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Full text of "Bulletin de la Société de Géographie"

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BULLETIN 


DE    LA 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE. 


Quatrienie   Serie* 
TOMS  XVU. 


CO^IPOSITION    DU    BUREAU    DE   LA    SOClfeXE 
POUR  1858-1839. 


President. 
Vice-Presidents. 

Scrntateurs . 
Secretaire. 


M.  le  g^n^ral  Daiimas,  s^naleur. 
MM.  De  la  Roolette. 

POULAIN    DE   BoSSAY. 

MM.  De  Quatrefages,  de  I'lnstitut. 

ROI'ILLET. 

M.  BcissoN. 


COMPOSITION    DU   BUREAU    DE   LA    COJDIISSION    CENTRA  LE. 

POUR  1859. 
M.  JnM\RD,  de  I'Insiitut, 


President. 
Vice-Presidents. 
Secretaire  general. 
Secretaire  adjoint. 


MM.    A.  d'Abbadie, corr.de I'lnstitut 
C"  d'l'^scayr;ic  de  l.autiire. 
E.  de  Kroidcfoiids  des  Fargcs. 
E.  de  Proberville. 
V.  Gu^rin. 
Gabriel  Lafond. 


M.M.  D'Avi7AC,  Daussy,  de  I'liislitut. 
M.  Alfred  Mairy,  de  I'lnstitut. 
M.  V.  A.  Malte-Brun, 

Section  f/c  Coriespundance. 

MM 


De  la  Roquette. 

Ernest  Morln. 

Nuel  des  Vergers,  corr.  de  ITost. 

Heii.ird. 

De  Saulcy,  de  i'lnstitut. 

Paulin  Talabot. 

Section  de  Publication. 


MM.    Cortambert. 
Demersay. 
Ernest  Desjardins. 
Guigniaut,  dc  I'lnstitut, 
Jacobs. 
Lourmand. 


MM. 


Mauroy. 
Morel-Katio. 

De  Quatrefages,  de  I'lnstitut. 
Scidillol. 
Trc^niaux. 

Vivien  de  Saint-Martin. 
Section  de  Coviptabilite. 


MM.   Albert  Mont^mont. 

V.  A.  Barbie  du  Bocage. 
Alex.  Bonneau. 


MM. 


Gamier. 

Lcfeb\re-Durufl^. 
Poulain  de  Bossay. 

Arcldviste-hihUothecaire, 


M. 


Tresorier  de  la  Suciete. 
M.  Meignen,  notaire,  rue  Saint-Honord,  370. 

Menibres  ad  joints. 


MM. 


Bouillet. 
Buisson. 
Jules  Duval. 
Ferd.  Fabre. 


MM. 


Aug.  Himly. 
Alfed  Jacobs. 
G.  Lejean. 
£lis(!e  Reclus. 


M.  Noirot,  agent  de  la  Soci^t^,  rue  Cbristine,  3. 


BULLETIN 


DE    LA 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

REDIGE  PAR  LA  SECTION  DE  PUBLICATION 
ET  MM.  ALFRED  MAURY, 

SECRETAIRE   GENERAL  DE  LA   COMMISSION   CENTRALE, 

ET 

V.  .  A.     MALTE  -  BRUIV  , 

SECRETAIRE   ADJOINT. 


QUATRIEME   SERIE.  —  TOME  DIX-SEPTIEME. 
ANNEE  1859. 

JANVIER  —  JUIN. 


PARIS, 

CHEZ   ARTHUS-BERTRAND, 

LIBRAIRE    DE    LA     SGClfiTfi     DE     GfiOGfiAPHIE, 
RUE  HAUTEFEUILLE,    N"   21. 

1859. 


LISTE  DES  PRESIDENTS  IIONORAIRES  DE  LA  SOCIETE 

DEPUIS  SA  FONDATION. 


MM. 

Marqnis  dc  F.aplacf. 
Mar()uis  dc  Pasforkt. 

V"  de   (^HATKAlBftlAND. 

C"  Chabhol  DK  VoLVlC. 

Bf.coley 

B*"  Alex,  de  HusianLDT. 

C"  ChABROL  DK  C.ROLSOt.. 

Baron  Gei)r;,'('s  CrviER. 

B*°    IltDK  DK  NlCUVILI.E. 
Due  dc  DiiUDbAUVlLLE. 

J.  B.  EvRiEs. 

Le  vice-amiral  de  Bigny. 


MM. 

Lecont  -amir.  d'Uhville. 
Due  DhXAzES. 

Ciiinte  (Ic  MiiNTALlVET. 

baron  de  BAHANrE. 

Lc  geiidral  baron  Pelet. 

dUIZOI'. 

De  Salvandy. 
Baron  Tupinier. 
B;iroii  dc  1,as  Cases. 

VlI.l.F.MAIN. 

CiNis  Gridaise. 
L'umiral  baroii  Roussin. 


MM. 

[L'amir.  baron  dc  Mackao 
Le  vice-aniiral  Halgan. 
liaroii  Walckenaer. 
C"  Mole. 
Jomard. 
Dumas. 

I-e  coulrc-amir.  Mathieu. 
Le  vicc-nmiral  La  Place. 
Hipp.  FouToiL. 
Lefebvre  Duni'FLE. 

GuiG^IAUT. 

Daussy. 


LISTE    DES    CORRESPONDAISTS    ETRANGERS 

dans  L'ORDRE  PE  I.El'R  NOMINATION. 


MM, 

H.  S.  Tanner,  h  Philadclphic. 
W    WooDBRiDGE,  a  Boston. 
Le  general  Edward  Sabine,  h  Londrcs. 
Le  doctour  J.  Kichakpson,  i  Londrcs. 
Le  profcsscur  Rafn,  ii  Copeuhaguc. 
W.  AiNswoiiTii,  h  Londrcs. 
Le  colonel  Long,  h  I  onlsville.  Ky. 
Le  capitaine  Maconochh:,  h  Sydney. 
Le  CdiisciUcr  Macepo,  a  1  i>bonne. 
Le  profcsscur  Karl  UirrEu,  a  Berlin. 
Le  cap.  John  Washington,  a  Londrcs. 
P.  DE  Angelis,  ;i  BiK^nosAyrcs. 
Le  docieur  Kriegk,  a  Francfort. 
Adolphe  EiiMAN.i  Berlin. 
Le.doitcur  Wappais.  a  Goettinguc. 
Ferdinand  dk  Lit.a,  h  Nai)les. 
Le  doclcnr  Baiuffi,  a  Turin. 
Le  colonel  Fr.  Coello,  i  Madrid. 


MM. 
Le  profcsscur  Munch,  a  Christiania. 
Leg^n.  C'°A.  de  la  Marmora,  a  Turin. 
Le  profess.  Paul  Chaix,  h  (ien^vc. 
J.  S.  Abert,  colonel  dcsingenicurs  to- 

pouraphes  des  Etals-Uiiis. 
Le  profess    Alex.  B<che.  surintcndant 

du  Coasl -Survey,  aux  Etats  Unis. 
Lepsius  (Richard),   de  rAcailemie  des 

sciences  dc  Berlin,  a  Berlin. 
De  Martus,  secret,  perpcl.  dc  I'Acad. 

dcsScie'iceii  dc  Bavicre,  ■'i  Munich. 
KiEPERT  iHcnrii,  h  Berlin. 
Peiermann  (Augustus',  a  Gotha. 
E.  Lamansky,  a  ."^aint-Petersbourg. 
Beaudoin,  chef  dcscadr.   dYtat -major 

en  .Mg('rie. 
Hermann  Schlagentweit,  k  Berlin. 


MM. 


LISTE    DES    CORRESPONDAMS    ETRANGERS 

QUI  ONT  OBTENII  LA  GRANDE  MEDAILLE. 
MM. 


Le  capit.  sir  J.  Franklin,  a  Londrcs. 
Le  capitaine  Graah,  h  Co|)eiihagiie. 
Le  ca|)itaine  sir  John  Ross,  h  Loudres. 
Le  capitaine  G.  Back. 
Le  capit.  James  Clark  Rocs,!!  Loudres. 


Lc  capit.  R.  Mac-Clure,  h  Londrcs. 
Le  doc. cur  Henri  B\rtii,  A  Londrcs. 
Lc  rev.  David  Livingstone,  ik  Londrcs. 
Le  ductcur  E.  K.  Kane. 


r«ris.—  loiprini'ii*  (le  L.  MiBTINIT, 
ru*  Mignon,  t. 


BULLETIN 


DE  LA 


SOGIETE  DE  GEOGRAPIIIE. 


JANVIER  ET  r£VRIER    1859. 


iSIeisioires,  etc. 


RAPPORT 

SUR  LES  TRAVAUX  DE  LA  SOClfilfi  DE  GfiOGRAPHIE, 

ET 

SUR   LES   PROGRES   DES    SCIENCES   OfiOGRAPHIQUES 
PENDANT   L'ANN£E    1858. 

(Lu  a  la  seance  generale  du  vendredi  3  ddcembre  1858.) 

Messieurs , 

L'ann^e  qui  touche  a  son  terme  n'a  point  6t6  mar- 
quee par  ces  d6couvertes  inattenclues,  ces  explorations 
6tonnantes  qui  font  6poque  en  g6ogi  aphie.  Le  globe,  cle 
plus  en  plus  parcouru,  commence  a  ne  plus  avoir  de 
secrets  pour  nous;  et  si  Ton  fait  exception  du  centre  de 
I'Afriqup,  et  de  I'Australie,  de  I'interieur  de  quelques 
iles  de  rarchipel  indien  ou  des  Moluques,  il  ne  reste 
plus  a  atteindre  que  des  points  clair-sem^s  des  deux 
mondes  pour  en  avoir  reconnu  toute  la  surface. 


Mais  si  les  grandes  oeuvres  font  d^faUt  cette  ann^e  , 
j'ai  du  moins  h.  vous  entretenir  de  voyages  riches  en 
informations ;  de  relations  qui ,  a  des  degr6s  divers  , 
ajoutent  a  celles  que  nous  poss^dions  d6jk ;  de  publi- 
cations ou  le  lecteur  trouve  beaucoup  a  apprendre  et 
k  loner. 

Quand  les  sciences  sellmitent,  quand  le  champ  des 
explorations  cesse  de  s'agrandir,  I'activit^  se  reporte 
sur  I'histoire  m^me  des  d6convertes.  L'6tude  des  pro- 
gr^s  de  la  g6ographie  remplace  la  recherche  des  con- 
tr6es  nouvelles.  Faute  de  pouvoir  aller  en  avant ,  on 
jette  les  yeux  sur  la  route  d6ji  parcourue  ! 

Et  cette  contemplation  du  pass6  devient  bientdt 
presque  aussi  f6conde  en  r^sultats  que  la  poursuite  des 
terres  inconnues.  On  apprend  h  mieux  savoir  ce  que 
Ton  a  decouvert,  et,  en  remontant  les  voies  que  Ton 
avail  descendues ,  on  retrouve  sur  sa  route  bien  des 
,  sujets  d'observation  qui  avaient  6t6  n^glig^s.  L'his- 
toire  de  la  g6ographie  vient  done  suppleer  a  la  p^nu- 
rie  des  investigations  sur  le  sol,  pour  grossir  le  tr6sor 
de  nos  connaissances.  Aussi,  en  1858,  est-ce  a  des 
6tndes  de  cet  ordre  que  notre  Bulletin  a  6t6  plus  par- 
ticuli6rement  consacr6. 

La  g^ographie  ancienne  et  I'histoire  des  d6cou- 
vertes  g^ographiques  ont  occupy  dans  nos  stances  le 
premier  rang.  Et  en  cela,  notre  Soci6t6  n'a  fait  que 
suivre  le  mouvement  qui  entraine  vers  I'histoire  et  I'ar- 
ch6ologie  les  soci6t6s  scientifiques  de  nos  d6parte- 
ments.  II  est  vrai  que  les  preoccupations  de  la  poli- 
tique ou  des  rivalites  de  nations,  de  provinces  merae, 
ont  souvent  aliment^  ces  d^bats.  Mais  qu'importe  les 


(  7  j 

mobiles  auxquels  ob^issent  les  anteurs  de  tant  et  de 
si  consciencieux  travaux ,  si  leurs  publications  servent 
a  la  science  et  en  6clairent  mieux  le  domalne.  Notre 
Soci6t6 ,  qui  ne  cherclie  cfue  le  vrai ,  aime  a  voir  toutes 
les  opinions  se  produire  librement,  et  elle  livre  au 
controle  de  la  publicity  les  exposes,  parfois  assez  dilT^- 
rents,  que  des  antagonistes  font  d'un  meme  fait. 

J'avais  besoin ,  Messieurs ,  de  presenter  ici  ces 
r6flexions  pour  justifier  notre  Bulletin  de  la  pr6f6- 
rence  donn^e  dans  ces  derniers  temps  aux  questions 
historiques ,  et  expliquer  I'^tendue  que  nous  avons 
accord6e  k  certains  m^moires. 

Ceci  pos6,  contrairement  a  la  m^thode  que  j'avais 
adoptee  I'an  dernier,  je  traiterai  d'abord  des  travaux 
relatifs  a  I'histoire  de  la  g^ographie;  ils  ont  droit 
d'ailleurs,  ])ar  ordre  chronologique,  a  la  premiere  place. 

M.  Sardou  vous  a  co)nmunique  un  judicieux  travail 
sur  la  geographic  ancienne  d'une  partie  de  la  Gaule 
narbonnaise.  II  a  voulu  fixer  la  position  d'une  locality 
designee,  par  les  itin^raires  anciens,  sous  le  nom 
d^  Ad  Honea ,  et  determiner  le  point  de  la  cote  de 
Provence  ou  se  trouvait  le  port  d'^^itna  ,  que  Poly  be 
place  dans  le  territoire  des  Oxybiens.  M.  Sardou  a 
apporte  dans  sa  discussion  une  critique  attentive,  et 
par  I'examen  des  lieux,  a  6t6  amen6  a  cette  opinion, 
deja  propos6e  avant  lui,  qu'  .j'rl  Honea  r6pond  au  vil- 
lage d'Auribeau,  situ6  au  sud  de  Grasse;  qxi/Egitna 
est  le  port  actuel  de  Cannes.  Ce  qui  le  conduit  a  faire 
la  Siagne  de  1' Apron,  dont  les  anciens  indiquent  le 
cours  non  loin  ()^yE<^iina. 

Un  antiquaire  z616,  M.  Dey,  vous  a  adress6  de  Sens 


(8  ) 
uiie  Geographie  ancieiwe  da  deparlement  de  I'Vonne. 
D6ja  ce  dtipartenient  avait  founii  a  son  savant  archi- 
viste,  M.  Max  Quantin,  le  sujet  d'nn  ra^nioire  reniar- 
quable  sur  I'ancien  pngus  tie  Sens  et  la  cii-itas  d' Auxei  re, 
Mais  quelquc  coniplet  que  fut  son  travail,  M.  Quan- 
tin a  dii  necessairement  laisser  de  cot6  des  details 
qui  n'importaient  pas  a  son  l)ut ;  ses  recherches  n'em- 
biassent  point,  d'ailleurs,  la  totality  du  departement  de 
rYonne,  et  I'ouvrage  de  M.  Dey  en  pourra  combler 
lieureuseuient  les  lacunes. 

Bien  qu'6cnt  au  point  de  vue  niilitairc ,  le  savant 
omragedeM.  le  colonel  baron  deGcelersurlesguerres 
de  Cesar  dans  les  Gaules  {Cdsar''s  GnlUsclter  Krieg)  (1) 
6claire  une  Ibule  de  points  de  notre  ancienne  geogra- 
phie. C'est  I'lruvre  d'un  oflicier  qui  nianie  les  textes 
presque  avec  autantd'aisance  que  Tep^e.  A  ces  guerres 
se  rattache  le  grand  d6bat  d'Alise.  Loin  de  toucher  k 
son  terme,  il  menace  de  d6gen6rer  en  guerre  de  parti- 
sans. Les  champions  se  montrent  si  acharn6set  si  va- 
leureux,  qu'il  ne  faudra  rien  moinsqu'un  Cesar  en  geo- 
graphie pour  decider  la  victoire. 

Les  partisans  d'Alaise  ont  fait  entreprendre  des 
fouilles  qui  ont  d6montr6  I'existence  de  luttes  ter- 
ribles  dans  cette  localite.  Des  antiquit^s  celtiques  et 
romaines  ont  t^moigiie  de  la  presence  des  deux  nations 
ennemies.  L'un  de  nous,  M.  Ernest  Desjardins,  dans 
une  lettre  adressee  a  M.  E.  Renan  ,  et  dans  une  s6rie 
d' articles  \)\xhX\^?,  2i\x  Moiii(enr  imii'ersel ,  a  racont^  le 
debat,  et,  se  jetant  dans  Alaise  menac6e,  il  a  cherch6 

(»)  Stutt^ard,  1858,  in- 8°. 


a  fixer,  au  profit  de  sa  cause,  le  veritable  sens  du  mot 
oppidnm  cliez  C6sar.  Mais  d'un  autre  c6t6,  les  liommes 
de  guerre  se  refusent  k  accepter,  pour  un  aussi  gi'and 
capitaine ,  le  plan  de  cauipagne  nouveau  qu'entraine 
rassimilation  i}i  J lesia  a  Alaise,  Lesd6fenseursd'Alise- 
Sainte-Reine  n'ont  point  depose  les  armes  :  ils  en 
puisent  dans  les  textes ,  dont  on  ne  semble  pas  avoir 
6mouss6  le  trancliant;  et  s'ils  laissent  a  MM.  Delacroix 
et  Quicherat  reprendre  1' offensive,  ce  n'est  pas  qu'ils 
se  bornent  k  une  retraite  honorable. 

La  campagne  des  Romains  centre  les  Eduens  me  con- 
duit naturellement  dans  le  pays  des  S6gusiaves,  long- 
temps  improprement  d^sign^s  sous  le  noin  de  Segn- 
siens.  Ce  pays,  on  en  doit  une  excellente  description  a 
M.  Auguste  Bernard,  qui  s'est  consacr6  tout  entier  k 
I'histoire  de  la  province  ou  il  a  pris  naissance.  Sa 
description  est  destin^e  k  servir  d'introduction  a  I'His- 
toire  du  Lyonnais.  C'est  une  ojuvre  consciencieuse  et 
6tudi6e ;  la  parfaite  connaissance  que  I'auteur  a  des 
lieux  inspire  une  grande  confiance  dans  les  assimila- 
tions g6ograpliiques  qu'il  propose.  A  ses  yeux,  le  I\Je- 
diolanuin  ,  que  la  table  de  Peutinger  place  k  \h  lieues 
de  Rodomna  (Roanne),  n'est  autre  que  Fours  {Fomm 
Segusiavonini) ,  distinguee  par  cette  table  de  la  premiere 
ville.  La  confusion  de  deux  routes  a  fait  croire  que  les 
deux  noms  de  la  capitale  des  Segusiaves  se  rapportaient 
k  des  localit6s  dilferentes.  S'il  en  est  ainsi,  la  distance 
de  Feurs  a  Roanne  se  trouverait  indiiment  intercal6e  sur 
une  ligne  qui  r6pond  a  une  autre  route  conduisant  de 
I'une  a  I'autre  de  ces  cites. 

Dans  le  departement  de  Seine-et-Marne,  des  decou- 


(10) 

vertes  d'antiquit6s  a  Chateaubleau,  au  voisinage  d'une 
voie  roraaine,  ont  I'ait  supposer  qu'on  avail  eiifin 
trouv6  reniplacement ,  jusqu'^  present  incertain,de  la 
Riobe  de  la  table  theodosienne,  et  des  notices  inl^res- 
santes  ont  6t6  publi6es  ace  sujet  (1). 

M.  A.  Boreau  a  publi6  stir  la  station  romaine  de 
Robrica  un  travail  plein  de  faits  curieux  et  de  rap- 
prochements Inniineux.  II  identifie  avec  infiniment  de 
probability  cette  station  de  la  table  de  Peutinger  h 
Saiimur,  sur  la  rive  gauche  du  Tliouet,  pr^s  du  pont 
Fouchard ,  en  meme  temps  qu'il  fixe  Tassiaca  ^ 
Tauxigny. 

Ces  recherches  snr  la  g^ograpliie  ancienne  de  la 
France  auront  leur  place  dans  le  vaste  travail  qui  se 
prepare  en  ce  moment  sur  la  Gaule ,  sous  les  auspices 
de  I'Enipereur.  Bien  des  efTorts  avaient  d^jci  6t6  tenths 
pour  arriver  a  construire  la  carte  de  notre  patrie,  a 
r6poque  de  la  domination  romaine.  Adrien  de  Valois, 
Sanson,  d'Anville,  AValckenaer,  ont  6crit  de  savants  et 
curieux  ouvrages  ou  cette  carte  se  trouve  discut^e. 
Mais,  quelque  profonde  qu'ait  et6  leur  erudition,  quel- 
que  6tendues  que  semblent  leurs  recherches,  quelque 
judicieuse  que  soit  leur  critique ,  on  ne  saurait  voir 
dans  leurs  ceuvres  autre  chose  que  des  6bauches.  Ce 
qui  a  manqu6  k  ces  habiles  et  savants  g^ographes , 
c'est  une  6tude  suffisante  des  lieux ,  une  connaissance 
complete  du  terrain,  auxquelles  no  sauraient  supplier 
ni  la  restitution  des  mesures  fournies  par  les  itin6- 
raires,  ni  I'etude  des  noms,  ni  I'histoire  des  faits  g6o- 

(1)  Voyez  nutamnieut  celle  de  M.  E.  GailleUc  de  I'llervilliers. 


(11 ) 

graphiques.  La  determination  des  voies  romaines  doit 
etre  la  base  de  ce  grand  travail  cartographiqne ;  et 
ces  voies,  c'est  seulement  en  les  parcourant  soi-meme, 
qn'on  en  pent  faire  le  relevS  et  bien  marquer  la  direction, 
II  y  a  un  petit  nombre  d'ann6es,  on  n'avait  encore  d6- 
termin61e  parcoursquedequelques  voies  romaines,  dont 
les  tronrons  se  retrouvent  graduellement,  grace  a  une 
exploration  plus  attentive.  Lenr  presence  nous  est  pres- 
que  toujours  r6v6l6e  paries  noms  significatifsde  Cliemin 
de  Borne,  Chemin  ties  Romains,  Cheiniiide  Cesar,  Chntis- 
seede  Brunehauf,  Estrees,  Estrade^  Cauchie,  Chemin  de  la 
Moimaie  {Via  Munitn),  Chemin  de  grnnde  chevau- 
chee,  etc. ,  que  la  tradition  populaire  leur  a  conserves. 
On  acceptait  jadis,  par  laseule  vertu  des  distances,  des 
identifications  auxquelles  I'^tude  des  lieux  oppose  une 
fin  de  non-recevoir  absolue.  Le  gout  de  I'arch^ologie 
a  multipli6  les  fouilles ;  un  grand  nombre  de  points 
sont  devenus  le  theatre  d' excavations ;  le  trac6  des 
chemins  de  fer  a  mis  au  jour  des  chauss6es  romaines, 
la  ou  les  antiquaires  n'eussent  point  song6  a  interroger 
le  sol.  En  sorte  que  des  t6moignages  nouveaux ,  qui 
faisaient  d^faut  a  nos  devanciers  ,  apportent  a  la  geo- 
graphic des  Gaules  des  documents  dt^cisifs  et  inatten- 
dus.  La  numismatique  gauloise,  qui  n'6tait,  il  y  a 
trente  ans,  qu'un  amas  d'hypothfeses  fondles  sur  des 
lectures presque  toujours  inexactes,  devient  une  science 
positive,  dont  la  marche  m6tliodique  et  les  moyens 
rationnellement  etablis  fournissent  k  la  geographic  un 
controle  pr^cieux.  Enfin,  le  depouillement  de  plus  en 
plus  complet  des  anciens  diplomes,  I'etude  plus  attentive 
des  chroniqueurs  et  des  hagiographes,  apportent  a  la 


{  i2  ) 

lopogi'aphie  aiicienne  de  la  France  nne  foule  d' indica- 
tions ;  et  de  la  sorte  se  trouve  rattach^e  sur  le  sol  menie 
la  chainc  dos  temps. 

Je  vous  ai  entreteniis  des  excellentes  theses  de 
M.  Alfred  Jacobs  sur  la  Gaule  de  I'Anonyme  de  Ra- 
venne  et  sur  la  Geographic  de  Gr6goire  de  Tours.  Le 
nitrite  de  ces  theses  a  fait  appeler  leur  auteur  au 
sein  de  la  Commission  charg6e  de  preparer  la  carte  des 
Gaules. 

C'est  par  des  travaux  de  ce  genre  qu'on  arrivera  h 
asseoir  sur  nne  base  solide  le  monument  g^ographique 
dont  I'Empereura  concu  I'heureuse  idee  et  d6cr6t6  1*6- 
rection.  Aussi  la  Soci6t6  de  geographic,  qui  compte 
plusieurs  de  ses  membres  dans  cette  commission,  doit- 
elle  applaudir  a  la  pens6e  quil'a  institute,  et  en  suivre 
avec  atteniion  et  interet  la  r(5alisation. 

S'il  reste  beaucoup  a  faire  pour  la  connaissance  de 
la  Gaule  antique,  il  y  a  des  pays  dont  la  geographic 
ancienne  est  environnee  de  bien  d'autres  obscurit^s,  et 
demande,  pom'etreeclaircie,  encore  plus  de  science  et 
de  labeurs.  Je  placerai  en  preuiifere  ligne  I'l^lgypte, 
cette  terre  des  Pliaiaons,  dont  les  monuments  ont  si 
longtemps  r6serv6  le  secret  des  ages  les  plus  recul6s, 
pour  celui  qui  r6ussirait  a.percer  le  mystere  de  leurs 
inscriptions.  Le  progr^s  des  etudes  hieroglyphiques  a 
permis  d'entrevoir  quelles  etaient  les  divisions  de  I't- 
gypte  et  des  contr6cs  limitrophes,  de  determiner  le  noni 
des  villes  et  des  provinces,  il  y  a  ti'ois  ou  quatre  mille 
ans.  A  force  de  recueillir  sur  les  monuments  des  men- 
tions de  conquetes,  des  eiogcs  en  I'lionncur  de  monar- 
ques  victorieux,  on  a  fmi  par  dresser  des  listes  de  tous 


(  13  ) 
les  peuples  qtii  6taient  en  relation  avec  les  Egyptiens , 
et  cles  villes  qui  florissaient  sur  leur  territoire.  La  ten- 
tative pr6matur6e  que  faisait  riuimortel  Champollion, 
en  publiant  L' Egypte  sous  les  Pharaons,  a  6t6  reprise 
d'unemain  plus  ferme  et  plusexerc^e,  par  un  cles  pre- 
miers ^gyptologues  de  I'Allemagne,  M.  le  D""  Henri 
Brugsch,  dans  son  bel  ouvrage  intitule  :  Inscriptions 
geogniphiques  des  nioiiiinie/ifs  de  PEgypte.  Ce  travail, 
qui  a  paru  depuis  peu  a  Leipsick,  se  compose  dedeux 
volumes  petit  in-fol.  L'un  donne  la  gt^ographie  de  I'an- 
cienne  Egypte,  1' autre  celle  des  contr^es  6trang6res, 
d'apr^s  les  Egyptiens.  Fruit  de  longnes  recherclies,  et 
du  a  un  savoir  philologique  aussi  ingenieux  que  pro- 
fond,  Fouvrage  de  M.  Brugsch  est  assur^ment  une  des 
plus  importantes  conquetes  de  la  g^ographie  antique. 

L'auteur  6bauclie  la  carte  du  monde,  a  une  epoque 
souvent  plus  ancienne  que  la  redaction  de  la  Gen^se 
raeme.  II  est  peu  de  cartes  qui  puissent,  on  le  voit, 
offrir  un  pared  interet  historique,  et  piquer  plus  notre 
cin^iosit6.  L'ethnologie  y  trouve,  comme  la  geographie, 
les  indications  les  plus  pr6cieuses  et  les  lumi^res  les 
plus  inattendues. 

La  geographie  du  moyen  age  n'est  point  encore  assez 
avanc6e  pour  qu'on  enpuisse  6crire  un  trait6  complet , 
donnant  les  divisions  territoriales  de  chaque  partie  du 
monde,  aux  difl'^rents  si^cles.  Mais  les  mat^riaux  sont 
d6ja  assez  abondants  pourqu'il  soit  permis  d'en  tracer 
une  forte  esqiiisse.  C'est  ce  qu'a  fait  le  v6n6rable 
Joachin  Lelewel  dans  la  savante  publication  dont  vous 
avez  recu  r^cemment  r6pilogue.  Cette  derni^re  partie 
est  un  tableau  historique   des  travaux  g^ograpliiques 


( lA ) 

et  cartographiques  acconiplis  an  luoyen  age.  La 
science  latiue  et  arabe,  le  mouvement  de  la  renaissance 
y  sont  exposes  dans  nn  precis  substantiel.  M.  Lelewel 
conduit  jusqu'k  nos  jours  I'histoire  de  la  g^ographie 
figur6e,  et  donne  one  liste  des  auteurs  qu'il  a  consul- 
t6s  et  que,  suivant  son  expression,  il  a  r^unis  dans  son 
laboratoire.  OEuvre  d'une  vaste  et  pers6v6rante  Erudi- 
tion, la  Ccograpliie  dii  nioycn  di;e  a  une  place  niarqu6e 
dans  la  bibliolheque  de  tous  les  erudits,  et  on  doit  s'6- 
tonner  de  ne  point  la  voir  encore  aussi  souvent  cit6e 
qu'elle  devraitl'etre.  L' extreme  modestiede  son  auteur, 
qui  vit  retir6  de  toute  compagnie  savante  et  nedemande 
qu'^ses  propres  labeurs  les  faits  qui  abondent  dans  ses 
livres,  I'a  enipech6  d'appeler  I'attention  d'un  pul)lic 
souvent  distrait,  sur  des  recherches  d'une  inappreciable 
valeur.  C'est  aux  amis  de  la  geographic  de  maintenir 
i  Lelewel  le  rang  qui  lui  est  du  ;  c'est  i  eux  de  rappeler 
que  la  Belgitpje  a  recueilli  un  des  plus  glorieux  debris 
de  r^migration  polonaise  qui  n'acess6de  bien  m^riter 
de  la  science,  notre  commune  patrie.  Messieurs. 

A  cot6  de  travaux  de  cette  importance,  on  craint  d'en 
citer  d'autres  qui  se  trouveraient  ainsi  places  dans 
I'ombre.  Toutefois,  je  ne  dois  pas  n6gliger  de  vous 
signaler  ceux  qui  ont  droit  a  votre  attention. 

L'histoire  de  la  boussole  n'est  pas  un  des  Episodes 
les  moins  importants  de  cette  gEograpliie  du  moyen 
age  dont  M.  Lelewel  vient  d'Ecrire  le  prEcis.  Toujours  en 
quete  de  faits  qui  puissent  int6resser  les  vieilles  annales 
de  la  navigation,  M.  d' Avezac  vous  a  signals  d'anciens 
tEmoignagesrelatifs  k  la  boussole,  que  vous  avez  6cout6s 
avec  int6r6t. 


(  15  ) 

La  discussion  sur  les  voyages  d'Am^ric  Vespuce,  k 
laquelle  MM.  d'Avezac  et  de  Varnhagen  ont  pris  une 
part  si  active,  touche  a  un  des  points  les  plus  d^licats 
de  riiistoire  des  d^couvertes  dans  le  nonveau  monde. 
Les  deux  antagonistes  ont  deploy^  une  science  des  textes 
et  une  vigueur  d' argumentation  qui  ont  donn6  k  ces 
d6bats  toute  r animation  d'un  proc6s.  Et  en  continuant 
sur  riiistoire  de  la  Guyane  la  discussion  soulev^e  par 
nos  deux  savants  collogues,  M.  le  chevalier  da  Silva  a 
montr6  les  ressources  d'une  Erudition  peu  commune, 
mise  au  service  d'une  cause  ou  la  France  est  trop  in- 
t6ress6e  pour  que  nous  ayons  le  droit  de  porter  ici  un 
jugement. 

La  g^ograpliie  de  I'Am^rique  d'il  y  a  trois  sifecles  se 
lie  6troitement  a  I'exploration  actuelle  de  son  territoire  ; 
nous  ne  pouvons  done  parler  des  travaux  de  M.  d'Avezac 
et  des  savants  bresiliens,  sans  vous  entretenir.  Messieurs, 
du  nouveau  monde  telqu'il  nous  apparaitaujourd'bui.  En 
consequence,  c'est  par  I'Am^rique  que  je  commencerai 
la  revue  des  voyages  et  des  travaux  geograpliiques  aux- 
quels  ce  rapport  doit  etre  consacr6.  L'Am^rique  n'est 
plus,  il  est  vrai,  pour  nous  cette  mine  f^conde  d'infor- 
mations  qui  faisait  jadis  marcher  la  curiosity  europ6enne 
de  surprise  en  surprise.  Nous  nous  sommes  famiha- 
ris6s  avec  ses  merveilles,  et  la  soci6t6  civilis6e  y  a  d6fi- 
nitivement  mis  le  pied.  Mais  il  reste  bicn  des  cantons  k 
explorer,  et  la  vie  sauvage,  la  nature  primitive  dont 
cette  vie  est  le  reflet,  d6fendent  avec  Anergic  le  do- 
maine  qui  leur  reste  encore. 

Dans  rAiii6rique  du  Sud,  le  Chili  se  fait  particulife- 
rement  remarquer  par  ses  rapides  progrfes  et  son  d6- 


(    16  ) 

veloppemont  scientifique.  Et  dans  les  recuoils  destines 
a  popiilariscr  rinstriiction  et  k  faire  avancer  nos  coii- 
iiaissances,  la  g^ograpliic,  sous  toutes  ses  formes, 
trouve  iiaturellenient  une  place  iraportaute.  Je  citerai 
en  premiere  ligne  la  Ret'ue  dcs  sciences  et  cles  lettres 
[Rei'istn  de  scicncias  y  letras),  r6dig6e  par  les  savants 
les  plus  distiiigu6sdu  Chili,  etdont  le  premier  num^ro 
a  para  en  1857  a  Santiago.  Ce  num6ro  s'ouvre  par  un 
m6moire  sur  le  soulevement  de  la  cote  du  Chili ,  du 
a  un  habile  minei'alogiste .  Don  Ignacio  Dom6\  ko , 
professeur  a  I'Universit^  du  Chili.  La  question,  d'un 
grand  interet  pour  la  geographic  physique,  est  trait^e 
avec  tons  les  dt^veloppcincuts  possibles  ,  et  Ton  y 
trouve  mises  a  contrilxition  toutes  les  donn^es  de  la 
geologic. 

L'Universite  du  Chili  public  aussi  desA/ma/es,  dont 
les  cahiers  mensuels  fournissent  ca  et  lii  a  la  geogra- 
phic des  informations  qu'on  ne  saurait  n6gliger. 

M.  le  colonel  Alfred  du  Graty  vous  a  offert ,  Mes- 
sieurs, un  livre  intitule  :  La  Co n/'e deration  argentine 
(Paris,  1858,  in-8°),  dont  un  des  chapitrcs  traite  de  la 
topographic  de  cet  6tat.  Le  ]ioint  de  vue  auquel  se 
place  I'auteur  est ,  il  est  vrai ,  plus  6conomique  que 
g6ographique  ;  mais  les  faits  qu'il  groupe  etqu'il  exa- 
mine sont  aussi  de  notre  ressort.  La  R6publique  argen- 
tine pent  devcnir  un  d6bouch6  puissant  jiour  la  France. 
II  ne  manque  a  ce  pays  qu'une  population  assez  nom- 
breuse  pour  en  exploiter  le  sol ;  I'accroissement  de  la 
richesse  y  am6nera  n6cessairement  I'ordre  et  la  paix 
qui  lui  out,  hclas!  jusqu'ici  presque  toujours  manqu^. 
L' excellent  article  publi6  par  M.  K.  de  Neumann  dans 


(  17  ) 

le  journal  qu'il  dirige  (1),  sur  la  population  de  I'l^tat 
de  Bu6nos-Ayres,  servira  k  completer  le  livre  de  M.  du 
Graty.  M.  le  D""  Alfred  Demersay  vous  a  lu  des  Conside- 
rations historiques  et  geographiques  siir  les  limites  ella 
circonscription  du  Parngicay.  Vous  y  avez  retrouv6  cette 
parfaite  connaissance  des  lieux  qui  n'est  pas  un  des 
moindres  nitrites  des  publications  de  notre  confrere. 

II  est  peu  de  chaines  de  raontagnes  qui  offrent  a  la 
geologic,  a  rorographie,  un  sujet  aussi  neuf  d'obser- 
vations  que  la  Cordillera  des  Andes.  Le  c^l^bre  pro- 
fesseur  H.  Burmeister,  dent  la  reputation  comme  natu- 
raliste  est  europ6enne  ,  a  fait  paraitre  dans  le  Journal 
de  geographie  de  Berlin  (2) ,  une  esquisse  g^Ognostique 
de  la  chaine  comprise  entre  le  32°  et  le  33"  de  lat.  S., 
et  que,  d'aprfes  Darwin,  il  nomme  Sierra  de  IJ spell ata. 
C'est  la  plus  orientale  des  trois  lignes  montagneuses 
qui  traversent  la  province  de  Mendoza.  Aucune  ne 
pr6sente  autant  de  pics  volcaniques.  L' Aconcagua  ,  le 
Tupungato ,  le  Maypu ,  dont  les  distances  respectives 
n'excdedent  pas  20  milles  geographiques  environ. 
M.  Burmeister,  pendant  son  s^jour  k  Mendoza,  a  etu- 
die  en  detail  les  montagnes  d'Uspallata,  qui  detachent 
de  nombreux  chainonsvers  les  Pampas,  et  ne  sont  se- 
parees,  les  unes  des  autres,  que  par  d'6troites  valiees. 

La  Patagonie,  et  surtoutles  ilesqui  I'avoisinent,  re- 
clament  encore  des  explorations  pour  etre  representees 
sur  nos  cartes  avec  une  entifere  exactitude.  II  est  une 
de  ces  lies  dont  1' existence  probiematique  a  plus  d'une 

(1)  Zeitschrift  fUr  allgemeine  Erdkunde,  fdvrier  1858. 
(2) /6«d.,  avril  1858. 

XVII.    JANVIER   ET  FEVRIER.    5.  2 


(   18  ) 

Ibis  occupe  les  navigatours,  c'est  I'ile  P6pys,  qu'on 
croit  avoir  apercue  sous  le  A7"  parall61e  S.  M.  Duval , 
conimaiulant  du  iiavire  le  Beaumanoir,  a  vainement 
cherch6  k  retrouver  P6pys ;  mais  si  son  expedition  n'a 
point  6t6  couronn6e  de  succ6s,  elle  lui  a  permis  du 
moins  de  visiter  des  parages  rarement  explores  par  nos 
navires,  les  iles  Malouines  et  les  ilots  voisins.  La  peche 
des  phoques  amenait  jadis  aux  environs  des  Malouines 
nombre  de  batiments  du  commerce;  mais  les  loups  ma- 
rins ,  poursuivis  par  les  pecbeurs ,  ont  abandonn6  ces 
parages,  et  les  Am^ricains  sont  obliges  d'allerlcs  clier- 
cber  jusqu';\  la  Nouvelle-G6orgie  etdans  des  iles  plus 
australes.  Voila  ce  que  nous  apprend  M.  Duval ,  qui  a 
consign^  sa  relation  dans  le  xui"  volume  des  Annales 
hydrographiqiies. 

Lc  Br6sil  garde  toujours  pour  les  nouveaux  voya- 
geurs  quelques  informations  qvii  avaient  6cbapp6  k  leurs 
devanciers.  Nous  en  avons  la  preuve  en  lisant  la  rela- 
tion de  deux  AUemands,  MM.  C.  et  Th.  Plagg,  qui  ont 
visits  la  province  de  Maranhao,  dont  ilsnous  donnent, 
dans  le  Recneit  de  M.  Petermann,  une  description  bien 
faite.  Un  autre  Allemand,  M.  le  capitaine  J.  Hornieyer, 
a  public,  cette  ann^e,  ;\  Hambourg,  un /Vo////e/ ^/m  voya- 
geur  an  lires'd  meridional^  qui  n'ofl're  pas  la  nouveaut6 
d'un  travail  original,  mais  a  le  m6rite  d'etre  un  bon 
r69um6  de  nos  connaissances  g6ographiques  sur  cet 
empire. 

Le  voyage  du  c616bre  naturaliste  J.-J.  de  Tschudi , 
auquel  on  doit  un  excellent  livre  sur  le  P6rou ,  ajou- 
tera  davantage  k  nos  connaissances,  si  nous  en  jugeons 
par  I'extrait  qu'en  a  publie  tout  r^cemment  le  Recueil 


(  19  ) 

de  M.  le  D"^  Petemiann.  M.  de  Tschudi  a  parcouru 
la  province  des  Mines,  et  I'^tude  qu'il  a  faite  dii  pays, 
lui  a  permis  de  constater  un  grand  nombre  d'erreurs 
dans  les  cartes  qui  en  avaient  6t6  dress66s. 

Nous  trouvons  dans  la  Bet'iie  trimeslrielle  {Rev  i St  a 
trimensal),  publico  par  I'lnstitut  historique  et  g6ogra- 
phique  dn  Br6sil  (Rio-Janeiro,  1857),  une  description 
de  la  capitainerie  de  Matto-Grosso ,  d'apr6s  un  travail 
manuscrit  communique  par  M.  le  conseiller  Antonio  de 
Menezes  Vasconcellos  de  Drummond.  Cette  description 
remonte,  il  est  vrai,  a  1797;  mais  une  date  si  arri6- 
r6e,  loin  de  lui  enlever  son  iut6ret ,  y  ajoute  au  con- 
traire ;  puisque  nous  pouvons  ainsi  juger  du  nombre  et 
de  r^tat  des  populations  sauvages  au  Br6sil,  il  y  a 
soixante  ans. 

Bien  que  la  publication  du  Pilote  du  Brest/,  du  a 
I'illustre  amiral  Roussin,  ait  donn6  de  I'hydrographie 
de  cet  empire,  un  lumineux  apercu,  il  reste  encore  bien 
des  points  de  la  cote  k  mieux  figurer  sur  nos  cartes,  sur- 
tout  pour  la  partie  nord  :  c'est  dans  ce  but  que  M.  le 
lieutenant  de  vaisseau  Krantz  a  prolonge,  du  Para  a  Per- 
nambouc,  en  passant  par  le  canal  S.  Roque ,  le  litto- 
ral bresilien.  Le  conqjte-rendu  de  sa  reconnaissance  a 
6t6  public  par  les  Jimales  hydrogmphiques  (1857). 
Un  autre  officier  de  la  marine  francaise,  M.  Lavelaine 
(de  Maubeuge) ,  a  explore  la  meme  c6te  sur  I'aviso  a  va- 
peur  le  Tenare;  un  court  aperfu  de  son  voyage  nous 
est  fourai  par  les  Annales  que  dirige  notre  confrere 
M,  Malte-Brun.  Ces  explorations  compl6teront  les  In- 
slructions  pour  nm'/guer  sur  In  cote  nord.  du  Bresil , 
dont  on  est  redevable  au  savoir  experiments  de  M.  le 
capitaine  Tardy  de  Montravel. 


(  20  ) 

La  Soci6tt^  recoit  aujoiirdhui  la  Geogmphie  de  la 
Heprib/ifjiie  de  I'Kqnateur  [Gcngrafin  de  la  Republicn 
del  Kciindoi),  qui  lui  est  oll'erte  par  rauteur,  le  D' Ma- 
nuel Villavicencio.  €e  magnifiqiie  ouvrage,  iinprinie  a 
New- York  et  accompagne  d'un  excellent  atlas,  don- 
nant  la  carte  de  toute  la  Republique,  faitle  plus  grand 
honneur  a  son  autour.  ("est  aulanl  une  statistiquc 
(|u'une  description  topographique.  Jamais  on  n'avait 
present^  de  cette  contr6e ,  I'nnc  des  plus  int^res- 
santes  de  I'Aiiierique  dn  Slid,  un  aperrti  si  clair  et  si 
lieureusemont  trac6.  Le  livre  du  D"^  Villaviceucio  for- 
mera  un  digne  pendant  de  celui  de  M.  Codazzi  snr  le 
Venezuela. 

M.  Jules  Remy  vous  a  fait  lioaunage  de  sa  relation 
d'une  ascension  au  Plchinclia,  dans  la  Cordilltjre  des 
Andes ,  r6cit  piquant  et  aniin6  d'une  entreprise  qui , 
bien  que  moiiis  difticile  qu'elle  u'6tait  jadis,  a  encore 
ses  dangers. 

MM.  Blair,  Holms  et  Campbell ,  ont  efTectue  dans  le 
Venezuela,  au  lavage  d'or  de  Caratal,  en  1857,  un 
voyage  dont  nous  devons  la  relation  aux  deux  derniers. 
Cette  relation ,  qu'a  publiee  le  Joimud  de  geographic 
de  Berlin  (mai  1858),  nous  fournit  sur  les  races  indi- 
genes quelques  details  curienx ,  particuli^rement  sur 
les  Indiens  qui  habitent  entre  les  rivieres  Pomcroon 
et  Amacuru,  entre  Foc^an  Atlantique  et  le  Cuyuni. 

La  topograpbie  du  Mexiquc ,  qui  a  fait  si  souvent 
Tobjet  des  Etudes  d' Alexandre  de  Humboldt,  vient  de  lui 
fournir  lamati^re  d'une  lettre  6crite  de  Berlin,  ,\la  date 
de  mars  1858.  W  s'agit  de  doutes  quiavaient  6t6  61ev6s 
touchant  I'exactitude  de  revaluation  qu'avait  donnee 
de  la   superficie   tolalo   du   Mexique,    I'illustre  voya- 


(  21  ) 

geur.  Leschitlres  en  main,  M.  de  Humboldt  montre  que 
si  Ton  tient  comple  des  provinces  enlev6es  au  Mexique 
et  qui  ont  6te  r6unies  aux  Etats-Unis,  si  Ton  fait  atten- 
tion k  la  dilltirence  de  valeur  des  lieues,  on  ne  trouve 
entre  son  (Evaluation ,  a  laquelle  a  6t6  aussi  conduit  le 
celfebre  physicien  Oltmanns,  et  celle  de  Don  Lucas 
Alaman,  qu'une  dilKrence  de  853  lieues  carries,  c'est- 
a-dire  moins  de  j\-^  de  la  superficie  totale  (1). 

M.  de  Saussure,  dont  le  nom  rappelle  des  services 
eminents  rendus  a  la  geographic  physique,  a  continue 
de  vous  communiquer,  grace  a  I'interm^diaire  de 
M.  de  La  Roquette,  des  extraits  de  son  voyage.  II  vous 
a  signals  les  ruines  d'une  ancienne  ville  qu'il  croit 
avoir  d6couverte  sur  le  plateau  de  I'Anahuac,  en  memQ 
temps  qu'un  cratere  situ6  dans  la  province  de  M6choa- 
can.  Des  d^couvertes  de  ce  genre  prouvent  que  le 
Mexique  n'est  point  encore  aussi  connu  qu'on  serait 
tent6  de  le  supposer.  Bien  des  cantons  ont  echapp6  a 
la  curiosity  des  Europeens.  II  faut,  h^las !  en  accuser  la 
guerre  civile,  mal  endemique  da  Mexique,  auquel  on 
n'entrevoit  point  de  remade.  Etcependant,  malgr6  cela, 
la  civilisation  qu'y  ont  jadis  port^e  les  Espagnols,  s'af- 
fermit  dans  I'antique  empire  des  Azteques.  Les  villes 
prennent  un  aspect  nouveau.  Des  constructions  a  I'eu- 
rop6enne  y  remplacent  graduellement  les  vieux  Edifices 
dont  les  artistes  se  hatent  de  dessiner  les  ruines.  Je 
n'en  veux  pour  preuve  que  la  ville  de  Mexico  et  ses  en- 
virons. 

La  belle  collection  de  dessins  executes  par  MM.  E. 

(1)  Zeitschrift  fm-  allgemeine  Erdkunde,  niai  1858. 


(  52  ) 
Castro,  J.  Campilb,  E.  Auclaet  G.  Rodriguez,  sous  la 
direction  de  I'^diteur  Decaen,  collection  qui  a6t6  olTerte 
k  la  Soci^tt^,  vous  permettra  d'en  juger, 

II  est  a  regretter  qu'un  atlas  de  ce  genre  n'ait  pu 
accompagnerr//w^o/>'e  des  nations  civil isees  dn  Mexiqne 
et  de  C Aincvique  centrale,  dont  M.  I'abb^  Brasseur  de 
Bourhourg  vient  de  faire  paraiti-e  le  4'  et  dernier  vo- 
lume. Mais  il  eut  fallu  que  cet  estimable  et  conscien- 
cieux  missionnaire  eut  rencontr6  un  appui  qui  lui  a  fait 
mallieureusement  d6faut.  On  se  plaint  parfois  de  ce 
que  nos  apotres  de  I'l^vangile  ne  t^moignent  pas  pour 
les  progr^s  de  la  geographic,  cette  m6me  intelligence, 
cette  meme  ardeur  qu'on  trouve  chez  les  mission- 
naires  en  Angleterre,  en  Allemagne  et  aux  l^tats-Unis. 
Et  quand,  par  exception,  un  missionnaire  francais,  tel 
que  M.  rabb6  Brasseur,  se  d6voue  k  la  science  et  la 
sert  sous  I'^tendard  de  la  croix,  on  I'abandonne  k  ses 
propres  forces,  et  on  n'a  pour  ses  eflbrts  qu'indifl"6rence 
ou  ingratitude.  Le  livre  de  M.  Brasseur  n'est  pas  k 
I'abi'i  des  critiques,  j'en  conviens,  mais  son  zde  eut 
m6rit6  des  protecteurs  puissants  et  un  patronage  qui, 
au  dela  de  la  Manche,  ne  manque  pas  ci  ses  6mules. 

Les  antiquit^s  am6ricaines  ne  sont  encore  que  bien 
imparfaitement  explor6es ;  leur  6tude  nous  promet  une 
mine  f6conde  pour  Thistoire  et  I'elhnologie.  Le  grand 
probl6me  du  peupleniciil  dn  nouveau  monde  recevra 
sa  solution  naturelle,  quand  I'histoire  des  anciennes  tri- 
bus  indigenes  sera  mieux  connue.  Cette  liistoire  n'in- 
t6resse  done  pas  seulement  les  Am^ricains,  et  elle 
trouve  en  Europe  des  amis  et  des  pionniers.  Nous 
voyonsun  symptOme  significatif  de  I'attraitqu'ontpour 


(23) 

nous  les  antiquit^s  am^ricaines  dans  ia  creation  d'une 
revue  sp6cialement  destin6e  a  leur  recherche.  LsifuH>iie 
ninericaine  et  orienlale,  que  vient  de  fonder  M.  L.  de 
Rosny,  parait  sous  les  plus  heureux  auspices,  et  elle 
s'est,  dfes  le  d6but,  assure  du  concours  d'ethnologistes 
et  d'orientalistes  distingu6s.  Car,  dans  la  pens^e  qu'il 
faut  chercher  en  Asie  les  origines  des  populations  du 
nouveau  monde,  le  fondateur  de  celte  revue  accorde 
aux  travaux  d'ethnologie  et  de  linguistique  orientale 
une  place  pr6s  de  ceux  qui  ont  I'Am^rique  pour  objet. 
Je  citerai  plus  particuliferement  la  notice  sur  un  ancien 
manuscrit  am6ricain,  antt^rieur  a  Colooib,  que  M.  Jos6 
Perez  a  ins6r6e  dans  le  premier  num^ro  du  recueil,  Le 
second  num6ro  renferme  sur  les  d^couvertes  des  Scan- 
dinavesen  Am6rique,  un  travail  estimable  de  M.E.  Beau- 
vois,  et  des  6tudes  sur  la  constitution  du  nouveau 
monde  et  sur  les  origines  am^ricaines,  par  M.  Ch.  de 
Labarthe. 

Le  Texas  est  assur6ment  une  des  contr^es  les  plus 
import  antes  a  etudier  pour  I'avenir  de  la  colonisation 
europ6enne.  Situ6  a  la  liuiite  des  terres  6quinoxiales 
et  de  la  zone  temp6r6e,  dot6  de  ressources  de  toute 
espfece,  qtiemettra  bientot  h  profit  une  Industrie  intel- 
ligente,  cetEtat  ne  demande  qu'a  etre  mieux  connu  et 
mieux  d6crit.  Aussi,  depuis  que  les  fr^res  Austin  sont 
venus  fonder  dans  le  Texas  les  premiers  etablissements 
anglo-americains ,  c'est-^-dire  depuis  1820,  le  pays 
a-t-il  totalement  change  de  face.  De  la  I'int^ret  particu- 
lier  qui  s' attache  au  livre  de  M.  Tabbed  Domenech ;  ce 
missionnaire  raconte  ses  travaux  apostoliques  avec  une 
V(^rit6  de  coloris,  une  vivacit6  de  langage  qui  rappellent 


(  2/i  ) 
le  style  du  regrettable  M.  de  Beliiiare.  Un  ^gal  interet 
se  retrouve  dans  la  notice  que  M.  J.  de  C4ordova  acon- 
sacr6  au  meme  pays,  et  qui  est  dostin6e  k  acconipa- 
gner  la  nouvelle  carte  du  Texas  dress6e  par  lui. 

La  Californie  6tait,  il  y  a  quelqnes  ann6es,  le  point 
de  mire  de  toutes  les  entreprises  hardies  et  I'esp^rance 
d'une  foule  d'explorateurs  et  d'aventuriers.  Aussi  les 
bords  du  San-Francisco  se  sont-ils  promptcment  peu- 
pl6s.  Les  navires  de  commerce  s'y  pressent  par  milliers, 
et  cette  navigation  active  rend  indispensable  un  relev6 
iiydrograpliique  complet  de  la  cote.  Tel  est  le  travail 
qua  entrcprisM.  J.  G.  Kohl  (de  Washington),  etdont 
le  Journal  <le  geoi^raphie  de  Berlin  a  publie  en  avril 
dernier  une  substantielle  analyse.  M.  kohl  ne  se  borne 
pas  iifaireime  description  detaillee  du  littoral,  il  nous 
raconte  encore  I'histoire  des  decouvertes  auxquelles  est 
due  la  prosperite  de  cette  partie  de  I'Amerique.  L'ag- 
glomt^ration  des  colons  sur  les  bords  du  San-Francisco 
a  derni^reraent  forc^  les  nouveaux  arrivants  a  se  porter 
plus  au  nord. 

La  d6couverte  de  mines  d'or  prfes  de  la  riviere  Fraser 
a  donn6  naissance  a  une  seconde  Californie  qui,  comme 
sa  sa'ur  ain6e,  a  eu  ses  deceptions  et  ses  revers.  Le  Fra- 
ser est  un  cours  d'eau  magiiifique,  d'une  grande  lar- 
geur,  sem6  d'une  foule  de  petitcs  iles  oil  poussent  les 
essences  les  plus  varices;  il  abonde  en  poissons  de 
toute  esp^ce,  et  surtout  en  sauiuons  que  pechent  les 
Indiens  et  qu'ils  preparent  pour  les  etrangers. 

Le  Fraser  a  son  embouchure  pri^s  de  la  frontiere  des 
territoires  britannique  et  am6i-icain;  ses  rives  seront 
quelque  jour  le  si^ge  d'une  population  llorissante,  qui  se 


(  25  ) 
rattachera  par  un  commerce  actif  aux  nouveaux  6tats 
del'ouest,  6tats  dont  le  nombre  s'accroit  chaque  jour. 
A  I'DCcident  del' Utah,  le  congr^sa  d6cret6  la  formation 
duterritoire  de  New  Nevada,  entre  le  Colorado,  1' Ore- 
gon, les  Goose  creek  inonntdiiis,  le  lac  Nicollet,  Cedar 
city  et  la  riviere  Vierge.  La  iertilitt^de  cette  region,  qui 
6gale  trois  fois  en  superficie  celle  del'Etatde  New- York, 
en  assure  la  rapide  prosperity. 

Peu  a  peu  les  voyageurs  anglo-am6ricains  ou  anglais 
remontant  la  cote  nord-ouest ,  etudiant  les  ressources 
et  la  topographie  de  contrees  longtemps  abandonn^es. 
Tout  I'ancien  territoire  de  la  bale  d' Hudson,  qui  n'6tait 
jadis  parcouru  que  par  des  cliercheurs  de  pelleteries, 
sera  bientot  une  riche  annexe  du  Canada.  Une  popula- 
tion tout  europeenne  deposs6dera  les  dernieres  tribus 
indigenes,  qui  sont  allies  chercher  plus  au  nord  un 
refuge  centre  les  envabissements  des  colons.  Une  re- 
cente  evaluation  ne  porte  d^jk  plus  leur  chiffre  qu'a 
147  000.  Un  officier  de  la  marine  anglaise,  M.  le  capi- 
taine  J.  Palliser,  a  ete  commissionn6  pour  ex6cuter  une 
exploration  dans  1' extreme  ouest  du  continent  am6ri- 
cain.  Le  but  de  cette  expedition  est  la  decouverte  d'une 
voie  praticable  pour  se  rendre  du  Canada  a  la  cote  de 
I'oc^an  Pacifique.  Nous  avons  appris  que  cet  ofllcier 
avait  atteint  par  le  \  09"  degr6  de  longitude  Greenwich 
la  riviere  Saskatchewan.  Le  h  aout  1857,  il  touchait 
Turtle-Mountain,  colline  qui  s'616ve  sur  une  longueur 
de  30  milles  et  une  largeur  de  10,  a  300  pieds 
anglais  au-dessus  de  la  prairie.  M.  Palliser  a  rectifie  sur 

3  cartes  le  cours  du  Souris   {Mouse  Rivet);  le  15,   il 
arrivaau  fort  EUice  sur  Ic  Beaver  Creek,  et  le  18,  ilen- 


(  26  ) 
trait  dans  la  chaine  de   Moose  Mountain,   couverte, 
coiiime  le  Turtle  Mountain,  de  bois,  de  lacs  et  de  ma- 
rais.  Quelqiies  jours  apr6s,  soncompagnon,  le  docteur 
Hector  Blakiston,  constata  la  presence  dans  lesol,  dune 
houille  de  belle   quality.   C'est  pr^s  du  Souris   que 
M.  Palliser  a  recu  la  visite  de  plusieurs  individus  de  la 
tribu  des  Stone  indians ,  blen  connus  des  pionniers 
conime  maraudcurs  de   chevaux.   Le  13  septenibre, 
I'exp^dition  atteignait  les  lacs  Qui  nppelle ,  ou  la  Coui- 
pagnie  de  la  bale  d' Hudson  a  6tabli  le  poste  le  plus 
occidental  de  son  territoire.  11  y  rencontra  la  tribu  des 
Crees,  qui  semble  dispos^e  a  accepter  notre  civilisation. 
Plusieurs  jours  apr^s ,  le  capitaine   Palliser  p6n6tra 
dans  ce  qu'on  pourrait  appeler  la  contiee  des  bufflcs, 
tant   ces  aniniaux  y  sont  abondants.  Des  troupeaux 
de  plusieurs  uiilliers  de  tetes  parcourent  incessamment 
ce  vaste  territoire,  a  la  recherche  d'une  nourriture  qui 
leur  fait  bien  souveut  d^faut;  I'herbe  est  rare  en  effet 
dans  ces  solitudes  ou  les  poursuites  des  chasseurs  ont 
contraint  les  bullies,  comme  les  Indiens,  k  se  retirer, 
et  I'onvoitces  ruminants  ybrouterjusqu'au  bois.  Jadis 
les  buffi  es  n'6taient  pas  moins  nombreux  sur  les  terri- 
toires  oii  s'est  aujourd'hui  fix6  le  pionnier  am^ricain. 
Et  aux  environs  du  fort  Kearney,  ils  se  montrent  en- 
core par  troupes  de  plusieurs  centaines  de  mille.  Les 
Crees  et  les  Pieds-noirs  font  d'ailleurs  aux  buffles  une 
guerre  impitoyable.  C'est  au  milieu  d'octobre  que  I'exp^- 
dition  quitta  Carlton  sur  le  haut  Saskatchewan ;  et  le 
1"  novembre,  elle  atteignit  lied  River.  Un  froid  rigou- 
reux,  des  neiges  abondantes  avaient  souvent  entrav6 
sa  marclie.  Arrive  a  ce  point,  le  capitaine  Palliser  par- 


(  27  ) 

vint,  non  sans  peine,  k  se  procurer  un  guide  et  des  che- 
vaux,  pour  Crow- f ring  dans  le  Minnesota,  d'oii  il  put 
gagner  ais6ment  Saint-Paul  et  la  prairie  du  Chien.  A 
Red  river,  I'officier  anglais  prit  en  outre  ses  mesures 
pour  accomplir  en  mars  de  cette  ann6e  une  expedition 
sur  la  branche  meridionale  du  Saskatchewan,  francliir 
les  montagnes  de  I'Aigle  et  p6n6trer  dans  le  pays  des 
Indiens  pieds-noirs. 

Si,  comme  nous  le  pensons,  le  capitaine  anglais  r6us- 
sit  dans  son  entreprise,  il  deviendra  facile  pour  les 
Canadiens  de  se  rendre  k  I'ile  de  Quadra  ou  Vancouver. 
Cette  ile,  nouvellement  exploree,  semble  destin6e  a  etre, 
entre  I'ancien  et  le  nouveau  monde,  un  entrepot  im- 
portant. Nous  devons  au  colonel  Grant  un  int6ressant 
apercu  de  Quadra,  qui  avait  6t6  jusqu'i  present  peu 
visit6e  paries  Europtens;  son  sol,  en  grande  partie 
d'origine  volcanique,  annonce  une  assez  mediocre  fer- 
tilit6  ;  mais  le  climat  est  sain  et  agr^able,  I'^te  y  est 
cliaud  et  sec,  et  des  indices  certains  d^notent  la  pre- 
sence d'abondants  depots  houillers.  Depuis  peu,  la 
population  de  cette  ile  a  triple;  elle  s'eieve  aujour- 
d'hui  k  SOOOOames. 

Un  territoire  situe  dans  la  meme  region" du  globe 
promet  a  la  colonisation  un  champ  plus  vaste  et  plus 
fertile.  L'Utah  va  s'ouvrir  a  I'esprit  entreprenant  des 
Anglo-Americains,  qui  en  ont  force  les  barrieres  reli- 
gieuses.  Les  Mormons  se  voient  maintenant  contraints 
de  rentrer  dans  la  confederation  desEtats-Unisetd'ou- 
vrir  les  portes  de  leur  nouvelle  terre-promise  k  d'autres 
que  les  saints  du  dernier  jour.  Ce  sera  sans  doute  I'oc- 
casion  pour  les  voyageurs  d'etudier  plus  a  fond  la  g6o- 


(28) 

graphie  desbords  du  lac  Sa]6,  dont  M.  E.  R.  Sclimidt 
a  consigne,  dans  Je  recueil  du  D'  Peterniann,  un  inte- 
ressant  apeicu. 

Vous  avez  recu  le  magnifique  ouvrage  qui  resume 
I'ensendjle  des  travaux  que  le  gouvernement  de 
r Union  a  ordonn^s  pour  la  construction  de  la  carte 
hydrographique  generale  des  Etats-Unis  (1).  Cette 
tcuvre  fait  le  plus  grand  lionneur  a  la  nation  qui  en  a 
congu  I'exi^cution  ;  elle  fait  honneur,  en  particulier,  k 
M.  le  professeur  A.  D.  Bache ,  plac6  k  la  lete  de  cette 
vaste  operation.  Le  Coast  siuvey  ne  sera  pas  un  des 
litres  les  moins  glorieux  de  la  r6publique  de  rinion 
a  la  reconnaissance  des  g6ograplies. 

Je  ne  puis  encore  vous  parler  que  du  premier  volume 
de  la  belle  relation  du  voyage  de  M.  Balduin  Mbllhausen 
sur  le  Mississipi  et  le  littoral  sud  de^Etats-Unis,  publi^e 
a  Leipsick,  Ce  voyage,  qui  parait  sous  les  auspices 
de  M.  Alexandre  de  Humboldt,  donne  une  description 
complete  de  la  contree  qu'arrose  ce  lleuve  magnifique 
et  de  celui  qui  baigne  le  Rio- Grande  del  Norte. 
M.  Mollhausen  donne  sur  les  Indiens,  sur  I'histoire 
naturelle,  sur  la  constitution  du  sol,  des  apercus  ou 
des  details  presque  toujours  nouveaux,  qui  empruntent 
mi  merite  pittoresque  non-seulement  a  I'el^gance  de 
la  ])lu)ne  qui  les  expose,  mais  encore  aux  belles  plan- 
ches dont  I'ouvrage  est  acconq:)agn6. 

Je  ne  vous  entretiendrai  pas,  messieurs,  des  publi- 
cations g6ograpliiques  auxquelles  ont  donn6  lieu  di- 

(I)  Report  of  the  s,uperittlendent  of  the  coast  mrvey  showing  the  pro- 
gress of  the  survey  during  the  year  1856.  Wasbiiigtou,  185(i,  in-i. 


f  29  ) 

verses  entreprises  organis6es  clans  le  but  d'abreger  et 
de  rendre  plus  facile  le  passage  de  I'Atlantique  a 
I'oc^an  Pacifique.  II  faut  se  defier  un  peu,  je  crois,  de 
la  parfaite  exactitude  deces  documents,  plus  int^resses 
qu'int6ressants.  L'Am6rique  du  Nord,  qui  porte  par- 
tout  son  esprit  industrial,  fait  quelquefois  a  la  g^ogra- 
phie  le  mauvais  tour  de  I'engager  dans  ses  aventures. 
Les  voyages  et  les  descriptions  deviennent  alors  des 
prospectus,  et  pourvu  qu'on  obtienne  des  actionnaires, 
on  se  pr6occupe  peu  de  la  rigueur  des  informations. 

Je  passe  a  1' Australie,  cette  partie  du  monde  ou  gran- 
dit  une  future  rivale  del'Ameriquedu  Nord.  Maisavant 
que  s'6tablisse  ce  redoutable  antagonisme,  il  faut  que  le 
continent  australien  ait  6t6  totalement  explore,  que  son 
sol,  ou  seront  bientot  pos6s  des  rails  de  chemins  de 
fer  et  des  t6l6graplies  61ectriques,  soit  reconnu  aux 
quatre  points  cardinaux.  Nos  voisins  les  Anglais  n'6- 
pargnent  k  cet  eflet  ni  temps,  ni  fatigues,  et  Ton  ne  pent 
que  donner  des  61oges  a  la  pers6v6rance  dont  ils  font 
preuve  pour  p^n^trer  au  centre  du  continent  australien. 

Au  commencement  de  mars  1855,  M.  Thomas  Baines 
flit  attache  a  1' expedition  conduite  par  M.  Gregory  dans 
le  nord  de  1' Australie.  Envoy6  avec  un  petit  d6tache- 
ment  sur  le  schooner  Tom  Tough ,  pour  se  procurer 
des  provisions  a  Timor,  M.  Baines  mit  a  la  voile  de  la 
bale  de  Morton  et  passa  le  d^troit  de  Torres.  II  visita  la 
cote  de  Cap-York,  une  des  contr^es  les  plus  imparfaite- 
ment  connues  de  1'  Australie.  II  put  en  6tudier  la  curieuse 
population ,  et  il  pons  en  a  donn6  une  interessante 
description.  Ces  indigiines  se  soumettent  k  un  tatouage 
qui  les   rendait  hideux  pour  les  voyageurs  anglais  : 


(80) 

de  larges  excoriations,  renouvel6esd6s  qu'elles  tendent 
^  se  cicatriser,  couvrent  leur  peau  et  ne  tardent  pas  a 
y  determiner  des  saillies  fort  pro^niinentes  et  larges 
comma  le  doigt.  Leurs  armes,  faites  d'un  bois  diir  et 
garniesde  fragments  d'os  en  guise  de  lame,  sontorn6es 
de  franges  d'6corce.  Leurs  arcs  sont  faits  de  bambou , 
leurs  filches  de  bois  ou  de  roseaux.  D6ja  habitues  .'i  la 
pr(5sence  des  Europ^ens ,  ces  sauvages  s'empressaient 
d' (^changer  leur  6caille  de  tortue  contre  du  tabac  et  des 
mouchoirs  de  couleur.  Le  sol  de  la  cOte  est  une  argile 
rouge,  donnaut  naissance  a  des  mamelons  de  6  metres 
de  haut  environ.  Du  cap  York,  M.  Baines  se  rendit  a 
I'embouchure  de  Victoria  River.  II  fit  ensuite  une  excur- 
sion k  Pnlrn-Island,  k  30  OU  AO  milles  en  remontant  la 
rivifere. 

Les  eaux  du  Victoria  sont  hant6es  par  de  redoutables 
alligators,  qui  se  pr6cipitent  avec  voracit6  sur  les  clie- 
vaux.  Lorsque  I'exp^dition  eut  atteint  la  branche  occi- 
dentale  de  la  rivifere,  en  tournant  plus  au  sud ,  elle 
rencontra  un  plateau  de380  metres  d'altitude  environ, 
qui  pr6sentaitde  vastes  plaines  d'un  sol  volcanique,  re- 
convert par  un  gazon  abondant.  Dans  les  rochers  qui 
li6rissent  ce  sol,  I'agate  se  recueille  pour  ainsi  dire  k 
chaque  pas.  La  roche  trapp6enne  fournit  aux  indigenes 
la  mati^re  de  leurs  pointes  de  fl6che  et  de  leurs  toma- 
hawks. Les  lieux  ^taient  deserts,  mais  partout  on  aper- 
cevait  la  trace  de  I'homme.  Les  nids  gigantesques  des 
fourmis  avaient  6t6  creus6s  en  vue  de  recueillir  les 
larves  et  les  (Rufs  qu'ils  rec^lcnt;  les  ruisseaux  ^taient 
bord6s  de  coquillages,  abandonn^s  par  les  p6cheurs ; 
les  arbres  accusaienl ,  par  I'^tat  de  leurs  branches,  les 


(Si  ) 

tentatives  faites  pour  les  d6poiiiller  du  miel  d6pos6  par 
lesabeilles,  des  nids  qii'y  avaient  faits  les  oiseaux,  des 
lizards  qui  se  gUssent  sous  leur  feuillage.  De  grands 
trous  pratiques  dans  la  terre  se  laissaient  reconnaitre 
pour  ces  cuisines  en  plein  air  oix  les  naturels  pr^parent 
la  chair  de  I'^meu  etdu  kangourou,  le  grand  r^gal  de 
ces  contr6es.  Envelopp6e  d'6corces  d'arbre ,  d6pos6e 
sur  des  pierres  rougies  au  feu,  cetle  chair  acquiert  une 
saveur  d6licieuse.  La  g6n6ralit6  de  ce  mode  de  cuisson  en 
Oc6anie  lui  donne  un  veritable  caractfere  ethnologique. 
M.  Baines  avait  du  rejoindre  M.  Gregory.  Ce  der- 
nier voyageur,  en  remontant  aux  sources  du  Victoria, 
rencontra  un  autre  cours  d'eau  qui  coule  vers  le  sud- 
ouest  jusqu'au  20°  18'  de  lat.  sud,  ou  il  se  jette  dans 
un  lac  sal6.  L' expedition  lui  imposa  le  nom  de  Start 
Creek.  G'est  alors  qu'en  conipagnie  de  M.  Gregory 
et  de  quelques  autres,  M.  Baines  s'avanca  ^  I'ouest 
pour  op6rer  la  reconnaissance  de  tons  les  tributaires 
du  Victoria.  Nos  voyageurs  ne  rencontr6rent  sur  ce  sol 
qiie  trapp  et  basalte ;  ils  couvaient  des  yeux  ,  pour  la 
colonisation  future,  d'immenses  paturages  abondam- 
ment  arros6s,  dont  M.  Gregory  n' lvalue  pas  la  super- 
ficie  k  moins  de  3  millions  d' acres.  Sur  im  des  affluents, 
M.  Baines  trouva  une  pecherie  d'indigtjnes,  6tablie 
en  un  point  oi\  la  riviere  se  resserre  en  meme  temps 
que  son  fonds  s'exhausse.  Les  naturels  placent  sur 
cette  dn/)ie  des  filets  en  forme  de  paniers ,  oil  le  pois- 
s'on  va  se  prendre  de  lui-meme.  Rien  n'est  plus  pitto- 
resque  que  1' aspect  que  prend  ici  la  contr6e.  Sur  les 
rochers  qui  bordent  la  riviere ,  les  sauvages  ont  trac6 
en  rouge,  en  blanc,  en  noir  ou  en  jaune  de  grossi6res 


(  S2) 
images ,  dont  qnelqiies-unes  repr^sentent  nn  serpent 
l)ip6de  a.  deux  cornes.  Pr6s  de  la  s'6l6vent  des  hultes 
constniites  en  gros  blocs  de  pierre  grossi^rement  lad- 
les. Apr^s  quelques  jours  de  marclie,  I'exp^dilion 
attelgnit  le  grand  campement  qu'avait  6tabli  M.  ^^  il- 
sondurant  leur  absence,  et  ou  le  schooner  put  etre  r6- 
par^.  C'estde  la  queM.  Gr6gory  aveclegrosde  I'exp^- 
dition  partit  pour  le  golfe  de  Carpentarie ,  tandis  que 
M.  Baines  mettait  a  la  voile  pour  Timor. 

Je  n'entrerai  pas  dans  les  d6tails  de  ce  voyage ;  son 
auteur  en  a  fait  connaitre  les  principaux  incidents.  Je 
dirai  seulement  qu'il  visita  les  lies  Goulburn ,  oii  le 
langage  des  indigenes  lui  r6v6la  la  presence  fr6quente 
en  ces  lieux  des  navires  am^ricains ;  qu'il  se  rendit  a 
I'ile  du  Crocodile,  dont  on  ne  poss6dait  point  de  carte 
pour  la  partie  meridionale  ;  M.  Baines  en  a  trac6  un 
croquis.  Ce  fut  seulement  le  30  mars  suivant,  c'est- 
a-dire  un  an  juste  depuis  son  depart,  que  le  voyageur 
revint  a  Poit-Jackson ,  apr^s  avoir  travers6  le  A'lng- 
George-Soniid. 

Deux  autres  expeditions  non  moins  int^ressantes 
sont  celles  qui  out  6te  dirigc^es  au  lac  Torrens  et  dans 
la  contree  situ6e  h.  I'ouest  de  ce  lac.  Les  tentatives 
faites,  il  y  a  plusieurs  ann6es,  par  Eyre  et  par  Frome, 
donnaient  peu  d'espoir  que  les  bords  du  lac  Torrens 
pussent  jamais  oflVir  k  la  colonisation  dc  grands  avan- 
tages.  Cependant  la  d6couverte  graduelle  de  cours 
d'eau  avait  pcrrais  aux  eleveurs  de  bestiaux  de  s'avan- 
cer,  en  185(i,  jusqu'au  mont  Serle  et  meme  un  peu  an 
dela ,  en  d6pit  du  nom  de  Hopeless  donn6  k  la  mon- 
tagne  on  Eyre  s'6tait  arrets. 


(  33  ) 

En  aout  1856,  MM.  Herschel  Babbage  et  Bonner 
organisferent  une  exploration  gt^ologique  pour  recher- 
cher  Tor  et  le  charbon  dans  le  district  du  Mont-Serle. 
S'avancant  pins  an  nord,  M.  Babbage  parvint,  an  mi- 
lieu de  perils  et  de  difficnltes  sans  nombre,  jusqu'a  un 
conrs  d'eau,  le  .^Lic  Dnnnell  Creek,  et  aux  reservoirs 
abondants  du  Saint  Mary's  Pool  et  de  Blanche-]'  ater. 
Cette  d6couverte  produisit  a  Adelaide  une  grande  sen- 
sation. L'ann^e  suivante  ,  M,  Goyder  partit  pour  lever 
la  carte  du  pays  explor6  par  M.  Babbage.  II  suivit  pen- 
dant 16  uiilles  le  Mac  Donncll  Creek  ,  et  &  6  milles  et 
demi  de  la,  au  nord-est,  atteignit  les  bords  du  lac 
Torrens.  II  y  reconnut  un  reservoir  d'eau  douce,  sem6 
de  plusieurs  iles  et  d'un  niveau  constant.  II  estima  a 
8  000  pieds  anglais  la  hauteur  du  mont  Serle. 

Les  heureux  resultats  de  cette  seconde  expedition  en 
firent  bientot  organiser  une  troisi6nie.  Le  capitaine 
Freeling  arriva  au  lac,  le  3  septembre,  et  confirnia,  en 
les  compietant,  les  d^couvertes  de  MAI.  Goyder  et 
Babbage.  Mais ,  h6las !  toutes  les  tentatives  n'ont  pas 
6t6  si  heureuses.  Cette  ann6e,  I'expedition  conduite  au 
centre  del' Australie  parle  major  Warburton,  s'estvue 
forc6e  de  rentrer  a  Adelaide ,  sans  avoir  rencontre  sur 
sa  route  aucune  oasis  de  nature  a  etre  mise  en  culture. 

La  seconde  expedition  ,  dirigee  par  M.  Babbage,  con- 
tinue sa  marche  en  avant;  sans  etre,  jusqu'ici,  plus 
heureuse ,  elle  a  fait  connaitre ,  par  une  depeche ,  aux 
autorites  anglaiscs ,  le  sort  deplorable  de  la  troisieme 
expedition  ,  composee  de  trois  v-oyageurs ,  MM.  Coul- 
tbard,  Scott  et  Bn  oks.  II  n'est  que  trop  probable  que 
ces  trois  infortunes  ont  peri  de  faim  et  de  soif  au 

XVII.    JANVIER    ET    F£VRIER.   3,  3 


(  34  ) 
milieu  du  d6sert.  M.  Babbage  et  son  compagnon  ont 
tronv6  le  corps  de  M.  Coulthard  ^'tendu  sous  un  buis- 
son ;  i  quelques  pas  se  trouvaient  sa  cantine  et  tout 
son  canipenient. 

Snr  un  des  c6t6s  de  cette  cantine  en  ditain ,  olTrant 
une  surface  de  12  pouces  de  long  sur  10  de  large,  le 
malheureux  voyageur  avait  grav6  avec  un  clou  ou  la 
pointe  de  quelque  instrument,  I'inscription  suivante : 

(( Je  n'ai  nulle  part  rencontr6  d'eau ;  je  ne  sais  depuis 
combien  de  temps  j'ai  quitt6  Scott  et  Brooks  :  je  crois 
que  c'est  lundi. 

»  Aprfes  I'avoir  saign6  pour  vivre  de  son  sang,  j'ai  pris 
le  cheval  noir  pour  chercher  I'eau  ;  et  la  dernifere  chose 
dont  je  me  souvienne,  c'est  de  lui  avoir  6t6  la  selle  et 
de  I'avoir  laiss6  aller  jusqu'i  ce  qu'il  n'ait  plus  eu  de 
force.  Je  ne  sais  combien  de  temps  s'est  6coul6  de- 
puis :  deux  ou  trois  jours?  je  1' ignore. 

»  Ma  langue  est  coll6e  k  mon  palais,  et  je  ne  vols  plus 
ce  que  j'ai  6crit.  Je  sens  que  c'est  la  dernifere  fois  que 
je  puis  exprimer  mes  sentiments  vivant,  et  le  sentiment 
est  perdu  faute  d'eau. 

))  Mes  yeux  se  troublent,  ma  langue  brule.  Je  n'y 
vois  plus.  Dieu  me  soit  en  aide !  » 

La  d^peche  de  M.  Babbage  est  dat6e  du  16  juin  ; 
I'expMition  6tait  encore  pourvue  de  toutce  qui  lui  6tait 
n6cessaire  pour  plnsieurs  semaines,  et  quoique  6prou- 
v6e  par  la  fatigue,  elle  resistait  au  d6couragement. 

M.  Hack  a  eu  aussi  sa  part  de  misferes  et  de  tribula- 
tions; mais  a  la  fin,  il  en  a  6t6  d6dommag6.  Parti  de 
Streaky  hay,  il  atteignit,  non  sans  peine,  le  mont  Parla, 
arriva  ensuiie  I'l  Toondulya:  il  y  rencontra  de  vastes 


(35) 

paturages  bien  arros6s.  A  Yarlbinda,  oil  I'avait  con- 
duit rassnrance  donn^e  par  les  naturels  de  tronver  des 
eaux  plus  abondantes,  il  iie  rencontraqu'  un  vaste  d6sert, 
dans  toute  I'^tendue  duqnel  on  n'apercevait  pas  le 
moindre  mamelon.  II  poursnivit  cependant  sa  route  a 
travers  une  succession  de  lieux  arides  et  de  broussailles. 
Enfin  il  apercut  le  grand-lacsal^,  qui  a  recu  le  nom  de 
lac  Gairdiier^  et  sur  les  bords  duqiiel  croit  un  gazon 
abondant,  L'herbe  est  \k  partout,  grace  h  la  salure  du 
sol,  mais  I'eau  fait  presque  tonjours  d^faut. 

L'exp6dition  de  M.  Hack  aura  de  grandes  conse- 
quences pour  I'extension  de  la  culture  dans  I'Australie 
m^ridionale.  Dfesaujourd'hui,  elle  a  enrichi  de  donn^es 
topographiques  pr^cieuses  la  carte  que  les  colons  doi- 
vent  avoir  sans  cesse  sous  les  yeux. 

Le  voyage  de  M.  Swinden,  entrepris,  la  nieme  ann^e, 
k  Test  dn  lac  Torrens,  n'a  pas  6t6  aussi  f6cond  en  r^sul- 
tats  il  a  fait  connaitre  cependant  I'existence  de  cours 
d'eau,  question  de  vie  ou  de  mort  pour  les  cultivateurs 
australiens.  M.  Swinden  a  travers6  le  Mudlalpa,  situ6 
dans  I'enfoncement  qui  s6pare,  du  golfe  Spencer,  la 
pointe  m^ridionale  du  lac  Torrens.  Get  enfoncement 
n'a  pas  moins  de  2  a  3  milles  de  long  sur  iOO  yards  de 
large.  Le  meme  voyageur  a  d^couvert  le  mont  Jonah, 
colline  rocailleuse,  d'ou  Ton  apercoit  le  mont  Deception, 
auN.  30°O.,  etlemont  Samuel,  au  N.  83° O.Trois milles 
plus  loin,  k  Andeniorcha,  M.  Swinden  rencontra  trois 
amas  d'eau  donee,  et  les  jours  suivants,  d'autres  d'une 
eau,  il  est  vrai,  moins  pure.  Enfin  il  atteignit  I'aigiiade 
importante  de  Carkerooh  ;  et  a  6  milles  au  sud,  se  pr6- 
senta  a  lui  un  grand  bassin,  auquel  il  imposa  le  nom  dc 


(  3<>  ) 

Biinrips.  C'est  i\  qnelqups  millos  an  dela.  quo  s'arrt'te  la 
relation  de  M.  Swinden ;  il  serail  difficile  do  la  suivre, 
sans  une  carte  detaill^e  sous  les  yenx. 

En  1856,  M.  le  capitaine  Chinmo,  de  la  TorcJie    a 
explort''  toute  la  cote  du  golfe  de  Carpentarie,  et  nous 
devons  a  M.  le  capitaine  Legras  la  traduction  de  la  re- 
lation, dont  I'original  a  paru  dans  le  Nautical  Maga- 
ziii'\  M.  Chinmo  a  rectifi6  la  position  de  divers  points 
indiqu^s  par  ses  devanciers ;  il  a  relev6  les  iles  Bailey, 
Pentecote,  Palm,  et  ajout6  a  Texcellente  carte  du  capi- 
taine Blackwood  1' indication  des  rivieres  Mac-Leay, 
Clarence  el  Manning  ,  qui  n'avaient  point  6t6  port^es 
sur  les  cartes;  il  a  controle  I'itin^raire  du  capitaine 
Stakes,  bravant  les  dangers  d'une  navigation  encore 
dilFicile ,  bien  que  singuli^rement  simplifi6e ,  par  les 
relev6s  hydrographiques ;  aussi  les  navires  qui  ])assent 
le  d6troit  de  Torres  sont  aujourd'hui  fort  nonibreux. 
Le  cap  York,  en  particulier,  demeure  d'une  recon- 
naissance perilleuse.   Son   aspect  singulier  I'annonce 
au  loin.   Quand   on    apercoit,    flit    VI.    Chinmo,   ses 
petits  monies  d'argile  rouge  de  30  metres  de  liaut,  on 
croirait  voir  de  loin  un  assemblage  de  tentes.  Enfin, 
M.  Chinmo  visita  file  Booby,  le  17  juillet  1 856,  et  releva 
le  reste  de  la  cote.  La  premiere  partie  de  la  relation 
de  rofficier  anglais  a  seule  6te  publico. 

Ces  voyages,  outre  qu'ils  ouvrent  un  champ  innnciise 
a  la  culture,  permettront  aussi  d'6tudier  plus  a  fond  la 
geologic  du  continent  australien ,  dont  nous  poss6dons 
d6ja  les  premieres  donn^es. 

Dans  I'expedition  tent6e  aunord,  un  naturaliste  dis- 
tingue ,  M.  James  S.  Wilson ,  a  recueilli  les  ^Ic'^ments 


(  37  ) 

d'une  bonne  description  physique  de  lac6tenord-ouest 
et  Quest,  depuis  la  pointe  du  golfe  de  Carpentarie  jus- 
qu'au  cap  Leeuwin.  Le  sol,  d'une  altitude  moyenne  de 
.1  600  pieds  anglais ,  appartient  g6n6ralement  a  la  p6- 
riode  carboniftre.  Au  nord,  il  est  couvert  d'un  gazon 
plus  varie  qu'abondant;  nulle  part,  en  eifet,  la  v^g6- 
tation  naine  n'apparait  si  riche.  De  nombreux  arbres 
a  fruit  alternent  avec  difl'6rentes  petites  esp^ces  d'eu- 
calyptus.   Les    quadrupedes   sont,  dans   cette  partie 
de  I'Australie ,  les  memes  que  dans  le  midi  du  conti- 
nent ;  mais  les  oiseaux  different,  Des  bandes  innom- 
brables  de  chauves-souris  obscurcissent  parfoisjusqu'^ 
un  mille  de  distance  Fair  qu'elles  empestent  de  leur 
odeur  musqu6e,  ou  accablent  les  arbres  du  poicis  de 
leurs  corps  6nornies.  Les  eaux  sont  habitues  par  plusieurs 
int^ressantes  espfeces  de  poissons  :  I'une  fait  aux  mou- 
ches  une  chasse  active,  en  lancant  sur  elles  des  gouttes 
d'eau  qui  les  font  tomberdans  la  riviere;  d'autres  exe- 
cutent  par-dessus  le  sable  et  les  rochers  des  bonds  in- 
croyables.  Cependantl'esjD^ce  huuiaine  est  clair-sem6e 
dans  ces  regions ,  ou  la  vie  animale  s'est  si  largement 
d^velopp^e.  Les  indigenes  sont  de  la  meme  race  que 
celle  qui  habite  le  sud ;  ils  n'elevent  pas  de  huttes, 
et  se  tiennent  sous  des  berceaux  de  branchages.  Quel- 
ques  tribus  savent  construire  au   sonmiet  des  mon- 
tagnes  des  demeures  en  pierre,  circulaires.  L'usage  des 
canots  est  partout  inconnu.  Veulent-ils  traverser  une 
riviere ,  ces  sauvages  se  placent  sur  un  morceau  de 
bois  qu'ils  font  flotter,  ou  bien ,  comme  au  golfe  de 
Carpentarie  ,  ils  construisent  avec  des  fascines   des 
especes  de  radeaux.  On  retrouve  cliez  eux  l'usage  de 
s'arraclier  deux  des  incisives  sup^rieures. 


(  S8  ) 

On  le  voit,  la  g^ographie  physique  de  1' Ausiralie  pr6- 
sente  \m  grand  int6ret  :  elle  in6rite  d'etre  6tudi6e  en 
detail,  et  ])eat-6tre  est-il  prematura  d'en  tenter  un  ta- 
bleau coniplet.  Cependant ,  un  premier  essai  de  gene- 
ralisation a  Tavantage  d'indiqiier  ce  qui  reste  encore 
a  faire  ,  et  nous  applaudirons  ,  dans  cette  pens6e ,  au 
travail  que  M.  George  AN  indsor  Earl  a  consigne  dans 
le  Jonnuil  (le  rarcltipel  Indien.  Un  des  derniers  nuui6- 
ros  qui  nous  sont  paiTenus  renferme ,  sur  les  plateaux 
sous-marins  de  cette  partie  du  monde,  uue  notice  inl6- 
ressante  od  M.  Earl  a  indique  la  hauteur  et  la  direc- 
tion des  pics  volcaniques  dontla  ligne  s'6tend  dumont 
Ophir  a  la  p^ninsule  australienne  d'Aniheim. 

Je  vous  ai  entretenus  I'annee  dernifere ,  Messieurs, 
du  projet  d' expedition  h  la  Nouvelle-Guinee  forme 
par  le  gouvernement  hollandais.  Le  navire  a  vapeur 
CEtna  a  debarque  dans  le  havre  de  Dorei,  au  nord-est 
de  la  grande  bale  de  Geelvink ,  un  corps  de  troupes 
charge  de  proteger  les  membres  de  rexpcdilion.  On 
doit  elever  sur  ce  point,  dont  les  Hollandais  ont  pris 
possession  depuisun  siede  etdemi,  un  fortqu'occupera 
une  garnison,  tandis  que  I'expedition  s'avancera  dans 
I'interieur.  Nous  sommes  heureux  de  rencontrer,  pour 
I'accomplissement  de  cette  ceuvre  iniportante ,  des 
hommes  aussi  distingues  que  le  naturaliste  H.  Zollin- 
ger, I'ingenieur  Limburg-Brouvver  et  les  astronomes 
Delange  et  Oudemans. 

Les  recherches  des  nouveaux  explorateurs  compie- 
teront  et  rcctifieront  peut-clre  en  partie  les  informa- 
tions cuvieuses  dont ,  a  plusieurs  reprises ,  nous  avons 
etc  rcdevables  au  savoir  de  M.  Salomon  Miiller.  Celte 
annee  encore ,  la  Societe  geographiquc  de  Londres 


(  59  ) 

s'enrichissait  d'une  communication  de  cet  habile  natu- 
raliste.  Nous  y  apprenons  que  la  cote  occidentale  de  la 
Nouvelle-Guinee  est  un  vaste  desert  boise  ;  que  le  pro- 
montoire  sud-ouest,  jusqu'au  135°  30'  de  longit.  E. 
Greenwich,  constitue  un  plateau  d'une  argile  grisatre, 
inteiTompue  9a  et  la  par  des  roches  calcaires  et  quart- 
zeuses.  Plus  k  Test  pr6domine  un  sable  blanc  mel6  de 
quartz.  Cette  composition  annonce  des  terrains  juras- 
siques,  mais  les  bancs  de  la  riviere  Timbona  sent  for- 
mes par  des  couches  tertiaires. 

A  I'occasion  de  ces  details  int6ressant,s,  M.  J.  Craw- 
furd  a  fait  remarquer  que  la  Nouvelle-Guin6e  est, 
aprfes  Borneo,  la  plus  grande  ile  de  I'univers;  I'Aus- 
tralie  devant  etre  regard^e  comme  un  continent.  Et 
cependant  la  population  en  est,  a  ce  qu'il  semble, 
notablement  inferieure  a  celle  de  I'ile  Bali,  dont  la 
superficie  n'en  I'epr^sente  que  la  cent  vingti6me  par- 
tie  et  qui  renferme  900  000  ames.  Au  reste,  le  savant 
voyageur  anglais  croit  que  1' exploration  de  la  Nou- 
velle-Guin6e  int^resse  plus  la  science  que  la  pros- 
p6rit6  materielle  de  I'Europe.  II  augure  peu  de  son 
avenir  commercial ;  car,  dit-il ,  except6  la  muscade , 
cette  ile  ne  produitque  fort  peu  d' articles  utiles  k  nos 
besoins.  C'est  la  patrie  par  excellence  des  oiseaux  de 
paradis,  dont  on  y  rencontre  cinq  ou  six  esp^ces :  c'est 
celle  du  pigeon  couronne,  I'un  des  botes  les  plus  616- 
gants  des  airs  enAsie.  M.  Crawfurd  est  d' opinion  qu'il 
n'existe  qu'une  seule  race  d'hommes  a  la  Nouvelle- 
Guinee,  les  Papous,  ou  mieux  les  Poun'a-poinva,  c'est- 
a-dire  les  hommes  aux  cheveux  fris6s.  Mais  tel  u'est 
pas  I'avis  de  M.  S.  xMiiller,  qui  distingue  la  population 


des  montagnes  de  celle  de  la  c6te  :  la  premiere  6ner- 
gique  ,  robuste  et  menaiit  une  vie  s6dentaire ;  la  se- 
conde  essentiellement  nouiade. 

L' expedition  hollandaise  aura  done  ii  decider  plu- 
sieurs  questions  iniportantes  encore  en  litige.  Dans  la 
memer<5gion  du  globe,  il  est  d'autres  lies  qui  ont  acquis, 
depuis  quelques  annees,  inie  triste  c616brite  ;  je  veux 
parler  des  lies  Ari'uu  ,  repaire  d'incorrigibles  pirates 
qu'onl  du  plusieurs  fois  chatier  les  niarins  des  Etats 
europ6ens.  Un  Anglais  deja  connu  par  un  int^ressant 
voyage  sur  I'Amazone,  M.  Alfred  R.  \\  allace,  a  reside 
six  niois  dans  ces  iles.  En  d6pit  des  pirates  qui  infes- 
taient  leurs  cotes ,  il  a  recueilli  sur  cet  arcliipel  inte- 
ressant  des  informations  qui  ne  man([uent  pas  de  nou- 
veaute.  Le  groupe  des  Arrou  est  forme ,  nous  dit-il , 
d'une  lie  centrale,  autour  de  hujuelle  sont  en  quelque 
sorte  distribuees  un  grand  nonibre  de  plus  petites. 
Cette  lie  centrale ,  appelee  par  les  habitants  Ta/ma 
Busar,  c'esta-dire  /a  grande  ile,  pr6sente  une  longueur 
d'environ  80  milles  du  nord  au  sud ,  et  50  de  Test  a 
I'ouest.  Dans  cette  derniere  direction,  elle  est  travers^e 
par  trois  larges  rivieres  qui  la  divisent  en  quatre  par- 
tics.  Tanna  Busar  est  sans  doute,  comme  on  I'admet, 
un  pays  bas,  mais  elle  est  loin,  selon  M.  AVallace,  d'etre 
aussi  plate  et  aussi  marecageuse  qu'on  I'avait  avanc6. 
La  plus  grande  partie  de  son  sol  est  au  contraire  form6e 
de  coUines  rocheuses ,  pr(^sentant  des  escarpements  ci 
pic,  et  separees  par  d'etroits  ravins.  Lo  iiombre  des 
lies  secondaires  s'el^ve  a  plusieurs  centaines.  A  I'ouest, 
ouelles  sont  moins  multipliees,AVamma  et  Poulo-liabi 
fbrment  los  principales.  A  rextremidl'  nord-oucst ,  on 


( H ) 

trouve  Ougia  et  Wassia,  qui  constitue  le  point  le  plus 
aA'anc6  au  nord-ouest.  A  Test  et  au  sud,  se  d6ronle,  a 
une  distance  moyenne  de  15  a  20  milles  de  Tanna- 
Busar,  une  cliaine  continue  d'ilots  coralligenes ,  ou  se 
peclie  a  prolusion  la  nacre  de  perle.  Toutes  ces  iles 
sont  couvertes  de  forets  epaisses  et  elev^es.  L'origine 
des  Arrou  parait  etre  la  meme  que  celle  de  presque  to  us 
les  archipels  de  la  Polynesie.  Ce  sont  des  pics  de  vol- 
cans,  a  I'entour  desquels  des  r6cifs  de  corail  ont,  en 
s'anjoncelant,  donne  naissance  a  des  ilots  qui  se  sont 
unis  au  noyau  volcanique.  Toutefois  ,  la  formation  de 
ces  iles  donne  lieu ,  pour  les  dt^tails  ,  a  des  diflicult^s 
que  M.  ^^'allace  examine,  mais  que  nous  ne  rappelle- 
rons  pas  ici.  Ces  diflicult6s  memes  conduisent  le  voya- 
geur  anglais  a  supposer  que  les  iles  Arrou  auraient  pu 
avoir  6t6,  dans  le  principe,  reunies  ala  Nouvelle-Guin6e, 
dont  deux  rivieres,  I'Utanata  et  le  A\  akua,  correspon- 
dent, quant  a  leur  direction,  aux  cours  d'eau  oularges  ca- 
naux  qui  coupent  Tanna  -Busar.  A  I'appui  de  cette  liypo- 
tliese,M.  AVallacelait  observer  quelafaune  des  Arrou 
est  la  meme  que  celle  de  la  Nouvelle-Guinee  ;  mais  il 
est  a  remarquer  que  cette  faune  t'lant  toute  ornitho- 
logique,  1' identity  des  especes  devient  beaucoup  moins 
significative.  Toutefois,  quelques-uns  de  ces  oiseaux  , 
tels  que  le  casoar,  ne  saui-aient  traverser  les  airs ;  et  il 
est  a  noter  que  le  grand  oiseau  de  paradis,  commun  a  la 
Nouvelle-Guinee  et  aux  iles  Arrou,  ne  se  retrouve  pas 
aux  iles  Ke  et  Coram  ,  beaucoup  plus  rapprocJK^es  de 
la  premiere  ile  que  ces  dernieres. 

L' ensemble  de  la  population  des  Anou  appartienl  ;i  la 
race  papoue.  Mais  il  y  a  eu  cntre  cette  race  et  les  IMalais 
de  si  nombreux  melanges,  qu'oii  y  rencontre  toutes  les 


( /i2 ) 

nuances  interm^diaires  entre  les  deux  populations,  d'lin 
type  pourtant  fort  distinct.  Les  Papous  ont  la  peau 
noire,  la  taille  elevt^e,  le  corps  bien  d6coupl6 ;  les  Ma- 
lais  sont  plus  petits  et  ont  le  teint  plus  clair.  Leur  carac- 
t6re  est  aussi  different :  ils  sont  plus  ri^serves,  plus  apa- 
tbiques  que  lesMalais;  mais  ils  parlentplus  baut,  rient 
davantage,  et  constituent  en  somme  une  population  plus 
enjouee  que  leurs  a  oisins.  L'arc  est  I'arme  nationale  des 
insulaires  des  Arrou;  ils  le  manient  avec  une  incroyable 
adresse,  faisant  tomber  sous  leurs  fl^cbes  cochons  sau- 
vages,  kangourous,  casoars,  etles  innombrables  oiseavuc 
qui  babitent  leurs  forets.  Ils  cultivent  les  ignames,  les 
patates  donees  et  une  foule  de  racines,  d'ou  ils  tirent 
une  f6cule  nourrissante.  La  rocbe  coralligfene,  en  se 
d6litant,  donne  naissance  a  un  terreau  abondant,  oil 
croit  la  plus  belle  esp6ce  de  canne  h  sucre,  qui  fournit 
aux  indigenes  un  uiasticatoire  recbercbe.  Le  nombre 
de  langues  parl6es  aux  iles  Arrou  est  prodigieux,  mais 
ce  nc  sont  que  des  dialectes  d'un  meuie  idionie. 

Les  Hollandais  ont  port6  en  plusieurs  points  de  ces 
iles  un  conuuencement  de  civilisation.  Des  ecoles  sont 
etablies  k  Wamnia,  Wokan  et  Maykor.  M.  Crawfurd 
estinie  la  population  de  cet  arcbipel  a  80  000  ames.  11 
fail  reniarquer  que  le  nom  qui  lui  est  donn6  (Arrou) 
est  en  Malais,  celui  du  CasuaHnd  nuincaia.  Le  climat 
des  Arrou  pr6sente  des  anomalies  curieuses,  et  les 
moussons  ne  s'y  r^glent  pas  de  la  meme  fa^on  qu'aux 
Moluques  :  octobre  et  novembre  sont  les  deux  seuls 
mois  de  secberesse ,  tandis  que  la  meme  6poque  est 
marquee  dans  les  arcbipels  voisins  par  les  cliange- 
mcnls  de  mousson. 

La  nouveautu  des  fails  observes  par  U.  Wallace  m'a 


(A3) 

entrain6  un  pen  loin  et  ne  me  laisse  gu6re  d'espace  pour 
vous  parler  du  reste  de  I'Oc^anie.  II  est  vrai  que  j'ai 
peu  de  choses  a  vous  en  dire ,  si  j'en  excepte  les  tra- 
vaux  de  quelques  missionnaires  et  les  informations  re- 
cueillies  par  des  marins.  M.  Paul  Reina,  que  son  d6- 
vouement  apostolique  avait  conduit  dans  les  lies  Rook, 
situ6es  non  loin  de  la  Nouvelle-Guin^e,  a  6t6  a  meme 
d'6tuclier  les  mceurs  des  insulaires  et  de  recueillir,  sur 
I'archipel  et  meme  sur  la  Nouvelle-Guin6e,  des  notes 
qui  ne  sont  pas  d^pourvues  d'int6ret.  On  retrouve  aux 
iles  Rook  a  peu  prfes  les  memes  mceurs  que  chez  les 
indigenes  de  la  Polyn^sie.  Une  softe  de  circonci- 
sion  (1) ,  difr6 rente  de  celle  que  pratiquent  les  Arabes 
et  les  Juifs,  y  est  en  usage,  et  doit  etre  regard6e 
comme  un  indice  de  la  parents  qui  rattache  les  indi- 
genes aux  populations  australiennes. 

Une  lettre  du  P.  Poupinel,  religieux  mariste,  sur  la 
Nouvelle-Cal^donie ,  a  6t6  publiee  par  les  Annales  de 
la  Propaiiation  de  la  fol  (juillet  1858);  je  n'y  rencontre 
que  peu  d' informations  nouvelles.  Le  P.  Poupinel  a 
visits  les  6tablissements  de  Port-de-France,  de  la  Con- 
ception, dePoebo  et  de  Balade.  II  en  a  trouv6  les  mis- 
sions florissantes.  Les  habitants  de  la  Nouvelle-Cal6- 
donie  sont  plus  laborieux  que  les  autres  insulaires  des 
tropiques.  Dou6s  d'un  vrai  talent  pour  les  irrigations, 
ils  savent  faire  monter  I'eau  sur  les  collines,  afin  d'ar- 
roser  leurs  plantations,  et  trafiquent  deja  avec  les 
Strangers.  Le  P.  Poupinel  a  assist^  a  une  fete  et  i  un 
repas  fun^bre,  dont  il  donue   une  int^ressante  des- 

(1)  XeilschrifL  fur  allgemeine  Erdkunde.  Berlin,  mai  1858. 


( bh) 

cription.  «Lorsqu'ur)C  peuplatlo  trouvc  que  son  chef 
est  trop  vieux,  6crit-il,  el  n'a  plus  assez  d' activity,  de 
force  poiii'  la  guerre,  on  le  prie  de  renoncer  k  son  au- 
torit6  etde  la  reniettre  a  son  Ills.  Mais  conime  il  pour- 
rait  elre  tent6  de  ressaisir  le  pouvoir  et  troubler  ainsi 
la  pai\  do  la  tribu,iln'est  pas  rarequ'on  fasseaussitot 
Ics  preparalifs  de  sa  fete  et  qu'on  lui  donne  la  mort.  » 
((Lgs  colons  francais,  ajoute  ailleurs  le  P.  Poupinel, 
uuiil  giiLTC  rcussi  jusqu'a  present,  et  plusieurs  ont  6t6 
victinies  de  la  ferocity  des  habitants,  Mais  les  choses 
paraissent  devoir  changer,  grace  ti  1' attitude  energique 
de  nos  uiarins. » 

Nous  trouvons  dans  la  Rei^iw  coloniale  d'autres  de- 
tails sur  les  colonies  de  I'Oceanie.  M.  le  lieutenant  de 
vaisseau  Jouan  a  fait  paraitre  dans  ce  recueil  une  des- 
cription complete  de  I'archipel  des  IMarquises,  qui  ne 
laisse  presqac  plus  rien  k  dire  aux  explorateurs  futurs. 
MM.  Plancher  et  Vieillard  ont  esquiss6  dans  quelques 
pages  sidistantielles  la  geographic  physique  de  la  Nou- 
velle-Caledonie. 

Esp6rons  qu'eclair^  parces  informations,  notre  com- 
merce se  tournera  vers  mi  nionde  qui  peut  devenir  le 
theatre  d'mi  riche  mouvement  6conomique ,  et  assurer 
a  nos  produits  d'innonibrables  d(^bouch6s.  D6ja  quel- 
ques-uns  de  ces  archipels  ont  cesse  de  relever  de  ce 
qu'on  pourrait  appeler  1' humanity  primitive  on  barbare. 
Les  lies  Sandwich  sent  aujourd'hui  regies  par  des  lois 
em]n'unt6es  a  I'Europe,  et  grace  an  protectorat  francais, 
lesKanaks  de  Tahiti,  ilfautl'esperer,  suivront  rcxcmple 
qui  leur  est  donne  par  leurs  frercs  des  Sandwich. 
J'ai  hate  d'arriver  h.  I'Asie,  oil  la  g6ographie  a  fait 


(/i5) 

line  plus  riche  nioisson.  Toutefois,  avant  de  cpiitter  ce 
monde  d'iles  qui  unit  I'ancien  au  nouveau  continent,  je 
dois  mentionner,  en  premiere  ligne,  le  voyage  dans  la 
partie  orientale  de  rarchipel  indien  de  Reinwardt. 
Qnoiqu'il  date  de  1821,  la  relation  vient  senlement 
d'en  etre  publiee  par  I'lnstitut  des  Indes  n^erlan- 
daises.  Ce  livre,  6crit  en  hollandais  et  public  avec  une 
introduction  et  des  notes  par  M.  W.  H.  de  Vriese,  ren- 
ferme  des  details  qui,  malgre  leur  date,  n'ont  pas  perdu 
de  leurint^ret.  Toute  la  partie  d'histoire  naturelle,  de 
g^ologie,  y  est  savamment  trait^e,  d'apr^s  des  doctrines 
qui  ont  nialheureusement  un  pen  vieilli. 

Je  nientionnerai  ensuite  un  voyage  execute  dans 
I'int^rieur  de  Sumatra,  par  M.  E.  Presgrave  ,  et  qu'a 
public  \q  Journal  de  tdirhipel  iiulien.  Ce  VOyageur  s'est 
rendu  a  Passummali  et  a  Gunung-Dempo,  Je  ne  puis 
analyser  sa  relation,  Je  dirai  seulement  qu'elle  est  riche 
en  informations  des  plus  varices,  et  donne  en  particu- 
lier,  sur  la  religion  des  insulaires ,  des  details  pleins 
d'interet.  Le  vieux  paganisnie  de  ce  peuple  s'est  peu  k 
peu  p6n6tr6  de  croyances  et  d'id6es  emprunt^es  a  I'isla- 
misme.  La  circoncision  est  aujourd'luii  d'un  usage  g*^- 
n^ral  parmi  eux.  Une  de  leurs  tribus,  Iqh  y^nak  Se- 
niiinrio,  se  fait  surtout  remarquer  par  son  z61e  pour  la 
religion  du  Coran.  Mais  partout  ailleurs  se  retiouvent 
en  vigueur  a  Sumatra  les  antiques  superstitions.  On 
adore,  sous  le  nom  d'Orann-^l/ons,  des  esprits  fort 
analogues  aux  atouas  des  Polynesiens  :  on  olTre  aux 
ames  des  morts  un  culte  fervent,  et  Ton  admetla  doc- 
trine de  la  m^tempsycose.  Le  tigre  est,  par  excel- 


(  A6) 

lencp,  I'animal  dans  lo  corps  diiquel  passe,  selon  ces 
insulaires,  I'lime  humaine.  Aussi  les  habitants  de  Su- 
matra ont-ils  pour  cette  bete  f6roce  un  respect  in- 
croyable,  et  ne  le  traitent-ils  qu'avec  les  plus  grands 
6gards.  On  retrouve  aussi  chez  les  indigenes  de  la  meme 
ile  quelques-unes  des  pratiques  asc6tiques  des  Hin- 
dous;  il  n'est  pas  rare  d'en  rencontrer  qui,  pour  s'as- 
surer  les  faveurs  de  la  divinile,  s'imposent  de  cruelles 
epreuves,  et  vont  ensuite  s't^tablir  dans  un  temple  ou 
kramni^oix  ils  y  sacrifient  aux  dieux  leurs  ancetres,  et 
observer  pendant  quinze  jours  I'abstinence  la  plus 
rigoureuse.  II  est  diilicile,  dit  M.  Presgrave,  d'dva- 
luer  la  population  du  canton  de  Passununah-L6bar; 
mais  elle  ne  saurait  etre  inftrieure  ^100  000  ames. 
Un  mince  d6troit  nous  s6pare  maintenant  de  I'Asie. 
Nousy  mettons  le  pied,  en  p^n^trant  dans  la  presqu'ile 
de  Malacca.  lA  encore  nous  nous  trouvons  en  pre- 
sence d'une  population  de  meme  race  quecelle  qui  est 
r6pandue  de  I'autre  c6t6  du  canal  de  Singapour.  Ce 
sont  des  Malais  qui  habitent  Pinang  ct  la  province  de 
Wellesley.  L' excellent  Journal  de  I'mchipel  Indien  a 
publi6  sur  les  indigenes  de  ces  contrees  un  m^moire 
modestenient  intitule  :  Notes,  et  ou  nous  aurions  beau- 
coup  a.  prendre  si  I'espacc  nous  le  permettait.  L'au- 
teur  est  M.  J.-D.  Vaughan,  qui  a,  pendant  sept  ans, 
r6sid6  au  milieu  des  Malais ,  et  a  pu  recueillir  d'eux 
une  foule  d' informations.  Usages  relatifs  a  la  nais- 
sance  et  h.  1' Education  des  enfants ,  an  mariage  ,  aux 
rapports  soci aux,  aux  jeux  et  aux  amusements,  aux 
repas,  habillements,  armes,  croyances,  habitations,  ma- 


( ^7) 

ladies,  caract6res  physiques  etmoraux,  M.  Vaughan 
passe  tout  en  revue. 

Parmi  ces  usages ,  il  en  est  souvent  dont  I'^lude , 
en  apparence  frivole ,  a  cependant  son  importance 
ethuologique ,  et  fournit  certains  traits  auxquels  pent 
se  reconnattre  une  race  on  une  tribu.  J'en  citerai  quel- 
ques-uns.  Jamais  un  Malais  ne  marcbe  k  c6t6  de  son 
Spouse.  Quand  une  compagnie  se  met  en  route,  les 
femmes  pr6c6dent  toujours  les  homnies.  Un  enfant 
est-il  encore  trop  jeune  pour  marcher  ou  se  trainer  seu- 
lement  sur  les  mains ,  on  le  place  dans  un  panier  qui 
est  suspendu  aux  chevrons  de  la  maison ,  et  a  I'aide 
d'une  corde,  la  m^re  ou  d'autres  enfants  balancent  la 
petite  creature.  La  m6re  veut-elle  transporter  son  en- 
fant ,  elle  le  suspend  sur  ses  6paules  a  ra,ide  d'un  sac 
ou  d'une  sorte  de  hamac.  II  est  rare,  en  effet ,  de  voir 
les  femmes  malaies  passer,  comme  les  femmes  hin- 
doues,  les  jambes  du  petit  sur  leurs  hanches.  Les 
Malais  ne  se  font  point  entre  eux  de  visite.  Chaque 
maison  est,  comme  un  sanctuaire,  ferm6  h  I'^tranger, 
et  Ton  ne  se  r^unit  que  pour  les  fetes. 

Un  6troit  lien  de  filiation  rattache  la  population  de 
la  presqu'ile  de  Malacca  aux  tribus  indigenes  qui  sont 
aujourd'hui  confin^es  dans  1' Assam,  sorte  de  plexus 
qui  relie  k  la  fois  les  pays  mongols  aux  pays  dra- 
vidiens  et  tib6tains.  L'6tude  des  races  assamaises  pr6- 
occupe  depuis  longtemps  les  ethnologistes  anglais. 
Quoique  les  beaux  travaux  de  M.  Hodgson  aient  gran- 
dement  6clair6  ce  curieux  probl6me  ethnologique , 
tout  n'est  pas  fait,  tout  est  loin  d'etre  expliqu^.  Par 
quel  ensemble  de  caractferes  les   races  transgang6- 


(AS) 

tiqnes  se  rapprochent-ellcs  et  sVloignent-elles  de 
celles  du  Tibet?  c'cst  ce  qu'il  faut  inaintenant  deter- 
miner avec  precision.  M.  J.  R.  Logan  a  tente  de  le  faire 
dans  un  savant  niemoire  sur  les  popidations  du  Tibet, 
du  Barnia  et  de  Pegou,  insure  dans  le  Jounml  de  Var- 
chipel  Indien.  Le  nom  de  M.  Logan  vous  est  bien  fanii- 
lier,  Messieurs.  Vous  savez  que  ce  savant  met  une 
noble  ardeiir  a  eclairer  I'histoire  des  nations  au  milieu 
desquelles  il  vit;  en  r^unissant  toutes  les  informations, 
il  cherche  a  systematiser  les  faits.  Le  travail  qu'il  vient 
de  publier  est  indispensable  a  consulter  pour  connaitre 
les  migrations  qui  se  sont  accouvplies  au  sud  de  I'Asie. 

La  presqu'ile  transgangetique  voit  graduellement 
s'abaisser  les  barri^res  qui  en  fermaient  jadis  I'acces 
aux  voyageurs ;  elle  nous  promet  pour  les  ann6es  pro- 
cliaines  de  riches  informations.  Le  Barma  se  civilise  et 
appelle  k  la  tele  de  ses  armies  des  officiers  europ6ens. 
Siam  s'est  engage  par  un  traite  h.  recevoir  nos  voya- 
geurs. Enfin,  I'empire  annamitique,  qui  persistait  dans 
son  systeme  d'isolement  farouche  et  d" intolerance  san- 
guinaire,  va  bientOt  se  trouver  contraint,  grace  aux 
efforts  reunis  de  la  France  et  de  I'Espagne,  a  recon- 
naitre  les  principes  du  droit  des  gens.  La  Cochinchine 
et  le  Tonkin  ne  pourront  opposer  k  I'intrepidite  de  nos 
marins  qu'une  resistance  impuissante,  vaineraent  d6jk 
tentee  par  les  Chinois  contre  les  deux  plus  grandcs 
marines  militaires  du  monde. 

La  Chine,  en  effet,  Messieurs,  n'est  plus  cet  empire 
ferme  dont  la  poi)ulation  pref6rait  6touffer  an  sein 
d'unc  atmosphere  que  ricn  ne  venait  renouveler,  plu- 
tot  que  de  laisser  entrer  la  brise  rafraichissante  que 


fait  soufTler  le  christianisme  snr  les  contrees  qu'il  civi- 
lise. Sans  parler  des  traites  qui  nous  ouvrent  mainte- 
nant  les  principaux  ports  du  c61este  empire,  nous  cite- 
rons  pourpreuve  les  nombreux  voyages  qu'ont  tenths, 
dans  ces  deniiers  temps,  des  envoy^s  anglais,  des  mis- 
sionnaires  catholiques  et  protestants. 

Un  horticulteur  distingue,  M.  Robert  Fortune',  qui 
s'6taitd6ja  fait  connaitre,  il  ya  dix  ans,  par  la  relation 
de  son  s6jour  de  trois  anntes  au  nord  de  la  Chine,  a 
public,  I'an  dernier,  le  voyage  qu'il  fit  dans  le  meme 
pays,  de'1853  a  185(3.  Specialement  occup6  de  tout  ce 
qui  touche  au  commerce  du  the ,  M.  R.  Fortune  a  re- 
cueilli ,  sur  la  culture  de  cette  plante,  sur  les  pro- 
vinces ou  elle  fleurit,  des  details  d'un  grand  inti^ret 
g6ographique  et  economique.  Son  livre  nitrite  lememe 
succfes  que  son  premier  voyage  a  obtenu. 

Un  missionnaire  protestant,  le  r^v6rend  "William 
C,  Milne  a,  sous  le  titre  de  La  Vie  reelle  en  Chine,  pu- 
blic un  ouvrage  curieux,  r6cemment  traduit  en  fran- 
cais.  II  nous  montre  a  quel  degr6  d'avancement  social 
la  Chine ,  dont  il  parle  la  langue  en  vrai  naturel ,  est 
arriv6e  par  elle-meme.  Mais  a  cette  civilisation  au- 
tochthone  pendent  toujours,  pour  ainsi  dire ,  les  gue- 
nilles  de  la  barbarie ;  c'est  I'inverse  de  ce  qu'a  dit 
Horace  : 

El  magna  professis 
Purpureus,  late  qui  splendeal,  unns  et  alter 
Assuitur  pannus. 

Ce  haillon  de  la  barbarie,  I'Europe  seule  le  pent 
faire  disparaitre ;  seule ,  notre  civilisation  donne  aux 
peuples  un  lustre  que  ne  ternissent  ni  d'absurdes  pr6- 

XVn.    JANVIER  ET  ri:VRIl'l!.  li.  li 


(  50) 

jug6s,  ni  des  lois  l'6roces,  ui  dcs  iiislUulions  outra- 
geantes  et  inliumaines. 

En  pendant  de  la  relation  de  M.  Milne,  je  \  oiuirais 
ponvoir  citer  le  r6cit  impatiemnient  attendu  de  I'am- 
bassade  de  lord  Elgin  au  Japon.  (le  pays,  d'une  civilisa- 
tion plus  6tonnante  encore  que  celle  de  la  Chine,  s'est 
montr6  jaloux  a  I'exc^s  de  ne  subir  aucune  influence 
6trang6re ,    et  cependant,  malgr6  sa   fernieture  her- 
m^tiqne,   il    a  d6j^  adopts,  avant  que    nous  les  lui 
ayons  port6es,  les  d6couvertes  de  nos  sciences  et  les 
merveilles  de  notre  Industrie.  Le  Japon  6tait  rest^jus- 
qu'a  ]-»r6sent  poiu-  nous  une  veritable  term  iitcogniin  ,• 
ce  que  Ton  en  racontait  n'6tait  empruntt;  qua  de  vieilles 
informations ,  datant  d'lnie  6poque  ou  son  acc6s  6tait 
moins  difficile.  Et  d'abord  nous  ignorions  salangue; 
ignorance    qui   6tait  en   grande  partie  la  source  de 
toutes  les  autres :  car  la  langue  est  la  clef  des  esprits , 
et  il  faut  que  les  esprits  s'ouvrent  pour  que  les  rela- 
tions s'etablissent.  L'6tude  du  japonais  commence  a 
fleurir  en  Europe,  et  les  diflficult^s  singuli6res  dont 
elle  est  entour^e,  grace  a  la  pers6v6rance  de  quel- 
ques  jeunes  travailleurs,  disparaissent  graduellement. 
Vous  avez  eutendu  le  rapport  sp<^'cial  que  je  vous  ai 
fait.  Messieurs,  sur  I'ouvrage  de  M.  L.  de  Rosny ;  il 
vous  donne  la  mesure  de  ce  que  vous  pouvez  attendre 
de  ses  efforts.  Ce  n'est  passeulement  lapbilologie  k  la- 
quelle  cette  langue  fournit  des  apercus  nouveaux  et  des 
particulaiit6s  curieuses,  I'ethnologie  puiseaussi  dans  la 
coniparaisoii  du  japonaiset  des  autres  idiomes,  desdon- 
n6es  piecieuses  pour  I'liisloire  du  peuplenient  du  uou- 
veau  nionde.  On  pent  sen  convaincre,  en  lisant  ladis- 


(  51   j 
sertation  que  M.  HyacintJiede  Charencey  vientde  ['aire 
paraitre  sur  les  analogies  du  japonais  el  des  langues 
am6ricaines  (1). 

En  attendant  que  le  trait6  de  commerce  avec  1' em- 
pire japonais  ait  port6  ses  fruits,  nous  reprenons  les 
vieilles  relations,  avec  1' intention  de  comparer  les  infor- 
mations qu'elles  fournissent  i  celles  que  nous  recevrons 
bientot,  et  de  mesurer  par  la  le  progres  qui  s'est  accom- 
pli, depuis  un  sitele,  chez  ce  peuple  si  intelligent.  Ce 
n' est  done  pas  sans  fruit  quevous  lirez.  Messieurs,  I'in- 
t^ressante  publication  faite  r^ceniment  par  I'lnstitut 
royal  des  Indes  n6erlandaises,  de  la  relation  in6dite 
d'un  voyage  accompli  au  nord  et  a  Test  du  Japon, 
en  16^3.  L'auteur  de  ce  journal  est  C,  J.  Coen,  qui 
montait  le  navire  le  Castncum,  dans  I'exp^dition  de 
Maarten  Gerritsz  Vries.  C'est  a  M.  Leupe  que  Ton  est 
redevable  de  I'impression  du  manuscrit;  il  I'a  enrichi 
de  notes  savantes.  On  trouve  a  la  fm  de  I'ouvrage  une 
bonne  carte  et  un  appendice  des  plus  curieux,  tant 
sous  le  rapport  g6ographique  qu'ethnograplnque.  Get 
appendice  traite  des  iles  Yeso,  Krafto  et  Kouriles  et 
renferme  des  details  sur  la  langue  des  Ainos,  commu- 
niques par  leC^lebre  orientaliste  P.  F.  deSiebold. 

La  cote  qui  fait  face  au  Japon  est  de  venue ,  depuis 
roccupation  russe ,  le  theatre  d'une  exploration  intel- 
ligente  et  circonstanci^e.  Je  vous  ai  d6ja  entretenus , 
I'an  dernier,  de  la  grande  expedition  sib^rienne  orga- 
nis6e  par  notre  soeur  de  Saint-P6tersbourg.  La  science 
recueille  tous  les  jours  les  fruits  de  cette  lieureuse 
entreprise. 

[\)  lirrue  aiiiri  iriiiix'  ri  oriciilnji',  1*'' luimf'ro,   IS58. 


(  52  ) 

La   Socit'!t6  iniperiale   tie  g^ographie   fie  Riissie  a 
donn6  cette   aiinee,  clans  son  Bulletin,  deux  rapports 
enian(!'s  dc  deux  des  meuibres  de  I'exp^dition  :  I'un  est 
du  k  I'astronome  SchwartzJ'autre  au  naturaliste  Radde. 
Le  meme  rocueil  public  en  outre  de  nombreux  docu- 
ments rclatifs  a  la  geographic  de  la  Sibcric  et  des  con- 
trees  liniitrophes  de  la  Chine,  M.  de  Sem6now  a  fait 
paraitrcun  premier  voyage  au  Tliian-Chan,  enl'accom- 
pagnant  d'une  carte  (1);  on  y  trouve  indiqu6c  la  topo- 
graphic de  la  region  peu  connue  qui  s'6tend  au  sud  du 
nouvel  etablissement  russe  de  Kopal.  AI.  Pctermann  a 
reproduit  cette  carte  avec  des  additions  dans  scs  Mil- 
theiltmgeii.  Elle  coraprend  le  cours  de  I'lli  et  la  region 
du  lac  Issyk-Koule,  entre  le  AS"  et  Ic  /i5*  lat.  nord. 
L'lli ,  qui  va  se  jeter  dansle  lacBalkhasch  ou  Dengis, 
s6pare  les  montagnes  de  la  Dzoungarie  du  bassin  de 
rissyk-Koule ,  et  reroit,    entre   Hoi-Youan  et  Ilysk, 
de  nombreux  affluents.  L'Issyk-Koulc,  egalement  ali- 
ment6  par  divers  cours  d'eau,  est  borne  au  nord  par' 
la  chaine  transilienne  de  I'Alatau  ,  et  au  sud  par  les 
montsThian-Chan,  dontla  s6pare  lavallee  dcTcrskey. 
A  I'oucst  de  I'Alatau  transilien,  s'6l6ve  le  Talgarnyntal- 
Tchoukou,hautde5000pieds,  et  sur  Icquel  le  Tchilik,' 
un  des  principaux  affluents  de  l'lli,  prend  sa  somxc.  Au 
dela  de  la  rive  droite  de  cette  derni6rc  riviere,  s'etendent 
les  chahies  de  I'Alainan   et  dc  Djaugys-Agatch,  d'oii 
s'6chappent  les  cours  d'eau  qui  forment  le  Karatal , 
dont  les  ondesvont,  comnie  ccllesde l'lli,  grossir  Ic  lac 


(1)  Karla  tchasli  Vnoulrenney  Aziy  ss  Uhrehlami  DjoungnrsMmmy 
7.ai1iysl;imm  Alalnou  Tiann  Chanemm  y  OzTomm  Yssyk  Koufe.  L'd- 
chclle  est  dumuV  en  niilles  anglais. 


( '^3 ) 

Balkasch.  Au  nord  du  Karatal,  court  la  chaiiie  de  I\.o]ml, 
sur  le  pied  septentrional  de  laquelle  s'616ve  la  ville  du 
meme  noai,  fondle  par  les  Uusses  en  18/i7  pour  pro- 
t^ger,  contre  les  incursions  des  Kirghises  ind6pcndauts, . 
les  Rirgliiscs  qui  reconnaissent  le  gouverneinent  du 
tsar.  Biitie  sur  la  riviere  qui  lui  emprunte  son  nom  et 
qui  se  jette  dans  le  Kisyl-Agatcb,  Ropal,  situ6e  dans 
un  pays  bien  cultiv6,  est  deja  une  ville  florissante. 

Les  montagnes  de  la  Dzoungarie  fornient  la  ligne  de 
partage  entreles  eauxqui  se  versent  dans  le  Balkascliet 
celles  qui  se  rendent  au  Borotala.  Au  sud  du  bassin  de 
cette  dernit;re  riviere,  le  lac  Sairam-Koule  constitue  un 
vaste  reservoir  qui  recoit  les  eaux  des  monts  Iren-Kha- 
birgan,  arete  de  partage  entre  les  affluents  de  I'lli  et 
ceux  du  Borotal. 

M.  Radde,  dont  j'aiprononcetoutM'hem-e  le  noni,  a 
public  sur  les  frontieres  de  la  Daourie  et  les  contr6es 
transbaikaliennes ,  un  aper^u  substantiel  ou  sont  d6- 
crites,  sous  le  raj)port  topographique  et  physique,  les 
steppes  de  cette  region.  M.  le  lieutenant  Ousoletsow  a 
entrepris,  aux  sources  du  Gilioui  et  sur  la  rivifere  Z6a, 
une  exploration  qui  conq)letera  cc  que  nous  savons 
du  bassin  de  1' Amour.  Dt^ja  les  principaux  affluents  de 
ce  lleuve  out  6t6  reconnus ,  et  le  bidletin  de  la  Soci^te 
de  Russie  nous  en  fournit  une  excellente  description. 
Les  peuples  qui  habitent  les  memes  rt^gions  n'ont  pas 
moins  6t6  6tudi6s  que  les  lieux.  M.  Orlow,  un  des 
membres  de  I'expc'dition  de  Sib6rie ,  a  fait  paraitre, 
dans  le  xxv  volume  des  Memoires  de  la  Societe  de  geo- 
graphie  de  Saint- Petersbourg,  une  notice  SUr  les  Ton- 
gouses  de  Bauntowsk  et  de  1' Angara,  dont  le  Juumal 


(  '^fx  ) 
lie  In  Sociefe  fie  Berlin  nous  a  tlonn6  une  version  alle- 
niande.  Les  Tongouses  forment ,  comme  on  salt ,  un 
des  chainons  interm6diaires  enire  les  races  finno-sib6- 
riennes  ou  altaicjues  et  les  races  mongoles.  De  la  I'in- 
t6ret  particulier  qui  s'attache  a  leur  iiistoire.  M.  Orlow 
a  r6uni  des  details  sur  leurs  uiceurs ,  sur  le  calendrier 
qui  r6gle  ce  qu'on  pourrait  appelcr  le  cycle  de  leur 
existence  annuelle. 

Je  voudrais  pouvoir  extraire  dc  la  relation  d'un 
voyageur  americain  ,  qui  a  parcouru  les  regions  sur 
lesquelles  la  Russie  6tend  son  puissant  patronage , 
quelques-uns  des  curieux  6pisodes  qui  en  rendent  la 
lecture  si  attachante.  Le  livre  de  M.  Th.  A^  .  Atkinson, 
intitule  :  Orien/nl  and  IVestern  Siberia ,  est  le  fruit  de 
sept  anuses  d' une  exploration  bardie  et  pers6v6rante , 
telle  que  les  liommes  de  race  anglo-saxonne  savent  les 
eflectuer.  M.  Atkinson  a  visits  la  Sib6rie,  la  Tar- 
tarie  cbinoise,  la  steppe  des  Kirgliises  ,  et  une  partie 
de  I'Asie  centrale.  Son  livre  n'est  pas  une  ceuvre  scien- 
tifique,  c'est  la  biographic  aniai6e  d'un  voyageur  que  la 
curiosit6  conduit  et  que  le  danger  attire.  La  lecture  en 
est  trfes  propre  k  nous  donncr  une  juste  id^e  d'une  con- 
tr6e  oh.  1' existence  demeure  comme  le  dernier  6cho  de 
la  vie  des  premiers  ages. 

Les  bords  du  fleuve  Amour  out  et6  visit6s  par  un 
voyageur  qui  a  suivi  une  direction  oppos^e  a  celle  des 
expeditions  russes.  M.  Olio  Esche,  n^gociant  h.  San- 
Francisco,  s'est  rendu  en  I\Iandcbourie,  avec  la  pens6e 
de  noucr  des  relations  conimerciales  entre  rembouchure 
de  I'Amour  et  les  etablissements  russes  de  I'Am^rique. 
Dans  ce  but,  il  arma  un  navire,  I' Oscar,  et  gagna,  par 


■(  55  ) 

le  d^troit  de  La  P6rouse,  la  baie  de  Castries.  II  coupa 
I'archipel  des  Rouriles,  entre  les  iles  Simousir  et  Ou- 
loiip.  Dans  la  premiere  de  ces  iles,  il  a  partout  troiiv6 
es  traces  de  la  terrible  eruption  volcanique  dont  elle 
a  eu  i  soufTrir,  il  y  a  environ  huit  ans. 

Le  IZi  juillet  1857,  I' Oscar  mouillait  dans  la  baie  de 
Castries,  et  une  marche  de  quelques  heures  conduisail 
M.  Esche  aux  bords  de  lamer  de  Kisi,  d'ou  il  se  rendit, 
sur  une  petite  embarcation,  a  Nikolaiewsk,  qu'il  attei- 
gnit  le  8  aout.  C'est  aujourd'hui  une  ville  ilorissante, 
construite  sur  un  large  plateau  aussi,6tendu  que  San- 
Francisco.  Une  belle  foret  entoure  la  ville,  et  la 
place  du  march6  peut  d6j^  le  disputer  en  superficie 
au  Washington-Square  de  la  cit6  californienne.  De  \k 
rayonnent  de  larges  rues.  Quoiqu'on  ne  rencontre  pas 
encore  d' hotels  a  Nikolaiewsk,  les  ressources  sont  loin 
d'y  manquera  I'Europ^en.  Sansparlerd'un  restaurant, 
d'une  salle  de  bal,  d'un  caJjinet  de  lecture  fourni  de 
tousles  journaux  allemands,  francais  et  beiges,  on  y  a 
6tabli  une  bibliothfeque  dejk  riche  de  h  000  volumes. 
C'est  la,  il  faut  le  dire,  un  fait  des  plus  honorables 
pour  I'arm^e  russe,  car  ilt^moignede  ses  gouts  studieux; 
Nikolaiewsk  n'est  gu6re  eo  efletpeupl6  qued'officiers, 
et  ne  peut  etre  encore  regarde  que  comme  une  for- 
teresse.  Au  voisinage  de  la  ville,  s'616vent  divers  villages 
oil  le  paysan  russe  cultive  avec  succfes  nos  cer^ales  et 
nos  plantes  potag^res.  Le  tabac,  le  chanvre  surtout,  font, 
sur  les  bords  de  1' Amour,  I'objet  d'un  commerce  impor- 
tant, tandis  que  les  flotsdu  fleuveamfenentdans  la  ville 
des  trains  de  bois  des  essences  les  plus  varices.  Quatre 
bateaux  a  vapeur  sillonnent  I'Amour  en  tons  sens. 


(  50  ) 

Le  voyageur  californien  a  ete  frapp6  de  I'analoglc 
qTi'ofTre  ce  fleuve  avec  I'Elbe.  A  mesure  qu'on  approchc 
de  son  embouchure,  I'Amour  s'agrandit,  et  a  Cap- 
Pronge,  aii-dessous  de  Nikolaiewsk,  sa  largeur  est  d'en- 
viron  /lO  milles.  Tout  annonce  que  la  nouvelle  cit6  russe 
sera  uii  jour  le  centre  d'arnienients  iniportants  pour  la 
peclie  de  la  baleine,  tandis  que  la  presence  de  riches 
houlUeres  assure  au  commerce  maritime  un  avenir  quo 
nous  ne  ponvons  encore  entrevoir.  Les  m6taux  ne  font 
pas  non  plusdefaut  dans  les  environs  Bref,  Nikolaiewsk 
nous  apparait  comme  devant  elre  nii  jour  un  des  plus 
beaux  fleurons  de  la  couronne  des  tsars. 

Taudis  que  la  Russie  voit  grandir  cliaque  ann^e  sa 
puissance  en  Asie,  et  son  peuple  prendre  possession  du 
sol  par  des  conquetes  faciles  et  durables,  I'Angleterre 
sent  s'ebranler  sous  elle  les  fondements  du  gigantesque 
empire qu'elleavait  fond6  aux  Indes.  II  ne  nous  appai- 
tientpasde  parlerici  de  la  guerre  fatale  qui  fait  couler 
tant  de  sang,  ct  que  deplorent  en  lueme  temps  la  civili- 
sation et  I'humanite.  La  Grande  Bretagne  a  rendu  a  la 
science  des  services  qu'on  ne  saurait  oubUer  sans  ingra- 
titude ;  elle  nous  a  ouvert  des  tr^sors  quelle  a  gen^reu- 
sement  mis  a  la  disj^osition  de  tous  les  esprits  curieux. 
Esp6rons  done  que  1' avenir  de  tantde  recherclies  etde 
travaux  n'est  pas  compromis,  et  en  attendant,  applau- 
dissons-nous  de  rencontrer  encore  chez  les  Anglais  des 
publications  qui  compl6tent  I'ensemble  des  magnifiques 
travaux  entrepris  par  eux  sur  les  Indes  orientales. 

Et  d'abord,  je  dois  citer  une  ceuvre  ca])ilalc,  lanl  pour 
la  g6ograpliie  que  pour  la  geologic,  les  Docitmenis  ';i:a- 
logifjitcs  sur  I'Ini/e  ovcideiitalc,  y  compri's  Ic  hoiitc/t,  le 


(  57  ) 
Sindh  et  la  cote  sud-csl  de  rArahie,  Cet  ouvragc ,  eil- 
richi  d'excellentes  cartes,  de  coupes  et  de  plans,  est 
accompagn^  d'un  apercii  de  la  geologie  de  I'lnde  en 
g6n6ral.  L'auteur  est  M.  Henri  J.  Carter.  Mais  a  ce 
m6decin  seul  ne  revient  pas  tout  I'lionneur  d'un  travail 
si  etendu  ;  il  a  du  mettre  a  contribution  et  reproduire 
un  grand  nombre  de  travaux  particuliers.  L'espace  me 
manque  malheureusement  pour  en  designer  les  au- 
teurs;  a  plus  forte  raison  me  manque-t-il  aussi,  pour 
suivre  les  explorateurs  anglais  dans  la  description  qu'ils 
nous  donnent  d'un  sol  ou  Ton  rencontre  a  chaque  pas 
le  granite,  le  trapp  et  le  basalte.  l.a  ville  de  Bombay, 
quia  donn^le  jour  a  cette  i^ublication,  poss^de,  comrae 
vouslesavez.  Messieurs,  une  Societe  asiatique  dont  le 
recueil  est  d'un  liaut  interet.  Je  signalerai,  parmi  les 
m^moii'es  ins6r6s  dans  les  derniers  numeros  qui  nous 
soient  parvenus,  une  notice  historique  et  arch^ologique 
de  M.  H.-B.-E.  Frere  sur  les  anciennes  villes  du  Sindli, 
travail  de  nature  a  r^pandre  quelques  lueurs  dans 
cette  tenebreuse  g^ographie  de  I'lnde  antique,  oii  notre 
confrere,  M.  Vivien  de  Saint-Martin  ,  a  fait  de  si  lieu- 
reuses  d^couvertes. 

La  geographic  ancienne  de  I'lnde  est  un  champ  tout 
rt^cemment  mis  en  culture.  Des  orientalistes  6minents, 
MM.  Lassen  et  Reinaud ,  avaient  deja  jet6  les  fonde- 
mentsde  son  etude;  mais  M.  Vivien  de  Saint-Martin 
I'a  reprise  avec  les  lumi^res  d'un  g6ographe  de  pi'o- 
fession.  Les  memoires  qu'il  alus  a  I'lnstitut,  celui  qu'il 
a  tout  r(3cemment  publie  sous  le  titre  de  Memnire  ann- 
lytitjiie  siir  In  carte  de  FJsie  cent  rale  et  de  Vlnde ,  can- 
itrn/le  d'aprcs  Ic  Si-yii-ki^  lui  font  le  plus  grand  hou- 


(  58  ) 

neur  et  ne  soiit  pas  indignes  des  travaux  des  meilleurs 
critiques  en  g6ographie.  Le  dernier  m^moire  et  la  carte 
qui  I'accorapagne,  ajoutent  un  nouveau  prix  a  la  pr6- 
cieuse  pu])lication  des  Memoires  sur  /ex  contrees  ncci^ 
dentales,  tradiiits  dii  sdiiscrit  en  cliinois  en  ran  0^8,  par 
Hiouen  Thsang  ,  et  du  chinois  en  francais  ,  par  notre 
c616bre  sinologue  M.  Stanislas  Julien.  (-et  ouvrage, 
dont  le  second  volume  a  paru  r^ceniment,  donne  un 
tableau  infiniment  curieux  de  I'lnde,  au  vii*  sifecle  de 
notre  ere.  Grace  a  la  carte  de  notre  confrere  M.  Vivien 
de  Saint-Martin ,  on  peut  suivre  I'itineraire  du  voya- 
geur  bouddliiste,  et  se  faire  une  id^e  exacte  d'unc  partie 
de  I'Asie,  a  une  6poque  oil  les  Hindous  n'olTrent  que 
des  r6cits  fabuleux  et  des  reveries  po6tiques. 

Mais  revenons  aux  publications  de  la  Soci6t6  de  Bom- 
bay. Son  recueil  renferme  un  autre  travail  6galement 
important  pour  la  g^ographie  de  I'lnde  antique,  c'esl 
lui  uK^moire  de  M.  A.-F.  Bellasis  sur  les  restes  de 
Brahminabad,  qui  fournira  un  chapitre  a  I'histoiredes 
cit6s  ruin6es  de  I'Hindoustan. 

Je  passe  h  d'autres  publications.  SirW.-H.  Sleemanu, 
ancien  resident  britannique  a  la  cour  de  Lucknovv,  a 
fait  paraitre  k  Londres ,  sous  le  titre  de  Journal  d'un 
voyage  dans  le  royaume  d^Onde^  un  apercu  g^Ogra- 
phique  complet  de  cet  Etat ,  auquel  I'insurrection  de 
rinde,  dont  I'Oude  a  6t6  le  berceau,  donne  un  int^ret 
tout  particulier. 

Les  Anglais  ne  sont  pas  les  seuls  a  explorer  I'lnde. 
La  savante  Allemagne,  qui  s'approprie,  pour  les  fi^con- 
der,  les  d6couvertes  de  la  France  et  de  1' Angleterre , 
fournit  aussi  son  contingent  de  voyageurs,  et  leurs 


( '^p ) 

explorations  sont  marquees  de  ce  meme  cachet  de  pro- 
fondeur  et  de  sagacit6  qui  est  empreint  sur  toiites 
ses  oeuvres.  Qiiand  il  s'agit  de  vesoudre  quelque  grand 
problfeme  g^ographique  et  d'embrasser  dans  une 
meme  exploration  toutes  les  branches  de  la  science, 
c'est  aux  Allemands  qu'on  s'adresse.  L'Angleterre,  qui 
a  regu  d'eux  plusieurs  de  ses  meilleurs  ethnologistes, 
leur  a  demand^  Barth ,  Overweg ,  Vogel.  Trois  autres 
Allemands ,  les  frferes  Schlagin+,weit ,  se  sont  partage 
les  contr6es  les  moins  explor^es  de  I'Hindoustan  et  de 
la  haute  Asie.  Leur  mission  produira  certainement  une 
des  ffiuvres  les  plus  achev6es  dont  cttte  region  du 
monde  ait  fourni  la  matifere.  Pourquoi  faut-il  que  la 
nouvelle  de  la  mort  de  I'un  d'eux  soit  venue  attrister 
tous  les  amis  de  la  science  et  faire  6vanouir  quelques- 
unes  de  nos  esp6rances.  M.  Adolphe  Schlagintvveit  a , 
dit-on,  p6ri  au  voisinage  d'Yarkand!  II  serait  trop  long 
de  tenter  meme  une  simple  esquisse  des  voyages  des 
freres  Schlagintweit,  aussi  renverrons-nous  a  I'excellent 
tableau  qu'en  a  donne  dans  les  Anna  les  des  Voyages  (1) 
notre  z6l6  confrere  M.  Malte-Brun. 

Un  autre  voyageur,  qui  a  visite  I'lnde  en  touriste, 
mais  qui  n'en  est  pas  cependant  pour  cela  un  obser- 
vateur  moins  fin  et  moins  judicieux,  a,  sous  le  pseudo- 
nyme  dH Ononmndej\  r^cemment  fait  paraitre  ses  im- 
pressions. Le  premier  volume  de  son  ouvrage,  intitule  : 
L'^nccen  et  le  noiu'eait  dans  les  conlrees  de  rOrient 
[Attes  itnd  Neiies  uus  den  Landein  des  Osteits)^  est 
consacr6  a  I'Hindoustan.   Le  voyageur,  dont  il   nous 

(1)  ^Mna(es  des  Voyages.  Fdvrier  1858. 


( ^0) 

a  6te  ais6  de  percer  ranonyme,  et  dont  nous  croyons, 
pouvoir,  sanstrop  d'indiscrc^tion  ,  donner  ici  le  nom  , 
M.  Ic  [)nnce  Frederic  dc  Schleswig-Holstein-Augiis- 
teiiburg ,  a  visits  Madras  et  Calcutta ;  il  a  6tudie  la 
condition  de  I'Hindoustan,  pr6cis6ment  au  moment  ou 
se  preparait  la  grande  insurrection  ,  et  jug6  a  un  jjoint 
de  vue  independant  ce  que  nous  ne  connaissons  trop 
souvent  que  d'apres  les  relations  anglaises.  Arriv6  par  la 
route  de  I'Australie,  le  prince  F.  de  Schleswig  a  oper6 
son  retour  en  Europe  par  I'Egypte  et  I'Asie  Mineure , 
a  I'etude  desquelles  il  consacre  son  second  volume. 
On  rccoimait  dans  cette  relation  int6ressante  un  esprit 
nourri  de  fortes  Etudes  et  anim6  des  plus  nobles  sen- 
timents. 

Je  ne  doispas  quitter  I'Hindoustan,  sansvous  parler 
d'une  notice  int6ressante  sur  la  distribution  du  coton- 
nier  et  sur  le  commerce  du  coton.  Ce  m^moire,  public 
par  le  Journal  'genera!  de  ii^eogrnpliie  de  Berlin  (1),  bieu 
que  consacre  a  une  industrie  qui  s'6tend  sur  les  deux 
mondes,  a  son  origine  dansl'Inde.  On  saitquec'est  de 
cette  contree  que  provient  le  gossypimn  herhacenm.  A 
une  6poque  fort  reculee,  les  Pheniciens  I'y  allaient  dt^ja 
chercher  pourteindre  les  6tofles  qu'ils  en  fabriquaient 
de  leur  pourpre  magnifique. M.  le  professeur  F.^^  .  Schu- 
bert (de  Roenigsberg) ,  en  composant  cette  notice,  a 6cnt 
une  page  a  joindre  a  une  nouvelle  Edition  du  grand 
ouvrage  de  Heeren  sur  le  commerce  de  I'antiquit^. 

L'Asie  centrale  et  I'Asie  occidentale  me  fournissent 
cette  ann6e,  Messieurs,  des  sujets  si  nombreux  d'ana- 

(IjFdvrier  1858. 


(  61  ) 
lyses  et  d 'indications,  que  je  me  vois  force  de  faire  un 
choix.  Et  pour  ne  pas  demeurer  constamment  dans  des 
regions  si  lointaines,  je  me  transporterai  tout  de  suite 
jiTextreme  Occident,  dans  la  Palestine  etl'Asie  Minenre, 
oil  les  souvenirs  liistoriques  embellissent  encore  plus 
le  tableau  que  la  nature  menie.  La  ferveur  religicuse 
des  Anglais  et  des  Anglo-Auiericains  donne  tous  les  jours 
naissance  a  des  explorations  de  quelque  nouvelle  partie 
de  la  Terre-Sainte,  dont  la  g6ographie  fait  d'ordinaire 
son  profit.  Je  ne  dirai  rien  de  la  nouvelle  edition  des 
excellentes  Recherches  d'Edouard  Robinson  et  d'Eli 
Smith  qui  renferme  les  documents  recueillis  en  1852 ; 
leur  reputation  est  aujourd'hni  europ6enne.  Le  voyage 
de  M.  Cyrille  Graham  dans  le  desert  oriental  d'Hauran, 
I'ancien  pays  de  Bachan,  foiirnit  a  la  geographic 
sacr6e  des  documents  nouveaux  qui  ne  sont  pas 
sans  importance.  Le  voyageur  anglais  croit  qii'on  peut 
encore  retrouver  des  traces  des  villes  qui  existaient 
dans  le  pays  d'Og,  au  moment  de  la  conquete  des  Israe- 
lites. II  a  decouvert  des  inscriptions  en  langue  incon- 
nue,  et  dont  les  caractferes,  suivant  la  remarque  du  doc- 
teur  Barth,  offrent  une  curieuse  ressemblance  avec  ceux 
qui  sont  encore  en  usage  chez  les  Berbers.  Quelques- 
uns  les  croient  ph6niciennes ;  la  philologie  r6soudra 
sans  doute  bientot  ce  cmieux  probleme. 

L'etude  attentive  des  textes  bibliques  faite  sur  les 
lieux,  a  permis  a  M.  le  pasteur  F.  Valentiner,  d'^clai- 
rer  certains  points  de  la  topogl'aphie  de  la  tribu  de  Ben- 
jamin. Son  travail  a  6te  insure  dans  le  Journal  de  la 
Societe  orivntale  de  Leipsick. 

M.  G.  llosen  s'est  attache  ix  faire  mieiix  connaitre  la 


(  (^2  ) 

vall6e  d'H6bron  et  les  contrees  euvironnaines.  Son  m6- 
moire,  public  par  le  menie  journal,  et  r6dig6  k  Jeru- 
salem en  1856,  annonce  une  vaste  et  solide  Erudition 
mise  au  service  d'une  parfaite  intelligence  des  lieux. 

fidouard  Robinson  n'cst  pas  le  seul  voyageur  dont  la 
mort  ait  interrompu  les  excellents  travanx  ;  nous  avons 
a  regretter  celle  d'un  autre  explorateur  do  la  Palestine, 
M.  leprofesseur  J.B.  Roth,  quiasuividepresrinlbrtun^ 
baron  de  Neiiuans.  Ses  travaux  sur  la  mer  Morte,  surla 
m6t6orologie  de  la  Palestine  ,  sur  riiypsom6trie  du 
Wady-el-Arabat ,  et  sur  la  g^ograpliie  des  contr6es  si- 
tu^eskl'estdu  Jourdain,  forment  un  ensemble  de  docu- 
ments du  plus  haut  int6ret,  Parnii  les  r6sultats  cu- 
rieux  dus  aux  recherches  du  savant  voyageur  bavarois, 
je  citerai  des  Etudes  sur  I'histoire  du  commerce  de  la 
pourpre  enPh6nicie,  histoire  6troitement  ]i6e  a  celle  de 
la  g6ographie.  11  aretrouve,  entreFancienneTyr  etl'an- 
cienne  Sidon ,  le  nntrej:  fmncu/us,  qui  fournissait  en 
abondance  une  couleur  rouge  beaucoup  plus  6clatante 
que  notre  pourpre  actuelle;  M.  Roth  y  a  reconnu  la 
pourpre  des  Tyriens.  Un  fait  non  moins  important  pour 
lag6ographiezoologic{ue,c'estla  constatation  de  I'exis- 
tence  du  crocodile  dans  deux  petites  rivieres  de  la 
Palestine,  le  Zerka  et  le  Difleh,  qui  coulent  entre  Jaffa 
et  C6sar6e.  Le  voyageur  a  d6couvert  dans  le  sable  les 
restes  de  quelques-uns  de  ces  reptiles  dont  les  anciens 
nous  avaient  signal6  la  presence,  confirmant  ainsi  ce 
qu'avait  d(§ja  rapporte  ifttre  confrere  M.  Victor  Gu6rin, 
et  dissipant  les  doutes  que  I'annonce  du  fait  avail 
souleves. 

La  Cilicie  est  assurement  une  des  provinces  del'Asie 


(f53  ) 

Mineure  les  plus  int^ressantes  a  etuclier  pourl'Iiistoire 
et  la  g6ologie.  Les  anciens  ne  nous  out  laisse  sur  sa 
geographie  que  des  details  insufFisants.  Aussi  doit-on 
remercier  le  D' Theodore  de  Rotschy  de  la  publication  de 
son  savant  voyage  dans  le  Taurus  de  Cilicie.  L'liistoire 
naturelle  trouve,  il  estvrai,  plus  a  prendre  encore  que 
nos  Etudes  favorites,  dans  cette  relation  qu'ont  fait  con- 
naitre  les  Ammles  des  voyages.  Mais  il  n'y  a  pas  de 
bonne  6tuded'un  pays  sansune  connaissancedu  sol,  et 
toiitce  quele  D'' de  Kotschy  nous  apprend  en  histoire 
naturelle,  nous  donne  une  vue  plus  exacte  des  lieux. 
M'""  la  princesse  Belgiojoso  a  publie,  sous  le  titre  de  Sou- 
\>riiiis  de  7'nyage  en  Asie  Mineure  et  en  Sfiie,  une  relation 
personnelle  qui  ne  saurait  avoir  les  pretentions  d'une 
ceuvre  scientifique,  niais  ou  Ton  retrouve  le  talent  d'6- 
crivain  et  la  finesse  d'aper^usqui  caract6rise  cet  auteur 
distingue.  C'est  1' ceuvre  d'une  touriste,  mais  un  esprit 
de  la  trempe  de  la  princesse  Belgiojoso  ne  saurait  obser- 
ver un  pays  comme  tout  le  monde,  et  Ton  est  assure 
de  trouver  dans  son  livre  des  details  de  ma5urs  et  une 
appreciation  des  choses  qui  ont  bien  aussi  leur  valeur 
scientifique.    II    semble  qu'il    restera  bientot   pen   a 
faire  aux  explorateurs  de  I'Asie  Mineure.    Car  M.  de 
Tchihatcheff,  qui  s'est  d6ja  fait  connaitre  par  un  excel- 
lent voyage  dans  cette  region,  en  prepare  un  nouveau. 
Les  contr^es  situ6es  plus  a  Test  de  la  Turquie  et  sur 
les  confins  de  la  Perse  et  de  cet  empire  redament 
niaintenant  toute  notre  attefition.  C'est  la  qu  on  peut 
csp6rer  encore  de  grandes  decouvertes  pour  la  geogra- 
phic ancienne  et  I'archeologie.  Les  bords  du  lac  Our- 
mia  ont  ete,  en  1856,  I'objet  d'une  exploration  interes- 


((54  ) 

sante  de  la  part  de  M.  Nicolai  de  Seidlitz.  Nous  en 
devons  la  relation  a  rcxcellent  journal  de  Al.  Petermann. 
Ourmia  se  distingue  de  Tabriz  et  des  autres  cit6s  voisincs 
par  ses  nies  larges,  ses  places  elegantes,  sos  cinietii^res 
pittoresques.  Toute  la  contr^e  qui  environne  le  lac  est 
liabitec  par  dcs  tribus  de  races  diverses,  entre  lesquelles 
on  est surtout  fiappe  de  rencontrer  des  Tartares  de  la 
tribu  des  Karapapaks.  Mais  ce  sont  les  Kurdes  qui  do- 
niinent;  la  langiie  de  cette  population  int6ressante, 
tlont  I'originc  est  encore  un  probleine  pour  les  ethno- 
logistes,  a  fourni  a  M.  Lerscli  le  sujct  d'un  m^nioire  in- 
terossant.  Le  Kurdistan  parait  d'ailleurs  renfcrmer  des 
populations  d'origines  difT^rentes,  sur  lesquelles  le  nie- 
moire  de  M.  O.  Blau  est  venu  jeter  un  jour  pr6cieux. 
Get  orientaliste  a  publie,  dans  le  Journal  de  la  Societe 
orientale  deLeipsick,  une  notice  tres  substantiellc  con- 
sacr6e  aux  races  du  nord-est  duRiu'distan.  II  en  distin- 
gue quatre  principales,  les  Djelali,  les  Melanli,  les  Scha- 
kaici  et  les  Haideranli.  Les  Ktu'des  forment  entre  eux 
de  veritables  clans,  et  cette  organisation  les  s^pare 
compl6tenient  des  Turcomans  et  des  Armeniens.  M.  Blau 
estimc  a  5000  tcntes  la  population  des  Djelali. 

On  retrouvera  quelques-uns  de  ces  details,  niais 
acconipagn6s  de  beaucoup  d' autres  informations,  dans 
le  Voyage  a  Mosxoid  et  a  Oanii/a,  dcM.  C.  Sandreczki, 
dontleS*  volume  aparu  I'an  dernier  aStuttgard.  L'au- 
teur  a  visits,  en  observateur  attentif  et  instruit,  toute 
la  valine  du  Tigre  et  su  ajouter  beaucoup  a  ce  que 
nous  en  savions  cW]k. 

M.  de  Kotschi,  dont  je  vous  entretenais  tout  k  I'heure, 
ne  s'est  pas  seulemenl  fait  connaitre  par  son  int^ressant 


(  65  ) 

voyage  en  Cilicie.  II  a  aiissi  explore  la  Perse  et  op6r6 
I'ascension  du  Demawend.  La  hauteur  de  ce  volcan, 
situ6  ^  environ  neuf  milles  g^ographiques  du  littoral  sud 
de  la  Caspienne,  est  presque  double  de  celle  del'Etna. 
Avant  M.  de  Kotschy,  on  ne  connaissait  encore  qu'un 
seal  europeen,  M.  Thompson,  qui  eut  tent6 cette  p^i'il- 
leiise  ascension. 

Line  expedition  a  et6  envoy^e  par  le  gouvornement 
russe  dans  le  Khoracan.  Nous  apprenons  par  le  Bulletin 
de  la  Soci^te  de  Saint-P6tersbourg,  que  ses  merabres 
etaient  arrives  a  Tiflis  a  la  fin  de  Janvier  dernier,  et 
qu'a  cette  epoque,  le  capitaine-lieutenant  Ristori  etait 
meme   d^jk  rendu  k  Bakou,  ou  tous  les  menibres  de 
I'expedition    sont  arrives  le  15  mars.    Le  professeur 
Bunge,  dans  son  trajet  de  Tune  a  1' autre  de  ces  villes, 
avait  r6uni  quelques  faits  int6ressants  pour  I'histoire 
naturelle.  Des  informations  pr^cieuses  ont  6t6  recueillies 
sur  le  Mazanderan  et  les  environs  d'Ast^rabad.  Nous 
y  voyons  qu'il  existe  dans  les  vall(5es  bois6es  situ^es  an 
pied  des  montagnes  de  cette  province,  une  population 
parlant  le  meme  dialecte  persan  (le  tate) ,  qui  se  parle 
dans  les  parties  m^ridionales  du  cercle  du  Rouban  et 
dans  celui  de  Bakou,  population  qui  a  6t6  jadis  vrai- 
semblablement  transport^e  par  les  rois  Sassanides  dans 
les  parties  les  plus  septentrionales  de  leur  vaste  empire. 
Le  dialecte  du  Mazanderan  proprement  dit  n'apparait 
que  dans  les  montagnes  plus  61oign6es  ( I ) . 

Le  Khoracan  est  appel6  k  jouer,  dans  les  destinies 

(1)  Vieslnikk  imperatorsliago  rnusslcago    yccgrafhitcheslago  obch 
tcheslva,  1838,  n"  7,  p.  S8,  41. 

XVII.     JANVIER   ET    F^VRIER.     5,  5 


(  60  ) 
politiques  de  I'Asie,  un  rdle  important,  et  les  Russes 
n'ont  rien  n^glig6  pour  que  leur  expedition  tournat  au 
profit  de  toutes  les  branches  de  la  science  g6ogra- 
phique.  Sa  direction  est  confiee  au  savant  M.  Khanikow, 
dontle  noni  vous  est  d6ji\  bien  connu.  Un  apergu  du  plan 
qu'embrasse  I'exp^dition  nous  est  fourni  par  le  bulletin 
de  la  Soci6t6  imp6riale  de  Saint-P6tersbourg. 

Cette  exp(Jdition  se  rattache  au  vaste  projet  d' exten- 
sion de  son  influence  en  Asie  nourri  par  le  gouverne- 
ment  russe.  D6ja,  depuis  longues  annexes,  cet  empire  pre- 
pare les  voies  qui  doivent  lui  ouvrir  I'accfes  de  I'Asie 
m6ridionale.  Nous  en  avons  la  preuAe  dans  un  voyage 
fait  en  1793  etJ79i!i,  a  Khiva,  par  le  major  Blankenna- 
gel,  et  dont  la  relation  abr6g6e  a  paru  cette  ann^e 
avec  des  remarques  de  M.  Grigoriew,  dans  le  Bulletin 
de  la  Soci6t6  de  Saint-P6tersbourg.  Le  major  russe 
explora  tout  le  bassin  de  I'Aral,  dans  le  but  de  connaitre 
les  ressources  du  pays  et  les  d6bouch6s  qu'il  pouvait 
offrir  au  commerce  moscovite.  II  fut  frapp6  des  richesses 
min6rales  de  Khiva,  de  I'abondance  des  poissons  de  la 
mer  d' Aral.  Les  Tartares  les  savaient  alors  a  peine  pren- 
dre avec  de  grossiers  engins,  et  cependant  telle  6tait 
leur  profusion  sur  le  raarch6  que,  malgr6  cette  negli- 
gence des  pecheurs,  leur  prix  demeurait  presque  nul. 
M.  Blankennagen  compril  que  Khiva  devait  devenir 
pour  lallussieun  entrepot  important  avec  I'lnde;  il  re- 
connut  aussi  I'^tat  de  faiblesse  nationale  de  la  petite 
horde  de  Kirghises  fix6e  entre  la  mer  d'Aral  et  Oren- 
bourg  et  il  apprit  i  son  pays  qu'il  les  rendrait  aisement 
tributains. 

RL  Alexis  Bontakow  a  communique  a  la  Soci6t6  de 


{  G7  ) 
Berlin  un  rapport  fait  sur  1' exploration  du  cours  inf6- 
rieur  du  Syr-Daryah,  a  partir  du  fort  Perowski  jusqu'k 
son  embouchure.  Cette  exploration  se  rattache  aux 
grands  travaux  entrepris  par  le  gouvernement  russe 
dans  le  Turkestan ;  elle  complete  ce  que  nous  savions 
d6ji  sur  cette  partie  de  I'Asie  centrale ,  dont  M.  Bou- 
takow  aesquiss^  I'ensemble  de  la  geographic  physique. 

L'Afriqiie  est  un  champ  toujours  ouvert  k  nos  explo- 
rations, sans  qu'on  soit  encore  parvenu  meme  a  mesu- 
rer I'^tenduede la  moisson  scientifique  quelle  promet. 
C'est  le  rendez-vous  des  voyageurs  les  plus  hardis  et 
le  point  de  mire  de  tous  les  amateurs  d'aventures. 
Aussi ,  pour  vous  entretenir  de  ce  qui  s'y  est  fait , 
6prouv6-je  un  veritable  embarras.  Par  quelle  cote 
aborder  ce  vaste  continent ,  oii  les  explorateurs  entrent 
dans  toutes  les  directions  ?  Que  choisir  des  travaux 
des  missionnaires  ou  des  entreprises  des  marchands? 
des  courses  de  quelqnes  hardis  touristes  ou  des  rap- 
ports d'administrateurs  et  de  colons  ?  Afin  de  tourner 
la  difficult^  que  je  rencontre  k  coordonner  des  infor- 
mations si  diverses,  je  prends  le  parti  de  vous  parler 
des  peuples  memes ,  laissant  I'^tude  du  sol  et  des  re- 
gions g^ographiques  s'oflfrir  d'elle-meme  a  la  suite  des 
questions  ethnologiques  que  ces  races  nombreuses 
soul6vent. 

Quand  on  parled'ethnologie  africaine,  ilfautd'abord 
s'adresser  a  I'homme  dont  1' exploration  m6morable  a 
r^pandutant  de  lumifere  sur  I'histoiredes  peuples  afri- 
cains,  au  docteur  Barth ,  qui  vient  d'achever  la  publi- 
cation de  sa  pr6cieuse  relation,  siriche  en  informations 
k  ce  sujet.  Dans  un  memoire  qu'il  a  soumis  k  la  Society 


( ^^^ ) 

g^ograpliiqTio  tie  Loiitlres,  sur  la  condition  de  rhuma- 
nit6  an  Soudan,  li^  docteur  Barlh  a  presente  un  tableau 
interessant  dcs  principales  races  africaines.  La  phis  im- 
portante  est  a  ses  yeux  la  race  berbfere ,  qui  constitue 
comme  le  chainon  par  lequel  sent  ratlacli6es  les  races 
en  apparence  les  plus  distantes  et  les  plus  61oign6es  du 
continent  africain.  M.  Reinaud  nous  a  donne  sur  cette 
race  un  m6moire  fort  savant,  dont  les  ylnnales  des 
voyages oni'^uhWt  un  extrait.  Puis  vicnnent  lesFulbes 
ou  Foulahs,  qui  dominent  le  long  du  Mger ;  les  Haoussa, 
distribues  dans  tout  le  nord  de  I'Afrique  centrale,  et  si 
remarquables  par  leur  intelligence  ct  la  vivacit6  de 
leur  caracttjre  ;  apr6s  eux  le  docteur  Barth  place  les 
Yoruba-Nonfe,  etablis  auxbouchesdu  Niger,  dans  une 
contr6e  malsaine ,  mais  rachetant  ce  d6savantage  par 
une  singuli6recapacit6industrielle.  L' ensemble  de  tons 
ces  peuples  forme  une  masse  considerable ,  ct  le  doc- 
teur Barth  estime  que  la  population  du  Soudan  est  pro- 
portionnellement  superieure  a  celle  de  I'Alg^rie  et  du 
Maroc.  Cette  6tude  conduit  le  savant  voyageur^l'exa- 
men  d'un  probl^me  d'ethnologie  gen6rale  bien  sou- 
vent  d6battu  :  Quelle  est  rinfluence  exerc6e  par  le  cli- 
mat  sur  la  coloration  do  la  peau  chez  ces  diilerentes 
races?  Le  docteur  Barth  a  constatt;  une  dependance 
remarquable  entre  la  teinte  caracl6ristique  des  races 
et  leur  habitat.  Les  AVolofs,  6tablis  au  delta  du  Niger 
etde  la  Gamble,  c'est-a-dire  dansun  climat  humide  et 
brulant,  sont  les  plus  noirsdo  toute  TAfrique  occiden- 
tale.  Les  Kanouris,  les  Nt^grcs  par  excellence  de  ces 
regions ,  sont  fixes  autour  du  lac  Tchad  ,  c'est-a-dire 
dans  des  conditions  climatologiques  analogues  A  celles 


(  69  ) 

es  Wolofs.  Les  Fulbes  appartiennent  incontestable- 
ment  a  la  meme  souche  que  ceux-ci ;  mais  ils  ha- 
bitent  des  regions  plus  61ev6es,  et  I'onvoiten  effetque 
la  teinte  de  leur  peau  n'est  pas  si  fonc6e,  que  leiirs 
formes  sont  j^lus  sveltes  et  moins  ramass6es.  Et  c'est 
eng6n6ral  le  fait  qui  s' observe,  toutes  les  fois  que  Ton 
compare  des  tribus  d'un  bas  pays  a  celles  d'un  pla- 
teau. N^anmoins,  le  voyageur  reconnait  rinfluence 
que  les  m61anges  de -races  exercent  sur  la  teinte  de  la 
peau. 

L'int^ressante  discussion  a  laquelle  cette  communi- 
cation a  donn6  lieu  au  sein  de  la  Soci6t6  g^ographique 
de  Londres ,  a  mis  en  relief  toute  la  divergence  qui 
existe  encore  a  cet  6gard  dans  les  opinions  des  ethno- 
logistes.  Et  tandis  que  le  docteur  Worthington,  renche- 
rissant  sur  les  observations  du  docteur  Barth,voit  dans 
le  climat  comme  la  mesure  de  la  couleur,  nous  montre 
par  exemple  les  Juifs  prenant  une  peau  noire  dans  I'Hin- 
doustan  et  la  Cochinchine,  M.  Cravvfurd  oppose  I'eter- 
nel  arguriient  de  la  persistance  de  la  coloration  du 
n^gre  dans  I'Am^rique  habitue  auparavant  par  une 
race  rouge.  Les  Chinois,  ajoute-t-il,  out  la  peaujaune 
a  toutes  les  latitudes ,  et  les  habitants  de  Canton  ne 
different  pas  pjiysiquement  de  ceux  de  Pekin  ;  les  co- 
lons espagnols  6tablis  au  sonunet  des  Andes  offrent 
encore  la  meme  peau  que  les  Castillans.  C'est  qu'il 
ne  faut  pas  prendre  pour  I'eflet  du  climat  ce  qui 
tient  a  un  croisement  interlope  des  races  6migran- 
tes  ou  indigenes  avec  les  femmes  de  race  dilferente. 
Le  temps  mettra  fin  a  ce  grand  duel  des  mono- 
g6nistes  et  des    polyg^nistes ,  dont    I'Am^rique    est 


(  70) 
aujoiird'hui  le  theatre  et  I'esclavage  I'occasion.  Les 
personnes  qui  voiulronl  approlbndir  cette  briilante 
question  I'eront  bien  tie  consulter  riiiteressant  travail 
de  M.  Georges  Pouchet  sur  la  plurality  des  races  Ini- 
raaines.  Elles  y  trouveront  une  exposition  habile  de  la 
th^se  des  pol\  g^nistes ;  el  si  elles  ne  sont  pas  convain- 
ciies ,  elles  pourront  mesnrer  du  moins  la  portee  des 
arguments  qu'on  oppose  aux  partisans  de  I'unil^. 

Mais  je  reviens  aux  races  africaines,  si  fort  int6ress6es 
dans  ce  d^bat ;  il  s'agit,  en  efiet,  de  decider  si  elles  ont 
une  comniunaut6  d'origine  avec  la  grande  famille  eu- 
rop^enne ;  devons-nous  voir  dans  les  peuples  africains, 
non  des  esclaves,  mais  des  fr^res?  ou,'  comme  on  I'a  r6- 
cemment  soutenu  ,  iaut-il  reconnaitre  en  eux  les  des- 
cendants de  Cain  6chapp6s  au  d6luge  et  exclus  du 
pacte  de  reconciliation  entre  No6  et  I'Eternel?  Le  beau 
travail  que  M.  le  colonel  Faidherbe  a  joint  a  son  int6- 
ressant  Aimuaire  des  etnhiisseiuents  /raiicai's  au  Sene- 
gal^ fournit  k  la  solution  de  ce  probl6me  des  6l6nients 
pr^cieux ;  la  distribution  qu'il  adopte  mettra  sur  la  vole 
d'une  meilleure  classification  des  races  longtemps  con- 
fondues  sous  le  noni  de  nfegres ,  et  abaissfees  par  ce 
motif  sous  le  niveau  commun  de  la  servitude. 

II  n'y  a  pas  de  bonne  ethnologic  sans  une  ^tude  des 
langues,  et  la  philologie  compar^e  prete  k  I'anthropo- 
logie  un  auxiliaire  qui  devient  parfois  le  corps  d'arni(§e 
princi))al.  Jc  ne  crois  done  pas  hors  de  propos  de  vous 
entretenir  des  travaux  dont  les  idiomcs  africains  ont  6t6 
I'objet,  puisqu'ils  jettent  sur  I'histoirc  des  races  qui  les 
parlent,  des  clart6s  moins  incertainos  que  les  observa- 
tions fugitives  des  voyageurs.  D'ailleurs,  ces  idiomes 


(71  ) 

sont  encore  trop  peu  d6velopp6s  pour  qu'on  y  voie  des 
creations  litt6raires. 

La  grammaire  de  la  langue  wolofe  de  M.  I'abb^  Boilat 
vous  a  6t6  oflerte  r6cemment ,  et  Fun  de  nos  plus  sa- 
vants confreres,  dont  le  nom  personnifie  en  quelque 
sorte  la  Soci6t6,  M.  Jomard  vous  en  a  fait  connaitre  les 
m&'ites.  II  est  peu  d'ouvrages  ou  Ton  rencontre  une 
6tude  aussi  approfondie  d'un  idiome  africain,  Fix6 
longtemps  au  milieu  des  populations  noires  qu'il  6van- 
g61isait  en  leur  propre  langue,  uni  meme  a  elles  parle 
sang,  M.  I'abbe  Boilat  s'est  trouv6  admirablement  plac6 
pour  apporter  le  dernier  degr6  de  perfection  a  une 
ceuvre  dont  nous  ne  devious  a  Dard  et  au  baron  Roger 
que  de  simples  6bauches. 

La  race  berbtjre  s'est  avanc^e,  comme  nous  I'apprend 
le  colonel  Faidherbe,  jusque  vers  les  I'rontiferes  du  S6n6- 
gal,  ou  elle  a  port6  sa  langue  et  ses  traditions.  Un  meme 
lien  ethnologique  rattaclie  done  deux  populations  6loi- 
gn6es  auxquelles  la  France  a  impost  sa  domination  : 
les  Tolba  ou  Marabouts,  et  les  Kabyles  ,  issus  les  uns 
et  les  autres,  ainsi  que  les  Touaregs,  de  la  grande  famille 
des  Amazigs.  La connaissance  du  kabyle,  outre  quelle 
rrous  permettra  d'entrer  dans  des  relations  plus  6troites 
avec  des  tribus  sujettes  aujourd'hui  de  la  France,  ser- 
vira  de  fil  conducteur  pour  remonter  aux  origines  des 
Berbers,  dont  nous  pouvons  maintenant  lire  I'histoire, 
grace  a  I'excellente  traduction  d'lbn-Khaldoun  par  le 
baron  de  Slane.  lu'Essai  de  grcunmaire  kafy/e  qua  pu- 
blie  cetteann6eM.  le  commandant  dug^nie  Hanoteau, 
est  un  travail  non  moins  recommandable  que  celui  de 
M.  I'abbe  Boilat,  11  est  accompagn6  de  divers  texteSj  dont 


(72) 

quelques-nns  sont  int^ressants  pour  I'histoire ;  on  y 
trouve  une  coinparaison  des  neiif  dialectes  kabyles  de 
I'Alg^rie  et  du  Maroc,  et  une  notice  sur  quelques  in- 
scriptions en  caracteres  tifmngnes.  11  a  fallu  toute  la 
perseverance  et  toute  la  sagacite  de  M.  Hanoteau  i)our 
reconstruire  la  grammaire  d'une  population  aussi  6tran- 
g6re  que  les  Kabyles  aux  habitudes  philologiqucs.  Sans 
doute,  I'auteuravait  eu  des  devanciers ;  mais  que  Ton 
rapproche  son  Essai  des  principes  de  grammaire  bei- 
b6re  qu'avaient  laiss^s  Venture  de  Paradiset  quolqucs 
autres,  et  Ton  sera  frappe  des  progrfes  considerables 
que  cet  oflicier  a  fait  faire  a  I'etude  d'un  idiome  curieux, 
le  plus  ancien  peut-etre  de  ceux  qui  se  parlent  aujour- 
d'hui  en  Afrique.  On  fera  bien  d'accompagner  la  lec- 
ture de  X Essai  de  M.  Hanoteau  de  celle  du  m^moire 
ou  un  orientaliste  allemand,  M.  G.-A»  Wallin,  fait 
connaitre  diverses  particularites  de  la  langue  des  Be- 
douins (1). 

Je  ne  vous  entretiendrai  pas ,  Messieurs ,  des  noni- 
breuses  publications  dont  nos  possessions  africaines 
font  tons  les  jours  le  sujet ;  elles  appartiennent  g^ne- 
ralement  plus  a  Teconomie  politique,  a  la  politique, 
qu'a  la  geographic  proprement  dite.  L'ere  de  la  colo- 
nisation pacifique  parait  avoir  commenc6  pour  I'Alge- 
rie ;  ses  provinces  sont  rattach^es  a  la  metropole  par 
une  administration  plus  directe ,  ^  la  tete  de  laquelle 
est  place  un  prince  qui  a  t^moigne  pour  notre  science 
de  predilection  un  interet  edaire.  Esperons  que  ce  nou- 

(I)  ZeUsclirifl  dcr  dvuts'.lien  inoroenlandischen  Gesellschaft,  IS^S, 
I.  XII,  p.  (}HG  ct  .Miiv. 


(  73  ) 

vel  ordre  de  choses  permettra  d'ouvrir  avec  les  popula- 
tions indigenes,  des  relations  jounialieres,  des  rapports 
de  commerce  cent  fois  plus  profitables  b.  la  g6ographie 
que  la  guerre,  qui  donne  sans  doute  acc6s  dans  les  ter- 
ritoires,  mais  qui  ne  les  f^conde  pas. 

Si  je  ne  voas  parle  pas  des  travaux  composes  en 
France  sur  1' Algeria,  je  veux  cependant  vous  dire  un 
mot  de  quelques-uns  de  ceux  qui  ont  paru  a  1' Stran- 
ger. Car  il  nous  importe  de  connaltre  ce  qu'on  pense 
au  dehors  de  notre  belle  colonie.  Le  Joanud  da  Gco- 
^ntphie  dc  Berlin  a  public,  sur  la  region  orientale  du 
Sahara  algSrien  et  les  contrees  qui  s'etendent  dans  le 
sud  de  la  province  de  Constantine,  deux  notices  6ten- 
dues,  dont  I'auteur  est  M.  le  docteur  L.  Buvry,  Nous 
y  trouvons  une  description  de  Batna  et  de  Lambfese,  ct 
un  apercu  de  la  geographic  physique  de  cette  partie  de 
I'Algerie  piiises  aux  meilleures  sources. 

L' extension  de  la  domination  tVancaise  en  Algerie 
rendra  plus  facile  pour  les  voyageurs  I'acc^s  de  F  Afrique 
centrale,  et  c'est  de  notre  colonie  que  s'appretent  a 
partir  pour  cette  region  deux  explorateurs  infatigables, 
MM.  O.  Maccarthy  et  M.  le  baron  de  Kraft.  Vous  avez, 
dans  une  de  vos  stances,  conf6r6  avec  le  premier  de 
ces  voyageurs  dont  I'intelligence  et  la  resolution  vous 
6taient  depuis  longtemps  connues.  M.  O.  Maccarthy, 
chai'g6  en  18Z|9  d'une  mission  du  minist^re  de  la 
guerre,  s'est  prepare  par  de  longues  et  consciencieuses 
6tudes  a  la  realisation  du  projet  qu'il  va  bientot  effec- 
tiier   (1).  La  (j C>o graphic  pliysiquc  ^  pidilicnie  ct  ccono- 

(I)  Voy.  iioluimneiit  Algeria  rvniana,  yechvchcs  sur  1'uciu^'ation  et 


(74  ) 
mique  tie  I'Jlgerie,  qu'il  a  publi^e  cette  ann6e,  est  un 
excellent  'r6sum6  des  informations  qu'il  doit  en  grande 
partie  h  son  experience  personnelle.  Dans  ce  livre,  fait 
pour  servir  de  guide  h.  tons  ceux  qui  veulent  visiter 
avec  fruit  I'Alg^rie,  les  documents  statistiques  se  reu- 
nissent  aux  apercus  purenient  g6ograj)liiques,  pour 
fournir  les  616ments  d'un  tableau  complet  de  nos  pos- 
sessions africaines. 

Vous  le  savez,  Messieurs,  les  missions  protestantes 
semblent  avoir  plus  particuli^rement  choisi  I'Afrique 
pour  le  theatre  de  leurs  travaux  apostoliques.  C'est  a 
elles  que  nous  devons  la  plupart  des  d^couvertes  faites 
dans  la  partie  australe  de  ce  vaste  continent.  Le  D'  Li- 
vingstone, qui  a  attach6  son  nom  h  I'un  des  plus  beaux 
voyages  accomplis  dansces  derniers  temps,  est  reparti, 
nous  promettanl  de  grossir  encore  les  richesses  g6ogra- 
pliiques  qu'il  a,  pour  ainsi  dire,  vers6es  a  pleines  mains 
en  Europe.  C'est  le  h  mars  qu'il  a  quitt6  Liverpool, 
pourvu  de  tous  les  instruments  propres  h  faire  des  obser- 
vations scientifiques,  ayant  a  sa  disjiosition  un  ])etit 
bateau  a  vapeurqui  lui  permettraderemonter  la  riviere 
Lamb^se.  Deux  autres  missionnaires ,  MM.  Hahn  et 
Rath,  ontentrepris  I'ann^e  derni^re  un  voyage  dans  le 
pays  d'Ovampo,  avec  I'intention  d'atteindre  la  riviere 
de  Cun6n6.  Le  Journal  des  missions  ei^ange/iq lies  contl- 
nue  a  nous  donner,  sur  les  6tablissements  de  I'Afrique 
ni6ridionale,  et  notamment  sur  celui  de  Lessouto,  des 
renseignements  qui  ajoutent  pen  h  peu  a  ce  que  nous 
savions  des  contr6es  oil  ils  ont  6t6  fond^s. 

la  colonisation  romaines  en  Algcrie,  par  .M.  0.  Mac  Carthy.  1"  md- 
muirc.  Alger,  1857. 


(  75  ) 

Un  missioirnaire  allemand  qui  s'est  acquis  une  juste 
c61ebnt6,  M.  J.  L.  Krapf  a  r^cemment  livr6  a  la  publicity 
le  tome  I  de  son  voyage  (1)  dont  des  extraits  et  des 
analyses  avaient  pr6c6demment  paru  dans  divers  re- 
cueils.  M.  Krapf  a  tour  k  tour,  seul  ou  acconipagn6  de 
M.  Rebmann,  visit6  les  parties  les  moins  connues  de 
I'Afrique  orientale.  II  a  parcouru  les  pays  d'Ukambani 
et  d'Usanibara,  il  a  fait  trois  voyages  a  Djagga.  11  a 
6tudi6  a  fond  le  pays  ds  Wanikala  et  effectu^  son  re- 
tour  pari' Abyssinie  et  la  Nubie.  Ces  circonstances  don- 
nent  a  son  livre  un  extreme  int^ret.  Plus  pliilologue 
que  g6ographe,  le  courageux  missionnaire  a  malheu- 
reusement  n6glige  d'approfondir  une  foule  de  points, 
et  la  preoccupation  des  int6rets  religieux  kii  a  trop  sou- 
vent  inspire  une  sorte  de  d6dain  pour  des  informations 
pr^cieuses  que  lui  seul  pouvait  vous  donner.  Toutefois, 
sa  relation  n'en  est  pas  moins  mie  des  plus  importantes 
qui  aient  paru  cette  ann6e. 

Les  voyageurs  que  les  int6rets  de  la  science  seuleont 
conduits  en  Afrique,  ont  rivalis6avec  les  missionnaires 
d'intr6pidit6  et  de  d^vouement.  Un  naturaliste  am6ri- 
cain  d'origine  francaise,  M.  P.  B.  du  Chaillu,  envoy6 
par  r  Academic  des  sciences  naturelles  de  Philadelphie, 
a  visite  le  Congo  et  la  cote  du  Gabon.  Ce  savant  s'est 
assure  de  1' existence  d'une  triple  chaine  de  montagnes 
courant  a  environ  cinquante  lieues  de  la  cote  ;  il  a  re- 
nionte  la  riviere  Mounda  jusqu'a  sa  source  et  suivi  le 
cours  du  Mouni,  sur  les  bords  duquel  il  a  fait  une 

(1)  Reisen  in  Ost  Africa  ausgefiihrt  in  den  Jaliren  ■!  837-55,  tome  I. 
Sluttgart,  1858. 


(  '6  ) 

aboiidante  r^colte  d'oiseaux  ;  enfin  il  a  atteint  la  source 
de  cette  riviere  a  environ  cent  lieues  de  la  c6te.  Dans 
une  lettre  datt^e  du  17  aoiit  1857,  et  6crite  de  la  riviere 
Fernando-Paz,  M.  de  Chaillu  annoncait  qn'il  sepropo- 
sait  de  chasser  le  gorille,  ce  geant  du  genre  singe, 
dont  il  serait  si  interessant  d'obtenir  en  Europe  des 
repr6sentants  vivants.  Les  oiseaux  qui  se  sont  olferts  k 
lui  dans  la  contree,  lui  ont  parn  identiques  a  ceux  du 
Cap  Lopez.  Sanga-Tonga,  situee  dans  la  baie  que  forme 
ce  cap,  est  la  capitale  du  chef  ou  roi,  al'autorite  duquel 
sont  soumis  les  indigenes.  Le  sol  du  Cap  Lopez  est  par- 
tout  sablonneux  et  16ger,  partout  il  pr6sente  des  bois 
entrecoupt^s  de  larges  prairies  dont  1' aspect  rappelle 
les  environs  du  Cap  de  Bonne-Esp6rance.  Les  habitants 
se  livrent  a  la  culture  de  la  patate,  de  la  canne  a  sucre 
et  de  diverses  autres  plantes.  Disperses  et  en  petit 
nombre,  ils  n'ont  point  encore  r6ussi  a  domestiquer  les 
bestiaux  qui  vivent  autour  d'eux  a  I'etat  sauvage. 

Je  ne  vous  parlerai  2:)oint  du  capitaine  Burton,  dont 
une  lettre  du  P6re  des  Avanchers  vous  a  rd'cemment 
donn6  des  nouvelles.  Vous  les  avez  accueillies  avec 
d'autant  plus  de  satisfaction  que  I'annonce  de  la  mala- 
die  de  cet  intr^pide  voyageur  vous  avait  inspired,  surle 
succ^s  de  son  entreprise,  des  craintes  bien  naturelles. 
Vous  avez  su  d' autre  part  que  son  compagnon,  le  ca- 
pitaine Speke  avait  atteint  Cujiji  par  5°  J  5'  de  lat.  sud 
et  31"  22'  de  long,  ouest  de  Greenwich.  II  se  trouvait 
done  a  un  6loignemeni  de  la  cote  correspondant  a  cehii 
de  Loanda  ou  du  lac  Ngami.  Une  lettre  ant^rieure  re- 
cue  ])ar  une  autre  voie,  nous  dit  que  les  deux  voyageiu's, 
apres  s'Otre  rendus  par  mer  de  Zanzibar  a  Bagamoyo, 


(77) 

6taient  arrives  le  6  septembre  de  Fannie  derniere,  vers 
le  6"  30',  36°  30'  long.  Greenwich.  Ainsi  les  officiers 
anglais  avaient  d6ja  accompli,  d"apr6s  ces  lettres,  i)liis 
du  tiers  du  cliemin  qii'ils  devaient  parcourir  pour  se 
rendre  de  Bagamoyo  au  grand  lac  d'Uker6v6. 

Un  autre  voyageur,  enfant,  comme  le  D""  Barlli,  de 
la  ville  de  Hambourg,  a  fonn6,  lui  aussi,  le  projet  de 
p6n6trer  dans  I'int^rieur  de  1' Afrique.  M.  Albert  Roscher 
s'est  pr6par6  depuis  longtemps  a  cette  difficile  entre- 
prise.  C'est  par  Zanzibar  qu'il  compte  aborder  le 
continent  africain,  pour  poursuivre  ensuite  la  resolu- 
tion des  nombreux  problemes  que  soulevent  les  indica- 
tions cartographiques  incompletes  que  nous  ont  four- 
nies  ses  devanciers. 

Tandis  que  les  uns  partent ,  d'autres  reviennent 
charges  de  documents  et  riches  d' informations.  Un  sa- 
vant hongrois,  M.  Ladislas  Magyar,  nous  promet  la  re- 
lation de  son  voyage.  11  avisite  lejiays  de  Kimbounda, 
entre  le  8*  et  le  15'  degr6  de  lat.  sud,  celui  de  Moun- 
Ganguella  entre  le  3'  et  le  11"  degr6  de  lat.  sud,  et  le 
Mombouella,  compris,  comme  le  precedent,  entre  le 
19"  et  le  27"  degr6  de  long.  or.  de  Greenwich  et  qui 
s'6tend  jusqu'au  20"  degr6  de  lat.  australe. 

Le&Jufialcs  des  voyages  ont  public,  au  mois  de  Jan- 
vier dernier,  un  apercu  des  voyages  de  M.  Ladislas 
Magyar,  qui  ne  nous  en  fait  attendre  qu'avec  jilusd'im- 
patience  la  relation  complete. 

Nous  lisons  dans  les  Mitiheihingen  de  Gotha  le  rapport 
fait  par  M.  Fernando  da  Costa  Leal  sur  I'exp^dition 
portugaise  envoy^een  185Zi  de  Mossamedes  sur  lecours 
inf^rieur  du   CauK'-n^  remonlr  ])ar  le  voyageur  hon- 


(  78  ) 

grois.  Ce  fleuve,  dont  rembouchure  est  situ^e  snr  la 
c6te  orientale  d'Afrique,  arroseiine  contr6e  dont  la  fer- 
tility est  depiiis  longtemps  vanti^e  par  les  voyageurs. 
Mais  les  informations  recueillies  k  son  sujet  (5taientfort 
incompletes;  car  on  les  devait  en  partie  aux Mouimbas 
etaux  Mousimbas  qui  habitentla  rive  gauche  du  fleuve. 
Le  rapport  de  M,  da  Costa  Leal  fixe  la  direction  de  celui- 
ci,  et  donne  sur  la  contr^e  qu'il  parcourt,  sur  les  ani- 
maux  qui  hantent  ses  bords,  des  details  pleins  d'int6ret. 

On  a-  recu  des  nouvelles  de  I'intr^pide  voyageur 
Anderson,  occup6  k  explorer  la  m6me  contr^e  qu'ont 
d6ji  explor^e  MM.  Halm  et  Rath.  Une  partie  de  la  con- 
tr6e  visit6e  par  M.  Anderson,  I'a  6t6  aussi,  comme  a^ous 
le  savez,par  ^infortune^\ahlberg.  On  a  piibli6  r6cem- 
ment  quelques-unes  (1)  des  lettres  de  ce  dernier,  oh  le 
lecteur  trouvera  sur  la  zoologie  et  les  moeurs  des  indi- 
genes, des  details  qui  serviront  de  complement  k  ceux 
que  nous  devons  k  son  compatriote. 

La  nouvelle  expedition  sur  le  Niger,  que  dirige  le 
docteur  Balfour  Baikie,  s'est  vue  tout  k  coup  arret^e 
par  la  perte,  pr^s  de  Rabba,  du  steamer  /e  Day-Spring. 
Heureusement  I'amiraute  britannique  amis  k  la  dispo- 
sition de  M.  Mac-Gregor  Laird  un  autre  batiment  qui 
permettra  k  1' expedition  de  reprendre  sa  marche.  La 
Societe  g6ographique  de  Londres  a  publie  une  lettre  de 
M.  Baikie ,  datee  du  "28  septenibre  1857,  qui  fait  con- 
naitre  les  premiers  resultats  du  voyage.  Le  20  juillet, 
le  navire  avait  jete  I'ancre  devant  Abo,  situe  ci  b  pointe 
extreme  du  delta  du  fleuve.  Les  voyageurs  avaient  en- 

(1)  Mittheilungen,  n"  x,  p,  -ilictiv. 


(  79  ) 
suite  visits  le  pays  d'lgbo  ou  mieux  d'lho,  celui  d'Igara, 
et  le  10  aout  ils  atteignaient  le  confluent  de  la  Tcliadda 
etdu  Niger,  a  Gli6b6  ou  Ig-Begb6,  ou  M.  Baikie,  re- 
connu  par  les  habitants,  trouva  la  reception  la  plus 
cordiale.  Les  explorateurs  s'6taient  avanc6s  jusqu'a 
Aigau  ,  I'Egga  de  nos  cartes ,  dernier  point  qu'eut 
atteint,  en  1841,  le  capitaine  Trotter.  C'estli  que  com- 
mence le  grand  royaume  de  Nufi,  oil  r^gnait  dans  ces 
derni^res  ann^es  une  complete  anarchie.  Leroi,  alors  de 
retour  dans  ses  6tats ,  envoya  des  messagers  aux  An- 
glais pour  les  inviter  a  lui  faire  une  visile ,  et  ceux-ci 
recurent  bientot  pr6s  de  lui  I'accueil  le  plus  gracieux. 
C'est  le  18  septembre  que  I'exp^dition  a  atteint  Rabba, 
oil  elle  attendait  1' envoi  d'un  nouveau  steamer. 

Le  Rev.  Sam.  Crowther  a  donn6  dans  le  Church  mis- 
sionary Juiel/igencerde  cette  ann6e,  un  apercu  de  la  pre- 
miere partie  du  voyage  du  Dayspring,  auquel  je  ren- 
voie  ceux  qui  voudront  connaitre  les  r^sultats  d6ji 
acquis  par  I'exp^dition  du  Niger. 

Aucune  difficult^  de  la  part  des  naturels  n'avait  en- 
core arret6  les  voyageurs.  Le  pavilion  anglais  est  main- 
tenant,  pour  toutes  ces  contr6es,  une  vieille  connais- 
sance ,  et  tout  annonce  que  dans  peu  elles  ouvriront 
un  vaste  d6bouch6  au  commerce  intelligent  de  nos  voi- 
sins.  Mais  nous  aurons  nous-memes  a  profiter  des  rela- 
tions que  la  reconnaissance  complete  du  Niger  va  rendre 
I'aciles  pour  1' Europe.  Nos  int6rets  ne  sont  ni  moins 
s6rieux ,  ni  moins  importants  que  ceux  de  la  Grande- 
Bretagne,  et  notre  double  occupation  de  I'Algt^rie  et 
du  S6n6gal,  semble  nous  appeler  a  jouir  des  avantages 
qui  appartiennent  d'ailleurs  a  tous  ceux  qui  savent, 


(  »o) 

par  leur  perseverance,  ouvrir  dos  marches  nouveaux. 
Aussi  regardons-nons  conime  uii  devoir  de  populariser 
les  d6couvertes  g6ographiques  qui  ont  marqii^  depuis 
vingt-cinq  ans  et  phis  la  presence  des  Europ^ens  dans 
le  Soudan.  Un  livre  rt^cemment  pid)li6  par  M.  Ferdi- 
nand de  Lannoye,  et  intitul6  Le  Niger  et  les  e.iplora- 
t/'o/is  fie  rjfrique  centrale,  altcindra,  nous  I'esperons, 
ee  but.  Cost  la  meme  intention  qui  a  dictt^  a  notre 
z616  et  lahorieux  confrfere  M,  V.-A.  Malte-Brun ,  son 
Resume  historiqiie  de  l' exploration  ftiite  dans  f  Afrique 
centrale,  de  1853  a  J  85(>,  par  le  docteur  Edonard  Vogel. 
Ce  travail,  insere  dans  les  Annales  des  voyages^  a 
le  m6rite  de  tracer  netteuient  I'itin^raire  suivi  par 
I'illustre  et  mallieureux  voyageur.  M.  Malte-Brun  a  su 
tirer  de  la  correspondance  de  Vogel  un  ensemble  d' in- 
dications qu'il  a  babilement  coordonnees. 

Pnissent  des  publications  de  ce  genre  inspirer  pour 
la  geographic  un  gout  qui  ne  demande  en  France  qu^a 
etre  rechauffe.  Que  les  niagnifiquos  travaux  de  I'Alle- 
niagne  et  del'Angleterre  soient  pour  nous  un  noble  et 
puissant  sujet  d' emulation.  La  France  ,  la  patrie  des 
Sanson ,  des  Danville ,  des  Walckenaer,  des  Bougain- 
ville, des  LaPerouse  etdes  Dumont  d'Urville,  ne  doit 
pas  renoncer  a  ses  titres  de  noblesse  geographiqne  et 
abdiquer  des  6tudes  qui  sont  une  part  de  sa  gloire  scien- 
tifique.  j\Ialheureusemeiit  un  enseignement  qui  popu- 
larise dans  le  public  des  notions  dont  tout  le  monde  a 
besoin,  manque  dans  nos  lyc6es  et  nos  facult6s.  Ni  le 
College  de  France,  oil  sont  exposes  les  r^sultats  les  plus 
eiev^s  de  la  science ;  ni  le  Conservatoire  des  arts  et 
metiers,  ou  Vindustrie  et  le  commerce  apprennent  les 


(  81  ) 

ressources  qui  peuvent  accroitre  les  produits ,  ne  pos- 
sedent  de  chaire  de  geographie.  Eh  bien !  que  notre 
Society  tache  du  moins  de  suppleer  a  cette  lacune  dans 
renseignement ,  que  tous  les  amis  de  la  geographie 
reunissent  leurs  efforts  pour  inspirer  le  gout  des  lec- 
tures, oix  rhonime  apprend  ci  connaitre  le  monde  qu'il 
habite  et  le  theatre  sur  lequel  peut  s'exercer  son  acti- 
vity. Je  ne  mets  pas  en  doute,  Messieurs,  que  cette 
superiorite  conimerciale  et  colonisatrice  qui  distingue 
les  Anglais,  ne  soit  due,  en  partie,  a  la  popularity  dont 
jouissent  parmieux  les  livres  de  voyages.  INous,  aucon- 
traire,  contents  de  notre  belle  France,  moins  soucieux 
de  savoir  ([uelles  ressources  recelent  les  autres  con- 
tr6es  ,  nous  oublions  trop  que  ,  quelque  riche  que  soit 
un  pays,  son  seul  territoire  ne  suflit  jamais  a  son  acti- 
vity, sa  population  ne  saurait  s' accroitre ,  son  influence 
se  uiaintenir,  qu'a  la  condition  d'agrandir  sans  cesse 
ses  relations  et  d'etendre  ses  entreprises, 

Les  d6bouch6s  que  I'Afrique  peut  nous  fournir,  s'ac- 
croitront  encore  par  le  percement  de  I'isthme  de  Suez.  Si, 
comuie  nous  I'esperons,  cette  grande  ceuvre  est  couron- 
nee  de  succes,  on  verra  s'ouvrir  a  la  curiosite  et  au  com- 
merce des  Europeens  les  riches  et  curieuses  contrees  qui 
bordent  le  littoral  de  la  mer  Rouge.  Un  voyageurbavarois, 
prematurement  enleve  a  la  science,  le  baron  Richard  de 
Neimans,  nous  a  donne  une  id6e  de  tout  ce  que  Ton  est  en 
droit  d'attendre  des  relations  avec  les  pays  riverains  de 
la  mer  Rouge ,  dans  un  int^ressant  apercu  public  par 
le  Journal  de  la  Socle te  orlentale  de  Lc/pstck  (1).  II  y 

(I)  Tome  XU,  partie  iii,  p.  391  et  suivanles. 

XVII.    JANMEU   ET    I'tVRlER.    6,  0 


(82) 

passe  en  revue ,  sous  le  rapport  dcononiique ,  les 
diverses  places  commerciales  dc  ces  parages,  donne 
la  statistique  dc  lours  produits,  indique  les  articles 
que  chaque  ville  ou  chaque  contr^e  peut  ^changer 
centre  les  notres.  Je  ne  saurais  trop  recommander  au 
commerce  franrais  la  lecture  de  ce  travail,  qui  m^rite- 
rait  d'etre  traduit  dans  quelques-uns  de  nos  recueils. 
Comaie  complement  du  travail  de  M.  de  Neimans,  il 
faut  citer  I'ouvrage  de  M.  le  docteur  M.  T.  Schleiden, 
sur  I'istlnne  de  Suez,  public  cette  ami^e  a  Leipsick, 
Gt  od  des  recherches  sur  la  marclie  des  Israelites  dans 
le  desert,  viemient  ajouter  a  I'int^ret  des  documents 
qua  recueillis  ce  savant  sur  le  canal  projete. 

L'Abyssinie ,  que  ses  relations  commerciales  ratta- 
chent  au  littoral  dc  la  mcr  Rouge,  attire  tons  les  jours 
de  nouveaux  visiteurs,  dont  les  r^cits  ajoutent  des  in- 
formations nouvelles  a  celles  que  nous  devious  a  des  re- 
lations plus  c616bres.  M.  de  Courval  a  r^cemment  com- 
munique h  notre  BnUetin  une  notice  int^ressante  sur  le 
pays  de  Barka.  M.  Werner  Miinziger  a  dress^  une  carte 
du  nord del' Abyssinia,  en  I'accompagnantd'une notice 
importante  qui  a  paru  dans  les  Annales  des  voyages, 
M.  Barbie  du  Bocage,  pour  lequel  le  gout  dc  la  geogra- 
phic est  un  glorieux  heritage  de  faniille,  a  reuni  sur 
Madagascar  un  ensemble  de  documents  qui  lui  out  per- 
mls  dc  donner,  dans  notre  BuUedn,  une  monographie 
complete  de  cette  lie.  C'est  le  dernier  travail  sur 
TAiriquc  qui  me  reste  k  vous  signaler.  L'an  procliaiu, 
je  I'espere,  nous  aureus  aussi  a  vous  parler  des  resul- 
tats  du  voyage  de  M.  le  docteur  Cuny.  Parti  en  fevrier 
dernier  de  Syout  pour  le  Dur-Four,  bravant  toutes  les 


(  83)] 

difficull6s  et  les  dangers  qui  d^fendent  Y&ccbs  de  ce 
royaume  encore  si  mal  connu,  le  m^decin  iVancais  a, 
d6s  ses  premiers  pas,  fait  la  triste  experience  des  perils 
qui  s'attachent  k  une  pareille  entreprise.  Puisse-t-il 
elre  plus  heureux  que  le  baron  de  Neimans,  mort  au 
Gaire,  au  moment  ou  il  s'appretait  a  explorer  la  nieme 
contr6e. 

Vous  n'attendez  pas  de  moi,  Messieurs,  que  je  vous 
sign  ale  toutes  les  publications  g^ograpliiques  qui  se 
rapportent  k  I' Europe ;  car  ilme  faudrait  passer  en  revue 
des  milliers  d'ouvrages  et  d' articles  de  journaux.  Quel 
est  en  ellet  aujourd'hui  Iclivre  d'histoire,  de  statistique 
ou  d'6conomie  politique,  dans  lequel  la  g^ographie  de 
I'Europe  ne  trouve  pas  son  compte?  Je  me  bornerai 
done  a  vous  parler  des  publications  qui  se  rapportent 
aux  contr^es  les  moins  connues  parmi  nous,  ou  a  des 
questions  qui  ont  plus  particuliferement  occupy  les  g6o^ 
graphes. 

La  Gr^ce  garde,  comme  je  vous  le  disais  I'an  der- 
nier, le  privilege  de  nous  fournir  des  sujets  toujours  nou- 
veaux  d'exploration.  La  Turquie,  oil  les  Grecs  demeu- 
rent  encore  comme  une  nation  distincte,  qui  conserve 
sa  langue,  sa  religion,  ses  institutions,  ses  usages, 
reste  pour  nous  un  debris  de  la  Gr^ce  ,  et  participe  a 
I'attrait  qu'ont  a  nos  yeux  les  contr^es  exclusivement 
helleniques.  II  ne  s'agit  pas  seulement  d'6tudier  I'^tat 
]ir6sont  de  tant  de  peuples  divers  que  Tislamisme 
s'cfforce  de  retenir  sous  son  joug  oppresseur,  mais  de 
remonter  aux  temps  anciens,  afin'  de  d^couvrir  par 
quelle  s6rie  de  vicissitudes  ont  pass6  les  peuples  et 
les territoires.  C'est  ce  qua  essays  de  faire  un  de  nos 


(  84  ) 
plus  hiborieux  conlreres,  M.  G.  Lejeaii,  dans  cleu"<; 
%oyages  siicccssils  eiitrepris  au  nord  ct  a  I'oiiest  de 
I'enipire  ottoman.  Ilvousa  communique  sur  le  Balkliaii 
central  une  notice  redig^e  sous  I'inipression  n)eme  des 
lieux,  et  oil  s'annoncent  les  qualites  d'un  veritable  geo- 
graphe.  Ils'apprete  a  publierune  carte  ethnologique  de 
la  Turquie,  dress6e  avec  tout  le  soin  et  toute  la  con- 
science que  nous  somnies  habitues  a  rencontrer  dans 
ses  travaux.  D6ja  nn  recueil  p6riodique,  la  lieuiie  con- 
feiiipora/ne,  a  fait  paraitre  des  appreciations  ethnolo- 
giques  et  geographiqnes  dues  a  la  plume  do  uotre  esti- 
mable confrere. 

M.  G.  L.  Kriegk  (do  Francforl-sur-le-Meiuj  a  fait 
de  laplaine  de  la  Thessalie,  une  etude  particuliere,  qui 
est  consignee  dans  un  ouvragequ'il  vous  a  ofl'ert.  Bien 
qu'un  assez  grand  uorabre  de  voyageurs  eusstmt  d^ja 
visite,  depuis  undemi-siecle,  cette  province  de  la  Grece, 
ejle  est  si  riclie  en  localites  bistoriques,  si  feconde  en 
impressions  de  tout  genre,  qu'on  ne  saurait  la  parcou- 
rir,  sans  rencontrer  encore  des  sujets  nouveaux  propres 
a  interesser  I'admirateurde  la  nature  et  de  I'antiquit^^. 
Les  cloitres,  oi!i  se  conservent  en  Turquie  lesdenii^res 
traditions  de  la  civilisation  liellenique,  out  surtout  pour 
les  voyageurs  un  charme  particulier.  lls'exbaledutbnd 
de  ces  retraites  un  part'um  d'antiquite  ou  les  souAe- 
nirs  de  la  primitive  ^glise  se  melent  a  ceux  des  ages 
paiens  et  de  la  societ6  byzantine.  Un  voyageur  russe  , 
M.  P.  de  Sevastianow  (1),  mcttait,  il  y  aquelquesmois, 

(I)  Voyezuuexlrail  de  sou  excursiouau  moot  Aihus,  Rovue  atcheo- 
logique,wu6e  185S,  p-  ^l>- 


(  85  ) 
soiisvosyeux  des  vues  photographiees  dii  mont  Atlios, 
siirles  cimes  du(iiipl  ft'elevent  les  plus  c(''l^bres  de  ces 
couvents,  dont  les  depots  litt6raires  out  eiirichi  nns 
bihliotb^ques.  M.  Rriegk  a  visite  les  inonastt;res  (\u 
Pinde,  les  met6ores  de  Stagus,  le  Kalabak  des  Turcs  : 
sa  relation  est  consignee  en  qnelques  pages  interes- 
santes  dans  le  Journal  o-r/icra/  de  i^eni^rnplu'r  th' 
Uerlin   (1). 

Les  Mc/eores,  coimiie  unappellc  ces  nionasteres,  sent 
sitiies  a  I'extr^mite d'line cbaine montagneiise qui  coint 
siir  la  rive  gaucbe  du  Kacbia  ou  Kratzovo,  affluent  du 
P(^nee.  lis  s'el^vent  a  deux  lieues  environ  au  N.-E.  de 
Stagus,  sur  des  cinies  abruptes  qui  avaient  d6ja  attir^ 
I'attention  de  Pouqueville  et  de  Holland,  de  Leake  et 
de  Vaudoncourt. 

Puisque  je  suis  en  ce  moment  sur  un  sol  antique,  je 
veiix  vous  dire  quelques  mots  d'un  autre  travail  qui  a 
t;t6  inspire  par  le  culte  des  lettres  antiques,  et  qui  traite 
dela  geographie  d'une  colonic  grecquc;  celui  de  M.  le 
D"'  D.  Macpherson  sur  le  Bosphore  cimm^rien  et  I'an-- 
cienne  ville  de  Panticupee,  public  dans  le  Rapport  ilc 
r  Association  britannique  pour  rcn'aiiceiiient  des  sciences. 
Notre  Soci6te  n'avait  point  encore  re^u  cet  ouvrage, 
quand  j'ai  fait  mon  dernier  rapport,  et  je  n'ai  pu  vous 
en  parler  en  son  temps.  Ce  mt^moire  judicieux  sur  un 
point  int^ressant  de  I'histoire  des  6tablissements  grecs, 
est  un  des  meilleurs  du  recueil  ou  la  geographic  et 
Tethnologie  obiiennent  chaque  annee  (2)  une  place  de 

(1)  Avril  1858,  p.  265  Pt  suivantes. 

(2)  Voyez  sur  les  travaux  de  cette  association  mon  article  dans  la 
/iei'we  des  SoL-ietes  savantes,  mars  1858. 


(  86  ) 

plus  en  plus  honorable.  Lo  liappc»l  de  r Asxociatinn 
hritanniqne  vient.  lous  lesans,  t6moignei' (In  zMede  nos 
voisins  ponr  les  etudes  serieuses,  et  de  la  po])ularit«^ 
dont  ces  6iudes  jouissent  panni  eux.  Notre  Socl^t6  est 
heureuse  d'entretenir  avec  cette  noble  Association  des 
^changes  de  publications.  Les  reunions  de  Clieltenliam 
et  de  Dublin  ont  tenu,  en  185(3  et  1857,  de  savantes 
assises  ou  nos  sciences  de  predilection  firent  I'objet  d'im- 
portantes communications;  etnousavons  appris  ((u'a  la 
reunion  de  cette  ann^e,  qui  a  eu  lieu  a  Leeds,  la  geogra- 
phie  et  I'ethnologie  n'ont  pas  6t6  moins  bien  traitees. 
Je  me  transporte  maintenant  dans  des  montagnes 
bien  eloign^es  de  la  Thessalie ,  dans  ces  Alpes  scandi- 
naves  qui  nous  sont  si  mal  connues,  quoiquc  leurs  halji- 
tants  aient  depuis  longtemps  pris  place  parmi  les  nations 
les  plus  civilis^es  de  I'Europe.  Mais  end^pit  des  progr^s 
de  I'instruction,  de  I'avancement  des  lumiferesen  Scan- 
dinavie,  cepays,  plac6  sous  des  latitudes  glac^es,  s'oflVe 
toujours  a  nouf;  comme  une  terre  inhabit6e ,  comme 
une  sorte  d' annexe  des  regions  polaires,  ou  rien  n'est 
semblable  a  notre  nature,  oil  tout  nous  ^toune,  c'est- 
k-dire  nous  instruit ,  car  I'elonnement,  Messieurs, 
qu'est-ce  autre  chose  que  le  mobile  de  lacuriosit6.  Nous 
recherchons  surtout  ce  qui  est  Stranger  a  nos  habi- 
tudes, ce  qui  ne  frappepasd'ordinairc  nos  regards,  ou 
ce  qui  leur  6cliappc  au  seiu  de  rinimensit6  des  faits 
dont  nous  sommes  environn^s.  Ce  n'est  done  point  une 
injure  k  fairc  aux  habitants  de  la  Norvv^ge,  de  mettre 
leur  patrie  au  nombre  des  contr6es  que  nous  exceptons 
du  silence  gardo  dans  ce  rapport  sur  tout  ce  qui  rap- 
pelle  trop  notre  France. 


(  87  ) 

Les  Dovre  et  les  File-Fjeld  ont  6t6  traverses  par 
M.  P.  A.  Siljestrom ,  pour  se  rendre  du  Sogn-Fjord 
au  glacier  de  Justedal.  Durant  cette  excursion,  donl 
M.  le  I)''  Sebald  a  communique  la  relation  au  Journal 
de  geographie  de  Berlin,  le  voyageur  scandinave  a 
recueilli  une  foule  de  faits  int6ressants  pour  la  geo- 
graplne  physique.  On  suit  pas  a  pas  I'auteur  dans  son 
itineraire,  qui  ne  manque  jamais  d'entremeler  le  r6cit 
de  ses  aventures  personnelles  a  ses  observations. 

Les  File-Fjekl  afTectent,  par  leurs  cimes  61anc6es, 
des  formes  qui  rappellent  celles  des  Alpes  ;  tandis  que 
les  Dovre-Fjeld  constituent  des  montagnes  plus  arron- 
dies.  Le  voyageur  a  visits  le  Nystuen  et  le  Moristuen. 
De  1^  il  a  atteint  le  sommet  du  Suletind,  qui  domine 
toute  la  contree  a  une  hauteur  d' environ  6000  pieds 
su6dois ,  et  figure  une  tour  flanquant  un  rempart.  Ce 
pic  est  d6coup6  en  un  grand  nombre  d' aiguilles,  et  de 
la  plus  6lev6e,  on  apercoit  plusieurs  des  principales 
montagnes  de  la  chaine,  notamment  le  g6ant  de  la 
Scandinavie,  le  Jotun-Fjeld,  I'une  des  cimes  du  Song- 
Fjeld;  son  altitude  est  6valuee  a  8000  pieds  su6dois. 
M.  Siljestrom  a  visit6  ,  outre  les  glaciers  de  Justedal , 
ceux  de  Nigard  et  celui  de  Lodalskaaben,  le  plus  vaste 
de  tons.  Des  masses  incroyables  de  glaces  sont  accumu- 
I6es  dans  laNorwege;  elles  ont  cependantdiminu6  de- 
puis  un  certain  nombre  d'annees.  L'auteur  cherche  k 
df^terminer  les  causes  qui  leur  ont  donn6  naissance.  La 
neige,  en  s'accumulant  sur  les  cimes  abruptes,  deter- 
mine de  terribles  avalanches  qui  contribuent  a  entre- 
tenir  la  presence  des  glaces  en  ces  lieux. 

L'6tablissement  des  telegraphes  61ectriques  a  fourni 


(88  ) 

un  moyen  noiiveau  pour  determiner  avec  precision  la 
diflt-rence  des  longitiides,  et  I'applicaiion  de  ce  procC'de 
a  6t6  tent(^e  en  divers  points  de  1' Europe.  Une  opera- 
tion de  ce  genre  vient  d'etre  laite,  grace  k  I'^tablis- 
sement  du  tel^graphe  allant  de  Roenigsberg  a  Ber- 
lin et  de  Berlin  a  Bruxelles.  Nous  en  devons  I'expose  a 
M.  C.  Briihns  qui  I'a  fait  paraitre  dans  le  Journal 
general  tie  geographie  de  Berlin  (1), 

Dans  la  Russie  d' Europe  ,  la  geograpliie  .  I'otlino- 
logie  ,  sont  cultivees  avec  une  ardour  qui  s'accroU 
chaque  jour;  et  ce  mouvement  studieux  dans  un  pays 
si  riche  en  informations,  y  assure  les  progr^s  de  nos 
sciences  de  predilection.  Je  n'en  veux  pour  preuve  que 
la  liste  etendue  que  je  trouve  au  cinquieme  numero  du 
Bulletin  de  la  Society  de  Saint-Petersbourg ,  de  cette 
anuee,  de  tons  les  articles  relatifs  a  la  geograpliie .  a 
I'ethnologie  et  a  la  statistique,  insures  en  1856  dans 
les  differents  journaux  de  la  Russie.  Assurement,  on 
ne  trouverait  pas  pour  la  meme  ann6e,  dans  les  uotres, 
une  pareille  abondauce  de  matieres. 

La  Russie  d'Europe,  quoique  infiuinient  uiieux  connue 
que  la  Russie  d'Asie,  pr^sente  encore,  surtout  vers  ses 
frontieres  orieutales ,  des  points  qui  demandent  a  etre 
explores  et  decrits.  Aussi  les  savants  russes  clier- 
chent-ils  k  completer  graduellemeut  la  connaissance 
que  nous  leur  devons  deja  des  gouvernements  qui 
avoisinentl'Oural.  M.  Antipow  a  publi6,  dansle^«//e- 
tin  de  la  Societe  de  Saint-Petersbourg,  une  description 
du  pays  qu'arrose  la  Petchora;  elle  sera  lue  avec  interel 

(1)  Juiilet  t8S8.  p.  1. 


(89) 

par  les  personnes  familiaris6es  avec  I'idiome  dans  lequol 
elle  est  compos6e. 

Je  voiis  ai  parl6  Tan  dernier  de  la  publication  du 
colonel  iM'nest  Hofluiann  ,  relative  a  1' (Jural  septen- 
trional et  a  la  chaine  Pai-Rlioi ;  pennettez-moi  de  reve- 
nir  snr cet  ouvrage  important.  L'expedition dans  I'Oiiral 
septentrional  fuL  decidee  en  1846  par  le  Conseil  de  la 
Societe  de  geographie  de  lUissie,  qui  en  confia  le  coni- 
mandement  a  3,1.  le  colonel  Hoflmann  ;  elle  cliai-gea  on 
outre  j)lus  particnli^rement  cet  officier  desobsersations 
geologiques  etmin^ralogiques.  M.  Hollinann  joint  a  des 
connaissances  profondes  un  courage  a  toute  epreuve  et 
nne  experience  consomm6e.  Rien  n'ayant  ete  neglige, 
ni  quant  au  clioix  du  personnel  de  l'expedition,  ni  quant 
anx  apprets  du  voyage,  on  avait  le  di'oit  de  compter 
sur  d'importants  resnltats  Clette  attente  n'a  pas  6te 
tromp^e.  L'expedition  a  rempli  glorieusement  la  taclie 
qui  lui  avait  et6  impos^e.  Malgr6  les  nombreuses  difli- 
cultesetles  dangers  contre  lesquels  elle  avait  k  luttei-, 
elle  atteignit  juscp'aux  parties  les  plus  septentrionales 
de  rOural,  en  reconnutlesdiverses  ramifications,  exe- 
cuta  avec  le  plus  grand  soin  des  determinations  astro- 
nomiques  et  des  leves  topograpliiques,  au  moyen  des- 
quels  elle  dressa  une  carte  exacte  des  parties  uonl  de 
la  chaine,  a  partir  du  61°  de  latitude  bor^ale  jusquii  la 
mer  Glaciale  :  elle  y  repr^senta  en  outre  tout  le  cours 
de  la  Petcliora,  depnis  ses  sources  jusqu'^  son  embou- 
chure. L'n  des  principaux  resultats  du  voyage  a  ete  la 
demonstration  de  ce  fait:  que  TOural  n'atteint  pas  le 
goll'e  de  Kara,  mais  qu'il  descend  brusquement  dans  la 
toundra  par  la  montagne  Coiistantinow-Kamen,  a  en- 


(90) 

viron  50  verstes  au  sud  du  golfc,  Iji  autre  fait  non 
moins  important,  qu'on  a  reconnu,  c'est  que  la  cliaine 
peu  61ev6e  de  Pai'-Khoi,  qui  s'6tend  vers  la  c6te  ni6ri- 
dionale  du  golfe  de  Kara ,  est  entierement  s6paree  de 
rOural  par  uue  large  plaiiie,  et  que  cette  deruiere  cliaine 
en  dillere,  taut  par  la  direction  que  par  le  caract^re. 

Je  ne  pourrais,  sans  de  longs  d6veloppenients,  vous 
donner  une  k\^e  des  immenses  recherches  que  rotluio- 
logie,  de  concert  avec  la  philologie  compar6e,  poursuit 
sur  riiistoire  des  races  qui  out  peuple  soit  I'Europe 
soit  le  reste  du  monde.  D'une  part,  je  rencontre  les  ma- 
gnifiques  travaux  de  Castren  sur  les  ])euples  altaiques 
dent  j'ai  rendu  compte  ailleurs  (1);  de  I'autre,  ce  sont 
les  recherches  de  M.  le  baron  Roget  de  Belloguet  siu' 
I'ethnologie  gauloise,  oil  les  elements  qui  nous  restent 
de  I'idionie  gaulois  sont  sounds  a  un  exanien  plus  se- 
vt^re ,  plus  attentif.  Citons  encore  les  comminiications 
faites  a  I'Association  hritannique,  dans  sa  reunion  de 
Dublin,  par  M.  Antoine  d'Abbadie  sur  les  caractferes 
ethnologiques  et  physiques  des  negres;  celles  de  M.  John 
Beddoe  sur  le  caract^i'e  physique  des  AUemands  an- 
ciens  etmodernes,  du  docteur  Minchin  sur  les  uiacro- 
cephales  d'Hippocrale,  de  Faniiral  Fitzroy  surla  migra- 
tion des  premieres  races  humaiues,  de  M.  \V.  Bullaeit 
sur  Tetlmologie  des  races  de  I'Am^rique  du  Sud.  Un 
champ  sans  limites  s'etendrait  devant  moi  et  j'essaye- 
rais  vainement  de  le  parcourir,  je  vous  fatiguerais  sans 
profit  et  n'aurais  le  teuqis  de  rien  analyser. 

Aprfes  vous  avoir  fait  connaitre,  Messieurs,  les  tra- 

(1)  Rfvue  germanique,  novembrc  1858. 


(91) 

vaux  et  les  entreprises  auxqiiels  out  doling  lieu  I'^lude 
des  dift'^rentes  contv^es  du  glol)e ,  il  nie  reste  a  vous 
parler  de  ces  expeditions  plus  vastes  destinies  a  1' explo- 
ration du  globe  tout  entier,  deces  voyages  de  circum- 
navigation, qui  ont  sans  doute  perdu  beaucoup  de  leur 
interet,  depuis  que  la  forme'de  notrc  planfete  est  si  con- 
niie,  mais  qui  sont  cependant  toujonrs  comme  de  grands 
r4sum6s  des  progrfes  des  sciences  g^ographiques.  Je 
vous  avais  entretenu,  Tan  dernier,  du  voyage  de  la  fri- 
gate autrichiennpyVocnm,  charg(^ed'une  mission  scien- 
tifique.  Le  18  novembre  1857,  elle  quittait  le  Cap  et 
falsait  route  pour  Singapour.  Avant  d'arriver  k  la 
pointe  de  I'Afrique,  elle  avait  atteint  Rio-Janeiro,  et 
aprfes  un  s6jour  de  trois  semaines  devant  la  capitale 
du  Br^sil,  avait  6t6  jeterl'ancre,  le  2  octobre ,  a  la 
bale  Simon.  C/est  de  lii  quelle  se  lendit  au  Cap.  Dana 
son  voyage  du  Cap  a  Singapour,  elle  visita  les  iles 
Saint-Paul ,  du  Prince  Edouard ,  Marion ,  Crozet ,  Ker- 
guelen  et  Mac-Donald.  S'appliquant  a  bien  determiner 
les  coordonn^es  g^ographiques  de  plusieurs  de  ces 
groupes,  rexp6dition  a  enrichi  d'indications  nouvelles 
nos  tables  de  position.  On  doit  a  I'un  de  ses  membres, 
le  docteur  Charles  Scherzen,  un  travail  special  sur  les 
lies  Saint-Paul  et  de  la  Nouvelle- Amsterdam.  Ce  natu- 
raliste  a  d^couvert  deux  nouvelles  espfeces  d'animaux 
dans  ces  parages.  A  Saint-Paid,  il  a  trouv^  des  peche- 
ries  dirig^es  par  un  Francais  de  Tile  de  la  R^iuiion , 
M.  Ottovan.  Nous  attendons  prochainement  des  nou- 
velles de  la  marche  ult^rieure  de  la  fr(^gate. 

Ces  voyages  de  circumnavigation  fournissent  h  ceux 
qui  les  accomplissent  des  informations  si  riches ,  si 


( y2  ) 

abondaiUes.  qu'il  rsl  laro  ((u'cllos  piiisspiil  toiitos avoir 
leur  place  dans  les  relations  ollicielles.  Et  parfois, 
bien  des  annc^os  apr^s  ,  les  i)ieni])res  de  I'expedition  , 
en  compulsant  Iciirs  notes,  y  ti'oiivent  encore  la  nia- 
liere  de  livres  inli-ressants.  Nous  en  avons  la  pieuve 
dans  les  Su/wfiiirs  c[iie  M.  V.  H.  de  Kii/.lilz  vient  de 
pnblier  du  vo\ag(^  (pi'il  a  I'ait  jadis  snr  le  Sc/iitnv/n  , 
r.ominande  parle  capitaineliiitke.  (le  naturalisto  passe 
en  revue  Rio-Janeiro,  le  Chili,  la  bale  de  Sitclia,  les 
iles  Aleoutiennes,  lesbords  tie  la  livieiv  kalaclityrka, 
les  lies  Brown,  Carolines  el  Bonln  ;  a  cliaque  i)age,  il 
donne  sur  ces  contr6es,  et  principalement  sur  leur  faune 
et  leur  flore ,  des  details,  sinon  toujours  neufs ,  an 
moins  toujours  instructii's. 

Comnie  au  voisinage  tics  poles,  il  suHitde  suivre  quel- 
que  temps  le  nieme  parallele,  pour  avoir  accom|)li  le  tour 
du  globe,  je  classerai  aussi  dans  lacategorie  des  voyages 
de  circumnavigation  ceu\  (jiii  on  I  etc  faits  dans  les 
I'egions  polaires.  line  nouvellc  ex])cdition,  commands 
par  le  capitaine  Mac-Clintock ,  \ a  explorer  les  mers 
arctiqucs,  non  phis,  lielas  1  dans  I'espoir  de  retrouver 
I'infortune  Franklin,  rnais  au  moins  pour  dticouvrir  le 
lieu  )U"ecis  oil  il  a  peri.  Les  nouvelles  qu'on  a  deja  re- 
cues  du  chef  de  rexpedition  sont  excellentes.  Je  ne 
d6roulerai  pas  un  itineraire  (jui  mettrait  encore  sous 
vos  yeux  des  contrties  dont  les  noms  vous  sont  tami- 
liers.  Disons  seulenient  que  le  20  juilhit,  le  capitaine 
Mac-Clintock  etait  au  cap  York,  d'oii  il  comptait  se 
rendrea  Tile  lieechey  pour  y  proct^der  a  une  nouvelle 
enquete. 

Une  expedition  est  partie  de  Stockholm  I'^te  dernier. 


(  ^3  ) 

pour  le  Spitzberg,  suriuut  en  viie  d'une  exploration 
g^ologique  et  min6ralogiqiie  des  lies  de  ce  nom.  Nul 
doute  qa'elle  n'ajoute  encore  h.  nos  connaissances  sur 
la  constitution  des  terres  boreales  et  la  climatologie 
des  regions  polaires.  Nous  avons  deja  6t6  inform6s  ([ue 
MM.  Torell  et  Nordenskold  ont  ti'ouvc  la  carte  de  visite 
que  lord  Duflerin  a  deposee  au  Spitzberg  en  185(5 , 
conune  inie  invitation  a  marcher  sur  ses  traces. 

Ces  voyages  de  long  cours  sont  plus  specialenient 
organises  en  vue  des  progr^s  de  la  physique  terrestre  ; 
aussi  m'oflrent-ils  une  transition  naturelle  pour  vous 
entretenir  de  quelques-uns  des  travaux  qui  touchent  a 
cette  branchc  de  la  science  du  globe.  Un  membre  de 
I'Acadt^mic  de  Belgique,  M.  Houzeau,  vous  a  oflert  une 
Histnire  du  sol  dc  l' Europe ,  savant  pr6cis  de  nos  con- 
naissances gen6rales  sur  la  constitution  terrestre,  oiise 
trouvent  r^unis  les  resultats  les  plus  importants  de  la 
geologic  et  de  rorograj)hie  appliques  a  la  partie  du 
monde  que  nous  habitons.  Get  ouvrage  est  un  nouveau 
symptome  du  gout  qui  se  r6pand  cliez  le  public  pour 
une  science  sans  laquelle  les  g^ographes  ne  pourront 
bientot  plus  marcher,  et  qui  nous  promet  quelques-uns 
des  secrets  de  la  creation. 

Entre  les  phenomtjnes  physiques  dont  la  geographic 
doit  plus  particulierement  s'occuper,  je  citerai  de  pri^- 
ftrencc  les  tremblements  de  terre,  a  raison  des  travaux 
dont  ils  sont  devenus  dans  ces  derniers  temps  I'objel. 
Un  observateur  infatigable ,  M.  Andres  Poey,  vous  a 
ofTert  un  catalogue  dress6  par  lui  de  ces  terribles  catas- 
trophes, dont  nous  commencons  a  entrevoir  laloi.  Son 
travail,  intitule  :  llcpnitition  ^cographique  de  /'unn'or- 


( n  ) 

salite  dcs  mcteores  en  zones  lerrestres,  atmospheriques , 
solnires  et  lunnires ,  qu'ont  publid  les  Annales  dcs 
voyages,  renferme  sur  I'ethnologie  et  plusieuis  ques- 
tions relatives  a  la  physique  du  globe,  cles  apercus  in- 
g6nieux  et  liardis  qui  plaisent  parleur  nouveaut^,  alors 
qu'ils  lie  portent  pas  encore  unc  enti^re  conviction  dans 
r esprit.  M.  Emile  kluge  a  fait  paraitre  dans  le  Becueil 
de  M.  le  D''  Petermann  (1)  le  croquis  d'une  carte  ou 
Ton  saisit  d'un  seul  coup  d'ceil  les  directions  suivies,  en 
1855  et  1856,  par  ces  reactions  du  foyer  int6rieur 
contre  le  sol.  La  notice  qui  accompagne  son  dessin 
montre  dans  quelle  6troite  relation  les  Eruptions  vol- 
caniques  sent  avec  les  tremblemcnts  de  terre. 

Toutes  les  personnes  qui  ont  lu  des  voyages  con- 
naissent  la  mer  de  varech,  cette  prodigieuse  accumu- 
lation de  fucus  qui  eflrayait,  en  l/i92,  les  compagnons 
de  Cliristophe  Colomb,  et  leur  faisait  croire  qu'ils  ^taient 
arrives  aux  derniferes  limites  del'oc^an  navigable.  M.  le 
capitaine  Leps  a  6tudi6  avec  une  attention  particulifere 
cette  region  maritime.  II  croit  avoir  remarqu6  que  les 
fucus  ne  sont  pas,  comme  on  I'a  dit,  arracb^s  d'un 
fond  rocheux  par  la  violence  des  eaux ,  mais  qu'ils  se 
propagent  d'eux-memes  a  la  surface  de  I'oc^an.  La  mer 
des  sargasses  n'est  pas  le  receptacle  des  plantes  qu'ap- 
porte  le  GuJf-Stream  k  sa  sortie  du  golfe  du  Mexique  ; 
elle  est  au  contraire  la  source  d'oii  proviennent  les  va- 
rechs  isol6s  qu'on  rencontre  dans  la  mer  des  Antilles. 
M.  Leps,  rapprochant  les  diff^rentes  opinions  qui  ont  ete 
^mises  sur  I'^tendue  do  la  mer  de  varech ,  montre 

[\)mihe\lv,ng6n,  1858,  n"  6. 


que  toutes  tendent  b.  lui  assigner  pour  limites  le 
20°  et  le  36"  de  lat.  N.;  le  SO^  et  le  50^  de  long.  Mais 
un  examen  critique  le  conduit  a  regarder  ce  domaine 
comme  trop  resserre ;  il  prouve  quecette  mer  d'herbes 
s'6tend  r^-ellement  du  17"  ou  du  18°  de  lat.  N.  jusqu'au 
38°,  et  du  30'  au  80"  de  long.  C'est  particuli^rement 
entrele  81°  et  le  50"  que  lesvarechs  sont  le  plus  abon- 
dauts  (1). 

Je  ne  vous  parlerai  pas,  Messieurs,  des  nombreux 
hommages  qui  vous  ont  6t6  faits  par  des  officiers  de  la 
marine  imp6riale,  etqui  t6moignentde  leurintelligente 
activity.  Les  uns,  comme  M.  le  capitaine  E.  Tricault  (2) , 
s'attachent  a  faire  passer  dans  notre  langue  et  a  popu- 
lariserparmi  nous  les  beaux  travaux  hydrographiques 
de  M.  le  lieutenant  Maury,  dont  le  nom  est  aujourd'hui 
europ^en.  Les  autres ,  comme  notre  confrere  M.  de 
Kerhallet,  composent  des  trait^s  destines  h  faciliter  la 
navigation  dans  les  mers  que  nous  frdquentons.  Mais 
je  ne  dois  pas  passer  sous  silence  la  Table  des  positions 
geographiques  des  principaux  lieux  du  globe  ,  qui  VOUS 
a  6t6  oITerte  par  notre  respectable  confrere  M.  Daussy. 
Son  nom  nous  est  un  sur  garant  de  la  rigueur  scrupu- 
leuse  des  calculs.  M.  Daussy  nous  a  depuis  longtemps 
habitues  aux  travaux  consciencieux  et  de  bon  aloi.  On 
ne  saurait  d'ailleurs  en  recevoir  d' autres  du  corps  des 
ing^nieurs  hydrographes,  dont  notre  confrere  a  6t6  long- 
temps  le  chef,  ct  dont  il  demeure  une  des  illustrations. 
La  table  en  question  est  extraite  de  la  Connaissance  des 
temps  pour  I'annee  1860. 

(1)  Annates  hydrographiques,  aaa^e  1857,  tome  XIII,  p.  565  et  sui- 
vantes. 

(2)  Voyez  Annales  hydrographiques^  «nn6e  1857, 


(  96  ) 

Aprfesvous  avoir  donii6  lui  apercu,  que  j'aurais  voulu 
rendre  moins  incom[)lct ,  des  principales  publications 
geographiques  de  cette  annee,  jc  dois  vous  signaler  les 
cartes  donl  s'est  enrichi  notre  depot,  et  quelques-unes 
de  celles  qui  out  paru  a  I'^tranger.  La  moisson  carto- 
graphique  a  et6  a])ondante  en  1858  ;  elle  denote  les 
progr^s  remarquables  qu'ont  faits  la  topographic  el  le 
dessin  de  la  carte,  depuis  un  quart  de  si6cle.  Les  arts 
qui  sout  tout  d' imagination  et  qui  ne  reinvent  que  du 
g^nie  createur,  ne  semblent  pas  susceptibles  d'un  pro- 
gr6s  continu.  lis  ob^issent  a  certaines  vicissitudes  de 
I'intelligence  ;  ils  ont  des  moments  d' apogee  et  des  p6- 
riodes  d'atonie  et  de  di^cadence.  Les  Grecs,  les  Italiens 
de  la  renaissance ,  si  fort  au-dessous  de  nous  pour  la 
culture  des  sciences  et  ledi^veloppementdel'industrie, 
sont  encore  nos  niaitrcs  dans  les  arts  plasliques,  et  la 
hauteur  a  laquelle  ils  se  sont  61ev6s,  rien  n'annonce 
qu'ou  puisse  aujourd'hui  y  atteindre.  II  n'eu  est  pasde 
mexne  des  arts  oii  le  soin  et  la  precision  tiennent  lieu 
du  genie,  ou  la  rigueur  des  mesures  est  preferable  a 
I'invention,  ou  ce  n'est  pas  la  nature  qu'il  faut  saisir 
dans  ses  manifestations  passagferes  et  anim6es ,  inter- 
pr^teret  idealiser,  mais  ou  Ton  ne  cherche  qua  repro- 
duire  un  relief,  qu'a  ramener  en  un  cadre  6troitceqae 
I'ceil  ne  pourrait  autrement  embrasser,  (les  arts-la  so 
pcrfectionnent  chaque  jour;  la  plume  et  le  tire-ligne 
acquiei-ent  de  plus  en  plus  d'habilete ;  les  teinles  ])lates 
se  djslribucnt  avec  une  entente  plus  complete;  les 
hachures  et  Ic  pointill6  rendent  avec  plus  de  vcrite 
Faspccl  du  terrain  ,  le  contour  des  figures  geome- 
triques,  sans  qu'on  ait  besoin,  pour  y  r6ussir,  du  senti- 
ment coloriste  de  I'^cole  v6nitienne,  de  la  puissance 


(  ^7  ) 

de  composition  et  do  la  purete  de  deb^^in  d'uii  Michel- 
Ange  ou  d'un  Raphael. 

La  cartographic  est  done ,  k  certains  egards ,  plus 
favorisee  que  la  peinture.  Ses  ressources  ne  sont  pas 
aussi  vastes,  ses  moyens  aussi  puissants,  mais,elle  ne 
cesse  de  les  accroitre  et  de  les  completer.  Dans  les 
cartes  dont  je  dois  maintenant  vous  entretenir,  j'ai  vu 
avec  une  vive  satisfaction  cette  science,  qui  fait  I'objet 
de  nos  predilections ,  guider  constamment  I'artiste  et 
assurer  a  son  dessin  une  rigueur  et  une  verity  d'expres- 
sion  geograpliique  qui  etaient  inconnues  auparavant. 

Pour  me  conlbrmer  a  I'ordre  que  j'ai  prec6demment 
ndoptu,  je  commence  par  TAm^rique.  M.  le  colonel 
Joaquim  Acosta  vous  a  olfert  mie  carte  de  la  Nouvelle- 
Grenade  an  ytuIoTTF'  pi"esentant  la  division  de  cette 
republique  en  Etats  {l^stadox)  eten  territoires.  Ainsi 
que  les  Etats-UnisduNord,  la  Nouvelle-Grenade  recon- 
iiait  deux  ordres  de  subdivisions  politiques  :  les  pro- 
vinces et  les  territoires.  Deux  Etats ,  ceux  de  C'.auca  et 
de  Cundinamarca ,  continent  aux  territoires  de  meme 
noni,  territoires  que  leur  surface  moins  connue  et  inoins 
habitue  n'a  point  permis  au  colonel  Acosta  de  repr6- 
senter  avec  une  6gale  abondance  de  details.  Tout ,  en 
eflet,  est  indiqu6  dans  la  carte  des  Etats  :  mines  d'or, 
d' argent,  de  cuivre,  d'emeraudes,  eaux  jninerales,  vol- 
cans  actifs,  cheminset  routes,  ruines  antiques.  Depuis 
le  golfe  du  Mexique  jusqu'au  rio  Miia  et  au  Putuniayo, 
dontle litsert,  au sud,  de Ihnites  ala Nouvelle-Grenade, 
se  diploic  un  ensemble  d'indications  lopographiques 
qui  donnent  a  cette  carte  un  haul  int^ret,  A  I'eiitour  sont 
disposes  dans  des  cartouches  des  cartes  et  des  plans 

XVII.    JANVIER    ET    FEVaiER.    7.  7 


(98) 

figures  sur  une  phis  petite  ^chclle  el  destines  h  com- 
pleter la  geographie  cle  la  Republique.  C'est  d'abord 
un  plan  de  Bogota,  un  autre  du  port  de  Carthagfene, 
avecl'mdication  des  sondages;  puis  un  plan  particulier 
du  Puerto  de  Sabanilla,  dresse  par  M.le  capitaine  Jaime 
Brun.Dans  une  coupe  de  la  chaine  des  Cordilleres,  jointe 
a  la  carte,  des  majuscules,  distributes  ^  diff^rentes  hau- 
teurs de  leurs  cimcs,  indiquent  la  composition  du 
terrain.  La  carte  de  M.  le  colonel  Acosta  est  un  nia- 
gnifique  travail  qui  fait  le  plus  grand  honneur  a  son 
auteur. 

Je  vous  ai  entretenus  tout  k  I'heure  du  Coast-Siuvey; 
car,  malgr6  le  caract^re  6minemment  topographique  de 
cette  entreprise,  je  ne  pouvaisla  separer  de  ce  quia  t^t6 
fait  pour  la  geographie  de  TUnion.  J'ai  encore  a  vous 
signaler  un  autre  tra\ail  cartographique des  I^tats-Unis, 
mais  moins  6tendu  :  le  Tmck-Siuvey  du  Paraguay, 
dresse  par  M.  le  commandant  am^ricain  Th.-J.  Page, 
et  dont  vous  avez  recu  plusieurs  feuilles. 

L'un  de  nos  correspondants,  le  savant  M.  Kiepert, 
vousaadresse  deuxde  ses  plus  belles  publications.  En 
premier  lieu,  une  nouvelle  carte  de  1' Am6rique  tropicale, 
comprenant  la  partie  6quatoriale  des  Indes  occidentales, 
TAmerique  centrale ,  le  Mexique,  la  Nouvelle-Grenade 
et  le  Venezuela.  Dans  cette  ceuvred'ensemble,racad6- 
micien  de  Berlin  a  mis  a  contribution  tons  les  documents 
qui  ont  paru  jusqu'a  ce  jour.  Sa  carte,  dedi6e  h.  Alexandre 
de  Humboldt,  est  dignedece  grand  nom,  mais  elle  n'a- 
vait  pas  besoin  d'un  autre  nom  que  cclui  de  Kiepert, 
pour  inspirer  une  entifere  confiance  au  monde  savant. 
Ex(icut6e  par  le  proc6d6  de  la  lithographic,  elle  a  toute 


(99  ) 

la  uettete  d'uiie  carte  gravee;  ses  six  belles  feuilles 
formeiit  uii  veritable  atlas,  line  I6gende  d6veloj)pee  v 
indique  le  nom  et  la  hauteur  des  montagnes;  une 
6clielle  croissante,  conforniement  au  systfeme  de  pro- 
jection de  Mercator,  penuet  d'obtenir  imm6diatenient, 
en  lailles  marins  de  60  au  degre,  les  milles  g6ogra- 
pliiques  allemands,  repondant  a  li  milles  marius,  et 
donne  en  pieds  anglais  les  altitudes  des  montagnes. 
Dans  une  notice,  jointe  a  I'une  des  feuilles,  M.  Kiepert 
I'ait  connaitre  les  materiaux  dont  il  s'est  servi.  Je  passe 
a  la  seconde  carte  que  nous  a  ollerte  I'habile  g6ographe, 
c'est  une  carte  plus  detaill^e  de  TAm^rique  centrale. 
Execut6e  ])ar  le  meme  proc6d6,  dress6e  avec  une  extreme 
abondancede  details,  abondance  pr6cieuse  surtoutpour 
la  connaissance  des  cours  d'eau,  qui  demeurent  en  ces 
contr^es  les  divisions  naturelles  du  pays,  et  bien  sou- 
vent  les  seules  voies  de  communication,  cette  carte  sera 
lecue  avec  une  vive  gratitude  par  les  amis  de  la  geo- 
graphic. Des  l^gendes  non  moins  d6velopp6es  que  dans 
la  carte  pr6c6dente,  et  r6dig6es  en  francais,  donnent 
pour  certaines  provinces  la  statistique  des  terrains,  celle 
de  la  production  des  bestiauxet  une  foule  d'autres  indi- 
cations non  moins  curieuses.  L'(5chelle  est  de  ^- — . 

o  0  0  0  0  0 

Je  vous  ai  fait  connaitre  plus  haut  la  publication  du 
voyage  de  M.  MoUhausen  dans  la  region  du  Mississipi. 
Si  uotre  bibliotheque  a  le  regret  de  ne  point  poss6der 
ce  bel  ouvrage,  nous  avons  du  moins  refu  une  de  ses 
cartes;  on  y  peut  suivre  I'itin^raire  du  voyageur  dans 
la  region  du  Missouri  et  dans  tout  le  Far-West.  Les 
rapides  progr^s  de  la  colonisation  rendent  indispensable 
aujourd'hui  la  construction  de  cartes  nouyelles,  desti- 


(  100  ) 
iiees  a  lixer  iios  ideessnr  des  conlrees  dont  Ic  iioin  re- 
leiitit  sans  cessc  dans  los  jounianx.  I)e])nis  Ic  .Missouri 
jus(|ii"a  ['ocean  PacilKiiie,  les  villes  Ifevent,  pour  aiusi 
dire,  comnieriierbe  du  sol.  Destravaux  topograpliiqnes 
iniportants  sont  poursnivis  depuisquelquesann6es,  aux 
Etats-Unis,  dans  le  but  d'arriver  a  un  figiue  complet 
du  terrain.  Maisces  oeuvres,  encore  pen  connnes  paniii 
nous,  sont  trop  Iractionnees,  trop  in6gales,  pour  i)rendre 
place  dans  nos  atlas.  11  etait  n6cessaire  der6sumer  ces 
essaispartiels,  et  de  les  soumettre  a  nn  travail  de  rac- 
cordement  et  de  synthase  qui  leur  ser\  it  de  controle, 
avant  de  les  livrer  a  la  circulation.  Cest  ce  qu'a  fait 
M.  Henri  Lange  dans  une  carte  dessinee  en  vue  de 
I'ouvrage  de  M.  Mollhansen,  et  qu'il  vous  a  gracieu- 
senient  offerte.  Une  notice  qui  y  est  jointe  fait  connaitre 
tons  les  materiaux  fjfu'il  a  eus  a  sa  disposition,  et  per- 
met  de  niesurer  les  difiicultes  de  la  tache  qu'il  a  acconi- 
plie.  Cette  carte  est,  il  est  vrai,  dress6e  sur  une  assez 
petite  echelle,  -^^t^oo  ;  maiscomme  il  s'agit  ici  sinqile- 
mentde  donner  une  idee  generale  du  pays,  et  non  de 
Jigurer  toutes  les  lignes  du  reseau  naturel  otlert  par  le 
terrain,  Teclielleest  tr6s  sutlisante.  I.a  carte  comprend 
tout  le  pays  qui  s'6tend  depuis  le  fort  Smith,  nn  pen  au 
nord  du  35-^  parallelesur  I'Arkansas,  jus([u'a  lacote  de 
Californie,  dont  elle  donne  la  partie  situee  au  sud  de 
San-Francisco.  La  route  suivie  par  le  voyageur  Mollhan- 
sen, du  fort  Smith  au  port  de  San-Pedro,  forme,  par 
rapport  k  la  carte,  une  sorte  d'6quateur.  Une  petite 
carte  d'une  moindrc  echelle,  ,toiVoo6'  'epr^sente 
I'etaL  dc  Kansas,  et  tous  les  afiluents  orientaux  du  Mis- 
souri.  Enfin,  une  coupe   generale  permet  de  suivre 


( 10' ) 

I't^lt^vation  dn  so],  depiiis  ]o  littoral  de  San-Francisco 
jusqu'aii  fort  Smith.  Celte  coupe  a  son  point  culminant 
presque  an  milieu  de  la  ligne,  a  la  passe  de  Campiiell, 
sur  la  Sierra  Madre,  dont  la  hauteur  estde  7750  pieds 
anglais,  pr6s  du  Camino  del  Obispo,  qui  lui  est  supe- 
rieur  en  altitude  de  500  pieds  environ, 

L'Asie  ne  nous  a  pas  I'ourni,  juessieurs,  un  si  riclie 
contingent  de  cartes  quelenouveaunionde,  II  estcepen- 
dant  one  carte  d'une  grande  valeur,  que  je  dois  signa- 
ler a  votre  attention.  Les  nombreux  voyages  dans  I'Asie 
occidentale,  dont  je  vous  ai  parl6,  faisaient  sentir  la  ne- 
cessity de  cartes  meilleures,  pour  cette  region  si  int(^res- 
sante  au  point  de  vue  historique.  L'Ann6nie,  le  Kur- 
distan et  I'Azerbaidjan  reclamaient,  en  particulier,  un 
figure  nouveau  ;  cette  carte  vient  d'etre  habilement 
dressee  par  M.  Kiepert,  al'^chelle  de  roooTo-  Divis6e  en 
/i  feuilles,  elle  reunit  tons  lesm6rites  que  nous  sonnnes 
habitu6s  k  rencontrer  dans  les  oeuvres  de  son  auteur  ; 
et  la  Societ6  est  heureuse  d'en  devoir  un  exemplaire  a 
son  correspondant  berlinois. 

La  guerre  des  Indes  a  fait  6clore  un  grand  nombre 
de  cartes;  destinees  simplement  a  repr6senter  les  ope- 
rations de  Tarmeeanglaise,  elles  sont  d'un  int^ret  gt^o- 
graphique  secondaire.  Je  vous  signale  encore,  entre 
les  cartes  des  contr^es  de  I'Asie  recemment  livrees  au 
pid)lic,  celledu  pays  d'Israelde  M.  Van  de  Velde,  qui 
vous  en  communiquait ,  il  y  a  quelques  annees,  les 
elements ;  celle  de  la  Chine,  dressee  pour  suivre  les 
operations  des  Europeens  sur  les  cotes  de  cet  empire, 
et  qui  vous  a6t6  offerte  par  MM.  Erhardet  Basset ;  enfin 
la  carte  de  1' empire  d'Annam,  pour  servir  a  I'histoire 


(  102  ) 

des  missions  des  j^suites,  d^pnsef  siir  voiro  biii-cau 
au  nom  du  R.  P.  de  Montezoii,  i)ai-  iiotro  cnnfrtM-p 
M.  d'Avezac. 

L'Afrique  n'est  pas  encore  asscz  connuo  pour  qu'oii 
en  puisse  dresser  des  cartes  aiissi  riches  on  indications 
que  celles  qui  nous  ont  6t6  fournies,  cctto  annee,  par 
I'Am^rique.  On  en  est  rMuit,  en  bien  des  points,  k  des 
indications  provisoires  et  grossiSros.  Cependant  les  pro- 
gr6s  incessants  des  d6couvertes  rendent  indis])ensabln 
la  redaction  de  cartes  nouvelles,  tant  pour  suivre  I'iti- 
n6raire  des  voyageurs,  que  pour  efiacer  des  esprits  les 
notions  erron^es  que  nous  devions  aux  cartes  ant6- 
rieures.  Dans  ce  but,  M.  E.  Desbuissonsadresse,  sous 
la  direction  d'un  de  nos  confreres,  M,  Cortambert,  une 
carte  complete  de  I'Afrique,  dont  le  m^rite  et  I'int^ret 
seront  ais^ment  appr6ci6s  par  vous.  M.  Desbuissons  a 
en  outre  place  dans  un  cartouche  une  carte  r^dnite,  mais 
plus  d6taill6e,  de  I'Alg^rie,  allant  jusciu'i\  Ouargla,  el 
comprenant  tout  le  pays  situ6  au  nord  du  32"  de  lati- 
tude, sous  lequel  cette  ville  se  trouve  situ6e.  L'auteur 
indique  dans  le  Soudan  les  diverses  localit^s  et  les 
populations  visit^es  paries  derniers  explorateurs;  il 
met  k  contribution  les  voyages  de  Livingstone  et  les  di- 
verses informations  dues  f\ceu\  qui  ont  visits  I'int^rieur 
de  I'Afrique  australe.  C'est  t^galcment  h  vulgariser  les 
progrtjs  dc  la  cartographic ,  que  s'est  consacr^  notre 
confrere  M.  Malte-Brun.  Des  cartes  aussi  consciencieuses 
que  celles  qu'il  a  dress6csdu  voyage  de  Vogel,  de  Tile 
de  P6rim,  permettrontk  tons  ceux  qui  s'int^ressent  aux 
questions  geugraphiques,  politiques  et  commerciales, 
de  suivre  sur,  le  terrain,  du  fond  de  lour  cabinet,  la 


(  103  ) 
marche  des  6v6nements.  M.  J.  G.  Miani  a  enrichivotre 
d6p6t  d'une  nouvelle  carte  du  bassin  du  Nil ;  elle  est 
destin^e  a  faire  comprendre  ses  id6es  sur  les  sources 
myst6rieuses  de  ce  fleuve,  et  montre  la  commune  ori- 
gine  qu'illui  suppose  avec  la  riviere  de  Zanguebar. 

Vous  devez,  messieurs,  aM.  le  docteur  Henri  Lange, 
outre  la  carte  du  Mississipi,  une  carte  du  nord-est  de 
I'Egypte,  donnant  la  partie  comprise  entre  I'isthme  et 
le  Nil,  jusqu'un  peu  au  sud  de  Sakkarah.  M.  Lange  a 
prisle  soin,  et  c' est  la  ce  qui  ajoute  un  int^ret  tout 
particulier  a  sa  carte,  de  noter  les  diverses  ]ocalit6s  ou 
se  trouvent  des  ruines.  Ex6cut6e  par  le  meme  proced6 
quecelle  qui  sert  d'itin^raire  aux  voyages  de  M.  Moll- 
hausen,  cette  carte,  kl'^chelle  de  «3^'o^,  int^ressera 
particuli6rement  les  personnes  qui  s'appretent  h  suivre 
la  grande  operation  du  percementde  I'isthme  de  Suez. 

L'Europe  nous  fournit  naturellement  les  cartes  les 
plus  completes  et  les  plus  d6taill6es.  Le  degr6  de  pr6- 
cision  avec  lequel  le  terrain  a  6t6  etudi6  trouve  dans 
la  perfection  topographique  son  miroir  fidfele.  Vous  con- 
tinuez  a  recevoir  les  feuilles  de  notre:  magnifique  carte 
del'6tat-major, au  ^,^,;  cinq  feuilles nouvelles  ont  6t6 
d(^pos6es  sur  votre  bureau.  L'6tat-major  du  royaume  des 
Pays-Basrivaliseaveclenotre,  et,  ilfaut  le  reconnaitre, 
son  ceuvre  soutient  noblement  la  comparaison.  Quatre 
feuilles  nouvelles  vous  ont  6t6  envoy6es.  En  jetant  les 
yeux  sur  les  deux  derniferes  que  vous  avez  recues,  les 
n"  37  et  38  {Hatten  et  Gonnchen),  j'ai  6t6  frapp6  de 
I'habilete  avec  laquelle  les  ofliciers  n^erlandais  sonL 
parvenus  a  rendre  dans  tons  ses  details  les  divisions 
infinies  du  terrain.  Vous  Ic  savez,  uiessieurs,  les  Pays- 


(  10/j  ) 

Bas  presontent  une  succession  perpetuellr  de  niarais, 
de  lourbi^res,  de  polders,  de  canaux,  de  prairies  el  de 
jardins.  Lesrouteset  leschemins  y  sontn^cessairenient 
plus  niultipli6s,  parce  que  I'^tat  du  sol  isole  en  quelque 
sorte  les  foiids  de  terre  les  uns  des  autres.  Eh  bien  I  tout 
cela  est  rendu  avec  une  clai-t6,  une  v6rit6  de  tons  et 
une  distribution  de  lignes  queje  n'ai  encore  observ^es 
nuUe  part.  L'fjciln'y  est  jamais  fatigu6;  grace  au  figurC', 
il  devine,  presque  sans  16gende,  la  nature  du  terrain, 
et  se  retrouve  ais^nient,  au  milieu  des  lignes  innoni- 
brables  (jui  se  croiseni  ou  courent  i)arall(Mpment.  La 
Soci6t6  sera  heureuse  de  donner  un  teuioignage  de  sa 
haute  estime  a  I'd'uvre  d'uu  gouvernement  qui  s'est 
toujours  fait  remarquer  par  son  zfele  intelligent  et  ^clair^ 
pour  les  sciences.  Les  Hollandais  sont  un  petit  peuple, 
mais  si  Ton  mesure  I'etendue  des  services  qu'il  a  rendus 
k  la  civilisation,  on  trouvera  que  sa  place  est  une  des 
pins  belles  et  des  plus  larges  sur  la  carte  de  I'hii- 
manit6. 

La  maison  Perthes,  qui  est  aujoui'd'hai  un  vaste  la- 
boratoire  d'oii  sortent  les  travaux  g^ographiques  les 
plus  divers  et  les  plus  consciencieux,  vous  a  oflert  un 
atlas  des  contr6es  alpestres  en  neuf  feuilles,  dressy  par 
M.  J.  G.  Mayr. 

Les  contr6es  de  montagnes  sont,  connne  vous  savez, 
messieurs,  lapierre  d'achoppenient  de  la  cartographic. 
Le  dessinateur  d'une  carte  doit  s'attacher  surtout  k  deux 
choses  :  6tre  vrai,  etre  clair.  Or,  dans  une  contr6e  for- 
tement  accidpnt6e,  cette  double  condition  devientbien 
difiicile  ireinplir.  Quand  on  teiite  de  figurer  lesol  avec 
loiites  ses  inegalites,  r(X'il  se  brouille.  et  il  kii  devient 


(  105  ) 

presqne  aussi  (lirficile  de  se  retrouver,  qu'il  Test  au 
voyageui'  de  gravir  les  pentes  abruptes  de  ce  sol  tour- 
ment6.  M.  Mayr  a  abord6  hardiraent  le  probl^me  sur 
une  6clie]le  de  -^^u-  Par  iin  habile  ajnstemeiitdeha- 
chures,tOTir  a  towr  rapprocbees  ou  6cart6es,  accusees  on 
l^g^rement  indiqu6es,  il  a  reussi  k  nous  doniier  iin  v6- 
ritable  relief  apparent  de  la  partie  la  plus  montagneuse 
de I'Europe.  Et  cependant  les  noms  sont  inscrits  pai- 
tout,  au  bord  des  torrents  comme  sur  lacime  des  mon- 
tagnes ;  toutes  les  localites  sont  plac^es  a  leurs  diff^- 
rentes  hauteurs,  et,  par  un  heureux  artifice,  la  carte 
pr6sente  une  veritable  perspective.  La  Suisse,  la  Savoie, 
le  Pienioiit,  la  Bavi^re  m6ridionale,  le  Tyrol,  le  paysde 
Salzbourg,  I'archiduch^  d'Autriche,  la  Styrie,  I'lllyrie, 
la  haute  Italic,  les  Vosges,  sont  compris  dans  ce  bel 
atlas,  ceuvre  prodigieuse  de  patience  et  de  soin,  oii,  pour 
manager  notre  vue,  les  yeux  des  auteurs  ont  du,  h6las ! 
etre  soumis  a  de  rudes  6preuves. 

Le  probleme  qu'a  poursuivi  M.  Mayr,  M.  le  major 
Auguste  Papen  a  cherche  a  le  r^soudre  par  une  autre 
voie,  demandant  aux  couleurs  les  indications  que 
M.  Mayr  ne  tire  que  de  I'asseinblage  des  hachures.  II 
a  6tabli  comme  une  6chelle  ascendante  de  teintes 
correspondantes  chacune  a  une  altitude  d^terminee , 
depuis  le  blanc  qui  donne  la  surface  des  eaux,  le  brun 
clair  (pii  repr6sente  une  hauteur  de  I  a  100  pieds 
francais,  jiisqu'au  jaune  fonc6  qui  correspond  k  une 
altitude  de  4500  a  5000  pieds.  Pour  des  regions  plug 
^]ev6es,  I'emploi  de  lignes  continues  sur  un  fond  de 
couleur  supplee  a  I'insuffisance  des  teintes.  L'atlas 
de  M.  Papen.  public  par  I'lnstitut  g^ographiquo  de 


(  106  ) 

Franclbrt,  que  dirige  M.  Ravensten,  a  ete  encourap;^, 
messieurs,  specialement  par  vous.  Vous  y  avez  vii  uiip 
ftiuvre  s6rieuse  eL  originale,  un  lienreux  essai  d'atlas 
hypsometriquc,  digne  de  la  sollicitude  des  amis  de 
la  geographic,  M.  Papen  a  adopte  la  })rojecliou 
de  Gauss,  et  fait  ex6cuter  ses  cartes  par  I'emploi  de 
la  gravure  sur  pierre  et  de  limpression  en  couleur. 
Peut-etre  cet  usage  nouveau  du  coloriage  en  carto- 
graphie a-l-il  1' inconvenient  de  contrarier  les  habitudes 
de  notre  (cil,  accoutume  a  ne  voir  dans  la  couleur 
qu'une  indication  geognostique  ou  de  division  poli- 
tique. xMais  la  sim])Ucit6  du  proc^de  justifie  la  nou- 
veaute  du  moyen. 

Vous  devez  a  la  liberalite  de  M.  Alfred  Potiquet  la 
carte  g^n^ralc  du  r^scau  concede  a  la  compagnie  des 
chemins  de  ferde  I'Est,  indiquant  les  relations  directes 
avec  I'Allemagne,  la  Suisse  et  la  haute  Italie.  Cette 
carte,  a  l'6chelle  metrique  de  iYo'oFo  ^^  divis6e  en 
quatre  feuilles,  a  6t6  dress6e  par  M.  A.  Letellier  et 
dessinee  par  le  donateur.  Kile  doit  au  petit  nombre 
d'indications  quelle  a  pour  but  de  fournir  une  extreme 
clarte.  Sa  grande  6chelle  perniet  de  mieux  saisir  la 
complication  des  enclaves  ottertes  par  le  territoirc  de 
la  Confederation  gernianique. 

Je  mentioimerai  encore,  i)armi  les  cartes  des  con- 
tr6es  europeennes  f(ui  out  r6cemment  paru,  celle  de 
Livonie  de  M,  C.  G.  Ri'icker,  dressce  d'apr^s  les  der- 
nieres  obsei'vations  astronomiqucs  et  geod6siqiies,  v\ 
puhliee  par  la  Society  economique  de  Livonie ;  la  nou- 
velle  carte  de  Suisse,  du  D""  H.  Kiepert;  la  carte  (hi 
cercle  deMersebourg,j\  rechello  de  ^foW'  ^^^^'  ^^^^- 


(  107  ) 

Plait,  revue  par  M.  T.  de  Bomsdortr;  celle  de  Po- 
m6ranie,  par  M.  F.  Haiidtke  ;  la  carte  du  bassin  de 
I'Elbe,  par  M.  I),  H.  Sebikoh  ;  les  cartes  de  diverses 
parties  du  Dauemark,  par  M.  L.  Both;  la  continuation 
de  I'Atlas  topographique  de  la  Saxe,  piibli6  sous  la 
direction  de  M.  Obeirreit ;  enfin  le  magnifiqne  ensemble 
de  cartes  ext^cut^es  par  I'^tat-major  russe,  dont,  grace 
k  une  liberale  volenti  de  S.  M.  Alexandre  II,  le  public 
pent  niaintenant  obtenir  des  exemplaires.  La  liste  de 
res  cartes  a  (5t6  publico  dans  les  Animles  des  i>ornges{\) . 

MM.  Paulin  et  Lechevalier  n'ont  pns  cesse  de  vous 
adresser  les  leuilles  de  I'Atlas  universel  de  geogra- 
phic ancienne  et  nioderne  de  M.  A.-H.  Dufour  ;  elles 
sont  parfaitement  adapt^es  aux  besoins  populaires 
que  cet  atlas  est  destine  a  satisfaire.  L'une  de  ces 
cartes  donne  le  r^seau  des  chemins  de  fer ;  une  autre 
pr6sente  la  division  administrative  et  physique  de 
notre  pays ;  une  troisifeme  est  consacr^e  aux  £tats 
scandinaves,  que  les  derni^res  explorations  ont  permis 
de  mieux  connaltre. 

Je  ne  vous  dirai  rien  des  excellentes  cartes  r^duites 
qui  continuent  d'accompagner  les  Mittheilungen  du 
docteur  Petermann :  je  ne  dois  point  omettre  ce- 
pendant  de  les  recomniander  a  votre  attention,  non 
plus  que  la  bibliographic  des  cartes  que  M.  H.  Ziegen- 
balg  faitparaitre  dans  lemfime  recueil,  ^  la  suite  d'une 
bibliographic  g6n6rale  de  la  geographic. 

Tel  est  I'apercudes  cartes  que  vous  aurez,  messiem's, 
k  6tudier  par  vous-raemes;  je  ne  saurais  en  entre- 

(1)  Mai  1858,  p.  258  et  suivantes. 


(  108  ) 

prendro  ici  mi  pxainen  criliqup  oi  approfondi.  J'ai 
il'ailleurs,  en  vous  entretenant  prec^deinment  de  cer- 
tains voyages  dans  des  rt^gions  iniparfaitement  connues, 
parlt''  des  cartes  qui  accompagnont  leur  relation. 

C/cst  un  devoir  [xiur  la  Sociutc  derappeler  au  public 
les  pertes  i'aites  par  la  geographic,  dans  I'annec  dont 
ce  rai)port  expose  les  travaux  ct  les  decouvertes.  Sans 
doutc  il  faut  d'abord  decornor  des  lanriors  aux  vain- 
queurs,  niais  on  doit  aussi  couij)ter  ^es  riiorts  et  leur 
reudreles  siipreiues  devoiis:  car  c'est  a  eux  qu'on  est 
redevable  en  partie  de  la  victoirc.  J'ai  d6ja  rappele 
quelques-unes  des  pertes  que  nous  avons  eu  a  deplo- 
rer.  Ai-je  besoin  de  citer,  en  conipletant  cette  triste  Enu- 
meration, le  nomde  M.  Cochelet,  qui  vous  est  si  present 
a  I'esprit,  messieurs.  Au  milieu  ties  fonctions  diplo- 
matiques  les  plus  importantes,  AI.  Cochelet  trouva des 
loisirs  pour  cultiverla  g6ograpliie,  jusqu'au  moment  ou, 
appele  au  conseil  d'Etat,  ses  occupations  administra- 
tives  absorbferent  tous  ses  moments  et  nous  priv6rent 
de  son  concours.  Nous  avons  perdu  en  lui  un  confrere 
aussi  estimable  que  distingue,  dont  le  souvenir  demeu- 
rera  cher  a  la  Connnission  centrale,  ausein  de  laquelle 
il  occupa  longtemps  Tune  des  places  les  plus  liono- 
rables. 

Je  passe  aux  voyageurs.  Et  ])our  commencer  par 
ceux  dont  les  titres  sont  de  plus  vieille  date  et  les  plus 
6clatants,  je  nommerai  Aim6Bonpland,  ce  compagnon 
de  1 'illustre  patriarche  de  la  geographic.  II est  mortsur 
le  sol  americain  ,  plein  de  jours  ct  de  ronomm^e ,  sur 
ce  sol  oil  il  s'etail  naturalise  par  ses  travaux  ,  et  que, 
conmie  le  colon  ,  il  avail  lait  sien  par  son  labeur.  I'n 


(  m  ) 

geologue  sueclois ,  Keilliau  ,  coiiiiu  par  son  voyage  en 
Laponie  et  an  Spitzberg,  et  par  son  Grca  non'egica,  a 
marque  de  sa  mort  le  premier  jour  de  cette  annee. 
Vous  aviez  recemment  recu  de  Ini  \me  publication  sur 
les  phenomenes  d'erosion  en  Norvege ,  et  vous  vous 
etes  associ6sau  deuil  de  sa  patrie.En  Angleterre,  I'anu- 
ral  Beaufort,  une  des  gloires  de  I'liydrographie,  a  ter- 
mini une  carri^re  illustr6e  par  de  grands  travaux  et 
par  un  patriotisme  que  les  'Vnglais  ne  sepai-ent  jamais 
des  obligations  du  savant. 

En  France,  I'liydrographie  n"a  pas  I'ecu  de  moins 
i'atales  atteintes.  Denx  ingenieurs,  sortis  de  cette  ecole 
polytechnique  dont  I'enseignement  toujours  f6conde 
par  la  science  ne  s'6puise  jamais,  ont  6t6,  dans  la  force 
de  Tage,  enleves  par  desmorts  impr6vues.  Vincendon 
Dumoulin  et  Lieussou  ,  qui  avaient  attache  leurs  noms 
a  des  travaux  que  vous  connaissez  tons  et  que  poss6de 
votre  bibliotheque ,  ont  et6  effaces  du  livre  de  vie; 
inscrivons-les  iicelui  de  I'honneur.  Un  autre  Francais, 
rVnne  Raffenel ,  qui  avait  brave  le  climat  meurtrier  du 
Senegal,  et,  a  deux  reprises  dilferentes,  p6n6tr6  au 
Soudan,  a  succomb6aux  atteintes  d'un  nial  qui  desole 
les  cotes  de  I'Afrique  orientale.  ("est  dans  les  memes 
parages  qu'une  fenmie  qui  6tonnait  I'Europe  par  sa 
resolution,  et  disputait  aux  plus  intrepides  voyageurs 
la  gloirc  d'allronter  les  dangers  et  les  privations  de 
toute  sorte,  M"'  Ida  Pfeifler,  a  pris  le  genne  de  la 
jiiaiadie  dont  elle  est  venue  mourir  dans  sa  leire  na- 
tale.  A  ous  aviez  recu ,  avant  son  depart  pour  Mada- 
gascar, r heroine  des  touristes,  et  admire  en  elle  cette 
siniplicite  et  cette  modestie  qui  cachaient  tant  dc  qua- 


(  110  ) 

lit^s  viriles.  Quelle  est  done  la  puissance  ties  etudes 
g^ographiques,  quel  est  I'attiait  que  la  connaissance 
du  globe  ofVre  a  notre  esprit,  pour  que  des  dc^vouenients 
si  nombreux  soient,  tous  les  ans,  la  p6roraison  obligee 
de  ce  rapport?  Est-i)  un  mobile  qui,  ajir^s  la  reli- 
gion et  r amour  de  la  I'amille  ou  de  la  pati'ie  ,  ait  in- 
spire taut  de  resolutions  surliumaines,  fait  braver 
taut  de  d6gouts  et  de  pd'i-ils  ?  Laissons  les  d^tracteurs 
de  la  science  lui  reproclier  ses  erreurs  inevitables  el 
ses  illusions  passag^res.  Quand  un  penchant  suggere 
a  i'homme  une  pareille  force  et  de  pareilles  resolu- 
tions ,  quand  il  iniprime  a  ses  opinions  une  Anergic  qui 
en  fait  un  heros,  peut-on  dire  que  ce  penchant,  que 
I'ainour  de  la  science,  c'est  delui  ici  que  je  parle,  ne 
soil  qu'une  vaine  et  d6cevante  curiosit6?  N'y  faut-il 
pas  voir  au  contraire  le  reflet  de  la  sagesse  inlinie 
qui  nous  ravit  et  nous  illumine  V 


( 111 ) 

QUELQUES   MOTS 

SUR  LA   NOUVELLE-GRENADE. 


Trois  si^cles  et  demi  se  sont  ecoules  depuis  la  d6- 
coLiverte  de  la  Nouvelle-Grenade  par  Colomb ,  et  plus 
de  trois  slides  depuis  sa  conquete  par  Alfinger,  Que- 
sada,  Benalcazar  et  d'autres;  cependant  on  peut  dire 
qu'elle  est  encore  inconnue  et  qu'il  s'agit  de  la  d6cou- 
vrir  une  seconde  fois.  On  sait  vaguement  que  tous  les 
climats ,  toutes  les  productions  du  monde  s'y  sont 
donu6  rendez-vous ;  que  les  deux  grands  oceans  vien- 
nent  s'y  effleurer ;  que  la  se  trouve  un  centre  commer- 
cial autour  duquel  tous  les  peuples  doivent  graviter  un 
jour ;  mais  il  y  a  loin  de  ces  id6es  g6n6rales  a  une  con- 
naissance  r^elle.  Heureusement  que  1' attention  com- 
mence k  s'6veiller :  les  derniers  6v6nements  de  Panama, 
de  I'Am^rique  centrale ,  I'attente  surtout  des  grands 
faits  historiques  qui  se  pr^parent  dans  le  continent  du 
sud ,  attirent  maintenant  tous  les  regards  vers  cette 
partie  du  monde.  Peut-etre  nous  saura-t-on  gr6  de 
parler  avec  quelque  detail  de  la  Nouvelle-Grenade, 
de  son  beau  climat,  de  ses  productions  si  diverses,  de 
sa  population,  de  son  6tat  social  actuel,  et  des  magni- 
fiques  destinies  que  lui  reserve  I'avenir. 

I. 

C'est  k  la  structure  de  ses  plateaux  et  de  ses  chaines 
de  montagnes  que  la  Nouvelle-Grenade  doit  la  super- 
position et  la  p6n6tration  r6ciproque  de  toutes  les  zones 


(  H--^  ) 
terrestres  dans  des  limitet;  coinparativement  etroites. 
Les  Andes,  si  reguli^res  en  apparence  dans  lein*  enonne 
longueur,  depuis  le  cap  Horn  jiisqu'a  Tistlinie  de  Pa- 
nama, airectent  en  reality  un  mode  de  formation  tout 
particulierqui  assure  a  la  Nonvelle-Grenade  une  grande 
sui)enorite  climaterique  sur  toutes  les  autres  contrdes 
de  I'Amerique  duSud. 

En  elTet,  la  Cordillere  ne  se  deroule  pas  simplement 
commc  nnc  longue  suite  devortebrcs  gigantesques  ali- 
gn6es  sur  le  rivage  du  Pacilique ;  de  distance  en  dis- 
tance elle  se  bifurque ,  se  dedoidjle  pour  ainsi  dire ,  et 
forme  deu\  lignes  de  hauts  sommets  qui  se  longent 
parall^lement ,  reviennent  I'une  vers  1' autre,  puis  se 
reunissent  et  se  confondent  pour  se  s6parer  encore. 
Dans  I'espace  contenu  entre  les  chaines  paralldes  s'e- 
tendcnt  des  plateaux  plus  ou  moins  vastes ,  v6ritables 
boursoullures  de  I'ecorcc  terrestre,  environnees  de 
tous  cot6s  par  un  rebord  de  montagnes.  La  Bolivie,  ce 
Thibet  de  I'Amerique,  se  trouve  ainsi  releguee  sur  un 
plateau,  et  les  sommets  neigeux  dresses  de  toutes  parts 
a  son  horizon  I'isolent  presque  enti6rement  du  reste 
de  la  terre. 

On  conipte  dans  I'-Vmerique  du  Sud  huit  dedouble- 
ments  de  la  Cordillere  principale,  et  autant  de  centres 
montagneux  ou  viennent  se  renouer  les  Cordillferes 
paralleles.  On  pourrait  comparer  I'innnense  chaine  a 
une  corde  musicale  vibrante  dont  les  doubles  ondii- 
lations  se  ju'opagent  d'une  extremity  a  I'aulre ,  en  se 
croisant  toujoars  par  des  points  fixes  et  immobiles 
appel6s  na-uds  de  vibration. 

A  ([uelque  distance  au  nord  de  I'equatcur,  la  oil  se 


( lis  ) 

trouvent  les  frontieres  m^ridionales  de  la  Nouvelle- 
Grenade,  les  Andes  formenl  un  de  ces  noeuds,  remar- 
quable  par  I'entasseiuent  el  la  hauteur  de  ses  nion- 
tagnes.  Autour  de  ce  plateau,  que  domine  le  volcan  de 
Pasto,  cinq  cours  d'eau  rayonnent  dans  tons  les  sens  : 
au  nord ,  la  Madeleine  et  son  noble  affluent  le  Cauca 
se  dirigent  vers  la  mer  des  Antilles  ;  a  I'ouest,  le  Patia 
court  se  jeter  dans  1' ocean  Pacifique  ;  a  Test  et  au  sud- 
est ,  le  Japura  et  le  Putumayo  descendent  vers  I'Ama- 
zone,  veritable  bras  de  uier  projete  par  I'Atlantique  au 
centre  uieme  du  continent.  Ainsi  I'eau  d'un  menie 
champ  de  neige  s'6coule  vers  trois  mers.  Du  haut  d'une 
niontagne  on  voit  en  nienie  temps  les  ruisseaux  se 
hater  d'un  cote  vers  la  mer  du  Sud ,  de  I'autre  vers 
I'Amazone  et  I'Atlantique  ;  on  pent  iiieme  plonger  son 
legard  sur  la  })laine  du  grand  Oct^an  ,  et  laisser  a  la 
Xois  tremper  ses  pieds  dans  une  source  dont  le  mince 
lilet  va  se  perdre  a  niille  lieues  de  la  sur  les  cotes  du 
Bresil. 

Le  nu3ud  montagneux  de  Pasto ,  au  lieu  de  se  bifur- 
quer  simplement  comme  les  autres  nicuds  de  la  chaine 
des  Andes,  se  s6pare  en  trois  branches  distinctes.  De 
plus,  les  deux  iiranches  ext^rieures  se  subdiviseut  clia- 
cune  en  deux  rameaux ,  de  sorte  que  le  systeme  des 
Andes  grenadines  conq)rend  cinq  chaines  divergentes 
provenant  toutes  d'un  nieme  plateau,  comme  cinq  tiges 
sortant  d'une  meme  racine.  Ainsi  les  Andes,  avant  de 
s'all'aisser  dans  I'isthine  de  Panama,  s'epauouissent  en 
even  tail  pour  doimer  une  ossaLure  de  rocs  a  toute  la 
region  colombieune  situ^e  le  long  de  la  mer  des  Antilles. 
La  chaine  orientale  ,  plus  inflechie  que  les  autres  ,  se 
XVII.   JA^vl^•R  et  rtvRiKK.   8.  8 


(  11^ ) 

dirige  en  ligne  droile  \ers  Test ,  se  renfle  pour  Ibriner 
un  rebord  montagneux  entre  la  mer  et  les  vastes  llanos 
du  Venezuela,  et  va  mourir  enfm  dans  I'ile  de  la  Tri- 
nity. La  Sierra-Nevada  de  Sainte-Marthe ,  ile  de  mon- 
tagnes  pariaiteraent  distincte  de  la  chaine  des  Andes 
et  environn^e  de  tous  c6t6s  par  la  mer,  par  des  lagunes 
et  des  terrains  d' alluvion, complete  1' ensemble  du  relief 
grenadin.  Aucun  autre  groupe  de  soniniets  ne  s'el^ve  a 
une  aussi  grande  hauteur  comparativement  a  I'^tendue 
de  sa  base.  La  Sierra-Nevada  couvre  une  sui'lace  quatre 
fois  luoindre  que  la  Suisse,  et  cependant  elle  darde  ses 
pics  a  plus  de  6000  metres  au-dessus  dii  niveau  de 
la  mer. 

La  disposition  g^n^rale  des  chaines  en  forme  d'6ven- 
tail ,  et  la  pente  graduelle  de  la  contr^e  vers  la  mer 
des  Antilles  ,  sont  les  faits  les  plus  importants  de  la 
g^,ograpliie  grenadine,  Presque  tous  les  grands  pla- 
teaux :  le  Thibet ,  la  Bolivie  ,  le  Gobi ,  couipl6tement 
isol6s  par  leur  6l6vation  et  leur  barri6re  de  montagnes, 
sont  restes  jusqu'ici  inaccessibles  au  commerce.  Mais 
danslaNouvelle-Grenade,  il  est  facile  de  remontergra- 
duellenient  et  d'6tage  en  6tagedepuis  la  mer  jusqu'aux 
superbes  hauteurs  de  Pasto  ou  de  Cundinamarca.  La 
Madeleine ,  le  Canca ,  I'Alrato ,  tous  les  fleuves  qui 
occupent  le  fond  des  valines  entre  les  chaines  diver- 
gentes,  sont  les  chemins  naturels  par  lesquels  s'op^re 
la  circulation  des  homnies  et  des  produits  entre  les 
provinces  de  la  cote  et  les  hauts  plateaux  de  Fintiirieur. 
La  mer  elle-meme ,  sollicit6e  par  les  vastes  plaines 
basses,  s'arrondit  en  golfes  entre  les  extr^mit^s  septen- 
trionales  des  chaines ,  s'6panche  au  loin  dans  I'int^- 


(  115  ) 

rieur,  multiplie  les  lignes  tie  contact  entre  la  terre  et 
I'eau,  et  par  suite  augmente  la  vitalite  clu  pays. 

Cependant  la  partie  nieridionale  de  la  Nouvelle-Gre- 
riade ,  couple  en  trois  parties  par  les  trois  chaines  de 
ijiontagnes  qui  rayonnent  conime  de  gigantesques  mu- 
raillesdu  nccud  central  de  Pasto,n'a  pas  une  complete 
liouiog6n6it6 ;  et  par  suite,  une  grande  divergence  d'in- 
t6ret3  et  de  politique ,  divergence  qui  vient  de  se  ma- 
nifester  par  le  partage  de  la  r6publique  en  huit  Etats 
federalists,  a  toujours  exists  entre  Socorro  et  Bogota, 
Bogota  et  Neyva,  Neyva  et  Popayan,  Popayan  et  An- 
troquia.  Mais  en  attendant  les  chemins  qui  abaissent 
les  montagnes  et  les  tunnels  qui  les  percent ,  il  est 
facile  de  tourner  I'obstacle  en  passant  I'isthme  de  Pa- 
nama. Cette  langue  de  terre  a  tout  aussi  bien  pour 
mission  g6ographique  de  relier  en  une  solide  nationa- 
lity les  diverses  parties  de  la  Nouvelle- Grenade  que  de 
r^unir  deux  oceans  et  deux  mondes.  Elle  met  en  pre- 
sence I'un  de  I'autre  I'Orient  et  I'Occident,  New-York 
et  la  Californie ,  Londres  et  Singapore ,  et  en  meme 
temps  elle  juxtapose  dans  la  Nouvelle-Grenade  15s  bas- 
sins  de  la  Madeleine  et  du  Patia ,  que  s6paraient  des 
barriferes  de  monts  presque  infranchissables. 


II 


A  mesure  que  les  chaines  divergentes  se  d^gagent 
du  plateau  central  et  s'61oignent  I'une  de  I'autre,  les 
gorges  interm6diaires  s'afl'aissent  par  degr^s  et  se 
changent  en  valines  larges  et  profondes.  Aux  sommets 
couyerts  de  neige,  aux  rochers  nus  sur  lesquels  s'atta- 


( IJ« ) 

ciicul  h  peine  tie  miserablos  lichens,  succedeni  les 
^;lll6es  her])eiises,  les  grands  bois  et  les  forets  inip6- 
netrables.  Dans  ces  regions  privil6gi6es,  on  pent  vivre 
a  son  gre  dans  la  saisoii  qu'on  ainie,  et  dans  I'espace 
de  quekjues  heures  descendre  de  la  zone  glaciale  dans 
la  zone  toriide.  En  un  jour,  on  peut  s'eniparer  de  la 
terre  entifere,  pour  ainsi  diie,  avec  tons  ses  ph6no- 
inenes  cliniatiques,  toute  I'immense  vari6t6  de  ses 
produits,  et  pour  cela,  il  suflit  de  gravir  une  niontagne 
ou  nienie  de  regarder  allentivement  autour  de  soi. 
Car  les  clinials  ne  sont  pas  super])0ses  r6gulit!reinent 
comnie  des  stratifications  g^ologiques,  mais  ils  se 
penetrent  reciproquemcnt,  et  souvent  on  peut  voir  a 
cote  I'uue  de  1' autre  des  plantes  de  la  zone  polaire  et 
de  la  zone  tropicale.  Telle  liane  I'rileuse  dont  la  brise 
a  porte  la  semence  du  fond  des  plaines  inf6rieures,  se 
cache  sous  ini  roclier  pour  6viter  la  froidure,  tandis 
que  tout  pres  de  la  des  arbrisseaux  accoutumfe  aux 
neiges  se  dressent  sur  les  pointes  pour  recevoir  tout 
I'effort  des  vents.  A  3500  metres  de  hauteur  au-dessus 
de  la  luer,  des  cactus  et  des  agaves  o  oissent  encore 
dans  toute  leur  majestueust  beaut6,  et,  de  meme, 
qaelques  mousses  hardies  descendent  de  lours  pla- 
teaux et  s'oventurent  jusque  sur  le  bord  des  plaines. 
En  clVel,  ne  suflit-il  pas  d'une  bouffee  d'air  chaud 
pour  porter  I'etc  jusqu'aux  plus  hautes  cinies,  et  le 
vent  qui  souffle  des  glaciers  ne  vient-il  pas  m6langer 
ses  couranls  d'air  froid  a  1' atmosphere  brulante? 

Ainsi  les  clunats  n'ont  point  de  liniites  rigoureuse- 
ment  d6finics  et  subissent  ['influence  de  mille  cir- 
constances   particuliferes.    Les   difT^rences  de  relief, 


(H7) 

d'exposition ,  de  terrain,  la  durSe  cIps  plules  ex  des 
s6clieresses  modifientdiversenientles  cliniats  typiques,* 
et  realisent,  par  leiirs  contrastes,  les  plus  beaux 
paysages  de  I'un'vers.  Pour  avoir  I'esprit  j'avi  d'adnii- 
i-ation,  il  n'est  pas  "besoin  d'a^er  conleuip'er  la  cascade 
de  Tequendania,  qui,  d'uu  bond,  plonge  de  la  zone 
temp6r6e  dans  la  zone  torr'de,  ou  les  rapides  du 
Juarez  qui  se  sent  tailles  a  travers  la  montagne  nn  lit 
de  1000  metres  de  profondeur  :  le  phis  niodeste^vallon 
suffit.  Vert,  16g6rement  ondul6,  tout  bruyant  d'eaux 
courantes,  11  se  blottit  au  pied  de  quelque  g6ant  nei- 
geux,  et  se  penche  curieusement  sur  le  vaste  horizon 
des  forets  de  palmiers. 

Les  llanos,  anciens  bassins  maritinies  aujourd'hui 
dess6cb6s,  ne  manquent  pas  non  plus  a  la  Nouvelle- 
Grenade ;  ils  s'6tendent  a  Test  des  cinq  chaines  diver- 
gentes  et  se  d6roulent  en  plaines  interniinables  jusque 
sur  les  rives  de  I'Orenoque  et  de  I'Amazone.  Des  trou- 
l>eaux  de  bceufs  et  de  chevaux  errent  dans  ces  vastes 
6tendues  lierbeuses  qui  n'attendent  que  des  habitants 
pour  acquerir  une  grande  importance  agricole.  En  un 
mot,  il  ne  manque  a  la  Nouvelle-Grenade  que  les 
deserts  de  sable. 

Ill 

La  flore  de  la  Colombie  ne  le  c6de  a  aucune  autre" 
du  monde  entier  pour  la  vari6t6  des  esp^ces,  et  celle 
du  Br6sil  seulement  peut  lui  etre  compar6e.  Un  Euro- 
p6en  non  encore  initio  aux  splendeurs  de  la  v6gt^tation 
tropicale  6prouve  un  sentiment  de  terreur  religieuse, 
quand  il  p6n^tio  pour  la  premiere  fois  dans  une  foret 


(  118  ) 

|renatlme.  II  avance  en  lu'silant,  osani  a  peine  mar- 
cher sur  les  herbes  eties  raciiie.'^  eiitrclacees,  osant  a 
peine  plonger  son  regard  dans  I'incompivliensible 
fouillis  de  verdure  ou  tout  seniblc  confondu,  fleurs, 
branches,  arbres  sveltes  et  droits,  troncs  deracin^s. 
Au-dessus  de  sa  t6te,les  cimes  touflues  se  superposent 
aux  cimes,  et  des  rameaux  bris^'S,  suspendus  par  des 
lianas  presque  invisibles,  se  balancent  avec  lenteur;  a 
ses  pieds,  sur  le  versant  des  pentes.  s'6tend  une  mer 
de  feuilles  de  toute  esp^ce,  dispos6es  en  panaches,  en 
6ventails,  en  bouquets,  en  guirlandes,  en  spirales. 
Autour  de  lui,  les  arbres  superbes  sont  k  demi  caches 
par  des  colonies  de  parasites  en  fleurs.  Puis,  ce  sont 
les  lianes  qui  jettent  Icur  reseau  sur  la  foret :  les  unes, 
fortes  comme  des  cal^les,  s'enroulent  autour  des  arbres 
et  les  6touflent  sous  une  parure  de  leuilles  vertes ; 
d'autres  se  balancent  gracieusement  entre  deux  cimes 
touffues  et  les  uuissent  par  des  guirlandes  de  fleurs; 
d'autres  encore  descendent  sur  les  troncs  d6racin6s,  et 
les  font  disparaitrc  sous  I'l^clat  de  leur  v6g6tation, 
comme  pour  cacher  1' image  de  la  mort  au  milieu  de 
cette  nature  si  pleine  de  vie. 

Dans  ces  forets,  les  plantes  utiles  sont  innombra- 
bles,  la  famille  des  palmiers  y  est  representee  par  plus 
de  soixante  espfeces;  le  cedre,  I'acajou,  le  bois  de  fer 
et  d'autres  arbres  pr6cieux  s'y  trouvent  en  abondance ; 
les  plantes  tinctoriales  y  croissent  en  foule,  et  plusieurs, 
dont  le  nom  botanique  est  encore  a  peine  connu,  don- 
nent  aux  Indiens  des  couleurs  parfaitement  inaltera- 
bles.  Dans  ces  forfits  viennent  se  rencontrer  toules  les 
plantes  medicinales  des  deux  liemispheres,  la  camo- 


(  119  ) 

millp  Pt  la  salsepareille,  la  cliicor^e  et  ie  sang-dragon, 
la  bourrache  et  1' ipecacuanha,  et  tant  d'autres  plantes 
qui  out  la  propn6t6  de  gu6rir  par  leur  6corce,  leurs 
fruits,  leurs  fleurs,  leurs  baumes  et  leurs  gonimes. 


IV 


Malheureusement  ce  n'est  pas  cette  magnificence  de 
la  nature  qui  attira  les  conqn^rants  espagnols  dans 
rint^rieur  de  la  Colombie  :  ils  n'avaient  traverse 
rOc6an  que  dans  I'espoir  de  se  gorger  d'or.  A  la 
recherche  d'un  Eldorado  on  d'une  fontaine  de  Jou- 
vence,  ces  hommes  sans  peiir  avaient  traverse  sans 
guide,  sans  nourriture  souvent,  de  vastes  contr6es  ou 
chaque  pas  ne  se  faisait  qixk  travers  un  obstacle.  Les 
premiers  mouraient  de  faim  et  de  fatigue,  ils  6taient 
tu6s  paries  sauvages  ou  s'entre-d6voraient  eux-memes. 
JN'importe,  d'autres  msens6s  ne  craignaient  pas  de 
s'enfoncer  dans  les  sombres  forfits  dont  I'aspect  mys- 
t6rieux  suffit  pour  effrayer,  passaient  les  fleuves  a  la 
nage  en  poussant  de  grands  cris  pour  intimider  les 
crocodiles,  dormaient  au  milieu  des  mar^cages  dans 
une  atmosphere  de  miasmes,  se  pr^cipitaient  sur  les 
sauvages  dont  chaque  coup  de  fl^che  donnait  la  mort 
si  la  blessure  n'^tait  pas  imm^diatement  brul6e  au  fer 
rouge.  Poiu'  leur  faire  oublier  joyeusenient  tons  les 
dangers  terribles  qu'ils  avaient  encourus,  il  suffisait  a 
ces  h^ros  d'un  pen  de  poudre  jaune  ou  de  quelques 
pierres  vertes.  Sans  eux,  sans  leur  avidity  sans  frein, 
les  plateaux  de  Bolivie,  de  Quito,  de  Bogota,  les  boi-ds 
de  I'Amazoue  seraient  encore  inconnus,  et  toute  la 


(  120  ) 
population  hispano-aiiiei'icaiup  spimIi  dair-sfmee  siurle 
pourtour  malsain  dii  continent.  Ainsi  le  bien  est  sorii 
de  crimes  inexcusables,  et  la  aussi  la  soif  sacree  do 
Tor  est  devenue  iin  puissant  agent  civilisatem'. 

Les  histoires  que  nous  racontent  les  chroniqueurs 
an  snjet  des  immenses  ricliesses  poss^d^es  par  les 
tribiis  indiennes  fhi  (Inndinamarca  sejnblent  tenir  de 
la  fable  ;  mais  tout  en  faisant  la  pai-t  de  I'exageration. 
il  est  Evident  que  Tor  etait  coinnuni  pariiii  certaines 
peuplades.  On  sail  que  le  cacique  des  Mu\  seas,  autre- 
ment  prodigue  que  le  doge  de  \'enise,  ne  se  contentait 
pas  de  Jeter  une  simple  bague  d'or  dans  les  eaux  du 
lac  sacr6,  mais  y  plongeait  lui-uiejne.  apr^s  s'etre 
roul6  dans  la  poudre  d'or. 

Si  depuis,  la  production  de  Tor  a  diminue  dans  la 
Nouvelle-Grenade ,  c'esi  a  I'aviditt^  des  conqu^rants 
eux-ra6mes  qu'il  faut  s'en  prendie  :  car,  dans  leur  bar- 
bare  impatience  de  s'enrichir,  ils  faisaient  travailler 
les  Indiens  sans  relache ;  et  quand  ces  pauvres  betes 
de  somme  furent  niortes  a  la  taclie,  les  maitres  espa- 
gnols,  trop  pen  nombreux  pour  exploiter  eux-raenies, 
furent  forc6s  d'abandonner  leurs  mines,  et  bientot  les 
lianas  et  les  grands  arbres  eurent  cacht^  jusqu'aux  der- 
ni6res  traces  des  excavations  antiques.  Le  monopole 
que  s'6tait  arrog6  la  com-  d'Espagne  contribnait  aussi 
a  diminuer  la  production  de  Tor.  car  ponrquoi  tra- 
vailler qiiand  on  ne  doit  pas  jouir  dn  fruit  de  son 
tra\ail  ? 

Cependant  depuis  la  conquete,  le  produit  des  mines 
a  d6passe  la  forto  \aloin-  de  2  milliards  de  francs, 
ce  qui  donne  une  inoycnno  de  5  millions  par  an.  De 


J 


(  12-1  ) 

)ios  jours,  la  production  annuelle  est  de  20  millions, 
et,  pour  obtenir  cette  augmentation  remarquable,  il  a 
sufli  d'abolir  le  monopole  et  de  substituer  des  ma- 
chines an  travail  grossier  do  nos  ancetres.  Bientot, 
quand  les  compagnies  sauront  niioux  ntiliser  les  noii- 
velles  ressources  que  leur  oll'rent  la  mecanique  et  la 
chimie,  qnand  snrtont  rimniigration  fournira  des  bras 
et  des  intelligences,  le  rendement  des  mines  augmen- 
tera  ind6finiment,  car  il  est  certain  que  la  Nouvelle- 
Grenade  ne  le  cede  a  aucun  pays  du  nionde  pour  la 
richesse  m6talliftre.  Des  Californies  et  des  Australies 
inexplor6es  dorment  encore  sous  les  grands  pics  nei- 
geux  de  la  Cordill6re.  Mais  leur  temps  viendra  bientot : 
on  lvalue  qu'en  1860,  la  seule  province  de  Medellin 
produira  de  30  a  tiO  millions. 

Cette  province,  situee  an  centre  nord-ouest  de  la 

r6publique,  est  la  plus  importante  pour  I'industrie  des 

mines.  La  deuxchaines  projettent  leurs  contre-forts  au- 

devant  I'un  de  I'autre  et  se  r^unissent  dans  un  d^sordre 

apparent.  Les  montagnes  semblent  jet6es  au  hasard, 

et  les  cours  d'eau  ont  6te  obliges  de  se  frayer  un  lit 

sem6  d'6cueils  a  travers  le  \aste  massif  des  rochers. 

En  se  rencontrant  conuue   deux  courants  maritimes, 

les  deux  chatnes  ont  6galement  forme  leur  toiirbillon, 

et  c'est  dans  ce  tourbillon  de  montagnes  que  se  trou- 

vent  les  plus  riches  mines  d'or  de  la  Colombie ;  des 

failles  innombrables,  des  ruptures  de  rochers,  des  bou- 

leversements  de  stratification,  tons  les  mouvements 

d6sordonn6s  du  sol    ont  sans  doute  contribu6  i\  la 

sublimation  des  m6taux  dans  les  veines  de  la  terre. 

Les  m^taux  qualifn^s  de  nobles  :  or,  argent,  platine. 


(  122  ) 

mercure,  et  les  pierres  pr6cieuses,  telles  que  l'6raeraude 
pt  le  saphir,  ne  constituent  pas  les  seiiles  richesses 
iiiijii^res  cle  la  Nonvelle-Grenade.  La  formation  sali- 
ffere  s'6tend  snr  unc  vaste  6tendne,  depuis  \e^  bords 
de  la  Vladplein^  jnsqu'au  milieu  des  llanos  de  l'0r6- 
noque.  Le  charJ)on  de  terre  se  rencontre  aussi  sur 
plusieurs  points,  entre  autres  siir  le  plateau  meme  de 
Bogota  et  dans  les  iles  de  (Ihiriqui,  pr6s  d'Aspin- 
wall.  MallieTireiisement  il  n'y  a  pas  encore  assez 
d'indiistrio  ]vmv  rendre  n6cessaire  l'ex]iloitation  de 
toutes  ces  richesses.  Le  cliarbon  de  lerre  des  ties 
de  Chiriqiii  est  le  seul  qui  ait  6veill6  I'-attcntion  des 
capitalistes.  ••■.■     ■  ■  ,■ 

Que  de  tr6sors  innlileinent  prodigu6s  par  la  nature 
dans  ce  beau  pays  !  Dans  la  chaine  du  milieu  oil  s'est 
concentric  toute  I'^nergie  volcanique  des  Andes,  ou 
les  monts  Purac6,  Huila,  Ruiz  et  Tolima  t6inoignent 
par  loiH's  fum6es  et  leurs  laves  de  I'activit^  dn  travail 
int6rieur,  la  terre  pent  6tre  consid6r6e  comme  un  im- 
mense laboratoire  chimique  tonjours  i!i  IVpuvre  pour 
d^poser  dans  ses  cavit^s  ou  d6gagcr  dans  1' atmosphere 
des  substances  min6rales.  Que  sont  les  sources  ther- 
males  de  I'Europe,  les  jets  de  gaz  hydrogfene  de  Fre- 
donia,  dans  I'Etat  de  New-York,  comparativement  aux 
sources  chimiques  de  la  Noiivelle-Grenade?  D'aprte 
Bousshigault,  le  rio  Vinagre  fournit  par  jour  38  tonnes 
d'acide  sulfurique  et  31) tonnes  d'acide  chlorhydrique. 
Depuis,  Degcndhardt  ;i  d6couvert  inie  autre  source  qui 
donne  trois  fois  phis  fl'acide  sulfurique,  /jOOOO  tonnes 
j);u-  .■III.  HI'  qiioi  charL;'')-  nuc  plus  grande  armada  mie 
cplle  de  Philippe  II.  Kl  coml)icu  d'autri's  sources  onssi 


(  123  ) 

hiiportantes  pour  rindustrie  future  n'y  a-t-il  pas  dans 
ces  regions  volcaniques  oii  une  simple  pellicule  terrestre 
recouvre  des  lacs  de  niin6raux  en  fusion? 


5(, 


V 


Ainsi  la  Nouvelle-Grenade  est  riche,  riche  de  tous 
tes  tr6sots  de  la  terre ;  mais  est-elle  salubre  ?  On  ne 
saurait  r^pondre  directeinent  a  cette  question ;  car 
tous  les  climats  s'y  rencontrent,  depuis  le  plus  vivi- 
fiant  jusqu'au  plus  meurtrier.  L'insalubrit6  d'Aspin- 
wall  et  de  Chagres  est  proverbiale,  et  si  Panama  n'a 
pas  200  000  ou  300  000  habitants,  c'est  parce  que  les 
Europ^ens  y  respirent  la  mort. 

Presque  tout  le  pourtour  maritime  de  la  Nouvelle- 
Grenade  est  plus  ou  nioins  insalubre,  a  cause  des 
miasmeS  palud6ens  qui  vident  I'atinosphfere ;  mais 
aucune  region  n'est  aussi  malsaine  que  la  cote  du 
Pacifique,  oil  les  pluies  constantes  et  les  for6ts  imp(^- 
ndstrables  aux  rayons  du  soleil  entretiennentune  humi- 
dite  fatale.  C'est  pourquoi  la  province  de  Choco  est 
comparativement  inhabitee,  malgr6feesTicl]esses  min6~ 
rales  :  I'or  meme  n'exerce  pas  assez  de  fascination 
pour  y  attirer  les  immigrants  ct  leur  faire  braver  les 
dangers  du  climat, 

Dans  la  Nouvelle-Grenade,  le  cours  des  saisons  suit 
r6guli6rement  le  cours  du  soleil.  C'est  la  saison  plu- 
vieuse,  quand  le  soleil  est  au  zenith  ;  mais  a  I'epoque 
des  solstices,  quand  I'astre  est  perpendiculaire  a  I'un 
des  tropiques,  r^gnent  les  s^cheresses.  Dans  les  re- 
gions 6quatoriales,  une  bande  de  nuages,  semblable  a 


(  m ) 

I'une  tie  celles  que  nous  voyons  sur  la  ])lan^te  Jupiter, 
s'inlerpose  diiectement  entre  le  soleil  ot  la  terro,  que 
pourralt  dessecher  une  clialeur  tiop  intense;  ce  voile 
humide  oscille  du  nord  an  sud  de  r(''(ii'ateur  fii  nieme 
temps  (jne  le  soleil,  et,  laissaiil  tnniber  des  pluies 
abondantes  sur  les  contrees  ([u'il  omhrage,  produit 
ainsi  1' alternative  des  saisons.  Deux  ibis  dans  I'annee, 
cette  zone  de  nuages  passe  sur  la  Noiivelle-Grenade, 
avec  son  cortege  de  pluie,  de  grele  et  de  tonneri-e; 
deux  fois  elle  s'6loigne  en  laissant  derri^re  elle  une 
atmosphere  pure  et  d^gagee  de  vapeurs.  Dans  la  pro- 
viuce  de  Clioco,  au  contraire,  les  pluies  sont  con- 
stantes,  et  le  cours  des  anuses  et  des  siecles  n'am^ne 
jamais  un  changement  de  saison.  D'ou  vient  ce  con- 
traste  si  remarquable  entre  le  xersant  de  la  clialiie  des 
Vntilles  et  celui  du  Pacifique? 

II  est  du  k  la  disposition  des  montagnes  grenadines. 
Les  cinq  chaines  s'allongent  conime  une  quintuple 
barrifere  pour  empecher  les  vents  alises  de  propager 
leur  courant  dans  la  direction  de  I'ouest,  et  les  forcent 
a  s'engoulTrer  dans  les  valines  de  la  Madeleine  et  du 
Cauca.  La  cote  du  Pacifique,  paifaitement  abrit^e 
contre  les  vents  frais  du  nord-est,  garde  son  atmos- 
phere morte,  lourde  et  immobile.  Les  couches  d'air 
ne  se  renouvellent  que  lentenient,  et  mainliennent  la 
contr6e  dans  un  bain  constant  de  vapcur.  L'inunense 
bassin  de  la  mer  duSud  est  la  pom-  i'oinnir  sans  cesse 
au  soleil  qui  1' aspire  des  torrents  de  nuages  qui  bient(')l 
aprte  retomJjcnt  en  torrents  de  plnie. 

Aussi  la  region  du  Parifiquc  est-elii'  fcilik  cnivc. 
toutes.  Des  arbres  gigantcsques,  tollement  eidaces  des 


(  125  ) 
cordages  de  liaiies,  f(ue  la  luiui^re  y  circule  a  peine, 
absorbeni  par  leurs  feuilles  a\  ides  des  couraiits  d'acide 
carboiiifpie,  et  par  leurs  raciiies  entrelac6es  s'abreu- 
venL  d'huiiiidite.  La  tout  disparaii  sous  ]a  verdure, 
les  marais  eux-in  ernes  se  cacbent  sous  des  forets  flot- 
tantes.  Cette  exuberance  de  v(^g6tation  est  accompa- 
gnee  d'line  exuberance  de  maladies ;  les  miasmes 
absorb6s  par  I'bonime  geruient  dans  son  organisme 
ct  se  developpent  aussi  rapidernent  que  les  autres 
semences. 

Dans  certaines  vallees  de  I'int^rieur  ou  ralmospbfere 
ne  se  renouvelle  pas  et  laisse  Fbumidit^  ramper  con- 
staniment  sur  le  sol,  la  16pre,  1' elephantiasis  et  le 
goitre  torment  une  hideuse  trinity  de  fl6aux.  La  16pre 
et  les  maladies  qui  lui  ressemblent  peuvent  avoir  pour 
cause  les  piqures  des  insectes,  la  inauvaise  alimenta- 
tion, les  babi tildes  immondes,  et  peut-etre  aussi  la 
degen6rescence  des  races  m6lang6es  au  basard  dans 
line  veritable  promisciiit6.  II  est  des  bameaiix  oil  tous 
les  habitants,  sans  exception,  olTrent  un  aspect  ef- 
frayant  avec  leurs  visages  et  leurs  corps  tachet6s 
comme  des  peaux  de  panthfere;  leurs  vetements  en 
pourriturc  se  detacbent  par  lambeaux,  et  les  cabanes 
oi!i  ils  gitent  sont  f^tides  et  l^preuses  comme  eux.  Leur 
aspect  repugne  d'autant  plus,  qu'ils  etalent  leur  lai- 
deur  au  grand  air  et  sous  un  ciel  si  beau. 

Le  goitre  est  une  triste  infirmit6,  malheureusement 
tr6s-comraune  dans  certaines  valines  encaiss^es  de 
I'interieur,  et  elle  est  g6neralement  accompagnee  de 
cretiiiisme.  Au  commencement  du  si6cle,  le  c6l6bre 
C'-aldas,  exagerant  sans  aucun  doute,  cbsait  que,  sur 


(  126  ) 

dix  habiiant^i  dc  la  Nouvelle-Greiiadc,  il  \  avail  un 
goltreiix.  Ce  serait  un  lait  crop  deplorable  que  la  deci- 
mation d'un  peuplc  par  aiie  si  laide  maladie,  pour 
qu'on  puisse  cu  adiuettre  la  realite  sans  des  preuves 
absolues. 

Ces  tristes  maladies  n'aflecteiit  millement  la  salu- 
brite  g^nerale  de  la  Nuuvelle-Grcnade,  pas  plus  que 
ies  lifevres  de  Marennes  ou  de  la  Camargue  n'aHecteul  le 
climat  general  de  la  France.  Les  plateaux  et  la  pluparl 
des  valines  n'en  restent  pas  moins  des  paradis  terres- 
tres.  Dans  certains  districts,  la  vie  nioyenne  depasse 
cinquante  ans. 

NuUe  part  et  a  aucune  epoque  de  I'annee,  les  clia- 
leurs  ue  devienneut  insupportables.  Sur  les  cotes  de 
la  mer  des  Antilles,  la  chaleur  moyenue  est  de  27°  c; 
jamais  elle  ne  d6passe  37°  c;  tandis  que  dans  I'int^- 
rieur  des  Etats-Unis,  a  Fort-Gibson,  on  a  vu  le  ther- 
mometre  indiquer  la  chaleur  infernale  de  47°  c.  Les 
oscillations  des  saisons  -s'op^rent  toujours  d'une  ma- 
niere  si  graduelle,  qu'on  s'en  apercoit  k  peine,  et  les 
variations  subites,  qui  moissonnent  tant  de  vies  aux 
Etats-Unis ,  sont  parfaitement  inconnues  dans  la 
Nouvelle-Grenade. 

Cependant  on  pourrait  faire  un  reproche  k  ce  beau 
climat,  celui  d'etre  trop  delicieux.  L'6nergie  physique 
s'afiaiblit  dans  la  suave  atmosphere  oil  chaque  souffle 
d'air  que  Ton  aspire  pioduit  uiie  douce  volupt6. 
Peut-etre  meme  I'intelligence  perd-elle  en  vigucur  ce 
qu'elle  gagne  en  6tendue ;  elle  devient  plus  gi^nerali- 
satrice,  niais  elle  est  moins  incisive ;  il  faut  que  la 
volont6  r6agisse  constamment  sur  elle,  pour  I'empe- 


(  127  ) 

cher  de  se  livrer  paresseiisement  ;i  la  jouissaiice  egoiste 
de  la  vie.  Dans  les  regions  temp6r6es,  le  chaiigement 
des  saisons  prodiiit  sur  I'liomme  un  effet  procligieux  : 
il  hate  ou  retarde  I'^laboration  des  sues,  aiigmente  ou 
diminue  la  combustion  int6rieure,  faiivarier  du  tout 
au  tout  le  genre  de  vie,  transforme  la  nature  dans 
I'espace  d'une  nuit,  et,  sans  que  I'houime  change  de 
place,  fait  passer  tour  a  tour  devant  ses  yeux  les 
paysages  les  plus  varies.  Ces  ph6nom6nes  divers 
secouent  Thomme  dans  son  etre  moral  aussi  bien  que 
dans  son  etre  physique ;  ils  donnent  sans  cesse  de 
nouvelles  impulsions  a  I'intelligence,  et  celle-ci,  sol- 
licit^e  par  chaque  nouvelle  transformation  de  la 
nature,  pense ,  et  pense  sans  relache.  Le  climat  de  la 
INouvelle-Grenade ,  incomparablement  plus  riche  et 
plus  beau,  donne  k  I'esprit  plus  de  grandeur,  mais 
aussi  le  laisse  dans  im  6tat  de  contemplation  pares- 
seuse  :  il  est  trop  uniforme.  Heureusement  que  cette 
uniformit(^  disparaitra  quand  les  voies  de  communica- 
tion permettront  de  s' Clever,  dans  I'espace  de  quelques 
minutes,  de  I'^t^  des  plaines  au  printemps  et  a  I'hiver 
des  plateaux. 

VI 

Un  si  beau  pays  devrait  avoir  une  grande  popula- 
tion, car  partout  la  nature"  y  invite  I'homme  ci  multi- 
plier, et  lui  fournit  en  abondance  tout  ce  qui  pent 
rendre  la  vie  agr^able.  En  cflet ,  lors  de  la  conquete , 
les  villes  et  les  villages  6taient  sem^s  par  miUiers  dans 
les  hautes  valines  de  I'int^iieur,  et  le  sol  6tait  cultiv6 
jusque  dans  les  gorges  les  plus  6troites ;  mais  une 


(  128  ) 
poignee  d'liommes  venus  de  I'Orieiit  suflit  pour  exter- 
iiiiner  on  ie])longer  dans  la  barbarie  la  plus  abjecte  ces 
tribufii  heureuses.  Les  Espagnols  soitirent  tout  a  coup 
des  forets  de  la  cote  comme  des  betes  f^roces  d'une 
espe.ce  inconnue,  months  sur  des  aniiiaux  superbes,  a 
la  cn'iie'-e  flottante  ,  a  I'wil  de  feu  ,  poftant  des  amies 
terrib'es  d'ou  jaillissent  r6clair  et  la  luort,  faisant  avec 
le  doigt ,  sur  leur  poitrine  et  sur  leur  front,  uji  sigiie 
mystcrieux  qui  leur  inspirait  uv.e  rage  diabolique.  Les 
Indiens  trembl6rent  a  la  vue  de  ces  eflrayants  demi- 
dieux,  et  se  laiss^rent  massacrer  par  niilliers,  ou  bien 
encliainer'pour  la  niort  plus  lente,  niais  plus  affreuse, 
de  I'esclavage. 

Les  horreurs  de  la  conquete  ont  6t6  partout  les 
mcmes  :  an  Mex'-que,  a  Saint-Dondngue,  a  la  Nouvelle- 
Grenade,  au  P6rou.  La  ou  se  presente  I'Enropeen  avec 
sa  civilisation  ,  il  faut  que  le  vide  se  fasse  devanl  lui 
comme  il  se  fait  deviant  I'oaragan  des  tropiques.  lei 
on  attachait  par  le  cou  des  centaines  d' Indiens  a  nnc 
meme  cliaine  ,  et  quand  line  de  ces  pauvres  betos  de 
somroe  succombaH  k  la  fatigue,  on  lui  coupait  la  tcte 
pour  s'epargner  la  peine  de  d6gager  son  cou  de  Vau- 
neau  de  fer  qui  I'^treignait.  Ailleurs  on  faisait  traqiier 
de  pauvres  fugitifs  par  des  chiens  nourris  m)iquemeiil 
de  la  chair  des  Peaux  louges,  et  les  chiens  feroces  se 
jetaient  sur  leurs  victimes,  noii  [)oui-  les  dechirer,  mais 
pour  les  d(5vorer  vivantes.  Vussi  des  tribus  entieres 
s'ensevelirent-elles  dans  les  grottes  des  montagues^ 
pref6rant  niourir  do  faim  que  de  re>uir  le  terrible 
visage  des  conqu^rants;  d'autres  tribus,  homnies,  in- 
fants et  femmes,  s'avancaient  sur  le  rebord  des  preci- 


(  129  ) 

pices,  se  donnaient  la  main  pour  ressentir  une  supreme 
commotion  d'amour,  levaient  les  yeiix  vers  le  soleil 
leur  p6re  ,  en  le  remerciant  de  son  dernier  rayon  ,  et 
plongeaient  ensemble  dans  les  prolbndeurs  de  I'abime. 
On  voit  encore  leurs  os  brises  au  pied  des  rochers ,  et 
parfois  les  petits-fds  de  ces  memes  Espagnols  qui  les 
firent  perir  viennent  retourner  les  ossements,  dans 
I'espoir  de  trouver  (juelque  joyau  d'or. 

C'est  avec  horreur  que  nous  lisous  I'histoire  de  I'in- 
vasion  de  1' empire  romain  par  les  barbares ;  maispour 
les  Indiens,  I'invasion  des  barbares  de  I'Est  lut  bien 
plus  que  la  fin  d'un  empire  ,  ce  fut  la  fin  du  monde. 
Les  temples  furent  saccag6s ,  les  villes  bruises ,  les 
campagnes  redevinrent  incultes,  et  des  populations 
entieres  furent  supprimees.  Telle  6tait  la  mission  que 
le  Dieu  d'amour  avait  confine  au\  civilisateurs  clire- 
tiens. 

D'anciennes  chroniques,  d'une  exactitude  fort  dou- 
tfuse,  il  est  vrai,  affirment  que  lors  de  la  conquete,  le 
nombre  des  aborigines  6tait  de  8  millions.  De  ces 
8  millions,  il  ne  resta  bientot  plus  que  les  tribus  in- 
soumises  et  de  mis^rables  esclaves  ensevelis  dans 
les  mines  ;  de  sorte  qu'en  1810,  la  vaste  6tendue  de 
la  Nouvelle-Grenade ,  pays  trois  fois  grand  comme  la 
France ,  ne  contenait  plus  que  800  000  habitants, 
Peaux  rouges ,  Peaux  blanches  et  Pea\ix  noires.  De- 
puis,  dans  I'espace  de  jnohis  de  cinquaiite  ans,  la 
population  a  plus  que  triple,  et  iOOOO  individus 
nouveaux  ajoutes  par  an  a  la  masse  des  habitants  t6- 
moignent  en  faveur  de  la  salubrite  g6n6rale  du  pays. 
Quant  a  linunigration,  elle  apporte  tout  au  plus  un 

Wll.    JANVIEU    ET    lE^RirU.    0.  9 


(  130) 
contingent  de  100  personnes  chaquc  ann6e  dan^  la 
partie  conlinentale  de  la  Nouvelle-Grenade.   Bientot 
elle  s'y  portera  par  mille  et  par  dizaines  de  mille. 

La  population  actuelle,  de  2  millions  et  demi  d'ha- 
bitants,  est  bien  peu  de  chose  pour  un  si  vaste  pays , 
oil  un  denii-iiiilliard  d'homnics  trouverait  sans  peine 
a  se  nourrir.  Toutefois  la  Nouvelle-Grenade  est  beau- 
coup  nioins  I'aiblement  peupl^e  que  les  autres  parties 
de  rAm6ri({uc  du  Sud  ;  elle  pent  meme  se  comparer, 
sans  trop  de  desavantage,  aux  Etals-Unis,  puisqu'elle 
contient  prfes  de  2  habitants  par  kilometre  carr6,  tan- 
dis  que  la  r^publique  am6ricaine  n'en  contient  gii^re 
plus  de  3.  De  plus,  il  faut  remarquer  que  le  pourtour 
maritime  et  les  vastes  llanos  du  bassin  de  I'Or^noque 
sont  presque  inhabit^s,  et  que  toute  la  population  s'est 
mass6e  sur  les  flancs  uiontagneTix  et  sur  les  plateaux 
des  Andes.  Dans  plusieurs  provinces ,  dans  celle  de 
Socorro,  par  exemple,la  population  est  plus  dense  que 
celle  de  I'Espagne ,  presque  autant  que  celle  de  la 
France. 

C'est  egalement  a  la  divergence  des  Andes,  a  partir 
du  nceud  central  de  Pasto,  qu'il  faut  rapporter  la  re- 
partition des  habitants  sur  le  territoire  de  la  Nouvelle- 
Grenade.  Sur  le  plateau  de  Pasto  vit  une  population 
compacte  ;  mais  au  point  ou  les  Andes  se  tril'urquent, 
les  villes  et  les  villages  se  divisent  Egalement,  et  trois 
Cordill^res  d'hommes  s'allongent  sar  les  trois  Cor- 
dill6res  de  montagnes.  A  I'ouest,  se  d^veloppe  la  ligne 
de  population  du  Cauca ,  au  centre  celle  de  la  chaine 
volcanique  et  de  la  Madeleine ,  k  Test  celle  des  hauts 
plateaux  de  la  chaine  orientale.  Plus  au  nord ,  1^  ofi 


(  131  ) 

cette  iiieme  cliaiiie  orientale  se  divise  en  deux  raiueaux, 
il  se  forme  aussi  deux  rameaux  de  population  ,  dont 
I'lin  se  dirige  en  droite  ligne  vers  la  mer  des  Antilles , 
tandis  que  1' autre  se  recourbe  vers  Test,  p(^n6tre  dans 
le  Venezuela,  et  coraprend,  dans  son  long  d6veloppe- 
nient ,  presque  tons  les  habitants  de  cette  r6publiq;ae. 
11  en  est  de  meme  dans  I'^tat  d'Antioquia  :  la  ou  se 
reunissent  par  leurs  contre-forts  les  deux  chainesprin- 
cipales  du  centre  et  de  Touest,  les  chaines  de  popula- 
tion se  rejoignent  aussi,  et  ferment  une  soci6t6  riche 
et  prosp6re ;  tandis  que  vers  le  nord ,  c'est  au  point 
'  meme  oti  les  Andes  s'affaissent  sous  les  vastes  forets 
que  s'^vanouit  la  popidation,  pour  ne  reparaitre  que  sur 
les  bords  memes  de  rOc6an,dans  les  villes  maritimes. 
Ainsi ,  la  densite  de  la  population  est  dans  un  rap- 
port constant  avec  la  hauteur  des  massifs  et  des  chaines. 
C'est  entre  1000  et  3000  metres  de  hauteur  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer  que  se  sont  fix6s  presque  tons  les 
habitants  de  la  r^publique  :  plus  bas,  la  nature  est 
trop  puissante  ^  trop  riche,  le  travail  ne  peut  r6agir 
contre  elle ;  plus  haut,  I'atmosphfere  est  trop  rude  et  le 
sol  trop  ingrat;  c'est  done  vers  les  valines  fertiles  6pa- 
nouies  sur  le  flanc  des  montagnes  que  I'homme  se  sent 
irr6sistiblement  entrain^.  Si  tout  d'un  coup  la  mer  sor- 
tait  de  son  lit  et  noyait  le  paysjusqu'a  une  hauteur  de 
1000  metres,  presque  toute  la  nation  grenadine,  6pa- 
nouie  en  6ventail  sur  I'^ventail  des  Andes,  6chapperait 
au  deluge;  mais  si  I'Oc^an  s'61evait  jusqui  3000  metres, 
quelques  patres  seulement  pourraient  voir,  du  haut 
des  sommets,  leur  patrie  disparaitre  sous  le  chaos  des 
vagues. 


(  132) 


VII 


La  popiiJatiou  se  compose  de  l}lancs ,  de  iioirs ,  de 
rouges  et  de  metis  dc  toutes  les  nuances  inlerm6- 
diaires.  Les  homrnes  de  race  parfaitement  ])ure  sont 
pi'esf|ue  introu\a])lcs;  et.  dans  cliaque  province,  I'ab- 
sorption  miitueJIe  des  races  donne  aux  habitants  une 
physlonomie  deplus  en  plus  lioraogenc.  Les  types  ori- 
ginaires  sefondent  pour  reformer  denouveaux  types  en 
rapport  avec  les  climals,  et  dejii  la  dilTerence  de  cou- 
leur  n'est  plus  un  signe  certain  de  la  dill^rence  d'ori- 
gine.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  en  raison  de  la  couleur 
de  leur  peau  que  les  diverses  populations  se  sont  6ta- 
gees  a  diverses  hauteurs  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer,  de  jneme  que  les  fluides  distlncts  se  surnagent 
I'un  r^utre  en  raison  de  leur  plus  on  moins  grande 
densitt^.  Dans  les  ports  de  mer  et  dans  les  valines  qui 
pen6trent  comme  des  golfes  de  verdure  entre  les  chaines 
divergontes,  predominele  type  noiratre  avec  toutes  ses 
\arietes,  depuis  I'athletique  Sambo  jusqu'au  quarteron 
mince  et  delicat.  A  mesme  qu'on  s'eleve  sur  les  mon- 
lagnes,  on  voit  le  teint  de  la  peau  s'6claircir  par  de- 
gradations successives  :  au-dessus  de  1000  metres,  la 
population  est  blanchatre ;  au-dessus  de  2000,  elle  est 
blanche.  Ainsi,  la  nuance  de  la  peau  est  un  siir  indice 
de  la  capacity  des  organisations  .pour  le  calorique,  et 
les  races  plus  ou  moins  melanges  s'6tagent  sur  les 
j)entes  comme  un  veritable  thermom6tre  d'hoinmes. 

Les  anciens  maitres  du  pays,  Chibchas,  Tunebos, 
Motilones  et  autres,  sont  parsem^s  a  toutes  les  hau- 


(  133  ) 

teurs  aii-dessns  du  nivpaii  de  la  mer,  mais  ils  ne  snnt 
u  ]'6tat  de  race  pure,  sans  melange  de  sang  espagnol. 
que  la  oiLi  la  nature  du  pays  qu'ils  habitent  les  a  defen- 
dus  contre  I'invasion.  Grace  a  I'insalubrite  de  leur  cli- 
inat ,  les  Indiens  du  (Ihoco  out  toujours  repouss6  les 
Espagnols;  de  meme  le  manque  d'eau  potable  a  sauve 
les  Goajires  de  I'oppression,  et  leslndiens  de  Casanar." 
doivent  leur  liberte  a  rimmensite  des  llanos. 

Les  indigenes  des  plateaux  qui  ont  survecu  aux  mas- 
sacres et  a  I'esclavage  n'ont  pas  tard6  a  s'unir  avec  les 
niaitres,  et  disparaissent  I'un  aprfes  I'autre  par  suitt' 
d'une  absorption  graduelle.  Dans  la  province  de  Velez, 
la  population  se  compose  uniquement  d'Indiens,  au 
nombre  de  200  000.  Les  anciens  auteurs  nous  ra))- 
portent  que  ces  Indiens  6taient  couleur  de  brique  ;  ce- 
pendant,  grace  a  leur  melange  avec  deux  ou  trois  mille 
blancs ,  leur  peau  est  devenue  semblable  k  celle  des 
Europ6ens.  Ainsi ,  d'apr^s  cette  observation ,  que  I'on 
doit  a  Ancizar,  la  race  blanche  possfede  une  force 
d'assimilation  tellement  puissante,  qu'il  lui  suffit  de 
peu  d'ann^es  pour  transformer  la  race  d'hommes  rouges 
avec  laquelle  elle  se  melange.  Bientot  les  Indiens  au- 
ront  pacifiquement  disparu  de  la  Nouvelle-Grenade,  et 
les  deux  sangs  ennemis ,  celui  des  bourreaux  et  celui 
des  victimes,  se   seront  r6concili6s  dans  les  memes 
art^res.  LeGrenadin,  tout  fier  qu'il  est  de  son  origine 
espagnole,  se  vante  aussi  d'etre  fils  du  soleil. 

Les  Indiens  insoumis  sont  au  nombre  d' environ 
120  000.  II  en  est  qui  sont  tout  a  fait  sauvages,  et  se 
vetent  d'6corces  et  de  feuilles  comme  nos  premiers 
p6res.  Presque  tons  se  servent,  a  la  cha.sse  et  dans  les 


(  13/i  ) 
combats,  de  fl^clies  empoisonnees,  dont  la  pointe  sp 
brise  dans  la  plaie  et  donne  iirevooahlpiiipiit  la  nioi  t. 
Certaines  tribus  prt^parent  a  cet  diet  le  fameux  poison 
curare,  d'autresun  melange  de  vonins,  d'aiitres  encore 
recueillent  I'liunieur  acre  qui  suinte  de  la  peau  d'uno 
grenoiiille  inoflensive.  Heureusenient  ({ne  la  plupari 
des  Indiens  libres  sent  francs,  g6nereux  et  pacifiques  ; 
il  est  extremement  rare  qu'ils  sortent  des  llanos  oii  les 
a  retbules  la  civilisation,  et  se  presentent  dans  luie 
attitude  hostile  contre  les  Grenadins;  quaiid  ils  le  font, 
il  est  certain  qu'ils  ont  6t6  provoqu6s  par  une  insulte 
ou  par  un  crime. 

De  toutes  les  tribus  indomptees ,  la  plus  noble  est 
celle  des  Goajires.  Les  honimes  de  cette  peiiplade  sont 
grands,  forts,  admirablement  proportionn6s.  Quand  ils 
marchent ,  on  dirait  voir  des  statues  de  bronze  d6ta- 
ch6es  de  leur  piedestal;  quand,  penches  en  avant  comnie 
avides  d'espace ,  ils  lancent  leurs  chevaux  rapides  a 
travers  la  plaine ,  et  que  le  vent  fr6mit  dans  leur  cou- 
ronne  de  plumes  d'aigle,  on  les  prendrait  pour  des  fds 
de  la  tempfite.  Jamais  ils  ne  baissent  le  regard  ,  et  si 
la  foudre  gronde,  ils  jettent  vers  le  ciel  des  tisons  en- 
flanun^s,  comme  pour  rendre  k  I'esprit  de  I'orage  6claii- 
pour  6clair. 

VIII 

Tout  pays  isol6  et  sans  voies  de  convnuuiication  est 
comme  un  embryon  chez  lequel  le  syst^uie  circulatoire 
n'est  pas  encore  d6velppp6.  La  Nouvelle-Grenade  est 
un  de  ces  embryons  :  elle  n'a  pas  encore  6t6  engendr^e 
k  la  vie  ext6rieure,  et  ne  respire  qu'^  demi  dans  la 


(  135  ) 

grande  atmosphere  des  peiiples.  Par  iin  contraste 
6trange,  la  nation  grenadine  peut  etre  consid6r6e  par 
les  Strangers  comme  un  organisme  presque  inactif, 
tandis  qu'en  r6alit6  ceux  qui  en  composent  la  grande 
masse  sont  des  travailleurs  infatigables.  C'esl  que  la 
distance  r6ciproque  des  centres  de  ])opulation  6pars  sur 
nn  vaste  territoire,  la  hauteur  des  montagnes,  le  mau- 
vais  6tatdes  chemins,  Umitent  ractivit6nationaledans 
un  cercle  trfes  6troit  et  ne  lui  permettent  de  r6agir  que 
sur  elle-meme. 

Une  autre  cause  de  cet  isolement  prolong^  doit  6tre 
cherch6  -dans  la  richesse  meme  du  pays  :  car  tout  ce 
qui  est  n6cessaire  a  la  vie  se  trouve  en  abondance  dans 
cette  Am6rique  heureuse.  Les  fruits  d'Europe  et  ceux 
de  la  zone  torride,  jet6s  au  hasard  dans  une  telle 
vari6t6  que  Tceil  d'un  botaniste  ne  peut  y  croire,  se 
vendent  a  la  fois  sur  les  marches  et  rempjisscnt 
r  atmosphere  des  parfums  des  deux  zones.  En  certains 
endroits,  les  sentiers  des  forets  sont  tellement  jonch6s 
de  fruits ,  qu'ils  forment  sous  les  pas  des  hommes  et 
des  chevaux  comme  une  boue  odorante  et  savoureuse, 
sur  laquelle  se  pr6cipiteraient  avec  avidit6  les  pauvres 
mendiants  d'Europe.  Parmi  les  productions  utiles  a 
I'alimentation  de  I'homme,  il  ne  manque  gu6re  aux 
Grenadins  que  la  vigne  et  le  th6  ;  or,  il  ne  depend  que 
d'eux  d'acclimater  ces  plantes  ^trangferes  qui,  dans  les 
jardins  botaniques  de  Bogota,  donnent  des  produits 
d'un  arome  exquis. 

L' abondance  universelle  est  accompagnee  d'apatliie 
commerciale;  car  ceux  qui  n'ont  jamais  ele  j)auvresne 
tieunent  gu^re  h  s'enrichir.  N'ayant  besoin  que  de  rares 


( l-'^6 ) 

niarcl)andisps  etranf,'eres,  les  liahitants  de  ]a  N'ouvelle- 
Grenatlp  ne  soul  ))as  tonit'-s  iioii  plus  dVxpt^dier  leiiis 
denr<^es,  et  qiiclqiies  pioduits  suraboiKJants  desceiuhis 
par  ]a  iMadeleine  leiir  snfllseiU  pour  payer  les  achats 
de  laine,  de  cotoiinadeset  de  quiiicaillerie  tails  a  I'pxtt' 
rieiir.  En  miiltipliant  les  besoins  factices.  le  pi-ogr^s 
mullipliera  d'aiilanl  les  achats  et  les  ventos ,  lout  eel 
ensemble  d'echanG,es  qu'on  pourrait  api)el('r  la  respira- 
tion d'un  pays;  car  dans  la  soci(''te  tout  est  actiftii  n 
reaction,  choc  et  contre-choc. 

En  g6n6ral,  les  exportations  tWiw  pa\s  peiivont  lou- 
jours  donner  une  id^-e  approximali\e  de  son  activity. 
On  pent  dire  qu'urje  nation  est  d'antant  plus  elev6e 
dans  la  s6rie  des  nations  coinniercantes ,  que  ses  pro- 
duits  manufactures  depassent  en  yaleur  ses  prodiiits 
agricoles,  et  que  c.  x-ci,  a  leur  tour,  depassent  les  pro- 
duits  naturels  doni.cs  gratuitement  par  le  sol.  Sous  ce 
rapport,  la  Nouve'l  -Grenade  ofTre  une  tr^s  grande 
inferiority,  puisquj  ses  exportations  se  rangent  dans 
un  ordre  exactement  contraire,  et  que  ses  richesses 
naturelies  forment  les  deux  tiers  de  la  totality  de  ses 
ventes  a  l'6tranger.  L'or,  I'^corce  de  (piincjuina,  les 
cuirs  bruts,  tous  produits  plus  ou  nioins  spontan^s  du 
sol, represent  ent  une  valeur  de  5  000  000  de  piastres  : 
tandis  que  le  caf6  et  le  tabac  figurent  seulenient  poui- 
une  somme  de  2  000  000,  et  que  les  chapeaux  de  jipi- 
japa,  seul  article  manufacture  qu'achtjte  I'^tranger, 
n'atleignent  pas  une  vente  de  ZiOO  000  piastres.  Cliaque 
Grenadin  n'ach6te  et  ne  vend  aux  autres  peaples  que 
pour  une  somnie  de  (i  piastres,  c'est-a-dire  quatre  I'ois 
uioins  qu'uii  Ani('M-icain.  sept  fois  moins  qu'un  Anglais. 


(  137  ) 

C'est  bien  pen  pour  iin  si  vicliP  pays.  La  Nouvelle-(irp- 
nade  a  bien  fait  de  choisir  pour  embl^me  naturel  la 
corne  d'abondanre  qui  Iraiue  paresseusement  sur  le 
sol,  en  laissant  echapper  des  fruits  an  hasard. 

Mais  rien  ne  se  perd  de  la  vitality  des  ^^euples ,  et 
ces  hommes  qui  passent  leurs  journ^es  a  fabriquer  le 
poncho  national ,  nu  bien  ;i  cultiver  leurs  clianips  de 
mais  ou  d'arracachas ;  ces  femmes  qui  veillent  jusque 
bien  avant  dans  la  unit  pour  tisser  leurs  chapeaux  de 
jipijapa,  sauront  aussitravaillerpourle  reste  du  monde 
avec  autant  d'assidiiite  qu'ils  le  font  aujourd'htii  poui- 
eux  et  leurs  families.  Deja  les  cliangenients  s'op^rent 
d'ann^e  en  ann6e  avec  une  rapidite  proportionnelle- 
ment  plus  grande  que  parmi  les  nations  les  plus  avan- 
c6es.  Les  montagnes  se  tournent  ou  se  franchissent ; 
les  barques  se  hasardent  au  pied  des  cataractes  ;  les 
bateaux  a  vapeur  viennent  gronder  jusqu'a  800  niilles 
dans  I'int^rieur  du  continent,  sous  les  rapides  de  Honda. 
Le  tabac  et  le  caf6  ,  qui  forment  aujourd'hui  la  masse 
de  I'exportation  agricole,  sont  des  produits  presque 
nouveaux  entr^s  depuis  peu  dans  la  circulatioJi  du  com- 
merce grenadin,  et  prenant  tons  les  ans  une  plus  grande 
importance.  Dans  I'espace  des  vingt  derniferes  annees, 
I'exportation  du  tabac  a  deux  fois  centuple.  Sans  doute 
le  Sucre  aussi  va  bientot  faire  concurrence  au  sucre  des 
Antilles  sur  les  marches  d'Europeetd'Am6rique.  Main- 
tenant  c'est  a  peine  si  tous  les  manages  en  mouvement 
suffisent  k  I'^norijie  consommation  locale  ;  mais  d^\k 
on  pent  voir  en  maints  endroits  la  vapeur  des  usines 
tournoyer  au-dessus  des  champs  de  cannes ,  et  bientot 
les  machines  en  foule  sui)pl6eront  k  la  raret6  des  bras. 


(  138  ) 
Tons  les  progrfes  des  aiitres  nations  s'accomplissent  gra 
duellement  dans  la  Nouvello-Cirenade  et  la  sonl&vent  an 
niveau  g6n^ral.  Tel  est  le  privilege  des  peuples  airii''- 
r6s,  ils  peuvent  (run  bond  franchir  I'espace  qn'ont  si 
douloureusement  cheniin6  les  autres  peuples  a  travers 
le  sang  et  la  niis6re ;  le  poids  des  si6cles  ne  les  accable 
pas,  et,  jennes,  ^  igonreux,  ils  peuvent,  d6s  le  premier 
jour  de  lour  vie  sociale ,  posseder  la  science  rjiie  les 
autres  out  peniblenicnt  acquise.  C'est  ainsi  que  les  Gre- 
nadins  aurontlecheuiin  defer  avant  d'avoir  en  le  sen- 
tier  viciJial,  la  locomobile  avant  d'avoir  cii  la  cliarrue, 
le  t6legraphe  electrique  avant  de  savoir  dechiflVer  I'al- 
phabet.  A  peine  le  jeune  peuple  est-il  ne ,  que  toutes 
les  vieilles  soci6t6s  de  la  terre  viennent  disposer  Icms 
tr6sors  dans  son  berceau . 

Dn  temps  de  la  domination  espagnole ,  tout  souffle 
de  vie  ind^pendante  6tait  soigneusement  ^toulT^  par  le 
monopole,  toute  Industrie  ^laitl'objet  d'une  concession 
sp^ciale,  et  le  travail  lui-meme  dtait  im  privilege.  Car- 
thagene  seule  avait  le  droit  d'importer  les  niarclian- 
dises  d'Espagne  et  d'expedier  k  la  m^re  patrie  les  pro- 
duits  du  sol  grenadin;  de  meme  ,  par  suite  d'une 
centralisation  funeste,  Bogota  s'6tait  empare  do  tout  le 
commerce  int^riem*,  et  toutes  les  marchandises,  avant 
d'arriver  a  lenr  destination  ,  6taient  forc6es  de  d^crire 
une  elli])se  a  travers  la  capitale.  dependant  Bogota , 
loin  d'etre  un  centre,  est  la  derniere  ville  projet6e  par 
la  civilisation  espagnole  dans  la  direction  dii  sud-est . 
et  plus  loin  on  no  trouM'  f[ne  des  plateaux  deserts  el 
d'iminensos  llanos  plus  di'scrts  encore.  Heureusemenl 
que  le  commerce  va  l)ient<)t  cesser  de  fnire  un  absnrdc 


(  139  ) 

detour  par  Bogota  avaiit  d'alimenter  les  provinces  de 
]'int(§rieur  :  on  travaille  activenient  i\  la  construction 
d'nn  cheniin  qui  iniira  les  riches  plateanx  du  centre 
directement  k  la  Madeleine,  et  alors  Bogota,  forc6nient 
d61aiss6  par  le  grand  moiivenient  circnlatoire  du  pays, 
perdra  beaucoup  de  son  importance  relative,  et  ne  de- 
vra  plus  sa  population  qu'au  centralisiue  politique. 
Mais  cette  p6riode  de  decadence  ne  durera  qu'un  temps 
etserasuivied'une  perioded'accroissement  grandiose  ; 
car  Bogota  se  trouve  place  an  divorce  menie  des  eaux, 
entre  les  affluents  de  I'Amazone ,  de  I'Or^noque  et  de 
la  Madeleine.  Quand  les  bords  de  ces  grands  fleuves 
seront  colonists  et  que  les  vapeurs  reinonteront  le  Ca- 
queta  et  le  Meta  jusqu'aquelques  lieues  delacapitale, 
c'est  la  que  se  trouvera  le  point  de  croisement  entre 
les  trois  bassins,  et  que  viendront  se  rencontrer  les  pro- 
duits  de  Carthagfene,  d' Angostura  et  de  Pari.  Toute- 
fois  la  Madeleine  est  rest^e  jusqu'k  nos  jours  la  grande 
et  presque  la  seule  artfere  commerciale  de  la  r6publi- 
que.  C'est  un  Mississipi  modeste,  sillonn^  par  une  dou- 
zaine  de  timides  bateaux  a  vapeur,  et  gard6  a  son 
embouchure  par  la  petite  ville  de  Baranquilla ,  New- 
Orleans  en  miniature. 

Les  quatre  ports  atlantiques  de  la  Nouvelle-Grenade, 
Rio-Hacha,  Santa-Marta,  Savanilla,  C.arthag^ne,  sont 
adniirablement  situ6s  ]mr  ra{)port  k  cette  artere  cen- 
trale  de  la  Madeleine,  et  peuvent  etre  consid6r6s  comme 
ses  quatre  embouchures  commerciales.  L'nn  i\e9.  bras 
ou  bayous  du  fleuve  debouche  pr6s  de  C4arthag6ne,  un 
autre  a  Savanilla ,  un  autre  encore  se  dirige  vers  le 
beau  port  de  Santa-Marta.  L'examen  g6ologiqiie  dn 


(  i'»o  ) 

>!ol  d^montre  qu' autrefois  une  quatri^nie  enil)ouchur( 
s'ouvrait  dans  le  port  meine  de  Rio-Haclia,  et,  bien 
que  cette  embouchure  ait  6t6  o])stni6e  depuis  par  le 
soul6vement  graduel  de  lacontr6e,  cependant  le  divorce 
des  eaux  entre  la  riviere  actuelle  de  Rio-Hacha  et  le 
bassin  de  la  Madeleine  est  tellenienl  peu  prononct'' , 
qa'il  suffirait  d'une  ecluse  pour  retablir  artificiellement 
I'ancienne  bouche  du  fleuve.  Ainsi ,  les  quatre  grands 
ports  de  la  Nouvelle -Grenade,  bien  qu'espac6s  sur  une 
longueur  de  plus  de  100  lieues  de  cotes,  sont  ratta- 
ch6s  ou  facilement  rattachables  aumenie  fleuve  jvir  un 
syst^me  d'embouchures  et  de  canaux.  Sous  le  rapport 
commercial,  le  delta  de  la  Madeleine  est  aussi  gi-andiose 
que  celui  du  Mississipi ,  et,  de  plus,  il  a  I'avantage  de 
bons  ports  et  d'une  mer  sans  orages.  Chose  remar- 
quable  et  qui  pent  donner  une  idee  de  la  ])eaut6  pitto- 
resque  de  la  Nouvelle-Grenade  !  c'est  dans  ce  delta 
meme,  entre  ses  branches  marecageuses,  que  les  cimes 
de  la  Sierra-Nevada  se  dressent  a  6000  metres  de  hau- 
teur. Pour  vous  faire  une  idee  de  nos  paysages  gran- 
dioses,  figurez-vous  des  montagnes  d'une  lieue  et  demie 
d'6l6vation  sur  le  bord  du  Rhone,  dans  la  (laniargue. 
Savanilla  est  aujourd'hui  le  port  le  plus  impoi'tant 
de  la  republique,  a  cause  de  la  proximite  de  la  bouche 
principale  du  fleuve  et  de  la  ville  de  BaranquiUa.  l.a 
noble  Carthagfene  des  hides  a  beaucoup  perdu  de  lim- 
portance  que  lui  avaient  autrefois  procure  le  iiion(i])ole 
et  son  beau  port.  Ce  port  est  encore  tr6s  beau  ,  mais  , 
connne  frapp6s  de  d^mence,  les  Espagnols  eu\-meines 
out  fail  tout  ce  qu'ils  out  pu  pour  le  gutej-.  f^es  navires 
pouvaient  y  p^n^trer  jadis  par  deux  entrees.   Boca- 


I 


(  Ul  ) 

Grande  et  Boca-Cliica  :  la  premiere,  large  bras  de  mer, 
etait  en  outre  naturellenient  dragu6e  et  nettoy6e  par 
les  vagiies ;  tandis  que  Boca-Chica,  etroit  goulot  ou  les 
navires  ne  peuvent  s'insiiuier  qu'en  faisant  des  ma- 
noeuvres p6rilleuses ,  s'ensaljle  parfois.  dependant  le 
gouvernenient  espagnol  d'alors  (1760)  fit  semer  de 
recifs  artificiels  la  grande  entree  du  port  pour  le  de- 
i'endre  contre  les  Anglais.  On  depensa  1  500  000  pias- 
Ires  pour  ce  travail  insense,  et  niaintenant  il  s'agit 
d'en  depenser  peut-etre  davantage  pour  d^blayer  le 
chenal. 

Quant  a  I'isthme  de  Panama ,  on  peut  le  consid^rer 
apart,  care' est  un  point  d'une  importance  universelle, 
comme  Tisthme  de  Suez  et  le  d6troit  de  Singapore  : 
c'est  un  centre  de  croisement  oil  se  rencontrent ,  en 
tlieorie  du  moins,  les  lignes  commerciales  menses  de 
tous  les  points  de  la  terre.  Aussi,  par  un  acte  de  gen6- 
rosite  sans  exemple  jusqu'a  nos  jours,  le  gouvernenient 
grenadin ,  avant  de  f^deraliser  la  r6publique  tout  en- 
tiere,  a  I'ait  de  Panama  un  Etat  presque  ind6pendant, 
et,  renoncant  ainsi  a  ses  prerogatives  de  suzerainete, 
a  misce  territoire  sous  la  protection  du  monde  entier, 
I'a  proclam6  un  nouveau  Delphes,  dont  tous  les  peuples 
sont  les  Amphictyons. 

Elisee  Reclus. 


(  1A2  ) 
%otes  dc  la  Ko€*iele 

KXTI'.AITS  l)i;.S  PnOGKS-VKlUiAUX   PKS  SIUNCE.S. 


Sennce  du  7  Janvier  1859. 

M.  G.  Poiichet,  naturaliste,  adiesse  ses  remercitueiils 
a  la  Societt^,  qui  vieiit  de  radniettre  au  nombre  de  ses 
niembres,  ct  liii  aiiiionce  ([u'il  se  dispose  a  faire  uii 
nouveau  voyage  pour  I'avancement  des  connaissances 
liiimaines,  sartoul  en  ce  qui  concerne  rethnologie. 

M.  A.  de  Lewchine,  president  dri  (lomit^  central  de 
slatisti(jue  dn  ministfere  de  Tint^riem',  6crit  de  Saint- 
Petersbonrg  a  M.  Jomard,  pour  le  prier  d'ofl'rir  k  la 
Soci(5te  un  exenq^laire  du  Recueil  de  tables  statisliques 
SUV  la  Ritssie  pour  I'annee  1856,  qui  vient  d'etre 
publie  par  les  soins  de  ce  comit6. 

M.  de  La  Roquette  annonce  que  M.  Robert  Schla- 
gintweit,  auquel  il  avait  demands  un  aperfu  du  voyage 
fait  dans  I'lnde  par  ses  deux  fr^res  et  par  lui,  pour 
etre  communique  a  laSoci6t6,  vient  de  lui  transmettre 
une  relation  qui  a  toutefois  besoin  d'etre  revue.  Lorsque 
le  travail  de  revision  sera  termini,  M.  de  La  Roquette 
s'empressera  de  le  mettre  sous  les  yeux  de  la  Com- 
mission centrale,  ainsi  que  les  rapports  adress6s  par 
les  trois  freres  k  la  Compagnic  des  Indes.  Le  m6me 
membre  ajoute  que,  quoique  MM.  Hermann  et  Robert 
Schlagintweit  soient  toujours  fort  inquiets  sur  le  sort 
de  leur  frfere  Adolphe,  lis  n'ont  pas  n^anmoins  perdu 


(US  ) 

encore  tout  esiioir  k  son  (§gard ;  M.  le  prince  tie  Gorts- 
chakoir  a  bien  voulu  les  assurer  que  toutes  les  d-mar- 
ches possibles  seraient  faites  par  la  Russie  dans  le  but 
d'obtenir  des  informations  positives. 

Le  meme  membre  communique  a  la  Commission 
centrale  les  renseignements  qui  viennent  de  lui  par- 
venir  des  Etats-Unis  sur  une  proposition  faite  a  la 
Soci6t6  am6ricaine  g^ograpliiqiie  et  statistique  de 
New- York ,  et  adoptee  tant  par  elle  que  par  la  Soci6t6 
philosophique  et  diverses  autres  Societ^s  scientifiques 
americaines,  d'envoyer  en  1859  et  1860  une  nouvelle 
expedition  dans  les  mers  polaires. 

Cette  expedition,  dont  I'envoi  est  fortement  appuye 
par  M.  Henri  Grinnell,  M.  le  professeur  Agassiz  et  plu- 
sieurs  autres  personnages  eminents,  a  pour  but  de  veri- 
fier et  de  confirmer  la  d6couverte  d'une  mer  libre  de 
glaces  au  nord  du  Groenland  faite  par  Kane,  et  que  le 
savant  danois  Rink  a  contest6e. 

La  Society  admet  au  nombre  de  ses  membres  M.  Au- 
guste  Himly,  professeur  suppliant  de  geographic  a  la 
faculte  des  lettres ;  M.  Alfred  Jacobs,  docteur  ks  let- 
tres,  archiviste  paieographe,  et  M.  le  docteur  don 
Mariano  Padilla ,  professeur  de  medecine  a  la  faculte 
de  Guatemala. 

M.  I'abbe  Pierre-David  Boilat,  missionnaire  aposto- 
lique,  est  presents  comme  candidat  par  MM.  Jomard 
et  Alfred  Maury. 

M.  le  secretaire  communique  la  liste  des  ouvrages 
deposes  sur  le  bureau,  et  plusieurs  membres  olTrent 
separement  les  ouvrages  suivants  de  la  part  des  au- 
teurs  :  1"  Geographic  physique,  economique  et  poli- 


(  IM  ) 

tique  de  I'Algerie,  i>ai-  M.  Mac  Carthy ;  2°  Elements 
d'une  topographie  uiedicale  de  la  JNouvelle-Caledonie 
et  de  File  des  Pins,  these  pour  le  doctoral  en  medecine 
pr6sent6e  et  soutonuc  par  L.  P.  Eugene  Vinson,  de 
Sainte -Suzanne  (ile  de  la  Reunion);  3"  Notice  sur  la 
Gazette  arabe  de  Beyrouth,  par  M.  Reinaud,  meuibre 
de  rinstitut ;  h'  Relation  de  I'ile  de  Tabago,  en  16(56, 
par  le  sieur  de  Rochetbrt,  et  carte  de  I'Asie  iMineure, 
en  deux  feuilles,  publi^e  en  russe  par  le  colonel  d'^tat- 
niajor  Wrangel,  en  183/1-35,  oil'ertes  par  M.Constantin 
de  Sabir. 

La  Conunission  centrale ,  conform6nient  aiix  ternies 
de  son  reglenient,  procfede  au  renouvellemeut  des 
menibres  de  son  bureau  poui-  I'annte  1859,  et  elle 
nonnne  au  scrutin  : 

President  :  M,  Joniard. 

Fice-prcsideiits  :  MM.  d'Avezac  et  Daussy. 

Secretaire  general  :  M.  Alfred  Maury. 

Secretaire  adjoint  :  M.  V.  A.  Malte-Bnui. 

La  composition  des  trois  sections  demeure  la  meme 
que  pour  I'ann^e  pr6c6dente  :  M.  de  Quatrefages  prend 
seulement,  dans  la  section  de  publication,  la  place  de 
M.  Daussy,  61u  vice-president. 

Aprfes  r installation  du  nouveau  bureau,  M.  Jomard 
adresse  au  president  sortant,  M.  d'Avezac,  les  remer- 
ciments  de  la  Commission  centrale;  ilajoute  que,  i)Oui' 
sa  part,  il  est  vivement  touche  de  la  nouvelle  marcjue 
de  synipathie  et  de  confiance  que  la  Commission  cen- 
trale lui  a  dunnee,  mais  qu'il  craint  que  son  grand  age 
ne  lui  permelte  pas  de  remplir  ses  Ibnctions  avec  loute 
I'assiduitc  necessaire. 


(  U5  ) 

A  quoi  tons  les  membres  presents  ont  r^poiulu  qu'ils 
s'estiraent  Iieureux  que  M.  Jomard  veuille  bien  conti- 
nuer  a  diriger  leurs  travaux ;  que  si  ses  occupations  et 
sa  sant6  ne  lui  permettaient  pas  toujours  une  assiduity 
a  laquelle  il  les  a  depuis  longtemps  accoutum^s,  les 
vice-prdsidents  s'empresseraient  de  le  suppl6er;  que 
d'ailleurs  I'ardeur  apport6e  constamment,  etjusque  dans 
ces  derniers  temps,  par  M.  Jomard,  au  sein  de  la  Com- 
mission centrale,  est  le  presage  d'une  longue  dur6e  a 
sa  verte  vieillesse. 

M.  Alfred  Maury  declare  que,  frapp6  de  la  n6cessit6 
oil  est  le  Bulletin  de  recruter  d'utiles  coUaborateurs,  il 
propose  d'augmenter  le  nombre  des  membres  adjoints, 
qui  n'est  encore  que  de  quatre.  Cette  proposition  6tant 
jug6e  contraire  a  I'article  !x  du  r^glement  int^rieur  qui 
a  f]x6  ce  nombre,  est  renvoy^e  a  la  prochaine  stance, 
afm  qu'elle  puisse  etre  discut6e  par  la  Commission  cen- 
trale ,  laquelle  sera  sp6cialement  convoqu6e  pour  cet 
objet. 

M.  le  president,  en  rappelant  I'article  'Ih  du  regle- 
ment,  relatif  aux  sujets  de  prix,  engage  ses  collegues  a 
presenter  a  la  Commission  centrale  les  sujets  de  nature 
a  etre  mis  au  concours  dans  la  prochaine  assembl6e 
g6n6rale  de  la  Soci6t6. 

M.  d'Avezac  donne  lecture  d'un  apercu  des  travaux 
qui  ont  6t6  entrepris  sur  I'anonyme  de  Ravenne. 


XVII.   JANVIER    ET    F^VRIER.     10.  10 


(  ''it?  ] 

Seniice   dii  21    /nm'icr    IRaW. 

M.  Holist,  socretaire  de  runiversitc  royale  de  Chris- 
tiana, L'Ciit  ;i  la  Soci6te  pour  lui  otrrir  ])lusioTirs  vo- 
lumes de  la  statistique  de  la  Norvege,  pidjlies  sous 
les  auspices  de  cette  university,  ainsi  qu'nne  carte  des 
royaumes  scandinaves  au  moyen  age,  j)ar  Gerhard 
Munthe. 

M.  le  marquis  de  Blosseville  <^crit  a,  la  Soci(^t6  pour 
hii  faire  honimage  de  la  seconde  Edition  de  son  liistoirc 
tie  la  coloitisalinn  j)cnale  et  des  etahlissemcnis  de  VJn- 
gleievre  en  AustrnUc.  Si  la  geographic,  dit  I'anteur  dans 
sa  lettre,  ne  tient  pas  le  premier  rang  dans  cette  etude, 
et  si  elle  n'arrivo  qu'aprte  I'^conomie  politique  et 
I'histoire,  il  a  etc  du  moins  consacr6  quelques  pages 
;\  ses  progres  et  a  la  m6moire  des  decouvreurs.  — 
W.  IJarbie  du  IJocage  est  pri6  de  rendre  comptc  do 
cet  ouvrage. 

M.  Daussy  communique  ii  la  Societe,  de  la  part  de 
M.  '\nioine  d'Abbadie,  qui  les  a  recus  du  R.  P.  L6on 
des  Avanchers,  des  documents  et  inic  carte  du  vicariat 
apostolique  des  pays  Oromo  ou  Galla,  des  pays  Saoniali 
ct  de  la  cote  orientale  d'Afrique.  Malgr6  les  errcurs 
manifestes  qui,  de  son  avis,  deparent  la  carte  des  envi- 
rons imm6diats  de  KafTa  et  de  I'intSrieur  de  ce  pays, 
et  la  difTicnlt^  de  faire  coucorder  ces  renseigncnients 
avec  ceux  du  savant  et  z61e  missionnairc,  M.  d'Abba- 
die pense  que  la  publication  de  la  notice  et  de  la  carte 
ne  serait   pas   sans    int^r^t   pour  la   geographic  de 


(    i^«7  ) 
TAIrique  iaterieuie.  En  consequence,  la  Coiiiuiission 
centrale  en  decide  le  renvoi  au  Ballciin. 

M.  Gabriel  Lafond,  ministre  de  Costa-Rica  a  Paris, 
communique  nn  expose  fait  au  congres  de  cette  r(§pu- 
blique,  dans  lequel  le  ministre  des  alTaires  etrang^res 
et  dc  I'instruction  publjque  rend  coniptc  des  relations 
de  son  pays  avec  les  autres  contrees  de  rAnierique  et 
a\ec  I'Europe,  ainsi  que  de  la  situation  de  ^instruction 
publique,  du  iiombre  des  ecoles,  de  I'avancement  des 
sciences,  etc.  II  ajoute  que  le  president ,  don  Juau 
Rafael  Mora,  a  fait  voter  un  fonds  de  J5  000  francs 
pour  le  leve  de  la  carte  de  la  republique  depuis  le  lac 
Saint-Jean  de  Nicaragua  et  le  fleuve  Saint-Jean  jusqu'it 
la  province  de  Veragua  dans  la  Nouvelle-Grenade, 
-^  Renvoi  de  ce  document  au  Bulletin. 

M.  I'abbe  Boilat,  missionnaire  apostolique,  est  admis 
dans  la  Societe. 

M.  Edouard-Ernest  Saillard,  attache  au  ministere 
des  aftaires  6trangeres,  M.  Alphonse  Rousseau,  consul 
de  France  a  Djeddah,  et  M.  le  docteur  C.  Poyet,  r^si- 
dant  a  Routchouk,  sont  pr6sentes  comme  candidats,  le 
premier  par  M.  le  conite  de  Cosse-Brissac  et  M.  le 
baron  d'Avril,  le  second  par  MM.  Jomard  etd'Avezac, 
et  le  troisitjme  par  MM.  Bouillet  et  Jomard. 

M.  Lefebvie-I)urufl6  fait  au  nom  dc  la  section  de 
comptabilite,  dont  il  est  president,  un  rapport  sur  les 
comptes  de  J  85 8  et  sur  le  budget  de  1859.  Ce  rap- 
port, d'ou  il  r^sulte  que  I'etat  financier  de  la  Society 
est  des  plus  satisfaisants ,  I'ecoit  I'approbation  de  la 
Commission  centrale. 

II  est  proced6  a  1' Election  des  membres  de  la  com- 


(  "'« ) 

mission  spt^ciale  dii  concours  au  pri\  annuel  pour  la 
d^couverte  la  phis  importante  en  g6ograpliie.  Scat 
nouHiies  au  scrutin  membres  dc  cettc  commission  : 
AIM.  Daussy,  d'Avezac,  Jomard,  de  La  Ro((uette  et 
Vivien  de  Saint-Martin.' 

La  Commission  centrale  passe  ensuitc  a  la  discussion 
de  la  proposition  de  M.  Alfred  Maury,  relative  a  I'aug- 
mentation  du  iiombrc  des  membres  adjoints  de  la 
Commission  centrale.  Cette  proposition  6tant  appuyee 
par  cinq  membres,  conform6ment  au  r^glement,  la 
Commission  decide  quelle  laissera  le  cliiffi'e  des  mem- 
bres adjoints  indetermine,  et  que,  qnaiit  au  present, 
elle  6lira  quatre  nouveaux  membi'es.  En  consequence, 
une  liste  de  candidats  sera  dress6e  et  Ton  proc^dera  h 
I'election  dans  la  prochaine  seance. 

M.  Emm.  Rey,  membre  de  la  Societe ,  recemment 
rentre  en  France  apres  de  longues  explorations  dans 
les  regions  situ^es  a  Test  du  Jourdain  et  dansle  bassin 
de  la  mer  Rouge ,  pr6sente  une  analyse  geographique 
de  la  carte  de  ces  contr6es ,  que  vient  de  publier 
M.  VandeVelde.  —  Renvoi  de  cette  notice  au  Bulletin. 

M.  d'Avezac  poursuit  la  lecture  de  son  tiavail  sur 
I'anonynie  de  Ravenne. 


(  m  ) 

OUVR/VGES  OFFEIITS  A   LA  SOCIETl 

STANCES    DE    JANVIER    ET    FEVRIEII    1859. 


Titrcs  dcs  ouvrages.  Donaleurs. 

EUROPE. 

Recueil  de  tublcs  st.itisUques  sur  la  Bussic,  pour  r;iiiiice  I80G,  public 
en  1858  par  Ic  comild  central  de  slatislique.  1  vol.  in-3. 

M.    DK    I.EWCHINK. 

Statistiske  Tabeller  for  kongerigct  Norgc,  1853,  1854,  I8')5,  ISoGot 
184C-1855.  5  call.  in-8.  —  Belaeiituiog  og  Indslilling  fra  ilen  vcd 
kongelik  Resolution  ofSaugust  1 853  ncdfattc  Commission  angaaende 
dct  oflentlige  Fattigvaiseu  paa  L.andcl.  Christiauia,  1850.  1  cah. 
in-4.  Universite  rov    de  Christiania. 

Hisloirc  et  description  de  la  haute  Albanie  ou  Gu6garie,  parllyacinthc 
Hecquard,  consul  de  France  h  Scutari.  1  vol  in-8,  avec  une  carte. 
Paris,  1859.  M.  Hecquard. 

Souvenirs  d'Orient.  La  Dobroutcha,  par  le  D' Camille  Allard.  Paris, 
1859,broch.  in-8.  —  Mission  niedicale  dans  la  Tatarie-Dobroulclia, 
par  le  D'  Allard.  Paris,  1857,  br.  in-8.  M.  le  D'  Allaiid. 

ASIE. 

Documents  and  fails  illustrating  the  origin  of  the  mission  to  Japan, 
authorized  by  government  of  the  United  States,  may  10,  1851  ; 
and  which  finally  resulted  in  the  treaty  concluded  by  commodore 
M.  C.  Perry,  U.  S.  Navy,  with  the  Japanese  commissionners  at  Ka- 
uagawa,  bay  of  Yedo,  on  the  31  mars  185i,  etc.,  by  Aaaron  Haight 
Palmer.  Washington,  1857,  br.  in-8.  M.  Palmer. 

AKRIQUE. 

Gtographie  physique,  econoniiquc  et  politi(iue  de  I'Algerie,  par 
M.  0.  Mac  Carthy.  Alger  ct  Paris,  IS08,  1  vol.  in-12. 

M.  0.  M.;c  (AiiruY. 


(   150  ) 

Titles  des  uuira'jcs.  Donaleuis. 

Notice  sur  la  Socii;t(5  dcs  tiiissioiis  ufiiiaiiics,  p.ir  Mgr  tie  ilariuri-ltr<5- 
sillac,  dv^quc  de  I'rusc,  vicuiio  a|)osturKiue  dc  Sierra-Lcoiie.  I. yon, 
1838,  br.  iu-I2.  Mgr  ne  Maiuon-Bresillac. 

Nolice  sill'  la  culoiiic  ilii  Si-iicgal  cl  sr.r  Ics  pays  (jui  soul  (ii  lelaliuii 
avcc  die,  [uir  M.  L.  laidlicrbo,  colonel  dii  ^oiiic,  gouvcrncur  dii 
Sem'gal.  Paris,  \SjO,  br.  iii-S.  M.  Ic  colour)  KAioiiF.nBii. 

AMEUIQUI-:. 

Hi'latioii  de  Tislc  do  Tubayo  ou  dc  la  Nouvcllc-Oualcrp,  i'uiie  des  isles 
Aiililios  dc  rAiiicri(iiic,  pai-  Ic  sicur  de  Uoclieforl.  Paris,  1660, 
1  vol.  iii-18.  \l.  C.  Dii  Sabiii. 

AUSTRALIA. 

Hisloire  de  la  coloriisalioii  pcuale  el  dcs  clablissoiiiciils  dc  rAu«lo- 
Icrrc  cit  Aii^lralic,  |),".r  Ic  marquis  dc  Blos.sc\ille,  iiiciiibrc  dii  corps 
Icgislalif.  Paris,  ISo!),  2  vol.in-8.      M.  Ic  iiiariiiiis  dc  Bi.ofSiiviLLE. 

Ktcmcnts  d'une  lopogriipliie  iiicdicalc  de  la  NoiivclIcCalcdonie  cl  de 
rile  dcs  Pins.  Tticsc  pour  le  doctoral  cu  imnhciiic,  presentee  rt 
soutcnuc  le  'JO  mars  IsriS  par  I..  P.  luigenc  Vinyon,  docteiir  en 
medeciiic.  Paris,  185S,  iii-l.  M.  Llgese  Vixso.n. 

VOYAGES   Dii:  CIUCUMNAVIGATIOX. 

Voyage  aulour  du  inoiide  sur  la  fregate  auddoisc  VEiujenk,  exdcule 
peudanl  les  aiinccs  18o1-18j3,  sous  le  coruuiaudcineul  dcC. A. Vir- 
gin, public  par  ordre  dc  S.  M.  Ic  roi  Oscar  1",  par  rAcail(''niic 
royalc  dcs  sciences  dc  Slockholm.  Stockholm,  ls38,  u"  I  a  5. 

L'Aca'iisiu;  nov.  uiis  sciencks. 

OUVRAGES  GENER.XUX,  MELANGES. 

Physikaiske  nieddelelscr  ved  Adam  Arndtscn.  Efler  Foranslaltning  af 
del  akadcmi^kc  (;ollegiuni  udgi>nc  af  l)"^  Chri.sloplier  llansleen. 
Chribliania,  18j8,  br  iii-i.  L'U.sivcRsirii  dk  Ciiiustiama. 


I 


(  IM    ) 

Tiires  lies  uuvrayc^.  Donalcurs. 

Rapport  111  a  I'Acaddmiedcs  iiiscriplioiiscl  hcilts-Iotlros  <lai)s  la  seance 
puliliqiie  ilii  13  novcnibre  185S,  au  iioni  de  la  coininissioii  iliaigt'c 
d'cxainiiicr  Ics  tiavaiis  cnvoycs  par  li's  incinbrcs  de  rccolc  fran- 
Caisc  d'Alhenes,  par  M.  Guigniaut.  Br.  iii-4.  M.  Gdigniait. 

Niilicc  sur  la  gazcUc  arabc  deBeyroiilh,  par  M.  Rcinauil,  nicmbrc  do 
rinslitiU.  Paris,  1858,  br.  in-8.  —  Ouestion  siicnlifiquc  et  per- 
soniiello  soulcvee  ou  sein  dc  I'luslitut  par  MM.  Guigniaut  et  Sta- 
nislas Julicu,  avccia  roponse  dc  M.  Reiiiatid,  nicmbro  de  I'lnslitut. 
Paris,  1859,  br.  iii-8.  M.  Reinai'd. 

Hints  to  craniographers,  etc.,  by  J.  Ailken  Meigs,  M.  D,  Philadelphia, 
1858,  br.  in-S.  M.  A.  Meigs. 

Organisation  und  I'ortschrist  der  militarisch  Kartographischen  Arbei- 
teain  Osterreich,  von  August  v.  Fligely.  Wien,  1859,  br.  in-8. 

SociiiTii  GiinGn,  de  Vienne. 

CARTES. 

Noregr,  Sviariki,  Danmork,  historisk  ovcrsigtskart  ober  detre  nordiske 
Riger  i  Middelaldercn.  Til  skolebrug  udarbeidct  of  GerhordMunthc. 
1842.  1  feuille.  Universite  de  Ciiristiania. 

Carte  de  I'Asic  Mineure,  par  Wrangcl,  en  2  fcuillesct  publico  en  russc. 

M.  C.  DE  Sadir. 

ludcs.  Colonies  anglaisos,  feuille  25  de  I'Atlas  universe!  drcss^  par 
Dufour  et  public  |)ar  Pauliii  et  Lc  Chevalier,  1  feuille. 

MM    Paui.in  ET  Le  CiiEVALn:n. 

MliVlOIRES   DES   ACADEMIES  ET    SOCIETES   SAVANTES, 
RECUEILS   PERIODIQUES. 

Bulletin  dc  la  classe  physico-malhiiniatique  dc  I'Acadiimie  impdrialc 
des  sciences  dc  Saint-P(?tcrsbourg,  tome  XVI.  —  Proceedings  of 
llic  Royal  Society  of  Edinburgh.  Session  1857-58.  — ■  Pajjcrs  read 
to  the  Botanical  Society  of  Edinburgh,  by  George  Lawson,  1858. — 
Proceedings  of  the  Royal  Geographical  Society  of  London,  octobre 
1858. —  Journal  of  the  Franklin  Institute  of  the  State  of  Pennsyl- 
vania. Novcnibre  ct  ddcembre  1858,  Janvier  1859. —  Mitthcilungen 


(  i^v>  ) 

litres  des  ouvrages.  Donateurs. 

Uber  wichiige  neue  Errorsiliungcu  auf  dem  ncsammtgebiete  dcr 
Gcographie,  voii  D'  A.  Pctermann,  n°  X,  XI  ctXll,  iSjS.'— Zeil- 
schrifi  fur  allgcmciiic  Hrdkunde.  Sc|)lcmbrc  ct  octobic  1838. — 
AbhandbiDgeu  fur  die  Kunde  dcs  Morgenlandes  hcrausgcgebeii  von 
der  Deutschen  morgcnlandischen  Gesellscbaft,  vol.  I,  n"  4.  Uebor 
dasCatrutijaya  Mahatmyani.— Nolizblatt  dcs Voreinsfar  Erdluinde, 
ii"s  17  a  20.  —  Bijdragcn  tot  de  Taal  Laudcii  Volkeuliuiidc  van 
Ncderlandscb  lndio.  Ainslprdam,  1858.  1  vol  in-8.—  Bibliothcquc 
universelle,  revue  sui.sc  ct  (5traiigerc,  mai  a  decenibre  1858.  — 
Annalcsducominerceextcrieur.octobrc,  novoinbrccldecembrel858. 
— Nouvelles  Auiialcs  des  voyages,  noveiiibrc  et  decembre  1S58,  Jan- 
vier 1839.  — Anuales  bydrograpbiques,  1857  ct  1838.  —  Revue  co- 
loniale,  novembrc  et  ddcenibre  1838.—  Bulletin  do  la  Soc\6li  gdc- 
logique  de  France,  decembre  1838. —  Aniiuairede  la  Societemdli'o- 
rologique  de  France,  decembre  1S58.  —  Revue  de  lOricnt,  de 
I'Algeric  et  des  Colonics,  scptembre,  oclobre,  novenibre  ct  dii- 
cembre  1858,  el  Janvier  1839.  —  Revue  am^ricaine  ct  oricntale, 
oclobre,  novembrect  decembre  1838.  —Journal  asiatiquc,  vol.  XIl, 
1838.  — Bulletin  mcnsuerde  la  Socicte  imperiale  zoologiquc  d'ac- 
dimatation,  novembrect  decembre  1858.  —  Aunales  de  la  propa- 
gation de  la  foi,  Janvier  1859.—  Journal  des  Missions  dvangdliques, 
iiovembre  et  decembre  1858,  Janvier  1859.  —  Journal  d'cducalion 
populaire,  novcmbre  et  decembre  1S58,  Janvier  1859.  — M(?moircs 
de  la  Societe  impc^riale  des  sciences  uaturolles  de  Clierbourg,  vol.  Ill 
ctIV,  —  Memoircs  de  la  Societe  d'agricuUure,  commerce,  sciences 
Claris  du  ddparlement  de  la  Marne,  aaaic  1838.  —  Journal  dcs 
connaissanccs  utiles,  decembre  1858,  Janvier  ct  rdvricr  1859.— 
L'lngcnieur,  revue  scienlifique  et  critique  dos  travaux  publics  et  dc 
rinduslrie,  novembre  el  decembre  1858.  — Journal  de  I'istbme  de 
Suez,  a"  39  i  64.  —  b'Espdrance,  journal  grec,  u'*  1  U  a  12G. 

Les  Autkl'rs  et  Cditei'bs. 


BULLETIN 


DE   LA 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE. 


MARS    1859. 


lleiiioires,  I%'otice!$,   etc. 


ESQUISSE  GEOGRAPHIQUE 

DES   PAYS    OROMO    OU    GALLA,    DES   PAYS   SOOMALI, 
ET    DE    LA   COTE    ORIENTALE    d'aFRIQUE, 

Exti'aitd'uneleltrecluR.  P.  L(5onde3  A\  anchors,  missionnaire  apo'stolique, 
;i  M.  Anioine  d'Alibadie. 

Aden,  ce  lOd^ceinbre  1858. 

J'ai  recuici,  a  mon  retoiir  de  Zanzibar,  votre  letlre 
du  22  aOLit-,  je  quittais  momentan6ment  la  cote  pour 
revenir  k  Aden,  afin  d' avoir  des  nouvelles  des  mis- 
sionnaires  qui  m'avaient  et6  annonc6s,  et  j'ignore  en- 
core quand  ils  seront  envoy6s,  la  mission  venant  d'etre 
confine  a  des  Ptjres  de  I'ordre  de  la  Providence  de 
France. 

II  serait  trop  long  de  vous  d6tailler  dans  inie  lettre 
les  d^couvertes  importantes  que  j'ai  faites  dans  ce 
pays,  sous  le  double  point  de  vue  g6ographique  et  reli- 
gieux,  ayant  6crit  k  ce  sujet  un  long  m6moirc  que  j'ai 

XVII.    MARS.    1.  li 


(  154  ) 

atlress6  k  rauvre  de  la  propagation  de  la  foi.  Cepeii- 
daiit ,  comme  vous  portez  un  grand  inWret  k  tout  ce 
qui  regarde  la  difluslon  de  I'Evaugile  et  les  progr^s  de 
la  g^ograpliie,  je  vous  donnerai  quelques  explications 
sur  la  carte  que  je  vous  ai  promise  et  que  je  vous  en- 
\oie  ci-jointe. 

D'apr^s  les  connaissances  que  vous  avez  du  noi'd 
de  cette  region,  vous  pourrez  la  rectifier  et  corro- 
borer  ainsi  les  d6couvertes  que  j'ai  faites  dans  le 
sud.  Pendant  tout  le  temps  de  mon  voyage  sur  la 
cote,  tout  mon  temps  et  tons  les  moyens  qui  ont  6t6 
en  mon  pouvoir  ont  ete  employes  k  me  rendre  comptc 
de  la  geographic  de  ces  pays,  non  pas  tant  pour 
bien  ni6riter  de  la  science  que  pour  r^veiller  1' atten- 
tion des  sup6rieurs  des  missions  sur  ces  pays  tout  k 
fait  inconnus ,  et  ou  cependant  existent  des  traces  de 
notre  sainte  religion ,  et  pour  nous  ouvrir  une  voie 
de  communication  avec  les  missionnaires  de  Rafia. 
Dans  ce  but,  je  me  suis  mis  en  rapport  avec  tons 
les  chefs  de  cara^anes  qui  p6n6trent  dans  I'int^rieur 
du  continent.  Plusieurs  d'entre  eux  m'ont  trace  des 
cartes  qui  avaient  toutes  la  meme  forme  et  qui,  a 
quelques  corrections  pr6s,  ont  la  plus  grande  ressem- 
blance  avec  celles  des  missionnaires  protestants  et  avec 
celle  de  M.  Mac  Queen  jointe  k  I'ouvrage  du  capitaiiie 
Harris. 

Mais  le  chef  le  plus  intelligent  que  j'aie  rencon- 
tre, est  certainement  IJa(/ji  Abd-el-Nour,  cheikh  de 
Brawa,  qui  m'a  donn6  de  nombreux  renseignements ; 
il  m'a  trace  une  carte  qui  atteste  la  connaissance 
de  tous  les  pays  qu'il  a  parcourus  :  il  m'a  raarqu6  le 


(  155  ) 

cours  des  rivieres,  leurs  affluents.  J'ai  egalement  pu 
recueillir  les  distances  des  divers  pays  et  des  positions 
connues  des  pays  du  GouraqUe,  d'Harar,  de  Kafla,  des 
Berry  et  de  Ramba,  an  sud  de  I'^quateur;  j'ai  pro- 
c6d6  k  I'inconnu. 

Les  Soomali  comprennent  trois  gran  des  divisions  : 
les  descendants  d'Isaak  par  des  femmes  Gallas,  qui  sont 
les  Habr-Owel,IesHabr-GlierajesetIes  Habr-t-Aljaleli, 
qui  liabitent  de  Zeila  a  Ras-Meta. 

Les  Soomali  descendants  de  I'Arabe  Tarood  par  une 
femme  Hawa,  a  savoir  les  Ahl-AVursungali,  les  Mejer- 
tain,  les  Dlioolbanti,  habitant  a  Test  des  pr6c6dents. 

Les  tribus  sud  descendants  de  diverses  migrations 
arabes  m6lang6es  avec  les  aborigines ;  la  principale 
tribu  est  celle  des  Gidar-Boorsi. 

La  cote  nord  du  pays  des  Soomali  est  bord^e  par 
une  haute  chaine  de  montagnes  appelee  Gol^s ,  qui , 
.  dans  plusieurs  localites,  est  perpendiculaire  a  la  mer, 
et  dont  les  flancs  sont  couverts  d'arbres  a  encens  et  a 
gonnne ;  toutes  les  villes ,  ou  mieux  les  villages ,  sont 
composes  de  huttes  de  paille  prot6g6es  par  une  ou  deux 
maisons  de  pierre.  —  Le  principal  endroit  est  Berbera, 
oil  il  se  tient  une  grande  foire,  de  d6cembre  en  avril, 

Les  environs  du  cap  Gardafui  sont  de  hautes  mon- 
tagnes de  5000  k  6000  pieds  :  elles  sont  calcaires  et 
couvertes  d'arbres  k  encens  et  a  gomme.  De  nombreux 
villages  sont  situ6s  au  sud  de  Ras-Fel.  La  cote  Est 
est  entiferement  sablonneuse,  de  Bas-Hafoon  a  Moge- 
discha  :  elle  est  appeld^e  par  les  indigenes  J-n/ia,  d'ou 
est  venu  I'Ajan  des  Europ6ens. 

Mogedischa ,   appelee  par  les  indigenes  Madischa 


(   156  ) 

(eau  du  roi),  fut  la  [)rciniL'i-c  et  la  plus  iinportante 
ville  de  la  cote ;  elle  est  encore  la  capitale  de 
Y jizana,  et  son  emplacement  doit  correspondre  a 
\ Esseiiid  du  Periple.  L'ancienne  ville  est  en  partie 
ensevelie  sous  les  sables  que  les  vents  du  S.-E.  y  amon- 
cellent  en  grande  quantit6 ,  et  qui  forment  derri^re  la 
ville  des  montagnes  mouvantes.  U  y  existe  encore  des 
monuments  qui  doivent  remonter  k  une  trfes  grande 
antiquity ;  ce  doit  etre  des  tombeanx  ou  des  temples ; 
ils  sont  iiiaintenant  a  moiti6  ensevelis  sous  les  sables. 
Dans  I'int^rieur,  il  y  a,  dit-on ,  des  inscriptions  en 
langue  abvahamite  ou  himyarite,  en  6thiopien  et  kou- 
fique.  Ces  monuments  sont  construits  avec  de  larges 
pierres  qui  out  du  etre  apportees  d'une  grande  dis- 
tance. On  y  entre  maintenant  par  les  fenelres. 

Voici  un  proverbe  arabe  sur  cette  ville  :  Madischa 
rase/  niedinn  knul  innm,  fern  ltd  ze/ia  ,  koid  ioitiii  ful- 
tena  ^va  Dana.  Cest-a-dire  : 

<(  Madischa,  la  tete  des  villes,  tous  les  jours  joyeuse 
et  bicn  vetue,  toujours  bavarde  ot  batailleuse.  »  Les 
Makida  des  cartes  sont  les  habitants  dc  cette  ville. 

Les  principales  villes  de  la  c6tc  sont,  apr6s  Moga- 
discha,  Merka  et  Bj-awa.  Merkn  parait  avoir  eu  une 
certaine  importance  dans  les  temps  passes;  elle  est 
assez  bien  batie  et  est  entour^e  d'une  muraille.  Les 
Maracates  des  cartes  sont  les  habitantes  de  cette  ville. 

Toute  cette  partie  de  la  c6te  est  trfes  peupl6e  et  a 
de  nombreux  villages.  Umwa  est  la  ville  et  le  port  les 
plus  impoi'tants  de  tous  les  pays  soom&li.  La  ville  a 
deux  gouvcrneurs  :  un  arabe ,  paye  par  le  sultan  de 
Zanzibar,  dont  le  pouvoir  est  nul,  et  qui  en  m6rne  temps 


(  157) 

percoit  un  cenaiii  droit  sur  les  marchandises  arabes 
qui  y  sont  importees.  Les  habitants  de  cette  ville  en- 
tretiennent  un  grand  commerce  avec  les  Gallas  par  la 
voie  de  Ganana. 

Prfes  de  Brawa  se  perd  dans  les  sables  le  JVebi- 
Sooiiiala,  par  une  serie  de  petites  lagunes  dont  les  plus 
grandes  sont  appeldes  Gido  et  Acha.  Ce  lleuve  prend 
sa  source  dans  les  montagnes  de  Balli,  traverse  les  pays 
Soomali  du  nord  au  sud.  D'apres  les  traditions  locales, 
son  embouchure  aurait  6te,  dans  les  temps  anciens,  au 
nordde  Magadischa ;  mais  peu  a  peu  les  sables  rejet6s 
par  I'ocean  lui  firent  prendre  un  cours  parallfele  h, 
I'oc^an. 

Le  trajet  de  Brawa  a  Ganana  par  caravane  se  fait  en 
douze  et  quatorze  jours  ;  un  liomme  a  pied  emploie  la 
moiti6  de  ce  temps.  Les  articles  de  commerce  sont  les 
toiles  crois6es  am^ricaines,  ajDpel^es  nxtnloiif  ameri- 
cnno,  et  les  verroteries. 

Le  pays  s'616ve  graduellement ,  et  on  rencontre  sur 
la  route  trois  hautes  montagnes  de  forme  conique,  qui 
,  sont  Hakabo,  Hebo  et  Degis.  .'Vu  nord  de  ces  mon- 
tagnes, habitent  les  Rahouin-Soomali,  qui  sont  conti- 
nuellement  en  guerre  avec  les  Gallas. 

Aprfes  avoir  passe  une  autre  montagne,  on  arrive 
sur  les  bords  du  IVehi-Jub.  Ganana  ou  Ganaiie  est  un 
^illage  du  pays  de  Louk,  presqu'ile  form^e  par  le 
IFcbi-Jiib.  Ce  village  est  compost  d'une  centaine  de 
maisons.  Soomali  est  entour6e  d'un  mur  en  terre  et 
pierre  de  la  tribu  ties  Jirat-llogle.  Lc  sultan  porte  le 
nom  d'  Oiiieroanoic. 

Le  U'eb.-Jiib,  qui  se  jette  dans  I'Oc^an,  a  quelques 


(  158  ) 
mimiies  sud  dc  I'^ffuateur,  recoit  chez  les  Sooniali  le 
iiom  de  IFebi-Gnnnna  ou  JVebi-Jub,  et  des  Europ^ens, 
celui  de  fleuve  Jub ,  du  nom  d'un  village  soomali 
situ6  prfes  de  son  embouchure.  L' entree  dn  fleuve  est 
obstru6e  par  un  banc  de  sable  que  Ton  ne  pent  fran- 
chir  qui  haute  mar6e,  mais  qui  est  presque  insensible 
dans  la  saison  des  vents  du  nord. 

Dans  le  centre  du  fleuve,  en  face  du  village  Jub,  est 
un  petit  Hot  habits  par  les  Wardai-Gallas. 

Le  Jub  esttr^s  large  et  pro  fond,  et  navigable  pour 
les  grands  bateaux  jusqu'a  Ganana;  il  forme  de  noni- 
breux  detours;  plusieurs  branches  sc  dirigent  le  long 
de  la  cote  et  doivent  recevoir  les  rivieres  Maro,  Tabedo, 
Burgno ,  Anole ,  qui  se  jettent  dans  I'oc^an  entre  la 
pomte  nord  de  I'ile  Pata  et  Jub. 

D'aprfes  les  indigenes,  I'Ozi,  qui  a  son  embouchure 
dans  la  bale  Gormozn,  serait  identique  au/«i,  oumieux 
il  y  aurait  communication  entre  les  deux  fleuves  par 
une  branche  transversale.  Et  comme  entre  ces  deux 
points  le  pays  est  trfes  bas  et  tr^s  plat ,  il  est  probable 
que  la  communication  a  lieu  par  des  bras  de  mer,  dont 
plusieurs  s'avancent  a  plus  de  \h  millcs  dans  I'int^- 
rieur  des  terres.  Toute  cettc  partie  de  la  c6te  est  la 
moins  connue  des  Souah61i,  les  Gallas  qui  I'habitent  ne 
laissant  p6n6trer  chez  eux  aucun  Stranger.  Le  Webi- 
Jub  s6pare  les  Soomali  des  Gallas  ;  sur  la  rive  droite  il 
y  a  de  nombreux  villages  qui  entretiennent  un  com- 
merce assez  considerable  avec  les  Wardai. 

Au  nord  de  ces  villages,  est  la  chahie  Kouret^,  qui, 
dans  sa  partie  ouest,  forme  la  presqu'ile  de  Louk.  De 
1;\  le  fleuve  prend  unc  direction  N.-O.  Sur  la  rive  droite, 


(  159  ) 

a  deux  jours  de  Louk,  est  le  village  de  Degreba,  liabit6 
par  les  Gallas.  A  une  jouni6e  plus  liaut,  se  trouve  le 
confluent  du  IVehi-Juh  avec  la  riviere  Sasva  ou  Daouai, 
grand  affluent  venant  du  c6t6  de  I'ouest,  qui,  dans  son 
cours  sup6rieur,  recoit  \  Afalata  et  VJt'oita,  et  ce  der- 
nier le  So/corn,  \e  Monnora  et  le  Gorjoa.  Ce  lieu  parait 
etre  le  pays  de  Daouaro,  c6l6bre  dans  les  annales  6thio- 
piennes  par  les  victoires  du  N6gus  Jmeda-Sioju 

Au  confluent  du  Webi  et  du  Dnoua,  est  situe  le  pays 
de  Mara.  II  est  compris  entre  les  rivieres  Daoua  et 
YAvoita;  ce  pays  porte  le  nom  d'Odo  le  petit.  Je  crois 
que  le  terme  Odo  signifie,  en  langue  kua/i,  montagne. 
Celui  qui  est  compris  entre  le  Daoua  et  le  JFebi  porte 
le  nom  d^Odo  le  grand,  et  encore  de  Did-al-Liwen, 
C'est  1^  que,  tous  les  ans,  les  Gallas  se -rassemblent 
pour  c6l6brer  la  fete  de  la  riviere  Daoua;  elle  con- 
siste  en  danses  et  courses  de  chevaux.  II  y  a  encore 
dans  cette  region  une  grande  foret  d'arbres  cam's, 
dont  le  fruit  ressemble  au  gland  du  chene;  je  lui  ai 
trouve  une  grande  analogic  avec  les  chataignes. 

Le  fleuve  Jub  prend  sa  source  dans  le  pays  de  Kaffa, 
traverse  un  petit  lac ,  au  dela  duquel  sont  des  cata- 
ractes ;  il  recoit  deux  affluents ,  YJbouIu  et  le  Bou- 
chnne.  A  une  jom'n6e  de  distance  au  nord  de  Mnra,  il 
recoit*  un  autre  grand  affluent  venant  du  N.-N.-O., 
appel6  IVebi-Simana.  Dans  les  pays  compris  entre  ces 
deux  riviferes  sont  les  Koocha,  quiforment  un  royaume 
galla ;  ce  sont  de  grands  cavaliers,  qui  portent  des  v6te- 
ments  de  couleur  rougeatre ;  au-dessus  sont  les  Walamo 
ou  IVaramoi. 
Tous  les  pays  a  droite  du  //  cbl-Sidama  sont  habitus 


(  100  ) 

par  diverses  tribus  du  nom  de  Sidama;  ils  paraisseut 
avoir  6t6  d'anciennes  provinces  de  I'empire  ^tliiopien. 
Ces  pays  sont  Sidama,  Kurchassi,  Bahargamo  (la  mer 
fondue),  Balli ,  Sngania.  Ce  fleuve  revolt  d'autres 
affluents  venant  des  montagnes  sud  du  Gouragu^. 

Les  Sidama,  qui  liabitent  acinq  joiirnt^es  de  distance 
de  Mara,  ont  une  langue  6crite  et  des  livres.  Les  Soo- 
niali  appellent  cette  langue  abrahamine  (ils  donnent  le 
ni6me  nom  a  la  langue  liimyarite).  Peut-etre  ces 
peuples  auraient-ils  conserve  les  anciens  caract^res  de 
cette  langue ;  ils  paraissent  etre  clir6tiens. 

Les  Sidama  cultivent  les  grains  et  sont  repr6sent6s 
comme  des  tribus  tr6s  paisibles. 

Au  midi  de  KafTa,  est  un  pays  qui  parait  6galement 
habit6par  des  Chretiens  ;  il  est  appel6  Sasa,  Sasouson 
Sako.  Plus  au  sud,  en  est  un  du  nom  de  Jf'aragua  ou 
JVaratn;  et  qiiatre  jours  plus  au  midi,  se  trouvent  les 
pays  des  ^/iiahara  etdes  Ao/iso. 

Les  pays  situ6s  au  sud  du  Webi  sont  habites  par 
les  Gallas,  qui  se  donnent  le  nom  d'Oroma  ou  Orma. 
Au  dire  des  Soomali,  ceux-ci  ont  occupe  anciennement 
Beibera,  Dajis  leur  emigration  meridionale,  ils  chas- 
strent  devant  eux  toutes  les  petites  tribus  qui  se 
trouvent  maintenant  au  sud  de  Monbaga,  entre  cette 
ile  et  la  riviere  Pangani.  Au  xv  sitele,  ils  furent  repous- 
ses dans  le  nord  par  les  Massai  et  les  M  a-Kuali ,  et 
firent  irruption  en  Abyssinie. 

On  donne  pour  le  pere  des  (iailas  Oromo  ou  Onna, 
qui  out  (juatre  fds  :  Boren,  Wardai,  Arousa  et  Jiajan, 
tk;  ({ui  (lescendcnt,  dit-on,  toutes  les  aulrcs  tribus 
gallas. 


(  K^l  ) 

Les  Boren  habitent  \ Ard-el-LUven  et  s'elendent  a 
I'ouest  cle  Louk.  Leur  peau  est  rougeatre,  ils  ont  les  traits 
r^guliers  et  laissent  croitre  leurs  cheveux;  ils  portent 
des  pantalons  et  par-dessiis  iin  large  manteau  qu'ils 
appellent  woia^  et  qui  a  plusieurs  bandes  rouges  dans 
le  bas.  Tous  les  iieuf  ans,  ils  choisissent  leurs  chefs,  a 
qui  ils  donnent  le  nom  de  Motti.  Les  Boren  en  ont 
vingt-quatre  qui,  en  temps  de  guerre,  font  cause  com- 
mune, lis  donnent  a  Dieu  le  nomde  IJ  ak.  La  personne 
d'un  Stranger  est,  chez  eux,  sacr6e.  Leurs  richesses 
consistent  en  nombreux  troupeaiix,  sp6cialement  en 
clievaux  ;  ils  sont  tous  nom'ades.  Leur  pays ,  d'une 
grande  salubrity,  est  un  grand  plateau  qui  s'6tend 
jusqu'au  pied  des  montagnes  des  Amaliara  et  des 
Kovso.  De  Brawa  chez  les  Boren,  il  faut  constam- 
ment  monter.  De  la  chez  les  Rendil6 ,  il  faut  au  con- 
traire  toujours  descendre. 

Les  Arousl  ou  Arousa  sont  des  Gallas  qui  habitent 
au  nord  de  Louk,  \  Test  des  SUlama;  leur  pays  est  trfes 
montueux ,  et  ils  sont  en  guerre  continuelte  avec  les 
Soomali, 

Les  Jiajan  habitent  le  haut  du  DUl-el-Liwen ,  le  cours 
sup6rieur  de  tous  les  affluents  du  Jf'ebi-Jub  et  du  Daoua, 
et  le  versant  des  montagnes  qui  forment  la  separation 
des  eaux  qui  se  jettent  dans  le  Bahar-el-Abiad  et  le  Jub. 
Les  principaux  pays  sont  Sa sou  ou  Sakou  et  IFaragua. 

Au  sud  de  ces  diverses  rivieres,  sur  les  derni6res 
montagnes,  avant  d'arriver  au  lac  Boo,  se  trouvent 
deux  peuples  qui  doivent  etre  d'origine  6lhiopienne. 
Ce  sont  les  Amakara  et  les  Konso.  lis  ont  une  langue 
6crite  et  poss^dent  des  livres.  lis  sont  a  vingt  journees 


(  1(52  ) 

d  I'ouest  de  Ganan6.  Leur  pays  est  tr6s  riclie  en  grains 
et  en  caft;  d'une  qualit6  trfes  superieure  a  celui  de  Ber- 
bcra.  Ces  indigenes  habitent  dans  de  grands  villages 
dont  les  maisons  sont  en  terre  et  en  pierres.  Les  chefs 
portent  le  nom  de  Fagele.  Ces  pays  jouissent  d'un  bien- 
etre  et  d'une  civilisation  tr6s  superieure  a  celle  des  tri- 
bus  environnantes.  Le  coton  y  abonde,  et  les  habi- 
tants I'abriquent  eux-ni6nies  leurs  toiles. 

Les  Soomali  ne  sont  point  admis  cliez  ces  peuples. 
Les  Konso,  les  Amahara,  de  meme  que  les  Jiajan,  les 
Boren ,  portent  pour  vetements  des  pantalons ,  et  les 
Soomali,  en  se  rendant  chez  ces  derniers,  sont  obliges 
de  disposer  leur  toile  de  cette  mani^re.  La  selle  et  le 
harnachement  des  chevaux  des  Amahara  et  des  Konso, 
leurs  armes  oflensives  et  defensives,  sont  comme  celles 
des  Abyssins.  Au  delcid'y^w2rt/<ara,est  un  grand  (leuve 
sur  lequel  il  y  a  de  grands  bateaux  qui  viennent  du 
pays  de  Masser. 

A  I'ouest  des  Amahara  et  des  Konso,  sont  les  Arbore- 
Gallas,  qui  se  subdivisent  en  Oditou,  Malmale,  Karaiu, 
II  y  a  chez  eux  beaucoup  de  doura  et  de  nonibreux 
troupeaux.  lis  ont  pour  tributaires  les  Jmamkokc. 
A  I'ouest,  sont  diverses  tribus  de  n^gres,  telles  que 
les  Koitle,  les  Meronle,  les  Galaba,  les  Semidero.  Chez 
ces  derniers,  lorsqu'un  homme  vient  a  mourir,  on  ense- 
velit  vivante  sa  femme  avec  lui.  Les  Semidero  inangent 
les  chiens,  les  serpents,  les  anes  et  toutes  sortes  d'ani- 
maux  immondes. 

Le  mont  Tertal6  est  habit6  par  les  Boren.  De  \k 
il  faut  une  journ6e  pour  descendre  au  plateau  sur 
lequel  est  situ6  le  lac  Elbbb.  Au  pied  de  la  montagne , 


(  163  ) 
k  son  extr^mite  orientale,  est  un  puits  de  sel  natron 
appel6  Ma^ad.  Les  Soomali  m61angent  ce  sel  avec  du 
tabac.  II  y  en  a  deux  autres  k  Makahw  et  Koroule. 

Le  lac  Boo  est  le  meme  que  le  lac  Abbola  marqu6 
dans  le  bassin  du  Bahar-el-Abiad.  Seulement  sa  posi- 
tion est  beaucoup  plus  sud ;  car  dans  le  pays  des  Boren, 
il  n'y  a  aucun  lac. 

J'ai  vu  des  Souah61i  qui  se  sont  rendus  plusieurs 
fois  en  cet  endroit.  Hadji  Abd-el-Nour  m'a  dit  qu'il 
fallait  cinq  jours  pour  le  contourner.  II  en  sort  un  grand 
courant  d'eau  qui  va  se  jeter  dans  le  Nil,  et  les  habi- 
tants affirment  que  Ton  peut  aller  de  la  en  bateau  jus- 
qu'a  Masser. 

Les  environs  du  lac  sont  habitus  par  les  Rendile- 
Gallas,  qui  sont  de  couleur  rougeatre,  portent  de  longs 
cheveux  et  ont  de  nombreux  troupeaux.  A  Test,  est  le 
pays  de  Did-el-Salmat  et  des  Wardai-Gallas ,  qui 
s'6tendent  jusqueprfes  de  Monbaca. 

Le  lac  Boo  est  entour6  par  de  tr^s  hautes  montagnes 
coniques,  dont  les  plus  hauts  pics  sont  converts  par  des 
neiges.  Elles  portent  les  noms  d'^«/:o,  Souk,  Abaio- 
Derlou,  Fertito-Merele,  Merondadi  et  Soiikou;  ces  trois 
derniferes  n'ont  pas  de  neiges, 

A  la  montagne  Jnko,  prend  naissance  une  autre  ri- 
viere qui  coule  dans  la  direction  N.-O.  Pr^s  de  \k  est 
un  petit  peuple,  les  Wa-Berikimo.  Cette  riviere  doit 
etre  celle  des  Pygmies  dont  parlent  les  g^ograplies 
arabes. 

A  plusieurs  journ6es  au  sud  du  lac,  est  une  petite 
chaine  de  montagnes  appel6e  Obada ,  dont  quelques 
sommets  ont  6galement  des  neiges.  Dans  ces  montagnes 


(  16/i  ) 

est  le  pays  de  Dar-el-Shiani,  ou  encore  P.'nder-Sinani. 
Au  sud-ouest  de  lamontagne  est  le  pays  de  Baharingo, 
prfes  duquel  il  y  a  un  grand  lac. 

Au  sud  de  la  niontagne  est  un  volcan  en  activite,  et 
aTextr^mite  estde  la  cliaine,  Tuie  source  d'eau  cliaude. 

Tons  les  pays  au  niidi  du  lac  Elboo  sont  habiles  par 
les  Wa-Kuafi  (uri  signilie  peuple).  Ces  tribus  sont 
aborigenes.  Le  pays  d'  E/^'og,  au  nord  de  la  montagne 
Kourtainc ,  parait  etre  leur  veritable  patrie,  lis  out  la 
plus  grande  ressemblance  avec  lesGallas,  soitpar  leurs 
mcEurs,  soit  par  la  physionouiie ;  ils  difl'tjrent  par  leiu" 
langage.  Ils  s'appellent  eiix-menies  Eloigol  (hommes 
libres) ,  et  se  subdivisent  en  deux  grandcs  tribus  :  les 
Massed  et  les  Knafi ;  la  premiere  est  la  terreur  de 
toutes  les  paisibles  tribus  du  bord  de  la  raer,  ou  ils  se 
rendent  annuellement  pour  voler  leurs  troupeaux. 

Au  nord  de  la  montagne  Kourtaine  est  un  lac  dans 
lequel  prennent  leurs  sources  YOzi ,  le  Sabaki  et  le 
Pengani,  qui,  dans  leurs  cours  superieurs,  ne  ferment 
qu'ua  seul  cours  d'eau,  puis  se  subdivisent  en  trois 
grands  fleuves  qui  recoivent  de  nombreux' affluents  et 
se  jettent  dans  I'oc^an  Indien  :  YOzi  dans  la  baie  de 
Formosa,  par  deux  embouchures;  le  Sabaki  pr6s  des 
ruines  de  Malindi,  et  le  Pangani  i  I'ouest  de  la  pointe 
nord  de  I'ile  de  Zanzibar. 

A  Test  du  mont  Kourtaine,  est  le  pays  de  Kamba, 
et,  en  redescendant  le  long  du  fleuve,  sont  les  Barva- 
ratra-Gallas,  qui  forment  les  dcrni^res  tribus  galla 
dans  le  sud  de  I'^quateur.  J'ai  rencontre  plusieurs  de 
ces  indig{!nes  a  Takaongo,  prtjsde  Malindi;  ils  avaient 
tout  le  type  des  Abyssins. 


(  165  ) 

De  r^quateur  k  Monbaca,  tout  rinterieiir  dii  pays  est 

occup6  par  les  Gallas-^^  ardai ;  les  bords  de  la  mer  le 

-sont  par  quelques  tribus  aborigines.  Les  Soiiah61i  mii- 

sulmans  habitent  les  iles  Kisanio,  Tbola,  Faza,  Sivy, 

Patta,  Lamo.  L'ile  de  Patta  est  tr6s  grande,  basse  et 

sablonneuse ;  elle  a  trois  villes  a  moiti6  d6truites,  qui 

sont  S^vy,  Patta,  Faza.  Lamo  est  aussi  sablonneuse 

et  couverte  de  mauvais  cocotiers.  Les  sables  ont  ense- 

veli  I'ancienne  ville,  dont  on  voit  encore  les  mines. 

Derrifere  ces  iles,  de  nombreux  bras  de  mer  s'avancent 

a  plusieurs  milles  dans  I'int^rieur  des  terres.  L'ile  de 

Manda  est  6galement  basse,  mais  couverte  d'une  tr6s 

rlche  vegetation. 

Les  bords  du  fleuve  Ozi  sont  babites  par  les  Pokomo, 
peuplade  aborigtjne  tributaire  des  Dnni-Gallns.  Le 
long  de  la  bale  Formosa  habitent  les  Dahalo,  qui  sont 
tributaires  des  Bararatra-Gallas.  Malindi  est  situ6e  sur 
le  bord  d'une  mauvaise  rade,  au  sud  de  I'embouchure 
du  fleuve  Sabaki  (ou  Saba),  sur  les  rives  duquel  6tait 
situ6e  la  capitale  des  pays  Zingy,  lieu  qui  doitcorres- 
pondre  au  Rapia-Metropolis  duP6riple ;  je  n'y  ai  trouv6 
que  des  restes  insignifiants  de  maisons ,  de  citernes 
et  de  mosquees.  Cependant,  au  nord  de  la  ville  sont 
deux  beaux  tombeaux  surmont6s  de  deux  colonnes  en 
briques,  et  au  sud,  une  tr6s  haute  colonne  en  macon- 
nerie,  surmont6e  d'une  croix  latine.  Ce  monument  a 
et6  erig6  par  les  Portugais  et  porte  le  nom  de  yasco- 
de-Gama.  Toute  cette  cote  d'Afrique  est  couverte 
d'une  belle  et  riche  vegetation;  elle  est  assez  saine ; 
mais  plus  on  s'avance  dans  le  sud,  les  fleuves  deve- 
nant  plus  nombreux  et  les  pluies  plus  fr6qucntes,  plus 


(  166  ) 

'air  est  impregn6  d'humiditc  et  les  fifevres  plus  fr6- 
quentes. 

L'ilede  Monba^a  pr^sente  denombreusesruines  por- 
tugaises,  et  principalement  un  magnifique  fort  sur  la 
porte  duquel  est  une  inscription  rapi)elant  les  faits 
d'armes  de  cette  nation  jadis  si  celebre.  Les  environs 
sont  liabit(^s  par  les  Wanika  et  autres  tribus  paiennes 
cliez  lesquelles  les  missionnaires  protestants  onlouvert 
une  mission  qui  jusqu'a  ce  jour  n'a  pas  fait  grands 
progrfes. 

Le  pays  compris  entre  Moubaca  et  Pangani  est  d'une 
grande  fertility  et  est  de  toute  beaut6,  6tant  6lev6  de 
700  k  800  pieds  au-dessus  du  niveau  de  I'Oc^an.  II  est 
habit6  par  les  debris  de  tribus  qui  r6sidaient  ancien- 
nementa  I'ouestde  Lanio,  sur  les  bords  du  fleuve  Ozi, 
d'ou  elles  ont  6t6  chass6es  par  les  Gallas. 

Au  sud  du  cap  Wasin  commence  le  pays  de  I'Usam- 
bara  (pays  bris6) ,  qui  parait  avoir  une  grande  analogic 
avec  I'Abyssinie.  II  est  form6  par  de  tr^s  liautes  mon- 
tagnes  de  2000  a  3000  pieds  d' altitude,  qui  courentdu 
sud  au  nord,  comprenant  entre  elles  de  larges  vall(5es 
arrosees  par  de  nombreux  torrents.  Ce  pays  est  divis6 
en  deux  parties  par  la  large  valine  de  Karenge.  La 
partie  littorale  porte  le  nom  de  Bandei;  elle  est  habitec 
par  les  Wa-sinji.  La  partie  ouest  porte  plus  exclusive- 
ment  le  nom  d'  Usambarn. 

Ce  pays  est  le  seul  de  toute  la  cote  orientale,  ou  il  y 
ait  un  roi  exerf  ant  une  v<^'ritable  autorit6  sur  son  peui)le ; 
son  pouvoir  resserable  a  celui  du  roi  du  Sclwa.  11  y  a 
dans  r  Usambara  dcs  villes  de  refuge  et  un  espece  de 
code,  qui  semblc  annoncer  les  restes  d'une  ancienne 


(167) 

civilisation.  Ces  peuples  n'ont  aiicune  religion.  II  < 
est  de  meme  de  toute's  les  autres  tribus  de  la  cote  qni 
n'ont  point  d'ailleurs  de  gouvernement.  Au  sud  de  ces 
belles  et  hautes  montagnes,  coule  tranquillement  le 
fleuvePangani,  qui  recoit  de  nombreux  affluents  venus 
des  montagnes  d'Usambara,  de  Leite  et des  Jngga.  Dans 
ce  dernier  jaays,  est  la  haute  montagne  AwKelimanjaio 
dont  les  sommit^s  sont  couvertes  de  neige,  ainsi  que  Font 
reconnu  les  missionnaires  protestants  Krapf  et'Rebmann. 

A  I'ouest  des  Jagga,  sont  les  Massai.  Tout  leur  pays 
estconstitu6  par  de  vastes  plateaux  s'6levantinsensible- 
ment  vers  I'int^rieur  du  continent  et  converts,  de  dis- 
tance en  distance,  par  des  petites  chaines  de  mon- 
tagnes, isol6es  les  unes  des  autres. 

Le  grand  lac  africain  est  situ6  k  I'ouest  de  Zanzibar, 
^troismois  de  distance.  Mais  les  missionnaires  protes- 
tants ont  confondu  son  prolongement  inf^rieur  avec 
deux  grandes  rivieres  qui  sortent  de  ce  lac  :  le  Lafji, 
qui  se  jette  dans  I'Oc^an,  pr6s  de  Mosia,  et  le  Ru- 
fama  qui,  dans  son  cours  inf^rieur,  forme  lelac  Niassa 
ou  Maravi,  et  de  1^  SB  partage  en  deux  branches,  dont 
Vune  rejoint  le  fleuve  Zambezi  et  I'autre  va  se  jeter 
a  rOc6an,  pr6s  du  cap  Belgado. 

II  me  serait  trop  long  de  vous  6num6rer  les  nombreux 
renseignements  que  j'ai  recueillis  sur  ces  pays  et  que 
j'ai  consign^s  dans  un  petit  ouvrage  que  j'envoie  en 
Europe  pour  etre  iinprim6. 

Voici  la  distance  par  terre  des  divers  pays  que  je 
viens  de  vous  indiquer  : 

De  Brawa  a  Berbera 1  mois  et  demi. 

De  Brawa  a  Ganane 12  jours. 


(  168  ) 

De  Ganan^  a  Schabale 8  jour3. 

De  Schabale  ii  Berbera \9  » 

De  Schabale  a  Augadene 9  » 

Do  Ganane  a  Sidama 5  « 

De  Sidama  a  KalTa 11  » 

Dc  Ganane  a  Kaffa 20  » 

De  Ganane  chezMes  Jiajan 12  » 

De  Ganan6  chez  les  Balli 14  » 

De  Ganan6  a  Odole  grand 11  » 

D'Odoa  Kaffa 12  » 

De  Koocha  a  Kaffa 7  » 

De  chez  les  Jiajan  a  Kaffa 7  »     allantauN. 

De  Koocha  chez  les  Jiajan 7  » 

De  Ganane  chez  les  Amhara  et  les  Konso  20  »     allant  a  TO. 

De  Ganane  chez  les  Tertale 20  » 

De  Tertaleaulac  B66.    .......  7  » 

De  Ganane  au  lac  Boo 27  » 

Du  lac  Boo  au  Baharingo 20  » 


•o^ 


A  la  montagne  Obada 10     » 


-■o 


De  la  monlagne  Obada  a  Baharingo. .   .  11  » 

D'Elgog  a  Baharingo 8  » 

De  Baharingo  k  Lorian 5  » 

De  Boo  a  Lorian 20  » 

De  Lorian  chez  les  Besegajiou 9  » 

De  Boo  chez  les  Karaote 3  « 

De  Karaol6a  Loujane 21  » 

De  Boo  a  Loupety .'  .  29  » 

De  Loupely  chez  les  Amahara 18  » 

De  Boo  chez  les  Berry 27  » 

De  Loupety  chez  les  Berry 7  » 

Do  B()o  a  Galbo 5  » 

De  Galbo  chez  les  Amahara 7  » 

De  Galbo  a  Terlal^ 3  » 


I 


(  169  ) 

De  Boo  k  Did-el-Salmat. 4  » 

De  Did-el-Salmat  cliez  lesWardai.   .   .  8  » 

De  Boo  a  Ferlit  o  Merely.   ■.  •.   .   ...  3  » 

De  Boo  a  Ausol  Nakouda.   ......  21  » 

D'Ausol  Nakouda  chez  les  Wardai.    .    .  7  » 

D' Ausol  Nakouda  chez  les  Pokomo.   .   .  7  » 

Du  lac  B66  chez  les  Kamba 20  »     an  S. 

Du  lac  Boo  chez  les  Wardai 10  » 

Du  lac  B66  chez  les  Tartal6 7  » 

—  chez  les  Galaba 1  »    \  ■zs.'k'^'i 

—  chez  les  Seinidero 5  »     J  gS^^ 

—  chez  les  Meroui^ '6  »     f  ^^Is*? 

chez  les  Koule 5 

chez  les  Kira 6  »     ^  "Zf-^^ 


3  «  -;- 


—  chez  les  Girata 12  « 

De  chez  les  Semidero  a  Malb6 8  » 

De  Malbe  chez  les  Amahara 8  » 

De  Semidero  a  Meroule 1  » 

De  Meroul6  d  Koul6 1  »     i/2. 

D'Arbore  a  Meroule 2  » 

Du  lac  Boo  chez  les  Amahara 12  » 

DeWaragaouWaratla  chez  les  Amahara.  3  » 

De  Waralta  a  Sokoro 5  » 

De  Sokoro  a  Kaffa 5  » 

D'Amahara  a  Kaffa 12  » 

De  Waraga  a  Kaffa 8  » 

D'Amahara  chez  les  Baditou 2  » 

—  chez  les  Darimou 8-  » 

—  chez  les  Mousala 9  » 

—  chez  les  Waso 17  » 

—  chez  les  Wako 7  »     allantauN. 

—  chez  les  Gogela 6  » 

—  chez  les  Bobel6 2C  »    allanlauN.-O 

XVn.    MARS.    2.  12 


(  170  ) 

De  Bobdl^  a  Kaffa 14  »     allanlaTE. 

Bobele  est  sur  Ic  versant  0.  et  Kaffa  a  I'E. 

D'Amahara  cliez  les  Wardai 20  » 

—  chez  les  Testale 7  » 

—  chez  les  Konso 3  » 

—  chez  les  Semidero 6  » 

J'envoie  mes  manuscrits  k  Turin,  ils  pourront  for- 
mer deux  volumes.  La  premiere  partie  comprend  I'his- 
toire  des  missions  et  de  la  religion  en  Abyssinie  ;  la 
seconde  traite  des  pays  de  la  c6te  orientale  de  1' Afrique. 
La  carle  que  je  vous  envoie  ici  n'est  qu'une  partie  de 
celle  qui  paraitra  avec  mon  ouvrage.  Si  vous  vouliez 
entrer  en  communication  avec  ces  messieurs,  vous 
pourriez  aider  a  la  bonne  impression  de  1' ouvrage  et 
surtout  de  la  carte  que  je  d6sirerais  que  vous  pussiez 
perfectionner  pour  la  partie  nord.  A  I'ouvrage,  il  sera 
annex6  un  petit  vocabulaire  de  la  langue  souah^li. 

Li:  ON  DES  AVANCHERS. 


NOTES 

SUR    LES     NEGRES    DE     l'eTHIOPIE, 

ficriles  de  memoire  el  adress^es  par  M.  Antoine  d'Abbadie, 
a  M.  dc  Qualrefaij'cs,  membre  de  riuslilut. 

Avant  de  partir  pour  mes  voyages,  j'avais  lu  les 
Merits  sur  I'anthropologie  de  Lawrence,  Bory-Saint- 
Vincent,  V.  de  Bomarc,  Edwards  I'aln^  et  Pritchard. 
Ce  dernier,  qui  est  pour  I'unit^  d'origine,  et  dont  les 
vues  me  plaisaient,  ne  me  semblait  pas  avoir  assez 


(  171  ) 

prouv6  sa  thfese.  L'6tude  de  I'ongine  des  nfegres  f'ul 
I'lin  des  trois  grands  buts  qui  m'ont  pouss6  en  fithiopie. 
La  transition  de  la  race  nfegre  a  la  race  rouge  6thio- 
pienne,  qui  passait  alors  et  je  crois  aujourd'hui,  mais 
h.  tort,  pour  caucasique,  m'avait  6t6  indiqu6e  par  le 
D'  Hodgkin  (de  Loridres) ,  qui  me  montra  le  crane  d'un 
nfegre  sawahly,  en  remarquant  que  son  angle  facial 
6tait  bien  plus  ouvert  que  celui  des  nfegres  des  cotes 
occidentales  d'Afrique. 

En  d6barquant  a  Mucawwa,  dans  la  mer  Rouge,  je 
fus  frapp6  par  la  vue  d'une  race  d'esclaves  qu'on  vend 
rarement  k  I'^tranger.  lis  6taient  d'un  noir  de  jais, 
avaient  Tangle  facial  notablement  plus  ouvert  que  les 
nfegres  de  Guin6e,  et  je  remarquai  souvent  le  nez  droit 
et  meme  aquilin,  qui  est  regards,  je  crois,  comme  anti- 
pathique  aux  vrais  n^gres.  Ceux-ci  6taient  des  Guinza 
qui  demeurent  sur  les  pentes  inconnues  et  malsaines 
qui,  sur  les  rives  de  la  riviere  Abbay  (dite  souvent 
fleuve  Bleu) ,  relient  les  basses  terres  du  Sennar  aux 
plateaux  sains  et  6lev6s  de  I'tthiopie  cbr6tienne.  Le 
type  antinfegre  6tait  encore  plus  marqu6  chez  les  Ba- 
rya  et  les  Marga,  qui  sont,  si  Ton  veut,  les  n^gres  de 
la  cote  orientale  d'Afrique,  dont  I'habitat  s'avance  le 
plus  vers  le  nord.  lis  vivent  dans  ce  triangle  inconnu 
et  mal  d^fini  qui  serait  born6  par  le  Guang  ou  Tak- 
kaze,  le  Marab  et  le  haut  plateau  duTigray.  Leur  fron- 
tifere  septentrionale  d^passerait  la  ligne  qui  joint  Sawa- 
kyn  sur  la  mer  Rouge  et  Kartum  ,  la  capitale  actuelle 
de  la  Nubie.  Les  gens  qui  parlent  la  langue  tigray  ou 
kasy,  el  dont  Aqyq  ou  Badur  et  Muca^^vva  sont  les 
ports,  m'ont  dit  expressement  que  les  Baryajie  sont 


(  172  ) 

pas  des  Jangalla  ou  nfegres.  Les  Tigray,  au  contraire, 
afTirment  que  ces  memes  Barya  sont  des  n^gres,  et  ils 
leur  font  une  guerre  continuelle,  en  descendant  du  pla- 
teau Tigray,  dont  Aksum  est  la  ville  principale.  Dans 
la  langue  giiz,  ou  langue  sacreeet  ecrite  de  I'Ethiopie, 
dc  mome  que  dans  les  laiigues  des  Tigray  et  des  Auiara, 
le  mot  barya,  qui  me  parait  etre  dans  I'originc  un  nom  de 
race,  signifie  eschwe  et  s' applique  meme  aux  esclaves  de 
race  rouge.  Les  aflii'uiations  contradictoires  des  Badur 
et  des  Tigray  proprement  dits,  relativement  ^  la  quality 
n6gre  des  Barya, viennenta  I'appui  de  men  idt^e  que  cette 
peupladc  est,  par  ses  qualities  physiques  au  moins, 
interm6diaire  entre  les  n6gres  et  les  Ethiopiens  a  peau 
rouge.  Les  Barya  m'ont  d'ailleurs  parl6  de  gens  a  peau 
rouge  cliez  eux ,  et  qu'ils  regardent  comme  6tant  de 
pure  race  barya. 

II  me  semble  que  les  auteurs  ont  ete  trop  domin^s 
par  une  habitude  de  classification ,  et  qu'ils  ne  se  sont 
pas  arret^s  ^  I'id^e  tr6s  naturelle  et  trfes  r^elle,  h.  men 
sens,  que  les  races  humaines,  en  Ethiopie  du  moins, 
passent  insensiblement  du  rouge  au  noir  et,  comme 
diraient  les  naturalistes ,  du  cancasique  au  n6gre.  Je 
regardais  les  Guinza  comme  6videmment  n6gres  et  les 
Barya  comme  I'^tant  trfes  probablement.  Mon  senti- 
ment 6tait  bas6  sur  les  id6es  que  suggere  en  Europe  la 
vue  d'un  nfegre  de  Guin6e  mis  au  milieu  des  blancs. 
Mais  ce  classement  involoiitaire  en  deux  types,  et  je 
dirais  cet  6chalaudage  intellectuel,  tombi^rent  i  la  vue 
des  Doqqo.  C'cst  le  nom  de  i)lusieurs  peuplades  qui 
vivent  au  sud  du  RuUo,  dont  ils  sont  separes  par  la 
riviere  Uma.  Sauf  leur  couleur,  qui  est  presque  noire, 


(   173  ) 

les  Doqqo  me  semblaient  de  la  meme  race  que  les  habi- 
tants de  Kullo  et  de  Ralla.  Plusieiirs  de  ceiix-ci,  qu'on 
disait  de  pure  race,  6taient  plus  noirs  que  certains 
Doqqo.  En  un  mot,  si  j'avais  la  liberty  de  prendre 
parmi  les  individus  en  Ethiopie,  tout  en  excluant  tous 
les  m^tis  entre  deux  peuplades  ou  races,  je  me  ferais 
Ibrt  de  nuancer  tellement  mes  clioix ,  qu'il  serait  im- 
possible de  dire  oii  commence  le  n^gre  et  ou  finit 
I'homme  rouge.  J'affirme  ce  fait  de  toute  la  force  d'une 
conviction  form6e  tr6s  lentement  pendant  onze  ann6es 
de  voyages  en  Ethiopie,  et  d'autant  plus  sincere  que 
j'avais  eu  priniitivement  une  oj^inion  opposee. 

Mais  quelques  personnes  ne  venlent  pas  croire  un 
fait  s'il  n'est  pas  6tay6  par  une  explication  au  moins 
vraisemblable.  Je  dirai  done  la  mienne.  Dans  le  ques- 
tionnaire que  je  r6digeai  avant  de  me  mettre  en  voyage, 
je  trouve  cette  note :«  Est-ce  que  les  nfegresont  6t6  pro- 
duits  par  rinfluence  combin^e  du  soleil  et  d'une  noar- 
riture  v6g6tale?  »  Aujourd'hui  je  reponds  que  cette 
double  influence  me  parait  noircir  la  peau.  On  a  dit 
en  elTet  que  les  bouchers,  qui  consomment  leurs  restes 
de  viande ,  ont  la  peau  plus  claire  que  celle  de  leurs 
voisins.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  tribu  des  Hazzo  attribue 
son  origine  k  un  homme  qui  aima  niieux  manger  sa 
vache  que  de  la  conserver.  Aujourd'hui  les  Hazzo 
vivent  surtout  de  viande  et  de  lait  :  tous  les  Hazzo  que 
j'ai  vus  6taient  tres  rouges,  et  tous  mes  renseignements 
s'accordent  a  dire  qu'un  Hazzo  noir  est  plus  rare  qu'un 
Arabe  noir.  Les  Hazzo  n'aiment  pas  a  manger  des  c6- 
reales.  Les  Tigray,  au  contraire,  voisins  des  Hazzo  et 
vivant  dans  le  meme  climat  brCdant ,  fourmillent  de 


( i"-'< ) 

gens  noirs.  Plnsicurs  d'entre  eux  se  disent  issus  dYini- 
gr6s  turcs,  portent  des  nouis  de  faniille  turques,  et  ils 
ont  introduit  des  mots  turcs  dans  la  langue  tigray,  qui ' 
esttrfes  6videmment  s^mitique  et  plus  pr^s  de  I'h^breu 
que  de  I'arabe.  Les  Tigray  vivent  surtout  de  c^r^ales 
et  mangent  peu  de  viande:  comme  les  Hazzo,  ils  ont 
les  formes  des  races  rouges ,  mais  leur  teint  passe  par 
toutes  les  nuances  du  rouge  bien  franc  au  noir  des 
n^gres.  La  premiere  fois  qu'au  milieu  des  Tigray  j'ai 
vu  un  Hazzo ,  je  me  suis  extasi6  sur  la  clart6  de  son 
teint  devant  un  camarade  de  route  qui  me  dit :  «  Cela 
n'est  pas  ^tonnant,  tons  les  Hazzo  sont  rouges.  »  Dans 
la  langue  de  cette  tribu,  le  mot  hazzo  signifie  chair. 
Les  Saho,  leurs  voisins,  qui  parlent  la  meme  langue  et 
qui  vivent  de  c6r6ales  et  de  lait ,  sont  tous  plus  fonc6s 
en  couleur  et  plusieurs  d'entre  eux  sont  noirs.  Et  qu'on 
n'explique  pas  cette  difference  de  couleur  des  Hazzo  en 
disant  que  leur  habitat  est  plus  6lev6  que  celui  des 
Tigray,  car  les  Tigray  voisins  des  Hazzo  du  r6t6  de 
Test,  et  dont  plusieurs  sont  noirs,  vivent  sur  un  ])la- 
teau  plus  61ev6  que  celui  des  Hazzo.  Les  Tigray  man- 
gent rarement  de  la  chair. 

Bien  loin  de  ces  tribus,  dans  le  sud  du  Jawa,  vivent 
les  Gurage  :  cette  race  fournit  les  plus  beaux  esclaves 
de  I'Ethiopie;  j'en  ai  vu  un  grand  nombre  dans  les 
marcli^^s ,  et  toujours  je  les  ai  vus  rouges.  Un  Gurage 
intelligent  m'a  dit  que  les  hommes  k  peau  noire  sont 
tr6s  rares  chez  eux  ;  il  m'a  dit  une  autre  fois  que  ses 
compatriotes  mangent  beaucoup  de  chair. 

Comme  la  couleur  du  n6gre  vrai  frappc  le  monde 
bien  plus  que  ses  autres  caracteres,  je  me  permets 


(  175  ) 

d'insister  sur  nia  croyaflce  qii'il  y  a  dans  les  terreS 
basses  de  rEthiopie  quelque  influence  qui  noircit  1 
peau.  Pr6s  de  Mu^awwa,  j'ai  souffert  longtemps  de  la 
plaie  de  I'yemen,  sorts  d' ulcere  qui  se  produit  sponta- 
n^nient  sur  les  jambes.  J'ai  gu^riles  miens  avec  peine 
au  milieu  de  mes  courses  :  les  ulc6res  cicatrises  dans 
les  terres  basses  laiss6rent  un  contour  dessin6  par  une 
aureole  noire,  etuneFrancaise,  qui  demeurait  dans  ces 
memes  terres,  me  fit  la  meme  remarque  pour  ses  plaies. 
Cette  aureole  disparut  lentement  en  quelques  mois.  Ce 
changement  de  couleur  n'eut  pas  lieu  autour  de  mes 
ulcferes  cicatris6s  sur  le  haut  plateau  Tigray. 

Le  noircissement  de  la  peau  a  lieu  journellement  en 
Ethiopie,  oil  les  Amara  lui  donnent  le  nom  de  mnclyat. 
Le  madyat  se  declare  par  larges  plaques  et  ordinaire- 
ment  a  la  suite  de  la  syphilis.  II  persiste  le  plus  sou- 
vent  apr^s  qiie  tous  les  symptomes  v6n6riens  ont  dis- 
paru.  J'ai  vu  le  madyat  occuper  toute  la  tete  et  le  col, 
le  reste  du  corps  restant  rouge.  «  Comme  tu  es  noirci » , 
dit  un  voyageur  en  ma  presence  a  la  rencontre  inopi- 
n6e  d'un  ancien  ami.  «  Je  le  crois  bien,  r6pondit  ce 
dernier,  j'ai  eu  la  syphilis.  »  Je  faisais  alors  subir  k 
cet  homme  un  traitement  mercuriel ,  et  comme  je  le 
voyais  tous  les  jours,  je  n' avals  pas  vu  le  changement 
de  teinte  dans  la  peau.  Je  conclus  de  la  que  le  madyat 
se  d6veloppe  graduellenient.  Du  reste ,  il  ne  fait  pas 
soulTrir  le  sujet  qu'il  atteint  et  on  ne  le  regarde  pas 
couuue  une  maladie.  On  m'a  assure  qu'il  se  d^veloppe 
parfois  sans  etre  pr6c6d6  de  syphilis. 

Les  Ethiopiens  au  milieu  dcsquels  j'ai  v6cu,  et  qui 
se  nourrissent  habituellement  de  c6r6ales ,  distinguent 


(   176  ) 

soigneusement  les  nuances  de  leur  teint.  Ainsi ,  les 
Amarca,  qui  ^^ont  la  race  gouvernante,  appellent  (ya;- 
I'homme  a  teint  d'un  rouge  clair,  c'est-ci-dire  nioins 
fonce  que  le  cuivre  rouge;  dcuna  la  teinte  caf6  au  lait 
clair;  ^fl777«5  la  nuance  en  tre  le  dama  etle  noir;  enfni, 
un  homme  noir  est  nomm6  tigur,  mot  qui  n'implique 
aucunement  une  origine  ou  alliance  n^gre. 

Comme  nos  cr6oles ,  les  Ethiopiens  out  une  classifi- 
cation fastidieuse  pour  les  m6tis  de  rouges  etden6gres. 
Si  un  Ethiopien  non  nfegre  s'allie  avec  une  n^gresse  et 
que  sa  descendance  6pouse  toujours  dans  la  race  non 
n6gre ,  la  post6rit6  est  successivemenl  nomm6e  Wulaj 
(mulatre),  Qannaj  (quarteron),  Fannaj  (octavon),  Asa- 
lat,  Amalat,  Manbete.  L'enfant  d'un  Manbete  et  d'un 
parent  rouge  se  nomme  Duibabete,  et  il  jouit  dans  les 
tribunaux  du  privilege  de  n'etre  pas  regards  comme 
nfegre,  quoique  ce  terme  puisse  16galement  s'appliqiier 
a  ses  sept  ascendants. 

On  admet  partout  en  I^thiopie  la  preeminence  d'un 
teint  blanc.  Je  m'en  suis  bien  apercu  aux  march6s 
d'esclaves  et  ailleurs,  et  meme  dans  ces  tribus  oii  les 
gens  qay  sont  les  plus  rares.  Jc  nie  formellement  que 
les  peintres  (il  y  en  a)  aient  jamais  song6  h,  donncr  un 
teint  blanc  au  diable.  Dans  toutes  les  races  les  enfants 
parlent  avec  plus  de  franchise  :  ceux  d'Ethiopie  m'ont 
toujours  dit  qu'ils  aimeraient  k  avoir  une  peau  moins 
noire.  Du  reste ,  les  n6gres  comme  les  gens  rouges 
admettent  I'inferiorite  du  ndgre. 

Comme  les  Sanqilla  ou  n6gres  oiu  souvent  Tangle 
facial  trfes  ouvert,  et  que  la  couleur  noire  de  la  i)eau 
n'appartient  pas  uniquement  au  n6gre,  j'ai  demands  a 


(  177  ) 

des  Ethiopiens  a  qiioi  ils  reconnaissaient  ce  dernier. 
((  Nous  le  distinguoiis,  me  disaient-ils,  k  son  pied  plat, 
k  son  talon  saillant,  a  la  ride  transversale  sur  son  orteil, 
k  ce  qu'enfin  ses  cheveux  ne  s'allongent  giifere  au  del^ 
de  cinq  centimetres.  »  Ces  cheveux-la  sent  laineux  et 
cr6pus,  et  dfes  leur  apparition  sur  une  tete  ras6e ,  ils 
s'agglomferent  en  touffes  s6par6es  par  des  taclies  blan- 
ches. Les  peuples  rouges  de  rEthiopie,  dont  la  majo- 
rity est  du  teint  tayyim ,  ont  les  cheveux  forts ,  frisks 
naturellement,  et  ne  descendent  jamais  aii-dessous  du 
coccyx.  Les  cheveux  droits,  dits  /azn  paries  Amara, 
existent,  maissont  tr6s  rares  en  Ethiopie.  Quoiqu'il  soit 
par  trop  systematique  de  classer  les  hommes  par  leurs 
cheveux ,  il  me  semble  que  la  m6thode  naturelle  exige 
une  precision  plus  grande  dans  les  caract^res  tir6s  de 
la  longueur  et  du  diamfetre  lineaire  des  cheveux.  Dans 
son  grand  ouvrage,  Pritchard  s'est  laiss6  tromper  par 
Fall  au  point  d' avoir  6crit  que  les  Ethiopiens  rouges 
ont  les  cheveux  droits.  Cet  auteur  rectifia  cette  asser- 
tion dans  son  abr6g6,  d'aprfes  une  lettre  que  je  lui  en- 
voyai  d'l^gypte  en  1839  avec  divers  6chantillons  de 
cheveux.  Faute  de  renseignements  dans  les  ouvrages , 
j'ai  du  m'adresser  k  des  coiffeurs  pour  avoir  sur  les 
cheveux  bien  des  particularit6s  que  je  recommande  aux 
professeurs  d'anthropologie,  et  qu'il  serait  peut-etre 
oiseux  de  relater  ici.  Ainsi,  Ton  pretend  que  les  che- 
veux des  Anglais  sont  devenus  successivement  plus 
fences  depuis  un  sifecle,  etc. 

Ces  indications  6tant  un  peu  vagues^  je  rappellerai 
un  caractfere  ccinmun  aux  Ethiopiens  rouges  et  aux 
n^gres,  qui  est  rare  dans  les  races  europ6ennes,  et 


(  178  ) 
dont  il  convicndrait  de  l)ien  constater  la  non-absence 
clicz  nous  avant  de  lui  accorder  la  \-d\vnv  que  je  suis 
tent6  de  lui  attribuer.  Je  dois  dire  que  les  auteurs  de 
chiromancie  reconnaissent  que  cette  ligne  de  la  main, 
qu'ils  appellent  ligne  du  foie,  manque  parfois  en  Eu- 
rope; c'esl  la  ligne  qui  part  du  milieu  du  poignet  et 
se  dirige  vers  le  doigt  du  milieu  en  traversanl  la  paunic 
de  la  main.  Je  n'ai  jamais  vu  cette  ligne  manquer  en- 
tiferement  dans  la  main  d'un  Europeen,  et  par  contre 
je  ne  I'ai  jamais  trouvee  chez  les  Etliiopiens,  excepts 
dans  les  paumes  des  Borana  on  patriciens  gallas,  dont 
la  tradition  attribue  leur  originc  h  un  Stranger  rouge. 
Ladite  ligne  manque  chez  tons  les  nfegres  et  chez  tous 
les  Ethiopiens  rouges  que  j'ai  examines ,  sauf  dans  les 
mains  de  deux  individus.  On  salt  qu'il  y  a  en  fithiopie 
un  16ger  melange  de  sang  portugais,  et  dans  une  por- 
tion du  pays  j'ai  meme  trouv6  des  physionomies  por- 
tugaises;  j'ai  done  cru  que  ces  deux  individus,  dont  les 
mains  6taient  pourvues  de  ladite  ligne,  devaient  avoir 
du  sang  europeen  dans  les  veines. 

Dans  le  dessein  d'6tudier  au  moins  le  teint  des 
fithiopiens,  j'avais  port6  dans  leur  pays  une  sorte  de 
m61anoscope  compost  d'une  trentaine  de  teintes  gra- 
du6es  du  rouge  au  noir.  Je  ne  tardai  pas  b,  reconnaitre 
que  le  ton  de  la  peau  varie  fr^quemment  dans  ces  con- 
tr6es,  et  que  lesfithiopiens  en  avaient  dt'ji  fait  la  re- 
marque,  en  ajoutant  que  le  teint  des  voyageurs  devient 
plus  sombre  quand  ils  passent  des  terres  basses  aux 
terres  hautes  ou  plateaux.  Cette  opinion  assez  g6n6rale 
dans  ces  contr^es  devint  pour  moi  une  certitude,  dans 
un  cas  du  moins. 


I 


(  179  ) 

En  18/i8,  une  ophthalmie  intermittente,  contractee 
dstns  line  plaine  6lev6e  de  1800  metres,  me  priva  de  la 
vue  pendant  qnelques  semaines.  J'6tais  servi  alors  par 
un  esclave  damn ,  ag6  de  dix  k  douze  ans,  fitant  all6 
cherclier  la  sant6  stir  un  plateau  6lev6  de  3000  metres, 
je  trouvai ,  en  recouvrant  la  vue ,  que  mon  serviteur 
6tait  franchement  Tayyin,  et  je  dois  ajouterque  j'6tais 
seul  a  m'ea  6tonner.  Ce  fait  milite,  je  I'avoue,  contre 
mon  opinion  que  la  peau  noircit  surtout  dans  les  basses 
terres,  Mais  en  fithiopie  du  moins,  il  n'y  a  pas  de  nSgres 
vivant  sur  les  plateaux  61ev6s. 

Une  n^gresse  Sure  fort  intelligente  m'a  confirm^ 
r opinion  g^n^rale  en  fithiopie,  que  les  nfegres  sont  une 
race  qui  a  d6g6n6r6  d'une  plus  grande  beaut6  ant6- 
rieure.  Cette  Suro  6tait  paienne  comme  ses  compa- 
triotes,  et  ne  me  semblait  pas  avoir  pu  6tre  influenc6e 
ni  par  I'Evangile  ni  par  le  Koran. 

II  ne  me  semble  pas  qu'on  ait  insist^  assez  sur  le 
caract6re  interm^diaire  des  Peuls  del'Afrique  occiden- 
tale.  lis  ne  sont  ni  Caucasiens  ni  nfegres. 

On  a  d6ja  cit6  I'absence  des  mollets  en  Australie , 
meme  cliez  les  Anglais  de  pure  race  qui  y  sont  n6s.  Les 
fethiopiens  rouges  ont  pen  ou  point  de  mollets ;  par 
contre ,  ceux  des  nfegres  6thiopiens  sont  ordinairement 
fort  d6velopp6s,  et,  comme  ils  sont  plus  vigoureux  que 
leurs  voisins  rouges,  il  semblerait  que  leur  constitution 
physique  est  plus  en  harmonic  avec  les  influences  du 
climat. 

Mon  6chantillon  de  la  langue  guinza  commence  par 
une  liste  de  mots  designant  d'assez  faibles  id^es  de 
civilisation ,  et  que  mon  interpr^te  d^clarait  ne  pas 


.  (  180  ) 
exister  dans  son  pays.  Ainsi,  la  langue  parl^e  vient  a 
I'appui  tie  mon  assertion,  que  les  nfegres  sont  inf^rieurs 
en  intelligence,  meme  aux  races  rouges.  Tons  les  Kthio- 
piens,  uieine  nc^gres,  disent  que  le  blanc  est  la  couleur 
naturelle  do  riion)me ,  parce  qu'il  nait  avec  cette 
couleur. 

Je  n'ai  parl6  jusqn'ici  que  de  la  couleur;  il  reste  k 
expliquer  les  formes  des  n^gres.  J'ai  a  cet  6gard  une 
theorie  au  moins  plausible,  mais  n'ayant  pas  de  preuves 
directes  pour  I'appnyer,  il  me  faudrait  la  rendre  pro- 
bable par  une  longue  s6rie  de  considerations  puisnes 
dansl'histoire,  les  traditions,  etdans  des  analogies  qui 
n'acquerraient  de  valeur  que  par  leur  reunion  en  fais- 
ceau.  Le  temps  me  manque  compl^tement  pour  mettre 
tout  cela  par  6crit. 

Amoixe  d'Abbadie. 


NOTES 

DE  M.  LE  CHEVALIER  LeON  DE  PONTELLI  ( 1  )  , 

SUR  QUELQUES  PARTIES   DU  CHIAPA 

Ou'il  a  visiteesen  183*,  1833.  1836  et  1837. 

La  region  la  plus  curieuse  que  j'aie  explor^e  est  cette 
partie  du  Mexique  qui  s'6tend  vers  leslimitesdel'Ame- 
rique  centrale,  et  qui  comprend  le  Chiapa  (avec  son 
dt'partcment  de  Soconusco),  le  Tabasco,  cnfin  une  por- 

(1)  M.  L6ou  (le  Pontelli  est  fils  du  marquis  do  Pontelli,  qui  futgou- 
verncur  de  la  Toscane  sous  la  doniiualiou  fian(,aisc. 


( 1«1 ) 

tiondu  Yucatan.  Cequi  m'int^ressa  d'abord  dans  cette 
contr6e,  ce  sont  les  mines  nombreuses  que  j'ai  visit^es. 
J'ai  d^ja  signal^  aux  soci6t6s  g^ographiques  de  New- 
York  et  de  Paris  les  mines  de  Copanaquista  et  d'  Ostuta . 
Je  pourrais  indiquer  sept  ou  huit  autres  villes  antiques 
et  de  nombreux  teocali  ou  tombeaux  des  anciennes 
families;  d'anciens  temples  portant  des  traces  hi^ro- 
glyphiques  et  des  sculptures  curieuses.  On  voit  avec 
6tonnement  des  tombeaux  de  rois,  des  sarcophages,  des 
tours,  des  debris  de  palais,  de  belles  mosaiques,  des 
aqueducs  bien  conserves,  mais  en  partie  ensevelis  dans 
le  sol ;  des  tourelles  carries  en  porphyre  ou  en  jaspe, 
d'un  seul  bloc.  La  beaut6  de  ces  ruines  surpasse  tout 
ce  qu'on  en  pent  dire.  II  y  a  peut-etre  la,  ind6pen- 
damment  de  grandes  richesses  pour  la  science,  des 
tr6sors  immenses ;  ce  qui  me  porte  a  le  croire,  c'est 
qu'k  present  encore,  dans  certains  endroits,  les  Indiens 
gardent,  en  se  relevant  tour  a  tour,  1' entree  des  sepul- 
tures, ainsi  que  les  grottes,  lieux  de  leurs  adorations. 

J'appellerai  1' attention  sur  le  beau  port  de  Zacapulco, 
form6  par  le  Grand  Oc6an  dans  le  departement  de  So- 
conusco.  L'entr6e,  que  j'ai  mesur6e ,  a  500  varas 
(450  metres);  1' immense  bassin  qui  est  a  la  suite  pour- 
rait  contenir  plusieurs  flottes,  bien  abrit6es  et  d6ro- 
b6es  k  la  vue,  en  mer,  par  une  barre  de  500  metres 
au  moins  de  largeur ;  cette  barre  est  couverte  de  toute 
sorte  d'arbres  d'une  belle  hauteur  et  d'une  v6g6tation 
admirable. 

J'ai  sonde,  en  temps  de  grande  s^cheresse,  Tentr^e 
de  ce  port ;  j'ai  trouv6  de  trois  a  quatre  brasses  d'eau  ; 
toute  cette  cOte  est  trfes  saine,  I'eau  y  est  tr^s  bonne. 


(  182  ) 

Elle  a  beaucoup  d'avantages  sur  la  c6te  de  Tehuan- 
tepec,  qui  est  sablonneuse ,  entour6e  de  salines,  oii 
I'eau  est  mauvaise  et  dont  les  abords  sout  converts  de 
bas-fonds  ct  n'oflVent  qii'une  rade  sans  abri. 

J'ai  parcouni  I'espace  qui  separe  la  cote  de  Tabasco 
de  la  cote  de  Soconusco  :  il  m'a  senibl6  qu'on  pourrait 
y  6tablir  un  canal  inter-oc^anique.  J'ai  decouvert  I'an- 
cienne  route  indienne  qui  communiquait  des  villes 
aujourd'hui  en  mines  avec  les  deux  oceans. 

Les  productions  de  cette  contr6e  sont  trfes  riches  : 
dans  le  quartz  des  montagnes,  comnie  dans  les  ravins 
etles  rivieres,  on  rencontre  del'or ;  1' argent  s'y  trouve 
aussi,  et  le  cuivre,  Ic  fer,  le  plondj  pourraient  etre 
exploit6s,  mais  sont  encore  n(;^glig6s.  Les  Indiens,  pour 
leurs  ^changes,  se  contentent  de  faire  fondre  un  pen 
4e  Tor  et  de  I'argent  qu'ils  recueillent,  k  mesure  de 
leurs  besoins. 

II  y  a  de  I'aimant,  des  marbres,  du  jaspe,  du  por- 
phyre,  du  granit  de  plusieurs  couleurs,  de  la  mala- 
chite, du  mercure,  des  pierres  precieuses,  de  magni- 
fiques  cristaux  de  roche,  de  I'amiantc,  dont  les 
propri6t6s  ne  sont  pas  ignor6es  des  indigenes. 

On  remarque  un  grand  nonibre  d'arbres  a  gomnies 
pr6cieuses  et  k  baumes,  tels  que  lecopahu;  des  arbres 
k  cire,  a  suif,  a  sole  :  car  une  sorte  d'araign^e  fde  sur 
une  esp6ce  d'arbre  une  sole  abondante  et  utile.  II  y  a 
des  acajous,  des  6benicrs,  des  bois  de  rose,  de  noni- 
breuses  esptees  de  palniicrs,  le  bois  de  fer,  des  c6dres, 
des  bois  do  teinlure,  des  arbres  ci  quinquina,  le  capul- 
chi,  d'innombrables  arbres  fruitiers,  counnc  les  sapo- 
tiers,  les  manguiers,  les  grenadiers,  les  Grangers,  les 


(  18S  ) 

frangipaniers,  dont  les  fruits  s'appellent  mamay,  les 
cacaoyers,  qui  donnent  trois  r^coltes  par  an ;  la  canne 
k  Sucre  et  le  meilleur  indigo  sont  encore  des  produc- 
tions de  ce  pays,  de  meme  que  le  coton,  la  salsepa- 
reille,  la  cochenille,  la  vanille,  des  febrifuges  excellents, 
mais  anssi  des  arbres  v6n6neux  tr^s  dangereux,  dont 
un,  entre  autres,  procure  instantanenient  la  folie. 

Dans  les  blessures  ou  fractures  graves,  c'est  toujours 
par  les  plantes  que  les  Indiens  se  gu^rissent  :  jamais 
ils  ne  pratiquentl' amputation ;  deux  lattes  leur  servent 
k  maintenir  le  membre  fractur6. 

La  v6g6tation  est  d'autant  plus  vari6e,  qu'en  peu 
d'heures  on  peut  franchir  toutesles  zones  de  tempera- 
ture :  la  plus  chaude,  la  plusfroide  et  la  plus  agr^able- 
ment  temp^ree. 

Les  serpents  sont  tr6s  multiplies.  II  y  a  trois  esp^ces 
de  sangliers  :  le  rouge,  le  brun  et  le  noir  ;  le  rouge  est 
le  plus  redoutable.  Les  jaguars,  lesconguars,  les  chats- 
tigres,  les  tapirs.  Tours  noir  et  le  gris,  beaucoupd'es- 
p6ces  de  singes,  dont  un  k  peau  soyeuse  et  oifrant 
une  belle  fourrure,  des  cerfs,  des  chevreuils,  un  mou- 
ton  indigene  d'une  laine  trfes  longue,  des  tortues,  dont 
quelques-unes  sont  d'une  grosseur  extraordinaire  et 
ont  une  belle  6caille,  des  vautours,  des  aigles,  mille 
oiseaux  aux  riches  couleurs,  entre  autres  le  quezal,  les 
colibris,  les  oiseaux-mouches,  plusieurs  esp^ces  de 
faisans  qu'on  pourrait  facilement  acclimater  en  Europe, 
tels  sont  quelques-uns  des  traits  qui  m'ontfrapp6  dans 
lazoologie  de  cette  belle  partie  de  I'Amerique. 

Un  mot  sur  les  mceurs  des  habitants.  Les  cotes  sont 
peuplees  d'Espagnols  et  d' autres  Europeens  dont  les 


(  184  ) 

habitudes  ne  sont  pas  sans  reproche  :  le  jcu  et  I'usage 
des  boissons  se  partagent  presque  uniqiiemeut  leur 
temps.  Les  Indiens  Mayos  et  Sapot^ques  habiteiit  I'in- 
t6rieur;  pour  p6n6trer  avec  frait  chez  eux,  il  est 
important  d'avoir  des  connaissances  approf'ondies  en 
cliimie,  en  botanique,  en  mineralogie  ;  c'est  le'moyen 
d'acquerir  dela  consideration  et  de  I'estimeaupr^s  des 
cheis  et  des  anciens,  et  de  recueillir  les  nombreux  se- 
crets des  vertus  des  plantes  et  les  renseignements  sur 
la  nature  du  sol.  L'Indien,  excellent  obseryaleur,  dou6 
d'un  regard  aussi  sur  que  p6n6trant,  honore  un  Stran- 
ger s'il  reconnait  en  lui  descapacit6s  sup6rieures ;  mais 
il  ne  faut  pas  que  les  Strangers  se  prSsentent,  ainsi  que 
Font  fait  plusieurs  voyageurs,  comme  des  dominateurs 
et  des  hommes  fiers  de  leur  origine  ;  lis  doivent  avoir 
I'apparence  simple,  des  gouts  sobres,  mais  un  caractSre 
Snergique,  qui  commande  tout  k  la  fois  I'estime  et  la 
confiance;  estime  et  confiance  que  I'lndien  n'accorde 
d'ailleurs  qu'aprSs  que  I'Stranger  a  bien  des  fois  fait 
ses  preuves. 

L'Indien  est  fort  laconique,  et  parle  frSquemment  par 
signes.  S'il  est  aborde  par  un  voyageur,  il  lui  demande 
ce  qu'il  vient  faire  chez  lui ;  pour  I'Sprouver,  il  luiprS- 
sente  soit  du  quartz  contenant  des  nietaux,  soit  des 
mamay  ou  des  sapotes,  ou  des  mangues;  voit-ilque  le 
nouveau  venu  ne  reconnait  pas  le  mStal  cache  dans  la 
pierre,  ou  le  parfum  dSlicieux  du  fruit,  il  le  voue  au 
mSpris;  dans  le  cas  contraire,  etsurtout  s'il  remarque 
que  I'Stranger  le  surpasse  en  connaissances,  il  lui  tS- 
moigne  une  admiration  sans  bornes. 

Ces  populations  sont  frugalcs  et  sobres,  et  d'une 


(  185  ) 
rigidite  cle  mceurs  extraordinaire.  Quelqu'un  de  la  tribu 
se  rend-il  coupable  d'un  crime,  il  est  aussitot  juge  par 
le  conseil  des  anciens  :  non-seulement  il  est  chati6 
selou  son  crime,  mais  ses  parents  jusqu'au  degr6  le  phis 
6loign6  sent  obliges  de  s'expatrier  avec  lui;  il  n'y  a 
plus  de  place  pour  eux  dans  la  peuplade, 

Le  moyen  qu'ont  les  Indiens  de  se  transmettre  des  avis 
de  tribu  a  tribu  est  trfes  simple  :  ils  embouchent  un  cor 
qui,  par  des  sons  particuliers,  indiqne  k  la  tribu  voisine 
telle  ou  telle  nouvelle.  Qu'un  Stranger  apparaisse  chez 
eux,  sa  presence  estsignalee  h.  25  lieues  de  la  en  moins 
d'une  heure;  s'il  est  hostile  k  la  nation,  des  embuches 
sont  dress6es  sous  ses  pas,  et  il  y  tombe  bientot. 

Ces  Indiens  montagnards,  d'un  temperament  trfes 
robuste,  ne  se  nourrissent,  dans  leurs  voyages,  que  de 
pouso/,  mais  tremp6  pendant  vingt-quatre  heures, 
6cras6,  mis  en  motte ;  au  premier  roclier  donnant  de 
I'eau,  ils  cassent  un  morceau  de  cette  motte,  ils  le  d6- 
layent  dans  I'eau  froide,  dans  une  sortede  calebasse,  et 
boivent  cette  pate  d6lay6e;  avec  lepignol,  mais  grille, 
r6duit  en  poudre  ,  melang6  d'une  esp6ce  d'araande 
amfere,  voilk  leur  nourriture.  Plusieurs  d'entre  eux 
portaient  mes  bagages,  parce  que  souvent  ni  les  clle- 
vaux  ni  les  mules  ^ne  pouvaient  gravir  des  hauteurs 
presque  inaccessibles ;  chacun  d'eux  n'^tait  pas  charg6 
de  moins  de  dix  a  douze  arrobas  (deux  k  trois  cents 
livres) ,  faisant  neuf  a  dix  lieues  par  jour,  et  cela  par 
monts  et  par  vaux,  ruisselant  de  sueur,  traversant 
avec  cette  charge  beaucoup  de  rivieres,  et  en  mettant 
de  longues  perches  en  travers,  pourempecher  delaisser 
mouiller  les  bagages. 

XVII.    MARS.     3.  13 


(  186  ) 

Les  femmes  de  ces  memes  peuplades  sont  fort  belles, 
elles  portent  les  cheveux  tr6s  longs,  elles  se  drapent 
coninie  les  Romaines,  elles  sont  d'un  temperament 
robuste,  il  semble  que  la  nature  les  ait  privil6gi6es ; 
lorsqu' elles  sont  sur  le  point  de  faire  leurs  couches, 
elles  n'emploient  niniMecin,  ni  sage-femme,  elles  n'en 
ont  pas  besoin ;  elle  vont  prfes  d'lme  riviere,  d6posent 
leur  enfant  sur  la  berge,  apr6s  1' avoir  lav6  et  enduit 
d'une  certaine  graisse;  puis  elles  se  jettent  a  I'eau,  se 
lavent,  nagent  pendant  quelques  instants ;  elles  sortent 
de  I'eau,  reprennent  leur  enfant,  I'enveloppent,  s'en- 
veloppent  elles-memes,  et  sen  retournent  avec  leur 
pr6cieux  fardeau  dans  leur  tribu,  sans  jamais  s'aliter. 

Je  ne  quitterai  pas  cette  int^ressantc  contr6e,  sans 
rappeler  le  v6n6rable  et  vertueux  6veque  Bartholonieo 
de  LasCasas,  d^fenseur  des  Indiens.  J'ai  eulebonheiir 
de  faire  batir  une  chapplle  en  m6moire  de  ce  grand 
pr61at,  dent  les  bienfaits  sont  rest6s  grav6s  dans  le 
cceur  des  indigenes.  L£on  de  Pontelli. 


NOTICE 

Srn    LE  VOYAGE    DE   M.  DE    HAHN,    CONSUL   ACTnrCHIEN    A    SVRA, 

A    TRAVERS    LE    CENTRE    DE    LA    TURQUIE, 

DE    liELGRADE    A    SALONIQLE. 

Par  M.  Ami  Boue. 

(Extrait  d'une  lettre  de  M.  Ami  Boud  i  M.  Viquesnel;  conunuuiqufi 

i  la  Soci6t6  par  M.  Cortambert.) 

F6vrier  1859. 

Ayant  eu  confiance  en   nos  renseigncnients, 

M.  de  Hahn  n'a  pas  6t6  tronip6  dans  son  attente. 


(  187  ; 

Ce  savant  voyageur  a  constate  quon  pouvait  se  remlre 
en  voiture  ou  caleche  legere  de  Belgrade  a  Saloiiique 
par  plusieiirs  routes,  savoir  : 

l^Roiite  par  la  valine  de  la  grande  Morava,  Alexinitza, 
Nisch,  la  valine  de  la  Toplitza,  Pristina,  Ratchanik, 
Uskup,  Keuprili,  et  de  1^  probablentent  plus  loin ,  le 
long  du  Vardar ; 

2"  Route  par  Nisch,  la  valine  de  la  Morava  bulgare, 
Leskovatz,  Vrania,  Guilan,  Katchanik,  etc.; 

3"  Route  par  Nisch  et  la  valine  de  la  Morava  bulgare, 
la  valine  de  la  Moravitza,  Romanova,  Uskup,  Reu- 
prili,  Babouna,  Monastir  et  Vod6na ; 

4° Route  par  Nisch  et  la  valine  de  lajVIorava  bulgare, 
la  valine  de  la  Moravitza,  Romanova,  Reuprili,  Istib 
etle  long  du  Vardar. 

11  a  parlont  pit  renter  eii  uoiture  et  n '«  i'erse  nuHepart, 
excepts  au  passage  du  col  de  Babouna,  entre  Reuprili 
et  Prilip,  oii,  vu  I'^tat  de  la  route  et  la  saison  de  no- 
ueinbre,  il  a  fallu  le  secours  de  vingt  personnes  pour 
faire  franchir  ce  point  a  sa  voiture. 

Quant  a  I'^tablissement  possible  d'un  chemin  de  fcr 
propos6  par  nous,  il  confirme  encore  tout  ce  que  nous 
avons  publit^  a  cet  6gard  sur  celui  qui  irait  de  Belgrade 
k  Salonique  par  la  valine  de  la  Morava  bulgare,  la 
Moravitza,  le  Ptchinia,  le  V6lika  et  le  long  du  Vardar. 
II  n'y  trouve  que  des  plans  tres  peu  inclines.  Or, 
comme  cette  ligne  fait  partie  de  celle  qui  est  la  plus 
courte  pour  se  rendre  de  J'Angleterre  en  Egypte,  elle 
aurait  une  grande  importance,  soit  comme  chemin  de 
fer,  soit  comme  ligne  t6l6graphique. 

Outre  ces  deux  points  capitaux  pour  la  civilisation, 


(  188  ) 

il  a  aiissi  reconmi  quej'avaiscu  raison  de  placer  au  siul 
(III  milieu  de  la  Servie,  ou  plus  exactement  cntre  le  rnont 
Ropaonik  el  le  cours  du  Lep^natz  (qui  passe  k  Kalchanik 
et  se  jette  dans  le  Vardar),  au  nord,  et  la  Mac^doine, 
au  sud,  7in  pens  inontagneux  occupc  par  des  Albnnais^ 
qui  se  relient  au  sud-ouest  par  le  Karadagh  au  Schar  et 
a  la  haute  Albanie.  lis  s'avancent  jusqu'iuneheure  au 
uord  de  Komanova.  A  Test,  ils  se  tienuent  toujours  i 
deux  ou  trois  lieues  de  la  Morava,  la  plaine  ou  le  fond 
cultivable  de  la  vallee  6tant  occnp6  par  de  laborieux 
Bitlgnres.  A  I'ouest  de  ce  district  des  Lab-Golak,  se 
trouvent  le  bassin  6lev6  de  Kosovo,  et  plus  k  I'ouest, 
celui  de  la  Metoia,  oil  il  y  a  un  melange  de  villages 
albanais,  slaves  et  serbes. 

M.  de  Hahn  estime  que  les  Albanais  occupent  dans 
cette  partie  de  I'ancienne  Dardanie  80  milles  carr6s 
allemands,  et,  d'apr^s  le  nombre  des  recrues,  dans  la 
proportion  deSpour  100,  c'est-a-dire  d'apr6s413  recnies 
(39  pnnr  Kourchoumli6,  SZi  pour  Leskovatz,  80  pour 
Vrania.  hh  pour  Prokop  (Pr6kopli6) ,  82  pour  Pristina  et 
le  Lab-Golak,  et  83  pour  Giiilan),  il  calculequ'il  y  a  \h. 
une  population  albanaise  de  82  000  ames. 

Ces  habitants  actuels  sont  vcnus  positivement  de 
I'Albanie,  a  I'^poque  ou  les  Serbes  ont  6vacue  en 
masse  le  territoire  montueux,  au  temps  de  Picolomini, 
pour  venir  se  fixer  en  Syrraic.  Les  Albanais  savent 
encore  par  tradition  de  quels  endroits  de  I'Albanie  leurs 
ancetres  sont  venus.  Ils  ont  tous  les  usages  des  Alba- 
nais d' Albanie.  lis  avancent  et  s'6tendent  encore  dans 
le  pays,  tandis  que  les  Bulgarcs  rcculent  et  le  (jiiittent. 

M.  de  Hahn,  parlant  la  langue  schkipetare,  pouvait 


(  189  ) 

mieiix  que  personne  nons  faire  connaitre  cette  frac- 
tion int6ressante  de  la  population  de  la  Turquie  d'Eu- 
rope.  Les  Turcs  ont  eu  la  finesse  diplomatique  de  faire 
occuper  le  centre  du  pays  par  une  race  antipathique 
aux  Slaves,  tant  Bulgares  que  Serbes,  et  de  constituer, 
pour  ainsi  dire,  ces  intrus  en  quality  de  portiers  de  la 
seule  route  militaire  de  Bosnie  s'ouvrant  a  Mitrovitza 
et  allant  a  S6rai6vo  et  a  la  Save.  Voila  pourquoi  les 
Serbes  n'ont  jamais  pu  pousser  jusqu'a  la  Macedoine  ; 
et  si  cela  avait  pu  avoir  lieu,  le  regime  turc  aurait 
cess6  depuis  longtemps  en  Europe. 

M.  de  Hahn  a  fait  porter  par  le  major  serbe  M,  Zach, 
son  compagnon  de  voyage,  toutes  ses  annotations  to- 
pographiques  sur  une  carte  a  une  6chelle  quatre  fois 
plus  grande  que  celle  de  Riepert.  Son  m^moire  complet 
ne  sera  acliev6  que  dans  trois  a  quatre  mois. 

En  attendant,  il  nous  detaille  ses  excursions,  savoir : 
de  Nisch,  par  le  d6fil6  trfes  ouvert  de  Kurvingrad,  k 
Prokop,  et,  le  long  de  la  Toplitza,  a  Kourchoumli6.  De 
la  au  sud-ouest,  par  la  valine  du  Pousta-Ri6ka , 
affluent  de  la  Morava  bulgare,  au  sud  de  la  Toplitza. 

De  Leskovatz,  en  remontant  la  lablonitza,  autre 
affluent  occidental  de  la  Morava,  et  retour  a  Leskovatz 
par  la  valine  du  V^ternitza,  plac6e  plus  au  sud  ;  et  qui 
fournit  un  quatrifeme  affluent  a  la  Morava  de  ce  c6t6.  De 
Leskovatz  k  Vrania,  par  un  d6fil6  a  deux  heures  au  sud 
de  Leskovatz,  et  durant  hult  heures  de  parcours ; 
route  sur  la  live  droite. 

De  Vrania,  descente  a  Uskup  par  la  \a\l6e  de  la  Mora- 
vitza,  mont^e  et  descente  insensibles,  partagc  des  caux 
imperceptible  et  situ6  dans  une  longue  galne  ouverte, 
mar6cageuse,  et  courant  du  nord  au  sud  ;  Komanova ; 


(  190  ) 

vall6e  fhi  Ptchinia,  teiTasse  et  descente  au  Vardar,  a 
Usku})  ou  Skopia,  De  Skopia  k  Pristina  par  Ratchanik, 
le  ruisseau  de  Lab-Golak,  et  la  Sitnitza,  qui  recoit  ce 
dernier.  Les  niontagnes  k  Test  de  Pristina  et  an  nord 
de  Guilan  s'appellent  aussi  Lab-Golak. 

De  Pristina,  M.  de  Halm  a  visit6  le  village  rat/io- 
liqiie  de  lani^vo,  snr  la  route  de  Guilan,  et  a  6te  dans 
ce  dernier  lieu,  tandis  que  le  major  Zach  a  visits  Novo- 
Bzdo,  que  j'avais  vu  aussi  percli6  sur  le  haut  d'une 
Crete  de  montagne  pen  61ev6e,  a  Test  de  la  route  de 
lani^vo  a  Guilan.  Novo-Bzdo  est  une  ancienne  forte- 
resse  serbe  ayant  encore  ses  miirailles  cr6nel6es. 

Revenu  a  Skopia  (Uskup) ,  M.  de  Halm  a  visit6,  entre 
Uskup  et  Reuprili,  Taor,  le  Tnnriniwn  des  anciens,  et 
Bader,  le  Bederiana,  lieu  de  naissance  de  Justinien. 
Taor  est  h.  quatre  heures  sud  de  Skopia  ou  Jastiniana 
prima,  sur  la  gauche  du  Vardar  et  sur  le  premier  ma- 
melon  du  d^ril6  de  ce  fleuve,  encaiss6  sur  ce  point.  Ce 
lieu  dominait  I'entr^e  du  d6fil6.  Bader  est  a  uue  heure 
et  demie  plus  au  sud,  non  loin  du  debouch^  du  Ptchiiiia 
dans  le  Vardar.  II  y  a  laun  convent  grec  dont  la  Ibndation 
remonterait,  d'apr^s  I'inscription  slave,  a  Justinien? 

M.  de  Halm  a  eu  le  malheur  de  partir  trop  tard  de 
Vienne,  et  de  voyager  pendant  une  ann6e  oti  il  est 
survenu  en  novembre  un  froid  inaccoutum6.  Cela  I'a 
emp6cli6  d'ex^cutcr  son  projet  de  visiter  les  valKes 
inconnues  entrc  Uskup  et  Rritchovo,  comme  aussi 
tout  le  cours  du  Tzerna-lli6ka  ouRarasou,  c'est-k-dire 
le  Vardar  qui  arrose  la  plaine  de  Monastir.  Stobi  I'atti- 
rait  1^.  II  aurait  voulu,  plus  tard,  se  rcndre  de  Reu- 
prili il  Salonique  en  descendant  le  Vardar,  qui  passe  a 
Uskup  et  recoit,  en  aval  de  Reuprili,  le  Vardar  de 


(  191  ) 

Monastir.  L'homme  fait  des  plans,  les  Elements  en  em- 
pechent  la  realisation,  Esp^rons  qu'il  tiendra  sa  parole 
de  retourner  sur  les  lieiix,  et  menie  de  completer  nos 
connaissances  sur  la  moyenne  Albanie,  le  pays  de  Mat, 
celui  des  Myrdites,  etc,  II  a  aussi  le  projet  si  important 
de  descendre  en  bateau  le  Drin  noir  depuis  le  lac 
d'Ochrida,  par  Dibre,  jusqu'^  la  mer,  Voil^  une  partie 
que  votre  consul  Hecquard  devrait  bien  lui  enlever : 
c'est  un  morceau  de  dessert  en  geo graphic,  et  il  n'y  en 
a  plus  beaucoup  de  cette  taille  en  Europe. 

Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  la  aucune  cascade,  ni 
m6me  de  rapides  h  craindre,  et  il  y  a  des  bateaux  en 
abondance  a  Ochrida. 

Pour  les  trouvailles  arch6ologiques,  elles  ont  6t6  trSs 
minces;  mais  M.  Kreil,  dans  son  voyage  enTurquie,  a 
trouv6  Outchilz6  (Oujitz6),  en  Servie,  int^ressant  sous 
le  rapport  d'antiquit^s  romaines,  Ce  pays  6lev6  a  6t6, 
dans  les  W  et  xii°  sifecles,  le  refuge  de  savants  moines 
grecs ;  on  y  a  imprim6  des  livres  d'6glise  slaves,  etc. 
II  m'a  parl6  d'un  pont  romain, 

Les  cours  d'eau  pr6s  de  Noi>ibaznr,  dont  ni  vous  ni 
moi  ne  savions  les  noms,  sont  leStavitza  et  le  Graoi>o, 
La  vall6e  du  Stavitza  conduit  de  Novibazar  au  S.-S.-O. 
au  mont  Vreni6  et  k  I'lbar;  et,  a  I'ouest  de  cette  der- 
ni^re,  court  parallfelement,  du  N,-N.-E.  au  S.-S.-O., 
celle  de  Graovo.  (Yoy.  mes  lUneraires,  Vienne,  1854, 
vol.  II,  p,  183.)  Les  autres,  k  Test  du  Stavitza,  sont 
la  Rnava  et  I'llidja,  Ces  details  viennent  de  M,  Gavri- 
lovitch,  I'auteur  dela  Geogrnphie  statistique  de  Serbie, 
ou  dictionnaire  topographique  de  ce  pays. 


(  192  ) 
Analyses,    RispportN,    etc. 


CARTE 

DE  i/am£;rique  tropicale  au  nord  de  l'equateur, 

Par  M.  II.  KiEPtBT, 

Mcmlire  dc  rAcadcmie  royatc  des  Sciences  dc  Berlin,  et  menilire  corrcspoiidaiit 

de  la  Societe ile  Cuogiapliie  dc  Paris. 

Rapport  III  a  la  stance  de  la  Commissiou  ccnlrale  du  17  ddcembrc  1 858. 


Je  viens,  messieurs,  vous  entretenir  d'une  des  noii- 
velles  cartes  qui  vous  ont  6t6  adress^es  par  noire  hono- 
rable confrere  M.  H.  Kiepert,  doiit  le  zfele  infatigable 
pour  la  science  g^ographique  nous  vaut  chaque  ann6e 
quelque  nouvelle  production  cartographique ,  expres- 
sion judicieuse  et  critique  des  plus  r6centes  acquisi- 
tions de  la  science ;  je  veux  parler  de  sa  carte  de  1' Am6- 
rique  Tropicale  au  nord  de  I'liquateur  (I). 

(lette  carte,  publi^e  a  Berlin  en  1858,  est  en  6 1'cuilcs 
in-folio.  Dress6e  d'apr^s  la  projection  de  Mercalor,  elle 
est  a  l'6chelle  de  1/iiOOOOOO  et  s'6tend  du  58«  au 
112°  degrt^  de  longitude  occidcntale  du  m^ridien  de 
Paris,  et  du  1"  au  31'  dcgr6  de  latitude  septentrio- 
nale.  Elle  comprend  les  Indes  occidentales  (grandes  et 

(1)  New-Map  of  Tropical-America,  north  of  the  Equator  comprising 
the  West-Indies,  Central-America,  Mexico,  New-Granada,  and  Vene- 
zuela, dedicated  by  permission,  H.  live,  baron  Alexander  von  Hum- 
boldt, by  D'  Kiepert.  —  Berlin,  1858,  Just  Ueimer. 


(  193  ) 

petites  Antilles),  l'Am6riqiie  Centrale,  le  Mexique,  la 
Nouvelle-Grenade  et  le  V6n^zu61a,  c'est-a-clire  cette 
partie  de  I'Amerique  sur  laquelle  1' attention  pnblique 
se  trouve  plus  particuli^rement  fix^e  depuis  quelque 
temps ;  elle  vient  done  fort  a  propos  pour  r^pondre  a 
un  besoin  de  curiosity  g6n6rale,  non-seulement  relati- 
vement  aux  6v6nements  politiques,  mais  encore  pour 
suivre  les  grands  projets  de  communication  inter- 
oc6anique  de  I'Atlantique  au  Pacifique. 

Nous  avons  dit  que  la  projection  adoptee  par 
M.  H.  Kiepert  6tait  la  projection  de  Mercator,  celle  de 
nos  cartes  marines;  une  telle  projection  est  en  effet 
pr6ftrable  lorsqu'il  s'agit  de  contr6esvoisines  de  I'fiqua- 
teur ;  elle  permet  de  mieux  se  rendre  compte  des  posi- 
tions relatives  des  lieux  et  de  leurs  distances.  La  gra- 
duation qu'il  a  adoptee  pour  ses  longitudes  est  celle  du 
m6ridiende  Greenwich  (55°  a  109°),  mais  ila  pris  soin 
d'indiquer  par  des  amorces ,  dans  la  partie  sup^rieure 
du  cadre,  la  graduation  du  m^ridien  de  Paris  (58° 
a  112°).  Par  une  ing^nieuse  et  nouvelle  disposition, 
les  degr6s  de  longitude  et  de  latitude  sont  plus  forte- 
ment  traces  de  cinq  en  cinq;  il  en  r^sulte  que,  sur  le 
carroiement  compliqu6  form6  par  les  nombreux  degr6s 
qui  couvrent  cette  grande  carte ,  on  en  distingue  un 
second  qui  offre  a  I'ceil  des  divisions  plus  g6n6rales  et 
qui  permet  de  se  guider  plus  facilement  sur  une  carte 
dont  le  d6veloppement  n'est  pas  moindre  de  l'",60  de 
largeur  sur  0'",95  de  hauteur. 

La  carte  de  I'Amerique  Tropicale  du  nord  comprend 
dans  Tangle  nord-ouestles  Etats  conf6der6s  du  Mexique, 
moins  une  partie  de  la  Sonora  et  de  la  basse  Californie 


(  'JO/1   ) 

qui  restent  en  dehors  du  cadre.  M.  H.  Kiei)ert  a  fait 
usage  pour  les  fiiats  du  nord  :  ceux  de  Nuevo-Leon, 
Cobahuila,  Chihuahua,  de  la  carte  drcss^epar  AAVis- 
lizenus,  qui  avait  fait,  en  18/|G-18Z|7,  partie  de  I'exp^- 
dition  du  colonel  Doniphans,  charg6  d'une  exploration 
scieutifique  et  mililaire  de  ces  contr^es. 

Pour  les  ttats  du  centre  du  Mexique,  ceux  de  Mexico, 
Michoacan,  Queretaro,  Guauaxato,  et  partie  de  ceux 
de  Jalisco,  de  Zacatecas  et  de  Sau-Luis,  les  travauxde 
MM.  de  Humboldt,  Gerolt  et  Berghaus  ont  6t6  mis  a 
contribution,  ainsi  que  les  itin6raires  de  Joseph  Bur- 
kart  ,  et  le  Bulletin  de  statistique  et  de  gepgraphie 
publi6  k  Mexico  depuis  1839.  On  trouve  dans  ce  der- 
nier des  cartes  particuliires  des  Etats  et  Territoires  de 
Tamaulipas,  Tlascala,  Michoacan,  Colima,  qui  ren- 
ferment  des  renseignements  geographiques  importants, 
principalement  sur  le  gisement  des  mines. 

La  carte  du  naturaliste  autrichien  C.-B.  Heller, 
publi6e  en  1853  en  langue  espagnole,  a  servi  pour  les 
fitats  du  sud,  ceux  de  Vcra-Cruz,  Tabasco  et  Yucatan. 

Pour  I'Am^rique  Centrale  I'auteur  a  eu  entre  les 
mains  les  cartes  et  les  livrcsde  MM.  Thompson,  Dunn, 
Legh-Page,  Montgomery,  Stephens,  Galindo,  Dunlop, 
Alexandi-e  de  Bulow,  Vaguer,  Scherzer,  et  principale- 
ment les  cartes  nouvellement  coirigees  de  Baily,  de 
Squier ,  la  carte  du  Honduras,  publico  par  Well  k  New- 
York  en  1857,  et  le  lev6  de  I'isthme  de  Tehuantepec, 
fait  en  1851  par  le  colonel  Barnard  (1). 


(1)  M.  Gabriel  Lafond  de  Lurry,  membre  de  la  Commission  centrale 
et  Minislro  pienipolcnliaire  de  Cosla-Rica  pr^s  deS.  M.  I.,  nous  ap- 


(  195  ) 

La  partie  de  rAmerique  du  Sud  comprise  dans  le 
cadre  de  la  carte  de  M.  H,  Kiepert,  n'a  pas  6t6  I'objet 
de  moins  de  recherches  que  celle  de  TAm^rique  du 
Nord,  dont  nous  venous  de  nous  occuper.  En  outre  des 
travaux  de  Humboldt  et  de  Bonpland,  auxquels  il  fau- 
dra  toujours  revenir  lorsque  Ton  voudra  s' occuper  de 
la  geographic  de  TAm^rique  espagnole,  I'auteur  a  eu 
sous  les  yeux  la  carte  de  la  Nouvelle-Grenade  de  M.  le 
colonel  Joaquim  Acosta,  avec  les  corrections  et  les 
annotations  qui  y  ont  6t6  faites  par  MM.  Raulin, 
Ristrepo  et  Anguiana.  II  a  aussi  profit^  de  quelques 
notes  et  additions  fournies,  pour  cette  carte  de  la  Nou- 
velle-Grenade, par  I'ancien  president  Mosquera,  et  des 
r^sultats  du  dernier  voyage  de  M.  le  professeur  Holton 
dans  ce  pays  (1857) ,  qui  y  avaient  6t6  consign6s.  Enfin, 
le  consul  g6n6ral  de  Prusse  ci  Bogota  a  fourni  k  notre 
savant  confrere  I'indication  precise  des  nouvelles  divi- 
sions administratives  en  huit  I^ltats  adopt^s  par  le  gou- 
vernement  de  la  Nouvelle-Grenade  depuis  le  15  juin 
1857. 

Le  beau  travail  du  colonel  Augustin  Codazzi  a  servi 
de  base  a  M.  H.  Kiepert  pour  son  trac6  de  la  r6pu- 
blique  v6n6zu61ienne ;  il  a  meme  profit^  de  quelques 
corrections  relatives  aux  determinations  des  positions 

prend  que  le  gouvernement  de  cette  R^publique  vient  de  voter  les 
fouds  necessaires  pour  le  levt?  g(5ndral  d'une  carle  topographique  de 
Costa-Rica.  D(?jk  le  gouvernement  de  la  Ri^-publique  de  la  Nouvelle- 
Grenade  venait  d'eu  entreprendre  une  a  Tiustar  de  la  grande  carte 
topographique  du  V6n6zu6la;  ce  sont  Ik  d'heureux  indices  qui  nous 
font  esp^rer  que,  dans  un  avenir  prochaiu,  I'Am^rique  n'aura  plus 
rieu  h  euvier  ci  I'Europe  sous  le  rapport  des  lev^s  topographiques. 


(  196  ) 

faites  par  M.  Boussingault.  La  carte  de  la  Guyanean- 
glaise  dc  Sclioiiiburgk,  celle  de  la  Guyane  liollandaise  de 
M.  Melvill  dc  Carnbee,  ont  6galeuient  6t6  mises  a  con- 
tribution pour  les  parties  de  ces  pays  qui  restent  dans 
le  cadre  de  la  carte.  Quant  aux  Antilles,  nos  cartes  de 
la  marine,  celles  de  rAmiraut6  anglaise,  ont  fourni  de 
nombreux  et  precieux  documents.  L'autenr  aegalement 
eu  sous  les  yenx  les  travaux  de  M.  Francesco  Goello 
sur  les  lies  espagnoles,  la  carte  de  Cuba  du  general 
Tomas  O'Ryan  (1853) ,  cellc  de  I'ile  de  Porto-Rico, 
pul3li6een  1851. 

On  pent  juger,  par  cette  longue  Enumeration  de  docu- 
ments mis  en  ceuvre  par  M.  H.  Kiepcrt,  du  soin  qu'il  a 
apport6  k  sa  carte  de  rAm^riqueTropicalc  du  nord.  Ce 
n'est  qu'en  s'appuyant  sur  un  choix  judicieux  et  cri- 
tique de  tels  travaux  originaux  que  Ton  pent  esp6rcr 
dresser  de  bonnes  cartes;  et  ce  n'est  pas  sans  intention 
que  j'ai  cit6  les  sources  auxqnelles  M.  H.  Kiepert  avait 
puis6.  II  donne  ici  un  exemple  que  tout  geographe 
ou  cartograplie  consciencieux  devra  s'enipresser  dc 
suivre. 

L'exEcution  de  ce  beau  travail  ne  laisse  rien  a  d6sirer ; 
il  est  grav6  sur  pierre  avec  cette  nettet6,  cette  suret6 
de  burin  que  nous  retrouvons  chez  les  artistes  alle- 
mands  ;  la  lettre  est  claire  et  bien  dispos6e  ;  les  mon- 
tagnes  n'6crasent  pas  le  texte,  et,  chose  k  noter  dans 
une  carte  allemande,  les  encaissements  y  ont  6t6  me- 
nag6s  avec  reserve  et  sobri6t6. 

Nous  signalerons  bien  quclques  l^g^res  corrections 
de  detail  a  faire,  mais  dies  sont  rares  et  ne  sauraienl 
porter  prejudice  a  I'ensemble  de  la  carte :  ainsi,  Ic  gra- 


(  197  ) 

veur  a  eu  tort  d'6crire  Santo-Domingo-del-Palemiuin 
pour  Santo-Domingo-Palenque:  et  dans  la  Vera-Paz,  il 
faut  lire  San-Augusiiii-Lanquiit,  ou  plutot  1  amjuin,  au 
lieu  de  San-^lugustin-Polenquin.  M.  H.  Kiepert  igno- 
rait  sans  doute  encore,  au  moment  ou  il  dressait  sa 
carte,  que  la  capitale  de  la  r6publique  de  San-Salvador 
venait  d'etre  transport6e  a  trois  lieues  environ  plus  au 
sud-ouest  de  I'ancienne,  h  I'liacienda  de  Santa-Tec/a, 
apr^s  la  presque  entiere  destruction  de  I'ancienne,  a  la 
suite  du  tremblement  de  terre  de  185Zi.  La  nouvelle 
capitale,  Nuevo-San-Sahador,  a  6t6  inaugur6e  le  jour 
de  Noel  1855  :  le  president  et  I'^veque,  avec  le  gou- 
vernement  civil  et  eccl6siastique,  qui,  depuis  la  mine 
de  I'ancienne  ville,  habitait  Cojutepec,  s'y  sont  officiel- 
lement  install6s. 

L' angle  sud-est  de  la  carte  del'AmeriqueTropicale 
du  nord,  pr6sente  dans  un  cartouche,  a  une  jjIus  grande 
6chelle,  au  millionifeme,  la  partie  centrale  de  la  r6pu- 
blique  mexicaine,  d'aprfes  les  lev6s  de  MM.  de  Hum- 
boldt, de  Gerolt,  Heller  et  Smith ;  I'auteur  y  a  laiss6  en 
blanc  les  parties  qui  n'avaient  pas  6t6  I'objet  de  lev6s 
ofiiciels. 

Une  note  sur  les  documents  et  les  mat^riaux  employes, 
une  liste  des  principales  abr6viations  et  de  leur  syno- 
nymie  en  espagnol  et  en  anglais ,  des  6chelles  propor- 
tionnelles  pour  les  diff6rentes  mesures  itin^raires  des 
pays  represent^s,  completent  cette  belle  et  importante 
carte,  destin6e  certainement  a  combler  un  grand  vide 
dans  la  cartographic  am6ricaine.  Lenom  de  I'auteur,  la 
rc^putation  m6rit6e  qu'il  s'est  acquise  par  ses  nombreux 
travaux  g^ographiques ,  nous  dispensent  ici  de  tout 


(  198) 
61oge ,  nous  nous  bornerons  done  k  remercier  notre 
honorable  confrere  de  1' envoi  des  belles  cartes  dont  il 
vient  d'enricliir  les  collections  de  notre  Soci6t6. 

V.  A.  Maltl-Brun. 


EXAJMEN 

DE     QUELQUES    PARTIES 

DE  LA  CARTE  1)E  LA  PALESTINE 

DE  M.   Van  de  Velde, 

parM.G.Rey. 


De  retour  en  France  aprfes  de  longues  et  p6nibles 
explorations  dans  les  regions  situees  k  Test  dn  Jour- 
dain  et  dans  le  bassin  de  la  mer  Morte,  je  me  propose 
de  publier  prochainement  le  r6sultat  de  mes  observa- 
tions ;  ce  qui  me  conduira  naturellement  k  faire  la  part 
des  travaux  de  mes  devanciers.  Pourcette  fois  jcd6sire 
uniquement  attirer  votre  attention,  d'une  maniere  sp6- 
ciale,  sur  une  carte  de  la  Terre-Sainte ,  r^cennncnt 
pnbli6e  par  M.  Van  de  Velde,  et  c'estl'exanien  de  quel- 
ques  sections  de  cette  carte  queje  demande  k  laSociete 
la  permission  de  lui  soumettre  (1) . 

(1)  Map  of  the  Holy  Land  constructed  by  C.  W.  M.  Van  de  Velde 
late  lieul.  Dutch  R.  N.  from  his  own  surveys  in  1851  and  1852,  from 
those  made  in  1841  by  majors  Robe  and  Rochfort  Scott,  licul.  Symonds 
and  others  officeers  of  their  Majesty's  corps  of  Royal  Engineers  and  from 
the  Results  of  researches  made  by  Lynch,  Robinson, Wilson,  Burckhardt, 
Seetzcn,  etc. ,  clc.,Maasstab  :  1  :  315000.  8  feuillesgravdessurcuivre, 
avec  un  m^nioire  a  I'appui  formant  1  vol.  in-8"  de  22  feuilles  1/2. 
Golha,  a  I'^tablisscnicnt  g^ographiyuc  de  Justus  Perlhcs. 


(  199  ) 

La  carte  de  la  Terre-Sainte  est  compos^e  de  8  feuilles 
gravies  snr  cuivre;  elle  a  6t6  publi^e  chez  Justus 
Perthes,  le  savant  6diteur  de  Gotlia,  au  z^le  bien 
connu  duquel  la  science  g6ographique  est  redevable 
de  tant  de  pnblications  du  plus  haiit  int^ret.  Mon  exa- 
men  critique  portera  plus  particuli^rement  sur  quel-^  . 
ques-unes  des  feuilles  de  la  carte  repr^sentant  les  Gen- 
tries que  j'ai  parcourues  depuis  le  retoiir  de  M.  Van 
de  Velde  en  Europe.  Si  nous  jetons  les  yeux  sur  la  sec- 
tion IV  du  travail  de  M.  Van  de  Velde,  nous  devons 
le  ieliciter  des  renseignements  qu'il  a  empruntt^s  au 
D"'  Porter  sur  la  plaine  qui  s'6tend  k  Test  de  Damas, 
et  oil  se  trouvent  les  trois  lacs  Baharet-esch-Shur- 
kiyeh,  Baharet-el-Ribliyeh  et  Baharet-Hijaneh. 

En  descendant  vers  le  Hauran,  nous  trouvons  qu'il 
a  6t6  assez  lieureux  pour  sa  premiere  chaine  de  mon- 
tagnes  le  Djebel-Kessou6,  qu'il  nomme  Djebel-Assouad, 
et  dont  il  a  emprunt6  la  configuration  k  I'excellent  tra- 
vail topograpliique  de  mon  savant  ami  le  docteur  Gail- 
lardot.  II  a  aussi  emprunt6  le  Djcbel-Mania  au  D"'  Por- 
ter, pour  qui  j'ai  la  plus  liaute  estime  quand  il  s'agit 
de  r identification  d'une  localite,  mais  dont  I'^chelle 
trop  reduite  laisse  fort  k  d^sirer. 

Vient  ensuite  le  Djebel-Rliiyarali.  Le  D-"  Gaillardot, 
mes  compagnons  de  voyage  et  moi ,  avons  constats , 
par  nos  travaux  topograpbiques ,  que  cetle  cbaine  se 
dirigeait  du  nord-est  au  sud-ouest  pour  se  terminer  au 
TellouUi-Haicha,  niontagiie  d'une  assez  grande  6l6va- 
tion,  et  dont  le  sommet  principal  est  juste  en  face  de 
Missemieh.  J'ai  done  lieu  d'etre  ^tonn6  de  la  trouvcr 
^ndiquee  dans  la  carte  de  M.  Van  de  Velde  comnie  se 


(  200  ) 

(lirigeant  de  Test  k  I'ouest.  Quant  an  Telloulli-HaTclia, 
il  ii'cn  a  fait  aucune  mention. 

Si  iiiaintenant  nous  contournons  la  pointe  nord  dii 
Ledja,  un  peu  au  dela  de  Bourak,  nous  rencontrons  nn 
beau  ouady,  c'est  le  Lowa.  Mais  reniontons  son  cours 
et  chorchons  la  ligne  des  Tells,  qui  doit  commencer  au 
Tell-Rhaldyeh  et  s'6tendie  jusqu'au  Tell-Hazzan.  Qu'a 
fait  I'auteur  des  Tells-Ha,  llozzal,  Ainrc,  il  les  a  coui- 
pl6tement  passes  sous  silence. 

Le  D'  Porter,  a  qui  la  science  est  redevablc  de  la 
d^couverte  des  iiiines  de  Bathanyeh,  les  indique  dans 
sa  carte  comme  6tant  en  plaine ;  c'est  bien  la  en  effet 
que  je  les  ai  vues;  mais  M.^Van  de  Velde  les  a  plac6es 
sur  un  monticule  qui  fait  partie,  toujours  d'aprfeslui, 
d'un  contre-fort  du  Djebel-Hauran,  dontje  soupconnais 
si  peu  I'existence  que,  dans  mon  lev6  topograpliique, 
j'ai  indiqu6  la  une  plaine  oii  s'6l6vent  les  Tells-Maaz, 
Alia,  OEilei'an,  Ardemeh  et  Arragetani. 

Si  de  la  nous  reportons  les  yeux  sur  Sliobba,  nous 
trouvons  d'abord  le  Tell-Seheihan,  que  contourne  le 
ouady  Lowa  :  il  est  tr6s  convenablement  plac6,  et  I'au- 
teur indique  merae  le  petit  onn/y  qui  est  au  sommet. 
Mais  aprfes  cela  nous  trouvons  un  Tell-Eszub  et  un 
Tell-Shobba.  Je  me  hate  d'avertir  M.  Van  de  Velde 
qu'aucun  des  Tells  de  Sliobba  ne  porte  le  nom  de 
Eszub ;  les  trois  Tells  sont  d6sign6s  sous  les  noms  de 
Garrara  1",  Djcmal  et  Garrarall;  c'est  ce  dernier  qui, 
quelquefois,  est  appel6  Tell-Shobba  par  les  gens  Stran- 
gers au  pays.  Ce  sont  autant  de  puits  volcaniques  dont 
les  crat^res  sont  encore  beants;  il  y  a  done  en  tout 
quatre  Tells,  quoiquc  M.  Van  de  Velde  n'cn  indique 


(  201  ) 

que  trois ,  le  Scheihan  compris.  Toutefois,  si  plusieurs 
montagiies  d'une  certaine  importance  ont  6te  omises , 
nous  voyons  en  revanche  apparaitre  un  TeU-Al)ou- 
Tenur,  que  nous  n'avons  jamais  rencontr^.' 

Je  dirai  aussi  que  mes  compagnons  de  voyage  et 
moi  n'avons  point  constat^  I'avancee  des  pontes  du 
Djebel-Hauran  indiqu^e  par  I'auteur  entre  le  village  de 
Murduk  et  Sleim,  I'ancienne  Neapolis. 

Nous  n'examinerons  pas  le  Djebel-Hauran  propre- 
ment  dit,  car  il  serait  trop  long  de  demander  a  I'auteur 
ce  qu'il  a  fait  des  Tells  el  Arf,  Berga,  Esserawieh, 
Immersbeb,  Abou-Hez,  Aioun-el-Oroun ,  Tarba,  el 
Rhess6,   Scbah-Nasarah,    Mousphan,  Djefne,  Om-el- 

Hauran et  tant    d'autres   qu'il    serait  fastidieux 

d'(5num6rer  ici,  sans  compter  le  Tell-el-Akmar.  Je  ne 
parlerai  pas  non  plus  des  montagnes  qu'il  hasarde  au 
sud-ouest  du  Kleib,  la  ou  il  y  a  une  plaine  dans 
laquelle  s'61event  seulement  trois  ou  quatre  miserables 
tertres  :  le  Tell-Hebran  et  les  Telloulli-Tahouabine. 

Dansle  m^moire  annexe  a  sa  carte,  M.  Van  de  Velde 
nous  parait  fixer  un  peu  arbitrairement  la  longitude  et 
la  latitude  de  Missemieh,  de  Kennaouat,  du  Kleib,  de 
Bozra,  d'Ezra  et  autres  points  du  Hauran,  sur  desdon- 
n6es  fort  incompletes. 

Passons  maintenant  a  I'examen  de  la  partie  infe- 
rieure  du  Rlior,  du  Jourdain  et  du  bassin  de  la  nier 
Morte,  qui  occupent  les  sections  V  et  VII  de  M.  Van 
de  Velde.  Je  me  bornerai  a  dire  un  mot  relativement  a 
la  vall6e  du  Jourdain.  11  indique  Beit-Haran  et  Er-Rama 
coinme  des  ruines  difterentes.  Je  lui  ferai  observer 
qu'iln'ya  qu'ime  seule  etmenie  locality  qui  se  nomme 
XVTI.    M\RS.    h.  \Ix 


(  202  ) 

Rharbet-cl-Ram,  dont  j'ai  visit6  les  mines  et  qiie  j'espfere 
identifier  avec  Livias.  Kefrein,  qu'il  n'indique  que 
comme  ruines,  est  un  lieu  de  campement  ou  les  Arabes 
Edouants  passent  I'hiver.  Les  environs  de  ce  point 
forment  le  Rhor-Kefrein  aussi  6tendu  que  le  Rhor- 
Safieh.  J'en  ai  clierch6  en  vain  la  trace  dans  sa  carte. 
Dans  la  description  de  la  mer  Morte  proprement 
dite,  nous  croyons  que  le  graveur  aurait  pu  accentuer 
davantage  les  falaises  k  pic  qui  constituent  la  plus 
grande  partie  du  bassin  du  lac  Asphaltite.  En  partant 
de  la  pointe  nord,  pour  suivre  la  rive  occidentale, 
nous  trouvons  d'abord  les  ruines  de  Goumran,  signa- 
16es  par  M.  de  Saulcy.  M.  Van  de  Velde  indique  bien 
des  ruines,  mais  en  omettant  leurs  noms,  car  les 
Arabes  les  nomment  Rarbet-Goumran,  Rarbet-Fecli- 
khah,  et  une  petite  partie  plus  proche  de  la  Grfeve, 
Redjoura-el-Bahar,  ce  qui  veut  dire  monceau  de  mer 
ou  situ6  au  bord  de  la  mer. 

Quant  aux  environs  du  Birket-oI-Klialil,  je  deman- 
derai  k  I'auteur  ce  qu'il  a  fait  de  la  plaine  mame- 
lonn6e  qui  s'6tend  de  la  grfeve  de  la  mer  Morte 
jusqu'au  pied  du  Djebel-Rhabarah,  sur  quatre  kilo- 
metres de  long  k  peu  pr6s  et  environ  deux  de  large  k 
sa  partie  la  plus  resserr^c  entre  le  Ouady-el-Rha- 
barali  d'une  part,  et  le  Ouady-el-Rhalil  de  I'autre.  Dans 
la  carte  que  nous  avons  sous  les  yeux,  je  trouve  k  la 
place  de  cette  plaine  une  montagne  en  tons  points 
semblable  k  celles  qui  constituent  les  escarpements  de 
cette  rive.  Mais  nous  voici  k  Zouera,  1' antique  cit6 
biblique  de  Zoar,  que  M.  Van  de  Velde  nonime 
Zuweirah ;  et  nous  touchons  cnfin  k  Sdoum ,  qui  va 


(  203  ) 

devenir  le  point  principal  de  mes  observations.  M.  Van 
de  Velde,  qui  a  visits  les  lieux,  pretend  que  ces  mines 
sont  I'invention  d'un  voyageur  francais,  M.  de  Saulcy. 
II  s'appuie,  pour  nier  leur  existence  et  pour  corroborer 
son  opinion,  de  celle  de  M.  Poole. 

Malheureusement  pour  lui,  tons  ceux  qui,  avec 
moi,  ont  visits  ces  lieux,  en  ont  reconnu  1' existence, 
et  je  suis  heureux  de  profiler  de  la  circonstance  pour 
declarer  hautement  que  toutes  les  ruines  signalees  par 
M.  de  Saulcy  et  ses  compagnons,  je  les  ai  6galement 
retrouv^es  :  celles  de  Sodome  aussi  bien  que  celles 
de  Goumran  ou  de  Zoar.  Mais  continuous  le  tour  de  la 
mer  Morte,  et  voyons  sur  la  rive  orientale  quels  pas 
aura  fait  faire  a  la  science  le  travail  de  M.  Van  de 
Velde.  D'abord,  au  sud  d'el  Lican,  le  capitaine  Lynch 
a  indique  une  petite  presqu'ile  k  laquelle  il  a  donn6 
le  noni  de  pointe  Molyneux.  L'auteur  de  la  carte 
de  la  Terre-Sainte  en  indique  bien  le  nom,  mais  il 
nous  semble  qu'il  aurait  dii  1' accuser  davantage,  ainsi 
que  I'a  fait  M.  de  Saulcy  dans  sa  carte  d'assemblage, 
qui,  pourtant,  n'est  qua  I'^clielle  d'un  million i6me. 

L'auteur  annonce  ensuite  que,  pour  les  environs  de 
Rarak  et  de  Rabbah-Moab,  il  s'est  servi  des  itineraires 
de  M.  de  Saulcy.  Nous  aurions  peine  a  le  croire,  car  ses 
directions  ne  coincident  nnllement  avec  celles  de  notre 
savant  confrere.  II  dit,  dans  son  m^moire,  avoir  d(iter- 
niin6  la  position  de  Karak  par  une  triangulation  dont 
il  ne  nous  fait  pas  connaitrc  les  autres  points.  M.  de 
Saulcy  a  plac6  Rabijah  au  nord-nord-est  de  Karak  ; 
l'auteur  a  jug6  a  propos  de  placer  ces  ruines  au  nord- 
ouest.  Si,  pour  cette  parlic  de  la  carte,  nous  exanii- 


(  '20li  ) 

nous  le  dessin  topographique,  la  proini^re  chose  qui 
nous  frappe,  c'est  rexlrerae  disproportion  qni  existe 
entre  le  monticule  de  Schihan  et  les  montagiies  domi- 
nant les  Karbct-Fouquoua,  qui,  dans  I'itin^raire  de 
M.  de  Saulcy,  sont  indiquees  connne  phis  escarp6es  et 
plus  considerables  que  le  Tell  et  Schihan. 

M.  Van  de  Velde  passe  encore  sous  silence  les 
localites  biblitjues  reconnues  sur  le  plateau  de  Moab 
par  M.  de  Saulcy.  D'aillenrs ,  ici  comma  dans  le  reste 
de  la  carte,  les  noms  sont  encore  defigui-^s  ;  ainsi,  pour 
Beit-el-Kerm ,  qui  signifie  /a  maison  de  Id  vignc,  il  a 
6crit  Beit-el-kiirm,  ce  qni  n'a  aucune  signification. 

En  terminant  cet  examen,  il  ne  me  reste  qua  ex- 
primer  mes  regrets  a  M.  Van  de  Velde  d'a\oir  dii 
critiquer  autant  de  points  de  detail  dans  un  travail  qni 
parait  lui  avoir  coute  tant  de  recherches ;  mais  le 
rfeultat  de  mes  explorations  ne  m'obligeait-il  pas  k 
t6moigner  ici  de  I'exactitude  des  faits  avanc6s  par 
lAI.  de  Saulcy,  dont  les  r^centes  decouvertes  avaient 
soulev6  tant  de  critiques  peu  justifi^es,  ainsi  qu'on 
commence  aujourd'hui  a  le  reconnaltre. 

E.    GUILLAUME  PiEY. 


(  205  ) 

i^oiivelles  et  coeiiiisiBiiieatioiis. 


NOUVELLES   DES   CAPITAINES    BURTON    ET    SPEKE , 
Refues  a  Londres  au  mois  de  Janvier  1859. 

Le  lac  Ujigi  existe  a  I'ouest  de  Zanzibar,  il  a  et6 
explore  entierement  par  les  deux  voyageurs ;  son 
6tendue  est  d' environ  deux  cents  milles  de^ong  sur 
vingt-sept  milles  de  large.  Les  voyageurs  ont  eu  a 
combattre  d'extremes  difficult^s  provenant  de  I'^tat 
malsain  du  pays  et  des  attaques  des  insectes  morti- 
f^res;  le  capitaine  Burton  a  eu  I'oreille  perc^e  par  un 
petit  insecte  c[ui  Fa  fait  cruellement  soufirir,  et,  par 
cette  cause,  ajoutee  a  I'insalubrit^  du  climat,  il  a  6t6 
affect6  de  surdity  et  de  cecit6,  ce  qui  cependant  ne  I'a 
pas  empech^  de  continuer  son  voyage,  mais  en  se 
faisant  porter ;  le  capitaine  Speke  a  souffert  presque 
autant.  Tons  les  anes  de  I'exp^dition  sont  morts,  et 
beaucoup  des  natifs  qui  accompagnaient  les  voyageurs 
les  ont  abandonn6s. 

Sans  le  secours  qu'ils  ont  recu  du  consul  de  France, 
aprfes  la  mort  du  consul  anglais  ^.Zanzibar,  ils  n'au- 
raient  pas  pu  continuer  leur  course.  Malgr6  toutes  ces 
difticult^s,  ils  sont  arrives  au  lac;  ils  ont  pass6  beau- 
coup  de  temps  pour  en  faire  le  tour,  et  ils  en  ont  rap- 
ports une  grande  carte,  qui  en  fait  voir  I'etendue  et 
les  directions.  Non  contents  de  ce  succ^s,  ils  ont  6t6  a 
la  recherche  du  grand  lac  central  dont  on  parle  beau- 
coup,  et  ils  en  ont  recu  des  informations  dignes  de  foi 
qui  le  representent  comme  situe  a  la  distance  de  seize 
journ6es  dans  le  nord.  • 

A  la  date  de  ces  nouvelles  (juin  dernier),  le  capi- 


(  200  ) 

taine  Burton,  ^tant  trop  nial  pour  accompagner  le  capi- 
taine  Speke,  6tait  rest6  a  moitie  chcinin  environ  entre 
le  lac  Ujiji  et  Zanzibar,  attendant  son  retour  avec 
impatience  et  inquietude. 

A  I'occasion  de  ces  nouvelles,  sir  Murchison  a  dit  a 
la  Soci6t6  royale  g^ograpliique  que  cette  exploration 
lui  paraissait  la  seconde  en  importance  aprte  celle  du 
D'  Livingstone,  le  lieu  jusqu'oii  ont  pen6tr6  les  voya- 
geurs  6tant  a  cinq  cents  niilles  de  la  cote  orientale,  et 
une  grande  partie  de  ce  pays  n'ayant  jamais  6t6  visit^e 
par  les  Europ6ens.  Leurs  d^couvertes,  a-t-il  dit,  con- 
firment  celles  du  D'  Li\  ingstone  et  font  voir  que  dans 
la  partie  centrale  de  I'jVfrique,  il  y  a  un  immense  pla- 
teau convert  d'eaux  {platenn  o/'ivafer) ;  elles  tendent 
aussi,  selon  lui,  a  montrer  que  les  pr^tendues  monta- 
gnes  (le  la  Iiine  n' existent  pas ;  car  il  n'y  en  a  aucune 
apparence  dans  la  route  qu'ont  suivie  les  voyageurs, 
bien  que  cette  route  ne  fiit  pas  61oign6e  de  la  latitude 
supposee  de  ces  montagnes.  Une  coupe  du  pays  a  6t6 
trac6e  sur  leur  carte  :  la  plus  haute  montagnequ'ils  ont 
traversee  n'a  pas  plus  de  cinq  milles  pieds  de  liaut,  et 
le  lac  Ujiji  est  61ev6  de  dix-liuit  cents  pieds  seulement. 
M.  Mac  Queen  a  r6pondu  qu'il  croyait  a  I'existence 
de  ces  montagnes,  d'apres  les  missionnaires  qui  les 
ont  vues  couvertes  de  neige. 

A  la  mort  du  consul  anglais  k  Zanzibar,  on  a 
nomm6  a  sa  place  M.  Rigby,  et  on  I'a  cliarg6  dc 
donner  toute  1' assistance  possible  a  1' expedition  des 
capitaines  Burton  et  S])eke,  qui  sent  des  officiers  de 
I'armee  indiennc,  et  qui  ne  soudViront  pas  des  chan- 
gements  survenus  dans  le  gouverneaient  de  I'lnde. 


(  207  ) 


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(  20S  ) 

Notes. 

I"  Note.  —  La  population  de  la  Conftd6ration  grena- 
dine s'est  gronp(:^e  par  des  nuances  de  castes,  selon  les 
cliniats,  c'est-a-dire  selon  I'^l^vation  etTexposition  des 
lieux.  Ainsi,  la  population  blanclie  couvre  les  plateaux 
de  Pasto  et  de  Popaynn,  dans  la  grande  Cordill^re  des 
Andes  et  le  faisceau  gt^nerateur  des  trois  chaines  de 
niontagnes,  ainsi  que  les  plateaux  de  Medellin  (chaine 
centrale)  et  de  Bogota,  Funja,  Velez,  Pamplona  et 
Ocana  (cliaine  orientale). 

La  population  noire  ou  africaine  et  ses  m^-tis  est  dis- 
s6min6e  sur  les  cotes  des  deux  Oceans,  et  au  fond  des 
valines brulees  de  la  Magdalena,  du  Cauca,  de  I'Atrato 
et  du  Patia;  regions  ou  les  travaux  des  mines  et  de  la 
navigation  exigent  le  concours  d'une  race  fort  vigou- 
reuse. 

Dans  ces  memes  valines,  sur  les  cotes,  ainsi  que  sur 
les  premieres  pentes  des  chaines  de  montagnes ,  se 
trouve  la  population  mel6e  de  blancs,  d'Indiens  et  de 
mulatres,  dans  laquelle  predomiiient  la  couleur,  la  phy- 
sionomie  et  I'intelligence  des  Europ6ens,  et  la  force 
et  r indolence  des  n6gres. 

Sur  les  plateaux  de  Pasto  et  Popayan,  de  Bogota  et 
Funja,  de  Velez  et  Pamplona,  la  majority  des  habi- 
tants des  campagnes  est  issue  du  croisement  de  la  race 
europ^enne  avec  les  Indiens.  Mais  I'^l^ment  indien 
y  a  tenement  dispani  aujoiird'liui  que  Ton  ne  pent 
reconnaitre  les  descendants  de  ces  m6tis  indiens,  les- 
qucls  d'ailleurs  sontcntieremenl  blancs,  qu'aleurtaille, 


(  200  ) 

gen6ralenieiit  moyenne,  et  qu'a  un  certain  accent  forte- 
inent  guttural  ou  prqfond.  Cet  accent  est  bien  remar- 
quable  dans  leur  manifere  cle  prononcer  I'espagnol,  qui 
est  la  seule  langue  de  la  population  utile. 

D'aprfes  les  donn^es  les  plus  approximatives,  on  peut 
classerla  population  totale  utile,  delanianifere  suivante  : 

Race  europ6enne  pure 1,357,000 

Race  europ^enne  et  indienne  m^l^es  {blanche  aussi). . . .  600,000 

Africaine  pure 90,000 

Divers  melanges 465,614 

2,692,614 

II  faut  encore  signaler  une  autre  espfece  singuli^re 
deracemel^e  :  c'est  la  partie  blanche  de  la  population 
dg  rfitatd'intioquia,  issue  du  croisement  de  la  pure 
race  espagnole  avec  une  colonic  nombreuse  de  juifs 
venus  d'Espagne  pour  s'6tablir,  avec  la  permission  de 
Philippe  III,  dans  la  province  d'Antioquia. 

IP  Note.  —  II  ne  reste  aujourd'hui  d'autres  groupes 
d'Indiens  purs  que  les  suivants  : 

1°  Celui  des  Goajiros ,  qui  peuplent  la  p^ninsule 
deGoajira  (Etat  du  Magdalena).  lis  sont  encore  insou- 
mis ;  mais  ils  sont  en  general  inoflensifs  et  entretiennent 
avec  les  cr6oles  des  relations  commerciales  tr^s  fr6- 
quentes. 

2°  Les  Goajibos ,  tribu  quelquefois  agressive ,  qui 
habite  dans  les  forets  du  Meta  et  du  Sarare  (Etat  de 
Boyaca);  etles  Fimebos,  peuplade  intelligente  et  paci- 
fique  habitant  les  niontagnes  de  la  grande  chaine 
orientale  vers  les  sources  du  Sarare. 

3°  La  famille  considerable  des   Andaquies ,   etablic 


(  210  ) 

sur  les  lleuves  Caguan  et  Yupura  ou  Caqufeta ,  dans 
I'Etat  du  Caiica.    • 

Zj"  Les  Indiens  till  Darien,  peuplade  tr6s  peu  nom- 
breuse  aiijourd'hui,  cpii  habite  entre  le  golle  de  San- 
Miguel,  du  Pacifique  et  celuid'Uraba,  de  rAtlantiquc. 

Ainsi  done,  soit  par  destniction ,  soit  par  absorption, 
les  Sou  9  millions  d'Indiens  que  les  conqu6rants  trou- 
vferent  dans  la  Nouvelle-Grenade,  sout  rciduits  mainte- 
nanti  126,000! 

Ill*  Note.  —  Abstraction  faite  de  la  population  in- 
soumise  et  du  territoire  non  occup6 ,  la  density  de  la 
population  est  la  suivante  : 

Dans  I'Etat  de  Ayitioquia 8  habitants  par  kil.  carr6. 

—  Bolivar 6  — 

—  Boyaca 15  1/2  — 

—  Cauca 5-1/2  — 

?—  Cundinamarca 9  1/8  — 

—  Magdalena 2  1/13  — 

—  Panama 4  1  /3  — 

—  Santander 20  1/2  — 

Dans  toute  la  Confede'ralion 7  6/8  — 

IV  Note.  —  Les  races  primitives  (on  divisions  de 
la  grande  race  sud-am6ricaine),  d'ou  est  issue  la 
population  actuelle  m61ang6e  de  blancs  et  d'Indiens, 
6taient : 

1"  Sur  les  plateaux  de  Pasto  et  de  Popayan,  divers 
groupes  appartenant  a  la  grande  famille  p6ruvienne 
des  Qaichuas  ; 

2°  Dans  la  chaine  centrale  des  Andes  grenadines,  la 
famille  guerri^re,  tr6s  nombreuse  et  puissante  des 
Pantagoros,  qui  peuplait  aussi  les  flancs  des  mon- 


(  211  ) 

tagnes  et  s'6tenclait  sur  I'lm  et  1' autre  versant,  sur 
quelqiies  parties  cles  valines  du  haut  Magdalena  et  du 
haut  Cauca ; 

30  Dans  le  fond  de  la  meme  valine  du  haut  Magda- 
lena, les  families  tr6s  nombreuses  des  Paczes,  des 
Manjuetones,  etc. ,  issue  peut-etre  du  croisement  des 
Pantagoros  avec  les  Patiches; 

h'  Sur  les  flancs  du  rameau  int^rieur  de  la  chaine 
orientale,  et  k  ses  bases  dans  la  valine  du  haut  Mag- 
dalena (rive  droite),  la  famille  fort  belliqueuse  des 
Panc/tes,  derivation  6vidente  des  Chibchas ; 

5°  Sur  les  plateaux  de  Bogota  et  de  Funja,  la  race 
CUbcha,  qui  6tait  la  plus  civilis6e  de  toute  rAm6- 
rique  du  Sud  aprfes  celle  du  Cuzco  (P6rou) ; 

60  Dans  les  contr6es  de  Velez  et  de  Socorro  (entre  la 
chaine  orientale  et  le  bas  Magdalena) ,  les  families  des 
Muzos  et  Guanes  qui  6taient  extremement  belli- 
queuses ; 

7°  Sur  les  plateaux  de  Pamplona  (chaine  orientale) , 
les  families  des  Funebos,  des  MotHones,  etc. 

V*  Note.  —  Dans  la  Nouvelle-Grenade,  la  popula- 
tion double  tous  les  vingt-cinq  ans,  d'une  mani^re 
persistante,  par  le  seul  fait  de  sa  situation  climat6- 
rique,  1' immigration  6trang6re  ^tant  tout  a  fait  nulla. 

J.  M.  Samper. 


(  212  ) 

;%c<es  «lc  la  Soei<^t4^ 

KXIRAITS  DES  PHOGKS- VEHBAUX  DES  SEArsCES. 


Seance  du  h  fevrier  1859. 

M.  le  ministre  de  I'instruction  publique  infornie  la 
Soci6t6  qu'il  vient  cle  lui  attribuer,  a  titre  de  subven- 
tion pour  I'ann^e  1859,  une  somme  de  600  francs  en 
^change  de  50  exemplaires  de  son  Bulletin.  Des  remer- 
ciments  seront  adress6s  a  S.  Exc.  pour  ce  nouveau 
t6moignage  d'int6rel. 

M.  >\'ahll)erg,  secretaire  perp^tuel  de  rAcad6mic 
royale  des  sciences  de  Stockholm,  adresse  k  la  Soci6t6 
les  cinq  premieres  livraisons  de  la  relation  du  voyage 
de  la  frigate  royale  su6doise  I' Eugenie. 

M.  L.  de  Rosny  adresse  un  num6ro  de  la  Revue 
americnine  orientnle,  et  en  demande  I'^cliangc  avec  le 
Bulletin  de  la  Soci6t6.  —  Renvoi  a  la  section  de  comp- 
tabilite. 

M.  Joniard  conimunique  les  nouvelles  qu'il  a  rcrucs 
de  Londres  concernant  le  voyage  des  capitaines  Burton 
et  Speke  aux  lacs  de  I'Afrique  centrale.  Le  lac  Ujiji  a 
6t6  explore  dans  une  partie  de  son  6tendue.  —  Voir 
au  Bulletin. 

M.  Malte-Brun  lit  un  passage  d'une  lettre  a  lui 
adressec  par  le  D'  B;irll),  duqiiol  11  rcsultc  que  le 
ceiebre  voyagour,  pour  se  reuiettre  de  ses  fatigues 
litt6raires,  vient  de  laire  une  excursion  dans  I'Asie 


(  213  ) 

Mineure ;  ce  nonveau  voyage  fait  esp^rer  que  le 
D''  Barth  reprendia  les  travaux  g6ographiqiies  et 
ethnographiques  qu'il  avait  d'abord  eiitrepris  sur 
I'Asie,  et  que  son  depart  pour  sa  grande  exploration 
de  I'Afriqiie  centrale  I'avait  forc6  d'ajourner, 

M.  le  secretaire  donne  lecture  de  la  liste  des  ou- 
vrages  d6pos6s  sur  le  bureau.  M.  Arthus  Bertrand 
fait  hommage,  au  nom  de  M.  Hecquard,  consul  de 
France  a  Scutari,  de  I'ouvrage  qu'il  vient  de  publier 
sous  le  titre  de  :  Histoire  et  description  de  la  haute 
Albanie  on  Gnegririe,  avec  une  carte.  —  M.  Lejean  est 
pri6  d'en  rendre  compte. 

M.  Guigniaut  presente  le  Rapport  qu'il  a  fait  a 
I'Academie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  au  nom 
de  la  Commission  charg6e  d'examiner  les  travaux  en- 
voy6s  par  les  membres  de  I'^cole  francaise  d'Atlifenes. 

La  Society  admet  au  nombre  de  ses  membres 
M.  Saillard,  attache  au  minist^re  des  affaires  6tran- 
gferes;  M.  Rousseau,  consul  de  France  a  Djeddah,  et 
M.  le  D""  C.  Poyet,  r^sidant  a  Routchouck. 

M.  le  professeur  Parlatore,  directeur  du  Mus6e 
d'histoire  naturelle  de  Florence,  est  presente  comme 
candidat  par  M.  Jomard  et  M.  le  comte  d'Escayrac. 

La  Commission  centrale  precede  a  1' Election  de 
quatro  membres  adjoints,  et  elle  nomme  au  scrutin 
MM.  Jules  Duval,  Auguste  Himly,  Alfred  Jacobs  et 
ilis^e  Reclus. 

M.  Vivien  de  Saint-Martin  lit  en  communication 
une  Note  sur  les  d^couvertes  du  R6v.  Rebmann  et  du 
D'  Rrapf  dans  la  region  orientale  del'Afrique  australe. 
Les  rapports  g6n6raux  qui  existent  6videmment  entre 


( 2ia  ) 

la  region  des  montagnes  neigeuses,  reconnues  par  les 
deux  missionnaires,  et  les  sources  du  iNil  out  ete  deji 
signal^es  plus  d'une  fois,  notamment  par  M.  Joniard, 
le  savant  et  v6n6rable  president  de  la  Soci6t6 ;  mais 
M.  Vivien  de  Saint-Martin  s' attache  a  pr6ciser  davan- 
tage  ces  rapports,  tant  par  les  indications  arabes  que 
par  le  rapprochement  d'inlormations  concordantcs  re- 
cueillies,  d'une  part,  par  le  D"^  Krapf,  et  de  I'autre, 
par  M.  Werne,  qui  accouipagnait  I'cxp^dition  de 
M.  d'Arnaud,  en  1840,  pour  1' exploration  du  fleuve 
Blanc,  et  il  arrive  k  cette  conclusion  que  la  source 
priucipale  du  fleuve  Blanc,  celle  qui  a  6t6  regard^e  de 
tout  temps  par  les  indigenes  comme  la  vraie  source  du 
Nil,  est  au  niont  R6nia,  k  une  tr6s  petite  distance  au 
sud  de  ri^quatcur.  Le  domaine  g6n6ral  des  sources  du 
fleuve,  c'est-ci-dire  de  ses  branches  alTluentes,  doit 
occuper  une  zone  d'une  6tendue  considerable  k  I'ouest 
du  mont  R6nia ;  mais  M.  Vivien  ne  croit  pas,  d'aprSs 
les  doun6es  actuellenient  acquises,  et  les  inductions 
qu'on  en  peuttirer,  qu'aucune  de  ces  sources  descende 
beaucoup  au  midi  de  la  ligne  6quatoriale. 

L'auteur  de  la  Note  signale  aussi  le  tr6s  grand  int6- 
ret,  pour  I'ethnologie  g6n6rale,  des  notions  que  Ton 
possede  aujourd'hui  sur  la  distribution  des  peuples  et- 
des  langues  de  I'Afrique  australe.  Ces  notions  rcposent 
sur  les  recherches  de  plusieurs  savants,  et,  en  parli- 
culier,  sur  celles  de  M.  Eugfeue  do  Froberville ;  les 
travaux  philologiques  du  D""  Krapf  les  out  confirmees 
et  en  ont  encore  6tendu  I'application. 

M.  Jomard  ajoute,  aprfes  cette  lecture,  qu'il  se  feli- 
cite  de  voir  sa  conjecture  sur  1' emplacement  probable 


(  215  ) 

d'une  ties  sources  principales  du  Nil-Blanc,  embrass6e 
et  confirm6e  par  1' opinion  d'un  g6ographe  aussi  6clair6 
que  M.  Vivien  de  Saint-Martin,  conjecture  6mise  d6s 
le  premier  moment  de  la  d6couverte  des  montagnes 
neigeuses  par  le  D'  Krapf  et  le  R6v.  Rebmann,  et  qu'il 
a  corrobor^e  par  le  t6moignage  d'un  capitaine  de  vais- 
seau  anglais  naviguant  au  service  du  sultan  de 
Zanzibar. 

M.  ]^lis6e  Reclus  lit  une  Notice  sur  la  Nouvelle- 
Grenade.  —  Renvoi  au  Bulletin, 


Seance  da  18  fcvrier  1859. 


MM.  Duval,  Jacobs  et  Reclus  adressent  leurs  remer- 
ciments  k  la  Commission  centrale  qui  vient  de  leur 
accorder  le  titre  de  membres  adjoints,  et  promettent 
de  prendre  une  part  active  a  ses  travaux. 

M.  Jomard  annonce,  d'aprSs  une  communication  de 
M.  Delessert,  qu'une  nouvelle  Soci6t6  de  geographic 
est  sur  le  point  de  se  constituer  a  Geneve,  et  qu'on 
sollicite  les  documents  ou  les  renseignements  qui  peu- 
vent  facditer  Tex^cution  de  ce  'projet.  Cette  Soci6t6 
est  la  neuvi^me  qui  se  sera  formee  ^  I'instar  de  la 
Soci^te  de  Paris,  qui  a  donn6  I'impulsion  en  1821. 
Ces  Soci6t6s  sont  celles  de  Londres,  de  Bombay, 
de  Francfort,  de  Berlin,  de  Russie,  de  Darmstadt, 
de  New- York,  et  de  Vienne,  sans  parler  de  plusieurs 
Soci6t6s  qui  s'occupent  de  statistique  ou  d'autrcs 
branches  de  la  science  g6ographique. 


(  216  ) 

M.  le  president  aiinonce  que,  sur  sa  locomiuanda- 
lion,  M.  le  docteur  Norton  Shaw,  secretaire  dc  la 
Soci6t6  royale  g^ographique  de  Londrcs,  a  fait  iin 
accueil  des  plus  synipathiques  a  M.  Lejean,  membra 
de  la  Commission  centrale,  pendant  son  s6jour  dans 
cette  ville. 

M.  le  secretaire  communique  la  liste  des  ouvrages 
d^pos6s  sur  le  bureau.  M.  Cortambert  y  ajoute  deux 
opuscules  de  M.  le  docteur  AUard  sur  la  Dobroutcha, 
ct  M,  Malte-Brun,  uue  Notice  de  M.  le  colonel  Faidlierbe 
sur  le  Senegal. 

M.  le  professeur  Parlatorc ,  directcur  du  Mus6e 
d'histoire  naturelle  de  Florence,  est  adiuis  au  no(nbre 
des  membres  de  la  Soci6t6. 

M.  Elis^e  Reclus  lit  la  suite  de  son  travail  sur  la 
Nouvelle-Grenade,  et  M.  Bouillet,  une  Notice  de  M.  le 
docteur  Poyet  sur  les  Zeibeks  de  I'Anatolie.  —  Ces 
deux  communications  sont  renvoy^es  au  Bulletin. 


Seance  dn  h   nuirs  185i>. 


M.  Jomard  depose  sur  le  bureau  un  M^moire  adresse 
;\  la  Societe  par  M.  le  docteur  Cuny,  avec  pri^re  de  le 
comnumiquer  d'abord  a  M.  le  comte  d'Escayrac.  M.  le 
ministre  du  commerce,  de  I'agriculture  et  des  travaux 
publics,  qui  a  transmis  cc  Memoirc  a  la  Society,  an- 
nonce  qu'il  a  fait  prendre  pour  son  departement  un 
extrait  des  renseignements  utiles  que  renferme  ce 
travail  sur  les  productions,  les  (ichanges  et  les  usages 


(217  ) 

commcrciaux  do  plusiciirs  dcs  tribiis  do  I'Afriquc  inl6- 
rieure. 

M.  Jomard  annoncc  ensiiite  le  depart  de  M.  le  D'  Cuny 
pour  le  Darfour,  ou  il  parait  etre  appel6  par  le  sultan  : 
il  a  quitt6  le  Kordofan  en  conipagnie  de  plusieui-s 
Foriens  vers  la  fin  de  I'ann^e  derni^re. 

Le  menie  membre  annonce  une  perte  bien  sensible 
que  vient  de  faire  la  Society  dans  un  de  ses  plus 
anciens  membres,  le  colonel  Coraboeuf,  ancien  chef 
de  section  au  d6p6t  de  la  guerre,  et  qui  a  attach^  son 
nom  a  la  publication  de  la  nouvelle  carte  de  France. 
Ce  savant  officier,  sorti  de  I'Ecole  polytechnique  en 
1796,  6tait  parti  en  qualite  de  capitaine,  en  1798,  pour 
I'exp^dition  d'Egypte,  et,  pendant  tout  le  cours  de 
I'exp^dition,  il  avait  ete  attache  a  I'astronome  Nouet, 
De  retour  en  France,  il  s'etait  successivement  occup6 
des  travaux  g6odesiques  en  Pigment,  en  Italic  etsurla 
frontitire  d'Espagne.  Son  travail  sur  la  chalnc  des 
Pyr6n6es  avait  refu  une  liaute  approbation  de  1' Aca- 
demic des  sciences. 

M.  Malte-Brun  communique  une  lettre  qu'il  a  refue 
de  Londres,  dans  laquelle  il  est  rendu  compte  du 
r^sultat  des  d(5marclies  faites  par  le  gouvernemcnt 
anglais  des  Indes,  pour  connaitre  la  destin^e  du  voya- 
geur  Adolphe  SchlagintMeit,  dont  on  n'a  plus  de 
nouvelles  depuis  son  entree  dans  le  Tibet  en  mai  1857. 
On  pense  qu'il  se  sera  vu  fermer  le  chemin  du  retour 
vers  rinde,  et  se  sera  dirig6,  en  traversant  le  Tur- 
kestan (khanat  de  Kokand) ,  sur  les  possessions  russes 
de  la  mer  Caspienne. 

M.  Cortambert   annonce  que  M.  de  Halin,  consul 

XVll.    MARS.    5.  15 


(  218  ) 

autrichien  a  Syra,  a  fait  r^cemmeni  nn  voyage  a  tra- 
vers  la  Turquiecl'Euro])e,depuis  Belgrade jusqu'aSalo- 
niquc;  il  a  communique  ses  notes  a  M,  Ami  Boul',  qui 
Jes  adresse  k  son  tour  a  la  Soci6te  par  Tinterm^diaire 
de  i\I.  Viqucsnel.  M.  Cortambert  donne  lecture  d'uno 
partie  de  ces  notes,  qui  indiqueut  plusieurs  positions 
nouvelles,  et  oii  se  trouvent  des  details  surdes  popula- 
tions albanaises  qui  occupent  d'iuiportants  d^fdesdela 
grande  chalne  de  laTurquieceiitrale.  —  Cette  commu- 
nication est  renvoy(5e  an  Bulletin. 

M.  Vivien  de  Saint-Martin  lit  en  communication  des 
extraits  d'un  travail  historique  sur  la  recherche  des 
sources  du  Nil.  11  s' attache  principalement  ii  la  fin  do 
son  Memoire,  comme  il  I'a  deja  fait  dans  une  commu- 
nication pr6c6dente,  a  montrer  quels  doivent  etre  d6- 
sormais  le  point  de  depart  et  la  direction  h  donner 
aux  explorations  de  cette  region  de  I'Afrique  centrale. 


Seance  dn  18  viars  1859. 


M.  Justus  Perthes,  directeur  de  I'etablissement  g6o- 
graphique  de  Gotha,  6crit  k  la  Soci6t6  pour  lui  faire 
don  de  carte  de  la  Palestine  de  M.  Van  de  Velde,ainsi 
(pic  du  Mt^moire  qui  I'accompagne. 

M.  Ic  secretaire  comnmnique  la  liste  des  autres 
Guvragcs  ofTerts  a  la  Society. 

M.  de  Quatrefagcs  depose  sur  le  bureau  des  Notes 
([u'il  a  rcfues  de  M.  Antoine  d'Abbadie  sur  les  nfegres 
do  I'Kthiopie.  —  Renvoi  au  Bulletin. 

M.  le  comte  d'Esrayrnc  nimonce  fpi'il  a  reni  do  l.i 


(  219  ) 

Soci6t6  le  M^moire  et  la  lettre  qti'elle  a  bien  voulu  lui 
transmettre  de  la  part  de  M.  le  doctenr  Cuny,  ancien 
m^decin  en  chef  dans  la  haute  Egypte. 

Cette  lettre,  k  la  date  du  25  niai  1858,  lui  apprend 
I'arrivee  de  ce  voyageur  dans  le  Kordofan.  M.  Cuny 
allait  se  rendre  dans  le  Darfour,  et  il  doit  y  etre  depuis 
longtemps;  il  a  rencontre  quelques  obstacles  et  couru 
quelques  dangers  de  la  part  des  autorites  du  pays  pen 
d^sireuses  de  voir  les  Europ6ens  p6n6trer  dans  I'inte- 
rieur  de  I'Afrique,  et  le  secret  avait  du  etre  garde 
d'une  maniere  a  peu  prfes  complete  sur  son  voyage 
jusqu'au  moment  ou,  p6n6trant  enfin  dans  le  Darfour, 
il  s'est  vu  k  I'abri  d'un  p6ril  que  la  publicity  donn6e 
en  Europe  k  son  entreprise  eut  notablement  accru. 

M.  d'Escayrac  ajoute  que,  d'apr^s  le  d^sir  de 
M.  Cuny,  il  reverra  son  M6moire  relatif  k  la  premiere 
partie  de  son  voyage  dans  la  Nubie  et  le  Kordofan,  et 
qu'il  le  publiera  dans  le  Bulletin,  si  la  Soci6t6  Ten  juge 
digne. 

M.  Joniard  lit  une  Notice  f{ui  lui  a  6t6  adress(5e 
par  M.  le  chevalier  Leon  de  Pontelli,  voyageur  dans 
I'Am^rique  centrale ;  ses  observations  portent  prin- 
cipalement  sur  les  productions  du  pays  et  sur  les 
antiquit6s. 

Le  meme  niembre  doniie  connaissance  d'une  lettre 
par  lui  6crite,  apr6s  la  decouverte  de  la  montagne  nei- 
geuse  de  KC^nia,  par  MM.  Krapf  et  Rebmann,  et  dans 
laquelle  il  avance  que  la  source  de  la  branche  la  plus 
orientale  du  Bahr-el-Abyad  doit  etre  peu  61oign6e  de 
cette  montagne,  de  maniere  qu'il  faudrait  plutot  se 
(linger  de  cf  cote  que  de  rcinonler  le  Nil-Blanc,   a 


(   !>20   ) 

[>;irlii' tlu  posli'  ill'  l;i  mission  juilricirK'iiiic.  route  plus 
longue  et  probaMcmeul  plus  dillicilc. 

M.  Vivien  dc  Saint-.Martin  ajoute  qiiclques  mols  a 
cette  communication.  II  apprend  avec  ini  vif  intOrOt 
(pi'il  y  a  trois  ans  dcja,  dans  I'intimite  dc  sa  corrcs- 
pondance  priv6e,  M.  Jomard  avait  eu,  sur  la  iiouvcUe 
direction  et  le  point  dc  dispart  nouveau  qu'il  imporlc- 
rait  de  donncr  aux  explorations  dc  la  region  des  sources 
du  Nil,  Ics  mcmes  idees  que  lui-mcme,  M.  Vivien  dc 
Saint-AIartin,  a  emiscs  ct  developp6es  dans  une  com- 
munication recente  qu'il  a  faitc  a  la  Soci6t6.  II  se  fcli- 
citc  de  s'etre  ainsi  rencontr6  avec  iin  liommc  qui  a 
acquis  sur  ce  sujet  une  si  grande  et  si  legitime  auto- 
rite.  11  y  a  la  une  question  dont  la  Soci6t6  appreciera 
r  importance. 

M.  d'Avezac  sigualc  ^  1' attention  dc  la  Societc  deux 
cartes  manuscrites  du  moyen  age,  dont  la  ventc  pro- 
chaine  est  annoncee  a  la  suite  de  celle  des  livres  dc 
M.  Boissonadc.  Ce  sont  deux  portulans  de  la  Medi- 
lerranee  et  de  la  mer  Noire,  avec  les  cotes  voisines  sur 
r Ocean,  dessines  sur  peau  de  v61in  par  deux  cosmo- 
graphes  mayorquins.  Pourl'un  et  pourl'autre,  il  y  a, 
quant  a  leur  age,  erreur  evidente  dans  les  indications 
du  catalogue  :  la  plus  recente  des  deux  cartes  a  etc 
ox6cutec  par  Barthelemi  Olives,  a  Messinc,  en  I'an- 
'n6e  1575,  comme  ou  peut  le  lire  avec  assurance  sur 
I'original,  et  non  en  1075,  comme  cela  est  imprimd' 
tlans  le  catalogue.  L' autre  carte,  non  dalee,  et  desi- 
gnee simplement  comme  anterieure  au  milieu  du 
xV  si^cle,  est  beaucoup  plus  ancieune,  etM.  d'Avezac, 
qui  I'a  examinee,  sigualc  divorscs  indications  lieraldi- 


(  221   ) 

qucs  qui  Ion  I  rcinontor  avcc  certitude  la  date  probable 
do  la  rt'daction  k  une  6poque  ant(5rieure  a  la  conquete 
de  la  Bidgarie  par  les  Tartares,  c'est-i-dire  h  I'an- 
n6e  1391 ,  tout  en  restant  en  deci  de  I'ann^e  1375,  ou 
la  petite  Armenie  fut  envahie  par  les  Musulmans.  Cette 
carte  appartient  ainsi  a  une  periode  dont  les  monu- 
ments ont  une  valeur  historique  bien  sup6rieure  a  celle 
des  productions  plus  recentes ;  et  malgre  d'assez  graves 
atteintes  qu'elle  a  subies  a  sa  marge  inferieure  de  la 
part  des  rats  qui  Font  dentelec,  cllc  olTrc,  pour  le  sur- 
plus, un  des  echantillons  les  mieux  conserves  de  la 
cartographic  du  moyen  age. 

Le  nom  dc  Soleri,  dont  elle  est  sign^e,  est  d^j^connu 
par  une  carte  de  1385  qui  se  trouve  aux  archives 
diplomatiques  de  Florence. 

M.  d'Avezac  annonce  qu'au  surplus  il  conmiuni- 
quera  ulterieurement  a  la  Societe  une  iNotice  sp6ciale 
de  ce  beau  portulan. 

M.  Jos6  Maria  Samper  lit  une  Note  sur  la  statisti({ue 
de  la  Confederation  grenadine  a  la  fin  de  1858.  —  Cct 
int^ressant  document  est  renvoye  au  Bulletin. 

La  Commission  centrale  accepte  Tcchange  de  la 
Rei'iic  aiiu'ricaiiie  et  nriciitale  avec  SOU  Bnllelin, 

La  premitire  assemblee  g6n6rale  de  1859  est  fix6e 
au  8  avril  prochain. ' 


(  '2'2i  ) 
OUVilAGES  OFFEllTS  A   LA  SOCIETE. 

SfiANCES    DE    MA15S    1859. 


Tilres  des  ouvrages.  Donateuis. 

ASlt:. 

Memoir  to  accompagny  the  map  of  the  Holy  Land,  by  C.-W.  M.Vaii 
dc  Veldo.  Gollia,  1S58,  1  vol.  in-8.  M.  Justus  Pehthes. 

AMERIQUE. 

Pcregrinacion  de  Alpha  por  las  provincias  del  Norte  de  la  Nueva  Gra- 
nada en  1830-1851.  Bogota,  1833,  1  vol.  ia-12.  M.  Ancizar. 

A  statistical  view  of  amcrican  agriculture,  its  home  resources  and 
foreign  markets,  with  suggestions  for  the  sdieduies  of  the  federal 
census  in  1860,  by  John  Jay,  esq.  New-York,  1839,  br.  ia-8. 

M.  John  Jay. 

Canal  dc  Nicaragua.  Notice  sur  la  navigation  Iraiisatlantique  des  pa- 
qncbols  intcroceaniques  ou  Recherchcs  sur  Ics  routes  de  plus  court 
Irajet  d'Europe  a  Saint-Jcan  de  Nicaragua  et  retour,  et  sur  le 
regime  des  courants,  des  vents  et  des  tempAtes  dans  I'oc^an  Atlan- 
lique  septentrional,  par  M.  Keller,  ingcnieur  hydrographe  de  la 
marine.  Paris,  1839,  1  vol.  in-8. 

COMPAGNIK  l)U  CkSKl.  DE  NiCMlAUUA. 

CARTES. 

Map  of  the  Holy  Land,  by  C.-W.  M.  Van  de  Velde.  Golha,  1858, 
8  feuillcs.  M.  Justus  Perthes. 

Carte  de  IWIIemagnc  occideutale,  avec  Notice  dressce  par  M.  Dufour 
et  publi^c  par  MM.  Paulin  et  Le  Chevalier,  1  feuillc. 

MM.  PaUMN  Cl  LECHEVALlEn. 

OUVRAGES  GliNERAUX,  MEL\NGE.S. 

Annales  de  lobservatoire  physique  central  de  Uussie,  publiees  par 
ordredc  S.  M.  1.,  sous les auspices  deS.  Kxc.  M dc  IJrock,  niinistre 


(  2-23  ) 

Titles  (les  ouvi-agca.  Dotiatews. 

des  finances  el  chef  du  corps  des  ingi^iiicurs  des  mines,  par 
A.-T.  KuplTer,  dirccteur  de  I'observatoirc  physique  central.  An- 
n^e  1855.  Sainl-l'elersbourg,  1857,  2  vol.  in-4. 

S.  Exc.  M.  DE  Brock. 

Almaiiaque  naulico  para  1860,  calcuiado  de  orden  de  S.  M.  en  el 
obscrvatorii)  de  marina  de  la  ciudad  de  San  Fernando.  Cadix,  1858, 
I  vol  in-8.  L'Obseiivatoire  de  San  Fernando. 

ME.MOIRES   DES   ACADEMIES  ET    SOCIETGS   SAVANTES, 
RECUEILS    PERIODIQUES. 

Proceedings  of  the  royal  geographical  Society  of  London,  vol.  Hi, 
a°  1,  1859.  —  Mittheihingen  duD'  A.  Petcrmann,  n°  1,  de  1859. 

—  Zeitschrifl  filr  allgemeine  Erdkunde  ,  novembre  et  decem- 
bre  1858.  —  Journal  of  the  Franklin  Institute,  fevrier.  —  Archives 
des  missions  scientiOques  ct  litt^raires,  tome  VIII,  1858.  —  Nou- 
velles  Aunales  des  voyages,  fevrier.  —  Revue  de  I'Orient,  de  I'Al- 
g6rie  et  des  colonics,  fevrier.  —  Dulletin  de  la  Soci^t^  g^ologique 
de  France,  fi^vrier.  —  Bullelin  de  la  Societe  impc-riale  zooiogique 
d'acclimaliou,  Janvier  et  fdvrier.  —  Annuaire  de  la  Soci(*t^  ra^t^o- 
rologique  de  France,  fevrier.  — Nouvcau  journal  des  connaissances 
utiles,  mars.    —  Journal   des   Missions   (^vangt'liques,  fdvrier.  — 

—  Journal  dYducalion  populaire,  fevrier.  —  Bulletin  de  la  Soci6t6 
d'agriculture  el  de  commerce  de  Caen,  cahiers  d'octobre  1858  a 
fevrier  1859.  —  L'Isthme  de  Suez,  n°  66. 

Les  Auteurs  et  Editeurs, 


Erratum  des  cahiers  de  Janvier- fevrier . 

Page   151,  ligne  20,   au  lieu  de  :  Carte  de   I'Asie   Miueure,   par 
)rca(i(/e/,  lisez  ;  Carte  de  I'Asie  Mineure,  par  Wronlchenko. 


4 


i 


BULLETIN 


DE   LA 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE. 


AVRIL    1859. 


ISIeuioires,  IVotices,  etc. 


Assemblee  generals  du  8  avril  1859. 


OUVERTURE    DE    LA   STANCE    PAR   M.    DE   LA   ROQUETTE, 
V.  president  de  la  Soci6t6. 

Messieurs, 

L' absence  prolong^e  de  M.  le  g6n6ral  de  division 
Daumas,  que  les  hautes  fonctions  qui  lui  ont  6t6  con- 
fines par  I'empereur  retiennent  encore  au  camp  de  Lun6- 
ville,  m'appelle  pour  la  seconde  fois  dans  cette  session 
i  i'honneur  de  pr6sider  votre  assemble. 

Je  regrette,  Messieurs,  de  ne  pas  voir  votre  honorable 
president  assis  aujourd'hui  sur  ce  fauteuil  qu'il  eut  si 
dignement  occupy ;  etj'oseesp6rerquevousaccorderez 
h.  celui  qui  le  remplace  la  meme  bienveillance  qu'il  a 
obtenue  de  vous  en  1858  (1). 

(1)  Voirle  procfes-verbal  de  I'Assembl^e  g^o^rale,  p.  309. 
IVII,    AVRIL.    1.  1(5 


(  226  ) 


RAPPORT  SUR  LE  PRIX  ANNUEL 

POUR  LA  DtCOUVERTE  LA  PLUS IMPORTANTE  EN  GtOGRAPHIE 
PENDANT  LE  GOURS  DE  l'aNN£e  1856. 


Commissaircs  :  MM.Daussy,  d'Avezac,  Jomard,  Vivien  de  Saint-Martin, 
ct  de  La  Roquelte,  rapporteur. 


Messieurs, 

Tous  les  ans,  la  Soci6t6  de  g6ographie  oiTre,  sur  le 
Rapport  d'lme  Commission  sp6ciale,  uii  grand  prix  au 
voyageur  qiii,  pendant  le  cours  d'une  ann6e  determi- 
n6e,  a  fait  la  d6coiiverte  la  plus  importante. 

La  Commission  speciale  61ue  en  1859  par  votre 
Commission  centrale,  a  I'efTet  d' examiner  la  question 
du  prix  pour  I'annee  1856,  s'est  trouv6e  compos6e  de 
MM.  Daussy,  d'Avezac,  Jomard,  Vivien  de  Saint-Martin 
et  de  la  Roquette,  que  gcs  collogues  ont  bien  voulu 
designer  comme  rapporteur. 

C'est  le  r(^sultat  des  deliberations  de  votre  Com- 
mission speciale  qup  je  viens  mettre  sous  vos  yeux ; 
elle  s'est  accord6e  a  I'unaniinit^,  aprfes  un  exameii 
long  et  consciencicux,  pour  deccnier  votre  graude 
medaille  d'oraMM.  Adolplic,  Hermann  et  Robert  Schla- 
gintweit,  voyageurs,  geologues,  naturalistes  et  pliysi- 
ciens  bavarois,  pour  leurs  explorations  du  Tibet  et 
du  Turkestan  oriental,  et  pour  les  d(^couvertes  qu'ils 
ont  faites  a  I'ouest,  au  nord  et  au  nord-ouest  des  monts 
Himalaya. 


(  227  ) 

Ces  trois  frferes  vous  6taient  d6j&  fort  avantageuse- 
mentconnus,  Messieurs,  par  les  beaux  travaux  ex6cut6s 
par  eux,  de I8Z16  a  i  8A8 et  de  1850 a  185Zi,  sur  la g6ogra- 
phie  physique  et  la  geologic  des  Alpes,  travaux  qui  leur 
avaient  acquis  une  place  distingu6e  parmi  les  g6ogra- 
phes  et  les  naturalistes,  dont  notre  Acad6mie  des 
sciences  appr6cia  le  m^rite,  et  dont  votre  Bulletin  a 
fait  plusieurs  fois  mention,  lorsque  s'offrit  une  occa- 
sion unique  d'6tendre  leurs  explorations  sur  le  plus 
vaste  des  theatres! 

La  mort  du  capitaine  William  Elliot,  arriv6e  k 
Masulipatam  le  li  aout  185*2,  ayant  laiss6  inachev6  le 
lev6  magn6tique  de  I'lnde  {The  magnetic  Suri'ey  of 
India),  la  Compagnie  anglaise  des  Indes  orien tales 
cherchait  a  lui  donner  un  digne  successeur.  Inform6 
de  cette  circonstance,  M.  Bunsen,  ambassadeur  de 
Pnisse  k  Londres,  la  fit  connaitre  a  M.  le  baron 
Alexandre  de  Humboldt,  et  ce  v6n6rable  et  illustre 
doyen  de  la  science,  qui  avait  concu  une  haute  id6e 
des  talents,  du  zele  et  de  I'activite  des  frferes  Schla- 
gintweit,  lesrecommanda  a  M.  le  colonel  William  Sykes, 
membre  dela  Chambre  des  communes,  I'un  des  direc- 
teurs  influents  de  la  Compagnie  des  Indes,  lui-meme 
savant  distingu6,  connu  par  d'excellents  ouvrages,  en 
6tat,  par  consequent,  d'appr6cier  le  m^rite  des  autres. 
Adolphe  Schlagintweit  fut  invito  a  se  rendre  a  Lon- 
dres, et  dans  les  premiers  mois  de  1854  il  entra  au 
service  de  la  Compagnie  des  Indes  (1). 

Cette  puissante  Compagnie,  qui,  dans  une  multitude 

(1)  Le  brevet  purtait  :  r  ou  lui,  ou  I'un  de  ses  fr^res.  » 


(  228  ) 

d' occasions,  s'est  montr^e  la  protectrice  6clair6e  et 
g6n6reuse  des  plus  importantes  entrepriscs  scientifiques 
en  faisant  abstraction  des  nationalit6s,  se  montra  en- 
core en  cette  occasion  on  ne  pent  plus  lib6rale.  Outre 
une  importante  allocation  annuelle  accord6e  a  Adolphe 
Schlagintweit,  elle  consacra  une  somme  d'environ 
trente  mille  francs  a  1' acquisition  des  instruments  de 
toute  nature  dont  il  manifesta  le  besoin,  ct  se  chargea, 
de  plus,  de  tous  les  frais. 

G'eiait  Adolphe  Schlagintweit  seul,  le  second  des 
trois  frferes,  gui  avail  d'abord  trait6  avec  la  Compa- 
gnie,  mais  Hermann  et  Robert  avaient  6t6,  sur  sa 
demande,  autoris6s  a  I'accompagner.  A  peine  eurent- 
ils  touch6  le  sol  indien  que  lord  Dalhousie,  alors  gou- 
verneur  general,  chargea  ces  deux  derniers  de  concou- 
rir  aux  travaux  d' Adolphe;  ils  devinrent  ainsi,  comme 
lui,  attaches  a  la  Compagnie,  qui  leur  alloua  le  meme 
traitement  et  leur  accorda  les  memes  avantages. 

Embarques  a  Southampton  le  20  septembre  1854 
k  bord  du  navire  a  vapeur  V  Indus,  MM.  Schlagintweit 
se  dirigerent  d'abord  sur  Bombay,  par  la  voie  de 
I'Egypte.  De  Bombay,  ou  ils  6taient  arrives  le  16  oc- 
tobre,  les  trois  freres,  apr^s  avoir  termine  qudques 
pr6paratifs  preliminaires,  firent,  chacun  de  leur  c6t6, 
I'exploration  des  parties  int6rieures  du  pays,  6tudi6- 
rent  successivement  le  Dekkan  et  d'autrcs  provinces 
m^ridionales  de  I'lnde  et  se  r(^unircnt  k  Madras.  De 
cette  ville,  ils  se  rendirent  par  mer  a  Calcutta,  oil  ils 
sejournferent  environ  trois  semaines. 

MM.  Schlagmtweit  se  s6parant  alors  pour  la  scconde 
fois,  Hermann  visita  pendant  I'ann^e  qui  s'6coula  du 


(  229  ) 

mois  de  mars  1855  au  mois  de  mars  1856,  le  Bengale, 
la  region  de  1' Himalaya  comprise  dans  le  Sikkim,  la 
fronti^re  orientale  du  N6pal,  les  terrains  montagneux 
des  Nagas  et  des  Rhassias,  le  Bouthan,  I'Assam,  le 
delta  du  Gange  et  du  Brahmapoutre,  I'Oude,  etc.  Ce 
fut  de  la  crete  Singalila  qui  s6pare  le  N^pal  du  Sikkim 
qu'Hermann  mesura  le  pic  de  Ganrisankar,  qu'il  con- 
sidSre  comme  la  plus  haute  sommit6  du  globe.  C'est 
6videmment  le  mont  Everest  dont  le  colonel  Waugh, 
qui,  ne  I'ayantvu  que  des  plaines  et  k  une  assezgrande 
distance,  n'avait  pu  apprendre  le  nom  que  lui  don- 
naientles  habitants,  lvalue  I'd^vation  a  8840  metres  (1) 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 

Pen  de  temps  aprfes,  Hermann  mesura  aussi  dans  le 
Sikkim^  parmi  un  grand  nombre  de  pics  tres  6lev^s,  le 
Kanchinjinga,  voisin  et  rival  du  Ganrisankar,  auquel  le 
colonel  Waugh  avait  donn6  8582  metres  de  hauteur  (2). 
Deux  magnifiques  aquarelles  de  ces  deux  pics  gigan- 
tesques,  ceuvre  d'Hermann,  qu'il  a  bienvoulume  com- 
muniquer,  sont  depos6es  sur  le  bureau. 

MM.  Schlagintweit  n'ayant  point  calculi  encore  les 
hauteurs  de  ces  deux  pics,  ont  cru  devoir  adopter  pro- 
visoirement  celles  du  colonel  Waugh,  qui,  par  unexcfes 
de  modestie  vraiment  scientifique,  6crivait  dans  une 
lettre  du  5  aout  1857,  ins6r6e  dans  les  Proceedings  de 
la  Soci6t6  geographique  de  Londres  (vol  H,  no  2)  : 
((  Nous  ne  savons  pas  d'une  manifere  certaine  que  le 
»  mont  Everest  est  le  point  le  plus  61ev6  :  tout  ce  que 

(1)  29  002pipds  anglais. 

(2)  28  1S6  pieds  auglaii. 


(  230  ) 

»  nous  savous,  c'est  qu'il  est  le  point  le  plus  61ev6  que 
n  nous  avons  mesure.  » 

A  la  station  anglaise  de  Simla,  plac6e  an  sud-est  de 
Lahore,  Hermann  rencontra  Adulphe  et  Robert,  qui, 
dans  le  mois  d'avril  1855,  s'^taienl  rendus  de  Calcutta 
il'Himalaya,  occidental  par  Benares,  Allahabad,  Agra 
et  Fatihgarh ,  et  avaient  Iranchi  la  frontifere  du 
Tibet. 

Quoique  compl6tement  deguist^s  en  Bouthias  (c'est 
le  nom  des  habitants  des  parties  les  plus  61ev6es  de 
I'Himalaya),  les  inspecteurs  chinois  reconnurent  n6an- 
moins  qu'ils  6taient  Europ^ens  et  voulurent  les  forcer 
de  retourner  sur  leurs  pas.  Mais  apr^s  une  resistance 
opiniatre,  nos  intr6pides,  et  peut-etre  imprudents  ex- 
plorateurs,  persist^rent  dans  leur  resolution,  menacant 
d' employer  la  force  si  cela  dcvenait  necessaire.  Leur 
attitude  r6solue,  et  surtout  quelques  sommes  offertes 
par  eux  aux  inspecteurs,  lev6rent  tons  les  obstacles.  lis 
purent  continuer  leur  voyage  dans  le  Tibet,  mais  avec 
une  escorte  chinoise  dont  ils  parvinrent  h.  obtenir 
bientot  le  d6vouement,  probablement  par  le  meme 
moyen.  Ils  visitferent  alors  sans  diflicult6s  les  sources 
de  r Indus  et  du  Sutlej,  les  environs  des  lacs  sacr^s  de 
Mansaraur  et  de  Rakus,  ainsi  que  Gartok,  ville  de 
commerce  la  plus  importante  de  cette  contr6e. 

£n  se  rendant  de  Gartok  dans  le  Gerhval ,  ils 
reconnurent  un  vaste  groupc  de  glaciers  qui  en- 
tourent  I'lbi-Gamin ,  montagne  eiev^e  de  plus  de 
7  700  mitres  (1).  Apr6s  etre  rest6s  dans  ces  regions 

(1)  25  600  pieds  anglaii. 


(  231  ) 

glaciales  une  huitaine  de  jours  qu'ils  employ6rent  a 
I'examen  des  glaciers,  a  dresser  des  cartes,  et  a  faire 
des  observations  physiques,  nos  deux  voyageurs  con- 
tinuerent  leur  route,  et  ce  ne  fut  qu'au  bout  de  six 
mois,  qu'avait  dur6  leur  excursion,  qu'ils  revirent 
des  arbres. 

Pendant  qu'Adolphe  retournait  du  Gerhval  dans  le 
Tibet,  et  descendait  ensuite  a  Massuri,  situe  au  pied 
de  r Himalaya,  par  le  col  de  Nelong  et  la  vallee  du 
Gauge  sup6rieur,  Robert  visitait  les  valines  6troites  et 
peu  connues  situ^es  entre  la  Jumna  et  le  Gauge,  et 
s6par6es  entre  elles  par  des  defiles  quelquefois  de  plus 
deiOO  metres  (1). 

Le  17  octobre,  Adolphe  et  Robert  se  trouvferent  r6u- 
nis  a  Massuri,  qu'ils  ne  tardferent  pas  a  quitter  pour 
continuer  ensemble  leur  voyage  en  traversant  Dehli, 
Agra  et  Sager.  Adolphe,  marchant  ensuite  vers  le  sud, 
parvint  a  Madras  vers  le  milieu  de  f^vrier  1856.  II 
explora  alors  la  contr6e  situ6e  entre  Trichinapoli  et  le 
cap  Comorin,  la  chaine  des  Nilgheris  ou  montagnes 
Bleues  ;  il  se  rendit  plus  tard,  a  Calcutta,  et  ensuite 
par  la  route  d6ja  connue  le  long  de  la  vallee  du 
Gange,  de  Calcutta  a  Simla,  qu'il  atteignit  au  mois 
d'avril  suivant. 

Pendant  I'hiver  de  1855,  Robert  avait  examine  les 
parties  centrales  de  I'lnde,  et  sp6cialement  les  monts 
Vindhya,  qu'on  en  doit  regarder  comme  le  nceud.  Les 
forets  6paisses  et  malsaines  et  I'^tat  sauvage  des  ha- 
bitants appartenant  aux  races  primitives  de  cette  vaste 

(1)  1300  k  liOO  piedi  aoglaU. 


(  232  ) 

contr^e,  ont  jusqii'ci  present  ferm6  prcsque  enti6re- 
ment  ces  int6ressantes  montagncs  et  leurs  vall6es  aux 
voyage urs  Strangers;  aussi  les  notions  g6ographiques 
qu'on  est  parvenu  k  recueillir  k  leur  sujet  n'6tant  fon- 
dles que  sur  les  vagues  rapports  des  habitants,  n'of- 
fraient,  pour  la  plupart,  que  des  erreurs.  On  avait  cru, 
parexemple,  d'aprfes  ces  rapports,  pouvoir  donner 
une  trfes  grande  616vation  moyenne  a  I'Amarkantak, 
plateau  dans  les  environs  duquel  plusieurs  des 
principaux  fleuves  de  I'lnde  prennent  leur  source, 
tandis  que ,  d'apr^s  la  determination  de  Robert , 
cette  616vation  ne  d6passe  pas  neuf  cents  et  quelqnes 
metres  (1). 

Les  diff^rentes  races  primitives,  celles  des  Bhils, 
desKols,  etc.,  dont  on  ne  connaissait,  pour  plusieurs 
du  moins,  que  les  noms,  ont  6t6  6tudi6es  par  lui 
avec  le  plus  grand  soin ;  et  il  a  eu  occasion  de  me- 
surer  plusieurs  individus,  de  faire  leurs  photogra- 
phies, ainsi  que  des  moules  plastiques  de  leurs  figures, 
et  de  recueillir  des  vocabulaires  de  la  langue  parl6e 
par  ces  races,  idiomes  qui  lui  semblent  prfes  de  s'6tein- 
dre.  Ces  observations  ont  d'autant  plus  d'importance 
que  ces  tribus,  autrefois  trfes  nombreuses,  mais  r6- 
duites  en  ce  moment  k  un  trfes  petit  nombre  d' indi- 
vidus, ne  tarderont  probablement  pas,  suivant  notre 
voyageur,  a  disparaitre  compl6tement,  ainsi  que  cela 
a  eu  lieu  pour  plusieurs  tribus  indigenes  de  TAm^- 
rique. 

En  qnittant  I'Amarkantak,  Robert  se  dirigea  sur 

(2)  3000  piedi  aaglaii. 


(  233  ) 

Allahabad,  visita  Agra  et  Dehli,  d'oii  il  se  rendit  h 
Simla ;  la  il  ne  tarda  pas  k  etre  rejoint  par  Hermann  et 
Adolphe. 

Pendant  les  quatre  semaines  de  leur  s6jour  dans 
cette  station,  les  trois  frferes  employferent  leur  temps  k 
verifier  et  a  comparer  les  differentes  observations  faites 
par  eux,  ainsi  que  les  instruments  dont  ils  s'6taient 
servis,  k  se  preparer  enfin  pour  le  prochain  voyage 
qu'ils  se  proposaient  de  faire  dans  le  Ladak,  le  Cache- 
mire  et  au  Balti.  lis  furent  second6s  de  la  manifere  la 
plus  amicale  et  la  plus  active  par  lord  "William  Hay,  k 
cette  6poque  premier  ofiicier  civil  de  la  Compagnie  a 
Simla,  dont  ils  reconnaissent  que  les  conseils  leur  fu- 
rent d'une  grande  utility,  et  avec  lequel  ils  discut^rent 
le  plan  d'une  nouvelle  excursion,  dont  Ja  realisation 
leur  promettait  les  r^sultats  les  plus  brillants. 

Dans  le  nouveau  plan  qu'ils  s'6taient  trac6,  de  nou- 
velles  d^couvertes  purement  geographiques  ne  de- 
vaient,  nous  le  reconnaissons,  figurer  qu'en  seconde 
ligne;  c'6tait  principalement  sur  les  d^couvertes  stric- 
tement  scientifiques,  sur  le  magnetisme  terrestre,  sur 
la  geologic  et  sur  la  physique  g^n^rale  de  la  terre 
qu'ils  devaient  fixer,  et  qu'ils  ont,  en  effet,  fix6  plus 
sp6cialement  leur  attention.  Mais  on  apprend  nean- 
moins,  par  leurs  rapports  ofTiciels  adress^s  mensuelle- 
ment  a  la  cour  des  directeurs  de  la  Compagnie  des 
Indes,  dont  plusieurs  dat^s  d'Agra,  de  Simla,  de  Leh, 
de  RawuU-Pindee,  de  Bhooj  dans  le  Rutch,  ont  6t6 
imprimis  par  ordre  de  la  Compagnie,  soit  a  Lahore, 
soit  k  Agra,  soit  a  Calcutta ;  qu'en  explorant  des  con- 
tr6es  peu  ou  point  connues,  surtout  dans  1' Himalaya, 


(  nil  ) 

ainsi  qu'au  nord  et  a  I'ouest  ilu  Tibet,  les  frferes 
Schlagintweit  out  constamment  clierch6  et  sont  par- 
venus a  fairc  faire  des  progr^s  remarquables  k  la  g6o- 
graphie  dii  globe.  Des  informations  tout  a  fait  neuves 
sur  la  configuration  des  pays  qu'ils  ont  visit^s  les 
premiers,  sur  la  direction  et  la  hauteur  de  plusieure 
chaines  de  montagnes  et  des  valines  qu'elles  enserrent, 
sur  les  races  et  les  idiomes  de  leurs  habitants,  enfin 
les  cartes  dress6es  par  eux,  d'aprfes  des  observations 
astronomiques  sur  lesquelles  la  situation  de  plusieurs 
localit6s  inconnues  jusqu'alors  a  (''t6  plac6e,  tandis  que 
d'autres  ont  6t6  rectifi^es,  d6niontrent  suflisanunent 
quelle  part  de  reconnaissance  les  g6ographes  doivent 
aux  trois  savants  bavarois. 

L'un  des  rapports  officiels  dont  nous  avons  d6ji 
parl6,  portant  le  n"  8  et  dat6  de  Leh,  26  septem- 
bre  1856,  ou  ils  avaient  6tabli  un  observatoire  magn6- 
tique  et  le  d^pot  de  leurs  instruments,  nous  fait 
connaitre  qu'Hermann  et  Robert  ayant  quitt6,  le 
24  juillet,  cette  capitale  du  Ladak,  ou  ils  s'etaient 
rendus  d6guis6s,  suivant  Icur  habitude,  par  des  routes 
diff^rentes,  explor^rent  le  Turkestan  proprement  dit. 
En  traversant  et  en  contournant  le  Karakorum  et  le 
Ruen-Lun,  qu'on  avait  repr6sent6s  jupf|u'a  eux  comme 
une  seule  et  meme  chaine  (1),  ils  reconnurent  qu'ils 

(1)  Eo  cffet,  la  chatue  de  montagnes  que  le  major  Alex.  Guunin- 
gham  appclle  Karakoram-Range,  dans  la  carte  qui  accompagne  son 
voyage  au  Ladak  (Londres,  185i),  est  uumm6c  Mustagh  ou  Kucn- 
Lun  par  Ic  D'  Thomas  Thomson,  dans  la  carle  joinic  h  son  voyage 
n  Western  Himalaya  and  Tibet,  »  public  h  Londres  en  1852.  Ces 
deux  chaines  ont  la  m^me  forme,  sont  sitndes  k  la  m6me  latitude, 


(  235  ) 

en  formaient  r^ellement  deux  tout  k  fait  distinctes  et 
ayaiit  une  orientation  diff^rente.  Ce  fut  aprfes  avoir 
pass6  la  chaine  plus  septentrionale  du  Kuen-Lun,  que 
nos  explorateurs  descendirent  dans  la  grande  vall6e 
de  Yarkand,  vaste  depression  de  900  a  1200  metres, 
qui  s6pare  le  Kuen-Lun  du  Saian-Slian,  ou  plus  g6- 
n6raleinent,  ainsi  que  le  disent  MM.  Schlagintweit,  les 
montagnes  de  la  haute  Asie  au  nord  de  I'lnde,  des 
montagnes  de  I'Asie  centrale  au  sud  de  la  Russie.  lis 
visitferent  cette  region,  d'autant  plus  int6ressante  k 
explorer,  qu'elle  n'avait  6t6  travers^e  par  aucun  Euro- 
p6en,  et  qu'en  outre  des  observations  de  magn6tisme 
terrestre,  de  temperature,  etc.,  on  pouvait  y  6tudier 
la  formation,!' age  et  les  directions  de  chaines  de  mon- 
tagnes que  les  voyageurs  modernes  considferent  comme 
compietement,  ou  en  grande  partie  inconnues  (1). 


enlre  les  m^mes  degr^s  de  longitude,  et  offrent  toutes  deux  h  leur 
centre  le  col  «  Karakoram-Pass  »  que  nous  appelons,  avec  presque 
tousles  voyageurs  etg^ographes,  M.  le  baron  de  Humboldt  entreautres, 
Karakorum.  II  nous  paralti  utile  de  citer  textuellement  k  cette  occa- 
sion une  phrase  dc  la  prc^face  du  voyage  du  D'  Thomas  Thomson  dans 
I'Himalaya  occidental  et  le  Tibet :  «  The  orthography  of  oriental  names 
«  is  a  question  of  great  difficulty,  and  grave  objections  may  be  urged 
»  against  any  system  which  has  been  proposed...  » 

(1)  «  TheKardkoram,  or  rrans-Tibeton  chain,  dit  le  major  Alexander 
Cunningham,  p.  43  de  sa  description  du  Ladak,  imprimde  a  Londres 
en  183i,  «  forms  the  natural  boundary  of  Ladak,  and  the  small 
»  Musulman  districts  of  Baiti,  Hunza-Nager,  and  Gilgit  on  the  north. 
«  Nothing  whatever  is  hioivn  of  this  range  to  the  eastward  of  the 
»  upper  Shayok  river,  and  of  the  northern  portion  we  know  but  little.  » 

Et  je  vois  dans  une  lettre  que  M.  le  baron  de  Humboldt  m'a  fait 
houneur  de  m'ecrire  de  Berlin,  le  15  mars  dernier,  la  citation  tui- 


(  236  ) 

Rcvenus  au  point  do,  depart  de  Leh,  les  deux  freres 
gagnerent  le  Penjab  par  des  chemins  differents  k  tra- 
vers  le  Caclieinii-e. 

Presqiie  pendant  le  meme  temps,  c'est-a-dire  de 
mai  a  novembre  1856,  Adolphe,  qui  avait  quitt6  Simla 
le  28  mai,  arriva,  le  26  juin,  en  se  dirigeant  par  Rulu 
et  Lahoul,  a  Zanskar,  dans  le  Tibet,  et  s'occupa  par- 
ticuli^rement  de  I'examen  des  parties  occidentales  de 
cette  region  et  d'une  portion  considerable  de  la  chainc 
du  Rucn-Lun,  situee  plus  au  nord.  Le  19  octobre,  il 
se  trouvait  dans  le  Cachemire,  et  le  17  novembre  sui- 
vant  a  Rawull-Puudee,  dans  le  Penjab,  d'oii  son  rap- 
port officiel  portant  le  n"  9  est  dat6,  et  ou  il  rencontra 
ses  deux  frferes. 

Robert,  parti  de  RawuU-Pundee  le  18  d6cembre  1856, 
explora  le  Chakowal  en  traversant  la  chaine  des  rnon- 
tagnes  de  set,  et  arriva  a  Moultan  le  h  Janvier  1857. 
Parvenu  ensuite,  le  14  mars,  b.  Bhooj,  capitale  du 
Kutch,  il  se  dirigea  sur  Bombay,  ofi  il  s'embarqua 
au  mois  d'avril  pour  I'EuFope;  son  frfere  Hermann, 
aprfes  avoir  visit6l6  Nepal,  partit  de  Calcutta  et  retourna 
dans  sapatrie. 

Yanle,  exlraite  par  lui  de  rintrodurtion  de  la  Flora  indka  de  Joseph 
Hooker  ft  Thomas  Thomson,  ouvragc  imprim(!  it  I.ondres  en  1855,  quo 
je  u'ai  pu  Irouvcr  dans  aucunc  de  nos  grandes  bibliolhtques  :  «  The 
u  chain  of  the  Kuenlun  where  it  forms  ihe  boundary  of  western  Tibet 
J)  is  not  lesselevated  thatlhe  Himalaya  and  is  covered  troughouta  great 
»  part  of  ils  length  with  perpetual  snow,  lis  axis  has  not  been  crosfed 
v  by  any  European  traveller,  but  w  as  reached  by  I)'  Thomson  who  visi- 
>i  ted  the  Karakoram  Pass  elevated  18  300  feet.  This  chain  has  been 
>>  called  the  Muttagh,  Karakoram,  lliudu-kush  and  Tsungliug.  » 


(  237  ) 

Quant  k  Adolphe,  que  nous  avons  laiss6  dans  le 
Penjab,  il  manifesta  I'intention  de  sojourner  encore 
une  ann6e  dans  le  Tibet  et  le  Turkestan,  pour  visiter 
de  nouveau  ces  deux  contr6es,  et  en  particulier  la 
chaine  du  Ruen-Lun  et  celle  du  Karakorum,  a  I'effet 
de  completer  les  observations  de  ses  deux  frferes 
et  les  siennes  propres  sur  ces  int6ressantes  regions 
qu'ils  avaient ,  on  doit  le  reconnaitre ,  travers6es 
et  d6cntes  exactement  les  premiers;  il  se  propo- 
sait  de  rentrer  ensuite  en  Europe  par  le  Penjab  et 
Bombay. 

On  salt  que  le  16  d^cembre  1850  il  quitta  Rawull- 
Pundee,  que,  dans  les  premiers  jours  de  juillet  1857, 
il  passa  la  chaine  du  Karakorum  par  le  col  d'Aksae- 
Chin,  situ6  a  trois  marches  au  sud-est  du  col  de 
Karakorum ,  route  nouvelle  et  non  fr6quent6e ,  et 
le  20  du  meme  mois,  le  Kuen-Lun,  pr6s  de  Karon- 
gatak. 

Au  commencement  du  mois  d'aout  (1857),  Adolphe 
6tait  aux  environs  de  Yarkand,  et  quelques  jours  plus 
tard  k  Kashgar.  Depuis  on  n'a  plus  recu  de  nouvelles 
positives  sur  son  sort. 

Mais  il  parait  aujourd'hui  (1859)  malheureusement 
certain,  d'aprfes  un  document  ofliciel  parvenu  par  le 
dernier  courrier  k  la  Compagnie  des  Indes,  et  qui  nous 
a  6t6  communique,  le  17  mars  dernier,  par  M.  le  co- 
lonel Sykes,  qu' Adolphe  Schlagintweit  a  et6  assassin^ 
k  Kashgar  par  un  fanatique  Spid  ou  Sajad,  appel6 
WuUee-Khan,  et  qu'on  n'a  trouv6  auprt;s  du  malheu- 
reux  et  si  regrettable  voyageur  que  quelques  fragments 
de  papiers   et  un    telescope  bris6,   tristes  reliques 


(  238  ) 

qu'on  s'est  empress^de  faire  parvenir  k  sa  famille  (1). 

Essayer  d'exposer,  meme  d'unc  «uani6re  sommaire, 
les  immenses  travaux  si  varies  des  frercs  Schlagintweit 
et  les  services  qu'ils  ont  rendus  h  presque  toutes  les 
branches  des  connaissances  humaines  pendant  les  trois 
ann6es  consacr6es  par  ces  savants  k  I'exploration  de 
rinde  entifere  et  des  parties  septentrionales  et  occiden- 
tales  du  Tibet  et'  des  pays  voisius,  c'est-k-dire  do  con- 
tr6es  s'etendant  en  ligne  directe  sur  plus  de  30  degr^s 
de  latitude  et  sur  une  moyenne  de  prfes  de  vingt  en 
longitude,  qu'ils  ont  sillonn^es  dans  tous  les  sens, 
serait  une  ceuvre  impossible  en  ce  moment,  et  que, 
dans  aucun  cas,  votre  rapporteur  n'aurait  os6  entre- 
prendre. 

Nous  dirons  seulement  pour  en  donner  une  faible 
id6e,  en  nous  restreignant  meme  k  ce  qui  a  le  plus  de 
rapport  k  la  g^ographie,  que,  sur  les  quarante-trois 
volumes  manuscrits  d6pos6s  a  X India-House,  sit^ge  de 
la  Compagnie  des  Indes,  que  MM.  Hermann  et  Robert 
Schlagintweit  sont  au  moment  de  publier,  et  dont  ils 
nous  ont  fait  connaitre  en  detail  le  contcnu,  i)lus  de  , 
huit  traitent  de  topographie,  de  mesures  trigonom6tri- 
ques,  d' observations  astronomiques,  d'hydrographie, 
des  races  humaines ,  de  vocabulaires  g^ographi- 
ques,  etc.,  et  que,  parmi  les  nombreux  atlas  qui  ac- 


(t)  MM.  H.  et  R.  Schlagintweit  prt^parent  un  rdsuni^  sommaire  des 
informalious  parvenues  sur  le  meurtre  d'Adolphe.  Le  nom  de  I'assas- 
sin  et  les  details  qui  accompagneat  son  crime  di(T6rent  ea  quelque 
points,  mais  le  lieu  et  I'dpoque  oil  il  s'est  accompli  ne  s'accurdent  que 
Irop  bien. 


(  239  ) 

compagneront  leur  publication,  figurera  un  grand  atlas 
g^ographique. 

Pour  nous  r6suraer,  et  ne  parlerici  que  d'une  seule 
de  leurs  principales  d6couvertes  g6ographiques,  sur 
laquelle  nous  avons  obtenu  des  renseignements  plus 
6tendus,  nous  croyons  pouvoir  dire  que  les  fr6res 
Schlagintweit  sent  les  premiers  Europ6ens  qui  ont 
franchi  la  Crete  du  Karakorum  et  celle  du  Ruen-Lun, 
qui  ont  d6terniin6  exactement  la  position  geograpliique, 
r^l^vation  et  la  direction  de  ces  deux  chaines  de 
montagnes  de  la  haute  Asie,  que  I'illustre  baron  de 
Humboldt,  avec  sa  sagacite  instinctive,  avaitpour  ainsi 
dire  devinees  et  trac6es  en  partie,  d'apr^s  quelques 
indications  de  voyageurs  chinois,  dans  une  carte  de 
18Zi3  jointe  a  son  bel  ouvrage  sur  I'Asie  centrale,  et 
quelesautres  voyageurs  ont  confondues  ensemble  (1); 

Que  les  frferes  Schlagintweit  sont  les  premiers  qui 
ont  p6n6tre  dans  plusieurs  des  valines  voisines  de  ces 
chaines,  dont  ils  ont  6tudi6  les  populations,  sous  dif- 
f6rents  aspects,  en  faisant  des  observations  astrono- 
miques  et  ruagn^tiques  combinees  avec  leurs  observa- 
tions g6n6rales  de  geologic  et  de  physique  terrestre ; 
et  qui,  en  passant  la  chaine  du  Ruen-Lun  par  le  col 
de  Bushia,  6lev6  de  5250  metres  (2)  au-dessus  du  ni- 
veau de  la  mer,  ont  constat^  que  sa  direction  6tait  de 
I'ouest  a  Test,  tandis  que  celle  de  Rarakorum  avait 
une  direction  parall6le  a  1' Himalaya,  c'est-a-dire  du 
nord-ouest  au  sud-est; 


(1)  Voir  les  notes  pages  234  et  233. 

(2)  17  200  pieds  auglais. 


(  240  ) 

Que  c'est  enfin  en  longeant  la  chalne  du  Kuen-Lun 
qu'ils  se  sont  convaincus  que  cette  chaine  ne  forme 
point  la  ligne  de  s6paration  des  eaux,  ainsi  qu'on  I'avait 
cru  jusqu'alors,  puisqu'elle  est  travers6e  par  la  riviere 
de  Yarkand  qui  passe  b.  son  extremity  occidentale,  et 
par  deux  autres  grands  cours  d'eau,  le  Karakash  et  le 
Keria  qui  s'unissent  au  Yurunkash  et  au  Rhotan  et 
disparaissent  enti6rement  au  lac  Lop. 

Ges  d6couvertes  des  trois  fr^res  Schlagintweit  sont 
constat^es  par  les  rapports  ofliciels  adress^s  par  eux  k 
la  Compagnie  des  hides  orientales;  elles  r^sultent  des 
explications  6crites  que  MM.  Hermann  et  Robert  nous 
ont  transmises,  sur  notre  deniande  sp6ciale,  en  les 
accompagnant  d'une  carte  coniprenant  I'lnde,  la  chaine 
de  I'Himalaya,  le  Tibet  occidental  et  une  portion  du 
Turkestan ,  sur  laquelle  leurs  itineraires  sont  traces, 
et,  de  plus,  d'un  croquis  des  syst^mes  des  chalnes  de 
montagnes  et  des  rivieres  de  la  haute  Asie,  d'aprfes 
leurs  voyages  (1),  et  d'une  table  g6n6rale  des  castes 
et  des  tribus  representees  dans  leur  collection  de  deux 
cent  soixante-et-dix  photographies,  et  des  moules  pla- 
stiques  des  figures  de  naturels  de  I'lnde  et  de  la  haute 
Asie,  pour  servir  aux  recherches  ethnographiques. 

Nous  appuyons,  en  outre,  les  conclusions  prises  par 
nous  sur  des  explications  de  memo  nature  que  nous 
devons  a  1' extreme  bienveillance  de  M.  le  baron  de 
Humboldt  et  de  M.  le  colonel  William  Sykes,  I'un  des 
directeurs  de  la  compagnie  des  Indes,  vice-president 

(1)  Cc  croquis,  ainsi  que  la  table  g^Dcrale  des  castes  et  tribiu,  accom- 
pagDCDl  cc  rapport. 


(  Ul  ) 

de  la  Soci6t6  g(?ographique  de  Londres,  ou  que  nous 
avons  puisnes  dans  les  rapports  present^s  aux  deux 
dernieres  r^imions  g6n6rales  de  la  meme  Societ6  geo- 
graphique,  par  sir  Roderick  Murchison,  son  president. 

Apr^s  avoir  combl6  d'eloges  les  travaux  gigantesques 
de  MM.  Schlagintweit  pendant  leurs  dernieres  explora- 
tions, les  homines  si  distingues  que  nous  venons  de 
citer  s'accordent  k  reconnaitre  que  ces  trois  fr^res  sont 
les  premiers  Europ6ens  qui  ont  visits  une  partie  des 
localit6s  signal6es  dans  notre  rapport,  et  leur  t6moi- 
gnage,  confirm^  indirecternent  par  de  c616bres  voya- 
geurs  anglais,  tels  que  le  docteur  Thomas  Thomson  et 
le  major  Alexandre  Cunningham,  qui  signalent  plu- 
sieurs  des  points  explores  par  nos  voyageurs  comme 
pays  inconnus  (1),  a  d'autant  plus  de  poids  qu' outre 
leur  caractfere  Eminent  et  leur  connaissance  approfon- 
die  de  I'lnde  et  de  la  haute  Asie,  MM.  de  Humboldt, 
Sykes  et  sir  R.  Murchison  ont  eu  k  leur  disposition 
tons  les  rapports  manuscrits,  ainsi  que  la  correspon- 
dance  officielle  des  savants  bavarois,  dont  quelques 
portions  seulement  ont  pu  passer  sous  nos  yeux, 

G'est  par  tous  ces  motifs  que  nous  avons  accord^, 
en  votre  nom,  Messieurs,  la  grande  m^daille  d'or  de 
la  Soci6t6  de  g6ographie  aux  trois  freres  Schlagintweit 
pour  leurs  explorations  dans  le  Tibet  et  le  Turkestan 
oriental,  et  plus  sp^cialement  pour  les  decouvertes 
qu'ils  ont  faitesdans  les  parties  ouest  et  nord-ouest  des 
monts  Himalaya. 

Nous  dirons  en  terminant  que  la  Commission,  en 

(1)  Voir  la  note  1,  p.  234  et  suivanles. 

XYII.    AVRIL.    2.  17 


(  242  ) 

ftdjugeant  le  prix  aux  trois  fr6re^  Schlagintweit,  reserve 
les  droits  de  M.  Vogel  et  du  capitainc  Burton  ponr 
leurs  derni^res  explorations  en  Afrique,  et,  en  g6n^ral, 
ceux  de  tons  les  voyageurs  dont  on  pourrait  connaitre 
les  travaux  post6rieurement. 

De  la  Roquette. 


TABLE   GENERALE 


DBS 


CASTES  ET   TRIBL'S  REPR£SENT£ES  PAR  MM.    SCHLAGIISTWEIT 

DatM  leur  collection  des  tfites  ethnographiques 
de  rinde  et  de  la  Haute-Asie. 


BRAHMANES. 

De 

Calcutta, 

Bengale. 

>» 

Nepal, 

Himalaya. 

)) 

Gerhval, 

Himalaya, 

RAJPUTS. 

De 

Naddea, 

Bengale. 

)> 

Kamaon 

Himalaya 

(Thakur). 

» 

Joliar, 

Himalaya 

(Bhot-Rajput) 

» 

Gerhval 

Himalaya 

(Thakur). 

» 

Gerhval, 

Himalaya 

(Bhot-Rajpiit) 

» 

Chamba, 

Himalaya. 

B 

Simla, 

Himalaya 

(Thakur), 

9 

Kulu. 

Himalaya. 

[  248  ) 

BAIS   OR   VHAYSIAS. 

De    Sattara,  Dekkan. 

»     Audh,  Hindoustan. 

»     Chamba,         Himalaya. 


SODBAS. 

De 

Calcutta, 

Bengale. 

» 

Patna, 

Bengale. 

u 

Kdttak, 

Bengale. 

» 

Amark4ntak, 

Inde  centrale. 

» 

Agra, 

Hindoustan. 

» 

Sattara, 

Dekkan  (Mahar4ta). 

ABOEIGfiNES. 

G5d3     de 

rinde  centrale. 

Bhils      .) 

Inde  centrale. 

Kols       •» 

Inde  centrale. 

Sdntals 

des  Montagnes  Rajmahal. 

Nigas 

\       des  provinces  voisines  de 

Rhassias 

>        la  frontifere  nord-est  de 

Assamese 

)        I'lnde. 

MDSULMAN3  DE   l'INDE. 

De 

Calcutta, 

Bengale. 

» 

Jassar, 

Bengale. 

» 

Agra. 

Hindoustan, 

» 

Malva, 

Inde  centrale. 

u 

Bellari, 

Mysore. 

1) 

Shikarpour, 

Sindh. 

»> 

6eluchist4n» 

(  Uh  ) 


MUSULMANS   DE    LINDE. 

De    Hazara,  Penjab. 

B     Multan, 
»     Peshdur, 


De  Bombay. 

De  Lahore, 

De  Bombay. 

De  Ceylan. 


Penjab. 
Penjab. 

PARSIS. 
SIKHS. 

Penjab. 

INDO-PORTUGUAia. 
SINGBALAIS. 


MUSULMANS    DE    LA   HAUTE    ASIE. 

De    Cachemire,      Himalaya. 


»  Candahar, 

n  Hazareh, 

»  Balti, 

n  Hazora, 

»  Badakslidn, 

»  Kokand, 

»  Khotan, 

»  Ydrkand, 


De    Nepdl, 

De    Bhutan, 
•     Sikkim, 


Cabul  (Afghan). 

Cabul. 

Tibet. 

Tibet. 

Asie  centrale. 

Asic  centrale. 

Turkestan  (Mogols). 

Turkestan  (Mogols). 

GOBRHAS. 

Himalaya. 


BUDDHISTES. 

Himalaya. 
Himalaya 


L^pchas. 
Bhiitlas. 


(  245  ) 

BUDDHISTES. 

De  Nep41,  Himalaya. 

»  Spfti,  Himalaya. 

»  Guarik6rsum,  Tibet. 

»  Ladik,  Tibet. 

B  Rukchu,  Tibet 

u  Niibra,  Tibet. 

»  Ava,  Birmanie. 

BACES    M£l£ES    de    la   HAUTE    ASIE. 

a)  Argmis. 
(Bicegmfeleesentreles  Cacliemiriens,  lesTib^tainsetle»Turkest«nien«. ) 

De    Cachemire,      Himalaya. 
))     Yarkand,         Turkestan. 

b)  Kanets. 

(Race  vakMt  entre  les  tribus  Himalayenes  et  Tib^taiaes.j 
De    Rulu,  Himalaya. 

»     Lahol,  Himalaya, 

u     Biss6r,  Himalaya, 

n     Kanaur,  Himalaya. 

luirs. 
De    Bokh^a. 

CHINOIS. 

De    Canton. 

SIDI. 

De    Zanzibar,         Afrique. 

La  totality  de  la  collection  devait  se  composer  d'cnviron  300  t^tes; 
mais,  dans  leur  correspoodance,  MM.  Schlagintweil  m'ont  fait  cou- 
nattre  qa'elle  serait  de  270.  D.  L.  R. 


(  246  ) 
LA  RECHERCHE 

DES  SOURCES  DU   NIL. 


La  recherche  dea  sources  du  Nil,  dont  jo  me  pro- 
pose d'esquisser  I'histoire,  est  tout  a  la  fois  la  question 
la  plus  ancienne  et  la  plus  r6cente  qui  ait  6t6  soulev6e 
dans  le  domaine  des  d6couvertes  g6ogi-aphiques. 

L'origine  inconnue  de  ce  fleuve  majestueux  qui  f6- 
conde  I'figypte  a  excit6  la  curiosity  et  occup6  I'atten- 
tion  de  I'antiquit^  tout  entifere  depuis  les  temps  pha- 
raoniques  ;  et  de  uos  jours,  aprfes  une  interruption  de 
dix-huit  siteles,  plusieurs  expeditions  successives  ont 
tout  k  coup  ramen6  la  pensde  de  I'Europe  vers  levieux 
probl^me.  En  ce  moment  encore,  diverses  entreprises 
plus  ou  moins  s6rieuses,  plus  ou  moins  entour6es  de 
garanties  scientifiques,  tiennent  en  6veil  I'int^ret  ge- 
neral. II  n'est  done  pas  hors  de  propos  de  r6sumer 
depuis  son  origine  I'historique  de  cette  recherche,  de 
dire  quels  r6sultats  on  y  a  jusqu'i  present  obtenus,  et 
aussi  d'exposer  quelques  vues  qui  pourront  avoir  leur 
utility  pour  la  direction  et  le  succ6s  des  futures  explo- 
rations. 

Ces  explorations  ont  d'autant  plus  droit  b.  notre  int6- 
ret,  que  c'est  a  la  France  qu'en  appartiennent  la  pens6e 
premiere  et  I'impulsion  la  plus  active.  Notre  expedition 
d'l^lgypte  en  a  6t6  la  premiere  occasion.  En  reportant 
I'attention  vers  la  terre  des  Pharaons,  ce  grand  6v6ne- 
ment  de  la  fin  du  dernier  sifecle  rappcla  aussi  l'int6ret 


(  247) 

sur  les  parties  sup6rieures  de  la  vall6e  oii  ies  auciens 
souverains  de  I'Egypte  avaient  6tendu  leur  domination 
et  qu'ils  couvrirent  de  leurs  monuments;  en  meme 
temps  que  le  nom  meme  du  Nil  a  fait  remonter  la  pen- 
s6e  vers  la  r6gion  inexploree  ou  sont  situ6es  les  sources 
du  fleuve. 

Me  sera-t-il  permis,  sans  blesser  les  sentiments  de 
discretion  et  de  retenue  d'un  de  nos  propres  coUegues 
qui  appartint  a  cette  memorable  expedition  de  1798, 
de  rappeler  tout  ce  qu'il  a  fait,  dans  le  cours  de  sa 
longue  carrifere  si  fructueusement  remplie,  pour  I'avan- 
cement  des  decouverles  africaines  ?  Nul,  assar6ment, 
n'a  servi  d'une  maniSre  plus  efficace  et  avec  une  acti- 
vity plus  soutenue,  par  ses  avis,  par  ses  directions,  par 
son  intervention  incessante,  la  cause  de  la  regenera- 
tion egyptienne,  qui  interesse  k  un  si  haut  point  la 
science  et  I'lmmanite;  personne,  peut-etre,  n'a  plus 
utilement  etplus  directementcontribue  aux  entreprises 
qui,  depuis  vingt  ans,  ont  eu  pour  objet  la  recherche 
des  sources  du  Nil.  Vous  avez  tons  nomme  M.  Jomard, 
notre  savant  et  honore  president.  Rappeler  de  tels  ser- 
vices, dont  la  Societe  a  droit  d'etre  fiere,  c'est  faire 
acte  tout  a  la  fois  de  reconnaissance  et  de  patriotisme. 

Les  droits  de  la  France  ne  datent  pas  seulement 
de  I'expedition  d'figypte.  Les  premieres  informations 
que  Ton  ait  eues  sur  la  Nubie,  ce  sont  aussi  des  Francais 
qui  les  ont  donnees. 

Un  medecin  nomm6  Charles  Poncet,  attache  k  I'am- 
bassade  francaise  residant  au  Cairo,  se  rendit  a  Gondar 
en  1698  avec  la  caravane  du  Sennar,  et  publia  sur 
I'Abyssinie  quelques  details  auxquels  leur  nouveaut^ 
donnait  alors  beaucoup  d'inter^t. 


(  248  ) 

Bient6tapr6s  (en  1703),  des  informations  plus  cu- 
i-leuses  et  plus  circonstanci6es  furent  recueillies  au 
Caire  par  M.  du  Roule,  que  Louis  XIV  avait  charg6 
d'une  mission  pr6s  du  N6gous,  le  voyage  de  Poncet 
ayant  paru  presenter  une  ouverture  favorable  pour 
renouer  des  relations  avec  TAbyssinie.  On  connait  la 
triste  fin  de  M.  du  Roule,  que  le  roi  du  Sennar  lit 
massacrer  avec  toute  sa  suite ;  mais  les  informations 
qu'il  avait  rassembl6es  ne  furent  pas  perdues  pour  la 
g6ographie.  Elles  avaient  6t6  communiqu6es  ;\  Guil- 
launie  Delisle,  qui  en  fit  usage  pour  son  m6moire  sur 
Tile  de  M6ro6  (1708) ;  et  plus  tard,  d'Anville  s'en 
servit  ^galement  pour  son  m6moire  sur  les  sources  du 
Nil  (17/i5). 

Ces  notes  de  renvoy6  francais  confirmaient,  avec 
des  circonstances  nouvelles,  les  notions  fournies  par  le 
g^ographe  Eratosthene  dans  le  iii*  si^cle  avant  notre 
hre,  et  ensuite  par  quelques  auteurs  arabes,  sur  les 
grands  aflluents  dont  se  forme  le  fleuve  d'^gypte  dans 
sa  partie  superieure;  elles  revelaient  ce  fait  important, 
que  la  riviere  qui  traverse  I'Abyssinie  sous  le  nom  de 
Takazz6  prend  en  Nubie  le  nom  d'Atbara,  sous  Icquel 
elle  va  se  joindre  k  la  droile  du  Nil,  ce  qui  conduisit 
Delisle  et  d'Anville  a  ridenlification  certaine  de  I'Js- 
taboras  des  anciens,  et  Icur  fit  reconnaitre  la  vraie 
situation  de  I'ile  de  M6ro6,  dont  Ptol6m6e  lui-meme 
s'^tait  fait  une  fausse  id6e.  La  sagacity  de  d'Anville 
alia  plus  loin.  Rapprochant  de  ce  renseignement  sur  le 
confluent  de  I'Atbara  une  indication  sur  I'emplacement 
de  M6ro6  donn6e,  sous  le  r^gne  de  N6ron,  par  des  e\- 
plorateurs  romains,  I'habile  g^ographe  marqua  le  site 


(  249  ) 

de  la  vieille  m6tropole  Sthiopienne  au  point  pr6cis  oil 
soixante-sept  ans  plus  tard  M.  Cailliaud  en  a  retrouv6 
les  mines.  Pour  la  premit;re  foia  aussi  les  informations 
transmises  par  M.  du  Roule  firent  connaitre  le  nom  de 
Bahr-el-Abyad  ou  fleuve  Blanc,  nom  que  les  tribus 
arabes  de  la  haute  Nubie  donnent  b.  la  branche  occi- 
dentale  du  Nil  au-dessus  de  son  confluent  avec  le  Bahr- 
el-Azrak  ou  fleuve  Bleu,  qui  vient  d'Abyssinie. 

Le  xvm*  sifecle  et  les  douze  premieres  ann^es  du 
xix°  n'ajoutferent  rien  aux  informations  fournies  par 
Poncet  et  par  M.  du  Roule ;  mais  k  partir  de  1813,  la 
Nubie  et  la  region  du  haut  Nil  out  reconquis  tout  ^ 
coup  une  importance  extreme  dans  la  reprise,  devenue 
alors  si  active,  des  explorations  de  I'Afrique.  Des 
voyageurs  d'un  m6rite  Eminent  se  portferenl  vers 
les  pays  si  longtemps  n6glig6s  que  le  Nil  arrose  avant 
d'entrer  en  l^lgypte.  Burckhardl,  un  des  noms  illustres 
parmi  les  explorateurs  des  temps  modernes,  y  p^netra 
le  premier  de  1813  a  ISlZi.  L'architecte  Gau  en  1817. 
notre  compatriote  Cailliaud  en  1820,  le  docteur  Riip- 
pell  en  1823,  Champollion  en  1828,  M.  Joseph  Rus- 
segger  en  1836,  ont  tour  a  tour  porte  leurs  recherches 
sur  rarch^ologie  et  I'histoire  naturelle,  sur  I'^tude  du 
pays  et  celle  des  populations.  Tons  ont  beauccfup 
ajout6  k  la  somme  de  nos  connaissances  sur  ces  con- 
trees  int^rieures ;  plusieurs,  et  au  premier  rang  Cail- 
liaud et  Rtissegger,  en  ont  consid6rablement  recul6  les 
limites. 

Jusque-lS,  r^tude  des  explorateurs  ou  s'6tait  exclu- 
sivement  renferm6e  dans  les  limites  propres  de  la 
Nubie,    ou  s'^tait  port6e  vera  le  Bahr-el-Azrak   (le 


(  250  ) 

fleuve  Bleu) ,  i\.  cause  de  la  region  aurif^re  que  ceite 
riviere  traverse  immt^diatement  apr6s  avoir  franchi  la 
frontifere  occidentalc  de  rAbyssinie. 

Nous  touchons  au  moment  ou  les  investigations, 
prenant  une  nouvelle  direction,  vont  se  porter  sur  la 
branche  occidentale  du  fleuve,  celle  qui  en  fut  regardee 
de  tout  temps  comme  le  bras  principal,  ou  pour  niieux 
dire  comme  I'evraiNil,  dont  le  fleuve  Bleu  n'estqu'uue 
branche  secondaire. 

Si  nous  avions  h  retracer  le  detail  historique  de  la 
recherche  des  sources  du  Nil  dans  I'antiquite  et  k  rap- 
peler  les  speculations  des  philosophes  sur  I'origine  de 
ce  grand  fleuve,  dont  la  renomm6e  franchit  de  bonne 
heure  les  limites  de  I'Egypte,  nous  montrerions,  par 
Tautorite  directe  ou  par  rinterpr^tation  naturelle  des 
textes  et  des  monuments,  que,  d^s  une  6poque  recul6e, 
les  Pharaons  pouss6rent  leur  domination  jusqu'au  pays 
des  Nfegres,  tr6s-haut,  cons^quemmenl,  dans  le  bassin 
du  fleuve.  Ni  alors,  ni  plus  tard,  on  ne  sut  pr6cis6menT 
d'oii  venait  le  Nil ;  mais  on  savait  que  parmi  les  grands 
aflluents  dont  il  se  forme  dans  sa  partie  superieure,  le 
courant  principal,  celui  qui  avait  droit  k  etre  regards 
comme  la  tetc  du  fleuve  d'Egypte,  6tait  la  branche  la 
plus  occidentale,  cello  qui  vient  directcment  du  Sud. 
Pins  tard,  au  temps  des  Ptolemies,  on  retrouve  les 
memos  informations,  plus  precises  peut-etre  et  mieux 
d6finies, mais  renferm^es  dans  les  memes  limites;  plus 
tard  encore,  au  temps  des  Remains,  on  (it  pour  les 
depasser  une  tentative  qui  resta  sans  r6sultat.  C'est 
dans  I'ouvrage  du  g^ographe  Ptol6m6e,  vers  le  milieu 
du  u*  si6cle,  qu'on  trouve  pour  la  premiere  fois  Tin- 


(  251  ) 

dice  de  notions  nouvelles  sur  rorigin©  du  fleuve.  On 
voit  chez  lui  les  sources  marquees  directement  au  sud, 
trfes  avant  dans  rint6rieur  du  continent,  oil  les  eaux 
qui  descendent  des  montagnes,  aprfes  s'etre  r^unies 
dans  de  grands  lacs,  s'6panchent  en  deux  courants 
principaux,  qui,  r6imis,  forment  le  Nil.  De  plus,  cette 
branche  du  Sud,  k  laquelle  est  sp6cialement  appliqu6 
le  nom  de  Nil,  est  bien  distingu6ed'mi  affluent  oriental 
appel6  XJstapits,  qui  sort  d'un  autre  lac  d'l^thiopie, 
situ6  tr^s  loin  des  prt^c^dents  vers  le  nord-est  : 
c'est  le  Bahr-el-Azrak  ou  fleuve  Bleu,  qui  traverse, 
pr6s  de  sa  source  dans  I'interieur  de  I'Abyssinie,  le 
grand  lac  Tzana;  de  meme  que  YJstaboras,  second 
afluent  qui  vient  aussi  se  joindre  au  Nil  apr^s  I'As^ 
tapus,  est  I'Atbara  ou  Takazz6,  seule  rivifere  que  re- 
foive  le  Nil  aprfes  le  fleuve  Bleu.  Abstraction  faite  de 
la  precision  des  details,  les  grands  traits  de  cette  dis- 
position hydrographique  sont  indiqu6s  de  mani6re  a 
ce  qu'on  ne  peut  les  meconnaitre. 

Ces  remarquables  informations  que  Ptol6m6e  nous 
donne  ne  provenaient,  du  reste,  ni  d'une  expedition 
nouvelle  h  la  recherche  des  sources,  comme  il  y  en 
avait  eu  une  sous  le  rfegne  de  N6ron,  ni  d'aucune  d6- 
couverle  proprement  dite ;  elles  6taient  le  r^sultat,  le 
g^ographe  lui-meme  nous  I'apprend,  de  renseigne- 
ments  fournis  par  les  indigenes  a  des  marchands  qui 
fr^quentaient  par  mer  les  contrees  du  Sud.  Elles  ont 
d'autant  plus  d'int^ret,  qu' elles  s'accordent  de  tout 
point  avec  celles  que  rapport^rent  de  I'Afrique  australe 
les  premiers  Portugais  qui  en  fr^quentferent  les  parages 
maritimes  au  comjuencement  du  xvi«  si^cle,  et  que  leg 


(  252  ) 

recherches  aussi  bien  que  les  dScouvertes  r6centes  les 
confirment  dans  leur  g6n(^'raliie.  EUes  sont  6galement 
conformes  i  celles  que  r6pet6rcnt  les  autcurs  arabes, 
non-seulement  les  g6ographes  compilateurs  qui  ont 
suivi  Touvrage  niGme  de  Ptol6m6e,  traduit  dc  bonne 
heure  dans  la  langue  du  Goran,  mais  aussi  des  6cri- 
vains  et  des  voyageurs  plus  anciens,  qui  s'appuient 
^videmment  d'informations  personnelles.  Depuis  le 
si^cle  de  Ptol6m6e  et  le  temps  des  Arabes,  les  notions 
acquises  sur  les  parties  sup6rieures  du  bassin  du  Nil, 
loin  d' avoir  gagn6  quelque  chose,  avaient  plutot  r6- 
trograd6  par  Toubli  ou  la  confusion  des  anciennes 
informations ;  et  I'erreur  des  missionnaires  portugais 
du  xvi°  sifecle  qui  visit^rent  en  Abyssinie  les  sources  du 
Bahr-el-Azrak  {I'Jsinpus  des  anciens),  et  qui  crurent, 
sur  la  foi  des  Abyssins,  avoir  vu  les  sources  du  Nil, 
cette  erreur,  r6p^t6e  au  xviir  sifecle  par  I'J&cossais 
Bruce,  et  qui  n'a  6tt^  clairement  reconnue  que  de  notre 
temps,  contribua  davantage  encore  a  obscurcir  une 
question  qui,  du  moins  chez  les  anciens,  6tait  claire- 
ment pos6e,  si  elle  6tait  incompletement  r(5solue. 

Voilc\  oil  en  6taient  les  choses  il  y  a  vingt  ans,  & 
rSpoque  du  voyage  de  M.  Riissegger;  depuis  lors  elles 
ont  grandement  chang6  de  face. 

Cailliaud,  en  1821,  avait  essay6,  sans  r^sultat, 
d'appeler  sur  le  fleuve  Blanc  I'attention  d' Ismail- 
Pacha,  le  chef  de  I'exp^dition  6gyptienne  envoy6e  par 
Mohammed-Ali  dans  la  haute  Nubie  ;  on  fut  plus  heu- 
reux  en  1838  pr6s  de  Mohammed-Ali  lui-meme. 

Le  vice-roi,  dont  I'age  n'avait  amorti  ni  I'dnergie 
ni  ractivit6,  avait  voulu  voir  de  ses  propres  yeui  ce 


(  253  ) 

pays  aurif6re  de  Fazokl,  qu'on  lui  avait  si  souvent 
dSpeint  comme  un  nouvel  Eldorado,  et  d'ofi  le  tr6sor 
n' avait  tir6  jusque-li  qu'un  prodnit  insignifiaiU.  A  I'uge 
de  pr6s  de  quatre-vingts  aiis,  il  ne  craignit  pas  d'en- 
treprendre  ce  voyage  de  plus  de  sept  cents  lieues. 
Pendant  son  s6jour  k  Khartoum,  au  retour  du  Fazokl, 
la  vue  du  Bahr-el-Abyad  reporta  sa  pensde  vers  la 
myst6rieuse  origine  de  ce  grand  fleuve  dans  les  pro- 
fondeurs  inconnues  de  I'Afrique;  plus  d'une  fois  d'ail- 
leurs,  les  Europ^ens,  dont  il  aimait  h.  s'entourer,  lui 
avaient  parl6  de  la  gloire  qu'il  y  aurait  pour  lui  k 
effectuer  une  d(icouverte  que  plusieurs  princes  de  I'an- 
tiquit(J  avaient  inutilement  tent^e.  Mohammed  6tait 
sensible  k  tout  ce  qui  pouvait  grandir  son  nom  en 
Europe  :  1' exploration  du  fleuve  Blanc  fut  r^solue. 

Le  vice-roi  avait  voulu  que  cette  expedition  fut  tout 
6gyptienne.  Quatre  cents  soldats  montaient  la  flottille ; 
un  capitaine  de  la  marine  6gyptienne,  S61im  Bimbachi, 
en  eut  le  commandement.  Un  seul  Europ6en,  M.  Thi- 
baut,  6tait  du  voyage,  mais  sans  fonctions  ni  autorit6, 

II  est  clair  que  1' expedition  ne  pouvait  avoir  aucun 
caract6re  scientifique.  II  ne  paralt  pas  meme  que  des 
rel^vements  de  hauteur  solaire  aient  6t6  pris  pour 
jalonner  I'itineraire  (peut-6tre  faute  d'instruments);  la 
determination  de  la  route  reposa  uniquement  sur  I'es- 
time,  et  ces  estimes  aboutirent  k  une  erreur  conside- 
rable. Seiiui  croyait  etre  arrive  au  3"  degr6 1/2  de  lati- 
tude nord,  tandis  qu'il  a  6t6  reconnu  depuis  que  le  point 
oil  s'arreta  I'expedition  se  trouve  au  plus  bas  sous  le 
6"  paralieie. 

Si  peu  precis  qu'en  fussent  les  resultats,  le  voyage 


(  ?5/i  ) 

fut  cependant  loin  d'etre  inutile.  Ce  fut  une  premiere 
reconnaissance  qui  pr^para  les  voies  a  des  expeditions 
plus  fruclucuses. 

Dans  la  route  de  plus  de  quatre  cents  licues  qu'on 
avait  parcourue  depuis  Khartoum,  on  avait  pu  d6ji 
constater  plusieurs  faits  importants.  On  avait  pris  une 
connaissance  gt^n^rale  des  peuples  et  des  tribus  qui 
bordent  en  Irfes-grand  nombre  les  deux  rives  du  Nil ; 
on  avait  pu  reconnaitre  que  la  direction  g6n6rale  de  la 
riviere,  nonobstant  un  grand  coude  quelle  pousse  h 
I'ouest  vers  le  9'  parallele,  est  au  sud;  enfin,  on 
n'avait  rencontr6  aucune  niontagne  un  pcu  conside- 
rable dans  I'intervalle  qui  avait  6t(j  parcouru.  C'est  un 
pays  plat  et  d'une  faible  inclinaison  (ce  qu'on  recon- 
nait  ais^ment  h  la  lenteor  du  courant) ;  d'ou  Ton  pou- 
vait  conclure  que  la  r6gion  61ev6e  oii  les  sources  d'un 
aussi  grand  fleuve  sont  n^cessairement  situ^es  devait 
6tre  encore  i  une  bien  grande  distance.  Le  voyage 
avait  employ 6  prSs  de  quatre  mois  et  demi,  depuis  le 
milieu  de  novembre  1839  jusqu'aux  derniers  jours  de 
mars  1840. 

Le  journal  de  S61im  6tait  done  de  nature  k  faire 
dfisirer  une  suite  plus  complete  d' observations ;  il  im- 
portait  surtout  d' avoir  une  carte  du  lleuvc.  II  fut  d6- 
cidd  au  Cairo  qu'unc  secondc  expedition  aurait  lieu. 
Cette  fois  on  comprit  le  besoin  dc  confier  i  des  Euro- 
p6ens  le  soin  des  observations  scientifiques.  S61im, 
dont  Texp^ricnce  pouvait  etre  utile,  conserva  le  com- 
mandement  de  la  flottille ;  mais  deux  des  ing^nicurs 
franfais  au  service  de  I'Egypte,  M.  d'Arnaud  et  M.  Sa- 
batier,  furent  principalcmeat  charges  des  rel^vements 


(  555  ) 

et  des  observations  astronomiques.  M.  Thibaut  leur  fut 
adjoint  comme  naturaliste.  Un  m6decin  allemand,  le 
D'  Werne,  qui  avait  d6ja  fait  une  intdressante  excur- 
sion dans  les  plaines  de  I'Atbara,  obtint  i'autorisation 
de  se  joindre  an  voyage  comme  simple  passager.  Cette 
adjonction  accidentelle  s'est  trouv6e,  en  definitive, 
d'un  tr^s  grand  int^ret  pour  la  science,  car  c'est  k 
M.  Werne  que  I'Europe  a  dii  la  seule  relation  circon- 
stanci^e  que  Ton  poss^de  encore  de  rexp6dition  (1). 

Poursuivons  I'historique  des  explorations  du  fleuve.  A 
peine  de  retour  k  Khartoum,  la  flottille  remit  a  la  voile, 
dans  les  derniers  jours  de  septembre  I8Z1I,  pour  une 
troisifeme  expedition  dont  M.  d'Arnaud  eut  encore  la 
direction  scientifique. 

Rien  n'a  et6  public  de  cette  troisieme  expedition, 
sauf  deux  ou  trois  notes  trfes  courtes  de  M.  d'Arnaud, 
imprimees  au  Bulletin  de  la  Societe  de  Geographic.  II 
n'est  dit  nuUe  part  jusqu'i  quel  point  elle  s'avanfa; 
11  ne  semble  pas  qu'elle  ait  remonte  aussi  loin  que  la 
seconde. 

DSs  1843,  immediatement  apr6s  le  retour  de 
M.  d'Arnaud  au  Caire,  le  gouvernement  egyptien  son- 
geait  k  une  expedition  nouvelle  au  fleuve  Blanc,  von- 

(1)  Le  chef  de  I'eip^ditioD,  M.  d'Aroaud,  eo  a  ^crit  aussi  une  ample 
relation,  avec  le  detail  de  ses  observations.  Des  considerations  qui 
nous  sont  inconnues  en  ont  empech6  jusqu'd  present  la  publication ; 
on  ne  d(5sespere  cependant  pas  encore  que  cette  publication  puisse 
avoir  lieu.  Bien  qu'apres  un  intervalle  de  vingt  ans  elle  doive  perdre 
quelque  chose  de  Tiut^rfit  qu'elle  aurait  eu  dans  sa  nouveaut^,  11  u'en 
est  pas  tnoins  fort  a  d^sirer  qu'un  document  de  cette  importance  <oit 
livr^  \  U  science. 


(  250  ) 

lant  avoir  enfin  le  dernier  mot  de  cette  difficile  6nigme. 
Diverses  circonstances,  et  surtout  la  mort  de  Moham- 
med-Ali,  ont  entrav6  la  realisation  de  ce  projet ;  niais 
il  n'a  jamais  6t6  abandonn^.  L' organisation  d'une 
grande  expt^dition  scientifique  qui  devait  avoir  lieu  en 
1856  a  retenti  dans  loute  I'Europe.  La  conduite  en 
6tait  confine  k  un  voyageur  savant,  M.  d'Escayrac  de 
Lauture,  familiarise  depuis  longtemps  avec  I'Afrique 
et  la  vie  de  I'Orient;  un  pareil  choix,  et  la  Iib6ralit6 
que  le  gouvernement  ^gyptien  apportait  dans  les  sub- 
sides de  I'entreprise,  devaient  en  garantir  la  reussite. 
La  fatalitti  qui  semble  s'altacher  k  la  recherche  des 
sources  du  Nil  a  fait  6chouer  ce  nouveau  projet,  avanl 
meme  que  rex6cution  en  ait  6t6  serieusement  com- 
menc6e.  , 

Sur  ces  entrefaites,  la  region  du  fleuve  Blanc  n'a 
pas  6t6  sans  s'enrichir  de  notions  nouvelles. 

Ces  notions  proviennent  de  deux  sources. 

Les  unes  ont  6t6  fournies  par  des  Europ6ens  que  le 
trafic  de  la  gomme  et  de  I'ivoire  a  conduits  depuis 
quinze  ans  jusqu'aux  dernicres  limites  des  reconnais- 
sances effectu6es  par  les  expeditions  egyptiennes ;  on 
doit  les  autres  aux  missions  que  le  zele  religieux  a 
portfees  jusque  dans  ces  coutrees  extremes. 

M.  Brun-RoUet,  sujet  sarde  d'origine  savoisienne, 
appartient  k  la  premiere  cra6gorie.  Sans  etre  un 
homme  de  science,  M.  Brun-Rollet  est  loin  d'etre  illet- 
tre ;  aussi  les  notes  d6tachees  qu'on  a  de  lui,  et  fina- 
lement  le  volume  qu'il  a  donn6  sur  cette  haute  region 
du  fleuve,  contiennent-ils  des  renseignements  d'un 
trfes  grand  interfit.  La  plupart  se  rapportent  k  des  tri- 


(257  ) 

bus  avec  lesqnelles  le  voyageur  s'est  trouv6  en  rela- 
tion, ou  dont  il  a  eu  connaissance  par  les  rapports 
indigenes.  Les  informations  recueillies  par  les  mission- 
naires  6tendent  plus  loin  encore  le  cercle  des  notions 
nouvelles.  Cette  mission  de  I'Afrique  centrale  fut  fon- 
dle il  y  a  dix  ans  par  le  gouvernement  pontifical  de 
Pie  IX;  un  savant  religieux  autrichien,  le  R6v6rend 
Ignaz  Knoblecher,  en  eut  la  direction.  Don  Rnoble- 
cher  arriva  k  Bal6nia,  point  extreme  des  i-econnais- 
sances  6gyptiennes,  vers  le  milieu  de  Janvier  1850; 
c'est  1^  qu'il  fonda  un  6tablissement  d'ou  la  Parole 
devait  rayonner  dans  les  contr^es  environnantes. 
On  a  imprim^,  d'aprfes  les  lettres  de  M.  Knoblecher, 
une  courte  notice  de  son  voyage,  qui  renferme,  sur  le 
trac6  du  fleuve  et  les  populations  riveraines,  des 
apercus  et  des  donn6es  d'une  importance  capitale; 
malheureusement  les  mat^riaux  plus  considerables  que 
le  missionnaire  avait  r^unis  n'ont  pas  jusqu'i  present 
6t6  livr6s  k  la  publicity,  non  plus  que  le  detail  de  ses 
observations  astronomiques,  detail  d'autant  plus  n^ces- 
saire  que  les  notations  du  savant  missionnaire  sont, 
nous  le  verrons  tout  a  I'heure,  trfes  dilT6rentes  de  celles 
qui  ont  6t6  donn^es  par  I'expf^dition  ^gyptienne  de 
18/iO.  Un  des  Pferes  de  la  mission  de  Bal^nia,  Angelo 
Vinco,  a  pu  r^unir,  dupant  un  s6jour  de  plusieurs  an- 
n6es,  nombre  d'informations  pr6cieuses  sur  les  pays 
et  les  populations  situ^es  plus  au  sud,  dans  la  direc- 
tion de  ri^quateur.  Le  P.  Angelo,  ainsi  que  le  R6v. 
Knoblecher  et  M.  Brun-Rollet,  ont  tons  les  trois,  k 
peu  d'intervalle,  pay6  le  tribut  fatal  auquel  peu  d'Eu- 
roptens  6chappent  sous  le  climat  des  tropiques. 

XVII.    AVRIL.    3.  18 


(  258  ) 

P^n6trons  maintenant  dans  ces  terres  inconnues  que 
nous  ont  ouvertes  les  expeditions  (^gyptiennes  et  le  z6le 
des  missionuaircs.  Esquissons  k  grands  traits  la  phy- 
siouoniie  de  la  region  du  fleuve  Blanc  et  des  races  qui 
riiabitent;  disons  a  quel  point  pr6cis  sont  arriv6es  les 
notions  acquises,  quels  doutes  restent  encore  a  6clair- 
cir,  quelles  incertitudes  a  r^soudre,  quelles  lacunes  a 
remplir  pour  achever  la  d6couverte  que  Ton  poursuit 
depuis  vingt  ans,  et  inscrire  enfin  sur  la  carte  de 
I'Alrique  ces  mots  sacramentels  qui  couronneront  les 
efforts  de  tant  de  generations  :  ici  est  la  source 
DU  Nil. 

Quand  on  embrasse  du  regard  le  bassin  du  Nil  dans 
son  immense  6tendue,  on  voit  que  le  domaine  de  ce 
roi  des  fleuves  de  1' Afrique  so  partage  en  deux  grandes 
regions  bien  distinctes,  parfaitement  tranch6es,  et 
presque  de  longueur  ^gale  :  au  sud,  depuis  I'^quateur 
jusqu'aux  environs  du  17*  degr6  de  latitude,  la  region 
des  pluies  p^riodiques;  au  nord,  depuis  le  17"  parall^le 
jusqu'a  la  Mediterran^e,  sous  le  32%  la  region  priv6e 
de  pluies.  Ceci  est  une  demarcation  frappante,  parce 
qu'^  cette  grande  division  climatologique  que  produit 
la  marche  annuelle  du  soleil  d'un  tropique  a  I'autre 
correspond  exactement  la  division  physique  du  bassin 
du  Nil.  La  zone  des  pluies  est»  aussi  la  region  des  af- 
fluents superieurs  du  fleuve ;  tandis  que  dans  la  zone 
sans  pluie,  durant  un  parcours  de  plus  de  cinq  cents 
lieues,  le  Nil  ne  rccoit  pas  une  seule  riviere,  pas  un 
seul  ruisseau.  Dans  la  moitie  superieure  du  bassin, 
sur  une  6tendue  de  quatre  k  cinq  cents  lieues  de  Test 
a  I'oiiest,  se  diploic  comme  un  immense  6ventail  le 


(  259  ) 

vaste  r^seau  des  rivieres  afllueiites,  les  unes  descen- 
dant des  hauteurs  inconnues  qui  avoisinent  I'equateur, 
les  autres  roulant  a  travers  les  profondes  coupures  du 
plateau  abyssin,  toutes  arrosant  des  contr6es  oti  la  vie 
animale  et  v6g6tale  d6borde  dans  une  exuberance 
inouie ;  dans  la  moiti6  inf6rieure,  au  contraire ,  les 
eaux  du  Nil,  resserr6es  en  un  canal  unique,  s'6coulent 
silencieusement  a  travers  les  solitudes  arides  de  la 
Nubie  et  de  I'Egypte,  et  la  vie  s'y  est  concentr6e  sur 
les  rives  m6mes  du  lleuve,  15,  seulement  0(1  il  porta 
avec  lui  la  f6condit6.  Le  dernier  affluent  du  Nil  sup6- 
rieur,  I'Atbara  ou  Astabams,  se  r6unit  au  lleuve  entre 
le  11"  et  le  18'  degr6,  a  pen  pr6s  h.  la  limite  extreme 
de  la  zone  des  pluies  tropicales. 

lei  I'aridite  des  plaines  sablonneuses  touche  encore 
et  se  mele  a  la  vegetation  verdoyante  des  premiers 
paturages. 

Mais  que  I'on  remonte  de  deux  ou  trois  degr^s  plus  au 
sud,  jusqu'aux  plaines  oi  viennent  se  joindre  le  fleuve 
Blanc  et  le  fleuve  Bleu,  ces  deux  grands  bras  sup6- 
rieurs  du  Nil,  on  voit  d6ja  se  deployer  la  splendide 
v6g6tation  des  tropiques.  M.  Blissegger,  remontant  de 
Khartoum  k  Elais,  depeint  ainsi  les  magnificences  de 
cette  nature  vigoureuse  :  «  L' aspect  que  pr6sente  le 
fleuve  aux  approches  d'Elais  est  le  type  de  la  beaut6 
tropicale  :  une  immense  6tendue  d'eau  toute  remplie 
d'iles  couvertes  de  bois,  et  des  bois  sur  les  deux  rives. 
On  ne  voit  rien  que  de  I'eau,  et  le  vert  sombre  des 
lor6ts  de  mimosas  que  la  hache  n'a  jamais  tou- 
^  ch6es.  Des  plantes  grimpantes  aux  fleurs  ^clatantes 
courent  et  s'enlacent  de  mani6re  i  rendre  les  bois  im- 


(  200  ) 

p(^^n<^trables ;  les  arbres,  qui  etendent  au  loin  leurs 
ramcaux  au-dessus  dii  courant,  couvrent  entitreuient 
la  plage,  et  c'est  dans  le  fleuve  nieme  que  tombent 
les  oiscaux  que  le  plomb  atteint  sur  les  branches  ex- 
tremes. Nulle  part  encore  je  n'ai  vu  une  pareille  mul- 
titude de  crocodiles  et  d'hippopotames » 

Toute  cette  premiere  partie  de  la  valine  du  fleuve 
Blanc,  sur  une  longueur  do  plus  de  cent  lieues  (1)  a 
partir  de  Khartoum,  est  occupee  par  des  Iribns  pas- 
torales de  sang  arabe.  Ce  sont,  de  ce  c6t6,  les  derniers 
rameaux  de  cette  race  f^conde,  qui,  non-seulement 
depuis  les  premiers  temps  de  I'islam,  mais  bien  plus 
anciennement,  depuis  des  6poques  inconnues  (2),  a 
partag6  avec  la  race  6thiopienne  ])roprement  dite,  qui 
appartient  indubitablement  a  la  famille  berberc,  la 
possession  de  la  Nubie  et  des  oasis  orientaux  du  d6sert 
libyque.  La  limite  extreme  des  tribus  arabes  est  entre 
le  XV  et  le  xii*  degr6  de  latitude ;  c'est  \k  que  com- 
mence le  domaine  des  peuples  noirs. 

Les  premiers  que  Ton  rencontre  en  remontant  ainsi 
le  fleuve  sont  les  Chillouks  et  les  Dinkas,  deux  nations 
populeuses  qui  occupent  parall^lement  les  bords  du 
Bahr-el-Abyad,  sur  une  etendue  de  pr6s  de  quatre- 
vingts  lieues,  les  premiers  a  I'ouest  sur  la  rive  gauche, 
les  seconds  a  I'orient  sur  la  rive  oppos6e.  Le  nom  des 
Chillouks  est  connu  au  loin  et  trfes  redouts  dans  cette 
partie  de  I'Afrique.  C'est  un  peuplc  belliqueux  et  pil- 
lard,   dont   les  Arabes  limitrophes   ont  beaucoup  i 

(1)  Quatre  dcgres  en  ligne  directe, 

(2)  Sinum  (arabicuin)  undique  Arabes  incingunt,  a  dit  Mdla. 


(  261  ) 

souffrir.  lis  possfedent  de  nombrenx  canots  qui  leur 
fournissent  a  la  fois  un  moyen  d'attaque  rapide  et  une 
retraite  assur^e.  Les  Dinkas,  dont  le  pays  est  plus  d6- 
couvert,  ne  montrent  pas  des  dispositions  aussi  agres- 
sives. 

Depuis  Khartoum,  la  direction  g6n6rale  du  fleuve 
Blanc  a  6t6  au  sud,  sauf  une  deviation  au  sud-ouest 
chez  les  Chillouks;  mais  a  partir  du  confluent  du 
Sobat,  au  9°  degr6  de  latitude,  le  courant  tourne  droit 
k  I'ouest  et  garde  assez  longtemps  cette  direction,  for- 
mant  la  separation  de  deux  nouveaux  peuples  noirs  : 
au  nord  les  Yengh6h,  au  sud  les  Nonehrs.  A  un  degr6 
environ  du  Sobat,  celui  qui  reraonte  le  fleuve  arrive  k 
une  grande  expansion  d'eau  qui  forme  un  veritable 
lac,  auquel  les  Noirs  donnent  le  nom  de  Nou,  et  que 
les  Arabes  appellent  Bahr-el-Ghazal,  le  lac  des  Ga- 
zelles. Ce  lac  recoit  du  sud-ouest  une  autre  riviere,  le 
Keilak,  qui  apporte  au  fleuve  un  volume  d'eau  consi- 
derable. 

Ici,  ou  pourmieux  dire  depuis  la  jonction  du  Sobat, 
le  Nil  Blanc  a  pris  un  nouvel  aspect.  Aux  rives  bois^es 
et  pittoresques  de  la  terre  des  Chillouks  ont  succ6d6 
des  bords  plats,  monotones,  caches  sous  des  forets  de 
hautes  herbes,  et  oil  les  inondations  annuelles  laissent 
d'innombrables  lagunes.  C'est  le  commencement  d' une 
v6ritable  region  de  marais  qui  borde  le  fleuve  sur  une 
6tendue  de  plus  de  quatre-vingts  lieues.  Rien  de  plus 
tristement  accablant  que  cette  partie  de  la  navigation. 
L'eau,  impr^gn^e  d'une  vase  f6tide  et  couverte  de  ve- 
getations spongieuses  ou  de  plantes  en  decomposition, 
a  pris  une  couleur  noiratre  qui  fait  songer  au  Styx 


(  262  ) 

I'ancienne  mythologie.  Des  Ibr^ts  dc  roseaux  gigan- 
tesques  ne  laissent  pas  reconnaitre  oii  finisseiit  les 
eanx  lerreuses  du  courant,  od  commencent  les  terres 
d6tremp6es  de  la  plage.  L'hippopotanie  et  le  crocodile 
infestent  la  rivitire,  les  reptiles  pullulent  dans  les  lies 
^fleurd'eau,  et  des  niyriades  d'insectes  avides,  qui 
semblent  sortir  du  sol,  sont  le  fl6au  des  hommes  et 
des  animaux.  On  pent  se  flgurer  combien  est  perni- 
cieux  le  voisinage  de  ces  hideux  receptacles,  et  Ton 
coinprend  pourquoi  cette  partie  mar6cageuse  de  la 
valine  fut  le  terme  oil  s'arret^renl  les  notions  positives 
des  anciens  siir  le  haut  Nil.  Naturellement,  on  ne 
trouve  plus  ici  les  indices  d'une  population  exub6- 
rante  dont  on  a  6t6  frapp6  au  nord  du  Sobat ;  au  lieu 
des  villages  presses  qui  se  succ^dent  sans  interruption 
cbez  les  Chillouks,  on  n'apercoit  plus  que  des  huttes 
isol6es,  toutes  plac^es  a  distance  du  fleuve.  Ajoutons 
qu'au  temps  des  inondations  annuelles,  quand  le  soleil 
remonte  de  I'^quateur  vers  le  tropique  d'6t6,  les  eaux 
mal  encaiss6es  couvrent  la  valine  sur  une  tr6s  grande 
6tendue,  et  que  toute  cette  partie  du  fleuve  doit  alors 
presenter  1' aspect  d'un  lac  sans  limites.  Les  Nouehrs 
occupent  les  deux  cot6s  de  la  valine  au-dessus  du 
Bahr-el-Ghazal,  presquejusqu'au  point  oi  finissentles 
marais. 

Ala  region  pestilentielle  succ^de  la  region  des  mon- 
tagnes.  Pour  ce  que  Ton  y  connait  jusqu'a  present  de 
la  valine  du  fleuve,  depuis  le  7°  degre  jusqu'au  h' 
environ  au  nord  de  I'^quateur,  cette  qualification  de 
region  montagneuse  ne  pent  n6anmoins  se  prendre 
encore  que  dans  un  sens  relatif.  Le  pays  s'6I6ve  et 


I 


(  263  ) 

devient  plus  accidents ;  ck  et  ]k  des  coUines  surgisseiit 
du  milieu  des  plaines,  ou  dessinent  a  I'horizon  de  fai- 
bles  ondulatioiis  :  mais  c'est  la  seulement  ou  se  sont 
arret^es  les  explorations,  que  Ton  voit  apparaitre  dans 
lelointain  des  signes  de  hauteurs  plus  marquees,  d'ou 
se  d^tachent  sur  plusieurs  points  des  pics  tr^s  6lev6s. 
On  peut  pressentir  d6ja  la  nature  alpestre  de  la  con- 
tr6e  encore  inconnue  que  la  riviere  remonte  de  ce 
point  jusqu'a  ses  sources.  Diff^rentes  peuplades  de  la 
meme  famille  que  les  Chillouks  et  les  Nouehrs  bordent 
les  deux  rives  entre  le  5'  et  le  7'  degr*^,  les  Keks  ou 
Ki6ks  d'abord,  puis  les  Boundourials  et  les  Toutouis, 
les  Bohrs  et  les  Elliabs,  les  Tchirs  et  les  Li^ns,  outre 
un  assez  grand  nombre  de  tribus  moins  notables ; 
apr6s  ceux-la  vient  un  autre  peuple  sup^rifeur  aux 
pr6c6dents  a  plusieurs  6gards,  et  dont  la  langue  diff^- 
rente  semble  denoter  une  autre  origine,  les  Baris. 
C'est  chez  eux  que  se  sont  arret^es  les  explorations 
effectu6es  jusqu'a  cette  heure ;  mais  leur  territoire 
remonte  beaucoup  plus  haut. 

Essaierons-nous  maintenant  de  r^sumer  en  quel- 
ques  points  essentiels  les  notions  les  plus  g6n6rales, 
tant  g6ographiques  qu'etbnographiques,  qui  ressortent 
des  relations  jusqu'a  present  publi^es  sur  le  fleuve 
Blanc  ? 

A  partir  du  territoire  des  Cbillouks,  qui  commence 
seulement,  nous  I'avons  vu,  a  quatre-vingts  lieues  et  plus 
au-dessus  de  Khartoum,  les  differents  peuples  des  bords 
du  fleuve  sont  tous  ranges  par  les  voyageurs  dans 
la  classe  si  nettement  tranchee  des  populations  negres. 
Cette   denomination   convient   a  une   partie   d' entre 


(  264  ) 

eux,  mais  non  pas  ^  tous;  il  en  est  plusieurs  qu'il  sera 
plus  exact  de  qualifier  seulement  de  peuples  noirs  (1). 
II  est  bien  express6ment  parl6  des  Chillouks  et  des 
Dinkas,  les  premiers  en  venant  du  nord,  comme  de 
v6ritables  n^gres  (2).  Les  Nouehrs,  qui  leur  succ^dent, 
et  qui  poss^dent  toute  la  partie  mar6cageuse  de  la  val- 

(!)  Nous  ne  voulons  pas  affliger  nos  lecteurs  d'line  dissertation  en 
forme  sur  la  dislinctiou  fondamculale  des  peuples  uegres  et  des  peu- 
ples uoirs.  I, a  laague  cominuDe  confoud  liabituellemeut  les  deux  ex- 
pressions, et  cela  n'a  pas  uq  grand  inconvx-nient ;  mais  la  languc  scienti- 
fiquene  doit  pas  tomberdanscette  confusion.  Les  populations  negresde 
TAfriquc  et  de  I'Oceatiie,  bien  qn'au  premier  aspect  on  ne  mettcpasune 
bien  graude  difference  entre  elles,  pr^sentent  a  I'observateur  des  par- 
ticularil^s  de  ronformation,  et  m^me  de  nuances  dans  la  couleur  de 
la  peau  (sans  parler  de  la  division  ct  de  I'agroupement  des  langues), 
qui  etablissent  dans  cette  classe  de  populations  des  races  non  moins 
distinctes  et  non  moins  nombreuses  que  celles  qui  o:it  dte  reconnues 
dans  la  grandeet  noble  famille  des  peuples  blancs;  mais  au-dessus  de 
ces  distinctions  secondaires  il  y  a  un  trait  gdndral  qui  les  domine 
toutes  et  leur  sert  de  lien  commun,  c'est  la  nature  laineuse  des  che- 
veux.  C'est  la  le  veritable  cachet  du  Negre.  Tout  pcuple  qui  n'en  est 
pas  marqud,  (luelque  foncec  que  puisse  6tre  d'ailleurs  la  teinle  de 
son  cpidernie,  quelle  que  soil  m^me  la  coupe  de  sa  physionomie, 
n'appartient  pas  a  celte  classe  infcrieure  de  la  famille  humainc.  Ce 
pourra  Atre  un  people  noir,- ce  ne  sera  pas  un  pcuple  negre.  Les 
Cafres  sont  des  Noirs;  ce  ne  sont  pas  des  N^gres.  Les  Fellatas  ou 
Foullas,  cette  grande  nation  qui  duniiue  aujourd'hui  la  moitid  du 
Soudan,  sont  un  peuple  noir;  ce  n'cst  pas  un  peuplc  n^gre.  On  cu 
peut  dire  aulaut  des  Tibods,  branche  adulldri'e  de  la  race  berberc, 
aussi  bien  que  des  Biscliarts  ct  des  autrcs  tribus  nubicnnes,  qui  sont 
les  Ethiopiens  des  Grecs ;  on  peut  ('•lendre  i^galcnient  cette  distinction 
aux  Abyssins  et  a  bien  d'aulros  tribus  de  I'Afriquc  oricntale. 

(2)  Particuli^rement  par  M.  RUssegger,  qui  apporte  dans  ses  obser- 
TatioQt  et  dans  ses  classiGcatious  d'cthnographie   toute  la  rigueur 


(  265  ) 

16e,  semblent  aussi  devoir  6tre  ranges  dans  la  mfime 
classe;  mais  k  partir  de  ces  derniers,  depuis  le  7% 
peut-etre  meme  flepuis  le  8°  degr6  de  latitude,  les 
penples  qui  occupent  les  parties  plus  hautes  jusqu'au 
4*  degr6  appartiennent  k  une  autre  classe,  du  moins 
au  point  de  vue  physique. 

A  une  autre  classe,  disons-nous,  mais  non  ^  une  autre 
"race.  Toutes  ces  populations  indistinctement,  depuis  les 
Chillouks  jusqu'aux  Baris,  sont  certainement  de  souche 
n^gre  :  I'analogie  fondamentale  des  idiomes  atteste  ici 
I'unit^  d'origine ;  mais  chez  les  peuples  les  plus  me- 
ridionaux  de  la  valine,  chez  les  Keks,  chez  les  Bohrs, 
chez  lesTchirs,  chez  les  Baris  et  chez  d'autres,  il  s'est 
introduit  un  6l6ment  6tranger,  un  6l6ment  d'une  na- 
ture sup6rieure,  qui  a  profond^ment  modifi^  le  type 
primordial  et  a  cr66  un  type  interm^diaire.  M.  Thibaut, 
M.  Werne,  les  missionnaires,  tous  ceux  qui  ont  apport6 
quelque  attention  k  ce  point  important  d' observation, 
ont  remarqu6  que  la  chevelure  de  ces  peuples  du  sud 
est  non  plus  laineuse,  mais  presque  lisse.  La  physio- 
nomie  a  6prouv6  un  changement  analogue.  Ce  ne  sont 
plus  les  pommettes  saillantes,  le  nez  6pat6,  les  l^vres 
6paisses,  toute  la  physionomie  simique  des  Chillouks 
et  de  leurs  voisins  les  Noubas  :  le  nez  s'est  relev6,  la 
bouche  s'est  amincie,  la  coupe  du  visage  s'est  r^gula- 
ris6e,  la  physionomie  tout  entifere  s'est  ennoblie.  Le 
changement  est  g6n6ral,  nonobstant  les  nuances ;  il  est 


icientifique.  N^anmoins,  comme  M.  RQssegger  ne  les  a  vus  que  sur 
quelqucs  points  extremes,  il  pourrait  biwi  y  avoir,  et  nous  croyoQj 
qu'il  y  a,  en  effet,  quelques  reserves  a  faire  cet  egard. 


(  266  ) 

snrtout  'frappant  chez  les  chefs.  «  Leur  chef,  cormue 
celiii  des  Boundourials,  dit  M.  Werne  en  parlant  dcs 
Bolirs,  avail  le  nez  arque  et  la  physit)nomie  plus  noble 
que  les  autres,  ainsi  que  j'en  avals  deja  fail  la  re- 
uiarque  g6n6rale.  La  noirceur  de  la  peau  est  surlout 
ce  dont  on  est  frapp6  pour  les  raltacher  a  la  race 
nfegre,  hien  que  dans  son  ensemble  la  physionomie  de 
ces  honmies  ne  soit  pas  pr6cis6ment  la  physionomie 
n6gre.  La  pluj)art  des  Europ^ens,  s'ils  6taient  enduits 
d'line  couleur  noire,  ressembleraient  k  ces  peuples.  » 
Le  meme  observateur  nous  trace  en  ces  termes  le  por- 
trait du  chef  des  Baris  et  de  son  fds  :  «  La  beauts  de 
ces  deux  hommes  est  frappante,  quoique,  dans  la  mul- 
titude m^me  du  peuple,  il  n'y  en  a  pas  un  seul  qu'on 
puisse  vraiment  appeler  laid.  lis  sont  grands  et  forte- 
ment  charpent^s.  .Le  nez  est  un  peu  large,  k  la  v6rit6, 
mais  non  pas  6cras6 ;  sa  forme,  doucement  arrondie, 
rappelle  la  lete  de  Ramses.  La  bouche  est  marquee, 
sans  avoir  cependant  rien  du  n6gre,  pr6cis6ment  comme 
dans  les  tableaux  6gyptiens.  Le  front  est  large  et  ar- 
rondi,  I'oeil  expressif  et  franx.  »  Enlin  dans  un  autre 
passage,  parlant  du  peuple  bari,  le  D'  Werne  dit  en- 
core :  <(  La  figure  et  la  tete  sont  chez  eux  tout  k  fait 
r^guliSres ;  nos  propres  soldats  noirs,  bien  qu'on  ne 
puisse  pas  dire  qu'ils  soient  laids,  ont  des  traits  plus 
nfegres  qui  contrastent  fortement  avec  ceux  des  Baris... 
La  figure  est  ovale,  le  front  arrondi,  le  nez  droit  ou 
arqu6,  les  narines  un  peu  ouvertes,  la  bouche  forte 
commc  chez  les  anciens  tgyptiens,  et,  comme  chez 
ceux-ci  6galement,  i'ouverture  de  I'oreille  large  et  les 
tempes  d^primees.  » 


(  267  ) 

Dans  I'ensemble  de  cette  conformation,  qui  se  d6- 
tache  d'une  manifere  si  frappanle  du  fond  des  popula- 
lations  n^gres,  on  ne  pent  m6connaitre  une  formation 
mixte,  une  race  m6tis.  Nous  sommes  6tonn6  que  per- 
sonne  n'en  ait  fait  la  remarque.  Ceci  est  d'autant  plus 
digne  d' attention,  qu'un  grand  ensemble  de  faits  ana- 
logues [se  r6v61e  dans  toute  I'Afrique  orientale.  Une 
suite  ininterrompue  de  peuples  de  sang  mel6,  trfes  pro- 
bablement  un  616aient  galla  sur  un  fond  n^gre,  couvre, 
sous  les  deux  appellations  g6n6rales  de  Cafres  et  de 
Souah6lis,  toute  la  zone  litt^rale  qui  borde  la  mer  des 
Indes  depuis  le  canal  de  Mozambique  jusqu'aux  envi- 
rons de  r^quateur.  Ici,  dans  la  haute  valine  du  fleuve 
Blanc,  nous  retrouvons  le  meme  ph6nom6ne  ethnogra- 
phique,  probablement depuis  I'^quateur  jusqu'au  8'  de- 
gr6  de  latitude  nord.  S'il  pouvait  encore  y  avoir 
quelque  doute  quant  a  la  nationality  de  I'^lfement  ex- 
t^rieur,  qui,  dans  le  Sud,  a  des  6poques  inconnues,  est 
venu  greifer  le  type  caucasien  (1)  sur  un  fond  n^gre, 
ce  doute  meme,  ou  plutot  ce  scrupule  (auquel  nous  ne 
voyons  pas  de  raison  legitime) ,  ne  peut  gu6re  exister 
en  ce  qui  se  rapporte  aux  populations  sup^rieures  du 
fleuve  Blanc.  La,  en  effet,  nous  voyons  les  n^gres  du 
haut  Nil  en  contact  imm^diat  avec  les  peuples  gallas 
(de  type  caucasien)  qui  enveloppent  tout  le  pourtour 
meridional  de  I'Abyssinie;  et  la  fusion  partielle  de 
deux  races  limitrophes  est  un  fait  a  peu  pr^s  general 
dans  I'histoire  des  races  humaines.  Les  Founghis,  qui 

(1)  Nous  employons  ici  ce  mot,  tres-iiiipropre  en  ethoologie,  dans 
uti  sens  pureiaent  physique  qui  iaisse  intacles  les  questions  de  race  et 
d'origiue. 


(  268  ) 

ont  jou6  autrefois  un  grand  rOle  clans  la  haute  Nubie, 
oil  ils  avaient  61ev6  une  domination  comparable,  au 
moins  pour  I'^tendue,  a  celle  de  I'antique  Mero6,  les 
Founghis  sont,  comme  les  Baris,  un  peuple  de  race 
mixte. 

Une  autre  particularite  de  la  constitution  physique 
des  populations  noires  du  Bahr-el-Abyad  est  leur  taille 
6lev6e.  Tous  les  voyageurs  sont  d' accord  sur  ce  point. 
Tons  en  parlent  comme  de  v6ritables  g6ants,  chez 
lesquels  une  taille  de  six  picds  n'est  qu'unc  mesure 
tr^s  ordinaire.  On  salt  que  chez  les  anciens  6galement, 
chez  les  Grecs  comme  chez  les  Egyptiens  et  chez  les 
Semites,  la  haute  taille  des  Ethiopiens  du  Sud  6tait 
pass6e  en  adage.  Nous  en  avons  ici  une  confirmation 
remarquable. 

La  vigueur  et  la  beaut6  physique  d'une  partie  au 
moins  de  ces  tribus  ne  rendent  que  plus  sensible  leur 
affaissement  intellectucl  et  moral.  NuUe  part  en 
Afrique  on  n'a  trouv6  despeuples  moins  avanct^s  dans 
la  civilisation.  A  certains  6gards,  ce  sont  de  vrais  en- 
fants,  bien  que  chez  plusieurs  d'entre  eux,  chez  les 
Chillouks  notamment,  les  mauvais  instincts  de  ce 
qu'on  a  quelquefois  nomm6  les  fils  de  la  nature,  les 
instincts  de  guerre  et  de  destruction,  soient  tr6s  d6ve- 
lopp6s.  La  notion  religieuse  est  a  pen  prfes  nulle.  Ils 
semblent  n' avoir  aucune  id6e  d'une  intelligence  sup6- 
rieure  qui  preside  a  I'ordre  du  monde.  «  Qui  a  cr6e 
le  ciel,  le  soleil,  les  6toiles?  demandait  Dom  Angelo  k 
quelques  Keks.  —  Nous  avons  toujours  vu  ces  choses 
comme  elles  sont,  r6pondent-ils ;  nous  n'en  savons  pas 
davantage.   —  Qui  a  cre6  I'homme?  —  C'est  I'^l^- 


(  269  ) 

phant,  le  plus  grand  des  animaux.  L'homme  est  de- 
venu  petit  en  devenant  mediant.  »  lis  inontrent  une 
sorte  de  v6n6ration  pour  la  lune,  sans  doute  parce  que 
sa  douce  clart6  les  repose  de  la  d^vorante  ardeur  du 
soleil.  Us  semblent  aussi  adorer  les  arbres  et  la  vache, 
peut-etre  parce  qu'ils  trouvent  sous  les  uns  une  ombre 
bienfaisante,  et  que  1' autre  les  nourrit  de  son  lait.  Ge 
naturalisme  tout  a  fait  primitif  est  general  chez  les 
peuples  sauvages;  on  I'a  trouve  6galement  chez  les 
Agaous,  qui  sont  les  aborigines  du  plateau  abyssin. 
Quant  au  culte  de  la  vache,  on  sait  combien  il  a  6t6 
r6pandu  dans  I'ancien  monde;  il  suflit  de  rappeler 
rfegypte  et  I'lnde. 

II  y  a  toujours  chez  ces  tribus  un  personnage  qui  a 
su  s'entourer  d'une  sorte  de  v6n6ration  superstitieuse, 
c  est  \e  faisenrde  pluie,  —  le  roi  de  la  pluie,  comme 
on  le  nomme.  II  pent  paraitre  singidier  qu'une  telle 
fonction  soit  en  honneur  dans  une  contr6e  oii  il  pleut 
r^guliferement  pendant  huit  ou  neuf  mois  de  I'ann^e. 
Cette  singularity  s'explique  quand  on  a  vu  le  pays. 
Sous  le  soleil  presque  vertical  de  ces  regions,  deux 
mois  de  s6cheresse  suffisent  pour  tout  d^trnire.  L'herbe 
des  plaines  se  dess6che,  les  troupeaux  d6p6rissent,  et 
si  cet  6tat  de  I'atmosphfere  se  prolonge  de  quelques 
jours  seulement  au  dela  du  terme  rigoureux,  c'est  une 
desolation  generale.  C'est  alors  qu'on  vient  implorer 
I'intervention  de  celui  qui  a  su  faire  croire  a  Tefficacit^ 
de  ses  Evocations.  Les  presents  de  bestiaux  lui  arri- 
vent  de  toutes  parts.  C'est  le  moment  des  grands  pro- 
fits. Mais  si  le  role  a  ses  avantages,  il  a  aussi  ses 
perils.  Si,  aprSs  deux  demandes  successives,  la  pluie 


(  270   ) 

n'est  pas  venue,  on  saisit  le  proplifete  impuissant,  et 
on  lui  ouvre  le  ventre,  ni  plus  ni  moins.  Cela  ne  laisse 
pas  d'arriver  aSsez  frequemuient.  11  n'est  pas  n^ces- 
saire  d'aller  si  loin  pour  trouver,  toute  proportion  gar- 
d6e,  quelque  chose  d' analogue.  On  raconte  que  dans 
certaines  contr^es  du  midi  de  I'Europe,  quand  un  saint 
populaire  n'a  pas  exauc6  les  vroux  qu'on  lui  adressait, 
la  statue  est  arracli6e  de  sa  niche  avec  force  injures. 
L'ignorance  nivelle  tous  les  hommes. 

Dans  la  plupart  des  contr^es  qui  avoisinent  I'^qua- 
teur  ou  les  tropiques,  les  niemes  causes  ont  prodiiit 
des  r6sultats  semblables.  Comme  la  pluie  est  la  condi- 
tion vitale  de  ces  regions,  elle  est  aussi  I'objet  des 
plus  frequentes  invocations  que  Ton  adresse-  aux  puis- 
sances superieures.  Chez  les  Aryas  de  I'lnde,  cette 
invocation  supreme  revient  dans  une  foule  d'hymnes 
du  V6da ;  de  toutes  les  fonctions  dont  Indra,  le  grand 
dieu  des  Aryas  vediques,  est  investi,  la  premiere  est 
d'entr'ouvrir  les  nuages  qui  rectilent  les  eaux  du  ciel, 
et  d'en  abreuver  la  terre.  Les  Remains  avaient  aussi 
leur  Jupiter  Pluvius.  La  meme  aspiration,  6pur6e  par 
la  notion  chretienne,  se  traduit  dans  nos  Rogations. 
C'est  partout  le  meme  besoin  et  le  m6me  sentiment, 
difl'6remnient  exprim6s  selon  les  temps,  les  races  et 
les  civilisations. 

Nous  en  avons  dit  assez  pour  faire  comprendre  qu'il 
ne  faut  s'attendre  a  trouver  chez  les  peuples  du  haut 
Nil  rien  qui  ressemble  a  une  Industrie  quelconque. 
L' agriculture  meme  leur  est  k  pen  pr6s  6trang6re  ;  lis 
vivent  prcsque  enti^rement  du  lait  de  leurs  troupeaux 
et  du  produit  de  leur  peche  ou  de  leur  chasse.  Dans 


(  271  ) 

la  plupart  des  tribus,  les  liommes  vont  entiSrement 
nus;  inais  les  femmes  s'attachent  a  la  ceinUire  ou  une 
etroite  lanitire  de  peau,  ou  quelques  minces  pendelo- 
ques  d'6corce  ou  de  verroterie,  qui  t6moignent  au 
moins  de  leur  pudeur  instinctive,  line  meilleure  de- 
fense est  leur  salet6  repoussante ;  les  couches  de  beurre 
ou  de  graisse  dont  ils  s'enduisent  le  corps,  hommes  et 
femmes,  I'ocre  dont  ils  se  peignent,  la  cendre  et  la 
fiente  de  vaclie  dans  lesquelles  ils  se  roulent  pour  se 
garantir  de  la  piqure  des  insectes,  tout  cela,  on  le 
concoit,  non-seulement  leur  donne  un  aspect  peu  en- 
gageant,  mais  les  environne  d'une  atmosphere  qui 
tient  a  distance  I'Europ^en  le  plus  intr^pide.  II  est  rare 
qu'une  ablution  complete  mette  en  relief  la  beaut6 
naturelle  de  leur  corps. 

Une  singuli^re  coutume  qui  chez  eux  est  universelle, 
et  qui  se  retrouve,  diversement  modifi6e,  chez  beau- 
coup  d'autres  peuples  africains,  est  de  s'arracher  les 
quatre  dents  incisives  de  la  rang6e  sup^rieure.  Leur 
seule  raison  pour  expliquer  cet  usage  barbare,  est 
qu'ils  ne  veulent  pas  ressembler  aux  animaux-  Aussi 
leur  m6pris  est  grand  pour  les  tribus  des  contrees  voi- 
sines  qui  n'ont  pas  adopt6  cette  pratique.  En  parlant 
d'une  de  ces  tribus  des  montagnes  du  sud,  qu'ils  appe- 
laient  les  Chiens,  les  Baris  affirmaient  trfes  s^rieuse- 
ment  que  ces  hommes  avaient  bien  r6ellement  une  tete 
de  chien,  et  meme  qu'ils  marchaient  k  quatre  pattes. 
Ce  n'est  qua,  force  de  questions  et  d' explications  qu'on 
arriva  au  vrai  sens  de  cette  qualification.  Ce  sont  des 
rapports  de  ce  genre,  r^pandus  de  proche  en  proche 
et  propag^s  par  des  voyageurs  crc^dules,  qui  ont  donn6 


(  272  ) 

naissance  k  ces  monstres  multilbrmes  dorit  les  anciens 
peuplaient  I'inli^rieur  de  I'Afrique,  ainsi  qui  des  crea- 
tions hors  nature,  qui,  menie  de  nos  jours,  ont  encore 
trouv6  des  d6fenseurs. 

Quelques  mots   maintenant  du  r6sultat  purement 
g^ographique  des  expeditions. 

Un  des  premiers  dont  on  soit  frapp6  est  le  peu  de 
pente  de  I'ensemble  du  fleuve.  On  n'a  pas  jusqu'i 
present  une  s6rie  continue  d' observations  de  hauteurs 
qui  permette  de  determiner  en  cliillrcs  precis  la  quan- 
tity exacte  de  I'inclinaison  de  la  riviere  au-dessus  de 
Khartoum;  mais  la  faiblesse  de  cette  inclinaison  se 
fait  assez  connaitre  par  la  lenteur  meme  du  courant, 
par  sa  nature  extremeuient  sinueuse  au-dessus  du  lac 
Notj,  et  surtout  par  I'existence  de  ces  eaux  stagnantes 
qui  changent  en  marais  une  si  longue  etendue  des  rives 
du  fleuve.  Les  observations  d' altitude  de  M.  Riissegger, 
faites  au  moyen  du  barom^tre,  lui  ont  donne  pour  I'eie- 
vation  de  Khartoum  au-dessus  de  la  mer  1/131  pieds,  et 
pour  la  position  d'Elai's,  a  environ  soixante-cinq  licues 
au-dessus  de  Khartoum  sur  le  fleuve  Blanc,  1<5(57  pieds. 
11  en  reaulte,  pour  la  pente  du  fleuve  dans  cet  inter- 
valle,  une  moyenne  d'un  peu  nioins  de  4  pieds  par 
lieue,  moyenne  qui  s'accorde  bien  avec  la  pente  gene- 
rale  du  Nil  k  travers  la  Nubie,  depuis  Khartoum  jus- 
qu'i  Assouan  ou  Sy^ne,  a  I'entree  de  I'Egypte  (1).  On 

(1)  Voici  les  chiffres  de  M.  Russcggor,  ddduits  de  I'observalion  du 
baromfelre  {neise,  t.  II,  3'  partie,  p.  142,  ct  1"  pariie,  p.  544)  : 

Kliartuutn 1431  pieds. 

M6t£meh 1354 

M^raouii  (pr^s  du  M.  Barkal) 830 


(275  ) 

peut  poser  en  fait  qa'au-dessus  d'Elais  jusqu'au  pays 
des  Baris,  la  pente  g6n6rale  ne  d^passe  pas,  si  elle 
regale,  la  moyenne  observ^e  entre  Elais  et  Khartoum, 
et  qii'en  adoptant,  poi>r  la  hauteur  absolue  du  point 
extreme  oil  se  sont  arret^es  les  reconnaissances  du 
fleuve,  une  altitude  absolue  de  3000  pieds  en  nombre 
rond,  on  est  plutot  au-dessus  qu'au-dessous  du  chillre 
vrai. 

Ces  approximations  et  ces  calculs,  malgr6  leur  s6- 
ch«resse,  ont  cela  de  particuliferement  int^ressant  que 
jusqu'a  un  certain  point  ils  permettent  de  se  former 
une  premiere  id6e  de  la  hauteur  a  laquelle  peut  attein- 
dre  la  region  centrale  ou  se  trouvent  les  sources  du 
fleuve.  Les  Baris  donnent  a  la  partie  du  Bahr-el-Abyad 
qui  leur  est  connue  le  nom  de  Toubirih ;  et  dans  les 
informations  que  1' expedition  de  18/i0  put  obtenir  du 
chef  meme  de  ce  peuple,  on  apprit  que  depuis  le  point 
extreme  qu'avait  atteint  1' expedition,  il  y  avait  encore 
une  lune,  c'est-adire  un  mois  de  chemin,  pour  arriver 
aux  lieux  ou  la  riviere  se  partage  en  plusieurs  bras 


DoDgola 757 

Solib 560 

Korosko 450 

AssouSa 342 

De  Khartoum  a  Assou4u,  la  difference  est  de  1089  pieds,  pour  une 
dtendue  d'enviroa  400  lieues,  en  suivant  le  cours  du  fleuve,  ce  qui 
donne  2  pieds  3/4  en  moyenne  par  lieue  pour  la  pente  gen^rale. 

Bien  que  ces  chiffres  ne  doiveat  etre  pris  que  comme  une  approxi- 
mation, venant  d'un  observateur  aussi  exact  que  M.  Russegger  ils  ne 
peuvent  s'^loigner  beaucoup  de  la  verity,  surlout  pour  la  nioyeune  qui 
t'eo  ddduit. 

XTII.    AVRIL.    h.  19 


(  274  ) 

u  que  I'on  traverse  en  n' ay  ant  de  I'eau  que  jusqu'ci  la 
cheville,))  disaient  les  gens  du  Bari.  D'un  autre  c6t6, 
le  D'  Krapf  apprit  des  indigenes,  lors  de  son  voyage 
de  Monibaz  au  pays  d'Oukambani,  que  les  eaux  qui 
descendent  de  la  montagne  neigeuse  de  K6nia  se  por- 
tent au  nord-est  vers  un  grand  lac,  et  que  de  ce  lac 
s'6coulentplusieurs  rivieres,  dont  I'une  lui  fut  d6sign6e 
sous  le  nom  de  Toumbiri. 

On  est  amen6  n^cessairement  a  conclure  de  cette 
remarquable  coincidence,  aussi  bien  que  de  plusieurs 
autres  rapports  non  moins  significalifs,  que  la  source 
principale  du  Bahr-el-Abyad  est  au  mont  K6nia,  point 
qui  doit  se  trouver  a  une  tr(is  faible  distance  au  sud 
de  r^quateur,  ct  a  300  milles  anglais  environ  deMom- 
baz  dans  la  direction  du  nord-ouest. 

Dfes  1851,  dans  la  preface  qu'il  a  mise  en  tfite  de  la 
relation  arabe  du  Ouaday  par  le  cheikh  IMoliammed- 
el-Tounsy,  traduite  par  le  D'  Perron,  M.  Jomard  signa- 
lait  le  mont  Kenia,  d'apres  les  rapports  alors  tout 
r6cents  du  R6v.  Krapf,  comme  devant  rcnfermer  une 
des  sources  principalcs  de  la  tete  du  lleuve  Blanc.  Ce 
qui  n'etait  alors  qu'une  pr^soniption  bas6e  sur  des 
considerations  purement  physiques,  recoit  presquc  le 
caractfere  d'une  demonstration  par  le  rapprochement 
que  nous  venous  de  signaler  entre  le  Tonbiiih  des  Baris 
du  nord  et  la  Toumbiri  du  mont  Kenia. 

Diverses  circonstances  des  relations  du  D'  Krapf  et 
de  son  compagnon  de  travaux  apostoliques,  le  R6v6rend 
Rebmann,  montrent  d'ailleurs  que  la  region  que  do- 
minent  les  montagnes  neigeuses  du  Kilimandjaro  et  du 
K6nia  est  un  plateau  d'une  616vation  considerable.  II 


(  275  ) 

y  a  toute  apparence  que  ce  plateau  s'abaisse  vers  le 
nord  en  gradins  successifs  et  rapproches ;  car  il  results 
encore  des  renseignements  obtenus  parmi  les  Baris,  et 
consign^s  dans  la  pr^cieuse  relation  du  D'  Werne,  que 
la  Toubirih,  au-dessus  de  Tile  Tchanker  (non  loin  du 
point  extreme  de  nos  reconnaissances),  est  remplie 
d'un  grand  nombre  de  chutes  et  de  rapides  qui  ne 
permettent  plus  d'y  conduire  ais6ment  les  barques.  On 
sail  que  I'obstacle  qui  arreta  Texp^dition  6gyptienne 
de  1840,  un  peu  au-dessus  de  I'ile  de  Tchanker  {h. 
U  degr6s  et  quelques  minutes  de  latitude  nord,  selon 
la  determination  de  M.  d'Arnaud),  est  une  barre  de 
rochers  qui  forme  en  cet  endroit,  dans  le  lit  de  la  ri- 
viere, un  ressaut  qu'on  ne  pent  franchir  qu'au  temps 
des  hautes  eaux. 

L' expression  une  lune,  employee  par  les  Baris,  im- 
plique  une  distance  considerable,  car  ces  peuples  sent 
bons  marcheurs.  II  n'est  cependant  pas  encore  possible, 
dans  retat  actuel  de  nos  connaissances,  de  determiner 
cet  espace  d'une  manifere  im  peu  precise.  Cette  deter- 
mination doit  resulter  de  la  position  relative  du  mont 
Renia  et  de  Tile  Tchanker ;  or,  nous  n'avons  encore, 
surtout  pour  le  second  point,  que  des  donnees  tres 
incertaines.  La  position  assignee  au  mont  Kenia  est 
deduite  uniquement  de  I'estime  des  marches  du 
D'  Rrapf  depuis  Mombaz,  tant  pour  la  distance  que 
pour  la  direction ;  neanmoins,  comme  ces  estimes  ont 
ete  prises  par  un  observateur  attentif,  habitue  de 
longue  date  aux  pays  de  montagnes  par  ses  courses 
en  Abyssinie,  il  ne  semble  pas  que  les  observations 
directes  des  futurs  explorateurs  doivent  apporter  un 


276  ) 

changement  notable  dans  Templacement  provisoire 
donn6  au  mont  Kenia,  —  environ  un  dcmi-degr6  de 
latitude  sud,  et  35"  de  longitude  orientale  comptte  du 
m^ridien  de  Paris.  Mais,  chose  assez  6trange,  le  point 
extreme  des  reconnaissances  du  fleuve  Blanc  cliez  les 
Barisestbien  loin  d'etre  fix6  d'une  manii^re  aussi  sa- 
tisfaisante,  quoiqu'on  y  ait  fait  a  plusieurs  reprises  des 
observations  astrononiiques.  C'est  que  pr^cis6ment  ces 
observations,  un  peu  pour  la  latitude  et  beaucoup 
pour  la  longitude,  pr^sentent  des  divergences  presque 
incroyables.  On  en  jugera  par  les  rapprochements 
suivants  : 

LATIT.    «.         LOWG.    E. 
DE  PARIS. 

La  petite  lie  Tchanker,  terme  extreme  de  I'ex- 
pddition  de  1840,  est,  sclou  M.  d'Arnaud,  par    4°  42'         29*  18' 

Ou  seloa  une  premiere  estime  (1)  du  inline 
Toyageur 29'  42'  I 

Seloo  Selim  Bimbachi,  le  commandaat  ^gyp-  I 

tieade  la  ra^me  expedition  (Werne,  p.  311)...     4'  35'         30*  ' 

Selon  la  carte  h  grand  point  de  M.  Werne. . .      4°  04'         30»  05' 

Mais  selon  le  Rev.  Knoblecher  [Bulletin  de  la 
SocieU  de  geographic,  1852,  III,  page  27),  le 
mime  point  se  trouverait  par 4*  37  26*  20' 

(1)  Selon  la  longitude  eslimee,  dit  expressdment  M.  d'Arnaud  dans 
une  premiere  letlrc  adressde  a  M.  Joniard,  et  iraprimde  au  Bulletin 
de  la  Societcde  geographic,  l.  XYII,  1812,  p.  377.  Si,  comme  on    I'a         — 
penso,  et  comme  scmblerait  I'iudiiiuer  cetlc  expression,  les  determi-       fl 
nations  de  longitude  faites  par  I'cxpddilion  de  1840  sont  principalc-     ^| 
meul  deduitos  des  directions  journaliijres  donndes  par  la  boussolc,  en 
8'appuyanl  sur  la  position  de  Khartoum  qui  fut  le  puiutde  depart  de 
I'expddition,  un  nioyeii  aussi  iucerlain  ponr  uuc  navigation  cxtreme- 
meut  sinueuse,  sufCsait  bien  h   cxpliquer  la  graade  dilliircuce  de* 
chiffres  deM.  d'Arnaud  et  de  ceux  deM.  Knoblecher. 


(  277  ) 

Pour  la  latitude,  les  divergences  extremes  se  mon- 
tent  k  prfes  de  40  minutes,  les  deux  tiers  d'un  degr6 ; 
mais  c'est  bien  autre  chose  pour  la  longitude.  Entre  la 
determination  de  M.  d'Arnaud  (soit  par  observation 
directe,  soit  par  estime,  nous  ne  savons),  et  les  obser- 
vations du  R6v6rend  Knoblecher,  la  difT6rence  est  de 
trois  degres  et  plus ;  cette  difference  s'augmente  encore 
de  45  minutes,  ou  des  trois  quarts  d'un  degr6,  si  on 
prend  pour  point  de  comparaison  la  carte  de  M.  Werne, 
dont  M.  Kiepert,  le  savant  geographe  de  Berlin,  a 
suivi  les  donn6es.  II  est  bien  clair  que  I'^tat  actuel  de 
I'astronomie  pratique  n'admet  pas  de  telles  anomalies. 
Un  des  deux  chiffres  au  moins  est  entach6  d'une  grave 
erreur.  Lequel?  c'est  ce  qu'on  ne  saurait  dire ;  car 
aucun  des  voyageurs  n'a  rendu  public  le  detail  de 
ses  observations,  ce  qui  aurait  permis  aux  astronomes 
d'en  verifier  les  616ments.  La  nature  meme  de  ces  ob- 
servations n'est  pas  indiqu^e.  En  cet  6tat,  on  ne  pent 
que  snspendre  son  jugement ;  mais  aussi,  quelle  que  soit 
celle  des  deux  determinations  vers  laquelle  on  penche, 
on  ne  pent  I'accepter  que  comme  provisoire. 

Cette  divergence  est  d'autant  plus  grave,  qu'elle 
change  du  tout  au  tout  I'aspect  et  le  trac6  du  fieuve 
Blanc.  Avec  les  chiffres  de  M.  d'Arnaud  et  de  Seiim, 
le  fleuve,  depuis  le  lac  mar^cageux  du  Bahr-el-Ghazal, 
se  porte  droit  au  sud-est  jusqu'a  I'ile  Tchankfer;  selon 
les  donnSes  de  M.  Knoblecher,  la  valine,  sauf  de  16- 
gferes  deviations,  remonte  directement  au  sud.  II  y  a 
aussi  une  difference  considerable,  tout  k  la  fois  pour 
la  direction  et  pour  la  distance,  dans  la  position  rela- 
tive de  I'ile  Tchanker  et  du  mont  Kenia,  selon  qu'on 


(  278  ) 

se  base  sur  les  indications  de  I'cxp^dition  de  iShO  ou 
sur  celles  du  missionnairc  autrichien.  Dans  le  premier 
cas,  rintervalle  d'un  point  k  I'autre  est  de  sept  degr^s 
^quatoriaiix  i  Touverture  du  compas,  sur  une  ligne 
inclin6e  du  nord-ouest  au  sud-est;  dans  le  second 
cas,  rintervalle  est  de  dix  degr6s,  et  rinclinaison  va 
presque  de  Touest  k  Test.  On  pent  remarquer,  sans 
rien  pr^juger  aufond,  que,  d'apr^s  le  dire  des  indi- 
genes, la  route  de  ceux  qui  remontent  la  Toubirih  se 
dirige  principalement  vers  le  soleil  levant,  ce  qui  serait 
bien  en  accord  avec  les  donn^es  du  Rev.  Knoblecher. 
Ce  qui  ressort  de  tout  ceci,  c'est  que  dans  ces  par- 
ties extremes  de  la  region  du  baut  Nil,  vers  laquelle 
se  portent  depuis  si  longtemps  les  regards  du  monde, 
bien  des  recherches  de  detail,  bien  des  verifications,  et 
aussi  bien  des  d^couvertes  importantes  rest'ent  encore 
h  faire,  ratals  que  d^sormais  le  champ  des  investigations 
y  est  bien  delimit^.  On  ne  marche  plus  k  I'aveugle  et 
dans  I'inconnu.  Le  but  est  nettement  d6sign6,  il  est  en 
quelque  sorte  sous  les  yeux  de  I'explorateur,  et  la  route 
pour  I'atteindre  est  d6jci  6clair6e  a  demi.  Que  Ton 
remonte  de  I'ile  Tchankfer,  \k  oil  se   terminent  les 
reconnaissances  actuelles  du  fleuve  Blanc,  a  la  region 
du   mdnt  R6nia,   ou  que,  reprenant   les  traces  du 
D'  Krapf,  on  parte  de  la  cote  orientalc  pour  gagnerle 
mont  R6nia,  et  du  mont  R^nia  pour  rejoindre  I'ile 
Tchankfer,  ce  n'est  plus,  on  pent  dire,  qu'une  entre- 
prise   ordinaire  parmi   celles   qui  ont  marqu6  dans 
I'histoire  des  explorations  africaincs,  une  entreprise 
maintenant  moins  difficile  ct  moins  hasardeuse  que 
cells  des  Mungo  Park,  des  Bartb  et  des  Livingstone.  Et 


(  279  ) 

pourtant  elle  n'en  sera  pas  moins  couronnee  d'une 
gloire  immortelle. 

Nous  n'avons  a  ajouter  qu'une  seule  remarque,  mais 
elle  est  importante. 

II  est  sans  doute  fort  a  desirer  qu'un  voyageur  sa- 
vant, un  nouveau  Riissegger,  reprenne  bientot  1' ex- 
ploration tout  enti^re  du  Bahr-el-Abyad ,  qu'il  en 
remonte  le  cours  a  partir  de  Khartoum,  et  que,  mar- 
quant  ses  stations  principales  par  de  bonnes  observa- 
tions astronomiques  et  barom6triques,  il  16ve  enfin 
d'une  maniere  d6ilnitive  les  doutes  qui  planent  encore 
sur  la  vraie  direction  du  fleuve  et  sur  le  relief  du  pays. 
Mais  il  nous  parait  evident,  a  la  seule  inspection  de  la 
carte,  que  la  n'est  plus  maintenant  la  route  des  grandes 
d^couvertes.  Les  grandes  decouvertes  qui  restent  k 
faire  en  Afrique,  c'est  de  la  cote  orientale  qu'il  faut 
les  entreprendre.  Les  voyages  du  R6v.  Rebmann  au 
Djagga  et  du  D'  Rrapf  a  FOukambani  en  ont  ouvert  la 
voie  et  montr6  la  direction,  C'est  de  la  region  meme 
du  mont  K6nia  qu'elles  doivent  d6sormais  partir  (1). 

Les  lignes  d' exploration  qui  rayonnent  de  la  dans 

(1)  A  I'occasion  de  la  communication  actucUe,  qui  avait  6t6  faite 
dans  une  des  stances  parliculieres  de  la  Soci^te  avant  d'etre  lue  en 
stance  publique,  M.  Jomard,  president  de  la  Commission  centrale,  a 
donai  connaissance  de  lettres  privees  ^crites  il  y  a  trois  ans  a  un  ofD- 
cier  de  marine  qui  avait  dessein  d'expiorer  ces  parages,  et  ou  la  cote 
de  Mombaz  est  (^galement  signalee  comme  le  raeilleur  point  de  depart 
a  donner  dcsormais  aux  explorations  int^ricures  de  la  region  des 
sources  du  Nil.  Nous  n'avons  pas  besoin  d'ajouter  combien  nous  nous 
felicitous  de  nous  etre  rencontrd  rn  ceci  avec  un  savant  a  qui  les  tra- 
vaux  de  sa  vie  entiere  ont  acquis  sur  ce  sujel  une  si  haute  et  si  legitime 
autorite. 


1 


(  280  ) 

toTites  Ics  directions  conduiront  toiites  a  des  d6cou- 
vertes  d6cisives.  Au  nord  et  au  nord-est,  elles  iront  se 
relier  aux  reconnaissances  du  fleuve  Blanc  ;  ou  bion,  i 
travers  la  contr^e  des  Gallas,  elles  iront  rejoindre  les 
explorations  de  M.  d'Abbadie  dans  I'Enarea,  et  celles 
de  M.  Burton  chez  les  Somal.  Au  nord-ouest,  elles 
viendront  se  rattacher,  h.  travers  toute  I'^tendue  de  la 
■6gion  6quatoriale,  aux  d6couvertes  de  Barth  et  de 
Baikie,  dans  le  bassin  de  la  B6nou6,  aprfes  avoir  coup6 
probablement  tout  le  r6seau  des  afiluents  encore  incon- 
nus  de  la  gauche  du  Bahr-el-Abyad.  Au  sud-ouest 
enfin,  elles  p6n6trent  au  cceur  meme  du  continent  aus- 
tral, coupent  la  region  des  grands  lacs,  et  viennent 
aboutir  au  Zaire  inCerieur  ou  au  bassin  du  Zambezi,  se 
rattachant  ainsi  aux  voyages  r^cents  de  Burton  et  de 
Livingstone.  Ily  a  la  de  quoi  alimenter  largement  I'ac- 
tivit6  des  explorateurs ;  et  cependant  telle  est  I'ardeur 
actuelle  pour  les  d^couvertes  africaines,  que  Ton  peut 
pr^voir  d6ja  le  moment  oil  ces  grandes  et  difficiles  tra- 
vers6es  seront  accomplies,  et  oii  nous  verrons  ainsi 
disparaitre  les  derni^res  lacunes  qui  restent  a  combler 
sur  la  carte  de  I'Afrique  et  du  monde. 

Vivien  de  Saint-Martin. 


(  281) 
NOTICE  SUR  LE  DARFOUR 

ET  SUR  LE  VOYAGE  DE  M.  LE  DOCTEUR  CUNY 

DANS  CETTE  CONTR£e, 

Par  M.  le  comte  D'Escatrac  db  Lactcrb. 


II  y  a  pr6s  de  dix-huit  mois,  lorsque  je  quittai 
i'Egypte  pour  revenir  en  France,  je  cherchai  s'il  ne 
se  trouverait  pas  dans  le  pays  meme  quelque  Europ6en 
d^sireux  et  capable  d'entreprendre  une  exploration  et 
de  faire  des  d6couvertes  g^ographiques,  c'est-i-dire 
intelligent,  6clair6,  actif,  courageux,  et  en  meme  temps 
acclimat6  dans  les  pays  chauds,  fait  aux  usages  de 
Torient,  parlant  la  langue  arabe  avec  facility.  Je  vou- 
lais  engager  cet  Europ6en  k  visiter  le  Darfour  et  le 
Waday.  L' exploration  de  ces  deux  Etats  me  paraissail 
presenter  le  plus  vif  int6ret;  en  meme  temps  quelle 
devait  etre  plus  facile  et  moins  dispendieuse  que  la 
recherche  des  sources  d'un  grand  fleuve,  recherche  qui 
n6cessite  I'emploi  de  moyens  de  transport  toujours 
difficiles  k  se  procurer  dans  des  contr6es  que  la  civili- 
sation n'6claire  pas  encore.  11  faut  observer,  de  plus, 
que  les  populations  du  haut  Nil  vivant  entiferement  k 
r6tat  sauvage,  il  n'est  pas  sans  danger  de  p6n6trer  au 
milieu  d'elles ;  tandis  que  les  peuples  dn  Darfour  et 
du  Waday,  comme  ceux  du  Bornou,  6tant  soumis  k 
des  gouvernements  k  pen  pr6s  r^guliers,  le  voyageur 
a  peu  de  chose  k  en  redouter  d6s  qu'il  s'est  mis  en 
r^gle  avec  rautorit6  qu'ils  reconnaissent,  et  dfes  lors 


(  282  ) 

peut  voyager  sans  escorte  et  presque  sans  armes. 

La  partic  occidentale  du  Soudan  a  cte  visitce  depuis 
Denham  et  Clappcrton  par  un  grand  nonibre  de  voya- 
geurs  :  le  Niger  et  la  Tcliadda  ont  m^mc  6te  d(?ja  re- 
montd'S  sur  une  partie  notable  de  leur  cours  par  des 
bateaux  a  vapeur,  et  tout  porte  a.  croire  que  d'ici  a  peu 
d'annees,  uu  commerce  important  se  fera  entre  I'Eu- 
rope  et  le  Soudan  par  le  Niger. 

Le  Soudan  oriental,  au  contraire,  nous  est  encore 
bien  peu  connu.  Le  voyageur  Vogel,  qui  avait  r6cem- 
ment  p^n6tr6  dans  le  ^^■aday,  parait  y  avoir  6t6  mis 
h  raort,  et  les  r6sultats  de  son  exploration  seiiiblent 
elre  perdus  pour  la  science.  Le  Darfour  a  6tevisite  par 
Browne,  qui  y  passa  meme  trois  ans,  de  1793  b.  1796. 
Mais  Browne,  dcnoncc  au  roi  de  Darfour  comme  es- 
pion,  emprlsonne  ou  garde  a  vue,  longtemps  malade, 
n'a  pu  donner  que  peu  de  rcnseignements  sur  un  pays 
dont  il  n'avait  vu  qu'un  district,  et  sur  un  pcuplc  avec 
lequel  il  n'avait  pu  nouerde  relations.  Fresnel,  consul 
h  Djeddah,  ecrivit  il  y  a  quelques  annees  un  m^moire 
tr6s  remarquablc  sur  le  AVaday.  J'ai  moi-meme  plus 
tard,  sur  des  indications  obtcnues  au  Cairo,  trait6  du 
Darfour,  du  Waday  et  des  autres  Etats  du  centre  de 
TAfrique.  Je  citerai  aussi  les  voyages  du  cheikh 
Mohammed  el  Tounsy,  traduits  par  M.  le  docteur 
Perron ;  on  y  rencontre  quelques  faits  assez  curieux  b. 
c6t6  de  beaucoup  de  ces  fables  auxquelles  so  laisse 
entrainer  1' esprit  cr6dule  et  born6  des  Arabes. 

Le  grand  capitaine  qui  commandait  I'exp^dition 
d'Egypte  avait  song6  a  nouer  avec  le  Darfour  quelques 
relations.  II  avait  6crit  meme  au  roi  de  ce  pays  pour 


(  283  ) 

lui  demander  des  esclaves  dont  il  eut  probablement 
form6  un  corps  militaire  :  c'eut  6t6  un  renfort  tr6s 
utile  pour  I'arm^e  francaise  priv6e  de  communications 
avec  la  mfere-patrie,  et  qui  ne  pouvait  sans  imprudence 
armer  les  vaincus ;  le  peu  de  dur6e  de  I'occupation  de 
rtgypte  fit  6chouer  le  projet. 

Le  Darfour  a  toujours  entretenu  avec  I'flgypte  un 
certain  commerce.  La  caravane  du  Darfour  arrive  k 
Siout  chaque  ann6e  vers  le  mois  de  rhamadan,  ame- 
nant  avec  elle  les  d6vots  qui  veulent  entreprendre  le 
p^lerinage  de  la  Mecque.  Les  marchands  de  la  cara- 
vane passent  trois  mois  a  Siout  pour  les  attendre,  et 
pendant  ce  temps,  se  r6pandent  dans  la  ville  et  font 
leurs  ventes  et  leurs  achats  par  I'entremise  du  chef 
de  la  caravane,  qui  est  un  grand  personnage,  souvent 
meme  un  parent  du  roi  de  Darfour. 

M.  Cuny,  docteur  en  m6decine  de  la  faculty  de 
Paris,  longtemps  m6decin  en  chef  de  la  province  de 
Siout,  avait  eu  I'occasion  d'entretenirdes  rapports  trfes 
longs  et  assez  intimes  avec  les  chefs  et  les  marchands 
de  plusieurs  de  ces  caravanes.  II  avait  eu  I'occasion  de 
faire  vacciner  plusieurs  milliers  d' esclaves  amends  par 
ces  caravanes ;  il  avait  donn6  ses  soins  a  bon  nombre 
d'hommes  importants  du  Darfour;  et  curieux  de  visiter 
cette  contr6e ,  qui  n'est  6loign6e  de  Siout  que  de 
45  journ6es,  ce  qui,  en  Afrique,  est  regarde  comme 
peu  de  chose,  il  avait  il  y  a  quelques  ann^es  fait  pro- 
poser au  roi  de  Darfour  d'aller  levoir  et  de  lui  donner 
les  soins  que  r6clamait  une  maladie  dont  il  6tait  atteint, 
Le  roi  de  Darfour  accepta  cette  ouverture  avec  joie ; 
mais  les  marchands  de  la  caravane,  craignant  que  le 


(  284  ) 

D'  Cuny  ne  voulut  se  livrer  au  commerce  et  ne  leur 
fit  une  concurrence  redoutable,  refusferent  de  Tem- 
mener  avec  eux.  Loin  de  se  d6courager,  M.  Cuny  s'af- 
fermit  plus  que  jamais  dans  sa  resolution  de  visiter  le 
Darfour  et  de  passer  de  la  au  Waday,  si  cela  6tait 
possible.  Je  I'y  engageai  beauconp  moi-meme  lorsquc 
je  le  vis  au  Caire  peu  de  temps  avant  men  depart,  et 
nous  en  parlames  longuenient,  discutant  toutes  les 
chances,  ct  traitant  de  ce  voyage  comme  d'une  conspi- 
ration. II  fallait,  en  effet,  t-chapper  k  une  triple  sur- 
veillance, celle  des  marchands  dont  nous  avons  parl6, 
telle  des  autorit^s  6gyptiennes  qui  6prouvent  naturel- 
lement  quelque  jalousie  des  progrtjs  que  les  Europ6ens 
peuvent  faire  dans  TAfrique  centrale;  enfin,  celle 
d'ambassadeurs  que  le  roi  de  Darfour  avait  envoy^s 
en  Egypte,  et  dont  la  presence  au  Caire,  tenue  assez 
secrete,  avait  6t6  6vent6e  par  nous.  Nous  allames  tou- 
tefois  voir  ces  ambassadeurs ;  mais  sans  leur  rien  dire 
qui  put  faire  soupconner  le  projet  de  M.  Cuny.  lis  me 
rendirent  cette  visite ;  mais  la  se  bornferent  nos  rela- 
tions, on  ne  leur  permit  plus  de  voir  des  Strangers. 

Son  long  s6jour  k  Siout  avait  initio  M.  Cuny  a  tous 
les  usages  et  a  tous  les  petits  secrets  du  Darfour.  ll 
fait  partie,  de  plus,  du  petit  nombre  d'Eiirop6ens  qui 
parlent  bien  la  langue  arabe,  et  du  nombre,  moindre 
encore,  de  ceux  qui  I'^crivent  facilement.  II  fut  con- 
venu  qu'il  ne  chercherait  plus  a  se  joindre  a  la  cara- 
vane;  qu'au  lieu  de  cela,  il  remonterait  le  Nil  jusqu'en 
Nubie,  se  rendrait  au  Kordofan  et  k  Lobeidh,  c'est-a- 
dire  a  sept  journ6es  du  Darfour,  et  attendrait  une 
occasion  favorable. 


(  285  ) 

J'ai  reru  il  y  a  peu  de  jours  des  lettres  et  un  m6- 
moire  de  lui  dat6s  de  Lobeidh  et  du  25  mai  1858.  II 
partait  le  lendeniain  pour  le  Dai  four  ou  il  doit  etre  en 
ce  moment  depuis  pr^s  d'une  ann6e.  M,  Cuny  s'6tait 
adjoint  quelques  Europ6ens  qui  ont  recul6  devant  la 
grandeur  de  la  tache  ou  ont  renonc6  k  I'entreprise  par 
quelque  autre  raison.  Leur  concours  ne  lui  6tait  pas 
indispensable,  et  leur  presence  eiit  pu  6tre  genante  en 
bien  des  occasions.  Le  secret  le  phis  grand  fut  gard6 
jusqu'au  dernier  moment,  et  c'est  k  ce  secret  qu'est  du 
le  commencement  de  succ^s  dont  nous  avons  a,  nous 
f^liciter  aujourd'hui.  Toutefois  un  vague  soupcort  des 
intentions  de  M.  Cuny  a  pu  le  pr6c6der  quelquefois. 
Ainsi  k  Derr  en  Nubie,  il  a  6t6  retenu  plusieurs  se- 
maines  par  un  gouvernement  peut-etre  plus  rus6  que 
fanatique. 

On  ne  se  fait  pas  en  g6n6ral  une  id6e  bien  exacte 
de  ces  regions  africaines  au  sein  desquelles  M.  Cuny 
va  se  hasarder.  II  me  sera  done  permis  de  placer  ici 
quelques  mots  sur  FAfrique  en  general,  et  sur  le  Dar- 
four  en  particulier.  En  g6ographie  comme  en  toute 
science,  il  faut  arriver  a  des  id6es  g6n(^rales,  a  quel- 
ques grands  faits  qui  sent  comme  la  somme  et  le  r6- 
sum6  des  autres,  et  qui,  servant  de  jalons,  permettent 
k  I'esprit  de  poursuivre  utilement  sa  marche.  Relative- 
ment  a  la  geographie  de  cette  partie  de  FAfrique,  situ6e 
au  nord  de  F^quateur  et  la  plus  rapproch^e  de  nous, 
assez  de  faits  particuliers  ont  6t6  recueillis,  comment6s, 
compares,  pour  qu'il  soit  aujourd'hui  possible  de  tra- 
cer, en  n'employant  que  peu  de  mots,  une  esquisse 
assez  fidde,  et  en  meme  temps  assez  nette  et  assez 


(  286  ) 

simple  pour  que  I'esprit  en  soit  satisfait  et  s'y  attache. 

Do  I'autre  c6t6  de  cette  M6(litcrran6e  que  bordent 
nos  rivages,  et  sur  laquelle  se  projettent  les  trois  plus 
belles  p6ninsules  de  ruiiivers,  s'^tend  une  cote  st6rile, 
k  peu  pr6s  dcpourvue  de  ports,  I'un  des  derniers  re- 
fuges de  la  barbaric  turque  ou  arabe,  du  fanatisme 
musulman,  du  brigandage  meme  et  de  la  piraterie, 
jusqu'au  jour  oil  le  drapeau  de  la  France  sut  en  triom- 
pher  en  Egypte  d'abord,  et  en  Alg6rie  plus  tard. 

Cette  region  m6diterraneenne  de  I'Afrique,  sans  etre 
bien  fertile,  n'est  pas  entiirement  inculte.  La  zone 
cultiv6e  n'y  a  pas  partout  la  meme  6tendue;  elle  y  ac- 
quiert  d'autant  plus  do  largeur  et  d'autant  plus  de 
f6condit6,  que  la  cote  s'avance  plus  loin  vers  le  nord  : 
le  Maroc,  1' Alg6rie,  Tunis,  ont  des  champs  et  des  forets ; 
Tripoli,  plac6  plus  au  sud,  n'a  que  des  oasis.  En  eflet, 
d6s  que,  parti  de  la  M6diterran6e  et  marchant  vers  le 
Sud,  on  a  franchi  une  certaine  limitc  que  marquent 
en  Alg6rie  les  derniers  contre-forts  de  I'Atlas,  on  aper- 
foit  au  loin  devant  soi  cette  r6gion  vaste  et  d6sol6e,  ce 
d6sert  dont  des  portions  diverses  ont  recu  des  noms 
divers,  mais  qui  partout  semblable  a  lui-meme,  sablon- 
neux  ou  h6riss6  de  rochers  volcaiiiques,  coup6  de  col- 
lines  calcaires  ou  d' aretes  granitiques,  est  partout 
priv6,  a  peu  prtis  entit;rement,  des  pluies  du  ciel,  et 
n'accueille  la  vie  que  dans  quelques  oasis  bien  rares, 
sortes  d'iles  groupies  en  archipels,  ou  dessinant  de 
longues  chaines,  formant  sur  le  fond  morne  et  d6soI6 
du  D6sert,  ainsi  que  I'a  dit  un  ancien,  comme  les  mou- 
chetures  de  la  peau  d'un  16opard,  Les  eaux  descendues 
de  I'Atlas  et  des  chaines  voisines  de  la  M6diterran6e, 


(  287  ) 

6gar6es  sous  le  sol  et  reparaissant  tout  ci  coup  au  sein 
de  quelque  valine,  ou  au  milieu  d'une  vaste  plaine 
sous  la  forme  d'un  maigre  ruisseau  ou  d'un  lac  sau- 
matre ,  ont  donn6  naissance  k  ces  oasis,  ont  permis  la 
culture  de  quelques  parcelles  de  terre,  et,  en  ^change 
de  leur  Industrie,  fourni  a  quelques  families  humaines 
les  premieres  n6cessit6s  de  la  vie. 

L'Egypte  n'est  r^ellement  qu'une  immense  oasis, 
car  en  l^gypte  comme  dans  les  oasis,  ce  n'est  point  sur 
I'eau  du  ciel  que  compte  le  cultivateur,  etl'Egypte  est, 
comme  les  autres  oasis,  6troitement  emprisonn6e  entre 
un  double  desert. 

Quelques  tribus  arabes,  restes  de  ces  pillards  que 
I'islamisme  amena  jusqu'en  Europe,  se  montrent  encore 
dans  la  partie  septentrionale  du  grand  Dissert ;  mais 
ces  grandes  solitudes  sont  parcourues  par  des  peuples 
de  races  dilT^rentes  :  les  Tibous  k  Test  et  vers  le  Nil, 
les  Touaregs  a  I'ouesi  et  vers  rOc6an.  Ces  derniers 
poussent  toutefois  encore  quelques  ramifications  jus- 
qak  Audjelah  et  jusqu'a  Siwah,  c'est-a-dire  bien  prSs 
de  I'Egypte. 

Mais  le  Desert  a  dans  le  sud  comme  dans  le  nord 
ses  iimites  naturelles ,  et  au  deli  de  Portendick  au 
S6n6gal,  au  dela  de  Tombouctou  et  de  Bilma,  vers  le 
centre  de  I'Afrique,  au  dela  de  Dongolah  en  Nubie, 
c'est-a-dire  a  peu  pr^s  par  le  17*  degr6  de  latitude 
nord,  les  pluies  intertropicales  commencent  a  se  faire 
sentir.  C'est  k  ces  pluies  abondantes,  dont  la  clmte 
coincide  avec  la  saison  cliaude,  quest  due  la  richesse 
de  toutes  les  colonies  ou  se  cultivent  le  sucre,  le  caf6, 
les  6pices.  EUes  doteraient  I'Afrique  centrale  d'une 


(  288  ) 

f6coiidit6  pareille,  si  les  Africains  6taient  d'autres 
honimes,  ou  si  I'Europe,  exercant  sur  eux  une  utile 
domination,  venait  a  dinger  leurs  efforts. 

Cette  rt^gion  centrale  de  I'Afrique  a  6t6  appel6e  par 
lesanciens  Nigritie;  les  Africains  modernes  I'appellent 
le  Soudan,  denomination  qui  a  le  meme  sens  que  1' au- 
tre. Le  Soudan  est,  en  effet,  peupl6  de  races  nSgres 
dans  le  voisinage  desquelles  errent  qnelques  tribus 
arabes  r6pandues  depuis  I'Abyssinie  jusqu'au  Senegal 
sur  lalisifere  duD6sert  et  du  Soudan,  et  qui  paraissent 
avoir  gagn6  I'Afrique,  en  traversant  la  mer  Rouge, 
pour  se  soustraire  au  joug  de  I'islamisme,  que  d'autres 
Arabes  portaient  avec  eux,  et  que  ceux-memes  du 
Soudan  ont  fini  par  subir. 

Une  portion  de  la  Nigritie,  celle  qui  avoisine  le  plus 
le  D(^sert,  sur  une  largcur  variable,  mais  qui  sou  vent 
atteint  cent  cinquante  lieues,  a  recu  I'islamisme.  Quel- 
ques-unes  des  peuplades  ainsi  converties,  le  sont  depuis 
quelques  si^cles;  d'autres  depuis  quelques  annees  i 
peine.  Les  N6gres  plus  meridionaux  sont  encore  feti- 
chistes  ou  idolatres,  ou  depourvus  de  tout  culte  et 
peut-etre  de  toute  id6e  religieuse.  Les  Nfegres  musul- 
mans  leur  font  la  guerre,  moins  pour  acqu6rir  des 
ames  au  Proph6te  que  pour  se  procurer  des  esclaves 
qu'ils  emploient  aupr^s  d'eux  ou  qu'ils  vendent  aux 
Musulmans  Turcs  ou  Arabes  de  la  cote.  Je  n'ai  pas 
besoin  de  le  dire.  En  effet,  I'esclavage  et  la  traite  ne 
peuvent  pas  plus  etrc  abolis  de  fait  par  les  Musulmans, 
que  la  justice  ou  la  tol6rance  ne  peuvent  etre  raises  en 
pratique  par  eux,  quclque  fr^quemment  d'ailleurs 
qu'ils  aient  I'audace  d'en  prononcer  les  noms. 


(  289  ) 

Le  Soudan  musulman  compts  plusleurs  vastes  ttats 
soumis  a  la  jurisprudence  du  Coran,  gouvern^s  par 
des  princes  h6r6ditaires ;  le  regime  feodal  existe  dans 
quelques-uns  d'entre  eux,  et  n' existe  point  encore  ou 
a  cess6  d'exister  dans  d'autres;  quelques-uns  ont  un 
rudiment  d' organisation  militaire  et  mettent  en  cam- 
pagne  des  armies  assez  nombreuses. 

La  plupart  n'ont  point  encore  d'impots  proprement 
dits  et  de  tr^sor  public  ;  barbares,  ils  ont  du  moins  ce 
privil(^ge  de  la  barbaric,  de  ne  pas  payer  cher  pour 
etre  mal  gouvern^s ;  ils  sont  en  cela  plus  heureux  que 
la  g6n6ralit6  des  autres  musiilmans. 

Le  Darfour  est  le  plus  oriental  des  Etats  musulmans 
de  I'Afrique  centrale ;  il  est  Yimit6  au  sud  par  I'Omm 
et  Timan  ou  Reilak,  vaste  affluent  du  Nil,  a  pour  voisin 
k  I'ouest  le  royaume  de  Waday,  et  a  Test  la  province 
6gyptienne  de  Cordofan,  conquise  ou  plutot  d6vast6e 
et  saccag^e  en  1821  par  le  gendre  de  M6h6met-Ali, 
homme  d'une  ferocite  digne  de  sa  race.  Depuis  I'occu- 
pation  du  Cordofan  par  les  ligyptiens,  le  Darfour  se 
sent  menac6  et  montre  quelque  inquietude.  J'ai  meme 
lieu  de  croire  qu'il  accueillerait  avec  joie  des  instruc- 
teurs  europ6ens,  qu'il  acheterait  a  1' Europe  beaucoup 
d' amies  k  feu,  si  les  pachas  turcs,  qui  gardent  Tripoli 
et  rfigypte,  laissaient  parvenir  jusqu'au  Darfour  ce 
gage  de  I'ind^pendance  el  de  la  s6curit6  des  peuples 
qu'ils  ont  toujours  convoit^s.  Les  Musulmans  les  plus 
perspicaces  commencent  aujourd'hui  a  tourner  leurs 
regards  vers  I'Asie  centrale  et  vers  I'Afrique  centrale, 
berceau  de  leur  race  barbare,  dernier  asile  de  la  bar- 
baric ;  ils  y  voient  an  refuge  ;  ils  pr6voient  un  dernier 
XVII.   AVBIL.    .').  20 


(  290  ) 

combat,  dont  I'Europe  iiicl6cise  retarde  seule  I'instant, 
et  leur  esprit  decoiirag6  ne  pr^voit  plus  que  des  d6- 
faites.  Les  Soudaniens  acce]")tent  volontiers  en  th^orie 
la  preeminence  du  sultan  des  Turcs,  comme  chef  de 
I'islamisme;  ils  le  croient  le  maitre  du  moude,  tant  les 
illusions  sont  faciles  a  la  devotion  ignorante.  Ainsi, 
dans  ces  regions  eloign6cs,  le  prestige  de  I'enipire 
d'Osmansurvit  a  cette  puissance  que  depuis  la  bataille 
de  L^pante  I'Europe  a  vue  d^cliner  sans  cesse. 

Le  Darfour,  comme  les  Etats  voisins,  comme  le  Cor- 
dofan,  que  j'ai  eu  I'occasion  de  visiter  moi-meme,  est 
couvert  surune  partie  notable  de  son  6lendue,  et  sur- 
tout  vers  le  sud,  de  forets  principalement  compos6es 
d'arbustes  epineux  et  de  gommiers.  Le  Baobab  domine 
les  forets  que  coupenl  9a  et  la  de  vastes  clairieres, 
quelquefois  cultivees,  et  an  milieu  desquelles  s'6l6vent 
alors  des  villages  ou  des  villes  qui,  k  une  seule  excep- 
tion pr^s,  ne  different  que  par  leur  6tendue.  Ces  ag- 
glomerations, comme  celles  des  Germaiiis  que  Tacite 
nous  d6crit,  occupent  toujours  une  surface  tr6s  6ten- 
due.  Cha(jue  habitation  est  entour^e  d'un  enclos  form6 
par  une  haie  6pineuse ;  au  milieu  de  cette  enceinte,  de 
forme  souvent  carr6e,  se  dressent  quelques  hultes  a 
base  cylindrique,  et  dont  le  toit  coniqueestal'epreuve 
des  grandes  pluies.  Ces  huttes  sont  appel6es  des  tuk- 
koli.  Des  huttes  plus  16g6res  et  simplement  en  paille 
et  a  toits  plats,  appel6es  recouba,  servent  pendant  les 
beaux  jours.  Chacun  de  ces  tukkoli  a,  comme  chaquc 
piece  de  nos  maisons,  une  alTectation  dilferente  :  I'une 
est  le  harem,  I'autre  la  cuisine,  1' autre  la  salle  de  re- 
ception ;  il  y  en  a  aussi  une  aflectee  a  la  mouture  du 


(  291  ) 

Dokhn,  grain  jaune  et  amer  qui  fournit  aux  Fouriens 
leur  principa.1  aliment  et  leur  principale  boisson,  la 
bousa,  sorte  de  biere  6paisse  et  d'un  gout  douceatre. 
La  ville  de  Caube,  qui  n'est  point  la  capitale,  mais 
la  ville  de  commerce  et  comme  le  port  du  Darfour,  a 
seule  des  rues  et  des  maisons  qui  ressemblent  un  peu 
h  celles  que  Ton  voit  dans  les  villes  6gyptiennes,  k 
Siout  particulierement ;  ce  sont  meme  les  maisons  de 
Siout  qui  ont  servi  de  modules  k  celles  de  Caub6,  car 
c'est  a  Siout  que  se  rend  chaque  ann6e  la  caravane  du 
Darfour,  et  c'est  par  cette  ville  que  les  produits  du 
Darfour  p6n6trent  en  Egypte  et  s'ecoulent  dans  tout 
rOrient.  La  capitale  ou  facher  du  Darfour  estFendelly. 
Le  Darfour  a  eu  d'autres  capitales  et  en    changera 
peut-etre  encore.  Oncomprend  qu'il  en  soit  ainsi  dans 
une  con  tree  barbare  ou  la  residence  royale  n'est  d6ter- 
min6e  ni  par  1' existence  de  monuments  et  de  palais 
somptueux,  ni  par  celle  d'un  mouvement  intellectuel 
qui  ne  se  d6place  pas  facilement. 

Le  souverain  actuel  du  Darfour  s'appelle  Hossein.  II 
rSgne  depuis  dix-sept  ans  environ.  II  est,  d'aprfes  une 
liste  royale  que  j'ai  publi6e  il  y  a  trois  ans,  le  onzieme 
successeur  de  Soliman  Solon,  ou  de  Soliman  le  Bedouin, 
apotre  musulman  et  premier  roi  du  Darfour. 

L' organisation  du  Darfour  est  feodale.  et  le  pays  est 
divis6  en  quatre  grands  gouvernements  habituellement 
h6r6ditaires.  Les  gouverneurs  se  r^voltent  quelquefois ; 
s'ils  sont  d6faits  et  faits  prisonniers,  il  est  rare  que  le 
roi  ose  les  faire  mettre  a  mort ;  il  se  contente  de  les 
.  exiler  dans  les  monts  Marrah,  berceau  de  sa  famille, 
et  dont  la  population  a  toujours  6t6  d'autant  plus 


(  292  ) 

fiddle,  qu'on  I'a  toujours  laiss6e  se  gouverner  k  sa 
guise.  Le  Darfour  a  dans  les  monts  Marrah  ses  forte- 
resses  natiirelles  ;  il  y  existe,  m'a-t-on  (lit,  une  valine 
entour6e  de  toute  part  de  somuiels  inaccessibles,  que 
les  indigenes  regardcnt  comine  leur  place  forte,  et 
dont  ils  ne  laissent  pas  meme  approcher  les  Strangers. 

Le  roi  a  une  garde  assez  nombreuse  conipos6e  de 
cavaliers  armes  d'epees  droites  a  pomnieaux  en  croix 
et  de  masses  d' armes.  CeS'  cavaliers  sont  prot6g6s 
centre  la  lance  et  la  flfeche  par  des  casques  de  la  forme 
des  anciens  casques  normands,  des  cuirasses  et  surtout 
des  sayes  ou  gaubesons  ouat6s. 

Lorsque  la  guerre  6clate,  le  ban  et  I'arritre-ban 
sont  convoqu^s  a  son  de  trompe  dans  chaque  village 
pour  un  nombre  de  jours  d6termin6  par  I'usage.  Les 
Fouriens  sont  arm6s  de  lances,  de  javelots,  et  portent 
un  bouclier  ovale.  II  y  a  au  Darfour  quelques  archers 
provenant  des  peuplades  idolatres. 

Le  Darfour  n'a  que  tr^s  peu  d' armes  a  fcu;  il  a  ce- 
pendant,  a  ce  que  j'ai  entendu  dire,  un  ou  deux 
canons.  -* 

Je  ne  m'6tendral  pas  davantage  ici  sur  le  Darfour. 
Je  n'ai  voulu  qu'en  indiquer  les  principaux  traits ;  j'en 
ai  parle  plus  longuement  dans  le  m6moire  sur  le 
Soudan  que  j'ai  public  en  1856.  Mais  les  rcnseigne- 
ments  que  je  donnais,  r^sultat  d'une  simple  enquSte 
faite  a  distance,  n'avaient  pas  une  grandevaleur.  C'est 
a  M.  Cuny  de  nous  faire  connaitre  ce  pays,  qu'il  visite 
eii  ce  moment.  En  attendant  qu'il  ait  eu  le  temps  de 
le  faire,  je  dcmandcrai  la  permission  de  vous  entrete- 
nir  de  son  travail  actuel.   J'aurais  voulu  en  lire  ici 


I 


(  293  j 

quelques  passages ;  mais  outre  que  M.  Cuny  est  trop 
Africain,  c'est-a-dire  trop  technique  pour  6tre  facile- 
ment  entendu  par  ceux  qui  n'ont  point  pratiqu6 
I'Afrique,  il  a  adopts  la  forme  du  journal,  forme  cxcel- 
lente  en  elle-meme,  mais  qui  a  I'inconv^nient  de  ne 
point  traiter  avec  m^thode  les  questions  diverses  qui 
se  pr6sentent,  d'^parpiller,  au  contraire,  les  faits  ou 
les  id^es  de  meme  nature,  sur  une  etendue  trop  vaste 
pour  qu'il  soit  facile  de  les  r^unir  et  de  les  coordonner. 
Le  travail  de  M.  Cuny,  d'ailleurs,  sera  prochainement 
public  in  extenso  dans  le  Bitlletin  de  la  Societe  de  geo- 
graphie.  Les  personnes  qu'int6resse  sok  r(^tude  de 
I'Afrique,  soit  a  un  point  de  vue  philosophique  I'^tude 
de  la  Barbaric,  y  trouveront  un  veritable  attrait.  Les 
physiciens  liront  avec  curiosity  la  description  donn^e 
par  M.  Cuny  du  mirage  auquel  il  a  si  souvent  assists 
dans  les  plaines  brulantes  de  la  Nubie ;  les  naturalistes 
et  les  m6decins  trouveront  dans  son  travail  un  grand 
nombre  de  renseignements  et  d'indications  pr6cieuses 
relativement  aux  veg6taux  des  pays  qu'il  a  traverses 
et  aux  medicaments  employes  avec  plus  ou  moins  de 
succ^s  par  les  populations  de  ces  pays.  On  sait  que 
I'Abyssinie  nous  a  donn6  deja  le  Cousso ;  esp^rons  que 
le  Darfour,  visits  par  un  m6decin  instruit  et  intelligent, 
fournira  quelque  moyen  nouveau  a  notre  th^rapeu- 
tique. 

Notrevoyageurd6critminntieusement,amesurequ'il 
les  observe,  les  coutumes,  les  habitudes,  lesvetements 
des  Arabes,  des  Nubiens,  des  Nt^gres.  Chose  remar- 
quable!  les  premieres  institutions,  les  premieres  armes, 
les  premiers  sentiments  de  tous  les  peuples  sont  pareils. 


(  294  ) 

Animal  que  I'instinct  gouvenie,  I'homme  barbare,  d'lm 
bout  du  monde  ii  1' autre,  ressemble  a  I'liomme  bar- 
bare,  comme  la  Iburmi  ressem])le  a  la  fourmijl'abeille 
il'abeille.  Profonds  sujets  d'etude  pour  le  philosophe, 
Ics  faits  de  cet  ordre  sont  comme  des  germes  ft^conds 
d'ou  pcut  naitre  toute  une  nouvelle  philosophie  de 
riilstoire. 

M.  Cuny  ne  se  borne  pas  a  enregistrer  les  noms  des 
villages  ou  des  puits  dont  il  a  connaissance ;  il  donne 
le  sens  de  chacun  de  ces  noms  dans  un  idiome  arabe 
qui  n'est  point  I'idiome  corrompu  de  I'Egypte  ou  de 
I'Algerie,  et  c^ui  n'est  pas  tout  i  fait  non  plus  le  Ian- 
gage  si  pur  du  Goran. 

Peut-etre  cette  langue  des  Arabes  du  Soudan  est- 
elle  la  langue  meme  que  parlaient  les  conteuqiorains 
et  les  compatriotes  de  Mohammed,  car  il  y  a  peu  de 
pays  oil  le  meme  langage  se  parle  par  Ic  peuplc  et 
s' derive  dans  les  livres. 

Enfm  iM.  Cuny  nomme  et  d^crit  avec  detail  les  oasis 
du  Gab.  II  indique,  d'apr6s  le  rapport  des  indigenes, 
un  volcan  qui  aurait  eu  quelques  Eruptions  encore  dans 
ce  sifecle,  et  qui  serait  situe  k  "NVadi-Hadjiar,  k  Test 
d'un  point  appel6  Morrad,  dans  la  haute  Nubie,  a  une 
grande  distance  dela  mer,  mais  non  point  de  toute  eau 
saline  ou  saumatre.  L' existence  dc  ce  volcan  serait 
int6ressante  k  constater.  Notre  voyageur  indique  aussi 
un  prolongeraent  de  la  valine  appelc^e  Bahar-el-Ghzal, 
qu'il  appelle  le  Wadi-el-Mck,  et  par  lequel  le  Soudan 
central,  k  I'^poque  des  grandes  pluies,  non  peut-etre 
chaque  annec,  mais  lorsque  les  pluies  atteignent  une 
grande  intensity,  diverse  ses  eaux  dans  le  Nil  k  une 
faiblo  distance  de  Dongolah. 


(  29^  ) 

Telles  sont  les  principales  questions  abord^es  dans 
le  journal  de  M.  Guny.  Ceux  qui  voudront  lire  ce  tra- 
vail y  trouveront  cet  int6ret  vif  et  profond  qui  s' attache 
a  tous  les  tableaux  vrais  et  a  tons  les  r6cits  naifs  et 
fidfeles.  Esp6rons  que  bientot  M.  Guny  nous  enverra  de 
nouvelles  pages,  remplies  cette  fois  de  faits  entifere- 
ment  nouveaux  ,  car  jusqu'a  present  M.  Guny  n'a  tra- 
verse que  la  Nubie  et  le  Gordofan.  Le  voila  dans  le 
Darfour,  le  Darfour  qu'il  connait  d6ja,  qu'il  verra, 
mieux  que  personne,  et  sur  lequel  il  ne  pent  manquer 
de  nous  fournir  les  plus  pr^cieux  renseignements. 

M.  Guny  n'a  malheureusement  pu  emporter  que 
quelques  instruments  assez  imparfaits;  je  desirerais 
vivement  lui  en  faire  parvenir  d'autres.  Entre  Paris  et 
le  Darfour,  les  communications  ne  sont  ni  frequentes 
ni  faciles;  peut-etre  cependant  arriverai-je  a  6tablir 
quelque  communication  avec  mon  intrepide  et  lointain 
correspondant, 

Faisons  des  vceux,  Messieurs,  pour  que  son  entre- 
prise  r^ussisse,  et  qu'apr^s  avoir  accompli  sa  tache,  il 
puisse  reveuir  au  milieu  de  nous.  Gette  tache  est  glo^ 
rieuse,  elle  m6rite  toutes  nos  sympathies,  car  tout 
Europ6en  qui  p^n^tre  dans  ces  regions  y  porte  avec 
lui  comme  un  reflet  et  comme  un  germe  de  notre 
civihsation  et  du  christianisme.  G'est  un  pionnier  de 
I'Europe;  il  lui  ouvre  des  routes  dans  lesquelles  elle 
eptrera  demain. 

Comte  d'Esgayrac  de  Lauture. 


(  296  ) 
IVouTclIes  ct  couiiuuiiicalioiiifi. 


I 


NOTE 

ilJB  LA  KOOVELLE  DinECTION  A  DONKER  A  LA  BECHEBCllB 

DES   SOURCES   DU   NIL. 
^Eitrait  d'une  lellre  adress^e  h  la  Commission  centrale  par M.  Jomard .) 


A  la  Stance  du  Zi  mars,  un  de  nos  savants  collogues 
lut  une  int6ressante  dissertation  ayant  pour  objet  de 
retracer  les  efTorts  tentt^s  depuis  les  temps  les  plus 
recul6s,  pour  d^couvrir  la  source  du  Nil ;  sa  conclu- 
sion 6tait  qu'il  fallait  la  chercher  au  mont  K6nia,  sans 
remonter  le  conrs  du  fleuve  Blanc,  h  partir  du  point 
atteint  par  M.  d'Arnaud  et  la  mission  autrichienne. 

Aussitot  la  lecture  achev6e,  je  pris  la  parole  pour 
rappeler  que  depuis  longtemps  cette  conjecture  avail 
6t6  6mise,  et  que  je  me  f6licitais  de  voir  un  habile 
g^ograpbe  comme  M.  Vivien  Saint-Martin  confirraer 
une  opinion  que  j'avais  d6ji  eu  Toccasion  d'^noncer 
h  diverses  reprises. 

En  effet,  dans  uije  lettre  que  j'avais  6crite  en  1857 
sur  le  meme  sujet  k  un  savant  Stranger,  et  dont  j'ai 
donn6  communication  k  la  stance  du  18  mars,  se 
trouve  le  paragraphe  suivant  : 

« Quant  au  Nil  Blanc,  tout  annonce  que  sa 

source,  ou  du  moins  I'une  de  ses  sources  orienta/es, 
n'est  pas  loin  du  mont  K^nia,  peut-6tre  enCre  le  mont 


(297  ) 

K^nia  et  le  Kilimandjaro,  si  heiireusement  d6couverts 
par  les  r6v6rends  Rrapf  et  llebmann.  Vous  savez  que 
depuis  cette  d6couverte  j'ai  toujours  profess6  cette 
opinion,  que  c'est  lb.  qu'on  doit  chercher  cette  tete  du 
fleuve,  dont  les  Latins  ont  dit  : 

Nee  contigit  ulli 
Hoc  vidisse  caput. 

))  Bien  plus,  j'ai  renonc6  a  recommander  la  voie  du 
Nil  meme,  pour  gagner,  pour  alteindre  la  source; 
c'est  la  plus  longue,  la  plus  dangereuse,  la  plus  diffi- 
cile. J'ai  donn6  des  instructions  dans  ce  sens  b.  des 
voyageurs  partant  pour  I'Afrique  orientale  ;  je  les  ai 
engages  k  prendre  la  voie  de  la  mer  Rouge,  et  a  re- 
monter  I'un  des  aflluents  de  la  mer  des  Indes  entre  le 
1 "  et  le  W  degr6  de  latitude  sud  :  peu  de  jours  suffiraient 
pour  atteindre  le  point  chercli6.  Ce  qui  m'a  engag6  h 
changer  d'opinion  pour  cette  recherche  (qui  m'a  oc- 
cupy depuis  I'expt^dition  francaise) ,  a  abandonner  le 
plan  que  j'avais  recommande  pendant  pr6s  d'un  demi- 
sifecle  au  gouvernement  6gyptien,  avec  lequel  vous 
connaissez  mes  relations,  c'est-a-dire  remonter  le  Bahr- 
el-Abyad  jusqu'a  sa  tete  :  ce  qui  m'y  a  engag6,  dis-je, 
c'est  la  d6couverte  du  mont  K6nia. 

»  Si  cette  montagne,  plac6e  h  i  degr6 1/2  sud  environ, 
est,  en  effet,  couronn^e  de  neiges  perp^tuelles  (comme 
je  n'en  doute  pas,  malgr6  les  d6n6gations  de  plusieurs 
savants  distingu6s) ,  il  faut  bien  que  les  eaux  prove- 
nant  de  \a  fonte  des  neiges  inf6rieures  5.  la  limite  con- 
nue,  succulent  en  divers  sens  selon  la  configuration 
du  terrain.  Or,  celles  qui  s'6coulent  vers  le  nord  et  le 


(298) 

nord-oiiest  ne  peuvent  lumber  que  dans  le  bassin  du 
Nil;  cela  est  incontestable.  Se  joignant  aux  pluies  tro- 
picales,  ces  caux  forment  une  masse  qni  cxplique  I'ac- 
croisseraent  peiiodiquc  du  ^'\\,&\x  fleuve  beni.  J'ignore 
s'il  existe  a  cette  latitude  une  chaine  de  moniu^nes, 
une  chaine  propremcnt  dite;  1' existence  en  a  6t6  con- 
testae  ;  on  peut  admettre  le  pour  et  le  contre ;  il  y  a 
des  raisons  pour  en  douter,  il  y  en  a  de  plus  fortes 
peut-etre  pour  les  supposer ;  mais  quand  il  n'y  aurait 
que  des  montagnes  isolees,  si  elles  6taient  d'une  alti- 
tude suffisantc,  elles  pourraient  nt^anmoins  donner 
naissance  a  de  grands  cours  d'eau. 

»  Si  Ton  m'objecte  que  les  eau.\  descendant  du 
mont  K6nia  ne  peuvent  pas  expliquer  I'immense  crue 
du  Nil  en  Egypte,  je  r^pondrai  qu'il  ne  faut  pas  ou- 
blier  le  Bahr-el-Azraq,  ni  surtout  le  grand  affluent  que 
d'Arnaud  a  decouvert  en  1839,  entre  le  9"  et  le 
10"  degre  nord,  le  Keilak,  mal  a  propos  appel6  par' 
quelques-uns  Bahr-el-Ghazal. 

u  En  resum6,  je  ne  serai  nullement  6tonne  d'appren- 
dre  qu'un  voyageur  sera  bientot,  ou  est  deja  parvenu 
i  une  des  sources  du  grand  fleuve,  en  atteignant  le 
mont  Renia,  ou  le  Kilimandjaro;  c'est  mon  esperance 
et  ma  conviction  depuis  plusieurs  annees » 

J'ai  6galement  communique  a  la  Soci6te,  dang  la 
s6ance  du  1"  avril,  une  copie  des  instructions  que 
j'avais  donnC-es,  en  mon  prive  nom,  le  12  aout  1858, 
it  un  officier  de  la  marine  impt'riale  francaise  partant 
pour  la  mcr  Rouge,  lequcl  m'avait  demande  dc  lui 
poser  certaines  questions  au  sujet  des  sources  du  Nil, 
pour  le  cas  oil  il  pourrait  aborder  en  Afrique. 


(  299  ) 

Void  ce  que  je  lui  disais  sur  le  point  special  en 
question  : 

((  L' Europe,  et  la  France  surtout,  ne  sauraient  trop 
tourner  leurs  regards  du  c6t6  de  ce  continent  myst6- 
rieux,  qui  leur  tient  en  reserve  bien  des  surprises  et 
la  solution  de  biens  graves  questions.  Les  hommes  qui 
ont  6tudi6  la  mati^re  travaillent  depuis  soixante  ans  k 
provoquer,  de  ce  c6te-\k,  des  excursions  scientifiques 
et  6conomiques,  dans  I'int^ret  de  I'liumanit^  tout  en- 
ti^re  :  R6ussirons-nous  dans  nos  efforts  ?  C'est  ce  que 
le  temps  nous  apprendra. 

»  Depuis  que  je  vois,  k  partir  du  3'  et  du  4'  degr6 
de  latitude  nord,  le  Nil  se  r6tr6cir  de  plus  en  plus  et 
devenir  presque  innavigable,  ma  pens6e  s'est  tourn^e 
d'un  autre  cot6  que  le  30*  m^ridien.  Les  derniers 
voyageurs  ont  constats  que  des  marchands  venus  de 
Mombaz  (mer  des  Indes,  comme  on  dit)  6changeaient 
des  verroteries  centre  I'ivoire  des  Barry ;  ces  hommes 
sont  dits  de  couleur  rouge,  ce  qui  veut  dire  tout  sim- 
plement  qu'ils  ne  sont  pas  des  nfegres.  II  n'est  pas  sur 
qu'un  voyageur  europeen  pourrait  suivre  la  merne 
route,  et  arriver  ainsi  cliez  les  Barry ;  mais  il  me  semble, 
d'aprfes  les  r6cits  de  Rebmann,  que  Ton  pourrait,  sans 
de  grandes  difficult^s,  remonter  en  canot,  ou  de  pied, 
Tune  des  rivieres  qui  arrivent  k  la  mer  des  Indes,  vers 
le  1"  et  le  2*  degr6  de  latitude  sud;  on  arriverait  k  la 
vue  du  mont  K6nia  par  1  degr6  30'  de  latitude  sud; 
et  qui  pourrait  bien  r6ellement  porter  a  la  cime  des 
neiges  perpetiielles.  La  visite  du  mont  K6nia  serait,  k 
elle  seule ,  une  grande  d^couverte  de  physique,  de 
m6l6orologie  et  de  geographic;  surtout  si  de  \k  on 


(  300  ) 

ponvait  rejoindre  le  mont  Kilimandjaro,  qui  est  k  deux 
degr^s  plus  au  sud,  et  qui  olTre  la  nieine  apparence 
que  le  mont  K6nia.  II  faudrait  s' assurer  qu'il  y  a  la 
une  chaine  continue  a  deux  versants  opposes. 

»  Je  ne  doute  pas  que  la  source  la  plus  importante 
du  Nil  ne  soit  de  ce  cOt(^  :  on  la  cherche  ou  elle 
n'est  pas. 

3)  Le  mont  K6nia  est  la  clef  du  probl6me,  ou  bien  le 
Kilimandjaro.  Comme  on  connait  la  position  exacte  du 
point  de  Combiran  sur  le  Nil  blanc,  il  est  facile  de 
reconnaitre  que  les  eaux  qui  s'6coulent  au  nord-nord- 
ouest  par  suite  de  la  fonte  des  neiges  et  par  les  pluies 
tropicales,  vers  le  mois  d'avril,  doivent  se  diriger  de 
ce  cote.  Voila  en  peu  de  mots  les  raisons  qui  me  font 
croire  qu'il  faut  se  diriger  par  la  mer  Kouge  et  sur 
Mombaz,  pour  la  solution  du  probl^me,  et  je  ni'y  suis 
attach6  de  plus  en  plus;  c'est  ce  que  j'ai  indiqu6  en 
termes  g^n^raux  dans  une  lettre  a  M.  de  Lesseps,  sur 
I'avantage  que  pr^sentera  le  canal  maritime  de  Suez 
aux  voyageurs  qui  voudront  p6n6trer  dans  Tint^rieur 
de  I'Afrique  par  I'Orient. 

n  J'ai  lieu  de  penser  que  mon  opinion  sera  gout^e  et 
partag6e,  et  que  les  explorateurs  profiteront  ainsi  des 
d6couvertes  des  PP.  RebmannetKrapf.  Depuis  qu'elles 
ont  6t6  publi^es  dans  le  Churck-Dlissionnatj,  etc.,  j'ai 
constamment  pens6  et  pouss6  a  cette  nouvelle  voie 
comme  la  plus  courte  et  la  meilleure. 

))  J'oubliais  de  dire  qu'un  capitaine  anglais  au  ser- 
vice du  sultan  de  Mascate  (aujourd'hui  de  Zanzibar) 
declarait,  il  y  a  quelque  temps,  qu'il  avail  vu,  6tant 
en  pleine  mer,  une  longue  Ugue  blanche  au  loin  dans 


(  801  ) 

I'ouest.  Serait-ce  Ik  cette  chaine  couverte  de  neiges 
dont  je  parlais  plus  haut  ? » 

Outre  ces  indications,  qui  demeuraient  renferm6es 
dans  le  cercle  de  correspondances  priv6es,  j'avais  aussi 
fait  part  au  public  d'une  opinion  qui  me  semblait  m6- 
riter  son  attention  :  il  rae  sera  permis  de  rappeler  la 
preface  du  Foyage  na  Oudday\  relation  traduite  de 
I'arabe  du  cheyhk  Mohammed-el-Tounsy  par  le  savant 
D'  Perron. 

Dans  cette  preface,  §  VI,  intitule  Du  haut  Nil,  on 
lit  le  passage  ci-apr6s  (pages  xliv  a  xlvi)  : 

<( Je  crois  superflu  de  parler  ici  du  mont  Rili- 

mandjaro,  situ6  a  4°  sud,  qu'ont  apercu  les  r6v6rends 
Rebmann  et  Krapf,  et  qui  est  couronn6  de  neiges  per- 
p6tuelles,  attendu  qu'il  n'est  pas  certain  que  la  mon- 
tagne  ait  un  versant  du  c6t6  du  nord-ouest  ou  de  la 
region  du  Nil.  La  distance  est,  d'ailleurs,  bien  conside- 
rable. II  n' en  est  pas  tout  afaitdememe  diujiontKe/tia, 
qui  n'est  qa'k  1°  sud  environ,  et  qui  est  6galement  con- 
vert de  neiges  persistantes  :  il  parait  etre  aussi  plus 
occidental  que  le  mont  Riliuiandjarb.  Le  fait  de  la 
neige  perp6tuelle  sur  cette  montagne  suppose  une  trfes 
graiide  Elevation,  d'au  moins  liliOO  metres  (1).  Or, 
au-dessous  de  ce  niveau,  les  neiges  accumul6es  doi- 
vent  fondre  en  totality  a  une  certaine  epoque,  et  ajouter 
beaucoup  a  I'elTet  des  pluies  p^riodiques.  La  regular! t6 
du  ph6nom6ne  des  crues  ne  saurait  en  etre  derang^e, 
puisque  1' epoque  de  la  fonte  des  neiges  est  la  meme 

(1)  Voir  Comptei  rendus  de  I' Academic  des  sciences,  1851,  t.  xiiii, 
p.  221. 


(  802  ) 

que  celle  i  laqnelle  tombent  les  pluies  tropicales.  S'il 
en  est  ainsi,  comme  on  pent  le  presumer,  si  le  bassin 
du  INil  se  prolonge  jusqu'au  monl  Kenia,  Ic  revers 
septentrional  de  cette  moutagne  et  de  la  chaine  dont 
il  fait  peut-etre  partie,  doit  alimenter  les  sources 
sup^rieures  et  leurs  aflluents,  et  ce  fait  expliquera 
Timmense  accroissement  que  prend  le  Nil  moyen 
comme  le  bas  Nil,  apr^s  le  solstice  d'6t6. 

))  J'ai  toujours  soupconn6  un  lac  dans  ces  parages, 
c'est-a-dire  la  ou  Ton  j)lace  le  mont  K6nia,  ou  un  peu 
plus  a  I'ouest.  Pourquoi  ne  serait-ce  pas  le  lac  meme 
que  les  ecrivains  arabes  niettent  sous  I'ecfuateur 
(Edrici,  climat.  I,  section  iv,  etc.).  In  grand  lac  a  6t6 
signals  auvoyageur  anglais  Tuckey  vers  cette  latitude, 
k  la  Yf^rite  plus  a  I'ouest.  Or,  les  phiies  et  les  neiges 
fondues  qui  descendent  du  mont  Renia,  arret^cs  dans 
leur  marche  parun  obstacle  quelconque,  suflisent  pour 
expliquer  la  presence  d'un  grand  lac  dans  cette  region ; 
maintenant  que  ces  caux  en  sortent  et  se  dirigent  vers  le 
nord,  ef/es  n  out  plus  d' issue  que  par  la  vallee  ihi  Nil.  » 

L'ouvrage  sur  le  Ouaday  a  6t6  mis  a  I'impression 
en  1850;  le  volume  a  paru  en  1851;  il  s'agit,  non 
plus  de  correspondances  privees,  mais  d'un  li\Te  pu- 
blic il  y  a  environ  neuf  ans,  livre  qui  a  obtenu  1' atten- 
tion du  public  francais  et  6tranger.  C'6tait  la  premiere 
relation  importantc  d'un  voyage  fait  au  royaume  du 
Ouaday  (un  volume  in-8o,  lxxv,  et  755  pages) ,  pleine 
de  renseignements  sur  la  topographic,  sur  I'histoire 
du  pays,  sur  les  mceurs  et  les  lois,  les  productions  du 
sol,  le  langage,  le  commerce,  I'industrie,  les  cdrt^mo- 
nies,  les  costumes  et  une  multitude  d'autres  sujets, 


(  303  ) 

sans  parler  des  rapports  de  ce  royaume  avec  les 
royaumes  voisins  du  Darfour  et  le  Rordofan.  II  parait 
done  Evident  que  I'aiiteur  de  la  preface  du  voyage  au 
Ouaday  est  le  premier  qui  ait  6mis  I'opinion  qu'une 
des  sources  principales  du  Nil  Blanc  (c'est-a-dire  de 
la  raaitresse  branche  du  grand  fleuve)  doit  se  trouver 
vers  le  mont  R6nia.  Et  il  ne  s'est  pas  born6  k  avancer 
cette  opinion  :  ill'a  fondle  sur  des  considerations  phy- 
siques et  g^ographiques  dont  la  base  est  a  peu  prfes 
incontestable. 

Mes  collogues  me  pardonneront  d' avoir  cru  n6ces- 
saire  cette  revendication  de  priority ;  il  m'a  sembl6 
que  je  ne  pouvais  me  dispenser  de  garder  pour  moi  la 
responsabilit6  entifere  de  mon  opinion  pour  le  cas  ou 
elle  viendrait  k  etre  d6montr6e  inexacte  par  la  future 
d^couverte ;  et,  si  elle  venait  k  se  confirmer,  je  ne 
*veux  m'en  pr^valoir  que  comme  d'une  conjecture  un 
peu  bardie  et  sans  autre  pretention. 

JOMARD. 


PROCEEDINGS 

DE  LA  SOClfiTfi  ROYALE  GfiOGRAPHIQUE  DE  LONDRES. 


Le  num^ro  2  du  volume  III  de  ces  Proceedings  vient 
de  paraitre  ;  il  contient  1' analyse  des  stances  du  22  no- 
vembre  et  du  23  d6cembre  1858. 

Dans  la  stance  du  22novembre,  la  Soci6t6  a  entendu 
la  lecture  d'un  m6moire  intitule  : 


(  504  ) 

Notes  geographiqiies  et  comriierciales  recueillies  pen- 
dant le  voyage  du  batiment  de  S.  M.  B.  Furious,  de 
Shanghai  an  golfe  de  Petcheli  et  retour,  par  le  capi- 
taine  Sherard  Osborn,  avec  des  instructions  nautiques 
par  M.  S.  Court. 

Ce  ni6nioire  donne  des  d6tails  extreraement  int^res- 
sants  sur  cette  partie  de  la  cote  de  Chine,  sur  ses  pro- 
duits,  sa  population,  le  commerce  que  Ton  pourrait  y 
faire,  etc.  On  y  trouve  une  description  d6taill6e  de  la 
riviere  de  Peiho  et  de  la  villede  Tientsin. 

Un  faitassez  curieux,  cite  dans  ce  m^moire,  est  celui 
du  d6placement  de  I'embouchure  de  la  riviere  Jaune 
(Hoang-ho),  qui  se  jetait  autrefois  dans  la  mer  Jaune, 
et  qui,  s'etant  port^e  au  nord  du  cap  Shantung,  se 
jette  aujourd'hui  dans  le  golfe  de  Petcheli. 

On  a  lu  ensuite  un  memoire  du  rev.  ^^^  B.  Clarke 
de  Sydney  sur  les  rechcrches  entreprises  pour  retrou- 
verle  voyageur  Leichardt  qui,  parti  enl8/i8pour  une 
expedition  dans  I'int^rieur  de  la  Nouvelle-HoUande, 
n'a  pas  reparu  depuis  cette  6poque.  Deux  expeditions 
ont  6t6  envoy^es  ti  sa  recherche,  en  1852  et  1856. 
M.  Clarke  pense  que  les  indices  que  Ton  avait  cru  re- 
connaitre  du  passage  de  Leichardt  ne  peuvent  pas  se 
rapporter  a  lui,  et  qu'on  doit  le  chercher  a  Test  du 
i/i8'  mtridien  (de  Greenwich). 

Cette  lecture  a  donn(!i  lieu  k  une  discussion  a  laquelle 
ont  pris  part,  le  capitaine  Byron-Drury,  I'amiral  Fitz- 
Roy,  lord  Churchill  et  d'autres  membres,  sur  les  moyens 
i  prendre  pour  explorer  la  Nouvclle-Hollande,  sur  la 
salubrity  du  pays  et  la  possibilit6  de  son  exploitation 
par  des  Europ6ens. 


(  305  ) 

Dans  la  stance  du  23  decembre,  il  a  6t6  donn6  lec- 
ture d'un  m6nioire  sur  la  rivifere  Amur  et  les  pays 
adjacents,  par  MM.  Peschurof,  Vasilief,  Radde,  etc. 

Ge  m^moire  est  un  extrait  des  rapports  faits  a  la 
Soci6t6  de  G(!!Ographie  de  llussie  sur  les  dill'erentes 
expeditions  qui  ont  6te  envoyees  pour  explorer  ces  con- 
tr6es. 

Le  capitaine  CoUinson,  qui  a  pris  la  parole  aprSs 
cette  lecture,  a  cru  devoir  exprimer  son  admiration  du 
soin  avec  lequel  cette  exploration  a  6t6  faite. « Quoique, 
»  dit-il,  je  puisse  ressentir  quelque  jalousie  nationale 
»  de  voir  I'acquisition  d'un  si  vaste  territoire  faite  par 
»  une  puissance  dont  les  possessions  en  Europe  et  en 
))  Asie  sont  d^ja  si  6tendues,  en  quality  de  g^ographe 
» je  ne  puis  que  me  r6jouir  de  voir  ces  contr6es  ou- 
»  vertes  aujourd'hui  k  la  civilisation  :  et  bien  qu'il  ne 
»  nous  soit  pas  6chu  d'y  remplir  les  fonctions  gouver- 
))  nementales,  cependant  je  suis  persuade  que  cette 
»  route  ouverte  jusqu'au  centre  de  I'Asie  pr6sentera  un 
»  nouveau  d6bouche  au  commerce  anglais.  » 

On  a  lu  ensuite  un  memoire  intitule  : 

Explorations  dans  la  republiqne  de  I'Equateur,  exe- 
cuteesen  1856  et  1857,  parM.  G.  J.  Pritchett. 

La  route  actuellement  suivie  pour  se  rendre  de  Quito, 
capitale  de  la  republique  de  1' Equate ur  a  1' ocean  Paci- 
fique,  traverse  les  Andes  aupr^s  du  Gliimborazo,  et 
aboutit  a  Guayaquil;  elle  oflre  a  I'ceil  une  suite  de  vues 
magnifiques,  mais  elle  pr^sente,  comme  route  com- 
merciale,  des  difficult6s  6normes.  M.  Pritchett  a  cher- 
che  une  autre  route  plus  directe  pouraboutir^l'Oc^an  ; 
il  a  suivi  pour  cet  effet  la  riviere  Mira  et  est  arrivt^  au 

XVII.    AVRIL.    6.  21 


(  306  ) 

port  de  Tola  situ6  prfes  de  Pailon  (1).  Lc  plan  de  ce 
dernier  point  avait  6t6  lev6  il  y  a  qnelques  ann^es,  et 
sa  position  trouv6e  tr^s  favorable  ;  une  route  avait  menie 
6t6  commenc6e,  mais  elle  a  6t6  abandonn^e. 

M.  Pritchett  parcourut  ensuite  en  canot  la  province 
de  Cuenca  et  la  riviere  des  Amazones,  et  enfin  il  suivit 
la  rive  nord  de  la  riviere  Pastaza,  un  des  tributaires  de 
I'Amazone  et  qui  est  navigable  pour  des  navires  de 
SOO  tonneanx  jusqu'a  une  distance  de  moins  de 
150milles  de  Quito  ;  «  en  sorte  que  Ton  pourrait  dire, 
fl  fait-il  observer,  que  cette  capitale  est  plus  facilemcnt 
»  accessible  du  cote  de  rOc6an  atlantique  que  de  celui 
»  de  rOc^an  Pacifique.  » 

Cette  lecture  a  et6  suivie  d'une  discussion  qui  a  roul6 
principalement  sur  les  limites  desr(5publiques  de  I'Equa- 
teur  et  du  Pt^rou,  et  del'empire  br^silien ;  ainsi  que  sur 
la  n6cessit6  que  le  vaste  fleuve  des  Amazones  soit  con- 
sidf^r6  comme  un  long  port  dont  la  navigation  ouverte 
h  toutes  les  nations  ne  soit  pas  restreinte  aux  seuls 
batiments  br^siliens  et  p6ruviens. 

Daussy. 

(1)  Ce  point  est  8itu6  par  1°  7'  de  latitude  nord  et  76*  45'  de  lou- 
fitudeouest. 


(  307  ) 
Acteis  dc  la  Society 

EXTRAITS  DES  PROCES-VERBAUX  DES  Sl!:AISlCES. 


Seance  du  1"  avril  1859. 


M.  le  professeur  Parlatore,  de  Florence,  admis 
r6cemment  dans  la  Soci6t6,  lui  adresse  ses  remerd- 
ments  et  proniet  de  concourir  a  ses  travaux. 

M.  Alex.  Keith  Johnston,  menibre  de  la  Soci6t6,  k 
fidimbourg,  Ini  fait  don  de  la  premiere  livraison  de 
son  atlas  royal  de  g^ographie  moderne,  et  lui  annonce 
la  suite  de  cette  publication. 

M.  le  D'  Wappaus,  correspondant  de  la  Soci6t6  h. 
Goettingue,  lui  fait  hommage  du  premier  volume  de 
son  Jllgeineine  Bei'olkerwigs  Statlstik. 

M.  tlie  de  Beaumont,  s^nateur,  secretaire  perp6- 
tuel  de  rAcad6ime  des  sciences,  est  admis  dans  la 
Soci6te  sur  la  proposition  de  .MM.  Jomard  et  Daussy. 

M.  de  la  Roquette  annonce  qu'une  lettre  datee  de 
Londres,  17  mars  1859,  lui  apprend  que  des  rensei- 
gnements  officiels  parvenus  par  le  dernier  courrier 
[the  last  vinil)  a  la  Compagnie  des  Indes  orientales, 
font  connaitre  en  ces  termes  le  meurtre  d'Adolphe 
Schlagintweit,  I'un  des  trois  fr^res  qui  viennent  de 
terminer  avec  tant  de  succfes  Fexploration  de  I'lnde  et 
des  r6gions  de  la  haute  Asie  au  noi'd  et  k  I'ouest  de 
r  Himalaya  :  «  Le  sort  de  M.  Adolphe  Schlagintweit 


(  308  ) 

»  est  confirmd',  et  il  paralt  maintenant  qu'il  a  6t6  as- 
))  sassm6  de  la  inanitjre  la  plus  barbare  a  Kashkar  par 
»  un  Sindy  lanalique  appele  AVollee-Kliaii.  Ce  qii'on  a 
»  pu  recueillir  de  lui  consiste  en  quelques  fragments 
))  de  papiers  et  uu  telescope  de  poclie  bris6  qui  ont  el6 
»  transmis  k  sa  famille. » 

M.  Jomard  doniie  communication  :  1"  D'une  lettre 
qu'il  a  6crite,  il  y  a  plusieurs  ann^es,  a  im  savant  an- 
glais, memhi'e  de  la  Soci6t6  royale  geographique  de 
Londres,  relativement  a  la  nouvelle  direction  a  donner 
aux  recherclics  des  sources  du  Nil ;  2°  De  questions  sur 
le  raeme  sujet  qu'il  a  adressees,  le  12  aoiit  1858,  a  un 
officier  de  la  marine  imperiale  partant  poiu'  1' Arabic 
par  la  mer  des  Indes.  —  Ces  deux  pieces  sont  depos6es 
sur  le  bureau. 

M.  de  la  Roquette  annonce  que  la  Commission  du 
concour^  an  prix  annuel,  dont  il  est  rapporteur,  a  ac- 
cords la  grande  m6daille  d'or  destin6e  par  la  Society 
h  r6corapenser  la  d^couverte  la  plus  importante  en 
geographic,  a  MM.  Adolplie,  Hermann  et  Robert  Schla- 
gintweit,  voyageurs,  naturalistes  et  physiciens  bava- 
rois,  pour  leurs  explorations  du  Tibet  et  du  Turkestan 
oriental,  et  pour  Ics  decouvertes  qu'ils  ont  faites  b. 
I'ouest,  au  nord  et  au  nord-ouest  des  monts  Himalaya. 
Le  rapport  sera  lu  a  la  s6ance  g^nerale. ' 
M.  Jomard  annonce  que  Ton  vicnl  de  traduirc  en 
anglais  et  de  publicr  le  premier  voyage  des  Francais 
en  Chine  en  1098.  Cette  relation  avait,  au  commence- 
ment du  xviir  siecle,  paru  en  francais  dans  un  volume 
devenu  assez  rare  aujourd'hui.  La  traduction  anglaise  a 
L't6  faite  a  Londres  d'apr{;s  un  manuscrit  du  temps  par  les 


(  309  ) 

soins  de  M.  Saxe-Bannister.  Une  Edition  allemande  doit 
paraitre  a  Berlin  sous  les  auspices  du  l)aron  de  Hrmil)oldt. 
Enfin,  Ton  s'occupe  d'une  nouvelle  Edition  francaise, 
pr6c6d6e  des  documents  qui  se  rapportent  a  la  mission 
ordonnee  par  Louis  XIV,  sur  le  vaisseau  V Ampldtrite, 
command^  par  le  chevalier  de  Laroque.  Le  voyage 
dura  trois  ans.  L'empereiir  de  la  Chine  accueillit  par- 
faitement  le  Pfere  Bouvet,  M.  de  Laroque  et  tons  les 
Francais  de  1' expedition,  ainsi  que  le  peintre  Gherardini 
qui  6tait  a  bord. 

M.  Daussy  pr6sente  une  analyse  succinate  des  prin- 
cipaux  documents  ins6r6s  dans  le  n°  2  du  volume  III 
des  Proceedings  de  la  Societ6  royale  g^ographique  de 
Londres. 

M.  le  secretaire  general  exprime,  a  cette  occasion, 
dans  I'interet  du  Bulletin,  le  d6sir  de  voir  ses  collfegues 
suivre  I'exemple  de  M.  Daussy. 


Proces-i'erbal  de  la  seance  i>enerale  da  8  ai>ril  1859 


b^ 


A  huit  heures  et  un  quart,  M.  de  la  Roquette,  vice- 
president  de  la  Societe,  en  1' absence  de  M.  le  general 
Daunias,  president,  commandant  le  camp  de  Luneville, 
ouvre  la  stance, 

M.  Buisson,  secretaire,  lit  le  procfes- verbal  de  la 
derniere  seance  generale. 

M.  de  la  Roquette  olTre  a  la  Societe  une  notice  bi- 
bliographique  sur  le  professeur  et  voyageur  norvegien 
Keilhau.  Un  ouvrage  ayant  pour  titre  :  Madagascar, 


(  810  ) 

possession  francaise  clejmis  lGi2,  par  M.  Barbi6  du 
Bocage,  menibre  de  la  Commission  centrale,  et  line 
Carte  de  Pile  de  Madagascar,  par  M.  Malte-Brun,  secre- 
taire adjoint  de  cette  meme  Commission,  sont  ensuite 
d6pos6s  sur  le  bureau  au  nom  de  leurs  auteurs. 

M.  Jomard,  president  de  la  Commission  centrale,  lit 
une  courte  notice  sur  la  fondation  r^cente  d'une  Soci6t6 
de  G(^ographie  h.  Geneve.  II  rappelle  que  la  Soci6t<^  de 
G6ograpliie  de  Paris  fut  la  premit;re  6tablie,  en  1821, 
dans  I'intention  de  provoquer  et  encourager  les  d6cou- 
vertes;  en  1829  fut  cr66e  la  Society  g^ographique  de 
Londres;  puis,  successivement,  cellos  de  Francfort, 
Berlin,  Bombay,  Saint-P6tersbourg,  Darmstadt,  Vienne, 
New-York,  et  enfin  celle  de  Gen6ve.  La  Soci6t6  de 
Paris  appelaitau  meme  litre  les  Strangers  et  les  natio- 
naux,  pour  1' aider  dans  son  entrcprise.  Aujourd'bui  que 
la  plupart  des  nations  civilis6es  ont  adopts  le  m^me 
plan,  notre  Soci6t6,  tout  en  continuant  d'etre  cosmopo- 
lite, et  de  distribuer  ses  prix  aux  Strangers  comme  aux 
Fran^ais,  doit  moins  compter  sur  les  associ<§s  du  dehors 
et  faire  surtout  appel  a  nos  compatrioles.  Les  Soci6t6s 
de  Fiussie  et  d'Anglelerre,  jouissant  d'une  grande  pros- 
p6rit6,  hautement  prot6g<5es,  richement  dot^es  par  les 
princes,  ont  pu  r6compenser  de  la  mani^re  la  plus 
6clatante  les  voyages  de  d^couvertes,  entretenir  des 
explorateurs ,  leur  fournir  des  instruments,  publier 
leurs  cartes  et  relations  de  voyages.  Ce  n'est  pas,  dit 
en  terminant  M.  Jomard,  le  patriotisme  fran^ais  qui 
restera  en  arri^re  dans  cette  entreprise  de  bien  public  : 
personne  n'ignore  quels  fruits  peut  produire  pour  le 


(  311  ) 

commerce  et  les  sciences,  I'extension  des  d^couvertes 
et  des  connaissances  g6ographiques. 

M.  le  president  lit  les  iioms  des  membres  admis  dans 
la  Soci6t6  depuis  la  derniere  seance  g6n6rale.  Ce  sont : 

MM.  lilie  de  Beaumont,  secretaire  perp6tuel  de  1' Aca- 
demic des  sciences ; 

Himly,  professeur  suppliant  de  g^ographie  k  la 
Faculty  des  lettres ; 

Alfred  Jacobs,  docteur  6s  lettres,  archiviste-paieo- 
graphe ; 

Le  D'  Padilla,  professeur  a  1' University  de  Gua- 
temala ; 

Le  professeur  Parlatore ,  directeur  du  Mus6e 
d'histoirenaturelle  de  Florence ; 

Le  D'  Poyet,  m^decin  a  Routschouk  ; 

Alfred  Rousseau,  consul  de  France  h  Djeddah  ; 

Ernest  Saillard,  attache  au  ministere  des  Affaires 
ihrang^res. 

M.  Ed.  Charton,  ancien  conseillerd'Etat,  est  presents 
par  MM.  d'Avezac  et  G.  d'Eichthal  pour  faire  partie  de 
la  Societe. 

M.  de  la  Roquette,  comme  rapporteur  de  la  Com- 
mission du  prix  annuel,  fait  connaitre  que  cette  Com- 
mission a  decerne  lagrande  medaille  cFor  dela  Society, 
pour  I'annee  1856,  a  MM.  Schlagintvveit.  II  litun  apercu 
de  leurs  explorations  dans  THindoustan,  le  Tibet  et  le 
Turkestan  oriental,  et  annonce  que  des  renseignements 
officiels,  r6cenmient  parvenus  en  Angleterre,  ont  mal- 
heureusement  coufirm6  la  nouvelle  de  la  mort  de  I'un 
d'eux,  M.  Adolphe  Schlagintvveit,  assassin^  par  un  fana- 


(  312  ) 
tique,  a  Kashkar.  La  Comniission,  tout  en  d^cernantla 
grandc  n.^daille  iALM.  Sclilagintweit,  reserve les  droits 
du  D'  Vogel  et  du  capitaine  IJnrton, 

M.  Vivien  de  Saint-Martin,  meudjre  de  la  Conmiis- 
sion  centrale,  donne  ensuitc  lecture  d'un  travail  ayant 
pour  titre  :  La  JlecJierche  des  sources  du  A7/.  Apr^s  avoir 
rappele  les  connaissances  des  anciens  et  des  Arabes, 
et  fait  riustorique  des  nombreuses  explorations  dontla 
rdgion  parcourue  par  ce  fleuve  a  6t6  I'objet,  tant  de  la 
part  des  voyageurs  que  de  celle  des  missionnaires  et 
des  commercants,  M.  Vivien  de  Saint-Martin  constate 
qu'il  est  heureux  de  s'etre  rencontrd  avee  M.  Jomard, 
pour  conseiller  de  tenter  la  recherche  des  sources  du 
Nil,  non  plus  en  remontant  le  fleuve,  niais  bien  en 
partant  de  la  cote  d'Afrique  sur  I'Ocean  indien,  pour 
de  \h  gagner  la  fhahie  neigeuse  d^couverte  par  les 
reverends  Krapf  et  Rebmann,  et  qui,  selon  toute  pro- 
bability, renferme  les  sources  clierch6es. 

M.  le  comte  d'Escayrac  de  Lauture,  membre  de  la 
Commission  centrale,  lit  une  notice  sur  le  Dar-Four, 
et  le  voyage  que  fait  pr6sentement  en  ce  pays 
M.  le  D'  Cuny.  Longtemps  medecin  en  chef  de  la  pro- 
vince de  Siout,  en  communication  continuelle  avec  des 
Fouriens,  M,  Cuny  avait  fait  proposer  au  sultan  du 
Dar-Four,  de  Taller  voir ;  inais  les  marchands  refusc;rent 
de  rcmmencr.  Loin  de  se  d^courager,  M.  Cuny  s'alfer- 
mitdans  la  rt'solution  de  visiter  ce  pays,  etM.  d'Escay- 
rac, lorsqu'il  quitta  I'Egypte,  I'engagea  fortement  h  y 
perseverer.  II  fut  convenu  qu'au  lieu  de  se  joindre  i  la 
caravane,  il  remonterait  le  Nil  jusqu'en  Nubie,  se  rcn- 
drait  de  1^  k  L'obeidh,  a  sept  journ6es  du  Dar-Four,  et 


(  313  ) 

y  attendrait  une  occasion  favorable.  Des  lettres  de  lui, 
dat6es  de  L'obeidh,  25  mai  1858,  recues  il  y  a  peu  de 
jonrs,  annoncent  qu'il  partait  le  lendemain.  Dans  un 
long  m^moire  6galement  adress6  par  M.  Cuny,  outre 
des  observations  de  toute  nature,  Ton  trouve  la  des- 
cription des  oasis  du  Gab,  et  I'indication,  d'apr^s  les 
rapports  des  indigenes,  d'un  volcan  situ6  k  Wadi  Had- 
jiar  dans  la  haute  Nubie,  et  qui  aurait  eu  quelques 
Eruptions  j usque  dans  ce  sifecle;  il  mentionne  aussi  un 
prolongement  de  la  valine  appel6e  Bahar-el-Ghzal  qu'il 
nomme  Wadi-el-Mek,  et  par  lequel  le  Soudan  oriental, 
k  r^poque  de  pluies  exception nelles,  diverse  ses  eaux 
dans  le  Nil  a  une  faible  distance  de  Dongolah.  Esp6- 
rons,  dit  M.  d'Escayrac,  que  M.  Cuny  nous  enverra  de 
nouvelles  pages,  faisons  des  vceux  pour  que  son  entre- 
prise  r^ussisse  et  qu'il  puisse  revenir  au  milieu  de  nous. 

M.  le  president  procMe  ensuite  au  d^pouillementdu 
scrutin  qui  a  eu  lieu  au  commencement  dc  la  s6ance, 
et  proclame  61us  membres  du  bureau  de  la  Soci6t6  pour 
1859  : 

President  :  M.  filie  de  Beaumont. 

Fice-presiclents  :  MM.  De  Quatrefages. 

Vivien  de  Saint-Martin. 

Scrutateurs :        MM.  Demersay. 

Jacobs. 

Secretaire  :         M.  Barbi6  du  Bocage. 


(3U) 
Seance  du  15  avril  1859. 


M.  d'Avezac,  vice-president,  occupe  le  fauteail  en 
I'absence  de  M.  Jomard,  qui  s'est  excused  de  ne  pouvoir 
assister  h.  la  sdancc. 

II  est  donn6  communication  du  procfes-verbal  de 
rassembl6e  g^n^rale  du  8  avril,  qui  doit  etre  imprim6 
dans  le  Bulletin. 

M.  Elie  de  Beaumont,  secretaire  perp6tuel  de  I'Aca- 
demie  des  Sciences,  adresse  ses  remerciments  k  la 
Society  qui  vient  de  I'Slire  son  president ;  il  fera,  6crit-il, 
tons  ses  efforts  pour  justifier  cette  distinction,  et  pretera 
aux  travaux  de  la  Soci6t6  le  concours  le  plus  em- 
presse. 

M.  le  docteur  Mariano  Padilla,  de  Guatemala,  admis 
r6cemment  dans  la  Society,  lui  adresse  ses  remerci- 
ments pour  cette  nomination  et  promet  de  lui  comniu- 
niquer  tons  les  documents  qui  pourront  I'interesser 
sur  le  pays  qu'il  liabite, 

M.  Malte-Brun  annonce  a  cette  occasion  que 
M.  I'abbe  Brasseur  de  Bourbourg  vient  de  partir  pour 
rAm6rique  centrale,  et  qu'il  se  propose  de  demander 
i.M.  Padilla  la  communication  de  ses  travaux  statis- 
tiques  sur  le  Guatemala. 

Le  mSme  membre  communique,  d'aprfes  le  compte 
rendu  d'une  des  stances  de  la  Society  geograpliique 
de  Berlin,  quelques  details  sur  la  dernifere  excursion 
du  D'  Bartb  en  Asie  Mineure,  et  il  depose  sur  le  bureau 
une  note  de  M.  Jules  Laroche,  de  Clermont-Ferrand, 


(  315  ) 

Sur  les  communications  a  etahlir  entre  l^Jlgerie  et  le 
Senesal. 

M.  d'Avezac  donne  lecture  d'une  note  que  lui  a  re- 
mise M.  Jomard,  et  dans  laquelle  I'lionorable  president 
de  la  Commission  centrale  rappelle  qu'il  a  le  premier 
6mis  I'idee  developp6e  r6cemment  par  M.  Vivien  de 
Saint-Martin  dans  une  int6ressante  lecture  sur  la  nou- 
velle  direction  h  donner  k  la  recherche  des  sources  du 
Nil.  Cetteid^e,  il  I'a  6nonc6e,  il  y  a  neuf  ans,  dans  la 
preface  du  voyage  au  Ouaday  du  cheikh  El  Tounsy. 

M.  Vivien  de  Saint-Martin  s'empresse  de  declarer 
que  loin  de  m6connaitre,  pour  sa  part,  la  priority  de 
M.  Jomard  sar  le  point  dont  il  s'agit,  il  I'a,  au  con- 
traire,  formellement  rappelee  dans  son  m(§moire  sur  la 
Recherche  des  sources  duNii,  lu  k  I'assembl^e  g6n6rale 
du  8  avril,  et  que  ce  passage,  compris  dans. les  cou- 
pures  que  n6cessite  la  brifevet6  d'une  lecture  a  haute 
voix,  sera  naturellement  imprim^  avec  le  m^moire 
dont  il  fait  parlie.  La  seule  part  que  M.  Vivien  tienne 
a  revendiquer  comme  sienne  dans  cette  question,  c'est 
le  rapprochement  des  indices  concordants  recueillis 
en  deux  points  opposes  par  les  voyageurs  Verne  et 
Rrapf,  et  qui  lui  paraissent  amener  a  I'^tat  de  demons- 
tration ce  qui  n'avait  6t6  jusqu'alors  qu'une  con- 
jecture. 

Aprfes  diverses  observations  6chang6es  entre  MM.  Pou- 
lain  de Bossay,  Maury,  d'Avezac,  dela  Roquette  et  Albert 
Mont6inont,  la  Commission  centrale  reconnait  que  le 
sujet  est  assez  hit^ressant  pour  justifier  I'impression 
au  Bulletin  des  divers  passages  que  M.  Jomard  desire  y 
voir  insures,   cette  insertion  n'impliquant  d'ailleurs, 


(  316  ) 

ni  au  fond  ni  en  la  forme,  aucune  id6e  de  controvcrse. 

M,  le  chevalier  de  Paravcy  adressc  i  la  Soci6te  iin 
m6moire  surquelqiies  points  do  la  g6ographie  de  I'Asie 
cent rale. 

M.  le  secretaire  lit  la  liste  des  ouvrages  deposes  sur 
le  bureau.  D'autres  dons  laits  par  divers  membres, 
dans  le  cours  de  la  s6ance,  sont  ajout6s  a  celte  liste. 

M.  fidouard  Charton,  ancien  conseiller  d'Etat,  est 
admis  dans  la  Soci6t6. 

M.  Vivien  de  Saint-Martin  donne  lecture  d'une  note 
de  M.  Ami  Boue,  adress6e  a  M.  Yiquesnel,  ct  conte- 
nant  1' analyse  d'un  livre  alleniand  sur  la  constitution 
sociale  des  peuples  slaves.  —  Ucnvoi  an  Bnllcim. 

M.  Henri  Duveyrier,  present  i  la  stance,  entretient 
la  Soci6t6  de  son  projet  de  voyage  en  Afrique.  Ce  jeune 
voyageur,  muni  d'instruments ,  of  pr6par6  a  cette 
grande  entreprise  pnr  de  pr6c6dentes  excursions  aussi 
bien  que  par  des  Etudes  sp('3ciales,  se  propose  de  p6n6- 
trer  dans  le  centre  du  Sahara,  de  visiter  plusieurs  con- 
tr6es  int6rieures  de  TAfrique,  et  d'op^rer  son  retour 
soit  par  le  Maroc,  soit  par  Tunis  ou  I'Algerie. 

La  Soci6t6  entend  cette  communication  avec  beau- 
coup  d'int6ret,  adresse  quelques  conseils  a  M.  Duvey- 
rier, en  lui  souhaitant  tout  le  succ^s  dont  son  entre- 
prise lui  parait  digne. 


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(  317  ) 

OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIETlL 
STANCES  d'avril  1859. 


Tilres  des  ouvrages.  Donateurs. 

EUROPE. 

Collection  de  documents  in^dits  sur  rhistoire  de  France,  publies  par 
les  soins  du  niinistrc  de  Tinstruclion  piiblique  :  Mdnioires  do 
Claude  Haton  contenantle  r^citdes  dveneinents  accomplis  de  1553 
h  1582  principaleraent  dans  la  Champagne  et  la  Brie,  publics  par 
M.  Felix  Bourquelot,  Paris,  1857,  tome  I  et  II,  in-4.  —  Cartulaire 
de  I'abbaye  de  Saint-Victor  de  Marseille,  public  par  M.  Gu6rard, 
membre  de  I'lusiitut,  tomes  I  et  II,  iu-4,  Paris,  1857.  —  Recueil 
des  lettres  missives  de  Henri  IV,  public  par  M.  Berger  de  Xivrey, 
membre  de  I'lnstilut,  tome  VII,  in-4,  Paris,  1858.  —  Lettres,  iu- 
jtructious  diplomatiques  ct  papiers  d'Etat  du  cardinal  de  Richelieu, 
recueillis  et  publics  par  M.  Avenel,  tome  III,  in-4,  Paris,  1838. — 
Histoire  de  la  guerre  de  Navarre  en  1276  et  1277,  par  Guillaume 
Anelier,  de  Toulouse,  publi^e  avec  une  traduction,  une  introduc- 
tion et  des  notes  par  Francisque  Michel.  Paris,  1856,  1  vol.  iu-4. 

M.    LE   MlNISTKE    DE    l'iNSTRUCTION    PUBUQUE. 

Geographic  hintorique  de  la  France.  —  Le  Pagus  aux  dilT^rentes  ^po- 
ques  de  notre  histoire,  par  M.  Alfred  Jacobs,  docteur  es  lettres, 
archiviste  pal6ographe.  Paris,  1859,  br.  in-8.  M.  A.Jacobs. 


ASIE. 


Description  de  FAmour,  observations  hydrographiques  et  ethnogra- 
phiques,  par  M.  Peichtschurorr.  Extrait,  in-8. 

M.  le  capilaine  Le  Grai. 


•       (  3^8  ) 
Titres  des  ouvrages.  Donateurt. 

AFRIQUE. 

Madagascar,  possession  francaise  depuis  1642,  par  V.-A.  Barbie  du 
Bocage.  Ouvrage  accompagn^  d'une  graude  tarte  dress^e  par 
M.  V.-A.  Malte-Brun.  Paris,  1859,  1  vol.  iu-8. 

M.  Babbie  dd  Bocagr. 

OUVRAGES  GfiNfiRAUX,  MELANGES. 

Allgemeine  Bevolkcrungs  Stalislik.  Vorlesungen  von  D'  J.-E.  Wap- 
piius,  1"' vol.  Leipzig,  1S59,  in-8  M.  le  D'  Wappaus. 

Explanations  and  sailing  directions  to  acconipagny  the' wind  and  cur- 
rent charts,  approved  by  captain  D.  N.  lugrabam,  chief  of  the  bu- 
reau of  ordnance  and  hydrography,  and  published  by  aulority  of 
hon.  Isaac  Toucey,  secretary  of  the  navy,  by  M.-F.  Maury,  super- 
intendent of  the  U.  S.  observatory  and  hydrographicul  office, 
vol.  I,  8*  6dit.  Washington,  1858.  M.  F.  Maury. 

Mer  duNord.  1"  panic,  Les  ties  Shetland  et  les  tics  Orcades.  Tra- 
duction du  pilote  public  par  ordre  de  rAniiraule  anglaisc,  par 
M.  A.  Le  Gras,  capitaine  do  frdgate.  Paris,  1858,  1  vol.  in-8, 

M.  A.  Le  Gras, 

£tude  des  isthmes  de  Suez  ct  de  Panama.  Reduction  au  quart  du 
temps  et  des  ddpcnses  de  leur  ouverlure,  par  F.-N.  Mellet,  iug6- 
nieur  civiL  Paris,  1859,  br.  in-8,  M.  Mellet. 

Tableaux  de  population,  de  culture,  de  commerce  et  de  navigation, 
formant,  pour  Tannde  1855,  la  suite  des  tableaux  insdrds  dans  les 
notices  statistiques  sur  les  colonies  fraufaises.  Paris,  1858. 

MiNISTURE   DES  COLONIES. 

Fragment  d'un  mdmoirc  sur  I'histoire  de  I'astrologie  et  de  la  magie 
dans  I'antiquit^  ct  au  moyen  age,  par  M.  Alfred  Maury,  menibro 
dcl'lnslitut.  (Eitrait  do  la  Revue  archeologique.)  Paris,  1859,  br. 
ia-8.  M.  A.  Macbv. 


(  31»  ) 

Tilres  des  ouvrages.  Donateun. 

Notice  biographique  surlavie  el  les  travaux  du  professeur  norwdgien 
Keilhau,  par  M.  de  la  Roquette,  br.  in-S,  1858. 

M.  DELA  ROQCGTTB. 

ATLAS  ET  CARTES. 

Royal  Atlas  of  modern  geography  exhibiting,  in  a  series,  of  entirely 
original  and  authentic  maps,  the  present  condition  of  geographical 
discovery  and  research  in  the  several  countries,  empires,  and  states 
of  the  work)  with  a  special  index  to  each  map,  by  Alexander  Keith 
Johnston.  Edinburgh  and  London,  1839, 1"'  partie,  5  fcuilles  avec 
texte.  M.  Alex.  Keith  Johnston. 

Carte  de  la  Gaule  ancienne,  dressde  par  Dufour,  feuille  5  de  I'Atlas 
universel  de  gdographie  ancienne  et  moderne. 

MM.  Paulin  et  Le  Chevalier. 

Carte  de  I'Ue  de  Madagascar,  par  V.-A.  Malte-Brun.  Paris,  1859, 
1  feuille.  M.  V.-A.  Malte-Brdh. 

MEMOIRES  DES  ACADEMIES  ET    SOClfiTes  SAVANTES, 
RECUEILS   PERIODIQUES. 

Miltheilungen  der  Geographie  von  D'  A.  Pctcrmann,  n°  13  de  1858 
etn°  2  del859.  —  Mittheilungen  der  kaiscrlich-koniglichen  geo- 
grapbischen  Gcsellschaft,  von  Franz  Foetterle,  n"'  2  et  3  de  1858. 
—  Zeitschrift  fur  allgemciae  Erdkunde,  Janvier  et  fevrier.  —  Pro- 
ceedings of  the  royal  geographical  Society  of  London,  n"  2.— Journal 
of  the  Franklin  institute,  mars. — Annales  du  commerce  extdrieur, 
Janvier  et  fevrier.  —  Nouvelles  annales  des  voyages,  mars.  —  Bul- 
letin de  la  Society  g6ologique  de  France,  mars.  —  Bulletin  de  la 
Soci6t6  impdriale  2ooIogiquo  d'acclimatation,  mars.  —  Revue  de 
rCricnt,  de  I'Algerie  et  des  colonies,  mars.  —  Revue  aradricaine  et 
orientate,  Janvier,  fevrier  et  mars.  —  Nouvelles  annales  de  la  ma- 
rine cl  revue  coloniale,  Janvier.  —  L'luvestigateur,  jourual  de 
riuslitut  historique,  Janvier  et  fevrier.  —  Annales  de  la  propaga- 


(  320  ) 

Tiires  des  ouvrages.  Donateurt. 

tion  de  la  foi,  mars.  —  Journal  des  missions  ^vang(?liqucs,  mars. 
—  Journal  d'cduration  populairc,  mars.  —  Exlrait  des  travaui  de 
la  Soci^t6  centrale  d'agriculturc  du  departomeiit  de  la  Seine-Infe- 
rieure,  1",  2*  et  3*  Irimeslres  1838.— L'lslluue  de  Suez,  n°  67. — 
L'Esperauce,  journal  grec. 

LeS   ACTEDBS    et    LES    E0ITEUB3. 


BULLETIN 


DE    LA 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE. 


MAI    ET    JUIN    1859. 


Memoirets,  I^otices,  ete. 


ETUDES 

6UR  LETimOGRAPHIE,  LA  PHYSIOLOGIE,    l'aNATOMIU 
ET  LES  MALADIES 

DES   RACES    DU   SOUDAN. 

Eu  r^pouee  a  diverses  questions  pos6es  par  I'Acad^mie  des  sciences, 

Par  M.  Peney, 

M^deciii  en  chef  de  laimee  du  Soudan. 


Sous  la  denomination  de  Beled-el-Soudan  on  pays 
des  Noirs  je  d6signe  ici  les  contr^es  comprises  entre 
la  premiere  cataracte  et  le  h"  degr6  de  latitude  nord, 
contr6es  seules  connues  des  voyageurs  europ6ens  et 
dans  lesquelles  ont  p6n6tr6  les  armees  6gyptiennes ; 
entre  la  mer  Rouge,  I'Abyssinie  et  les  provinces  Galla, 
al'ouest ;  le  royaume  de  Four  et  le  Fertitt,  a  Test.  Cette 
vaste  etendue  de  terrain  constitue  le  Soudan  6gyptien. 

Elle  est  habitue  par  une  population  variee,  qui,  par 

XVII.    MAI  ET  JUIN.    1.  22 


(  522  ) 

ses  melanges  el  se.-?  cruiseinems.  a  duiino  lieu  a,  tie 
uouvelles  races,  oli'iaiit  une  vari^te  cle  types  infinis. 
Ce])eu(laiit,  an  milieu  de  ce  melange,  on  distingue  en- 
core les  origines  primitives  des  habitants  du  Soudan, 
inoins  il  est  vrai  jiar  les  caracteres  analomiques  que 
par  le  langage  et  les  liaditions  qui  se  sont  conserves 
jusqa'aujourd'hui. 

En  classant  les  popuk'ifibns  du  Soudan  d'apres  leurs 
oiigines,  on  les  distingue  d'abord  en  deux  grandes  ca- 
l^gories  :  1"  indigenes  ou  alricaines ;  2"  6trangeres  ou 
asiatiques.  Parmi  les  premieres  on  comptc,  en  com- 
mencanl  j)ar  la  basse  Nubie,  et  en  remontant  les  rives 
du  JN'il  : 

1°  Les  C/ic//a/j-,  riverains  tlu  (Uiellal  ou  catariictes; 

Les  Mahass,  liabitant  la  proAince  du  meme  now  ; 

Les  Danag/a,  residant  dans  le  Dongolah  ; 

Les  Jl/abclah,  6cbelonnesau-dessous  d' Assouan,  sui 
les  rives  du  Nil,  et  remontant  jusqu'a  la  province  de 
Berber.  Bienqu'ilsse  pretendent  d'origine  6gyptienne, 
les  Ababdah  semblent  moulds  sur  le  type  des  Nubiens, 
et  doivent  etre  classes  avec  eux,  a.  cause  des  nombreux 
points  de  ressemblance  qu'ilsont  avec  ces  peuples.  Ces 
ditft^rentes  peuplades  possfedeiit  des  idiomes,  variant 
suivant  les  localit6s,  mais  qui  derivent  d'une  langue 
unique,  dont  on  retrouve  encore  les  restes  non-seule- 
ment  dans  la  Nubie,  niais  dans  toute  la  province  de 
'faka,  ancienne  ile  de  Meroe; 

Les  hyc/mryn/i,  ancieus  Blfriuieli,  quon  rencontre 
avec  leurs  drouiadaires,  dans  toutes  les  valines  entre 
le  Nil  et  k  mer  Rouge,  depuis  la  liauleur  d'A><souaii 
jusqu'a  cellc  tie  Kbartoun  ; 


(  32S  ) 

Les  A  (I end  ah  ; 

Les  Halanga  ; 

Les  3Ji'tkina/e,  les  Sniikinah,  qiii  soiit  fixes  egalemen 
dant  la  province  de  Taka  font  partie  de  la  population 
indigene  da  Soudan.  lis  ont  conserve  un  des  idiomes 
dont  je  viens  de  parler,  et  quoique  convertis  depuis 
plusieurs  si^cles  a  I'islamisme,  la  plupart  d'entre  eux 
ignorent  compl^tement  la  langue  arabe. 

Toiates  ces  peiiplades  indigenes  olTrent  entre  elles, 
au  physique  comme  au  moral,  des  traits  de  ressem- 
blance,  qui  les  font  reconnaitre  au  premier  abord,  et 
les  distinguent  des  autres  races  qui  les  avoisinent.  Diff6- 
rents  des  Egyptiens,  dont  cependant  on  les  pretend  les 
ancetres,  bien  distincts  de  la  race  n^gre  avec  laquelle 
ils  n'ont  de  commun  qu'une  coloration  plus  ou  moins 
ibncee  du  derme,  les  Nubiens  oflfrent  le  plus  de  points 
de  similitude  avec  la  race  arabe  emigr6e  dans  le  Sou- 
dan :  aussi  est-ce  avec  cette  race  qn'il  est  plus  facile 
de  les  confondre. 

2°  La  race  arabe  transfuge,  a  diverses  epoques,  des 
montagnes  du  Yemen ,  du  Tehama  et  des  immenses 
vallees  qui  avoisinent  M6dine,  occupe  au  Soudan,  sur 
les  rives  du  Nil,  sur  celles  de  VJtbara,  du  binder  et 
du  Rahdt  s.'s  afiluents,  de  vastes  plaines,  ou  paissent 
de  nombreux  troupeaux  de  dromadaires,  de  bceufs,  de 
moutons  et  de  chfevres.  Cette  race  a  conserve,  dans"  la 
vie  nomade,  ses  habitudes  primitives,  et  n'a  emprunte 
au\  populations  avec  lesquelles  elle  s'est  trouv6e  en 
contact  que  les  coutumes  qui  s'adaptaient  le  mieux  a 
son  genre  de  vie,  aux  exigences  du  chmat,  aux  produc- 
tions du  sol.  Ainsi  1' Arabe  a  conserve  et  conserve  en- 


(32A) 

core  api^s  I't'iuigiation,  la  laiigue  tie  scs  p6res,  sans 
daigncr  emprimter  les  itliomes  des  peuples  avec  les- 
quels  il  est  vcnu  cohabiter.  fivitant  soignciisenienl  dc 
contracter  des  alliances  dc  fauiillc  avcc  les  indigenes, 
il  n'a  pas  voulu  soumettie  ses  fiUes  a  la  pratique  bar- 
bare  et  ridicule  de  riufibulation  qu'il  a  trouv^e  etablie 
fi  son  arrivee  dans  le  pays.  Plein  de  m6pris  pour  I'exis- 
tence  sedentaire  des  gens  des  villes,  il  d^daigne  le  tra- 
vail, qu'il  trouve  contraire  a  la  liberie  de  I'liouime,  il 
passe  sa  vie  a  errer  au  milieu  des  bois  et  des  valines, 
contemplant  ses  troupeaux  qui  paissent,  et  clierclie  de 
nouveaux  paturages  pour  remplacer  ceux  qu'ont  brou- 
t6s  ses  troupeaux. 

Habillements.  —  Comme  I'indigfene  nubien,  I'Arabe 
du  Soudan  n'a  pour  vetemcnt  qu'un  large  calecon  avec 
une  chemise  plus  large  encore,  faite  comme  le  prece- 
dent en  coton  tissi^,  le  tout  recouvert  d'une  vaste  piece 
d'6tofre  blanche,  qui  sert  a  cacher  chemise  et  calecon, 
et  a  former  une  draperie  plus  ou  moins  gracieuse  au- 
tour  du  corps.  La  tete  g6n6ralement  nue  est  pr6sen'6e 
des  ardeurs  du  soleil  par  une  chevelure  6paisse  et  lon- 
gue,  tress^e  de  diverses  mani6res  suivant  le  gout  de 
la  tribu.  La  chaussure,  quand  elle  existc,  est  repre- 
sentee par  des  sandales.  Tel  est,  dans  sa  com})osition 
la  plus  ordinaire,  le  vetement  des  hommes  arabes  el 
nubicns. 

Celui  des  femmes  est  aussi  simple  et  n'oflre  avec 
celui  des  hommes  que  de  legeres  modifications.  La        ^ 
jeune  fiUe,  dans  son  bas  age,  est  nue  comme  I'cnfant      J 
male.  Libres  de  tout  vetement  et,  par  consequent,  dc      V 
toute  entrave,  jusqu'a  I'age  de  trois  ou  quatre  ans,  les 


(  325  ) 

enfanls  sp  d6veloppent  comme  les  petits  des  animaux, 
exempts  de  ces  difformit^s  qui  ne  sont  que  trop  sou- 
vent  le  r^sultat  de  I'emploi  des  maillots.  Vers  sa  qua- 
tri^me  ann^e,  la  jeune  fille  ceint  le  raat.  C'est  une  es- 
p6ce  de  pagne,  fait  en  cuir,  qui  s' attache  au-dessus 
des  handles,  fait  le  tour  du  corps  et  vient  retomber  en 
lani6res  sur  la  partie  sup6rieure  des  cuisses.  Get  orne- 
nient  de  la  jeune  fille,  quelquefois  surmont6  d'une  large 
piece  d'etofle  blanche,  qui  forme  draperie,  est  port6 
par  les  Arabes  et  les  Nubiennes  jnsqu'a  I'^jDoque  de 
leur  mariage.  A  ce  moment,  le  rant  est  mis  en  lam- 
beaux  et  remplac6  par  une  large  ceinture  en  6toffe,  de 
couleur  fonc6e,  qui  fait  autour  des  reins  I'office  dn 
pagne.  Comme  les  hommes,  les  femmes  ont  la  tete  nue, 
mais  la  chevelure  tress^e  avec  plus  de  soin,  et  ornee 
de  morceaux  d'ambre.  de  fragments  de  corail  et  de 
grains  de  verroteries.  Hommes  et  femmes  s'oignent  la 
tete  de  graisse  on  d'huile  ;  tons  pratiquent  i^galenient 
des  frictions  graisseuses  sur  la  surface  du  corps,  et  ont 
souvent  recours  a  une  operation  connue  au  Soudan 
sous  le  nom  de  delkh.  Comme  cette  operation  joue  un 
role  important  dans  les  habitudes  et  dans  la  sant6  des 
Soudaniens,  Nubiens  et  Arabes,  qu'elle  a  ses  avan- 
tages  comme  ses  inconv6nients,  je  crois  utile  d'en 
parler  avec  quelques  details,  pour  mieux  faire  appr6- 
cier  les  consequences  qui  en  d^coulent. 

Oiicdons  (lelkh.  —  Les  ingredients  qui  entrent  dans 
la  composition  de  la  delkh  sontle  umldeh  (semences  du 
Prunus  mahleb);le  defn^  substance  cartilagineuse  pro- 
venant  d'une  esp6ce  de  mollusf[iie,  et  les  fleurs  non 
epanouies  du  i::(h-oflier,  pulv6ris6es  et  rael6es  a  de  ia 


(  326  ) 

farine  torr^fiee  de  doum  (holclius  sorgho).  Ce  me- 
lange, aiufucl  on  ajoute  line  certaine  quantity  d'huilc 
ai'omatique,  el  qui  oflfre  Ig.  consigtance  d'unc  pate  oi-- 
dinaire,  s' applique  et  s'etend  sur  toutc  la  surface  du 
corps,  a  I'aide  de  la  main,  et  an  moyen  de  frictions 
pratiquees  dans  tons  les  sens.  C'est  surtout  le  soir, 
avant  de  se  livrer  au  repos  de  la  nuit,  que  les  Souda- 
niens  ont  I'liabitude  de  se  fairc  pratiquer  la  delkti. 
Cette  preparation,  en  vertu  des  ingredients  qui  la  coiu- 
posent,  adoucit  la  peau,  ralentit  I'intensitedcla  trans- 
piration, et,  de  la  sorte,  diminue  considerablement  les 
affections  cutan6es  qui,  sans  cela,  jie  manqiieraient  pas 
de  se  d6velopper  a  cause  de  I'activit^  considerable  dont 
la  peau  est  le  si6ge  dans  des  climats  tels  que  ceu,\  du 
Soudan.  Aussi  c'est  grace  f^px  frictions  graisseuses  que 
les  habitants  du  Soudan  sont  redevables  d'echapper  a 
ces  d'ruptions  si  d^sagreables  et  si  fr6quentes  en 
Egypte  et  dans  tout  I'int^rienr  de  I'Afrique,  tiniptiong 
qu'on  a  designees  mal  a  propos  sous  le  nom  de  linutous 
flu  Ail  (car  le  Nil  n'a  qu'y  ftiire),  et  qui  se  devcloppenl 
en  figypte  pendant  r6t6,  a  r6poque  ou  la  chalcur  es), 
le  plus  intense  et  la  sueur  le  plus  abondante,  epoqne 
aussi  qui  coincide  avec  celle  de  I'inqndation.  C'est 
grace  aux  onctions,  comme  je  le  dirai  plus  tard  en  par- 
lant  des  maladies,  que  les  Nubiens  et  les  Arabes  flu 
Soudan  se  trouvent  exempts  de  la  gale,  des  maladies 
herpetiques  et  autres  affections  si  frequentes  en  Egypte. 
en  Abyssinie,  et  clans  les  contrees  oii  les  frictions  hui- 
leuses  ne  sont  point  en  usage.  Quant  a  rimmunilt';  dont 
jouissent  les  parties  graissees,  corps  ou  tete,  a  I'cgard 
de  certains  insectes  parasites,  c'est  une  propri6te  attri- 


(  327  ) 

biK'^e  gratnitement  a  la  gi-aisse  el  a  riniile,  ei  qnon 
rencontre,  si  ejle  .exjsle,  ])icn  sonveni  en  defani. 

Si  les  onctiqns  ont  Icin's  nvantages,  il  fant  dire  ans?i 
r{n'elles  sonf  loin  fVetre  ,exer|iplc,s  d'inconvenients.  f^a 
suppression  et  mejiie  une  diminution  sensible  de  La 
iranspiralion  dans  des  cliinats  tels  que  ceux  dont  d  s'a- 
git,  n'ont  lici)  qu'a la  condition  de  d6tourner  etde  porter 
sur  d'autres  parties  internes  ractivife  qui  6taii  mise  en 
jeu  a  I'exl^rieur.  Aussi  les  organes  ajKlpminaux  et  les 
articulations  subissent-ils  squvent,  h  leur  detrim.ent, 
r  influence  du  deplacenient  d'unp  fopction  physiolp-; 
gique  aussi  importante  que  celle  dont  jc  viens  d.e 
l^arler.  Je  reviendrai  plus  tard  suv  ce  sujet. 

NQiuriiure.  —  Compar^e  a  I'art  culinaire  des  Euro- 
p6ens,  la  cuisine  des  Soudaniens  ep  est  epporp  aux  pre- 
miers Elements ;  et  la  vari6te  des  mets  est,  pour  1'  Arabe 
connno  pour  le  Nubien,  un  luxe  qu'ils  ne  soupconnenl 
pas.  Je  ne  dis  rien  du  Negre,  chez  lequel  lapourriture, 
comnie  tout  le  reste,  se  ressent  encore  de  Tetat  de 
nature,  dans  lequel  il  vit.  C.e  sera  le  sujet  d'un  nrticle 
il  part. 

La  base  du  regime  alimentaire  des  Soudaniens,  Nu- 
liiens  et  Arabes  est  le  douva  (holcus  sorgho),  dont  il 
existe  sept  on  huit  variet6s  au  Soudan,  et  le  dohn,  une 
espece  de  millet  conuu  en  botanique  sous  la  denomi- 
nation  de G'est  avec  ces   deux    graminees  que 

se  confectionne  le  pain,  ou  du  moins  1' aliment  qui  passe 
pour  lei  an  Soudan.  Cost  uno  espece  de  pale  trfes 
aci^e,  plus  ou  moins  epaisse,  quelquefois  aussi  mince 
qu'unc  leuille  de  papier  :  cetle  derniero  Tornie  crt  la 
plus  dtMieate,  et  celle  af1o])t(^e  par  la  c]^sse  riclie.  {)p 


(  328  ) 

Texpose  au  feu  snr  fie  larges  plaques  de  fer  ou  de  terre 
cuite,  pendant  qaelques  minutes,  et  de  facon  k  I'^chaul- 
ferplutot  qua  la  cuire.  La  portion  de  pain  la  plus  mince 
peut  seule  se  durcir  par  Taction  si  peu  prolongee  dn 
contact  du  feu.  Le  pain  plus  6pais  n'est,  k  proprenient 
parler,  que  de  la  bouillie,  sous  une  forme  aplatie. 
On  concoit  que  cet  aliment  qui,  en  raison  de  son  degre 
avanc6  de  fermentation,  seraitd' une  digestion  facile,  le 
soit  beaucoup  moins,  a  cause  de  son  degr6  de  cuisson. 
La  pate  de  doura  et  de  do/cn,  apr^s  avoir  subi  la 
cuisson,  sous  forme  de  feuillets  amincis,  est  quel([ue- 
fois  soumise  a  Faction  du  soleil  et  de  I'air  pour  se  des- 
s6cher  compl6tement.  Sous  cette  forme,  et  sous  le  nom 
A'abrdy,  elle  sert  a  preparer  avec  de  I'eau  du  bouillon 
de  viande,  du  lait,  une  espfece  de  panade  tr6s  usitee 
en  voyage.  On  prepare  6galement  une  boisson  16gere- 
ment  acide,  et  assez  agr6able  avec  le  meme  nbrdr,  sur 
lequel  on  diverse  alors  une  plus  grande  quantite  d'eau, 
quelques  instants  avant  de  s'en  servir.  Le  pain  ordi- 
naire, d6sign6  sous  le  nom  de  itsreh,  se  mange  en 
Nubie  comnie  Va/jiay,  assaisonnii  d'cau  simplement, 
de  beurre  fondu  ou  de  lait,  ou  bien  encore  d'une  sauce 
pr6paree  avec  de  la  viande  dess6cht'e  et  pilee,  de  la 
hantieh  (bibiscus  esculentus) ,  dcs  oignons,  du  consbme 
(coriandre) ,  et  une  forte  quantite  de  piment  de  la  petite 
et  de  la  plus  forte  esptice  (capsicum  minimum).  On 
ajoute  quelquefois  a  ces  ingredients  de  Yassa  firtida, 
qui  jouit,  chez  les  Arabes,  d'une  grande  reputation 
comme  stomacbicjue,  mais  (fui  donne  a  la  sauce  un  goiit 
et  une  saveur  fort  peu  agreables  pour  les  6trangers.  La 
sauce  en  question  porte  le  nom  de  melah.  G'est  le  mets 


{  320  ) 

viaiment  national  de  la  basse  et  de  la  haute  Nubie, ' 
comme  aussi  d'une  partie  du  Soudan. 

Diverses  vari6t6s  de  haricots,  quelques  espfeces  de 
potirons,  de  pastfeques,  la  viouhukhieh  (corchorus  oli- 
torius),  le  tamal^k  (cleome  pentaphylla) ,  sont  a  peu 
pr6s  les  seuls  v6g6taux  employes  par  les  Soudaniens, 
avec  ceux  dont  j'ai  parl6  pr6c6demment.  Quant  aufro- 
ment  et  aux  dift"6rentes  plantes  potagferes  introduites 
dans  I'int^rieur  de  I'Afrique  par  les  Europ6ens  et  les 
Turcs,  ces  substances  n'ont  jusqu'^  present  joui  d'au- 
cune  faveur  aux  yeux  ni  aux  app6tits  soudaniens.  En 
revanche,  ceux-ci  sont  all6s  chercher  des  aliments  dans 
d'autres  substances,  oii  la  partie  alimentaire  est  assez 
pauvre  sous  le  double  rapport  de  la  quantity  et  de  la 
qnalite.  Certains  tubercules  appartenant  aux  families 
des  Aroid6es  et  des  Convolvulac6es,  diverses  racines 
et  rhizomes  d'especes  v6g6tales  non  cultivees  et  qu'on 
trouve  attenantes  aux  parties  radicales  de  certains  aca- 
cias, sont  employes  par  les  Soudaniens  comme  ali- 
ments. D'autres  fois  ce  sont  des  champignons  qui  four- 
nissent  a  I'alimentation,  pendant  une  partie  de  I'ann^e, 
de  quelques  populations,  chez  lesquelles  les  Agarics^et 
les  Bolets  se  trouvent  en  grande  abondance,  et  sans 
oU'rir  d'esp6ces  v6n6neuses. 

Usa^e  de  la  gomme.  —  Enfin,  je  ne  puis  passer  sous 
silence  une  des  derniferes  ressources  alimentaires  du 
Soudan,  mais  a  laquelle  on  n'a  recours  qu'au  pis  aller 
aux  6poques  de  disette,  quand,  par  I'efTet  de  la  s6che- 
resse  ou  par  tout  autre  accident,  les  r6coltes  de  sorgho 
et  de  dokn  ont  fait  d6faut.  Dans  ces  circonstances  mal- 
heureuses,  on  s'adresse  a  la  gomme,  qu'on  trouve  dans 
toutes  les  provinces  du  Soudan,  et  surtout  dans  celle 


(111  Koidofan.  Par  iine  rninridenco  assoz  Ij.euveuse  en 
apparciicp.  o\  q\ii  senibloiail  pj-ovidfiiliollo  si  oll(?  pro- 
(luisait  d'auUes  i-esultats,  c'est  iQujoprs  pendant  Ips 
aunees  de  si6cliRresse,  alors  rpio  lp,«i  j-^ipnltes  des  c^- 
ijS^Ips  ont  Dianqut'i  par  le  defaut  des  pluies,  c'est  aloys, 
djs-je,  que  la  secretion  gomnjpusG  se  prod  nit  avec  plus 
d' activity,  pt  que  la  gonime  nsiirpp  la  place  d'alimcni. 
Alais,  lj61as,  quel  triste  aliment !  J^n  L)o\U  dp  quelqiies 
jours  de  r6gimp  a  la  gomme,  les  nialhenicux  qui  n'onl 
que  cetle  substance  pour  toute  alintenta^iqp  conimen- 
cent  a  uiaigrir  ;  la  coloraliqp  du  derine  s'allpre  cliez 
eux ;  I'estpuiac  se  refq^e  a  digerer  la  n]^ti6re  gpip- 
nieuse,  et  les  iudi\"idus  ne  lardept  pa^  a  tpmher  daus 
le  marasme  et  a  perir  d'iuanition.  jj'^j  vu  ^quvent  de 
pauvres  gens  sucppnd)er  de  Iq,  softp  a  1^  suite  d'un  v^,- 
*giiue  pareil ;  et  ce§  faits  n'onl;  pa^  peq  contrijuie  a  nip 
prqqver  (si  deja  je  p'ppssp  6tp  pr6venii  cpntre  les  qua- 
lit^s  nulritivps  attributes  a  cptte  su|)sta]]pe)  que,  si  la 
gomme  sufllt  seule  a  la  nourriture  de  certains  quadru- 
maues,  pile  est  impj-opre  ;\  I 'alimentation  de  I'espftcc 
liumaine. 

Puisqiie  Ic  sujet  m'a  conduit  a  parlor  d'une  sub- 
stance si  aboudante  au  Soudan,  et,  nialgrc  soi^  impor- 
tation journaliere  en  Europe,  si  ppu  coiinue  dans  ce 
pay?  sous  le  rapport  des  vegetaux  qui  la  produisenl, 
je  crois  quil  n'est  pj^s  inutile  de  fpurnir  ici  qiielques 
}'enseignemei|ts  ci  spp  egard. 

(.a  gomme  pst  s6cr6t(5e  dans  tqpt  le  Sppdqp  pav  dif- 
ferpnts  acnci.a.s  qssez  peu  connus  dps  botanistes,  et  que 
je  designerai  par  Ipurs  noms  indigenes  pour  ^viler  toule 
ronfusion  a  ce  sujet. 

Arbvp.';  h  gnrn^a^r.  — Ce  sont.  ep  cppimeupaui  pnrle? 


(  .131  ) 

especefi  les  plus  i^pmbreuses :  1"  I'acacia  talak^  a  fleurs 
jauno  Ibiicfi,  spliiBfoidales,  ;i  ecovce  roiigeatrc,  ii  hois 
blanp.  Get  arbre,  tie  laille  pioyenpe  se  trouve  flans  tout 
le  Soudan ;  U  ba])ite  <le  prefih'epce  les  terrains  arjdes 
el  j-Qcailleux;  2"  I'acacia  hachnb,  d6signe  par  quelques 
bptanistes  sous  le  noni  d' acacia  ^/^a  ;  a  fleurs  blanches 
cylindriformes,  a  6corce  grisatre,  a  ])ois  blanc.  H  est 
Tjn  pen  plus  d6veloppe  que  le  pr6c6dent,  et  habite  de 
p}'ef6rencL'  les  endroits  sablonneux.  Trfes  commun  dans 
la  province  de  Rordofan,  c'est  lui  qui  fournit  la  belle 
gonnne  blanche,  designee  sous  le  nom  de  gomine  ara- 
bique  non  color^e  ;  3°  Facacia  kakamnrett,  gros  arbre 
a  fleurs  cylinfjriques,  en  forme  de  panaches  blancs,  qui 
croit  gen^rajement  sur  les  rivages  des  fleuves  ;  /|0  I'a- 
cacia ^jal,  ifloins  gros  que  le  precedent,  a  fleurs  sph6- 
roides,  d'un  jaune  pale,  croissant  dans  les  terrains  hu- 
i|iides ;  5-  I'acacia  niloticn,  d6signe  pp  f}.}-abe  sous  le 
worn  de  sontt,  croissant,  comme  le  prc^cedent,  dans  les 
lieux  humides  et  sur  les  bords  des  fleuves  ;  0"  enfni, 
diff^rents  arbustes  a  tiges  multiples,  connus  sous  les 
noms  de  J.  Aoudd,  A,  [\eti\  J.  Fass,  etc.  Telles  sojil 
les  principales  espfeces  de  gommiers. 

Le  prjnteraps  et  I'automne,  mais  principalement  ce 
dernier,  sont  les  deux  saisons  pendant  lesquelles  s'o- 
p6re  la  s6cr6tion  de  la  gomme.  On  a  dit  que,  pour  I'a- 
ciUter  I'excretion  de  cette  substance ,  les  indigenes 
avaient  rhabitiide  de  fairp  des  incisions  a  l'6corce  dps 
arbres.  J'ignoi-e  si  la  chose  se  pratique  de  la  sorfo 
dans  quelques  contrees ;  mais  dans  le  Soudan  egyp- 
tien,  oil  I'pn  ramasse  chaque  annec  plus  de  ceni  raijle 
quintnux  de  gonnne,  le!^  indigenes  nc  se  donnent  pas 


(   332  ) 

taut  tie  fatigue  pour  faire  une  operation  que  la  nature 
pratique  d'elle-meme  et  sans  avoir  ])esoin  de  leur  in- 
tervention, lis  sc  (lonnent  tout  au  plus  la  peine,  quand 
ils  veulent  obtenir  la  gomme  pure  et  nette,  de  la  deta- 
cher des  arbres  :  celle  qui  se  trouve  k  terre  etant  tou- 
jours  plus  ou  moins  salie  par  les  substances  6trang6res 
avec  lesquelles  elle  s'est  trouv6e  en  contact. 

Usage  de  la  chair  cnie,  dn  sang,  etc,  —  Dans  les 
grandes  occasions,  quand  il  s'agit,  par  exeniple,  de 
fetes,  de  la  venue  d'un  bote  important,  de  circoncire 
nil  garcon,  de  marier  on  d'cnterrer  un  des  membres 
de  la  famille,  on  tue  ordinairement  une  chamclle,  un 
taureau  ou  un  mouton,  et  alors  on  se  repait  de  viande. 
En  Nubie,  et  chez  les  populations  du  Soudan  autres 
que  les  N6gres,  la  chair  des  animaux  se  mange  cuite, 
bouillie  ou  rotie.  On  ne  mange,  a  I'^tat  decrudit6,  que 
le  foie  des  animaux,  celui  de  la  chamelle  surtout,  qui 
est  le  plus  estim6  k  cause  de  sa  consistance  et  du  cra- 
quement  qu'il  prodnit  sous  la  dent.  Le  foie  cru  s'assai- 
sonne  avec  des  tranches  d'oignons  6galement  crues,  du 
sel  et  une  forte  quantity  de  petit  piment  nomm6  chite- 
tah  (capsicum  minimum).  Los  indigenes  ajoutent,  en 
outre,  aux  condiments  indiques  pr6c6demment,  le  fiel 
de  I'animal,  ce  qni  a  fait  designer  le  mets  en  question 
sous  le  nom  de  marara,  c'est-fi-dire  anier. 

Les  Abyssins  et  les  Galla,  connne  on  le  sait,  font 
usage,  non  pas  du  foie  des  animaux  a  I'^tat  de  erudite, 
a  I'instar  des  gens  du  Soudan,  inais  de  toute  la  partie 
musculaire  de  ces  memes  animaux ;  scmblables  en  cela 
aux  N6gres,  qui  se  passcnt  souvent  de  feu  pour  pre- 
parer leurs  aliments.  II  fant  dire,  cependant,  que  les 


(  333  ) 

Abyssins  ne  mangeiit  crue  que  la  chair  des  anitnaux 
qu'ils  ont  abattus  pour  cet  objet :  tantlis  que  les  Negres 
fort  avares  de  leurs  troupeaux,  ne  sacrifient  jamais  uue 
bete  a  leur  appetit,  et  ne  se  regalent  de  viande  que 
lorsqu'un  accident,  une  maladie  ou  los  progrfes  de  I'age 
ont  occasionn6  le  trepas  de  la  bete.  Ajoutons  encore 
que  la  chair  de  ces  animaux  crev^s,  se  deconiposant 
rapidement  par  I'eftet  de  la  chaleur  et  de  I'lnimidit^ 
qui  rfegnent  dans  ces  contr^es,  les  Negres,  quand  il 
leur  arrive  de  manger <de  la  viande,  ne  la  mangent  ge- 
n6ralement  que  pourrie.  Et  cependant  ce  genre  d' ali- 
mentation, qui  semblerait  convenir  davantage  a  I'esto- 
mac  d'une  hy6ne  qu'a  celui  d'une  creature  humaine, 
n'indispose  nullement  le  N6gre.  J'indiquerai  encore,  en 
passant,  et  pour  montrer  quels  effets  I'habitude  pro- 
dnit  sur  I'organisme,  un  genre  d' alimentation  assez 
r6fractaire  a  Taction  de  nos  estomacs,  et  qui  pourtant 
est  fr(5quent  chez  certaines  peuplades  de  I'int^rieur  de 
I'Afrique  :  c'est  1' alimentation  par  le  sa?)g.  Chez  les 
yldjeba,  tribu  nfegre  qui  habite  un  des  affluents  de  la 
rivifere  Sobatt,  on  a  I'habitude  de  pratiquer  des  saignees 
sur  les  troupeaux  pour  boire  le  sang,  soit  pur,  soit 
m61ang6  avec  le  kit  des  femelles.  Cet  aliment  sc  prend 
indiff6remmeut  a  I'tJtat  de  erudite  ou  bien  bouilli,  et  il 
est  la  principalc  nourriture  de  cette  peuplade,  (|ui  me- 
prise  I'agriculture,  ne  poss^de  aucune  cer6ale,  et  qui, 
a  I'exemple  de  toutes  les  autres  tribus  nfegres,  ne  sa- 
crifie  jamais  d' animal  domestique  dans  le  but  de  s'en 
repaitre.  (('.haque  saign^e  pcut  se  rep6ter  impunement 
et  durant  plusieurs  anuees  sur  le  meme  animal,  a  sept 
ou  huit  jours  d'intervalle.) 


(  S34  ) 

(Julie  les  iroupcaux  d'aniniaiix  donio'stiqucb  duiil  jc 
viens  de  parlei",  les  forets  du  Soudan,  les  eaux  des 
tleuves  qui  le  parcour^nt,  les  itiar^cages  si  liombieux 
ilaiis  certaines  t6cant^s  foiirnissent  aux  indigenes  de 
iiombieuses  patures,  auxquelles  riioinihc  drfesse  des 
einbficlies  |)our  les  fai^e  toniber  cntre  ses  rtiains.  11 
ii'est  guere  d'esp6ces  animales,  terrestres  ou  aquati- 
ques,  carnassi6res  ou  herbivores,  pasd'oiseaux  rapaces, 
echassiers  ou  palmipedes,  pas  de  poissons  et  mfeine  de 
reptiles  qui  rie  servent  k  repaifi-e  les  N6gres  et  mem'e 
certains  Arabes  dri  Soudan,  en  d6pit  du  Coi'an,  qui 
perniet  sexilement  I'usage  des  ruminants,  de  qrelfpies 
poissons,  et  de  certaines  gallinac6es.  Mais,  je  ler^pfete, 
ce  geni'e  de  nourriture  n'est  pas  g6n6ral  et  ne  peut  etre 
liabituel.  Car  les  indigenes  sont  trop  mal  arui^s,  tro|) 
mal  eqiiip6s ,  pour  pouvoir  se  livrer  frequemment 
aux  plaisirs  et  aux  dangers  de  la  chasse  ei  de 
la  p^clie,  et  compter  snr  leUr  produit  pour  Icuv 
noiu'riture  journaliere.  L'hippopotan.e,  comme  le  cro- 
codile, la  grue  couime  le  vautour  ou  la  pintado,  I'ane 
sauvage  comme  la  pantlifere,  sont  des  mets  qu'on  ne 
se  procure  qu'i\  de  rares  occasioiVs ;  le  reste  du  temps 
c'est  le  lait,  le  donra  et  qrielquefois  le  i/u'/ti/t  qui  font 
tous  les  frais  du  festin. 

Succi'danees  da  sel.  —  J'ai  parle  ])recedemmc'ni  des 
condiments  de  haut  gout  dont  usent  les  Soudaniens 
})Our  assaisomier  leurs  aliments,  et  qui  leur  sont  four- 
nis  par  les  v6g6taux,  dont  la  nature  a  ubondammenl 
pourvu  les  contrdes  Iropicales.  Cependant  le  plus  n6- 
cessaire  de  ces  condiments,  le  sel,  fait  souvent  rfi^faut; 
et  en  raison  du  peu  dc  communications  etablies  erttfe 


(  335  ) 

elles,  certaiues  Iribiis  manqueul  souveiii  de  cet  assai- 
sonnemeiit  tie  premiere  n6cessit^,  et  mmie  n'en  coiU 
uaisseiit  pds  I'lisage  ;  de  ce  nombre  sont  la  plupartdes 
tribiis  iiegres,  qui  habitent  les  rives  du  lleuve  Blauc. 
Le  sel,  qu'on  trouve  en  abondance  dans  les  terrains  de 
la  basse  et  de  la  haute  iNubie,  dans  la  province  dc 
Berber,  les  presqu'ilesde  M6roe  et  de  Sennar,  ou  il  est 
le  plus  souvent  m61ang6  dans  la  terre  v6g6tale  avec  du 
natron  et  du  sulfate  de  niagn6sie,  et  qui  se  rencontre 
(igalenient  a  I'^tat  de  sel  gemme  dans  la  pi'ovince  de 
Dongolali,  nese  retrouve  plus,  ou  du  rnoins  n'a  jamais 
ete  exploits  dans  une  grande  6tendue  des  provinces 
liverain'es  du  fleuve  Blanc.  Mais  comme  il  parait  que 
la  saveur  sal6e  est  autant  dans  les  gouts  et  les  besoins 
des  Negres  que  dans  ceux  des  autres  races,  ceux-la,  ne 
pouvant  se  procurer  I'^l^ment  salin  dans  les  conditions 
ordinaires,  sont  all6s  lui  chercher  des  sitccedanees  dans 
les  substances  dont  la  saveur  se  rapproche  plus  ou 
moins  de  celle  qui  leur  manque.  C'est  ainsi  qu'ils  ont 
eu  recours  aux  cendres  de  certains  vegetans,  surtout 
a  celles  du  doura  (holcus  sorgho) ,  pour  m^langer  avec 
leurs  aliments  :  mais  ce  dont  les  JNfegres  usent  le  plus 
fr^quemnient,  c'est  de  I'urine  de  vache.  Chez  les  Dinka^ 
les  Schlouk,  les  Nouair,  et  parrni  tons  les  riverains  du 
lleuve  Blanc,  compris  entre  le  il»  et  le  h"  dcgr6  de  la- 
titude nord,  r urine  de  vache  se  trouve  mel6e  a  toutes 
les  substances  qui  sefvent  a  1' alimentation  de  ces 
peuples.  Le  beurre,  le  lait,  le  miel  lui-m6me  sont  in- 
I'ect^s  dc  cettc  odeur  d' urine ;  et  ce  fat  unc  surprise 
assez  desagreable  pour  les  })remiers  Europeens  qui  vi- 
siterent  ces  populations,  et  qui  voulurent  se  procurer 


(  33(5  ) 

chez  elles  dea  provisions  fraichcs,  de  reucontrer,  dans 
tous  les  produits  alimentaires  qu'ou  leiir  oITiit,  cette 
odeur  particuli^re  qui  ne  se  dissimule  jamais. 

Usage  des  boissons  fernientees.  —  Toutes  les  peu- 
plades  de  I'Afrique  coniiaissent  le  mode  de  prt^paration 
des  boissons  ferment^es,  et  en  font  un  usage  jounia- 
lier.  Les  musulmans  eux-memes,  malgr6  les  pr^ceptes 
du  Goran,  siiiveut  les  pratiques  indigenes,  et  ne  sont 
pas  les  moins  partisans  du  fruit  defendu.  Ces  boissons 
se  preparent,  suivant  les  localites,  avec  les  mati^rcs 
fermentescibles  qu'on  a  sous  la  main.  Ainsi,  dans  les 
coiitr6es  ou  se  trouve  le  dattier,  les  indigenes  font  avec 
la  datte  une  boisson  qui  ressemble  plus  ou  moins  au 
vin  ;  ils  en  distillent  aussi  de  1' eau-de-vie.  En  Abys- 
sinie,  c'estle  raisin  sauvage  et  le  miel,  unis  a  d'autres 
substances  am^res,  qui  servent  a  fabriquer  une  espfece 
de  piquette  avec  le  premier  produit,  et,  avec  le  second, 
un  hydromel  tr6s  capiteux,  connu  sous  le  nom  de  ledj. 

Mais  la  boisson  la  plus  conununc  dans  tout  I'int^- 
rieur  de  I'Afrique  est  une  espece  do  Iji^re  confection- 
n6e  avec  le  doum  ou  le  dokn,  et  qui,  suivant  son  degr6 
de  fermentation  et  de  cuisson,  est  connue  sous  les 
noras  de  merissa  et  onbllbil.  Ges  boissons,  toujours 
troubles  et  plus  ou  moins  ^paisses,  contiennent  a  I'etat 
de  suspension  une  grande  quantite  de  f(5cule,  ce  qui 
les  rend  tr6s  nourrissantes.  Aussi  les  grands  buveurs 
de  merissa  consomment-ils  tr6s  pcu  d' aliments. 

En  r6sumant  ce  que  j'ai  dit  sur  le  regime  alimentaire 
des  Soudaniens,  on  a  pu  \o\v  (pie  son  caractfere  dis- 
tinctif  est  sa  grande  siuiplicilc.  Generalement  vegetal 
oulacte,  ilcst  adapte  au  climat  et  a  la  vie  pea  labo- 


(  337  ) 

rieuse  des  habitants.  Les  substances  excitantes  qui  en- 
trent  dans  la  composition  dn  mclah,  ce  mets  national 
dont  j'ai  parl6,  les  boissons  ferment6es  qui  sont  d'lm 
usage  habituel,  sont  probablement  une  n6cessit6  de 
ces  contrees,  oti,  pendant  une  grande  partie  de  I'ann^e, 
les  organes  en  g6n6ral,  et  le  systfenie  digestif  en  par- 
ticulier,  se  tiouvent,  en  raison  de  la  clialeur  humide, 
dans  un  6tat  de  langueur  et  d'inertie  qui  reclame  I'u- 
sage  des  excitants.  II  est  vrai  que  la  n6cessit6  d'un  re- 
gime alimentaire  cotnme  celui  dont  je  parle  n'est  pas 
exempt  d'inconv^nients.  Ainsi  1' usage  continuel  des 
condiments  tels  que  la  chiteiah  (capsicum  minimum) 
doit  favoriser  le  d6veloppement  des  maladies  du  foie, 
maintenir  une  irritation  permanente  dans  I'estomac, 
et,  plus  tard,  donner  naissance  a  des  affections  graves 
de  cet  organe.  Je  ne  ])arle  pas  des  h6morrhoides,  sui" 
le  developpement  desquelles,  comnie  on  le  sait,  les 
substances  irritantes  ont  tant  d'action.  Mais  je  citerai 
encore  les  exces  v6n6riens,  auxquels  la  vie  inoccup(3e 
des  Soudaniens  et  la  plurality  des  femmes  pr^disposent 
singuli^rement,  et  qui  trouvent  un  aliment  nouveau 
dans  les  excitants  dont  je  viens  de  parler.  L'abus  des 
boissons  fermenti^es  offre  peut-etre  moins  d'inconv6- 
nients  que  celui  des  substances  6pic6es.  Par  I'effet  des 
sueurs  si  abondantes  qu'on  6prouve  au  Soudan,  les  li- 
queurs alcooliques,  de  meme  que  toutes  les  autres 
boissons,  s6journent  peu  de  temps  dans  I'^conomie  : 
I'irritation  qu'elles  procurent  est  moins  prolong6e  que 
celle  qui  est  produite  paries  excitants  sous  forme  solide ; 
et  I'excitation  generale,  qui  resulte  de  1' absorption  de  ces 
liquidcs,  dure  beaucoup  moins  longtemps  au  Soudan 

XYll.    MAI  ET  JUN.    "2.  23 


»  I 


(  336  ) 

<liie  dans  d'autres  clinutls  muins  cliauds,  ou  la  transpi- 
ration a  l)eaucoiip  inoins  d'activit6.  Je  ne  dirai  rieii  de 
i'u.sage  dii  cafe  dans  les  conlr6es  donl  je  ni'occupe  ici, 
car  c'est  a  peine  s'il  est  connu.  Queiqucs  musidiuans 
etrangers  a  TAfriqiie,  et  un  certain  nombre  d'Egyp- 
tiens  etablis  au  Soudan  usent  seuls  de  cette  liqueur. 
()uant  aux  Abyssins  et  aux  Galla,  dans  les  provinces 
tlcs([uels  le  cafe  croit  a  I'^tat  sauvage,  ils  en  boivent  * 
quelquefois,  mais  6,  la  nianiere  des  Arabes  de  VVe- 
meii ,  c'est-a-dire  sans  faire  torr^fier  la  graino,  et  en 
se  coutentant  de  la  faire  bouillir  avec  son  enveloppe 
dans  luie  certaine  quantity  d'eau,  qu'ils  edulcorenl 
avantdc  la  boire. 

Inflbniation.  — Apr6s  avoir  parl6  de  Thabillement  et 
de  la  nourriture  des  Soudaniens,  il  me  reste  a  faii-c  con- 
naitre  quelques  usages  qui  ont  un  cachet  particulier, 
et  qu'on  ne  retrouve  que  chez  ces  peuples,  et  d'abord 
je  commencerai  par  Y infibnlativn.  Sous  ce  nom  on  de- 
signe  une  pratique  qui  consiste  a  fermer  presque  her- 
m6tiquement,  au  moyen  d'une  operation  chirurgicalc, 
les  organcs  g6nitaux  de  la  jeune  fdle  jusqu'au  moment 
ofi  elle  deviendra  en  possession  du  mari. 

Cette  operation,  tr6s  ancienne,  a  ce  qu'il  parail, 
puisque  les  Arabes  I'ont  trouvee  Stabile  au  Soudan,  a 
r^poque  oil  lis  vinrent  s'y  fixer,  scmble  avoir  pris  nais- 
sance  en  Nubie  et  s'etre  repaudue  de  la  dans  la  pro- 
vince de  Taka,  et  jusqu'ii  la  mer  Rouge,  a  Test ;  au 
Kordol'an  et  au  Darfour  h.  I'ouest,  et  au  sud  jusqii'aux 
conlins  des  provinces  habitees  par  les  N^gres.  Expli- 
quer  les  motifs  qui  ont  donne  lieu  a  une  coutume  aussi 
barbare  est  chose  tr6s  difllcile;  car  les  traditions  du 
pays  n'out  laisse  aucun  renseiguement  a  cet  egard. 


(  339  ) 

Quoi  qu'il  en  soit  de  son  origine,  voici  comment  se 
pratique  cette  opei'ation.  C'est  vers  I'age  de  sept  on 
huit  ans  que  la  jeune  idle  est  livr6e  a  la  matrone  cliar- 
g6e  de  Top^rer.  Quelques  jours  avant  Tepoque  iixee 
pour  cet  objet,  la  m6re  de  famille  invite  les  parents  et 
connaissances  du  sexe  ftminin  a  se  r^unir  chez  elle,  et 
c'est  par  des  fetes  qu'on  prelude  a  la  c6r6iiionie  san- 
glante.  Le  moment  3rriv6,  la  victime,  environn^e  de 
toutes  les  fennnes  pr6sentes,  est  couch6e  sur  un  lit  oh 
elle  est  mainteuue  par  les  assistantes,  tandis  que  la 
matrone,  ann6e  d'un  rasoir  et  agenouill6e  entre  les 
cuisses  de  la  patiente,  precede  a  reparation.  Celle-ci 
commence  par  I'ablation  d'une  partie  du  clitoris  et  des 
nymphes  ;  de  la  le  rasoir  descendant  sur  le  rebord  des 
grandes  levres,  enl6ve  sur  leur  bord  interne  et  en  con- 
tournant  la  vulve  une  languette  de  chair,  large  de  deux 
centimetres  environ.  Cette  operation  dure  quatre  ou 
cinq  minutes ;  et,  pour  empecher  les  cris  de  la  patiente 
de  se  faire  entendre,  les  assistantes  out  soin  de  pousser 
des  clameurs  sur  le  diapason  le  plus  aigu,  tant  que 
durent  les  manoeuvres  op6ratoires.  L' ablation  des  par- 
ties achev6e  et  le  sang  6tanch6,  la  jeune  fdle  est  cou- 
ch6e  sur  le  dos,  les  jambes  6tendues  et  li6es  forteraent 
I'une  a  I'autre,  de  facon  a  leur  interdire  tout  mouve- 
ment,  Cette  precaution  est  necessaire  pour  manager  la 
formation  de  la  cicatrice.  Avant  d'abandonner  I'oper^e 
aux  soins  de  la  nature,  la  matrone  introduit  dans  la 
partie  inf6rieure  du  vagin,  entre  les  Ifevres  saignantes 
de  la  plaie,  un  petit  cylindre  de  bois,  de  la  grosseur 
d'une  plume  d'oie.  L'oflice  de  ce  cylindre  qui  doit  rester 
en  place  jusqu'au  moment  oil  le  travail  de  la  cicatrisa- 


(  340  ) 

tion  sera  acliev6,  est  de  meuager  uue  issue  au\  uiuil'^ 
et  plus  tard  aux  menstrues.  C'est  tout  cc  qui  restc  dc 
permeable  dans  le  vagin. 

Quand  la  jeune  Nubienne  prend  un  6poux,  c'est  en- 
core a  la  matrone  qu'elle  s'adresse  pour  que  celle-ci 
rende  au.\  parties  sexuelles  les  dimensions  necessaires 
a  Taccomplissement  du  mariage.  Car  I'ouverture  exis- 
tante  est  trop  etroite  et  trop  peu  dilatable  {k  cause  de 
la  cicatrice  dont  elle  est  eutouree)  pour  que  le  mari  le 
plus  vigoureux  puisse  compter  siu'  ses  seuls  eflbrts  pour 
p6n6trer  dans  la  place.  La  matrone  intervient  alors,  et, 
par  une  incision  longitudinale,  elle  produit  une  plaie 
par  laquelle  s'accomplira  la  copulation.  Mais  conune 
cette  plaie  nouvelle  tendrait  a  se  reformer,  si  les  par- 
ties saignantes  restaient  en  contact,  la  matrone  intro- 
duit  entre  les  l^vres  de  la  plaie,  et  k  deux  ou  trois 
pouces  de  profondeur  dans  le  vagin,  un  nouveau  cy- 
lindre  v6g6tal,  beaucouj)  plus  volumineux  que  le  pre- 
mier :  car  ce  dernier  doit  figurer  les  dimensions  du 
penis  du  mari.  Ce  deuxitjme  cylindre  reste  en  ])lace 
une  quarantaine  de  jours,  6poque  ou  la  cicatrisation  est 
complete  et  oii  sa  presence  devient  inutile. 

Mais  tout  n'est  pas  dit  pour  la  mallieureuse  qui  s'esL 
une  premiere  et  une  deuxi^me  fois  soumise  a  repara- 
tion. Si  elle  conceit,  ce  qui  arrive  ordinairement,  elle 
ne  pourra  pas  accouclier  sans  subir  encore  les  6preuves 
de  I'instrument  tranchanl ;  car  la  meme  bride  resis- 
tante  cpii  entoure  la  vulve  et  qui  s'opposait  a  la  cojju- 
lation,  s'opposera  encore  a  la  dilatation  de  cette  partie 
par  ou  doit  passer  I'enfant.  il  I'audra  done  encore  dc- 
bridcr,  au  nioyen  de  larges  et  piofondes  incisions,  le? 


(  3/4l    ) 

parlies  qui  refusent  de  se  dilaler.  Souvent  an  raoTnenl 
oil  roiifant,  en  sortant  |la  bassiii,  vient  s'apjjiiyer  sur 
la  cloison  interne  des  parties  g6nitales ,  souvent,  dis- 
je,  il  arrive  alors  que  la  matrone,  qui  doit  saisir  cet 
instant  pour  inciser  profond6ment  les  grandes  Ifevres, 
blesse  grifevement  le  produit  qui  cherche  a  s'6chapper 
au-dehors.  J'ai  vu  moi-meme,  dans  des  cas  semblables, 
des  coups  de  rasoir,  port6s  mal  habilement,  produire 
chez  I'enfant  des  blessures  mortelles.  Et  cependant, 
malgre  les  douleurs  qui  accompagnent  toujours  cette 
horrible  pratique  de  Finfibulation,  malgre  les  dangers 
qu'elle  fait  courir  k  la  femme  et  a  I'enfant  qui  va 
naitre,  malgr6  toutes  les  tentatives  essay^es  par  les 
agents  du  gouvernement  6gyplien  pour  bannir  cette 
alfreuse  coutume,  les  Soudaniens  n'en  persistent  pas 
moins  dans  leurs  id6es  a  cet  6gard  :  quant  aux  jeunes 
filles,  elles  y  semblent  encore  plus  attach^es  que  les 
hommes,  car  elles  pr6tendent  que  sans  I'infibulation 
elles  ne  trouveraient  aucun  mari. 

Extraction  des  dents  chez  les  enfants.  —  Si  la  pra- 
tique de  V infibulation  est  aussi  cruelle  qu'absurde,  il 
en  est  une  autre  qui  ne  Test  gut;re  moins,  mais  qui  ce- 
pendant s'explique  si  on  se  place  au  point  de  vue  des 
Soudaniens  et  qu'on  veuille  faire,  pour  un  moment,  la 
part  des  idees  qui  out  donne  naissance  a  cette  pra- 
tique. Je  veux  parler  de  1' evulsion  des  dents  chez  les 
enfants.  L'6poque  de  la  premiere  dentition,  celle  qui 
s'accomplit  depuis  I'age  de  six  mois  environ  jusqu'a 
celui  de  deux  ann^es,  s'accompagne  de  la  plupart  des 
ph6nom6nes  pathologiques  qu'on  observe  gen6ralement 
partout,  et  qui,  dans  les  regions  brulantes  dont  je 


(  342  ) 

parle,  se   d6veloppent  enroro    avec   plus  d' intensity 
qu'ailleurs,  surtoiit  i  r6gard  des  orgaiies  enc6pliali- 
ques,  Quand  Ics  accidents  qui  accoinpagnent  cetto  pe- 
riode  do  la  Ibirnation  deiitaire  devieunenl  inteuses,  on 
a  recours  alors  a  revulsion  d'une,  deux,  trois  et  jus- 
qu'a  quatre  des  dents  qui  annoncent  par  ces  signes  or- 
dinaircs  leur  prochaine  sortie.  Le  chiruvi^ien  indigene 
(car  c'est  lui  qui  remplace  la  uialrone  dans  cette  ope- 
ration), muni  pour  unique  instrument  d'uu  clou  ou 
d'un  morceau  de  fer  affile  a  une  de  ses  extr^mit^s,  in- 
troduit  dans  la  gencive  et  au-dcssous  de  la  racine  de 
la  dent  qu'il  veut  enlever,  la  pointe  de  cet  instrument. 
Celle-ci  etanten  place  au  fond  de  1' alveole,  rextr6niit6 
libre  d6crit  k  I'aide  de  la  main  un  mouvement  de  bascule 
qui,  d6cliirant  la  gencive,  entraine  apr6s  elle  la  dent, 
souvent  accompagn6e  de  sa  matrice  ou  follicule.  I/o- 
peration  se  r6p6te  autant  de  fois  que  le  cliirurgien  sup- 
pose de  germes  dentaires  susceptiJjles  d'entretenir  les 
germes  morbides.  Cette  operation,  on  le  comprend, 
s'accompagne  d'une  forte  h6morrhagie  et  d'un  d6clii- 
rement  de  la  gencive,  d' autant  ]ilus  considerable  que 
reparation  s'est  renouvel6e  sur  un  plus  grand  nombro 
de  points.   Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  horrible  encore 
dans  cette  manoeuvre,  c'est  la  position  dans  laquelle 
I'operateur  ou  pour  mieux  dire  I'executeur  place  la 
pauvre  cr6ature.  (<elle-ci  est  couch^e  sur  le  dos,  la  tfete 
inclin6e,  et  celle-ci  est  saisie  et  comprim6e  par  les  ge- 
noux  du  bourrean  faisant  oflice  d'litau,  pour  prcneuir 
tout  mouvement  de  cette  partie.  Aussi  arrive-t-il  sou- 
vent  que,  par  I'eiret  de  cette  position,  le  sang  qui  s'e- 
coule  suivant  la  ligne  la  plus  declive  suit  la  direction  de 


(  3A3  ) 

I'isthme  du  gosier,  et  p6n6tre  souvent,  au  milieu  des 
cris  deTenfant,  dans  le  larynx,  ou  il  occasionne  des 
accidents  si  violents  que  la  mort  par  suObcation  en  est 
quelquefois  la  cons6quence.  Dans  les  cas  plus  heu- 
reux  et  qui  sont,  il  faut  le  dire,  en  majority,  I'opera- 
tion  se  termine  sans  accidents  niajeurs,  et  les  syni- 
ptOmes  d'excitation  encephalique  s'apaisent  k  la  suite 
du  degorgement  procure  par  rop6ratiou.  II  est  done 
inutile  de  dire  que,  quand  la  v6sicule  niembraneuse 
dans  laquelle  se  forme  la  dent  a  ete  arracli6e  avec  elle, 
aucune  autre  dent  ne  se  reproduit  a  I'avenir  dans  ce 
point  mutile. 

Les  Soudaniens,  pour  motiver  la  cruelle  operation  k 
laquelle  lis  soumettent  leurs  enfants,  pretendent  que 
les  accidents  morbides  qui  se  developpent  a  I'epoque 
de  la  dentition  sont  dus  a  la  formation  d'un  t'er  dans  la 
racine  dentaire;  et  que  c'est  en  arrachant  le  germe  de 
la  dent  qu'on  enl6ve  avec  lui  i'entozoaire  cause  de  tout 
le  mal.  Or,  ce  i'er,  que  vous  monlre  I'op^rateur  a  la 
suite  de  I'extraction  de  la  partie,  n'est  autre  chose  que 
le  follicule  dentaire  qui  a  6t6  enleve,  ou  bien  les  vais- 
seaux  et  les  nerfs  dont  les  extrt^mites  rompues  sont 
rest6es  fix6es  k  la  dent.  Heureux  celui  qui  pourra 
prouver  a  ces  pauvres  gens  qu'ils  sont  dans  I'erreur  ; 
que  le  vern'existeque  daiis  leur  imagination,  et  qu'une 
operation  plus  rationnelle  et  moins  cruelle  remplacerait 
heureusement  celle  que  leurs  ancetres  leur  ont  16gu6e. 
Pour  moi,  je  I'avoue,  j'ai  completenient  echou6  dans 
les  teniatives  de  relbrme  que  j'ai  faites  a  cet  egard,  et 
je  crains  fort  que  d'autres  ne  soient  pas  i^lus  heureux 
que  nioi. 


(  3/1/1  ) 

A  coif  do  Trvulsion  des  donts  chez  Jos  rnfiinls  en 
has  age,  pratique  adoptee  par  toute  la  population  dn 
Soudan,  Ics  N^gres  exceptes,  il  faut  citcr  une  autre 
evulsion,  qui  est  particulifere  aux  Noirs  riverains  du 
fleuve  Blanc  a  partir  du  10"=  degr6  de  latitude  nord  en- 
viron jusqu'au  li'  et  peut-etre  au  dela :  car  ces  contr6es 
n'ont  point  encore  6t6  explor6es.  Mais  avant  de  parler 
de  cette  noiivelle  operation,  qui  n'ofTre  en  elle-meme 
aucune  esp6ce  d'int6ret,  je  crois  opportun  d'esquisser 
quelques-uns  des  caract^res  anatomiqnes  propres  aux 
tribus  nfegres,  6chelonn6es  le  long  delavall6e  du  fleuve 
Blanc,  caract^res  qui  distinguent  ces  tribus  de  celles 
qui  habitent  les  montagnes  du  Soudan,  et  dont  le  spe- 
cimen nous  est  oflert  par  les  iXonbn  dans  le  Rordofan , 
les  Comljnrn  au  Darfour,  les  Djebelnouynn  dans  la  pro- 
vince de  Fazoglo. 

Les  riverains  du  fleuve  Blanc  [Schlouk ,  Dinka , 
Nouair,  Kidj,  Eliab,  etc.)  qui,  par  leurs  formes  ana- 
tomiques,  leur  langage  et  leur  intelligence  paraissent 
tous  appartenir  a  la  raSme  famille,  sont,  de  toutes  les 
peuplades  noires  du  Soudan,  les  moins  favoris^es  sous 
le  rapport  physique  et  intellectucl.  G6n6ralement  dou6s 
d'une  taille  au-dessus  de  la  moyenne ,  ils  ont  des 
formes  efilanquees  et  anguleuses,  des  membres  sup6- 
rieurs  et  inf('rieurs  trop  longs  par  rapport  au  ti-onc, 
des  genoux  tresgros,  !e  calcnn^um  pro6minent,  lepicd 
presque  plat ;  en  revanche,  ils  n'ont  pas  de  mollets. 
Quant  k  la  tete,  elle  est  petite,  fuyant  en  arri^re  et 
d'un  diamfetre  lateral  plus  consid(!'rable  qu'elle  ne  Test 
dans  les  autres  races,  S'il  6tait  permis  de  comparer 
I'espfece   humainc    i  d'aulres   cspeces  animales,  on 


(  345  ) 

pourrait  rlire  que  Ips  Nfegres  on  quostion  ofirent  phis 
d'lin  point  de  ressemblance  avec  le  cinqiiifeme  ordre  de 
la  classe  des  Oiseaux,  celui  des  Echassiers.  En  elTet,  a 
voir  ces  gens  aux  jambes  longues  et  greles,  au  corps 
mince  et  efflanqii^,  debout  sur  les  rives  du  fleuve,  une 
jambe  en  I'air  et  appuy^s  sur  leur  lance,  attendant  pa- 
tiemment  1' apparition  d'un  poisson  pour  lui  d6cocher 
un  coup  de  leur  arme,  I'esprit  les  compare  naturelle- 
ment  aux  marabouts,  herons  ou  cigognes  qui  font  con-  - 
currence  aux  N^gres  pour  le  butin  du  fleuve.  Les 
habitudes  et  les  mceurs  des  Echassiers  semblent  avoir 
d6teint  sur  celles  de  I'homme.  Ajoutons  que,  chez  les 
N6gres  dont  il  est  question,  Tangle  facial  est  encore 
plus  aigu  que  chez  les  autres,  et  les  deux  plans  ante- 
rieurs  des  machoires,  au  lieu  de  tomber  directement 
I'un  sur  I'autre,  sont  inclines  en  avant  de  mani^re  a 
former  a  la  reunion  des  maxillaires  un  angle  plus  ou 
moins  obtus.  Cette  conformation  anatomique  fait  pro6- 
miner  les  dents  au  devant  de  la  bouche,  rend  la  masti- 
cation difficile,  la  prononciation  embarrass6e,  en  meme 
temps  quelle  donne  a  la  physionomie  une  expression 
toute  particulifere  et  tr6s  peu  agr6able.  Je  ne  parte  pas 
ici  d'autres  singularit6s  anatomiques  qui  sont  com- 
munes a  toiite  la  race  n6gre.  Celles-la  sont  indiqu^es 
partout.  Mais  il  t^tait  necessaire  d'expliquer  la  confor- 
mation toute  particulifere  des  parties  maxillaires  chez 
les  Noirs  en  question,  pour  qu'on  put  se  rendre  compte 
d'une  coutume  aussi  r6pandue,  coutume  que  chaque 
voyageur  a  voulu  interpr6ter  a  sa  mani^re  sans  avoir 
trouv6,  selon  moi,  le  mot  de  r6nigme.  C'est  celle  qui 
consiste,  comme je  I'ai  dit  plus  haut,  dans  revulsion  des 


(  ;U6  ) 

quatre  incisives  de  la  maclioire  sup^rieure.  Cette  extrac- 
tion so  pratique  apit>s  la  sejilicme  ann^c,  c'est-ii-diro. 
apres  I;!  cinite  ties  dents  de  lait  et  la  sortie  des  dents 
pennaneiites  :  le  vide  qui  s'optre  dans  cette  partie  sub- 
siste,  par  consequent,  pendant  toute  la  vie. 

Cette  coutunie,  qui  senibla  si  otrange  aux  premiers 
explorateurs  du  flenve  Blanc,  fat  inlerpret6e,  coninie  je 
I'ai  dit,  de  beaucoup  de  nianiferes.  Quolques-uns,  et  ce 
I'nl  la  majority,  crnrent  y  voir  une  c6r6monie  religieuse 
analogue  au  baptemc  on  k  la  circoncision  ;  d'autres 
prc^endirent  que  cette  operation  avait  pour  but  d'^vitei- 
les  blessures  qui  pourraient  se  produire  ])endant  I'acte 
du  coit,  assiinilant  de  la  sorte  les  caresses  des  N6gies 
a  celles  des  chats,  lorsque  ces  animaux  se  livrcnt  ;i 
leurs  ('bats  amoureux.  Cette  derni^re  explication,  (onte 
ridicule  qu'elle  paraissc,  pouvait  cependant  seinbler 
rationnelle  aux  voyageurs  qui  sont  au  coiu'ant  de  cer- 
taines  habitudes  des  indigtjnes  du  Soudan,  habitudes 
consistant  a  laisser  pousser  dejnesur^ment  les  ongles 
de  la  main  gauche  pour  les  fairs  servir  ii  iniiter  les 
caresses  f6lines,  et  k  assaisonner  de  coups  de  grilles  les 
jouissances  liibriques. 

Cependant,  hatons-nous  de  dire  que  la  crainte  des 
morsures  n'entre  ])Our  rien  dans  les  raisons  qui  uioti- 
vent  I'extraction  des  dents  ;  et  ces  raisons,  que  les  N6- 
gres  eux-memes  sont  inca])ables  de  vous  indi([ucr,  et 
qn'on  a  pu  rattacher  a  (|ucl([ue  cer6nionie  icbgieuse. 
ne  sont  autres,  d'apres  moi,  que  celles  que  j'.ii  men- 
tiounc'^es,  c'est-a-dire  la  mauvaise  conlorniolion  des 
niJichoires  dans  les  tribus  parnii  lesquelles  se  pi'atiqiie 
l'op(;^ration  indicpioc  pr^cedeuinienl. 


(  3^7  ) 

Si  les  IJinka,  les  Schlouks,  les  Barry  et  antres  s'arra- 
chent  (lea  dents  pour  laisser  fonctionner  plus  corunio- 
(leiuent  leurs  machoires,  d'autres  peuplades,  dans  un 
but  a  pen  pr6s  semblable,  mais  dans  des  conditions  dil- 
ferentes,  faconnent  leurs  dents  a  I'aide  de  la  lime,  d(^ 
maniere  a  donner  aux  incisives  des  deux  machoires  la 
forme  aigue  des  dents  canines. 

Les  Fertitt  et  d' autre  tribus  r^pandues  sur  les  rives 
du  Bahr-el-Ghazal  (un  des  affluents  du  fleuve  Blanc) 
ont  invent^  ce  singulier  usage  qui,  du  reste,  s'adajite 
paifaitement  a  I'habitude  qu'ont  ces  peuples  de  se 
nourrir  de  chair  crue,  et  meme  de  chair  humaine,  en 
admettant  comme  fondee  la  reputation  d'anthropo- 
phages  dont  ils  jouissent  ainsi  que  leurs  voisins. 

Niamninm  est  la  qualification  que  donnent  aux  an- 
thropophages  les  Arabes  et  les  indigenes  du  Soudan. 
Ce  n'estpas  un  nom  de  tribu  ni  de  province  :  il  signifie 
encore  moins  hommes  h  queue,  comme  on  I'a  pretendu. 
Niamniam  est  un  terme  soudanien  qui  exprime  Faction 
de  manger.  On  I'a  applique  par  extension  aux  nian- 
geurs  par  excellence,  c'est-a-dire  aux  anthropo])hages. 
Doit-on  atlmettre,  comme  le  racontent  les  Arabes,  que 
I'interieur  de  I'Afrique  recele  un  grand  nombre  de 
niamnmm,  de  peuplades  anthropophages  ?  Les  Arabes, 
il  est  vrai,  sont  de  grands  conteurs,  pour  me  servir  ;i 
leur  6gard  du  terme  le  plus  poll  que  je  puisse  trouver. 
dependant,  bien  qu'il  faille  se  tenir  en  garde  centre  les 
r6cits  des  enfants  d'Ismael,  ineme  de  ceux  qui  habitent 
le  Soudan,  des  renseignements  r6cents  semblent  indi- 
quer  positivement  I'existence  de  peuplades  aulhro])o- 
phages  dans  les  contr6es  m6ridionales  qui  avoisinent 
le  Darfour;  et,  I'ann^e  derni^re,  unecaravanc  de  Nii- 


(  3fl8  ) 

biens  qui  voyageait  dans  ces  conlrc^os  pour  le  comptP 
d'un  n6gociant  europeen  pretend  avoii-  assiste  a  un 
repas  dans  lequel  on  offrit  aux  convives  des  memlires 
huniaius. 

II  est  done  possible  cpie  les  Fertitt  ou  leurs  voisins, 
aux  incisives  aigues  conime  les  premiers,  ne  se  fassent 
pas  scrupule  de  manger  de  la  chair  humaine,  quand 
I'occasion  se  pr6sente.  Le  gout  prononc6  de  ces  peu- 
plades  pour  la  chair  crue  semblc  venir,  jusqu'a  un 
ceitain  point,  a  I'appui  de  la  reputation  qu'on  leur  a 
faite;  et,  l)ien  que  les  Fertitt  (pi' on  rencontre  dans  le 
Soudan  6gyptien  protestent  gen6ralenient  contre  cette 
reputation ,  comme  ils  rejettent  d'un  autre  cot6  sur 
leurs  voisins  1' accusation  d'antluopophagie,  il  faut  ad- 
mettre  I'existence  de  tribus  anthropophages  dans  les 
contr6es  limitrophes  dn  sud  du  Darfour,  si  ce  n'est 
dans  d'autres  parties  de  TAfrique. 

Puisque  le  sujet  m'a  conduit  aparler  des  niainniam, 
dont  on  a  voulu  faire  mal  a  proposle  synonyme  d'/iommes 
a  queue,  je  dirai  deux  mots  de  ces  pr6tendus  porteurs 
de  ])rolongements  coxaux,  qui  ont  excit6  la  curiosity  do 
bien  des  gens,  et  qui  ont  6t6  le  sujet  d'une  question 
formulae,  il  y  a  deux  ans,  par  une  commission  de  I'A- 
cademie  des  sciences  aux  membres  de  I'exp^dition 
d'Afriqiie  command6e  par  M.  le  comte  d'Escayrac.  Bien 
que,  pour  ma  part,  j'aie  souvent  cntendu  racontei-  au 
Soudan  des  histoires  d'/iommes  a  queue ,  et  encore 
d'autres  exploits  d'une  tribu  non  moins  extraordinaire 
nomm^e  Abou-Kilab  (dont  les  p6res  sent  chiens)  (1), 
comme  ces  histoires  ne  sont  que  des  variantes  plus  ou 

(1)  Ou  plutdt  ressemblant  aux  chiens. 


(  U9  ) 

moins  drolatiques  de  tons  les  contes  arabes,  je  n'ai  ja- 
mais era  devoir  m'occuper  de  ces  extravagances.  Ce- 
pendant,  comme  I'existence  d'individus  a  queue  a  et6 
annoncee  et  attest6e  iion  pas  seulement  par  des  Arabes, 
mais  par  des  voyageurs  europ6ens  qui  se  sent  fails  les 
echos  de  ces  bruits  6tranges,  j'ai  du  rechercher  les 
causes  qui  avaient  pu  donner  lieu  a  une  croyance  qui, 
bien  qu'en  contradiction  avec  les  faits  observes  jusqu'a 
ce  jour,  n'en  devait  pas  moins  reposer  sur  quelque 
fondement  plus  ou  moins  mal  assis. 

Or  voici,  je  le  suppose,  ce  qui  a  pu  donner  lieu  a  cette 
fable  :  parmi  les  nombreuses  peuplades  noires  qui  lia- 
bitent  I'Afrique  centrale,  et  qui  sont  g6n6ralemeiit  de- 
pourvues  de  vetements,  quelques-unes  recouvrent  les 
organes  g^nitaux  a  I'aide  d'un  morceau  de  peau  :  car 
les  tissus  de  fil  ou  de  coton  sont  inconnus  chez  elles. 
D'autres  laissent  ces  parties  tout  a  fait  a  d6couvert  : 
quelques-unes  enfm,  soit  qu' elles  cachent  ou  qu' elles 
exhibent  les  organes  sexuels,  attachent  a  la  partie  in- 
f^rieure  du  tronc  une  ceinture  en  peau,  laquelle  se  ter- 
mine  par  derri^re  par  une  v6rible  queue  de  bete  fauve 
ou  d' animal  domestique.   Les  premiers  Strangers  qui 
apercurent  ces  sauvages,  et  qui,  probablement,  n'os6- 
rent  pas  s'aventurer  jusqu'au  milieu  d'eux  ,  devaient 
supposer  que  I'appendice  caudal  qu'ils  voyaient'a  dis- 
tance 6tait  nature!. 

lis  raconterent  a  d'autres  le  phenomene  qu'ils  avaienl 
eu  devant  les  yeux  :  I'histoire  se  r6p6ta,  et  I'existence 
des  liommes  a  queue  passa  bientot  pour  un  fait  avere. 
II  m'est  arrive  souvent,  dans  mes  peregrinations,  de 
rencontrer  des  Negres  dont  tout  le  costume  consislait 


(  350  ) 

ilaiis  la  queue  en  question.  Or,  je  puis  assurer  que, 
vues  d'une  certaine  distance  et  alors  que  les  ficelles  de 
I'appendicc  sont  cacli^espar  I'eloignenicnt,  ces  queues 
out  I'air  tr^s  pen  postiches.  Supposez  niainteuanl  que 
I'observateur  soit  un  Arabe,  c'est-i-dire  un  individu 
conq5l6leuient  d6poun'u  de  notions  scientifiques,  dis- 
pose, en  outre,  par  la  nature  de  ses  id6es  et  son  Edu- 
cation, a  accepter  sans  controle  tout  ce  qui  frappe  son 
imagination  :  on  concoit  de  quelle  manitre  un  tel  indi- 
vidu observera,  et  comment  il  fera  de  I'histoire  qui  par- 
viendra  facilement  a  acqu6rir  du  credit  parmi  ses  au- 
diteurs. 

Pour  mon  compte,  j'ai  hate  de  le  proclamer,  je  n'ai 
jamais  eu  le  bonheur  d'entrevoir  le  moindre  indice  de 
queue  dans  la  race  humaine,  et  je  ne  puis  accepter  b6- 
n6volement  I'existence  d'une  penplade  pour  laquclle  il 
faudrait  cr6er  ime  nouvelle  race  anthropologique.  La 
queue  humaine,  conuiie  lalicorne,  resteront,  je  pense, 
coniin6es  dans  le  chapitre  des  mystifications  des  voya- 
ges (1). 

Le  tatouage  est,  on  le  sail,  d'un  usage  irfes  commun 
parmi  les  races  de  couleur.  Au  Soudan,  cet  usage  com- 
mence vers  les  conlins  septentrionaux  de  I'ancienne 
Ethiopie,  je  veux  dire  dans  la  Nubic  inftrieure.  La  on 
remarque,  pour  la  premiere  fois,  en  quittant  I'l^gypte, 


(1)  Je  ne  parlc  pas  ici  des  cas  de  mouslruosit(^  qui  pourraient  se 
produire  a  regard  du  coccyx,  conimc  ils  out  lieu  pour  d'aulres  or- 
ganes.  Un  ou  deux  fails  auormaux  semlilables  ne  prouveraient  ricu  en 
faveur  des  honimes  h  qunie;  et  ces  fails  prdlendus  u'ont  ^16  cit^s  que 
par  MM.  Ducourret  el  Alexandre  Dumas*!!! 


(  ;^5t  ) 

ties  traces  d'incisions  sur  la  figure.  Ces  incisiois,  au 
uonibre  cle  trois  ou  quatre  cle  cliaque  c6t6  cles  joues, 
repr6seiitent  des  ligiies  parall^les,  longues  de  25  a  30 
iiiilljmetres  et  renfl^es  a  leur  partie  moyenne.  Elles  li- 
gurent  un  losange  etroit  et  allonge,  resultant  de  la 
forme  du  lambeau  de  chair  qu'on  a  taill6  sur  les  par- 
ties. Cette  operation  se  pratique  principalement  sur  les 
enfants  du  sexe  feminin. 

Le  tatouage,  qui  se  borne  chez  les  Nubiens  et  les 
Soudaniens  autres  que  les  nfegres,  a  la  reproduction  de 
quelques  lignes  grav6es  sur  le  visage,  necessite,  chez 
certaines  races  noires,  une  operation  longue  et  couipli- 
qu6e,  qui  embrasse  toute  la  surface  du  corps,  et  fait 
de  la  peau  un  vaste  dessin  repr^sentant  les  formes  les 
plus  curieuses  et  souvent  d'une  execution  tr6s  delicate. 
Les  Nfegres  des  montagnes  du  Fazoglo  semblent  avoir 
pGrt6,  jusque  dans  ses  derni^res  limites,  la  fantaisie 
de  ce  luxe  cutan6.  Au  fleuve  Blanc,  le  tatouage  delicat 
et  gracieux  des  lN6gres  du  Fazoglo  est  reuq3lac6  i)ar 
de  gros  traits  en  relief,  qui  font  sur  la  peau  une  saillie 
analogue  a  celle  qu'y  produirait  une  corde.  La  tribu 
des  Kidy  et  quelques  autres  limitrophes  offrent  de  fre- 
quents exemples  de  ces  renflements  artificiels  sur  le 
devant  et  les  c6t6s  du  sommet  de  la  face.  Pour  produire 
ces  reliefs,  les  Nfegres  font  a  la  peau  de  profondes  et 
longues  incisions,  dont  ils  maintiennent  les^bords  6car- 
t6s,  et  entre  les  16vres  desquelles  ils  introduisent  des 
substances  v6g6tales  irritantes.  Par  TeU'et  de  ces  sub- 
stances les  parties  incis6es  se  boursouflent,  les  humours 
affluent  dans  la  plaie,  et  bient6t  on  y  observe  un  d6p6t 
de  mati^re  adipeuse,  qui  se  recouvre  d'une  couche  de 
igmentum  plusou  moins  6paisse. 


(  35-2  ) 

Quelquei'ois  la  inatifere  colorante,  au  lieu  de  se  d6- 
poser  seulement  a  la  surface  de  la  nouvelle  cicatrice, 
s'insinuc  entre  les  parties  graisseuses  sous-jacentes,  et 
les  p6n6tre  dans  une  profondcur  plus  ou  moins  consi- 
derable. Dans  des  cas  semblablcs,  la  dissection  de  ces 
renflcinents  produits  par  le  tatouagc  met  a  jour  une 
niatiere  qu'on  prendrait  facilemcnt  pour  de  la  wclanosc. 

Ce  que  j'ai  dit  de  la  facilit6  avec  laquelle  se  repro- 
duit  le  pigmentum,  sur  les  parties  dont  le  derme  a  6t6 
pr6alablement  enlev6,  fera  comprendre  comment  les 
cicatrices  qui  succfedent  aux  grandcs  d6perditions  de 
substance,  aux  amputations,  aux  ablations  de  tu- 
meurs,  etc. ,  recupferent  toujours  apres  la  gu6rison  la 
coloration  qu'elles  avaient  auparavant.  Quand  certains 
points  de  la  peau  pr^sentent  des  nuandes  dift'6rentes  de 
la  coloration  gen6rale,  cela  indique  un  6tat  anormal  du 
derme  dans  ces  points-li,  ou  bien  le  r^sultat  d'une  af- 
fection g6n6rale  de  nature  herp^tique,  syphilitique,  etc. 
Je  parlerai  plus  au  long  de  cette  alteration  du  pigmen- 
tum chez  les  N6gres,  a  1' article  des  maladies.  Cependant 
je  ne  puis  passer  outre  sans  dire  deux  mots  d'un  des 
modes  d' alteration  du  principe  colorant,  connu  sous  le 
nom  A' albinisine. 

Cette  affection,  bien  qu'on  la  disc  tres  commune 
parmi  les  N^gres,  est  assez  rare  dans  les  provinces  du 
Soudan  pour  qu'il  ne  m'ait  pas  6t6  possible  d' observer, 
pendant  une  p6riode  de  dix-huit  ann^es,  un  seul  cas 
d'albinisme  complet.  Quant  aux  exeuiples  d'albinisme 
partiel,  ceux-la  sont  assez  frequents,  bien  que  je  ne 
comptc  ici  ([ue  les  cas  congenitaux  cl  iion  ccux  (jiii  sont 
produits  accidcntellemcjil  par  I'ellci  de  (lilferente.s 
alfcclions. 


(  353  ) 

L'albinisme  congenital  partiel  semble  afl'ecter  de 
preference,  au  Soudan,  les  membres  abdominaux ;  quel- 
quefois  un  cot6  de  1' abdomen  ou  de  la  poitrine ;  d'autres 
fois,  mais  plus  rarement,  la  face.  Dans  un  cas  seule- 
ment  j'ai  ete  a  meme  d' observer  la  decoloration  des 
cheveux  et  de  I'iris,  la  tete  et  la  face  etaient  les  seules 
parties  atteintes  d'albinisme. 

Le  petit  Nfegre,  k  sa  naissance,  ne  presente  pas  la 
teinte  foncee  qui  plus  tard  se  developpe  sur  ses  tegu- 
ments. Au  sortir  du  sein  de  sa  mere,  il  est  de  couleur 
cuivree  presque  sur  tout  le  corps.  Quelques  parties  seu- 
lement  oft'rent  une  coloration  plus  obscure  que  les  autres. 
Cast  le  scrotum,  le  raphe  et  le  mamelon.  D'autres 
parties,  en  revanche,  sont  moins  colorees  que  le  reste 
du  corps ;  de  ce  nombre  sont  les  surfaces  palmaires  et 
plantaires  des  membres  sup6rieurs  et  inferieurs  et  les 
levres  buccales.  La  coloration  moins  foncee  de  ces 
parlies  persiste  pendant  toute  la  vie. 

Les  Abyssins  comme  les  Galla,  de  meme  que  toutes 
les  races  colorees  et  tons  les  produits  croises,  offrent  k 
leur  naissance  un  degre  de  coloration  moindre  que  celui 
qu'ils  acquerront  par  la  suite,  et  ils  presentent  la  meme 
variete  de  nuances  dans  les  parties  que  nous  avons  in- 
diquees  precedeniment. 

Mais  le  faible  degre  de  coloration  qu'apportent  les 
enfants  en  venant  au  monde,  ne  tarde  pas  a  revetir, 
petit  a  petit,  des  teintes  plus  obscures.  En  sorte  que, 
desl'age  d'un  an,  le  petit  Negre  a  atteint  son  maximum 
de  noirceur.  II  en  est  de  meme  pour  les  races  de  cou- 
leur indigenes,  abyssine  ou  galla  :  la  couleur  moins 
foncee  des  enfants  a  leur  naissance  acquiert  tout  son 

XVII.    MAI  ET  JUIN.    3.  X  2A 


(  354  ■) 

d^veloppement  vers  la  fin  de  la  premifere  ann6e.  Ce- 
pendant  il  existe  k  cet  ^gaid  une  dill^rence  pour  les 
m6tis  ou  mulatres.  Chez  ceux-ci  la  coloration  fonc6e 
se  d6veloppe  plus  lentement,  et  ce  n'est  gnere  que  vers 
la  septitjnie  annee  qu'ils  ont  acquis  la  teinte  qu'ils  con- 
serveiit  g6n6ralement  pentlant  toute  la  vie. 

Les  choses  se  passent  de  lameme  aianiere,  qiiel'en- 
fant  naisse  en  AiVique  ou  partout  ailleurs.  Quelque  part 
que  ce  soit,  et  ind^pendamment  de  la  localite,  de  la 
temp6rature  et  du  climat,  la  formation  et  le  d^velop- 
pementdu  pigmentum  s'op^rent  d'apr^sles  conditions 
de  races,  sans  que  le  soleil  ni  la  chaleur  soient  capa- 
bles  d'entraver  ou  de  modifier  ce  d6veloppement. 

Je  ne  veux  cependant  pas  pr^tendre  que  la  lumi6re 
solaire  n'ait  aucune  influence  evidentesur  la  surface  cu- 
tan6e,  qu'elle  colore  en  rouge  d'abord  par  Teffet  de 
rafllux  sanguin.  Cette  couleur  rouge  passe  ensuite  par 
une  nuance  plus  ou  moins  fonc6e,  suivant  les  iudividus 
souniis  a  faction  du  soleil  et  suivant  f intensity  de  ses 
rayons.  Je  dirai  menie  que  cette  premiere  coloration 
rouge  se  laisse  apercevoir  chez  le  N6gre,  bien  qu'avec 
des  tons  differents  de  ceux  que  pr6sente  la  race 
blanche. 

Mais  il  y  a  loin  de  cette  coloration  accidentelle  et 
tout  a  fait  temporaire  a  celle  qui  r^sulte  de  la  naissance 
et  qui  est  propre  k  la  race.  Car,  de  juenie  que  le  climat 
n'esl  pour  rien  dans  la  coloration  dii  Negre  u6  et  6lev6 
a  Constantinople,  a  Alexandrie  ou  a  Moscou,  de  meme 
aussi  le  climat  est  incapable  de  donner  k  I'Arabe  du 
Soudan,  6niigr6  en  Afrif[ue  depuis  des  si^cles,  la  teinte 
obscure   dn   N^gre   ni   de  modifier  la  coloration  de 


(  555  ) 

1' Abyssin  et  du  Galla  qui  coiiservent,  depuis  des  milliers 
d'ann6es,  dans  le  centre  de  I'Afrique  et  au  milieu  des 
Nfegres,  la  coloration  qui  leur  est  propre  et  leur  type 
primitif  qui  se  confond  presque  avec  celui  des  races  du 
Caucase, 

Que,  si  Ton  me  demande  maintenant  comment  j'ex- 
plique  la  teinte  noire  des  Africains,  je  demanderai  k 
mon  tour  comment  on  expliquera  la  couleur  rouge  des 
Am^ricains,  la  nuance  jaune  de  certains  Asiatiques,  et 
le  teint  rose  et  blond  de  la  plupart  des  Europ^ens.  Car 
ces  difl'6rentes  colorations  sont  aussi  naturelles  I'une  que 
I'autre  ;  etla  teinte  noire  n'a  rien  de  plus  nide  moins 
myst6rieux  que  les  autres  couleurs  r^pandues  k  profu- 
sion sur  notre  globe. 


EXPOSfi  SUCCINCT 

DES    D£C0UVERTES    ET    DES    VOYAGES    FAITS  EN    AUSTRALIE 

Depuis    1842    h    1858. 

Par  M.  p.  Chaix. 


Le  premier  6tablissement  des  Anglais  en  Australie 
date  de  I'ann^e  1788.  —  En  moins  de  soixaiite-dix  ans 
la  population,  d'origine  europ^enne,  y  a  d6pass6  un 
million  d'habitants.  Elle  est  concentr6e  sur  rextr6mit6 
sud-est  dn  continent  dont  la  connaissance  est  due  aux 
voyages  de  Cunningham,  du  comte  Streleczki,  et  par- 
ticuli6rement  k  ceax  du  colonel  sir  Thomas  Mitchell, 


{  356  ) 

niort  a  I'age  de  soixante-trois  ans,  au  niois  d'octobre 
1855.  Aiijoiird'Imi  on  pent  considcrer  coinme  connu, 
si  ce  n'est  coniiiie  entieroinent  colonise,  le  territoire 
compris  cntre  la  nier,  le  coiirs  de  la  riviere  Darling  et 
renibuiichure  dn  fleiive  Murray.  Avant  Tepoqiie  oil  la 
d^couverte  des  mines  d'or  a  concentre  reaiigratinn  sur 
la  province  de  Victoria,  d'abord  noniniee  par  Mitchell 
I'Australie  Heureuse  (Australia  Felix),  X Austmlie  me- 
ndioiiale  6tait  devenue  le  si6ge  d'une  nouvelle  colonic 
agricole  coinme  la  Nouvelle-Galles  meridionale.  La  na- 
ture du  cliniat  et  du  sol  semblait  devoir  lui  etre  favo- 
rable, ainsi  que  I'aspect  de  ses  cotes  decoupees  par  les 
golfes  de  Spencer  et  de  Saint-Vincent.  M.  Eyre  fut  in- 
fatigable  a  en  explorer  I'interieur,  et  ses  courses  le  con- 
duisirent,  en  18/i"2,  a  la  st6rile  d^couverte  du  lac  Tor- 
rens  ou  du  Fer-a-Cheval,  dont  la  longueur  6gale  celle 
de  la  peninsule  italique,  niais  dont  le  bassin  est  alter- 
nativement  un  marais  fangenx  on  une  nappe  de  sable. 
Des  I'ann^e  suivante  le  capitaine  du  genie  Frome 
s'avanca  aussi  d' Adelaide  vers  le  nord  jusqu'a  la 
branche  orientalc  du  Fcr-it-Clwiuil,  sur  une  ligne  plus 
orientale  mais  parall61e  a  celle  qu'avait  suivieM.  Eyre. 
I/ann6e  IS/i'i  vit  organiser,  sur  une  plus  grande 
6chelle,  I'exp^dition  conimand6e  par  Ic  capitaine  Sturt 
pour  p6n6trer  dans  le  ccrur  du  continent  australien.  La 
ville  d'Ad^'laide  Ini  oHVil  un  dejouiior  d' adieu,  le  10 
aout  18/i/i.  Je  me  bornerai  a  lappeler  qu'elle  parvint, 
le  8  septembre  '18ii5,  a  vingt-ciuq  lieues  du  tropique 
du  (lapricorne,  en  un  ])oinl  egalenient  eloigne  de  la 
cote  meridionale  et  du  golfc  de  (larpentarie.  Le  capi- 
taine Sturt  vit  un  de  ses  coinpagnons  p6rir  des  suites 


(  357) 

de  leurs  soufTrances  et  fut  lui-m^me  rapports  ma- 
lade,  le  19  Janvier  I8Z16,  dans  la  ville  d' Adelaide, 
qii'il  avail  qnilt6e  dix-sept  mois  auparavant.  II  n'avait 
parcouru  qu'un  eflVoyable  desert,  faibleinent  sem^  do 
sommitt^s  insignifiantes  et  nues,  et  coupe  de  vastes  ra- 
vins sans  eau.  Dans  un  rayon  nioins  6tendu  les  explo- 
rations de  ses  devanciers,  MM.  Eyre  et  Fronie,  n'a- 
vaient  gu6re  6X6  plus  encourageantes.  Cependant  les 
dix  ann^es  qui  out  suivi  leurs  voyages  ont  6t6  em- 
ployees, par  des  colons  entreprenants,  a  s'avancer  sur 
leurs  traces  dans  I'espace  enferm6  entre  Adelaide  et 
le  Fer-a-Chcv(il,  qu'ils  ont  sem6  de  stations  pour  y 
Clever  du  b6tail ;  de  riches  mines  de  cuivre  ont  6t6 
mises  en  exploit?.tion  a  Barrabarra,  et  le  gouvernement 
a  fait  proc^der  au  lev6  g6om6trique  de  ce  territoire,  qui 
n'a  pas  moins  de  130  lieues  de  longueur  et  /|0  de  lar- 
geur,  et  snr  lequel  sont  dispers^es  une  quarantaine  de 
soramitds  escarpees  de  1000  a  3000  pieds  de  hauteur. 
—  Au  mois  de  juin  de  1856,  M.  Babbage  fit,  non  loin 
des  routes  suivies  par  ses  devanciers,  la  d^couverte  dn 
Mac-Donnell,  rivit;re  alaquelle  il  suppose  une  longueur 
de  00  milles,  au  travers  d'un  pays  fertile,  et  qui  parte 
ses  eaujc  dans  le  lac  Tonenx.  II  vit  aussi  deux  ivbs 
petits  lacs  d'eau  douce  et  les  nomma  Blanche  et  Sninte- 
Mnrie.  Dans  le  cours  de  ces  travaux  M.  Goyder  par- 
vint,  le  3  juin  1857,  au  coude  septentrional  du  Fer-a- 
Cheval  ou  lac  Torrens,  et  trouva  ce  lac  assez  large, 
plein  d'eau  douce,  sem6  d'iles  et  borde  de  verdure; 
mais  les  effets  du  mirage  y  6taient  si  puissants 
qu'ils  donnaient  une  hauteur  apparente  de  3000  pieds 
k  une  Eminence  qui  n'en  avait  que  60.  II  suivit  18 


(  358  ) 

niilles  du  cours  de  la  riviere  Mac-Donnell  et  d^coiivrit 
un  troisi^me  petit  bassin  d'eau  douce,  le  lac  Frceling, 
profond ,  entour6  de  beaux  aibres  et  de  rochers. 
M  Goyder  revint  au  chef-lieu  par  un  pays  accident^, 
dont  il  d^crit  le  paysage  comme  romanliqae. 

A  la  reception  de  ces  nouvelles  qui  contrastaient  fa- 
vorablement  avec  les  rapports  d'Eyre  et  de  Frome, 
I'ing^nieur  en  chef  [sun'eyor  ^encml)  capitaine  Free- 
ling  partit,  einportant  deux  bateaux  destines  au  lac 
Torrens,  qu'il  atteignit  le  3  sept^^mbre  1857;  mais  il 
lui  fallut  patauger  h  six  milles  en  avant  du  rivage  dans 
une  boue  profondeet  dangereuse  avant  de  trouver  iine 
profondeur  de  six  poucesd'm//.  II  revint  declarant  que 
les  seules  iles  de  ce  lac  sont  deux  Hots  insignifiaiits, 
61ev6s  d'un  pied  au-dessus  de  I'eau,  et  que  les  autres 
merveilles  dont  les  yeux  de  M.  Goyder  avaieiit  6t6  r6- 
jouis  n'6taient  que  les  effets  du  mirage.  Le  colonel 
Gavvler,  tr^s  au  fait  de  la  nature  du  sol  et  du  climat  de 
I'Australie  mdsridionale,  et  remarquant  que  les  environs 
de  la  capitale,  Adelaide,  sont  des  terres  h.  bl6  d'un 
admirable  produit,  (pii  pr^sentent  toutefois  1' aspect 
d'un  desert  calcine  dans  une  partie  de  I'ann^e,  pense 
que,  pour  prononcer  un  jugement  impartial  entre  des 
t6moignages  aussi  opposes  il  faiit  tenir  conipte  de  la 
saison  oil  le  voyage  s'est  accompli.  Quoiqu'un  isthme 
bien  explore  de  moins  de  5  lieues  de  largeur  s6pare  le 
fond  du  goife  de  Spencer  de  I'extr^mit^  m6ridionaledu 
lac  Torrens,  le  colonel  Gawler  pense  que  ces  deux 
nappes  d'eau  ont  eu  autrefois  une  communication  na- 
turelle. 

Dans  cette  meme  ann6e  1857,  I'espace  p6ninsulaire 


(  359  ) 

conipris  entre  le  golfe  de  Spencer  et  Streaky-Bay,  k 
I'ouest,  travers6  pr6c6demnient  par  M.  Eyre,  a  dt6  sil- 
lonn6  simultan^ment  par  plitsieurs  voyageurs  ind^pen- 
dants  les  uns  des  autres ,  le  major  W'arburton , 
M.  Hack,  etc.;  ils  y  out  reconnu  1' existence  de  (piel- 
ques  terres  assez  bonnes  et  d'une  chaine  de  montagnes 
d'une  mediocre  6tendue  {Gawler  range),  maismalheu- 
reiisement  aussi  de  pays  converts  de  cailloux  et  de 
taillis,  d^pourvus  d'eau  douce,  avec  une  multitude 
d'6tangs  salt^s,  parnii  lesqnels  est  un  lac  d'une  6tendue 
double  du  Leman,  lelac  Gairdner.  Dans  le  meme  temps 
MM.  Thomson,  Campbell  et  Swindon  faisaient  dans  le 
pays  inconnu,  a  I'ouest  du  lac  Torrens,  une  excursion 
rapide  de  200  milles,  avec  assez  de  succfes  pour  que  le 
parlement  colonial  de  rA.ustralie  meridionale,  avec  ce 
patriotisme  6clair6  qui  inq^rime  un  progr^s  si  rapide  a 
la  prosp6rit6  des  colonies  anglaises,  ait  jug6  opportun, 
aprfes  avoir  ordonn6  la  publication  de  ces  diverses  re- 
lations de  voyages,  d'en  faire  entreprendre  un  uouveau 
sons  les  ordres  du  g6ologue  Babbage.  II  s'est  mis  en 
route  pour  la  terre  de  Swindon  avec  sept  hommes, 
seize  chevaux  et  cent  quatre-vingts  moutons. 

Apr6s  cet  expos6  rapide  mais  complet  de  I'^tat  de 
nos  connaissances  sur  I'Australie  m6ridionale,  je  tra- 
cerai  de  meme  I'historique  de  ce  qui  s'est  fait  dans  la 
colonic  plus  ancienne  de  la  Nouvelle-Galles  meridio- 
nale. 

Le  premier  voyage  du  docteur  Leichhardt  est  trop 
connu  pour  que  j'en  rappelle  autre  chose  que  la  date. 
Parti  de  Brisbane,  sur  la  bale  de  Moreton,  au  niois 
d'octobre  de  ISIili,  il  arriva  au  port  Essington  k  Vex- 


(  360  ) 

tr^mit^  scptentrion'ale  du  continent  australien  an  mois 
de  novembre  18/i5,  en  suivant,  dans  la  direction  du 
nord-ouest,  une  route  d'environ  800  lieues  et  en  se 
tenant  a  une  distance  nioyennc  de  50  lieues  des  c6tes 
orientales  de  ce  continent.  Les  travaux  de  I'intrtjpide 
AUemand  furent  appr^cit^s  coniuie  ils  le  niuritaient  par 
les  colons  anglais ;  les  ovations  et  les  ri^conipenses  ne 
lui  firent  pas  dtifaut  a  Sydney ;  et,  ce  qui  semblait  en- 
core mieux,  on  profita  de  son  d^vouement  pom-  lui 
confier  une  nouvelle  expedition.  Se  proposant  de  tra- 
verser le  continent  dans  sa  plus  grande  largeur,  en 
coupant  la  route  suivie  dans  un  autre  sens  par  le  capi- 
taine  Sturt,  Leichhardt  partit  de  Brisbane  en  18Zi8  ; 
niais  le  plus  grand  myst^re  plane  encore  sur  son  sort, 
qui  n'a  pu  etre  que  fatal, 

Dans  I'intervalle  entre  le  premier  et  le  second  voyage 
de  Leichhardt,  sir  Thomas  Mitchell,  chef  du  g(§nie  de 
la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  et  deji  veteran  dans  la  car- 
ri^re,  rentra  dans  la  lice,  et,  partant  du  cours  supe- 
rieur  de  la  riviere  Darling,  dont  la  d^couverte  lui  6tait 
due,  trouva  plusieurs  cours  d'eau  qui  en  sont  les  tri- 
butaires,  la  Baloiie,  la  Maranoa,  qu'il  remonta  jusqu'i 
sa  source  dans  un  syst^me  de  chaines  partiellenient 
volcaniques  de  plus  de  2000  pieds  de  hauteur.  Plus  au 
iiord,  il  en  decouvrit  une  autre,  la  Belyando  ;  il  s'at- 
tacha  k  en  suivre  le  cours  jusqu'au  21'  degrd  de  lati- 
tude sud,  parce  que  la  voyantse  dirigerau  nord-nord- 
cuest,  il  esp^rait  aboutir  ainsi  au  golfe  de  Carpentarie; 
mais  il  fut  disappoints  en  trouvant  que  cette  riviere 
^tait  identiqtie  avec  la  Rivi6re  du  Cap  df^couvcrte  par 
Leichhardt,  dont  leseaux  aboutissent  a  la  c6te  orientale. 


(  3(51  ) 

Revenant  sur  ses  pas  jnsqu'aux  groupes  montagneux 
qu'il  avait  d6ji  parcourus  entre  le  24"  et  le  25*  degr6 
de  latitude,  il  trouva  snr  leur  revers  occidental  un  dis- 
trict dont  I'aspect  riant  lui  arracha  le  nom  d' Heureuse 
Fal/c'i-  (Happy  Valley)  ;  il  donna  celui  de  la  reine  Vic- 
toria au  Barcon,  riviere  qui  y  prenait  naissance  et  qu'il 
suivit  pendant  dix  jours  vers  le  nord-oycst,  c'est-i-dire 
vers  le  centre  du  continent.  Le  pays  lui  parut  le  mieux 
arros6  de  I'Australie,  habits  par  des  Nfegres  inoiTensifs 
et  en  petit  nombre.  Une  nouvelle  Flore  et  une  nouvelle 
Faune  semblaient  caract6riser  une  region  diff^rente  du 
reste  de  I'Australie.  Forc6  de  s'arreter  par  2/i°  14'  de 
latitude  autrale  et  144°  34'  k  Test  du  m^ridien  de 
Greenwich,  sir  Thomas  Mitchell  crut  voir  la  riviere  de 
Victoria  se  diriger  a  perte  de  vue  au  nord  et  il  revint 
sur  ses  pas,  convaincu  que  celle-la  du  moins  a  son  em- 
bouchure dans  le  golfe  de  Carpentarie. 

Pour  r^aliser  les  esp6rances  autoris6es  par  cette  d6- 
couverte,  le  capitaine  Kennedy,  excellent  ingenieur, 
qui  venait  d'accompagner  sir  Thomas  Mitchell,  fut 
renvoy6  sur  ses  traces,  d6s  le  mois  d'avril  de  I'annee 
suivante  (1847),  avec  une  nouvelle  expedition.  II  re- 
trouva  le  groupe  de  montagnes  volcaniques,  la  Fallec 
heureuse,  d'un  vert  d61icieux,  rafraichie  par  des  nappes 
d'eau  et  anim^e  par  un  grand  nombre  de  catacoas,  de 
coqsd'Inde,d'6mus  et  de  kangarousd'une  taille  gigan- 
tesque.  Pour  acc6l6rer  ses  niouvements  tandis  qu'il 
allait  descendre  la  riviere  Victoria  ou  Barcou,  il  enterra 
successivement,  dans  plusieurs  cachettes,  ses  chariots 
el  une  partie  de  ses  provisions  (8  aout  1847).  — Con- 
trairementa  ce  que  sir  Thonoas  Mitchell  avait  cru  voir, 


(  862  ) 

la  riviere  ne  se  dirigeait  pas  au  nord ;  il  la  snivit  plus 
de  100  lieues  au  sud-ouest,  jusqu'au  dela  du  26'degr6 
de  latitude  sud,  et  ne  se  d6cida  au  retour,  le  9  sep- 
terabre,  que  lorsqu'il  ne  put  plus  douter  que  le  Bar- 
cou  ne  soit  la  uienie  rivifere  nomni6e  deux  ans  aupara- 
vant,  par  le  capitaine  Sturt,  Cnupei's-Creek,  ot  qui  se 
jette  {)eut-etre  dans  le  lac  Torrens.  —  Revenant  alors 
vers  le  nord  pour  y  accomplir  la  seconde  partie  de  ses 
instructions,  qui  6tait  d'atteindre  le  golfe  de  Carpen- 
tarie,  par  une  route  directe  mais  encore  probl6niatique, 
le  capitaine  Kennedy  n'en  6tait  plus  s6par6  que  par 
une  distance  de  180  lieues  en  ligne  droite.  Mais  il  fut 
,  arrets  par  le  manque  de  provisions  suffisanles  ;  les  in- 
digenes, qui  avaient  paru  I'ann^e  pr6c6dente  bienveil- 
lants  et  pen  nombreux,  se  niontrferent,  au  contraire, 
en  grand  nombre  et  g6n6ralenient  bostiles.  lis  avaiont 
decouvert  et  pill6  une  partie  dcs  depots  de  farine  ct  de 
Sucre  enterr^s  par  Kennedy.  Priv6  de  provisions  qui 
lui  eussent  sufii  pendant  dix  semaines,  il  dutreprendre 
le  chemin  de  Sydjiey  ;  mais,  pour  faire  contribuer  son 
retour  h  de  nouvelles  d6couvertes,  il  descendit,  depuis 
sa  source  situ6e  dans  le  m6me  massif  volcanique  oil 
nait  la  riviere  Victoria,  une  nouvelle  riviere  nomm^e 
Warrego ;  il  en  suivit  le  cours  au  travers  d'un  desert, 
vers  le  S.  S.  0.  sur  qiiatre  degr6s  de  latitude  ;  mais  ne 
pouvant  subsister  dans  ce  lit  de  torrent  absolument  des- 
s6cb6,  il  I'abandonna  pour  rejoindre  le  Darling  et  la 
colonic  par  Une  marclie  de  AO  lieues  an  travers  d'un 
desert  qui  lui  couta  sept  clievaiix  et  quarante  jours 
d'angoisses.  II  arriva  a  Sydney,  au  mois  de  Janvier  de 
18/18.  —  Les  talents  dont  il  fit  preuve  le  firent  placer 


(  365  ) 

par  le  gouvernement  colonial  a  la  t6te  d'une  troisifeme 
expedition,  a  laquelle  6tait  confine  1' exploration  de  la 
p6ninsule  septentrionale  du  continent,  qui  se  termine 
au  cap  York.  Mais  il  a  6t6  tii6  d'un  coup  de  lance  par 
les  indigenes ;  trois  de  ses  compagnons  sur  treize  ont 
sauv6  leur  vie,  et  le  gouvernement  n'a  pu  que  recouvrer 
ses  papiers. 

Quiconque  a  pr^sente  a  la  m^moire  la  relation  des 
voyages  de  Perron  se  rappelle  le  tableau  s^duisant  qu'il 
trace  de  I'embouchure  de  la  riviere  des  Cygnes  {S^van 
nt'er).  II  a  entrain^  un  millier  de  personnes,  que  j'ai 
vues  quitter  I'Angleterre  a  la  fin  de  1829,  a  y  aller 
fonder  une  colonie,  Elle  est  restee  la  moins  florissante 
de  TAustralie,  car  la  pAuvret6  naturelle  du  sol  a  donn6 
un  dementi  amer  aux  peintures  agr^ables  qu'une  in- 
spection superficielle  avait  fait  tracer  de  ce  pays  pres- 
que  d^pourvu  d'eaux  courantes,  de  montagnes  et  de 
terres  fertiles.  Les  colons  ont  mis  de  la  perseverance 
a  chercher,  par  des  voyages  de  decouvertes  dans  I'in- 
terieur,  a  s'ouvrir  des  regions  moins  desheritees  de  la 
nature.  ((M.  Auguste  Gregory  et  ses  frferes  ont  accom- 
pli ,  pendant  les  mois  d'aout  et  de  septembre  de  1846, 
un  voyage  de  958  milles,  ou  ils  ont  parcouru  un  pays 
de  quatre  degr^s  d'etendue  en  longitude  et  autant  en 
latitude.  —  Dans  la  meme  annte,  le  lieutenant  Help- 
man  a  reconnu  I'existencede  mines  de  cliarbon  sur  la 
riviere  Irwin,  au  nord  de  la  colonie.  On  ne  decouvrit 
aucune  riviere,  mais  seidementpeu  de  terres  fertiles  et 
un  tres  grand  nombre  de  lacs  ct  de  marecages  sales. 

Le  8  septembre  18Z|S,  M.  Roe  et  M.  Henri  Gregory 
qnitterent  la  ville  de  Perth,  chef-lieu  de  I'Australie 


(  36Zi  ) 

occidentale ,  pour  explorer  I'extr6mit6  sud-ouest  du 
continent.  Dans  le  premier  tiers  de  leur  niarclie  vers 
Test,  leur  ardeur  fut  soutenne  par  I'aspect  agr^able 
d'lin  pays  gen^ralement  ondule,  plein  de  kangarous  et 
d'6mus  et  ou  la  fertility  du  sol  6tait  indiqu6e  par  Ta- 
bondance  d'une  esp6ce  d'eucalyptus  appel^e  yeit.  La 
frequence  despluiesrendait  la  niarclie  difficile  dans  les 
terres  amollies.  Mais  plus  tard,  etplus^  Test,  lepays 
reprenait  I'aspect  d'aridite  naturel  a  I'Australie.  La 
route  se  perdait  dans  un  d^dale  de  lacs  sal6s  et  de 
buissons6piueux,  jalonn6s,  a  de  grands  intervalles,  de 
pics  isoles.  Le  niont  Madden  etait  une  masse  de  granit 
rouge  de  1000  pieds  de  hauteur.  Du  mont  de  Fitzg(^- 
rald  le  regard  planait  sur  une  vaste  mer  de  broussailles 
epineuses,  de  sombres  taillis  (scrubs)  et  de  marais  sa- 
16s.  Les  chevaux  restferent  cinq  jours  sans  herbe  k 
manger,  puis  trois  autres  jours  sans  eau.  II  fallut  en 
abandonner  plusieurs,  que  Ton  retrouva  cependant  .tu 
retour.  Parvenus,  le  23  novembre,  par  123"  2A'  de  lon- 
gitude- est  et  33"  27'  1 5"  de  latitude  australe,  a  un 
massif  qu'il  nomnia  Russell,  M.  Roe  donna  quatre  jours 
de  repos  a  ses  chevaux.  Du  liaut  de  ce  pic  de  granit 
61ev6  de  600  pieds ,  il  n'enibrassait,  a  40  milles  de 
distance,  qii'un  oc6an  de  broussailles  imp6n6tral)les 
qu'aucune  colline  ne  venait  interrompre  et  tout  sem6 
de  petits  lacs  sal6s  et  de  marais.  C'6tait  un  nee  /i/us 
1(1  tin;  il  fallut  revenir,  pour  ne  pas  p6rir,  en  suivant 
lesbords  de  lamer.  Les  soulTrances  y  furentles  memes. 
Les  chevaux,  lorsqu'ils  d^couvraient  un  6tang,  s'y  pr6- 
cipitaient  et  s'y  abattaient  irr^sistiblement  avec  leur 
charge,  compos6e  quelquefois  de  sucre  et  de  farine. 


(  865  ) 

Le  seul  chien  adjoint  h  I'expedition  avail  les  pieds  dans 
un  6tat  qui  le  rendait  incapable  d'atteindre  le  gibier  ; 
on  lui  metlait  des  chaiissures,  sans  poiivoir  les  fixer. 
Harnais  et  vetements  restaient  en  lambeaux  aux  brous- 
sailles. 

M.  Roe  eut  cependant  la  satisfaction  de  d^couvrir 
dans  les  gr6s  rouges  de  la  cote  des  veines  considera- 
bles de  charbon  de  terre  voisines  de  mines  de  fer  et 
situ^es  pr6s  d'nn  assez  bon  niouillage.  La  fin  de  son 
voyage  s'accomplit  an  travers  d'un  pays  \ii\vis  fertile  et 
deja  colonist,  et  il  revint  a  Perth,  le  2  fevrier  18i!i9, 
aprfes  une  absence  de  cent  quarante-nenf  jours;  em- 
ployes a  parcourir  4800  milles, 

II  apprit,  a  son  retour,  le  r6sultat  d'une  expedition 
entreprise  vers  le  nord  par  M.  Auguste  Gregory,  aux 
frais  des  colons  de  Swan  River,  et  d'un  voyage  du 
gouverneur  Fitz-Gerald  dans  la  mfeme  direction.  Parti 
de  Perth  le  2  septembre  18/18,  M.  Auguste  Gregory 
avait  traverse  d'abord  la  riviere  Irwin,  dont  les  patu- 
rages  devaient  un  aspect  verdoyant  a  des  pluies  r6- 
centes.  Mais,  au  dela,  il  n'y  eut  plus  que  le  pays  sterile 
etdesseche,  qui  est  la  regie  presquegenerale.  Arrive  au 
bord  de  la  rivifere  Murchison,  il  y  decouvrit  des  nines 
de  ploQib  dans  une  roche  de  gneiss  grenatifere.  Elles 
furent  nominees  Geraldine.  M.  A.  Gregory  revint  a 
Perth,  le  12  novembre  ISZiB,  apres  avoir,  en  dix  se- 
maines  ,  parcouru  une  distance  de  1500  milles.  Sa 
derniere  decouverte  engagea  le  gouverneur  Fitz-Gerald 
a  reparlir  avec  lui,  des  le  mois  suivant,  pour  la  riviere 
Murchison.  Le  fdon  de  galene  a  une  epaisseur  moyenne 
d'un  pied.  Dans  le  voyage  precedent,  M.  A.  Gregory 


(  356  ) 

avait  6t6  assailli  i  coups  de  pierres  dans  un  precipice 
par  une  troupe  de  lejnnies  indigenes  irrit6es  de  ce 
qu'il  avait  refus6  de  leur  part  certaines  oflres  aussi 
peu  d^centes  que  s6duisantes.  i\Iais,  lorsque,  quul- 
ques  semaines  apr^s,  il  y  revint  avec  le  gouverneur, 
il  falhit  s'ouvrir  un  passage  au  travers  d'uue  arui6e 
de  sauvages  et  d'une  grele  de  zagayes  et  de  lances 
dont  uue  per^a  la  cuisse  au  gouverneur  et  ressortit  de 
deux  pieds  au  dela. 

Malgr6  cet  accueil  d6favorable,  les  points  derni^re- 
ment  d6couverts  ont  cte  colonises;  un  M.  Bnrges  a  en- 
trepris  1' exploitation  des  mines  de  gal6ne  de  Geraldine. 
M.  Auguste  Gregory  a  remont6  la  riviere  de  Murchison ; 
en  1852,  il  est  pai^enu  jusqu'a  la  bate  da  Rcqnin,  ou 
se  d6charge  une  riviere  nominee  Gascoyne,  qui  parait 
Jeter,  dans  certaines  saisons,  avec  un  grand  volume 
d'eau,  des  quantit^s  considerables  de  troncs  d'arbres; 
ces  bois  appartiennent  a  I'esp^ce  de  \  Eucalyptus  ro- 
bustus  que  les  colons  nomment  acajou. 

M.  Robert  Austin,  ing6nieur,  consacra  les  mois  de 
juillet,  aout,  septembre,  octobre  et  novembre  de  Tan- 
nic 1854  i  une  nouvelle  exploration  de  I'interieur, 
dans  laquelle  il  croisa  les  itin6raires  pr6c6dents  de 
MM.  Gregory,  et  s'avanca  h.  6  degres  de  latitude  au 
nord  de  Perth,  le  chef-lieu  de  la  colonic.  11  p^n^tra, 
au  nord  de  la  riviere  de  Murchison,  dans  un  alTreux 
d6sert  ou  le  thermomttre  centigrade  niarquait,  au  mi- 
lieu d' octobre,  k  8  heures  du  matin ,  Sl'VC;  —  a  midi, 
AS'C;  —  a  2  heures,  i3°l/3C ;  —  et,  4  8  heures  du 
soir,  33oC.  Le  lit  meme  de  la  rivifere  de  Murchison 
ne  renfermait  pas  une  goutte  d'eau.  Ce  voyage  a  ajout6 


(  »67  ) 

un  marais  de  25  lieues  de  longueur  au  catalogue  des 
lacs  sal6s  d6ji  decouverts  par  les  devanciers  de  M.  Aus- 
tin, quelques  sommit6s  dont  la  hauteur  ne  d6passe  pas 
2500  pieds,  quelques  gisements  de  fer,  et  en  outre, 
dans  le  d6sert  aupr^s  de  la  riviere  de  Murchison,  un  en- 
semble de  roches  quartzenses,  de  gres,  de  gneiss,  de 
feldspath,  de  mineral  de  fer,  de  brfeches  granitiques 
et  de  serpentines  que  M.  Austin,  d' accord  avec  sir  Ro- 
derick Murchison,  consid^re  comme  promettant  une 
des  mines  d'or  les  plus  riches  du  monde. 

MM.  F.  T.  Gregory  et  Roe,  d6ja  connus  par  d'autres 
voyages,  conduisirent,  aux  frais  des  colons,  une  expe- 
dition destin<^e  a  explorer  le  bassin  septentrional  de  la 
riviere  Gascoyne.  Partis  de  Perth,  le  26  mars  ISSS,  ils 
atteignirent  la  riviere  Murchison  par  les  mines  de  Ge- 
raldine  et  la  remonterent  jusqu'^  un  point  oil  ils  n'6- 
taient  plus  s6par6&  de  la  Gascoyne  que  par  un  inter- 
valle  de  '25  Ueues.  lis  descendirent  cette  derni6re  rivifere 
jusqu'a  son  embouchure,  puis  remonterent  au  nord  un 
tributaire  considerable  qu'ils  nomm6rent  Lyons,  lis 
explor^rent,  au  retour,  le  eours  sup^rieur  des  trois  ri- 
vieres Lyons,  Gascoyne  et  Murchison,  sans  approcher 
toutefois  de  la  source  d'aucune  d'elles.  Dans  ce  voyage 
de  cent  sept  jours  et  de  2000  milles  ,  ils  n'estiment 
pas  avoir  d^couvert  un  million  d'acres  de  bonnes 
terres ;  mais  ils  out  trouve  le  tabac  sauvage  sur  plu- 
sienrs  centaines  d'acres  des  meilleures  terres  au  bord 
de  la  Murchison  et  de  grandeur  suffisante  pour  etre 
manufacture ,  —  un  melon  d'eau  fort  petit,  un  fruit 
semblable  a  une  poire  port6  par  une  petite  plante  grim- 
pante  et  la  patate  douce  [cnrwohulus  batatas)  servant 


(  868  ) 

de  nourrituie  aux  indigenes,  lis  ont  observe,  au  pied 
du  raont  Auguste,  sur  les  Lords  de  la  rivitire  Lyons, 
des  preuves  irr6cusables  du  cannibalisine  des  ntjgres 
australiens. 

Nous  avons  vu  les  chaleurs  extremes  que  M.  Austin 
avail  6prouvees  sur  la  riviere  Murchison,  au  milieu  du 
mois  d'octobre  185/i;  a  cinquante  lieues  plus  prfes 
de  la  ligne  6quinoxiale,  iVlM.  Roe  et  Gregory  ont  ob- 
serv6,  au  mois  de  juin,  le  therniom6tre  a  86°F,  2°C.  k 
sept  heures  du  matin,  et  a  82°F.  2S°C  a  une  heure 
apres  midi,  soit  une  difference  de  25° J /3  dans  un  inter- 
valle  de  six  heures.  lis  ont  vu  de  la  glace  jus(iu'a  Zh" 
30'  de  latitude  australe  ou  a  nn  degr6  du  tropicjue  du 
Capricorne. 

La  partie  nord-ouest  du  continent  6tait  rest(ie  la 
moins  connue.  Les  pluies  tropicales  y  donneni  plus  de 
vigueur  a  la  vegetation;  mais  la  chaleur  y  est  intense. 
Grey  et  Lushington  n'avaient  gu6re,  en  J  830,  explor6 
que  quelques  niilles  de  la  riviere  a  laquelle  lis  donni- 
rent  le  nom  de  lord  Glenelg.  Le  18  octobre  1839,  le 
capitaine^\  ickham,  du  Beagle,  d6couvritrembouchure 
de  la  riviere  Victoria,  que  le  capitaine  Stokes  renionta, 
en  1842,  jusqu'a  une  distance  de  00  lieues.  La  repu- 
tation, jnstemeut  acquise  a  MM.  Auguste  et  Henri  Gre- 
gory pour  leurs  voyages  dans  I'Australie  occidentale, 
les  fitappeler  k  Sydney  (21  mai  1855}  par  le  gouver- 
nenient  qui  leur  confia  la  conduite  d'une  expedition 
destin6e  b.  I'exploration  de  I'Australie  septentrionale 
depuis  Tembouchure  de  la  rivifere  Victoria  jusqu'a  la 
riviere  Albert  dans  le  golfe  de  Carpentarie  et  k  la  baie 
de  Moreton.  Un  schooner  les  transporta  de  la  baie  Mo- 


( r>69 ) 

reton  (12  aoiit)  a  rembouchure  de  la  Victoria  (14  sep- 
tembre),  avec  deux  cents  moutoiis,  cinquante  chevaux 
et  dix-huit  homines.  Parmi  ces  derniers  6tait  M.  Tho- 
mas Baines,  qui  vient  de  repartir  comme  artiste  atta- 
che a  I'exp^dition  de  Livingstone  en  Afrique,  Neuf 
chevaux  se  noy6rent  au  d6barquement  (25  septembre 
1855).  N6anmoins,  on  renionta  la  riviere  jiisqu'i 
360  milles  de  son  embouchure ;  puis  on  franchit  une 
chaine  6lev6e  de  1600  pieds  seulement ,  et  qui  sert 
de  point  de  partage  entre  les  eaux  dirig^es  vers  la  cote 
et  celles  d'une  riviere  qui  coule  vers  I'int^rieur  du 
continent.  M.  Gregory  lui  donna  le  nom  du  capitaine 
Sturt,  eten  suivit  le  cpurs  I'espace  de  300  milles  jus- 
qak  un  lac  (5  mars  1856)  sal6,  dess6ch6  et  encore 
61ev6  de  900  pieds  ou  elle  se  termine.  Cette  rivifere 
sert  de  limite  entre  un  d6sert,  qui  en  borde  la  rive 
gauche,  et  la  region  maritime  qui  est  peut-etre  moins 
st6rile.  La  region  exploree  par  cette  expedition  est  re- 
marquable  non-seulement  pour  I'abondance  de  ses  prai- 
ries, mais  encore  pour  la  vari6t6  des  herbes  qui  les 
couvrent.  «  Nulle  part  dans  le  monde,  dit  M,  \\  ilson, 
le  naturaliste  de  I'expdidition,  je  n'ai  vu  le  gazon  aussi 
luxuriant,  n  Certaines  esp6ces  inftrie  res  d'eucalyptus 
peuvent  fournir  le  bois  de  construction  en  abondaiice. 
Parmi  les  fruits  mangeables,  quisonten  giandnombre, 
il  mentionne  trois  sortes  de  fignes,  deux  fruits  res- 
S3rablant  au  raisin,  I'adansonia,  le  viz  sauvage,  les 
ignames  sauvages  et  le  convolvulus  batatas.  Les  oiseaux 
different  de  ceux  de  I'Australie  m^i'idionale.  On  vit  un 
jour  le  ciel  noirci,  sur  une  longueur  d'un  raille,  par  un 
vol  de  quelques  milliers  de  chauves-souris  en  migration 
XVII.    MAI  ET  JUIN.    U.  2a 


(  370  ) 

presque  aussi  grosses  que  des  polatouches  {flying 
foxes).  Elles  r6pandaient  une  forte  odour  de  muse,  et 
les  arbres  pliaient  sous  leur  poids. 

Les  indigenes  sont  de  la  menie  race  que  ceux  dif  sud 
et  pratiquent  parlielleraent  la  circoncision.  Les  seuls 
mln^raijx  di^couverts  fureiit  un  peu  de  fer  et  des  agates 
qui  couvraient  en  abondance  la  chaine  du  point  de 
partage,  et  dent  les  indigenes  arment  leurs  lances. 
Partout  oil  se  pr6sente  le  grfes  ferrugineux  qui  forme 
une  couche  de  plus  de  300  pieds  d'6paisseur  sur  une 
si  grande  partie  du  continent  australien,  on  ne  trouve 
que  des  plaines  sablonneuses  et  st^riles.  Mais  des 
terres  trfes  fertiles  sont  le  produit  de  la'd^composition 
des  roches  calcaires  et  trapp^ennes  situ^es  plus  loin 
de  la  c6te.  M.  Gregory  lvalue  k  trois  millions  d' acres 
r^tendue  des  terres  fertiles  dont  il  a  fait  la  d6couverte 
dans  le  nord-ouest  de  I'Australie;  mais,  au  sud  de  la 
ligne  du  point  de  partage ,  il  ne  paraissait  pas  6tre 
tomb6  d'eau  depuis  douze  mois,  conime  I'attestait 
I'apparence  des  lacs  dess6ch6s  et  reduits  a  un  tiers  de 
leur  surface  habitnelle. 

Le  schooner  qui  avait  amen6  I'exp^dilion,  ayant 
6chou6  dans  la  riviere,  avait  soufTert  des  avaries  qui 
oblig^rent  de  le  renvoyer  a  Java  pour  le  r^parer,  et  qxii 
causferent  la  perte  des  trois  quarts  des  moutons  et  de 
plus  de  la  moiti6  des  provisions.  /Vinsi  priv6  d'une 
partie  de  ses  ressources,  M.  A.  Gregory  s'ouvrit  une 
route  nouvelle  vers  Test,  et,  parti  le  21  Juin  1856  de 
la  riviere  de  Victoria,  il  arriva  le  31  aout  ili  I'enibou- 
chure  de  la  riviere  Albert  dans  le  golfe  de  Carpentarie. 
II  y  trouva  la  preuve  de  la  soUicitude  du  gouverne- 


<  871  ) 

ment  colonial  ,  une  leltre  du  lieutenant  Chimmo  , 
qui,  sur  le  vaisseau  la  Torche,  6tait  arriv6  k  cette 
rivifere  un  mois  avant  Gregory  et,  ne  I'y  trouvant  pas, 
6tait  all6  le  chercher  a  I'embouchure  de  la  Victoria. 
Gregory,  se  voyant  encore  pourvu  de  vivres  en  quan- 
tity suffisante  pour  arriver  k  la  colonie  de  la  Nouvelle- 
Galles,  se  remit  courageusement  en  marche  sans  at- 
tendre  plus  d'une  semaine  le  retour  incertain  du 
lieutenant  Chimmo  et  de  son  navire,  et,  prenant  au 
sud-est  une  direction  qui  lui  fit  couper  quelquefois  la 
route  que  Leichhardt  avail  suivie  en  sens  inverse  onze 
ans  auparavani,  il  accomplit  lieureusement  cette  mar- 
che prodigieuse  et  arriva,  le  16  d6cembre  1866,  k  la 
ville  de  Brisbane,  sur  la  bale  Moreton. 

Treize  mois  plus  tard  (11  Janvier  1858),  Auguste 
Gregory  partait  avec  un  de  ses  frcres  et  une  expedition 
destin6e  a  chercher  les  traces  du  mallieureux  Leich- 
hardt. De  la  baie  Moreton  il  se  rendit  a  la  riviere  Bar- 
cou  nomm6e  Victoria  par  sir  Thomas  Mitchell.  Un 
desert  sans  eau  paralysa  toutes  ses  tentatives  pour 
p6n6trer  plus  a  I'ouest  dans  la  direction  suppost^e  de 
Leichhardt.  Force  fut  de  descendre  la  riviere  Barcou 
dans  une  autre  direction  et  plus  au  sud  que  ne  I'avait 
fait  Kennedy  onze  ans  auparavant.  M.  Gregory  trouva 
partout  les  forets  d6truites  par  la  s6cheresse,  les  inexo- 
rables  buissous  6pineux  {scrubs),  les  rivieres  marquees 
par  des  lits  ravineux  dont  1' immense  largeur  et  les  de- 
pots abondants  de  sable  et  de  boue  attestent  les  ra- 
vages, lorsque  par  hasard  elles  roulent  un  volume 
d'eau  incalculable.  Le  capitaine  Freeling  avait  vu  dans 
le  lit  U"t;s  large  du  Siccus  la  preuve  que  les  eaux  s'y 


(872  ) 

^hh'ent  qnelquefois  de  SOpieds.  M.  Gregory  fut  r^duit 
k  traverser  Taffreux  d6sert  explore  treize  ans  aupara- 
vant  par  le  capitaine  Sturt,  et  ilarriva,  au  inoisd'aoul, 
it  la  ville  d' Adelaide,  capitale  de  I'Australie  m6ri- 
dionale,  dont  les  habitants  et  le  goiivernement  hii  firent 
un  accneil  proportionne  a  ses  fatigues,  a  ses  m^rites 
et  a  sa  reputation. 

Nous  terminerons  ici  I'analysc  de  vingt-neuf  voyages 
dont  sept  ont  eu  pour  but  I'exploration  de  la  partie 
orientale  du  continent  australien,  douze  celle  de  I'Aus- 
tralie  meridionale,  huit  au  sud-ouest,  deux  au  nord. 
lis  pr6sentent  un  parcours  total  de  38  000  niilles  an- 
glais. En  admettant  que  le  regard  des  voyageurs  ait 
pu  se  porter  a  une  distance  moyenne  de  5  milles  h. 
droits  et  a  gauche  de  leur  route,  on  leur  doit  la  con- 
naissance  approximative  d'une  surface  collective   de 
380  000  niilles  carr6s,  qui,  ajout6e  k  une  surface  {'gale 
de  terres  d6ja   connues  et  partiellemenl  colonisees, 
porte  nos  connaissances  sur  une  etendue  de  7(50  000 
milles  carr^s  on  a  un  quart  du  continent  australien 
(3  200  000  milles  carr6s).  C'est  beaucoup  sans  doute 
au  point  de  vue  d'une  simple  exploration;  mais  la  co- 
lonisation ne  semble  pas  devoir  y  g^'^gner  dos  avantages 
proportionn^s  au\  peiues  des  explorateurs.  Ces  vingt- 
neui  expeditions  n'ont  pas  fait  decouvrir  plus  de  deux 
rivi6res  permanentes  rl),  et  les  terres  cultivables  y 
sont  en  faible  proportion.  La  partie  exploree  dans  le 

(I)  Nous  suspendons  notrc  jugompnt  sur  Ips  df'tails  un  peu  roma- 
DPsques  doun^s  par  le  Sydney  Herald,  d'un  vojage  recent  sur  la  riviferc 
Filzroy. 


(  375  ) 

nord  ne  pr6sente  pas,  il  est  vrai,  la  st6rilit6  au  mfime 
clegr6;  les  plaies  Iropicales  y  (16veloppent  inieiix  la 
v6g6tation  et  rendent  possible  la  culture  du  cotonnier; 
mais  les  Anglais  se  demandent  avec  raison  si  c'estbien 
a  la  race  anglo-saxonne  que  peut  convenir  le  s6jour 
d'une  region  soumise  au  climat  de  la  zone  torride, 

Reste  la  grande  question  sur  les  d^couvertes  que  r6- 
serve  aux  explorateurs  la  partie  encore  inconnue  du 
centre  de  ce  continent.  Le  colonel  Gawler,  qui  a  s6- 
journ6  dans  I'Australie  meridionale,  a  observe  que, 
dans  ce  pays,  les  vents  du  nord-ouest  sont  acconipa- 
gnds  de  fraicheur  et  d'l)uniidit6,  et  il  en  conclut  la 
pr6sence  d'une  grande  etendue  d'eau  interieure,  Mais, 
d'autre  part,  M,  Eyre,  a  qui  le  s^jour  de  I'Australie 
meridionale  est  egalement  familier,  dit  que,  lorsque  le 
vent  souffle  de  rint6rieur,  il  a  la  temperature  d'une 
fournaise  ardente.  Comment  conclure  entre  des  temoi- 
gnages  aussi  discordants  ?  Le  dernier  est  malheureuse- 
ment  d' accord  avec  les  d^couvertes  du  capitaine  Sturt 
au  centre  du  continent. 

P.  Chaix. 


(  S7A) 


NOTE 

fiOK    LE9   COHHDMICATIONS     A     BTlBLIt 
EMTBB 

L'ALGERIE    ET    LE   St  NfiGAL, 

Adressde  a  MM.  les  membres  de  la  Commission  cenlrale 

de  la  Soci(ile  de  Geographic, 

PAR  M.  LAROCllE,  DE  CLEUilOST-FERRAND. 


Les  d6couvertes  que  d'illustres  voyageurs  ont  ac- 
complies  et  poursuivent  encore  en  Afrique  reniplissent 
le  voeu  des  porsonnes  qui  suivent  avec  int6ret  les  pro- 
grfes  des  sciences  g^ographiques ;  uiais  elles  ne  peu- 
vent  qu'affliger  am^rement  ceux  de  nos  conipatriotes 
qui  remarquent  qu'aucun  nom  francais  ne  s'esi  attache 
k  des  conqiietes  qui  seront  une  des  gioires  de  notre 
si6cle.  II  faut  bien  reconnaitre  qu'une  grande  indifl't^- 
rence  rfegne  en  France  k  I'endroit  de  la  g6ographie  et 
de  toutes  les  connaissances  qui  en  dependent.  Quelles 
sont  les  causes  de  cette  deplorable  apathie  de  1' esprit 
public,  et  surtout  quels  sont  les  moyens  k  adopter  pour 
y  rem6dier  et  ramener  la  pens6e  et  les  efforts  de  notre 
pays  vers  des  6tudes  et  des  contr6es  qui  ne  peuvent 
6tre  impunement  n6glig6es  par  une  grande  nation  ?  La 
question  est  aussi  ardue  qu'int6ressante;  et  alors  que 
les  6crivains  les  plus  autoris6s  (1)  ont  paru  craindre 
d'entrer  dans  son  examen,  ce  n'est  pas  a  moi,  le  plus 
obscur  de  vos  adherents,  qu'il  appartiendrait  d'6mettre 

(1)  M.  Vivien  de  Saint-Martin  ;  Sur  la  cartographie        Europe. 
BuUelinAt  novembrc  1855. 


(  375  ) 

un  avis  sans  influence.  Mais  ne  nie  sera-t-il  pas  permis 
d'appeler  sur  cette  situation  facheuse  I'attention  de  la 
Soci6t6  de  geographic  et  de  I'inviter  a  prendre  plus 
^nergiquement  I'initiative  sur  une  question  sp^ciale  : 
je  veux  parler  de  I'exploration  a  faire  pour  joindre  nos 
deux  colonies  de  I'Algt^rie  et  du  S^n^gal,  en  passant 
par  Tombouctou.  II  n'est  pas  besoin  de  parler  ici  de 
I'immense  utility  et  des  vastes  consequences  qu'aurait 
I'ouverture  de  cette  route  entre  les  deux  possessions 
francaises. 

II  faut  le  dire,  personne  jusqu'a  ce  jour  ne  s'est 
preoccnp6  suffisamaient ,  ni  le  gouvernement,  ni  le 
commerce  tVancais,  de  diriger  1' esprit  public  vers  le  but 
que  nous  indiquons  ici.  Aucun  encouragement  n'a  6td 
donn6  :  la  munificence  imp6riale,  qui  a  distribu6  des 
prix  multiplies  pour  des  cultures  en  Alg^rie,  n'a  point 
offert  de  recompenses  pour  les  voyageurs  qui  repren- 
draient  la  route  si  dangereuse  du  Soudan. 

La  Soci4t6  de  g^ographie  a  seule  fait  plus  que  tons 
nos  gouvernements.  Elle  a  ouvert  une  souscription  et 
un  prix  de  5  500  fr.  est  destine  auvoyageur  qui  se  sera 
rendu  du  Senegal  a  Alger,  et  vice  vci.sd,  en  passant 
par  Tombouctou  (1).  Cet  itineraire,  ainsi  formula  en 
deux  mots,  comprend  les  points  du  continent  les  plus 
utiles  a  connaitre,  au  double  point  de  vue  de  la  science 
et  des  interets  IVancais.  Je  ne  dirai  pas  que  la  somme 
promise  est  d'un  chifTre  mediocre,  eu  egard  h  la  diffi- 
culte  de  I'entreprise  et  a  Timportance  des  r6sultats  k 

(1)  Une  autre  condition  consiste  a   faire  connaitre  aver  exarlilud 
es  routes  des  caravanes  qui  parcourent  cet  espace.  E.  J. 


(  «^76  ) 

en  attendre;  par  I'ofTie  qu'elle  fait,  la  Soci^t6  de  g^o- 
graphie  ^puise  louies  ses  ressources  el  donne  un  exem- 
ple  qui  n'a  pas  did  imit6.  Je  me  perineltrai  tonlefois 
une  critique,  un  avis  :  la  Soci6t6  de  g6ographie  n'au- 
rait-elle  pas  du  faire  connaitre  au  public  le  prix  qu'elle 
oITre  et  les  conditions  du  programme  ?  Je  n'etonnerai 
ni  n'indisposerai  aucun  de  ses  membres,  en  disant  que 
son  Bulletin  n'est  lu  que  de  quelques  personnes  stu- 
dieuses,  et  qu'il  est  plus  recherche,  niieux  appr6ci6  a 
r^tranger  que  dans  notre  pays  meme.  Ce  n'est  done 
pas  assez  de  promettre  une  recompense ;  il  Taut  la  pro- 
clamer,  la  porter  a  la  connaissance  de  tons. 

Mais  la  Soci6t6  de  g^ographie  ne  pent  pas  borner 
son  action  b.  cette  simple  mesure.  Elle  a  un  grand  role 
&  remplir,  je  dirai  meme  un  devoir  h  acconiplir.  II  lui 
appartient  de  prendre  I'initiative  et  la  direction  d'un 
mouvement,  de  ce  que  j'appellerai,  a  I'exemple  de  nos 
voisins  d'outre-Manche,  d'une  agitation  a  organiser  en 
France ,  non  pour  un  but  politique  ou  industriel , 
mais  pour  le  progr^s  des  connaissances  humaines,  pour 
le  revcil  et  1' encouragement  des  sciences  g6ogra- 
phiques. 

Votrc  Soci6t6  n'a  point  les  larges  ressources  finan- 
ciferes  de  ses  stjeurs  puln6es,  les  Soci6t6s  g6ographi- 
ques  de  Londres  et  de  Saint-P6tersbourg;  mais  elle 
possfede  sans  conteste  une  c616brit6  et  une  induence 
scientifiques,  qui  font  rechercher  avant  tons  autres  les 
prix  et  les  m6dailles  qu'elle  distribue.  L'opinion  pu- 
blique,  alors  qu'une  autorit6  respect^e  lui  aura  signale 
et  r6v6l6  ces  voies  nouvelles,  ces  recherches  a  tenter  el 
k  suivre  a  travers  tant  de  perils ,  embrassera  avec  ar- 


(877) 

deur  ces  nobles  projets,  et  les  soldats  ne  manqueroiit 
pas  pour  ces  lointaines  expeditions.  Je  ne  m'6tendrai 
pas  plus  sur  cette  proposition,  qu'il  sufTit  d'exposer. 

A  notre  6poque,  pour  frapper  I'opinion  publique  et 
agir  sur  elle  d'line  manifere  vive  et  durable,  il  est  un 
levier  tout-puissant ;  c'est  ce  Briar6e  aux  cent  bras,  la 
presse.  La  Soci6t6  de  g^ographie ,  employant  cet  in- 
strument, pent  faire  appel  au  pays  par  I'organe  des 
journaux,  qui  s'empresseront  tons  d'ouvrir  leurs  co- 
lonnes.  Elle  pent  surtout  eniettre  elle-meme  des  pu- 
blications diverses  traitant  la  question  dont  je  m'oc- 

cupe 

(Ici  suit  une  proposition  dont  la  commission  centrale 
aurait  k  s'occuper dans  une  de  ses  prochaines  stances.) 

La  propagande  dont  la  Soci6t6  de  geographic  pren- 
drait  ainsi  I'initiative  et  la  direction  rappellera  a  bien 
des  esprits  celle  que  de  nombreuses  societ^s  anglaises, 
institutes  dans  des  buts  differents,  mais  qui  oftrent 
une  grande  analogic,  poursuivent  avec  cette  opinia- 
tret6  et  cette  largeur  de  ressources  qui  caract6risent 
^  les  entreprises  de  nos  voisins  d'outre-Manche.  C'est 
par  des  publications,  faites  h  bas  prix,  quoique  6ina- 
nant  des  meilleurs  6crivainsde  la  Grande-Bretagne,  et 
r^pandues  parmi  le  peuple  avec  une  veritable  profu- 
sion, que  la  Soc'i^t^  for  t/ie  difj'usion  of  the  useful  know- 
ledge, dont  lord  Brougham  est  I'un  des  fondateurs  et 
le  directeur  permanent,  a  fait  faire  de  si  grands  pro- 
grfes  h  I'instruction  populaire  en  Angleterre.  Les  so- 
ci6t6s  bibliques,  celles  de  temperance  et,  dans  une 
autre  sphere  d'idees,  la  grande  ligue  pour  I'abroga- 


(  378  ) 

tion  des  lois  sur  les  c6r6ales,  onl  obtenu  par  le  nieme 
instrument  tout-puissant  les  plus  vastes  r^sultats  et 
accompli  pacifi'quement  des  revolutions  morales  et  po- 
litiques. 

Pour  la  France,  pour  la  Soci6t6  de  g6ographie,  la 
tache  a  remplir  ne  manque  pas  de  grandeur.  Reserver 
11  notre  pays  I'honneur  d'une  des  plus  belles  explora- 
tions qui  restent  encore  a  faire  ;  ouvrir  la  route  entre 
nos  deux  colonies;  soumettre  a  notre  influence,  a  notre 
commerce,  a  la  civilisation,  au  christianisme ,  ces 
vastes  et  fertiles  contr6es,  ou  tant  de  millions  d'hom- 
mes  croupissent  dans  le  plus  abject  et  le  plus  sanglant 
6tatde  d^sordre  :  tons  les  moyens  doivent  etre  accep- 
t6s,  qui  peuvent  conduire  a  d'aussi  importants  r6- 
sultats. 

La  proposition  que  je  viens  d'exposer  n'est  qu'un 
pr61iminaire  aux  mesures  qui  tot  ou  tard  seront  prises, 
pour  6tablir  les  communications  entre  nos  deux  grandes 
colonies  africaiiies  :  communications  dont  la  conve- 
nance  et  la  n6cessit6  meme  sont,  d'aprfes  I'expression 
de  I'illustre  M.  Jomard  (1),  si  6videntes,  qu'on  doit 
insister,  jusqu'a  ce  qu'elle  soit  r6alis6e.  Ces  id6es  et 
ces  projets  sont  rest^s  jusqu'a  ce  jour  a  I'^tat  d'6tudes 
pour  les  esprits  6clair6s,  qui  sont  trop  peu  nombreux ; 
et  il  m'a  sembl6  qu'il  importait  avant  tout  de  popula- 
riser  ces  projets,  en  les  mettant  k  la  connaissance  et  a 
la  port6e  de  la  masse  du  public,  dont  le  concours  pent 
seul  donner  a  leur  execution  une  impulsion  vigoureuse. 

(I)  Voir  Bulletin  de  juin  185t.  —  Instructions  pour  M.  Kaidherbe, 
aujourd'hui  gouverneur  du  S6n(fgal,  et  dont  radmiuistraliou  fera 
^poque  dam  Tbistoire  de  cetlecolonie. 


(  379  ) 

Tel  est  le  but  de  la  proposition  que  je  soumets  k  la 
Society  de  g^ographie. 

Le  9  avril  1859.  LaROCHE. 

NoTA.  J'apprends  par  les  journaux  que  M.  0.  Mac- 
earthy  vient  de  quitter  Paris,  charg6  d'une  mission  par 
le  ministfere  de  I'Alg^rie,  et  qui  est  d' explorer  le  che- 
min  d'  \lger  a  Tombouctou  et  de  cette  ville  au  S6n6- 
gal,  D'autre  part,  et  sans  doute  sur  la  demande  de 
M.  le  commandant  Faidherbe,  le  gouvernement  fait 
construire  a  Toulon  un  bateau  a  vapeur  d'un  tr^s  fai- 
ble  tirage  pour  naviguer  sur  les  affluents  du  S6n6gal 
et  le  haut  Niger.  On  ne  pent  qu'applaudir  a  ces  deux 
r6solutions,  tout  en  regrettant  qu'elles  aient  6t6  prises 
si  tardivement.  II  y  a  dix  ans  que  Richardson  voulut 
associer  k  son  expedition  dans  le  Soudan  un  Francais 
d6ja  connu  par  quelques  explorations  et  appartenant  a 
I'administration  coloniale;  ses  propositions  g6n6reuses 
furent  repoussees.  D6s  1853,  un  armateur  de  Liver- 
pool a  fait  construire  exprfes  et  6quiper  a  ses  frais  le 
steamer  /n  Pleinde,  qui  a  explore  avec  un  remarquable 
succ6s  la  Tchadda.  La  France  a  dans  tons  ces  parages 
des  int6rets  commerciaux  au  moins  aussi  considerables 
que  ceux  de  la  Grande-Bretagne.  Quel  n^gociant  fran- 
cais cependant,  quel  armateur  organiserait  une  expe- 
dition semblable  au  profit  du  commerce  de  son  pays? 
L' intelligence  certes  ne  fait  point  defaut  a  nos  com- 
merfants;  niais  1' opinion  publique  est  rest^e  jusqu'a 
ce  jour  etrang^re  ou  indiffeiente  k  toutes  les  questions 
que  fait  naitre  la  possession  simultan^e  de  I'Algerie  et 
du  Senegal  sur  le  continent  africain. 


(  3S0  ) 


f%iiul;j^scs,    S^apporliM;    etc. 


RAPPORT 

Sur  Voiwrage  de  M.  le  marquis  dc  Blosseville ^  intitule 
HISTOIRE    DE    LA    COLONISATION    P6NALE 


tTABLISSEMENTS   DE    l'aNGLETERUE    EN  AUSTRALIE, 


La  G^ographie,  que  quelqiies  personnes  regardent  a 
tort  comnie  nne  science  n'olTrant  pas  un  grand  int^ret, 
perd  toute  aridity  lorsqu'elle  se  trouve  mel6e  soit  a 
rinstoire,  soit  a  la  statistique  :  de  meme  quelle  sert  in 
expliquer  la  premiere,  elle  est  compl^tee  par  la  seconde ; 
et  son  int6ret  s'accroit  encore  lorsque  la  politique  vient 
lui  preter  son  caractfere  d'actualite.  Cette  heureuse 
fusion  de  plusieurs  branches  des  connaissances  liu- 
mainesne  pr^sentenulle  part  un  ensemble  plus  attrayant 
que  dans  les  questions  qui  se  rapportent  aux  colonies. 
Li,  eneflet,  I'int^ret  qu'olTrent  I'histoire  ou  la  position 
actuelle  des  nietropoles,  augmente  en  proportion  des 
recherches  tendant  a  accliuiater  leurs  populations  sous 
des  temperatures  les  plus  disscmblables  ,  dans  des 
pays  difT^rant  essentiellement  entre  eux. 

Quelques  auteurs  ont  entrepris  d'initier  le  public  & 
ees  int6ressantcs  6tudes  et  ils  ont  6t6  recompenses  de 
leur  peine  par  la  popularit6  sans  cesse  croissante  de 
leurs  travaux.  Parmi  leurs  ouvrages,  le  luoins  remar- 


(  S81  ) 
quable  n'est  certainemenl  pas  celui  de  M.  le  marquis 
de  Blosseville. 

En  entreprenant  1'  Histoii  e.  de  la  colonisation  penale 
et  (les  ctablisscuieiits  de  l' Angleterve  en  Justralie,  cet 
auteiir  a  rendu  un  grand  service,  les  travaux  de  ce 
genre  etant  raalheureusement  trop  rares ;  et,  en  con- 
statant  par  des  fails  acquis  les  r^sultats  produits  par 
tel  on  tel  systfeme,  il  a  epargn6  bien  des  reclierches 
aux  6conomistes  qui  lui  succ^deront. 

L'histoire  des  6tablissenients  anglais  en  Australie 
presentait  a  6crire  une  grande  difticulte  que  son  auteur 
a  heureusement  resolue.  Les  fails  saillanls  faisaient 
presque  absolumenl  d^faul,  el  en  relalanl  les  progrtjs 
successifs  de  ces  6lablissemenls,  progres  pour  lesquels 
chaqueann6e  demandail  une  constatalion  nouvelle,  on 
se  serait  expos6  a  n' avoir  plus  qu'une  froide  nomencla- 
ture, une  sorte  de  diclionnaire,  auquel  des  repetitions 
conslantes,  mais  n6cessaires,  auraient  616  lout  int6ret. 
M.  de  Blosseville  a  su  eviter  habilement  cet  6cueil  en 
divisant  son  livre  en  plusieiu's  parties.  Dans  une  pre- 
miere, il  rend  compte  des  tentalives  de  deportation  qui 
ont  eu  lieu  dans  tous  les  pays,  depuis  les  temps  les 
plus  recalls  jusqu'a  I'epoque  ou  les  Anglais  prirenl 
pied  sur  le  sol  auslralien ;  dans  une  seconde  il  nous 
apprend  quels  sont  les  fails  principaux  qui  ont  precede 
ou  suivi  rarriv6e  des  Anglais  a  Botany -Bay  et  au  port 
Jackson  ;  puis  dans  une  troisieme,  la  plus  eiendue,  et 
celle,  ou,  pour  les  raisons  que  nous  venonsd'enumerer, 
la  monotonie  6lait  le  plus  a  craindre ,  il  a  scinde  ses 
chapitres  d'aprfes  la  lisle  des  gouverneurs,  division  qui 
tient  en  quelque  sorte  lieu  de  jalons  dans  rhistoire 


(  382  ) 

australienne  et  qui  6pargne  bien  des  redites.  Enfin, 
arriv6  i  I'ann^e  1832  ,  il  abandonne  cette  division 
pour  passer  en  revue  les  dilTerents  6tablisseinonts  par- 
venus a  un  degr6  de  prosp6rit6  qui  leur  perniet  de  ne 
plus  r6clamer  les  secours  de  la  mt^tropole.  Cette  revue 
une  fois  faite,  il  ne  s'occupe  plus  que  des  questions  qui 
int6ressent  I'Australie  tout  enti6re ;  c'est  ainsi  :  qu'il 
nous  met  au  courant  des  jugements  contraires  port6s 
soit  en  Angleterre,  soit  en  Australie  sur  la  colonisation 
par  les  convicts  ;  qu'il  constate  les  progr^s  de  I'^migia- 
tion  anglaise,  et  qu'en  dernifere  analyse,  il  nous  fait 
assister  au  d6veloppement  incroyable  que  notre  6poque 
a  vuse  produire  sur  le  continent  australien  et  dans  les 
lies  voisines  par  suite  du  d61ire  resultant  de  la  fifevre  de 
I'or. 

M.  de  Blosseville  termine  son  ouvrage  par  une  sorte 
d'appendice  qu'il  nomme  :  Considerations  generates , 
dans  lequel  ont  trouv6  place  les  projets  et  les  essais  de 
la  France  pour  imiter  1' Angleterre  dans  la  plus  belle 
de  ses  conquetes,  celle  quelle  a  su  faire  sur  la  nature,  • 
au  profit  de  riiumanit6. 

L'histoire  et  la  statistique  tienneiit  dans  ce  travail 
une  large  part,  inais  le  but  de  notre  Society,  comme 
les  limites  de  ce  rapport,  nous  font  un  devoir  i\o  n'y 
toucher  qu'incidemment.  Nous  nous  bornerons  done  k 
extraire  de  ces  deux  int6ressants  volumes  les  notions 
g6ographiques  qu'ils  renferment ,  n'entrant  dans  les 
d6veloppements  liistoriques  ou  economiques  qu'autant 
qu'ils  nous  paraitront  indispensables. 


(  383  ) 

Lorsqu'aprte  le  traits  de  Versailles,  en  1783,  I'An- 
gleterre  eut  reconnu  I'ind^pendance  des  fitats-Unis, 
seshommes  d'fitat  virent  surgir  une  complication  qui, 
bien  que  de  second  ordre,  n'6tait  pas  sans  importance 
pour  I'avenir.  La  deportation  legale  dans  FAm^rique 
anglaise  avait  du  cesser  pendant  la  guerre  et  les  con- 
damn6s  avaient  6t6  internes  sur  des  pontons ,  systfeme 
qui  exigeait  non-seulement  d'^normes  d6penses,  mais 
qui  avait  le  grave  inconvenient  de  laisser  au  milieu  des 
populations  les  malfaiteurs  lib6res.  Bien  des  plans  furent 
proposes  pour  parer  k  cet  inconvenient,  mais  tous  etaient 
plus  ou  moins  defectueux.  Les  dilKrents  partis  ne  s'ac- 
cordaient  que  sur  un  point,  eloigner  k  tout  prix  les 
condamnes  de  la  terre  natale.  En  partant  de  ce  prin- 
cipe,  il  se  pr^sentait  une  nouvelle  difficult^  :  dans  quel 
territoire  pouvait-on  les  d^porter?  Toutes  les  posses- 
sions anglaises  furent  pass^es  en  revue,  mais  on  les 
ecarta  successivement,  les  unes,  parce  que  d6ji  peu- 
piees  de  colons  europeens,  elles  se  refuseraient  certai- 
nement  k  recevoir  de  pareils  immigrants,  les  autres, 
comme  le  Canada  ou  la  Nouvelle-Ecosse  dans  lesquelles 
de  vastes  espaces  etaient  encore  inhabites,  parce 
qu' elles  etaient  trop  voisines  des  fitats-Unis,  et  que, 
secondees  par  une  population  aussi  rerauante  que  les 
condamn^s  liber^s,  on  pouvait  craindre  qu'elles  ne 
suivissent  leur  exemple. 

L'embarras  etait  done  a  son  comble  lorsqu'on  se  sou- 
vint  de  la  grande  terre  australe  que  Cook  (1)  avait  si- 

(1)  On  peut  consulteri  propos  dela  d^couverlepar  lecapitaine  Cook 
de  la  panic  orientale  de  la  Nouvelle- Hollande,  une  notice  de  M.  J.-D. 


(  88/i  ) 

gnal^e  qiielques  ann^cs  aiiparavanl  couime  formant 
nnc  He  immense.  Larade  de  Botany-Bay,  dans  laquclle 
ce  voyageur  avail  relach6,  -^tait  particulierement  re- 
commandee  comine  ofTrant  toutes  les  facilites  desira- 
bles. Une  vegetation  puissante,  I'abondance  des  bois 
et  des  poissons,  la  facilite  de  I'aiguade,  la  commodity 
du  mouillage,  vant6s  dans  ses  r6cits,  donnferent  de  cet 
endroit  I'opinion  la  plus  favorable  et  en  d6terniint;renl 
le  choix  comme  s6jour  alTect6  a  la  deportation. 

L'etat  politique  de  1' Europe  etaitacette  epoque  sin- 
guliferement  propice  aux  vues  de  I'Angleterre,  les 
grands  6venements  qui  se  priparaient  en  France  6taient 
devenus  1' unique  pr6occupation  des  gouvernements 
comme  des  peuples,  et  nul  ne  s'inquietaitde  la  forma- 
tion d'un  petit  etablissement  p^nal  aux  Antipodes.  Ed 
consequence  un  ordre  du  Conseil,  date  du  6  decembre 
1786,  designa  le  siege  du  nouvel  etablissement,  et  le 
capitaine  de  vaisseau  Arthur  Phillip  fut  nomm6  «  capi- 
»  taine  general  et  gouverneur  en  chef  de  tout  le  terri- 
»  toire  appeie  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  s'etendant 
))  depuis  le  cap  York,  ou  extremite  nord  de  la  cote,  par 
))  la  latitude  deiO°  37'  sud,  jusqu'al' extremite  sud,  ou 
»  cap  Sud  de  la  meme  terre,  par  la  latitude  de  43'  39' 
))  sud;  ct  de  tout  I'interieur  du  pays  a  I'ouest,  jusqu'au 
»  135'  degre  de  longitude  est,  en  comptant  du  meridien 
»  de  Gi'eenwich,  sans  en  exceptor  ni  le^  iles  adjacentes 
»  de  I'ocean   Pacifique,  entre  les  latitudes  ci-dcssus 

Barl)i('  du  Borage  sur  un  manuscrit  de  la  biblollK'qiie  Je  M.  le  prince 
de  Talleyrand,  nniiie  lue  en  sesame  publique  de  lluslitut,  le  3  juillet 
1807,  oil  il  esl  deniuulrd  que  ceUe  cdie  avail  et^  recoQDuedei  1525 
par  les  rortugais. 


(  385  ) 
')  cl6taill6es,  ni  les  villes,  ganiisons,  citadelles,  forts  ou 
»  autres  fortifications  et  ouvrages  militaires  qui  pour- 
')  raient  etre  61ev6s  par  la  suite  sur  le  territoire  ou  sur 
»  quelques-unes  des  iles  enclav^es  dans  cette  prise  de 
»  possession.  » 

Depuis  la  iameuse  bulle  d' Alexandre  VI,  jamais  pa- 
reil  envahissement  n'avait  6t6  commis  par  aucun  peuple, 
et  I'Angleterre  sentait  tellement  I'iniportance  d'un  pa- 
reil  acte,  qu'elle  en  fitun  secret  d'lfetat.- Le  nionde  civi- 
lise ne  le  connut  que  16  ans  apr^s  la  prise  de  posses- 
sion. 

Toute  intervention  europ6enne  cMant  done  6cart6e, 
les  hommes  d'Etatde  la  Grande-Bretagne  n'eurentplus 
k  se  pr^occuper  que  des  obstacles  mat^riels  qui  pou- 
vaient  nuire  a  leurs  projets ;  et  le  premier  coiivoi  en 
destination  de  I'Australie,  compose  de  11  navires,  por-' 
tant  outre  le  materiel  et  les  approvisionnements  ueces- 
saires,  un  personnel  de  565  hommes,  192  femmes  et 
18  enfants,  extraits  des  prisons,  plus  265  passagers  ou 
soldats,  en  tout  10^0  personnes,  mit  a  la  voile  le 
13  mai  1787.  II  se  trouva  r^uni  a  Botany-Bay  au  mois 
de  mai  de  I'ann^e  suivante. 

Le  pays  dans  lequel  cette  expedition  allait  aborder 
6tait  loin  de  presenter  I'aspectseduisant  que lui  avaient 
attribue  les  r^cits  de  Cook,  Banks  et  Solander.  Aussi, 
dit  M.  de  Blosseville,  <,  le  Gouverneur  Phillip  chercha- 
))  t-il  en  vain  ces  belles  prairies,  cette  terrfr  f^conde  et 
»  bien  arros^e,  dont  la  description  avait  determine  le 
..  choix  de  I'Angleterre.  Partout,  il  est  vrai,  s'offraient 
»  a  ses  regards  des  paysages  pittoresques  et  des  sites 
»  enchanteurs;  mais  il  demandait  un  sol  propre  a  I'agri- 

XVII.    MAI   ET   JUIN.    5.  2(3 


(  386  ) 

»  culture  et  ses  yeux  ne  rciicontraient  qu'un  sable 
»  arlde  ;  il  demandait  des  patnrages  fcrtiles,  et  ne  de- 
))  couvi'ait  que  des  mar6cages  entretenus  par  les  eaux 
H  saumatres  de  la  riviere  Cook ;  inmienses  uiar^cagcs, 
»  aussi  profonds  qu'insalubrcs.  Plus  loin,  le  terrain  pa- 
I)  raissait  devoir  etre  moins  rebelle  aux  travaux  de  I'a- 
1)  griculteur ;  mais  le  manque  d'eau  douce  pr6sentait 
»  un  nouvel  obstacle  k  I'^tablissement  projett^.  La  bale 
»  elle-meaie,  cette  bale  si  vant^e  pour  la  surety  dn 
»  mouillage,  6tait  obstru6e  par  de  grands  bancs  de  vase 
»  et  n'oflrait  pas  assez  de  profondeur.  Bien  que  spa- 
V  cieuse,  elle  exposait  les  navires  a  tous  les  dangers 
I)  d'une  rade  ouverte.  Les  chefs  de  rexpedition  recon- 
B  nurent  avec  douleur  que,  malgr6  son  exactitude  ordi- 
')  naire,  Cook  s'^tait  beaucoup  trop  abandonn6  k  son 
»  imagination  dans  la  description  de  Botany-Bay.  » 

II  falhit  done  chercher  sur  la  cote  orientale  de  1' Aus- 
tralie  une  position  plus  convenable  pour  la  formation 
d'un  premier  etablissement.  Les  cartes  de  Cook  indi- 
quaient  a  16  milles  dans  le  nord  de  Botany-Bay,  une 
anse  nomm6e  port  Jackson,  du  nom  d'un  obscur  ma- 
telot;  Quelques  clialoupes  y  furent  envoycies  et  les 
hommes  qui  les  montaient  revinrent  emerveill^s,  racon- 
tant  qu'ils  avaient  d^couvert,  non  pas  une  petite  anse 
ou  des  bateaux  pourraient  trouver  un  abri,  mais  un 
immense  bassin  ou  dans  des  eaux  bleiies,  tranquilles 
et  profondes,  pourraient  manoeuvrer  toutes  les  flottes 
de  I'univers. 

Apr6s  une  courte  exploration ,  Philipp  cnthousiasm6 
de  la  beaute  du  port  Jackson,  quoique  le  sol  environ- 
nant  n'y  fut  pas  beaucoup  plus  fertile  qu'k  Botany- 


(  887  ) 

Bay,  ph6nomfene  commun  du  reste  i  presque  tout  le 
littoral  de  la  Nouvelle-Galles  jusqu'^  pliisieurs  milles 
dans  I'int^rieur,  prit  sur  lui  de  placer  sur  ces  rivages 
la  ville  qui  devait  devenir  le  si6ge  de  la  nouvelle  colo- 
nie,  h.  laquelle  il  donna  le  nom  delord  Sydney. 

Au  moment  oii  la  flottille  anglaise  allait  quitter  Bo- 
tany-Bay pour  entrer  dans  le  port  Jackson,  deux  voiles 
parurent  a  I'liorizon.  On  les  prit  pour  des  vaisseaux 
hollandais  venant  s'opposer  k  la  formation  d'une  colo- 
nie  sur  des  rivages  dont  ils  pouvaient  revendiquer  la 
possession,  mais  cette  crainte  s'6vanouit  bientot  quand 
on  reconnut  les  deux  navires  francais  I'  Jstrolabe  et  la 
Boussole,  qui,  SOUS  le  commandement  de  La  Peyrouse, 
poursuivaient  au  profit  de  la  science  leur  grand  voyage 
de  circumnavigation,  Ainsi,  la  fm  de  la  meme  journ6e 
vit  entrer  les  frigates  de  La  Peyrouse  a  Botany-Bay  et 
les  fondateurs  de  I'empire  australien  au  port  Jackson. 
Les  commencements  del'^tablissement  anglais  furent 
singuliferement   difficiles ,    les    convicts    amends    en 
Australie  avaient  6t6  en  grande  partie  choisis  parmi  les 
malfaiteurs  de  Londres,  et  les  agriculteurs  faisaient 
presque  absolument  defaut.   La  maladie  avait  atteint 
un  grand  nombre  des  membres  de  I'exp^dition,  Beau- 
coup  de  bestiaux  avaient  p6ri  pendant  la  travers6e.  A 
ces  pertes  se  joignaient  celles  que  pouvaient  causer 
des  d6sertions  nombreuses  dont  la  suite  naturelle  dans 
un  pays  inconnu  et  inculte  6tait  la  mort  du  d^serteur. 
D6s  le  principe,  le  gouverneur  Phillip  dut  6tablir 
une  cour  de  justice  civile,  line  cour  de  justice  crimi- 
nelle  fut  ^galement  cr66e.  En  peu  de  temps,  cette  der- 
ni^re  eut  h.  prononcer  de  nombreuses  condamnations, 


(  388  ) 

et  la  jeune  colonie  dut  chercher  k  (Eloigner  de  son  sein 
ses  propres  malfaiteiirs.  Dans  ce  but,  die  devint  elle- 
meme  m^tropole  et  la  petite  ile  Norfolk,  de  6  millcs  de 
longsur  2  1/2  de  large  situ6eau  nord-onest  dela  Nou- 
velle-Zeiande  k  300  lieues  de  Botany-Bay,  futalVect^e 
k  cette  destination.  Sa  salubrity,  la  f6condit6  du  sol  el 
la  beaut(i  de  la  v(jg6tation  larecommandaient  suftlsam- 
ment. 

La  plus  grande  difficulie  centre  laquelle  Phillip  eut 
k  lutter  dans  les  premiers  moments,  fut  le  manque  de 
vivres.  Les  bestiaux  amenes  d'Angleterre  diminnaienl 
sensiblement ;  quel({ue3-uns  etaienl  morts  demaladie, 
quelques  antres  avaient  pris  la  I'nite  dans  cette  con- 
tree  encore  inconnue  ou  il  n'6tait  pas  possible  de  les 
poursuivre. 

L' administration  des  vivres  manquait  de  surveillants, 
il  falhit  en  choisir  parmi  les  convicts  eux-memes,  et, 
de  li,  prirent  naissancc  des  vols  et  des  pillages  sans 
nombre. 

Les  pcuplades  indigenes  dont  on  avait  espere  tirer 
quelques  secours  pour  seconder  1' extension  des  cultures, 
se  refusaient  a  toute  esp6ce  de  travaux.  L'amiee  1790, 
entre  autres,  commenca  sous  de  Iristes  auspices,  I'An- 
gleterrc  semblait  avoir  abandonn6  sa  jeune  colonie,  et 
depuis  deux  ans,  pas  un  naviie  europ6en  n'6tait  arrive 
en  Australie.  La  tlisclle  se  fitsentii',  il  fallut  diminuer 
autant  que  possible  les  rations  et  cnvoyer  un  grand 
nombre  de  convicts  a  I'ile  Norfolk  ou  les  r6coltes  avaient 
6t6  plus  abondantes.  Sydney  n'olTrit  bient6t  plus  que 
le  triste  spectacle  d'un  village  depeupk'"  par  la  famine. 
Enfin,  le  20  juin  1790,  plusicurs  vaisseaux  charges  de 


(  389  ) 

vivres,  d'animaux  domestiques  et  de  colons,  entrferent 
au  port  Jackson  et  les  privations  cess^rent.  Les  travaux 
commences  furent  repris,  et  d6s  lors  s'ouvrit  pour  la 
colonic  une  fere  de  prosp6nt6.  Onvit  s' Clever  a  Sydney 
plusieurs  maisons  particuliferes  et  qnelques  Edifices 
publics,  autour  desquels  se  groupaicnt  des  cabanes 
construites  par  les  convicts.  Les  demandes  de  conces- 
sions augmentferent.  Cette  nieme  ann6e  fut  cependant 
signalee  par  une  mortality  effrayante  eu  egard  au  petit 
nombre  des  habitants.  On  compta  159  d^c6s,  la  plu- 
part  causes  ])av  la  maladie  ;  mais  la  mort,  en  frappant 
presque  exclusivement  sur  les  nouveaux  d6barqu6s, 
prouva  bien  plus  une  absence  presque  enti^re  de  pre- 
cautions sanitaires  a  bord  des  vaisseaux,  que  1' insalu- 
brity du  pays. 

On  doit  signaler  aussi  comnie  un  des  obstacles  au 
d6velopperaent  de  la  colonisation  le  nombre  tonjours 
croissant  des  desertions.  Beaucoup  de  convicts  quit- 
taient  secr^tement  la  colonic,  soit  qu'ils  trouvassent 
moyen  de  se  cacher  k  bord  des  navires,  soit  qu'ils  fus- 
sent  pouss6s  par  Tid^e  inv6ter6e  chez  eux,  qu'en  sui- 
vant  les  cotes  vers  le  nord,  on  pouvait  gagner  par 
terre,  soit  la  Chine,  soit  I'ile  Timor.  Cette  pens^e  etait 
surtout  r^pandue  chez  les  convicts  irlandais. 

Quant  aux  indigenes,  les  relations  entretennes  avec 
eux  par  les  colons  furent  pen  fr^quentes,  lacrainteles 
eiojgnait  du  centre  de  la  colonic,  et  il  fallut  employer 
la  force  pour  en  amener  qnelques- uns  a  Sydney  et 
essayer  de  les  civiliser.  On  n'obtint  du  reste  aucun 
succfes,  et  quand  par  hasard  ils  s'approchaient  des  eta- 
blissements,  c'6tait  presque  toujours  dans  le  but  de 


(  390  ) 

commettre  quelques  vols,  bientOlsuivis,  de  la  part  des 
convicts,  de  sanglantes  repr6saillGs  qui  Icur  faisaient 
fuir,  de  plus  en  plus,  le  contact  des  Europ6ens.  Les 
naturels  ont  lapeau  noire,  moins  fonc6e  cependaut  que 
celle  des  Africains,  leur  front  est  plus  61ev6,  leur  nez 
plus  preeminent,  leursl^vres  moins  epaisses,  leur  corps 
est  plus  grele  et  moins  musculeux  :  ((  D'hypotli6se  en 
n  hypoth^se,  dit  M.  de  Blosseville,  on  en  est  venu  k 
»  pen  pr6s  d' accord  h.  adniettre  une  suite  de  migrations 
»  qui  donne  pour  ancetres  ou  pour  fr6res  aux  naturels 
»  de  I'Australie,  les  Alfourous  et  les  Endam6ncs  des 
))  hautes  terres  de  la  Malaisie,  peut-etre  meme  de  Ma- 
il dagascar,  en  se  r6pandant  de  proclic  en  proclie  des 
»  Nouvelles-Hebrides  alaNouvelle-Calctidoine,  etde  la 
»  Nouvelle-Guin6e  au  continent,  par  le  d6troit  de  Tor- 
»  r6s,  d'ile  en  ile,  d'6cueil  en  6cueil.  Mais  ces  conjec- 
))  tures  n'ollVent  rien  de  tr6s  satisfaisant  a  I'esprit;  et 
»  Ton  se  demande  comment  cette  race  d'hommes  dilTiire 
»  autant  des  insulaires  cuivr6s  du  grand  Archipel  d' Asie 
»  et  de  la  plupart  des  groupes  polyn6siens  (1).  » 

D'autres  autcurs,  comme  M.  Agassiz,  qui  repoussent 
les  traditions  bibliques,  admettcnt  que  les  Australiens 
sont  une  race  k  part,  n6e  surle  sol.  Quoi  qu'il  ensoit, 
au  point  de  vue  physique,- comme  au  point  de  vue 
moral,  les  indigenes  de  I'Australie  sont  classes  paries 
naturalistes  au  dernier  degre  de  I'ecbelle  humaine. 


(1)  L'hypothese  qui  fprait  vpnir  les  Aiislralims  de  Madajiasrar,  nous 
gemble  d'autant  moins  fondce,  qu'au  contraire,  uup  partie  do  la  po- 
pulaiioH  de  celte  j^raude  ile  representee  par  les  Hovas  et  les  Uelsil^os 
eil  ^videmment  venue  de  la  Malaisie. 


(  391  ) 
Le  11  d6cembre  1792,  aprfes  cinq  ann^es  d'exercice, 
le  gouverneur  Phillip  quittait  la  colonie  qu'il  laissait  en 
pleine  voie  de  prosp6rit6.  lleut  pour  successeur  le  major 
Grose,  sous  lequel  I'^tablissenient  anglais  continua  4 
se  d6velopper.  Les  cultures  s'^taient  etendues  au  point 
de  suffire  a  la  nourriture  des  colons  1^'ile  Norfolk  put 
meme,  a  un  moment  donn6,  exporter  un  exc6dant  de 
r6coltes ;  et  lorsqu'en  1795,  Hunter,  qui  avait  com- 
niand6  un  des  vaisseaux  de  la  premiere  expedition, 
revint  en  Australie,  comme  gouverneur,  apres  cinq 
ann6es  d' absence,  il  fut  a  meuie  de  constater  une  ame- 
lioration graduelle,  beaucoup  plus  sensible  qu'un  si 
court  espace  de  temps  ne  pouvait  le  faire  supposer ; 
mais  il  dut  remarquer  aussi  I'existence  de  nombreux 
abus.  Le  vice  de  I'ivrognerie  avait  pris  surtout  chez  l^s 
convicts  des  proportions  eflVayantes.  II  fallut  restre^;^ 
dre  a  uu  tr6s  petit  nombre  d'individus  le  drQi,t,^e^,YeMdue 
les  spiritueux,  qui  avait  donn6  lieu  a  (Je^^^pecnlat^oiis 

dangereuses  pour  la  sant6  publiqw^^^^r,  n  :'f9brtfimraoo 
Les  convicts  liber6s  forpi^rent  ,p€n4&ixt,.  Ipp^t^mps 
un  des  plus  grands  obsta,Qles  au  developpenient  <ie.ia 
colonie  ,  et  un  element  permanent  de  rdesordr^^  •  a 
peine  leur  temps,  fini,  ilsa"eJusaij^jiJ,-,tQiJ.t;tra-y;aiJ.^..q'.,^- 
pirant  qii'a  quitter  FAustralie,  pour  ri^tp_u^-iigr;e}i  ^p- 
gleterre ,_  recom|uei)cer  la .  vi^  tl^  f  f^"f^^9 ;  ^4  ^^^^^clie 

n  hommesr  dit  M.  de  Blosseville,  ejis,sent,6t6  bien  con- 

»  vaincus  de  la  ni6cessit6  de  terminer  leurs  ioui-s  a  la 

-r<^i  :  :  ".-i'!'^-;  ",   •■'!  ,0  'i^rn  '^o  '':i':a  ruf  n  3oaoj=?i:'^  !  mot 

»  Nouvelle^Galles,  Jls  auraient  tons  form6  fles  etablis- 

,>^meiite  durably  ,.>^^^  j^^  ^^a^sami  fiJ?  ah  qnoh  nn 
Les  indigenes  aussi  6taient,   pour  les  autbrit^s,  la 


(  392  ) 

cause  de  graves  preoccupations ;  tour  k  tour  amis  ou 
ennemis  des  Anglais,  ils  ont  dt>ploy6  dans  toutes  les 
circonstances  un  caract6re  jaloux ,  vindicatif  ct  tur- 
bulent. Quclques  enfants  du  pays,  pris  ct  61cv6s  par 
les  colons,  leurdonnaient  autant  denial  que  leuis  com- 
patriotes  les  plus  sauvages.  Notre  auteur  cite  nieme  ce 
fait  :  Un  jeune  indigt;ne,  connu  sous  le  nom  de  Bennil- 
long,  instrait  par  les  Anglais  eth  moiti6civilis6,  partit 
pour  I'Angleterre  avec  Phillip.  Revenu  avec  Hunter,  il 
se  montra  aussi  turbulent  que  le  dernier  des  indi- 
genes. 

JusquW  I'ann^e  1797,  les   notions  g6ograpliiques 
des  colons  sur  I'Australie  ne  s'6tendaient  qu'a  quel- 
ques  milles  dans  Tint^rieur ;  et  sur  les  cotes,  outre  les 
d6couvertes  de  Cook,  que  mSnie  ils  n'avaient  pas  v(^ri- 
fi6es,  elles  se  bornaient  k  quelques  baies  ou  havres 
tout  a  fait  voisins  de  Port-Jackson.  Hunter  fut  le  pre- 
mier gouverneur  qui  fit  quelques  efforts  pour  amener 
la  connaissance  du  pays  dans  lequel  il  6tait  appel6  k 
commander ;  il  donna  ainsi  quelque  activity  aux  voyages 
de  d6couvertes.  Le  lieutenant  Bowen  p6n6tra  dans  la 
baie  de  Jervis,   d6ji  indiquee  par  Cook  et  situ(5e  un 
peu  au  sud  du  35"  latitude  sud,  et  MM,  Grimes  et 
Broughton  signalerent  le  port  Stephen  vers  le  nord  du 
33°  latitude  sud. 

L'ann6e  suivante,  les  deux  plus  intr6pides  explora- 
teurs  de  la  nouvelle  colonic,  Bass  et  flinders,  que  des 
voyages  pr6c6dents  avaient  mis  a  menie  de  soupcon- 
ner  I'existence  d'un  bras  de  mcr  entre  la  terre  de  Van- 
Diemen  et  I'Australie,  parti  rent  du  port  Jackson,  sur 
un  sloop  de  25  tonneaux,  qui  leur  fiU  confi6  par  le  gou- 


(  393  ) 

verneur.  lis  avaient  pour  mission  de  traverser  le  d6- 
troit  qu'ils  pensaientexister  entre  I'Australie  et  laterre 
de  Van-Diemen  ;  de  plus,  ils  devaient  revenir  a  Syd- 
ney, en  contournant  cette  derni^re.  Aprfes  une  navi- 
gation p6nible,  ils  franchirent  en  effet  le  d^troit,  et  le 
11  Janvier  1799,  apr^s  avoir  suivi  I'itint^raire  indiqu6, 
ils  ^taient  de  retonr  a  Sydney.  Hunter  donna  a  leur 
d^couverte  le  nom  de  d6troit  de  Bass.  Peu  de  temps 
apr6s,  Flinders,  toujoursinfatigable,  poussases explora- 
tions jusqu'aux  baies  reconnnes  par  Cook,  de  Glass- 
House  ou  Moreton  entre  26"5Zi'et  27"  lili'  latitude  sud, 
et  d'Hervey,  par  25°  latitude  sud. 

Le  "28  septembre  1800,  le  gouverneur  Hunter  s'em- 
barqua  pour  retourner  en  Angleterre,  laissant  la  colo- 
nic d^k  sure  de  I'avenir.  L'ordre  r^gnait  dans  les  6ta- 
blissements.  Un  fort  avait  6t6  construit  et  arm6  a  Sydney. 
Les  convicts  perdaient  peu  apeuleurs  babitudes  de  pa- 
resse  et  s'adonnaient  davantage  a  1' agriculture.  Un  cer- 
tain nombre  de  colons  libres  avaient  form6  des  etablisse- 
ments.  Les  troupeaux  s'etaient  notablement  accrus. 
Quelques  explorateurs  avaient  commence  a  p6n6trer 
dans  I'interieur  du  pays  et  plusiei:rs  routes  avaient  et6 
trac6es.  Un  certain  nombre  de  navires  de  commerce, 
attires  par  des  speculations  particuli^'res,  atterrissaient 
chaque  ann6e  au  port  Jackson.  Hunter  fut  remplac6  par 
le  capitaine  Pbilip  Gidley  King,  de  la  marine  royale, 
qui  avait  le  premier  rempli  les  fonctions  de  surinten- 
dant  et  commandant  de  I'ile  Norfolk. 

Pendant  que  King  gouvernaitla  colonic,  en  1800,  le 
lieutenant  Grant  explora  la  cote  nieridionale  de  la  Nou- 
velle-Hollande  et  donna  son  nom  au  territoire  qui  s'6tend 


394  ) 

entre  le  port  Western  et  le  cap  Norlhiimberland. 
Vers  la  meme  6poque,  le  capitahio  Nicolas  Baxulin, 
de  la  marine  francaise  (1),  commandant  les  navires 
le  Natura/iste  et  le  Geoifrap/ie,  vint  aborder  au  cap  Leeu- 
vviu  sur  la  cote  occidentale  du  continent  et  visita  suc- 
cessivement  la  bale  du  Geograplic,  I'ile  Rotte-Nest,  la 
riviere  des  Cygnes  (Swan  river),  la  baie  des  chiens 
marins  ^Shark  Bay)  oil  se  trouvent  la  peninsule  P6ron 
et  les  goll'es  Hanielin  etFreycinet,  puis  la  terre  d'Edel, 
celle  d'Endragt,  celle  de  Witt  et  enfin  I'ile  Timor.  — 
II  repartit  bientot  de  ce  dernier  point  et  arriva  le  13  Jan- 
vier ISOl  au  sud  de  la  terre  de  Van  Diemen,  dont  il 
visita  les  parties  sud,  sud-est  et  est ;  puis,  traversant 
les  detroits  de  Banks  et  de  Bass  dans  lesquels  il  laissa 
le  Natura/iste,  il  visita  avec  le  Geo<;rnfjlie\a  partiealova 
inconmie  des  c6tes  m^ridionales  de  1' Australie  comprise 
entre  le  cap  Northumberland,  limite  occidentale  "des 
decouvertes  de  Grant,  et  les  lies  Saint-Pierre  et  Saint- 
Francois.  11  imposa  a  touts  cette  6tendue  de  cotes  le 
nom  de  terre  Napoleon,  niais  les  Anglais  ont  depuis 
efl'ac6  ce  nom  et  divise  cette  c6te  en  deux  parties ;  ils 
ont  laiss6  a  la  premifere,  qui  s'6tend  entre  la  baie  de  la 
D6couverte  et  le  cap  Jervis,  le  nom  de  terre  Baudin, 
tandis  qu'ils  ont  nomm6  la  seconde,  terre  Flinders.  — 
Au  dela  du  cap  Jervis,  Baudin  signala  I'ile  Decr6s  que 
les  Anglais  nomment  I'ile  du  Kangaroo,  et  il  entrevit 
lesgolfes  Saint-Vincent  et  Spencer  dans  lesquels  le  trop 
grand  tirant  d'eau  de  son  navire  ne  lui  permit  pas  de 
p6n6trer.  En  passant  au  cap  .Monge,  il  avail  rencontr6 

(I)  Qu'il  ne  faul  pas  confoadre  avec  lamiral  de  ce  nom. 


(  395  ) 

Flinders  qui,  mont6  sur  r Investigator,  faisait  pour  le 
compte  de  I'Angleterre  le  meme  voyage,  mais  en  sens 
inverse.  De  retourau  port  Jackson,  Baudin  s'empressa 
de  freter  une  petite  goelette  nomm6e  la  Casuari/ia; 
confi6  k  M.  Freycinet,  ce  navire  p6n6tra  dans  les  deux 
golfes  Saint-Vincent  et  Spencer,  qui  recurent  les  noms 
de  Josephine  et  de  Bonaparte,  qu'ilsont  perdus  depuis. 

C'est  pendant  le  gouvernement  de  King ,  que  les 
Anglais  formferent  leurs  premiers  etablissements  sur  la 
terre  de  Van-Diemen  ou  Tasmanie.  Le  lieutenant  Bowen 
y  installa  quelques  colons  sur  les  rivages  du  Derwent, 
nom  anglais  donn6  a  la  riviere  que  d'Entrecasteaui 
avait  le  premier  nomm6e  rivifere  du  Nord. 

Un  peuplus  tard,  en  mars  180/1,  le  lieutenant  gou- 
verneur  Collins  partit  de  Sydney,  dans  le  but  de  con- 
duire  une  expedition  coloniale  au  port  Phillip  dans  le 
sud  de  la  Nouvelle-Galles ;  mais  ayant  trouv6  le  sol  plus 
ingrat  sur  ce  point  qu'on  ne  le  supposait,  il  changea 
sa  destination  et  conduisit  6galement  les  colons  dont  il 
s'6tait  charg6  sur  les  rivages  du  Derwent,  un  pen  plus 
au  nord  que  I'^tablissement  form6  par  le  lieutenant 
Bowen.  La,  il  jeta  les  fondements  d'Hobart-town.  A 
peu  pr6s  vers  la  meme  6poque,  ladifficult6  de  la  navi- 
gation autour  de  I'ile  Norfolk,  son  peu  d'6tendue  et  les 
ravages  causes  par  de  trop  grands  vents  ayant  engag6 
le  gouvernement  a  d6cr6ter  son  abandon,  les  colons  qui 
la  peuplaient  furent  transport's  au  port  Dalrymple  a 
r embouchure  de  la  rivi6re  Taniar  dans  la  terre  de  Van- 
Diemen  ou  ils  formferent  T'tablissement  de  York-town 
dans  des  conditions  bien  plus  avantageuses  qu'a  I'ile 
Norfolk. 


(  390  ) 

En  1800,  aprfes  six  annees  d'exorcice,  King  retonrna 
en  Augleterre.  Son  successcur  fiit  lo  capitaine  A\'illiam 
Bligli  que  sa  fermet^  excessive  fit  bientot  detester  par 
tousles  habitants,  colons  libres,  niilitaires  ou  convicts. 
Son  manque  de  respect  pour  les  droits  individuels  et  le 
systtjme  de  rigueur  outr^c  f[u'il  employa,  amenferent 
bientot  une  conspiration  militaire.  Saisi  paries  revokes, 
11  fill  mis  en  ])risoi!  et  cmbarqij6  pour  la  Grande-Bre- 
tagne;  niais,  chose  remarquable  ,  nialgre  la  revolte, 
I'ordre  ne  cessa  pas  un  instant  de  regncr  dans  la  colo- 
nic, oil  Ton  commencait  a  connaitre  le  prix  du  temps. 

L'ann6e  1810  vit  arriver  le  lieutenant-colonel  La- 
chlan  Macquarie,  5«  gouverneur.  Ln  recensement  fait 
a  cette  ^poque  donne  10  Z|5/i  habitants  a  la  Nouvellc- 
Galles,  dont  ?.220  femmes  et  2721  enfants  ;  parmi  cos 
derniers ,  pr6s  des  deux  tiers  6taient  illegitimes. 
21000  acres  de  terre  avaient  6t6  mis  en  culture  et 
14  000  convertis  en  paturages;  le  nombre  des  betes  a 
laine  atteignait  26  000,  celui  des  betes  a  cornes  1 2  500, 
celui  des  chevaux  1200.  On  comptait  en  outre 
1321  habitants  a  la  terre  de  Van-Diemen  et  173  k  Tile 
Norfolk. 

Loin  de  ressembler  a  son  pred^cesseur,  Macquarie 
6tait6claire,  affable,  populairo  et  avided'auK^liorations. 
II  essaya  encore  une  iois  d'initicr  Ics  indigenes  a  la  ci- 
vilisation. Pour  y  parvenir,  il  cr('!a  un  village  modelc 
ou  des  concessions  defrichi^es  furent  donn6es  k  des 
Australiens,  avec  tout  le  materiel  n^cessaire  etun  chef 
pris  parmi  eux.  Cette  tentative  n'eut  pas  un  mcilleur 
succ^s  que  les  pr6c6dentes. 

Au  moment  ou  Macquarie  prit  les  rfenes  du  gouver- 


(  397  ) 

nement,  le  pays  n'^tait  pas  encore  connu  au  dela  des 
Montagues  bleues,  chaine  qui  court  paralltjlement  h.  la 
cote  est,  a  une  profondeur  dans  les  terres  variant  entre 
50  et  100  milles.  La  colonic  n'occiipaitqu'nn  espace 
de  80  milles  du  nord  au  sud,  et  de  ZiO  de  Test  kl'ouest; 
mais  son  territoire  allait  bientot  s'etendre.  En  1813, 
le  lieutenant  Lawson,  Blaxland  et  "\^'entwortll  trou- 
v6rent  un  passage  a  travers  les  Montagnes  bleues.  Peu 
aprfes,  le  sous-ing6nieur  Ewans  p6n6tra  au  dela  de  ces 
montagnes  jusqu'a  100  milles  de  ce  passage.  Une  route 
fut  immediatement  entreprise  dans  cette  direction,  et 
d6s  1815,  les  voitures  chargees  pen^traient  au  deli 
des  montagnes.  Macquarie  explora  cette  route  et  ayant 
6t6  s6duit  par  la  beauts  et  la  fertilite  du  pays,  il  jeta 
sur  les  bords  d'une  rivifere  qui  porte  son  nom  et  qui 
coule  du  sud-est  au  nord-ouest  les  fondements  de  la 
ville  de  Bathurst,  capitale  d'une  nouvelle  province. 

La  fondation  de  Bathurst  donna  une  grande  impul- 
sion aux  voyages  de  decouvertes  dans  I'interieur.  En 
1817,  I'inspecteur  g6n6ral  Oxley  partit  de  cette  ville, 
dans  le  but  de  determiner  le  cours  de  la  riviere  Lach- 
lan,  et  de  reconnaitre  si  elle  se  jetait  dans  un  lac  ou 
dans  la  mer.  II  put  suivre  ce  cours  d'eau  dans  la  direc- 
tion de  I'ouest,  jusqu'aux  environs  du  1Z|7'  longitude 
est  de  Creenvvich ;  mais  des  marais  1' ayant  arrets  en 
cet  endroit,  il  dut  descendre  assez  loin  dans  le  sud, 
pour  remonter  ensuite  au  nord,  oii  il  retrouva  le  Lacli- 
lan,  vers  33"  20'  latitude  sud.  A  partir  de  ce  point,  il 
suivit  encore  cette  rivifere  dans  la  direction  sud-ouest, 
jusqu'a  de  nouveaux  et  immenses  marais  situes  par 
34°  latitude  sud,  entre  liS"  et  Ihlx"  longitude  est.  Ne 


(  398  ) 

pouvant  cette  fois  les  tourner  6.  cause  de  leiir  6tendue, 
il  revint  sur  ses  pas ;  cependant,  au  lieu  de  repasser 
au  sud  da  Lachlan,  il  reraonta  an  nord-est,  jusqu'i  la 
riviere  i\Iac([uai-ie,  d'oi  il  gagna  Bathurst,  sans  avoir 
d6couvert  de  fleuve  navigable  ayant  son  embouchure 
dans  r Ocean,  mais  en  rapportant  des  documents  pr6- 
cieux  pour  la  colonisation  future  des  pays  qu'il  avait 
parcourus. 

Au  moment  ou  Oxley  suivait  les  rives  dn  Lachlan, 
une  autre  expedition,  commandee  par  le  lieutenant 
Phillip  Parker  King,  fils  du  troisi^me  gouverneur  de 
la  Nouvelle-Galles,  longeait  les  cotes  nord  et  nord- 
ouest  de  I'Australic  pour  reconnaitre  les  embouchures 
des  fleuves.  A  peine  de  retour  de  ce  voyage  qui  avait 
dur6  sept  mois,  Ring  repartit  pour  le  nord,  iraversa 
le  d6troit  de  Torres  et  d6couvrit  la  riviferc  Livei'pool  et 
le  golfe  de  Caml^ridge.  Dans  une  troisieme  exploration, 
il  parcourut  la  cote  nord-ouest,  de  I'ile  Cassini  a  la 
rivifere  du  Prince-Regent,  et  enfni,  dans  une  quatrieme, 
la  plus  importante,  il  passa  de  nouveau  par  ]e  detroit 
de  Torres,  visita  toute  la  cote  nord,  puis  alia  relacher 
a  I'ile  do  France,  Aprtis  six  semaines  de  s6jour  dans 
cette  colonic,  il  revint  au  port  du  Roi  Georges,  d'oii  il 
parcourut  toute  la  cote  ouest,  jusqu'a  I'ile  Rotte- 
Nest. 

Dans  les  derniers  temps  de  son  gouvcrnoinent,  Mac- 
quarie,  voulant  etendre  les  limites  de  la  colonic,  forma 
un  d6p6t  de  convicts  dans  le  port  auquel  on  a  donn6 
son  nom,  au  nord  de  Port-Jackson,  a  I'enibouchure  de 
la  riviere  Hastings.  Enfin,  cet  homme,  dont  la  m6- 
moire  est  rest6e  I'une  des  plus  v6n6r6es  en  Australie, 


(  399  ) 

quitta  ce  pays,  aprfes  douze  ann6es  d'exercice.  II  mou- 
ruten  Angleterre,  en  182/1. 

Un  recensement  fait  en  1821,  pen  de  temps  aprfes 
son  depart,  donna,  pour  les  6migr6s  volontaires  et  pour 
les  convicts  6mancip6s,  un  total  de  12  608  hommes, 
3/122  femmes,  et  pour  les  convicts  des  deux  sexes  un 
nombre  de  13  81  A,  plus  722/i  enfants :  total  g6n6ral, 
37  068  habitants.  II  y  avait  alors  dans  la  colonie  prfes 
de  200  000  betes  a  laine  et  /iOOO  chevaux. 

M.  le  marquis  de  Blosseville  consacre  les  premiers 
chapitres  de  son  second  volume  al'esquisse  d'un  tableau 
de  r^tat  social,  de  I'administration,  du  commerce  et 
des  progres  agricoles  de  la  colonie  de  1822  a  1831. 
II  nous  montre  la  civilisation  se  d^veloppant  rapide- 
ment  dans  cette  soci6t6  nouvelle  oil  les  diff^rents  cultes 
chr6tiens  commencent  a  s'organiser;  oil,  sous  reffort 
combin6  des  souscriptions  particuli^res  et  des  6pargnes 
du  tr6sor,  on  voits'elever  pourainsi  dire,  chaque  jour, 
des  eglises,  des  hospices  et  tontes  sortes  de  monu- 
ments d' utility  publique ;  ou  I'instruction  s'6tend  avec 
rapidite,  ou  se  forment  des  soci6tes  savantes ,  des 
bibliothfeques,  des  imprimeries.  Les  distractions  memes 
de  la  vieille  Angleterre  sont  imit^es  dans  la  colonie, 
les  spectacles,  les  bals,  les  courses,  les  chasses,  s'or- 
ganisent  aussi  bien  a  Sydney  qu'a  Hobart-town.  II  y  a 
cependant  une  ombre  a  ce  brillant  tableau,  ombre  qui 
formera  par  la  suite  la  grande  plaie  de  I'Australie  et 
qui  en  a  deja  sensiblement  retards  les  progrfes  :  c'est 
I'antagonisme  existant  entre  les  Emigres  volontaires 
qui  veulent  former  1' aristocratic  du  pays,  et  les  riches 
6mancip6s  qui  repoussent  cette  pretention. 


(  400  ) 

Ces  d6sirs  tie  domination  d'line  classe  siir  une 
autre,  doivent  etre  regardcs  comnie  los  premiers 
symptomesd'unenationalite  qui  se  forme  et  qui  recla- 
mera  bieutot  sa  liberty  politique. 

Vers  182/i,  en  ellet,  eut  lieu  la  premiere  demons- 
tration des  colonies  australiennes  en  faveur  d'une 
representation  nationale.  Vingt-quatre  des  plus  riches 
colons  demand^rent,  par  une  petition  a  la  metropole, 
I'etablissement  d'une  assemblee  coloniale.  Le  gouver- 
nement  anglais,  n'osant  refuser  entierement,  cr^a  pour 
quatre  ans  un  conseil  l^gislatif  de  cinq  ou  sept 
membres  choisis  par  le  roi.  Ce  conseil  etait  purement 
consultatif  pour  les  mesures  d'ordre  et  de  surete.  II 
recut  une  modification  en  1829,  le  nouibre  de  ses 
membres  fut  angmente. 

Pendant  la  periodc  qui  s'6coule  de  1822  a  1831 ,  les 
impots  6tablis  sur  la  base  de  la  consommation,  6videm- 
ment  la  moins  sujettc  a  erreur,  suftisent  et  au  dela  aux 
besoins  de  la  colonie ;  le  commerce  s'^tend  consid6ra- 
blement,  tant  avec  I'Europe,  qu'avec  I'lnde,  la  Chine 
et  rOccanie.  Sydney  devient  un  jiort  de  construction 
et  la  marine  y  emploie  frequcmment  les  bois  memes  de 
I'Australie.  Cependant,  malgrei'extension  des  cultures, 
les  produits  v^getaux  restent  sur  le  second  plan ;  ce 
sent  les  bestiaux,  qui,  beaucoup  multiplies,  deviennent 
le  principal  element  de  la  prosperite  d'un  pays  dans 
lequel  les  paturages  fournissent  toute  I'annee  une 
6gale  nourriture.  Les  chevaux  eux-memes  s'exportent 
avantageusement  pour  I'lndc  et  Java.  La  peche  de  la 
baleine  prend  un  grand  accroissement. 

Outre  les  richesses  vegetales  el  animales  qu'on  trouve 


(  401  ) 

en  Australie,  on  y  rencontre  encore  d'immenses  mines 
de  houille,  placees  soil  sur  les  cotes,  solt  k  I'interieur, 
des  marbres,  du  cuivre,  de  I'ardoise ,  de  I'arsenic  et 
de  la  chaux.  II  y  existe  sur  tout  d'inepuisables  mines 
de  fer,  situ6es,  soit  sur  les  bords  du  golfe  de  Carpen- 
tarie,  soit  a  la  riviere  des  Cygnes  ou  au  port  Macquarie. 

La  Nouvelle-Galles  et  la  grande  ile  de  Van-Diemen 
ne  sont  pas  les  seules  parties  des  terres  australiennes 
oil  se  soient  6tablis  les  Anglais.  Avec  leur  pr6voyance 
habituelle,  ils  voulnrent  s' assurer  pour  I'avenir  la  pos- 
session du  continent  tout  entier  en  prenant  successi- 
vement  pied  sur  tons  les  points  ou  se  rencontraient 
quelques-uns  des  avantages  pouvant  favoriser  la  crea- 
tion d'etablissements  coloniaux  :  ils  y  installtirent  soit 
des  colons  libres,  soit,  sous  le  titre  de  stations  penales, 
des  depots  de  convicts.  C'est  ainsi  qu'avant  1831,  on 
les  vit,  dans  la  Nouvelle-Galles,  s'ditablir  en  peu  de 
temps  au  port  Stephend  sur  les  rives  du  Karua,  au  port 
Macquarie,  a  Moreton-Bay ,  a  I'emboucliure  de  la 
riviere  Brisbane  et  dans  les  petites  iles  Maria' et  Sarah 
sur  les  cotes  de  la  Tasmanie  (terre  de  Van-Diemen) . 
Au  nord,  ils  jetferent  les  fondements  de  la  ville  de 
Dundas,  dans  I'ile  Melville,  sur  le  d(itroit  d'Apsley,  i 
peu  de  distance  de  I'ile  Bathurst,  position  d'une  grande 
importance  politique  en  ce  qu'elle  est  voisine  de  Timor 
et  de  la  Nouvelle-Guin6e  et  qu'elle  permettra  par  la 
suite,  aux  Australiens,  defaire  une  concurrence  redou- 
table  aux  6tablissements  liollandais  de  la  Malaisie.  Le 
port  ^\  estern  et  I'ile  Phillip,  au  nord  du  d^troit  de 
Bass,  recurent  aussi  des  colons. 

L'ann^e  1826  vit  les  Anglo-australiens  former  une 

XVII.    MM  ET  JUIN.    0,  27 


I(  AOS  ) 
petite  colonic  a  la  partie  sud-ouest  de  leur  continent, 
an  port  du  lloi-Georges,  non  loin  du  cap  Leeuwin, 
position  recouimand^e  par  une  excessi\e  fertility  et 
plus  voisine  que  Sydney  de  I'lnde,  de  Maurice  et  du  Cap. 
Mais  le  plus  important  de  ces  6tablissements  secon- 
daires  est  sans  contredit  celui  de  la  rivifere  des  Cygnes 
dans  le  nord  du  cap  Leeuwin.  Cette  nouvelle  colonie, 
dont  le  territoire  tr6s  salubre  est  en  menie  temps 
d'une  extreme  fertility,  lut  fondle  au  moyen  de  colons 
libres,  par  une  compagnie  particuli^re  a  laquelle  le 
gouvernement  fit  la  concession  d'un  million  d' acres. 
Ces  avantages,  joints  k  sa  position  g6ographique,  la 
font  envisager  pour  I'avenir  comme  un  rival  heureux 
de  la  Nouvelle-Galles,  et  nul  ne  doute  que  dans  la  suite 
elle  ne  justille  pleinement  le  nom  d'Hesp^rie  australe. 

Les  premiex's  mois  de  1830  lurent  signal6s  par  les 
d4couvertes  les  plusimportantesauxquelles  puisse  don- 
ner  lieu  le  continent  austr alien.  Le  capitaine  Sturt 
embarqu6  sur  le  Murrumbidgee,  dont  la  source  est 
situee  non  loin  de  la  cote  orientale  de  la  Nouvelle- 
Galles  et  qui  traverse  les  valines  entre  les  Montagues 
bleues  et  les  Alpesaustraliennes,descendit  cette  riviere 
jusqu'a  sou  confluent  avec  le  Darling  qui  vient  du  nord, 
3  degr^s  environ  plus  a  I'ouest  que  le  point  oii  s'etait 
arrets  Oxley,  dans  son  exploration  du  Lachlan.  Le 
Murrumbidgee  forme  avec  le  Darling  un  large  lleuve 
auquel  M.  Sturt  donna  le  nom  de  Murray.  Le  Murray 
a  son  embouchure  dans  le  grand  lac  de  Victoria,  non 
loin  des  rivages  de  la  bale  d'Encounter,  tr6s  pr6s  du 
golfe  Saint-Vincent. 

Le  successeur  de  Macquaiie  fut  le  general  Brisbane, 


463  ) 

astronome  6cossais,  hbmme  faible  et  irr^solu.  L'his- 
toire  de  son  goiivernement  liendrait  peu  de  place  dans 
les  annales  australiennes,  s'iln'avaitpas6t6signal6  par 
qiielques  d^couvertes  g6ographiques.  Ainsi  Hovell  et 
Hume,  ce  dernier  natif  de  la  Nouvelle-Galles,  partis 
du  lac  Saint-Georges  a  la  hauteur  de  la  bale  de  Jervis, 
se  dirigferent  vers  le  sud  k  travers  le  continent  et  par- 
vinrent  au  port  Phillip,  an  nord  du  d^troit  de  Bass. — 
Cunningham  trouva  nn  passage  pour  p6n6trer  dans 
les  vastes  plaines  signal^es  dans  le  nord  et  I'ouest  par 
I'intendant  g6n6ral  Oxley  qui,  lui-merae,  d6couvrait  k 
la  meme  6poque  une  grande  rivifere  navigable  ayant 
son  embouchure  dans  la  baie  de  Moreton.  Cette  riviere 
recut  le  nom  du  gouverneur. 

Les  Anglais  doivent  aussi  au  g6n6ral  Brisbane  une 
institution  qui  activa  consid^rablement  la  prosp6rit6 
de  I'Australie,  Ce  fut  la  creation  des  Clearing-Gangs 
ou  bandesded6fricheurs,  compos6esde  convicts  au  ser- 
vice du  gouvernement  qui,  sous  la  responsabilit6  d'un 
inspecteur,  entreprennent,  pour  les  propria taires,  le 
d6frichement  du  sol  k  un  prix  fix6  par  acre,  prix  sou- 
vent  payable  en  grains  et  trfes  minime,  relativement  k 
celui  de  la  main-d'ceuvre  libre. 

Jusqu'en  1832,  les  terres  avaient  6t6  conc6d6es  k 
peu  prfes  suivant  le  libre  arbitre  des  gouverneurs,  mais, 
k  cette  6poque,  un  nouvel  acte  du  pouvoir  m^tropo- 
litain  ne  laissa  plus  au  pouvoir  local  que  le  droit  de 
r^server  des  terres  pour  les  6glises,  les  6coles  et  les 
6tablisseraents  publics.  Tout  le  reste  dut  etre  vendu 
aux  ench^res,  et  sur  un  minimum  de  5  livres  sterling 
par  acre. 


(  hOli  ) 

De  1830  a  1859,  mi  grand  nombre  tie  courageux 
voyageurs  parmi  lesquels  il  faut  cilerle  major  !Milcholl, 
Grey,  Hawdon,  Eyre,  le  cointe  Strzelecki.  le  baron 
Hugel,  les  capitaines  C.adell  et  Robertson ,  Robert 
Austin,  Auguste  Gregory  et  enfin  lecapitaine  Scoresby, 
ont  amen6  la  connaissancc  d'un  tiers  aumoins  du  con- 
tinent australien.  Mais  le  detail  de  leurs  explorations 
demanderait  uii  volume  entier,  et  M.  le  marquis  de 
Blosseville  a  du  se  borner  a  citer  leurs  nonis  dans  un 
chapitre  special  intitule  Les  Decouv rears. 

Les  colons  de  I'Australie,  dont  le  nombre  augmen- 

tait  journellement,  reclam6rent  bientot  avec  plus  d'in- 

stances  un  pouvoir  16gislatif  local.  Les  uns  denian- 

daient,  par  toutes  les  voies  legales,   un  gouverneur 

nomme  et  pave   par  la   com'onne    d'Angleterre ,    un 

conseil  legislatif  viager  et  une  assembl6e  a  ternie,  elue 

directement  par  les  colons  ;  les  autres  voulaient,  outre 

le  gouverneur,  deux  charabres  legislatives,  dont  une 

h6r6ditaire.  Ces  demandes  causferent  dans  la  colonic 

une  agitation  assez  vive,  dont  le  resultat  fut  une  sorte 

de  compromis  par  lequel  la  Nouvelle-Galles  obtint  une 

chambrc    haute,   sorte   de   pairie   viagere   imitee    de 

riicosse.  La  premiere  session  ouvrit  le  10  mai  1853  ; 

mais  ces  vceux,  timides   encore  en  J853,  dit  notre 

auteur,  prirent  une  grande  extension  les  annees  sui- 

vanles,  el  Ic  gouvcrncment  metropolitain  fut  force,  en 

185(5,  d'accorder  a  la  Nouvelle-Galles  une  assembl6e 

legislative  librenient  elue   et   parfaitement  iudepen- 

dante,  dont  les  decisions  firent  loi  dans  les  affaires 

int6rieures  en  tant  qu'elles  ne  touchaicnt  pas  au  droit 

de  souverainete. 


(  405  ) 

M.  de  Blosseville  traite  ensuite  s6par(5ment  des  dif- 
f6rents  points  du  continent  dont  la  colonisation  a  6t6 
entreprise  et  qui ,  en  pen  de  temps,  sont  devenus  en 
qnelque  sorte  des  colonies  ind^pendantes  dans  la 
grande  colonie  australieinie. 

La  Nouvelle-Galles  a  continue  k  se  d6velopper.  Ainsi, 
ilnonsapprendqu'enl848  elle  comptait220  000ames, 
et  sa  capitale,  Sydney,  60  000.  Desprogrfes  ont  eu  lieu 
dans  tous  les  genres,  en  proportions  6quivalentes. 
A  la  meme  6poque,  Texportation  des  laines  s' devait 
a  23  millions  de  livres,  celle  des  suifs  repr^sentait  une 
valeurde  167  000  liv.  sterl.  Lesacresdeterreexploit^es 
montaient  a  152  000.  Malheureusement  certains  abus 
s'etaient  gliss6s  au  milieu  de  ces  progr^s.  Malgr6  les 
efforts  d'une  police  presque  absolue  dans  la  repression, 
la  consommation  des  spiritueiix  s'est  accrue  d'une 
mani6re  incroyable;  en  'J  835  elle  s'61evait  a  7  gallons 
(pr6s  de  32  litres)  par  tete,  tandis  qu'en  Angleterre 
elle  atteignait  a  peine  un  gallon  et  demi. 

En  18/i7,  la  population  de  la  terre  de  Van-Dienien 
montait  a  67  000  ames.  En  1838,  le  port  d'Hobart- 
Town  avait  6t6  visits  par  370  batiments,  et  la  marine 
coloniale  en  comptait  101.  L'abondance  et  le  bon 
march6  des  vivres  lui  avaient  permis  de  secourir  la 
Nouvelle-Galles  pendant  les  ann6es  de  s6cheresse  et 
de  disette,  de  1825  a  1829.  Elle  est  aujourd'hui  reside 
plus  agricole  et  la  Nouvelle-Galles  plus  pastorale.  A 
c6t6  d'Hobart-ToAvn,  la  villede  Launceston  a  pris  une 
importance  r6clle.  Des  carriferes  de  marbre,  des  mines 
de  fer,  de  sel,  de  charbon,  sont  en  pleine  exploitation. 
Trois  6tablissements  p^nitentiaires  a  divers  degr6s  ont 


(  406  ) 

6t6  cr66s  pour  les  convicts  les  moins  capables  de  vivre 
au  milieu  des  populations.  Quant  aux  indigenes  de  la 
Tasmanie,  la,  comme  dans  loutes  les  colonies  anglaises, 
ils  ont  disparu  devantla  civilisation,  et  d6s  rann6e  1S38 
les  tableaux  de  la  population  portent  seulement  82  in- 
digenes rel6gu6s  dans  I'ile  Flinders.  Enfm,  en  1852, 
les  memes  tableaux  constatent  que,  parmi  les  anciens 
possesseurs  du  pays,  les  naissances  ont  cess6  et  que 
quelques  vieillards  survivent  seuls. 

Vers  J  851,  la  Nouvelle-Galles,  dont  les  limites  int6- 
rieures  n'etaient  pas  d^terminees,  mena^aitde  prendre 
une  trop  grande  extension  pour  former  un  seul  gouver- 
nement,  et  d'autres  parties  du  continent  australien,qui 
avaient  6galement  re^u  une  population  nombreuse, 
demandaient  a  la  m6tropole  une  existence  administra- 
tive ind6pendante  de  Sydney.  Ces  raisons  determi- 
n^rent  la  creation  d'un  gouvernement  nouveau  dans  la 
partie  sud-sud-est  del'Australie,  etlacoloniede  Victoria, 
capitale  Melbourne,  fut  d6finitivement  constitute.  Ses 
limites  interieures  partent  du  cap  Howe  sur  la  c6te 
orientale,  traversent  les  Alpes  australiennes,  prolon- 
gation m6ridionale  des  Montagues  bleues,  et  suivent  le 
cours  du  fleuve  Murray  jusqu'au  34"  latitude  sud,  ou 
elles  sont  fornixes  par  une  ligne  imaginaire  partant  du 
fleuve  et  aboutissant  a  Discovery-Bay.  Les  cotes  m6ri- 
dionales  de  cette  nouvelle  province,  qui  forment  le  nord 
du  d^troit  de  Bass,  comprennent  entre  autres,  le  port 
Western,  le  port  Phillip  et,  la  bale  de  Portland.  La 
colonie  de  Victoria,  dont  la  temperature  rappelle 
celle  de  I'Espagne,  enibrasse  un  espace  de  plus  de 
100  000  uiilles  carr6s.  Elle  est  divis6e  aujourd'hui  en 


(  /i07  ) 

21  comt6s.  EUe  avait  recu  comme  premiers  habitants, 
en  1833,  des  colons  de  la  Tasmanied^jatropresserr^s 
dans  cette  position  insulaire.  Vingt  ansaprfes,  en  1853; 
elle  pouvait  nourrir  le  double  de  sa  population.  Elle 
exportait,  en  1850,  16  millions  de  livres  de  laine,  et  en 
1855,  22  millions  et  demi.  La  meme  ann6e,  outre  d'im- 
menses  paturages,  22  000  acres  de  terre  6taient  en 
culture  et  3  millions  d'acres  6taient  conc6d6s,  dans 
une  proportion  de  ZiOO  000  par  an,  au  prix  moyen  de 
3  livres  sterling  par  acre.  Le  recensement  du  l"'  de- 
cembre  1857,  a  donne  Zi63  000  ames.  La  population 
de  la  capitale,  Melbourne,  plac6e  dans  une  position 
delicieuse,  sur  le  versant  d'une  coUine ,  a  8  milles  de 
la  mer,  au  bord  du  Yarra-Yarra,  fleuve  que  remontent 
les  navires  de  200  tonneaux,  s'est  fabuleusement  aug- 
ment6e.  Sous  ce  rapport,  Melbourne  laisse  aujourd'hui 
Sydney  bien  loin  derrifere  elle.  Le  nombre  de  ses  habi- 
tants qui,  III  ans  apr6s  sa  fondation,  s'61evait  a  111  000, 
6tait  de  100  000  en  1857,  et  le  nombre  des  niaisons 
de  10  000.  Melbourne  apris  I'aspect  d'une  desgrandes 
cit6s  des  Etats-Unis.  On  y  remarque  deux  evech^s, 
I'un  catholique,  I'autre  protestant,  et  en  somme,  toutes 
les  fondationsn6cessaires  a  une  grande  ville.  La  colo- 
nic de  Victoria  est  aujourd'hui  couverte  de  routes,  on 
y  compte  trois  ehemins  de  fer.  Enfm,  Melbourne, 
s6par6e  administrativement  de  la  Nouvelle-Galles  en 
1851,  demandait,  d6s  1852,  au  gouvernement  de  la 
reine,  a  devenir  la  capitale  de  tout  I'empire  anglo- 
australien.  Cette  pretention  fut  rejet^e. 

Si    la   colonic   de  Victoria  s'est  d6velopp6e   d'une 
mani6re  prodigieuse,  il  n'en  a  pas  6t6  de  meme  de 


(  408  ) 

r^tablissement  form6  par  les  Anglais,  aunorddel'Aus- 
tralie,  d'abord  dans  I'ile  Melville  et  ensuite  a  la  bale 
de  Raffles  sur  le  continent,  dans  la  presqu'ile  de  Vic- 
toria. Les  colons  n'ont  jamais  pu  s'y  acclimater,  et  le 
port  de  Victoria,  sa  capitale,  est  reste  a  I'^tat  de  port 
de  refuge,  jusqu'au  moment  ou,  malgr6  I'importance 
politique  et  commerciale  de  cette  position,  son  aban- 
don fut  d6cr6t6.  Cependant  I'iiifatigable  activity  des 
exploratcurs  anglais  a  fait  d^couvrir,  depuis  peu,  dans 
le  bassin  du  fleuve  Victoria  a  Test  du  golfe  de  Cam- 
bridge, un  territoire  immense,  fertile  et  salubre,  qui 
par  la  suite  remplacera  avantageusement  les  plages 
inhospitali6res  de  I'ile  Melville  et  de  la  baiede  Raffles. 

La  destin(^e  d'une  autre  colonic  form^e  par  les 
Anglais,  sur  la  cote  occidentale  de  I'Australie,  k  la 
riviere  des  Cygnes,  dans  le  but  av^r6  d'empecher  les 
Francais  de  prendre  pied  dans  ces  parages  quiauraient 
du  leur  appartenir  suivant  le  droit  de  possession  fond6 
sur  la  d^couverte,  fut  toute  diff^rente  de  celle  del'^ta- 
blissementde  I'ile  Melville  (1). 

La  colonic  de  Swan-River,  qui  n'admettait  dans  son 
sein  que  des  colons  ou  des  travailleurs  libres,  langnit 
en  peu  de  temps,  malgr6  I'excessive  fertility  du  sol. 
Les  travailleurs  libres  voulant  tous  devenir  propri6- 
taires,  voulant  tous  obtenir  leur  part  du  desert,  la 
main-d'ceuvre  atteignit  un  prix  tel,  qu'il  fut  bientdt 

(1)  C'esl  ici  le  lieu  de  rappeler  qu'au  rctour  de  la  corvette  la  Coquille, 
un  jpune  officier  de  ce  hAlimpnt,M.  Jules  do  Blossrvillo,  frrrn  do  ndtre 
auteur,  remit  nu  ministre  un  mdinoirc  contenant  un  projet  d'occupa- 
tion  de  la  riviere  des  Cygnes. 


(  AGO  ) 

impossible  de  continuer  les  cultures,  et  qu'on  eut  6t6 
contraint  a  I'abandon  si  le  gouvernement  ne  se  fut 
d6cid6  a  en  former  un  6tablissement  p6nal  et  si,  k  ce 
titre,  il  n'y  eut  envoy6  un  grand  nombre  de  convicts. 
Aujourd'hui,  I'etablissement  de  Swan-River,  consid6- 
rablement  6tendu,  est  devenu  le  centre  de  la  civilisa- 
tion dans  la  region  vaste  comme  un  grand  empire  qui 
porta  le  nom  d'Australie  occidentale ,  territoire  im- 
mense, encore  presque  inconnii,  malgr6  le  d6vouement 
des  nombreux  voyageurs  qui  ont  essay6  d'en  p6n6trer 
le  secret.  On  doit  citer  parmi  ces  intr6pides  explora- 
teurs,  les  Dale,  les  Roe,  les  Hillman,  les  Moore,  les 
Bannister,  les  Grey,  les  Frazer,  les  Gregory  et  les 
Austin.  En  1850,  I'Australie  occidentale  comptait 
5300  habitants,  presque  tous  cultivateurs ,  attires  par 
I'appat  des  b6n6fices  que  peut  donner  un  sol  vierge, 
sur  lequel  d'immenses  prairies  naturelles  permettent 
d'entretenir  d'innombrables  troupeaux,  et  ou  le  tabac, 
r opium  et  le  coton,  donnent  des  produits  de  qualit^s 
sup^rieures;  ou  des  mines  de  houille,  de  cuivre,  de 
plomb  argentiftre,  promettent  a  I'industrie  un  d6ve- 
loppement  qui  sera  second^  encore,  par  des  ports  surs 
et  d'une  facile  d6pense.  Perth,  la  capitale,  situ^e  sur 
la  rivifere  des  Cygnes,  et  Freemantle  qui  hii  sert  d'avant- 
port,  peuvent  etre  regard^es  aujourd'hui  comme  des 
villes  de  second  ordre. 

La  dernifere  grande  division  administrative  du  con- 
tinent de  la  Nouvelle-Hollande  est  I'Australie  du  sud  k 
I'ouest  de  la  Nouvelle-Galles  et  de  la  province  de  Vic- 
toria. Son  territoire,  ^quivalant  en  surface  au  double 
du  Royaume-Uni,  fut  reserve  par  acte  du  Parlement  k 


(  410  ) 

1' Emigration  volontaire.  Cette  colonie,  qui  avait 
•10  000  habitants  en  1839,  cinq  ans  apres  sa  creation, 
en  comptait  en  1850,  63  000.  Cette  meme  ann6e,  le 
nombre  des  acres de  terre  d^frich^es  s'61evait  a  74  000 ; 
et  Ton  pouvait  voir  dans  les  paturages  00  000  boeufs 
et  pr6s  d'un  million  de  moutons.  Les  bl6s  de  la  pro- 
vince d' Adelaide,  I'une  de  ses  parties,  sont  regardi^s 
comme  les  plus  beaux  de  I'Australie.  Les  mines  de 
cuivre  les  plus  f6condes  que  Ton  connaisse  etdes  mines 
de  plomb  d'une  exploitation  facile,  ont  donn6  lieu  k 
un  grand  commerce  d'exportation. 

L'Australie  m6ridionale,  d6coijp6e  par  les  vastes 
golfes  de  Spencer  et  de  Saint-Vincent,  ollre  a  la  navi- 
gation un  grand  nombre  de  ports  parmi  lesquels  on 
remarque  surtout  Adelaide  la  capitale,  sur  le  golfe 
Saint-Vincent  et  le  port  Lincoln  sur  celui  de  Spencer, 
Cette  partie  de  la  Nouvelle-Hollande  est  la  plus  fr6- 
quent^e  par  les  Emigrants  allemands;  ainsi,  le  seul 
port  de  Breme  a  exp6di6  en  1847-48,  1157  Emigrants 
pour  cette  destination. 

AprEs  avoir  envisagE  chacune  des  parties  qui  com- 
posent  r Empire  anglo-australien,  on  peut  dire  comme 
rEsumE,  que,  parmi  les  progrEs  rEalisEs  jusqu'^  I'Epoque 
actuelle,  la  production  des  laines  a  pris  le  premier 
rang.  En  ellet,  non-seulenient  les  laines  australiennes 
peuvent  concourir  sur  les  marches  europEens,  mais 
encore  elles  y  obtiennent  la  prEEminence.  L' augmen- 
tation du  nombre  des  betes  a  cornes  a  eu  lieu  a  peu 
prEs  dans  memes  proportions  et  elles  seront  dans  I'ave- 
nir  un  des  principaux  articles  de  commerce.  L'ElEve 
des  chevaux  a  aussi  beaucoup  prospErE.  Ce  sont  les 


( an  ) 

chevaux  de  I'Australie  qui  s'acclimatent  le  mieux  dans 
le  Bengale, 

Beaucoup  d'arbres,  de  fruits  ou  de  legumes  de  1' Eu- 
rope ont  6t6  introduits  en  Australie  et  donnent  de  tr6s 
beaux  produits.  La  culture  de  Ja  vigne  s'y  est  meme 
fort  6tendue  ;  mais  I'olivier,  lecaf^ier,  lacannea  sucre 
et  I'arbre  a  th6,  n'ont  pas  aussi  bien  r6ussi.  On  espfere 
beaucoup  dans  la  culture  ducoton  etl'Angleterreserait 
heureuse  que  sa  colonic  de  la  Nouvelle-Hollande  fit 
pour  ce  produit  une  concurrence  s^rieuse  aux  Etats- 
Unis. 

Un  grand  nombre  de  mines  sont  en  cours  d' exploi- 
tation ;  Sydney,  Melbourne  et  Adelaide  sont  reliees  par 
un  t6l6graphe  6lectrique.  Trois  grandes  lignes  de  ba- 
teaux a  vapeur  rapprochent  aujourd'hui  I'Australie  de 
r  Europe  :  la  premiere  part  de  Southampton  et  passe 
par  le  Cap  ;  la  seconde,  partant  du  meme  point  et  de 
Marseille,  passe  a  Alexandrie  et  k  Suez,  elle  touche  h 
Melbourne  etk  Sydney  ;  la  troisifeme,  enfm,  traverse  le 
Pacifique  et  aboutit  a  Panama. 

Ce  n'est  pas  avec  la  seule  Europe  que  I'Australie  est 
en  rapports  commerciaux,  mais  avec  tous  les  rivages 
de  rOc6an  indien,  la  Chine,  TOc^anie  et  la  c6te  occi- 
dentale  de  I'Amerique.  Le  mouvement  commercial  de 
I'Australie  s'est  61ev6,  en  1852,  k  800  millions  de 
francs. 

Au  point  de  vue  intellectuel,  ce  vaste  pays  n'a  pas 
fait  autant  de  progr6s  qu'au  point  de  vue  materiel.  La 
litt6rature  s6rieuse  est  encore  dans  I'enfance,  et,  dans 
eette  branche,  quelques  noms  seulement  sont  sortis  de 
la  foule.  En  revanche,  le  journalisme  s'y  est  pr6matu- 
r6ment  d6velopp6. 


(  412  ) 

Depuis  quelques  annees,  le  gouvernemcnt  anglais  a 
prc'te  dans  la  colonie  un  appui  plus  ferme  aux  intu- 
rets  religieux,  iiiais  on  y  signale  deji  autant  de  sectes 
protestantes  que  dans  les  Etats-Unis,  sans  en  exceptor 
les  Mormons.  Le  clerge  anglican  s'y  est,  du  reste,  fait 
remarquer  par  son  amour  du  lucre,  et  ses  membres 
comptent  an  nombre  des  plus  grands  propri6taires 
terriens.  Get  abus  a  pris  de  telles  proportions,  que 
le  gouverneur  Darling  s'est  vu  i'urc6  de  liniiter  k 
1280  acres,  I'etendue  des  concessions  a  faire  aux  mi- 
nistres  du  culte.  Une  extreme  intolerance  accueillit 
toujours  les  catholiques  en  Australie.  Ce  n'est  qu'en 
1832  qu'ils  purent  obtenir  quelques  concessions  de  ter- 
rain. Leur  nombre  represcntait  alors  le  tiers  de  la  po- 
pulation totale. 

Le  gouvernementn'eut  pas  a  se  plaindre  d' avoir  se- 
couru  le  clerge  catholique,  car  les  membres  de  ce 
clerg6  devinrent,  en  Australie,  les  propagateurs  les  plus 
d6sint6ress6s  et  les  plus  sinc^res  de  la  civilisation.  Ainsi, 
quelques  pretres  catholiques  et  quelques  ministres 
anglicans  ont  entrepris  concurrenmient  d'appeler  a  la 
jouissance  de  la  civilisation  plusieurs  tribus  sauvages 
de  I'interieur ;  les  premiers  ont  obtenu  un  r6snltat 
comparable  a  celui  qui  signalait  autrefois  k  I'attention 
du  monde  chr6tien  les  missions  du  Paraguay,  et  les 
seconds  n'ont  recueilli  que  des  desastres,  termines  par 
I'an^antissement  de  la  population  dont  ils  s'6taient 
charges. 

La  Jieure  de  I'or,  tel  est  le  titre  donn6  par  M.  de 
Blosseville  au  cliapitre  dans  lequel  il  traite  des  elTets 
produits  par  la  d6couverte  en  Australie  de  ce  pr6cieux 
m6tal. 


(  413  ) 

La  presence  de  I'or  fut  signal^e  vers  le  milieu  de 
1851,  6poque  oil  1' emigration  europeenne,  attiree  par 
les  gisements  si  riches  de  la  Callfornie,  commencait  k 
d6laisser  la  Nouvelle-Hollaiide.  Au  r^cit  de  cette  d6- 
couverte,  mi  grand  nombre  d' Emigrants  changferent 
subitement  lenr  destination,  et,  en  pen  de  temps, 
I'Anstralie  qui  semblait  abandonn6e  eut  a  redouter  un 
envahissement  trop  prompt.  Ce  ne  fut  plus  la  seule 
Europe  qui  lui  envoya  ses  enfants,  les  immigrants  af- 
flu6rent  de  toutes  les  parties  du  monde. 

Anterieurement  a  1851,  on  avait  eu,  dans  la  Nou- 
velle-Galles,  quelques  soupcons  de  la  presence  de  Tor, 
mais  aucun  iiidice  s6rieux  ne  venant  les  confirmer,  ils 
6taient  tombes  dans  I'oubli,  et  le  colon  Margraves  qui, 
le  8  avril  1851,   en  apporta  la  preuve  palpable,  fut 
reconnu  pour  le  veritable  d6couvreur,  et  recut,  en  re- 
compense,  10  000  livres    sterling   (250  000  francs). 
C'est  dans  la  Nouvelle-Galles,  au  sud  des  Montagnes 
bleues,  a  une  faible  distance  a  I'ouest  de  Bathurst, 
dans  le  groupe  des  Conobolas,  au  vallon  de  Summer- 
hill-Creek,  qu'Hargraves  fitsadecouverte  ;  mais  bien- 
tot  de  nouveaux  explorateurs  annoncerent  que  les  ter- 
rains auriferes  avaient  une  etendue  bien  autre  qu'on 
ne  le  supposait ;  non-seulement  I'or  existait  aux  monts 
Conobolas,  mais  sa  presence  etait  constat6e  dans  le 
bassin  de  la  rivifere  Macquarie,  et  surtout  sur  les  bords 
du  Turon,  torrent  passant  k  SO  milles  au  nord  de 
Bathiirst. 

Ces  nouvelles  eurent  dans  le  principe  un  effet  d6- 
sasti'eux  pour  la  colonisation  s^rieuse  ;  la  fi6vre  de  I'or 
saisit  tous  les  habitants  libres  ou  convicts ;  la  culture 


(  414  ) 

fut  abandonn^e,  les  villes  se  d6peupl6rent,  Sydney, 
entre  autres,  devint  presque  d6serle.  Le  mouvement 
vers  les  mines  ne  se  borna  pas  k  la  Nouvelle-Galles 
des  chercheurs  d'or  accoururent  de  tons  les  points  des 
colonies  australiennes.  Les  soldats,  les  raarins  eux- 
memes  se  rendaient  aux  mines,  et  la  Nouvelle-Galles 
eut  absorb^  la  population  de  I'Australie  enti^re,  si, 
quelques  mois  apr6s,  la  presence  de  gisements  auri- 
ftres  plus  riches  que  les  siens  n'eut  6t(3  signalee  dans 
la  province  de  Victoria,  au  centre  de  la  chalne  nom- 
m6e  Pyrent^es,  ou  les  mines  du  Ballarat  et  du  mont 
Alexandre,  dans  lesquelles  Tor  jaillit  presque  a  la  sur- 
face sous  la  pioche  du  travailleur,  sont  restees  les  plus 
c616bres  du  continent.  L'ensemble  des  renseignenients 
accuse  aujourd'hui  la  presence  de  For  dans  les  deux 
provinces  de  la  Nouvelle-Galles  et  de  Victoria,  sur  une 
surface  estimee  20  000  milles  carr6s ;  et  des  calculs  par- 
tant  n6cessairement  d'une  base  inexacte,  6va,luent  la 
richesse  des  gisements  a  2(3  milliards  sterling. 

Le  resultat  le  plus  r6el  de  ces  d^couvertes  fut  1 'intro- 
duction en  Australie  des  Emigrants  du  inonde  entier; 
population  qui,  accrue  avec  une  promptitude  inouie, 
finit  par  se  classer  et  forme  aujourd'hui  les  6l6ments 
d'un  grand  peuple,  parce  qu'une  partie  a  compris  ce 
mot  d'uii  voyageur,  «  que  la  plus  belle  mine  c'est  du 
»  bl6  et  du  vin  avec  la  nourriture  du  betail.  » 

Ici  se  termine  la  partie  principale  de  I'ouvrage  de 
M.  Blosseville.  Sur  les  quatre  chapitres  dont  il  nous 
reste  k  rendre  compte,  I'auteur  en  a  consacr6  deux, 
sous  le  litre  de  considerations  g6n6rales,  a  une  sorte 
de  revue  retrospective  sur  les  essais  tenths  de  nos 


(  415  ) 

jours  soit  par  les  Francais,  soit  par  d'autres  nations 
dans  le  but  d' employer  les  malfaiteurs  a  la  formation 
d'6tablissements  coloniaux.  Ces  chapitres  6taient  le 
complement  n^cessaire  d'un  ouvrage  qui  commence 
par  un  expose  de  la  deportation  dans  les  temps  anciens 
et  dans  les  temps  ant6rieurs  a  1793, 

L'avant-dernier  chapitre  est  un  resume  des  diverses 
opinions  et  controverses  sur  le  principe  de  la  deporta- 
tion, et  en  derni^re  analyse,  M.  de  Blosseville  conclut 
que  la  France  a  deja  trop  tard6  a  employer  la  coloni- 
sation p^nale  dont  il  y  a  tant  de  r^sultats  heureux  k 
attendre.  II  admet,  comme  M.  Barbaroux,  que  Mada- 
gascar peut  seule permeltre  line  colonisation  penale  fran- 
caise  sur  les  larges  bases  de  Vexemple  anglais,  et  avec 
le  concours  prevu,  regie  et  encourage  de  l' immigration 
volontaire.  Conclusion  dont  nous  nous  sommes  fait  nous- 
meme  I'interprfete,  et  que  nous  ne  saurions  trop 
recommander. 

V.-A.  Babbi£  du  Bocage. 

17  juiQ  1859. 


(  ae  ) 

LETTRES  SUR  L'ASTRONOMIE, 

Par    M.    ALBERT-MONTBaONT  (1;. 

RAPPORT    PAR    M.    E.    CORTAMBERT. 

La  science,  comme  I'antique  Janus,  a  deux  visages  : 
I'un  grave,  serieux,  d'une  beautu  inajestueuse,  mais  s6- 
v6re,  regarde  le  petit  nombre  des  adeptes,  des  initios, 
les  pretres  de  son  temple,  pourrai-je  dire;.  1' autre, 
doux  et  aimable,  est  tourn6  vers  la  foule  de  ceux 
qu'attirent  une  curiosit6  noble,  mais  peu  savante,  un 
culte  sincere,  mais  peu  6clair6  encore.  C'est  de  ce 
second  visage  que  M.  Albert-Montemont  a  voulu  fa- 
fonner  les  traits ;  il  a  voulu  representer,  sous  un  aspect 
attrayant  et  gracieux,  I'astronomie,  cette  sccur  de  la 
g^ographie  (parente  qui,  pour  le  dire  en  passant,  m'a 
seule  permis  de  parler  ici  d'une  telle  science,  ordinai- 
rement  en  dehors  et  au-dessus  de  mes  6tudes);  il  a 
cherch6  a  la  faire  connaitre  sans  les  calculs,  les  signes, 
les  parentheses,  les  formules  dont  elle  est  ordinaire- 
ment  accompagn^e,  et  qui  en  rcndent  I'abord  diflicile 
pour  ce  qu'on  appelle  les  gens  du  monde.  Par  un  style 
clair,  simple  et  elegant,  il  est  parvenu  a  rendre  intel- 
ligibles  a  tous  les  esprits  les  merveilleuses  d6couvertes 
de  la  science ;  il  a  jet6  du  charme  et  de  la  vari6t6  sur 
cette  lecture  par  des  morceaux  de  poesie  tantut  dus  i 
sa  propre  muse,  tantOt  emprunt6s  a  celle  des  Daru,  des 
Lemercier,  des  Boscovich,  des  Delillc,  et  de  beaucoup 

(1)  4«6ditiou,  2  vol.  in-8",  1859. 


(I'autres  qui  ont  exprim6  en  beaux  vers  leur  admiration 
pour  la  magnifique  organisation  de  I'univers. 

Notre  ing^nieux  confri^re  a  ciioisi  trfes  convenable- 
mentle  titre  de  Letues,  pour  men trerqu'il  ne  veutpas 
faire  de  la  science  propreaient  dite,  inais  plutot  es- 
quisser,  d'une  plume  16g6re  et  facile,  les  grandes  v6- 
rit6s  astronomiques.  Nous  d6sirerions  seulement  f[u'on 
sut  davantage  a  qui  il  adresse  ses  lettres  :  par  un  mot 
saisi  en  passant,  j'ai  pu  voir  que  c'est  h.  I'un  de  ses 
amis,  et  non  ^unedame,  ce  que  j'avais  cru  d'abord,  et 
ce  qui  serait  peut-etre  pr6f6rable,  pour  forcer  le  style 
k  s'assouplir  encore  plus  par  un  besoin  puissant  de 
clart6  et  d'interet :  I'auteureut  en  celasuivi  de  c61t;bres 
exemples  :  Euler,  Fontenelle,  Demoustier,  Aim6  Martin. 
Sice  cachet  6pistolaire  6taitplus  prononce,  les  Lettres 
surVastronomie,  si  int^ressantes  d6ja,  acquerraientplus 
d'attrait  encore ;  le  d6sir  de  faire  comprendre  les  grands 
faits  de  la  science  a  une  personne  a  laquelle  on  est  lii^  par 
une  douce  amiti6  inspire  certains  tours  de  redaction,  en- 
gage a  multiplier  certaines  formes  de  langage,  qui  font 
entrer  forc6ment  et  intimement  dans  I'esprit  ce  qu'on 
veut  exprimer.  Si  done  j'ai  un  reproclie  a  adresser  a  cet 
estimable  ouvrage,  c'est  de  ne  pas  avoir  peut-etre  assez 
ce  caract6re  de  Lettres,  dont  le  titre  a  6t6  cependant  si 
heureusement  adopts  par  I'auteur.  Je  n'en  dticlarc  pas 
moins  les  explications  claires,  simples,  naturelles ;  des 
notes  etdes  eclaircissements  tr6s  instructifs  sont  des- 
tines aexposer  les  details  scientifiques  qui  ne  pouvaient 
entrer  dans  le  cadre  des  Lettres,  et  a  mettre  le  lecteur  au 
courant  des  d6couvertes  les  plus  r^centes,  sans  deran- 
ger  le  plan  primitif  de  1' ouvrage. 

XVll.    MAI  ET  JUIN.    7.  28 


(  418  ) 

Les  premieres  Leltres  jettent  un  coup  d'csil  sur  I'ob- 
jet  et  les  avantages  de  1' astronomic,  sur  les  astres  en 
g6n6ral,  sur  leurs  mouvements,  leurs  distances,  I'liar- 
monie  dc  cc  sublime  ensemble  de  I'univers.  M.  Albert- 
Mont6niont  trace  ensuite  rapidement  I'histoire  de  la 
science  astrononiiquc,  histoire  qu'il  a  deja  esquissde 
dans  son  introduction,  et  sur  laquelle  il  reviendra  plus 
tard  vers  la  fm  dc  son  livre  :  peut-etre  aurais-je  mieux 
aim6  voir  tout  ce  r6snm6  liistorique  d'un  seul  trait  et 
dans  une  seule  lettre. 

La  forme,  et  le  double  mouvement  de  la  Terre  retien- 
nent  assez  longtemps  le  lecteur;  puis  on  trouve  la  des- 
cription du  Soleil,  termin6e  par  unc  belle  ode  que 
I'auteur  adresse  i  cet  admirable  flambeau  de  notre  sys- 
t^me.  II  nous  ofire,  imun^diatement  apr6s,  I'histoire 
des  plan^tes  :  on  suit  avec  int6r6t  les  details  nombreux 
qu'il  donne  sur  ces  corps,  dont  on  compte  aujour- 
d'hui  soixante-trois  ;  il  n'est  pas  surprenant  que,  dans 
un  si  grand  nombre,  notre  auteur  ait  oubli6  quclques- 
unes  des  petites  planfetes  telescopiques  r6ccmment 
d6couvertes.   ' 

La  Lune  a  ensuite  son  tour  :  ses  revolutions  assez 
compliquees,  ses  phases,  sa  constitution,  ses  taches, 
ses  volcans  probables,  sont  I'objet  d'instructivcs  expli- 
cations; je  regrette  cependant  (juc  M.  Albert-Mont6- 
mont  insiste  sur  I'opinion  qui  attribue  k  ces  volcans  les 
a6rolithes  que  nous  voyons  de  temps  en  temps  tomber 
sur  la  Terre :  car,  aujourd'hui,  il  est  a  peu  pr6s  prouv6 
qu'il  faut  rattaclicr  ces  6tranges  pierres  a  I'histoire  des 
6toiles filantes.  L' astro  des  nuitsm6ritait  bien  une  ode; 
I'auteur  lui  aconsacre  une  de  ses  plus  po6tiques  inspi- 
rations. Ce  morceau  termine  agreablement  le  tome  I". 


(  419  ) 

,  Le  tome  II  s'ouvre  par  la  description  des  comfetes  : 
M.  Albert-Mont6mont  traite  ce  sujet  curieux  avec  tout 
rint6ret  qu'il  m^rite ;  il  rappelle  les  opinions  diverses 
6mises  snr  Taction  de  ces  corps  myst6rieux,  sur  I'effet 
que  produirait  le  choc  de  Tun  d'eux  contre  la  Terra, 
effet  terrible  suivant  Laplace  et  Delambre,  tout  a  fait 
insignifiant  suivant  M.  Babinet ;  Tauteur  des  Lettres  ne 
so  prononce  pas,  et  nous  laisse  dans  une  incertitude 
bien  naturelle  entre  de  si  graves  autorit^s. 

Les  deux  lettres  suivantes  sont  consacr^es  aux 
6toiles.  Ces  mondes  merveilleux,  ces  soleils  innom- 
brables  sem6s  dans  les  champs  de  Tinfmi,  ont  en- 
flamme  Timagination  de  notre  poete,  qui  leur  a  adress6 
un  hymne  plein  d'enthousiasme.  II  a  donn6  des  expli- 
cations trfes  d6velopp6es  sur  les  constellations,  sur 
leurs  noms,  sur  les  diverses  origines-  des  signes  du 
zodiaqae,  surtout  sur  celle  qui  se  rattache  a  la  brillante 
mythologie  grecque. 

L'auteiu'  compare  ensuite  les  divers  syst^mes  astro- 
nomiques  de  Ptol6m6e,  de  Copernic,  de  Tycho-Brah6, 
de  Descartes.  Puis  il  explique  les  d^couvertes  de 
Newton ;  et  Tune  de  ses  plus  belles  Lettres  est  celle 
qui  traite  de  la  pesanteur  universelle  :  ce  magnifique 
sujet  lui  inspire  encore  une  ode. 

Vient  ici  une  notice  biographique  des  principaux 
astronomes  depuis  Newton  jusqu'a  nous;  pour  ne 
pas  interroinpre  la  marche  et  Teuchainement  de  ses 
descriptions,  Tauteur  aurait  peut-etre  bien  fait  de  re- 
jeter  cette  biographic  tout  a  fait  a  la  fin  de  Touvrage. 
J'adresserai  une  critique  du  meme  genre  au  chapitre 
du  calendrier,  qui  vient  ensuite,  et  qui  me  sembleraii 


(  420  ) 

plus  convenablenient  plac6  k  cot6  des  signes  du  zodia- 
que,  ou,  mieux  encore,  h  la  suite  des  niouvements  de 
la  Terre,  qui  sont  I'origine  des  divisions  du  temps.  Je 
reconmiande  ces  16geres  modifications  a  notre  confrere 
pour  sa  cinquicme  Edition,  qui  suivra  sans  doute  de 
pr6s  celle-ci. 

Lesmarees,  dont  la  description  vientmaintcnant  im- 
mediatement  apr6s  le  calendrier,  ne  seraient  plus  se- 
par6es,  dans  le  plan  niodifii  que  je  propose,  de  la  pe- 
santeur  universelle,  a  laquelle  elles  se  rattachent  si 
directement. 

M.  Albert-Montemont  a  cru  devoir  donner,  a  la  fin 
de  son  ouvrage,  quelques  explications  sur  les  princi- 
paux  m6t6ores,  sur  les  vents,  sur  les  volcans  :  ce  n'est 
pas  de  I'astronomie,  il  est  vrai  :  c'est  d6ja  de  la  g6o- 
grapliie  physique.  Mais  la  transition  de  I'astronoinie  k 
la  geographic  est  facile  :  c'est  a  travers  I'atniosphtjre 
que  nous  voyons  les  astres  :  il  faut  tenir  compte,  dans 
leur  observation,  d'une  foule  de  phenomenes  meteoro- 
logiques  dc  refraction,  de  reflexion,  etc.  On  concoit 
done  que  I'auteur  ait  pu  traiter  cc  sujet  dans  son  livre, 
et  ma  critique  s'en  felicite  puisqn'elle  se  trouve  repla- 
c6e  ainsi  sur  le  terrain  g^ographique,  oil  elle  se  sent 
plus  libre  et  plus  ferme  que  dans  ces  espaces  celestes, 
k  travers  lesquels  elle  nes'elancaitqu'avec  timidity.  La 
cause  des  vents  alis6s  fest  parfaitement  expliquee ;  les 
Eruptions  des  volcans  sont  bien  decrites.  Les  plieno- 
mencs  electriques,  galvaniques,  magnetiques,  61ectro- 
magnetiqucs,  trouvent  menie  leur  place  dans  cette 
esquissc,  et  I'auteur  parlcnaturcilcnicntdecettemcrveil- 
leuse  tel6graphienouvelle  qui  auime,  pour  ainsi  dire,  la 


{  un  ) 

pens^e  humaine  de  notre  globe  tout  entier.  11  admire 
avec  raison,  a  ce  sujet,  le  genie  de  I'liomme,  et  il  ter- 
mine  par  ces  belles  paroles,  qui  sont  comme  Ic  resume 
des  nobles  id^es  qui  rfegnent  dans  tout  son  livre  : 

((  Les  decouvertes  successives  que  le  temps  am^ne 
dans  le  vaste  empire  des  sciences  ne  font  que  rehausser 
I'id^e  de  I'esprit  de  I'homme,  glorieux  de  saisir  I'en- 
semble  de  I'univers  et  de  pouvoir  apprecier,  autant 
qu'ilestenlui,  cetle  supreme  intelligence  qui  gouverne 
toutes  choses  et  en  pondtTe  Timrauable  harmonie.  En 
jetant  un  regard  sur  la  nature  et  sur  nous-memes, 
notre  respectueuse  admiration  remonte  vers  cette  su- 
blime intelligence  qui  est  Dieu,  unique  source  du  beau 
et  du  juste,  centre  et  flambeau  divin  de  Teternelle 
v6rite.  »  E.  Cortamdert. 


(  422  ) 
rVonvelles  et  coMiiuuffileati^inM. 


ON   MANUSCRIT   DE    tA  GfiOGRAPHIE    DE   PTOL£m£E, 
D£C0UTERT  AU   MONT  ATHOS. 


On  savait  depuis  longtemps  qu'il  cxistait  d'anciens 
manuscrits  dans  les  couvents  du  raont  Athos  et  meme 
on  avait  enttndu  parler  de  cartes  grecques  datant 
du  commencement  du  moyen  age.  Jiisqu'i  pr6sent 
ces  cartes  modernes  ne  se  sont  pas  retrouv^es  dans 
les  monast^res,  et  Ton  ne  connait  gu6re  que  deux  on 
trois  portulants  grecs  des  xvr  et  xvir  slides.  Le  voyage 
que  vient  de  faire  au  mont  Athos  un  savant  russe, 
M.  Pierre  de  S6vastianoff,  a  amen6  la  d^couverte  de 
plusicurs  manuscrits  pr6cieux,  non  moins  anciens,  et 
relatil's  k  la  g^ographie.  En  Tannic  1856,  il  6tait  au 
monast^re  dit  de  Vatopfede;  entre  autres  manuscrits,  il 
en  a  trouv6  un  qui  "renferme  la  geographic  dc  Ptol6m6e 
avec  les  cartes,  ainsi  que  des  fragments  de  la  geogra- 
phic de  Strabon.  Avec  le  secours  du  nouvel  art  de  la 
photographic,  il  aprisunc  copie  enti6re  et  complete  de 
ces  manuscrits,  avec  la  fiddite  qui  appartient  h.  ce  pro- 
c6d6,  aussi  sur  que  rapide.  Le  Ptoiem6e  ne  porte  pas 
Vindication del'auteur  des  cartes,  Agathod6mon,  comme 
dans  les  manuscrits  de  Venise,  de  Paris  et  dc  Vienne ; 
d' autres  diflerences  importantes  sc  remarquent  dans 
ces  cartes,  soit  pour  le  dessin,  soil  pour  la  nomcncla- 


(  423  ) 

ture;  les  variantes  du  texte  ajouteront,  a  I'mt^rSt  de 
cette  ddcouverte. 

La  notice  suivante  que  j' avals  tlemand^e  a  M.  de  Se- 
vastianoff  pour  accompagner  un  fac-simile  dont  je  lui 
suis  redevable,  ajoutera  encore  a  cet  int6ret ;  elle  est 
de  M.  Gabriel  Destounis,  attach^  au  d6partement  asia- 
tique  du  ministfere  des  affaires  6trang6res  de  Russie,  k 
qui  M.  de  Sevastianoff  avait  donne  a  6tudier  le  fac- 
simile  COmplet.  JOMARD. 


REMARQUES 

Sur  le  manuscrit  de  la  Geographie  de  Ptoleinee,  troiwe 
au  monastere  de  Vntopede  { inont  /i'fhos),  reproduit 
Ijliotographiquement ,  en  entier  ct  en  grandeur  natu- 
relle,  par  P.  de  Sevastianoff. 

Occup6  a  6tudier  la  copie  photographique  du  ma- 
nuscrit de  Ptol6m6e,  qui  se  trouve  au  convent  de  Vato- 
pfede,  au  mont  Atlios,  j  ai  du  me  borner  a  quelques 
observations.  Aucun  manuscrit  grec  de  Ptol6m6e  ne  se 
trouvant  a  Saint-P6tersbourg,  il  m'a  6t6  impossible  de 
coUationner  le  nouveau  fac-simile. 

Quant  a  rexterieur  du  manuscrit,  il  doit  representor 
quelque  ressemblance  avec  le  manuscrit  de  la  Biblio- 
thfeque  imp6riale  de  Vienne,  selon  la  description  qu'en 
a  donn6e  M.  Wachsmut  (1).  Ici,  comme  dans  I'exem- 

(l)  Voyez-en  la  description  detaill^e  daus  lexcellente  dissertation 
de  Heeren  :  De  fontibus  Geographice  Ptolemoii.  (Commentationes 
Sotting.  Recent.  VI.) 


(  liU  ) 

plaire  de  Vienne,  cliaqiie  carte,  h  bion  peu  d'exceptions 
prfes,  occupc  denx  pages  en  regard.  Dans  toutes  les 
deux,  les  chaines  de  montagnes  sont  indirpiees  par  des 
Hgnes ;  on  y  voit  les  m^ridiens  et  les  paranoics ;  les 
henres  des  plus  longs  jours  sont  a  la  droite;  I'ortho- 
graphe  y  est  assez  soignee ;  enfm  ces  cartes  sont  colo- 
rizes ;  mais  voici  la  dilT^rcnce  :  a  la  fin  del'exemplaire 
de  Vatopfede,  on  ne  lit  point,  comme  k  la  fin  de  ceux 
de  Vicnne  et  de  celuide  Venise,  Tinscription  suivante  : 

Toiv  KXocij'Jtou  riToAtijiai'ovi  piSXi'tov  ovtw  tv;v  oix5UU£'yr,v  itauav  Aya- 

eoJai'fjiw;  ih^a-Aptv;  uTrtruittocc  En  outrc ,  daus  le  texte  de 
Vatopi^de,  on  trouve  inscrit,  sur  le  front  de  cliaque 
carte,  un  sommairc  tir6  dn  livrc  VIII'  de  la  G^ogra- 
phie  ;  dans  celui  de  Vienne,  ce  sommaire  se  trouve  sur 
le  revers  des  cartes.  Lc  mannscrit  de  Vienne  a  6t6  6crit 
en  ih^li  par  Jean  Santariote,  Thessaliote;  la  date  de 
celui  dc  Vatopfede  n'est  point  indiquZe,  maisil  n'en  est 
pas  moins  sur,  a  en  jugerpar  I'Zcriture,  qu'il  est  beau- 
coup  plus  ancien  que  celui  de  Vienne. 

Pour  nic  rendre  compte  de  la  valeur  du  manuscrit 
en  question,  j'ai  profits  de  I'accfes  facile  et  bienveillant 
qu'ofTre  la  Biblioth6que  imperiale  de  Saint-P6torsbourg, 
et  j'ai  mis  h  contribution  ses  Editions  grecqucs  et  la- 
tines  de  Ptol6ra6e. 

Je  commence  par  le  cliapitre  sur  la  Macddoine, 
rfipire,  la  Thossalie,  etc.  En  collationnant  le  fac- 
simile photograpliique  avcc  diflerentes  editions,  j'ai 
trouv6  dans  le  texte  dc  Vatopede  quelques  dillerences 
dans  les  noms  proprcs  -,  par  exemple  :  le  golfc  Maliaque 
y  est  nomm(^  Malinaque;  la  Paraxie,  Parexie;  la  Bisal- 
tie,  Bixaltie ;  le  nom  du  district  des  Dassaretes  y  est 


(  li2b  ) 

m^connaissable ;  mais  il  en  est  de  m^me  dans  d'autrea 
manuscrits.  C'est  ainsi  que  dans  le  meme  passage, 
nous  trouvons,  Edition  de  Montanus  (1605),  dans  le 
texte  grec,  Erigonon  au  lieu  d'Erigon;  le  district  des 
Albotes  a  la  place  de  celui  des  Almopes,  etc.  Dans  l'^- 
dition  de  Montanus,  on  trouve  la  meme  faute  que  dans 
le  manuscrit  de  Vatopfede  ;  la  riviere  appel6e  \A'oioussa, 
de  nos  jours,  qui  anciennement  se  nommait  Ala;  ou 
A(oo;{Aousi,  estnomm^e,  dans  Tune  comme  dans I'autre, 
Loiis  (A wo?),  sur  la  carte  de  Vatopkle,  dans  la  traduc- 
tion latine  de  Montanus,  de  meme  dans  la  traduction 
italienne  de  Piuscelli  (1561,  Venise),  —  Loio.  Cette 
faute  a  du  se  glisser  primitivementpar  suite  dela  res- 
semblance  du  lambda  et  de  I'alpha. 

Le  dessein  principal  de  la  Geographic  de  Ptol6m6e 
6tant  de  determiner  les  longitudes  et  les  latitudes,  il 
m'a  6t6  indispensable  de  fixer  mon  attention  sur  ce 
sujet.  II  est  bien  constats  que  la  villa  de  Pydna  se  trou- 
vaitau  sud  de  I'Aliacmon  (I'lndje-Karassou  des  Turcs); 
cependant  Ptolem6e  la  place  au  nord  de  cette  rivifere ; 
il  indique  39"  Zi5'  pour  la  ville  et  39"  40' pour  I'em- 
bouchure  de  la  rivifere.  Mais  cet  6cart  ne  se  voit  pas 
seulement  dans  le  manuscrit  de  VatopMe,  il  est  encore 
dans  r^dition  de  Montanus ,  meme  dans  celle  de 
M.  Nobbe,  qui  a  confront^  plus  de  manuscrits  que  tout 
autre.  Si  ce  n'etait  qu'une  faute  dans  le  chiflre  des 
minutes,  I'ordre  meme  dans  lequel  se  succfedent  ces 
noms  viendrait  confirmer  le  fait  que  Ptol^m6e  lui- 
meme  plagait  Pydna  au  nord  de  I'Aliacmon  :  car  dans 
ce  passage  du  texte,  c'est  du  nord  ausud  que  se  dirige 
notre  g6ographe.  Pourr6soudre  cette  difficult^,  atten- 


(  /r26  ) 

dons  les  variantes  de  la  grande  Edition,  promise  par  le 
professeur  Nobbe,  de  Leipzig  (1). 

Aigostht'ne  se  trouve  indiqu6e  par  60'  lib'  de  lati- 
tude ;  Syphae,  par  51°,  par  const^quent,  la  premiere  de 
ces  villes  i  I'occident  dela  seconde.  Bien  plus,  Aigos- 
thSne  y  est  nominee  parmi  les  villes  de  I'int^rieur  de  la 
Phocide.  L'une  et  1' autre  se  Irouvent  ainsi  plac6es  dans 
toutes  les  Editions  que  j'ai  pu  comparer.  Le  manuscrit 
de  Vatopfede  venant  k  I'appui  de  la  vulgate,  relative- 
ment  k  la  longitude,  ainsi  qui  la  situation  ni6diter- 
ran6enne  d'Aigosth^ne,  la  question  suivante  s'olTre 
d'elle-ineme  :  ne  pourrait-on  pas  admettre  cette  lefon 
comme  exacte  ?  Mais  elle  est  en  contradiction  avec  un 
fait  av6r6,  savoir  :  le  gisement  d' Aigosth^ne  a  I'orient 
de  Syphae,  au  bord  de  la  mer,  constate,  non-scule- 
ment  par  I'accord  unanime  de  tons  les  savants  qui  se 
sont  occupes  ad^terminerl'emplacement  de  cette  ville, 
mais,  qui  plus  est,  il  y  a  une  inscription  trouv6c  de- 
puis  pen  par  M.  Forchhammer  dans  la  place  indiqu6e 
avant  lui  par  les  autres  savants  ('2).  A  quoi  nous  en 
tenir?  Ne  saurait-on  pas  admettre  qu'au  milieu  de  la 
Phtiotide,  il  pouvait  y  avoir  une  autre  Aigosth^ne,  diffe- 
rente  de  I'Aigosthfene  maritime  ? 

Je  passe  a  la  carte  qui  correspond  au  texte  du  ma- 
nuscrit de  Vatopfede.  D'un  cot6,  on  est  frapp6  par  I'a- 
nalogie  qui  existe  entre  le  texte  et  la  carte ;  d'un  autre 


(1)  Voyez  la  preface  de  son  edition  st^rdotype,  en  trois  volumes. 
Leipzig  (1843-1845). 

,2)  Voyez  cette  inscription  dans  la  brochure  intitulde  :  Halkyonia, 
ar  P.  W.  Korchhamer,  Berlin,  1857,  pages  33  etl5. 


{  427  ) 
on  n'est  pas  moins  frapp6  par  le  manque  d'analogie. 
On  ne  trouve  pas  sur  la  carte  de  Mac6doine  (Epire, 
Thessalie,  etc. ) ,  un  seul  nom  qui  ne  se  trouve  dans  le 
texte,  pas  un  seul  nom  r6cent.  G'est  ainsi  que  les  hearts 
des  manuscrits,  peut-etre  les  erreurs  de  Ptolt^m6e  lui- 
meme,  que  je  viens  de  signaler,  se  repfetent  sur  la 
carte.  Ainsi  il  n'y  a  aucune  innovation  dans  les  noms. 
En  quoi  diff6re  done  le  texte  de  la  carte?  G'est  qu'on 
ne  trouve  point  indiqu6  sur  celle-ci  ce  qui  se  lit  dans 
le  texte.  D'ailleurs  ceci  a  6t6  observ6  sur  les  cartes  des 
autres  manuscrits.  Sur  la  carte  du  manuscrit  de  Vato- 
p6de,  la  plupart  des  noms  des  districts,  les  noms  de 
quelques  villes,  de  quelques  chaines  de  montagnes,  de 
quelq lies  caps,  sont  omis.  II  est  hors  de  doute  que  celui 
qui  a  dessin6  les  cartes  annex6es  h  I'ouvrage  du  grand 
g6ographe,  que  ce  fut  lui-meme  ou  un  autre  person- 
nage,  y  a  plac6  toutes  les  villes,  les  riviferes,  etc.,  qui 
se  sont  trouv6es  dans  le  texte  de  Ptol6m6e  :  uue  fois 
qu'on  les  voit  astronomiquement  d6termin6es  dans  le 
texte,  comment  aurait-on  pu  les  omettre  dans  la  carte  ; 
ou  bien  quel  savant  aurait  eu  la  hardiesse  d' omettre  k 
dessein  ce  qui  a  6t6  cm  indispensable  par  un  homme 
comme  Ptol6mee,  dont  I'autorit^  est  demeur6e  irrecu- 
sable h  travers  les  si6cles  jusqu'a  I'^poque  de  la  re- 
naissance? Les  sifecles  qui  les  suivirent  n'6taient  pas 
en  6tat  de  completer  ni  de  corriger  Ptol6m6e  :  ils  6taient 
passes  ces  temps  oi  Strabon  corrigea  Eratosthfene , 
ou  Ptol6m6e  corrigea  Marin  de  Tyr  (1) .  II  serait  par 
consequent  bien  hasard6  d'admettre  des  omissions  faites 

(1)  Voyei  le  texte  de  Ptol6m^e,  livre  I,  chap.  6  et  17. 


(  428  ) 

a  dessein.  Ces  omissions  sont  arriv6es  plus  tard  :  par 
suite  des  copies  rt-iterees  des  cartes ,  les  noms  ecliap- 
paicnt  iniperceptiblement,  ce  qui  a  du  passablement 
abreger  I'onoinasticou  du  fameux  geographo.  Ainsi, 
quoique  Ic  nombre  des  noms  ([ui  so  trouvent  sur  la 
carte  soit  bien  reduit,  compare  au  nombre  primitif  des 
noms  de  Ptol6m6e,  en  revanche  nous  n'y  apercevons 
pas  de  noms  postericurs  a  I'epoque  de  Ptolemee.  Cette 
carte,  quoique  incomplete,  repose  sur  une base  ancienne, 
sur  la  base  du  texte  meme  :  on  y  apercoil  des  omis- 
sions qui  ne  sont  pas  faites  a  dessein,  mais  qui  se  sont 
accumulees  par  la  marche  des  si^cles  ;  personne  n'y  a 
ajoute  du  sien,  personne  n'y  a  exerc6  son  esprit.  Ceci 
lui  donne  un  caractSre  tout  archaique.  11  en  est  bien 
autrement  des  textes  imprimis.  Les  ancienncs  6ditions, 
celle  de  Rome  (li78,  lat),  celle  d'Ulm,  (l/i82,  lat.), 
n'ont  fait,  il  est  vrai,  qu'incliner  un  peu  les  mdnidiens 
vers  le  p61e,  pour  donner  aux  terres  une  configuration 
plus  rapprochec  de  la  r6alit6,  les  denudes  des  noms  n'y 
6tant  suppl^^es  que  d'apr^s  les  lacunes  du  texte  de 
Ptolemee  lui-meme  (1).  Quant  a  Mercator,  on  sait 
qu'iln'avaitpas  grav6  ses  cartes  d'apris  ccUes  qui  sont 
annex6es  aux  manuscrits,  mais  bien  sur  des  cartes  im- 
prim6es.  C'est  pourquoi  vous  lisez  sur  sa  carte,  au  lieu 
d'Erignon,  Drilon  (ce  qui  rappelle  le  nom  moderne 
Drill) ;  la  ville  de  Stobce  au  nord  d'Axius  (2) ,  tandis 
que  la  carte  de  Vatop6de  a  bien  raison  de  la  placer  au 

(1)  Voyez  la  disserlation  ritce  cidessus,  de  Hecren,  pap;ps  68-71. 

(2)  Voycz  la  carlo  de  Mcrcalor,  anucxde  a  I'edition  do  Montanu 
1605. 


(  /l29  ) 

sud.  II  reste  hors  de  doute  qu'iine  carte  ancienne  ma- 
miscrite,  quelque  incomplete,  quelque  difforme  qu'elle 
fut,  olTre  d'excellents  niateriaux,  tandis  que  les  cartes 
imprimees,  pour  6tre  corrig6es  et  augraentees,  ne  sau- 
raient  servir  de  mat^riaux. 

Avant  de  quitter  cet  int6ressant  facsimile,  je  me 
suis  decide  a  en  collationner  un  passage  avec  la 
meilleure  des  Editions,  celle  de  M.  Nobbe,  et  avec  un 
trfes  ancien  manuscrit  latin  de  Ptolemee,  conserve  k 
Saint-Petersbourg,  dans  la  biblioth^que  de  I'titat-major. 
Une  partie  de  ce  manuscrit  renfermant  les  pays  qui 
correspondent  a  la  Piussie,  a  et6  ins&'^e  dans  le  X*  vo- 
lume du  Bulletin  de  V Academie  des  Sciences,  par  le 
D'E.  Muralt.  En  voici  quelques  donnt^es  (les  mots  6tant 
mis  en  latin) . 

La  latitude  de  Chersiui  suivanl    !e  manuscrit  de   I'^tat-major  est 

de 59M/2  Manusc.  VatopWe.  . .     59' 

Acra 49*2/3  —  49"  1/2 

Orthographc   des  noms  :  Hypenis.  —  Ilypainios. 

»  Rosolani.  —  Roiolaiije. 

u  Sulones.  —  Soulaues. 

«  Phengiticef  _  Pieneita. 

PoengitE.  '  '«°g"^- 

Au  sujet  de  la  carte  de  la  Sarmatie  europ^enne,  j'ai 
la  meme  remarque  a  faire  qu'au  sujet  de  la  carte  de 
Macedoine,  Epire,  etc.  II  n'y  a  pas  un  seul  mot  de 
change  ;  ce  sont  tous  les  memes  noms ,  et  il  y  a  des 
omissions. 

Le  texte  et  les  cartes  qui  vont  etre  livr6s  aux  Etudes 
des  savants,  pr^sentent  un  interet  particulier  mfime 


(  4:^0  )■ 

S0U3  le  rapport  philologique.  Je  veux  parler  de  la  di- 
versitc  d'6criture  des  noms  propres,  qui  nous  t6moigne 
du  changementsuccessif  que  subissait  la  prononciaiion 
des  noms  propres.  C'est  ainsi  que  M.  Nobbe  lit,  conime 
de  raison,  :up,ja<iov;  sur  la  carte  de  Vatoptide,  \ex^  '^^~ 
g6n6r6  en  «;  puis  le  texte  de  Valopedf  change  I'u 
(iipsilon)  en  ou;  et  ce  Auppixiov  nous  rapproche  insensi- 
blement  du  Durazzo  des  Italiens.  Dans  le  texte  de  Vato- 
pMe,  vous  lisez  iix-jwv,  forme  ancienne  ct  sur  la  carte  de 
Vatnpfcde,  iixu';DVT!,  forme  allong6cpost6rieure.  (Vest  de 
cette  mani^re  qii'a  du  se  former  n\ivyo.r>  (texte  de  Va- 
toptide)  de  nXtuwv  qui  est  plus  ancien ;  c'est  pourquoi 
M.  Nobbe,  tout  en  introdnisant  cette lecon,  n)nuc«v»).  ne 
mancjue  pas  d'intercaler  cette  (jcrniere  voyelle.  Ajou- 
tons  que  le  texte  est  plus  correct  et  plus  exact  que  la 
carte. 

Je  demandcrai  la  permission  d'arrfiter  I'attcntion  sur 
un  fait  particulier.  Le  texte  de  Vatopfede  conserve  le 
district  d'Albanon  et  la  villc  d'Albanopolis  ;  la  carte  ne 
porte  que  cette  derniere  ;  car  dans  la  carte,  corame 
d'ordinaire,  on  aomis  le  district,  tout  en  maintenantla 
ville.  Ce  nom  repute  r^'cent  vient  done  de  nouveau 
frapper  les  yeux  de  rethnologue.  On  saif  ({u'autrcfois, 
lorsqu'on  penchait  a  considerer  les  Albanais  comnie 
une  des  tribus  amen6es  par  les  migrations  du  moyen 
dge,  ces  deux  noms  qui  figurent  dans  Ptolemee  ont  6t6 
mis  en  doute  :  c'etait  rautorii6  du  fameux  Mannert 
qui  decidait  alors  la  question.  Mais  la  reproduction  de 
ces  noms  dans  plusieurs  nianuscrits  de  Ptok'm^e,  dans 
ses  cartes,  le  mont  Albion  dans  Strabon  (dans  le  voi- 
sinage  des  Albanais)  que  Ptolem6e  appelle  Albanon, 


(  A31  ) 

rile  d'Arbe  (ou  Albe)  dans  I'archipel  illyrien,  le  nom 
d'Arb^nie  donn6  au  district  qui  avoisine  le  golfe  de 
Vallone,  le  sens  plus  6tendu  donn6  h.  I'Arbiinie  par 
I'usage,  toutes  ces  donn^es,  rapprocli6es  par  M.  Hahn, 
ne  permettent  plus  de  mettre  en  doute  1' existence  du 
district  d'Albanon  et  d'Albanopolis  a  I'^poque  de  Pto- 
16mee.   On  sait  que   les   Grecs  appellent  ce  peuple 

A),§ofyo'i. 

Enfin,  I'autochthonisme  dcs  Albanais  prouv6  par 
Hahn,  par  Pott,  au  moyen  de  la  linguistique,  ne  laisse 
plus  lieu  aux  doutes.  L'ancien  manuscrit  qu'on  vient  de 
faire  connaitre  ne  fait  que  confirmer  toutes  ces  donn6es 
de  la  science. 

TcUes  sont  les  observations  qu'on  a  pu  faire  sur 
deux  localit6s  et  qu'on  se  garde  d'applirjuer  k  tout  le 
texte  et  a  toutes  les  cartes  du  manuscrit  de  Vatopfede. 
L'appelfait  par  M.  de  S6vastianon'  aux  personnes  sp6- 
cialement  vers6es  dans  la  g6ographie  ancienne,  ainsi 
que  dans  la  critique  des  textes  de  Ptol6mee,  ne  tardera 
point  i  amener  une  veritable  appreciation  du  manuscrit 
de  Vatopfede. 


DE  LA  CONSTITUTION  PRIMITIVE 

DE   LA  SOCltTfi  5ERBE. 
(Extrait  d'uue  letlre  de  M.  Boa^  ^  M.  Viquesael). 

Vieane,  le  26  niai,  1859. 

M.  Utieschenovitch,  savant  create,  conseiller  minis- 
t6riel  au  ministere  de  I'int^rieur,  a  donne  surlaconsti- 


(  A32  ) 
tution  cle  la  famille  Scrbe  dite  Zailrui^a  on  l)rntscln>o, 
de  curieux  renseignements.  La  Zadruga  estpropreaux 
Serbes.  Lcs  Kusscs  n'ont  que  la  propriiite  communale, 
les  paysans  russes  de  chaque  commune  nepossedant  indi- 
viduelleiiicnt  rien;  et  cultivant  leurs  champs  en  commun 
sous  les  ordres  de  leurs  maires  de  village  pour  se  par- 
tager  les  produits  des  r^coltcs  d'aprSs  le  chiffre  num6- 
rique  de  chaque  famille.  La  communion  de  famille  des 
Slaves  du  midi  6tait,  telle  quelle  existait  autrefois  et 
quelle  existe  encore  en  partie  aujourd'hui,  un  6tat  in- 
term6diaire  de  possession  territoriale,  qui  serait  peut- 
6tre  applicable  au  passage  des  paysans  russes  de  leur 
6tat  actuel  a  I'^tat  libre  et  au  droit  individuel  de  pos- 
session territoriale.  Malgre  ces  deux  facons  de  posseder 
des  immeubles  (si  etrange  aux  yeux  de  I'oucstde  I'Eu- 
rope) ,  les  individus  des  families  russes  et  slaves  peu- 
vent  posseder  de  I'argent,  des  papiers,  des  meubles, 
dulinge,  desbestiaux,  etc.,  comme fortune  particulifere 
pourlaquelle  ils  peuvent  tester,  tandis  que  pour  le  bien 
d'unc  communion  de  famille  aucun  testament  n'est 
possible  et  valable,  exccpte  le  cas  d'un  seul  survivant  de 
famille.  Le  bien  reste  i  la  famille ;  tant  pis  pour  celui  qui 
s'ensepareetvacourirle  monde.  llpourrabicnquelque- 
fois  etresecouru  par  la  famille  ou  aide  dans  ses6tudes, 
son  commerce,  etc.;  mais  il  n'a  part  aux  benefices  des 
travaux  executes  en  commun  dans  la  famille  que  lors- 
qu'il  y  rentre.  Voila  la  solution  de  I'enigme  de  Y absence 
des  pauvres  slaves  dans  toule  la  Turquie  d' Europe,  lis 
n'ont  pas  besoin  de  mendier,  puisque  dans  la  misfere 
leur  famille  doit  leur  fournir  de  quoi  vivoter  sans  desho- 
norer  leurs  proches.  D'une  autre  part,  les  Slaves  peuvent 


C  /i33  ) 

exercer  toutes  sortes  de  professions,  sans  pour  cela 
sortir  tout  a  fait  du  lien  de  la  communaut6  de  famille ; 
ils  y  rentrent  quand  ils  veulent.  Pour  donner  aux  tra- 
vaux  de  campagne  et  a  I'administrationdes  biens  d'une 
famille  une  suite  et  la  r6gularit6  n^cessaire,  la  famille 
se  choisit  a  la  majority  des  voix  un  chef,  qui  ordonne, 
distribue  les  travaux  a  sa  guise,  loue  des  ouvriers  s'il 
le  faut,  r^primande  les  paresseux,  apaise  les  dissen- 
sions, decide  sur  les  pretentions  qui  s'616vent  et  punit 
memejusqu'a  un  certain  point  les  membres  de  la  famille 
qui  se  montrent  reveches.  C'est  a  la  fois  un  p6re  de  fa- 
mille soigneux,  un  directeur  de  police  de  famille  etun 
agent  surveillant.  Ce  Starescldna  estloin  d'etre  touj ours 
le  plus  ag6;  c'est  au  contraire  d'ordinaire  le  plus  en- 
tendu,  le  plus  actif.  L' Election  est^DOur  un  temps  illi- 
mit6,  court ou  long;  si  la  famille  est  m6contente,  on  va 
aux  voix  et  on  change  son  chef  de  file.  Ce  dernier  a 
bien  le  droit  d'emprunter  sur  les  biens  de  la  famille 
jusqu'a  la  moitie  de  lew  valeiir,  mais  il  ne  pent  le  faire 
qu'avec  I'assentiment  de  la  famille. 

Ce  droit  slave  paraitrait  avoir  6t6  aussi  en  pratique 
trfes  anciennement  chez  les  Czfeches.  Aujourd'hui  on  le 
trouve  dans  toute  la  Turquie  d'Europe,  la  Dalmatie, 
laCroatie,  la  Slavonic,  la  Syrmie  et  le  Bannat.  Or  dans 
ces  cinq  derniers  pays  autrichiens,  il  n'y  en  a  qu'environ 
la  moitie  ou  les  deux  tiers,  qui  fassent  partie  de  lafron- 
ti6re  militaire,  c'est-a-dire  du  pays  limitrophe  de  la 
Turquie,  car  toute  la  population  est  censee  militaire  et 
n'est  regie  que  militairement.  Le  gouvernement  avait 
trouv6  dans  les  communaut6s  de  famille  un  moyen  facile 
d'entretenir  toujours  sur  la  frontifere,  et  ipeu  de  frais, 

XVU.    MAI  ET  JUIN.    8.  29 


(  434  ) 

une  force  arm6e  exerc6e,  car  chaqiie  commiinaut6  de 
faraille  6tait  obligee  d'entretenir  en  tous  temps  un  ou 
deux  soldats,  de  les  6quiper,  armer  et  uourrir,  de  les 
remplacer  lorsqu'ils  meurent.On  comprend  que  le  temps 
de  ce  service  peut  pour  I'individu  se  prolonger  ou  se 
raccourcir,  parce  que  la  famille  pouvait  a  volenti 
remplacer  Pierre  par  Jean.  Dans  le  service  ordinaire 
de  postes  a  la  fronti^re,  un  honune  est  tout  au  plus 
s6par6  de  sa  famille  six  semaines ;  en  temps  de  guerre 
c' est  autre  chose,  et  il  y  a  alors  le  cas  fatal  que  tous  se 
mariant  de  bonne  heure,  les  dec6s  produisent  beaucoup 
de  veuves  et  d'orphelins.  La  derni^re  guerre  des  Au- 
trichiens  avec  les  Hongrois  a  donn6  i2()00  veuves 
slaves  du  midi,  dit-on.xiujourd'hui  la  famille  create  ne 
nonrrit  ni  ne  vetit  les  hommes  qu'elle  fournit,  mais  ils 
recoivent  pour  chaque  fois  qu'ils  se  mettent  sous  les 
armes  pour  aller  surveiller  la  frontifere  un  boni  mal 
taill6,  qui  doit  leur  servir  a  payer  leurnourriture ;  mais 
le  fait  est  qu'ils  emploient  Ic  tout,  ou  du  moins  une 
partie  de  cet  argent-paye,  k  s'humecter  legosier  de  vin 
et  d' eau-de-vie,  et  que  la  famille  est  n6anmoins  obligee 
de  leur  donner  du  pain  a  emporter. 

Un  second  point  capital  est  le  norabre  des  individus 
soldats  que  le  gouvernement  peut  lever  ou  exiger  de 
cha(iue  famille  dans  les  districts  militaires;  or  c'est 
nd  libitum  :  par  exemple,  sihors  des  districts  fronti^res 
militaires  on  16ve  dans  un  canton  deux  cents  hommes, 
il  peut  arriver  qu'on  premie  dans  un  canton  de  meme 
o-randeur  situ6  dans  le  district  militaire  des  fronti6res 
jusqua  deux  mille  hommes  et  meme  plus.  Vous  voyez 
que  c'est  faire  sortir  de  terre  des  armies  exerc6es. 


(  435  ) 

D'une  autre  part,  dans  les  pays  slaves  hors  de  la  fron- 
ti^re  militaire,  le  goiivernement  aiitrichien,  dtant  en- 
tr6  depuis  18A8  dans  desvuestoutesnouvelles,  lepay- 
san  devenant  partout  propri6taire  foncier  et  vos  lois 
civiles  ayant  gagn6  pied,  le  gouvernement,  dis-je,  n'a 
su  que  faire  de  ce  qui  lui  a  paru  au  premier  abord,  bien 
que  bas6  sur  la  legislation  romaine ,  une  absurdity 
contraire  au  d^veloppement  des  facult6s  individuelles 
et  de  I'industrie.  Comme  M.  Utieschenovitch  le  dit  fort 
bien,  au  moment  o^  on  salt  a  fond  I'esp^ce  de  civili- 
sation des  Cafres  et  des  Hottentots,  on  ne  parait  pas 
meme  connaitre  enti^rement  en  Autriche  la  cheville 
ouvri6re  du  droit  ou  de  la  vie  slave,  et  encore  bien 
moins  hors  des  limites  de  I'empire.  Ce  droit  coutumier 
a  pourtant  1200  ans  d' existence. 

Par  suite  de  cette  iucurie,  le  gouvernement  s'est  mon- 
tr6  passif  envers  ces  communautt^s  de  famille  hors  du 
pays  militaire  des  fronti6res,  et  ne  s'est  point  oppos6  k 
ces  intrus  Strangers  qui  out  prech6  contre  la  betise 
de  ce  droit.  II  en  est  r6sult6  que  certaines  commu- 
nions se  sont  dissoutes,  des  partages  ont  eu  lieu,  des 
membres  ont  d6sob6i  aux  ordres  du  chef  de  famille 
et  se  sont  laiss6  6blouir  par  des  sophistes.  Or  la  fm 
malheureuse  n'a  pas  tard6  a  arriver.  R6unis  en  famille 
et  composes  de  deux,  trois  ou  quatre  manages  (ou 
plutot  maisons  oii  ils  couchent,  car  ils  dinent  ensemble) 
avec  25  a  hO  iock  de  terrain,  avec  plusieurs  paires  de 
bceufs  ou  chevaux,  Zi  ^  8  vaches,  10  a  20  pi6cesdeb6- 
tail,  15  a  20  cochons  ou  moutons,  de  la  volaille  et  les 
instruments  aratoires  n6cessaires,  ils  pouvaient  culti- 
ver  le  sol  et  en  vivre ;  mais  s6par6s,  isol6s  avec  trop 


(  hM)  ) 

peu  d' instruments  et  de  betail,  ils  n'ont  pas  toujours  pu 
arriver  a  cultiver  leur  terrain  ainsi  niorcele.  Ils  se  sont 
meme  partage  quelqueibis  des  arbres,  et  jusqu'aux 
solives  de  leur  niaison  !  Ils  se  sont  endettes,  ont  vendu, 
et  sont  tombes  dans  la  misere.  Voila  done  une  nouvelle 
source  lie  proletariat  en  /lulriclie. 

En  Croatie,  le  droit  romain,  ycomprisle  droit  de  pri- 
mogeniture pour  les  nobles,  est  suivi  dans  les  villes ; 
raais  a  la  campagne  il  n'y  a  que  le  droit  de  la  commu- 
naut6  de  famille.  Ces  coutumes  demandent,  il  est  vrai, 
des  id6es  que  n'ont  pas  nos  paysans.    D'abord  un  chef 
de  famille  se  d6met  de  sa  place  lorsqu'il  sent  que  ses 
forces  diniinuent,  d'apr6s   le  proverbe,  Ko  mdi  onaj 
valja  i  da  sudi,  que  celui  qui  travaille  doit  gouverner. 
Les  slaves  sont  accoutumes  a  discuter  leurs  afl'aires 
de  famille  ;  ils  se  plaisent  a  ces  tournois  d'eloquence 
d'interieur,  et  sont  prets  a  c6derlorsqu'on  leur  oppose 
de  bonnes  raisons ;  ils  parlementent  meme  avec  leurs 
ouvriers  Strangers  a  la  famille.  Ils  sont  done  faits  pour 
un  regime  parlementaire  eclair^  ;  ils  ne  sont  done  pas 
tetus  et  brutaux  connne  les  paysans  allemands.  Les  fa- 
milies s'entr'aident  pour  les  travaux  de  campagne,  pour 
les  moissons,  etc.  :  c'est  ce  qu'on  appelle une  moba,  une 
meute  d' ouvriers ;  les  travaux  s'ex6cutent  alors  en  chan- 
tant  des  chansons  appropri^es  a  I'occasion.   La  mai- 
tresse  de  maison  rest?  chez  elle  avec  les  enfants  et 
prepare  le  manger;  les  enfants  plus  ages  condulsentles 
bestiaux  sur  lespaturages,  ou  vonl  al'^cole.  Les  femmes 
vont  aux  champs  en  hlant  ou  en  portant  leurs  enfants 
:\  la  mamelle  sur  leur  dos.  Le  produit  des  recoltcs  est 
mis  de  c6t6  par  le  maitre  et  la  maitresse  de  la  famille, 


(  437) 

pour  payer  les  impots.  Dans  certaines  contr^es,  le  sur- 
plus des  recoltes  est  partage  entre  les  paires  d'^poux. 
N6annioins  chacun  de  ces  derniers  a  sa  petite  fortune, 
ses  6pargnes,  le  produit  de  son  travail,  par  exemple 
pour  la  fabrication  d'instruments  de  campagne,  etc., 
quelquefois  quelques  bestiaux.  Le  Stareschiim  ne 
nourrit  pas  seulement  toute  la  famille,  il  fournit  aussi 
les  vetements  et  la  chaussure.  La  toile  se  fabrique 
dans  la  famille;  pour  cela  chaque  paire  d'6poux  a 
quelques  carr6s  de  chanvre  et  de  lin.  Le  soir  et  dans 
la  nuit,  surtout  en  hiver,  on  fde. 

Dans  certains  pays  les  femmes  alternent  dans  les  soins 
du  manage,  a  savoir,  pour  la  cuisine,  la  cuisson  du  pain, 
la  nourriture  de  la  volaille,  pour  traire  les  vaches,  etc. 
Ces  changements  ont  lieu  de  huit  en  huit  jours ;  cela 
s'appelle  «  venues  a  leur  toiu- » ,  Redusclui.  Les  femmes 
ag6es  sont  exemptesde  travail,  parce  que  les  jeunes  ou 
les  belles-fillesles  remplacent.  Lorsqu'  une  fdle  se  marie, 
on  lui  donne  une  dot  tiree  de  la  fortune  mobilifere 
de  la  famille ;  elle  sort  du  ressort  de  possession  de  la 
famille.  Plus  rarement  on  y  admet  au  contraire  des 
hommes  6pousant  des  fiUes  de  la  famille.  Le  principe 
slave  est  que  riiomme  doit  poun'oir  aiix  besoins  de  sa 
fern  me. 

Cette  administration  de  famille  y  rend  les  vols  et 
autres  d61its  presque  impossibles.  Les  membres  m6- 
contents  quittent  ordinairement  la  famille.  Les  chefs 
arrogants,  injustes,  sont  bientot  mis  de  cote.  L'harmo- 
nie  dans  les  families  est  par  cela  nieme  assez  g6n6rale. 
D'ailleurs  la  plupart  ne  sont  pas  si  nombreuses  qu'on  se 
I'imagine.  En  auoyenne,  ce  nombre  ne  d6passe  pas  dix 


(  438  ) 

a  douze  individus,  ce  qui  provient  de  la  quantity  des 
individus  qui  s't^loignent  de  la  famille  poiir  suivre  une 
autre  carrifere.  Dans  certaines  families,  les  jeunes  gens 
quittent  la  niaison  a  tour  de  r6le  pendant  deux  ou 
trois  ans  pour  aller  gagner  de  I'argent  d'une  ma- 
nifere  ou  d'une  autre.  L'argent  gagn6  reste  leur  pro- 
pri6t6  en  entier,  ou  ils  en  donnent  un  trentifeme  k  la 
famille,  ce  qui  arrive  surtout  lorsqu'ils  s'absentent  en 
6t6  at  reviennent  en  hiver. 

Les  exceptions  a  cette  r6gle  sontci  etlkdes  families 
riches  et  compos6es  de  cinquante  a  soixante  individus, 
ou  bien  I'oppos^,  de  families  r^duites  kune  seulepaire 
d'6poux,  comme  dans  les  comitats  de  Fiume  et  Wa- 
rasdin. 

Tel  est  le  r6suni6  fid61e  de  cette  coutume  enracin6e 
par  I'usage  chez  les  Slaves  du  sucl  et  ent6  sur  leur  ca- 
ract^re  particulier ;  mais  pour  nos  jurisconsultes  actuels 
les  lois  ne  reconnaissent  plus  les  droits  coutumiers. 

La  communaut6  de  famille  a  6t6  r6gl6edans  les  dis- 
tricts militaires  par  une  loi  de  1807,  renouvel6e  le  7 
mai  1850. 

Les  Hongrois  ont  voxdii  ignorer  ces  coutumes  et  im- 
proviser  une  legislation  civile  d'h^ritage  comme  chez 
eux,  ce  qui  n'a  fait  qu'exciter  en  1848  les  Croates  et 
les  Serbes  a  se  r6volter.  En  Servie,  un  chapitre  entier 
du  code  civil  traite  du  Zadriign  ou  des  communaut^s 
de  famille,  mais  il  contient  des  articles  si  difTus  et  si  con- 
tradictoires  qii'ils  n'existent  pas  dans  la  pratique.  En 
1855  on  y  ajouta  un  conmientaire,  dans  lequel  on  n'a- 
vait  recours  qu'a  des  may  ens  moratix  pour  enipecher 
la  ruine  de  rasage  ties  cormnimautes  de  famille,  Ainsi 


(  439 

pour  rimpot  personnel  on  d6cr6ta  que  dans  une  familie 
de  quatre  a  cinq  individus  on  serait  Iib6r6  de  cet  im- 
pot,  que  dans  une  faniille  de  six  a  sept  individus  deux 
jouiraient  de  cette  faveur,  trois  dans  celles  de  huit  a 
■neuf  individus,  quatre  dans  les  families  de  dix  individus. 
Ce  sont  ces  essais  de  remplacer  des  usages  antiques  par 
une  legislation  emprunt^e  a  des  pays  europ6ens  plus 
civilises,  qui  sont  en  partie  I'origine  du  m6contente- 
ment  en  Servie,  ou  Ton  ne  put  entrevoir,  accoutum6 
que  Ton  6tait  a  des  procedures  courtes  et  a  une  legisla- 
tion simple,  les  bons  effets  de  lois  si  antipathiques  au 
sens  du  pays.  A  1' observation  d'un  Stranger  que  la  Ser- 
vie ne  pouvait  avancer  en  civilisation  sans  litt^rature 
et  sans  livres,  un  Serbe  de  I'ancienne  roche  r^pondit 
tout  crument  a  la  turque  :  A  schta  su  -vasche  knjige^  la 
od  knjige  staria  Je  glava,  eh!  que  SOnt  VOS  livres  ?  la 
tete  est  plus  ancienne  cpie  vos  bouquins.  Bolje  kaschto 
nosche  i  polovno,  nejin  iiirlje  iziiova  krojeno,  le  uotre 
fnotre  habit)  est  souvent  meilleur,  quoiqu'il  soit  use, 
que  retranger  nouvellement  repare. 

Dans  le  cas  oii  une  Zndnign  se  trouve  reduite  h  une 
familie  composee  d'un  seul  enfant  male  etd'enfantsdu 
sexe  feminin,  le  fils  continue  de  posseder  la  propriete,  et 
lesfdlesrecoivent  leur  avoir  en  argent,  et  sortent  dela 
familie  et  de  la  propriete.  Le  Zadruga  drui s china  ou 
Dntthrn  ne  doit  pas  etre  appele  un  usuge  paUiarcnl^ 
corame  quelquespersonnesl'ont  fait,  car  unpatriarche 
doit  etreobei  en  toute  occasion  par  ses  enfants,  et  ces  der- 
niers  ont  seuls  des  devoirs  aremplir,  tandisque  dans  le 
Zadm^a  il  n'y  apaslamoindre  trace  de  soumission  sem- 
blable  a  celle  d'un  esclave  relativement  au  Gospodar 


(  liliO  ) 

ou  administrateur  de  la  niaison.  On  n'y  trouve  pas 
meiiie  la  soumission  stricte  aux  ordres  patcrnels.  Tons 
les  membres  out  les  memes  droits  a  la  propri6te  ou 
fortune  commune  com  me  dans  une  soci6t6  d'action- 
naires,  eton  sesubordonnerationnellementa  I'adminis- 
tration  du  gospodar,  tout  en  se  r6servant  ses  droits  de 
discussion  et  de  d6bat,  d6cid6s  a  la  majorite  des  voix. 
Les  Turcs  trouvant  ces  coutumes  etablies  chez  les 
Slaves  et  y  apercevant  tout  de  suite  un  excellent 
moyen  non  couteux  de  gouvernement,  n'eurent  garde 
d'y  toucher.  Le  Staresc/iina  de  chaque  famille  estcelui 
seul  avec  lequel  ils  ont  affaire,  soiten  fait  d'impot,  soit 
en  fait  de  police  ou  de  d6lit.  Le  Zadru^a  et  la  juridiction 
eccl^siastique  grecque,  ainsique  les  enchferes  des  places, 
tel  est  le  reliquat  de  1' empire  byzantin  que  les  Osman- 
lis  ont  continue  et  dont  ils  se  sont  fort  bien  trouv6s. 
D'une  autre  part,  on  comprend  ais6ment  combien  un  tel 
6tat  de  clioses  facilite  une  unit6  et  une  r^volte  nationale, 
regard6e  comme  la  propagation  d'une  id6e  nationale. 
La  reunion  des 6"frt/e*cA//ia  conduit  naturcllement  a  des 
assenibl6es  communales  peu  nombreuses ;  de  celles-ci 
on  passe  a  des  assemblies  de  district,  et  enfin  k  des 
assemblees  de  province,  lorsque  les  Stareschina  choi- 
sissent  entre  eux  des  d6put6s  :  telle  est  I'origine  de  la 
Skoitpschtina  serbe.  On  comprend  que  des  institutions 
aussi  d6mocratiques  ne  peuvent  trouver  grace  devant 
un  gouvernement  imperial  juxlapos6. 


(  Ml  ) 
itctcs  fic  la  Socicfd; 

EXTRAITS  DES  PROCES-VERBAUX  DES  SEAiNCES. 


Seance  du    6  mai  1859. 

MM.  les  fr^res  Hermann  et  Robert  Schlagintweit 
adressent  de  Berlin,  a  la  Soci6t6,  leurs  remerciments 
de  la  grande  m^daille  d'or  qu'elle  vient  de  leur  d6cer- 
ner  pour  leurs  decouvertes  dans  le  Tibet  et  le  Tur- 
kestan, lis  la  remercient  6galement  des  regrets  sym- 
patbiques  qu'elle  leur  a  exprim6s  sur  la  niort  de  leur 
frfere  Adolphe,  victime  deson  d6vouementa  la  science. 
MM.  Schlagintweit  annoncent  leur  procbaine  arriv^e  a 
Paris  et  leur  intention  de  faire  a  la  Soci^te  des  commu- 
nications sur  leur  voyage. 

M.  le  D'  Poyet,  admis  r6cemment  dans  la  Soci6t6, 
lui  6crit  de  Ternova  (Bulgarie),  pour  lui  adresser  ses 
remerciments  et  lui  promettre  son  concours,  M.  le 
D""  Poyet  se  propose  de  continuer  ses  voyages  en  Bul- 
garie et  d'6tudier  cette  contr6e  interessante  a  tant  de 
litres;  il  annonce  qu'il  recevra  avec  gratitude  les  in- 
structions que  la  Societ6  voudra  bien  lui  adresser. 

M.  Jomard  depose  sur  le  bureau  une  lettre  et  un 
m6moire  de  M.  Paul  Chaix,  de  Geneve,  contenant  un 
expos6  succinct  des  decouvertes  faites  en  Australie  de- 
puis  1842  jusqu'en  1858.  La  Commission  centrale  de- 
cide qu'il  sera  donn6  lecture  a  la  procbaine  stance  de 
ce  m6moire  qui  est  accompagn^  d'une  carte.  M.  Jomard 


(  M2  ) 

communique  ensuite  I'extrait  d'une  lettredu  D'  Peney, 
m(^decin  en  clief  de  I'ann^e  6gyptienne  au  Soudan 
oriental.  Cette  lettre ,  dat6e  du  Soudan  ,  annonce  le 
depart  de  M.  le  D""  Cuny  pourle  Darfour  et  son  arriv^e 
dans  cepays. 

M.  d' A vezac  annonce  que  Y edition  du  geographe  ano- 
nyme  de  Ravenne,  pr(^par6e  a  Berlin  par  MM.  Parthey 
etPinder,  ct  qui  6tait  attendue  comme  prochaine,  se 
trouve  momentan6ment  retard6e  par  un  contre-temps 
dont  il  n'y  a  du  reste  qua  se  f6liciter  :  la  recension, 
nouvellement  faite  a  Bale,  d'un  manuscrit  non  encore 
consult^,  a  offert  aux  savants  6diteurs  des  variantes 
nombreuses  et  importantes,  qui  entraineront  une  revi- 
sion complete  da  texte,  et  de  notables  additions  ;  cette 
circonstance  permettra  sans  doute  aux  nouveaux  6di- 
teurs  de  profiter  du  manuscrit  de  la  bibliothfeque  du 
marquis  Louis  de  Angelis,  vendue  en  1838  k  Ferrare  ; 
ils  tentent  aujourd'hui  de  nouveaux  efforts  pour  en 
d6couvrir  la  trace.  ^ 

M.  d' Avezac  entretient  aussi la  Soci6t6  d'une  ancienne 
boussole  dont  il  vient  d' avoir  commiuiication  :  ceuvre 
de  Hans  Troschel,  de  Nuremberg,  qui  I'a  ex6cut6e  en 
\  592,  elle  est  d'un  beau  travail,  form6e  de  deux  plaques 
6paisses  d'ivoire,  ajust^es  a  charni^res  et  s'ouvrant  a 
angle  droit.  Dans  celle  des  deux  plaques  qui  reste 
horizontale,  est  creus^e  la  cuvette  renfermant  1' aiguille 
aimant6e ;  dans  I'aulre  est  perc6  un  trou  circulaire 
destine  a  viser  I'^toile  polaire  pour  prendre  des  azi- 
muts.  Une  soie  tendue  entre  les  deux  plaques  sert  k  la 
fois  de  ligne  directrice  pour  ces  observations,  et  de 
gnomon  pour  un  double  cadran  solaire  correspondant 


(  /i/i3  ) 

k  hS"  d'6l6vation  dn  pole,  et  donnant,  outre  les  heures, 
la  longueur  relative  des  jour§etdesnuitsd'un  tropique 
k  I'autre.  Quand  la  boite  est  ferm^e,  les  deux  faces 
ext^rieures,  garnies  cbacune  d'une  alidade  ou  indica- 
teur  mobile  de  cuivre,  ofTrent  respectivement,  en  des- 
sous  nn  calendrier  lunaire  perp6tuel,  en  dessus  une 
rose  de  seize  vents  pour  1' orientation  de  laquelle  le 
trou  circulaire  du  couvercle  laisse  apercevoir  la  pointe 
nord  de  1' aiguille. 

Mais  une  particularity  qui  donne  a  cet  instrument 
un  int^ret  special,  c'est  que  la  ligne  nord  et  sud  tra- 
c6e  au  fond  de  la  cuvette  qui  renferme  1' aiguille,  est, 
6videmment  a  dessein,  a  5"  environ  de  d6clinaison  vers 
Test  du  nord  vrai,  tel  qu'il  est  signal6  soit  par  1' ombre 
m6ridienne  du  gnomon,  soit  par  I'observation  directe 
de  I'etoile  polaire. 

M.  Jomard  remarque  a  cette  occasion  qu'il  existe  au 
D6partement  des  cartes  de  la  Bibliothfeque  imp6riale, 
une  carte  xylographique  allemande  de  1' Europe  cen- 
trale,  non  dat6e,  mais  qu'il  suppose  ex6cut6e  vers  1  Zi60, 
et  sur  laquelle  on  voit,  outre  un  curieux  itin6raire  me- 
sur6  par  milles,  la  figure  d'une  boussole  avec  indica- 
tion expresse  d'une  d6clinaisoq  orientale  d' environ  10". 

M.  d'Avezac  rappelle,  a  cesujet,  que  I'atlas  d'Andr6 
Bianco  contient  d6ja  en  lZi36  une  figure  sp6cialement 
relative  a  la  d^clinaison  magn6tique ;  il  ajoute  que, 
dans  sa  pens6e,  non-seulement  la  connaissance  de  ce 
ph6nom6ne,  mais  meme  celle  de  la  variation  correla- 
tive k  la  diversity  des  lieux  remonte  beaucoup  plus 
haut  qu'on  ne  le  croit  g^n^ralement  :  il  cite  des  obser- 
vations de  Ghristophe  Colouib  d'ou  il  r^sulte  que  ce 


(  lihk  ) 

grand  homme  avail  constat^,  sans  en  avoir  conscience, 
la  variation  diiu'ne  de  1' aiguille  aimantOe ;  que  de  meme 
I'illustre  navigateur  a  constat^  I'usage,  d6ja  6tabli  de 
son  temps,  de  boussoles  corrig^es  de  la  declinaison, 
telles  qu'on  les  retrouve  au  xvi'  sifecle. 

Au  surplus,  M.  d'Avezac  croit  possible  de  recueillir 
des  donn6es  assez  nombreuses  sur  Tangle  de  d6clinai- 
son  corr61atif  a  diverses  6poques  anciennes  en  certains 
parages  tr6s  frequent6s  :  il  prepare  un  travail  a  co  su- 
jet,  et  il  a  I'cspoir  d'oflVir  prochainenient  aux  pliysi- 
ciens  qui  se  preoccupent  d'une  translation  plus  ou 
moins  sensible  des  coordonn6es  niagneliques  d'Orient 
en  Occident,  une  s6rie  de  determinations  liistoriques 
anterieures  aux  observations  connues  et  remontant 
jusqu'au  commencement  du  xiv°  si6cle,  de  mani^re  a 
agrandir  notablenient  le  champ  des  verifications  rela- 
tives k  la  loi  des  variations  s6culaires  de  lad6clinaison. 

M.  Vivien  de  Saint-Martin  communique  une  lettre 
de  M.  Bou6  a  M.  Viquesnel,  ajoutant  quelques  details 
a  ceux  que  le  savant  g^ologue  lui  adressait  dans  une 
lettre  pr6c6dente  sur  les  populations  slaves.  La  Com- 
mission centrale  decide  que  cette  seconde  lettre  servira 
ft  completer  les  extraits  que  le  BuUetin  doit  donner  de 
la  premiere.  M,  le  secretaire  general  est  charge  de  ce 
travail. 

M.  Malte-Bnm  fait  un  rapport  verbal  sur  I'atlas  clas- 
sique  de  geographie  moderne  de  M.  Tli.  Joly,  profes- 
seur  k  I'Athenee  royal  de  Bruxelles.  Get  atlas,  princi- 
palement  destine  a  I'education  secondaire,  presente 
entre  autres  ameliorations  un  figure  des  niontagnes  qui 
permet  au  simple  coup  d'oeil  d'en  6valuer  les  hauteurs 


(  445  ) 

proportionnelles.  Les  vides  de  chacune  des  cartes  soiit 
de  plus  remplis  par  des  gravures  bien  execut6es  repre- 
sentant  les  objets  des  trois  rfegnes  de  la  nature  qui  sont 
plus  particulieremeiit  propres  a  chaque  pays  et  peuvent 
familiariser  I'^lfeve  avec  les  connaissances  6l6mentaires 
de  la  g6ograpbie  naturelle. 

Le  meme  membre  lit  la  notice  que  M.  Laroche  a 
adress(5e  k  la  Soci(^t6  ^lans  sa  derni^re  stance,  sur  les 
communications  a  6tablir  entre  le  Senegal  et  I'Alg^rie. 
Un  extrait  de  ce  travail  est  renvoy6  an  Bulletin. 

M.  le  chevalier  Pontelli  met  sous  les  yeux  de  I'asseni- 
bl6e  deux  cartes  manuscrites  des  contr^es  de  Tabasco, 
de  Chiapas  et  de  Soconusco,  qu'il  a  levies  dans  le  cours 
de  son  voyage  dans  I'Amerique  centrale.  La  Soci6t6 
examine  ces  cartes  avec  intt^ret  et  adresse  ses  felicita- 
tions a  I'auteur,  en  lui  exprimant  le  d^sir  de  les  voir 
bientot  devenir  I'objet  d'une  publication. 


Seance  du  20  mai  1859. 


M.  le  president  prend  la  parole  pour  annoncer  k 
r  Assemble  la  perte  que  la  Soci6te  vient  de  faire  dans 
la  personne  de  M.  le  baron  Alexandre  de  Humboldt, 
I'un  de  ses  presidents  honoraires.  11  demande  que  I'ex- 
pression  des  sentiments  de  la  Society  et  des  profonds 
regrets  quelle  6prouve  soit  consignee  au  procte-verbal. 
La  Commission  centrale  decide  qu'  une  notice  sera  consa- 
cr6e  i  perp6tuer  le  souvenir  des  travaux  du  baron  de 
Humboldt  et  des  services  qu'il  a  rendus  k  la  g^ographie. 


(  lihQ  ) 

M,  De  la  Roquette  est  pri6  de  vouloir  bien  se  charger 
dece  travail. 

M.  raiuiral  Lutke,  vice-pr6sident  delaSocieteimp6- 
riale  g6ographique  de  llussie,  adresse  le  compte  rendu 
des  travaux  decetle  Soci6t6  pour  I'ann^e  1858.  Conune 
le  fait  remarquer  M.  I'amiral  Lutk6,  la  Soci6t6  g^ogra- 
phique  de  Russie  pers6v6re  dans  la  voie  qu'elle  s'est 
trac6e,  et  continue  de  diriger  ses  efforts  vers  I'^tude  des 
diverses  parties  de  I'Asie,  afin  de  combler  les  lacunes 
qui  existent  encore  dans  la  geographic  de  ces  contr^es.' 

M.  Malte-Brun  entretient  rAsseinbl6e  de  la  discus- 
sion qui  s'est  61ev6e  au  sein  de  la  Society  royale  g6o- 
graphique  de  Londres,  entre  iVlM.  Macqueen  et  Speke 
k  propos  des  sources  du  Nil.  Le  premier  pense  que  le 
Nil  Blanc  ne  prend  pas  sa  source  seidement  sur  les 
hauteurs  du  Kilimandjaro,  mais  qu'il  se  nourrit  d'un 
filet  d'eau  sortant  de  la  chaine  du  K6nia,  un  peu  au 
nord  del'Equateur;  le  capitaine  Speke,  rc^cemment  de 
retour  en  Angleterre  de  sa  p6rilleuse  expedition  faite 
en  compagnie  du  capitaine  Burton,  son  ami,  difT(ire 
d'opinion,  il  a  visit6  les  grands  lacs  de  Tanganyka  et 
Nyanza  et  ne  doute  pas  que  de  ce  dernier  sortent  les 
sources  du  Nil. 

M.  De  la  Roquette  depose  sur  le  bureau,  de  la  part 
de  M.  Paul  Chaix,  une  note  rectificative  sur  la  carte 
qui  accompagne  le  m6moire  sur  les  voyages  de  d6cou- 
vertes  en  Australiede  1842  k  1858,  que  ce  correspon- 
dant  a  adress6  k  la  Soci6te  dans  sa  derni^re  stance. 

M.  Henri  Dunant,  de  Gen6vc,  est  pr6sent6  comme 
candidal  par  MM.  De  la  Roquette  et  Jomard. 

M.  Cortambert  rend  compte  des  Lett  res  sur  L'  astrono- 


{kin  ) 

mie  de  M.  Albert-Mont6mont.  Ce  rapport,  qui  donne 
lieu  k  quelques  observations  de  M.  Alfred  Maury,  est 
renvoy6  au  Bulleiin. 

M.  Jomard  donne  lecture  d'un  m6moire  sur  le  U  des 
Cliinois  et  les  aulres  mesures  de  la  Chine  d'apr^s  la 
carte  chinoise  de  I'ile  Formose,  pub]i6e  r^cemment  par 
la  Soci6t6.  —  Ce  m6moire  est  renvoy6  au  Bulletin. 

M.  le  secr6taire  adjoint  donne  lecture  du  7ii6moire 
sur  les  voyages  de  d^couvertes  en  Australie,  de  18Zi2i 
1858,  adresse  a  la  Soci6t6  par  M.  Paid  Chaix  de  Ge- 
neve. —  Renvoi  au  Bulletin. 

A  r  occasion  de  la  communication  faitepar  M.  d'Ave- 
zac,  sur  la  boussole,  dans  la  derni^re  s6ance.  M.  Lour- 
mand  fait  liommage  a  la  Soci6t6  de  deux  vieilles  bous- 
soles  qui  ne  portent  point  dedate,  mais  qui  pr^sentent 
d'autres  caractferes  d'anciennet6.  L'une  est  francaise; 
I'autre,  fabriqute  a  Augsbourg,estaccompagn6ed'une 
notice  imprimee  en  allemand,  d6pos6e  dans  la  boite. 
M.  Lourmand  exprime  le  d6sir  que  ces  objets  soient 
I'origine  d'une  collection  d'instruments  d'observation 
qui  pourrait  devenir  curieuse.  —  M.  le  president  lui 
adresse  les  remerciments  de  la  Soci6t6. 


Seance  du  3  juin  1859. 

M.  le  ministre  de  I'instruction  publique  annonce  ci 
la  Soci6t6  qu'il  vient  de  mettre  a  sa  disposition  un 
exemplaire  des  JSIegociaiious  diplouiatiques.  entre  la 
France  et  la  Toscane,  publi6es  par  M.  Abel  Desjardins. 


(  US  ) 

—  Des  remerciments  sont  adress(is  a  M.  le  ministre. 

M.  le  conite  Francis  de  Castelnau,  consul  de  France 
a  Bangkok  (Siam) ,  adresse  a  la  Societ6  quelques  ren- 
seignements  snr  ce  pays  dont  I'interieur  lui  parait 
aussi  peu  connu  qne  les  parties  centrales  de  I'Afrique. 
llexiste  deux  rois  k  Siani,  mais  c'est  le  premier  qui 
gouverne;  le  second  n'est  qu'un  grand  mandarin,  son 
fr6re,  entour6  d'lionneurs,  mais  sans  foiictions  ni  puis- 
sance. Rest  asscz  dans  les  usages  de  I'lndo-Chine  d'a- 
voir  ainsi  plusieurs  chefs  portant  le  meme  titre.  La  cour 
de  Siam  a  un  harem  compost  d'au  moins  douze  cents 
femmes  dont  la  garde  est  confiee  a  des  Amazones  vetues 
de  rouge  et  portant  le  fusil.  La  magnificence  des  pa- 
godes  qui  6tincellent  d'or  et  de  pierres  pr^cieuses, 
presente  un  singulier  contraste  avec  les  huttes  mis6- 
rablesqui,  danscette  grande  ville  de  Bangkok,  servent 
de  demeures  a  quatre  cent  mille  crt^atures  de  la  race 
humaine.  M.  de  Castelnau  ajoute  qu'il  se  fera  un  plai- 
sir  et  un  devoir  de  r6pondre  aux  questions  que  la  So- 
ci6t6  voudra  bien  lui  adresser  sur  la  Geographic  de  ce 
pays. 

M.  Malte-Brun  donne  comnmnication  d'une  note  qu'il 
a  recuedeM.  Aucapitaine,  au  sujet  de  rinfluencc  dela 
nourriture  animale  sur  le  teint  des  N6gres.  Cette  note 
vient  a  I'appui  de  la  th6orie  d6velopp6c  par  M.  Antoine 
d'Abbadie  dans  sa  lettre  a  M.  de  Quatrefages,  publi^e 
dans  le  Bitlletin  du  mois  de  mars  dernier. 

M.  Alfred  Jacobs  offre  a  la  Soci6t6,  par  I'organe  de 
son  president,  M.  Jomard,  sa  brochure  sur  les  Fleiwes 
et  rivieres  de  In  Gniile  et  de  la  France  an  moyen  age. 
Invito  a  donner  quelques  explications  sur  ce  travail , 


(  449  ) 

M.  Jacobs  dit  qu'il  a  cru  utile  de  dresser  une  liste  des 
rivieres  mentionn6es  dans  les  principaux  textes  de  l'^- 
poque  m6rovingienne,  d'en  rechercher  la  traduction  et 
de  mettre  leur  nom  actuel  en  regard.  A  cet  efiet,  il  a 
d6pouill6  les  textes  de  Gr^goire  de  Tours,  de  Fr6d6- 
gaire,  de  leurs  continuateurs,  les  chartes  et  diplomes 
m6rovingiens.  De  plus  afin  de  rendre  ce  travail  le  moins 
incomplet  possible,  il  a  pris  aux  ouvrages  d'Adrien 
de  Valois  et  de  Masson  les  noms  latins  des  rivieres  que 
ces  deux  savants  ont  eu  occasion  de  citer  et  les  a  joints 
en  annexe.  Malgr6  les  soins  qu'il  a  apport6s  a  ce  tra- 
vail, M.  Jacobs  ne  se  dissimule  pas  que  son  travail  pent 
encore  presenter  bien  des  lacunes  qui  s'expliquent  par 
I'extreme  difficult^  des  recherches  de  ce  genre.  Aussi 
fait-il  remarquer  que  dans  son  introduction  il  a  fait 
appel  aux  savants  des  diverses  parties  de  la  France 
dans  I'espoir  de  pouvoir  mettre  k  profit  leurs  connais- 
sances  locales ;  en  effet  un  grand  nombre  d'entre  eux 
lui  ont  adress6  avec  une  bienveillance  dont  il  est  heu- 
reux  de  les  remercier,  des  avis,  des  additions  et  des 
rectifications  que  I'auteur  se  propose  de  mettre  k  pro- 
fit pour  une  revision  et  pour  un  travail  suppl6men- 
taire. 

M.  Henri  Dunant,  de  Geneve,  est  admis  dans  la 
soci6t6. 

M.  Malte-Brun  rend  compte  de  la  dernifere  stance 
publique  de  la  Soci6t6  royale  g6ographique  de  Londres. 
La  m6daille  d'or  du  Fondateur,  ou  duroi  Guillaume,  a 
6t6  d6cern6e  au  capitaine  Richard  F.  Burton  pour  ses 
di{r6rentes  explorations  et  notamment  pour  son  r6cent  et 
p6rilleux  voyage  en  compagnie  du  capitaine  J.-H.  Speke 

XVII.    MAI   ET  JUIN.    9.  no 


(  hbO  ) 

aux  grands  lacs  de  1' Alrique  orientale,  et  la  mddaille  d'or 
du  Patronage  ou  de  la  reine  Victoria  a  6te  accoid6e  au 
capitaine  John  Palliser  pour  les  importants  r6sultats  de 
son  exploration  dans  I'Amerique  anglaise  du  nord  et 
dans  les  montagnes  Rocheuses.  Le  conseil  a  en  outre 
accorde  un  chronomfetre  en  or  de  la  valeur  de  25  gui- 
n6es,  a  M.  Mac  Dougal  Stuart,  pour  sa  d6couverte 
d'  un  vaste  district  de  paturages  au  sud  et  au  centre  de 
I'Australie. 

M.  Jomard  d6pose  sur  le  bureau  un  m6moire  de 
M,  le  docteur  Peney  sur  rethnographie,  la  physio- 
logic, I'anatomie  et  les  maladies  des  races  du  Soudan, 
en  r6ponse  a  diverses  questions  pos6es  par  1' Academic 
des  sciences,  lors  de  I'exp^dition  aux  sources  du  Nil. — 
Ce  menioire  est  lu  et  renvoy6  au  Bulletin. 

Apres  la  lecture  des  premieres  pages  de  I'extrait  d'un 
journal  de  voyage  de  M.  le  docteur  Cuny,  au  Dar-Ber- 
gou,  en  passant  par  le  Darfoiu",  et  d'un  in6moire  de 
M.  de  Paravey  sur  dilKrents  points  de  la  G6ographie 
de  I'Asie  centrale,  la  Commission  decide  que  le  tra- 
vail de  M.  le  docteur  Cuny  sera  ren.voy6  de  nouveau 
h  M.  le  comte  d'Escayrac  pour  une  r6vision  complete  ; 
quant  au  m6moire  de  M.  de  Paravey,  sans  m6connaitre 
les  renseignements  utiles  qu'il  renferme,  on  decide  qu'il 
n'est  pas  de  nature  a  etre  public  dans  le  Bulletin  de  la 
Soci6t6.  Ce  m^mou'e  ainsi  qu'un  travail  de  M.  Rabusson 
sur  r  emplacement  delaville  d' Alger  serontrendus  aux 
auteurs. 

M.  le  President  fait  remarquer  qu'il  s'est  mtroduit 
depuis  quel(|ues  ann6es,  une  irregularite  pour  I'j^pofpje 
des61ection5  quinquennalesde  la  Commission  centr?le ; 


(  libl  ) 

ttiais,  comme  la  derni6re  Election  a  eu  lieu  en  1855,  il 
propose  que  le  renouvellement  de  cette  commission  ait 
lieu  dans  la  premiere  assembl6e  g6n6rale  de  1860  et 
ainsi  de  suite  de  cinq  en  cinq  ans.  —  Cette  proposition 
est  accept6e. 


Seance  du  17  juin  1859. 

M.  Jomard  communique  une  lettre  dans  laquelle 
M.  de  Beaumont,  president  de  la  Soci6t6  de  geogra- 
phic de  Gen6ve,  fait  connaitre  I'^tat  actuel  de  cette  nou- 
velle  association  et  sollicite  la  bienveillance  de  la 
Soci6t6  m6re  :  1°  au  sujet  de  la  formation  de  sa  biblio- 
thfeque  qu'elle  voudrait  enricliir  des  publications  de  la 
Soci6t6  de  Paris;  2"  k  I'occasion  du  depart  d'un  mis- 
sionnaire  qui  se  rend  dans  I'Afrique  centrale  et  pour 
lequel  elle  d^sirerait  des  instructions. 

M.  le  capitaine  Speke,  compagnon  de  voyage  du 
capitaine  Burton  dans  I'Afrique  orientale,  de  retour 
avec  lui  k  Londres,  6crit  k  la  Soci6t6  pour  lui  donner 
un  apercu  succinct  de  leurs  d6couvertes  ;  il  annonce, 
pour  une  6poque  prochaine,  une  carte  de  leur  voyage, 
et  il  demande  un  expos6  des  observations  faites  par  les 
voyageurs  frangais  sur  le  Nil  blanc  sup6rieur  pendant 
les  trois  expeditions  qui  ont  eu  lieu,  avec  les  latitudes 
et  les  altitudes  observ6es  qui  m6ritent  le  plus  de  con- 
fiance.  —  M.  le  president  se  propose  de  r^pondre  au- 
tant  qu'ilsera  possible  au  d6sir  du  capitaine  Speke. 

M.  Poisson  adresse  a  la  Soci6t6  un  itin6raire  de 


( ^^^ ) 

Mondori  k  Sainte-Marie  de  Batlnirst,  el  il  y  joint  une 
liste  de  quolques  mots  de  la  laiigue  parlee  dans  le 
Guey,  qu'il  arecueillis  dans  unde  ses  voyages  ;\B<akel. 

M.  Gamier  communique  une  lettre  qu'il  a  recue  de 
M.  S.  Bertlielot,  ancien  secretaire  general  de  la  com- 
mission centrale,  consul  de  France  a  Sainte-Croix  de 
Tenerille.  M.  Bertlielot  annonce  le  prochain  envoi  de 
quelques  travaux  destines  au  Bulletin  dans  leqnol  il 
vient  de  lire  avec  le  plus  vif  int6ret  la  notice  annuelle 
des  travaux  de  la  Soci6t6  par  M.  Alfred  Maury,  et  la 
notice  de  M.  Elis6e  Reclus  sur  la  Nouvelle-Grenade. 
Cette  opinion,  ajoute  M.  Garnier,  a  d'autantplus  d'au- 
torit6  quelle  concorde  parfaitement  avec  colle  de 
M.  J.-M.  Samper,  qui  s' est  lui-meme  occup6  avec  beau- 
coup  de  zfele  des  matiferes  traitees  dans  le  m6moirc  de 
M.  Reclus. 

M.  Malte-Brun  donne,  d'aprfesune  communication  de 
M.  Norton  Shaw,  secretaire  de  la  Societe  royale  g6ogra- 
phique  de  Londres,  quelques  details  sur  la  derni6re 
seance  de  cette  Societe  (I'ijuin),  dans  laquclle  il  a  6te 
f(uestion  de  I'exploi-ation  aux  grands  lacs  de  I'Afrique 
orientale  entreprise  par  MM.  Burton  et  Speke.  M.  le 
capitaine  Speke ,  dans  sou  expos6 ,  consid^re  le  lac 
Nyanza  comme  la  vraie  source  du  Nil. 

M.  d'Avezacpr6sente  a  la  Soci6t6,  au  nom  du  s6na- 
teur  espagiiol  don  Vicente  Vasquez  Queipo,  de  1' Aca- 
demic des  sciences  de  Madrid,  uu  ouvrage  en  trois 
volumes,  que  I'auteur  vient  de  publier  lui-meme  en 
France,  et  en  langue  francaise,  sous  le  titre  de  :  Essai 
sur  Ics  systemes  nietnques  et  moiutaires  des  anciens 
peuples  depuis  let  premiers  temps  historiques  Justjua  la 


(  453  ) 

fm  du  khalifat  d' Orient.  La  Soci6t6  accueille  avec  re- 
connaissance rhomniage  de  cet  important  travail,  et 
se  reserve  de  designer,  dans  une  autre  stance,  un  de 
ses  menibres  pour  lui  en  faire  un  rapport  special. 

M.  Jomard  offre,  de  la  part  de  M.  V.-A.  Barbie  du 
Bocage,  un  ouvrage  de  son  aieul  J.-D.  Barbie  du  Bo- 
cage,  I'un  des  fondateurs  de  la  Soci6t6.  Ce  livre  est 
intitul6  :  Description  topograpliique  et  historique  de  la 
plaine  d^  Argos  etd.^  une  par  tie  de  i'  Argolide.  Le  inanus- 
crit  de  cet  ouvrage  avait6t6  comminiiqu6  a  I'Acad^mie 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  en  1 809  et  remis  a 
Fimprimerie  imp6riale.  Ce  n'est  que  dans  ces  derniers 
temps  que  I'Mition  a  6t6  mise  au  jour  et  sans  les  cartes 
qui  devaient  y  figurer.  L'auteur  avait  consult^  toutes 
les  sources  anciennes  et  r6centes  pour  composer  cet 
ouvrage  de  geographic  compar^e,  mais  seulement  jus- 
qu'au  voyage  de  Pouqueville.  Les  positions  anciennes 
sont  I'objet  principal  du  livre.  L'auteur  a  corrige  plu- 
sieurs  fausses  indications,  notamment  cellede  I'empla- 
cement  de  Tirynthe  que  d'Anville,  tromp6  par  Four- 
mont,  avait  mal  determine. 

M.  Jomard  entretient  TAssembl^edes  travaux  entre- 
pris  au  mont  Athos  par  un  savant  russe,  par  M.  Se- 
vastianofT,  qui  vient  de  repartir  pour  le  monastfere  de 
Vatop^de,  accompagn6  de  six  artistes  photographes. 
Ce  voyageur  se  propose  cette  fois  de  photograpliier  les 
fragments  du  manuscrit  de  la  geographic  de  Strabon 
qu'il  a  d^couverts  au  mont  Athos ;  quant  k.  la  geogra- 
phic de  Ptoiemee,  manuscrit  qu'il  croit  du  xi"  ou  du 
xir  siede,  la  copie  des  cartes  et  du  texte  est  aujour- 
d'hui  complete ;  il  n'y  manque  que  la  mappemonde  et 


(  A54  ) 

la  carte  de  la  Bretagnc  qui  ne  se  trouveiil  plus  dans  le 
manuscrit.  M.  Sevastianofl'  cspere  pouvoir  reproduire 
le  texte  et  les  cartes  de  manifere  a  donner  une  Edition  au 
public ;  il  en  sera  de  meme  des  fragments  de  Strabon 
et  d'autres  manuscrits  qu'il  va  faire  photographier. 
M.  Joniard  fait  remarquer  que  le  nom  d'Agathod6mon 
ne  figure  pas  sur  le  manuscrit  de  Ptol6m6e,  comme 
dans  ceux  de  Paris,  de  Vienne  et  autres,  et  aussi  que 
les  cartes  different  notablement  decelles  qu'on  connait 
et  qui  ont  6t6  grav6es  et  publi^es  au  xv«  si6cle. 

Le  meme  membre  a'nnonce  que  M.  Fr6d(^ric  Kunst- 
mann  vient  de  publier  a  Munich  un  atlas  de  plusieurs  an- 
ciennes  cartes  de  1' Am^rique,  ouvrage  colori^  d'une  ma- 
gnifique  execution,  et  accompagne  d'un  cahier  de  texte. 
M.  d'Avezac  s'empresse  k  cette  occasion  de  donner 
qiielques  details  sm'  I'ouvrage  du  savant  bavarois,  d6jk 
bien  connu  par  un  pr6c6dent  m6moire  sur  I'Afrique 
avant  les  d6couvertes  portugaises,  et  par  d'autres  tra- 
vaux  qui  int6ressent  la  Geographic.  La  publication  ac- 
tuelle  de  M.  Kunstmann  se  compose  d'un  m6moire  sur 
la  d6couverte  de  TAm^rique,  travail  plein  d'6rudition, 
formant  un  gros  cahier  in-quarto,  et  d'un  splendide 
atlas  grand  in-folio  renfermant  une  s6rie  de  treize  cartes 
in^dites  du  xvi*  siecle,  reproduites  en  fac-siniile  d'apr6s 
les  originaux  existants  a  Munich,  soita  la  i)ibhoth6que 
royale,  soit  a  celle  de  1' University,  soit  au  Conservatoire 
g6n6ral  militaire.  La  premiere  de  ces  cartes,  sign6e  de 
Pedro  Reinel  (Pierre  Ren6)  pent  etre  rapport^e  k  una 
date  voisine  de  1520 ;  la  3*  et  la  A'  font  partie  d'un  re- 
cueil  on  se  rencontre,  sur  une  autre  feuille,  le  nom  du 
mayorquin  Salvat  de  Pilestrina,  avec  la  dale  de  1511 ; 


(  /i55  ) 

la  5"  porte  le  noin  de  Vesconte  de  Majolo,  et  parait 
appartenir  au  milieu  du  xvi"  si6cle;  cinq  feuilles  nu- 
m^iolees  de  8  a  12,  sont  extraites  d'lm  bel  atlas  de 
Vaz  Dourado,  ex6cut6  entre  1571  et  1580 ;  enfin  la  13* 
est  dat6e  de  1592  -et  sign6e  de  Thomas  Hood  ;  les 
autres  n'ont  ni  date  ni  nom  d'auteur. 

En  faisant  I'^loge  de  la  beaut6  remarquable  de  ces 
cartes,  eten  applaudissant  al'id^e  qu'aeuel'auteur  de 
joindre  a  son  m6moire  de  si  magnifiques  illustrations, 
M.  d'Avezac  ne  peut  cependant  dissimuler  I'expression 
d'un  regret;  c'est  que  ces  belles  feuilles  ne  soient 
qu'une  representation  partielle  des  originaux,  n' ay  ant 
qu'une  application  circonscrite  a  une  th6se  sp^ciale, 
de  meme  qu' autrefois  une  s6rie  de  fragments  de  cartes 
fut  publi6e  a  I'appui  d'une  pol6mique  relative  aux 
d6couvertes  portugaises  sur  les  cotes  occidentales . 
d'Afrique  :  tandis  que  I'int^ret  pressant  de  tons  les 
amis  de  la  geographic  historique  est  d'obtenir,  ainsi 
que  I'a  si  bien  compris  M.  Jomard,  la  reproduction 
complete  des  originaux  dont  I'acces  est  difficile,  afin 
d'etre  mis  k  port^e  de  les  6tudier  dans  leur  entier. 

M.  Vivien  de  Saint-Martin  annonce  que  divers  jour- 
naux  ont  parl6  de  la  decouverte  que  M.  Pertz,  de  Berlin, 
aurait  nouvellement  faite  d'un  temoignage  historique 
important  sur  1' expedition  des  Genois  Doria  et  Vivaldi 
dans  r  Ocean  vers  la  fm  du  xiir  siede. 

M.  d'Avezac  rappelle  a  cette  occasion  la  communica- 
tion qu'il  adejafaite  a  laSociete,  il  y  a  plusieurs  mois, 
d'un  passage  de  la  chronique  de  Jacques  Doria,  I'un 
des  continuateurs  de  Caffaro,  trfes  explicite  acet  egard, 
et  qui  se  trouve  dans  les  manuscrits  les  plus  complets 


(  456  ) 

des  Annates  genuenses,  mais  qui  manque  en  d'autres, 
notaniment  dans  ccxlx  qui  ont  servi  a  I'^dition  de  Mu- 
ratori,  et  qui  sera  r6tabli  dans  I'^dilion  nouvelle  que 
M.  Canale  estcharg6  dc  preparer  au  compte  de  la  com- 
mune de  Genes.  M.  Pertz,  qui  s'est  appliqu6  de  son 
cote  a  r6unir  les  variantes  des  divers  manuscrits  des 
Annales  de  Callaro,  a  du  relever  le  mume  passage,  et 
de  la,  sans  doute,  le  bruit  d'une  decouverte  nouvelle, 
de  sa  part,  sur  ce  point  int^ressant. 

M.  Barbi6  du  Bocage  fait  un  rapport  sur  I'ouvrage  de 
M.  le  marquis  de  Blossevillc,  intitule  :  IHstoire  de  la 
Colonisation  penale  et  des  etnblissements  de  V Angleterre 
en  Australie.  —  Renvoi  au  Bulletin. 


(  A57  ) 
OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOClfiT^. 

SfiANCES   DE   MAI   ET   JOIN   1869. 


Tilres  des  ouvrages.  Donateurs. 

EUROPE. 

Description  topograpbique  et  historique  de  la  plaine  d  Argos  et  d'uue 
partie  de  I'Argolide,  par  J.  D.  Barbie  du  Bocage.  Paris,  1834,  I  vol. 
in-8.  M.  V.-A.  Barbie  do  Bocage. 

N^gociations  diplomatiques  de  la  France  avec  la  Toscane.  Documents 
recueillis  par  Giuseppe  Canestrini  et  publics  par  Abel  Detjardini, 
doyen  de  la  Faculty  des  letlres  de  Douai.  Paris,  1859,  1  vol.  in-4. 
(Collection  des  documents  in^dits  sur  rhistoire  de  France). 

M.  LE  MINISTRE    DE    l'INSTRUCTION    PDBLIQCE. 

Gdographie  historique  de  la  Gaule  :  Fleuves  et  rivieres  de  la  Gaule  et 
de  la  France  au  moyen  Age,  par  M.  Alfred  Jacobs.  Paris,  1859, 
br.  in-8.  M.  A.  Jacobs. 

OUVRAGES  GfiNfiRAUX,  MELANGES. 

Essai  sur  les  systimes  m^triques  et  mondtaires  des  anciens  peuples, 
depuis  les  premiers  temps  historiques  jusqu'^  la  fin  du  Khalifat 
d'Orient,  par  don  V.  Vazquez  Queipo,  docteur  en  droit,  membre 
de  I'Acad^mie  royale  des  sciences  de  Madrid,  etc.,  etc.  Paris,  1859, 
3  vol. grand  in-8.  Don  Vazqdez  Qoeipo. 

Instructions  nautiques  destinies  k  accorapagner  les  cartes  de  vents 
et  de  courants,  par  M.  F.  Maury,  directeur  de  I'Observatoire  de 
Washington,  traduitesparEd.  Vaneechout,  lieutenani.de  vaissean. 
Paris,  1859,  1  vol.  in-fol.  Dir^t  Dt  i*  marine. 


(  {^bS  ) 

Titres  d«s  ouvmges.  Donateurs. 

Hints  to  crgniographors,  upon  the  importance  and  feasibility  of  enta- 
blishing  some  uniform  system  ly  which  the  collection  and  pro- 
mulgation of  craniological  statistics  and  the  exchange  of  duplicate 
crania  may  be  promoted,  by  J.  Aitken  Meigs,  M.  D.  Philadelphia, 
1858,  br.  in-8.  M.  Aitken  Meigs. 

CARTE. 

Guerre  de  I'ind^pendance  italienne.  Carte  du  bassin  du  P6,  compre- 
nant  les  lignes  slrat(^giques  du  Tessin,  de  I'Adda,  du  Mincio  et  de 
I'Adige,  dress^e  par  E.  Desbuissons,  g^ographe,  d'apres  les  cartes 
des  6tats-majors  sarde  et  autrichien,  et  publi^e  par  la  Direction  du 
Spectateurmilitaire.  Paris,  1859.  1  feuille.  M,  Noibot. 

MEMOIRES  DES   ACADEMIES  ET    SOClfiTES   SAVANTES, 
RECUEILS   PERIODIQUES. 

Tradsactions  of  the  Cambridge  philosophical  Society,  vol.  X,  part.  1, 
in-4.  —  Proceedings  of  the  royal  Society,  vol.  IX,  n"  32,  33.  — 
—  The  church  missionary  intelligencer,  vol.  IX.  —  Bijdragcn  tot 
de  Taal-Land-en  Volkcnkuude,  Van  Nederlandsch  Indiij,  Amster- 
dam, 1858.  —  Compte  rendu  de  la  Soci(*t(^  impf'riale  geographique 
de  Russie,  pour  I'ann^e  1838.  —  Milthcilungeu  iiber  wlchtige  ucue 
Erforschungen  aufdem  Gesammtgebiete  der  Geographic,  von  D.  A. 
Petermann,  n°  3,  1859.  —  Zeitschrift  fur  allgemeine  Erdkuude, 
mars  1859.  —  Zeitschrift  der  Deutschen  niorgenlandisrhen  Oesell- 
schaft,  n"  2,  1859.  —  Abhandlungen  fur  die  Kunde  des  Morgen- 
landes,  n°  5.  — Ueberdas  Verhaltniss  desTexles  der  drei  syrischen 
Briefe  des  Ignatios  zu  den  (ibrigen  Recensionen  der  Ignatiani- 
schen  Literatur,  von  Richard  A.  Lipsius,  Leipzig,  1859.  —  Notiz- 
blatt  des  Vcreius  fUrErdkunrie  dc  Darmstadt,  n""  21  a  26. — Jour- 
nal ofthe  Franklin  Institute,  maj. — Annalcs  du  commerce  extt'rieur, 
mars.  —  Nouvelles  annales  des  voyages,  avril  et  mai.  —  Bulletin 
de  la  Society  g6ologique  de  France,  avril  el  mai.  —  Annuaire  dc  la 


(  A59  ) 

Titres  des  ouvrages.  Donateurs. 

Soci^t6  mdt^orologique  de  France,  avril.  —  Bulletin  de  la  Soci^l^ 
imp^riale  zoologique  d'acclimatation,  avril  et  mai.  — Revue  de 
rOrient,  de  I'Alg^rie  et  des  colonies,  avril.  —  La  France  coloniale 
et  maritime,  n°'  10,  11  et  13.  —  I/Alg(^rie  agricole,  comnierciale, 
industrielle,  1"  ann^e,  n°  1.  —  Revue  aro^ricaine  et  orientale, 
avril  et  mai.  —  Annales  de  la  propagation  de  la  Foi,  mai.  — Jour- 
nal des  missions  ^vang^iiques,  avril.  —  L'Investigateur,  journal  de 
rinstitut  historique,  mars.  —  Nouveau  journal  des  connaissances 
utiles,  avril,  mai  et  juin.  —  Journal  de  I'lsthme  de  Suez,  n"  69  k 
72.  —  Journal  d'^ducalion  populaire,  avril.  —  Extrait  des  travaux 
de  la  Soci^t^  centrale  d'agriculture  du  d^partementde  la  Seine-In- 
f^rieure,  4' trimestre,  1858. 

LeS   AcTEURS   et    LES    fioiTEURS. 


(  4l)0  ) 

TABLE  DES  MATIERES 

COMESCES 

DANS  LE   TOME   XVII   DE  LA    4«  SfiRlE. 

IN"'  97  a  102. 
(Janvier  a  juia  1859.) 


MEMOIUES,    ^OTICES,    ETC. 

Rapport  sur  les  travaiix  de  la  Societe  rte  geographic  ct  sur  les 
progresdes  sciences  g^ographiques  pendant  I'anu^e  1858,  par 
M.  Alfred  Maury 5 

Quelques  mots  sur  la  Nouvelle-Grenade,  par  M.filisdc  Reclus.     HI 

Esquissegdograpliiquedes  pays  OromoouGalla,  despaysSooniali 
et  de  la  c6te  orientaie  d'Afrique.  (Extrait  d'une  iettre  du 
R.  P.  L^on  des  Avanchers,  missionnaire  apostolique,  h 
M.    Antoine  d'Abbadie) 153 

Notes  sur  les  negres  de  I'Ethiopie,  ecrites  de  ra^moire  et  adrcs- 
s^es  par  M.  Antoine  d'Abbadie,  iM.  de  Quatrefages,  membre 
de  rinstitut nO 

Notes  de  M.  le  chevalier  L^oa  de  Pontelli  sur  quelques  parties 
du  Chiapa  qu'il  a  visit^es  de  1854  i  1857 180 

Notice  sur  le  voyage  de  M.  de  Hahn,  consul  autrichien  a  Syra, 
li  travers  le  centre  de  la  Turquic,  de  Belgrade  h  Salonique, 
par  M.  Ami  Bou6 186 

Ouverture  de  I'Assemblee  g^nerale  du  8  avril  1859,  par  M.  de 
la  Roquetie,  vice-|)resident  de  la  8001(^16 225 

Rapport  sur  le  concours  au  prix  annuel  pour  la  d^couverte  la 
plus  importanteen  geographic,  fait  au  nom  d'une  Commis- 
sion sp^ciale,  par  M.  de  la  Roquelte 226 

La  recherche  des  sources  du  Nil,  parM.  Vivien  de  Saint- Martin.     245 

Notice  sur  le  Darfour  el  sur  le  voyage  de  M.  le  docleur  Cuny 
danscette  contrce,  par  M.  le  romte  d'Escayrac  de  l.aulurc. .     281 


(  461  ) 

Etudes  sur  I'ethnographie,  la  physiologic,  ranatomie  el  les  ma- 
ladies des  races  du  Soudan,  en  rdponse  h  diverses  questions 
posees  par  I' Academic  des  sciences,  par  M.  Peney,  m^decin 
en  chef  de  Tarmce  du  Soudan 32 1 

Exposd  succinct  des  d^couvertes  et  des  voyages  fails  en  Australie, 
de  1842  a  1858,  par  M.  P.  Chaix 35'. 

Note  sur  les  communications  h  ctablir  eatre  I'Alg^rie  et  le  S^n^- 
gal.  adressde  h  MM.  les  membres  de  la  Commission  centrals 
de  la  Soci^t6  de  Geographic,  par  M.  Laroehe  (de  Clermont- 
Ferrand)  374 

ANALYSES,   IIAPPOUTS,   ETC. 

Rapport  de  M.  Malte-Brun  sur  la  carte  de  I'Amerique  tropicale 
au  nord  de  I'^quateur,  par  M.  H.  Kiepert 192 

Examendequelques  parties  de  la  carte  dela  Palestine  de  M.  Van 
de  Velde,  par  M.  G.    Rey 198 

Rapport  sur  I'ouvrage  de  M.  de  Blosseville,  intitule  :  Histoire 
de  la  Colonisation  penalc  el  des  elablissements  de  I'Angleterre 
en  Australie,  par  M.  V.-A.  Barbie  du  Bocage 380 

Lettres  sur  I'astronomie,  par  M.  Albcrt-Montemont.  Rapport  par 
M.  E.  Cortambert 41C 

NOUVELLES    ET  COUMUNICATIONS. 

Nouvelles  des  capitaines  Burton  et  Speke 205 

La  Confederation  argentine,  son  terriloire  et  sa  population  a  la 
fjn  de  1858,  par  M.  Jos6  Maria  Samper 207 

Notice  sur  la  nouvelle  direction  a  donner  i  la  recherche  des 
sources  du  Nil,  par  M.  Jomard 296 

Extraits  des  Proceedings  de  la  Soci6t6  royale  g^ographique  de 
Londros,  par  M.  Daussy 303 

Remarques  de  M.  Jomard  et  de  M.  Destounis  sur  le  manuscrit 
de  la  Geographic  de  Ptol(5mee  ,  trouve  au  monast6re  de 
Valopede  (Mont-Athos) ,  reproduit  pholographiquement  en 
entier  et  en  grandeur  naturelle,  par  P.  de  SevastianolT. . . .     422 


(  A6'i  ) 

De  la  coDstitution  primitive  <le  la  Soci^t^  serbe.  (Exlrait  d'uae 
lettre  de  M.  Bou6  a  M.  Viquesael) 431 

ACTES  DE   L4  SOCIETE. 

Extraits  des  proc^s-verbaux  des  stances  de  la  Commission  cen- 

trale 142,  212,  307,  441 

Ouvrages  offerls 149,  222,  317,  457 

Table  des  malieres  du  XVII'  volume 460 

PLANCHES. 

Esquisse  d'une  carte  des  pays  Oromo  ou  Galla,  des  pays  Soomali  et 

de  la  cdte  orieDtaie  d'Afrique,  par  ie  R.  P.  L^on  des  Avaochers, 

missionaaire  apostolique. 
Esquisse  des  chaiues  de  montagnes  et  des  systemes  de  rivieres  de 

I'Himalaya  au  Sayan  Shan,  par  Hermann  et  Robert  Schlagintweit. 
Carte  de  i'Australie  pour  suivre  les  derni^res  d^couvertes  dans  ce  pays, 

de  1841  h  1858.  par  M.  P.  Chaix. 


FIN    DU   D1X-SEPT1£ME   VOLUME. 


1 


BiiUcUn  cUJfod  el  Jinn  iSh 


i:m:^  Jv^   frli^JH.  ! 


Jmp.Euittfuii   IjJi^i/ttivii  Pf^ir 


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Bu/Z^in  ,^  Jb^ /Sx'i. 


Kson.ssK  ivr.NK  nnTK 

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M(,Mmr  Apii.siouyi'f: 

PAYS  OROMO  O'U  MLIA 

PAYS     SOOMALI 
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(■(hi'  nillKNTALK  D'AKRIQUK 

LKILRljioN  DMAV.Wail'JtS 

.\li.ni>iiittiifi'  .i|jriiliilii(iJt 
1859 


-  fj^anl  K.TIaiarnrV  » 


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BuJlUut  cU^Jfac  el  Jiun- 1869 


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