les
( 267 )
ni6mes details sur rimporlation d'autres v6g6taux que
Toil doit a M. de Monligny, le riz sec du noid de la
Cliino , riz qui se cultive parlout, sur les montagnes
comma dans les vallees; le mais geant (1); le haricot
de Cor6e , grain d'une saveur exquise, et I'alpiste,
graiiie fine, que d^vorent les animaux de basse-cour,
egaleraent bonne pour les clievaux, les boeufs et les
pores.
La France pourra done s'affranchir du lourd tribut
qu'elle paie a I'etranger pour se procurer du riz.
Mais une des meilleures conquetes pour noire agri-
culture est celle du pois ol^agineux ; il a r^ussi sur
tous les terrains; il provient d'un climat analogue a
celui de nos provinces du nord, c'est-a-dire des pro-
vinces de Honan, de Cliang-tong, de Chen si; on peut
en lirer 25 pour 100 d'une bonne liuile qui est prefe-
rable aux liuilfcs de navette et de colza. On engraisse
le belail avec les lourteaux. Avec la farine de ce pois,
on fait une pate ou sorle de fromage, aliment d'une
grande ressource pour les classes pauvres; ce dernier
produit se transportepar toule la Chine el au Japon. La
culture du pois oleagineux a ele essajee dans un grand
nombre de departemenls ; la planle y a porte graine.
En AUemagne, en Hollande, en Su^de et en Ilalie ,
on a ^galement recolle de la graine qui a milri ; Tac-
clinialation du pois de Chine est assur^e.
M. de Monligny, dit le baron de Monlgaudry, a rendu
des services incalculables par I'introduclion de toules
ces graines, et Ton peut ajouter que si la France avail
(i) Le baron de Monlgaudry pense que I'alpiste et le mais geant
peuvent aussi etre cultives comine paturage.
( 268 )
plusieurs consuls aussl eclaires ct aiissi zeles quo lui,
la France pounait l)i(Mil6l douhler ses recoltes.
II c'sl leiiips (le parler tie deux auties iinportalions
clues au consul de Franco eii Chine, ot qui apparlien-
nent au r^cjne animal : I'yak ct le vcm- a soie du chene.
Nous avons lous pu voir au Jardin dos plantos lo Irou-
peau des doiizo vaks, arrives dc Chine sains et saufs,
a la suite d'dno hieii longiie navigation qui a manque
de finir pai* un naufrage. Depuis, cos animaux onl ele
rt^partis prisqui' tous dans divers deparlements, ou le
climat, I'eli^valion du sol ct sa nature presentaient
de I'analogic avoc les iioux dont iis sont originaires.
On a lieu de so fddicitor du clioix qui a il& fait sous
ce rapport; Irois individus sont restos au Museum;
deux ont ete envoyes par le minislro de I'inslruction
publique en Auvergne; deux sont a Barcclonnelto ;
Irois dans les montngnes du Doubs du cole de Pon-
larlier; enfin deux sont dans le Jura pr6s de Cham-
pagnole. Tous ces animaux recoivenl les meilleurs
soins, i/s sont devenus tna^nifiqiies, ils se sent multi-
plies. La naturalisation de I'yak en France est desor-
mais certaine.
C'esl au savant president de la Society zoologique
d'acclimalation , M. Isidore GeoU'roy Saint-Hiiaire ,
qu'il appartient de parler avec autoi-ite de I'introduc-
tion de I'yak ct des avantages qu'on pout son pro-
mettre; il suit avec la plus grande sollicilude le pro-
gres de celle im[)ortalion. II sulTit de dire que les yaks
prosp^renl parlout; deux jounes yaks onl double de
laillo. A la fin tl'octobre dernier, dans le Jura , est
n6 un jeune yak, le premier ne en Huiope; un autre
est ne a Paris nifime, il n'y a pas un mois. ISous no
( 269 )
pouvons mieux I'aire, icl, que cle citer les proprcs
tei'iiies cle M. GoofFroy Sainl-Hilaire.
« Nous lie nous somixies pas occupes sculemont
» d'acclimalei' et d'essayerde mulliplier nos animaux.
» Nous Its avons Studies a divers points de vue. Vous
» pouvez voir, dans le rap|U)rt de M. Duvernoy (qui
)) est insere dans le Bulletin de la Soci^te zoologiquc),
» les resullats des observations de M. Richard, du
)) Cantal, sur !a conformation de I'animal comme bete
» de Iraiisporl elde selle, si Ton veut meme I'oniployer
» a cet usage, coaime on le lait dans le pays. Vous
M avez pu voir dans le nieme rapport les resullats de
)) I'analyse du lait par M. Doyen. Le lait, quo tout Ic
)) nujnde avail deja juge excellent au gout, s'est trouve,
» a I'analyse, I'un des nieilleurs et des plus riclies que
» Ton connaisse ; il ne cede en rion a cehii de la
» vache, donl il se rapproche beauconp d'ailleurs.
» Taiidis que ces observations se I'aisaienl ici, j'avais
)) envoye des poils et lainages d'yaks a Mulhouse, dont
» la celebre Sociele industrielle ni'avait otlert son
)) concours. Les essais onl etc fails par MM. Sclilum-
» berger, et vous pouvez voir dans le dernier numero
)) du Bulletin que ces messieurs ont tres bien reussi a
» filer celte laine, et que la Societe industrielle de
» MuUiouse promet une belle place dans lindustriea
)) cette maliere, a la fois moUe, resistante el brillante.
» J'ajouterai , pour vous donner tout ( e qu'il y a de
)) plus iiouveau, que j'ai ecrit dans le Jura pour avoir
)) de la laine de notre jeune yak fruncais. C'cst une
» laine d'une finesse et d'un moelleux admirable.
)) Quand I'especc sera niullipliee, les veaux males
( 270 )
» qn'on enverra a la l)ouchcrie donneront done, oulre
» leiir chaic, ime laine Ires |)recieiise. »
On doil, en oU'et, a M. Rirhanl (in Canlal, \lce-pr6-
sident de la Soci^t^ d'accliinatalion, un rapporl lumi-
neuxel siibslanliel sur I'actliniatalioii desyaks, siir les
condillons a reinplir, les nioyens a employer. On sail
que les yaks sont qriginaires dii Tliibel ; on a du
choisir en Europe des montagnes ^lev^es, donlles p&lu-
rages sont formes d'lierbages sees, oil dominenl les gra-
inin^eset les l(^gumineuses. Sices lierbages sont pourvus
d'arbres el d'eaux liiiipides, les animaux y trouveront
de I'ombre pendant I'ardei.r du soleil, une iraicheur
sahilaire, une boisson salubre. L'liiver, la nourriture
sera com|)oseede lourragesbien cboisis; les etables se-
ront agrees, construitessurun sol incline, pav(^ en dalles
ou en briques, et proprement entretenues, etc. Ces
inslructions, donneesparlaSocieted'acclimatation, out
ete et conlinuent d'etre suivies par les elablisseaienls
auxquels les yaks ont 616 confies. Barcelonnette, dans
les Basses-Alpes, a une altitude de 1180 metres; la
chaine do montagnes a plus de 2 000 metres; il est
plusieurs villages elablis a cette hauteur. Ce pays rap-
pclle le Tliibet, son climat el ses productions, et, dit
M. Valserres, dans son rapport a la Socidle d'acclimata-
lion, lout fait jienserque la precieuse toison de I'yakde
la Chine se produira la en abondance, en m6me temps
qu'il y acquerra loutes ses qualil6s solides, comme
animal de monlagne, comme bSle de sommc et comme
b6le de labour. Le yak remplacera lemulet; il ne
rendra pas moins de services sous le rapport alimen-
laire pour la chair et le lait. L'animal a des rap-
( 271 )
ports d'liabitude comme cle conformation avec le
cheval ; comme liii, il francUit ties fosses et donne des
ruados; comme le chamois, i! s'elance du haul des
precipices. Bien que places a la porte de Biircelon-
nette les yaks prosperent; il y a lieu de croire que
places a une plus grande elevation, ils reusslronl
encore mleux.
Dans le Jura, les deux yaks n'ont pas moins bien
reussi ({ue dans les Alpes. A Besangon les trois yaks
ont profite de la mfime facon et uionlre les memes
habitudes qu'a Barcelonnelle. L'animal est dnux,
sociable; il lienl du cheval par la queue, par la cri-
ni^re et par les allures; du boeuf, par la structure et
la solidile ; de la chevre par le pied et par laplitude
a sauler les fosses, a grimper et descendre les escar-
peni( nls. La genisse est d'une petulance extraordi-
naire; le jeune taureau a cru rapidement.
La tonte de la laine de I'yak peut se faire deux fois
I'an. L'engrais est tr6s ammoniacal. Telles sont les
riches qualilCs, agricoles et induslrielles, que promet
et possede I'yak : laine soyeuse pour nos manufac-
tures; engrais pour nos campagnes; aliments pour
tons; amelioration nes transports dans les pays de
montagnes.
De ni^me que la pomme de lerre degen^rait chez
nous, la race des vers a soie allait aussi en deperis-
sant. Celte grande source de ricbesse et d'honneur
pour la France t^lait inenacee; I'epidemie appelee
muscarclineexergait dans nos rnagnaneriesde lenibles
ravages. Depuis linvasion dc la muscardine, la France
elait obligee de faire venir annuellement d'ltalie pour
12 000 000 de francs de la graine. On appelait a grands
( 272 )
cris line nouvellc race jioiir siipploor uiie race abatai-
(lie. C'esl encore M. di' Monli^nv qui est veiiu poiir-
voir a ce boso'in ]iressnnl, par iiiic sorle de mission
providcnlielle : lionneur a lui pour avoir coinpris loiites
ces necessilL's, el mis a profit avec lanl (rintelligeiicc
et dc devouement sa position oflficielle I
Les populations cliinoises se v6lisscnt avec line soic
tiree dtis vers a soie da chene; M. de Montigny a envoys
en France des cocons, encore vivants, de ces insectes;
les premiers n'ont pas ete sufTisamment soignes; raais
il a depuis fait venir de la graine des meilleures races
qu'on eleve en Chine. Les plus belles, selon ce juge
eclaire, sont celles dont la graine proviont du Hang-
tscliou, inarche ou abondcnl les soies les plus renom-
mees. La Societe d'acclimatation s'est occups^e de
distribuer cette graine, non-seulemont en France, mais
en Algerie et en divers pays de I'Europe : les resultals
ne se feront pas atlendre.
Nous ne devons pas entrer dans d'nulres details sur
les vers a soie de la Chine, pays (jui ronferme plu-
sieurs saturnies ou esp6ces sauvagcs, vivant sur le
frfene, sur le chene et sur d'aulres arbres; les expe-
riences commencees et suivies, avec autant de lumi^re
que d'assiduile, par la Socii^te d'acclimalalion, resou-
dront bientot la question posee plus liaut, savoir le
prompt remade a ap[)orter a la d^gendrescence dc la
race frangaise.
Les developpcments qui pr6c6dcnt font asscz pres-
senlir la conclusion a laquelle est arrivee la Commis-
sion centrale de la Societe de geographie. Depuis
quinze ans la Societe avait olFert un prix pour I'im-
portalion el racclimalation d'une espece utile a I'agri-
( 273 )
culture ou aux arts: cc prix a ckS pour ainsi dire,
gagne plusieurs fois par Ic consul dc France a Shang-
hai et Ning-])o, M. de Monligny; qu'il le rccoive enfin
aiijourd'hui, avec nos plus vives el nos plus sinceres
felicilations.
Vous le voycz. Messieurs, la Societe de geographie
n'a qu'a s'applaudir d'avoir accept^ la mission dent
le fondateur du prix I'avalt honoree, puisqu'clle le
decerne aujourd'hui a de grands services rendus au
pays. La Societe peut encore se lelicitcr d'avoir, la
premiere, appele rallenlion publiquc sur cet impor-
tant sujet, en offrant le prix chaque annee, avec per-
severance, et sans se decourager. C'est avec satisfac-
tion qu'en se lormant, I'annee derniere, la Sociele
iVacclimatation a trouve un tel prix offert aux voya-
geurs; aujourd'hui elle se r^jouira de le voir accorde
a un homme dent personne plus et mieux qu'elle ne
peut appr^cier le raerile el les services; et aussi nul
juge plus eclaire, plus competent, ne pouvait nous
servir de guide dans le choix du laureat.
JOMARD,
Rapporteur.
IX. MAI. 3. 19
( 274 )
DE L'INFLLENCE
QUE LK C\NAL DBS DEUX MF.RS EXEIICERA SDR LK COMAfP.RCR
EN GkyknKh
ET SUR CELII DK LA MER ROUGE EN PARTICULIER.
^perire terram gentibus. Ouvrir la lorre aux nations:
lelle est la devise du savanl et ile I'cxploralenr, dii
marin el du soldat, du colonisatour et du cominercanl;
illustrcs ou obscurs, les uns et les autres la meltenl
en pratique et, chaque jour, les anciennes barriercs
quiferuiaient le monde s'abaissenl devant noire audace
el noire perseverance.
J'inscrivais, il y a quelques rnois, en tfile d'un de
nies livres, le uiol sul)lime d'Aleximdre el je le com-
mcnlais en quehjue pages, fermemenl convaincu do
ce grand principe, que la richesse et la civilisation des
peuples sont en raison directo des relations qu'ils cn-
Ireliennent les uns avec les aulres.
Ainsi riionime isol(§ est sauvage; I'habilanl des
pclites ciles est quelquefois l)arbare; celui des grands
cujpires est civilis6, [/Europe n'esl si grande que
depuis que le reste du monde s'osl r^volo a ses
recberclies.
L'Europe, li6riliere longtemps ouldieuse des Ro-
niains, sc rap[)cla un jour leur gloire et leur sagesse ;
conime le plienix elle sortil de ses ccndres et cette
rdsurreclion lul appelec la renaissance.
Alors la pensee devenue libre fut vulgarisde par
rimprimerie; alors les routes de rAint^rique et de
(275 )
rinde s'ouvrircnt devant Christophe Colnmb etdevant
ce grand capitaine auquel Camoens faisait dire :
Sou da forte Europa bellicosa
Busco as terras da India tao famosa.
La vieille humanity n'avait point encore vii de revo-
lution pareille ; depuis cependant qn'elle s'est ac-
complie , rEiirope precipitant sa raarche, autrefois
chancelante, s'avance vers le progres avec line vitesse
toujours accel^ree et dent la loi ressemble a celle de
la chute des corps.
C'est ainsi que la vapeur et I'^lectricit^ nous ont
rendus maitres de la distance et du temps, et que,
grace aux chemins de fer, la terre ferine semble rede-
venir le chemin de la terre.
On roconnait cependant, des qu'on y refl6chit, que
le voyageur peut seul suivre habituellement ces voies
couteuses et que le grand connnerce, aslreint a plus
d'economie, devra toujours promener sur I'Oc^an des
milliers de navires et se contenter de la force gratuite
que lui pretent les vents.
Percer risthme de Suez et I'isthme de Panama, c'est
ouvrir au navigateur des routes moins longues et moins
p^rilleuses ; c'est diminuer les frais que supporte le
commerce, ^tendre ses relations en les facilitant ,
accroilre le bien-6tre ou la richesse de tous, rappro-
cher les peuples et rapprocher ainsi la grandeur des
uns, la civilisation des autres. Telle est une des taches
reserv^es a la seconde raoiti6 de notre si^cle d6ja si
grand, siecle a la gloire duquel cette ceuvre sufTirait
seule.
( 276 )
Lc canal amoricain ct celui do Suez n'ont, toiitefois,
j)as line egalo importance. Le canal dc Suez unit
rinde et I'Europe, il resume le commerce ct la pro-
sp(5ril6, la paix et lc progres de I'Europe, dc I'Asie, de
I'Afrique elle-meme, dc lout cet hcWnisphorc en un
mot, dont la superficio continentalc est a celle de
I'hemisph^re oppose comme 23 est a 11.
C'esl a M. Ferdinand dc Lessops qu'etait reserve
I'honneur d'aitacher son nom a cetle grande entre-
prise, autorisee et palronnee par le vice-roi d'Egypte
Mohammcd-Said.
Heureux d'avoir pu applaudir un des premiers en
Egypte k ce triomphe nouveau de la civilisation, jc me
f^licite encore de pouvoir consacrer quelques pages a
I'elude des questions que souleve rouvcrture du canal
des deux mers.
Si Ton compare les distances ininimnm qui s^parcnt
les ports de I'Europe de ceux de I'lnde, d'une part,
par le cap de Bonne-Esperance , de I'aulre, par le
canal des deux mers, on constate des dillerences enor-
mes a I'avantage de cetle derniere voie. Ces did'erences,
toutofois, deviennent plus grandes encore, dfes que Ton
vient a se rappeler que la ligne droile est loin d'dtre
en marine le plus court chemin d'un point a un autre,
et que les navigaleurs n'atteignent lc but vers lequel
ils se dirlgcnt, qu'en suivant successivemcnt un certain
nombre de routes qui font, les unos avcc les aulres,
des angles plus ou moins grands.
Ainsi, loin de gagner direclemcnt lc ca]) de Bonnc-
Esperance, Icsmarins qui partent de I'Europe ou des
ports allantiquesderAmerique du Nord pour se rendre
( 277 )
dans rinde, doiveiil aller reconnailre les Canaries ou
les Acores, se porter dans ie lit des vents alis^s de
riiemispherc nord, gagner la cule du Bresil et recon-
nailre le cap Frio, ou relaclier a Rio- Janeiro; c'est
alors setdement qu'iis peuvcnt faire route sur le cap
de Bonne-Esperance , mleux nomm^, peut-etre, le
cap des Teuipetes; ilsfranchissent enfin le banc des
Aiguilles, gagnent Bourbon ou Maurice, et de la se
rendent dans I'lnde, en suivant les routes que leur
Iraccnt les nioussons.
Les navires de la Metliterranee ont a lulter contre
des conditions plus dt^savanlageuses encore : il Icur
.. faut souvent une quinzaine de jours pour franchir le
detroit de Gibraltar, les vents d'ouest regnant habi-
tuellement dans ce d^troil, ou Ton observe un cou-
rant Ir^s rapide qui verse dans la Mediterranec les
eaux de I'Ocean.
II en resulte que les voyages de I'lnde prennent au
nioins cinq mois a cinq mois et demi : les traversees
de relour sont un peu plus directes sans etre sensible-
ment plus courtes; la cote d'Afrique pent alors fitre
suivie de plus pres, grace aux alizes de riiemisphere
sud ; la relaclie indiquec dans ce cas est Sainte-
Helene.
J'ai suivi moi-meme ces deux routes, il y a une
dizaine d'annees. Si nous examinons maintenant les
conditions faites a la navigation dans les trois mers
les plus voisines du canal de Suez , a savoir la Medi-
lerranee , la mer Rouge et le golfe d'Oman, nous
trouvons :
Que sur la Mediterranee les vents souHlent du nord
pendant la plus grande parlie de I'annec, passent au
( 278 )
sud par Test vers le printeraps et reviennent au nord
en passaiU par I'ouest et le nord-ouest.
Qu'il en est a peu pr^s de mfime sur la mer Rouge,
ou le vent du nord, qui est le plus Frequent, elcve les
eaux dans la direction du Bab-el-Mandeb ; de telle
sorte que lorsque le calme vient a se produire , on
remarque un courant qui porto dans le nord; ce sont
^videniMicnt les eaux elevees dans le sud qui tendenl
a reprendre leur niveau; les venis de la partie du sud
succ^dcnt habituellement au calme.
Le golfe d'Oman a deux moussons, la mousson du
nord-est qui r^gne avec peu de Constance pendant
I'hiver, et celle du sud-ouesi qui regne pendant I'^t^
et est souvent orageuse; le passage d'une mousson a
I'autre s'effectue la comme partoul par une s6rie de
calme et de coups de vent.
11 me sembie r^sulter de ce qui precede que les
navigateurs auront avantage a se rendre dans I'lnde
(par le canal) pendant I'automne et a en revenir vers
le prin temps.
L'abr^viation considerable de la distance qui separe
les ports europ^ens des ports de I'lnde n'est pas le
seul avantage que le commerce doive trouver a la fre-
quenlation du canal des deux iiiers : non-seulement,
en effet, les navires alteindront plus rapidement le
point extreme de leur navigation , mais encore ils
rencontreront sur toute leur route des poinls de ve-
lache et, ce qui est plus important, des marrlies con-
siderables.
Le navigateur, apres avoir suivi les routes t'aciles de
la Mediterranee, vendra dans le canal de Suez ou a
Djedda une partie de son cliargerncnt, aclieLera a
( 279 )
Massawa, ou a Souaken, ou a Berbera, I'ivoire qu'il
^changera dans I'lnde conlre de I'opium, ou qu'il
transporlera jusqu'eii Cliine, pour y obtenir de la
sole et du th^.
II complelera son chargement de retour en denrees
coloniales de Manilla, des iles do la Sonde, de Ceylan,
en colon de I'lnde ou de I'Lgypte, en cafe de I'Abys-
sinie , ou de rYemen , en gomme du Soudan ou du
Hedjaz, en ble de la basse Egypte ou en riz de Damielte,
et ces operations multiples, qui exigent aujourd'hui
des annees ou constituent presque autant de specia-
lites, s'accompliront rapidement et sans p6ril, avec
peu de capitaux et de petits navires.
En effet, en reduisant le temps necessaire aux ope-
rations du commerce, on en reduit les irais g^neraux,
on rend un plus grand nombre de ces operations pos-
sibles dans un temps donne, on les facilite aux petits
nt^gociants, de beaucoup les plus nombreux.
En ofifrant a la navigation une route plus facile,
plus sure, on permel a cette navigation de s'accom-
plir avec des navires d'un faible tonnage, arm6s a bon
compte; en un mot, on ouvre au cabotage les routes
de rinde, on democratise le commerce et la naviga-
tion. Des lors, laTurquie, laRussie, rAutriche.l'Italie,
I'Espagne m^diterran^enne peuventarmer pour I'lnde;
ces puissances voient s'accroitre dans une immense
proportion leurmouvement maritime. Marseille prend
un devclojipement nouveau et les ports de I'Ocean,
Cadix, Lisbonne, le Havre, Rotterdam, Hambourg,
mulliplient leurs armements, ainsi que I'Angleterre,
rapprocbee soudain de sa puissante colonic, comme
I'Espagne et la Hollande le seront de Manille et de
( 280 )
Batavia; cnfin raccroissemenl des relations, la con-
currence d'une part, la diminution notaijle des frais
de I'nutro, Icndronl sans cesse a abaisser le laux des
echanges, les produils de I'Asie abondcront sur nos
marches : les marches de I'Asie regorgeront des nolres,
el le bien-otre general sera necessairemenl accru.
Considerees au point de vue des avantages qu'ellos
doivcnl retirer de I'ouverture du canal des deux mers,
les conlr6es diverses inises en relation par ce canal
peuvent etredivisees en six classes, dont trois a Toiiest
et trois a Test du canal.
A savoir, en parlanl tUi canal et a I'ouest:
1* Les contrees littorales de la Meditcrranee ;
2° L'Europe allantique;
'6' L'Amt^rique septentrionale allantique.
En partant du canal a Test:
1° Les contrees baignees par la mer Rouge;
2" Celles baign(^es jiar la mer des Indes ;
3" L'Asie orienlale el I'Occanie.
II est evident que les ports baignes par la Mediter-
ranee et la mer Rouge sont ceux qui ont le plus a
gagner a I'ouverture du canal;
Que TEurope allantique et I'Asie meridionalo, c'est-
a-dire Maskate, Bassora , toute I'lnde, I'Enipire bir-
man, ainsi que I'Afrique orienlale, c'est-a-dire Zan-
zibar, Mozambique, !\Iadagascar, ont aussi un immense
interet a voir s'ouvrir le canal de Suez. Enlin la parlie
de I'Am^rique du nord qui regarde I'Atlantique et le
golfe du Mexique, d'une part; la Cochinchine, la
Chine, le Japon, les lies Lucon el de la Sonde, I'Auslra-
lie, la Nouvelle-Zelande de I'autre, vienncnl en troi-
si6me ligne ; il est clair toutefois qu'il y a encore ua
( 281 )
avantnge notable a suivre le canal de Suez pour se
rendre do New- York , par cxemple, a Canton ou a
Balavia.
Tout le monde saisit I'importance du commerce de
rinde, de la Chine ou de rOccanie. Le commerce de
la mer Rouge, moins considerable, merite cependant
d'atlirer I'attenlion, mais il est moins connu parce
qu'il cxisle a peine aujourd'hui et ne peut acqu^rir
de d(^vcloppement que par I'ouverture du canal des
deux mors.
La mcr Piouge , en elTet, si rapprochee de nous a
vol d'wiseau , en devient fort t^loignee, des qu'il s'agit
de doubler lo cap. Le Bab-el-Mandeb est aussi loin de
nous que Pondichery : Souaken est aussi loin de nous
que Batavia ; Suez, plus eloigne encore par cette voie,
devient par le canal aussi rapproch6 de nous que
Beyrout; enfin les deux routes mesurees du detroit
deCibraltar a Souaken sont enlre elles comme 1 est a 5.
Tres peu de navires europeons frequenlent aujour-
d'hui la mer Rouge ; on y voit ajiparaitre, chaque
annee, quelques navires appartenant a des Parsis de
Bombay et niontes par des Equipages indous (Laskars);
maintenant le commerce inlerieur de cetle mer se
fait par les barques arabes appel^es daos, ou boutres,
conslruites a Suez, a Djedda, a Kosseir, a Souaken, a
Mokha, avec des bois qui viennent de I'lnde ou de
Singapour.
Ces batimenls sont tous d'un tres falble tonnage, ils
ont beaucoup d'elancement et de lonlure; unedunelte
pesantc qui nuit a la manoeuvre et augmente la calaison
a I'arriere ; ils greent un scul mat qui porte una voile
carrOc ; celte voile et sa vergue sont, lorsqu'on s'ar-
( 282 )
r6te, amonees au pied dii mat : il faut unc trentaine
d'homines pour la liisser de nouveau, et celle opera-
tion ne saiirait s'accomplir en moins d'nne donii-
heiire ; les viremenls de hord sonl aussi difficiies que
dangereux.
Les daos ne naviguent que de jour; ils appareillent
sur les sopt hcures du matin, marchenl jusque vers
les quatro lieiu-es, en vue de la cole, mouillent alors
un grapin on s'6cliouenl sur le sable.
Lorsqu'il s'agit de traverserla mer Rouge, les Arabes
ont soin de partir d'un point situe fort au vent dc
celui qu'ils veulent atleindre sur la cote oppos^e ;
cette Iraversee exige une soixanlaine d'heures; c'est
loujours un moment de grand emoi pour les patrons
de barque. Ces patrons, appeles nakhouda (d'un mot
persan), ont la pretention de prendre hauteur avec
des astrolabes d'une v^n^rable antlquile; cette pre-
tention ne m'a pas paru complt^lemenl justifiee. J'ajou-
lerai qu'on voit rarement un compas a bord des daos;
la boussole classicjue des Arabes ne consisle, du reste,
qu'en une aiguille plus ou moins aimanlee, traver-
sant un bouchon qui nage dans un seau d'eau.
On ne s'elonnera pas, apres ce que je viens de dire,
si un cinquieme des daos se perd chaque ann6e.
La navigation des daos n'est pas rapide, j'ai passe
moi-meme 45 jours sur deux do ces barques; a savoir
45 jours pour me rendre de Souaken a Djedda (il y a
60 licues marines environ); el 30 jours pour me rendre
de Djedda a Kosseir (il y a a peu pres 130 licues ma-
rines); il est vrai que nous remontions au vent : pour
descendre sous le vent on emploie la moiti^ de ce
temps, quelquel'ois moins encore.
( 283 )
' II y a loin de ces daos a nos navires ; aussi peut-on
dire al'avance que I'introduction par le canal de Suez-
des navires europ^ens dans la mer Rouge prodiiira,
m6me dans le commerce int^rieur de cette mer, une
revolution complete.
Les ports de la mer Rouge livreraient au commerce,
du caf6, de la gomme, de I'ivoire et quelques autres
produits tels que sen6, cire, plumes d'autruche, etc.,
que je cite seulement pour memoire.
A Djedda, on chargerait de la gomme;
A Souaken, de la gomme et de I'ivoire;
A Moklia, du caf6;
A Massawa, ainsi qu'a Tadjuira, Zeyla, Berbera,
situes dans le golfe d'Aden, de la gomme, de I'ivoiro
et du caf6.
Si la gomme, I'ivoire, le caf6 de la mer Rouge ne
sont pas aujourd'hui I'objet d'un grand commerce, il
ne faut I'altribuer qu'a la distance qui nous separe de
la mer Rouge par le cap de Bonne-Esperance ; les
grandes puissances dont les navires doublenl le cap,
c'est-a-dire la Grande-Bretagne, la France, I'Espagne,
la Hollande onl d'ailleurs des colonies qui ne leur
permettent pas de s'approvisionner de ce cote, au
moins en ce qui concerne le caf6, mais des que le
canal de Suez sera ouvert, la Grece , la Turquie, la
Russie, I'Autriche, I'ltalie, qui n'ont point de colonies
a menager, trouvei-ont un avantage notable a prendre
dans la mer Rouge le cafe qu'elles consomment : de
loules les contrees productrices de caf6, I'Abyssinie
sera en effet la plus rapprochee de I'Europe m^diter-
ran^enne, ct particulierement de ses deux p^ninsules
orientales, la Grt;ce et I'ltalie, et des deux mers qui
( 28/1 )
baignent la Russie et lAulricho. Les polltcs Anlillcs
sont a peu pr6s aussi 6loigi)«!!es du tlelroit cic Gibraltar
que de I'Abjssinie; Ics grandcs Anlilles en sonl plus
dislanles, aiusi quo le Br^sil ; quanl a Ceylan ot aiix
lies de la Sonde, on ne peut plus s'y rcndre que par
la mer Rouge.
La culture du Sucre tend d'aillouis, dans la plupait
des colonies, a se subslilucr ile plus en ])lus acelle du
cafe, moins peul-elre en raison du privilege accord(^
par quelques Elats aux sucres coloniaux qu'en raison
de I'accroissement enorme de la consonimalion du
Sucre et des alcools, accroissement qui sc Iraduil par
le developpement que rcgoil en meaie temps I'indus-
trie sucriere melropolilaine.
L'Abyssinic, dont le port est Massawa (possession
turque), peut fournir, a des prix raisonnables et en
abondance, un cafe de qualite superieure. Ce cafe,
peu repandu en Europe, y est vendu sous le nom de
cafe mokha: le port de Mokha, en effet, n'est presquo
jamais visite par des navires europ^ens, le cafe y est
beaucoup plus cher qu'a Massawa : il est vrai qu'il
est d'une quality un peu plus fine; laTurquie, I'Egyple,
Venise memo en consomment un peu.
Le capitaine de vaisseau Jehenne, connu par ses
beaux travaux hydrographiques, a visile, il y a une
douzaine d'annees, les ports de la mer Rouge et du
golfe d'Aden. M. Perville, botaniste distingue, attaclie
a celle expedition , a fait un rapport plein d'interet
sur les cultures de I'Yemen et, en particulier, sur colle
du cafe ; ce rapport a etc insere dans les Annales
jnaridtncs.
Quelques Europeens frequenlent ou babilcnt deju
( 2S5 )
I'Abyssinie : il y a lion rl'osperer que I'ouverlure du
canal des deux mers en atlirera iin plus grand nombre
de CO c6t6 et que nous vcrrons se former la, sous la
protection des puissances europ^cnnes et du consen-
tement des autoi-iies locales, sur un sol gratuit et avec
une rnain-d'oeuvre peu couteuse, des plantations con-
siderables dont la culture sera bien entendue.
L'Abyssinie,babilee par des populations cliretiennes,
accueillera sans ombrage les emigrants de I'Europe ;
elle acquerra par leur contact le godt de nos pro-
duits, dont le placement pout prendre, de ce cole,
une certaine importance, surtout en ce qui concerne
les tissus, les armes et les munitions de guerre, la
quincalllerie et les verrolerics employees a la traite de
I'inlerieur; je crois que les caux-de-vie de basse
qualile Irouveraient aussi un bon debit dans cette
contree.
Les navires europeens pourraient transporter, cha-
que annee, de Massawa a Jafl'a, un gi'and nombre de
pelerins se rendant a Jerusalem. L'Abyssinien devot
affronte aujourd'hui les plus grandes fatigues et les
plus grands perils pour visiter le tombeau de Jesus-
Christ. Son amour-propre et son fanatisme ont beau-
coup a souiTrir sur les barques de la mer Rouge,
mont6os par des musulmans, et pendant le voyage de
Suez a Jerusalem, a Iravcrs des contrees musulmanes;
c'est pourquoi ce pelerinagc, aujourd'hui peu aclif,
prendrait un essor considerable s'il etait favorise par
les marines europeennes, et je crois mfime qu'une
conipagnie trouverait un grand avantage a meltre sur
la mer Rouge quelques bateaux a vapour qui desser-
viraient, pendant une partic de I'annee, lo pMerinage
( 286 )
de Jerusalem pour les chr^liens, et, penrlant le reste
du temps, le pelerinage de M^dine et de la Mccque
pour les musulmans.
Les pelerins musulmans pourraient 6tre Iranspor-
l«is de Constantinople , de Suiyrne , de Beyrout, de
Tanger, d'Alger, de Tunis el du Caire a Yemho et a
Djedda. Le nombre des pelerins de la Medilcrran^e
est de 30 a hO 000 au moins par annee ; on peut cal-
culer que les caravanes de Damas et du Caire en
conserveraient, a elles deux, 5 000, et que les barques
de Suez et de Kosseir en transporteraient, a prix r6-
duit, un nombre 6gal; le reste prendrait passage sur
les navires europeens et passerait par le canal des
deux raers.
j\Iassawa consomme aujourd'hui peu de produils
europeens; quand a Souaken, il ne recevra jamais de
I'Europe que quelques armes de traito, de la quin-
caillerie, des colonnades anglaises el des verroleries
autrichiennes necessaires aux echanges sur le (leuve
Blanc.
Medine dont le port est Yembo; Djedda el surtout
la Mecque sont de grandes villes oil Ton voit plus d'ai-
sance et meme plus de luxe que dans la plupart des
villes musulmanes; les etrangers qui y affluent de
toutes les parties du monde k I'epoque du pelerinage,
y donnent et y depensent beaucoup d'argent; ces
villes pourtant s'el^vent au sein d'une contrec aride
et sont depourvues de toute induslrie; le pelerinage
leur en tenant lieu, elles doivent en consequence tirer
du dehors tout ce qu'elles consomment; le ble leur
est envoye d'Egypte par Suez et Kosseir; une grande
partie de ce ble passera par le canal : e'est par I'tgypte
( 287 )
^galement que les articles de fabrication europ^enne
ou musulmane leur parvionnent; ils leur arriveraient
desormais par le canal ; ces inarchandises consistent
en cotonnades, draps, soierics, velemenls confection-
nes, fusils a pierre et a meclie de fabrique autricbienne,
quincaillcrie, poterie, buile, beurre fondu, bougie,
Sucre d'l^gypte, savons de Syrie , eau-de-vie de Chio,
ou d'Egypte. On fait dans les villes saintes une consom-
mation enorme de ce dernier produit : je remarque,
en passant, que le peuple de M^dine et celui de la
Mecque sont fort irreligieux, bien que la religion les
fasse vivre.
Les villes du liedjaz consomment aussi beaucoup de
produits de I'lnde.
J'ai ciie Souaken couirae pouvanl fournir de la
gomme et de I'ivoire ; ce port en expedie d(5ja une
cerlaine quantity a Djedda, ou ces marchandises re-
Qoivent leur destination ult^rieure; la gomme et I'ivoire
arrivent a Souaken de Kartoum et du Soudan egyptien.
Je donnerai ici quelques renseignements sur le Sou-
dan en general el le Soudan egyptien en parliculier.
Le nom de Soudan (Nigritie) est donne paries Arabes
a une zone africaine situ^e au sud du 16* degre 1/2
tiord, s'^lendant du Senegal a I'Abyssinie et se d6ve-
loppant a une distance un peu plus grande au sud
qu'au nord de I'Equaleur.
Les limites nord et sud de cetle region sont d^ter-
minees par les pluies eslivales; ces pluies tombent de
mai en octobre, dans la partie du Soudan situee au
nord de I'tquateur ; de novembre ^ mai dans I'autre
hemisphere; ces pluies ne d^passent pas le 16' 1/2 de-
gre de latitude boreale; au nord de ce parall^le com-
( 288 )
mcnccnt a sc monlrcr ces d^seils arltles, desert de
Sahara, di^sorl dc Ljbic qui confmenl dans le voisi-
nage de laMediterranee avec los rdgcDces baibaresques
souuiises aux pluics hivernalcs ct sonl inlorrompus,
a I'osl, par le cours forlllisant du Nil.
Le Soudan esl habile, enlre le 16^ 1/2 el le 10" de-
gr6 nord par des noirs uiusulmans ct , au sud du
10« parallele, par des noirs idolalrcs, que les premiers
reduisent souvent en esclavagc. Des Arabes noirs par-
courenl les contr^es septenlrionalesdu Soudan; on les
y relrouvc parlout, depuis Souaken jusqu'aii Senegal.
On rcmarque en Arabie la mfinic division de climats
qu'en Afrique, dc telle sorlc que cotte peninsule aride,
sterile, ou couverte dc maigres ])alurages jusque sous
le 16' J/2 degre , recoil des pluios abondanles el se
cou\re d'une riche vegetation au sud de ce parallele,
c'esl-a-dire dans TY^men ou Arabie heureuse.
Les pkiies du Soudan alimentent des milliers de
sources et donnent ainsi naissance a de grands fleuves,
a de vastes lacs ou a des raarecages qui, couime les
fleuves, sont soumis a des crues annuclles.
La terre humide, sous un ciel de feu, sc couvre
d'une vegetation puissante, des peuples barbares et
peunonibreux en cultivent a peine quelques parcelles;
parlout aillcurs s'elevent d'immenses for^ls, compo-
s^es en grande partie de gommicrs et au sein des-
quelles errent les elephants.
Le commerce du Soudan roule d^s lors principale-
mcnt sur la gomme el I'ivoire; on pent y ajouter, pour
iri(5moire, Ic s^ne, les plumes d'autruchc, les denls
d'hippopotame, la cire, etc.
Ces produits sonl actuellemcnt recherches par le
( 289 )
commerce an Senegal ct sur loiile la cole occlclenlale
d'Afrique, a Zanzibar et siir (jiK'lqiies poiiils de la cote
orientale d'AIViqiie.
Transporles par les Africains a Mogador et a Tripoli
de Barbaric: par les Africains et quelques Europeens
a Alexandrie; ils sont acquis de seconde main par les
Anglais, les Autrichiens, les Ilaliens.
J'ai fait voir ailleurs que le prix tie ces j)roduils
elait tres eleve au Sent^gal, dans la Gambie, a Mozam-
bique, a Zanzibar, ainsi que sur le lilloral de la Medi-
terranee et a Mogador ou des frais de transport par
caravane viennent ajouter un element nouveau a leur
prix venal.
J'ai montre , en meme temps, que ces produils
dlaient au plus bas prix possible dans le Soudan
egyptien.
La partie orientale du Soudan, visit^e par moi il y
a quelques annees, est devenue trts accessible aux
Europeens.
Celle region conquise, en 1821, par une armee
egyptienne que commandait Mohammed-Bey Defter-
dar, comprend les provinces de Dongolah, Cordofan,
Karloum, Sennar, Fazogl et Taka; on pourrait y
ajouter une province nouvelle qui serait le bassin du
haut Nil.
Le Soudan egyptien est gouvern^ par un ferlk ])acha
(general de brigade), envoye du Caire avec le titre de
hokmadar (gouverneur), qui r»^side a Karloum, ct des
prefcls ou moudhirs en nombrc egal a celui des
provinces.
Souaken ne depend plus de TLgypte; ce port a elu
cede au sultan et fait partie du pachalik de Djoddn.
IX. MAI. h. 20
( 290 )
Anl^rleuremcnt a 1850, le commerce clu Soudan
(^lait un monopole du gouverneiDenl egyplien, mono-
pole fond6 sur ce principe que les dons gratuits do la
nature apparliennenl au souverain; la gomme, le sene,
qui n'exigent point de culture, etaitnt assiuiilcs ainsi
aux produits ties mines et des carrieres.
Depuis 1850, ce commerce est libre et los n^gocianls
europ^ens, qui depuis longtemps s'y iivraient en eon-
trebande, ont pu ^lendre leurs operations.
La gomme est rechercht^e par eux dans le Cordofan
el le Sennar; la gomme du Cordofan est la plus belle
que Ton connaisse; elle se presenle en morceaux de
la grosseur du poing el d'une parfaite liinpidite ; la
gomme du Hedjaz et celle du Senegal sont d'une qua-
lite inferieure.
Le quintal de gomme coiilait, lors de mon sejour
dans le Cordofan , de 27 a 32 piastres 6gyptiennes ;
elle etait mlse dans des peaux cousues, ce qui revenait,
par quintal, a 3 piastres.
Le Cordofan a exports jusqu'a 36 000 quintaux de
gomme dans une annee; il pourrait en sortir cent
fois plus si la demande 6lait cent fois plus forte; une
partie infinimenl minime de la gomme produite 6tant
seule r^coltee aujourd'liui.
La plus grand e partie de la gomme recolt^e au Caire
est dirigee par Alexandrie sur Trieste.
Le Cordofan tl le Sennar livrent de I'ivoire au com-
meice; ce n'est loutofois qu'un peu plus au sud ,
vers le 10« parallele, que les elephants se monlrent en
grand nombre : ces animaux frequentent le voisinage
des cours d'eau ; ils vivent isoles ou par families pen-
dant la saison sfeche ou hiver, et r6unis en troupes
( 291 j
nonibreuses sous la direction d'un vieux male, appele
par les Arabes khabir (guide) pendant la salson des
pluies, ou hivernage (kharif).
Les peuples du haut Nil ne peuvent chasser I'^le-
phant que pendant I'hiver ; le chassant, en effet, a
I'arine blanche, ils ne peuvent songcr a I'attaquer que
lorsqu'il se trouve isol6.
Les n^gociantri t^tablis dans le Soudan recherchent
aujourd'bui I'ivoire sur le fleuve Blanc; quelques-uns
d'enlre eux, pourvus de bonnes carabines, se livrent
a lachasse; la grande portee de leurs armes leur
permet de chasser I'^l^phant, nieme pendant I'hiver-
nage, alors qu'il se reunit en troupcaux.
Depuis les voyages entrepris par M. d'Arnaud et
Selim-Effendi bimbachi, le fleuve Blanc est de plus
en plus IrtSquente par les barques de Khartoum, el
bien que les sources de ce fleuve n'aient pas encore
^te decouvertes, I'etude de son hydrographie a fait de
grands progr^s ; on a d^ja remont6 le Nil par le 2^ de
latitude nord ; c'est la que succombait, il y a deux
ans, le missionnaire Angelo Vinco, martyr a la fois de
sa religion et de la science.
On ne s'est pas bornd, du reste, a 6tudier le fleuve
lui-meme, ses affluents ont et6 explores en parlie et
Ton en a reconnu de nouveaux qui seront explores a
leur tour; le Snubat et le Keilak (Bahar-egh-ghzal,
Misselad) etaient connus deja depuis quelques annees;
trois autres affluents, le Gnok, le Miedjok, et una
riviere innoniee ont ete signales recemiaient sur la
rive droite du fleuve un peu en amont du Saubat (peul-
felre doil-on les consid^rer comme les trois bras d'une
meme riviere), enfin sur la rive gauche et en amont
( 292 )
du Keilak, M. VaYSslure a reconnu derni^remenl uii
afilucnl considerable, oppele dans le pays Nlobohr,
qui >icnt du siid cl enlre dans le Nil par qiialre Ijou-
ches entre les 7' el 8' parallcles nord.
Le Saubat, le Niebolir, lo Keilak surloul qui re^oit
sur sa rive droite le Kouan, ou Apabou, sont de grands
cours d'cau ; le Gnok el le Miedjok sont navigaljles
pour les barques des indigenes au inoins jusqu'u une
grande distance de leurs emboucbures. Toules ces
rivieres coulantdans un pays peu accident^, couvrent
a I'epoque de leurs crues d'immenses espaces, tandis
que pendant la saison seclie clles promencnt lentement
des eaux moins abondantcs a Iravcrs los mar^cages
qu'elles ont cr^^s.
Quelques routes commerciales nietlcnl le bassin du
Nil Blanc en rapport avec des conlrees plus eloignees:
telle est la route signalee par M. Vayssi^re, qui con-
duit des boucbcs du Niebolir a Djonkor dans le pays
de Rorek, dont la population parait etre musul-
inano, et qui depend , selon toute probabilite, du
Darfour.
Le bassin du Nil Blanc constilue le plus vasle niarcbe
d'ivoire ouvert au commerce dans toule I'YVfrique ;
aucune region du Soudan idolatre n'est aussi abor-
dable aux Europeens que celle-la; ])artout ailleurs,
le negociant doit s'approvisionner de seconde inain
ou se resoudre a braver d'immenses dangers et d'im-
menses fatigues pour faire la Iraite de I'ivoirc dans
I'inlerieur; aussi cette traite si lucrative est-elle g6ne-
ralement abandonnee aux indigenes.
Les Euiopeens jouissent a Kbartoum d'une f^iveur
el de i)riv)legcs qu'ils n'obliennent point ailleurs; les
( 293 )
pcuplados riveraines du fleuve Blanc, ou sont deja
soumises a I'Egypte, ou ont deja vu flotter son pavil-
ion; nalurellement timides, elles respectent les Euro-
peens comme les Egyptiens; exemptes de fanalisme,
elles ne ressentent conlre eux aucune haine, et si des
collisions rogrettables, dont I'une a coute la vie a
Vaudey, ont eu lieu, il n'en faul cherclier la cause
que dans les faules commises par les negocianls et le
deplorable esprit de rivalite qui les anime ; I'inipru-
dence des uns, la faiblesse des autres, le d^sordre et
la confusion qui en resultent, finironl par les perdre
si Ton ne Irouve moyen d'y remedier.
C'est en parlic aux agents des puissances euro-
pt^ennes en Egypte, en partle au gouvernement de ce
pays qu'il appartient de prendre, a cet egard, des
mesures convenables.
Je crois, quant a moi , que ce qu'on pourrait faire
de plus sage serait de conceder le privilege exclusif
sur le fleuve Blanc, a une compagnie dans laquelle
seraient admis les negociants aclucllement ^tablis a
Khartoum el de confier le soin de survoiller les ope-
rations et les actos de cetle compagnie a un d^legue
europ^en, aulorise a en exclure les negociants contre
Icsquels s'4leveraient de justes plaintes.
Le vice-roi d Egypte pourrait, de son cote, comme
maitre legitime du haut Nil et faisant acle de souve-
rain, clever, a rembouchure des principaux afiluents
du fleuve Blanc, quelques postes i'orlifies dans chacun
desquels il placerait une cinquantaine de soldnts noirs,
sous les ordres d'un capilaine^ ces postes pourraient
elre relies enlre eux par un service de barques armees
n guerre, montees cliacune par une vingiaine d'hom-
( 29/i )
noes charges de surveiller les riverains du fleuve et de
prot^ger les barques de la coinpagnie.
- Aupr^s et en dedans de I'enceinte extt'-rieure de
chaque poste forlifie, la compagnie des ^changes avec
les indigenes ^lablirait un coraploir el des luagasins;
un employ^, a demeure fixe, charge des ^changes
avoc les indigenes, recevrail et emmagasinerail I'ivoire
que les barques de Khartoum viendraient chercher
chaque ann^e.
La caravane du Darfour transporto, chaque ann^e,
h Siout de 1 000 a 1 500 quintaux d'ivoire ; lorsque
Taccfes du port de Souaken sera I'acilit^ aux navires
europ6ens par I'ouverture du canal des deux mers,
cet ivoire passera tr^s probabloraont par le Cordofan
el Khartoum pour venir s'embarquer a Souaken : les
frais de transport seronl bien moindres et cette route
sera, pour les p^lerins fouricns qui se rendenl a la
Mecquo, bien prc^ferable a cellc pr^cedemmenl suivie.
La caravane do Siout se trouve nalurcllement sup-
priuiee par Tabolition de la traite des noirs dans les
tlats de Mohammed-Said ; celte caravane, en effet,
amenail, chaque ann^e, de 1 000 a 1 500 esclaves
dont elle trouvait a Siout un prix plus eleve que celui
qu'elle eut pu en obtenir dans le Cordofan.
La caravane du Darfour suivail le desert jusqu'a
Siout; elle eilt pu aboutir, sur le Nil, ^ Dongolah,
mais les marcbands I'ouriens trouvaient a vendre avec
plus d'avantage, 6 Siout, lours chameaux (^puis^s (ils
n'avaicnt besoin pour le retour que d'un nombre
moindre de ces animaux); d'ailleurs le sultan du Dar-
four, craignant une invasion de I'Egypte, a soin de
tenir form^e la roule qui va de ses fronli^ros a Don-
( 295 )
golah; celte route, comme toutes ceiles du desert, est
delermineo par la situation des puits; les tgyptiens
qui ne connaissent point ces puits, el ne trouveraient
peut-etre pas de guides sur lesquels ils pussent
compter, n'oseraient point s'y hasarder.
Le Darfour a aioins a redoulor une agression qui
partirait du Cordofan.
J'ai fait connaitre ailleurs (voy. Le desert et leSniidan,
liv. V, chap. Ill, routes suivies par le commerce) la
route commerciale qui unit Caube , capitale du Dar-
four, a Lobeidh, capitale du Cordofan; celte route
est parcourue en quinze jours par les caravanes: les
transports s'y efTectuenl a raison de 75 a 80 piastres
egyptiennes par ralial, ou charge de chameau (cinq
quinlaux).
Le Iransportdes marchandises, de Lobeidii auCaire,
coute 150 piastres par rahal et, avec les arrets neces-
saires, exige au moins deux mois.
A SAVOIr: piastres par rahal. jours.
De Lobeidh a Debbe 8o i5 a i8
De Debbe a Dongolah, par barque. ... 3 a 4 ^
Dt; Dongolah aWadi halfa, par caravane,
le transport sur cette partie du Nil pre-
sentant (juelque danger 5o »a
De Wadi halfa a Asouan, par barque. . . 5 a 6 8
Location de chameaux pour eviter les
cataractes 3 -
D' Asouan au Caire, par barque lo ou la i5 a 20
Piastres, total. . 146 a i5o 53 i a 61 i
Le transport des memes marchandises, de Lobeidh a
Souaken, ne coute, au maximum, que 128 piastres par
rahal et n'exige que trente a trente-cinq jours au plus.
{ 296 )
A i^AVOin: PIASTRES PAR RABAL. JOUIIS.
De Lobc'idli a Khartoum 5o ;i 60 10
Do Kliaitouni a Berber, par liar(|ue. ... 4 ^ ^ 8 a 10
De Berber a Sounkcn 60 12
Total. . ii4 a 128 3o a .Ha
II en resuUc que le n^gociant qui, au lieu de Irans-
porlcr sesgomuics auCaire,lestransporlora aSouaken,
r^aliscra une Economic notable et pouria , dans la
derni^rc partie dc la saison s6che, cpoque do la recidte
de la gonimc, faire deux campagncs de gominc au
lieu d'une,
De Khartoum au Cairo, il y a deux routes;
A SAVOIH, LA PnEMlERE : PIASTRES PAR RAIIAL. JOURS.
De Khartoum a Debbe 5o a 60 12
De Debbe au Caire 66 a 70 38 ^ a 43 *
Cette route, par divers motifs, est peu siiivie.
LA SECONDE; piastres PAR RAIIA I.. JOURS.
De Kliartoum a Berber 4 i> 8 8 .i 10
De Berljer a Korosko, par paravane. ... 160 a 180 1 5 a 20
Do Korosko a Asonan, par barque. ... 3 a 4 3
Location de chaineau pour eviter les
cataractes 3 \
D'.^souan au Caire, par liarque 10 .n 12 i5 a 20
180 a 207 4i i a 53i
De Khartoum a Souaken, copcn^lanl, le iranspcrt
d'un rahal nc coi'ile que Oil a 68 piastres et le voyage
n'exige que 20 a 22 jours.
11 me semble resuller de cc qui precede que des
que le canal des deux mers sorn livr6 a la navigation,
lout le commerce du Soudan ^gypticn dcvra passer
( 297 )
par Souaken, et que la plus grande parlie de ce com-
merce devra passer par !e canal.
Je crois avoir demontre egalement que le canal des
deux mers ouvrira au commerce europeen des mar-
ches importanls dans la mer Rouge et nous rendra
maitres de lout le mouvement interieur de cette mer.
Ainsl I'Europe verra grandir son commerce et sa
puissance, tandis que des contrees et des peuples, trop
longlemps oubli«^s, verront tomber la barriere fatale
qui los separait de nous.
Nous n'avons envisage el bien rapidement encore,
que le plus petit accident d'une immense rt^volutlon,
que serait-ce si nous en examinions toutes les conse-
quences?
C'est quand le canal des deux mers s'ouvrira qu'on
pourra en toute verile dire a I'Europe :
All thine shall be the subject main
And every shore its circles thine.
Ou encore ai>ec le po'ete portngnis qui, luii des premiers,
suii'it les routes de Vlnde^ I'Ocean tout enlier obeira a
I'Europe.
Ser Ihe ha todo o oceano obediente.
Et « les Europeens bienlot maJtres du monde lui
» dicleront des lois meilleures. »
E por elles em fim de lodo senhores
Serad dndas na terra leis mclhores.
C" d'Escayrac du Laiture.
Le Caire, 28 fevrier 1 855.
( 298 )
NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR LE GENERAL SEMINO,
PAR M. DE LA ROQLETTE.
LUE A LA SEANCE GENEBALE DU ^2^ ATRa 1855.
Messieurs ,
Trois ans se sonl deja ecoul^s depuis la morl du
general Seiiiino, Tun de vos correspondanls strangers,
de ce voyageur aventureux aussi distingue par ses
talents que par son z6le et son activite, qui a explore,
pendant pres d'un quart de siecle, la majeure partic
(les provinces de la Perse, tantot en conduisant aiix
combats les troupes indig6nes, tantot seul ou accom-
pagn6 d'ingenieurs charges de le seconder dans des
missions scientifiques ou d'ulilite pubiique. Jc viens
aujourd'hui lui rendre devant vous un jusle, quoique
lardif hommage.
Barth^lemy S^mino, membre correspondanl de la
Society de geographic, g^n^ral au service du chah de
Perse, naquil en I'an vii (1799), dans la meme ville
ou Vanloo, Cassini et Massena ont vu le jour, a Nice,
a cetle ^poque chef-lieu du d^partemenl des Alpes
mariliraes , et faisant par consequent parlie de la
France. Marie-\ irginie Besard, sa mere, 6lait nee a
Saint-Tropez ; et Anjbroise Semino, son pere, occu-
pait le poste d'agent consulaire de la rt^jiublique ligu-
rienne a Nice (1). L'annee qui suivit la mort de son
(i) J'ai puisc ces fails dans des notes que le general Semino m'a
fait transmetlre plusieurs annees avant sa mort. C'est done par
erreur que dans una notice que la Revue orientate a publiee en iSSa
( 299 )
mari, Madame S^mino ^pousa, en secondes noces,
Henri Augard, pharmacien en chef de rarmt^ie du roi
Murat, et lorsqu'il quilla le service de Naples pour
passer en la mSme quality a I'arm^e d'ltalie, Augard
ommena avec lui son beau-fils qui n'avait pas encore
alteint sa quatorzi^me annee. lVlalgr6 un age aussi peu
avanc6, les besoins du service medical 6taient alors
tellement pressants que sur la requisition des chefs
de ce service, le jeune Semino, qui se trouvait a Udine,
fut nomme, en 1813, officier de sanle de troisi^me
classe. II exerga ces fonctions pendant un an environ
sous les ordres imm^diats de son beau-p^re, fut en-
suite attache a I'ambulance de la premiere division,
qu'il ne tarda pas a quitter pour s'engager comma
volonlaire dans le 84^ regiment d'infanterie de ligne,
avec Icquel il combattit a la bataille livree, le 8 fe-
vrier 181Z|, pres du Mincio, Apres cetle affaire, Semino
eut a remplir une mission delicate que lui confia le
gend;ral Quesnel et dont il s'acquitta avec courage et
intelligence. Lorsque les cantonnements eurent 6t6
abandonnes et pendant la retraite sur Milan et Turin,
Semino fut attache a la 4°" division, aupr^s du com-
missaire des guerres Latouche. Licencie a la rentree
de I'ai'm^e en France avec le titre de sous-lieutenant,
il se retira a Valencelles, departement des Basses-
Alpes, lieu de residence de sa m^re.
Avant la fin de cetle meme annee 1814, Semino se
rendit a G6nes avec I'intenlion d'alleindre I'ile d'Elbe
(t. II, p. 474)5 *^' 1"^ nous avons ete cependant heureux de consulter.
M. le colonel Colonil)aii a fait naltie Semino aux iles d'Hyeres et
qu'il assure que son pere etait vice-consul de France en Chypre.
( 300 )
pom* s'y enroler dans le bataillon qu'on appelail sacr6,
mais la police I'ayant fail arreler, il ne j)ut pour-
suivre son voyage. Parvenu a s'evadcr, il sc disposait
a aller rejoindre sa ni^re, quand il appril que I'eni-
pereur Napoleon venall de ponelrer en France. Pre-
nant sur le champ son parti, Semino se procure un
bateau pecheur el se fait mclirc a terre a Saint-Maxi-
min. Arrele de nouveau parce qu'il n'etait porteur
d'aucun papier, il ful conduit a Draguignan ou le
prefet, Defermon, lui fit un bon accueil et en lui deli-
vrant un passeport rachemina sur I'arraee de la Loire.
Semino v resta pcu de temps atlache au quarlier
general, et lorsque la seconde reslauration fut accom-
plio, il rentra dans ses foyers.
N'ayant pas voulu prendre du service sous les Bour-
bons, Semino passa au milieu de sa famille les cinq
annees qui s'dcoulerent de 1815 a 1820, livrd a des
eludes serieuses qu'il avail jusqu'alors forc^menl ne-
gligees, et dont il comprenait maintenant la neces-
site pour I'execution de ses projels futurs. Au prin-
temps de cette derni^re annee, il se rendit a Odessa
ou il se proposail de fonder une imprimerie lithogra-
phique sous les auspices du baron Rainaud et dc
M. Sacalo Verani, mais il ne fit pas un long sejour
dans cette ville. Lors de I'insurredion des provinces
danubiennes, son caractere aventiu'eux le decida a
abandonner la perspective de fortune que sembhiit
lui oCFrir I'entreprise honorable et lucrative pour la-
quelle il avail quitl^ sa patrie , et a pr6ter I'oreille aux
propositions qui lui furent failes par les princes
Alexandre et Dimilri Ypsilanli. 11 se rendit en conse-
quence en Moldavie, assisla a toules les affaires qui
( 301 )
eiircnt lieu clans ce j)a\s jnsqu'au moment ou la d^-
faite complete des Hetairisles par les troupes turques,
el la fuite dos chefs insurges mirent fin a une tentative
mal concue et encore plus mal dlrigi^e. Apres le
dernier et funeste combat de Scouteni, Semino dut
chercher aussi son salut dans la fuite ; il parvint avec
un petit nombre de ses camarades a traverser le Prutli
a la nage el a gagner le territolre russe. Retenu deux
mois prisonnier, puis rendu a la liberie, il se dirigea
sur Odessa. Mais ne voulant plus renlrer dans I'asso-
cialion litbographique qui I'avait d'abord conduile
dans celte ville, il s'enibai'qua en 1822 el fit, pour le
compte de la niaison anglaise Alwood et Marr, une
exploration des cotes de I'Abkhazie. Les resultats de
celte exploration amenerenl relablissement de deux
coniptoirs, I'un en Miugrelie, dont Semino eut la
direction provisoire, et le second a Tiflis. L'apret^ du
climat de la contree dans laquelle le sort I'avait place
forca bient6t Semino a la quitter, et il se rendit a Tiflis
dans I'espoir de se gu^rir d'obstruclions du foie et
de la rale qui lui causaient d'atroces soufTrances. Ses
maux n'ayant pu y etre soulages, il se dotermina a
essayerdu climat plus salubre deTauris, ville de Perse,
oil, apres un court sejour, il guerit complelemenl. II se
trouvait dans celte ville lorsqu'on lui proposa d'entrer
au service de la compagnie des Indes orientales, el
que, par une ordonnance dal^e du fort William,
28 mars 1823, il fut allache, on qualile d'ingenleur
hydrograpbe, au major, depuis general Monleith;
Semino resla ^i ce service jusqu'a la fin de 1826. La
carle de Perse que le gt^neral Montrith a publiee a
( 302 )
Londres en 1828 doil A Semino le lev6 trigonom^-
tiique do la fronlierc entre la Russie et la Perso, loule
la partie enire Tauris et rcmhouchure du Rizil Lzen
dans la mer Caspicnne, ainsi que le Icv^ du pays situ6
au nord du lac d'Ourmich.
La guerre s'^tant engagee enlre la Russie et la Perse,
Semino donna, en 1827, sa demission du service de
la compagnie des Indes, pour passer a celui du gou-
vernement persan qui oiTrait des emotions plus vives
a son caractere aventureux avec I'espoir d'un rapide
avancement. 11 fit contre les Russes la campagne de
cette ann6e sous les ordres du prince Abbas-Mirza,
avec lequel il combattit aux batailles d'Yavonboulak
et d'Abbas-Abad. A la conclusion de la paix en 1828,
Semino fut nomni^ commissaire du gouvernement
persan, j;our surveiller et inspecter Teniigralion des
Armeniens que les Russes faisaient sortir de Perse;
etcommeil comprenait etparlait m6me correctement
le pei'san et le russe, il fut adjoint cette meme anntie
a la commission chargee de la delimitation des fron-
tiferes entre la Perse et la Russie. Cette mission rem-
plie a la satisfaction des deux puissances, S(^mino
regut, en 1829, des mains d 'Abbas-Mirza, uno me-
daille specialement frappee en son lioruieur, et obtint
en m6me temps la decoration du Lion el du Soleil de
seconde classe, ainsi que cclle de Saint-Wladimir de
Russie; nonmi6 en m6me temps aide-de-camp d'Abbas-
Mirza avec rang de colonel, il fut ensuite attache a la
mission de Kosrev-Mirza, I'un des fils de ce prince,
qui dut se rendre a Saint-P^lersbourg a I'occasion de
I'assassinat de Grebaiedofl' ot de toute I'ambassade
( 303 )
riisse a T^h^ran. A son retour en 1830, S6mino, qui
avail recu avant de quiUer la Russie I'ordre de Sainte-
Anne de troisi^me classe, romplit les fonctions de chef
d'6tat-major (lans I'armee persane rdiunie conire des
khans rebelles et commandee par Ablxas-Mirza. II
dirigea les sieges de toutes les places qu'on fut oblig6
d'atlaquer.et c'estalui quele prince en dutla reddilion.
L'expedition du sud de la Perse venait a peine d'etre
heureusement terrninee qu'Abbas-Mirza mai-cha avec
ses troupes contre les revokes duKhoracan. Dans celte
seconde campagne executee pendant les anndses 1831
et 1832, S6mino remplit les memes fonctions que dans
la campagne prec^dente et fut, en outre, noinme com-
mandant en second de toute I'artillerie {naib-toptchi-
bac/ii). Les places de Soultan-Meidan , d'Amir-Abad
et de Coulchan ne se rendirent qu'aprfes des sieges en
r^gle diriges par lui, et pour ainsi dire sous les )eux
d'Abbas-Mirza, dont il captiva de plus en plus I'estime
et la confiance. Neanmoins, harcel^ bienlot par les
intrigues de quelques oflficiers Strangers residant a la
cour de Teheran , qu'appuyait I'inimitie personnelle
du Kaimacan Mirza-Aboul-Cassum, S6mino crut devoir
offrir sa demission qui fut accept^e.
Determine d^s lors a renlrer promptement en
France, il se rendit aTauris ou il fut forc6 de s'arreter
quelques jours pour y attendre le paiement des arrier^s
qui lui etaient dus, et qu'on ne s'empressait pas d'ac-
quitler. II se trouvait encore dans cette derni^re ville
lorsqu'il y recut de Mohammed, fils aine d'Abbas-
Mirza, et devenu depuis chah de Perse, une leltre
congue dans les termes les plus flatteurs par laquelle
ce prince le priait de differer encore son depart.
( 304 )
Cedant aiix graciouses instances d'lin prince aiiquel
la niort d'Abbas-Miiza nc tarda pas e'l ouvrir le
cliemin au tiono , ct persuade qu'il no tarderait
pas a eloigner le mlnistre son implacable enneini,
Semino se decida a rester. En 1835 , il repril le
poste qu'il avail occupe pr^cidemment , et apr6s
s'etrc acquille avec succes de plusicurs iniporlantes
missions, il fit avec le chab la campagne du Gourglian.
II avail I'espoir de s'emparer de Kbiva et de Bokbara,
mais des considcirations poliliques s'opposferent a ce
qu'il poursuivlt le siege de ces places. L'annee suivante
il penetia dans I'Afgbanislan a la tele de I'armee per-
sane, el en sept jours il forga la forleresse de Gourian
a se rendre. Deja il pressait vivement la forle place
d'Heral, lorsque le ministre d'Angleterre, accouru au
camp en toule bate, s'inlerposa entre les puissances
bellig^rantos, el obtinl, par son influence aupr^s des
ministres de la Perse , la cessation des bostiiites. Ge
fut a cetle dipoque que le cbab donna a Semino le
commandement de sa garde et le decora du grand
cordon du Lion et du Soleil. II accompagna ensuile
ce prince dans la visite qu'il fit des provinces inte-
rieures de son empire; puis il inspecta loules les places
situ6es sur les bords du golfe Persique ; il en fit forti-
fier plusieurs et prit part aux negociations entara^es
entre les Persans et les Turcs.
Tout lui souriait, et sa fortune semblail desormais
assuree, lorsque la morl de Mobammed-Cbab vinl
cbanger compleleraent sa position a la cour de T6be-
ran. II ne tarda pas, en elTet, a s'aperccvoir des pro-
gr6s que ses adversaires avaient fails aupr^s du nou-
veau souverain. La delimitalion des IVonlieres cnlre
( 305 )
la Turquie et la Perse, confi(^e a une commission com-
posee d'ofliciers lures, anglais, russes el persans, elait
dirigee en quelque sovte par kii. Oa lui relira cette
direction et on Teloigna m6me de loute participalion
aux affaires. Sa disgrace dans cette circonslance lui
fut d'autant plus sensible qu'elle i'einpecliait de con-
tinuer les Iravaux qu'il avail entrepris sur la geogra-
phic de la partie de I'Asie ou il residait depuis lanl
d'annees. II resta cependant encore quelque temps
en Perse, mais plulot pour metlre ordre a ses affaires
parliculiferes avant de s'en eloigner d^finilivemenl que
dans I'espoir de rentrer enfaveur. II se Irouvait encore,
a la fin de 1850, a Teheran ou je pus lui annoncer
que, d'apres le desir qu'il m'avait fait t^moigner, la
Societe de geographic, sur ma proposition el celle de
M. Poulain de Bossay, I'avait nomme son correspon-
dant. II nous envoya d'abord de curieux documents
et promettail d'en transmettre bientot de nouveaux,
rnais sa position devenait chaque jour de plus en plus
difficile par suite des Iracasseries qu'on ne cessait de
lui susciter. Ses puissants ennemis, non contents de
I'avoir fait depouiller de la majeure partie de sa for-
tune, acquise par vingt-trois ans d'honorables et utiles
services rendus a un pays ou il avail occupe les postes
les plus eleves, usaient maintenant des moyens les
plus odieux pour I'empfecher d'en franchir les fron-
tieres. II y parvint cependant, se rendlt immediatement
a Constantinople avec sa famille et se proposail d'alier
bientot se reposer de ses Iravaux et de ses fatigues,
soil en Italic, soit dans une des lies de I'Archipel, lors-
que, le Ih avril 1852, apres une courte maladie, la
raort vint le surprendre a Smyrne oii des affaires
IX. MAI. 5. 21
( 306 )
il'int^ret I'avalent appel6. Outre clivers travaux gra-
pliiques, des releves, des itineraires, et une carle g^ne-
rale do la Perse iracee sur une grande ^chelle et dont
nous ne poss^dons malheureusement que des IVag-
raenls, documents qui serviront a enrichir Tatlas du
voyage de feu Ilommaire de Hell, dont sa veuve public
en ce moment la relation, nous avons regu du general
S^mino des plans colories, ouvrage d'ingenieurs per-
sans, dont une partie a ete publics dans votre Bulletin
avec la traduction des l^gendes persanesqui les cou-
vraient, que nous devons a la bienveillance du savant
membre de I'lnstitut , M. Garcin de Tassy. Semino
nous annoncait I'envoi successif d'autres documenis
g^ograpliiques, mais a sa mort des discussions s'etant
elevees enlre les personnes qui pretendaient a sa
succession , les promesses de notre correspondant
n'ont pu etre r^alisees. Tout nous faisait et devait nous
faire esperer ce|)endant un resultat bien different,
car la legation sarde en Turquie, dont j'avais cru
devoir provoquer officieusement I'intervention par
I'intermediaire de M. le cbevalier Cristoforo Negri et
de notre savant collegue, Vattier de Bourville, que nous
avons eu le malbeur de perdre il y a a peine un an,
a montr^ dans celle circonstance la plus extreme bien-
veillance et un zele aussi actif que desinteresse. Des
demarches sont continuees dans I'inl^ret de la science,
el nous ne croyons pas qu'il faille encore d^ses|)erer
d'obtcnir un jour le complement des documents geo-
grapbiques qui nous ont 616 promis. Le general Se-
mino elait dou6, suivant le l6moignage du colonel
Colombari qui a servi avec lui en Perse, du caraclere
le plus loyal, d'un grand courage el dune patience k
( 307 )
toute epreuve. II aimait passionn^inent I'etude et de-
vait a ses seuls efforts et a sa perseverance les connais-
sances militaires qu'il avail acquises. Mais ses conseils,
souvent excellents, etaient rarement suivis par les
Orientaux, par les tninistres persans du moins, parce
que son extreme simplicity ne leur en iraposait pas
suffisamment, que ces derniers Etaient jaloux d'ailleurs
do rinfluence exercee par un etranger sur le prince
Abbas-Mirza et sur son fds ain6 le chah Mohammed,
et cnfin, nous devons le dire, parce qu'il ne possedait
pas toujours le don de la persuasion, et qu'il manquait
souvent d'a-propos dans ses demarches.
Semino semble. avoir eu le don des langues, puis-
qu'il avail appris de lui-merae le grec, le russe, I'ita-
lien el I'anglais, qu'il parlait presque aussi bien que
le francais, et qu'il possedait aussi le turc et le persan.
La connaissance de ces divers idiomes, tres appreciee
en Perse, le mit a meme de se rendre utile et n^ces-
saire en plusieurs circonstances importantes. Aussi
ajoutons-nous quelque foi aux assertions de leltres
ecrites, en 1852, de Saint-Petersbourg, qui lui attri-
buent la traduction du frangais en persan de VHistoire
de Russie sous Pierre le Grand, de Voltaire, et du trace
de plusieurs cartes des campagnes de Pierre I" et de
son rival Charles XII, qui accompagnent cette traduc-
tion, ainsi que de celles qui sont jointes a un Jbrege
de Vhistoire d^Jlexandre le Grand, 6crit en persan
par Mahomet-Ben-Hussein (1).
(i) Ces deux ouvrages, imprimes Ji Teheran en i85o ou i85i,
ont ete, a ce qu'il parait, offerts en don par Goughia-Khan, premier
drogman de la legation de Perse a Saint-Petersbourg, a la Biblio-
theque imperiale de cette capitate, qui les a places provisoirement
{ 308 )
Seniino avail opous6 en ISZiii , suivant le colonel
Colombari, line Georgienne, veii\e du general polo-
nais Borowski, dont il a laisse un fils.
NOTK
sun LA POSITION Di; TI.N-B0KT0UE
niSCLTANT DU DBRNIER VOYAGK DU DOCTEUR BARTH ,
PAH M. d'aVEZAC.
(LVE a la SOCIETE DE CEOGRAPHIE le 15 AVRII. 185l>.)
Lorsque fut annoncee I'arriv^e du docteur Barth a
cette Ten-Bokloue dont la position avait el6 si diverse-
ment estimee par les geographes, la solution de toules
les incertitudes a cet egard paraissait devoir resuller
des elements nouveaux dont ce magnifique voyage
allait enricliir la science; et quand les journaux pu-
bliorent une delermination dont les chifTres (itaient
18" 3' 48" de latitude nord, et li' 5' dc longitude a I'ouest
de Paris, persuade que j'^lais qu'une position ainsi
fixee a la secotule pres pour la latitude, etait n^ces-
sairenaent le r^sultat d'observations astronomiques
tr^s precises, je reconnus humbleincnt , uioi qui
m'^tais autrefois beaucoup occup^ a recliercher une
position approximative de la fameuse ville alricaine,
dans la galerie des livres rares. lis doivcnt faire partie de la section
des ouvraf;es ccrits sur la Russie par des etrang-ers. Le donateur
les altribue a Mourra Seminou, c'est-a-dire Monsieur Seniinou ,
ingtMiicur gcograplie Finncais, rcsidant a Teheran.
( 309 )
que j'elais denieure, dans luon estiiue si laborieuse-
nient conclue, bien eloigiie de la position v(!'ritable
obtenue par le couraj^eux et habile voyageiir. Cepen-
dant, des calctds ilineraires si niullipli^s, et fails avec
tant de soin, m'avaient indique si imperieusenient lo
lesullal auqiicl je m'etais arrele, qu'il s'eleva dans
mon esprit quelque doule sur I'exaclitude typogra-
phique des cliiffres imprimes dans les journaux, ct
que je suspendis la capitulation absolue de mes pre-
cedentes convictions, jusqu'a plus ample informej et
je donnai a un zele conlrore, qui n'epargne ni soin
ni depense pour tcnir a jour de toutes les decouvertes
un atlas a la preparation duquel il consacre ses plus
chers loisirs, le conseil d'attondre des lumieres plus
certaines avant de faire corriger sur ses cuivres ma
position deTen-Boktoue, qu'il avail bien voulu adopter.
La construction graphique des lignes itineraires
venant de I'ouest, s'appuyant sur des latitudes obser-
v6es jusqu'a Sami, et sur quelques longitudes egale-
ment observees jusqu'a I'endroit ou Mungo-Pai'k tra-
versa le Ba-Oulima (1), m'avaient conduit, il y a
quelque vingt ans et plus (2), par unc serie de points
successivement ecbelonnes d'ouest en est, a asseoir
la position de G^ny vers 13° 32' N., et 6" 52' 0. de
Paris, et a conclure Ten-Boktoue par environ 16° N. et
5° 36' 0. de Paris (3). Ces deux points sont li^s, pour
(i) Exanien et rectification des positions asfronomiquement deter-
minees en Afiique par Mungo-I'ark ; dans le Bulletin de la Society
de geographie de fevrier i834.
(2) Examen des « Remarques et recherches ge'ograpliiques sur le
Voyn{»e de Caillie, » lu a la Societe asiatiqiie le 3 oclobre l83i.
(3) Apercu des parties explorees du Niger, et de celles qui restent
( 310)
moi, pur un maximum de distance tie 163 milles g^o-
graphiques en ligne droile, resultant de mon ap-
preciation raisonnde de la route effective de Cailli6,
controlee par revaluation moyenne des dix a douze
journees de marche (1) complies par les indigenes
entre les deux vllles.
La diff(!!rence entre ma position de Ten-Boktoue el
celle qui est annonc^e coinme resultant du voyage de
Barlh, n'est pas nioindre de 150 milles ; il faudrait
done, pour ramener ma construclion aux conditions
de la position nouvelle , independamment de la mise
a I'ecart de tous les autres elements de determination
employes dans mes calculs, opler entre les deux termes
de celte rigoureuse alternative: ou considerer comme
non avenue lamesure que j'avais adoptee abonescient
de la distance de G6ny a Ten-Boktoue, ce qui me
semble bien difficile ; ou laisser entralner par le d6-
placement de Tcn-Bokfoue tout le r^seau des positions
liees a celle de G^ny, ce qui me parait |)lus deraison-
nable encore. Cependunt, comme il n'y a rien de si
brutal qu'unfait, el que c'est folic que de ne s'y point
soumeltre quand il est avere, j'altendais de nouvelles
lumi^res sur les determinations de Barth, afin de me
donner amoi-menie, sinon des motifs de douter encore
a explorer; dans le Bulletin de la Soci^.t^ de geographic d'aout 1841,
pag. 80, 81.
(1) Renseijjnements donues, en 1788, a Veiiluie, par Abd-el-
Rahliman et Ben-'Aly; dans le Bulletin de la Socield de geographic
de septembre et oclobre 1849, p- 177. — Renseigneinents fouruis
eii 1804 a M. Cabill, a Rabat, par Hag{jy Mohhainmeil-el-Aranaiiy.
— Infornialions recueillies en 1796, a Silla, par Mungo-Park; dans
son Vojage, chap. xvi.
( 311 )
du resultat annouce, dii moins une solution quelcon-
que de I 'alternative qu'il impliquail a I'^gard du lien
qui le rallache a la position de Geny.
C'est au milieu de ces incertitudes encore suhsis-
tantes dans men esprit, que j'ai eu I'occasion de jeter
les yeux sur la petite carle de la route de Barth entre
S(!)kolo el Ten-Boktoue, si nettement dessinee par notre
habile confrere le docleur P6lerniann, et ins6ree dans
le premier cahier des Mittheilungeii nouvellenient pu-
bliees par Justus Perthes, de Gotha ; c'est precis6menl
la route dont Mohhammed-el-Masany avail, en Jan-
vier 1827, donne I'itin^raire a Clapperlon, avec un
lrac6 de sa fagon (1). J'ai pu relever, dans la notice
dont la carte de M. Petermann est accompagnee, cetle
remarque, trfes imporlante dans la question actuelle :
« Autant qu'il est a notre connaissance, toutes les po-
» sitions donn^es par Barlh reposenl simplement sur
)) des calculs d'eslime, et point sur des observations
)) astronomiques. »
Celte remarque me met fori a I'aise dans 1 'appre-
ciation a faire, quant a present, de la construction
graphique de la route de Barth. Telle que nous la
donne la carte de Petermann, elle se resout en une
distance tolale d'environ btJOmilles geographiques en
ligne droile entre Sokoto et Ten-Bokloue, et cette me
sure est prdcis6ment celle qui r^sulte de ma position
de Ten-Boktoue a I'^gard de la position de Sokolo
admise sur les carles meraes de Petermann. Je n'ai
(i) Voir la piece n° i, dans I'appendice du second Voyage de
Clanperton. — Voir aussi, dans le Journal de la Socidt^ giographique
de Londr^i les itineraires recueillis eii i85i par le docteur Barth,
tome XXI, p. 2l5 a 218.
( 312 )
done point a elever de doule siir la justesse de rostime
du docleur Borlli dans reviiloalion de ses dislnnces,
ni inerae de ses rel^vcnienls au compas de route ; mais
ne me scra-l-11 pas perinis de sujiposer qu'en faisanl
son point il n'aiira pas lenu conijUe de la variation
magneliquc, puisqu'il suflit d'une correction de de-
clinaison pour que sa lignc de route vienne s'enclias-
ser exactement dans I'espace que lui avait reserve ma
construction ?
( M3 )
iVonvcllcs et conisiiunieaiioiis.
EXTRAIT d'uNE L-ETTRE
DE M. LE COMTE d'eSCAYRAC DE LAUTURE A M. JOMARD.
Le Gaire, aS avril i855.
Monsieur,
J'ai eu riionneur de vous adresser dernierement
un travail relatif a la canalisation de I'isthme de Suez.
J'aurai encore I'honneur de vous envoyer procliaine-
nient et successivement quelques vocabulaires des
langues nubiennes, bjcliariennes, fouri, wadayi, etc.,
et du dialecte des Ghadjar ou boh^miens du Caire,
Jangue presque perdue, etqui ne me semble pas d'ori-
gine sanscrite, ayant une forme trfes semitique et pas
de mots sanscrits.
Les vocabulaires seront prdc^des d'une introduction
expliquant les precedes employes a les recueillir et
a transcrire les mots ; ainsi que I'expose d'un systeme
particulier de transcription applicable a toutes les
langues.
Chaque vocabulaire coraprendra en moyenne
1 000 mots dont 200 verbes, 80 adjectifs, 80 proposi-
tions ou adverbes, etc. Cbaque vocabulaire sera pre-
cede de I'enumeration des consonnes et voyelles
employees par la langue reproduile.
J'exprimerai la quantite, I'accent s'il y a lieu, la
tonalite nieme par des signcs convenables.
Les vocabulaires seront suivis cliacun de conjugai-
sons, ddclinaisons, etc. Je recborcherai les formes
verbalcs, etc. Je donnerai une petite syntaxe.
( 3ia )
Enfin je donuerai des dialogues, des r^cils ou des
clumsons nationalos. Chaque travail s6par6 emploiera,
si Ic \ocabulaire est en .'oubK; colonne, 30 pages;
s'il est en colonne simple, !ili pages. Je placerai en
regard des mots quelques rapprochements et quelques
observations.
/'. S. Pas de nouvelles g^ographiques pour le mo-
ment, si ce n'esl la carte de I'isthnie et du canal dressee
par M. Linant, et qui sera bienlot prete.
NOUVELLES DE L AFRIQUE CENTRALE.
RENCONTRE DU D' BARTH KT DU D' VOGEL.
(Nouvelles communique'es par M. Jomard d'apres M. Petermann.)
Du 2^ avril 1855. — Le docteur Vogel est parti de
Kouka a la fin de novembre dans la tlirection de Zin-
der; il avail 6cril de Kano le 24 octobre. De son cote,
sans le savoir, le docteur Barth etait parli de Rano,
se (lirigeanl a Test, pr^cis^ment par le raenie chemin.
Le 1" decembre 1854, ils se sont rencontres a
Bundi, On peut juger de la sensation qu'eprouva le
docteur Vogel, connaissanl la nouvelle de la mort de
son compygnon, nouvelle qui lui avait et6 confirmee
a plusieurs reprises. Bundi est a 30 milles allemands
au nord-est de Kano, et a 50 milles a I'ouest de
Kouka. Cette nouvelle, 6crile au crayon sur un feuillet
do papier, a dte sur-le-champ transmise par uu expr^s
au colonel Herman, a Tripoli.
(315 )
Pendant plus de deux ans, le docleur Barth n'avait
jamais eu le moindre commerce avec des Europdens.
II revient en Europe par Mourzouk et Tripoli.
Le docteur Vogel persiste a continuer son voyage;
il se porte dans le sud plein de sante , de force et
d'^nergie.
28 a^'r^l 1855. — M. P^tei'mann a re?u une lettre
directe du docteur Barth. On y lit que Tombouctou
est appelee par les habitants la Reine du desert. Le
docteur, a partir de cette ville , a suivi la rive droite
du Kouara; il s'est porte au sud, puis a Sakkatou par
une ligne courbe. Son sejour a Tombouctou a ete
d'uii an, accompagne de soucis et d'angoisses; il a
suivi le fleuve jusqu'au parallele de Sakkatou; sur le
fleuve il a vu d'innombrables navires, servant au grand
commerce des Touariks ; ce commerce se dirige vers
I'ouest, i'est et le nord, rarement vers le sud et vers
la Guinee. Les habitants apprirent du docteur Barth,
avec une admiration sans bornes, quel etait le com-
mencement et la fm du grand fleuve. II a et6 bien
re^u partout, et on I'asoUicite vivement de rester dans
le pays, ou bien d'y revenir par cetle voie. Le docleur
apporte avec lui les cartes qu'il a dressees. II avait
appris I'heureuse issue de I'expedilion de la Tchadda.
C'est avec chagrin et une sorte d'indignalion qu'il
a appris qu'on avait r^pandu le bruit de sa mort.
( 316 )
POPULATION CIIINOISE DE I.A CALIFORNIE.
On esliinc a 50 000 lo chifTre ties Gliinois acluclln-
meiit fix^s en Californie. lis occupent a San Francisco
un quaiiier parliculier et sonl au nombre ile 7 000.
Tons les jours ties navires en anit-'nent par cenlaines.
La plupart sc livrcnt au commerce et ouvrent de
peliles boutiques. En general ils apparliennent a la
classe la plus grossiere et la plus miserable du Celeste
Empire, el se dislinguent par leur malpropretd, leurs
vices, leur passion pour le jeu el leur insubordination.
Non-sculement ils sont en hoslilite habituelle avec
les emigres des aulres races, mais ils sont frequem-
ment divises entre eux, el ces divisions de partis ou
d'inlerets donnent lieu a de funesles collisions. Ils se
livrent de plus avec fureur a I'usage de I'opium et des
liqueurs fortes, en sorte qu'en prt"'sence de tels germes
de destruction et du peu de tendance qu'ils ont a se
meler avec les autres colons, on se demande s'ils fon-
deronl en Californie une population durable.
DfePART DE M. A. DE GOBINEAU POUR LA PERSE.
M. Arthur de Gobineau, premier secretaire de I'am-
bassade extraordinaire que le gouvernement frangais
vient d'envoyer en Perse, et qui s'est fait connaitre
par des tra\aux d'ethnologie fort importanls, et notam-
ment par un Essai sur rinegalite des races huniaines,
se propose de profiler de son sejour dans ce pays,
pour poursuivre ses recherches sur la distribution des
langues et des races. Prc^pard par de fortes 6ludes
comiDencees en Allemagne, il est a m6mc de rcndre
( 317 )
dc grands services ;i la science. La Perse est aujour-
d'hui le pays le plus inleressant a ^tudier sous le rap-
port des races, puisquo c'est en quelquc sorte le ber-
ceau dcs nations indo-europeennes, ou tout au nioins
le premier siege de leur developpnnient. Les progr^a
que la connaissance du zend a faits, grace aux Iravaux
deMM. Grotefend, Lassen, E. Burnouf, Spiegel, Appert,
les notions plus exactes dont on est aujourd'liui en
possession sur les origines de la religion perse el sur
les populations aryas, sont aulant d'^lements qui
promettenl aux efforts de M. de Gobineau d'heureux
succ^s.
( 318 )
PROGRAMME DFS PRIX PROPOSES PAR L\ SOCIETE DE GEOGRAPHIE
EN 1855.
Prix annuel pour la decoui'erte In plus importante
en geographie.
La Soci^td offre sa grande m^daille d'or au voyageur
qui aura fait, en geographic, pendant le rours de I'an-
n6e 1853, la d^couverte jugee la plus importante parnii
celles dent la Soci6t6 aura eu connaissance ; il rece-
vra, en outre, le titre de correspondant perp^tuel, s'il
est elranger, ou celui de membre, s'il est Francais, et il
jouira de tous les avantages qui sent attaches a ces
titres.
A d^faut de d^couvertes proprement dites, des nae-
dailles d'argent ou de bronze seront d^cern^cs aux
voyageurs qui auront adress6 pendant le meme temps
a la Society los notions ou les communications les plus
neuves et les plus utiles au progr^s de la science. lis
seront portcs de droit, s'ils sont strangers, sur la liste
des candidals pour les places de correspondant.
II.
Prix pour les decouvertes en Afrique.
Ce prix, fonde par la Societe de geographie, el auquel
le Ministre de I'inslructionpubliques'est associ^, ainsi
( 319 )
que le Minislre du commerce, de ragriculliire ot des
travaux publics, consiste en une medaille de la valeur
de 4 500 francs, susceptible d'accroissement par la
souscriplion qui demeure ouverte au local de la Soci6t6.
II sera adjuge au voyageur qui se sera rendu de
la colonic du S(^negal en Alg^rie , ou de I'Alg^rie k
la colonie du S^n^gal, en passant par Tombouctou,
el qui, en mfiuie temps, aura rapporte des itineraires,
et recueilli des observations neuves sur les caravanes
qui traversent cette partie du Sahara.
Ill a VI, Prix /bndes par M. Anloine d'Akbadik (1).
III.
Une medaille de la valeur de 530 francs :
Pour un voyage sur le Nil Blanc ou sur ses rives,
en amont du parallele de k° 10' de latitude nord.
On devra doiinerla relation du voyage et determiner,
par des observations astronomique.s, I'titendue de la
ligne parcourue.
(i) Voir le Bulletin de decembre i854, page 33o, pour le dere-
ioppetaent des sujets de prix, n°' III a VI.
( 320 )
IV, V, VI.
Tiois mWaillos de la valeur do 100 francs cliaciinc :
1" Pour la mesure des debits comparatifs ciii flcuve
Blanc ft du fleuve Bleu a Khartoum.
2* Pour la niesurc dcs debits comparatifs du Saubat
et du Kcilak pres do Icurs embouchures.
3° Pour la mesure du debit du fleuve ordinairemenl
suivi en amont du lac Nu, en le comparant au
debit de I'aflluent qui lui est a peu prfes parallele
du cote de Pesl.
La condition pour chacun de ces trois derniers prix
est de fournir tous les details de Toperation, afin qu'on
puisse se rendre coruptc du degre de confiance qu'elle
m^rite.
VII.
Ai'i^e/Iem en ts ha rometriques .
Mddailles d'or de la valeur de JOG francs chacuue :
Deux medailles d'encouragement sont oITertes aux
auteurs des nivellements barometriques les plus eten-
dus el les plus exacts fails sur les lignes de partage des
eaux des grands bassins de la France.
Les raenioires et profils, accompagnes des cotes et
des iltimenls de calculs, devronl 6tre d^pos^s au bu-
reau de la Commission centrale, au plus tard, le 31 d6-
cembre J855.
Les fonds de ces deux medailles ont ct6 fails par
ftl. Perrot, niembre de la Society.
( 321 )
Actes de la Soci^t^.
EXTRAITS DES PROCliS -VERBA UX DES SEAINCES.
Seance du 13 avril 1855.
Le proces-verbal de la derniere seance est lu el
adople.
M. le professeur Anger, secretaire de la Societe
orientale de Leipzig, reinercie la Societe de renvoi de
son Bulletin et lui adresse la suite des publications de
la Societe orientale.
M. de Angelis, correspondant do la Socit^t^ a Mon-
tevideo, lui ecrit pour lui ollrir une Notice sur la navi-
gation de I'Amazone, qu'il vienl de publier en reponse
a un M^moire de M. le lieutenant F. Maury, officier
de la marine nationale des htals-Unis. — Renvoi a
M. Isambert pour un compte rendu.
Le mSme correspondant rappelle a la Soci^t^ I'envoi
qu'il lui a fait prec^demment d'un Memoire sur le
detroit de Magellan ; cet ouvrage n'est pas parvenu
a la Societe.
M. le marquis Godefroy de Menilglaise ecrit a la
Societe pour lui faire boininage de sa cbronique de
Guines et d'Ardres, qui s'arrete a I'an 1203 et jette
une vive lumiere sur les mcEurs et les institutions du
xn" siecle. — Renvoi a M. Poulain de Bossay pour
un compte rendu.
M. Vattemare adresse le 4' volume du Docuinentary
history of New -} ork , et il prie la Societe de lui re-
IX. MAI. 6. 22
( 322 )
metlre en ecliange de ce don la suite do son Bulletin
pour la Bil)liollic^(|ue do I'Elat de New-York.
M. -lomard communique une leltre de M. le com-
mandant Faidlierbe, gouverneur du Senegal, annoti-
cant son second niemoire sur la langue sarakliole,
forniantla suite de son premier Miimoire sur la langue
s6r^re, communique a la Soci^te dans uuc de ses
pr^c^dentes seances, et insert par extrait dans son
Bulletin.
A I'DCcasion de cet envoi , M. Jomard propose de
convoquer, aussitot apr^s I'Asserablee j^^nerale,la
section de publication, afin de fairo un rapport sur
I'impression des sepli^me ct huili^me volumes des
Memoires. Les deux dictionnuires et grammaires
s^r^re et sarakliole de M. Faidherbe , les vo\ ages
de Benjamin de Tudele , le voyage portugais au
Congo , d'apr^s un manuscrit de la Bibliotbeque
imp^riale, enfin le texte de Marco-Polo, signals par
M. Paulin Paris, peuvent servir a completer le septi^me
volume et a former le huilieme. Cette proposition est
agr^ee.
M. le secretaire lit la lisle des ouvrages offerts h la
Society.
M. de la Roquette offre , de la part de la Soci^te
meteorologique de France , la collection de son
Annuaire, et deraande que la Societe lui adresse en
ecbangc la k' s6rie de son Bulletin. Celte proposition
est adoptee.
Sont pr^sent^s comme candidats pour I'aire parlie
de la Society : M. Rlialil Bey, commissaire de S. A.
le vice-roi d'hgypte pr^s de I'exposilion universelle,
par MM. Jomard et Guigniaut, et M. Erhard Schieble,
( 323 )
graveiir-geographe, par MAI. de la Roquette ct V.-A.
Malte-Brun.
M. d'Avezac presenle qiielques ol)servatioris sur
I'esquisse de la route du do(;teur Earth entre Sokoto
et Ten-Boktoue , qui reposant uniquement sur des
calculs d'eslime, ne peut 6lre consid^ree, dans son
lrac6 actuel, com me offrant une determination defini-
tive de la position de Ten-Bokloue.
M. Vivien de Saint-Martin commence la lecture d'un
expose historique de I'exploration de I'Afrique centrale
par MM. J. Richardson, Barlh, Ovenveg et Vogel, et des
r^sultats de celte exploration.
M. Garnier lit la relation d'une excursion dans
I'Araucanie , province meridionale du Chili, fails en
octobre 185Zi, par M. Delaporte, direcleur de I'ecole
nationale d'agriculture, a Santiago.
yissemblee generale du 27 avril 1855,
sous LA PRESIDBNGE DE M. LEFEBVRE - DURUFL^ ,
Senateur.
Le proces-verbal de la derniere seance est lu et
adopte.
MM. les directeurs des Depots de la guerre et de la
marine adressent a la Soci^te la suite des publications
faites dans ces deux etablissements.
M. le president de la Society zoologique d'acclima-
taiion remercie la Society de la recompense qu'elle
vient d'accorder a M. de Montigny pour le zfeie pers6-
v^rant avec lequel il a dole la France de tant de nou-
( 32A )
velles richesses ; 11 oflfre en mfime lemps a la Sociole
iin exemplaire de la gravure du beau dessin des Yaks
fait ]iar lM"° Uosa Bonlieur.
M. le baron do Hammei'-Purgslali adresse a la Socicle
trois dc ses nouveaux Merits, extraits des Meinoires de
rAcadetnie imperiale de Vienne. Le premier est unc
Dissertation sur le charaeau, el les deux autres sont
relatil's a la g(^ograpliie arabe de I'Espagne. L'auteur
signalela difl'^rence qu'il aremarquoe enlre Ics articles
al et a des Espagnols et des Portugais, el celte decou-
verte lui paralt devoir servir de lecon aux orienlalistes,
qui ignorenl la difference essenliollc oxi.stant entre
les lettres solaires el les Ictlres lunaires.
M. Imbert des Moltelettes fait lionimage a la Societe
d'un extrait de son grand atlas d'liistoire moderne,
presentant I'Europe a des 6poques successives, ainsi
que les limites de ses diffcrenls Etats, depuis la paix
de Wcstphalie, base des traites, jusqu'a nos jours.
M. I'abbe Dinom6 offre a la Societe un opuscule
qu'il vient de publier sur les informations obleuues
depuis la fin du xviii" si^cle, au sujel de I'Afrique
septenlrionale, comparces avec les d^couvertes faites
jusqu'a ce jour dans la meme region.
M. le secretaire communique la lisle des ouvrages
deposes sur le bureau.
Des echanlillons d'igname de la Chine, du poil de
I'yak et des cocons du ver a soic du cbene, importds
par M. de Montigny, ont 61^ ^galement deposes sur le
bureau par les soins de la Societe zoologique d'accli-
matation.
M. le president proclame les noms des membres
admis dans la Societe depuis la dorniere Assembl^e
( 325 )
generale, ot il presente avec M. Jomnrd, comme can-
didals, M. I'amiial Romain-Desfosses et M. le comte
de Grossolles-Flamarens, senateurs.
M. Lefebvre-Durufle, qui preside rAssomblee en
I'absence de M. le ministre de I'inslruction publique,
trace dans son discours un tableau des dernieres d^-
couvertes geograpiiiques, et fait entrevoir les progr^s
qui resulteront pour la geographie de la guerre
d'Orient, des nouvelles communications avec la Cbine,
des Iravaux des arch^ologues dans I'Asie Mineure, de
la recherche de I'or sur le continent auslralien, du
devouement des voyageurs dans I'AlVique centrale,
des lenlalives des explorateurs des solitudes de I'Amf?;-
rique m^ridionale dans un but de commerce et de
civilisation, et enfin de la circulation de la pens^e
humaine autour du monde au moyen de la telegra-
phic dlectrique. M. le president termine son discours
en exprimant le d^sir de voir la geographie se popu-
lariser en France, et il recommande au patronage
6claire de la Society les ouvrages qui tendraient a
rendre attrayante pour tous I'^lude de cette science
(p. 2/11).
M. Jomard , au nom d'une Commission speciale ,
fait un rapport sur le concours au Prix d'Orl^ans
pour I'imporlation la plus ulile a I'agriculture, a I'in-
dustrie ou a I'humanit^. Ce prix est decerne a M. de
Monligny, consul de France a Schang-hai et Ning-po,
pour son zfele pers^verant a dotor la France de I'yak,
des vers a solo du chfine, de I'igname-patate et de plu-
sieurs autres plantes precieuses de la Chine (p. 260).
M. Daussy, au nom d'une seconde Commission, fait
nn rapport sur le concours au Prix annuel pour la
( 326 )
(Jecouverte la plus importante en geographic D'apres
les conclusions de ce rapport, hi Societe decerne sa
grande m^dailic d'or a M. lecapilaine Mac-Clure pour
sa decouverle du passagi; nord-ouesl, et une grande
m^daille d'argent a M. le capitaine Inglelield pour ses
d^couvertes dans les regions arcticjues (p. 250).
M.Jomard lit un Memoirc de M. lecomle d'Escayrac
de Lauture sur le canal de Suez, et sur I'influence que
son ouverture doit exercer sur le commerce et la
civilisation (p. 274),
M. de la Roquolte lit une Notice n^crologique sur
M. le general Semino, ancien correspondant de la
Society en Perse , auquel la geograpliie doit d'impor-
tants travaux sur cette contree (p. 298).
M. Jomard lit le Programme des prix propos(^s en
1855 (1), et 11 pr6sente la 2° s^rie des Instructions r6-
dig6es par la Societe pour les voyageurs.
Le temps n'a pas pormis de lire la relation d'une
excursion dans I'Araucanie par M. Delaporte.
L'Assembl^e, conformement a ses staluts, proc^de
a r^lection des membres du bureau de la Soci^t^ et
au renouvellement de la Commission centrale. Sont
6lus :
Pour le bureau :
President M. LEFEBVRR-Diii\UFi,fe, s6natenr.
,. , , ( M. le general Aupick, s^nateur.
Vice-presidents, i ., ,, ,. „
I M. I'aulin lALABOT.
( M. le general Auvray.
Scrutateurs. • • i ., t, ^ ,,
( M. Vivien de Jsaint -Martin.
Secretaire M. Cortambert.
;i) Voir ce Programme, p. 3i8.
( 327 )
Pour la Commission centrale :
MM. A. d'Abbadie, Albert -Montetnont , gi^nd'ral
Aupick, general Aiivray, d'Avezac , AIon. Bonneau,
Constant Prevost, Cortanibert, Daussy, AU'red Deiner-
say, Giistave d'Eichthal, cointe d'Escayrac, de Fro-
berville.Garnier.Guigniaut, Isambert, Jacobs, Joinard,
Gabriel Lafond, de la Roquette , Lel'ebvx^e-Durufle ,
Lourmand, V.-A. Malte-Brun, Mauroy, Alfred Maury,
Morel-Fatio, Morin , Noel des Vergers, Poulain de
Bossay, Renard, V" de Santarem, Am. S^dillot, Paulin
Talabot, Tr^maux, Vivien de Saint-Martin et Meignen,
notaire Iresorier.
La seance est levee a onze heures.
Seance du h mai 1855.
Le procfes-verbal de la derniere seance est lu et
adopte.
M. le ministre de Tinstruclion publique transmet
une letlre do M. le ministre de la marine et des colo-
nies, relative au sujet de prix propose par la Society
pour un voyage d'exploration dans I'interieur de
TAtVique.
M. le general Aupick, nomm^ vice-president, et
M. Gortambert, nomme secretaire de la Soci^te a la
derniere Assemblee generale, remercient la Commis-
sion centrale de ce temoignage d'estime et promettent
de concourir a ses utiles travaux.
M"' Burton 6crit a M. le president pour lui adresser
delapartdeson cousin, M. I o lieu tenant Richard Burton,
voyageur en Alrique. un Meinoire sur la route do
( 328 )
Zeyla a Harar, qn'il a parcoiirue dans sos tlerniiii'os
excursions. — Renvoi au Dnlletin:
M. Porlcs, iueiiil)ie de I'inslruclion publiqno, fait
liommago a la Soci^te d'un pelil livre a\ ant pour tilre :
Enmiieralioii poetiqne des departsinents francais. L'au-
teiir s'osliaie heureux tl'filre entre d'avance en partie
dans la pen see manileslee par iVJ. Lefebvre-Durufle,
dans son discours d'ouverlure cle I'Assembiee g^nerale
(ie la Societc du 27 avril, sur I'utililc'' de propager le
goul des eludes g(^ographi(jues en France.
M. Alex. Bonneau ^crit a la Soci(5le pour lui offrir,
de la pari des edileurs, le premier vohime du grand
Dictionnaire de geographie universelle ancienne et
moderne public- par M. Bescherelle, el en son nom,
un num^ro dc la Reuue conleinporaine renfermanl ses
eludes sur la grande queslion de la canalisation de
Tistlime de Suez.
M. le secretaire communique la lisle des ouvrages
deposes sur le bureau.
iM. I'amiral RoMAiN-DESFOssis el M. le comte de
GROssoLLiis-Fi,AiUAKEKs, scnalcurs, presenl^s u la der-
ni^re seance, sont admis dans la Sociele.
M. le baron de Fourraent, senateur, et M. Nou-
gar^de de Fayet, sont proposes comme candidals par
MM. Lefebvre-Durufle el Jomard.
M. Isanibert rend comple de I'ouvrage que M. de
Angelis vient d'adresser a la Soci^te sur la navigation
de I'Amazone. D'apr^s les observations qui lui sont
faites par quclques membres , M. Isambert consent a
modifier la redaction de son rapport avant de I'inserer
au Bulletin,
M. Jomard donne les nouvelles df I'exp^dition de
( 329 )
I'AIViqiie centrale qui lui sont pnrvenues i)arM. Peter-
nifinn en date des 25 el 28 avril. Le docleiir Vogel et
le docleur Barth, I'un parii de Kano le 24 oclobre,
et I'aiilre de Kouka a la fin de novembre, se dirigeant
I'un a I'est cl I'autre a I'ouest, se sont rencontres a
Bundi le 1" decembre. Le docteur Barth n 'avail jamais
eu de commerce avec les Europeens depuis plus de
deux ans. II revient en Europe par Mourzouk. Le doc-
tecur Vogel continue son voyage dans le sud. Une
lettrc directe du docteur Baiih a M. P^lermann donne
de curieux details sur le grand fleuve de Tombouctou.
Ce voyageur a recu un bon accueil dans le pays et il
a el6 invile par les habitants a y revenir par cette voie.
— Renvoi de ces details au Bulletin.
Le mfime membra communique une letlre de M. le
comte d'Escayrac au sujet des vocabulaires africains
dont il s'occupe au Caire, savoir : les langues nu-
biennes, bichariennes, du Darfour el du Waday, le
dialecte des Gahdjar ou boh^niiens du Caire, langue
presque perdue et de la famille semitique ; chaque
vocabulaire aura mille mols et comprendra une petite
syntaxe.
M. Mougel-Bey a termini le rapport des ing^nieurs
du canal des deux mers. - Renvoi au Bulletin.
Le meme membre communique, d'apres M. Peter-
mann, des details sur I'hydrographie de I'AlVique
interieure. — Renvoi au Bulletin,
Enfin il fait connaili e le resultat des dernieres ope-
rations failes par M. de Verneuil, geologue, pour deter-
miner la hauteur absolue du plateau de Madrid. Celte
capitale esl a 668 melres au-dessus du niveau de la
( 330 )
mer. M. de Huinholtit I'avait determin^e S 662 metres,
et les ingenieurs espagncils a environ 30 metres cle
moins.
Seance dn 18 niai 1855.
Le proc^s-verbal de la derniere stance est In et
adopts, et il est donne communication du proc^s-
verbal de la seance gendrale du 27 avril.
M. le ministre de I'inslruction publique ^crit a la
Soci6t6 pour la reinercior du litre de president hono-
raire qu'elle vient de lui conf^rer; il ajoute qu'il sera
toujours heureux de s'associer a ses utiles travaux et
de seconder ses efforts.
M. Paulin Talabol remercie ^galement la Soci^te
pour sa nomination de vice-president; il s'empressera
de concourir, en tout ce qui dependra de lui, aux
travaux qu'elle poursuit avec tant de perseverance pour
la propagation des sciences geographiques.
M. Tremaux adresse les memes reniercienients pour
sa nomination de membre de la Commission centrale.
M. le docteur L. Coddcy ecrit a la Soci6l6 pour la
prier de lui procurer de I'^corce du moucennah qui a
la propriete de gu^rir du t^nia, et dont il a 6te fait
mention dans une lettre de M. le docteur Perron ,
ins6ree dans le Bulletin du niois de decembre 1854.
M. le consul g^n^ral de France k la Havane trans-
met a la Societe une lettre de M. Esteban Picbardo,
avec la 3" partie de la Geographie de Vile de Cuba
publi^e par ce savant.
M. le secretaire lit la liste des ouvrages offerts a la
Societe.
{ 331 )
M. Jomard offre, de la part de I'auleur, M. Alexandre
Wllcocks, un Essai sur les marees. M. Daussy est pri6
d'en rend re compte.
La Soci6te admet au nombre de ses raembres M. le
Laron de Fourment , senateur, et M. NouGARkoE de
Fayet.
M. Pinoiidel de la Bertoche, ancien membre de la
Sociele, est pr^sente de nouveau, comnie candidal,
par MM. de la Roquette et Noel des Vergers.
La Commission centrale complete ses trois sections
avec les nouveaux membrcs elus a I'Assemblee gene-
rale du 27 avril.
Section de correspondance : MM. le g6n6ral Aupick ,
le general Aiivray, Alex. Bonneau, d'Eichthal, Morin,
Renard et Vivien de Saint-Martin.
Section de publication: MM. Lourmand et Treniaux.
Section de comptabilite : MM. Lefebvre-Durufle et
Talabot.
M. de la Roquette annonce que les m^dailles des-
tinies a MM. Mac-Clure, Inglefield et Gallon sont par-
venues a la Sociele royale geographique de Londres,
el qu'elles seront remises aux laureats, en seance
solennelle, par le president de cette Society,
Le m6me membre annonce que le conseil de la
Society royale geographique de Londres a decide que
la mddaille d'or Victoria serait d^cernee, cette annee,
au docteur David Livingston pour ses exploralions, el
que le surplus des remunerations royales, serait accords
au voyageur su6doisCh.-J. Anderson, pour ses explora-
tions dans I'Afrique m^ridionale, particuli^rement
pour celles qui s'6tendent de Tounabis au lac Ngami,
( 332 )
pour sa description du lac hii-nieino el pour avoir
rcmoiile la riviere Toghc.
M. le secrc^taire dnnne lecture du Meuioire de
M. Richard Burton sur la route de Zayla a Harar
dans I'Afrique orientale. Ce document est renvoy6 au
Bulletin, apres quelques observations ajoulties par
M. Joniaid sur le cafe et les 6lo(Tes du pays des Gallas.
D'apri^s le desir cxpiinie par M. Lourniand, le pre-
sident renvoie a son examen le petit livre deM. Portes
sur VEjiuineration poetique des departements francnis.
Le meme inenibre einet le va3U que la Societe pro-
file de I'exposition universelle qui atlirera un grand
nombre de savants elrangers a Paris, pour proposer
la formation d'un congr^s scientifique dans le but de
s'occuper de I'uniformit^ des poids et mesures. Cette
proposition est ajournee.
( 333 )
OUVRAGES OFFEKTS
DANS LES SEANCES D'AVRIL ET MAI 1855,
EUROPIi.
Tilres (les ouvraijes. Donaleius.
Etudfcs sur le I'elopoiiese, pai' E. Bcule, ancieii inembre di; rreolu
d'Athenes, piibliees sous les auspices <lu miiiistere de riiislruction
publique. i vol. in-8°. Paris, i855. F. Didot.
Chrouiijue de Guiiies ct d'Ardres, par Lambert, cure d'Ardres, 918-
l2o3. Textes latin at francais en regard, revus sur hiiit nianuscrits
avec notes, cartes, glossaires et tables, i vol. in-8". Paris, 1 855.
Le Mis nE Gouefrov Menilglaise.
Enuint'r.ilion poetique des departenienls francais. Br. in-8°. IJ.i-
gneres, 1854. M. PonrKs.
Ueber die arabische Geographic vonSpanien. Broth. in-S". — Uebcr
die arabiscben Worter im Spanischen. Br. in-8°.
Baron de Hammer-Pcugstall.
AFRIQUE.
Coup dVeil rapide sur les informations obtenues depuis la tin du
xviii* siecle au sujet de I'interieur de I'Afrique septentrionale, com-
pare avec les decouvertes faites jusqu'a ce jour dans la menie
region; suivi de reflexions sommaires sur le cours du Kouara,
vulgairement nppele Niger, et sur I'bydrographie de I'Afrique cen-
trale au nord de I'Equateur. Br. in-8°. Orleans, i855.
L'abbe Dinome.
Ricbesse minerale de I'AIgerie, accompagne'e d'eclaircisstments Iiis-
toriques ol geographiques sur cette partie de I'Afrique sepltn-
trionale, par Henri Fournel, ingenieur en chef des mines, public
par ordre du gouvernenient. Tome II, texte, 1" fascicule, i vol.
in-4°. Paris, i854- Le MiMsxEnK de la cuehhe.
( nh )
AMERIQUE.
Titles des ouvrnyes. Donateurs.
De la iLivigaiion de I'Aaiazone. Beponse a uu tnemoire de M. Maury,
ofHcier de la marine des £ta(s-Unis. I vol. in-8°. Monteyideo,
I 85.'c P. UK A^^;ELls.
Tlie Doi'Uiiientai'y History ot the State of New-York; arranged undei
direction of the hon. Christopher Morgan, secretary of Slate. l)y
K.-R. OCallaghan, M. D. Vol. IV. i vol. in-8o. Albany, i85i.
M. Al. VATTEMAnE.
Geoyrafia de la Isla de Cul)a, pubiicase bajo los auspicios de la real
Junta de Fomcnto. Tome III. i vol. in-8°. Habana, i855.
Don EsTEBAs PiCHAnuo.
Le piiote cotier des Etats-Unis de E. et G.-W. Blunt; traduit de
I'anglais, mis en ordre et annoic d'apres les travaux bydrogra-
phiques les plus recents, par Cli. Pigeard, lieutenant de vaisseau.
I vol. in-8°. Paris, i854- Depot ue la marihe.
OCEANIE.
Voyage au Pole sud et dans I'Oceanie sur les corvettes I' Astrolabe
et la Zele'e, sous le commandemunt de M. le capitaine de vaisseau
Dumont-d'Urville. Zoologie, 3', 4' et 5' vol., i853 el i854; Bota-
nique, 2 vol.; Anlhro[)ologie, i vol., ) 854 ; Geologie, mineralogie
et physique du voyage, I vol., l854. — Campagne de circumnavi-
gation de la fre'gate I'Artimhe, sous le commandernent de M. La-
place, capitaine de vaisseau, 6' vol., i854. — Voyage en Islande
et au Groenland, sur !a corvette la Recherche. Journal du voyage,
par M. E. Mequet, enseigne de vaisseau. i vol. in-8*. Paris, i852.
— Considerations gencralcs sur I'Oce.Tn Indien, par M. Gh. Phi-
lippe de Kerhallet, capitaine de fregate, suivies de la traduction,
par le meme, des Instruciions pour la navigation dans le detroit
de Torres, et accompagnees de prescriptions nautiques pour
echapper aux ouragans. 2* edition. Paris, i853. — Conside'rations
geneiales sur I'ocean Atlantique, par M Ch. Philippe de Kerhallet,
capitaine de fregate, suivies (Us prescriplions nautiques pour
echapper aux ouragans, et d'un Memoire sur les ouragans de
I'ocean Atlantique. 3' edition. Paris, i854- Dep6i de la uaiiine.
( 335 )
CARTES ET AT[,AS.
Tiires des ouvmges. Dottataurs.
L'Euiope, depuis la paix de Weslphalie jusqu'a iios jours, 1 648- 1 855,
dediee aux jeunes diplomates. Extrait du grand alias chroiiolo-
gique, geographique etgenealogique d'histoire moderne. 5 feuillcii.
iMBEnT DES MOTTELETTES.
lb' livraison de la carte de France comprenant les feuilles de Cler-
mont, Limoges et Napoleonville. 3 feuilles. Depot de la guerbe.
!N° 1 4^9- New-York, ses mouillages et ses atlerages, d'apres la carle
levee trigoiiometriquement sons la direction de F.-R. Hassler,
surintendant de la reconnaissance des cotes des Etats-Dnis.
1 I'euille. — N° i^'jo. Carte particuliere du golt'e du Mexique,
partie comprise entre la baie de Tampa et les Bouclies du Missis-
sipi dressee d'apres la carte d'Cdmund Blunt. I feuille.
Dep6t de la Mahike.
OUVRAGES GfilSERAUX, MELANGES.
Grand dictionnaire de ge'ographie universelle ancienne et niodenie,
ou description physique, politique, historique, commerciale, sta-
tistique, industrielle, scientifique, litteraire, artistique, morale,
religieuse de toutes les parties du monde , par Bescherelle aine.
i"-' livraison. Les Editeurs.
Rechercbes sur les variations et la niurche des pendules et des chro-
nometres, suivies d'un projet d'organisation du service des chro-
nometres appartenant a la marine; par M. Aristide Lieussou,
ingenieur hydrographe de la marine. 1 vol. in-8°. Paris, i854. —
Annales hydrographiques, recueil d'avis, instructions, documents
et memoires relatifs a I'hydrogiaphie et a la navigation, publie
par le depot general de la marine. Annee i853, 9' vol. i vol. in-8°.
— Annuaire des marees des coles de France pour I'annee i855,
publie au Depot de la marine, par M. Chazalon, ingenieur-hydro-
graphe, i vol. Paris, i855. Depot de la marine.
An Essay on the Tides: theory of iho two forces. 1 vol. in- 12. Phi-
ladelphia, 1 855. M. Alex. Wilcocks.
Das Kauiel. Dissertation sur le chameau. i vol. in-4°. Vienne, i854'
Baron de Uammek Pcrgstall.
( 336 )
Titres ties ouvftiges. Donatewt.
Explication dc la methodc (I'iniiiiiitiiriilalioii locale, i vol. iii-12.
iM. Hebeht.
.MliMOIUES, llECULILS ET JOUHNAUX PKIUODIQUES.
Aunales du commerce exterieur. N'^' 801 a 8i4- Mimstkre dv com.
Bibliotheque nniverselle de Geneve, et Annales dcs sciences phy-
siques et naturelles. Fevrier et mars. M. Paul Cbaix-
Precis analytiqiie des Iravaax do I'Academie des sciences, belles-
lettres et arts de Rouen, pendant I'annee 1 853-1 864. 1 vol. in-8°.
— Annuaire de la Societe nieteorologique de France. Annees i853
et 1854. — Zeitschrift der Ueutschen inorj'enlandisclien Gesells-
cliaft. Annees i853 et i8.')4;ctn*" 1 et 1 de |855. — Nouvelles
aunales des voyages. Mars et avril. — Bulletin de la Societe geo-
lo;;ique de France (i5 janvier-5 fe'vrier). — Bulletin de la Societe
iiii|)eriale zooloc,ique d'accliniatation. Mars et avril. — Journal
des missions evangeliques. Mars. — Journal d'dducation popu-
laire. Mars. — Revue de I'Orient, del'Algerie et des colonies. Avril.
— JU'vue contemporaine. 72° livraison. — Journal of the Franklin
Institute. Fevrier. — I/Athenaeum francais. N°' i3, 14, 17, '8
et 19. Les EniTEURs.
ERRATA DU BULLETIN DE MARS ET AVRIL.
Page 218, lig. 24, V. Valerio, lisez : Th. Valerio.
Page 225, lig. I 2,apres le motpri»ici^fl/, ajoutez f«-mo»j en chinois,
et dai inon en chinois-japonais.
— lig. l4i Kin(j-su, lisez: Kiny-sse.
— lig. 18, pak-mou, to-moii, lisez: pak-tnon, to-tnon.
— lig. 24, pr. jap.; pour prononciation japonaise.
BULLETIN
DF, LA
SOGTETE DE GEOGRAPHIE.
JUIN 1855.
lleiiioii*eis, etc.
MEMOTRE SUR LA ROUTE DE ZEVLA A HARAR
(AFRIQUli ORIKNTALU).
lETTIlE * M. LF. SKCnKTAIP.E CKMORAI. DE I.A SOCIETK.
Aden, lo 24 fovrier iSSfi.
Monsieur,
eTe prcnds la liberty de vous adresser ci-joint
I'lnimhle temoignage de mon respect pour une Societe
qui exei'ce son bienveillanl patronage siir nous autres
voyageurs.
Je fus nomme, le 23 aoiit, par la tres lionorable
cour des directeurs de I'empire des Indes^ chef d'une
mission plutot ex])loiatiice que scienlifique. Un de nos
geographes les plus disliiigu^s, I'amiral sir Charles
Malcolm, qui nous a ete malheureusement enleve ,
avail depuis longtemps use de son influence auprfes
(le la Societe royale g^ogiaphique de Londres, pour
se procurer quclques informations sur la region in-
connue habitue par la nation Comal (Somali). Le
IX. JUIN. I. 23
( 388 )
preuiier projel connu ixmr anixer ;'i ce hut dale de
I'cin 18/i9. I ne seulo difllculle se presentait a son exe-
culiou, iiiais elle etail considerable. C'elail le niauvais
renom que s'6lait acquis celte nation.
En i852 ayant accompli sans encomhre le pelori-
nage de la Mccquo, apr6s avoir visile Medine, je pensais
qii'avec la reputation do hadji, je pourrais rtiussir a
traverser le pavs des ^'.onials, peuple quasi-inusulinan.
Je soumis en consequence mon projetalord Elphins-
tone, gouverneur actucl de Bombay. C'est a ce nom
si cher a I'lnde orienlale que je dois I'lieureuse reussite
de mes efforts.
Je m'embarquai a Bombay pour Aden, le 1" juiliet
185Zi, avec un de mes adjudants, le lieutenant Heme.
Aden etait un point favorable a nos desseins d'etudier
la langue et les mceurs du peuple Comal. Mallieureu-
semenl ceux de mes compatrioles qui liabiteut celte
colonic jugerent dt^ilavorablement mes projets; je fus
repr^sente comme un voyageur fanatiquc r6solu a
prodiguer sa vie et celle des autres pour ne recueillir
que quelqucs faibles informations pbilologiques et
aulres. Les journaux reproduisircnt ce jugement, el
le public elanl le raaitrej je dus ceder a une opinion
egai'ee ; autrement j'eusse couru risque de voir mes
projets clieris brises par ce petit orago populaire. Je
fus console en parlie par deux ainiahlos Francais, donl
je tais ici les noms pour ne pas blcsser leur moilestie
et qui m'assurerent de leur liospilalile si jamais nous
arrivions a Zanzibar.
Cbangeant done de plan, je delachai le lieutenant
Speke, un autre de mes adjudants, avec ordre de visiter
un pays de moins mauvaisc reputation, la region in-
( 3B9 )
coniuie d'Ouady Nogal. Et i)our prouver la valour d'tin
hadji, je resolus de vi&iler Harar [Hiii-iut), cite celebre
de rAlVique orieiitale qui a r^ussi jusqu'ici a for-
mer ses |)ortes aux voyageurs europeens. MM. Krapf
et Isenberg, M. Rochet (d'Hericourl), le capilaine Bar-
ker, le lieutenant Christopher (sans nomnier uno foulo
nioins connue), n'ontpu penelrer dans ce Tiuibouclou
de I'Orient. Par prd;caution je detachai le lieutenant
Horno avec mission de s'etablir a Berbera pour nous
venir tn aide en cas de malheur, et la suite prouva
que j'avais sagemeni agi. Ledespote de Hai'ar me donna
permission de penetrer chez lui, en consequence, tlit-
on, de la lerreur popiilaire inspiree par mon « Irere »
de Berbera qu'on supposait poste pour arreter les
caravanes de I'int^rieur.
Le 29 octobre, je me rendis, travesti en vrai Asia-
tique heterogene, a Zayla , petit port de la region
coniale deja connu par la descriplion de M. Rochet,
et depuis par les malheurs de la belle fregate le
Caiman. Je fus accueilli avec empressoment par le
gouverneur comal , El Hadj Scharmarke. II avail re-
connu, avec sa finesse orientalo, sous le costume de
marchand polerin, loflicier anglais, et se doutail de
quelque projet politique. Sa bienveillance etait meme
exageree : je fus retenu pendant vingt-huit jours, sous
lo pretexto d'attendre des mulels que j'avais eu soin
de payer quatre niois d'avance; mais en realile parce
fju'ayant r^pondu pour ma teto au goiivernement
d'Aden, le bon Scharmarke se trouvait dans une posi-
tion assez critique. Les Cotnals de la tribu Eesa ve-
naienl, evi efl'el, d'egorger Ma^ared, un de ses fils ; les
Gallas des environs de Harar etaient, disait-on, en
( 3/iO )
rc^voltc, Ics clieniins t'laient fermes et la polite v^rolo,
alTreiise epulemie qui lire son origine de cette region,
sevissait sur la ville de Harar. Vous jiigerez, Monsieur,
si, lors do ma lialle lorcee a Zajla , je n'avais pas
raison de lessenlir les « crude juneste snianie » propres
a celui (jui, ayant vanle sa superioril^ aux aulres, sc
voit menace d'un doublo mallieur.
Apres mainle discussion, en liadji obsline, je rem-
porlai la \icloiie la plus complete. Le gouverneur
de Z;iyla se \il force do me trouver des uuinilions do
voyage, des mulets etqualre chamoaux pour ma petite
provision de tabac, de toiles, de colon, de riz ot de
dalles. II envoya cherclier parmi les Eesa un petit
chef ayant mission de me servir d'abbav. Dans ce pays
Yabbnn, qui correspond au ghafir du Sinai, ;i \ akli du
Hedjaz, el au vnbin do I'Arabie oriontale, se constilue
guide, courtier, prolectour et ecorcheurdes voyagours.
Sans sa permission, on ne saurait traverser un metre
de terrain et, pour prix de ses services, il demande
sa nourrilure et celie de ses parents, amis et con-
naissances, de plus dos cadeaux de ilrap el do tabac,
sans compter les nombreux aiticles qui ^veillont sa
cupidile. Dans les conlrees 6loign6es de la cote, I'abban
devient maltre de la vie ol dos bions do son client.
Enfin I'abban constilue une mode tr^s africaine pour la
perception des impots.
De Zayla a Harar, il y a deux routes. La piusdirecte,
qui comple dix fortes stapes dans la direction du sud-
ouest, traverse pendant liuit journeos le pays des
Eesa, ot on deux jours les montagiies des Gallas de la
tribu Nola. Le Iladj Scharmacke ne jugoa pas apropos
de me fail o prendre une voie ploine de dangers. Car ces
( 3Z.1 )
duux Iribus out lieritc dc leurs aucelres raljomiuable
habitude de la mulilalion ; laches ct traitres, ils rccoi-
vcnt I'elranger avec hospitable, le traveiseiit a Tiin-
provistc d'un coup de lance et celui qui tire le pre-
mier sang s'enipresse de saisir un signe posilif de son
ex])loit. Alors il so rend aupres de sa femme qui vanle,
on poussant des hurlemenls de joie, la j)rouesse du
uiailre. Des lors ce dernier porte coinme en decora-
tion , dans sa perruque touGTue et beurree, le « bdl »
ou plume d'aulruche symbole de riieroisme africairi.
Le heros ne borne pas ses exploits aux hommes; il
egorge encore les enlants et Ton m'a assure qu'une
iemme perdrait la vie si Ton avail espoir de trouver
dans ses flancs un embryon male. Les bonnes qualiles
des Eesn soul la generosite et I'habitude de la verite :
chez eux le parjure est assez rare.
La secondc route qui cotoie la oier dans la direction
du sud est plus longue, niais elle est moins dangc-
reuse. C'est celle-la que le bon Scliaraiarke nie fit
suivre.
Le 27 novembre 185Zi, a Irois heures aprfes midi, je
quiltai la ville de Zayla pour traverser les plaincs
situees entre les monlagnes et la mer. Ma caravane
comptait une vingtaine de personnes dont la plupart
portaient des lances, des boucliers et de longues
dagues. DeuxConials de la police d'Aden, qui avaient
regu ordre de m'accompagner, elaient armes couune
moi-meme de longues carabines; j'avais de plus deux
pislolels a six coups (invention Colt), arme qui cause
le plus grand eilroi aux Bedouins.
JNous traversames au j)elit pas une plaine dessechee
dont le sol, iujpregne de nitre, ne produit rien que
( 3/i2 )
des plantos salines propius a la iiouiriUuc dcs cha-
lueaux. On reniarque des « fiiunare » ou aprfes Jes
pluies violontes de la « moiisson » africaiue , les eaux
des raontagnes lorment dos torrents dangereux. Les
depressions de celte plaine portent, au|)res de la mer,
liaced'une inondation recenle. A quelqiie distance de la
cote, on troiive uiie vc^g^talion suffisant a la nourrilure
des vastes troupeaux de nioiitons, de chd'vres et de
chameaux qui formcnt la richosse des Bddouins. Quand
les pluies autoninales on I fertilise celle plaine, les
nomades quitlent leurs raonlagnes pour jouirdu soleil
et pour le paturage de leurs bestiaux. Mais en ete nul
etre huinain ne saurait r^sister au .simoim et aux ler-
ribles ardeurs de celte region qui se cliange alors en
un allreux desert. L'elendue de la plaine peut elre
de /i5 a Zi8 niilles anglais (mes. g^ographique). J'eus
soin lie visiter les cainpenienls des Bedouins qui me
regurent avec enipressement : des Iribus liostiles de-
vastaient le pays, el dans ce cas un p^lerin arm6 jus-
qu'aux dents, habile lireur et un peu niagicien tel que
)c leur paraissais, etait doublenienl t'oruiidable. Les
hutles de Comals, appel6es gufgi, ont une litrine arron-
die au sommet, leur hauteur est a peine celle d'un
hornme ; elles sont coniposees de branches pliees en
demi-cercles supportant des nattes lissees par les fem-
mes. Leur disposition eirculaire rappelle le /(/an/ des
Cal'res du Cap. Le.s pelites divisions ciu centre pro-
t^gent les nou\eau-nes; on parque les vaches ou les
chameaux au milieu ; les huttes sont dispos^os a
I'cntour et le lout est entoure d'une haute et large
haic de buisson et d'epines scenes. Telle est la dis-
position du fcr ou village yomal. II n'y a d'autre
( 343 )
cloture qu'iin monceau do branches d'acacias. Los
habitations sont sans hixe ; une peau de vache sent de
lit. Le lait, nourrilure ordinaire dc ces Bedouins, est
caille dans des oulres de chevre et des pelits seaiix;
en hiver on trouvedans cesliuttes un feu sans cheminee
ct pindant la nuit, le propri(^lairo , sa femnie ot sa
famille parlagent I'abri et la fumee avec los faibles
ct I'reles agneaux.
Nous traversames celte plaine, voyageant a la mode
du pays, c'est-a-dire en paresseux. Les Comals divi-
sont leurs routes en gedi ou marches de qualre a cinq
lieures. Une deini-gedi par jour est le maximum de
leurs elTorts. Chemin faisant le voyageur distril^ue .^^es
ellels et sa provision aux bonnes gens qui, en effrontes
mendianls, assiegent sa hutte avcc des grands cris de
wall issi « tlonne-moi quelque chose! (1). » Vieniient
des haltes frcquentes sous pr^texte de danger, de niala-
die, de faibiesso. Quand les provisions leur nianqiient,
les Comals sonl capables d'accomplir deux gedis par
jour, marchant assez lestement de (juatre a huit heures
du matin, et deux heures de la soir6e. Enlin dans les
endi'oits dangereux ils vous menent a grands pas
depuis I'aurore jusqu'a la nuil. J'ai vu en mainte
occasion une caravane faire d'un trait 28 milles. Mais
le voyageur ne doit pas s'attendre a voir souvenl des
exeuiples d'une pareille c^lerite. Ces sauvages sonl
mous, faibles et faineants. Ainsi tout consi)ire a for-
mer une ciialne d'obstacles (jui ne se ronipt que par
le moyen d'un grand flegme.
(i) Ainsi les Arabes tlesif;nent satiriquement le pays des Comals
par le iioin du Bilartl a'ah issi, — Pays de donne-nioi quclfjiic
chose.
( Ub )
Le 3 deceinbre nous arri\ames a la lioiUicic mc-
ridionalc dcs Eesa, el nous passamcs quehjucs jour-
necs asscz conlorlables au pied do Ja inontagne ijui
ferine le premier gradiu de I'Ahyssinie alpine. Celte
cliaioe suil la imr depuis Tajouzzcit jiisqu'a Jcrd
Uafoun (Guardaliin): sa fonnalion geologique presenlc
successivement ilu calcaire, du gres el des terrains
crislallins dans les regions elevt'-es. Ici nous trouvanies
un cliniat plus frais, el un pays fertilise parlespluies
liivernales. Le 7 decenibre nous onfilanies It; lil aride
dun lorrenl, seul xigz;ig connu par cos nations pri-
railives, et nos cliameaux, renforc^s par unc addition
considerable, grinip^rent avec diflicull^ un senlier
penible parsem^ de granites, de gres et do grits micac^s
disposes en gradins on par grosses masses delachees,
Les granites de celte nionlagne elaienllellemenl brutes
que le quartz, le mica el le feldspalli se Irouvaient
separes I'un de I'aulre, On reniarquall des liL^nes de
torrents etde calaractesqui se de.ssinaient sur les flancs
arides et noiratres des montagnes. Ce ])ays se cbange
en desert avanl la saison des])Iuies; fertilise par la
« mousson » ijuin-seplembre), il nourril a peine une
faible j)opulalion de vacbes nomades. On y Irouve des
gazelles, des aulrucbes, des couaggas et plusieurs aulrcs
esp^ces de betes fauves; le daini iiain, appcle par les
Abyssins, Bciii /.y/'«/7, el par les Comals, Sagaro; enfin des
pelils lievres et des gros rals. Les lions font I'iiorreur
des timides babilanls: pendant nion vo\age je ne vis
qu'un seul de cos aniniaux qui s'esquiva d'un coup de
carabine portti au clair de la lune. Lne espece de per-
drix ou plulot de poule sauvagc el connue sous le nom
de kabk (aux amateurs ile la poesie pcrsane], se Irouve
( 3Zi5 )
sous lous les buissons. Ce qui m'olonnait c'otait la
tiniiclite du gihier tlaiis iin pays ou les amies a feu
sont inconnuos et dont les nalifs affames detesteni la
volaille.
Siir ces montagnes nous trouvames un terrain aride
presentant une succession de pelites collines couvertes
d'acacias, de plaines dessech^es oil les cailloux ser-
vaient de gazon et de vallons porlant les marques de
fiumare violentes. La fraicheiir de I'aii- indiquait une
altitude considerable el le pays s'elevait a I'occident.
Ici babitent les Comals Gudabursi , petite Iribu d'en-
viron 10 000 boucliers qui, grace a ses montagnes et
a ses cbevaux , se maintient pied ferme, contre les
100 OOOEesas. lis sont d'ailleurs renommes pour leur
caractere bospilalier et la vie des voyageurs est cbez eux
en surete. Je ne saurais toutefois repondre dc ses biens :
car les Gudabursi sont d'une avidite remarquable ; le
mensonge, la faussel^ et la mesquinerie denotent leur
ignoble origine. Ces sauvages sont des Comals, dit-on,
de lamille batarde.
Du 3 au 23 decembre, nous traversanies ces mon-
tagnes, marcbant un jour sur cinq de bake. Le 9, je
visilai une ancienne ville que les Bedouins appelaient
Darbiyak Kolah [ le fori de Kolab; ce nom est celui
de sa reine) ; il est probablemenl d'origine galla. On
y remarque des ruines de mosquees et de tombeaux
musulmaus. La seule tradition que j'aie pu recueillir
a ce sujet, c'esl que la ville a toujours ele en guerre
avec Aububab, sa voisine, et que les deux ciles se sont
mutuellemcnt delruites. Les ruines sonl composees
de pierres, les unes non equarries, les aulres laill^es;
I'argile y sort, comnie c'est I'ordinaire dans ce pays.
( 34(i )
de mortiei". Mais la race {iiii laisail la son domicile
elait bien sup^rieuie aux iioniades proprietaires ac-
tuels du sol, qui regardent les lesles des awwalin (les
anciens ) avec iin ceil craiutil et slupide. Les Oulemas
de Ilarar n'ont pu ^claircir men ignorance surce sujet
qui n'est pas sans int«5r6t. Le 11 decembrc, je visilai
Aububah dont les ruines se reduisent a un petit dome
d'arcbiteclure grossi^re ou gll un schaykh niusulnian.
Les Bedouins dunnaient le nom d'Aububah a la ville,
auvallon, au saint. Co[)en(lantle savant Scbaycli Tanii,
dont je fis la connaissancc a Harar, m'assura que ce
pcrsonnage 6tait do la famlllo d'Abu Zerbay (Abou
Zerbin) qui, en I'an l/i29, enseii;na aux Arabes les
luxes africains du caf6 el du cat, J'eus soin de faire
men p^lerinage pr6s des resles d'uii saint si amateur
du conforlable. II repose aupres de la porte nieridio-
nale de Zajla.
Le 14 d^ccniljre, 6tanl canipe sur les bords de la
grande vallee Harawwab, ou, disait-on, les elepbanls
broulent coninie des brebis, je forgai a coups de poing
le nonnne Boubh, mon abban gudahursi, a seller sa
rossinanle. Je montai avec ma carabine et fuivi de
Mobanjuied-Mabmoud, mon fidele Comal, je parcou-
rus la vallee de part et d'autro. Cest une depression
qui porte les eaux dos montagnes au pays des Danakil
non loin de Teijourrab. Dans cotle foret ( rcniplie
d'acacias et du Cactus que reclierchc I'el^pbant) les
mooches, peste du pays gomal, et le soleil, nous fai-
saient endurer des tourmenls que I'esp^rance seule
de la reussite rendait supportahles. Esperance, helas
chimerique ! — • vaines visions de la porte d'ivoire !
Apr^s cinq ou six beuresde course, nous retournames
( 3/i7 )
joyeux comme relounient toiijoiirs les chasseurs desap-
pointes, en faisant manger des abominalions (la phrase
est orienlale) a Beuhh, a ses confreres et generale-
ment a sa Iribu.
Le 23 decembre, nous Iraversames le ban Marar, ou
prairie de Marar , can)pagne herbeuse qui separe le
premier gradin du second. Sa longueur est plus con-
siderable, m'assura-t-on, que sa largeur et celle-ci n'est
pas inoins de 28 milles. La surface de cette plaine
onduldie etait couverte d'une vegetation dessech^e;
au milieu nous traversames une ouady {fuuiuu-a) ou
s'arret^rent les Coraals pour manger la gomme des
acacias. Nous convoyames une petite caravane com-
pos6e de quatre chameaux, douze vaches et une cin-
quantaine d'anes accompagnes, comme toujours, dans
ces pays peu galants, d'un nombre egal de femmes
lourderaent chargees. Elle allait atix montagnes des
Girhi pour troquer le beurre et les cuirs du pays bas
contre le hiirud ou Holcus sorghum des cultivateurs (1).
Cette plaine est un rendez vous de voleurs et de bri-
gands; les Gudabnrsis, les Eesas, les Hair Awnls et
les Berteris s'y disputent les de|)ouilles du malheureux
voyageur. Nous parlimes a six heures du matin et
nous arrivames sous les montagnes de Harar a huit
du soir, sans qu'aucun de nous eijt couru de danger.
Le bon Schermarke m'avait muni d'une letlre aches-
see au ^'eVa<^^ Adan (le prince Adan, corruption Qomale
de Adam), chef -de la Iribu girhi. Malheureusemenl
notre guide gudabursi etait beau-fr^re du gerad : par
(l) Ce grain est lies cornmun ilnns le Srinde et I'Aiabie : ici nu
Tappelle taam^ la \e jowati; Iturutl est 11- mot conial.
( 3ZiS )
conseqcioul, ils avaient cu des clispulcs tie lemme, do
faniille et dc Iribu. En pareilles circonstances, I'liabl-
lude du pays est peu commode pour I'etranger: les
deux parlies ne s'accordent qu'a lui ifluser jiassage.
Apr^s niainls doutes, discussions etd^lais, le gerad
nous envoya son fils ain«^, Sclierwa, et une dc sos six
princesses, la honne viveuse Dahabo, soeur do Beuhli.
Le 26 decembre nous enlriinies dans les niontagnes
des girhi, ou s'offrit soudain a nous une scone tout
a fait nouvelle.
Le pays est nionlagneux et la \6p,6talion alpino. Lne
espece de pin que les Arabes nomnient Sinaubar, les
Comals Dayyib, donno un sombre aspect aux flancs
et aux sommets des rochers dopouilles de ierre par
des pluios furieuses. La presence de col ar])re denote
une allitude de 5 000 pieds au-dessus du niveau de la
nier, coujme la conslalo le lieutenant Heme siir les
cimes du niont Gulap, non loin de Berbera. Nous
contemplames avec joie, dans ces fertiles valliies, des
ruisseaux d'eau pure, le plus charmant spectacle
qu'offre I'Orienl au voyageur altere. Pour la premiere
fois depuis que j'avais qiiille I'lnde, je vis des traces
d'agricullure. G'etait ie temps de la moisson, et les
paysans (nous avons quille les Bedouins) cbantaient
gaiement pendant lour doux travail. Ils nous enlou-
rerent, nous temoignanl une curiosile encore plus vive
que celle qu'avaieut nionlrde les nomades, et je dus
uiassacrer quelqucs malbeureux vaulours ou pcrcno-
pleres pour me d^livrer des importuns.
iNuus demoiirames six jours sous la protection du
gorad Adan. La cause de ce nouveau delai a lout a
fait lo coloris local. Mes doux C-omals virent avoc ellroi
( 3/i9 )
mon intenlion arretee d'entrer dans la funeste ville de
Ilarar. On me conjura d'adresser une parole an sultan;
on m'ennuya avec des conies do diables el de dragons;
on ourdit meine centre uioi de petiles conspirations.
'! antot les chameaux ne pouvaient marcher; lanlot
on ne voulait pas aller cliercher des anes pour le
transport de nos effets. Pauvres gens! ils ne pouvaient
triompher de I'opiniatrete d'un liadji. Le 2 Jan-
vier 1855, je me decidai ii parlir seul sur inon mulct,
muni dune lettre du gouvernement d'Aden , avec
I'intention deme presenter au sultan. Alors les Comales
eurenl lionte de me laisser partir comme un gueux.
Les dews, policemen, le cceur brise, m'accompagnerent
done, et un Uoisieme, qui cachait avec peine sa joie,
resta aupres du gerad Adan pour garder mes efTets et
pour remettre au lieutenant Herne, au cas oii je serais
retenu prisonnier, une letlre d'avis. Jo resolus de me
presenter comme un emissaire anglais pour deux rai-
sons: 1" les Comals respectent peu I'liommo qui en
temps de danger nie sa patrie ou sa tribu ; 2° a mosure
que j'approchais d'Harar, la population me croyait
davantage Turc, — nation ignoble, plus d^leslee dans
ces regions que le Feringhi. — Le 3 Janvier, j'entrai a
Harar ou je fus recu passablement par le sultan, d'ail-
leurs assez nn^cbant hommc. Sans entrer dans le detail
tie mille petits evenements qui se succedorent pen-
dant mon sejour de dix journees, — Allah! qu'elles
etaient longues ! — je dirai seulement qu'on me con-
g^dia avec deux mulcts et une lettre adressee au gou-
vernement d'Aden (1).
(i) Ci-joint est la lisle des stations. Je dois prevenir toutefois que
( 350 )
L'ancionne melropole do rempiio hadiviili esl
situ^e'a peu pres a 175 millos do Zayln, et a 219 inilles
de Berliera : la direction est respeclivomenl 220 et
257 degres. Cetle evaluation donne une latitude de
9" 20' N. et une longitude de 42" 17' E. (de Greenwich):
elie ropond assez bien aux estimations de nos goo-
graplies.
Lat, . 9''22'N. ^ Le lient. Crullcndon i marine
Long. 112° 35' E. j Indes).
les seuls inslrutnents que inoii caractere de hadji me permit d'avoir,
etaient une nioiUre, uuc petile houssole et un lliertnoinetre.
„. . Distance en
milles anglaii.
1. De Zayla a Gudiiidaras. S.-E. . . i65° 19
2. De Gudingaras a Kuranseli. . . . i45° 8
3. De Kuranseli a Adad 225° 23
4. De Adad a Damal 4o5° i )
5. De Damal a Ilarmo '9°° •'
6. De Ilarmo a Tujaf 202° 10
7. De Tujaf a iialiuialah 192° 7
Ici il y a un sycomore celebre repute nioitie chcmin. — 91 mill,
8. De Halimalah a Aububah 245° 21
9. De Aububah a Koralay 165° a5
10. De Koralay a Ilarar 260° 65
Total 202
La direction de llarar (jui nie fut donnee par les natifs de Zayla,
est S.-O. 222*.
De Zayla a Harar le mukatdb (courier) arrive a |)i('d en 5 journ,
dit-on.Les caravanes les plus lestes prenucnl i i jouis, les plus lentcs
de I I a 1 2.
Theimometre (Fahrenlieit) a Zayla. . . 210° (eau bouillanto).
— — a Halimalah. 2q4"
— — a Koralay. . 201°
— — a Harar. . . aon°
( :^5l )
Lat. . Q-SS'N. ) ^ . . . ,, „
.^ ^ , »-, I ^e missionnaire Krapr.
Long. 42" 07' E. ) ^
Lat. . 9" 24' N. ) Le capitaine Harvis ( arm6e
Long, hti" 22' E. i (Indes.
Mon Ihermomelre indiquait uno hauteur d'environ
5 500 pieds anglais au-dessus du niveau de la mer.
Cette ville est sur la pente d'une colline, dont la decli-
vite est de I'ouest a Test. A rorient on remarque des
jardins de bananiers, de citronnlers, decaft^iers, de cat
et de vars {bastard saf/irin), il y a aussi des lirnoniers,
du raisin sans fruit, des datliers qui ne portent pas de
dalles et de la canne a Sucre. Le terrain de I'occident
esl dispose en terrasses pour I'irrigation des jardins;
au nord il existe une petite colline qui constitue le
« Pere la Chaise » de cette ville sainte , et au sud les
habitations sont baties dans une depression consi-
derable.
Le cliniat m'a paru d^licieux, ni chaud ni froid.
Trois fois en onze jours nous eunies de la pluie; Fair
etait frais et le soleil supportable. L'eau gelait dans
les montagnes voisines ; dans la ville la temperature
6lait plus raod^ree. Les habitants parlaient de six
mois de « mousson » : on s'ex[)lique ainsi la ferlilite
prodigieuse du sol.
Harar fut batie, il y a trois cent seize ans, par I'emir
Nur, prince devot qui occupe un grand vilain tombeau
plar6 sous un petit dome. Dans les jours de Moliam-
med-Gragne , c t Allila nmsulman (jui meiiagait de
bruler et de ravager i 'em [/ire chretien de I'Abyssinie,
c'etait un amas de miserables bourgades. L'^mir fit
construire une muraille avec des tourelles qui sub-
si.ste encore. L'histoire moderne de celle ville n'a
( 352 )
rien irinloressant ; ello se borne nu jihad (croisaclos)
conlrelosGallas p;uens et auxqiierelles inleslines d'une
grandc famille de pelils dcspoles.
La ville no contienl rien f\<i romai(|ii;il)li'. Ello a
cinq portesd'uno grand cur vrainionl orienUili', ;'i savoii-:
J. A Test, Argob Bari.
2. Au nord, Asum Bari.
3. A I'ouest, Asmadein Bari.
A. Au sud, Badro Bari.
5. Au sud-est, Sukutal Bari (1).
La jaini, ou niosqu^c-cathedrale, est un d'clifice |ieu
artificiel qui ressemble a nne grange ourop^enne. II a
deux minarets d'architeclure grossiere et de forme
remarquable. On m'a assure que c'cst un produit de
I'art lure. La ville est d'un aspect sombre et morne;
celte apparencc est due a I'absence du morticr, la-
quelle donne aux villes de I'Orienl un reflet fatigant.
Les raaisons sent construites en granite ct en calcaire
disposes par masses grossieres rangees sans ordre el
unies par lo moyen de couches do bois et (.I'argile. Les
toils Hont j)lals et peu d'habilalions ont un second 6tnge.
On enlre par une porte faile dc grosses tiges de Holcus,
dans une basse-cour au fond de laquelle se Irouve la
maison. Les femmes, ainsi que cela a toujours lieu
dans les pays musulmans, sont separees dos liommes.
Pour rues on ne trouve que des allees, des culs-de-sac
etde rudes escaliers fort p^nibles a escaiadcr. La ville
ne conlient pas un soul jardin ; on y voit quelques
arbres (le Ficus religiosa ?) et bon nombre de cimeti^res.
(i) Bari dans la langue tie Harar sigiiiHe une porie. C'est le bar
ties Amhares, comnie ilans « anr()-])ar, » eic, eic.
( 353 )
Harar renferme unu population d'environ 10 000
ames, y compris 2 500 Coinals et sans compler tine
large popnlalion flotlante de Galias et de Biidouins.
Les feimnos sont extraordinau'eiiient nouibi-euses, fait
qui esl du al'esclavage. Je ne juge pas Ires favorabie-
inontdes inoeurs et du personnel des habitants de cette
ville. lis sont tellement adonnes a la boisson que les
Oulemas memo ne sauraient resistor aux cbarmes du
/ey (I'liydromel), el du/ius/m ( bieie connue en Orient
sous le nom de honzat) (1). L'eniir a dii etablir jiour
la correction des mceui s, un guet de nuit qui surveille
les ruelles en appliquant une bastonnade preparative
do la prison aux voleurs et aux ainoureux.Les liomnies
out, dit-on, niauvals cceur; je cerlifie qu'ils n'onl pas
;ui moins bonne mine: ils souiTrent de ropUlhahnie,
des scrofules et d'autres maladies plus civilis^es et
plus terribles. La toilette est ties simple, une tobe
(toga abyssiniennej et des saiidales grossieres, quel-
quefois une calotte blanche sur la lete rase et un
Jiil/tt on (Jrap autour des reins. Le port des armes
6lant defendu dans la ville, on sort avec un baton de
cinq pieds de long. Les I'emmes sont assez genlilles :
leur bouclie est prcsque europeenne et la lignc des
traits est quasi caucasienne. Elles s'habillent avcc une
chemise de colon teinteen bleu fonce avec deux triangles
ecarlates sur la poitrine et le dos. Cette simple toilette
esl relevee exti^rieuremenl par une echarpe de colon
fabriquee a Harar. Les femmus marcheiU pieds nus et
(i) L'histoii-e de ce mot est assez extraonlinaiio; il est coiiiiu
ilepiiis I'lijjypte jusqii'a la Tartaric. Aussi a-t-il donne un verbe aux
Allemaiuls: biizeti^ s'lmbiber; et en anglais, to booze, siguilie Ijoire
au Libcron.
IX. JuiN. "2. 24
( 35/i )
qmind olles sortenl ellos ne se voilenl pas la figure.
Leur l6le esl couvorle de moiisscline hlein' ; et leurs
clievciix sonl altaclies de fa^on a former deux gros
pelolons sous les oreilles. Leur parure se compose
de bracelets, cercles en come do Iniflle faljriques
dans J'Inde, de colliers de coiail, d'epingles dorees
qu'on met dans les chevtiix, d'un i nban de salin noir
qiiOn passe aulour de la tete, ( f de bagues de fabrique
« birminghaniaise. » Ces dames on I la voix excessive-
ment rauque, — contrasle delavorable avec la nation
?omale donl la moili^ feminine possede un organe
doux et flule qu'on relrouve quelquelois parmi les ne-
gresses. Puellaiitm suta sunt pudenda more Gdlldvuni et
Soniahirum ; iwvn nnpta soh'itur cultello. — Precaution
extraordinaire et tr^s eflicace , indigene de I'Africjue
qui, comme on la dil, a.t\ fiptt ti /.atvov. Le^ femmes
de Harar aiment ^perdument le labac , emploj'6
comme cbique, ci inter pocula, elles rivalisent avec les
hommes. Je n'ai eu aucune diilicull^ a entamer de
longues conversations avec ces aimables citoyennos :
n'ajanl jamais vu de visage europeen elles me trou-
verent beau (circonstancc exceptionnelle) el — icl les
propositions se font avec I'ain able abandon de la mode
putipbarienne.
Harar est riche en saints, en erudils et en fanali-
ques. Les Shaycbs, Abadil el Bekii, et Ao Rabmah
y ayant laisse leur pr^cieuse depouille , onl rendu
Ja ville lameuse dans I'liagiograpbie musulmane.
Les Oulemas les plus celebres sunt Je kabir Kbalil el
le kabir \unis. iii Jrequentai la sagesse de Harar, donl
I'erudition me parut bornee aux sciences purement
religieuses. 1 es livres sonl assi z abdndanls. Je remar-
( 355 )
quai des katiioiis el ties inaiuiscrits elegaimnenl et
currecleraent ecrlls. Lus liabilants do Harar se sont
acquis uiie c6lebrit^ pour la reliiire des livres et un
Persan, dont je fis la connaissance a Harar, ui'assura
que aieme aSchiraz il n'avait rlen vu de semblable. Au
reste, il ii'y a poiiil tie college, point de n'«^/' (fonda-
tion), point d'encouragemenl pour las eludianls: aussi
malgre la c^lebiite cle celte ville, on ne doit accorder
aucune foi a ses vantes d'^ducation, Les Bedouins du
voisinage sonl infestes par des widad (calottins) qui
savent lire le Koran, sans pourtant le coaiprendre,
6crire un peu el rt!!citer une multitude de pri^res.
Grace a cos connaissances, iis esp^reut pouvoir vivre
gratis el eu « duke otiiiii), » - but universe! de I'ec-
cl^siastique dans les pays cliauds ou i'hoinme est
paresseux.
Les Uabilanls de Harar parlent une langue tout a
fait diflerente de celle des Galias, des C^onials et des
Amhaies. J'ai compose de cette langue un essai de
gramnjaire et un vocabulaire d'a peu pres 1500 mots.
Cet aper^u pourra peut-etre satislaire, en attendant
mieux, les pbilologues. Connne c'est I'ordinaire dans
ces pays, la langue nie parait un dialecte seniilique
grelle sur un idionie indigene. La cons(.)nne douiinante
est le khd, son rauque et gutliu'al. Les hoinmes qui
ont reQu quelque education parlent la langue arabo;
on comprend aussi a Harar I'ambarique, le galla, la
langue des Comals et celle des Danakils.
Quatre tribus de Galias s'^lendent jusqu'aux portes
de la ville :
1. Les Nola, a Test et au nord-est.
2. Les Alo, a roc<"idenl.
( r.5(5 )
o. Lcs Babuli , ail sud.
h. Lcs Jtirsa, a I'esl ot au sud-csl.
I! ( .si impossible de voir ccllc Dalioii sans s'apeice-
voir (jue c'osl line race melee cic sang seinitirjue cl
indigene, doscendanl des Comals qui occupant la
cole, onl regu de I'Arabie, la grande pepiniiTe de
la race caucasienne, des subsides iretjueiils de sang
pur. Los Gallas ne sent nullemeii^^ faiialiques : les
clu'oliens, les nuisulinaiis el les paiens qui adorenl 1(>
H'o/c (Dieu) vivenl paisiblemonl sous le meine loit.
Les Gallas n'onl point a liarar la reputation que
nous leur fiiisons. lis pourraient aiseraent an^antir
la ville , mais I'emir ])ajo a litre de solde, et on
realile conime tribut, 600 a 700 tobes par annee aux
clul's des Bedouins. Le Galla a le droit de porler sa
lance dans les rues; quaiid il passe par la cour du
palais, il ne trolte pas avec le bias droit nu, ainsi que
doivent faire les sujets de Son Allesse, et il boil son trj
dans la niaison des princes. En revanclic il est vole
par les citoyens qui payent tres bon luarcbe pour
son cafe , son tabac , son wars el son beau colon.
L'einir puniraitavec rigueur celui qui oserait enseigner
aux Bedouins rartificc pernicieux des poids et des
mesures.
Le gouvernement sereduil a 1 emir. Cir pelil prince,
qui s'inlilule E/ Su/tau ibre El Sudan ibn El Saltan,
est, dit-on, d'origine galla, ce (jui ne lempecbe pas
de s'arroger lo litre d'El Bekri (descendant du calife
Aboubekr). C'esl uii jeune liomme de vingt-lrois a
vrngt-quatre ans, I'rele, petit, jaune, imberbe, a front
pliss6, auxyeux saillants, ayant rairmt^chanlel I'aspect
d'un pelil rajah indien. Sa sante est faibli', oe qui est
( 357
peut-elre i'eireld'une pollon quo lui a adminislice I'mic
de ses qiiulrc femmes. U a deux enfanls tie jeune age.
Orplielin ot despolo depuis trois ans , il retloute line
cinquautaine de gros el foils cousins qui peuvent lui
dispuler le tione. Deja il a cmprisorine Irois d'enlre
eux, el comine a Harar le delenu vil enchaine dans
un cacliot noir, sans autre noui riture que la provision
envojee par la famtlle, la prison el la uiorl sonl ici
a pen pres synonymes. L'emir afftcte toule reliquelle
d'un grand monarque. Quand on lui est presente, on
est saisi par ses gurdes du coi'ps el traine au pied du
trone, ou il I'aul cmbrasser sa longue main seche et
jaimatre en dessus comnie en dessous. On ne regardo
pas en face S. A. sans courir risque de la discipline.
S'll crache, un chainhellan lui presenle le pan de sa
I'obe. Dans les rues, des valels cliassent sur le passage
du prince, a grands coups de fouet, les individus qui
ne s'esquivent pas au cri do: Let! let! (sauve-loi !); et
dans la mosquee, deux ou trois soldats, armes de fusils
a m^che, veillent sur lui pendant qu'il fait sa j)riere.
Son wazir, le gerad Mohammed el sa mere , la Gisti
Fit'meh, uialgre i'autorite du pouvoir inalernel en
Orient, n'osent lui donner le moindre conseil. La
princesse a ineme, m'assure-l-on, recu parfois des
rcproches accompagnes de menaces.
La loi crimineile est rigoureusemeut adminislree a
Harar. L'herilier de celui qui peril viclirae d'un ineur-
Ire, coupe, avec un grand couleau, la gorge du meur-
triir. Le vol est puni par la mutilation de la main.
Pour les petils crimes, la peine est la lusligation : deux
bourreaux appliquent de grands eouj)s de kurbnch
sur la poilrine et les reins du crimiiiul. Quand una
{ 358 )
femmc est ainsi punic, on commence par versnr de
I'eau sur sa personne, espuce de bapleme que la dtili-
catesse exige. Le cachot, I'amcndc ct surtoul la confis-
cation lotale sont le cliatimcnl des offenses politiques.
L'^mir est celcbre pour la promptilude de ses dt^ci-
sions. Ordinairement il permet A ses siijets d'avoir
recours a la sheiiat (loi des oulemas). Le cadliy, Abd-
el-Rahman, esl un homme assez propre; mais en r^gle
gen^rale, in iirhe et orbi, les nilnislres de la religion ne
sont pas tr6s exeniplairos pour I'administralion de la
justice. Themis est une exigeante, jalouse des pelits
soins prodigues'a une concurrence quelconque. Ainsi,
a Harar, si Ton court risque d'etre vole par I'emir, on
est encore sQr d'etre dcorche par le cadliy.
L'uiiique monnaie de Harar est une petite piece dcml
la face i>()rte I'inscMiption : — Monnoynge de Harar.
— Aux revers on lit la dale A. H. (12i8). On appelle
cette piece une niahallak ( mot harari qui signifie
argent) : 22 bananes valenl une niahallak; 22 ma-
liallaks, une asbrasi, valeur llu'-oriquo de commerce,
et 3 ashrasis , le real ou talari. L'emir punit sans
pitie ceux qui possedcnt ou (|ui font circuler d'autres
esp^ces.
Harar est une ville essentiellenicnt commerciale. La
perception des droits est simple. Toute marcbandise
paye pour octroi une tobe do seize coudcs par ane;
I'ane par consequence passe les porles de ia \ille sup-
ports par quatre ou cinq portefaix. L'impot des cul-
tivateurs est 10 pour 100, tarif general du jiays. On
ne manque que d'argent: la marcbandise est rare,
el celui qui possede un capital de 1 000 francs passe
pour raillionnaire. On ne paye pas les employes au
( 359 )
comptani: ils resolvent le don d'un jardin de cafoicrs,
ou un r6al (Marie-Ther^se) de grain, quantile suffisanle
pour la nourritiire annuelle d'une seule personne.
Trois caravanes i)orlent a Berbera les riches produits
du pays des Gallas : celles de Janvier et de fdivrier sont
peu nombreuses; cellede mars est compos6e de 2 000
hommes et 3 000 chameaiix. Une masse d'esclaves tires
de Gurague, d'Efat, et des differentes tribus gallas est tro-
qute avec les Arabes de Mascate conlre des datles et du
riz. L'ivoire conslitue un monopole royal: I'emir achete
avoc de faibles cadeaux les depouilles de I'elepbant et
les envoie a Berbera accompagnees d'un wakil. Je ne
vous offre pas une description du caf^, qui est d^ja re-
iionime en Europe. On sail qu'ici,conime dans I'Yemen,
pays ou la nature a prodigue ce produit, les habitants
se servent rarement du fruit. Le Yemeni emploie la
kischr ou foUicule, et le Harari prepare une boisson
nauseabonde avec les feuilles broyees apres avoir ete
rolies dans un pot de m^tal. Le premier caf6, comme
le tabac, croit a Jarjar, pays des Gallas, a sept jours a
I'ouest de Harar. L'erair en defend une exportation
trop considerable, craignant d'en diminuer la valeur;
aussi retient-il les hardsell, ou cultivaleurs, pour em-
pecber I'art de tomber en desuetude. On achete pour
un real a peu pres soixante-dix livres de tabac. Le wars
est employe par les Arabes de Sur et de Mascate, qui
s'en servent comme cosm^tlque et pour la teinture
des robes. Les tobes de Harar sont celebres dans I'Afri-
que orienlale : tissees a la main, elles portent I'em-
preinle de ( ei instrument divin , et depassent de loin
en beaute et en solidil(^ les plus beaux produits de nos
ateliers mecaniques. Aussi sont elles cheres : on paye
( 360 I
10 el menie J 5 it-aiix |)Oiir im ailicle dc preiiiieic qua-
lite. Le helail esl pen nomlireiix. On mange ordinai-
renunt la viande do boeuf pondiec do pimont el sans
sel : les moiilcms ot les clievrcs sonl lares. L'uniir a tiiic
douzainc de nuiuvais pi tits chevaux, hons sculemenl
pourgrimpf r les plus execiablesclieniins. Les anes sonl
plusforls et plus \ailianls que ceux du pays comal. Les
mulels sont excellcnts : je niarchai cinti jours cl pros-
que deux nuits monle sur le uieme animal qui n'arriva
que peu fatigu6 a Bcrbora. On les vend dopuis 2 jusqu'a
AOroaux. Pour un real on nclieto cent vingl pctits pou-
lels. En un molles comestibles sont abondanls el a bon
marche. Ajoutcz a ces produits la gouimc, le beurre,
ies peaux de betail, le grain et les esclaves, et vous
auroz une lisle compl^le do rcxporlalion de Harar.
Elle serait considerable, si lim erliliide des cliemins
el le danger de la vie n'augiuenlaienl le louage des
animaux el ne diminuaient le nombro des marcbands
voyageurs.
Je manquerais, Monsieur, a men devoir de narra-
teur fidele en laissant passer cetle occasion d'averlir
mes confreres les voyageurs que celte vilb^ n'oflVo aucun
objel de curiosile ou de jouissance. I, a dcslin6c m'a
lire du danger sauf et sain. Vous qui ne recbercbez
pas le Irepas, cvilcz de visiter Harar jicrulant hi vie de
I'einir, Ahmed -bin-Abubekr.
Je ne vous donne aucune description do mon rotour
a Berbera, cu j'arrivai le 13 Janvier. Ce port celobre el
emporiuin do I'Afrique orientale, vous osl deja connu.
De Berbora. ou mes adjudants, les lieutenants Heme ct
Slroyan m'allendaient non sans inqnioiude, jc m'em-
barquai pour Aden.
( 361 )
U faut, pom- penelrer clans le pajs cles Clomals, faire
line iorle depcnso de toiles, tabac et munitions de bou-
cbe : le lout pour etre pille pai" messieurs les sauvagps.
La liberalitt^ du gouvcriienunt des Indcs nie prodigue
lout. Je suis a present a depenser 15 000 francs pour
une provision qui doit nous durer six mois. J'ai trois
adjudanls; nous avons une petite troupe de domes-
tiques amies, et nous sommes munis de tous les instru-
ments d'observallon dont on pent se servirdans un pays
de sauvages soupgonneux et crainlifs. Le mois d'avril
nous vcrra, j'espere, encore une fois reunis et prepa-
res a ontamer une seconde enlreprise. Men intention
est d'aborder a Berbera, de visiter les monlagnes de
Gulap, situees a deux fortes journees dans la direction
du sud, et d'y commencer une guerre acliarnee conlre
les elephants, seule mani^re de sacquerir une belle
reputation, (juand on refuse de mutiler son prochain.
Avanl la « mousson » nous nous dirigerons vers Osa-
dayne pour observer ce fleuve celebre, le webbe
Shebayli [Hamis' Rh>er). Apres quoi — Allah kerim!
comme diseiit les vrais croyants, — Dieu est g^ne-
reux !
Comme Moise sur le mont Pisgah, nous, \oyageurs,
contemplons de loin la terre sainle de la science.
Daignez, Monsieur, nous accorder les instructions de
la Societ(^ g^ographique de France; nous ne man-
querons pas, selon nos inoyens, de consuller ses
moindres desirs. Jusqu'a la fin d'avril prochain, une
Icttre (adressec au Lieutenant Burton, Bombay Army
Conimanding Somali expedition, care of the Political
Resident. Aden. Arabia) me sera remise par mes amis.
Je confie ces remarques a la politesse fran^aise qui
( 362 )
parflonnera les erreurs d'oinission el ile t;rainmaire
clans la langiie la plus exaclo de I'Europe (1).
Veuillez, etc.
Ricli. F. Burton,
Alias.
NOTES
SUB h'iTKT PRESENT DU SKNNAR, SUR SON AVENIR ET SON
INFLUENCE SCR l'aVENIR DE l'^GYPTE. (eXTRAIT.)
La pluparl des voyageurs qui se sent avonlur^s
dans le centre de i'Afrique, sont niorts pour donner
do nouveaux pays a la geographic, de nouveaux d6-
bouch^s a I'industrie, de nouveaux aliments a I'avide
commerce et de nouveaux convives a la civilisation.
Tr^s peu ont pu relrouviT dans leur pays le repos et
la recompense qui leur etaient dus.
J'essaierai d'indiquer a ces courageux champions
de la science une route qui diminuera leurs fatigues
et les dangers, et sera pour le gouvernement qui vou-
dra la leur faciliter, un moycn d'agrandissement et
do prosp^rite.
Je lacherai de faire comprendre au gouvernement
egyptien, qu'il pourra ainsi reconqu^rir a sa civilisation
des peujdes riches, autrefois seslrihutaires el qui depuis
plus de deux mille ans gisenl pour ainsi dire sur leur
sol, comme Promethee sur son rocher, attendant un
(i) Nous avons tenu a conserver a cette lettre son style d'un carac-
tcre original Lien fju'incorrecl, ces iiicorreclions sont toit exciisaljles
chez un etmiiger, nous nous sonniRs iioincs a taire cjuel(jues cor-
rections indispensables. (Alfred Madry.)
( 3()3 )
rayon de ce feu sacrd, qui doit les regenerer en leur
donnant une nouvelle vie.
J'espere que le prince eclaire qui gouverne main-
tenant rfigypte, comma ceux qui s'interessent aux
progres de l'humanil6, voudronl bien me tenir comple
de ma bonne volont^, a defaut du talent que deman-
derait un pareil sujet.
Pour avoir une idee de I'importance du I'ole que
J'filhiopiedoitreprendredanssesdeslin^esetdel'avenir
de I'Egypte, ii suffisait de fouiller dans les quelques
pages d'histoire qui nous reslent sur ce pays.
On verrait qu'il etait riche en toute esp^ce de cultu-
res, en min^rauxprecieux, en or, fer, cuivre, en plantes
medicinales, etc., que les penples les plus eloign^s,
aujourd'hui inconnus, apportaient de loutes parts dans
ses marcbes, soit par caravanes, soil par le moyen dos
fleuves, et que la ils trouvaient, en echange, les produits
de I'Egypte, de la Syrie et des Indes.
On verrait qu'une colonic d'Llliiopiens, suivant le
Nil a travers ses cataractes, etait venue fonder cetle
cel^bre ville aux cent portes (Thebes) qui, la premiere,
avait donn^ un lit au fleuve et change les marais pes-
tilentieis de I'Egypte en champs converts des plus
riches inoissons.
On saurait aussi que tanl que ces deux nations
6taient rest^es unies par une communautd; d'interel,
de moeurs et de religion, I'Egypte avail garde le pre-
mier rang parmi les nations ; qu'elle n'avait ete acces-
sible a ses ennemis et n'etait decline qu'apr^s que
ces liens eurent ete rompus; alors que Psammc^tique y
eut exii6 deux cent mille families de la caste guerriere,
leguant ainsi a son successeur un royaume veuf de ses
( 36a )
allies et de sos defensenrs. Camhysfi lroii\a I'Kgvple
ouvcilc cl (Icpiiis ello a tniijours cii des niailres.
Mais qu'est-il besoin de I'liisloire ! J'adinets que la
prosperite passee d'un pays no piiisso 6lrc prouv^e,
oil lie serve dans ma lliese fpi'autant qu'elle oirro d'ele-
inenls pom- I'avenir.
La forlune d'un pavs dc^pend de la fertliile de son
sol, de sa position geograpliiquc et de sa lopographie.
Or sous ce clouhle rapport, I'lllthiopie egyptienne est
un des pays les plus favorises du moiule. II sullira do
jeler les yeux sur la carle pour s'en convaincre.
Depuisle 18^ degr^ ile latitude nord, lenne despluies
equatoriales, jusqu'a Sennar sons le 13^, le Nil recoit
le Iribiil des eaux de qualre aHluenLs, qui sorj^entont
i'l Iravers des plninos d'une luxurianle \e,t;elalion, oil
paissent de nombreux troupeaux. Ces alHucnls ii'al-
lendent que des bras et un del)ouche iacile pour don-
ner a ce pays la vie et le bien-elre que la circulation
norniale dii sang donne aux etres qii'il anime.
Dans les vastes plaines qu'arroseiil le Dender et le
Rabad , entrc le fleuve Bleu cl I'Atbaraii, on cullive
sans frais le plus beau colon du inonde ; celui dont
on a tire la graine du Mabo, si renomme avant qu'il
eul degenere sous le cliinat de I'Egypte. On y cul-
live aussi le sesame qui ne vaut (pie 5 francs Vciidcb,
ou le sac de 280 livres, c'esl-a-tlire buil lois nioins
qu'en Iigy|)lc, ainsi que le colon, llemel-l'acba, le seal
gouverneur general qui ait compris jusqu'a pr(isent les
ressources de ce pays, a fail des fabriqucs d'indigo,
de Sucre etde savon qui lui rendaient le 500 pour 100,
dans des endroils occupcs avant lui par des forols
sauvages.
( 365 )
Dans los jardins, que les etrangers ont fails aulour
lie KliartOLiin, on irouve piesqiie loute I'annee des lleiirs
cl des fruits sur les grenadiers, les figuiers et ies ci-
Ironniers. La vigne, qui produit deux fois I'an , et le
bananier, n'ont pas de saison. L'arbre acrenie donne
egalenieiil double recolto en juillet et en decendjre.
J'ai onvoye en Egypte des echanlillons du \in que
j'ai fait avec les treillcs de men jardin; il n'a pas ele
juge inferieur aux vins les plus estimes de I'Espagne.
Le vojageur arabe Selini-el-Assouenli raconle, au
XIII* si^cle, qn'il a parcouru la Nubie jiisqu'a vVloa
(Saba), a six heures sud de Khailouiu, et cheminant
loujours a Tonibre des forels de palmiers, ou sous les
Ireilles do vignes, qui ont ete delrultes par I'invasion
arabe. II ne faudrait que Irois ans pour rendre le pays
lei qu'il elait alors. Ainsi le sol de I'Ethiopie est pour
le nioins aussi fertile que celui de I'Egypte.
Par ses fleuves et ses rivieres, il pent avoir coninie
I'bgypte une irrigation arlificielle; plus qu'elie,il a sa
iiianne celeste, ses pluies annuelles, qui lui donnent
gratuilement d'abondanles recoltes.
Le fleuve Blanc n'a pas de rives propreiiient diles;
il laisse en se retirant des lerres, qui ont souvent une
lieue de largeur, toutes preparees pour diverses sortes
de cultures. Cos bords, deserts inaintenant, appelle-
raient de nombreuses populations de cultivaleurs, si
on les garantissail conlre les excursions des Gbelouks;
il ne faudrait pour cela, pendant quelques mois de
rannee, qu'une croisiere de deux bateaux arm^s qui
seruienl ampleinent payes parle droit qu'on elablirait
sur les bois de construction que I'arsenal el la ville
de Khartoum lireraient des hautes forets de mimosa.
( 3613 )
(jiii onibriigenl les bords cle ce flcuve. Ces bois |)(tiir-
raienl devenir ^galemeiil uiie richesse pour I'ttjypte,
qui en est dt^pourvue et le payc au poids de I'argenl.
On pourrait de mfenie exploiter les immenses forfits
dent le fleuve Bleu enlratne chaque annee, pendant
ses crues, d'^nornies Ironcs qui servent pour la gios-
sifere menuiserie du pays (J). Le noyer, I'acajoa ne sonl
point coniparables k la pluparl de ces bois, soit pour
leur durt^e, soit pour la bcaul*^ de leur vernis. Les
cercueils des momies en sont des eclianlillons.
La province du Rordofan produit cliaque ann6e
de 40000 a 45 000 quinlaux do gommes, valant au
pays environ 800 000 a 1 000 000 de francs, qui se-
raient doublets du moment oil les transports seront
plus faciles. Liie caravane de i 000 quinlaux ne peut
arriver au Caire avant six mois et souvent avaiit un an,
tandis qu'olle pourrait y aniver en quinze jours de
Rharloum.On pourrait ogalcmentintroduire dans cette
province la culture en grand des arachides, qui de-
viendraient un article important d'exportation.
Le Soudan egyptien est peupl6 d'environ un et demi
a deux millions d'hommes, de deux races bien dis-
tinctes. Les habilants des villes et villages sont un me-
lange d'lithioj)ien5, de Founcigis , de lierb^res croises
avec des Arabes. Les autres sont noniades, a|)parte-
nantaces tribus successivement ^migrtiesdu H(;(ljazdes
les xiu^ et xive si> cle. lis errent dans les steppes de
I'interieur avec leurs bestiaux consistant en bceufs,
ebameaux, moutoiis, ch^vres, etc.
(l) 11 en etait aiiisi dans I'ancien empire e{»yptien; \oy. Description
de I'tjYpte, Thebes, antiq., vol. Ill, pi. .\o, tiy. 5, et I'explicaiion
cle la planche. (Jomard.)
( :^67 )
Lcs premiers cultivent la terre , iiiais seulement a
I'epoque des pluics annuelles qui comniencent a la
fin de juin et finissent en septembre. Quand les pre-
miers orages orit suflfisamment liumoct6 le sol, ils
y jeltent le grain, vont uiie on deux fois sarcler leurs
chaujps, et recoltent en oclobre et novembre. Ils ne
cullivent ainsi que le dixieme de leur terre et quand
la recolle a el6 assez abondanle, elle sufTitpour appro-
visionner le pays pour cinq ans.
Annee commune, le grain (raais blanc), tlont ils se
nourrissenl presque exclusivemenl, ne vaut que 1 fr.
a 1 fr. 50 c. I'ardeb dans les pays qui le recoltent. II
pourrait se vendre en Lgyple de 1'2 a 15 francs.
Le prix ordinaire du bceuf est de 10 a 15 francs. A la
modicile de ces prix, il est facile de se rendre compte
de rinerlie des cullivaleurs, de la pauvret^ apparente
du pays, comme de I'impulsion que donnerait un
debouche facile a I'agriculture el a I'el^ve des besliaux.
Coaibien de steppes, dont on brule I'herbe inutile pour
delruire les reptiles qui s'y cacheni, deviendraienl de
riches proprietes !
Je me rappelle que Mohammed-Aly-Pacha ecrivait
une fois au gouverneur general Kliourchid- Pacha,
« Je ne concois pas comment chaque fois que je te
demande des tributs, tu m'objectcs la pauvret6 des
sujels que je t'ai donnes a gouverner ; ils onl deux Nils
landis que je n'en ai qu'un; fais travailler ces paresseux
comme je fais en Egyple et ils deviendront riches. »
Khourchid-Pacha reponilil upeu pres ainsi: « Quand
mes Seimariens culliveraient dix fois plus qu'ils ne le
font, ils n'auraient jamais que des grains et des bes-
liaux et point d'argent a vous donner. » II aurail pu
( m )
ajouter : Envoycz-nous quelques-uns de ces acholeurs
que les Francs expedient dansvos ports avec leiirs bati-
menls, et nous vous donnerons dix fois plus que \ous
ne nous demandez.
Le pacha d'Egyple demnndait alors Irenle, qiuuanU',
cinquante mille vachcs, ot elles niouraient presque
toules de faim, de soil" el des fatigues d'uiie longue
iravers^e, qui n'otait jamais moins do six n)ois.
Tanl qu'on n'aui'a pas love cclle sorte de blocus, doiil
les cataractes el le Sahara onl onlour6 I'Elhiopie, ello
sera coumio ces ports encombres de richessos que les
croisieres ennemies ont rendues ruineuses.
Toulc la question dos richesses territoriales du Sou-
dan est la, comujo le dtinionliera plus has \v. tableau
approxinialif des ressources actuellcs du pays (I).
Voyons les avantages ct les rielicsses que pcuvoiil
donnerace payssa position geographiqiie el sesfleuves.
Nousrenconlronsd'abord au nord de Khartoum, I'Atba-
rah, qui nous conduira au Tigre el a Gondar, ou nous
trouverons le muse, des peaux tannees, de la cire, ainsi
que le oafe qui s'y vend de 15 a 25 centimes la livre.
[.e fleuve Bleu pourra nous rciidre niaitres ile ces
niarclu'sdu cenh'edel'Abyssinie, lelsquc leGocljam, ou
le Gallah, le negre, et I'Amliara se reunisscnt plusieurs
fois I'an pour leurs echanges. Sur les hautes rives au
cieia de Fazoql, on pourrail etablir des coniploirs, ou les
n^gresdes nionlagucs auriferesduBertal.du Kamamil,
et le Galla, trop eloign^ dt!S routes du Godjani, \ion-
dronl ai^porter, les premiers, leur poudre d'or, et, les
seconds, d'excellents chevaux.de la cire, de I'or ct aussi
(i) Ce tal)ieau, lout ile cluffres, a clii elrc oinis dans le Bulleliu.
( 369 )
de I'ivoire, inatiere dont ils se servent pour fairo des pi-
quets, comnie faisaicnl les riverains du Nil Blanc avant
notre airivee.
Un olficier de I'arm^e cigyptionne, nomm6 Hamel-
EITendi, elait I'acilement par\enii , il y a quehpies
ann^es, a etablir des relations avec ces peuples dans
le poslo qu'on lui avail confie pres des minieres sud
deFazoqI. Ce posts avait etc foiule par Mohammed- A ly
lorsde son voyage, en 1839, a ces minieres. En moins
dedeuxans, et avec un capital inoindredc 2 000 francs,
il avait gagne avec eux plus de SO 000 francs. Di-ja
ses Gallas venaient par caravanes ochanger les ar-
ticles designes ci-dessus, conlre des verroleries et des
toiles. Avec la loyaute et la bonne foi dans les rela-
tions, ce niarch^ serait devenu, en peu d'annees, un
emporium des plus considerables: mais cet Hamet-
ElTendi,qui avait eusoin d'eloignerlespelits raarcliands
de ce qu'il appclait son marche, se Irouva un jour sans
fonds en face d'une riche caravane de chevaux ,
d'ivoire , de poudre tl'or et d'esclaves appartenaiit a
des Gallas.
Au lieu de parlager avec les pelits capitalisles, qu'il
avait eloignes, ces richesses que ses moyens ne lui per-
nicttaient pas d'acquerir loyalement, il aiina mieux
s'en einparer de vive force, et les negres et les Gallas
ne revinrent plus.
Ce qui doit surtout attirer I'attention et I'interet du
gouvernement egyptien, c'est le commerce et la navi-
gation du lleuve lilauc; je ne repelerai pas ici ce que j'ai
deja dit dans la narration de mes voyages: il sulfira
de dire qu'on doit suivre ses trois principaux afHuents,
presque lous navigables jusqu'aupres de leurs sources.
IX. luix. 3. 25
( 370 )
En oirivant por le Saubat an pied des monlagnes
d'Imadon, sur les confins sud du royaume de Calla ,
on pourrail faire ravonner un commerce d'ivolie, de
poudre d'or, elc, avec Ics negres riverains, les Gallas
et les poiiplades sud-oucst des Adels. Les echanges
d'ivoirc, de rer,clc.,quin'(5laieut,eii 1845, que de 200
quintaux, au plus, avec les riverains de la hranche sud,
onl ele I'annec derniere, grace aux relations que j'ai
etablies en 1850 el 1851 , de 800 quinlaux qui onl donne
au Sennar un capital dc iOO 000 francs, et a la douanc
du Caire pros de 50 000 fr.
Que scra-ce (juand nous serons arrives clicz les
Rouendas sous la lignu, chex lesquels mes gens ont
rencontre en 1851 des concurrents, on relation avec le
Zanzibar?
Quand nous aurons remonli^ le Reilak jusqu'au
lac Fillre, qui nous empecbera de monopoliser pour
I'Kgypte le ricbe commerce d'imporlallon et d'expor-
lation, que les royaumes de Bournou, Borgou, Ouaday
elBaghermi font avec le Maroc elTri[)oli i>ar le grand
Sabara, avec des dangers el des fatigues de lous genres ?
Quand nous aurons visile ensuile cette riviere qui,
du sud, vient apporter au Reilak sa plus grande masse
d'eau. Le Sennar aura relrouve ses anciens iribulaires
et reconquis son ancien commerce el son influence.
11 ostliors de doule quo les royaumes que jo viens
dc nommer, sonl Irois el qualro fois plus ricbes que
lElbiopie ogyplienne
C'esldonc un commerce Irois el quatre fois plus con-
siderable, pluslucralif qu'il s'agit do lui accpierir
L'jVoxple ist-elle plus eloignee des sources de ses
lb u\' s, moinhuiteressee a se les acqu(^rirque la Franco
( 371 )
et I'Augleterre, qui, depu'is ces deniieres annees siir-
tout, ont fait tant d'eflorts, tant de sacrifices pour y
^tablirleur commerce et leiir influence civilisatrice?....
II faut d'abord ancantir les terribles barri^res que
le desert el les calaractes ont jetees enlre I'Egypte et la
Nuble. Le projet qui consisle a faire sauter les cata-
racles a I'aide de la poudre sorait le plus coiiteux, le
plus didicile <'l celui qui otlriiait moins de resultats.
Les cataractes ne sout point, comme on pourrait se
I'imaglner, une chute, des ecueils ou des rapides dc
quelques lieures, qu'un travail de mines pourrait faire
disparaitre; mais bien, surtout les deuxieme et troi-
sifeme, une continuite de rapides, d'ecueils, de chutes,
pendant sept a huit jours, entre des rochers contre
lesquels le Nil se brise en (icumant.
La main de I'homme ne pourra jamais detruire ces
plateaux de granite, qui commencent les preaiiers a
Ouady Haifah et finissent a TAfir; les seconds, a
Meraoneh (ancienne Napata), et finissent a la province
de Berber.
Tout ce qu'on tenterait pour amolndrir une chute
ne ferait qu'augmenter la chute suivante, comme cela
est arrive a I'Ambel, la plus terril)le des deuxi^mes
caltiracles, oii Ton a du renoncer a ces Iravaux qu'avait
ordonnes Mohammed-Aly.
Ces calaractes ferment complelemcnt la navigation
du Nil, pendant les deux tiers de I'annee. Ce n'est que
pendant I'apog^e de I'inondalion, qu'on peut y exposor
quelques bateaux.
Brun-Rollet.
{ -Mi )
Aual^HCfi et IKapfiorts.
REPORT
OF AK EXPEDITION I)O^V^ THE Zl'M AND COI.OUADO nlVliRS,
BV CAPT. I.. SITGRAVES , CORPS TOPOGIl APIUCAL ENGI-
NEEKS. WASHINGTON, 1853.
l.XPEDITION AD RIO COLORADO ET A I.A RlVli.Ri; ZUM ;
RAPPORT DU CAPITAINE L. SITGRAVES, 1)U COUPS DES
INGEKIEURS TOPOGRAPUES ; >V ASIIINGTON, 1853.
Conipic icnilu par M. MonKL-l'ATio.
AncidI (I'linalyser le rappoi I do capilaine Silgravcs
(I do descendre avec lui les deux coins treaii donl la
reconnaissance etait le but do rcxjiedilion, nous de-
vdiis iDc'llre sous \cs yeux du leclour les inslruclioiis
donnues au commandant par le depailemeiil do la
guerre.
« Des auloriles respcclahles represonlcnt la liviuie
)) Zuni comnie un aflluent du Colorado; cclte riviere
)) a ele cxploree j)ar le lieiilenanl Simpson jusqu'au
» \illagc (pueblo) de Zuni; vous vous reiidrcz done a
)) eel endruil, qui sera jjar Ic Tail le point do depart
» de vos lra\avix d'exploralion. Du pueblo de Zuni,
)) \ous descendrcz la riviere de ce nom jusqu'a sa
)) joiiciion a\c'c U; Colorado; vous determinerez son
)) cours ct sa nature, en vue surtout des ressources
)) (iiicllc [)()uii ail ollrir a la navigation, et vous etudie-
)) rez Ic caracleie aiii.^i cpie les productions des terros
( 373 )
» qa'oile traverse. Le confluent tluZunl et du Colorado
)) sera determine avec soin; puis voiis sulvrez lo Colo-
)) rado jusqii'a I'endroit ou le fleiive se jelte dans le
)) golfe de Californie, en ayanl soin de Faire Ics ohscr-
)) valions necessaires pour en dessinor exactemenl lo
)) cours. »
Le personnel de I'expedition Fut organise aSanta-Fe.
Le capitaine Sitgraves avail sous ses ordrcs un lieute-
nant du genie; un medecin naturaliste, un dessina-
teur et un guide; cinrj Aniericains et dix Mexicains ,
cos dernieis inuletiers et liommos de peine. Le
1'' aoiit 185'2, sous la protection de quelrjues soldals,
le capitaine Sitgraves et ses gens arrivaient a Sanlo-
Domingo sur le Rio-Grande, et le I"' septenibre au
pueblo de Zuni.ou grace a de nouveaux retards causes
par I'escorte qu'on dut atlendre plusieius jours, il
iailut rester jusqu'au 24; ce jour-la on se rait defiiii-
tivement en route. Le s^jour a Zuni Fut d'ailleurs mis
a profit; le naturaliste commenca des collections et
Ton lit des observations repetees de longitude et de
latitude pour obtenir un bon relevement du point de
depart.
Le 24 septeuibre on fit seulement six niillcs en
cotoyant le Zuni ; celte riviere, ou plutot ce filet d'eau,
baigne des chumps de ble cultiv^s par les Indiens
Zunis , tandis que lours plantations s'elevent sur les
valions ou dans los gorges ferliles des montagnes. Au-
tour du pueblo, on voit de petits jardins potagers arro-
ses et soignes par les Femmes indiennes. Le 25, on
suivit encore la riviere par un senlier bien battu et
Ton campa aupres d'une belle source au pied de
roches escarpees. Le 26, la vallee Fut lout a coup in-
( ^n )
icnoiTipue par des nuiiailles abriiptes <le gr^s uiele
do Lasalte, niais jdus loin elle se reformn en s'elar-
jjissanl de plusieiiis uiillcs et coinuuiiiiqiia u tlioile cl
a gauclie avec plusieurs autres vallees. Partout ou la
roilie de gies pr^sentait une surlace plane, on romar-
qua des dessins indiens ou liieroglyplies graves ou
points.
Le 27, les voyageursrencontr^renl quelques Indiens
Apaches qui allaient vendre des anes au pueblo et,
suivanl toujours le senlier dont on a parle plus haul,
ils arri\erent sur les Lords du Petit Colorado [little
Colorado rh'er). Getle riviere, princij^e ou affluent du
grand Colorado de I'ouest, n'est la qu'un cours d'eau
insignifiant, divis6 en plusieurs filets qui courenl a
travers une vallee depourvue d'arl)res , au milieu
d'herbes epaisses. De chaque cole les terres s'^l^vent
gradiiellenient, et ca et la pointent quelques roclies
de gres. Le 28, la vallee olait devenue une large
plaine; et le sol se trouvant defence par les ])luies, on
quitta les bords de la riviere pour gagner les terres
plus elevees. Dans un terrain mobile et sablonneux
ou les midets enfoncaient a chaque pas, on trouva des
cailloux d'ngate et de jaspe, ainsi que des masses de
matiercs ji^lrifi^es, apparemmenl des troncs d'arbres;
ces masses elaienl zebrees de bleu, de blanc, de jauno,
mais surlout de rouge. Le 30 septembre, on suivit de
nouveau la riviere qui coule dans une profonde ^chan-
crure; el le l" octobre, vers la liii du jour, on aper-
cut dans I'ouest les montagnes do San-Francisco et,
dans le nord plusieurs pics volcaniqucs.
Le 2 octobre, le capitainc Silgraves campa sur les
bords d'nn flea affluents dn petit Colorado, au ruisseau
( 375 )
tie Cheye\o\\[Che('e/o/i's fork). 11 cut peine a Irouver son
chemin an niilicu d'lin tledale de ravins ot, le 3, apres
s'etre engage clans tine [lasso sans issue, il int oblige
do revenir sur ses pas, de retraverser la riviere et se
dinger vers le nord a Iravers un pays depourvu de
vegetation. Le 5, mfeme aspect desole; les mulels
conimenc(irent a donner des signes de fatigue; le 7,
on can:!pa pres de la riviere , non loin d'habitations
de pierre, que le guide dit appartenir a des Indiens
Moguls.
Jusqu'au 8 octobre , le capitaine Sitgraves avait
autant que possible suivi les bords du petit Colorado,
niais ce jour-la, il Fallut abandonner ce projet, la
riviere se precipitant de cascade en cascade sur des
tables horizontales de gres, d'une bauteur verticale
de 100 a 120 piods (anglais), pour se lancer dans un
couloir (canon) tie cette hauteur qui porle ses eaux
jusqu'au grand Colorado. Le capitaine Sitgraves ne
jugea pas prudent de suivre, avoc les bagages et ses
b^tes faliguees, le precipice qui forme la rive du
petit Colorado, et, sur I'avis du guide, il se dirigea vei's
lesmonlagnes pour lomber sur le Colorado au-dessous
de I'enibouchure du petit Colorado ; de la on pourrail
remonter ct explorer aussi loin que possible. Apr6s
avoir pris cette determination ct quille la riviere ,
I'expedition suivit la base de rochers tallies en liautes
tables horizontales et formes de nombreux detritus
de lave. Au milieu de ces roches, quolques points cul-
minants porlaient des ruines d'^difices de pierre,
^videniment les resles d'nne cite considerable ; de tons
cot^s le sol elait couvcrl de fragments de poteries de
fabrique mexicaine. Le capitaine Sitgraves attribue an
( 376 )
manque d'eau la depojjulalion de celte contiee abau-
donnee.
Le 9, on \i[ qnelqucs arbres sm- los montagnes,
principalement dos ccdri's ; c>l lo guide , cnvoye a la
d^couverlo, loniba sui- uu campenicnt considerable
d'Indiens Yanipais, ctabiis aiqnes d'unc soiirco. II no
lilt p.TS possible de cominunlqiicr avec eux ; ils s'en-
fuirent a I'appioche des voyageurs, laissant dans leurs
cabanes une foulc d'uslcnsiles de valour pour des
Indiens. Le capilaine Silgraves rogrelle avec raison
dans son rapport que le guide ait permis a ses liomnics
de s'approj)rier une partie de ces objets. Le 10, Ic 1 I
et le 12, continuation du voyage a travers lesnion-
tagncs, I'cau etait rare, neanmoins la v^g^lation elait
Ijelle; au cedre avail succede le j)in ;'i plgnons [Pinus
edulis) : dcs autilopes par troiq)es paraissaient au loin
dans la plaine. Le 12 au soir, apies avoir alleinl le
sounmet des nionlagncs, on commen^ait a descendro
le vcrsant meiidional lorsque la decouverle d'une
source abondante docida le capilaine Sitgraves a cani-
jier et a prendre un peu de repos dont lout le nionde
avail grand besoin. On resta deux jours a cct endroil.
Le 13, le guide fit une excursion de decouverle el
surprit encore quelques Indiens; niais cetlc lois on
respecla leurs proprieles et on leur laissa quelques
presents en tabac, mouclioirs, couteaux, pour les en-
gager a communiquer avec les voyageurs et donner
ainsi quelques renseignements sur la coiilree. Le 15,
Texpedilion planta ses tenles [)res du lit dessecht^ d'uil
^tang; quelques llaques d'eau cxislaient encore ca et
la caciiees dans les iiaules herbes, on y tioiiva une
esp^ce de trede, diirerente du trefle coiumun desttals
( 377 )
de rUnion. Qiielques arbres cle I'essence du clit-nc
etaient meles aux arbres verls. Ce jour-la le grand
chronomelre so trouva arrel*^ dans la boite, et le cliro-
nomelre depoche du capitaine Sitgraves manquanl de
regularity, on ne put faire par la suite que des obser-
vations approxinuitives.
Le 18, un deshommes do I'expedilion, un Mexicain,
qui avail ele bicsse a la t6te quelques jours auparavant,
ne pouvanl allcr jilus loin, il I'allut prendre un peu
de re[)os ; ropos dont les hfites <^puisees profiterent
comnie les voyageurs. Le 21, on se remit en route, et
le capitaine Silgraves remarque la beaute du paysage,
qu'il compare a un vrai pare. Ge jour-la, les voyageurs
furont rejouis parle retour d'un de leurs compagnons
6gare a la chasse depuis le 19. Get homme, qu'on avait
cru perdu et qui depuis irois jours errait sans boire
ni manger, avait par basard retrouve la trace de I'ex-
pedition. Le 23, apres avoir suivi de profonds ravins
et quilte les bauleurs dans I'espoir de trouver de I'eau,
on d(^couvril quelques mares dans le lit dessech^ d'un
ruisseau ; le 2!i, on conimenca a traverser la plaine
dans la direction de I'ouesl ; le terrain etait coupe de
precipices el do ravins avcc des masses de porpbyre
et de quartz.
Le 24, le iVIexicain blesse mourut et ful enterr^ au
pied d'un sapin qu'on marqua d'une croix. La verdure
eiait dessecbee el le sol, semblable a de la cendre,
n'offrait aucune apparcnce d'bumidit<i. Le 26, douze
mulels s'ecbapp^rent, il fallut courir sur leurs traces
et renvoyer en arriere un certain nombre d'bommes,
Le 27, on surprit une bandc de miserables Indiens;
I'un d'eux consentit a conduire dans un endroit cu il
( 378 )
y avail de I'eau : en effel, deux niaigres sources cachecs
dans une gorge rocheuse permirent aux voyagours
d'liuniecter leurs gosiers desseches et leur donnerent
la lorco d'alleimlre un vrai i uisstau d'cau courantc
silue 12 niilles plus loin, ct sur Ics bords duqucl on
trouva elahlis des Indiens ^ ampais. La riierbc elail
abondanle, et les mulels pordus le 27 ayant 6l<^ rame-
nes iieureusenienl, betes et gens j)urent se rcl'aire de
leurs fatigues.
Ce ruisscau , que le capitaine Sitgraves nomma le
Yampai, nail de trois pcliles sources, el, dans I'espace
duti deini-mille, il se perd a plusieurs reprises sous
lerre jusqu'a ce qu'il disparaisse lout a lait.
Le 1°' novembre, on cut a se difcmlre contra une
douzainc d'Indiens voleurs de mulcts; quclques volees
de fleches nc^cessilferent I'emploi des arines a feu, ct,
d'apres les traces sanglantes Irouvees* sur les rochers,
il paraitrait qu'im Indien au moins aurait et6 blesse.
Le 2, (in quilta la vallee du Yanipai, pour traverser
une plaine tout a fait nue, sans cau, ni bois, ni lierbe;
par coutre, il y avail abondance de cactus. Le 3, il
fallut gravir une cbalne de liautos montagnes par des
passages escarpds et diliicilcs, mais I'espoir qu'une
fois arrive au sonimct on decouvrirait le Colorado,
donnait du cceur aux plus I'aligut^s; luais, vaine attente,
au lieu du fleuve si desire, une autre plaine innncnse
et desol^e, ct puis une seconde cbalne de montagnes.
Cc jour-la, le guide, ^L L., lomba dans une em-
buscade d'Indiens et ful alleint dc trois fleclios; on
voulul poursuivre ces visilours nialcncontreux, mais
ils disparurent au milieu des rochors.
La journ6e du h ful employee a travcrsor la plaine
( 379 )
et la nuit fut, comnie Ja prec^dente, sans eau ni her-
bage ; le 5, enfin, du souiinel de la scconde monlagne,
on d^couvrit le Colorado, dont lo cours marque pai'
de grands arbres se deroulait aa milieu d'uno largo
valine. Les feux nombreux indiquaient une populalicn
indienne considerable, et a cetle vue, les voyageurs
poiisserent des hourras, comme pour saluer la fin de
leurs miseres el de leiirs fatigues: d'apres le thernio-
m^tre, on elait a 3 200 pieds (anglais) au-dessus du
fleuvo.
Arrive sur les bords du fleuve, le copitaine Sitgraves
en mesura la largeur qu'il Irouva de 266 yards (2ii3'");
sa plus grande j)rot'ondeur ne depassant pas 6 pieds.
Le courant ^tait rapide mais il ne put en ^valuer la
v^locite. Du reste, le s(d elait desole; rien que des
broussailles et des hcrbes s^ches pour toute vegeta-
tion. En somme la contr^e Iraversee, depuis les mon-
tagnes de San-Francisco, elait nue et denuee d'interel;
ce n'^taient que montagnes ot plaines desertes; ces
derni^res elevees en moyenne de 5 000 pieds (anglais)
au-dessus de la mer. Sur les montagnes seulenient on
apergoit des arbres et parini ceux-ci le cedre est le
plus important; quant aux plaines, elles n'ollVcnt que
peu de ressources au bolaniste. Le 7, on suivit un
senlier bien trace le long du fleuve et bientot on fit
la rencontre de nombreux Indiens do la Iribu des
Mohaves.
Ces Lidiens sont de laille alhletique, quoique vivant
exclusivement de veg^laux; ces hommes sont tous nus
a I'exception d'une espece de calegon ; leurs cheveux
sont tailles carrement ,sur le front, et sur les cot^s el
par derriere ils les laissent pousser et flotler de toute
( 380 )
Jour longueur; quelquefois ils Jes roulenl el en font
un paquet sur lour tele. Le soul velement porte par
les feiniuos consiste en une lonjj;ue frange foriii^o de
brins d'^corce cle saule, lournec aulour de la laille el
tonibanl jusqu'aux gonoux; lus femmes, pas plus que
Ics liommes, ne porlonl de cliaussuros. Leurs amies
sonl Tare el los lleciies, la huice el lo halon; ils out
riiabilude de porler avec eux, quand il full IVoid, un
brandon allunie, cl le capilainc Silgravcs reinarquo
quo eel usage esl mcnlionne dans rexpedilion de 'J5ZiO
au Colorado, el ful I'originc dii nom do Rio del Tizon.
donne au fleuve par hs prenners exi)I()raleurs. Le
capitaine Silgravcs out quelque diflicullo ;'i mainlenir
les Indigenes a dislanco; M. Woodhouso, le niedecin
de I'expedltion, lecut une flocho dans la janibe, el le
16, il fallul ropoussor par la lorce une allaque g(ine-
rale d'Indiens Yunias ; un soldat ful surpris el mas-
sacre. Ncannioins I'expedilion descendail loujours le
fleuve. Pendant celle parlie de la route, on perdil plu-
sieurs mulels qui lonib^renl do fatigue pour ne plus
se relever ; on fut n^cessairement obliged d'abandonner
lout CO qui n'elait pas de necossile absolue en ])rovi-
sions el rechanges. On dut ni6me luer les beles les
plus epuisees pour s'en nourrir faule de inieux, lors-
qu'onfin,li; 30 novenibre, I'expedilion a bout deforces,
atteignit le confluent de la Gila, oil se Irouve un posle
niilitaii-e occup6 par les troupes destilals de TUnion
americaine.
La le but do I'expedilion elail rcnipli, le cours
du Colorado jus(iu'a la nior lies pen dislanle elanl
d'aillours bien connu el rucemnicnl explore, le capi-
taine Sitgraves tcrmine son rap|)orl a son arrivoo au
( 381 )
posle IVonliere, bien que les inslruclioiis cle son gou-
vernemenl lul prescrivissent de suivre Ic Colorado
JLisqu'a son embouchure dans le golfe de Californie ;
vraiseniblal)Ieinent I'elat d'epuisement de sa troupe
nc lui permit point d'aller plus loin.
Lc rapport du capilaine Sitgraves est accompagnc!;
de la table des distances parcourues; de la table des
positions g^ograpliiques (celle-ci donne pour le pueblo
de Zuni : latitude 35° Oil' 10" (la longitude manque);
ct j)our le confluent de la Gila : latitude 38° 43' 31",
longitude ouesl de Greenwich, 11/1° 33' O/i") ; de la
table des observations meleorologiques faites deux ct
trois lois par jour.
Le docteur Woodhouse, niedecin et naturaliste do
I'expedilion, a donne un rapport siir I'hisloire naturelle
des contrees visitees, ct une monograpliie complete
des quadrupedes, oiseaux, reptiles, poissons ct vcge-
taux reconnus; parnii les oiseaux et les reptiles quel-
ques es])eces sonl nouvelles. Puis, un rajjport medical
dans lequel on suit avec interelle Irailement suivi par
le docteur lui-meme pour une morsure du serpent a
sonnottes [Crutalns Lecontei),
Enlin eel ouvrage, deja bien rempli, est complete
par un grand nombre de dessins lithographies repre-
sentaut des sites ct des paj sagos, des scenes indicnnes,
(ks specimen nonibreux d'histoire naturelle et par une
grande carle du voyage.
( 382 )
NOTE
SUR I,A CARTE DU COURS DU MARER (1).
La Socit'le de goograplile a puldle, en 182/i, une •
premiere serie de Questions pi-opasces ait.v i>oyageurs[2];
il est une de ces questions qui n'a pas encore et6 ro-
solue conipleteraent et qui est relative au pays de Taka
et au cours di^ la rivii'-ic du Marob, riviere situ6e a Test
du Nil Bleu et au nord de I'Abyssinie ; cc cours a tou-
jours «^t6 considere comme probloinatique et il Test
pcut-elre encore aujourd'hui. C'est pourquoi la Sociele
avait appele Taltention sur I'ouvragc public par Ic
savant voyageur Burckbardt sur la Nubic ; il n'a pos
sufiisamment fait connaitre Ics affluents de I'Albara ,
(que Ion identitie ordinairemont avec I'Aslaboras), ni
la nature ou I'elevation du sol entre I'yVlbara ct la luer
Rouge, dcpuis le 15° degre de latitude nord jusqu'au
19°. Aussi a-t-on accueilli avec inl^ret une carte r^-
cente, tracee par deux voyageurs, MM. Vayssiere ct
Malzac, a qui Ton doit deja une esquisse de cetle parlie
du bassin du Bahr-el-Ab^ad, qu'a nouvellement explo-
ree M. Brun-lloUct (3). D'apr^s cette carle, la riviere
de Marcb prendrait sa source a 75 milles geograplii-
ques nord-nord ouest de Gondar ( lat. 14'^ 50', long,
orienlale Paris Zli° llO') . Au lieu dltRassala, elle entre-
(i) Voir la i-arto inseree au Bulletin ik' jiiin.
(2) Questions pro|iosees aux voyageurs et a loutes les pcrsomies
(|ui s'iiilci assent aux |iru{;res de la {;eo{;i-aphie. l" serie.
(3) Voir ie Bulletin cle mars-avrii l855, et le Bulletin <le de-
cembre i854.
( 383 )
rait dans un grand marais dc 25 lieues de long; puis
se jeUerait, a 60 lieues plus loin, dans un autre marais
tout voisin de la nier Rouge : c'est la que llnirait son
cours sans aboulir a la mcr.
Le grand marais donl on a parle communique a une
valine dirigee nord et sud, appelee Wadi-Abbay, par
ou Ton croyait autrefois que s'^coulait la riviere de
Marcb; le cours qu'assigne a celle riviere la carte de
MM. Vayssi^re et Malzac, parait lever les doutes qu'on
avail sur celle direction.
Les tribus qui habitent entre les 15' et 19° degres
de latitude , et entre les 32" et 35° degres de longi-
tude est de Paris, portent le nom commun dc Badje
ou Bidja; d'aulres iribus plus m^ridionales, jadis chre-
tiennes, sont habiluellement en guerre avec les popu-
lations de TAbyssinie. Elles vivent dans des cavernes
comme les anciens Troglodytes.
L'Albara prend sa source sur la frontiere d'Abys-
sinie, va cnsuite arroser les ruines de Goz-Redjeb ;
puis il se jetle dans le Ba!n'-el-Azraq, ou Nil Bleu,
un peu au-dessus du 18° parallelc nord et de la ville
de Berber. Jomard.
NOTE sun LA COR^E (1).
D'aprfes une leltre assez recenle de M. Ferreol,
vicaire aposlolique de la Coree, on comptait dans ce
pays 12 450 chr^tiens. Selon une autre lettre de
M. Daveluy, aussi missionnaire aposlolique en Coree,
le pays etait agite par des troubles ])olitiques : des
(i) Voir I'aiticle siu la Coree, Bulletin ite rnnrs-avril.
( 384 )
insuneclions ont eclate clans la region de I'osl; la
chute de la clynaslie elail annoncee coinnic ties pro-
bable; le jeune roi, sorli de prison pour s'asseoir sur
Je trone , laissait usurper I'autorile par les hauls
I'onctionnaires ; les plus grands abus regnaicnt dans
radminislration et faisaicnl croiro a une revoUillon
prochaine.
On sait que les missionnalres francais sont en Coree
dopuis 18i5; scion eux la j)opulation est do 10 millions
d'habilanls; I'J^lvangilo y a ete porte vers 1632.
II est egalement dilFicilc d'aborder dans celte pres-
qu'lle et d'y pent^trer; les rlvagos sont cnvironn^s
d'ecueils loul autour; c'est uno nier f^conde en nau-
frages ; au nord est un desert largo do 15 lieues, de-
pourvu de culture et de loulc habitation, et, dc plus,
garde par dc nouibreux soldals. i Jnnalcs de la pro-
pai^((Uun de la J'oi.) E. J.
COMl'AHAISON DES VOCABULAHiKS
OTJIHERERO, BAYliYE KT CHJILIMAiNSE;
U'.M'IIKS M. CHARLES J. ANDEllSSON.
La hingue bayeyo offre la plus grande ressemblance
avcc ccllc des Ovahorero et prescnle en general unc
grande allinite avec quelques-uns des dialecles do la
cole orientalede rAfrique; elie presenle toulefois deux
ou trois de ces sons d'une aspiration parliculiere, dits
klicks ; ce qui la rapproche des langues hollenlotes.
L'oljiberero est la langue des Dainaras et le cbjilinianse
celle d'une tribu quihabite a I'ouesl des etablissemcnls
porlugais dc la cole orienlale.
Oljiherero.
Bnyeje.
Chjilimansc.
Okuoko
Otjiku
Omuzi (toujours
bref)
Engoro
Roo
Movi
Maoko
Movene
Movi
Enga
Roaiijja
Mafomo
Oljisiui, ondoii-
&> (?)
Etongo
»
( 385 )
VOCABULAlUli COMPAnii.
(On a conserve i'orlhograplic anylaise ilont M. Andersson s'est servi
pour renilre Iss sons.)
Anglais.
\
Arm,
Arrow,
— point,
Assegai,
A«l.
B
Bag, Ondjatu Eshisi Sapo
Read, Ondjendje Sooli Ozanga
— of bono, )' Sen'gama Sambo, Daiira
Bean, Ekunde Mcmba Njemba
Beard, Orujetliu Indezo Indevo
Belly, Eshuri Ora Mimba
Beer, » Oara Wadoa
Bow, Outa Kota Outa
— siring, Omuko Kazenga Ozenga
Buy, Omutliandu Morombana Morondiala
Breast, woman's Evere sinij. Mavere Mazuku
Omavere pi.
Brotber, eldest Eiumlii JMopanga,(?) Ain/atsi
Mozatnaya (?)
— younger, Omangu « Morombala
Buffalo, Onjati Onjati Onjali
Bush Tick, Oiigupa Zenkopa a
Buy, lo. Okuranda Koora Kogola
C
Calabash, Ondjupa Kad'gava Fonguc
Cap, covering for Ekori En'kava Chapeo
llie bead
Cattle, Onjanda (sheep Dasliangava \va- Ngouibe
et goats) nume (I)
Cbest, Ornkoro Zedzuva Cbifoa
Child (infant), Omuvena(male Nana Moana
infant)
Chopperorhatchet, Ekuva Enkakara Badzo
IX. JUIN. A. 26
( 386 )
Anglais.
Otjiherevo.
Bayeye,
Chjilimanse.
Cold,
0[nbe|)era
Ouipepo
Onipepo
Copper,
Oljiserandu
Fn'koa (?)
n
Corn,
»
Mavere(Caffre
corn)
Mabera (Caffre
corn)
Com, somewhat
like
»>
Mano'koa
Mavere , Ma-
Canary seed
in
fonde
shape et size
Corn-troiigIi,or
hol-
»
Chitona
Noli
low piere of wood
in wliich ihe corn
is crushed or 1
gro-
und
Corn-{;rinder, i
CIU-
11
Moshi
Moil SI
sher, or pes
;tle.
with which
the
corn is conve
rled
into Hour
Cow.
Oinkompe
Onthindu
Enka^e
Ngombe (catle
in general )
D
•1 Dakka, »
»
Rovanse
Banje
^"!T>
Otnboa
Omboa
Oaiboa
Drink, to
No a
Koiia
Konoa
Drinking cup.
E
Ear,
>f
Echipi on'kara
Mokuniljo
Okutui
Koti
'nseve
Earth-fruit, a sp
ecies "
Oiengoia
Nemo
of a beaTi ,
will
1
pods under groiini
1
Eat, to
Koria, riaa
Kolia
Kodia
Elbow,
Omhai-.imbanja
Rokokona
»
Elephant,
Ondjohu
Ongovo
Ondzoo
Eye.
V
Fasten, to
Esho, p/.Oniesho Amesho
Ma so
I'andeka, kota
Sliiminin.i
Alanga
Fat,
Oniate
.A inazi
Mafot.i
Father,
Tate (isho, youi
father, ishe, his
father)
• Tati
Paha, banibo
Fit-tree (wild),
Oniukui jiiinba
.Mokoja
Makojo
Finjvr,
Ominue
Minoe
Monoc
Fire,
Oinuri)
Mongiro
Moalo
Fool,
Onipatlie ( from
Sikondo
iSiaro
Valli.i, lo leach)
( 387 )
Anglais.
Otjiherero.
Bayeye.
Chjilimanse.
Fowl,
Ontera(from
Th(
2- Sienjeshi
Uoko
ilia, to tremble
)
Fruit Tree (wil
Id)
Moshoma
Moshoma
Fruit, with a la
rge
On'oro
H
oblong fruit
Fruit Tree (wild), »
Se'koa
II
— — _
>)
Oi
»
G
Giraffe,
Ombashe
Ombashe
Chipembere
Girl,
Omukatliana
Mokana
Mosikana
Gnu,
Otjimburu
Onzodzo
Palabala
Goat,
Onkompo
Opuh (?)
Onibozi
Gold,
M
Darama (?;
Dalania
Grass,
Eshothu
Modzodso
Maosoa
Gun.
Ondjembo
Otjimbari
Tuboro
Foti ( smaller
Gun, perhaps
Pistol (?)
H
Hair,
Onkise, ondj
jse
Seshyshi
Sisi
Hartebeest,
Orukambe
Onzoro (bastard
Hartebeest)
He,
e, eje,je, ma,
u, ua, etc.,
cording to
prefix of
noun
me,
ac-
the
the
)t
Ojo
Head,
Otjiuru
Mosoro
Mosoro
Hear, to
Thuva
Koiva
Oansoa
Heaven,
Ejuru
Lero
Gore, Modenga
Hide,
Omukoba
Enj;oo
Palame
Hippopotamus
, Ongantu
Onvovo
Onvoo
Hunger,
Ondjara
Enjara
Onjala
Husband.
»
Arora
Morome oange
I
1,
uami. Ami
Geme (?)
Eue
Iron,
Otjitenda
Otari
Otare
— ring.
J
Jackal.
Onkohe
Tugakano (?)
>»
Ompantje
Opokojo
Boro
K
Knife,
Oruvio
Kaffroe
Chipanga
Knob=tick.
Onkunja
Rashan
Opziuiljo
(
388 )
Aiiijliiis.
Otjihi'teiv.
Bayeye.
Chjilimanse.
L
Lead,
Ohanga (?)
Orolo
t)pu!a
Lec,
Okufiima
Mon'o
ISinihira
Lip,
Oiiiuna
Suporo
Mulomo
LUteii, tu.
Puralena
Koiva
Oansoa
M
-Man,
Uiiiurumeulu
Mokorokoine
Moronic
Meat,
Onjama
Onjania
Njaina
Milk, sweel
Omaisi
Mashutta
Kaka
Milk, sour
Omaire (t'roni j(
to glitter)
;ra •
Koava
Mother,
Mnma, Unjoko
Ma
M.ii
Moon,
Oiiiuethe
Okoezc
Moe/.i
Mouth.
Otjenjo
Moronic
Malomo
N
iSail,
Ontuii{;o
Zcnf;ara
..
Neck,
Knkoli
lizoiigo
Kms
Nose.
I'^juru
Lero
Pono
O
Ux,
Oiikouipoiituoni
he Oporo
N(|oiiiLe (ox or
cow )
Ostrich.
P
<< I'heasani, «
Ombo
Elipof'n
»
Onpoari
()n{»ori
i>
(Fraiicolin)
l>in, Willi
Ouipiiila
Oiiyire
()iij;ulvc
i'ot.
Onjtiiigii
Kahoina
Kaianjjo
Powder,
Osire
Mosiiiri
»
Pull, to.
))
Sherapo
n
n
Hain, to
ixoka
Vovorauleiia
KuiKin vol.i
niiinocei-06,
On{;ava
Oslion{;odi!o
0
itu.sh.
n
Litjalsa(?)rusli
tlOlll
whichthey manu-
facture their mats.
S
Salt,
OinuoiiQua
Kotsoai
Molijo
Sand,
Esheke
Movo
Setja
Sec, to
Muna, tara
Konioana
Oana
Sheep,
Uiitu
O{;o (?)
Ma(>,ai
Shoulder,
Otjiluve
Zckij'aha
Mapeo
( 389 )
Anglaii.
Otjihereto,
Bayeye.
Chjilimanse.
Sister,
»
Mo'ganya
Rali
Sit, to
Kara-peshi
Sekania
Kara
Sleep, to
K.ira
Korangara,
rangare
Te- Kolara
SnuFF,
"
Moloinbc
I'odia
Spoon,
Orutue
Kato
(lluko
Stand lip, lo
Sekainn
(Jem a
Komeia
Star,
Onjosf?
Sicnjata
INjene/e
Steal, lo
Vaka
Koiva (?)
Koba
Sii.k,
Oknti
Rati
P/imb(i
Sun.
Ejuva(fiom juva to Leba
l)/oa
cut or divide.)
T
Terlli,
Omajo (sing, ejo)
Aiiiciio
Mano
Thou or you.
Obe, ovo "-'"'^'•'
Goe
Roe
Throat,
Oniurishu
Moloo
Kolo
To,
Ku, ko, k, pu, po,
p, mu, mo, m
"
Oku
Tobacco,
Omakaja
Motombe
Fodia
Toe,
Omunue
Zena
Minoe
Tongue.
U
Understand, to
Eraka
Rurimc
Rurime
. Thuva
Daivo
Dafva, oansoa
W
Walk, to
Rianga
Rakeke
Kofamba
Water,
Omeva
Ami
Movola
— buck,
»
Oiija
»
We,
0
Sherako
Ife
Wolf,
Ombungo
Omporo
Tika
Woman,
Omukathcndu
Mokaz
Mokaze
— married.
Omukathendu Va-
kupua
Vanga (?)
— oaioroa
You.
Ov.
Goe
l'"oe
NOMS D£ NOIklBRK.
1
Uinue,
Mo'kekf
a
Vevari,
Vaviri
3
Vetaiu,
Vatato
4
Vane,
Vane
Omoe
Vaviri
Vataio
Van a
( 390 )
5 Vetano, Mavanareanja Vasliana
6 Hambohumue. — Vaia'ka Vafantato
7 Hambombari, — Varasupi Clunomop
8 Hambondatu, Vanjenisa Zere
9 Omuvio, Varane Femba
lo Omiirongo, Vnkotniki Koine
I I Oinirongt) na Vakoiniki Vara'k.i Komina Oinoe
mue peshi
Etc., etc., etc. Etc., etc., etc. Etc., etc., etc.
70 Omirongovivari, Mavanareanja Avato- Makome Maviri
vavii'i
3o — Vitatu, Vara'ka Avato vatain — Matate
4o — Vine, » — Mana
.•jo — Vitano, » — Mashana
Co — Hambouemue, » — Vatantalr>
Etc., etc., etc. Etc., etc., etc.
lOo Omirongo Mirongo. " Mazana.
Observations .
En otjiherero I'infinitif se forme en niettant oku
devant rimperatif, ex.: randa, achate, okin-anda, ache-
ter. Les noms de nombre de un a cinq regoivent des
changements selon les mots qui les precedent, ex. ;
Omwidu iwiiie, un homme, mot a mot liomme un; — On
djiio imne, une maison, — maison une; — Ekori rinute,
un bonnet, — bonnet un; — Otjitjuma tjimiii, — vais-
seau (un); — Okati kumue, — baton (un); — Orimo
rumiie, — couteau (un); — Oi>andu vevari, hommes
(deux); — Othondjuo intatu ou thetatu, maisons (trois);
— Omakorijane, bonnets (quatre); — Ovitjuma intano,
vaisseaux (cinq).
En chjilimanse, les lettres R et L se confondent.
11 y ft en baj(^y(i, deux aspirations k/icks, I'une
douce el I'aulre forte.
( 391 )
.'^eiesi cle la Sociele.
RXTRAITS DES PROCES-VERBAUX DES SEAKGES.
Seance dii 1" jidn 1855.
Le proc^s-verbal de la derniere stance est lu et
adople.
M. le baron de Fourmenl, senateur, adresse ses
remerciemenls a la Societe qui vienl de ['admeltre an
nombre de ses niembres.
M. le capitaine de vaisseau Mac-CIure, dans une
lellre dat^e du 18 mai, exprinie a cettc compagnie sa
vive reconnaissance du temoignage d'int^ret et d'estime
qu'elle vient de lui donner, en lui decernant sa grande
m^daille d'oi-, pour la decouverle du passage nord-
ouest. U la I'emercie egalement du diplome qui lui
conf^re le litre de correspondant etranger de la
Societe.
M. Jomard donne communication de deux lettres
de M. Brun-Rollet, en date de Turin ; dans la premiere
M. Biun-Rollet informe la Societe que M. Ibrahim,
dont I'ilineraire a dste trace dans la carte ins^r^e au
BuUelin de mars-avril, est un Svrien qu'il a etabli en
1851 dans la Iribu desKyks; « il paraitrait, dit-il,quele
lrac6 aurait devi6 trop au nord et que la riviere oil
s'esl arrets Ibraliim ne serail qu'un des aboulissants
du Keilak. Le nom de Telfiou, donne au Saubat, vient
du mot fioa qui veul dire eau en diaka. Les Cliirs et
les Bary I'appelient Afeou, les Berry et les GlieJouks
( 392 )
autreinent » Dans la secondc Icttio, M. Brun an-
noncc un mi^moire intitule : I\otes siir I'avenir du
commerce du Sennar, ct il insisle sur la noccssil^
d'oionilre Ics relations commercialos dc TLgypte dans
ri'rllhiopie supericure , moyen d'accroilre en meme
lemps les conuaissancesgeograpliiques. — Renvoi d'un
extrait de ce memoire au Bulletin.
Le mfime membre anncnce qu'on a d^couvert, aux
environs de Limoges, entre aulres anliquites, un pied
remain dont la longueur eslde 295 millimelres; cetle
dimension dilTiJie peu de la dimension du pied anti-
que trouvo, il y a quel((ues annees, en Normandie,
dans la forelde Maulevrier. C'est aussi un pied a cliar-
niere, c'est-a-dire divise en deux dcmi-pieds.
M. Jomanl expose ensuite les communicalions taites
a la dcrniere seance de la Sociele royale g6ograplii([ue
de Londres.
M. Vogel edit a la Societe pour lui offrir de la part
de I'auleur, M. Schnilzler, un exemplaire de sa des-
cription de la Crimee.
M. Alfred Maury fait liommage de scs Recherches sur
la religion et le culte des populations primitives do la
Gr^ce, exlraites d'un grand travail qu'il prepare sur
X Histoire flu Polytheisme grecu-latiu, dcpuis son origine
jusqu'a son enliere destruction. M. Maury enlro dans
quelques details surce travail et sur ses rapports avec
la geographic el I'ethnographie anciennes de la Greco.
M. de la Roquette olTre un exemplaire de la Notice
sur les Egode, qu'il vient de [niblier dans la liiogra-
phie universelle.
M. le secretaire lit la liste des ouvrages deposits sur
le bureau.
( 393 )
M. Lourmand rend coinpte de la brochure inlilul^:
Enunic'intion poetiqiie des departements francais, par
M. J. Portes. II conclut en ees lermes : « L'auleur osl
loiiabled'avoir fait des efforts pour populariser I'eliide
d'une partie importanle de la geograpliie ; niais, si jo
ne me Irompe, il faut s'ouvrir uno autre voie ])our
arriver au hut vers lequel nous appelons lous les
hommes capahles. »
M. Morel-Faliodonne lecture du MemoiredeM. Brun-
Rollet sur les conlrees du liaut Nd.
La Commission centralc decide qu'ello procedera,
dans sa prochaine seance, a la nomination do h'ois
membres adjoinls.
Seance da 15 juin 1855.
Le proces-verhal de la dernierc seance est lu et
adopte.
M. de Monligny, de relour d'uue mission temporaire
en Jfriqite, ecril a la Soci^te pour la remercicr de la
distinction dont elle vienl de I'honorer en lui decer-
nant Ic prix dOrleans pour ses importations de Chiue
et lour acclimatalion en France et en Algerie. M. de
Montigny s'cngage a faire de nouveaux et energiqucs
efforts pour juslifier la conDance de la Societe.
L'Instilut hislorique et geographique des Indes
orienlales icrit a la Societe pour lui adresser le Iroi-
si^me volume de ses Memoires.
M. J. Perthes, de Gotha, ecrit 6galeuienl a la Soci^lo
pour lui faire hommage de plusieurs nouveaux travaux
g^ographiques publics dans son etablissement.
( 394 )
M. Jomard depose sur le bureau la li" livraison do
ses Monuments de la goographie ct il donnc un apcrcu
des carles donl elle se compose.
M. G. Lafond I'ait hommage de son Guide {general
des assurances maritimes et fluviales. II fail a ce sujet
une proposition que d^vcloppe ensuile M. Jomard et
qui consisle a adresser une circulairc a tons les agents
et correspondanls des assurances maritimes, aux
consuls fran^ais et Strangers, aux chambres de com-
merce et a tous ceux qui s'occupent ou peuvenl s'oc-
cuper de geographic par leurs relations.
M. Cortambert offre, de la pari de M. J. Garnier, un
numero du Journal des connaissanccs utiles public sous
la (lireclion de eel economiste, et il en pro|)ose I'^change
avec le Bulletin. Celle proposition est appuyee et ren-
voyee a la section de comptabilile.
M. le secretaire lit la lisle des autres ouvrages depo-
ses sur le bureau.
La Commission centrale precede a I'^leclion de trois
membres adjoints. MM. A. Barbie du Bocage, Fabre
et de Froidelonds des Farges, obtiennent la majority
des suffrages.
M. V.-A. Malte-Brun presente un coiiiple rendu des
Iravaux de la Societe imporiale geographique de Saint-
P^tersbourg pendant les annees 1853 et 1854.
M. de la Roquetto rappelle le Discours prononc^
parM. Lefebvre-Durufle a la derniere Assembl^e gene-
rale, dans lequel I'honorable president de la Societe
t'aisait remarquer Tariditi des geographies elc^mentaires
mises entre les mains de la jcunesse frangaise et, par
opposition, I'allrait des trailes seniblablos [lublies en
Angleterre et aux Ktats-Lnis, et il saisil celle occasion
( 395 )
pour proposer a la Commission centrale de fonder un
prix en faveur du meilleur ouvrage execute d'apres le
plan indique par M. Lefebvre-Durufle. Les fonds de ce
prix pourraienl 6tre fails soil par la Societe, soil par
souscriptions ou par ces deux modes a la fois. Dans
ce dernier cas, M. de la Roquette offre de souscrire
pour une somme de 50 francs. Celte proposilion est
appuy6e et renvoy^e a la section de comptabilit<5 qui
I'examinera el fera son rapport a la prochaine seance.
M. Tremauxlil une Notice sur I'esclavage au Soudan
oriental et sur I'influence qu'il exerce sur les moiurs.
Cette Notice est renvoy^e au Bulletin.
( 300 )
OLVRAGES OFFEUTS
DANS I,KS SEANCES DES l'"^ FT 1") JUIN ISft").
KIROPR.
Tllres des oiiviaijes. Donatenrs.
Description do la Crimee surlout an |>iiiiil <ln viif ile ses liRiies <1p
rominunic.-ilion. Moiio<>rapliie geojTr.ipliique et lopofjraphique,
avpc line lartn. : vol. in-8". Paris, 18.').'). M. ScHNiTzi.Ed.
r.echerches sur la religion et le rulte des popiilaiioiis priinilives de
JaGrece. 1 vol. in-8°. Paris "855. M. Alfred M\rnv.
CARTES ET ATI. AS.
Les monuments de la geograpliie, ou Recueil d'anciennes cartes
europeennes et oileiitales, publics en fae-simile de la {jiandeur
des originaiix, etc. 4* livraison, in-P. M. Jomahd.
Erganzunfjen zu Stieler's atlas. Der Osterreichisclie Kaiserstaat. i" li-
vraison de 8 feuilles. Gotha, i855. — Wand-atlas von E. von
Sydow. N° V. Nord-America. IS° VI. Siid-America. Gotha, i855.—
Scliulwand-Karte von F. von Stidpnagel. Politische vebersicht von
DeutsclilanJ. Gotlia, i855. M. Justus Pehthes.
Carle gcnerale des vents dominants a la surface des mers, pendant
les niois de Janvier, fe'vrier et mars, et pendant les mois de juillet,
aotit et septembre. 2 feuilles. Le cap. de vaisseau Lartigue.
OrVRAGES GfeiSERAUX, MELANGES.
Comptc rendu annuel adresse a S. E. Mgr. de Rrock, ministre des
finances, par le directeur de I'observatoire physique central de
Russie. In-4°. Saint-PetersLourg, i8.54 M. Kl-pkff.b.
De I'introduclion des Armeniens catholiques en Algerie. Br. in-8°.
Paris, i855. M. A. Babbik nu Rocaoe.
Guide general des assurances niaritimes cl fluviales, contenant des
instructions indispensables aux capiiaines, armatenrs, iharfjenrs.
( 307 )
Tiltes des ouviages. Duiiateuis.
consuls, courtiers, assures et assureurs ile loutes les contre'es iiia-
ritinies du globe ; les polices et des observations sur les usages do
chaque lucalite oii il se fait des assurances maritimes, lluvialej et
de transport, i vol. in-8*. Paris, i855. M. Lafokd dk Luncy.
l/Aspbodele, ses applications industrielies, alcool, papier, carton.
Broch. in-8°. Paris, 1 855. M. Pinondei. de Labertoche.
Notice biographique sur les Egede. i?r. in-8°. M. De la RoQUErrE.
MEVIOIRES, RECUEILS ET JOURNAUX PERIODIQUES.
Bijdragen tot de Taai-Land-en Volkenkunde van Neerlandscli Indie.
3' vol. 'SGraveidiagc, 1855. I^sT. hoy. des Indes oniEjir.
Mittlieiiiingrn iiber wiclitige neue Ert'orscliungen auf dem Gesamint-
biele dor Geographic. N" II et III. Gotha, i855. M. A.Peteiimann.
Proceedings of the Royal Society. Vol. VII. N"' I I et 12. — Journal
of the Franklin Institute. Mars. — Zeitsclnift fiir Allgeineine Erd-
kunde. Janvier et fevrier i855. — Nouvelles annales des voyages.
Mai. — Revue de I'Orient. Mai. — Bulletin de la Societe geolo-
gique de France. Feviier. — Bulletin de la Socie'te zoologiquc
d'acclinialation. Mai. — Journal des missions evangeli<|ues. Mai.
— Annales de l,i propagation de la foi. Mai. — L'Investigateur,
journal de I'liistitul histoiique. Fevrier et mars. — Journal d'e'dn-
cation populaire. Avril-niai. — L'Atliena3um francais. W 2i et 23.
Les EniTELns.
( 398 )
TABLE DES MATIERES
COSTESCES
DANS LE TOME IX DE LA 4« SfiRIE.
N" 49 a 5U.
(Janvier a Juin i855.)
MEMOIRES, ETC.
I'agv).
Extiait d'une lettie de M Flermann E. Ludewij; a M. Jornard,
membre de I'lnstitiit 5
Ue I'hisloire des aborigenes du Mcxique, par M. Hermann Lu-
dewig 6
Lettre de M. le commandant dii genie Faidherbe a M. Jomai d. 34
De la {jiammaire seiere, par M. raidherlx- 35
Memoiie sur Ic ragle ou lialluciiiation du desert; par M. le
couite d'Escayrac de Lauture 121
Quelques details sur les prelendus hommes a queue, par
M. Tremaux. • i3q
Notice sur le voyage de M. Charles J. Aiidersson dans le sud-
ouest de I'Afrique, par M. Alfred Maury i/{q
AssEMBLEE CENEtiALE DU 27 AVP.ii, I 855 Dlscours de M. Le-
febvre-Durufle, senateur 241
Rapport sur le prix annuel pour la de'couvertc la plus iinpor-
tanle en geographic, par M. Daussy, rapporteur 25n
Pris, pour I'importation en France, des especes les plus utiles a
Tagriculture, a Tindustrie ou a rhumanile, par M. Jomard,
rapporteur 260
De I'influence que le canal des deux mers exercera sur le com-
merce en general et sur celui de la mer Rouge en particulier,
par M. le comte d'Escayrac de Lauture 2^4
Notice hiographique sur le general Semino, par M. de la
Roq"elle 298
Note sur la position de Teii-Boktoue resultant du dernier
voyage du docteur Barth, par M. d'Avezac 3o8
Memoire sur la route de Zeyla a Harar (AFrique orientale),
par M. Rich. F. Burton 33-,
( 399 )
Pages.
Notes sur I'etat present du Sennar, sur son avenir et son in-
fluence sur lavenir de I'Egyptc, par M. Brun-Rollet 362
ANALYSES, Ki' IIAI'POUTS, ETC.
Rapport sur 1111 travail de M. II. Martin, intitule: « Examen
11 d'un inenioire poslhume de M. Letronne et de ces deux
11 (piesliuns : 1" la circouferunce du globe terrestre avait-elle
>i e'to mesuree exaclement avant les temps liistoriques ; 2° les
>i erreiirs el les contradictions de la yeographie mathetna-
>i lique des anciens s'explirpient-elles par la diversile des
stades et des niilles. « Par M. Sedillot ^2
Observation addiiionnclle au rapport qui precede, par
M. d'Avezac 5i
Types des races bumaines (Types of mankindj, par MM. Nott
et Gliildun. Conipte rendu par M. Guslave d'Eichthal. . . 53
Rapport sur I'ouvrage intitule: Geoijraphi grivci minores^ avec
coinnientaire et atlas de 29 planches, par M. Charles Midler.
— Par M. Isandjert 65
Expedition de I'Afrique cenlrale, publie'e par M. Aug. Petci-
mann, Analyse par M. Joniard 6q
Rapport sur la carte physique et mete'orologique du globe ter-
restre comprenant la dislribution geoffraphique de la leni-
pe'rature, des orages, des vents et des neijjes, par M. J.-Cli.
Boudin, me'decin en chef de I'hopital inilitaire du Roule.
Par M. Alfred Maury , y4
Rapport sur I'exploration dela vallee de I'Amazone par lis lieu-
tenants de la marine des Etals-Unis, Herndon et Gibbon,
en i85l-l852; par M. Isambert inn
Report of an Expedition down the Zuni and Colorado Rivers,
by capt L. Sitgraves, corps topographical cn^jineers. Wash-
ington, i853.
Expe.dition au Rio Colorado et a la riviere Zuni; rapport du
capitaine L. Sitgraves, du corps des ingenieurs topographes.
Washington, i853. Compte rendu par Morel-Fatio 372
Note sur la carte du cours du Mareb, par M. Jomard. . . . 882
Note sur la Coree 383
Comparaison des vocal. ulaires Otjiherero, Bayeye et Ghjili-
manse; d'apres M. Andersson 384
NOUVELLES ET COHMllMCATIONS.
Kouvelles concernant le doclenr Barth 86
Expedition par un steamboat dans I'interieur de l'Afri(|ue. . . 89
Nouvelle carte de TEspaflne 91
( 400 )
IJcL-linaison nia^jnciiquc ilans la iiier Aili-ia(i(|iu- 93
Cominunicalioii de M. S. liorlhelot sur uiic iiouvcllc datt-o de
Sainte-Croix de Trnciitfe, du 5 dt'ccinbre l85.{ <)3
Considerations sur la carle geograpliique du Nicaragua , par
M Myionnet-Dupuy y-r
Notice sur la carle de la France proteslanie, dressce par
M. CI). Read. Par M Alfred Maury I02
Extrait de deux letlres de M. le cotnle d'Kscayrac a M. Jomard. 217
Etudes elhi)ograpliic|ues de M.Th. Valerio,par M. AUVed Maury. 218
Carte de la CorJe, par M. Jomard 222
Extrait d'une leltre de M. le comle d'Escayrac de Lauture
a M. Jomard 3l3
Kouvelles de I'AFriqiie rentrale. — Rencontre du docleur Barlli
el du docleur Vopcl 01 4
Population chinoise dv la Californie 3l6
Depart de M. A. de Gobineau pour la Perse 3l6
Programme des prix proposes par la Socic'tc de georrapliie
en i855 3i8
NoiivFLi.Es nivERSES. — ISouvelle pnhlication du lieut. F. Maury. 227
Navigation de I'Amazone 227
Mori de M. J. De'saugiers 228
ACXnS DE L\ SOCIKTi;.
Extraits des proces-verbnux des seances de la Commission
centrale 106, 280, 32i,3yi
Ouvrages offerts a la Societe 118, 238, 333, 3f)6
Errata 240, 336
Table generale des matieres du tome IX 3r)8
Pt.ANCllES.
Carte de In (^oree d'apres I'original dresse par Andre Kim en i84(j
et otfert par M. de Montigny, reduite a la moitie par M. V.-A.
Malte-Hrun, i855.
lOsquisse do la partie du bassin du Rahr-cl-Abiad comprise enire
les 11* et 5* flegres de latitude nord, dresse'e en mars et avril l854,
par M.M. A. Vayssieres et Mal/.ac, reduite a la moitie de Toriginal
par V.-A. Malte-Rrun.
Carte du eours du Mareb et d'une partie de la liaule Nubie, par
MM. Vayssiere et Malzac, coinmuniqne'e par M. d'Escayrac de
Lauture et reduite par M. V.-A. Malte-Rrun, aux deux tiers de
I'originai i855.
FIN HE LA TABLE DU Ix' VOLUME.
'4"9tmijt-ren
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XV
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X.-J}. ■n.ulc.r l.-.v Trit ' I' I h
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