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Full text of "Bulletin de la Société nationale d'acclimatation de France"

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BULLETIN 


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SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION 


DE FRANCE 


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BULLETIN 


DE LA 


Société Nationale d'Aceclimatation de France 


FONDÉE LE 10 FÉVRIER 1854 


RECONNUE ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE 


Par Décret du 26 février 1855 


ANNÉE Z#2S 


ANT - ANNÉE 


PARIS 
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ 


DE a 


Te MI IE Pt NAT 


DE FRANCE 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


45° ANNÉE 


JANVIER 1898 


avec. 


EN 


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on 


SOMMAIRE 


ne travaux exécutés en 1896, à la station acquicole de nos cie Mer (à suivre) 
aine de quelques animaux domestiques en Europe................,...... 
NNET pes FOSSES. — Les productions végétales et animales de la Crète. 
nnemi du Criquet migrateur de la République Argentine. DÉS DOCS CL CCE PRO 
ndue maladie vermineuse des Truffes........... 
Liane à Caoutchouc du Ferman Vaz... 


ans les Hire VETTRS. +... .ercoseseesesesee 


Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


> — 5 
Un numéro 2 franes ; pour les membres de la Société À fr. 50 
BE — 


‘2 AU SIÈGE À 
DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 
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BOTAINTE 28 


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ALLOCUTION 


PRONONCÉE A LA SÉANCE GÉNÉRALE DU 20 NOVEMBRE 1897 


» 


par M. RAVERET-WATTEL, 


Vice-président de la Société. 


Messieurs, 


Nous ouvrons aujourd'hui notre quarante-cinquième ses- 
sion. Ainsi que vous l'avez sans doute remarqué, nous repre- 
nons cette année un peu plus tôt que de coutume le cours de 
nos travaux. Le Conseil a pensé qu'il convenait de devancer 
lésèrement l’époque habituelle de nos réunions, afin de nous 
mettre à même de tenir, durant cette session, le plus grand 
nombre possible de séances. 

Pendant les vacances qui viennent de s’écouler, la Société 
n’est pas restée inactive. M. le Secrétaire général vous fera 
connaître, dans un instant, la part prise, par plusieurs délé- 
gations de la Société ou de ses différentes Sections, tant à des 
Congres scientifiques qu'à des excursions pour la visite d’éta- 
blissements consacrés à l’acclimatation ou à l'élevage. 

Comme mesure récemment prise par le Conseil, j'ai à men- 
tionner la création d’une Section coloniale, qui vient s’a- 
jouter à nos cinq Sections déjà existantes : Mammifères, Or- 
nithologie, Aquiculture, Entomologie, Botanique. Je me borne 
à vous signaler cette création, dont M. le Secrétaire général 
doit aussi vous entretenir tout à l'heure. Vous estimerez cer- 
tainement, Messieurs, que l’organisation de cette Section 
s'imposait au moment où nous nous proposons de nouer des 
relations plus intimes avec nos colonies, et de faire, dans le 
Buileiin, une place aussi large que possible aux questions 
d’acclimatation intéressant les possessions françaises d’outre- 
mer. 

Par suite de circonstances diverses, la publication de notre 


<= Bullelin à, depuis quelque temps, souffert dans sa régularité. 
m1 Le Conseil, Messieurs, s’en est préoccupé. Nous espérons que 


- ©= tout retard aura bientôt disparu et que vous n'aurez plus, 


Bull. Soc. nat. Acel, Fr. 1898. — 1, 


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BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


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de ce côté, aucun regret à exprimer. Par les derniers au- 
méros parus, vous avez pu constater que l'intérêt offert par 
la lecture de notre recueil ne tend pas à diminuer, et que Fe 
forme et le fond de cette publication sont très satisfaisants. 


En terminant, permettez-moi, Messieurs, de faire appel à 
votre zèle pour recruter de nouveaux adhérents, afin qu'en 
même temps que s’accroitra le nombre de nos collaborateurs, 
s’'augmentent aussi les ressources budgétaires dont nous 
avons besoin pour assurer la bonne marche et le développe- 
ment de notre Société. Il n'est pas un seul d’entre nous qui 
ne puisse. par son infiuence personnelle, faire au moins une 
recrue dans sa famille, dans son voisinage, parmi ses con- 
naissances. Ce simple effort aurait pour résultat de doubler 


immédiatement notre effectif et de développer considérable 4 


ment nos moyens d'action. N'est-ce pas là une raison suffi- 
sante pour stimuler notre active propagande ? Mettons-nous 
donc résolument à l'œuvre, et la session qui s'ouvre au- 
jourd'hui ne restera pas stérile. 


L'IVOIRE A L'EXPOSITION COLONIALE 
DE BRUXELLES-TERVUEREN (1) 


par E. CAUSTIER, 


Secrétaire des séances de la Société d’Acclimatation. 


Dans une communication faite le 23 avril 1897, à la Société 
d'Acclimatation et dans un travail récent (2) publié dans la 
Revue générale des sciences, nous avons montré qu'Anvers 
était devenu le marché d'ivoire le plus considérable du monde. 
Créé en 1888, ce marché importait en 1895, 362,000 kilos 
d'ivoire et en vendait 274,500 kilos. 

Le tableau suivant, emprunté au travail cité plus haut, 
indique les importations et les ventes d'ivoire faites sur le 
marché d'Anvers de 1888 à 1896 : 


ANNÉES, IMPORTATIONS. TOTAL DES VENTES. STOCRS. 
RSR Si =. AE 6,400 kilos. 6,400 kilos. » kilos. 
RSS Le 46,600 — 46,600 — 20,000 — 
HSGOMES AE 71,500 — 71,500 — 18,009 — 
RSC 59,500 — 59,500 — 21,000 — 
LPS 118,000 — 118,000 — 34,500 — 
HSDS ee 224,000 — 224,000 — 41,000 — 
LRNÉSDÉRRS EE 264,500 — 186,000 — 98,500 — 
JÉESSPERES 362.000 — 274,300 — 166,000 — 
LS GES ee. 200,000 — 265,700 — 100,300 — 


On voit que depuis 1894, l'importation subit une forte 
hausse, alors que la vente reste à peu près stationnaire ; il en 
résulte que les quantités er stocks vont en augmentant, d’au- 
tant plus que les commerçants anversoïs ont soin, afin de ré- 
culariser le marché, de ne mettre en vente qu'une quantité 
d'ivoire ne dépassant pas 70,000 kilos pour chaque vente tri- 
mestrielle ; c'est la quantité considérée comme suffisante pour 
la consommation. 


1 Communication faite dans la séance générale du 17 décembre 1897. 

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(2) E. Caustier, L’état actuel du trafic et de l’industrie de l’ivoire, Revue 
générale des sciences, 30 octobre 1897. 


L BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


D'autre part, la presque totalité de l'ivoire vendu à Anvers 
provient de l'État indépendant du Congo. Cela tient à ce que 
le fleuve du Congo draine naturellement le commerce de l’Afri- 
que centrale. Or, de toutes les richesses de cette région, 
livoire est assurément l’une des plus exploitées. 

Aussi bien, il importait pour la Belgique de réserver une 
place d'honneur pour l'ivoire dans l'Exposition coloniale 
installée dans le domaine royal de Tervueren, à 13 kilo- 
mètres de Bruxelles. Ce parc, promenade familière aux 
Bruxellois, était bien le cadre séduisant qu'il fallait à cette. 
manifestation coloniale où l’on avait rassemblé, avec un art 
souvent original, tout ce qui intéresse l’ethnographie, la flore, 
la faune, les cultures, l'exportation et l'importation de l'État 
indépendant du Congo. 

Certes le gros public est toujours plus attiré vers les objets 
pittoresques que vers les caoutchoucs, les gommes, les résines 
ou autres produits naturels dont l'industrie retire cependant 
un si grand profit. Mais aussi, dans une telle Exposition, les 
commerçants, les industriels, les futurs agents de factorerie 
et même les simples particuliers peuvent, en quelques heures, 
connaître les richesses naturelles, s'initier à l'organisation de 
la colonie et se rendre compte des débouchés qu'offre cette 
vaste contrée africaine. Aussi les Belges, comprenant les ser- 
vices que peut rendre à la cause de l'expansion africaine, une 
telle lecon de choses coloniales, viennent de décider que cette 
Exposition resterait permanente, ce qui lui permettra de 
s'enrichir tous les jours de documents scientifiques et écono- 
miques. En somme, ce qui a fait le succès de cette Exposition, 
c'est qu'a côté de l’inévitable foire exotique qui amuse la 
foule, il y avait les éléments qui renseignent et satisfont les 
esprits sérieux. C’est un exemple que les organisateurs de 
notre Exposition coloniale de 1900 feront bien de méditer. 


De toutes les richesses accumulées dans ce palais colonial 
de Tervueren, l'ivoire seul doit nous occuper. Cette matière 
figurait en deux endroits : 1° dans un hall réservé à la faune 
et à ses produits; 2° dans le salon d'honneur réservé aux 


œuvres d'art. 


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L'IVOIRE A L'EXPOSITION COLONIALE DE BRUXELLES, 6) 


I. Défenses brutes «et travaillées. 


La faune du Congo est disposée avec une mise en scène 
tout à fait pittoresque autour d'une large rampe circulaire 
qui mène dans la galerie souterraine réservée aux produits de 
la pêche. Et là, dans un paysage conventionnel, les animaux 
les plus dissemblables étalent leurs dépouilles et forment 
comme une Arche de Noé qui constitue l’une des principales 
attractions de l'Exposition coloniale. 

L'ivoire est représenté : 1° par une série de défenses saines ; 
2° par des déferises ayant des défauls; 3° par des défenses 
monstres ; 4 par des produits {ravaullés. 


1° DÉFENSES SAINES. — Les défenses sont classées comme 
par les courtiers des marchés d'ivoire en trois catégories : 
1° les grasses dents qui pesent plus de 25 kilos ; 2° les dents 
moyennes qui pèsent moins de 25 kilos ; 3° les peiiles dents 
dont le poids est inférieur à 18 kilos. 

Parmi les grosses dents, nous avons remarqué une paire de 
défenses longues de 2 mètres 75 et pesant chacune "8 kilos ; 
au total, 156 kilos, que portait le crâne de leur possesseur. 

Ce sont, il faut le dire, des exceptions, car le poids moyen 
des défenses vendues à Anvers va sans cesse en diminuant, 
Il est descendu de 12 kilos à 10, et il ne dépasse guère aujour- 
d'hui 10 kilos. 

Le tableau suivant montre cette baisse en même temps que 
celle du prix moyen du kilogramme. 


ANNÉES, PRIX DU KILO. POIDS MOYEN. 


HOSSEr Le Dir IC: 9 Kk. 400 gr. 
J'ÉRNICRERREERE DOME 12 500 
ECTS N POV] 10#%900 
RSC Pre 20 02 I 200 
LS DO RANCE 18 43 S 300 
JDE ACESES RER 16 » 8 800 
l'ERAECAPERIE ARS 1527 05 7 300 
SO A TRS un 16 40 8 800 
ROSE Rae 1582 6 400 


Donc les défenses sont petites, ce qui prouve bien que l'on 


“M mg d 


6 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


prend l’ivoire sur la bête vivante. Et combien d'Éléphants 
sont tués qui ne donnent pas même un kilo d'ivoire! Le lieu- 
tenant Hanolet, Commissaire général du Congo belge, dit 
avoir tué, il y a quelques années, à Zongo, sur l'Ubangi, cinq 
Éléphants qui portaient ensemble à peine 10 kilos d'ivoire. Il 
paraît que ce massacre était nécessaire pour supprimer un 
troupeau d'Éléphants qui venait chaque nuit ravager les plan- 
tations. 

Ces observations ne font qu’appuyer les chiffres que 
M. Bourdarie et moi avons publiés sur l'exportation totale de 
l'ivoire africain et par suite sur le nombre probable d'Élé- 
phants tués chaque année (environ 40,000). 

Certaines dents, parmi les moyennes et les petites, sont 
classées à part : ce sont les bangles destinées à fournir des 
anneaux et des bracelets aux Indiens et aux indigènes de la 
côte orientale d'Afrique. Dans ces défenses, les creux sont 
utilisés pour faire des bracelets et les pointes pour fabriquer 
des billes de billard. Ces pointes doivent être alors bien 
rondes et bien pleines. 

Si l’on en juge par les produits exposés, les défenses 
d'Afrique présentent deux formes principales : une droite et 
une courbe. Cette différence très nette, comme du reste de 
nombreux points ayant rapport à l’ivoire, reste inexpliquée 
faute d'une connaissance suffisante de l’histoire naturelle de 
l'Éléphant sauvage. 

Les dents de la côte occidentale d'Afrique fournissent la 
qualité connue sous le nom d'ivoire vert à cause de sa trans- 
parence et de son reflet. Cet ivoire est recherché par les 
industriels, car il est environ 30 0/0 meilleur marché que 
l'ivoire de l'Inde et de l'Est africain. 

Le climat du pays où habite l’Éléphant influe sur la qualité 
de l’ivoire : la finesse du grain et la transparence augmentent 
avec la chaleur et l'humidité. C'est pourquoi dans les parties 
basses des rivières, l’ivoire est plus apprécié que dans les par- 
ties hautes ; aussi l’ivoire du haut Congo est peu recherché. 


2° DÉFENSES AYANT DES DÉFAUTS. — Souvent l'ivoire pré- 
sente des défauts qui, dans une certaine mesure, diminuent 
sa valeur commerciale. Ce sont tantôt des crevasses dues à 
ce que les défenses ont subi des alternatives d'humidité et de 
sécheresse, tantôt des formalions pathologiques dont la 


L’'IVOIRE A L’EXPOSITION COLONIALE DE BRUXELLES. 7 


cause n’est pas bien connue. Parmi celles-ci, on trouve des 
cavités ayant la forme d'un œuf et qui se détachent tout d’une 
pièce; un de ces œufs ayant la dimension d’un œuf d'Au- 
truche allongé, était exposé. On trouve aussi des formations 
bien connues des débiteurs d'ivoire sous le nom de chandelles 
et de jêves. Cette question a été développée dans notre ar- 
ticle de la Revue générale des sciences et je ne puis qu'y 
renvoyer le lecteur que cette étude intéresserait. 

3° DÉFENSES MONSTRES. — À côté de l’ivoire sain et de 
l’ivoire malade, on a placé des défenses contournées, irrégu- 
lières, et qui n’ont d'intérét que pour les collectionneurs. 


49 IVOIRE TRAVAILLÉ. — L'usage le plus noble de l’ivoire est 
assurément dans la sculpture; il en sera parlé plus loin, car 
j'estime que le réel intérêt de cette exposition de l'ivoire 
réside surtout dans cette belle collection de sculptures ex- 
posées au Salon d'honneur. 

Je voudrais cependant dire la méthode employée par les 
organisateurs pour bien faire comprendre au public les diffé- 
rentes phases du travail de l’ivoire. On avait exposé trois 
défenses identiques de chaque modèle : 

1° La première restait intacte et servait de {émoin; 

20 La seconde était débitée et montrait les pièces inache- 
vées ; 

3 La troisième était remplacée par une série d’objets ravis- 
sants comme savent l'être les bibelots d'ivoire. 

On est véritablement émerveillé du nombre et de la variété 
des objets qu'il est possible de tirer d’une défense grâce à un 
découpage ingénieux. 


[VOIRE D'HIPPOPOTAME. — A côté d’un crane d'Eléphant, 
voici un crâne d'Hippopotame avec des défenses et des objets 
fabriqués. Certaines de ces dents pèsent de 6 à 7 kilos ; 
leur ivoire est plus blanc, plus fin, mais il est aussi plus dur 
et plus cassant que celui de l’Eléphant. On enlève, au moyen 
d'acides, l'émail qui est difficile à entamer et les dents sont 
alors livrées au commerce sous le nom de dents brülées. Cet 
ivoire était recherché autrefois pour faire des dentiers à cause 
de sa blancheur et de sa dureté, mais depuis la vulcanisa- 
tion du caoutchouc, il est presque complètement délaissé. De 
39 francs le kilo, son prix est descendu actuellement à 5 francs. 


8 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


II. La sculpture chryséléphantine. 


Ce fut incontestablement le clou de cette Exposition colo- 
niale. Comme l’on comprend en admirant les œuvres d'art 
que renferme le salon d'honneur cette parole de Pline : 
« L'ivoire est la matière la plus précieuse pour fabriquer des 
dieux. » 

Dans ce Salon d'honneur ont été réunies toutes les mani- 
festations artistiques ayant rapport au Congo et qu'on pour- 
rait classer en deux catégories : 1° Les œuvres des indigènes 
constituant l’art congolais; 2 les œuvres des artistes belges» 
afirmant un véritable réveil de la sculpture chryséléphan- 
tine. 


1° L'ART CONGOLAIS. — L'exposition des objets sculptés par 
les indigènes du Congo montre nettement l’évolution du sen- 
timent artistique chez ces peuples primitifs. On retrouve par- 
tout, même dans leurs œuvres les plus naïves, ie besoin inné 
de donner à ces productions une forme élégante. Avec un 
peu d'observation il est possible de suivre la gradation de ce 
sentiment du beau chez les diverses peuplades, suivant qu’on 
l’étudie dans la grande forêt équatoriale, ou sur la côte, ou 
dans une zone intermédiaire. 

l° Dans la grande forêl équatoriale, la lutte pour la vie 
ne laisse guère de loisir au noir, obligé qu'il est de disputer à 
la nature le droit d'exister; aussi l’indigène fabrique des 
objets simples dont la ligne est harmonieuse, mais dépourvue 
d'ornementation. Les autres arts éclosent avec la même sim- 
plicité : la danse, motivée par l’exubérance de natures souples 
et saines, reste sans recherche; la musique, nécessitée par le 
besoin de rendre la parole plus expressive, est réduite à une 
mélodie sauvage. 

2 Autour de la forèl centrale, les tribus vivent dans un 
état de paix relative; elles ont alors des loisirs qui leur per- 
mettent de décorer, d’ornementer leurs objets. Dès lors, nous 
voyons les Congolais travailler et sculpter le bois; mais c’est 
surtout l'ivoire qu'ils apprécient. Il est vrai de dire que l’ivoire 
n'a pas toujours été pour eux une matière précieuse, car 
avant l’arrivée des Européens, les défenses restaient souvent 


L’'IVOIRE A L'EXPOSITION COLONIALE DE BRUXELLES, 9 


sans emploi. C’est à peine si les indigènes s'en servaient pour 
fabriquer des objets usuels tels que des pilons et des mor- 
tiers, des bracelets, des manches de couteaux et surtout des 
trompes dont la taille atteignait parfois 2 mètres. 

3° À La côûle, les artistes noirs décorent les défenses qu'on 
leur confie; ils sculptent en bas-relief de longues théories de 
personnages s’enroulant en spirale autour de la défense et 
courant l’un derrière l’autre comme sur l'escalier d’une tour: 
Ce travail, qui coûte aujourd'hui 1 schilling par figure, se 
fait aussi sur des dents d'Hippopotames et de Pacocheres. 

Les nombreux spécimens qui sont exposés témoignent de 
la bonne volonté des sculpteurs congolais et montrent que 
ceux-ci usent du même procédé que nos enfants quand ils 
commencent à dessiner : ils exagerent les détails et inter- 
prètent souvent d’une facon réaliste les types qu'ils veulent 
reproduire, montrant par exemple sur un petit fétiche les dé- 
tails de la chevelure, les tatouages et certaine expression de 
physionomie qui devient caractéristique. 

Dans le Bas-Congo, les ivoires ont une plus grande valeur ; 
ce sont des fétiches servant de pommeau aux cannes des 
grands chefs. 

Dans le Sud et surtout dans la Djuma, les ivoiriers font 
de minuscules fétiches et des plaques sur lesquelles ils repré- 
sentent des personnages accroupis semblables à des divinités 
indoues. 

Vers le Tanganyika, les féticheurs de Misiti ont des mas- 
ques d'ivoire qui sont, du reste, sans grande expression. 

Toutes ces productions indigènes ne pouvaient manquer 
d'attirer l'attention des artistes belges et ces modèles afri- 
cains qui ne sont souvent que de naïves interprétations de 
la nature, ont inspiré aux sculpteurs belges certains essais 
intéressants. 


2° L'ART BELGE ET LA SCULPTURE CHRYSÉLÉPHANTINE. — 
Déjà en 1893, le Gouvernement de l'Etat du Congo voulant 
créer un mouvement artistique, une renaissance de la sculp- 
ture sur ivoire, avait adressé à l’occasion de l'Exposition 
d'Anvers un chaleureux appel aux artistes belges; et, ce qui 
valait mieux encore que l’éloquence, l'Etat du Congo fit dis- 
tribuer gracieusement, aux meilleurs statuaires belges, des 
défenses d’Eléphant d'une valeur considérable. Quatorze 


baies. : jé 
Là Des. 


10 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


sculpteurs répondirent à cet appel et leurs envois firent pres- 
sentir l'importance de la future école chryséléphantine. 

Enfin, en 1897, à Tervueren, les artistes belges ont montré 
quel merveilleux parti la sculpture pouvait tirer de l'ivoire, 
Plus de quatre-vingts pièces d'ivoire étaient rassemblées dans 
le Salon d'honneur et constituaient un véritable Salon des 
ivoires. Quelques-unes de ces pièces sont de véritables chefs- 
d'œuvre de grâce et de finesse. ; 

Ajoutons que les artistes avaient tenu à donner à leurs 
œuvres un cachet particulièrement colomial en les faisant 
reposer sur des socles en bois de la forêt tropicale. Toute la 
section congolaise avait du reste ses étagères, ses meubles 
d'art, ses boiseries, taillés dans ce bois aux chaudes couleurs 
que fournissent les forêts de l'Afrique tropicale. Je citerai en 
particulier un magnifique bois rouge (Sarcocephalus), sorte 
d’acajou flammé de larges veines d'or et qui doit être d’un 
grand prix pour l’ébénisterie ou l’art ornemental. 

À côté des produits ordinaires de la sculpture sur ivoire, 
c'est-à-dire des Christs et des éventails, voici des figurines, 
des bustes, des groupes, des coffrets, des cadres et même une 
pendule ! 

Souvent le ton laiteux de l’ivoire est rehaussé par des 
applications fort heureuses de bronze, d'argent et d'or. Je 
noterai même une certaine Vierge victorieuse du Mal, en 
ivoire et vermeil enrichi de pierres précieuses, qui était d'un 
gracieux effet. 

De toutes ces œuvres, une des plus captivantes est celle 
de M. Wolfers qui a conservé à la défense sa grandeur natu- 
relle, et qui a fait supporter ce beau motif courbe par un 
Cygne de métal dont le cou et les aïles s’enroulant en spi- 
rale autour de la défense, ont fourni un motif décoratif réel- 
lement original. 

A côté des ivoires sculptés nous signalerons aussi des pein- 
tures sur panneaux en ivoire, et des incrustations fort 
habiles sur des objets et meubles de luxe. 

En résumé, cet ensemble montre chez la jeune école belge, 
une originalité et une vigueur remarquables. Sans atteindre 
l’art d’un Phidias, elle n’en atteste pas moins une véritable 
résurrection d'un art antique qui fut si florissant chez les 
Grecs et les Romains et qui semblait mort depuis le xviri° 
siècle, 


Ce 


L'IVOIRE A I/EXPOSITION COLONIALE DE BRUXELLES. A1 


Dès la plus haute antiquité, les hommes ont utilisé l’ivoire 
pour orner leurs maisons et leurs temples, ou pour sculpter 
les images de leurs dieux, Déjà l’homme primitif de la Gaule, 
comme le montrait M, Piette au dernier Congrès des Sociétés 
savantes, tirait de l’ivoire du Mammouth des statuettes qui 
sont aujourd'hui ce que seront, dans les temps futurs, les 
fétiches congolais. 

Les Hébreux en décoraient leurs meubles et les murs de 
leurs palais, Les Musées assyrien et égyptien du Louvre pos- 
sèdent de nombreux objets en ivoire. 

Les Grecs apprennent des Phéniciens l’art de travailler 
cette matière. Dans leurs sculptures, ils combinent l'or et 
l'ivoire : l'or pour les vêtements et l’ivoire pour le nu. Avec 
Phidias les œuvres sont colossales : la Minerve du Parthé- 
non a 12 mètres et le Jupiter d’Olympie 19 mètres de hau- 
teur. Certes, on trouverait peut-être encore des Phidias au- 
jourd’hui, mais où serait le Gouvernement qui commande-. 
rait des Minerve et des Jupiter? L'ivoire à ce point de vue 
ne pourra jamais remplacer le moderne et démocratique 
bronze. 

À Rome, l’ivoire fut aussi prodigué; et l'art byzantin en 
fit un emploi considérable. Pour ne citer qu'un exemple, 
l’église Sainte-Sophie, à Constantinople, a trois cent soixante- 
cinq portes décorées de bas-reliefs en ivoire. 

L'art chrétien, comme l’art arabe et celui de l’'Extrême- 
Orient, a produit de nombreux objets d'ivoire. Sous Charle- 
magne ce sont des bas-reliefs, des statuettes et des instru- 
ments du culte. Au moyen àge, les ivoiriers font vivre dans 
de charmants diptyques tout un monde de personnages saints 
découpés avec une admirable candeur C’est au xve siècle que 
furent sculptés les grands retables en ivoire du Musée de 
Cluny. Au xvi° et au xvrnr siècles, l’ivoirerie prend un grand 
développement en France, en Allemagne et aux Pays-Bas : 
certains crucifix en ivoire sont attribués à Michel-Ange, et 
d’autres sculptures éburnines passent pour être de Benve- 
nuto Cellini; c’est du xvne siècle que date le célèbre bas- 
relief de Saint Léon venant au-devant d'Atlila, tant admiré 
à Saint-Pierre de Rome. Depuis le xvire siècle, cet art est 
tombé en désuétude, et sauf la fameuse Minerve du Parthénon 
que Simart exposa en 1855 à Paris et qui est actuellement 
conservée au château de Dampierre, dans la famille du duc 


À 


12 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


de Luynes, on peut dire que le travail artistique de l'ivoire 
avait presque disparu. 
Les artistes belges séduits par le grain et l’éclat si cares- 
sant de l'ivoire, ont voulu tenter de fixer leurs conceptions 
dans cette riche matière que leur colonie africaine procure en 
si grande abondance. Il faut reconnaitre qu'ils y ont réussi et 
qu'ils ont produit une véritable rénovation de cet art char- 
mant de la sculpture sur ivoire. Ils ont montré qu'il pouvait 
exister un parallélisme entre l'évolution coloniale d'un pays 
et le développement de l’art ornemental. Cette renaissance 
est si frappante que notre ami Bourdarie prévoit déjà l'heu- 
reux momént où chaque famille possédera ses ivoires d'art 
au lieu de sa douzaine de couteaux à manche d'ivoire. 
Assurément l'art n'a pas à se préoccuper des débouchés ; 
mais, si sans perdre rien de sa valeur esthétique, il erée ces 
débouchés, pourquoi ne pas l'en féliciter? Et c'est là lim- 
pression qui a été ressentie par tout visiteur de l'Exposition 
coloniale de Tervueren. Il a senti, ce visiteur, que si les colo- 
nies peuvent étendre l'horizon économique et scientifique 
d'un pays, elles peuvent aussi apporter leur contribution à 
l'art, soit par les œuvres naïves des primitifs, soit par les 
merveilleuses matières premières qu'elles fournissent. N'est- 


ce pas là un fait capital pour nos artistes modernes qui 


s'épuisent à faire du « nouveau » et à chercher « autre 
chose » ? 

En résumé, les partisans de l'idée coloniale en Belgique, et 
en particulier tous ceux qui ont collaboré à cette colossale 
entreprise de l'Etat indépendant du Congo, peuvent être re- 
connaissants aux artistes et aux « ouvriers d'art » qui ont 


provoqué cette renaissance de l’art décoratif moderne. Aussi 


l'on comprend que le Gouvernement belge ait voulu flatter 
ses artistes en même temps que rendre hommage au Roï Léo- 
pold IT, en inscrivant en tête du Catalogue de cette Exposi- 
tion, cette épigraphe : « Le degré artistique d'un peple est 
l'expression La plus élerée de sa perfectibilité, el La protec- 
lion des arts souligne la grandeur d'un Gouvernement. » 


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; LA CULTURE DU BANANIER 


DANS L'AMÉRIQUE CENTRALE 


ET LE COMMERCE DES BANANES AUX ÉTATS-UNIS (1) 


par A.-L. PINART. 


Ayant été chargé, au mois de juin 1896, par M. le Pré- 
sident du Conseil, Ministre de l'Agriculture et M. le Ministre 
du Commerce, d'une mission à l’effet d'étudier les cultures 
tropicales et les transactions commerciales auxquelles elles 
donnent lieu dans l'Amérique centrale, je me suis efforcé, 
durant mon dernier voyage dans ces régions, de réunir les élé- 
ments d'un rapport actuellement en préparation.Mes notes sont 
encore bien incomplètes et j'attends les résultats d'enquêtes 
particulières qui se poursuivent à ma demande et n’ont pas en- 
core pris fin. Toutefois, M. le Secrétaire général de la Société 
d'Acclimatalion ayant bien voulu me demander de commu- 
niquer à la Sociélé la partie de mon rapport qui touche à la 
culture du Bananier dans ces régions où elle s’est déve- 
loppée d’une manière prodigieuse dans ces dernières années, 
j'ai cru devoir accéder à son désir. 

La banane est, comme l’on sait, l’un des principaux élé- 
ments de la nourriture des populations de toutes races qui 
habitent les zones intertropicales. Quoi d'étonnant alors 
qu'aux États-Unis, chez un peuple essentiellement pratique, 
on ait cherché à faire entrer ce produit alimentaire si consi- 
dérable dans l'alimentation générale ? Une livre de bananes, 
nous dit Humboldt, contient autant de matière nutritive 
que 44 livres de pommes de terre. Crichton Campbell, 
l'un des fervents avocats de la banane aux États-Unis 
4 déclare qu'une livre de banane équivaut, comme pouvoir 
à nutritif, à 25 livres de pain cuit. Les Américains, ayant 
compris le parti important que l’on pouvait tirer de ce 
fruit, l'importent aujourd'hui en quantités prodigieuses. Le 
nombre de régimes introduits en 1896, par les ports du Golfe 


(1) Communication faite dans la séance générale du 17 décembre 1897, 


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14 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


du Mexique, la Nouvelle-Orléans et Mobile, puis par ceux de 
New-York, Charleston, etc., n’a pas été inférieur à vingt-cinq 
millions, absorbés par le commerce aussitôt leur débarque- 
ment. Si j'ajoute que chaque régime de banane provenant de 
l'Amérique centrale porte de 120 à 180 fruits, qu’il pèse de 30 à 
40 kilogrammes, l'on se rendra facilement compte du déve- 
loppement extraordinaire qu'a dû prendre la culture du Bana- 
nier pour pouvoir faire face à une telle consommation. Nous ne 
nous occuperons pour le moment que des régions de l’est et 
du centre des Etats-Unis, la Californie et les autres États du 
Pacifique, s’approvisionnant d'autre part à la côte sud du 
Mexique et aux îles Hawaï. 

Aussi, partout dans les endroits favorables de la côte nord de 
l'Amérique centrale, depuis la colonie de Belize par 19° de 
Lat. N. jusqu’à Santa-Marta en Colombie, se sont dévelop- 
pées d'immenses cultures de Bananiers. La Jamaïque, Saint- 
Domingue, Cuba, les Bahamas produisent aussi beaucoup, 
mais en qualité inférieure. Des agglomérations considérables 
se sont formées, des villes mêmes se sont élevées dans ces 
contrées tropicales telles La Ceiba, Rama, Bocas del Toro, par 
exemple, que nous avons connue en 1883, une misérable bour- 
gade, absolument isolée à l'entrée de la baie de l’Amirauté, 
dans le Chiriqui du nord, est devenue aujourd’hui une ville 
importante en communication directe deux fois par mois 
avec la Nouvelle-Orléans: elle possède même un journal heb- 
domadaire Æl Criterio. En 1883, le district avait à peine 
500 habitants, aujourd'hui il en a pres de 10,000. 

Le département de Zélaya au Nicaragua, l’ancien royaume 
des Mosquitos, il y a quelques années encore ignoré des géo- 
graphes, a lui aussi des plantations de Bananiers et des va- 
peurs mettant Rama et Bluefield en communication constante 
avec la Nouvelle-Orléans. 

Que dire de Port-Limon au Costa-Rica ! Les deux côtés de 
la ligne de chemin de fer qui unit le port à la capitale ne for-- 
ment dans la partie basse du trajet qu’une forêt de Bananiers 
et quand arrive au port le vapeur annoncé, des trains se suc- 
cèdent à l'infini, venant déverser sur le wharf d'embarque- 
ment des cent et des mille tonnes de bananes, toutes trans- 
portées à la Nouvelle-Orléans. 

Plus au Sud, Colon, Carthagène, Santa-Marta fournissent 
aussi un contingent considérable : mais comme dans ces ports 


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LA CULTURE DU BANANIER DANS L'AMÉRIQUE CENTRALE. 19 


le trafic se fait surtout avec New-York, il y a durant les 
mois d'hiver un grand ralentissement en raison des froids 
rencontrés dans le trajet au delà du Cap Hatteras qui ruinent 
parfois les cargaisons. \ 

Au nord, enfin, nous avons le Honduras, le Guatemala et 
la Colonie anglaise de Belize, desservis par une ligne hebdo- 
madaire de vapeurs qui mettent en communication Belize, 
Livingston, Puerto-Barrios et Puerto-Cortes avec la Nouvelle- 
Orléans. À chaque voyage, les vapeurs retournent avec un 
chargement complet de bananes. Une autre ligne fait le 
service deux fois par mois avec les ports de la Ceiba, de 
Trujillo et Roatan. Une fois par mois une autre ligne touche 
généralement dans ces ports avec attache à New-York. 

Nous devons mentionner encore comme port d'attache à 
venir des vapeurs fruitiers, celui de Galveston au Texas, 
appelé à devenir très important en raison de ses communica- 
tions directes avec l’intérieur des Etats-Unis du sud-ouest, ce 
port étant le terminus sur le Golfe du Mexique de la grande 
ligne de pénétration des chemins de fer de la Compagnie du 
Sud-Pacifique qui se préterait certainement à une entente 
pour les transports à bon marché sur son immense réseau. 

Nous terminerons ici ces considérations générales par 
lesquelles nous avons voulu rendre évidente importance 
énorme qu'a prise la culture de la banane et l'espoir bien 
fondé que l'on peut avoir de son développement encore bien 
plus considérable. Passons à la description du Bananier et 
de sa culture. 


Le Bananier appartient, comme chacun sait, à la famille 
des Musées, dont les espèces sont fort nombreuses : l’espèce 
cultivée dans les régions qui nous occupent aujourd'hui est 
de Musa paradisiaca. Il en existe de très nombreuses va- 
riétés mais qui jusqu'à présent, n'ont, à notre connaissance, 
jamais été classées scientifiquement, Horaninow lui-même, 
dans son Prodromus Scilaminearum (Plersburgi, 1862), y 
ayant renoncé. La seule variété qui soit cependant aujour- 
d'hui cultivée en grand, la seule qui soit admise sans contes- 
tation sur les marchés des États-Unis, est la variété du M. 
sapientum, dite Taiîla ou de Taïti : ce Bananier fut, dit-on, 
introduit à la côte sud du Mexique à San-Blas et à Acapulco 
par les galions de Manille et c’est là qu'il se serait d’abord 


16 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


développé, jusqu’au moment où il fut transporté à la côte 
nord, où aujourd'hui il règne en maitre (1). Il a l'avantage 
d'être plus résistant que les autres variétés, de se reproduire 
très facilement par rejets, de donner un régime compact, régu- 
lier, d’un poids presque toujours égal, supportant plus facile- 
ment que tout autre les transports lointains, et dont le fruit 
bien formé, gros et succulent, se prête aussi bien à être mangé 
cuit que cru. Toutes les innombrables plantations de la région 
qui nous occupe possèdent exclusivement cette variété pour 
l'exportation : comme c’est le point qui nous intéresse spé- 
cialement, nous nous limiterons donc à l'étude de cette seule 
variété. 

Sur les marchés de la Nouvelle-Orléans, de Mobile et en 
général du Golfe du Mexique, on rencontre souvent la grosse 
espèce de bananes dit P{t'-au-ciel ou Dieu le veuille; cultivée 
surtout à Saint-Domingue, elle ne peut se manger que cuite 
et est assez insipide : le régime ne porte que quelques fruits, 
de 10 à 25, mais chacun de ces fruits pèse jusqu'à 2 kilo- 
grammes. 

A New-York, l’on introduit aussi en très petite quantité 
la banane-figue (Musa mensuaria) ou Neïne : c'est un fruit 
délicieux, bien connu aux Antilles et dans l'Amérique cen- 
trale : le goût en est délicieux, mais le régime est fort petit 
et ne dépasse guère 2 kilogrammes, c'est un fruit de luxe. 

Il serait superflu de décrire ici le Bananier au point de 
vue botanique. Tout le monde connaît, pour l'avoir vu en 
voyage ou au moins dans les serres et les plates - bandes 
estivales des jardins, cette gloire des tropiques. 

L'élégance de sa forme, la beauté de son port, la grandeur 
et l’'émeraude un peu mat de ses feuilles se développant en spi- 
rales autour d’un tronc gracile et souple, s’agitant au moindre 
souffle de la brise, en ont fait chez nous une plante d’orne- 
ment. Rarement, cependant, on voit le Bananier épanouir sa 
fleur sortant comme un fort bouton de rose écarlate se fai- 


(1) Nous ne croyons pas devoir revenir ici sur la question si discutée déjà 
de savoir si le Bananier est originaire d'Amérique : un fait curieux à signaler 
cependant, c’est que la banane possèie dans presque toutes les langues in- 
diennes de la région un nom spécial indéniable qui ne provient pas de l'étranger 
comme cela a lieu pour lant d’autres plantes, d'animaux. d’ubjets divers intro- 
duits en Amérique depuis la découverte. Banane se dit Zapalotl en Nahuatl, Tu 
dans la plupart des langues de la famille Maya-Quiche, Ajahaa en Chorti, 
Mori en Lenca, Bun en Guaymie, Xalpal en Dorasque, etc., etc. 


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LA CULTURE DU BANANIER DANS L'AMÉRIQUE CENTRALE. 17 


sant jour à travers les feuilles plus petites, d’un vert plus 
tendre, de son bourgeon terminal, éclatant, s’ouvrant et lais- 
sant voir autour de son axe floral des rangées concentriques 
de petites fleurs d’un blanc-jaunâtre, disposées d’une manière 
régulière autour de son axe et qui bientôt deviendront les ba- 
nanes. Dans l'espèce, ou plutôt la variété qui nous occupe, il 
est rare que les fleurs stériles qui apparaissent les premières 
sur le style ou axe floral soient nombreuses : c’est ce qui pro- 
duit ces beaux régimes compacts si appréciés aux Etats- 
Unis. Les fleurs ne tardent pas à tomber et la banane apparait, 
toute petite d’abord, sortant de l’ovule, mais elle s’allonge, 
srossit presque à vue d'œil. Le poids fait pencher de plus 
en plus le régime mollement caché au milieu de la gerbe 
feuillue qui le protège des ardeurs du soleil. Le fruit a grossi 
et présente maintenant une peau ferme, bien tendue, unie : 
il est plein, et, bien que pas entièrement mür, c'est le mo- 
ment de couper le régime et de l'envoyer au port d’em- 
barquement ; cueillie à point, la banane mürit facilement en 
douze et quinze jours. 

Si le régime doit étre consommé sur place, on le laisse sur 
pied quelques jours de plus, jusqu’au moment où ses fruits 
prennent cette belle coloration jaune d’or qui est le propre de 
la banane Tuila. Le régime cueilli, on abat dans toute plan- 
tation rationnellement exploitée, le pied qui l'a produit pour 
laisser la place à un autre qui, en peu de mois, aura produit 
aussi son régime. À la côte nord de l'Amérique centrale, le 
pied de Bananier produit chaque année de deux à trois et 
jusqu'à quatre et cinq rejets différents portant fruit. 

_ Le Bananier dont il s’agit varie comme hauteur suivant 
que la situation et le terrain lui sont plus ou moins favo- 
rables. Il est rare cependant de le voir dépasser 3 mètres. 


La banane s'emploie de différentes manières, crue ou cuite. 
Crue, c’est un fruit savoureux, farineux, sucré légèrement, 
agréable au goût, tant soit peu astringent, peu digestif pour 
certains estomacs qui n’y sont pas habitués, surtout chez les 
enfants auxquels elle est apte à donner des embarras gas- 
triques, si la maturité n’est pas assez complète ou bien trop 
prononcée : c'est cependant crue qu'on la préfère aux Etats- 
Ünis et qu'on la consomme dans les proportions indiquées 
ci-dessus. 


Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 2 


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18 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Cuite, on prépare la banane de nombreuses manières. Sous 
les tropiques, on la cueille avant sa maturité, on la pèle, car 
sa peau, dans cet état, est fort âcre et on la fait cuire au 
four ou sous la cendre : elle sert alors de pain. On en fait, en 
outre, après dessication, une farine (pour cela, on la pile dans 
un mortier une fois desséchée), et on la conserve alors dans 
des vases ou sacs à l’abri de l'humidité : dans ces conditions 
elle dure fort longtemps. Cette farine, très nourrissante, sert 
surtout en voyage où on en fait une boisson très saine et très 
rafraichissante, espèce de gruau épais, que l’on mélange quel- 
quefois avec du sucre pour parer à un goùt un peu insipide. 
Coupée en rouelles ou en tranches, elle entre dans les potages 
comme légume et forme une des ressources du ménage 
comme la pomme de terre chez nous. 

La banane müre et cuite au four est un aliment très sain et 
très nutritil en même temps qu'agréable au goût ; on la fait 
aussi frire, on en fait des gâteaux, des bonbons, etc. etc. Crich- 
ton-Campbell, l'avocat principal de l'alimentation par la ba- 
nane aux États-Unis, conseille aux mères de ne jamais laisser 
aller à jeun leurs enfants à l’école et de mettre dans leur 
panier une banane cuite dont le goût et le pouvoir nutritif 
donneront à l'enfant une force de résistance infiniment plus 
erande qu’une tartine de pain avec de la confiture. En outre, 
dit-il, le prix modique de la banane (un centime à New- 
York, un demi-centime à la Nouvelle-Orléans), en fait un des 
aliments par excellence à rechercher par la classe peu aisée. 

Nous devons ajouter qu'avec la banane müre, fermentée, 
l'on distille une eau-de-vie à goût empyreumatique pro- 
noncé, rèche à la langue et au gosier. La proportion d’al- 
cool étant très forte, il serait peut-être bon d'étudier les 
moyens d'enlever à cette liqueur l'huile essentielle qui lui 
donne un goût peu agréable : les déchets qui se produisent 
fatalement sur une plantation pourraient ainsi étre utilisés. 
Les gens du pays qui, cependant, aiment une liqueur un peu 
forte, dédaignent l’eau-de-vie de bananes, à moins qu'ils 
n’aient pas autre chose pour la remplacer. 


Si nous passons maintenant au mode de culture en grand 
du Bananier, tel qu'on le pratique à la côte nord de l’Amé- 
rique Centrale, on reconnaitra que cette culture est des plus 
simples et des plus rudimentaires. Le seul Drawback pour 


LA CULTURE DU BANANIER DANS L’'AMÉRIQUE CENTRALE. 19 


l'Européen qui veut s'y livrer, consiste dans le climat. Le 

Bananier pour se développer et produire à son aise demande 
en effet un climat chaud et humide : le minimum de tempéra- 
ture qui lui convienne est de 22° cent. Pour trouver les ter- 
rains propres nous devons choisir partout dans ces régions la 
zone littorale qui est certainement peu saine pour l'Européen, 
mais avec certaines précautions faciles à prendre, il est per- 
mis d'affirmer que les craintes émises généralement à cet 
égard, sont d'ordinaire bien exagérées. 

Le choix du terrain a une grande importance : il ne doit 
étre ni trop sec, ni trop humide. Un sol noir (back loam) ou 
rouge ferrugineux est préférable, dans un endroit un peu 
élevé au-dessus d’une rivière, à une hauteur sufisante pour 
que les inondations périodiques ne l’envahissent point. Nous 
choisirions volontiers pour un établissement de ce genre un 
terrain courant fortement en longueur sur les bords d’une 
rivière et peu épais en profondeur : ilest alors facile de trans-, 
porter sans grands frais aux différents degrads de la rivière 
les régimes de bananes afin de les embarquer sur les canots, 
chalands ou bateaux qui les conduiront au port d’embar- 
quement. 

L'endroit choisi doit être protégé des vents du Nord, qui 
soufilent souvent en tempête sur cette côte, de novembre à 
janvier. Dans le défrichement, on réserve généralement du 
côté du Nord un rideau de forêt suffisant pour protéger la 
plantation. Les vents violents ont pour effet de griller les 
._ jeunes feuilles qui protègent le régime au début de son dé- 
veloppement et de l'exposer aux ardeurs du soleil qui le 
dessèche et le rend inutilisable. 

L'endroit une fois choisi, l'on procède au défrichement, ce 
qui, en certains points, n'est pas chose facile : la forêt est im- 
pénétrable, les Lianes, les Palmiers nains épineux, toute 
cette végétation exupérante du sous-bois tropical près des 
rivières, rendent souvent le travail! fort pénible : on abat à la 
hache ou au machete tout ce que l’on peut, en ayant soin de 
laisser à eux-mêmes les gros arbres qu'il serait trop dispen- 
dieux d'attaquer directement : le feu se chargera tout à 
l'heure de les réduire à néant. Le défrichement se fait au 
commencement de la saison sèche, en novembre et décembre, 
puis, ce travail terminé et les bois abattus suffisamment secs, 
on profite d'une journée où le vent est un peu fort, du quar- 


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20 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


tier le plus favorable pour ne pas attaquer le rideau de forêt 
qui a été laissé pour protéger la plantation des vents du 
Nord, on répand sur les premières abattis du pétrole et on y 
met le feu. Celui-ci prend avec une extrême violence et net- 
toie en peu de temps l'espace abattu, ne laissant des grands 
arbres de la forêt épargnés jusqu'alors que des troncs à demi 
calcinés, dans lesquels le feu continuera à couver pendant 
plusieurs jours. 

Le travail de défrichement se fait généralement par con- 
trat avec des gens du pays qui en ont l'habitude et qu'il est 
toujours facile de se procurer : le défrichement d’un hectare 
de terrain revient dans ces conditions à environ 80 pesos, 
soit au change actuel de l'argent à un peu de moins de 
200 francs. 

Nous ne parlons pas ici du prix de l’achat ou de l’occupa- 
tion des terrains soit gouvernementaux, soit particuliers, les 
prix ou redevances étant absolument minimes et négli- 
geables. 

Le terrain ayant été ainsi nettoyé, on attend les premières 
pluies légères pour faire la plantation des rejets de Bana- 
niers. 

Les rejets ou choquards de Bananiers de l'espèce ou variété 
préférée se trouvent facilement dans le pays et ne doivent 
pas revenir à plus de 5 pesos par centaine. 

Le terrain disposé, on plante ces rejets à des distances va- 
riables suivant le lieu et la température. Nous pensons que 
la distance de 3 mètres entre chaque pied est la plus re- 
commandable : cependant nous avons vu des plantations où 
la distance entre chaque pied ne dépasse pas 2 mètres et 
même 1 m. 50. Le rapport est évidemment plus considérable 
dans le second cas pour les premières années, mais après 
cela, il faut craindre l'étouffement qui se produira certaine- 
ment à moins de sacrifier chaque année partie des rejets. 
Nous croyons donc la distance de 3 mètres préférable parce 
que dans ces conditions nous parons à l’étouffement et qu'en 
même temps, les pieds sont assez pres les uns des autres 
pour empêcher que le soleil ne dessèche le sol aux alen- 
tours. 

La plantation dans ces conditions devrait avoir neuf sent 
quatre-vingt-dix-neuf pieds de Bananiers, mais comme il 
reste toujours sur le terrain, même bien nettoyé, un certain 


LA CULTURE DU BANANIER DANS L’AMÉRIQUE CENTRALE. 21 


nombre de souches des gros arbres qui ont été brülés, nous 
croyons que le nombre réel de pieds à l'hectare sera de huit 
cents. 

Le rejet se plante dans un trou préparé à l’avance d'’envi- 
ron 20 cent. de profondeur : on rebouche et l’on a soin de 
tasser suffisamment la terre tout autour pour empêcher au- 
tant que possible l’action du soleil sur les racines. La planta- 
tion faite, il est nécessaire, dans les premiers temps, d’em- 
pêcher les mauvaises herbes et le sous-bois de repousser 
pour ne pas étouffer les jeunes plants. Ce travail ne dure 
pas longtemps, car le Bananier pousse très rapidement et 
étouffe bientôt à son tour tout ce qui pousse au-dessous de 
lui. Huit mois sont généralement suffisants pour que le Bana- 
nier donne son premier régime : celui-ci est la plupart du 
temps de petite dimension et ce n'est que dans la seconde 
année qu'il commence à produire régulièrement des régimes 
pouvant affronter les marchés américains. 

Dès lors la plantation à ce point n'exige plus de soins régu- 
liers, si ce n’est celui de veiiler à la maturation et à la récolte 
des régimes arrivés à point : aussitôt cueillis, les régimes 
sont transportés aux différents dégrads de la rivière et mis à 
bord des bateaux qui se rendent directement aux ports d'em- 
barquement. 

Là, au passage des bateaux fruitiers, on vend couramment 
le régime, soit à bord même des vapeurs, soit aux agents et 
suivant les points, et suivant leur poids, à raison de 30 à 60 
et même 80 centimes argent : les régimes de Bocas del Toro 
obtiennent le plus haut prix. 

La main d'œuvre nécessaire à l'exploitation d’une planta- 
tion de Bananiers d’un hectare, une fois en production, est 
fort peu de chose et nous conseillons à toute personne qui 
voudrait tenter l'aventure, de ne pas faire de plantation de 
moins de 10 hectares. Dans ce cas, deux escouades de dix 
hommes chacune, au maximum, sont très suflisantes, cha- 
cune de ces escouades étant dirigée par un chef. Le prix de 
la main d'œuvre est généralement de 1 peso argent pour les 
ouvriers et de 2 pesos à 2 pesos 50 pour les chefs. 

La main-d'œuvre est relativement facile à recruter pour ce 
genre de travaux. 

Le transport par bateaux ou canots de la plantation au 
port est toujours assez dispendieux, soit que la plantation 


22 © BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


possède elle-même ses moyens de transport, ce qui est le 
plus pratique, mais nécessite dès le principe une mise de 
fonds assez considérable; soit qu'elle le fasse faire par con- 
trat, ce qui est possible en plusieurs points. Il est donc à 
tous égards, préférable de s'établir près d’un port. 

A la côte des Mosquitos au Nicaragua, sur la rivière Rama, 
les vapeurs viennent chercher les bananes jusqu'aux planta- 
tions mêmes, la rivière étant navigable sur un assez long 
parcours : à Puerto Barrios, à Puerto Cortez, à Puerto Limon, 
à Colon, à Santa-Marta, les trains de chemins de fer amènent 
les bananes jusqu'aux wharfs d'embarquement, presque toutes 
les plantations étant situées dans ces régions, sur la ligne 
ferrée elle-même; il y a de ce fait grande économie dans le 
transport. 

Quoiqu'il en soit, et quels que soient les frais de transport, 
nous considérons la culture du Bananier comme appelée à 
fournir à celui qui veut s’y livrer d'énormes bénéfices, tout 
en s’efforçcant de produire pour la classe peu aisée, comme 
nous le démontre Crichton-Campbell, un aliment sain, très 
nutritif et bon marché. “ 

Enfin, nous croyons que, suivant l'exemple donné aux 
Etats-Unis, il serait nécessaire que quelqu'un veuille se dé- 
vouer, comme Crichton-Campbell et d’autres, à la diffusion de 
la banane dans l'alimentation : il faudrait évidemment pou- 
voir se la procurer à bon marché, et de bonne qualité, ce qui 
aujourd’hui n'existe pas. La banane que nous trouvons sur 
le marché parisien, par exemple, est petite, sans saveur et 
revient très cher. Il nous semble que dans notre colonie du 
Sénégal et surtout des Rivières du Sud, où le climat est ana- 
logue à la côte nord de l'Amérique centrale, la banane Taila 
se développerait à merveille et comme son fruit supporte faci- 
lement un voyage par mer assez long, il serait facile de l’a- 
mener à un prix raisonnable dans les ports français. 

C'est un essai que nous croyons pouvoir recommander 
comme devant être fructueux. 


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EXTRAITS ET ANALYSES. 


RAPFORT SUR LES TRAVAUX EXÉCUTÉS EN 1896, À LA STATION 
AQUICOLE DE BOULOGNE-SUR-MER. 


par Eugène Canu, directeur de la Station, 


Boulogne, le 4er mars 1897. 
Monsieur le Ministre, 


J'ai l'honneur de vous adresser notre Rapport annuel relatif aux 
études et aux travaux poursuivis à la Station aquicole de Boulogne 
en 1896. - 

Comme de coutume, ces travaux ont trait à la pêche fluviale et ma- 
ritime et à diverses questions importantes pour les pêcheries du nord 
de la France. 

Dans notre exposé, nous examinerons successivement les différents 
points ayant trait aux chapitres, suivants : I. Pisciculture fluviale. — 
II. Études techniques. — III. Applications pratiques. — IV. Ques- 
tions diverses. 


I. Pisciculture fluviale. 


1° Repeuplement des cours d’eau. — Les essais de repeuplement exé- 
cutés depuis un certain nombre d'années par la Station aquicole de 
Boulogne avaient porté de préférence sur diverses espèces intéres- 
santes au point de vue de l’acclimatation des variétés étrangères dans 
nos rivières particulièrement riches en Truites. Ni l’une ni l’autre de 
ces variétés n’ont fourni de résullats satisfaisants dans nos cours 
d'eau, malgré des versements comptant annuellement de 2,000 à 
5,000 jeunes truitelles âgées de six à dix mois. Et tandis que le re- 
peuplement des eaux fermées de différentes propriétés particulières a 
parfaitement réussi dans ceite région avec la Truite arc-en-ciel (SaZ- 
moirideus), cette espèce n’a nullement prospéré dans la partie de la 
Liane affermée par la Societé des pécheurs à la ligne de Boulogne depuis 
une dizaine d'années. Bien plus, la croissance ordinairement rapide de 
ce Poisson, qui le fait préférer par les pisciculteurs à notre Truite 
des ruisseaux indigènes (Salino fario), la croissance, dis-je, demeure 
manifestement plus lente en rivière, et les Truites arc-en-ciel intro- 
duites dans les eaux vives du Boulonnais par la Station aquicole 
ont un développement qui semble toujours tardif et précaire quand 
on le compare aux conditions de croissance dont l’espèce locale est 
coutumiere. : 


24 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Quant au Saumon de Californie (Salmo quinnaf\, les versements 
d'alevins d’un certain âge exécutés dans nos rivières n'ont pas laissé 
plus de traces que l’empoissonnement tenté à l’aide des individus âges 
de deux ou trois mois. De même pour le Saimo fontinalis et pour 
l'Ombre commune (Thymallus vexillifer). 

De sorte que tous les essais antérieurs d’acclimatation dans les 
eaux ouvertes restent encore douteux quant à leur efficacité. — Aussi, 
suivant accord établi entre le bureau de la Société des pêcheurs et nous- 
mêmes, les Truites adultes de ces diverses variétés que nous conser- 
vions comme reproducteurs furent versées elles-mêmes dans les ruis- 
seaux affermés du Boulonnais, pour un dernier essai d’acclimatation : 
il s'agissait alors d'individus âges de quatre à cinq ans, trés vigoureux 
el capables de se maintenir en bonnes conditions si les eaux leur sont 
véritablement favorables. 

Il fut convenu, en conséquence, que les essais d’acclimatation 
d'espèces étrangères resteraient dans l'avenir une exception dans nos 
pratiques de pisciculture fluviale ; toutes nos ressources, malheureu- 
sement limitées, seront appliquées à la culture des espèces indigènes. 

L'élevage des Salmonides exécuté à la Station aquicole de Boulogne 
a comporté, en 1896 : 

15,000 œufs de Truites du lac de Guéry au Mont-Dore, qui furent 
mis en incubation dans nos appareils. Les alevins produits furent 
élevés dans l’Aquarium de l’établissement pendant six et huit mois 
au bout desquels 10,000 truitclles furent déversées, partie en juin et 
le reste en septembre, dans la Liane, les ruisseaux du Brunembert, 
Bellozanne et Cantraine, sur les territoires de Carly et Samer. 

2,000 œufs de Salmo fontinalis, provenant de l'Aquarium du Tro- 
cadéro, ont été élevés de même dans nos bassins. Dans le courant de 
juillet un accident aux conduites d’adduction de la Compagnie des 
eaux de Boulogne qui approvisionne la Station aquicole vint sus- 
pendre toute circulation d’eau dans l'aquarium et causer la perte de 
ces alevins, avec celle de la plupart des jeunes truitelles du Guéry, 
restant encore en élevage dans l'établissement. 

Ces accidents, trop fréquents en été, et les épidémies (Zckthyopthi- 
rius, mnullifiliis, Bodo necator, etc.) qui sévissent assez souvent dans 
nos aquariums d'’alevinage, rendent trés précaire l'élevage des trui- 
telles mises au delà du printemps en slabulation dans les locaux de 


la Station aquicole. Aussi avons-nous étudié la création d'un Eta- 


blissement départemental de pisciculture fluviale qui supprimerait 
toutes ces difficultés dans l’alevinage de nos jeunes Salmonides 
en élé. 

Pendant la saison de ponte de 1896-1397, nous avons commencé 
l'application de notre programme tendant à l'emploi des mélhodes de 
pisciculture artificielle pour le repeuplement intensif des espèces 
régionales. 


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EXTRAITS ET ANALYSES. 25 


Pour la première fois, dans cette contrée, nous avons poursuivi, sur 
les frayères de la rivière la Canche, la capture et la mise en stabu- 
lation dans des viviers flottants d’un certain nombre de reproduc- 
teurs, de Saumons de la Canche et Truites de mer. Pour ces opé- 
rations, nous avons obtenu l'autorisation et le concours actif de 
M. l'Ingénieur des ponts et chaussées de l'arrondissement de Mon- 
treuil et des agents sous ses ordres. 

50,000 œufs de Saumons et de Truites de mer ont été fécondés par 
les soins de la Station aquicole de Boulogne, sur la berge même de 
la Canche, à Brimeux, en appliquant la méthode ordinaire et la mé- 
thode russe de fécondation artificielle. Les reproducteurs étaient des 
poissons choisis, d’une très belle taille, et mesuraient de 1,20 à 
C®,75 de longueur. 

L’une et l’autre des deux méthodes de fécondation nous ont donné 
de très bons résultats : la proportion des œufs non fécondés étant 
infime dans les deux lots. 

Ces œufs fécondés furent rapportés le jour même de leur féconda- 
tion par chemin de fer jusqu’à Boulogne, pour y être disposés dans 
les appareils de la Staiion aquicole. Depuis leur mise en incubation 
artificielle, nos œufs de Saumons et de Truites de mer suivent leur dé- 
veloppement normal. Les fécondations artificielles ont été opérées du 
28 novembre au 11 décembre 1896. Les œufs de Saumon fécondés, le 
11 décembre étaient le 29 décembre au milieu de l'enveloppement 
blastodermique du jaune, au stade F distingué dans l'Embryogénie de 
la Truite, par M. le docteur Henneguy (1). Le 12 janvier 1897, ils 
montraient les traces de leurs taches oculaires, visibles au travers du 
chorion, et qui restent les seules preuves convaincantes de réussite 
dans les operations de pisciculture artificielle pour les personnes peu 
instruites ou peu versées dans les observations embryologiques. 

Nous devons constater, Monsieur le Ministre, le tres vif intérêt 
porté par les pêcheurs aux opérations de pisciculture artificielle ap- 
pliquées ainsi aux Poissons les plus estimés de sotre contrée : nous 
trouvons là un grand encouragement à poursuivre avec ténacité les 
opérations nouvelles entreprises dans notre service, d'autant plus que 
la culture artificielle du Saumon indigène n'est actuellement vour- 
suivie en France que dans la Dordogne et dans l’Adour, toutes les 
autres opérations restant des essais d’acclimatation de Saumons 
du Rhin dont le succès n’est pas du tout certain dans les eaux fran- 
caises. 

Avec plus de ressources, il nous serait très facile, dans l'avenir, 
d'étendre l'importance de nos opérations de pisciculture sur les Sau- 
mons et Truites de mer du nord de la France, et d'élever jusqu'à 
plusieurs centaines de millions le nombre des sujets cultivés artifi- 


(1} Journal de l'Anatomie et Physiologie, 1889. 


ME. Dai baie VON RO An D RER LT TUE d'ADN Pie TELE de 


26 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


ciellement chaque année par les soins de la Slation aquicole de Bou- 
logne. Pour la production des œufs et pour la mise en incubation 
jusqu’à l'éclosion des alevins, nous sommes suffisamment armés pour 
atteindre ce résullat. Il n’en est malheureusement pas de même pour 
l’alevinage des saumoneaux et des truitelles, ainsi que nous l'avons 
dit plus haut, et c’est un point que nous ne cessons de signaler à l'at- 
tention du Conseil général du Pas-de-Calais en vue d'un Etablisse- 
ment départemental de pisciculture. 

En outre de cet élevage, des pontes artificielles de nos meilleures 
espèces locales, il reste en alevinage à la Slation aquicole 500 jeunes 
Salmo fontanalis, mis en incubatiou dès leur arrivée de l'Aquarium du 
Trocadéro, et qui sont éclos du 20 au 30 janvier 1697. Ceux-ci sont 
destinés à être transplantés dans les cours supérieurs de la Liane et de 
la Course, affluent de la Canche, aux eaux très vives et très froides 
qui semblent convenir à cette espèce américaine. 


De même, cinquante exemplaires de l'Ombre-Chevalie: du lac Pa- 


vin, âgés de vingt mois, sont en alevinage dans les caux vives d’une 
propriété privée qui est gracieusement mise à notre disposilion à cet 
effet. Dès que la taille de ces Poissons, variant aujourd'hui de 14 à 
20 centimètres, semblera suffisante pour les mettre à l'abri des dépré- 
dations des Saumons, grosses Truites el Brochets, ils seront trans- 
plantés dans l'une ou l’autre de nos rivières (probablement dans la 
Canche, dont les eaux sont assez profondes et dont le fond est très 
riche en Gammarides). 

2° Projet d'Etablissement départemental de pisciculture fiuviale. — Ie 
territoire du déparlement du Pas-de-Calais en général et de la régicn 
boulonnaise en particulier est largement doté de rivières et de petits 
fleuves favorables au développement des espèces fluviatiles les plus 
recherchées pour la consommation publique. Néanmoins on se plaint 
vivement dans cette contrée de la disparition du Poisson et l’admi- 
nistration départementale s'est préoccupée sérieusement Ge cette 
question. 

Le Conseil général du Pas-de-Calais émet le vœu qu'une étude soit 
faite en vue de la création d’un Etablissement de pisciculture chargé 
du réempoissonnement des rivières. Transmis par M le Préfet du Pas- 
de-Calais au Service des Ponts et Chaussées, ce vœu est l'objet d’un 
examen approfondi, taut au point de vue technique qu’au point de 
yue budgétaire. Nous avons été saisi par MM. les Ingénieurs du Ser- 
vice des Ponts et Chaussées du désir manifesté par le Conseil général 
du Département, et nous avons accepté d'apporter notre appui à la 
solution cherchce. 

Une commission spéciale composée de MM. les Ingénieurs de Bou- 
logne et de Montreuil, de M. le Président de la Société des pêcheurs à 
la ligne de Boulogne et du Directeur de la Station aquicole, s'est réu- 


DRE à 


D] 


EXTRAITS ET ANALYSES. ÿ 


L 


nie plusieurs fois en 1896 pour l'examen de diverses localités pro- 
pices à cetie fondation d’une Station rurale de pisciculture; sur les 
bords d'un ruisseau donnant un approvisionnement d’eau suffisan:. 

Un rapport préliminaire fut fourni au Conseil général dans la session 
d'août 1896, ct les propositions définitives seront fournies à la session 
prochaine de 1897. Nous mentionnerons que, dans ce rapport, l’éven- 
tualilé de la remise de cet Etablissement départemental sous la 
conduite du Directeur de la Stalion aquicole de Boulogne, particu- 
lièrement versé dans les questions de piscicullure pralique, se irouve 
envisagée pour être traitée à fond dans le sens affirmatif au cours du 
rapport définitif. 

A la vérité, nous trouverions, Monsieur le Ministre, un secours 
très efficace dans la fondation d'une Station rurale de pisciculture 
affectée au repeuplement des riviéres de cette contrée, ct c'est un 
point que nous avons suffisamment indiqué plus haut, en men- 
tionnant les essais de repeuplement exécutés en 1896 par la Station 
aquicole. 

Nous avons donc fait approuver par la commission d'étude du 
projet deux solutions également bonnes à soumettre au choix du Con- 
seil général. 

La première comporte des dépenses d'installation assez elevées. 
Elle envisage la construction d’un établissement définitif, sur un ter- 
rain à acquérir par le déparlement, terrain alimenté par des sources 
fournissant l’eau à un grand nombre de réservoirs et bassins d’alevi- 
nage pour les jeunes Poissons élevés jusqu’à dix mois, à des bassins 
de stabulation pour les adultes reproducteurs, et aussi à des appa- 
reils d’éclosion. — Un des emplacements proposés est à la limite des 
bois de la Caboteric, aux confins des territoires communaux de Sor- 
rus, de Saint-Josse el de la Caboterie, dans l'arrondissement de Mon- 
treuil. Le plan coté de cet emplacement a été dresse à la demande 
de la commission d'étude, et le débit des sources a été jaugé pendant 
l'été de 1596. Nous ne croyons pas que les ressources budgétaires du 
département du Pas-de-Calais permettront d'entreprendre cette créa- 
tion coûteuse. 

La seconde solution, plus modeste et peut être tout aussi efficace 
quant aux résultalts à obtenir avec les espèces régionales, tendrait à 
prendre en location, à bail, l’un des nombreux moulins à eau établis 
sur le cours de nos rivières à Truites, rivières dont les eaux très 
vives et très fraîches conviennent à merveille pour la stabulation des 
jeunes Salmonides. 

Les dépendances du moulin, dans le bief supérieur ct dans le bief 
inférieur de la chute d'eau, permettraient d'établir des bassins ct des 
réservoirs flottants sur la rivière même, afin de procéder, ainsi qu’on 
le fait généralement en Suisse, en Allemagne et aussi au Nid-du-Ver- 
dier près Fécamp, à l'alevinage denombreux saumoneaux et truitelles 


28 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


produits jar fécondation artificielle sur les frayères et par incubation 
dans les appareils de ia Stalion aquicole à Boulogne. 

Nous osons espérer, Monsieur le Ministre, que cette solution mo- 
deste aulant que pratique pourra obtenir l'acquiescement du Conseil 
général et du Préfet du Pas-de-Calais, 

3° Causes du dépeuplement des Ecrevisses dans l'Aa. — Les rivières du 
Haut-Boulonnais et des collines de Picardie étaient encore peuplées 
d'un grand nombre d'Ecrevisses, il y a peu d'années. Ces Crustacés 
ont aujourd hui disparu de la plupart de ces cours d’eau. 

L'une de ces rivières, l’Aa, Liès riche en Truites dans son cours su- 
périeur, reste pour ainsi dire la seule qui contienne encore des Ecre- 
visses en nombre appréciable. Encore s'est-il passe là dans ces der- 
nières années un fait digne de la plus sérieuse attention. 

L’Aa, qui se jette dans la Mer du Nord sous Gravelines, compte 
encore quelques Ecrevisses depuis sa source jusqu'à Lumbres, les 
environs de Fauquembergues sont seu's suffisamment riches pour per- 
mettre actellement une pêche profitable. — En 1891 et 1892, les vil- 
lages de Rumilly, Ouve, Wirquin, Merck et Saint-Liévin étaient 
également très riches en Ecrevisses. Dans les communes de Merck- 
Saint-Liévin, en particulier, les habitants pratiquaient en grand 
nombre une pêche régulière de ces Crustacés, à l’aide de balances, 
et ils y trouvaient, par un travail du soir relativement peu pénible, 
le moyen d'augmenter notablement le produit du travail aux champs 
qu'ils exécutent le jour. Dans une bonne soirée de pêche, un homme 
largement équipé de balances, capturait alors jusqu'à 10 à 12 dou- 
zaines d'Ecrevisses marchandes. À l'époque actuelle, cette pêche a 
cessé complèlement par suile de la disparilion de ces Crustacés à 
Merck et à Sainl-Liévin. 

Au cours de nos recherches sur la pêche des Truiles dans la vallée 
de l’Aa, nous avons cu — à maintes reprises — l’occasion de recueillir 
les doléances des ancieus pêcheurs d'Ecrevisses de Saint-Liévin jus- 
qu'a Rumilly. Notre altenlion s'est naturellement fixée sur cette 
brusque disparition de l'Ecrevisse dans des eaux qui l'avaient abritée 
si largement aulrefois; et pour trouver la cause de ce phénomène, 
nous avons autopsié el disséqué un grand nombre de Crustacés de 
l’Aa, afin de rechercher à quelle sorte d'épidémie le dépeuplement 
rapide de la rivière pouvait êlre imputé. Ni dans les organes vitaux, ni 
dans les muscles du corps ou des pattes de ces Ecrevisses, nous n’avons 
trouvé trace de ces Distomes ou Psorospermies qui signalent le déve- 
loppement de ce que l’on a appelé maintes fois la Pesfe des Ecrevisses. 

Nous avons pu constaler toutefois de fréquents déversements d'eaux 
industrielles dans la rivière, et nous avons rapproché ce fait du dé- 
peuplement de l’'Aa en Ecrevisses, car on sait combien ce Crustacé 
est susceptible à l'égard de la pollution des eaux qu'il habite. Après 
enquête, nous avons appris que la disparition des Ecrevisses dans 


: EXTRAITS ET ANALYSES. | 2) 


cette région est postérieure à l'introduction de nomhreuses fabriques 
de papier qui sont venues depuis peu d'années supplanter et rempla- 
cer les minoteries d'autrefois. Remarquons, d’ailleurs, aussi que le 
cours supérieur de l’Aa, à l’amont de Fauquemberques, ne comte 
aucune papeterie et qu'il a conservé des Ecrevisses. 

Néanmoins, il est juste de dire que la richesse de l'Aa en Ecre- 
visses avait subi, longtemps avant le développement de l’industrie du 
papier dans cette contrée, des fluctuations analogues à c2lles que nous 
constatons dans ces dernières années sans en trouver la cause évi- 
dente. C’est ainsi que la grande abondance d’Ecrevisses à Merck- 
Saint-Lièvin ne datait guère que de douze à quinze ans, au dire des 
pêcheurs les plus exercés et des marchands de ces villages. Avant 
cette période d’abondance, les Crustacés étaient rares €ans l’Aa où 
_onne les pêchait que très irréguliérement. 

Peut-être enfin, faut-il encore tenir comote de la pêche intensive 
qui eut lieu sans surveillance et sans scrupule durant les dernières 
années d’abondance. Cette pêche s'élevant certains jours jusqu'à cent 
douzaines d’Ecrevisses, était aitors suffisante pour enrayer à Merck- 
Saint-Lièvin la reproduction d'un Cruslacé qui croît lentement et qui 
se reproduit aussi rarement. 

Des recherches que nous avons exécutées, il semble résulter, Mon- 
sieur le Ministre, que l’Ecrevisse est dépeuylée dans l'Aa pour des 
causes étrangères à l’histoire naturelle de ce Crustacé : par les déver- 
sements d'eaux industrielles d'une part, et par l'effet d'une pêche tres 
intensive d'autre part. ( | 

Pour la première de ces raisons, le repeuplement de cette rivière 
par l'élevage artificiel de ce Crustacé, nous a semblé une expérience 
certaine d'aboutir en ce moment à un échec, et nous l'avons différée 
jusqu’à l’époque où la surveillance très stricte de l’Aa pourra être 
exercée de manière à faire respecter les lois sur la contamination des 
eaux poissonneuses par les résidus de fabrique. 


«II. — Études techniques. 


1° Observations sur l'histoire naturelle des Saumons ei Truiles de mer. 
— Les mœurs des Saumons et Truites de mer sont encore assez mal 
connues ou interprétées par les pêcheurs et par les naturalistes pour 
qu'il soit nécessaire de les remettre à l'étude. Après avoir organise, 
dans le cours de l’année 1896, les premières pratiques de pisciculture 
artificielle, qui aient été exécutées dans le nord de la France sur ces 
espèces locales (sans négliger néanmoins les quelques fécondations 
artificielles d'œufs de Saumon exécutées à l’île Sainte-Aragone, dans 
la Somme, par M. Lefebvre, d'Amiens), nous nous sommes efforcé de 
poursuivre l'étude zoologique des Saumons et Truites de mer dans la 


1 FE LT UE LE" L. | L'or S | pi: FT PAT EU NT Me 


20 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Canche, en tenant compte des découvertes scientifiques les plus 
récenLes. 

Le Saumon, abondant dans la Canche et dans l’Authie. et la Truite 
de mer, répauduce sur toules nos plages parsemées de rochers, sont les 
Poissons les plus précieux pour la pêche maritime et fluviale du nord 
de la France. L'altention s’est donc tout naturellement portée sur ces 
animaux, et déjà divers rapports des Ingénieurs des Ponts et Chaus- 
sées de l'arrondissement de Montreuil, ainsi que des rapports anté- 
rieurs des directeurs de la Station aquicole de Boulogne, ont examiné 
dans le cours de ces dernières annces la question du Saumon de la 
Canche, en particulier dans l’année 1889. — Ce dernier rapport de la 
Station aquicole fait remarquer que la présence du Saumon remontant 
en masse dans la Canche datcrait de 18$3-1884, à la suite des travaux 
d'endiguement des eaux du fleuve au travers des sables de l'estuaire. 

Néanmoins le Saumon femelle, en robe de noce, est connu dans les 
rivières du nord de la France depuis uu plus grand nombre d'années. 
Nous en trouvons la preuve convaincante dans le tome XXI de l’Æis- 
loire naturelle des Poissons, publiée par Valenciennes en 1818. Aux 
pages 129 et 130 de ce traité, le naturaliste du Jardin des Plantes 
signale la capture dans l’Authie, petite rivière de Picardie qui se jette 
dans la baie de Somme près du Crotoi (?), d'un Poisson désigné par les 
pêcheurs d1 pays sous le nom de éruile guilloise. Ce Poisson était une 
femelle de 39 pouces (0,81) de longueur, ayant le corps rempli d'œufs 
prèts à êlre pondus, avec le dos, les flaucs, les joues et la caudale 
couverts de grandes taches rouges irrégulières. Cette description 
permet de reconnaitre l'espèce qui nous est familière dans la rivière 
voisine, la Canche, où nous l'avons observée longuement sur les 
frayères pendant la période de la fraie, espèce dont nous avons eu 
nombre d'exemplaires entre les mains pour la prete des féconda- 
Lions artificielles. 

D'ailleurs, la Truite guilloise des pêcheurs de l'Authie n'est point la 
seule variélé qu'on ait voulu séparer des Salmonides anadromes qui 
nous occupent. Valenciennes décrit encore, dans le même volume de 
son ouvrage, sous le nom de Truite de Baillon (7rutta Builloni), une 
forme nouvelle découverte dans la Somme, rapportée de Norvège à 
Paris, et que nous avons signalée à part sous ce nom par le docteur 
Moreau dans son Traité le plus récent d’ichthyologie française. La 
Truite de Baïllon serait caractérisée par neuf rayons branchiostèges et 
par la présence sur ses flancs d’un petit nombre de taches noirâtres 
largement empourprées à leur périphérie. Nous avons retrouvé, en 
hiver, sur les frayères de la Cancle, des Poissons du même aspect, 
gonflés d'œufs mürs, et que nous n’hésitons nullement à rapprocher de 
la Truite de Baillon. Néanmoins, nous ne pouvons considérer cette 
espèce comme distincte : la variabilité du nombre de huit à douze des 
rayons branchiostèges est bien connue dans nos Salmonides ana- 


EXTRAITS ET ANALYSES. 31 


dromes, d’après les recherches les plus approfondies dont ces organes 
furent l’objet depuis dix ans. La livrée de la Truite de Baillon se re- 
trouve d’ailleurs également en Norvège dans les Salmonides ana- 
dromes; elle est même fréquente parmi les Truites de mer ayant 
accompli un séjour prolongé en eau douce et qui reçoivent l’épithète 
de Tujmen. 

_ Examinant les caractères distinctifs usités dans la spécification 
moderne des Salmonides, nous voyons, par exemple, sur quelques-uns 
des spécimens capturés par nous dans la Canche, ies nombres et rap- 
ports suivanis : 


NATURE LONGUEUR PROPORTION  ÉCINES ANTÉRIEURES DE L'ARC BRANCHIAL DENTITION 
DJ POISSON. TOTALE. DE LA TÊTE. A DROITE ET À GAUCRE. DU YOMER. 


=" == Te M ET > 


Saumon mâle... 1.04 4/4.72 1249-21 412 + 8-20 2 dents. 
Idem. ES 0.75 1/4,68 134 8-21 13 + 8-21 4 dents et 2 ran- 
gées recouvertes, 

Saumon femelle. 1.00 4/5:26 42 + 9-21 13 + 9-22 2 dents. 
Truite de mer fe- 4 dents et 2 ran- 
melle2: 1... 0.50 1/4,54 1117-18 11 + 7-18 gées recouvertes. 

Truite de Bailion 

femelie ....... 0:43 14/4771 1147-18 11 + 8-19 Nombreusesdents 


En raison des nombres et des caractères portés à ce tableau, et 
suivant l'opinion énoncée par le professeur F.-A. Smitt sur les rap- 
ports et la caractéristique des divers Salmonides anadromes, nous 
sommes amenés à conclure qu'il n’y a point lieu de distinguer dans 
nos cours d'eau entre d'autres sortes de Salmonides que le Saumon, 
la Truite de mer et la Truit: des ruisseaux. C’est une conclusion qui 
a de l’imvortance pour la conduite des pratiques de pisciculture dans 
notre région et pour l'étude ultérieure des conditions d'existence de 
ces importantes espèces de Poissons. 

Dans un rapport antérieur, nous avons eu l’occasion de signaler, 
Monsieur le Ministre, les données intéressantes pour l'étude des mi- 
grations et de la reproduction naturelle du Saumon qui permet de 
réunir la méthode dite du marquage individuel, appliquée aux Pois- 
sons capturés, numérotés, étiquetés et rejetés ensuite en rivière afin 
de fournir ultérieurement au temps voulu des données cerlaines sur 
leurs habitudes et sur leurs transformations, s'ils étaient recapturés et 
observés alors à ce point de vue. — Les conclusions de ce rapport ont 
d’ailleurs été publiées au Bulletin d'informations du Ministère de l’A- 
griculture en janvier 1896. Dans l’année qui vient de s'écouler, nous 
nous sommes naturellement efforcés de satisfaire à ces conclusions en 
appliquant dans notre région la méthode norvégienne dont nous avions 
exposé les avantages dans ce rapport. La Station aquicole de Boulogne 
ne possédait ni-les moyens, ni la liberté d'action nécessaires pour 


32 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


semblable étude, nous avons provoqué l'intervention du Service des 
Ponts et Chaussées de l'arrondissement de Montreuil. 

L'Administration des Ponts et Chaussées de Montreuil avait à sa 
disposition, depuis plusieurs années, un crédit annuel spécial de 
1,200 francs pour des observations méthodiques sur les mœurs du 
Saumon, dans la rivière de la Canche rattachée à cette circonscription. 
Nous avons obtenu qu'en 1896, on y mette à l'essai le marquage indi- 
viduel des Saumons capturés aux barrages par les garde-pêche, 
Saumons marqués jusqu'alors d'un signe distinctif sans numéro 
d'ordre, signe variable chaque année pour tendre uniquement à établir 
l’annualité ou la bisannualité de la montée et de la ponte. 

Soixante-seize Saumons ont été marqués cette année d'un signe 
distinctif individuel, avec numéro d'ordre. Ce signe consiste en une 
épingle d'argent piquée dans la nageoire adipeuse, repliée et tordue 
de manière à enserrer l’arrière de cette nageoire; l’épingle se termine 
par une fiche minuscule de deux à trois millimètres carrés qui porte le 
numéro d'ordre gravé. 

Capturés au barrage de Brimeux par un garde-pêche stationnant 
constamment en ce point très important à préserver du braconnage 
organisé au moment des montées de Saumons par les meuniers et 
usiniers, les soixante-seize Poissons furent marqués du 30 mai au 
19 décembre 1896. 

Le marquage à l’aide de fiches numérotées a déjà permis d'établir 
que ces animaux relâchés dans la Canche après l'opération, exécutent 
dans cette rivière des allées et venues assez importantes. Beaucoup de 
Poissons pumérotés ont été recapturés de nouveau en 1896, ce qui 
indique un séjour prolongé en rivière, après la montée; de plus, plu- 
sieurs d’entre eux furent repris bien à l'aval du point de remise en 
liberté : tel fut le n° 6, marqué le 16 juin et repêché le 17 septembre 
à deux lieues au-dessous de Brimeux. Notons, d'autre part, le n° 4, 
marqué et rejeté à Brimeux le 8 juin, qui fut repris au même point le 
10 octobre; puis le n° 14, marqué le 7 août et repris le 6 novembre: le 
n° 57, marque le 23 novembre, qui sert aux fécondations artificielles, 
après nouvelle capture le 8 décembre, etc. Dans le cours de nos opé- 
rations de fécondation artificielle des œufs de Saumon au bord de la 
Canche, nous avons, d’ailleurs, repris un grand nombre de Saumons 
marqués qui se trouvaient alors en pleine activité de la fraie. 

Ceci montre bien, sans aucune contestation possible, que les ani- 
maux remontés en rivière dès le mois d'avril et mai effectuent vérita- 
blement leur ponte en décembre, après un long stationnement et 
diverses allées et venues vers l’aval et vers l’amont qui les exposent 
aux captures des pêcheurs et surtout aux agissements des braconniers 
au filet que n'arrête jusqu’à ce jour aucune surveillance de ruit 
sérieusement organisée. 

Dans la Canche, où les dernières frayères ne sont pourtant éloignées 


EXTRAITS ET ANALYSES. 33 


de la mer que de 6 lieues seulement, le séjour en rivière des gros 
Saumons reproducteurs dure de neuf à dix mois chaque année. 
Malgré le rapprochement de la mer et du point extrême de la montée, 
rapprochement qui cantonne ious les reproducteurs dans un espace 
restreint entrecoupé d’un petit nombre de moulins et barrages (parti- 
cularité diminuant beaucoup les chances de capture en faveur de la 
sécurité de la montée), la vie du Saumon en eau douce a donc, dans 
la Canche, la même durée que dans les grands fleuves où ces Poissons 
doivent parcourir des centaines de kilomètres avant d'atteindre leurs 
frayères. Dés lors, il semble bien probable qu'un séjour si prolongé 
en eau douce a pour but : 

1° De permettre uniquement la transformation des organes repro- 
ducteurs et la maturation des produits sexuels; 

20 De satisfaire ainsi à une nécessité physiologique constante pour 
tous les fleuves à Saumons, grands et petits. 

Le séjour prolongé du Saumon en eau douce ne dérive donc point, 
comme on l’a dit parfois, des exigences d’un voyage plus ou moins 
long et plus ou moins laborieux vers les frayères. 


Tels sont, Monsieur le Ministre, les premiers résultats des études que 
la biologie encore obscure du Saumon rous a conduit à entreprendre. 
Ce ne sont point, à vrai dire, les seuls résultats pratiques à attendre 
des marquages opérés en 1896, sur les Saumons de la Canche : des 
conclusions d'un ordre très intéressant doivent intervenir à la fin de la 
prochaine saison de pêche, s’il nous était donné de poursuivre des 
observations et d'étudier l’état physiologique de Saumons marqués en 
1896 ef recapturés en mer ou en rivière en 1897 ou 1898. 

Pour nous mettre à même de poursuivre cette étude, il y aurait in- 
térêt, Monsieur le Ministre, à mettre à la disposition de la Station 
aquicole de Boulogne en 1897 et dans les années suivantes, le crédit 
spécial de 1,200 francs accordé en 1896 et dans les années antérieures 
au Service des Ponts et Chaussées de Montreuil-sur-Mer pour l’étude 
du Saumon dans la Cauche; et ce transfert de crédit nous parait 
d'autant plus désirable que l’usage de cette somme pourrait être ainsi 
affecté partiellement dans l’avenir aux opéralions de pisciculture arti- 
ficielle que nous avons déjà poursuivies cette année dans la Canche en 
utilisant cette ressource budgétaire du Service des Ponts et Chaussées 
de Montreuil. En raison même des modifications apportées dans les 
services de la pisciculture et de ia surveillance des pêches fluviales 
œui se trouvent ratlachés au Département de l'Agriculture par le décret 
du 7 no7embre 1896, la nécessiieé de l'affectation de ce crédit à l’un 
des services speciaux du Département de l’Agriculture, — comme la 
Station aquicole de Boulogne dans le département du Pas-de-Calais, 
— doit être envisagée, et nous ne saurions, Monsieur le AMinistre, 
solliciter trop vivement votre bienveillante attention sur ce-point. 

Buil. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 3. 


os hi élaelh die éd a NES 


L 


34 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Nous rappellerons encore que l'étude des Saumons marqués qui s'opère 
en Norvège vient de conduire cet important pays de production jus- 
qu’à la revision de ses lois sur la pêche et ia protection du Saumon, 
revision qui s’exécule en 1896-1897 par les soins d’une commission 
technique spécialement appointée par le Storthing; nous y voyons, 
Monsieur le Ministre, une preuve convaincante de l'intérêt supérieur 
qui s’attache à la continuation des expériences entreprises méthodi- 
quement dans notre région en 1896 sous les auspices de la Station 


aquicole de Boulogne. 
(La fin au prochain numéro.) 


X< 


ORIGINE AFRICAINE DE QUELQUES ANIMAUX DOMESTIQUES 
EN EUROPE. 


M. le professeur C. Keller, de Zurich, a fait à la 80° session de la 
Societé helvztique des Sciences naturelles, tenue à Engelberg en 1897, 
une conférence sur les éléments d'origine africaine que l’on retrouve 
dans nos diverses races d'animaux domestiques. 

Il fait remarquer tout d’abord que l'on peut tirer des conclusions 
sur l'origine et l'extension de certaines races domestiques non seule- 
ment de l'anatomie comparée et des recherches archéologiques, mais 
encore de l’elhnologie. L | 

Geoffroy Saint-Hilaire admettait que nos meilleurs et nos plusan- 
ciens animaux domestiques provenaient d'Asie ; mais cette hypothèse 
a déjà été fortement infirmée par des découvertes précédentes, et l’au- 
teur montre par une série de faits que, à côté de l'élément asiatique, 

il existe en Europe un élément d’origine africaine beaucoup plus im- 

! portant. Parmi les Chiens, ce sont les races du Sud et particulière- 

i ment les Lévriers, dont nous savons qu'ils abondaïicnt dans l’ancienne 

4 Égypte, qui doivent être venus d'Afrique par la Méditerranée. En ce 
À 


qui concerne les Equidés, l’origine asiatique est cerlaine pour une 
partie au moins des Chevaux ; l’Ane de la petite race, au contraire, a  . 
{a été domestiqué pour la première fois par les peuplades hamitiques de 
l'Afrique orientale et a été importé de là en Égypte et en Europe. Per- 
[SR sonne ne conleste l'origine africaine du Chat domestique qui a été 

is l'objet d'un culte dans la vallée du Nil et n’a pénétré en Europe que 

4 depuis la période historique. Enfin une bonne partie de nos races 
< bovines d'Europe peuvent dériver de races africaines. Cette hypothèse, ÿ 
quoique contraire à l'opinion généralement admise, est basée sur des 1 
D. données anatomiques incontestables. Le passage en Europe a dû se 
% faire déjà à l’époque des palaffites et des restes de ces types anciens 
Er se sont conservés jusqu'à 2os jours dans certaines races brunes des , 
# Aipes. 5 
‘#4 >< 


x 


EXTRAITS ET ANALYSES. 35 


LES PRODUCTIONS VÉGÉTALES ET ANIMALES DE LA CRÈTE (l), 


par H. CasronneT Des Fosses. 


La Crète ne paraît pas être aussi fertile qu'autrefois. Son sol s’est 
épuisé. Néanmoins ses productions sont encore nombreuses. Il faut 
d'abord citer les Olives, puis les Caroubes, les raisins secs et le Vin. 
Les Céréales que l’on cultive sont le Blé, le Seigle, l'Orge et le Maïs. 
Les meilleurs Blés sont ceux de la plaine de Messara. Le Seigle n’est 
cultivé que dans les montagnes. Il n’en est pas de même de l’Orge. qui 
est répandue un peu partout, dans les plaines, dans les vallées et dans 
les montagnes. Néanmoins, la Crète ne produit pas suffisamment de 
céréales pour sa consommation et elle est obligée d’avoir recours à 
lPétranger. Les arbres fruitiers sont nombreux ; nous citerons : le Poi- 
rier, le Pommier, le Cerisier, le Prunier, le. Noisetier, l’Abricotier, le 
Pêcher, le Cognassier, le Mandarinier, le Grenadier, l’Amandier, 
lOranger, le Citronnier. Autrefois, le Mürier était beaucoup plus cul- 
tivé qu'il ne l’est actuellement. L'on a essayé la culture du Coton, 
mais l’on n’a jamais obtenu que de médiocres récoltes. Le Lin est 
d une espèce dégénérée. Le Tabac est de médiocre qualité, sauf celui 
des environs de Rethymo. L'on a voulu prétendre que la Crète conve- 
nait au Café. C’est une erreur. La température y est trop basse en été 
pour que le Caféier puisse s’en accommoder. Comme légumes, l’île 
produit des Fèves, des Haricots, des Tomates, des Aubergines, des 
Oignons, des Épinards, des Choux, des Radis, des Artichauts. La 
Pomme de terre, la Salade, la Betterave réussissent mal, les Carottes 
ne sont bonnes qu'aux alentours -de Candie. Dans les forêts devenues 
fort rares et beaucoup moins touffues qu'’autrefois, les arbres que l’on 
rencontre sont le Chêne vert, l’Arbousier, le Cèdre, le Pin, Je Cyprès; 
le: Myrte se trouve partout. | 

Comme bétail, la Crète possède : des Chevaux, des Mulets, des 
Anes, des Bœufs, des Moutons, des Chrèvres et des Porcs. Les Che- 
vaux étaient, dans l’antiquité, célèbres par leur vitesse. L'on estime à 
7,000 leur nombre dans l'ile. Ils servent principalement à tourner la 
meule du pressoir et aux prises d'eau pour élever l'eau des puits. 
C'est à peine si quelques-uns sont dressés et envoyés à Constanti- 
nople. Les Mulets et les Anes, qui sont très beaux et très bons, servent 
principalement au transport des produits-et des denrées: Pour voyager 
däns 1 intérieur de l'île comme l'absence de routes rend impossible 
l’usage des voitures et des charrettes, la monture que l’on préfère est 
le Mulet. Les indigènes trouvent que son allure est plus douce et plus 
rapide que celle du Cheval. L'on estime le nombre des Mulets à 13,000 


(1) Extrait d’un volume intitulé : La Crète et l’Hellénisme, Paris, 1897. 


36 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


et celui des Anes à plus de 40,000. Les Bœufs sont pev nombreux, 
abâtardis et, comme leur race s'épuise et décroît après la première 
génération née dans l'ile, l'on est obligé d'en faire venir de l'Asie- 
Mineure. Le manque de pâturages empêchera toujours que le bétail à 
cornes puisse prospérer en Crète. L'on essaie d'y suppléer tant bien 
que mal en ensemencçant de Vesces et de Lupins, des champs où l’on 
fait, au printemps parquer les animaux. Les Bœufs sont exclusive- 
ment employés au labourage. Les Moutons forment de grands trou- 
peaux ; iis sont petits, à laine grossière, à la viande fade et sans goût. 
Les Chèvres que l’on évalue à plus de 200,000, sont là, comme partout 
ailleurs. un fléau pour l’agriculture. Beaucoup d'entre elles vivent à 
l’état sauvage. Les Porcs sont assez nombreux, mais leur chair est de 
mauvaise quaiité. Les Chiens sont des Lévriers abâtardis. Il n’y a 
guère d’autres volailles que des Poules et des Dindons qui donnent un 
excellent manger. Les Oies et les Canards sont très rares, prohable- 
ment à cause de la grande sécheresse. 

De tout temps, les Crétois se sont adonnés à l’apiculture et aujour- 
d’hui les Abeilles fournissent un miel aussi parfumé que celui de l’an- 
tiquité. Les fleurs sauvages que sucent les Abeilles lui donnent un 
goût tout particulier. Parmi ces fleurs sauvages nous citerons le Ciste 
ladanifère qui secrète une matière visqueuse et: odorante : on la ré- 
colte avec soin et c'est un parfum très apprécié et recherché des 
Turcs. Au commencement du moyen âge, le Ver à soie avait été in- 
troduit dans la Crète et, pendant longtemps, la sériciculture avait été 
une véritable industrie ; aujourd’hui il n’en est plus ainsi. A vrai dire, 
il n'existe aucune magnanerie dans l’ile.. Chaque famille possède 
quelques Mûriers et la soie travaillée ne donne annuellement que 4 à 
5,000 kilogrammes quand elle pourrait être bien plus considérable, 
Enfin, après avoir parlé de l'Abeille et du Ver à soie qui ont eu la 
bonne fortune d’avoir élé chantés par les poëtes, n'oublions pas de 
dire un mot d’un Mollusque, beaucoup moins poétique, le Colimaçon.… 
Dans toutes les campagnes, les Colimacons existent en grand nombre 
et entrent dans l'alimentation. Les indigènes les ramassent avec soin 
et avant de les manger, ils les nourrissent, pendant une quinzaine de 
jours, avec de la farine et du son pour les dégorger. L'on assure dans 
tout le pays que le Colimacon ainsi préparé, constitue un mets des 
plus délicats. Comme gibier, nous citerons, les Lièvres qui pullulent, 
les Bécasses, les Tourterelles, les Perdrix rouges. Il n’y a pas de La- 
pins. La faune sauvage de la Crète ne possède qu’un animal qui mérite 
d’être mentionné, le Bouquetin. Le Loup et le Renard paraissent man- 
quer complètement. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 37 


2 
UN ENNEMI DU CRIQUET MIGRATEUR DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE. 


M. le D' Sanfurgo, médecin à Mendoza (République Argentine), a 
communiqué à la Société scientifique du Chili, dans sa séance du 
20 juillet 1896, un certain nombre de spécimens d’un Diptère ressem- 
blant à la Mouche vulgaire, qui s'attache au Criquet migrateur et dé- 
pose ses œufs dans le corps de cet Insecte. Ceux-ci donnent naissance 
à deux ou trois larves rarement plus, dont le développement amène 
assez promptement la mort du Criquet. L'Insecte attaqué est facile à 
reconnaître. Son vol est lourd et moins prolongé et, en relevant l’écus- 
son qui termine son thorax, on voit distinctement dans l'intérieur de 
la cavité thoracique, les petites larves blanches. 

Le D' Sanfurgo estime que le petit nombre d'œufs déposés dans 
chaque Criquet tient à ce que la Mouche, pour mieux assurer le suc- 
cès de l’éclosion, répartit sa ponte eutre plusieurs Criquets. Il pense, 
en outre, que l’aclion de ces parasites est sans doute la cause de la 
diminution annuelle constatée dans le nombre des Criquets. 

D'après M. Lataste, les Diptères envoyés par M. Sanfurgo ressem- 
blent beaucoup, s'ils ne lui sont identiques, à la Lucilia macellaria Fa- 
bricius, et qu’en tous cas ils ne doivent pas constituer une espèce de 
parasite particulier à l’Acridium paranense Conil. IL y a lieu, d’après 
lui, de n’accepler qu'avec réserves, les conclusions du D' Sanfurgo. 
La Mouche, en quête de substances animales en voie de décomposi- 
tion pour y déposer ses œufs, ne s'attaque probablement qu'aux Cri- 
quets ayant déjà effectué leur ponte et dont la mort est prochaine. Il y 
aurait lieu de se livrer à de nouvelles recherches sur ce point. 


>< 


LA PRÉTENDUE MALADIE VERMINEUSE DES TRUFFES. 


A diverses reprises, certains Insectes (Coléoplères, Lépidoptères, 
Diptères) ont élé signalés comme des destructeurs de Truffes. A cette 
liste de tuhérivores, il convient d'ajouter, d’après M. J. Chatin, deux 
espèces de Nématodes : la Pelodera strongyloïdes Schn: et la Zepto- 
dera terricola Duij. 

La présence de Vers dans les Truffes avait alarmé certains pro- 
priétaires qui, considérant ces Champignons comme atteints d’une 
« maladie vermineuse transmissible à l’homme par l'ingestion du vé- 
gétal », prièrent M. Chalin de les renseigner sur les parasites en 
question. 

Le Professeur de la Sorbonne reconnut bienlôt qu'il ne s’agissait 
que de simples Saprophytes, n'offrant aucun danger et dont l'évolu- 


L'ATT S. 


NT de WE RO ES CAE PSC STE 


38 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


tion ne peut s'accomplir au sein de l'organisme humain. Bien plus, la 
constitution de l'appareil buccal de ces deux Nématodes ne leur per- 
met même pas d’allaquer, encore moins de perforer, le parenchyme de 
la. Truffe, en état d'intégrité normale; pour que ces Vers puissent y 
pénétrer, il est nécessaire que les tissus de la Truffe aient subi des 
altérations plus ou moins profondes. On doit donc rapprocher, au 
point de vue du parasitisme, le Pelodera strongyloïdes et le Leptodera 
terricola du Tylenchus putrefuciens, qui produit la maladie vermineuse 
de l'Oignon vuigaire (J. Chatin, 1881. 

Les amateurs de Truffes peuvent donc être tranquilles : les Truffes 
nématodées ne présentent pas la moindre nocuité; c'est à tort qu'on 
s'est alarmé de la prétendue maladie vermineuse qui leur a été si 
hâtivement et si gratuitement impulée. 


>< 


.LE N'Djembo, LIiANE À CAOUTCHOUC DU FERMAN-VAZ. 


On sait qu'une grandé partie des caoulchoucs provenant de la côte 
occidentale de l'Afrique est produite par de nombreuses espèces de 
Lianes du genre Zandolphia de la famille des Apocynées ; néanmoins, 
malgré leurs affinités botaniques, tous ces Caoutchoucs sont loin 
d'avoir la même valeur; il y en a d'excellents et d'inutilisables. 

Dans l’élat actuel de nos connaissances, il est impossible de rap- 
porter telle variété de caoutchouc à une espèce végétale déterminée ; 
il y a là une lacune regrettable, car on ne sait quelle espèce recom- 
mander.au colon ; d'autre part, les Négres profilent de notre ignorance 
pour mélanger au caoutchouc que nous leur achetons des lalex inu- 
tilisables. 

M. Jumelle s’est proposé de combler celte lacune et daus un pre- 
mier travail (1) il nous fait counailre en delail un caoutchouc connu 
au Ferman-Vuz sous ie nom de N Djembo et décrit par lui sous le nom 
de Zandolphia Foreti, sp. nov. La tige de cette Liane est brun rou- 
geâtre, couverte de lenticelles jaunes, et toujours glabre ; les feuilles, 
également dépourvues de poils, même à l’état jeune, sont ovales, avec 
un fort acumen au sommet, très graudes, atteignant 35 centimètres 
de longueur sur 20 centimètres de largeur ; elles sont arrondies à la 
base et portées sur des pétioles courts (15 millimètres}. La nervation 
est pennée ; il y a, en moyenne, douze à quatorze paires de nervures 
secondaires alternes, un peu obliques, bien saillantes à la face infé- 
rieurc, et unies eutre elles, à l'extrémité, par une nérvure marginale. 
La plante se soutient à l'aide de fortes vrilles axillaires ramifiées. 

Les fleurs, en cymes denses, sont petites, d'un blanc mat, sans 


(1} Comptes rendus Acad. des Sciences, 28 juin 1897. 


‘EXTRAITS ET ANALYSES. 39 


odeur. Les fruits, qui mürissent en janvier, sont de volumineuses baies 
globuleuses, brunes à l’état sec ; les plus gros mesurent 15 centimètres 
de diamètre et contiennent une soixantaine de graines plongées dans 
une pulpe sucrée et acide, comestible et recherchée des noirs. 

C’est là une espèce des plus intéressantes à connaître, car, en raison 
de la qualité exceptionnelle de son caoutchouc, il y a lieu de la cul- 
tiver dans nos colonies africaines ; déjà d’ailleurs, des semis ont été 
faits en Guinée française avec quelques graines fournies par le Musée 
Colonial de Marseille. 


; >X< 
UN NOUVEAU CHAMPIGNON PARASITE DES Lys (l). 


Au cours de l’année 1896, une maladie nouvelle a détruit la plupart 
des Lys {Lilium speciosum) qu'on cultive au Japon pour être exportés 
en Europe. 

Le Jardin botanique de Kew s’est fait immédiatement envoyer des 
bulbes attaqués et un des savants attachés à ce célèbre établissement 
a été chargé de les étudier. 

L'affection présente différents stades : au début, le bulbe n'est pas 
modifié dans sa. forme ; on consiate simplement que sa base est déco- 
lorée et sensiblement ramollie ; mais déjà, à ce moment, l'examen mi- 
croscopique permet de constater que le bulbe est traversé en tous sens 
par un mycelium de Champignon; ce dernier, qui, pendant quelque 
temps, reste confiné à l’intérieur, ne tarde à faire son apparition à la 
surface : il s’y développe rapiéement et y forme une couche blanc de 
neige ; enfin il émet des appareils sporifères. Sa croissance s'arrête, 
lorsque toutes les matières nutritives renfermées dans le bulbe ont été 
épuisées ; les spores sont alors müres et susceptibles de multiplier la 
plante. La diagnose suivante permetira de reconnaître facilement le 
parasite : 

Rhizopus necans (nov. spec.). Hyphis sterilibus coatinuis conglome- 
ralis intricatis, senuibus candidis ; hyphis sporangiferis erectis simpli- 
cibus vel interdum furcatis 3-6 fasciculatis continuis flavo-brunneis 
20-25 p. diam. circa 2 mm. altis basi stolones longos emittentibus ; 
sporangiis globosi circa 250 pu. diam. brunneo-nigris opacis glabris; 
columella subglobosa ; sporis subglobosis minutissime striatis 5-6 p. 
diam. pallide olivaceo-brunneis ; zygosporis doliformibus 100-120 x. 
diam., hispides subnigris. 

Parasite sur les bulbes de diverses espèces de Lys du Japon (en par- 
ticulier Libium speciosum). 

On peut facilement faire germer les spores du ÆRhzopus necans sur 


(1) Bulletin of Miscelloneous Informations. Kew, n°° 122-123, 1897. 


et UE A 
Fes + Ar 
: * L F Rt e 3 à: k 
40 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Cr Pl 
divers milieux artificiels et reproduire la maladie en mélangeant celles- 
ci à la terre dans laquelle poussent des bulbes de Lys; toutefois, il 
convient de faire remarquer que ce parasite est incapable d'envahirun 
bulbe sain ; il ne peut s’'introduire que par les blessures failes au pa- 
renchyme, par les places des racines, elc... x 

En outre, on pourrait assez facilement arrêter le développement des 
spores : il suffirait de plonger pendant quelques moments les bulbes 
contaminés dans une solulion de bichlorure de mercure (à 1/100) ou 
d'acide salicylique ; ces mélanges n’exercent d'action nocive sur les 
Lys que quaud ces derniers y séjournent plus de quinze minutes. ; 


>< 


LE CuIVRE DANS LES HUITRES VERTES. 


On sait les phases diverses par lesquelles a passe la question du 
verdissement des Huîtres ; tour à tour, on a invoqué l'existence d'un 
pigmert ou d'un parasite. Dans un récent mémoire {1}, MM. Boyce ct 
Herdman, en se basant sur des analyses chimiques rigoureuses, donnent 
de ce phénomène l'explication suivante : toutes les huilres vertes ren- 
ferment une proportion considérable de cuivre, et la coloration que 
présentent ces Mollusques est en rayport avec la quantité de cuivre. 
Ce métal n'est d'ailleurs pas répandu uniformément dans les tissus de 
l'organisme : il est fixé sur les éléments figurés du sang. Pour les sa- 
vants anglais, il s’agit d'une dégénérescence des globules sanguins com- 
parables à certains processus pathologiques qu’on observe ckez l'homme 
dans certaines maladies; en effet, (anémie pernicieuse, hémor- 
ragie, elc), le fer, qui dans le corps joue le même rôle que le cuivre 
chez les Mollusques, imprègne les globules blancs du sang. 

Eofin, MM. Boyce et Herdman font remarquer que l’on ne peut dé- 
couvrir d'autre origine au cuivre, que renferment les Huîtres vertes 
que l'hémocyanine de leur sang {l’hémocyanine est une combinaison 
jouant le même rôle que l'hémoglobine, mais daus laquelle le fer est 
remplacé par le cuivre). 


1. Boxce ET Henpwanx. On green Leucocytosis. Procezd of the Royal So- 
ciety Lond, n° 579, 1897. 


Le Secrétaire Général, gérant Versailles. — Imprimeries Cere. 
Juues DE GUERNE. 


anisé 
| rs 


| BULLETIN 


DE LA 


LE MATIONALE D'ACCUINATAT 


__ DE FRANCE 


vient d 


2 


esorg 


452 ANNÉE 


FEVRIER 1898 


ission de Publication 


, avec l'imprimeur ont d 


un contrat nouveau passe 
ice du BULLETIN 


essaires pour en assurer, à 


SOMMAIRE 


La 


SART. — Le Mammouth et l'Ivoire de Sibérie................. . 
\PPELLIER. — Essais de culture sur le Safran et l’Igname..... 


Extraits et Analyses. 
IE CARTE 6 ‘ 

les travaux exécutés en 1896, à la station aquicole de Boulogne-sur-Mer, par 
CANU, Directeur de la Station...........,.,.. 


on des petits Oiseaux. D ue 


ociété ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
‘les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


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sures néc 


——— — 0 ES ——— 


jh numéro 2 francs : pour les membres de la Société fr. 50 


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ne, AU SIÈGE 
DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 
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LE MAMMOUTH ET L'IVOIRE DE SIBÉRIE 


par le D' TROUESSART. 


Les communications successives de MM. Bourdarie et 
Caustier ont fait connaître à la Sociélé d’Acclimatation les 
sources où s’alimente actuellement le commerce de l'ivoire. 
On a vu que l’une de ces sources n’a qu'une importance très 
limitée, au moins pour l'Europe, presque tout l’ivoire fourni 
par l'Éléphant indien étant travaillé sur place, de telle sorte 
que c'est à peu près exclusivement celui que produit l'Elé- 
phant d'Afrique que l'on trouve sur nos marchés dont les 
plus importants sont ceux d'Anvers et de Londres. Mais il est 
une troisième source dont il n’a pas encore été question ici 
et qui mérite cependant d'attirer l'attention : je veux parler 
de l’ivoire dit voire fossile, qui se récolte en Sibérie et qui 
provient d’une espèce éteinte, le Mammouth ou Ælephas pri- 
migenius. D'après Brehm, l'ivoire de Sibérie est l’objet d'un 
commerce plus important que l'ivoire de l'Inde. 

Cet ivoire, dont beaucoup de personnes ignorent l’exis- 
tence, est pourtant connu depuis longtemps. Il est même pro- 
bable qu'avant l'invention des armes à feu, et surtout avant 
l'importation de ces agents de destruction chez les nègres 
africains, l’ivoire de Sibérie était beaucoup plus répandu qu’au- 
jourd’hui et faisait une concurrence très sérieuse à l'ivoire 
indien, même en Orient, en raison de sa qualité supérieure. 

L'ivoire fossile était connu des anciens. Théophraste, phi- 
losophe grec disciple d’Aristote et contemporain d'Alexandre, 
cité par Pline, parle de l’ivoire que l’on trouve « enfoui dans 
la terre ». 

Cet ivoire était surtout recherché par les Chinois dont les 
traditions écrites et les traités scientifiques remontent, 
comme on sait, à une haute antiquité. Mais les savants chi- 
nois se faisaient une singulière idée des mœurs de l’animal 
qui fournissait cet ivoire. Dans les dictionnaires chinois et 
dans une encyclopédie d'histoire naturelle datant du xvr° siè- 
cle, cet animal est désigné sous le nom de T'hien-shu : on le 


dépeint comme un rat d'une taille gigantesque, comparable à 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 4. 


&£2 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


celle de l'éléphant et vivant sous terre comme la taupe. Ses 
os sont d'un blanc d'ivoire comme ceux de l'éléphant, sans fis- 
sures et faciles à travailler ; sa chair est froide maïs très saine. 

Cette dernière phrase nous montre que les Chinois avaient 
déjà connaissance de ces trouvailles de cadavres entiers, 
conservés dans la glace, dont nous parlerons bientôt. 

Eginhard, l'historien de Charlemagne, donne des détails 
très intéressants sur les présents envoyés à l'empereur d'Oc- 
cident par le Khalife Haroun-al-Raschid, en 807. Parmi ces 
présents figurent non seulement une paire d'Eléphants vi- 
vants, mais encore une corne de Licorne et une « griffe » de 
Griffon. Ces deux objets si rares furent conservés longtemps 
dans le trésor sacré de Saint-Denis, et d’après une descrip- 
tion de ce trésor qui se trouve dans un livre datant de 1646, 
il paraît certain que la « corne de Licorne » était une défense 
d'Eléphant fossile, tandis que la « griffe de Griffon » était une 
corne nasale du Rhinocéros fossile (Rhinoceros tichorinus), 
dont les débris, souvent encore recouverts de leur chair et de 
leur peau, se trouvent ensevelis dans le sol glacé de la Sibé- 
rie, dans les mêmes conditions que ceux du Mammouth. 

Il paraît qu'au 1x° siècle, époque de la domination des 
Arabes, la ville de Bolghari, sur le Volga (1), était un des 


grands marchés où se faisait le trafic de l’ivoire entre le nord 


de la Russie ou la Sibérie et la Perse ou la Syrie. 

Le frère Avril qui fit un voyage en Russie, en 1685, nous 
apprend que cet ivoire était importé en Asie et en Chine et 
qu'il y était très recherché. Les Perses et les Tures, dit-il, 
ont la poignée de leurs cimeterres et de leurs poignards ornée 
de cet ivoire qu'ils préfèrent, pour cet usage, à l'or et à l’ar- 
gent. Cela s'explique d'ailleurs par la belle qualité de l'ivoire 
fossile qui est plus blanc et d'un graïn plus fin que l'’ivoire 
des Indes. On lui attribuait, en outre, à cette époque, des 
propriétés médicinales toutes spéciales, entre autres celle 
d'arrêter les pertes de sang, de telle sorte que les personnes 
sujettes au saignement de nez devaient toujours porter sur 
elles quelque objet faconné en ivoire fossile. 

Avril nous apprend que le nom de Mammout que les Russes 
donnent à l'animal est une corruption du Behemot de la 
Bible dont les Arabes ont fait Mehemot. Les défenses de 


{1} Cette ville avait probablement la position et l'importance de Nijni-Novo- 
gorod a l’époque actuelle. 


LE MAMMOUTH ET L'IVOIRE DE SIBÉRIE. 43 


Mammouth s'appellent encore en russe : Maminon-lob-kost. 

En 1722, Pierre-le-Grand donna l’ordre de lui envoyer à 
Saint-Pétersbourg tous les os de Mammouth que l’on pour- 
rait trouver en Sibérie. Les ossements furent expédiés en si 
grande abondance qu'une salle entière du Musée de l’Aca- 


 démie fut remplie de ces débris amoncelés. On ne nous dit 


pas ce qu'ils devinrent ensuite. Aujourd’hui le Musée de l’Aca- 
démie de Saint-Pétersbourg est certainement très riche en 
débris de Mammouth : maïs la plupart de ces fossiles parais- 
sent y être arrivés à une époque ultérieure. 

Avant d'entrer dans ce que l’on pourrait appeler l'étude 
scientifique du Mammouth et de son ivoire, il convient de 
s'expliquer sur ce terme d'ivoire fossile qu'on lui applique à 
tort ou à raison. 

Si par fossile on désigne tout ce qui est enseveli dans le 
sol, l’ivoire du Mammouth est incontestablement fossile. Mais 
on sait que la plupart des ossements fossiles que l'on trouve 
dans les couches géologiques, et dont on peut voir de nom- 
breux spécimens dans nos musées de Paléontologie, ont subi 
une modification profonde qui en altère profondément la 
composition chimique. Ils sont réellement pélrifiés. L'osséine, 
dont on retire la gélatine, est presque entièrement détruite et 
remplacée par les sels minéraux qui se trouvent dans le sol 
où se sont conservés les ossements. Les dents subissent des 
modifications analogues : leur substance organique {matière 
collagène) est remplacée par des sels métalliques. De cette 
transformation, qui s'opère très lentement, il résulte que les 
os fossiles sont à la fois plus durs et plus cassants que les os 
frais; dans les régions tempérées ou chaudes, dont le sol 
passe, suivant les saisons, par des alternatives de sécheresse 
et d'humidité, de chaleur et de froid, ces ossements se bri- 
sent et s’effritent souvent avec une facilité qui fait le déses- 
poir des paléontologistes. Pour rendre à ces os la consistance 
et l’élasticité qu’ils ont perdues avec leur osséine, il faut les 
imprégner de gélatine avant de les séparer de la gangue de 
terre ou de sable qui leur a conservé jusque-là leur forme. 
Ces os, comme on le conçoit, sont impropres à tout usage 
industriel (1). Les dents, en général, plus compactes et déjà 


(1} On sait cependant que M. Scheurer-Kestner a trouvé moyen de retirer 


encore de l'osséine (gélatine) de certains ossements fossiles, d'origine probable- 
ment récente. 


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48 BULLETIN LE LA SOCIÉTÉ D’ACCL:MATATION. 


fortement imprégnées de sels minéraux (dans la proportion 
de 75 0/0), échappent plus facilement que les os à ces causes 
de destruction. Mais les défenses d’Éléphants, en raison de 
leur forme allongée. se conservent en général fort mal dans 
les couches géologiques. Celles que l'on trouve, par exemple 
en France, sont brisées en troncons de quelques centimètres 
de long, fendillées jusqu'au centre et leurs couches superfi- 
cielles s'effritent et tombent en poussière quand on les touche 
exactement comme ces ardoises dites « pourries » que l'on 
trouve dans les couches superficielles des ardoïisières et qui 
ont subi, pendant de longues années, les intempéries des 
saisons. Il faut se donner beaucoup de mal pour reconstituer 
de telles défenses dans un musée paléontologique, car ces 
dents n'ont plus rien des qualités de l'ivoire primitif, à tex- 
ture ferme et élastique à la fois, tel qu'on le trouve sur l'Elé- 
phant vivant. 

Cette texture n'est nullement altérée dans l’ivoire de Sibé- 
zie. Nous avons vu que, de l'avis de tous, cet ivoire était su- 
périeur comme qualité et facilité de travail à l'ivoire moderne. 
On peut donc dire que le nom d'izoire fossile qu'on luiappli- 
que n'est pas exact. En réalité c’est de l'ivoire frais qui s'est 
conservé sans altération depuis des siècles dans le sol gelé 
de la Sibérie, grâce au climat spécial qui fait de ce pays une 
véritable glacière. 

Il n'est pas sans intérêt d'examiner de plus près les condi- 
tions au milieu desquelles le Mammouth a vécu dans cette 
vaste région septentrionale et y a laissé ses dépouilles qui 
constituent aujourd’hui de véritables mines d'ivoire. 

On sait que, vers la fin de l'époque tertiaire, il a existé de 
nombreuses espèces d'Eléphants répandues sur tout le nord 
de l'Ancien continent et dont les deux espèces actuelles sont 
les derniers survivants. Ces Eléphants, dont on distingue, 
rien qu'en Europe, au moins quatre espèces (Z. meridiona- 
lis, E. añtiquus, E. prisens ou E. africanus {ossilis, E. pri- 
migenius), ont laissé de nombreux débris dans les couches 
pliocènes et quaternaires, notamment en France : maïs, 
comme nous l'avons expliqué plus haut, leur ivoire ne :peut 
être utilisé industriellement et c'est à grands frais que le sque- 
lette de ces grands mammifères à pu être reconstitué dans 
quelques musées. | 

D’autres espèces vivaient en Asie et jusqu'au Japon et dans 


LE MAMMOUTH ET L’IVOIRE DE SIBÉRIE. 45 


l'Amérique septentrionale jusqu'au Mexique, tandis que les 
Mastodontes, si proches voisins des Eléphants, et munis 
comme eux de magnifiques défenses, s’étendaient à la même 
époque sur tout le nouveau continent depuis le Canada jus- 
qu’à la République Argentine. 

La plupart de ces grands herbivores se sont éteints vers la 
fin de l’époque tertiaire ou pendant l’époque quaternaire. Le 
Mammouth (Ælephas primigenius) parait être celui qui a sur- 
vécu le plus longtemps, au moins sur l'Ancien Continent. 
C’est aussi l’espèce qui s’est avancée le plus vers le Nord 
puisque ses débris se trouvent dans l’Archipel de la Nouvelle- 
Sibérie situé dans l'Océan glacial arctique au nord de la Si- 
bérie, presque en face de l'embouchure de la Léna. Le Mam- 
mouth semble avoir été une espèce circumpolaire car ses 
ossements se retrouvent en Amérique, dans la baie d’'Esch- 
scholtz, au nord du territoire d’Alaska, et dans le nord du 
Canada. | À 

Il est certain qu'en Europe le Mammouth a été contempo- 
rain des premiers hommes. On trouve dans les cavernes qua- 
ternaires du sud de la France des sculptures taillées dans de 
l'ivoire ou des bois de Renne qui représentent cet animal. Le 
plus précieux de ces vestiges d’un art primitif, est une lame 
d'ivoire de 20 centimètres de long sur 10 centimètres de large 
environ provenant de la célèbre grotte de la Madeleine, dans 
le Périgord, et qui représente le Mammouth avec ses défenses 
recourbées et les longs poils qui le couvraient. Bien que les 
traits du burin soient incomplets et indécis, en raison de 
l’imperfection de l'instrument et du peu de süreté de la main 
de l'artiste, on est frappé de la vérité et du mouvement que 


présente cette image, et l’on ne peut douter que l’auteur ait 


vu réellement l’animal qu’il représente et ne fût familier avec 
son apparence extérieure et son allure habituelle pendant 
la vie. 

Les anciens naturalistes ne pouvaient se figurer qu'un 
Eléphant pût vivre sous un climat aussi rigoureux que celui 
de la Sibérie. Comme les deux espèces qui vivent actuellement 
dans les parties les plus chaudes de l'Asie et de l’Afrique ont 
la peau presque entièrement nue, on en déduisait que le Mam- 
mouth devait avoir la même organisation. Par suite, on était 
amené à supposer que le climat de la Sibérie, et surtout celui 
de l'Europe, était plus doux à l'époque quaternaire que de 


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46 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


nos jours, et on attribuait à l'intervention subite de la période 
glaciaire la destruction de cette grande espèce de Mammi- 
fères terrestres. 

Cette hypothèse n’a pu résister à l'évidence depuis que l'on 
a trouvé des cadavres de Mammouth conservés tout entiers 
dans la glace avec leur chair et leur peau. 

La première et la plus célèbre de ces trouvailles est celle 
dont le voyageur naturaliste Adams nous a conservé le pitto- 
resque récit. 

En 1999, un pécheur tungouse remarqua sur les bords de la 
mer glaciale, dans une masse de glace, un bloc informe. 
L'année suivante, ce bloc n'était pas encore assez dégagé 
pour qu'il en reconnût la nature. L'été d’après, le Mammouth 
était parfaitement reconnaissable : le flanc tout entier et une 
des défenses étaient à découvert. Enfin au bout de cinq ans, 
le bloc débarrassé par une fonte des glaces plus rapide que de 
coutume vint échouer à la côte. Le tungouse n’osa pas d’abord 
y toucher par une crainte superstitieuse : les anciens racon- 
taient, en effet, que sur la même presqu'ile on avait autrefois 
trouvé un pareil monstre et que ce fut un malheur pour la 
famille de celui qui le rencontra : elle périt toute entière. Ce 
récit effraya le tungouse au point qu'il en fut malade. Cepen- 
dant, les énormes défenses de l'animal excitaient sa cupidité 
et il résolut de se les procurer. En mars 1804 il les céda en les 
échangeant contre des marchandises de peu de valeur. 

C’est seulement en 1806, qu'Adams, alors à Yakutsh, apprit, 
cette découverte et se rendit sur les lieux où il trouva 
l'animal déjà fort mutilé. Les Yakoutes du voisinage en 
avaient dépecé la chair pour nourrir leurs chiens. Les ours 
blancs, les loups et les renards en avaient pris leur part. 
Néanmoins le squelette était encore entier à l'exception d'un 
pied de devant. La plupart des grands os étaient encore 
réunis par leurs ligaments et des portions de peau. La tête 
était couverte d'une peau sèche. Une des oreilles bien con- 
servée était garnie d'une touffe de crins. On distinguait encore 
le globe de l'œil ; le cerveau desséché existait dans le crâne 
et les parties génitales avaient gardé leur forme. Le cou était 
garni d'une longue crinière dont les poils avaient plus de 
70 centimètres de long. La peau était couverte de crins noirs 
sous lesquels on voyait une laine ou bourre épaisse de cou- 
leur rougeâtre : ce qui restait de cette peau était si lourd que 


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LE MAMMOUTH ET L'IVOIRE DE SIBÉRIE. LT 


dix hommmes eurent peine à le transporter. On retira en 
outre du sol humide plus de 16 kilogrammes de poils que les 
Ours y avaient enfoncé en dévorant les chairs. La tête, sans 
les défenses, pesait plus de 200 kilogrammes. Tous ces débris 
et les défenses, qu'Adams put racheter à Yakutsk, furent 
transportés non sans peine à Saint-Pétersbourg. Le squelette 
restauré figure aujourd'hui dans le Musée de l’Académie des 
Sciences de Saint-Pétersbourg. Les défenses sont fortement 
recourbées en spirale figurant les trois-quarts d’un cercle. 
Adams dit en avoir vu qui avaient 7 mètres de long en sui- 
vant la courbure. 

Des trouvailles du même genre se sont reproduites à plu- 
sieurs reprises dans le courant du siècle. On en cite une 
_demi-douzaine au moins. Malheureusement les circonstances 
n’ont jamais été assez favorables pour qu’on püt recueillir en 
son entier la peau de ce gigantesque animal, Et si l’on réflé- 
chit à la rigueur du climat, à l'éloignement où cette région 
se trouve de tout centre civilisé, à la difficulté des transports, 
on reconnaitra qu'il y a peu de chances de voir jamais figurer 
dans nos musées un Mammouth empaillé. Mais à défaut de 
l'animal lui-même, d'habiles naturalistes en ont fait des imi- 
tations factices d'une grande perfection. Tel est le gigan- 
tesque moulage entrepris à grands frais par M. Martin, de 
Berg, pres Stuttgard, en 1876, et qui, transporté en Amérique 
se voit actuellement dans le musée de M. Ward, à Rochester, 


aux Etats-Unis (1). 


‘On peut donc affirmer aujourd’hui que le Mammouth a vécu 
sous un climat aussi rigoureux que celui de la Sibérie actuelle. 
La fourrure épaisse dont il était couvert et que doublait une 
abondante couche de graisse, en est la preuve irréfutable. 
On à trouvé dans les replis de ses énormes molaires des 
débris végétaux qui, examinés par Brandt, ont prouvé que 
l'animal se nourrissait des feuilles aciculées des Conifères ! 
arbres qui restent toujours verts. Il n’en est pas moins vrai 
que la végétation comme la faune du nord de la Sibérie s’est 
singulièrement amoindrie depuis l’époque du Mammouth. 

Dans le sol même où l’on trouve les ossements du Mam- 
mouth, on exploite parallèlement un gisement considérable 
de bois fossile qui prouve qu’en ce lieu même, ou à une faible 


(1} On trouvera deux photographies de.ce Mammouth factice dans /4 Nature 
du 12 mai 1877, 5° année, 1° sem., p. 376.et 3171. 


£8 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


distance, il a existé de vastes forêts de Conifères dont on ne 
voit plus trace aujourd'hui. Jusqu'à plus de cent lieues, au 
sud de l'embouchure de la Léna, on ne trouve plus qu'une 
végétation rabougrie dont les pousses les plus élevées ne 
dépassent pas la hauteur de nos buissons, et qui se couche en 
quelque sorte sur le sol pour s’abriter contre les vents vio- 
lents qui règnent en toute saison dans ces parages pendant le 
court été des régions arctiques le sol ne se dégèle pas au delà 
de 90 centimètres. C’est assez pour la culture de quelques 
céréales, mais trop peu pour permettre aux grands arbres 
d’enfoncer leurs racines à la profondeur voulue pour assurer 


leur croissance. 


La faune a subi également des réductions considérables 
depuis l'époque où vivait le Mammouth. Tschersky qui 
a étudié spécialement cette faune (1) cite vingt-trois es- 
pèces de Mammifères terrestres dont les débris se trouvent 
avec ceux du Mammouth. Parmi elles, il convient de citer 
le Tigre, l'Ours brun, le Mouflon (Ovis nonicola), le Sai- 
gor, l'Elan, le Cerf (Cervus canadensis), le Bœuf musqué, 
le Bison (ou Aurochs), le Cheval sauvage, le Rhinoceros 
tichorhinus, enfin le Chien domestique, indice de la présence 
de l'homme. Les seules qui y vivent encore aujourd'hui sont 
l’Ours blanc, le Loup, le Renard bleu (ou Isatis), le Renne et 
deux Lemmings. On remarque que plusieurs de ces grands 
Mammifères, notamment le Cheval sauvage et le Bison ont 
disparu beaucoup plus tard de l’Europe tempérée où ils: 
vivaient, à la même époque, avec le Mammouth et le Rhino- 
ceros lichorhinus, sans que cette disparition puisse étre attri- 
buée, au moins exclusivement, à la main de l’homme. On ne 
peut non plus l’attribuer au changement de la température, 
mais plutôt à un ensemble de causes éminemment complexes 
qui, en modifiant lentement le climat, et par suite la flore, ont 
forcé les animaux à se retirer peu à peu vers d’autres contrées 
(comme c’est le cas pour le Tigre, le Cerf, le Cheval, etc), ow 
ont amené leur extinction complète, probablement faute 
d'une nourriture suffisante, comme c’est le cas pour le Rhi- 
nocéros et le Mammouth, les plus grands de tous (2). 


(1) Tschersky, Beschreib. Postertiärer Säugethiere [Mém. Acad. Pétersb., xz, 


4891-92, in-4°, 511 p. et 6 planches). 
(2) Voyez à ce sujet : Nehring, Ueber Tundren und Steppen, Berlin, 1890 (avec 


une bibliographie des travaux antérieurs}. 


- LE MAMMOUTH ET L’IVOIRE DE SIBÉRIE. 49 


Une autre cause, toute locale, a dù agir sur la faune du 
nord de la Sibérie. Tout indique qu’à l’époque du Mammouth 
l'archipel des îles Liakhoff était encore réuni au continent. 
Lorsque se produisit le phénomène de transgression qui 
sépara ces îles de la terre ferme, ces animaux chassés par 
l'envahissement des eaux de la mer, durent se réunir en foule 
sur les points où l’on trouve aujourd’hui leurs ossements 
accumulés, en nombre incalculable, d'après le récit de tous 
les voyageurs. Beaucoup d’entre eux se noyèrent ou périrent 
étouffés dans le sable ou la vase des marais de l'embouchure 
de la Léna. Les cadavres que l’on trouve entiers sont restés 
dans la position verticale, comme si la congélation rapide 
du liquide où ils flottaient les avait saisis peu de temps après 
leur mort. 

Le Dr Bunge, un des derniers naturalistes qui aient visité 
ces contrées, nous fait un tableau peu engageant de ce pays 
de l’ivoire (1). Attaché comme médecin et naturaliste, de 1882 
à 1884, à l’une des deux stations organisées par la Société 
géographique Russe, à l'embouchure de la Léna, il se rendit 
aux îles Liakhoff (archipel de la Nouvelle Sibérie) pour y re- 
cueillir des ossements de l’époque quaternaire. 

Situées au nord-est du delta de la Léna, ces iles sont inha- 
bitées. En été seulement les habitants du continent y viennent 
pour recueillir de l’ivoire. On peut se faire une idée de la 
rigueur du climat par ce fait que la température moyenne de 


juillet (le mois le plus chaud de l’année) ne dépasse pas + %, 


Dans cette saison le D' Bunge eut de la neige pendant quinze 
jours. En hiver le thermomètre descend à — 50° centigrades. 
Il y souffle un vent presque perpétuel qui souvent dégénère 
en ouragan. Le sol est constitué de couches quaternaires de 
térre gelée alternant avec des couches de glace très mince 
dont le mode de formation n’est pas encore connu. Les os 
fossiles sont siabondants qu’en deux courts étés M. Bunge put 
réunir une collection de 2,500 spécimens choisis, car faute de 
moyens de transport il dut se restreindre et abandonner sur 
place les quatre cinqrièmes de sa récolte primitive. Les osse- 
ments recueillis sont très bien conservés : on les distingue à 
peine des ossements frais. « Nos chiens, dit M. Bunge, man- 
gèrent la moëlle des os de Mammouth que nous cassâmes, et 


(1) Bunge, Za faune éteinte des Bouches de la Léna (Congrès international de 
Zoologie de Moscou en 1892, II, p. 281, 1893). 


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MAD 252 - 


50 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


parfois les Yakoutes se régalèrent des restes tendineux adhé- 
rant aux os ». Après le Mammouth, le Cheval sauvage est un 
des animaux les plus abondants de cette faune fossile. 

Il n’est pas rare de trouver des défenses de Mammouth en- 
tières et souvent d'une taille et d’une beauté remarquables. 
Sauër, à la suite de son voyage avec Billings, en 1802, en 
parle en ces termes : « Les dents de Mammouth égalent les: 
dents d'Eléphant pour la blancheur et la finesse de l'ivoire, 
mais elles sont d’ailleurs bien différentes, car elles ont une 
forme spirale qui fait à peu près un cercle et demi. » Voici les 
dimensions d’une défense rapportée par Sauër et qu'il cite 
comme une des plus grandes qu'il ait vue: 


Longueur en suivant la courbe............ 2,60 


nn en disnetdroite "te CREEEEEe 12/92 
Circonférence: à la racine..." PDT 
— à 96 centimètres de la racine.. 0,45 

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Cette défense pesait 37 kilogrammes. On en connaît de beau- 


coup plus grandes, s’il est vrai, comme l'avance Adams, qu'il 
en existe de 7 mètres de long. La forme de ces défenses est 
assez variable : celles des jeunes ont presque la même épais- 
seur dans toute leur longueur. D’autres sont enroulées trois 
fois en spirale comme les cornes de la grande Antilope 
nommée Koudou (Strepsiceros kudu). Patin qui vit une de 
ces défenses à Saint-Pétershbourg dit que sa spirale aurait 
enveloppé un cylindre de 38 centimètres de diamètre et que 
les trois tours de spire étaient éloignés l’un de l’autre, à peu 
près de 46 centimètres, la grosseur de la dent étant sensible- 
ment la même dans toute sa longueur. Toutefois cette forme 
de défense parait avoir été anormale et tout à fait exception- 
nelle. 

De quelle manière se fait la récolte industrielle de cet 
ivoire ? Les renseignements précis nous manquent un peu à 
cet égard. Il ne semble pas qu’il y ait de chercheurs attitrés 
adonnés à cette profession, mais un certain nombre de pé- 
cheurs Yakoutes se rendent chaque année, pendant le court 
été de ces latitudes, qui dure à peine un mois comme nous 
l'avons vu, aux iles Liakhoff pour y recueillir de l’ivoire qu'ils 
rapportent en traineau sur le continent. Ils vont ensuite le 


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LE MAMMOUTH ET L’IVOIRE-DE SIBÉRIE. 51 


vendre à Yakoutsk, capitale de la Sibérie Orientale, ou plus 
souvent encore, les marchands de Yakoutsk visitent à des 
époques déterminées les villages de l'embouchure de la Léna 
pour acheter cet ivoire. 

Yakoutsk ou Jakoutsk, est une ville de 5,000 âmes, sur la 
Léna, à mi-distance entre l’embouchure du fleuve et la fron- 
tière de la Chine. C’est là que se trouve centralisée l’industrie 
de l’ivoire de Sibérie : il s’y tient des foires importantes pour 
le commerce des fourrures et de l’ivoire fossile. 

Une partie de cet ivoire est faconné sur place. Autrefois, 
surtout, les Yakoutes en faisaient non seulement des bijoux 
et des ornements variés, mais encore des objets usuels, des 


_percoirs et même des hamecons. Au rapport de Middendorf 


qui visita ce pays vers 1840, on a apporté annuellement sur le 
marché, depuis 200 ans, plus de cent paires de défenses, 
provenant non seulement de la Nouvelle Sibérie mais encore 
de l’île des Ours, située beaucoup plus à l'Est, en face de l’em- 
bouchure de la Kolyma. Il est probable que la plus grande 
partie de cet ivoire s’est dirigé vers la Chine, et qu'une petite 
partie seulement a pris le chemin de l’Europe qui en est sé- 
paré par une distance beaucoup plus grande. 

A la dernière exposition de Nijni-Novogorod, l’ivoire de 
Sibérie était représenté mais d’une manière assez insuffi- 
sante, si l’on en croit le rapport officiel (1), qui consacre dix 
lignes à peine à ce précieux produit sous le nom russe de 
Mamontob Rost (corne de Mammouth). 

On n'avait pas exposé de défenses brutes, mais seulement 
quelques objets travaillés, notammént une petite cassette 
d'une valeur de 25 roubles (50 fr.) et un modèle de tente 
yaksute du prix de 20 roubles {40 fr.). Sur le marché d'Ya- 
koutsk la première qualité de cet ivoire vaut 25 francs par 


poud ou 16 kilogrammes ; la seconde qualité 17 fr. 50; la 


troisième qualité 5 à 9 francs. Il n’y a dans le pays que dix à 
vingt ouvriers qui s'adonnent au travail de l’ivoire, et la 
production va, paraît-il, en diminuant. 

Cette diminution peut tenir aux progrès de la civilisation, 
aux rapports plus fréquents avec l'Europe, qui ont amené 
jusque dans ces contrées éloignées les objets usuels et les bi- 


(1) Nous adressons ici nos remerciements à M. Deniker, bibliothécaire en 
chef du Muséum, qui a bien voulu nous traduire le passage (en langue russe) 
qui concerne l’ivoire fossile, 


52 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


joux que l’on fabriquait autrefois sur place avec l’ivoire. Il 
est difficile de croire que l'énorme quantité des défenses indi- 
quée par la masse d’ossements dont parlent les voyageurs qui 
ont visité les archipels du nord de la Sibérie, ait été épuisée 
dans l’espace de quelques siècles. Il est bien probable que la 
surface seule de ces vastes ossuaires a été explorée, et qu’en 
fouillant le soi à une plus grande profondeur, en s’aidant au 
besoin de la dynamite pour faire éclater le sol gelé, on fera 
encore de belles récoltes. Il est certain, d’ailleurs que tous 
les points où l’on trouve de l’ivoire n’ont pas été explorés. 

Ainsi donc, si l'ivoire africain venait un jour à nous man- 
quer, comme le fait est malheureusement probable et prédit 
depuis longtemps, on trouverait encore, selon toute appa- 
rence, une réserve précieuse dans l’ivoire de Sibérie. 

Dans une œuvre d'imagination intitulée La Floride et dont 
l’action se passe en Afrique, un de nos plus spirituels écri- 
vains, Méry, donne pour décor à l’un de ces chapitres ce qu’il 
appelle le « Cimetière des Eléphants ». Méry a transporté en 
Afrique une légende qui a cours à l’île de Ceylan. En effet, les 
Cingalais racontent qu’au centre de l'ile, dans un site sau- 
vage et retiré, abrité par de hautes montagnes, se trouve une 
vallée où les Eléphants chargés d’années et qui se sentent 
près de leur fin, vont mourir pour déposer leur dépouille 
près de celles de leurs ancêtres qui s'y sont accumulées de- 
puis de longs siècles. Il est peu probable que de teis cime- 
tières existent en Afrique : dans tous les cas, s’il en a existé, 
ilest certain qu'ils ont été pillés depuis longtemps, par les 
nègres africains. Par contre, on peut dire que la Sibérie est 
le cimetière de ce grand Eléphant quaternaire qu'on désigne 
sous le nom de Mammouth. C’est là, dans l'archipel de la 
Nouvelle-Sibérie, à l'ile des Ours et probablement aussi à l'ile 
Wrangel, ou sur d'autres points encore inexplorés des ri- 
vages de l'Océan Glacial Arctique, que de hardis voyageurs 
endurcis au froid des régions polaires et désireux de s'enri- 
chir, trouveraient encore à exploiter de véritables mines du 
plus bel ivoire. 


ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFRAN ET L'IGNAME 


par Paul CHAPPELLIER. 


A diverses reprises, et notamment il y a deux ans, je vous 
ai rendu compte de mes cultures. Je suis entré à ce sujet 
plusieurs fois dans des détails circonstanciés ; mes communi- 
cations ayant été insérées dans notre Bulletin, je n'y revien- 
drai pas aujourd'hui, je vous demande cependant la permis- 
sion de vous rappeler, aussi brièvement que possible, quelques 
généralités. 

Je parlerai d’abord du Safran. Cette plante, le Crocus sa- 
turus, n'est plus guère cultivée que dans deux contrées, 
savoir : en France, dans le Gâtinais, portion du département 
du Loiret, et en Espagne. 

Cette culture mérite quelque intérêt. 

Elle a fait pendant longtemps la fortune des petits cultiva- 


_ teurs du Gâtinais, et cependant elle est aujourd'hui délaissée 


précisément au moment où elle devait prendre une nouvelle 
extension, pour remplacer le vignoble détruit par le phyl- 
loxéra. 

L'Espagne produit dix fois plus que la France; c’est le con- 
traire qui devrait avoir lieu; si nos petits cultivateurs étaient 
moins routiniers. 

Depuis bien longtemps cette question me préoccupe, mes 
essais commencés en 1844 n’ont jamais cessé depuis cette 
époque. 

Je poursuis deux buts différents : en premier lieu, l’amé- 
lioration de la culture, en second lieu, le perfectionnement de 
l'espèce même que nous cultivons. 

Sur le premier point, amélioration de la culture, j'ai obtenu 
quelques succès. Ce système que j'ai imaginé, est approuvé et 
adopté par ceux des cultivateurs qui ont le courage de se 
soustraire à une routine vieille de plusieurs siècles. 

Ce nouveau système diminue sensiblement le prix de re- 
vient du produit; s’il était généralement adopté, il aurait 
pour effet de ramener en France une grande partie de cette 


54 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


culture. Or, il ne faut pas oublier que le Safran est une den- 
rée spécialement d'exportation, la presque totalité est vendue 
à l'étranger et les denrées agricoles françaises d'exportation 
deviennent de plus en plus rares. 

Sur le second point, perfectionnement de la variété même 
du Safran que nous cultivons, notre Société m'a prêté à plu- 
sieurs reprises son concours. Sur ma demande, elle a fait venir 
des oignons de Safran de Chine et d’Anatolie, moi-même, j'en 
ai importé de diverses contrées. 

Toutes ces sortes semblaient au début différer un peu de la 
nôtre, ces différences tenaient sans doute à des influences 
passagères de climat et de culture, ont diminué d'année en 
année, et ont fini par disparaître entièrement. 

Ne trouvant nulle part une meilleure variété existante, 
il fallait se résoudre à en créer une. Vous connaissez les 
moyens employés en pareil cas, hybridation, semis et sélec- 
tion, etc. 

Mais, dès le début, je me suis heurté à une difficulté qui 
semblait insurmontable : le Safran ne produit pas de graines. 

Après bien des recherches infructueuses, j'ai fini par 
trouver dans une des îles de l’Archipel grec (Syro) un Crocus 
indigène dont le pollen féconde notre Crocus cultivé. De cette 
union artificielle sont sorties un grand nombre de variétés. Je 
ne vous citerai que la dernière obtenue. 

Elle a figuré à l'Exposition du Chrysanthème de 1896, et a 
été citée, figurée et décrite dans plusieurs recueils. Voici en 
quelques mots quel est son mérite. 

La seule partie utilisable du Safran consiste dans les trois 
stigmates contenus dans chaque fleur. 

D'après le très faible volume de l’hybride que j'avais ex- 
posé, on ne pouvait guère attendre qu'une seule fleur, c’est- 
à-dire trois stigmates ; or, il en portait une trentaine. 


Trente stigmates au lieu de trois ! inutile de vous expliquer 
quel résultat précieux ce serait pour les cultivateurs ; mal- 
heureusement ces stigmates ne sont pas parfaits ; ils ont un 
défaut, ce qui fait que mon hybride ne peut pas dès aujour- 
d'hui entrer dans la grande culture, il a besoin d’être encore 
travaillé et perfectionné, toujours au moyen du semis de sa 
graine naturelle ou hybridée, et de la sélection ; c'est la 
tâche que je poursuis actuellement. 


ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFRAN ET L’IGNAME. 99 


Je dois ajouter que cet hybride présente un intérêt parti- 
culier au point de vue de la botanique. 

Non seulement les diverses pièces qui constituent la fleur : 
pétales, sépales et étamines, ont disparu en se transformant 
en véritables stigmates: maïs les écailles qui entourent l’oi- 
enon et les feuilles, elles-mêmes sont terminées par un frag- 
ment de stigmate. C’est là, au dire des botanistes qui l’ont 
examiné, un phénomène des plus curieux et qui n’a jamais 
été observé jusqu'à ce jour. 

En résumé, au point de vue de l'amélioration de la culture, 
j'ai obtenu de très bons résultats dûment constatés et entrés 
dans la pratique, et sous le rapport de la création d’une va- 
riété améliorée, je suis en très bon chemin, je possède des 
hybrides très intéressants, et avec un peu de persévérance et 
de patience on atteindra certainement le but que je poursuis 
depuis si longtemps. 


Je passe maintenant à une autre plante, le Stachys tuberi- 
fère, ce petit légume adressé à notre Société par le D' Brat- 
scheinde, auquel notre collègue M. Paillieux, son zélé propa- 
gateur a donné le nom de Crosne du Japon, en voici trois 
spécimens (fig. .....). 

Ce petit tubercule a beaucoup de qualités : sa forme est 
jolie, il est productif et rustique, mais on lui reproche deux 
défauts, d’abord son volume est bien faible; quel que soit le 
soin apporté à son arrachage, il en reste toujours en terre un 
grand nombre qui sont perdus, qui repoussent au printemps 
etenvahissent le potager, et puis il n’a pas par lui-même une 
saveur bien caractérisée, une pomme de terre cuite à l’eau 
salée a un goût très appréciable, il n’en est pas de même du 


 Stachys. 


Aussi, dès l'apparition de ce légume, j'ai entrepris de l’amé- 
liorer, toujours par le même moyen, semis et sélection ; mais 
j'ai éprouvé la même difficulté que pour le Safran, le Stachy 
ne produit pas de graines et ne fleurit même pas habituelle 
ment, malgré tous mes efforts, je n’ai obtenu depuis environ 
huit ans, qu'une vingtaine de fleurs et pas une seule graine 
fertile. 

J'avais cependant fécondé ces très rares fleurs avec le 
pollen d'espèces voisines, d’abord celui du palustois, espèce 
indigène, et surtout avec celui d’une espèce exotique, le Flo- 


56 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ridana que j'ai importée d'Amérique. Ce dernier a un volume 
bien plus considérable que notre légume (il pèse sept fois 
autant), puis il a une saveur prononcée, trop prononcée 
même. J'avais espéré qu'en mariant ensemble ces deux 
plantes et en sélectionnant leur progéniture, j'aurais pu 
parmi leurs enfants en trouver un ayant des qualités inter- 
médiaires entre ies parents, sans avoir leurs défauts ;. peine 
inutile, je n’ai jamais obtenu une seule graine fertile, ce 
qui ne m'empêche pas de poursuivre mes essais. D’autres 
seront, je l'espère, plus adroits ou plus heureux ; en tout cas, 
l'introduction du Floridana est un fait intéressant. 


J'arrive à l'Isname, j'ai eu déjà plusieurs fois l’occasion 
d'examiner ici même les questions que soulève la culture de 
l'Igname de Chine. Mes communications ont été insérées au 
Bulletin, il serait superflu d'y revenir, je vous demande ce- 
pendant la permission d’en résumer aussi brièvement que 
possible les points principaux. 

C'est à la Pomme de terre qu'on peut surtout comparer 
l'Igname. Voici, en peu de mots, ce qui ressort de cette com- 
paraison. 

Je dois dire tout d'abord que la plante chinoise n’a pas la 
prétention de détrôner la plante de Parmentier, surtout au 
point de vue de la grande culture. L’'Igname ne sort pas, pour 
le moment du moins, du potager et n’aspire qu’au rôle secon- 
daire de légume. 

Sa chair est plus fine, elle plaît davantage à certains palais 
et est mieux supportée par les estomacs délicats. 

La plante est aussi vigoureuse et aussi productive que la 
Marjolen et autres variétés potagères de Pommes de terre ; 
elle est plus rustique, car elle peut rester en terre tout 
l'hiver et n'être arrachée qu'au fur et à mesure du be- 
soin. Si on laisse quelques pieds dans le sol, ils repoussent 
au printemps et donnent l’annéé même une récolte plus 
abondante. La Pomme de terre au contraire doit être ar- 
rachée à parfaite maturité ; récoltée avant, elle se conserve 
mal, laissée plus tard en terre, elle repousse et perd de sa 
qualité. 

Une fois récolté, le tubercule de l’Igname se conserve sans 
pousser jusqu’en mars et avril, tandis que ceux de la Pomme 
de terre entrent en végétation même en hiver et perdent par 


4 
; 
ï 
à 


ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFHAN ET L’'IGNAME. 51 


ce fait une partie de leur valeur et deviennent même moins 
saines. 

Enfin, considération importante, la maladie de la Pomme 
de terre cause périodiquement aux cuitivateurs des pertes 
désastreuses et a amené parfois des famines. Cette année 
même, dans certaines contrées, la moitié de la récolte a été 
perdue. Quant à l’Isname, on ne lui connaît aucune maladie. 

Et cependant, malgré tout ces avantages, ce légume est 
à peine cultivé. 

La cause en est bien connue, le tubercule fusiforme est 
très long, 70, 80 parfois davantage, puis sa contexture est 
très fragile, par suite l'arrachage est difficile et couteux, de 
plus, dans les terrains peu profonds, un défonçage dispen- 
dieux devient nécessaire et est parfois impossible. 

C’est pourquoi notre Société, frappée de ces qualités et de 
ces défauts, a institué un concours pour l'introduction ou la 


» 


production d’une variété à tubercules courts rendant l’arra- 


chage facile. 


Quelques variétés exotiques paraissant remplir ces condi- 
tions ont été introduites maïs n’ont pas donné de résultats 
pratiques. 

L'année dernière, la Société sur ma demande, a fait venir 
de Calcutta une espèce qui y est cultivée en grand et qui rem- 
plissait le but comme l'indique son nom même, Globosa; en 
voici un spécimen provenant de ma culture, mais c'est une 
plante qui ne peut réussir en pleine terre que dans les climats 
chauds. C’est pourquoi j'en ai remis quelques tubercules à 
notre collègue M. Bourdarie qui les a fait parvenir à M. Cha- 
lot, directeur du Jardin d’Essai de Libreville, au Congo. 

L'une des plus récentes introductions a été celle du Dios- 
corea furgini, espèce comestible à tubercule arrondi envoyé 
de Chine par le Père Farges à la maison Vilmorin, qui m'en 
a confié quelqués bulbilles. Depuis deux ans que je les cultive, 
les tubercules que j'ai obtenus atteignent à peine le volume 
d’une noix. 

Si au moins ils m'avaient fourni du pollen, il aurait pu 
m'aider pour mes hybridations, mais je n’ai pas vu une seule 


fleur. Cette introduction n’a donc donné jusqu'à présent, 


comme toutes les autres aucun résultat pratique. 


Il devenait dès lors nécessaire de recourir à la production 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 5, 


58 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


de la variété désirée ; c'est le travail auquel je me livre de- 
puis une dizaine d’années. 

Je vous ai tenu au courant de toutes les difficultés que j'ai 
eu à surmonter et des résuitats partiels que j'ai obtenus 
d'année en année ; ces diverses communications ont été in- 
sérées à nôtre Bulletin. Je me borneraïi aujourd'hui à mettre 
sous vos yeux mes dernières obtentions, mais auparavant je 
dois vous rendre compte d'un essai dont vous m'avez chargé. 

Un de nos distingués collègues, M. le D' Heckel, professeur 
à la Faculté de Marseille, nous a adressé l’an dernier, plu- 
sieurs tubercules obtenus par un moyen beaucoup plus simple 
que celui que j'emploie et par lequel il‘espérait pouvoir peut- 
être atteindre plus facilement le même but. Ces tubercules 
m'ont été remis par la Société. Je les ai cultivés mais n'ai 
obtenu que des tubercules fusiformes comme le type. 

Cela était à prévoir. 

En effet, l'auteur de cette expérience M. le capitaine Du- 
bian, vice-président de la Société d’'horticulture de Marseille, 
s'était contenté de fractionner des tubercules que j'avais 
adressées à M. Heckel et avait planté ces fragments. 

Or, on sait que les tubercules d’'Igname portent deux sortes 
d'yeux : 1° l'œil terminal et principal qui constitue ce qu'on 
peut appeler le nœud vital de la plante, et qui est destiné à 
se développer au printemps et à produire une nouvelle 
plante; 2 un très grand nombre d'yeux secondaires, pour 


ainsi dire latents et peu apparents, répandus sur toufe la 


surface des tubercules. 

Sur le tres petit fragment que je vous présente et qui ne 
pèse que quelques grammes, on compte quarante de ces yeux 
secondaires. 

Si vous plantez ces tubercules entiers ou simplement sa 
portion supérieure, sa tête, l'œil terminal seul poussera. Si 
au contraire vous plantez un fragment, même minime, deux 
ou trois et même moins, celui-ci par exemple, l’un des petits 
yeux latents se développera, mais le tubercule qu'il produira 
ne sera pas différent du type, il ne constituera pas une va- 
riété distincte. 

Ilen est de même de la Pomme de terre ; coupez en trois 
ou quatre morceaux une Pomme de terre très longue, la vite- 
lotte par exemple, chacun de ces morceaux, si toutefois il est 
muni d'un œil donnera naissance à un pied, maïs les tuber- 


be 


4 


ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFRAN ET L'IGNAME. 99 


cules que ce pied produira seront toujours des vitelottes très 
longues. 

Ilétait donc à prévoir que les tubercules produits par ceux 
obtenus par M. Dubian au moyen du fractionnement conser- 
veraient la forme allongée du type. 

C’est ce qui est arrivé. 

Toutefois, l'un des tubercules que, j'ai obtenus mérite une 
mention spéciale, la voici : son volume est bien faible, mais 
il est bifurqué. Y aurait-il là une tendance à former une va- 
riété bifide, je ne le pense pas. Cependant, je ne manquerai 
pas de le replanter cette année afin que l'expérience soit 
complète. 

M. Dubian a sans doute continué et complété son expé- 
rience, il serait très intéressant d’en connaître les résultats. 
M. le Secrétaire général aurait-il l’obligeance de s’en in- 
former ? 

Voici maintenant les deux meilleures variétés que j'ai ob- 
tenues il y a deux ans. 

Sur ce tableau j'ai d'abord placé à droite et en haut, comme 
point de comparaison une Igname ordinaire en deux mor- 
ceaux. Sur le côté gauche, voici une variété à tubercules 
courts et nombreux, il y en a huit sur le même pied; par 
contre ils sont un peu maigres, il est possible que par une 
culture ultérieure ils deviennent moins nombreux et plus vo- 
lumineux. 

Dans la variété du milieu, également courte, il n'y a que 
quatre tubercules mais ils sont beaucoup plus gros. 

Voïci la longueur et le poids de ces trois échantillons. 

Longueur : Igname ordinaire 85; variété 46.40, poids; 
Igname ordinaire 630 ; variété à huit tubercules à peu près 
le mêmepoids 620, et celle à quatre tubercules 1,050 grammes. 

La variété du milieu est donc moïtié moins longue que 
l’Igname type et elle pèse deux tiers en sus. 

Si la variété à huit tubercules améliore un peu son volume 
et si celle à quatre tubercules se maintient, il me semble que 
le problème posé par la Société sera résolu. 


Sije ne craignais d'abuser de votre patience, je voudrais 
vous dire encore quelques: mots au sujet de l'intérét que la 


production d'une variété à tubercule court pourrait avoir 
pour:nos colonies ou au moins pour certaines d’entre elles 


D ne de: 


60 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


permettez-moi de vous lire, ce ne sera pas long, un passage 
d'une communication faite ici à ce sujet il y a deux ans. 

« Nous assistons, depuis quelques années surtout, au spec- 
tacle grandiose et trop souvent sanglant de toutes les nations 
européennes — on étouffe dans cette vieille Europe — se 
ruant sur le continent africain, pour s’en arracher les lam- 
beaux, et s’y tailler des colonies. Loin de moi la prétention 
d'apprécier l'opportunité de cette immense curée; je me borne 
à constater le fait. La France elle-même vient de s’appro- 
prier un assez joli morceau : la grande ile africaine. 

» Or, dans les terres basses et chaudes de ces climats équa- 
toriaux et tropicaux, la culture de la Pomme de terre est à 
peu près impraticable ; à peine est-elle possible sur les hauts 
plateaux, mais elle y est peu productive et même, dans ces 
conditions exceptionnelles, les tubercules récoltés sont im- 
propres à la reproduction. On doit tous les ans faire venir à 
grands frais la semence des pays tempérés. 

» Ces contrées chaudes et humides sont au contraire le cli- 
mat d'élection des Ignames: elles y ont à l’état sauvage une 
végétation exubérante ; on trouve en Calédonie des tuber- 
cules pesant jusqu'à 100 kilos. Elles y nourrissent des popu- 
lations entières. 

» Toutefois, parmi ces Ignames indigènes et spontanées, 
plusieurs sont vénéneuses, d'autres sont de très médiocre 
qualité. L'importation dans ces contrées d'une variété 
d'Igname de Chine à tubercule court constituerait une pré- 
cieuse ressource principalement pour l'alimentation des co- 
lons européens. 

» En somme, sous ces climats, les rôles de ces deux plantes 
sont changés : c'est l’Igname qui est le légume de fond et de 
grande culture, et la Pomme de terre y descend au rôle se- 
condaire de légume de fantaisie. » 

Depuis que j'ai écrit cette note, il vient de se passer tout 
récemment un fait qui intéresse également la question que je 
viens de traiter devant vous. 

On ne parle de rien moins que de partager entre les di- 
verses nations européennes cet immense empire chinois où 
grouillent 400 millions d'habitants et; si ce projet de par- 
tage doit être regardé comme une utopie irréalisable, tout au 
moins peut-on prévoir le moment plus ou moins rapproché 


ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFRAN ET L’IGNAME. 61 


où chacune de ces nations se mettra à grignoter un morceau 
de cet immense gâteau. 

Inutile de dire que les Chinois eux-mêmes ne sentent nul 
besoin de l'introduction chez eux d’une Igname plus courte 
que celle qu'ils cultivent depuis des milliers d'années. Ils ont 
toute la patience, toute la persévérance nécessaire pour ar- 
racher sans se plaindre ces racines de 80 centimètres de long, 
ils ne demandent pas comme certains de nos jardiniers la 
journée de huit heures et 2 à 3 francs par jour. Mais en sera- 
t-il de même des colons européens qui pourront s'établir dans 
leur pays, certainement non. 

Permettez-moi à ce sujet, de vous lire un court passage de 
ce que j'écrivais il y a quelques années dans la Revue horti- 
cole, au sujet d’un des modes de culture de l’Igrame en 
Chine. 

« À propos de nouveaux modes de culture de l’Igname, je 
rappellerai, à titre de curiosité, le suivant, qu’un voyageur 
m'a dit avoir vu pratiquer en Chine même. 

» De grands réservoirs cimentés, ayant environ 80 centi- 
mètres de profondeur, sont remplis de sable; les pieds sont 
très rapprochés, soit 30 centimètres en tous sens. Pour ar- 
river à nourrir des plants aussi drus dans un sol aussi mai- 
gre, on répand à profusion l’engrais énergique cher aux fils 
du Ciel; le produit est très abondant; un réservoir de mé- 
diocre étendue suffit aux besoins de toute une famille. Les 
tubercules, dûment pelés et cuits, ne conservent rien de 
l’odeur caractéristique de l'engrais employé. 

» Je sais plus d’un propriétaire et d’un jardinier auxquels 
cette culture répugnerait ; quelle inconséquence ! 

» Les Parisiens ne croquent-ils pas à belles dents, — sou- 
vent sans les peler, — ces jolis Radis roses, non seulement 
arrosés à l’eau de Seine, dont 1 centimètre cube contient, au 
dire de nos bactériologues, des milliers de germe typhiques 
et autres, mais encore irrigués avec ce liquide onctueux et 
parfumé dont l'égout collecteur inonde la plaine de Genne- 
villiers ! 

» Et l’engrais flamand ! Je n’ai jamais mangé de meilleures 
Asperges que chez un de mes parents, manufacturier dans un 
faubourg de Lille. Tous les hivers, les fosses étaient remplies 
d'une nappe liquide, de 20 centimètres d'épaisseur de l'en- 
grais fabriqué par ses ouvriers. Pendant huit jours, les 


62 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


senteurs qui saturaient l'atmosphère rendaient l’accès du po. 
tager impossible ; mais aussi quelles magnifiques et:succu- 
lentes Asperges nous mangions quelques mois après ! »: 

Non. la culture de l'Igname longue ne sera jamais prati- 
quée par le colon européen en Chine. Aussi, même dans ce. 
pays, l'introduction d’une variété à tubercule court serait- 
elle tres’utile. 


Je me suis peut-être un peu trop étendu sur cette question 
coloniale; mais vous me le pardonnerez en raison de ce fait: 
que notre Société vient de créer dans son sein une nouvelle 
section, la Section coloniale, dont nous attendons les meil- 
leurs résultats, surtout si, comme nous l’espérons, cettenou- 
velle section obtient la coopération active du très éminent. 
colonial qui nous fait l'honneur de présider à nos travaux: 


63 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


- RAPPORT SUR LES: TRAVAUX: EXÉGUTÉS. EN 1896, À LA STATION 
AQUICOLE DE BOULOGNE-SUR-MER, 


par Eugène Caxu, directeur. dela Station. 
{ Suiterel fin.) 


20: Observations sui: la reproduction halurelle des Soles dans ses relations 
avec le repeuplement des fonds et la pisciculture marine. — L'étude de la. 
reproduction et du repeuplement méthodique.et rationnel des poissons 
de-mer — que nous avons été le premier, il y a cinq ans, à entre- 
prendre dans le nord de la France, — n’a. point élé délaissée par la 
Station aquicole. Nous avons conduit: ces.recherches dans une voie 
nouvelle, er:core inexplorée dans. toute.la : France en nous attachant 
particulièrement à ce qui concerne. la Sole, l'espèce la plus recherchée 
et la plus importante pour les pêcheurs; pour le commerce et pour la 
consommation-publique. 

C'esbainsi, Monsieur le Ministre, que nous avons exécuté, en mer, 
—.dans la Manche. jusqu'au méridien du Tréport, et dans la mer du 
Nord:au large des côtes belges et françaises, — des séries de pêches 
quantilatives pendant trois années conséculives, dans les régions de 
ponte de la Sole. Ces pêches quantitatives furent faites suivant la mé- 
: thode ordinaire du professeur Hensen, en filtrant dans un filet approprié 
des colonnes d’eau de mer d’une seclion. horizontale donnée par l'ouver- 
ture de l'engin et d'une hauteur déterminée.:par la profondeur d’immer- 
sion de l'engin ramené verticalement à la surface. Elles sont, en tous 
points, susceptibles d'établir une évaluation aussi exacte que possible 
dela. quantité. d'œufs de Sole existant en. mer et provenant de la, 
ponte naturelle dans la région qui nous occupe. L'importance (ou le 
succès) de la reproduction natureïle de ce poisson accuse par ce moyen 
des fluctuations-annuelles très considérables dont, l'intérêt ne peut 
échapper à personne en ce qui concerne le: repeuplement des fonds. 

En pleine période de reproduction, vers la fin d'avril ou au com- 
mencement de mai, nous avons obtenu à l’aide. du filet vertical de 
Hensen; les maxima du nombre des œufs de Sole existant en mer par 
mètre carré de surface. Ces maxima sont d’ailleurs des moyennes dé- 
duites de plusieurs rendements.numériques des pêches obtenues par 
le-filet- Hensen durant: loute la période de vingt à trente jours où le. 


1. Voir le numéro de janvier, p. 23. 


64 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


produit de ces pêches est le plus élevé de toute la saison de ponte. 
Les maxima ont varié, sur les lieux mêmes de la ponie des Soles, 
entre 143 pour 1894, 59 pour 1895 et 112 pour 189,6. Un pareil rende- 
ment dans la ponte naturelle des Poissons de mer est très élevé en ce 
qui concerne les bonnes années 1894 et 1896. Je ne connais même pas 
d'exemple d'un plus grand nombre d'œufs d’une seule espèce de pois- 
son, recueillis en mer en un même endroit, si j'en juge d'apres les 
quelques documents publiés par divers zoologistes qui se sont occupés 
de cette question. Quant au maximum plus faible que nous relevous 
pour 1895, il est encore très salisfaisant comme rendement numérique 
de la ponte des Soles. Si nous examinons maintenant la moyenne des 
rendements évalués durant toute la période de ponte pendant les trois 
années qui nous occupent, nous voyons ces nombres tomber de 9.5 
œufs de Soles par mètre carré pour l’année 1894, à 2.6 pour 1895 et 
à 6.4 pour 1896. Il ne nous est pas possible de comparer la densité 
numérique de ces pontes de Soles avec celle d'autres espèces de 
poissons, puisqu'il n’a jamais été relevé ou publié d'observations de 
ce genre méthodiquement réparlies sur toute la période de ponte d’une 
espèce comeslible considérée dans la même région. 

Des déductions certaines, intéressantes à la fois pour l’industrie des 
pêches maritimes et pour la préservalion des richesses naturelles né- 
cessaires à l'alimentation publique, peuvent et doivent sortir de cette 
étude quantitative de la ponte naturelle de la Sole dans les eaux ex- 
ploitées par nos pêcheurs. C’est la conviction intime qui se dégage 
pour moi des premiers résullals que je me suis efforcé d'obtenir dans 
celle voie tout récemment ouverte par Hensen dans l’observalion des 
pêches maritimes. 

Il importe de connaître réellement par le nombre des œufs naturel- 
lement produits et fécondées autant que par l’étendue de la période 
dé ponte active, l’imporlance et le succès toujours variable de la re- 
production des espèces de poissons les plus utiles. Il importe égale- 
ment de rapprocher ces données des captures de poissons faites {au 
bout de deux ou trois années) dans les meilleures saisons de pêche. 
C'est l'unique moyen, nous semble-t-il, de se mettre en mesure d’ap- 
précier avec toule l’exaclilude possible ct avec une précision suffisante, 

la puissance de production de tels ou tels fonds, en même temps 
qu'on pourra saisir ainsi la relation qui unit l'exploitation de ces fonds 
de pêche et leur dépeuplement en espèces comestibles. Toules les 
théories, tous les arguments énoncés sur la question du dépeuplement 
des mers exploilées pour la pêche ont le plus grand besoin de s’ap- 
puyer, à l'heure actuelle sur des preuves positives de ce genre. 

Nos relevés de la richesse des pontes naturelles en mer nous 
donnent acluellement une base suffisante pour évaluer en moyenne la 
quantité considérable d'œufs que la Sole dissémine annuellement 
dans les eaux de la région que nous avons observée. 


ls 


EXTRAITS ET ANALYSES. 65 


Dans l’année 1895 la moins productive à ce sujet, toute la surface 
des lieux de ponte des Soles placées à notre connaissance au voisinage 
et à l’intérieur des eaux francaises de la Manche et de la mer du Nord, 
depuis le Tréport jusqu'à la Belgique, toute celte surface, dis-je, éva- 
luée à 360 milles marins carrés, contenait en moyenne 2.6 œufs de 
Sole par mètre carré, soit 1 millions par carré d'un mille de côte. 
En tolalilé, ceci fait, pour l’espace signalé plus haut et correspondant 
à un développement de côtes de 80 milles, le total de 2,520 millions 
d'œufs de Sole flottant en moyenne dans la mer, pendant toute la 
periode de pontes un peu active, c'est-à-dire pendant quatre mois de 
l’année 1895. La durée du développement de l'embryon dans l'œuf 
étant ordinairement de neuf à dix jours, cette masse d'œufs de Sole se 
trouve naturellement renouvelée au fur et à mesure des éclosions soit 
en bloc, tous les dix jours par l'effet des pontes successives. Ce qui 
revient à dire, en somme, que les Soles devaient pondre alors, dans 
la région considérée, sept miilions d'œufs par mille carré tous les dix 
jours, pour maintenir au chiffre moyen que nous avons constaté le 
contingent d'œufs en voie d’éclosion. Renouvelées ainsi tous les dix 
jours, soit douze fois en quatre mois, les pontes de Soles donnent le 
total remarquable de trois milliards d'œufs constaté au cours de nos 
recherches sur la ponte annuelle de ces poissons dans nos parages de 
la Manche et de la mer du Nord pour l’année 1895. 


Pourlannee SOA RER de LA milliards. 
Pour l’année 1896.......... Ne m9 — 


La connaissance positive de cette puissance de production des 
Soles est importante, quel que soit le point de vue auquel on se place 
pour envisager la question du repeuplement des fonds. Elle prend 
encore plus d'importance si l'on envisage la nécessité d'entrer dans la. 
pratique de la pisciculture marine artificielle, car l'évaluation métho- 
dique des fluctuations qui affectent d’une année à l'autre les pontes 
naturellement produites par la Sole dans notre région peut seule 
montrer quelle est l'échelle à laquelle il convient logiquement d'’en- 
treprendre la repredu“tion artificielle de ce poisson pour rétablir 
l'équilibre de repeuplement entre une bonne année et une mauvaise. 
Ainsi, nous concluons, de l'écart constaté entre les productions de 
1895 et de 1895, qu'il eût fallu produire artificiellement 8,5 milliards 
d'œufs de Sole en 1894 pour pouvoir prétendre à un véritable repeu- 
plement des fonds de la mer du Nord et de la Manche. 

Et véritablement nous ne disposons, dans l’état actuel de la régle- 
mentation nationale et internationale des pêches maritimes que d’un: 
seul moyen pour subvenir aux insuffisances et aux fluctuations du- 
repeuplement naturel des Soles dans nos eaux cotieres et avoisi- 
nantes : c’est la pratique suffisante et raisonnée de la pisciculture 
marine que j'ai proposé d'appliquer dans celte région dès l'année. 


66 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ: D’ACCLIMATATION. 


1893, alors que celte méthode de repeuplementn'avait point subi 
l'expérience démonstrative faite en Evcosseet quelli :rencontrait en 
France plus de critiques que de partisans. 


III. — Applications pratiques. 


1° Application-en France du: Hareng congelé. comme-appât dans la 
pêche aux hamerons. —. Notre. attention resle constamment fixée sur 
les améliorations que peut subir l'industrie des pêcheurs du Nord. de 
la France et nos efforts tendent toujours à démontrer l'utilité.et le 
profit de ces améliorations pour convaincre les armateurs et:les 
pêcheurs naturellement peu enclins à toute modification dans leurs 
pratiques ordinaires. 

Ce n’est qu’en insistant avec: persévérance sur-tel ou..lel procédé 
recommandable, qu'il nous est possible d'aboutir à un résultat dans 
l'introduction des procédés nouveaux applicables à Ja pêche maritime 
française pour le plus grand profit de l'alimentation publique. Les 
moyens d’action matér.els dont nous. disposons. ne nous -permettent 
pas en effet d'entreprendre. les démonstrations pratiques. à. grande 
échelle qui sont indispensables your amener la conviction nécessaire 
dans l'esprit des intéressés. Néanmoins, dans le cours de l'année 1896, 
nous avozs obtenu, dans la Voie des améliorations industrielles, un 
succés dont l'importance mérile d'être signalée avec détails. 

Depuis plusieurs années, nous avions reconnu que l'une des pêches 
les plus recommandables des côtes de la Manche, la pêche aux cordes, 
lignes de fond établies en mer et pourvues d’un grand nombre d'ha- 
mecons appâtés de poissons et d’encornets, souffrait grandement dans 
la plupart des ports d’une disette momentance ou prolongée des pois- 
sons d'amorce. utilisables. De plus la fourniture des amorces restait 
le plus souvent l'apanage de l'importation anglaise qui trouve dans 
ce commerce des bénéfices considérables, une étude approfondie de 
la question nous avait permis de reconnailre qu’une solution satisfai- 
sante des difficullés d'amorçage dans la pêche aux cordes se trouvait 
dans la méthode de conservation par la congélation appliquée aux 
poissons d’amorce de pêche française. 

Déjà, en 1894, nous avons développé à plusieurs reprises. dans diffé- 
rentes publications, la mise en pratique de ce procédé et nous appe- 
lions l'attention des intéressés sur celte utile innovation. 

En 1895, nous avons opéré plusieurs (ssais pratiques d'une étendue 
restreinte ct limités par les ressources pécuniaires dont dispose la 
station aquicole, 

Cette démonstration pratique produisait le. plus heureux effet et 
nous sommes heureux de pouvoir vous signaler, Monsieur le Ministre, 
la réussite. complète de nos études sur celte question des amorces 


4 EXTRAITS ET ANALYSES. 67 


congelces par la mise en application opérée à Cherbourg en 1896, 
suivant nos indications et sur nos plans qui ont été fournis aux inté- 
ressés d'une manière absolument gratuite. Notre initiative dans cette 
question d'applicalion technique-a donc réaiisé entièrement, l’installa- 
tion d’une industrie absolument nouvelle en France et nous avons la 
satisfaction d’avoir conduit les travaux de la station aquicole de Bou- 
logne de manière à répondre aux besoins les plus urgents de la pêche 
maritime côtière du Nord de la France. 

C'est'au cours du dernier semestre de 1896; dans le port de Cher- 
bourg; que nous avons étudié cette application pralique de la conser- 
vation des amorces par la congélation, faisant cette étude à la de- 
mande d'un homme éclairé, M. Aristide Bienvenu, armateur:et 
constructeur de bateaux: de. pêche, qui connaîl parfaitement les 
besoins et les conditions du quartier maritime de Cherbourg, dans 
lequel un commissaire. de la marine, M: Le Brisoys-Surmont, nous 
signalait, en 1894, la nécessité de rendre service aux pêcheurs à 
corde.en leur évitant des chômages trop fréquents uniquement dus au 
manque de boëtte. Nous avions d'ailleurs constaté nous-même ces 
chômages dans les petits ports du quartier, comme Barfleur, par 
exemple. 

Au point de vue technique, l'intérêt spécial de l'installation cons- 
truite à Cherbourg par: M. Bienvenu, suivant nos conseils, réside 
dans l’utilisation d’une bâlisse, déjà existante, d’une sorte de magasin, 
consiruit en pierres et couvert en tuiles, lequel peut être facilement 
adapté aux aménagemements des cales froides et des congélateurs 
à poissons d’amorce. 

Les congélateurs pour geler le poisson et: les réfrigérateurs pour 
abaisser la température des cales froides à poissons congelés sont 
basés sur l'emploi du mélange réfrigérant de sel et de glace pilée, 
mélange aussi facile à employer qu’il est simple à préparer. Cette 
méthode frigorifique nous a paru préférable pour l'économie même du 
projet, en ce sens qu’elle évite l'achat de machines réfrigérantes coû- 
teuses-et délicates. 

Dans cette industrie: dont le fonctionnement est intermittent et 
momentané, il importe de ne-point immobiliser un capital élevé, qui 
ne trouverait pas des-intérêts suffisants dans le gain des opérations. Il: 
est d’ailleurs facile-de se-procurer dela glace dans les ports de pêche 
de la Manche où on l’emploie beaucoup dansla conservation du pois- 
son frais. 

- En ce qui concerne le sel, nous-avons fait auprès de M. le Direc- 
teur général. des-douanes et auprès: de:M. le Ministre: du Commerce, 
de-l'Industrie; des Postes et Télégraphes; toutes les-démarches néces- 
saires pour» démontrer: l’intérèt que: présentait. la conservation des: 
amorces par congélation, au: point: de: Vue: du: développement. des. 
pêches-françaises.: À la-suite de:ces-démarches, la demande de dégrè=- 


68 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


vement des droits sur le sel introduite par l'entrepreneur a obtenu 
l'approbation du Comité consultatif des Arts et Manufactures, ratifié 
successivement par MM. les ministres du Commerce et des Finances. 

Dans ces conditions que nous avons contribué de toute notre 
influence à faire établir, la conservation des amorces congelées par la 
méthode indiquée ci-dessus est devenue une industrie applicable dans 
toute la rézion du Nord, industrie mise en mesure de concurrencer 
heureusement l'importation des amorces d'Angleterre. 

Les congélateurs où les Poissons sont congelés par l’action du mé- 
lange réfrigérant de glace et de sel sont imités à la fois du type cana- 
dien des pêcheries des Grands-Lacs et du type américain des pêcheries 
terreneuviennes. Ce sont de grandes caisses doubles, en bois, dont 
les dimensions prises à l'intérieur des parois sont de 4 m. sur 1",80 
et 1®,20. Deux compartiments égaux existent dans chaque caisse avec 
des couvercles spéciaux, qui rendent la fermeture aussi bermétque que 
possible. Chacun d'eux possède dans le fond un orifice d'écoulement 
pour le liquide de fusion de mélange. Dans ces appareils, les Poissons 
à congéler sont disposés à l’intérieur de caissons de fer blanc à cou- 
vercle emboîlant et qui mesurent 0m,80 sur 0,"60 et sur 0,08 ou bien 
des dimensions moilié moindres, soit 0",40 sur 0.60 et sur 0,08. 
Un congélateur avec ses deux subdivisions contient 48 grandes 
caisses ; il peut geler, en moyenne, dix à douze mille harengs en 
douze heures. 

A cet effet, les caisses en fer blanc alternent dans le congélateur 
en chargement avec des couches de glace et de sel de 0,10 qui en- 
veloppent enliérement chacune d'elles. La fusion de cette quantité 
de mélange réfrigérant intercalaire suffit pour assurer la congélation 
parfaite lorsqu'il n'y a point de déperdition de froid provenant d'une 
faute dans le travail et lorsque les proportions du mélange de glace 
pilée (trois pellef£es) et de sel {une pellelée) sont bien conservées- 

Si l'on excepte la construction des doubles parois isolantes, en bois 
avec intervalles bourrés de sciure, qui doublent les murailles et le 
plafond de la cale aux Poissons congelés, de manière à éviter tout 
échauffement de la masse provenant de l'extérieur, la particularité la 
plus intéressante de l'installation établie à Cherbourg consisie dans 
la composition des réfrigérateurs qui tapissent, pour ainsi dire, toute 
la paroi interieure des cales froides où sont emmagasinées les amorces 
après congélation. 

Ces réfrigéraleurs sont du type américain de Gloucester et non du: 
type canadien de la région des Lacs; leur section horizontale est rec- 
tangulaire el non pas circulaire. Vus de face, ils présentent, à droite 
et à gauche deux montants verticaux en bois, épais de 0"%,05, larges 
de 0®,20, en haut, et de 0",10, en bas. Sur ces montants sont clouées 
les faces interne et externe du réfrigérateur, constituées toutes deux 
par une feuille de fer blanc d'un mètre de largeur. En raison de :- 


EXTRAITS ET ANALYSES. 69 


l’'amoindrissement de la largeur des montants vers le bas, les feuilles 
de fer blanc ne sont point verticales, maïs inclinées de 0,10 vers l’in- 
térieur de l’appareil considéré dans toute sa hauteur (2 mètres). La 
pente de 02,05 par mètre assure l'écoulement rapide du liquide de 
fusion produit par le mélange réfrigérant et le développement intégral 
de froid que ce mélange est capable de fournir. 

Dans le bas, chaque réfrigérateur communique avec une gouttière 
en planches qui recueille sur tout le pourtour des cales froides l’eau de 
fusion produite, pour la conduire aux déversoirs chargés de l’évacuer 
au dehors dans les sables perméables des mielles qui l’absorbent par 
infiltration. 

La cale froide actuellement construite à Cherbourg, pour les débuts 
de l'opération dans la saison 1896-1897, contient de 100,000 à 
120,000 harengs suivant le mode de magasinage adopté ; en vrac ou 
en caisse cette cale compte un développement de surface réfrigé- 
rante (fer blanc des réfrigérateurs) égal à 48 mètres carrés environ, ce 
qui fait une moyenne de 4 à 5 décimètres carrés par 1,000 harengs. 
La température maintenue dans la cale froide avec la moitié des ré- 


frigérateurs en chargement est aisément de — 8 degrés centigrade, en 


bas, et de — 5 degrés en haut. Une installation très simple @e tuyaux, 
conducteurs d’air sous faible pression, permet d’assurer le renouvelle- 
ment de l’atmospheère intérieure des cales nécessaire à la bonne con- 
servation des produits. Ceux-ci doivent rester emmagasinés pendant 
trois mois au plus, période au bout de laquelle toute la réserve sera 
consommée. 

L'application de cette méthode de conservation des amorces pour 
la pêche est ainsi poursuivie à Cherbourg dans les meilleures con- 
ditions de succès. 

Déjà l'essai des amorces congelées a été fait par les pêcheurs de 
celte localité en comparaison avec les amorces fraîches qui ne 
manquent pas dans ia saison d'hiver. Pour ce premier essai, 1,500 ki- 
logrammes de harengs congelés ont servi d’amorce dans les mêmes 
pêches et sur les mêmes fonds que des harengs de pêche fraîche 
employés exclusivement jusqu'alors. Les amorces congelées ont 
donné toute satisfaction aux pêcheurs à cordes qui attestent leurs 
bonnes qualités de résistance sur l’hamecçon et leurs propriétés attrac- 
tives ;: l'attrait qu’elles conservent pour le Poisson est témoigné pra- 
tiquement par ce fait que la capture est aussi abondante sur les lignes 
appâtées de harengs congelés que sur celles appâtées de hareng frais. 


Cette épreuve est donc concluante. Elle vient démontrer d’une ma- 


nière complète l’avenir de cette innovation que nous avions juste- 
ment pronostiqué depuis longtemps. 

Il nous reste à en estimer l'importance au point de vue économique 
et financier de la pêche française et au point de vue de l’alimentation 
publique. 


70 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


L'importance économique de l'application d'amorces corgelées telle 
que nous la voyons ctablir à Cherbourg ne consiste point seulement 
dans le développement: matériel du commerce nouveau qu'elle: com- 
porte, bien que ce commerce soit destiné à fournir une nouvelle 
source de revenus aux divers intéressés dans les pêches marilimes du 
quartier de Cherbourg. L'effet le plus louable et le plus utile de cette 
innovation est dans l'assurance d’un travail régulier qu’elle donne aux 
pêcheurs à cordes, au lieu des chômages forcés quiiles retiennent au 
port sans pêche et sans salaire. Ainsi, grâce aux réserves d’amorces, 
le carital et les hommes actuellement engagés dans la pêche à Cher- 
bourg fourniront un travail ininterrompu et régulier, autant que le 
permettront les circonstances ‘atmosphériques et l'abondance du 
Poisson, il s'en suivra de plus:un: rendement plus considérable dans 
les captures, pour favoriser beaucoup d’alimention publique en Nor- 
mandie. 

Si nous nous efforcons d'évaluer en chiffres l'importance du trafic 
nouveau acquis ainsi à la pêche dans le port de Cherbourg seul, nous 
constatons les relevés suivants. 

A Cherbourg s'approvisionnent actuellement en moyenne quinze ba- 
teaux cordiers, que les difficultés inhérentes à l’approvisionnement 
d’amorces réduisent à ne travailler efectivement que dix jours par 
mois, ce qu'on exprime en disant que ees pêcheurs font en moyenne 
dix marées par mois, alors qu’ils pourraient atleindre aisément le to- 
tal mensuel de vingt marées avec de l’amorce à discrélion. 

Chaque bateau pêcheur consomme par marée 400 Harengs employes 
comme appâts. C'est donc, pour l'approvisionnement des 150 marées 
faites par les Cordières atterrissant à Cherbourg, : un «total de 
150 X 400 — 60,000 Harengs utilisés par mois. Jusqu'à 1896-1897, 
ces 60,000 Harengs pour amorces élaienf achetés:cà et là, en Angle- 
terre, à Guernesey principalement et ils arrivaient à Cherbourg pa- 
quetés, dans la glace, concassés, plusieurs jours après leur capture. 
Cette amorce était loin d'être aussi satisfaisante qu'on l'aurait'désiré 
et pourtant elle coûlait très cher aux pêcheurs normands, de 10 à 
15 francs, en moyenne 12 francs pour cent Harengs. Il: y avait donc 
par mois de disette d’amorces françaises, une importation anglaise 
s'élevant à 7.200 francs ; et celte importation peut se trouver rem- 
placée favorablement aujourd’hui par des amorces congelées, de très 
bonne qualité et vendues à meilleur compte à nos pêcheurs. 

En effet, le prix de vente de ces dernières peut s'élever à 6 ou 
10 francs, en moyenne à 8 francs le cent. Sur 60,000 Harengs, la four- 
niture d'amorces congelées établissant une économie moyenne ‘de 
4 francs par cent permeltrait aux pêcheurs:à cordes cherbourgeois 
de réaliser par mois une économie de 2,400 francs dans leurs frais gé- 
néraux, en même temps qu'elle réserverait aux Harengs de pêche fran- 
caise un débouché nouveau de 4,800 francs par mois. Elle conserve- 


TA 


EXTRAITS ET ANALYSES. 71 


rait, par suile, au commerce francais, une somme de 7,200 francs 
versée jusqu'alors aux mains des fournisseurs anglais. Le bénéfice 
total pour le port de Cherbourg serait donc de 14,400 francs par mois 
par le seul fait de la substitution de l’amorre congelée importée d’An- 
gleterre : encore n'escompterons-nous pas dans cette somme la plus- 
value obtenue dans le rendement de la pêche par l'emploi d’un appât 
mieux conservé et plus attractif pour le poisson. Tous ces avantages 
sont un bénéfice immédiat pour le commerce français el, nous pouvons 
le dire, un accroissement de richesse pour la France. 

Unautre bénéfice des réserves d'amorces congelées découle du tra- 
vail plus assidu que ces réserves permettront à nos pêcheurs Cher- 
bourgeois : au lieu de 10 marées par mois, avec de bonnes amorces, 
avons-nous dit, ces pêcheurs pourraient en faire 20, soit 10 warées en 
plus pour 15 bateaux. Avec 400 Harengs consommés par maree et par 
bateau, ceci ferait une consommation supplémentaire de 60,000 Ha- 
rengs par mois et, comme nous l'avons calculé précédemment, un nou- 
veau débouché pour la pêche haranguière et pour le commerce 
d’amorces évalué à 4,800 francs. En escomptant le produit net de ces 
nouvelles pêches à la valeur primitive des amorces importées (ce qui 
est‘un minimum très strict, comme le savent tous les intéressés dans 
la pêche à Cherbourg) nous arrivons néanmoins à une plus-value men- 
suelle des rendements des pêches, aux cordes montant à 12,000 francs, 
nouvelle somme apportée au commerce et à la pêche française par 
l'usage des amorces congelées. Nous ne tenons d’ailleurs en ceci aucun 
compte de l'augmentation (d'un tiers à la moitié en moyenne) qui résul- 
tera dans cetle valeur du poisson pêché, lorsqu'ilarrivera par les inter— 
médiaires accoutumés à la disposition du consommateur lui-même. 

‘Ainsi, au total, une augmentation de la richesse publique supérieure 
à 20,000 francs par mois découle de cette première introduction dans 
les'usages de la pêche côliere du procédé que nous avons fait con- 
naître en lfrance pour là conservation des amorces congelées. 

L'innovalion appliquée dès le début à Cherbourg où elle est à même 
de produire les conséquence économiques que nous venons de signa- 
ler durant une période de cinq à six mois chaque année, ne peut man- 
-quer de s'étendre à d’autres ports de pêche, dès que la nouvelle de 
l'entrée ‘du procédé dans la pratique industrielle sera connue des 
intéressés. 

Ca et là sur les côtes françaises les mêmes  disettes d’amorces 
existent qui contraignent à des chômages plus ou moins prolongés 
les pêcheurs cordiers qui nous occupent. Il en est de même en 
‘Europe dans d’autres nalions qui s'appliquent à la pêche. 

Peut-être même notre exemple y servira-l-il-de stimulant, en par- 
ticulier, chez les Hollandais et les Allemands qui exploitent la mer du 
Nord. Nous en trouvons un témoignage dans une excellente étude 
développée en septembre 1896, au congrès international des pêches 


72 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


de Berlin, sur la question de l’amorce envisagée au point de vue des 
pêcheries allemandes, par M. le D' Ehrenbaum, de l'Institut biolo- 
gique et aquicole d'Helgoland (Mitheilungen d. Deutsch. Seefischerei. 
Verein, 1896. 

En ce qui concerne les pêcheries françaises, nous avons été saisis 
depuis longtemps de demandes d'informations relatives au procédé de 
conservation des amorces par la congélation; depuis que nous 
l'avons recommandé et expérimenté pour la première fois en France, 
divers projets nous avaient été soumis pour des conseils et des ren- 
seignements. Peui-être ces projets eussent-ils été suivis d’applica- 
tion, si la station acquicole de Boulogne avait possédé en temps utile 
les movens d'action suffisants pour procéder dans tous les ports inté- 
ressés aux démonstrations pratiques capables de faire apprécier les 
qualités et la méthode si heureusement préconisée par nous à 
Cherbourg. 


20 Etude expérimentale du pouvoir de conservation des matières em- 
ployées pour préserver les filets de pêche. — Nous avons conlinué en 1896 
l'étude expérimentale du pouvoir de conservation des diverses ma- 
tières employées comme teintures préservatrices des filets de coton 
employés pour la pêche des Harengs, Maquereaux, etc., et qui se cor- 
rompent très rapidement à bord des grands bateaux pêcheurs du Nord 
de la France. ; 

Nous avons collaboré dans cette étude avec M. le Directeur du la- 
boratoire de chimie agricole et industrielle de Boulogne et nos essais 
combinés ont recu de précieux encouragements de la société agricole 
et des sciences industrielies de Boulogne. 

Les premiers résultats de ces études ont été publiés dans une bro- 
chure spéciale distribuée aux intéressés et dans une nole insérée dans 
le fascicule de juillet du Bulletin de pêches du ministère de la marine. 

L'observation méthodique des faits nous a montré que : 1° les pro- 
cédés usuels de tannage au cachou ; 2° les enduits de coaltar seul ou 
délayé d'huile de houille; 5° l’imbibition des filets blancs ou ca- 
choutés dans les huiles lourdes de houilles dites huiles créosotées 
sont d'excellents préservatifs contre les moisissures et la pourriture 
des filets de coton. Ces diverses méthodes ont pour effet de retarder 
plus ou moins l’'échauffement des fibres végétales mouillées et souillées 
par les impuretés (sang, mucus, plantes et animaux pélagiques) qui 
s'accumulent dans la cale des bateaux de pêche où sont remisés les 
filets à bord. 

Eu organisant nos expériences : 1° sur le filet blanc n'ayant subi 
aucune préparation ;-2° sur le filet cachouté ; 3° sur le filet cachoute 
puis coaltaré ; 4° sur le filet huilé; 5° sur le filet huilé puis coaltaré, 
de telle sorte qu’elles réalisent aussi exactement que possible les con- 
ditions auxquelles ces filets sont soumis. Durant leur séjour en mer 


EXTRAITS ET ANALYSES. 73 


dans les bateaux de pêche, nous nous sommes convaincus nettement 
que l’échauffement des matières organiques n’est pas la seule cause 
qui agisse dans la destruction des filets aux harengs, une croyance 
trop répandue parmi nos praticiens. 

D'autre part le filet cachouté et coaltére, le filet cachouté et huilé, 
le filet huilé et coallaré, de même que le filet simplement huilé se sont 
tous montrés plus enclins à l’échauffement que le filet simplement 
cachouté. Rigoureusement, s'il s'agissait de combattre simplement 
l’'échauffement, la préférence reviendrait donc à l’ancienne méthode, 
ce que nous ne pourrions soutenir devant les résultats des pratiques 
généralement adoptées el suivies depuis de longues années. 

À vrai dire, il n'existe dans les méthodes de préservation an- 
ciennes et nouvelles, aucun procédé qui permette à l’armateur d'éviter 
les soins attentifs et constants que réclament les filets en service dans 
la pêche. La croyance qu'on en avait eue, en ce qui concerne le trai- 
tement aux huiles créosotées a fait place à bien des déceptions qui se 
sont traduites par un revirement à peu près complet plus favorable au 
cachou. 


IV. — Questions diverses. 


Ecole pratique des Pêches maritimes. — Au cours de l’année 1896, 
nous vous avons informé, Monsieur le Ministre, des efforts tentés par 
nous, en vue de l’organisation d’une école pratique des pêches mari- 
times, annexée à la station aquicole de Boulogne. 

Vous avez bien voulu encourager ces efforts et nous permettre de 
réaliser cette fondation, en même temps que vous nous faisiez con- 
naître, par dépêche du 13 juin 1896, qu'il nous appartenait de pour- 
suivre nos démarches en vue dela garantie du budget supplémentaire 
réclamée pour la fondation de cette école par les Chambres de Com- 
merce intéressées dans cette fondation. 

Nous pouvons, Monsieur le Ministre, vous faire connaître dans ce 
rapport sur nos travaux de 1896, la réalisation de ce desideratum. Les 
Chambres de Commerce de Boulogne, Dunkerque et Calais sont en 
mesure de subventionner l’école pratique des pêches qui sera orga- 
nisée à bord du bâtiment à voiles le Zéphir que le département de la 
Marine nous a cédé et remis à Cherbourg, le 1° octobre 1896. Ces 
Chambres de Commerce prélèvent sur leur budget une partie des 
subventions; elles ont obtenu sur les sommes adjugées comme primes 
au développement de la marine marchande les compléments néces- 
saires pour parfaire leurs contributions. Ces sommes seront prochai- 
nement ordonnancées à l’adresse de la station aquicole et l’école des 
pêches annexée à cet établissement pourra dès lors s'organiser d’une 
manière définitive. 

Buil. Soc. na. Accl. Fr. 1898. — 6 


74 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Teiles sont les questions principales que nous avons traitées au 
cours de l’année 1896 dans les travaux de la station aquicole de Bou- 
logne. 

Nous nous sommes efforcés de remplir ainsi, dans toute la limite de 
nos moyens d'action, le rôle éminemment utile qui nous incombe dans 
l'étude méthodique des pêcheries du nord de la France, en vue de 
l'initiative des améliorations profilables aux grands intérêts que repré- 
sentent nos pêches nationales (1). 


>< 


LES ANIMAUX DOMESTIQUES DE L'ÉTAT INDÉPENDANT DU CONGO 


(MAMMIFÈRES ET OISEAUX), 
par E. MEULEMAN, vétérinaire de l’armée. 


Le Cheval n'existe pas à l'état naturel ou aborigène dans l'Etat 
indépendant du Congo. Ceux que l’on y rencontre sont d'importation 
récente et viennent le plus souvent des îles Canaries, parfois, mais 
plus rarement du Sénégal, de Lagos, de Sainte-Marie, de Bathurst. 

La Société des produits du Congo, en établissant son haras de l'ile 
de Mateba, a introduit un étalon et deux juments ardennais. Cette 
société a fait ainsi un essai qu’il était avantageux de tenter, étant 
donné que la présence de Chevaux sur les rives du grand fleuve 
africain démontrait la possibilité du parfait acclimatement de ceux-ci. 

Dans l’intérieur de l'Etat, outre les montures ayant conduit les 
voyageurs, il existe quelques Chevaux ramenés des sources du Chari 
par le commandant Hanolet qui les avait reçus en présent du Cheik 
Al-Sunusi. Ceux-ci appartiennent à la race barbe et sont destinés à 
former la souche d’un élevage que l’on tente à Makoanguay-Banzy ville, 
Yakoama& et Djabbir. 

L’Ane importé au Congo est généralement originaire des îles Cana- 
ries. Il est de taille moyenne, bien conformé, doué d’une résistance 
peu commune et rend énormément de services pour les explorations. 
Sa sobriété le fait préférer au Cheval; il se sustente parfaitement 
avec les herbes qu'il trouve aux environs des campements autour des- 
quels on le laisse brouter en liberté. 

Dans la partie Est de l'Etat, on rencontre une race africaine; l’Ane 
de Mascate, qui est pour le Nègre arabisé ce qu'est le Cheval pour 
l'Arabe du désert. Les grands chefs se font un luxe de couvrir leur 
monture de riches ‘harnais; ils l'entourent de soins spéciaux et ne 
consentent jamais à se séparer des sujets de valeur. 


(1) Rapport adressé à M. le Ministre de l'Agriculture, extrait du Bulletin du 
Ministère de l'Agriculture, novembre 1897. 


il 


EXTRAITS ET ANALYSES. 75 


Cet Ane est plus grand et plus vigoureux que le premier; la 
finesse, la correction et la beauté de ses formes, en Co en quelque 
‘sorte, le pur sang de son espèce. 

L'Etat possède quelques beaux reproducteurs de celte race, destinés 
à améliorer celle importée des Canaries. 

Le Mulet — Ce sont encore les îles Canaries et quelquefois le Por- 
tugal et le Sénégal qui fournissent les Mulets; mais ils sont moins 
répandus que les Anes et même que les Chevaux. Cela tient à leur 
prix élevé tout autant qu’à l'impossibilité de leur reproduction. Du 
reste l’Ane remplace parfaitement le Mulet dans ses divers services et 
n'est pas comme lui un animal de luxe; car si l’on paie 300 francs un 
bon baudet, on doit évaluer à 1500 et 1800 francs le prix d’une mule 
de réelle qualité. 

Le Bœuf est assez répandu dans le domaine de l'Etat; toutefois on 
ne le rencontre à l’état naturel que dans les districts du Kwango 
oriental, du Kossaï, du Lualaba, dans le Katanga, le Manyema, les 
environs. du lac Albert-Edouard et le Haut-Uelle. 

On doit à l'Etat indépendant et à diverses Sociétés commerciales de 


“lavoir introduit dans le Bas-Congo jusqu’au Stanley-Pool et des agents 


du Gouvernement en ont même conduit au prix de grandes difficultés 
jusqu'au Bangala. Ceux du Haut-Ubangi viennent du Wadaï. 

Le bétail du Bas-Congo, ainsi que celui du Kwango oriental et du 
Kassaï, est originaire des possessions portugaises situées au sud de 
l'embouchure du Congo. Il est bien constitué, fort, vigoureux, très 
rustique, est caractérisé par un garrot et un fanon très développés ; 
il fournit une chair de bonne qualité et le lait des vaches, bien qu’en 
petite quantité, est suffisamment riche pour êlre comparé à celui de 
quelques-unes de nos races européennes. 

Le bétail du Manyema est plus grand et remarquable par ses cornes 
très longues et très pointues. En quelques points de la région du Tan- 
ganiyka se rencontre le Zebu. 

Aux environs du lac Bangwelo existe une race à courtes cornes, 
rappelant celle de l’Alderney; au sud du Katanga, une race sans 
cornes; dans les environs des lacs Albert et Albert-Edouard, le bétail 
se ressent de la proximité du pays des Latuka et des Bari et appar- 
tient à la race hindoue (Zébu). Enfin, le bétail ramené des sources du 
Chari par le commandant Hanolet se rapproche plutôt, comme type, 
de celui de l’Angola, bien qu’il n’y ait entre les deux aucun lien de 
parenté. 

On comprendra aisément les avantages qui résultent de la présence 
du bétail dans les stations de l'Etat. C’est le point de départ d’une 
amélioration successive dans la nourriture du personnel blanc, et 
dans la suite, de celle du personnel noir. Aujourd’hui déjà, le lait, ré- 
servé avant tout aux fonctionnaires dont la santé laisse à désirer, 
est un aide puissant qui favorise leur guérison. 


" 


76 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Différents essais d'emploi du Bœuf comme animal de trait et de bât 
ont été tentés, et récemment, ils ont donné de bons résultats, au camp 
de Zambi, où les Bœufs, dressés à tirer la charrue et la herse, com- 
mencent à rendre de grands services à l’agriculture. Les habitants du 
sud de l'Etat nous ont initiés à un emploi du Bœuf peu connu dans 
nos pays européens; nous voulons parler du Bœuf de selle. Sans 
avoir la légèreté, la souplesse et la rapidité du Cheval, il n’en fait pas 
moins une excellente monture résistante, vigoureuse, marchant d'un 
pied sûr, et demandant peu de soins. Le dressage n’est ni long ni 
difficile, mais nécessite l'emploi de gens qui l’ont pratiqué, et on le 
comprendra mieux lorsque nous aurons dit que ce sont les taureaux 
les plus forts qui sont destinés à ce service. 

Les stations de Luzambo et de Luluabourg ont toujours un certain 
nombre de taureaux dressés qui sont de tous les voyages et reconnais- 
sances. C'est ainsi que le commandant Le Marinel se servit d’un 
taureau de selle lorsqu'il accompagna le major Von Wissmann jusqu’à 
Niangwe et lorsqu'il fit son voyage d’exploration au Katanga. 

Citons aussi le major Von Wissmann qui l’employa pour ses deux 
traversées de l'Afrique, la délimitation de la frontière congo-portu-. 
gaise dont chaque membre possédait un Bœuf de selle et il nous 
serait aisé d’allonger notre liste. Terminons en disant que tous ceux 
qui ont eu l'occasion de l’employer lui reconnaissent ces qualités maî- 
tresses : la force, l'endurance, la docilité et la sobriété. 

La Chèvre est également très répandue el c’est à peine si deux ou 
trois peuplades, tels les Niam-Niam du Nord n’en possèdent pas. 

L'espèce commune que l'on rencontre le plus généralement est, en 
Afrique, ce qu'elle est en Europe, avec cette seule différence qu’elle y 
donne moins de lait, mais en conservant toutes les qualités de sobriété, 
de rusticité et de reproduction. 

La Chèvre des Mangbettu est différente; elle a un camail de poils 
longs qui se prolonge sur toute l’épine dorsale; elle est de couleur 
chamois avec teinte plus foncée pour le camail. Le front est forte- 
ment busqué; les cornes longues et faiblement recourbées. 

Chaque station possède son troupeau de Chèvres destiné à contri- 
buer à la fourniture de viande fraîche au persunnel blanc. 

En Europe, sous l'influence d'un préjugé qu'il serait aussi difficile 
de définir que de justifier, nous ne nous faisons guère à l’idée de voir 
la chair de Chèvre entrer dans la consommation courante ; elle n’est 
cependant ni mauvaise ni dure et il n‘y a guère qu’à un vieux Bouc 
chargé d’ans et de vermine que l’on doive faire grâce en lui reniant, 
vis-à-vis de ses cadets, l’égalité devant la casserole. 

L'émasculation se pratique sur les boucs dans la Haute-Mongala et 
l'Ubangi-Dua. 

Le Mouton existe dans presque toute l'étendue de l'Etat indépen- 
dant et, si quelques peuplades du Nord, du Nord-Ouest et du Centre 


EXTRAITS ET ANALYSES. 77 


n'en possédaient plus à l’arrivée des agents de l'Etat, il faut en cher- 
cher bien souvent la cause dans les incursions et les razzias aux- 
quelles elles furent soumises, il y a peu d’années, de la part des 
Madhistes et des Arabes. 

Ce Mouton appartient à une race que l’on rencontre dans toute 
l'Afrique équatoriale et paraît être une variété de la race soudanaise. 
Elle est caractérisée par une toison de poils analogue à celle de la 
Chèvre. Chez le mâle, le poil de l’encolure, de la partie antérieure des 
épaules et du poitrail est long, tandis qu'il est court sur le restant du 
corps. Il forme ainsi un camail complet qui lui donne l’air d’un petit 
Bison. Cette ressemblance s’accentue encore par la présence de cornes 
spiralées semblables à celles que porte le Mérinos. 

Dans la Zone arabe et le Haut-Nil existe une variété à queue grosse 
rappelant les Moutons à queue trilobée de la Syrie (Ovis steatopyqa). 
Chez celui-ci, la queue est le siège d'un dépôt adipeux qui lui fait 
prendre des proportions volumineuses au point de fournir jusqu'à un 
kilo et plus de graisse. 

Le Mouton du Congo a la robe blanche et noire. C'est une grande 
exceplion que d’en trouver un qui soit d’une seule couleur. 

11 fournit sa chair qui est de bonne qualité, et dans certaines régions 
l’émasculation des Béliers se pratique couramment et donne à la chair 
une réelle finesse de goût. 

Quant au lait de Brebis, il est employé au même titre que le lait de 
Chèvre. 

Le Porc est moins répandu que le Mouton et la Chèvre; on le ren- 
contre surtout dans le sud et le centre de l'Etat, tandis qu'il fait 
défaut dans ie nord et l’est, où la religion musulmane semble avoir 
été la cause de sa disparition ou de sa non-introduction. 

Il appartient à la race Hérique dont il constitue une variété répan- 
due dans une grande partie de l'Afrique. Généralement, il a la peau 
et les soies noires, parfois {âchées de roux ou de blanc. 

En Afrique, le Porc a un rôle tout spécial à remplir. Il est chargé 
de la proprelé des alentours des villages et à ces fonctions il doit 
d’être le plus souvent atteint de ladrerie. Aussi les Européens ne con- 
sentent-ils guère à faire entrer dans leur ordinaire que la chair des 
porcs trés jeunes ou dont ils ont surveillé l’engraissement. 

En revanche, le Noir, qui ne s'arrête pas à si peu, est friand à 
l'excès de la viande du Porc. C'est pour lui la meilleure et la plus 
chère, celle qui est de tous les festins. Dans la région des Cataractes, 
l'importance d'un marché est cotée au nombre de Porcs abattus et 
débités et c’est pour les vendeurs une réelle source de profits. 

Les Mangbetier ont à moitié domestiqué le Porc sauvage. 

Le Chien du Congo est celui de toute l’Afrique équatoriale, une 
race propre à cette contrée et ayant beaucoup d’affinités avec celle 
que l’on rencontre chez les peuples primitifs de l’Asie, l'Amérique et 


COTE PNR TS D CS 2 


78 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


l'Océanie. C'est le Chien sauvage réduit à la domesticité par plusieurs 
siècles de çontact avec l’homme qui a tiré parti de ses qualités spé- 
ciales pour la chasse. Ce n’est pas cependant que celui du Congo soit 
bien remarquable à ce point de vue; beaucoup de peuplades qui ne 
s’adonnent pas à ce sport ont laissé se perdre cette faculté précieuse, 
tandis que d’autres l'ont entretenue et se sont fait du Chien un puis- 
sant auxiliaire dans leurs courses de tous les jours à la recherche de 
leur nourriture. 

Chez les premières, que nous trouvons surtout le long des rivières, 
le Chien devient, dès qu'on a franchi l'Inkisi, un animal comestible 
très recherché et l'on pourrait facilement dénombrer les peuplades 
du Haut-Congo pour qui les Caniches ne sont pas une denrée très 
prisée. 

L'on serait tenté de croire, qu’étant donnes ces deux emplois, l’indi- 
gene prodigue ses soins au plus fidèle ami de l’homme; il n’en est 
rien. Cette bête utile se ncurrit comme elle peut, se glisse furtivement 
la nuit dans les cases où elle dort, blotiie dans un coin, et, pour avoir 
une idée exacte de l'indifférence que lui témoigne le Nègre, il suffirait 
de connaître la besogne révoltante à laquelle les chiens ont dû en 
venir pour se pourvoir de nourriture. 

Le Nègre bakongo a, au sujet du Chien, deux croyances assez sin- 
gulières; un Chien est-il pris en flagrant délit de vol, il lui coupe les 
oreilles afin qu'il ne commette plus de nouveaux larcins, veut-il le 
faire grandir, il lui coupe la queue. 

Ainsi que nous l’avons dit, le Chien du Congo rappelle celui du 
type primitif à tête conique, à mâchoire supérieure pointue et forte- 
ment proéminente, à oreilles droites. Le corps fortement levretté 
devient cylindrique chez ceux qui sont gras, la queue est nouée 
comme chez le Bouledogue et le Carlin ou portée fortement courbée 
sur le dos. 

Dans le Haut Naboma et le Soudan existe une variété de Chiens 
rappelant beaucoup le Sloughi ou Lévrier des Arabes et il n’en 
diffère que par des proportions moindres et des oreilles attachées trop 
bas; il a beaucoup de vitesse et acquiert une certaine valeur lorsqu'il 
est bien dressé à la chasse. 

Signalons en passant que la rage n'a jamais été constatée dans 
l'Afrique équatoriale. 

Le Chat est d’origine européenne et se rencontre seulement dans 
certaines stations. Il est quelquefois remplacé par la Civette. 

La Poule du Congo est la Poule commune à plumage excessive- 
ment varié. Elle est de taille moyenne; on en fait une telle consom- 
mation que le Noir ne conserve guère que ce qu’il lui faut de pon- 
deuses pour assurer son commerce. En cela il est prévoyant, mais il 
ne songe pas à améliorer la race qui gagnerait beaucoup à avoir plus 
de taille. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 79 


Les Arabes ont importé une Poule de taille plus grande, haute sur- 
tout sur pattes. 

La Poule est, dans certaines régions peu riches en vivres frais, la 
base de l'alimentation du personnel blanc des stations. Aussi l’imagi- 
nation et l'initiative des Européens ont trouvé à la préparer avec des 
procédés qui feraient se pâmer nos Vatels en renom. Au surplus, les 
cuisiniers noirs, pâles émules de Brillat-Savarin, mettent-ils à 
varier les menus, un soin dont on ne les soupconnerait guère 
capables. 

Les œufs sont assez difficiles à obtenir en général à l’état frais; le 
Noir préfère les garder pour les faire couver. li les mange rarement 
et ne les aime que fortement avancés. 

Le Canard ne se rencontre que dans les régions dont les habitauts 
ont un commerce suivi avec la côte; il est d’origine européenne et 
paraît avoir été importé par les Portugais. La seule race introduite 
est le Canard de Barbarie, gros et volumineux, à tête garnie de caron- 
cules écarlates. 

. Quant aux races de Canards sauvages, elles sont très nombreuses. 

Le Pigeon — le Bizet et le Pigeon voyageur que l'on lrouve dans 
beaucoup de stations sont d'origine européenne. On en voit parfois 
chez les indigènes, mais c'est là une exception. 

Leur acclimatement s’est fait facilement, ils sont restés très proli- 
fiques, mais ont perdu toule habitude de s'éloigner du pigeonnier. 
D'aucuns prétendent que la présence de nombreux Oiseaux de proie 
a été la cause efficiente de ce changement dans leurs mœurs et, à 
vrai dire, nous n’en voyons guêre d'autre qui puisse le justifier. 
Toujours est-il que leur vie se passe entre le toit des habitations et 
le pigeonnier; il est excessivement rare de les voir s'élever et tourner 
longtemps dans les airs, comme ils le font ici. 

Enfin rappelons les expériences de communications par pigeons 
voyageurs qui furent faites dans le Bas-Congo en 1888. Elles eurent 
un résultat satisfaisant, mais elles furent abandonnées comme offrant 
trop de difficultés pratiques (1). 


>< 


LA QUESTION DES PETITS OISEAUX. 


Une proposition de loi vient d’être déposée à la Chambre, visant la 
protection des petits Oiseaux. 
L'exposé des motifs est vraiment suggestif et donne des détails 


(4) Extrait du volume publié par les soins du lieutenant Masui sous le titre 
de Guide de la Section de l'Etat indépendant du Congo à l'Exposition de 
Bruxelles-Tervueren en 1897. 


80 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


dont on ne se doute pas. Ainsi le comte du Périer de Larsan, auteur 
du projet, constate que de septembre à février une partie de son arron= 
dissement se couvre de lacets à un crin. Tout ce qui passe dans l'air 
est pris. 

Et c'est de cette facon qu'un calcul, fait dans quelques stations du 
chemin de fer traversant la partie landaise du département de la Gi- 
ronde, des Oiseaux tués et exportés pendant une saison, a donné le 
chiffre de 17,000 kilos de petits Oiseaux expédiés en messagerie par 
chemin de fer et 8,000 kilos par voitures, en tout 25,000 kilos. 

En fixant à une moyenne de 33 grammes le poids de chaque Oiseau, 
on arrive au chiffre de 750,000 petits Oiseaux détruits en quelques 
mois dans une région seulement ! 

Or, si on considère que les entomologistes évaluent à deux cents 
le nombre de larves, insectes, chenilles, chrysalides, pucerons que 
dévore par jour un petit Oiseau, on arrive à cette constatation que les 
pauvres oiselets tués auraient, dans une année, débarrassé la terre de 
55 milliards d'insectes! 

Le Moineau, lui-même, si redoutable en tant que granivore, rend de 
grands services au printemps quand il est insectivore. 

« Si l’on compte, dit M. Pélicot, 50 millions de moineaux en France, 
et s'ils détruisent 4 livres de blé à 22 francs les 100 kilos, leurs dépré- 
dations s'élèvent à 22 millions de francs. C’est leur budget. Mais, en 
regard, chacun d'eux détruisant par semaine au moins 1,680 Chenilles 
et 360 Hannetons (en douze jours et par nichée), on arrive au chiffre 
très respectable de 84 billions de Chenilles dévorces en une semaine, 
et de 16 billions de Hannetons en douze jours pour toute la France. » 

Cela se compense bien ! 

L'Italie, l'Autriche, l'Allemagne se sont entendues pour protéger 
l'Oiseau. De même en Suisse. La France fera-t-elle quelque chose ? 

Il y a bien eu un congrès ornithologique à Paris en 1895. Mais 
après des séances, intéressantesd'’ailleurs, chacun est rentré chez soi. 
Ce qui démontre qu'il ne faut pas attendre une entente internationale 
et agir nous-mêmes, seuls. 


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umon de Californie à l'Ecole de viticulture de Éne Extrait d’une note de M. J. ES 
VOIRIN, professeur à l'Ecole. .......... ED CE DO OO AO El TO D 104 Ce 
de Székély. Expériences faites par E. J OUZIER, ingénieur agronome, professeur | à 
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ocièté ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
s par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


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LA PERRUCHE ONDULÉE (I) 


par F. MÉREL. 


La Perruche ondulée (Melopsillacus undulalus) appartient 
au genre Perroquet, mais c’est un Perroquet minuscule, au 
gazouillement doux et harmonieux qui ne rappelle en rien, 
fort heureusement, les cris assourdissants de ses congénères. 
Cette jolie espèce, classée parmi les Euphèmes, est originaire 
de l'Australie, et n’a rien de commun avec l'inséparable (A ga- 
pornis pullaria), originaire des Moluques. 

La forme générale rappelle l'Hirondelle, moins la queue 
qui se déploie en éventail comme celle du Faisan. L'ensemble 
du plumage est vert tendre. Le bec est d’un jaune vieil 
ivoire, la membrane qui en forme la base et qui constitue 
son appareil nasal est bleue chez le mâle adulte et chez la 
femelle, d’un brun que l'approche de la ponte rend de plus en 
plus foncé. Disons en passant que les femelles étant toujours 
plus chères que les mâles, et que la seule différence étant dans 
la couleur du nez, les marchands peu scrupuleux font des fe- 
melles avec des mâles en humectant à ceux-ci l’appareil nasal 
et en le brunissant au crayon de nitrate d'argent. — La 
tête, la gorge et les joues sont jaunes, une tache d’un beau 
bleu agrémente celle-ci, au-dessus, quelques petits points 
noirs forment comme ses satellites. La nuque et le cou sont 
vert jaunâtre finement zébré de noir. Le dos est également 
vert jaunâtre, les ailes sont marbrées de noir. Le dessus du 
corps est vert pomme, la queue est composée de plumes 
bleues et jaunes qui s’étagent en forme d’éventail. La patte 
courte est, chez l'Oiseau importé, d'un bleu ardoise très ca= 
ractéristique, tandis que chez les sujets nés en Europe elle 
est gris rosé, et blanche chez les dégénérés. Les jeunes su- 
jets sont d’un vert plus tendre, les ondulations sont moins 
accentuées, la tête est zébrée de raies vertes et jaunes, le 
bec est rosé, les sexes sont donc dans le jeune âge très diffi- 
ciles à distinguer. L'Ondulée, comme tous les Oiseaux d’Aus- 


(1) Communication faite à la séance générale du 11 mars 1898. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 7. 


82 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


tralie, est très rustique et s’acclimate bien dans l’Europe cen- 
trale. Les meilleures et les plus recherchées sont celles qui 
sont nées en France d'Oiseaux réellement importés, mais 
ce sont là des sujets assez rares. La reproduction de Per- 
ruches importées ne s'obtient pas en effet aussi facilement que 
l’on pourrait bien le croire. Le long voyage qu’elles ont à su- 
bir dans des conditions déplorables, à bord des voiliers, fait 
qu'à l’arrivée elles sont en fort mauvais état. Il y a parmi ces 
captifs des vieux sujets qui constituent une perte sèche, car 
ils ne tardent pas à périr, et parmi les jeunes beaucoup ne 


« 


peuvent arriver à se remettre de la traversée. Quand on est 
arrivé à sauver quelques couples, la plus grande difficulté 
n’est pas résolue. Notre saison d’hiver correspondant à leur 
saison d'été, ces Oiseaux demandent à reproduire dans 
les mois les plus froids de l’année, et c’est ce qu'il faut 
éviter à tout prix, car ils s’épuiseraient ainsi inutilement. Il 
ne faut donc laisser en volière les Perruches importées que 
l'on a réussi à acclimater qu’au printemps, et empêcher 
l'hiver toute velléité de reproduction en les tenant en cage et 
même en séparant les sexes. 

Supposons donc l'amateur en possession de quelques bons 
couples bien acclimatés ou issus d’importés, et le printemps 
venu, la première chose à faire est de les installer. La meil- 
leure exposition est celle du levant. Les Oiseaux ont ainsi les 
premiers rayons du soleil pour se réchauffer de l’engourdis- 
sement de la nuit et ils sont à l’abri des ardeurs du midi. 
Pour dix à douze couples d'Ondulées il faut un emplacement 
de 6 mètres carrés. L'endroit étant choisi, de préférence 
contre un mur bien exposé, on défoncera le sol sur toute la 
surface que devra occuper la volière à environ 0,30 centi- 
mètres de profondeur. Dans le fond, bien aplani, on placera 
un grillage à mailles assez fines pour que les Souris, qui 
gâächent et salissent la nourriture, ne puissent s’introduire 
par le sol, puis on montera sur ce grillage les petits murs 
qui doivent former le soubassement destiné à recevoir les 
trois parties de l'installation, c'est-à-dire l'abri complet, le 
demi-abri et l’air libre. 

L’abri complet est une cabane ou plutôt un placard adossé 
au mur, large de 2 mètres, profond de 1 mètre et haut de 
2,50. La façade, qui sera mobile pour que l’on puisse l’en- 
lever l'été, est percée au milieu d’une porte et de deux 


LA PERRUCHE ONDULÉE. 83 


petites baies vitrées pour éclairer l’intérieur. Au-dessus de la 
porte, tout le long de la facade, on percera des trous de 
0,03 centimètres de diamètre. Au-dessus de ces trous, for- 
mant étagère, on clouera une petite tablette pour que les 
Perruches puissent y séjourner, ce sera leur balcon. Le 
demi-abri est constitué par le toit qui avance d’un mètre, les 
côtés au lieu d'être en planches comme dans l’abri complet 
sont en grillage. La Perruche ondulée ayant souvent la dé- 
plorable habitude de dormir accrochée au grillage, il sera 
utile pour éviter les invalides de clouer deux grillages sur 
les poteaux formant le bâti qui devront avoir au moins 
0,05 centimètres d'épaisseur. 

Le premier, de la même maille que celui qui a été enfoui 
dans le sol, sera placé sur la face intérieure des poteaux, le 
second, à maille plus large sur la face extérieure. Ces gril- 
lages étant ainsi écartés de toute l'épaisseur des poteaux, 
empêécheront les Chats de dévorer les pattes des Perruches 
imprudentes. Il suffira pour terminer l'installation de ména- 
ger une porte assez basse dont le bout de la partie à air libre, 
puis de remettre de la terre dans cette partie et du sable 
dans les autres Dans la partie à air libre, qui sera le jardin 
de ces intéressants pensionnaires, on aura soin de planter 
quelques Thuyas, car les Perruches aiment beaucoup cet 
arbuste, et il sera nécessaire de les remplacer tous les ans. 

I1 ne reste plus qu’à placer les perchoiïirs et les büûches. 
Celles que l’on trouve chez les marchands ne conviennent 
pas. La büche pour être acceptée par la Perruche devra lui 
inspirer confiance, et c’est par sa forme, son volume et 
la facon dont sera placé le trou d'entrée que l’on arrivera à 
donner à l'Oiseau l'illusion de la sécurité. Les büches devront 
avoir, dimensions prises à l’intérieur : profondeur 0,28 centi- 
mètres, diamètre 0,19. Le trou d'entrée de 0,03 de diamètre 
sera percé à 0,05 du sommet et à 0,20 du fond. La partie su- 
périeure sera fermée par un couvercle attaché à la büche 
par un clou fixé dans un coin, de façon qu’on puisse le tour 
ner. Ce couvercle ne devra pas fermer hermétiquement afin 
de laisser échapper la buée qui se dégage des jeunes en moi- 
teur. Quelques amateurs conseillent de mettre deux büches 
par couple. L'expérience m'ayant démontré que presque ja- 
mais les couples ne changent de nid, c'est une dépense inu- 
tile. Les premières années, je mettais deux büûches par 


84 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


couple, afin de décider les femelles à pondre aussitôt que 
les jeunes commencent à grandir. Ces büches doubles sont 
toujours restées inhabitées. Les femelles préféraient pondre 
dans la première, même avant le départ des jeunes, ce qui 
fait que ceux-ci commençaient à couver les œufs ayant que 
la ponte ne füt complète C’est ce qui explique pourquoi dans 
les nichées il y a des jeunes à peine emplumés alors que les 
ainés commencent quelquefois à sortir, ce qui n'arrive 
qu’au moment où ils sont grands comme père et mère. On 
place les büches sous l’abri complet et quelques-unes sous le 
demi-abri à hauteur convenable pour que l’on puisse facile- 
ment les décrocher pour les visiter et les nettoyer après 
chaque couvée, ce qui est indispensable. 

La visite des nids n’a aucun inconvénient, l'Ondulée 
n’abandonnant jamais sa famille, et cela permet de surveiller 
les couvées, d'enlever et de remplacer les femelles qui vien- 
draient à mourir sur leurs œufs. Ce dernier point est très 
important, car il faut veiller avec soin à ce qu'il y ait tou- 
jours autant de femelles que de mâles pour que la bonne 
entente règne entre toutes les couvées. La voïière terminée, 
meublée et les grands froids passés, il ne reste plus qu’à là- 
cher les Perruches et à songer à leur alimentation en vue 
d'une bonne reproduction. 

On nourrit la Perruche ondulée de Millet, d'Alpiste et de 
Mouron; mais avec cet ordinaire, la captivité aidant,on a vite 
des sujets anémiés et des générations de dégénérés. Ce sont 
d’abord les grandes plumes des ailes et de la queue qui 
manquent aux jeunes ou qui sont coupées par les parents, 
probablement pour en sucer le sang ; puis peu à peu arrive 
la calvitie complète. Dans le premier cas on peut encore tirer 
parti des jeunes, qui, sous le nom de trognons, trouvent pre- 
neurs, parce qu'ils servent aux marchands à tromper les 
amateurs peu connaisseurs à la recherche d’Oiseaux nés en 
France, en leur assurant que les plumes pousseront ce qui 
n'arrive jamais. Quand les jeunes sont complètement déplu- 
més il n'y a qu'à les tuer et ce n’est pas chose facile, car ils 
ont la vie extrêmement dure. 

J'ai remarqué que, plus la dégénérescence était accentuée, 
plus nombreux étaient les jeunes. Il faut croire que dans cette 
espèce les facultés prolifiques sont en raison inverse de la 
qualité physique des sujets. 


LA PERRUCHE ONDULÉE. 83 


Pour obtenir de beaux produits, il ne faut donc pas se con- 
tenter de leur distribuer du Millet et de l’Alpiste, car si en 
captivité la Perruche ondulée se contente de graines il n’en 
est pas de même en liberté. — Les gros spécimens de cet 
ordre sont omnivores et font dans leurs pays des dégâts par- 
fois considérables. — Au moment des nichées les grosses es- 
pèces n'hésitent pas, en effet, à s’abattre sur les troupeaux 
de Moutons et solidement accrochés dans la toison de leurs 
victimes ils frappent avec leur bec terrible sur la tête de ces 
animaux jusqu'à ce qu'ils aient fait un trou suffisant pour 
vider complètement la boite cranienne. Les petits Perroquets 
comme l’Ondulée profitent de ce carnage et viennent manger 
les restes. J’ai observé le fait dans mes volières. J’ai surpris 
plusieurs fois des Ondulées accrochées sur le dos de Colins 
de Californie et cherchant à leur défoncer la tête; mais 
comme le Colin est un oiseau très remuant, l'instabilité fai- 
sait perdre aux Perruches leurs moyens d'action, et les petits 
Gallinacés s’en débarrassaient assez bien. L'Ondulée a donc 
besoin d’une nourriture animalisée, mais laquelle? La cer- 
velle de Mouton se présente naturellement à notre esprit, 
mais outre qu’il faut la leur servir très fraiche pour qu’elles 
daignent y goûter, c’est un aliment cher, qui se corrompt ra- 
pidement, et n’est pas sans danger. Après bien des essais et 
des expériences de plusieurs années, j'ai été amené à sup- 
poser que c'était l'acide phosphorique de la cervelle qui était 
l’aliment indispensable à la Perruche ; et les résultats surpre- 
nants que j'ai obtenus en leur offrant une pâtée azotée, où le 
phosphate de chaux rendu assimilable entrait dans une cer- 
taine proportion, mont prouvé jusqu à l'évidence que je ne 
m'étais pas trompé. En fournissant à l'Ondulée, en plus des 
graines ordinaires, les éléments toniques dont je viens de 
parler on obtiendra d'elle tout ce que l’on voudra. De février 
à novembre les couvées se succèderont dans les bûches sans 
interruption et on aura la satisfaction, tout en observant les 
mœurs si intéressantes de cet Oiseau, d’avoir des jeunes nom- 
breux et aussi vigoureux que s'ils étaient nés en liberté. 

La Perruche ondulée, une fois acclimatée et bien nourrie, 
est rarement malade. C’est la congestion causée par la trop 
grande chaleur qui, si on n’y prend garde, fait le plus de vic- 
times. Comme cet Oiseau ne se baigne qu’en se plaçant sous 
la pluie, il importe l'été, où les jours pluvieux sont rares, de 


86 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


lui fournir de temps en temps son bain privilégié, soit au 
moyen d'un jet d'eau soit avec un arrosoir muni d'une 
pomme. Quelques sujets et, plus particulièrement, les fe- 
melles mal nourries, qui se laissent aller à ronger les ailes et 
les pattes de leurs petits, sunt parfois atteints de cécité com- 
plète. Je n'ai pu diagnostiquer ce mal, mais j'en ai trouvé le 
remède. Quand on trouve un Oiseau dans cet état, paupières 
fermées et soudées ensemble, joues déplumées, il suffit de lui 
badigeonner le tour des paupières avec de la teinture d'iode 
en prenant bien garde d'en mettre sur la suture qui les joint, 
et de placer le malade à l'infirmerie. 

Au bout de deux ou trois applications d'iode, il se forme 
des croûtes qui tombent, les paupières se rouvrent, et l'œil 
reprend bientôt son état normal. Les femelles périssent aussi 
au moment de la ponte, faute de soins. Quand on s'aperçoit, 
quelques jours après l'accouplement, qu’une femelle fait le 
gros dos, il y a neuf chances sur dix pour que ce malaise soit 
causé par l'arrêt de l'œuf. 

Après s’en être assuré, il suffit d'humecter d'huile la partie 
souffrante et de maintenir la malade quelques minutes au- 
dessus de la vapeur d’eau, puis de la placer dans une petite 
cage. Au bout de deux ou trois heures on y trouvera l'œuf, 
objet de l'accident. 

L'élevage de l'Ondulée donne lieu à un commerce impor- 
tant. Des grandes Perrucheries se livrent à cette industrie, 
qui était assez remunératrice il y a une quinzaine d'années, 
époque à laquelle ces Oiseaux valaient encore 10 à 15 francs 
le couple. Les prix actuels de 5 fr. le couple, payant à peine 
les frais de nourriture, beaucoup d'amateurs ont abandonné 
cet élevage. Il existe parait-il deux variétés d'Ondulées, la 
jaune et la bleue. J'ai eu l’occasion de posséder des jaunes qui 
s'obtiennent en sélectionnant les sujets jaunâtres que l'on 
trouve quelquefois dans les couvées ordinaires et dont la 
cause est de l’albinisme. 

Quant à la variété bleue annoncée par nos voisins les 
Belges, je n’ai jamais pu en voir un seul sujet et je crois, jus- 
qu'à preuve du contraire, que c'est une autre espèce et non 
une variété de l'Ondulée. 


87 


L'ALBINISME ET LE MÉLANISME 


CHEZ LE CANARD SAUVAGE //ANAS BOSCHAS) (1) 


par Gabriel ROGERON. 


La domesticité est, on sait, une cause d’albinisme et de 
mélanisme chez les animaux ; il n’est point d'espèce depuis 
longtemps domestiquée qui ait pu échapper à cette loi. 
Cependant tous les individus dans chaque espèce n’y sont pas 
soumis, beaucoup s’y soustraient continuant à porter la 
livrée primitive (2), tandis que les autres sont plus ou moins 
atteints d’albinisme ou de mélanisme au point de devenir 
entièrement de l’une ou de l’autre de ces deux couleurs, qui 
peuvent d’ailleurs se combiner, se mélanger à l'infini entre 
elles et avec la couleur primitive. 

A l’état sauvage on retrouve cependant parfois ces mêmes 
modifications; mais chose singulière, elles semblent avoir lieu 
en raison directe du voisinage et des rapports de ces animaux 
avec l’homme, et, chose plus singulière encore, en raison des 
rapports qu'ils pourront avoir plus tard avec lui, c’est-à-dire 
de leur prédisposition à la domesticité. On dirait que l’homme 
influe sur leur coloration, et cela en proportion de ses rela- 
tions avec eux. Les espèces domestiques, sous la puissance 
directe de l’homme et, par là même, en relations perpétuelles 
avec lui, sont, en effet, je le repète, toutes sans exceptions 
soumises à l’albinisme ou au mélanisme. Maïs certaines de 
celles qui, bien que sauvages et parfaitement indépendantes, 
l'approchent de très près, ne sont pas exemptes de cette 
influence et offrent des cas hien plus fréquents de ces sortes 
d’aberrations que celles qui vivent en dehors de sa sphère et 
loin de son voisinage. 

Ainsi, sans parler des Souris et Rats blancs, le Moineau 
qui bien que parfaitement indépendant, approche de très près 


(1) Mémoire lu au Congrès des Sociétés savantes le 23 avril 1897. 
(2) Avec des nuances cependant presque toujours affaiblies. 


88 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


l'homme et vit souvent de sa nourriture (1) est fréquemment 
atteint d’albinisme, au moins partiel. Le Choucas habitant 
avec nous nos cités en présente également quelquefois des 
cas, et il en a fréquemment des atteintes dès qu'il se trouve 
à l'état de captivité; j'en ai possédé moi-même qui étaient 
devenus en partie gris et mélangés de blanc sur le dos, les 
ailes et la queue: le même fait s’est reproduit chez d’au- 
tres personnes, tandis que je n'ai jamais été témoin des 
mêmes faits, même en captivité, chez les Corneilles et les 
Freux qui à l'état sauvage vivent plus éloignés de nous. 
Enfin chez les Canards, le Canard sauvage (Anas Boschas), 
la souche de nos Canards domestiques, est le seul de sa nom- 
breuse famille à revêtir assez souvent ces couleurs blanches 
et noires ; et ces variations de plumage sont infiniment plus 
communes chez les Canards qui nous fréquentent de plus 
près, qui habitent pour ainsi dire parmi nous, connus en 
Anjou sous le nom de Canards d'Etangs, que chez les Canards 
sauvages de passage arrivant sans doute des régions 
inhabitées de l'extrême Nord. 

Peu de Canards d'étangs sont entièrement blancs. Dans la 
grande généralité des cas, cette couleur envahit seulement 
une partie plus ou moins étendue de leur plumage, laissant le 
reste avec ses nuances primitives. Il est des parties du corps 
plus rebelles à l’albinisme ; rarement la tête en est atteinte; 
aussi conserve-t-elle d'ordinaire son vert éclatant. Il er est 
tout autrement du bas du cou où le blanc se porte de préfé- 
rence, élargissant le collier chez le mäle d’une facon démesurée 
au point d'envahir parfois le jabot en totalité ou en partie, 
ainsi que tout l'avant du corps de l'oiseau. La femelle d'ail- 
leurs, est sujette à ces mêmes transformations de son plumage 
gris ou blanc. Les côtés du corps, les rémiges en tout ou 
partie, les plumes secondaires des ailes, peuvent également 
être colorées de blanc. Alors, dans ce dernier cas, le beau 
miroir bleu, si éclatant chezles deux sexes, se trouve décoloré 


complètement. À voir ces taches de blanc plus ou moins 


étendues suivant les individus, on dirait qu'un acide répandu 
sur le plumage l’a décoloré par places en laissant intacts les 
endroits non atteints. Cependant ce n’est pas toujours le 
hasard qui préside dans la distribution de ces taches, il existe 


(1) C’est peut-être même dans cette nourriture délicate et variée qu'il faut 
chercher le germe de l'albinisme. 


L’ALBINISME ET LE MÉLANISME CHEZ LE CANARD SAUVAGE. 89 


d'ordinaire dans cette décoloration une certaine symétrie, 
aussi rarement un côté de l'oiseau sera différent de l’autre, et 
si par exemple trois ou quatre rémiges d’une aile sont blan- 
ches, celles correspondantes de l’autre aile le sont aussi. 

Quand le Canard ou la Cane doivent être entièrement 
blancs, ou si le blanc doit dominer dans certaines parties du 
corps, dès la sortie de l'œuf il est facile de prévoir la livrée 
future. Les jeunes canards nouvellement éclos sur le fond 
jaune pâle de leur duvet sont marqués de taches brunes ré- 
gulières qui correspondent aux parties les plus foncées de 
l'Oiseau emplumé (1). Si ces taches sont plus ou moins 
absentes, c’est qu'il sera également plus ou moins atteint 
d’albinisme au point de devenir parfois entièrement blanc, et 
le blanc correspondra toujours aux endroits où le brun aura 
été supprimé. 

Le blanc, produit de l’albinisme chez le Canard, comme 
du reste chez les autres oiseaux qui en sont atteints, ne se 
modifie jamais. Je veux dire que, si par exemple c’est un 
mâle, les mues qui d'ordinaire apportent tant de changement 
dans le plumage de cette espèce, laisseront toujours ici le 
blanc dans toute sa pureté, tandis que le reste du corps qui 
n'aura pas été atteint d’albinisme revêtira suivant les mues 
et les saisons les nuances habituelles, de telle sorte que le 
jeune canard dont le plumage gris sera maculé de plusieurs 
taches blanches perdra à la mue d'automne toutes ses cou- 
leurs hormis aux parties blanches qui ne changeront pas. Il 
n’en sera plus ainsi, si le blanc n’est pas le produit de l’albi- 
nisme, mais dela coloration naturelle des mâles revêtant leur 
beau plumage, comme le collier blanc faisant partie de son 
uniforme réglementaire qui disparaitra ou reparaîtra suivant 
les mues, tandis que les autres taches blanches, résultat de 
lPalbinisme, que sa livrée pourra porter par ailleurs, seront 
indélébiles. 

Le mélanisme chez le Canard sauvage procède de même 
que l’albinisme dans le premier âge. Seulement le corps du 
jeune Canard, au lieu d’être uniformément jaune pâle, est 
entièrement envahi par le noir de suie, sans qu’on puisse 


(1) Ainsi le dessous du corps, du cou, les côtés de la face sont jaunes, et le 
dessus du corps est brun coupé de jaune en quatre endroits, à la place des ailes 
et sur les reins au-dessus des cuisses. Sur l'œil se trouve également une tache 
brune oblongue ; le dessus de la tête est brun. 


90 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


apercevoir la moindre trace des taches symétriques que por- 
tent les lamellirostres de presque toutes les espèces. Mais 
cette couleur ne présente pas la même intensité après le pre- 
mier âge que le blanc chez les albinos. Une fois que les 
plumes ont remplacé le duvet, le mélanisme se traduit alors 
par un plumage seulement un peu plus sombre chez la 
femelle et chez les jeunes; la tête est entièrement d’un gris 
foncé uniforme sans lignes blanchâtres au-dessus et au-des- 
sous des yeux comme chez la Cane sauvage, le reste du corps 
est également de couleur uniforme; il ne s’y trouve plus ces 
nuances plus pâles qui correspondent aux parties jaunes du 
jeune oiseau en duvet. Quant au miroir de l'aile, il a perdu sa 
couleur bleu éclatant, pour devenir entièrement d’un noir 
plus ou moins velouté et foncé suivant les individus. Mais là 
ne s’arrête pas la différence avec l’albinisme qui est toujours 
immuable quels que soient le sexe et la saison. Aïnsi le mâle, 
à la seconde mue, revétira le beau plumage de sa race, mais 
néanmoins avec de notables changements. Il aura la tête et le 
cou verts, le corps cendré, le dos et le croupion noirs, seule- 
ment il lui manquera plusieurs pièces de l’uniforme régle- 
mentaire : le collier blanc, le plastron marron et le miroir 
bleu. Le marron du jabot aura été remplacé par le cendré, 
lequel à envahi toute la partie antérieure du corps pour se 
souder directement au vert du cou et absorber également le 
petit collier blanc; le miroir bleu de l’aile continuera à être 
remplacé par du noir velouté. On rencontre fréquemment sur 
nos marchés ces Canards atteints de mélanisme. La plupart 
proviennent, de même que ceux atteints d’albinisme, de nos 
étangs et marais où ils sont d'ordinaire sédentaires. 

Mais ces cas d’albinisme et de mélanisme, beaucoup plus 
fréquents chez nos Canards d'étangs que chez les Canards de 
passage, deviennent encore infiniment plus nombreux dès 
qu'on les possède à l’état de captivité (1),même si ces Canards 
apprivoisés appartiennent aux plus pures races de passage, 
ainsi que je vais chercher à le démontrer par quelques exem- 
ples qui me sont personnels. 

Le premier cas d’albinisme qui s’est produit chez moi n’a- 
vait pas néanmoins eu lieu parmi des Canards de bien pure 
race; plus tard il en fut autrement. Mais il me semble plus 
naturel de procéder suivant l’ordre des dates. 


(1) Ou même simplement apprivoisés et jouissant de leurs ailes. —. 


Ex. 


L’ALBINISME ET LE MÉLANISME CHEZ LE CANARD SAUVAGE. 94 


Je possédais alors plusieurs couples de ces Canards connus 
en Anjou sous le nom de Canards de chasse ou d’appel, 
oiseaux domestiques d’une race très près de la sauvage, dont 
se servent nos chasseurs de profession, très nombreux chez 
nous l'hiver en raison des cours d’eau et rivières sillonnant 
notre région en tous sens. Ces sortes de Canards, vivant à 
l'état libre dans nos marais une grande partie de l’année, 
contractent, en effet, de temps à autre avec les Sauvages des 
alliances qui les rapprochent constamment du type, de même 
les chasseurs, par de sévères sélections, tendent au même 
résultat; car c’est à la condition de ressembler le plus pos- 
sible aux Sauvages que ces derniers, trompés eux-mêmes par 
ure telle similitude, s’abattent pleins de confiance près d'eux, 
à portée de la hutte du chasseur. Ainsi, par la grosseur, la 
couleur, le vol même (cette race vole également très bien), ne 
diffèrent-ils guère des vrais Sauvages; seul un œil exercé 
peut les reconnaitre à leurs formes plus lourdes, moins dis- 
tinguées. 

Je possédais donc depuis plusieurs années un certain nom- 
bre de ces oïseaux, qu'en ma qualité d’amateur de Canards 
j'avais tenu à avoir de la plus belle race, et cela sans que 
jamais encore, dans les couvées obtenues, il se fût produit la 
moindre incorrection, la moindre bigarrure ou tache blanche 
en leur costume gris. Maïs, un printemps, je ne fus pas peu 
surpris de trouver une couvée d’une jeune Cane, qui pondaït 
pour la première fois, parfaitement partagée en cinq canetons 
gris qui plus tard, en s’emplumant, prirent dans toute sa 
rigueur la livrée des Canards sauvages sans aucune trace de 
blanc, et cinq autres qui, atteints d’albinisme complet, de- 
vinrent de ravissants petits Canards de la taille de leurs 
frères et volant aussi bien qu'eux, mais entièrement d’une 
blancheur immaculée. Cette Cane, tant qu'elle vécut chez 
moi, c’est-à-dire plusieurs années, ne manqua jamais de me 
donner désormais des couvées à peu près également parta- 
gées de Canards parfaitement gris et de Canards entièrement 
blanes, et cela bien que je ne possédasse aucun mâle blanc et 
qu'il n’y en eût pas non plus dans le voisinage. Malheureuse- 
ment, je n’attachai pas alors toute l'importance qu’il méritait 
à ce fait bizarre; je me défis toujours de ces albinos cepen- 
dant fort jolis, sans tenter de les faire reproduire entre eux 
ou avec des Canards gris. 


92 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Quelques années plus tard, j'avais remplacé mes Canards 
de chasse par des Sauvages, ou plutôt à proprement parler, je 
les avais transformés en vrais Sauvages, et voici comment. 
Je m'étais procuré un magnifique Canard sauvage de passage, 
blessé à la chasse, et je l’avais accouplé avec une très belle 
Cane d'appel. J'en avais eu des produits ayant les caractères 
de vrais Sauvages. Maïs afin de posséder encore une race 
plus pure, j’accouplai de nouveau une de ces Canes demi- 
sang avec le même Canard sauvage. J’en obtins alors des 
Canards ne laissant absolument rien à désirer comme forme, 
comme coloris, et pouvant lutter pour l'élégance et le plu- 
mage avec les plus purs Sauvages. Ces Canards me donnè- 
rent également les années qui suivirent plusieurs couvées 
d'oiseaux irréprochables comme ils étaient eux-mêmes, mais 
il y eut une exception ; une Cane pour sa première ponte eut 
une douzaine de canetons dont cinq ou six portaient la livrée 
des Sauvages, tandis que les autres étaient jaunes sans au- 
cune des taches brunes ordinaires. Malheureusement, par 
suite d'accidents divers, je ne pus élever aucun de ces Ca- 
nards et je perdis la mère elle-même dans le courant de 
l’année ; mais il est évident qu'une partie de la couvée eût 
dû être entièrement blanche comme la première fois, tandis 
que les autres petits eussent pris la livrée ordinaire des Sau- 
vages. Peut-être cet albinisme était-il dû aux croisements 
successifs et consanguins que j'avais imposés à mes oiseaux, 
peut-être aussi ces sortes de croisements sont-ils la cause 
générale de cette anomalie si fréquente parmi les races do- 
mestiques. 

D'après ce qui s’est passé chez moi pour ces différents cas 
d’albinisme, il me paraît assez naturel de penser qu’à l’origine 
du moins, soit en captivité, soit à l’état sauvage, l’albinisme 
ne doit pas être partiel mais général, étendu au corps entier 
de l'oiseau. Je veux dire que l’albinos n’a pas dü naïtre dans 
le principe taché de blanc et de gris, mais entièrement 
blanc (1). Les Canards entièrement blancs seraient les pre- 
miers produits de l’albinisme dans la pureté duquel ils ne 
maintiendraient pas leur postérité, étant forcés par leur ra- 


(4) Ou entièrement atteint de décoloration générale plus ou mnoïns prononcée, 
avec les nuances et dessins primitifs de plumage plus ou moins noyés dans un 
fond de teinte blanche ou jaune, car souvent le jaune est le produit de l’albi- 
nisme imparfait. 


L'ALBINISME ET LE MÉLANISME CHEZ LE CANARD SAUVAGE. 93 


reté même de s'accoupler avec des Canards gris, et ainsi ils 
seraient la souche première des nombreux Canards bigarrés, 
lesquels se reproduiraient dans les mêmes conditions de 
bigarrure. 

C’est pour cela, je le répète, que je regrette vivement de 
n'avoir pas conservé mes albinos. J’eusse pu ainsi avoir sous 
les yeux la preuve de ces transformations présumées, en les 
accouplant avec des Canards gris, et voir de la sorte quels 
en auraient été les produits, s'ils auraient pris des deux côtés 
et par là même s'ils auraient été revêtus de taches des deux 
couleurs de leurs parents, comme je le présume. 


Les cas de mélanisme ont encore été plus nombreux dans 
mes élevages que ceux d’albinisme et de plus ils continuent à 
se renouveler chaque printemps. 

Il y a une dizaine d'années, j'avais fait venir du Jardin 
d’Acclimatation une fort belle Cane sauvage que j'accouplai 
avec un Canard sauvage, très beau également, lequel était 
non seulement sauvage de race, mais aussi de fait, car il 
avait été pris adulte à l’état libre et ce n'était qu'après long- 
temps et beaucoup de peines que j'étais parvenu à l’appri- 
voiser. J’eus de ce couple plusieurs couvées, mais au bout de 
peu d'années je perdis la femelle qui périt en me laissant, 
néanmoins, un certain nombre de Canes aussi belles que leur 
mère. Un beau jour, je ne fus pas peu surpris de voir une de 
ces Canes qui avait été nicher dans les prés, me ramener une 
douzaine de petits dont la moitié portait la livrée des jeunes 
Canetons ordinaires, mais dont l’autre moitié était composée 
de petits Canards entièrement noirs de suie, le corps, le bec, 
les pieds, tout était noir sans aucune tache. 

N'ayant point alors l'expérience de ces Canards, j’espérai 
longtemps que ces petits négrillons seraient bon teint et me 
donneraient des Canards noirs comme des Labrador. Mais 
quand apparurent les premières plumes ma désillusion fut 
grande, et je pus voir avec regret que celles-ci ne poussaient 
pas noires, mais bien grises, un peu plus foncées seulement 
que d'ordinaire. J'élevai tous ces Canards. Ceux qui dans le 
premier âge avaient porté la livrée commune devinrent des 
Canards sauvages du type le plus pur comme leurs parents ; 
les autres, les noirs, prirent un plumage à peu près sembla- 
ble, un peu plus brun cependant, mais avec ces différences 


94 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


caractéristiques dont j'ai parlé plus haut, que le miroir bleu 
de l’aile était changé en noir et que la tête était devenue uni- 
formément d’un gris foncé sans aucune de ces bandes, de 
ces nuances plus päles correspondant d'ordinaire aux parties 
jaunes des jeunes en duvet et qui relèvent la tête des autres 
Canards, car ces nuances différentes sont comme les traits du 
visage ne contribuant pas peu à leur donner, surtout à la 
Cane, une physionomie jolie et fine, tandis qu'ici cette teinte 
sombre et uniforme inflige à ces sortes de Canards un air 
moins agréable et même un peu maussade. 

Je gardai une partie de ces Canards jusqu’à la seconde 
mue. Les femelles restèrent les mêmes, quant aux mâles, ils 
revétirent un costume incomplet du Canard sauvage, tête et 
cou d’un vert brillant, corps cendré, dos et croupion d’un 
noir velouté; mais plusieurs parties essentielles de l'uniforme 
réglementaire manquèrent. Le noir continua toujours à rem- 
placer le bleu du miroir de l’aile comme dans le jeune àge ; 
le petit collier blanc et le large plastron marron disparurent 
également envahis par le cendré du corps s'étendant jusqu’au 
vert du cou. 

L'année suivante, assez désireux de voir quelles sortes de 
produits ces Canards pouvaient me donner et si leur descen- 
dance persisterait dans ce mélanisme relatif, ou retournerait 
à l'état normal, je laissai couver une des Canes. La nichée 
qui était nombreuse réussit parfaitement et eut pour résultat 
moitié Canetons entièrement noirs et moitié ordinaires. Pen- 
dant ce temps-là, une autre Cane sauvage, sœur de la précé- 
dente, de la même couvée, mais de celles qui n'avaient pas 
été atteintes de mélanisme et semblait de la plus pure race, 
Cane à laquelle je ne songeais ni n’apportais la moindre atten- 
tion, m'amenait des prés où elle avait été nicher une couvée 
toute semblable, de même composée de noirs et de gris. 

Depuis ce temps-là, toutes mes Canes sauvages atteintes ou 
non de mélanisme (mais, il est vrai, toutes parentes) man- 
quent rarement de m'amener de ces couvées également ou 
presque également partagées de Canards entièrement noirs 
et de Canards sauvages ordinaires ayant toutes les appa- 
rences de la pure race ; car jamais aucun de ces derniers n’a 
eu encore la moindre trace extérieure de mélanisme, bien 
qu'ils en eussent eu, eux, évidemment, les germes ; si je les 
conservais, ils me donneraient sans doute de même une par- 


L’ALBINISME ET LE MÉLANISME CHEZ LE CANARD SAUVAGE. 95 


tie de leurs petits dans des conditions normales, tandis que 
les autres seraient, au moins dans les premiers âges, abso- 
lument nègres. 

Et cette année encore le même cas s’est reproduit chez 
moi; tandis qu'une Cane atteinte de mélanisme me donnait 
neuf petits dont quatre ordinaires et cinq noirs, une autre, 
celle-là nullement affectée de cette singulière anomalie, fai- 
sait deux couvées ce printemps, dans chacune desquelles les 
petits étaient également partagés en noirs et en gris (1). 

Un fait singulier dans ces différents cas de mélanisme, c’est 
la façon rigoureuse avec laquelle sont triés entre eux en une 
même couvée les gris et les noirs, sans que les uns parti- 
cipent en quoi que ce soit des autres, sans que les parties 
brunes et jaunes de Canetons gris soient nullement noircies 
et se ressentent tant soit peu de la parenté des frères nègres, 
qui eux de leur côté restent tous d’un noir uniforme sans la 
moindre altération dans leur duvet, sans la moindre trace de 
la coloration des autres. Mais ce qui n’est pas moins bizarre, 
c'est l'habitude chez ces couvées de se partager en nombre 
de petits à peu près égal de chacune des deux sortes, car 
sur une couvée d’une douzaine de petits il est rare que les 
gris l'emportent de plus d’un ou deux sur les noirs, et réci- 
proquement. 

Bien avant que ces faits se fussent ainsi produits chez moi, 
j'avais observé ces sortes de Canards, ces Canes grises sans 
miroir bleu, et ces mâles sans miroir également ainsi que 
sans plastron marron. Je les rencontrais tant parmi nos Ca- 
nards d'appel si voisins, je l’ai dit, des Canards sauvages, que 
parmi les Canards d’'Élangs, mais rarement parmi les Sau- 
vages de passage, si ce n’est au moment des grands froids où 
les étangs étant gelés les Canards qui les habitent sont éga- 
lement obligés de se mettre en voyage. Maïs j'étais loin de me 
figurer que ces Canards étaient noirs dans leur enfance; ano- 
malie extrêmement singulière chez des palmipèdes gris, 


(1) Un fait curieux s’est produit à propos de cette dernière Cane que je pos- 
sède depuis cinq ou six ans. Elle n’a cessé, sauf ure exception, de me donner 
chaque année de ces couvées à peu près également partagées en Canetons 
nègres et Canetons ordinaires. Et voici l'exception : un printemps s’étant ac- 
couplée avec un Pilet, il en est résulté neuf métis que j'ai élevés et dont aucun 
n’a eu la moindre atteinte de mélanisme (Bulletin, février 1896. Le sang Pilet 


avait, semble-t-il, fait disparaître chez cette Cane toute trace de cette anomalie 
héréditaire, 


96 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


puisque non seulement la plupart des espèces de Canards, 
mais d'Oies et de Bernaches, naissent tachés de couleurs plus 
ou moins brunes sur un fond plus pâle. J’attribuais cette lé- 
were différence de plumage à la domesticité, à la fréquenta- 
tion plus grande de nos Canards domestiques par les Sau- 
vages sur nos étangs. Je me rappelle même qu'autrefois un 
de mes parents avait reçu d’un ami pour mettre sur sa pièce 
d'eau trois ou quatre couples de Canards sauvages venant de 
l'étang de Passavant en Maine-et-Loire, et qu’en ayant aperçu 
parmi eux plusieurs de cette sorte, je fus mal édifié sur la 
pureté de leur race ; je me figurais qu'ils n'étaient pas sau- 
vages ou provenaient tout au moins d'un croisement avec 
des Canards domestiques. 

Ces Canards cependant, malgré leur différence de livrée, 
soit dans leur jeune âge où elle est plus sensible, soit à l’état 
adulte, sont cependant de purs Sauvages et si vraiment sau- 
vages malgré cela, que ce plumage, n’est, pour ainsi dire, 
qu'un travestissement accidentel, puisque de ces Canards, sans 
transition aucune et dès la première génération, peuvent 
naître des Canards portant le plus classique plumage de l’es- 
pèce. Des faits de même nature se produisent, d’ailleurs, chez 
d’autres Oiseaux, entre autres, les Tourterelles à collier.J’'en 
ai, en effet, connu un couple donnant presque alternativement 
des petits, couleur de leurs parents, c’est-à-dire couleur café 
au lait, et des petits absolument blancs. 

Et voici pourquoi il est fâcheux que je n’aie pas, autrefois, 
conservé mes albinos, non seulement pour connaître, comme 
je l’ai dit, leurs produits avec les Canards gris, lesquels 
auraient été bigarrés, je les présume, mais encore pour les 
croiser entre eux, afin de voir si leur albinisme était mieux 
fixé que chez les Canards atteints de mélanisme, ou si, au 
contraire, il n’était, comme chez eux, qu'accidentel ; si, en un 
mot, leur progéniture aurait pu revenir d’un seul coup à la 
couleur primitive, comme on vient de voir pour mes Canards 
noirs ; ce dont je doute fort, car nos Canards domestiques 
blancs qui n’ont pas eu, je pense, d'autre origine que les 
miens, se perpétuent indéfiniment dans cette même couleur. 


ESSAIS D'ACCLIMATATION EN INDO-CHINE (1) 


par PARIS. 


Jadis l’agriculture était appelée l’art de seconder la na- 
ture ; aujourd'hui j'oserais presque dire que c’est la science 
de lutter contre elle, contre tous les facteurs de destruction 
qu’elle multiplie avec une ubiquité que nous ne pouvons mal- 
heureusement lui opposer dans la résistance. 

Des maladies parasitaires surgissent spontanément sur 
plusieurs points du globe pour exterminer la même plante. 
Et il ne faut rien moins que le concours des sciences appli- 
quées pour chercher à tuer ces infiniment petits si terribles 
par le nombre. C’est le cas de l’Xemileia vastatrix qui a 
détruit les caféières de Ceylan et qui attaque à la fois celles 
de l'Amérique, de la Réunion et de Java. 

Quelquefois on croirait que le sol, découragé de nourrir 
seul une même famille, lui rationne graduellement les vivres, 
et tous les membres de cette famille étiolée ne donnent plus 
que des produits chétifs et sans qualités. C'est le cas de la 
plupart des produits d'Annam. 

Ainsi le thé, qui est de la même famille que celui d’Assam, 
lui est devenu inférieur, parce que l’Annamite, le voyant 
également croître dans les sables et les argiles et lui attri- 
buant une vitalité excessive, le dépouille tous les ans comme 
il plume ses poulets vivants, jusqu'à la carcasse. De sorte que 
ce précieux arbuste qui pourrait recevoir des formes gra- 
cieuses et fournir des feuilles délicates, si on lui conservait 
quelques éléments de vitalité, ressemble là-bas à une réduc- 
tion de bouleau sans tête. La sélection s'étant opérée, les 
arbustes les plus chétifs ont succombé, et les autres, devenus 
rustiques à ce régime, fournissent toujours des feuilles con- 
tenant de la théine, maïs elles sont dures et sans saveur. 

Il en est de même des plantes et des arbres fruitiers qui, 
mal soignés, privés de leurs fruits avant maturité, contrariés 
sans cesse dans leur évolution, donnent des produits anémiés, 


(1) Communication faite à la Section coloniale (séance du mois de mars). 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 8. 


98 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


qui n'ont avec leurs congénères d’autres lieux, des Antilles 
et de Java, par exemple, qu'une similitude organique. Telles 
sont la Canne à sucre, le Coton, la Goyave, la Mangue, etc. 

Pour enrayer cette dégénérescence, comme pour résister 
aux invasions parasitaires, deux moyens sont à notre portée, 
exigeant tous deux une grande persévérance dans la re- 
cherche des résultats. Le premier, c’est de rendre à la plante 
ses qualités primitives par des soins particuliers, ce qu’on 
tente de faire en Annam pour le Thé. — Le second, de beau- 
coup préférable parce qu'il est plus radical, c'est de remplacer 
la famille atteinte par une congénère exotique mieux favori- 
sée. C’est, je crois, ce qu'on fait en France pour la vigne. Mais 
la plante qu’on veut acclimater ne trouve pas toujours dans 
son nouvel habitat les conditions d'existence qui lui sont 
indispensables, elle se trouve parfois soumise à de singulières 
endémies et produit souvent des fruits ou des rejetons ayant, 
dès la première année, les caractères d’étiolement de leurs 
congénères indigènes. Telle est, par exemple, la Tomate, qui 
semée de graine française, devient appétissante et grosse 
comme elle l’eût été en France, mais si l’on emploie ses 
graines pour la reproduction, elle ne donne plus que des 
fruits annamites à peine gros comme une noix. 

J'ai fait des observations analogues sur le Coton, bien que 
je ne présente pas l'expérience comme définitive. J'ai essayé 
à plusieurs reprises de semer du Coton dans différents ter- 
rains, les graines, qu'elles fussent de Géorgie ou d'Egypte, ne 
m'ont donné la seconde année que des tiges petites et char- 
gées d'un nembre insuffisant de gousses, comme si elles 
eussent été le produit d’un coton indigène. 

Parmi les arbres fruitiers, je citerai le Mangoustanier qui 
croit dans une zone étroite de la Cochinchine et de la pénin- 
sule malaise. J'ai semé dans mes pépinières de Café plusieurs 
graines de Mangoustans cochinchinois, je n’ai pu obtenir que 
les deux feuilles cotylédonaires, et après cet effort qui avait 
demandé un an, les jeunes plantes ont péri. 

Ces difficultés d’acclimatation proviennent non seulement 
de ce que les limites entre les zones tempérées et torrides ne 
peuvent être complètement négligées, mais souvent aussi de 
la présence d’un facteur morbide, dans le sol ou le climat, 
comme pour le Mangoustan et le Coton. 

Quand les végétaux que nous voulons acclimater provien- 


ESSAIS D’ACCLIMATATION EN INDO -CHINE. 99 


nent d’un pays de latitude et de climatologie analogues, la 
tâche est bien plus facile et le résultat moins aléatoire. 

C'est ainsi que des graines de Thé que j'ai rapportées de 
ma visite à l’île de Java et que j'ai semées en terre d’Annam, 
m'ont donné des Théiers beaux et vigoureux. Des spécimens 
d'arbres à pain et de Sapotilliers, n’existant pas en Annam, 
de Jaquiers, de Goyaviers et de ces superbes Manguiers de 
Sourabaya, que je devais à l’obligeance du docteur Treub, 
directeur des vastes champs d’acclimatation de Buitenzorg, 
ont pris en Annam un essor qu'on ne pouvait désirer plus 
florissant. 

Lorsque je fis mes premiers essais d’acclimatation du Café, 
je choisis le Libéria comme étant le plus vigoureux, et partant 
le plus apte à résister aux maladies parasitaires. On avait fait 
à ce Café, et on lui fait encore, une réputation de médiocrité 
qu'il ne mérite pas. — C’est en jouant des coudes qu'il doit 
prendre sa place au marché. — J'ai récolté à Phong-Lé près 
de Tourane, du Café Libéria dont l’infusion a été déclarée su- 
périeure par de nombreux amateurs et spécialistes. à 

Mais pour obtenir ce résultat, il m'a fallu veiller sur l’ar- 
buste transplanté comme sur un jeune enfant. Le Libéria 
exige des soins qui diffèrent avec la météorologie de son lieu 
de transplantation. En général, il lui faut de la fraicheur sans 
excès aux racines, et une ombre légère, dans les régions 
comme l’Annam où la saison chaude est en même temps la 
saison sèche. Au Tonkin, où les pluies coïncident avec les 
chaleurs, le Libéria n’a pas besoin d’abri. C'est parce que ces 
principes ont été méconnus que les Caféiers Libéria du Jardin 
botanique de Hanoï, plantés dans un bas-fond et trop 
ombragés, ont donné des tiges élancées peu garnies de bran- 
ches et de fruits, et que les feuilles respirant dans une atmos- 
phère constamment humide, n’ont pu résister à l’Æemileia 
vastalrix dont cette atmosphère favorise la génération. Je 
dois cependant remarquer que, malgré leur emplacement défa- 
vorable, les Cafés Libéria étaient moins atteints que leurs 
similaires plus délicats, Java, Arabica, etc., mieux exposés. 

L'acclimatation du Caféier en Indo-Chine est une question 
vitale qui devrait passionner tous les chauvins de la colo- 
nisation, c'est une question de fortune pour la colonie et d’af- 
franchissement pour la métropole. 

Je ne crois pas encore cette acclimatation résolue au 


100 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Tonkin, pour deux raisons : 1° l'atmosphère trop humide favo- 
rise la manifestation de l’Æemileia et rend difficile le parfait 
séchage de la graine; 2° la fructification n'est pas rationnelle. 
Lorsque j'ai visité le Jardin d'essai de Hanoï, en décembre 
1896, c'est-à-dire, pendant la saison froide, les fruits des 
Caféiers n'étaient pas cueillis, alors qu'ils auraient dû, comme 
presque tous les fruits d’ailleurs, mürir pendant l'été. Les 
crains de Café sont généralement bons à cueillir un an après 
la floraison ; ils ont besoin, pour élaborer l'huile essentielle 
qui leur donne cet arome que nous aimons, de la plus forte 
action solaire. Il faut donc absolument que ces graines soient 
müres, au plus tard, sur le déclin de la saison chaude. 

Voici comment je m'explique l’irrégularité de la végétation 
du Caféier au Tonkin. D’après Van Delden, auteur hollandais 
très compétent, il faut à cet arbuste une température mini- 
nimum de 15° ; le thermomètre descendant à 6° au Tonkin, la 
végétation du Caféier s’y trouve arrêtée pour une certaine 
durée à chaque hivernage, et l’évolution annuelle du fruit 
retarde de plus en plus jusqu’à devenir tout à fait troublée. 

En Annam, où la mousson chasse l'humidité et où le ther- 
momètre ne descend pas au-dessous de 15°, je n’ai constaté 
aucune trace d’Æemileix, et les graines muürissent régulière- 
ment d'avril à juillet. L’acclimatation du Caféier y est donc 
un fait acquis. 

J'ajouterai encore un mot sur le Libéria. J’ai vu dans ce 
même Jardin d'essai de Hanoï, une expérience heureuse de 
greffage d'Arabicas sur des Libérias. L’arbuste avait la robus- 
tesse de l’un et ses fruits sensiblement la forme délicate de 
l’autre. C’est sur cet hybride que finiront par s'entendre 
producteurs et importateurs. Mais les premières plantations 
d'hybrides seront un peu longues à établir, car il faudra 
d’abord greffer quelques sujets, et attendre quatre ans qu'ils 
donnent des fruits pour en former alors une pépinière. Voilà 
tout ce que je puis dire sur les essais d’acclimatation que j'ai 
étudiés en Indo-Chine. Il y en a eu d’autres, sur la vigne et 
le foin notamment, mais le vague de mes observations ne me 
permet pas d'en faire état, car le vague est bien près du faux. 


= A01 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


L'ÉTABLISSEMENT DE PISCICULTURE D'ANCOURT 
(SEINE-INFÉRIEURE). 


Cet établissement, dont les débuts furent modestes, peut être actuel- 
lement considéré comme sorti de la période des lâtonnements et des 
dépenses pour entrer dans celle de l'exploitation industrielle. Le pro- 
priétaire, M. E. Duponchez, l'a installé à côté d’une importante blan- 
chisserie qu'il possède sur les bords de l’Eaulne, dans une ile que 
forme cette rivière, au milieu même du village d’Ancourt, à huit 
kilomètres de Dieppe. 

Ayant eu occasion de lire l'ouvrage de M. Larbalétrier sur la pisci- 
culture, M. Duponchez trouva qu'il disposait de tout le nécessaire 
pour tenter un essai. L'Eaulne, au régime régulier, lui offrait ses 
eaux limpides, et dans son jardin, ainsi que dans une prairie attenante, 
pouvaient être créés viviers et bassins d'élevage. 

11 commenca, en 1891, par établir un vivier de 40 m. de longueur 
sur 4 m. de largeur et 0m80 de profondeur, creusé tout près de la 
rivière et mis en.communication avec elle en amont et en aval. Quand 
ce vivier fut terminé en mars 1892, la saison étant trop avancée pour 
l'achat d'œufs fécondés, il se procura des alevins de Truite, qu'il 
placa dans une auge du système Coste, vers la partie amont de son 
bassin, attendu que l’écartement des barreaux des grilles posées à 
l'entrée et à la sortie du bassin (écartement imposé par le service des 
Ponts et Chaussées) se trouvait trop grand pour empêcher les jeunes 
poissons de s'échapper. Malheureusement celte auge avait été instal- 
lée sur une sorte de glacis, afin que le courant fût plus vif; par suite 
d’une baisse subite survenue dans le niveau de l’eau, elle resta à sec 
et tous les alevins furent perdus. Ce premier déboire devait être suivi 
de bien d’autres. 

Pour la campagne 1893, M. Duponchez construit un laboratoire 
d’incubation, et fait éclore 30,000 œufs achetés chez différents pisci- 
culteurs. Il en perd plus de la moitié pendant la résorption de la 
vésicule vitelline, et il met les 8,000 alevins qui lui restent dans un 
compartiment établi dans son vivier. Mais la mauvaise chance inter- 
vient encore, cette fois, sous forme d’une fissure que creuse l'eau 
dans cet enclos, et un jour il constate qu’il n’a plus d’alevins, ni dans 
Son compartiment ni dans son vivier. Le résultat final de cette opéra- 
tion, malheureuse pour le propriétaire, fut l’empoissonnement de 


102 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


l'Eaulne; car à la suite de l’accident on constata la présence d’un 
plus grand nombre de jeunes truites dans le voisinage. 

En 1894, nouvel achat d'œufs embryonnés. Toutes les précautions 
nécessaires sont prises pour éviter les accidents précédents; mais la 
fonte des neiges trouble l’eau d’alimentation du bac d’alevinage, et, 
malsré l'emploi de filtres à éponges, entraîne la mort de tous les 
jeunes poissons. Entre temps, M. Duponchez avait essayé de faire 
reproduire en captivité des Truites pêchées en rivière; mais probable- 
ment à cause du changement de milieu, celles-ci ne fournirent qu'une 
petile quantilé d'œufs qui, toutefois, donnèrent des sujets bien 
portants. 

Résolu à réussir à tout prix, M. Duponchez se décide, pour 1895, à 
faire de nouveaux aménagements. Il se fait autoriser à établir une 
dérivation de l’Eaulne dans son jardin, et creuse, tout auprès, un 
puits de 2"50 de profondeur; celui-ci lui donne une eau abondante, 
et ayant une température constante de 9°. Sur la dérivation, il place 
une roue hydraulique destinée à faire mouvoir une chaîne à godets de 
son invention, qui puise l’eau de la source afin d'alimenter le labora- 
toire d'incubation et deux rangées de bacs d’alevinage. 

Il achète alors 10,000 œufs embryonnés : 5,000 de Saumon de fon- 
taine, 2,000 de Truite arc-en-ciel ordinaire et 3,000 de Truite arc-en- 
ciel à ruban rouge. L'éclosion réussit à merveille; la résorption se fait 
avec seulement un dixième de perte; il élève ses alevins jusqu'à trois 
mois dans son laboratoire, puis les verse dans ses bacs d'alevinage. 
Au mois de septembre, il constate que beaucoup de ses poissons meu- 
rent. Attribuant cetie mortalité à la nourriture composée de sang de 
bœuf, il y substitua de la rate. 11 avait pensé juste, car, au bout d’une 
huitaine de jours, toute mortalité avait disparu. Les survivants ont 
aujourd'hui trente mois et servent de reproducteurs. 

En 1896, M. Duponchez achète encore 6,000 œufs, qui, traites 
comme les précédents, donnent encore de bons résultats. 

Enfin, en novembre 1897, il constatait que ses jeunes Saumons de 
fontaine étaient sur le point de pondre. Les œufs fécondés artificielle- 
ment et mis dans le laboratoire, éclosent assez bien; toutefois il se 
produisit un déchet plus grand que les années précédentes, fait attri- 
buable sans doute à la jeunesse des reproducteurs. Quoiqu'il en soit, 
les alevins obtenus sont aujourd'hui bien portarts et ne demandent 
qu’à vivre. Disons en passant que la moitié des œufs obtenus, soit 
6,000, ont été expédiés à la station piscicole de Bordeaux, par l’inter- 
médiaire de M. Morin, pisciculteur aux Andelys. 

Deux mots maintenant sur les installations. 

Le laboratoire d’éclosion, silué à droite de la blanchisserie, rappelle 
un peu la disposition des serres en usage chez les horticulteurs. Après 
avoir descendu quelques marches, on trouve, de chaque côté d’une 
allée, les bacs d’éclosion disposés sur des gradins. L’eau fournie par 


EXTRAITS ET ANALYSES. 103 


une dérivation provenant de la source mentionnée ci-dessus, est à 
une température sensiblement constante de 11°; elle coule de bac en 
bac et se brise en tombant dans une espèce d’entonnoir extérieur, qui 
l'amène dans la partie inférieure du bac; elle sort, du côté opposé, à 
la partie supérieure. Ce système est préférable au système Coste, parce 
qu'il renouvelle l’eau dans toute la profondeur sans nuire aux œufs. 
Dans un angle du laboratoire sont rangées les terrines servant à la 
récolte des œufs et à leur fécondation. Les jeunes alevins restent dans 
le laboratoire jusqu’à l’âge de trois ou quatre mois, puis sont versés 
dans les bacs d'élevage. 


Ces bacs sont disposés perpendiculairement à la dérivation du bras 
gauche de l Eaulne faite en 1894. Une roue hydraulique à palettes met 
en mouvement une pompe à godets puisant l’eau dans le puits crensé 
près de là. Cet appareil élévatoire très simple a été imaginé et exécuté 
par M. Duponchez, il est très solide et ne s’est jamais dérangé. Son 
débit est de 100 litres à la minute. L'eau est recue dans un petit chä- 
teau d’eau, d’où elle tombe en mince filet pour s’aérer; de là elle 
passe dans le premier bac. Une partie peut en être distraite et envoyée 
au laboratoire d'éclosion. 


Les bacs d'élevage sont placés sur deux rangées parallèles, séparées 
par un passage de 1 m. de large. Le bac n° 1, peu profond, est planté 
de cresson; son rôle est d’aérer l’eau; il est séparé du n° 2 par une 
brique de champ; une grille à barreaux très rapprochés permet le 
passage de l’eau. Tous les bacs d’élevage ont une profondeur de 150; 
les n°% 2, 3, 4 et 5 sont plus petits que les trois autres, car dans les 
premiers on met les jeunes poissons, tandis que dans les derniers sont 
des Truites et des Saumons pesant déjà presque le demi-kilog. 


Voici quel était le contenu de ces bassins au mois de juin 1897. 
Dans le n° 2, alevins de Saumon de fontaine et de Truite arc-en- 
ciel âgés de six mois; dans 3, 4 et 5, Saumons et Truites arc-en-ciel 
de dix-huit mois; dans le n° 6, Saumons de fontaine, reproducteurs 
femelles; dans le n° 7, Truites arc-en-ciel de trente mois; dans le 
n° 8, Saumons et Truites arc-en-ciel, reproducteurs mâles âgés de 
trente mois. 


Dans le vivier situé au fond de l'herbage sont des Truites et des 
Saumons qui serviront de reproducteurs en temps utile. C’est là que 
l'on doit mettre les poissons au sortir des bacs d'élevage, en attendant 
la vente. 


M. Duponchez nourrit ses élèves de la façon suivante : les tout 
jeunes recoivent des larves de Cousins, qu’on obtient en disposant des 
baquets remplis d’eau près de la rivière. Plus tard on leur donne de 
la pulpe de rate dans de petits plats de porcelaine qu’on immerge 
dans les bacs d’alevinage. Quand les poissons sont assez gros, cette 
nourriture est remplacée par des boyaux de mouton. 


104 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Il est curieux de voir distribuer cette nourriture sur laquelle les 
poissons se jettent avidement et qu’ils dévorent en un clin d'œil. 

Dans l'installation de son établissement, M. Duponchez a fait tout 
par lui-même; il a été tour à tour architecte, terrassier, maçon. forge- 
ron, selon les besoins du moment. Cette installalion lui aurait coûté 
certainement quatre fois plus, s’il ne s'était pas ainsi chargé de la 
main-d'œuvre. Pendant la nuit tous les bacs d’alevinage sont fermés 
par des barreaux en fer forgé, et, pour défendre ses poissons contre les 
maraudeurs, il a inventé des disposilifs qui, au moyen de fils élec- 
triques, relient son vivier à sa maison d'habitation. La nuit, dans 
l'obscurité, il serait difficile de passer près du bassin sans déranger 
un des fils et sans mettre la sonnerie en mouvement. Il faudrait d’ail- 
leurs, pour arriver au vivier, franchir une palissade de 2 mètres. 

La propreté étant une condilion indispensable du succès en pisci- 
culture, rien n'a été ménagé sous ce rapport. Des grillages super- 
posés empêchent les moindres détritus de pénétrer dans les bacs d’ale- 
vinage. Le nettoyage de ces grilles demande une surveillance conti- 
nuelle, afin que le courant de l’eau d'alimentation ne soit pas gèné. 
Pour enlever les déjections, les poissons morts ou pour prendre un 
alevin au fond des bacs, M. Duponchez a inventé un instrument spé- 
cial. C’est une sorte de grande pipelte en cuivre, dent le réservoir, qui 
peut contenir 3 litres environ, se prolonge, à la partie inférieure, par 
un tube recourbé, de 2 centim. de diamètre et long de 50 centim. 
environ; et à la partie supérieure, par un tube droit de même dia- 
mètre et d’une longueur de 2 mètres, qui forme le manche : on bouche 
avec l’index l'extrémité supérieure de ce tube, et l’on plonge dans 
l’eau l'appareil! qu’on approche des détritus à enlever: et il suffit de 
soulever légèrement le doigt pour que l’eau, se précipitant dans la 
pipette, les y entraîne avec elle. 


>< 


LE SAUMON DE CALIFORNIE A L'ÉCOLE DE VITICULTURE DE BEAUNE. 


Extrait d’une note de M. J. Vorrix, professeur à l’École. 


Il a élé beaucoup question, dans ces dernières années, du Saumon 
de Californie, ou Saumon quinnat du Pacifique. Cette espèce, qui 
semble atteindre des dimensions plus fortes que le Szlmo salar du 
bassin de l'Atlantique Nord, présente l'avantage de frayer très tôt, 
c’est-à-dire aux environs du mois d'août. 

A la fin de l’année dernière, arrivèrent d'Amérique, par les soins de 
la Société nationale d’Acclimatation, 100,000 œufs embryonnés de ce 
Saumon. L'Ecole de viticulture de Beaune ayant eu la bonne fortune 


EXTRAITS ET ANALYSES. 105 


d'en obtenir environ 10,000, nous fûmes à même de suivre de près 
le développement de ce Poisson. 

Les œufs dont il s’agit parvinrent à l’École de Beaune le 31 décem- 
bre 1896 en parfait état, dans ue boîte à double paroi, suivant le 
mode d'emballage adopté par la Société d’Acclimatation. Ils étaient 
d'une grosseur remarquable, et l’on y pouvait reconnaître les deux 
points noirs formés par les yeux de l’embryon paraissant à travers 
l'enveloppe de l’œuf. Mis en incubation immédiatement, leur éclosion 
commenca le 5 janvier 1897 pour se terminer le 26. La mortalité n’a- 
vait pas dépassé 2 °/. En effet, le nombre des œufs envoyés était 
exactement de 9,750, desquels il faut défalquer 120 morts et 223 qui 
ont péri pendant l’incubation, ce qui donne un chiffre final de 9,407. 

Afin d'essayer de nous rendre compte de l'influence de la tempéra- 
ture sur l’éclosion, nous avons noté soigneusement chaque jour la 
température de l’eau ainsi que le nombre d’éclosions, et voici les 
chiffres que nous avons pu recueillir : 


Température Nombre. Température Nombre 
DATE. de l'eau.  d'éclosions. DATE. de l'eau. d’éclosions. 
SAME: 0 10° 150 lENanvien ere 5,9 1950 
GT ENTER 9° 92 Pr ER ARS 5,5 500 
si —= } 650000 8° 200 18 1 Non 5000 6,5 200 
ON TS CCE 10° 400 l'OMC 8,» 400 
Eee 110 500 DONNE Re 100 500 
10 = coco 0e 9,5 400 21 NT 00 eue 10° 990 
ILES TRE RRSE 12,5 500 DD) RE NES 8° 500 
12 RES ERER 8,5 500 PAP CLOS UDC 14° 1083 
NS 2 Lee 90 600 Ce 15° 1582 
JEU ARE 5.5 200 DOE Ie re eee 10° 500 
15! LE ee 6,5 400 


Ces chiffres, tout en n'ayant qu’une importance relative, mettent 
cependant bien en évidence l'influence de la température de l’eau sur 
l’éclosion. On remarque, en effet, entre autres chiffres, que le 14, à la 
température de 5°,5, il n'y a que 200 alevins d'éclos, tandis que, la 
veille, avec 9°, il y en a eu 600, et le 24, avec 15°, 1,500. 

Comme résultat final, nous avions donc, dans notre laboratoire 
d'incubation, à peu près 9,400 alevins, qui, à l'âge de quatre se- 
maines, avaient complètement résorbé la vésicule. Dès lors, il fallait 
songer à la dissémination. Aprés en avoir donné environ 4,000 à des 
personnes qui s'étaient inscrites pour en recevoir et chez lesquelles 
nous savions que les soins ne leur manqueraient pas, il nous en restait 
6,000, que nous offrîmes à la ville de Beaune. 


Ce choix avait le double avantage de les conserver près de nous et, 


106 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


par conséquent, de nous permettre d'en suivre plus facilement le dé- 
veloppement. En effet, la ville fit aussitôt construire, sur les bords du 
lac de la Bouzaise. à proximité de notre laboratoire, un réservoir d'une 
surface de 14 mètres environ. Les alevins y furent mis le 4 mai 1897. 
On les nourrissait avec du sang caillé et un peu de pain. L'eau, sans 
être courante, s'y renouvelait toutes les six heures environ. 

Pour rendre l'expérience plus concluante et voir si, comme on le 
prétend, le Saumon de (Californie peut vivre en eau close, nous en 
avons réservé une trentaine, qui furent mis dans un réservoir situé à 
l'intérieur de l'École. Ce réservoir n'est qu’une sorte de cuve macon- 
née, servant d'abri aux fleurs en hiver et de bassin pour l’arrosage en 
été- Il mesure 6 mètres de long sur ? de large et 1”50 de profondeur. 
L'eau n'y est renouvelée qu'à de rares intervalles, et sa température, 
en été, atteint 25°. 

Les alevins y furent placés le 4 mai. Leur nourriture consistait en 
débris de cuisine, hachés finement, qu'on leur jetait tous les matins. 
Le 3 juillet, voulant savoir ce qu'ils étaient devenus, on fut obligé de 
vider le réservoir. A notre grand étonnemennt, on retrouva 26 Sau- 
mons d’un poids variant de 14 à 25 grammes et d’une taille de 6 à 
11 centimètres. Aprés constatation du résultat, les poissons furent 
remis soigneusement dans le réservoir et nourris comme précédem- 
ment. Enfin. le 16 octobre. on vida de nouveau. et l'on retrouva de 
fort beaux Poissons, dont le plus grand avait 20°/245 et pesait 
124 srammes, et le plus petit 14°/°7 et un poids de 62 grammes. 

Si nous prenons les moyennes, nous arrivons aux chiffres suivants : 

Du 1% au 3° mois, le poids moyen a été de 19 gr. 5, et la taille 
moyenne de 85. Du 3° an 6° mois, ces moyennes atteignent 
93 grammes pour le poids, ei 17°=5 pour la taille. 

Ces chiffres montrent que la croissance est proportionnellement plus 
rapide dans la seconde période que dans la première. Ce qui donne- 
rait à penser que le Poisson éprouve une sorte de difficulté à franchir 
celie première période, au delà de laquelle il croît rapidement et se 
montre robuste, tandis que, tout d’abord, la mortalité est quelquefois 
effrayante, malgré tous les soins et toutes les précautions. 

Pour faciliter la comparaison, nous avons voulu donner à chaque 
période de croissance un coefficient en prenant comme base l'unité : 


Âre PÉRIODE 2+ PÉRIODE 
(de 1 à 3 mois). (de 3 à 6 mois). 
Taille... 2 22e j! 2 
POIRS -& SPRL ail 4,08 


Pendant que nous poursuivions ces expériences à l’École d’Agricul- 
ture, nous suivions avec autant d'intérêt les Saumons conservés dans 


EXTRAITS ET ANALYSES. 107 


le réservoir de la ville de Beaune, c'est-à-dire en eau courante. Leur 
développement était loin d’être aussi rapide. En effet, le 3 juillet, 
vérification du poids et de la taille étant faite, nous avons obtenu un 
maximum de 10 grammes pour le poids et de 6°M5 pour la taille, et un 
minimum de 6 à 7 grammes de poids pour 4 centimètres de taille. 

Au 16 octobre (époque de la pêche des Saumons du réservoir de 
l'École), le poids atteignait un maximum de 64 grammes avec 
38 grammes pour minimum et respectivement des maxima et des 
minima de 155 et 6°" pour la taille. Ce qui, en résumé, donne des 
moyennes de 51 grammes pour le poids et de 10°"7 pour la taille. 
Etablissons de même que précédemment les coefficients de croissance, 
et nous obtenons : 

Âre PÉRIODE 2° PÉRIODE 
(de 1 à 3 mois). (de 3 à 6 mois). 
RAI er eee ] 2,05 
Bold ete se ere jl 2 


Le tableau suivant met en regard les coefficients de croissance des 
‘Saumons élevés, les uns en eau fermée, les autres en eau courante : 


EAU COURANTE. EAU FERMÉE. 
PÉRIODES. ne Te 


Taille. Poids. Taille. Poids. 


1° période (de 1 à 3 mois... il 1 1 il 
2e période [de 3 à 6 mois... 2,05 2 2 4,08 


D’après ces chiffres, le Saumon quinnat paraîtrait croître plus rapi- 
dement en eau fermée qu’en eau courante. 

Nous avons résolu de pousser plus loin l'expérience. A cette fin, il 
s'agissait de prendre des Saumonneaux des deux catégories précédentes 
et de les mettre les uns en eau fermée, les autres en eau courante. 

Pour cela, d'un côté, il a été mis dans la source de la Bouzaise et 

dans le lac environ 500 jeunes Saumons, et d'autre part, 1,500 autres 
ont été jetés dans un réservoir que la ville de Beaune a bien voulu 
louer d’après nos conseils. Ce réservoir a 15 mètres de long, 8 mètres 
de large et 120 de profondeur. Le fond, tres légèrement vaseux, 
abonde en Crevettes (Gammarus) et autres Crustacés qui fourniront 
une nourriture abondante aux Poissons. 

Au mois de mars 1898, il sera procédé à la pêche dans le lac et le 
réservoir, et il sera alors facile de se rendre compte des résultats et de 
voir s’ils confirment les premiers. 


X< 


108 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


LE MaAÏïS DE SZÉRÉLY. 


Expériences faites par E. Jouzier, ingénieur-agronome, 
professeur à l'Ecole nationale de Rennes (|). 


Ce Maïs nous vient des environs de Udvarhély, en Hongrie. Voici 
comment il nous est présenté par M. Arpad de Saint-Kirally qui le 
cultive sur ses domaines. 

Ce Maïs est, de toutes les variétés agricoles, celle dont la maturité 
est la plus précoce ; sa végétation est si rapide que dans des cultures 
d'expériences faites par la Société d'agriculture, dans le Comitat de 
Bihar, on a pu obtenir deux récoltes parveaues à l’état de maturité : 
un premier semis effectué le 14 avril donnait une récolte mûre et qui a 
pu être présentée le 16 juillet à l'exposition de Grand Varadin; une 
seconde récolte ensemencée ce même jour était présentée le 6 octobre, 
déja mûre, à l'exposition de Csabaer. Le Maïs de Székely, le plus 
précoce de tous les maïs, s'était donc reproduit deux fois dans une 
seule el même année. 

Quant à ce que peut atteindre son abondante production, qu’il me 
soit seulement permis de citer ici, à ce sujet, le rapport de M. Ivan 
de Nagy, publié dans le journal d'agriculture le Wagyar Fold, d'où il 
résulte que le Maïs de Székely, dans une expérience comparative, 
entreprise conformément à mon instruclion, près de la forêt de Bakony, 
a produit 10 hectolitres de semence de première qualité sur 700 toises 
carrées, tandis que les Maïs hongrois n'ont produit, sur la même sur- 
face, que 5 hectolitres de grain de moyenne qualité à peine. Je rap- 
pellerai encore le rapport de l’Académie royale agricole hongroise de 
Altenbourg, duquel il ressort que dans les expériences qui furent faites 
à Altenbourg, le produit, par cadastral ioch, fut le suivant : 


Maïs de Székely. 2,464 kilog. ou 30 hectol. » (52 heclol. 11 par hectare) 
Cinquantino.... 1,713  — 21 — S0(37 — 1 — ) 
Pignoletto...... 1,184 — 14 —  80(25 — 70 — ) 


Voilà évidemment de belles promesses, et si le Maïs de Szekely est 
aussi productif et aussi précoce en France qu’en Hongrie, c'est une 
variété digne d’être propagée. En effet, sa précocité pourrait permettre 
de semer tard lorsqu'on craint les gelées de printemps, ou bien d'en 
faire une culture dérobée après fourrages de printemps, ou encore, de le 
cultiver plus au Nord que les variétés anciennement connues. Avec 
l'ensemencement hâtif, sous les climats favorables, on pourrait semer 


(1) Extrait du Journal de l'Agriculture. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 109 


plus tôt la culture suivante et profiter, pour la vente du Maïs, des 
hauts prix qui se présentent souvent un peu avant la récolte des 
grains. Enfin, sa productivilé assurerait un assez grand produit brut. 

Mais je viens de donner la traduction du prospectus publié en alle- 
mand par lequel M. Arpad de Saint-Kirally offre ses semences de 
Maïs. Cest dire que ses affirmalions peuvent contenir quelque chose 
d’exagéré. J'ai pensé qu'avant de faire connaître le maïs de Székely, 
il fallait en contrôler l'exactitude. Bien que les essais de culture faits 
dans ce but ne soient pas absolument concluants, je crois devoir en 
faire connaitre les résultats, ne füt-ce que pour en provoquer de nou- 
veaux et hâter, autant que possible, le moment où nous saurons quel 
parli on peut tirer en France de ce nouveau Maïs. 

_ Le Maïs de Székely a été cultivé en 1894 à Grand-Jouan, à la ferme- 
école de Puilboreau (Charente-Inférieure), à Ronsenac (Charente) et 
à Fontet (Gironde). 

À Grand-Jouan, on cultive depuis longtemps diverses variétés de 
Maïs, dans le champ d’études, et on obtient, avec chacune d'elles, 
quelques épis (peut-être 10 pour 100) qui, récoltés le plus tard possible, 
rentrés au grenier et suspendus avec soin, parviennent à une maturité 
suffisante pour fournir les semences. C’est dire que Grand-Jouan est 
franchement en dehors de la zone où l’on peut cultiver le Maïs prati- 
quement De plus, l’année 1894 a élé des plus défavorables. Après 
l’ensemencement du Maïs, le 7 mai, le temps a été relativement froid 
et pluvieux au point de retarder et de rendre difficiles les binages. Or, 
d'après M. Arpad de Saint-Kirally, cette opération est encore plus 
nécessaire pour le Maïs de Székely que pour les autres variétés. En 
août, la température a été de nouveau froide et tellement pluvieuse 
que la récolte des céréales n'a pu se faire que dans de mauvaises 
conditions, tandis que la moyenne des températures maxima a été de 
269 8, pour le mois d'août 1893, elle n’a été que de 19° 9, soit 7 degrés 
de moins, pour le même mois en 1894. Depuis très longtemps on 
n'avait pas constaté une température anssi défavorable à la culture du 
Maïs. Cependant, cultivé sur environ 33 ares, le Maïs de Székely a 
pu être récolté, dans un état de malurité suffisant, du 22 au 
26 octobre Il a produit sur cette surface 8 hectolitres de grains, soit 
24 hectolitres à l’hectare. Ce rendement est bien au-dessous de celui 
obtenu à Altenbourg; mais dans les conditions où il a éte réalisé, il 
est très satisfaisant. En effet, la récolte a eu à souffrir, très fortement, 
du voisinage de grands Chênes plantés sur les bords du champ. 

Cultivé dans le champ d'expériences de Grand-Jouan, avec le Maïs 
quarantain, le Maïs Székely s’est montré sensiblement plus précoce 
que celui-ci. Enfin, dans le champ d’éludes de l’école, sa supériorité à 
ce point de vue s’est encore affirmée sur toutes les variétés anciennes : 
ensemencé quelques jou:s après le Maïs quarantain, le Maïs à bec et 
d’autres variétés moins précoces que celles-ci, il a müri sur place, 


410 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


tandis que les autres Maïs ont dû achever de mürir en grenier. Il faut 
noter, d’ailleurs que les Maïs cultivés à Grand-Jouan sont soumis à 
une sélection naturelle qui en garantit la précocité. En effet, on ne 
renouvelle pas les semences fréquemment, on emploie de préférence 
celles qui ont été récoltées au champ d’études ; or, comme le climat 
est peu favorable, ce sont les sujets les plus précoces qui font souche, 
et on obtient bientôt des sous-variétés plus hâtives que les variétés 
primitives. C'est ainsi que, dans cette année, qui, je le rappelle, a 
été très défavorable, seul, le Maïs Caragua originaire de Grand-Jouan 
a donné quelques épis mûrs. Le Maïs Caragua de semence achetée n’a 
pas müri. Cette sélection est d'autant plus réelle que la remarque 
s’en est imposée au jardinier qui cultive le champ d'études. 

A la ferme-école de Puilboreau, également, la température a été très 
défavorable; aussi quelques fusées n’ont pas müûri, et, dit M. Boucasse, 
directeur, le grain a dû souffrir dans son développement. Malgré 
cela, le rendement a été de 24 hectolitres à l'hectare environ comme 
à Grand-Jouan. 

A Ronséenac, dans la Charente, le maïs de Székely a été cultivé par 
M. Decoux qui avait bien voulu s'engager à en observer le dévelop- 
pement et à en apprécier rigoureusement la production. Malheureu- 
sement, une grêle désastreuse, tombée dans la nuit du 26 au 27 août, 
en a presque complètement anéanti la récolte. Aussi ne peut-il pas 
être question äu rendement. Cependant, il a été possible de comparer 
cette variélé à la variété locale (issue du Maïs des Landes). Du Maïs 
du pays, semé quinze jours plus tôt que le Maïs de Székely, sur une 
surface triple et. à part cela, dans les mêmes conditions, a produit 
irois fois moins que celui-ci. Il aurait donc rendu neuf fois moins, ce 
que M. Decoux attribue à la plus grande précocité du Maïs de Szé- 
kely. Les grains étaient déjà bien formés, lors de la grêle, dans cette 
variété. et il a pu en müûrir beaucoup, tandis que les grains du Maïs 
commun n étaient pas encore développés. 

Enfin, un dernier essai a été fait à Fontet, par M. Séverin, élève de 
Grand-Jouan, qui en a dirigé la culture étant à l’école. D’un premier 
semis effectué le 2 mai, la récolte a été mûre et recueiliie le 20 juillet ; 
déjà le 10 jnillet, quelques épis étaient mûrs. Du grain de cette ré- 
colte, ensemencé le 20 juillet, a donné des produits mûrs le 25 sep- 
tembre. Enfin, le même jour, le 20 juillet, un second semis était effec- 
tué avec des semences de provenance directe et on en obtenait une 
récolte qui put être faite le 20 septembre. Déjà, le 15 septembre, soit 
cinquante-sept jours après l'ensemencement, quelques épis pouvaient 
être récollés. M. Séverin avait aussi fait faire un semis le 12 sep- 
tembre, avec des grains venus de Hongrie, et des épis qu’il m'a mon- 
trés le 11 octobre provenant de cette culture, permettaient, d'après 
leur développement, d'espérer voir mûrir la récolte en octobre. Mais 
une assez forte gelée a complètement arrêlé la végétation. 


EXTRAITS ET ANALYSES. A1 


Sous le climat de La Réole, M. Séverin a donc obtenu : 

1° D'un semis effectue le 2 mai, une récolte mûre le 20 juillet ; 

2° D'un semis effectué le 20 juillet, avec des graines récoltées le 
même jour, une récolte recueillie le 25 septembre ; soit deux généra- 
tions en une seule année ; 

3° Enfin, d'un semis effectué le 20 juillet, avec des graines reçues: 
de Hongrie, une récolte entièrement müre le 20 septembre. 

Malheureusement M. Séverin n’a pas rapporté à l'étendue cultivée 
les rendements qu'il a obtenus. 

En résumé, aucun des essais n’a fourni des renseignements com- 
plets et obtenus dans les conditions normales, et il ne m'est pas pos- 
sible d'affirmer la supériorité du Maïs de Székely sur les autres varié- 
tés. Cependant, il semble hors de doute qu'il est plus précoce que le 
Maïs quarantain et que sa productivité est suffisante. 

Des essais vont être renouvelés, en vue de s'assurer si ce sont là 
des faits constants. Mais déjà, dans les cultures que j'ai vues, j'ai pu 
faire quelques observalions. D’après l’aspect du grain de semence, il 
n’y avait qu'une seule variété, bien pure en apparence ; mais à la vé- 
gétation on constate des différences sensibles, suivant les plants, 
au point de vue de la hauteur, de la précocité, et surtout de la pro- 
ductivité. Il faut en conclure que la semence qui m'avait été fournie 
n’était pas bien pure, ou bien, et cela serait fort possible, que la va- 
riété n’est pas encore bien fixée et qu’il est nécessaire d’en poursuivre 
l'amélioration par une rigoureuse sélection. Peut-être, aussi, par ce 
moyen, arriverait-on à obtenir une variété plus fourragère que le type 
dominant actuel, sans, pour cela, voir diminuer la précocité. Ce serait 
un réel avantage. 

Voici comment se sont accomplies les diverses phases de la végé- 
tation pour deux cultures différentes : 


A PUILBOREAU A NOZAY 
(Charente-Inférieure). (Loire-Inférieure). 


Daletdusenmis:.2:. ue se 25 mai. 7 mai. 
Dalelderla levée. 2... 1 juin. 18 mai. 
Date de l'apparition des pre- 

mières panicules mâles..... 20 juillet. 29 juin. 
Date de l'épanouissement des 

premières fleurs mâles ..... 1er août. 22 juillet. 
Date de la maturité..... ..... 20 octobre (incomplète). 15 octobre. 


Ces premières expériences ont été faites il y a trois ans environ; 
mais M. Jouzier nous confirme aujourd’hui quil a fait cultiver depuis, 
en Charente, le Maïs de Székély et qu’il a obtenu la corroboration de 
ce quil promettait lors des premiers essais. 


112 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 
>< 
Le TouiLze-CanaARD (Æolofhyrus coccinella Gervais). 


+ Sous le nom bizarre de Zouille-Canard, les habitants de l'île Mau- 
rice désignent un Acarien de grande taille (5 millimètres de long), de 
couleur roussâtre et entièrement cuirassé, qui n’était guère connu des 
spécialistes que par les courtes diagnoses qu’en donna, vers 1850, le 
Professeur Gervais, d'après des exemplaires trouvés dans les réserves 
du Museum. 

M. Mégnin vient d'attirer l'attention sur cette espèce qui jusqu’à 
aujourd'hui était passée inapercue mais contre laquelle le médecin et 
l’éleveur doivent être également prémunis. 

Le rôle pathogène du Touille-Canard n'est, en effet, un secret pour 
personne à l'Ile de France; «les éleveurs des Oiseaux de basse-cour 
le savent si bien qu'ils ont renoncé à l'élevage des Canards et des 
Oies dans les endroits élevés de l’île où cet Acare se trouve en très 
grand nombre, caché pendant le jour sous les mousses et les pierres 
des endroits humides, trop fréquentés malheureusement par les Oi- 
seaux en question que leur genre de vie expose à être généralement 
victimes de ces dangereux Acares, lesquels le sont même pour 
l’homme. Les enfants surtout sont principalement exposés à en souf- 
frir quand, imprudemment, ils portent, à leur bouche, leurs mains qui 
ont saisi ces Acares. On le trouve communément à Cuasipe et dans 
les lieux froids, alors que son absence est presque totale dans les 
endroits secs et chauds. 

Plusieurs cas d’empoisonnement ont eu lieu à Cuasipe, causés par 
l'ingestion de ces Touille-Canards qui déterminent immédiatement une 
inflammation grave des muqueuses. Le D' Drouin a signalé dernière- 
ment un Cas curieux de ce genre, sur un enfant de Cuasipe : des 
ædèmes de la langue et de toute la région pharyngienne menacaient 
les jours du patient par apoplexie; le D’ Drouin ne s’aperçut de ja 
cause de ces troubles qu'après avoir fait restituer au patient des frag- 
ments de l’Acare.» (Lettre de M. E. de Chaunoy, de Port-Louis, à 
M. Mégnin). 

Ces faits méritent d'autant plus d’être connus, que probablement cet 
Acare se trouve également à Madagascar. 


BULLETIN 


DE LA 


NOCHTE NATIONALE D'ACCIATATION 


DE FRANCE 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) : 


45 ANNÉE 


ANRT" Les 


SOMMAIRE 
“Cranres RIVIÈRE. — Les Progrès de l'Apiculture en Algérie (travaux du D' Reiser)... 113 
RAVERET-WATTEL. — Sur les travaux de Pisciculture de M. Goubert à Rouen... 116 
\C: CHALOT. — Sur le culture du Caoutchoutier de Céara au Congo français....... . 120 
pe 
b Extraits des procès-verbaux des séances de la Société : 
he Section: Mammifères. — Séance du 24 Janvier 1898................ RE FIGE 0 À . 127 
à Extraits de la Correspondance: 
Les Cantonnements de pêche dans la Méditerranée. — Vœux de la Société Marseillaise 

Le pots MOT OR EEE Re ER ONE AR TA RULES RES SEE RES R 129 


La théorie et la pratique des Réserves de Pêche côtière. — Le cantonnement d'Endouma 
nuits dE Moss SAN R É SSP RR EEE RE DRASS EE OO 0 DE OO dr CAE 


FA Extraits el Analyses: : 
ÆEnouarD HO--FasMouche empoisennéelTsé-Tsé.. 240... et ° 137 
de D ONE — Sur une Graminée du Soudan (Paspalum longiflorum)........... 143 


La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


RD TE 
Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société À fr. 50 


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DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 


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Le Bulletin paraît tous les mois. 


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SUR LES TRAVAUX DE PISCICULTURE 


DE M. GOUBERT, A ROUEN 


par GC RAVERET -WATTEL, 
Vice-Président de la Société (1). 


M. Goubert, membre de la Chambre de Commerce de Rouen, 
a fait établir, dans le jardin attenant à son hôtel de la rue 
Bihorel, une petite rivière artificielle qui serpente au milieu 
des pelouses de gazon, en formant plusieurs bras, et qui se 
pare, pendant la belle saison, de toute une collection de 
plantes aquatiques des pays chauds. La nature perméable du 
sol a nécessité le cimentage du lit de ce cours d’eau en minia- 
ture, qui ne présente pas plus de 50 à 60 centimètres d’eau 
- dans ses parties les plus profondes, et qui n’est alimenté que 
par une concession d’eau de la Ville, donnant 4": environ par 
vingt-quatre heures (2). Ce n’est certes pas là un milieu idéal 
pour la Truite, et c'est cependant ce que M. Goubert a su 
rendre suftisant pour élever et entretenir couramment, depuis 
plusieurs années, de la Truite commune, de la Truite arc-en- 
ciel et du Salmo fontinalis. 

Ce qui fait surtout l'intérêt de ce petit établissement pisci- 
cole, c'est qu'on y pratique toutes les opérations usitées en 
pisciculture : récolte, fécondation et incubation artificielles 
des œufs ; production de l’alevin, élevage du Poisson jusqu'à 
l’âge adulte. Sous un kiosque qui surmonte une petite butte, 
au milieu du jardin, a été installé, en sous-sol, le laboratoire 
renfermant les appareils d’éclosion. Sur trois de ses côtés, ce 
laboratoire est occupé par des bacs à parois de glaces, qui en 
font un très joli aquarium, où se voient des représentants de 
nos principales espèces de Poissons d’eau douce. D’autres 
bacs servent à l'élevage de l’alevin. Comme M. Goubert 
n'obtient généralement les éclosions qu'assez tard en saison, 


(1) Extrait d'une lettre lue en séance générale le 17 décembre 1897. 

(2) En réalité, le débit est de 3" 3 par jour, en hiver, et de 5" en été, sauf 
les jours d’orages, où l’on donne une plus grande chasse d’eau, soil environ 
10 ou 12®%,. La température de l’eau, sortaut du compteur, est de 9° à 10° cent. 


Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 9. 


114 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


alors que la récolte des Daphnies et autres Entomostracés de- 
vient facile, il nourrit exclusivement ses alevins avec des 
proies vivantes, afin de s’épargner l'obligation fastidieuse de 
la préparation des nourritures artificielles, dont le moindre 
inconvénient est de nécessiter de très fréquents nettovages 
des bacs d'élevage. Pour se procurer des Daphnies en quan- 
tité suffisante, M. Goubert utilise tout simplement des ton- 
neaux semblables à ceux qui servent, dans les jardins, à 
emmagasiner l'eau pour l’arrosage. Chaque tonneau, ayant 
été rempli d’eau, reçoit un panier à claire-voie, suffisamment 
lesté avec quelques pierres pour aller au fond. et contenant 
du fumier d’écurie dont on a retiré toute la paille. Puis, le 
tonneau est ersemencé avec quelques Daphnies et, au bout 
de peu de temps, la récolte peut commencer. 

Tous les ans, M. Goubert élève assez d’alevins (2,000 à 
3,000) pour pouvoir en distribuer à quelques personnes, tout 
en en conservant une certaine quantité pour lui. 

Dès que ces alevins sont assez forts, ils vont prendre place 
dans quatre petits ruisseaux d'élevage, d'environ 030 de 
profondeur. Les distributions de Daphnies sont alors peu à 
peu supprimées, pour être remplacées par de la viande de 


Cheval finement hachée. C'est cette même nourriture qui ! 


forme également la base de l'alimentation des sujets de 
deuxième et de troisième année, lesquels ont à leur disposi- 
tion les parties les plus profondes de la petite rivière, consti- 
tuant des bassins de 050 à 0"60 de profondeur. La contenance 
totale de ces bassins et des ruisseaux est d'environ 20°, dans 
lesquels M. Goubert peut élever de 2,000 à 3,000 alevins de 
première année, comme je l'ai dit ci-dessus, plus 200 ou 
300 sujets de 100 à 200 grammes, et une centaine de repro- 
ducteurs de 250 gr. à 1 kilog. 

M. Goubert apporte dans toutes ses opérations piscicoies un 
soin qui explique le succès de ses élevages. Je puis en donner 
une idée en transcrivant l'extrait suivant d'une lettre qu'il 
m'écrivait ces jours-ci : « ... Nous savons tous que la durée 
de l'incubation des œufs de Salmonides est en raison directe 
de la température du milieu où ils se trouvent. Mais je n'ai, 
jusqu'à présent, vu pulle part que le nombre de degrés néces- 
saire à cette incubation ait été déterminé. 

» Or, depuis quelques années, en me servant du même 
thermomètre, j'ai relevé chaque jour, entre neuf heures et 


; 
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TRAVAUX DE PISCICULTURE À ROUEN. 115 


dix heures du matin, la température de l’eau servant à l’in- 
cubation des œufs de Truites, et j'ai constaté ,en additionnant 
les decrés régulièrement inscrits jour par jour, que la pré- 
sence de l'embryon, dans les œufs de Truites arc-en-ciel, cor- 
respondait à environ 200 degrés, et que l’éclosion commen 
çcait entre 310 et 315 degrés, pour se terminer entre 340 et 
390 degrés. J’ai également constaté que le nombre de jours 
avait varié entre 35 — 40 — 42 et 47, suivant que la tempé- 
rature journalière avait été plus ou moins élevée; mais que le 
nombre de degrés était resté le même. Ceci est le résultat de 
quatre années d'observations. 

» Pour les œufs de Truite commune, l’incubation exige un 
plus grand nombre de degrés; ce n’est que vers 240 degrés 
qu'apparait l'embryon, et vers 370 ou 380 degrés que com- 
mence l’éclosion. » 

M. Goubert compte poursuivre des observations dans ce 
sens, en y apportant plus de précision encore, afin de réunir 
des données absolument exactes sur la question. 

On ne peut, certes, qu'applaudir à des travaux de ce genre, 
et les résultats déjà obtenus dans un semblable établissement, 
au milieu d'une ville, et dans des conditions relativement 
peu favorables, m'ont paru mériter d’être signalés à la Société 
d'Acclimatation. 


29 novembre 1897. 


416 


LES PROGRÈS DE L'APICULTURE EN ALGÉRIE 


TRAVAUX DU D" REISSER 


par Charles RIVIÈRE, 


Délégué de la Société d’Acclimatation à Mustapha {1}. 


Tous ceux qui visitent l'Algérie au printemps sont tentés 
de lui appliquer l’exclamation d’Hérodote dans la vallée du 
Nil : « C’est une mer de fleurs. » Or qui dit fleurs dit Abeilles. 
Celles-ci, en effet, se rencontrent partout, et principalement 
dans les zones montagneuses, telles que la Kabylie, grande et 
petite. Déjà, en 1866, MM. Letourneux et Hanoteau comp- 
taient, dans ce qui constitue aujourd'hui l'arrondissement de 
Tizi-Ouzou, jusqu'à 8,480 ruches. 

Malheureusement la quartité de miel récoltée n’est pas en 
rapport avec le nombre des colonies d'Hyménoptères, et 
nous voyons toujours, dans nos possessions Nord-Africaines, 
l'importation annuelle de cette denrée osciller entre 200,000 
et 250,000 kilos. Pourquoi ? Parce que l’indigène, primitif en 
Apiculture, comme pour tout le reste, ne sait pas exploiter 
l'exubérance fiorale du pays. Le sol aussi est riche, et ne rend 
pas assez entre ses mains. La charrue qu'il manie encore 
aujourd’hui, figure telle quelle sur les antiques monuments 
de l'Egypte. Il en est de même de sa ruche, dont nous sur-_ 
prenons l’image exacte sur les peintures murales des pre- 
miers Pharaons. Ajoutez à la défectuosité de l'outillage, 
l'ignorance absolue de la nature et des mœurs de nos labo- 
rieux Insectes, et vous comprendrez aisément les causes de 
notre infériorité vis-à-vis de l'étranger, et du tribut que nous 
payons au dehors. 

Cylindre en écorce de Chéne-liège ou parallélipipède en ro- 
seaux, la ruche indigène est trop petite, même pour la ponte 
de la reine, sans pouvoir être agrandie pratiquement. Et le 
cultivateur y porte le couteau pour en extraire miel et cire ! 
Les Abeilles usent leurs jours à réparer les brèches, quand 


{1} Communication faite dans la séance générale du 14 janvier 1898, - 


t 
f 


LES PROGRÈS DE L’APICULTURE EN ALGÉRIE. 147 


l'année est propice, heureuses encore quand leur mère n’a 
pas perdu la vie sous la lame inconsciente. Dans ce dernier 
cas la colonie est détruite; dans l’aütre, elle produit fort 
peu, car, lorsque les bâtisses sont refaites, il n’y a plus rien 
à butiner. Et les petites populations qui résultent de ces 
tailles insensées en plein convain ! Et les ravages de la fausse 
teigne dans ces avortons de ruches, où les ouvrières ne sont 
plus même assez nombreuses pour veiller à la porte! 

Un apiculteur très érudit, M. le D: Reisser, prêche depuis 
quinze ans autour de lui, en territoire arabe, la réforme de 
ce système néfaste ;-il a écrit à ce sujet un livre spécial, tra- 
duit dans la langue du pays ; il a installé ou fait installer des 
ruchers modèles au milieu des douars : jusqu'à ce jour, le 
progrès est presque nul. Les quatre cinquièmes des habitants 
sont totalement illettrés ; l’autre cinquième ne lit pas, et, par 
morgue aristocratique, ne veut pas mettre la main à la pâte. 
Nos instituteurs Kabyles seuls — et la Sociéié d'A siculture 
vient de décerner à l’un d'eux une médaille d'argent — arri- 
veront à changer cet état de choses, en formant la nouvelle 
génération. 

Et les colons, dira-t-on ? Hélas! ici encore le tableau pré- 
sente des ombres. Autrefois beaucoup ne voulaient pas lire. 
Or un apiculteur sans aucune instruction ne comprendra rien 
à nos préceptes, et commettra journellement des fautes pré- 
judiciables à lui et à ses élèves. Beaucoup arriveraient à sa- 
voir ; mais ils ont tous hâte de s'enrichir, et alors, que peut 
bien un rucher pour gonfler la bourse? Ils se rappellent avoir 
vu des Abeilles chez leurs parents, sans que ceux-ci en aient 
retiré autre chose que des piqüres, et à peine de quoi sucrer 
la tisane des malades. On avait des paniers fort commoes, 
car ils ne demandaient pas de soin. Ignorance par-ci, non- 
chalance par-là, ou ce qui pis est, routine invéterée, voilà les 
obstacles qu'ont rencontrés ceux qui, comme le D' Reisser, 
ont voulu voir dans l’Apiculture une utile ressource complé- 
mentaire pour le colon. 

Ce n’est que depuis quatre ou cinq ans que l’on commence 
à accepter des idées plus saines. Et ne croyez pas que ce soit 
dans la grande masse, les néophytes se recrutant surtout 
parmi les propriétaires aisés, qui appliquent aux cultures les 
notions scientifiques, et qui ne prennent pas comme modèles 
les attelages taillés dans les colonnes de Karnac. 


118 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Tout leur est offert à cette heure pour marcher de l'avant : 
Bureau de renseignements toujours ouvert, Bulletin, confé- 
rences, ruchers-écoles, récompenses aux concours. La pro- 
pagande s'étend à vue d’œil, et couvrira bientôt toute l’Algé- 
rie. Déjà quelques adeptes étonnent les voisins par leur foi, 
et s’'ingénient à faire de l'élevage des Mouches à miel une vé- 
ritable industrie. Les ruchers de quarante à cinquante colo- 
nies ne sont pas rares, nous en connaissons même un qui en 
abrite plus de mille. Et tout cela, cette fois, conduit métho- 
diquement. La ruche à cadres est seule employée ; les ruches 
arabes ne sont achetées qu’à l'effet de fournir des essaims. 
Aussi les récoltes ne se sont pas fait attendre, bonnes ou 
moyennes d'un côté, superbes de l’autre. Cela durera-t-il ? 
Oui, parce que nous n’avons pas ce qu'on appelle de mauvaises 
campagnes ; parce que l’hivernage, la pierre d’achoppement 
des éleveurs d'Europe, ne nécessite chez nous aucune atten- 
tion particulière ; parce que notre Abeille est d'une activité 
extraordinaire : parce que, enfin, il ne tient qu’à l'Apiculture 
d’avoir ici des fleurs toute l’année. Puis encore, quel produit 
délicieusement parfumé! Et quelle facilité de l’écouler sur 
place, puisque nous demeurons tributaires de l'étranger ! 
Aussi croyons-nous fermement à l'avenir apicole de l'Algérie. 

L'élite de la population immigrée est désormais gagnée à 
l’Apiculture ; le clergé, dont le chef hiérarchique n’a pas dé- 
daigné de s'inscrire dans notre phalange ; les instituteurs et 
même les institutrices, ces pionniers de la civilisation, dont 
une grande partie font figurer l’Apiculture rationnelle dans 
leur programme d’enseignement. 

Le Gouvernement même a tenu à encourager £e mouve- 
ment utile, et, de concert avec les assemblées départemen- 
tales élues, ne nous a pas marchandé son précieux appui. 

« Une ruche à chaque maison » telle est la devise qu'a 
prise pour l'Algérie le Dr Reïisser, de l'Oued-Fodda, à qui l’on 
doit le réveil de l’Apiculture dans la colonie. Ce très zélé 
propagandiste a prêché par la parole, par le livre, par 
l'exemple; il a fondé la Société d’'Apiculture algérienne, 
créé des ruches modèles, organisé des conférences, elc..., 
en un mot, par ses efforts persévérants, il a appelé l’atten- 
tion sur une production qui serait un sérieux appoint pour 
le petit colon dont la récolte est qeRRs, soumise à bien 
des aléas climatériques. 


LES PROGRÈS DE L’APICULTURE EN ALGÉRIE. 119 


J'appelle tout spécialement l'attention de mes collègues de 
la Société d’'Acclimatation de France sur l’œuvre du D'Reis- 
ser. En la récompensant, la Société contribuera de la ma- 
nière la plus efficace au développement de l’Apiculture en 
Algérie. Les progrès accomplis, recevant une haute sanction, 
seront d'autant plus remarqués et les bons exemples servi- 
ront chaque jour davantage. 


120 


SUR LA CULTURE DU CAOUTCHOUTIER DE CÉARA 


(MANTHOT GLAZIOWII Muerr.) 


AU CONGO FRANÇAIS (1) 


par C. CHALOT, 


Directeur du Jardin d'essai de Libreville, 


La disparition progressive, mais qui sera à peu près com- 
plète dans un temps plus ou moins éloigné, des végétaux 
spontanés fournissant du caoutchouc, a mis au premier rang, 
depuis que l’on s'occupe d’une facon sérieuse de l'avenir éco- 
nomique de nos colonies, la question de culture et d’exploita- 
tion rationnelle des plantes dont le produit peut être utilisé 
par l'industrie. 

L'exemple de la Malaisie où la hache coupable 2 détruit en 
un demi-siècle pour ainsi dire completement l’Zsonandra 
gutta a déjà fait chercher un isolant qui puisse remplacer la 
précieuse substance pour la fabrication des cäbles sous- 
marins ; il ne semble point que l’on y soit parvenu. 

Dans l'Afrique équatoriale, la cupidité et l'ignorance des 
indigènes ont également fait disparaitre, et dans une grande 
proportion, les Landolphia des contrées accessibles, si l’on 
en juge d'après les quantités considérables de caoutchouc 
exportées dans ces vingt dernières années. Il est vrai qu'il en 
existe encore de nombreux peuplements dans les foréts du 
centre africain ; mais avec les moyens de transport rapides et 
peu coùteux dont dispose la civilisation moderne et la péné- 


tration politique et commerciale qui avance de jour en jour, 


il faut prévoir (car on ne peut songer, à cause des difficultés, 
à réglementer d'une manière efficace la récolte du caout- 
chouc), que les différentes plantes qui le produisent dimi- 
nueront d'année en année. Aussi, arriverait-on fatalement à 
manquer de caoutchouc, si l'on ne s’occupait dès maintenant 
de résoudre la question, soit en cultivant certains végétaux 


{1} Mémoire communiqué par M. Henri Lecomte, membre de la Société et lu 
à la séance générale du 28 janvier 1898. 


SUR LA CULTURE DU CAOUTCHOUTIER DE CÉARA. 121 


indigènes, soit en introduisant des plantes exotiques recon- 
nues comme fournissant les meilleurs produits. 

Il ne faut pas croire en effet qu’une liane à caoutchouc 
qui a été coupée donnera deux ou trois ans après des pousses 
assez fortes pour être saignées à leur tour; il n’en est rien. Ce 
n’est guère qu’au bout d’une dizaine d’années et même davan- 
tage, c'est-à-dire lorsque les rejets auront atteint 0,15 à 
02,20 de circonférence et plusieurs mètres de longueur qu'ils 
pourront fournir un rendement sérieux. Souvent la liane qui 
a été coupée meurt. 

Nous ne croyons pas que l’on ait expérimenté ailleurs que 
dans certains jardins coloniaux la culture des arbres à caout- 
chouc; en tout cas, rien n'a été publié sur les bénéfices que 
peuvent laisser ces cultures. C’est pourquoi il nous a paru 
utile de renseigner les personnes qui auraient l'intention 
d'entreprendre des plantations de ce genre, car en matière de 
culture coloniale surtout, il n’est pas prudent d'engager des 
capitaux dans une exploitation agricole dont les résultats 
sont problématiques malgré les espérances qu'elle peut faire 
concevoir de prime-abord et sans avoir été étudiée à fond. 


Dans cette notice, nous allons parler d'un arbre à caout- 
chouc introduit au Congo français en 1887, dont on s'occupe 
beaucoup depuis quelques années et qui existe à l'heure 
actuelle dans plusieurs colonies françaises, le Jardin d'Essai 
de Libreville ayant fait de nombreux envois de graines, 
notamment à la Martinique, en Cochinchine, à Madagascar et 
dans toutes les possessions françaises de la côte occidentale 
d'Afrique. 

Cet arbre, appelé Caoutchoutier de Céara, est le Manihot 
Glaziowii Muell, originaire de la province de Céara (Brésil). 
Il est cultivé à Ceylan depuis longtemps déjà et a été intro- 
duit en 1883 à San-Thomé, où il en existe actuellement un 
certain nombre de plantations. La plus importante est celle 
du commandeur Jacintho Carneiro de Sousa et Almeïda, sur 
son domaine de Porto-Alegre. 

Caractères botaniques. — Le Manihot Glasiowii est un 
arbre de la famille des Euphorbiacées, tribu des Crotonées ; 
il atteint de 10 à 15 mètres de hauteur. Ses racines tuber- 
culeuses, ressemblant à celles du Manioc commun, sont tra- 
cantes bien que parfois il y ait un semblant de pivot. Son 


4122 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


tronc s'élève le plus souvent tres droit, principalement dans 
les sujets venus de graines, jusqu'à environ 1",50 du sol, 
hauteur à laquelle il se divise en deux ou trois branches prin- 
cipales. L’écorce qui a l’apparence de celle de notre Cerisier 
d'Europe, se détache facilement. Les feuilles alternes sont 
palmées, découpées en trois lobes, quelquefois cinq, entiers, 
obtus, légèrement acuminés ; elles sont glauques sur leur 
face supérieure et le pétiole brunâtre est long de 02,15 à 0m,20, 
les stipules sont nulles. 

Les fleurs, disposées en grappes, possèdent un périanthe 
verdätre, plissé, à quatre ou cinq divisions; une fleur 
femelle terminaie occupe le milieu de chaque cyme; son 
périanthe est fendu jusqu'au réceptacle : à l'intérieur 
se trouve un ovaire à trois loges surmonté d’un style 
terminé par trois stigmates divisés, Les fleurs mâles, en plus 
grand nombre, ont un périanthe divisé seulement jusqu’au 
milieu de la hauteur, renfermant dix étamines dont cinq 
longues et cinq plus courtes. L'ovaire est formé de trois 
coques contenant chacune une graine brune mouchetée de 
noir, à deux faces convexes et à arêtes médianes. À la matu- 
rité, le fruit s'ouvre en faisant entendre un bruit sec sem- 
blable à une crépitation, et les graines sont projetées sur 
le sol. 

Conditions climatériques.— À notre avis, le Caoutchoutier 
de Céara se développera parfaitement dans les pays où la 
température moyenne est de 26°; peut-être même pourrait-il 
s’accommoder d’une température inférieure. En ce qui con- 
cerne la quantité de pluie annuelle, il n’y a rien d'absolu ; au 
Gabon, où elle est d'environ 2",40 répartis sur une moyenne 
de 220 journées, le Mañnihot Glaziowii vient bien, mais seu- 
lement sur les pentes et dans les terrains pierreux ou très 
perméables. Par-dessus tout, il redoute l’excès d'humidité 
dans le sol. 

Préparation des graines. — Si le Caoutchoutier de Céara 
produit des graines en abondance, et cela à partir de la pre- 
mière année de plantation, on a cru pendant longtemps qu'il 
faudrait s’en tenir au bouturage comme moyen de multiplica- 
tion. En effet, le périsperme de la graine est entouré d'une 
coque tellement dure et cornée que dans les semis on consta- 
tait rarement des cas de germination. Aussi, au début, l'arbre 
fut-il propagé seulement par boutures. Mais l’on sait que les 


SUR LA CULTURE DU CAOUTCHOUTIER DE CÉARA. 193 


boutures ne donnent jamais naissance à des plantes aussi 
vigoureuses que celles provenant de graines, et pour le Caout- 
choutier de Céara, on se rendit compte que les arbres venus 
de graines donnaient du latex en plus grande quantité que 
ceux provenant de boutures. C’est pourquoi nous avons cher- 
ché un moyen pour faire germer les graines. Il est connu 
depuis quelques années déjà et a été signalé dans plusieurs 
publications spéciales. 

Voici en quoi il consiste : 

Nous avons dit qu'à la maturité les fruits éclatent en fai- 
sant entendre un bruit sec et que les graines sont projetées 
sur le sol. Ces graines sont ramassées, et une à une on les 
casse de queiques millimètres, à l’aide d’un couteau assez fort 
au hile, extrémité de la graine où il y a une légère dépression. 
Un homme un peu habile peut en préparer ainsi plusieurs 
centaines par jour. En les usant légèrement sur une meule, 
on obtiendrait le même résultat. Les graines, préparées de 
cette facon et mises en terre de suite, germent dans la pro- 
portion de 90 à 95 pour cent. 

Culture. — Une fois en possession d’un certain nombre de 
graines préparées, on les sèmera en pépinière sans attendre, 
car les Fourmis et autres Insectes pourraient venir en manger 
l’albumen. Le sol de la pépinière sera plutôt incliné pour 
éviter que les eaux n’y séjournent, surtout si l’on effectue le 
semis au plus fort de la saison des pluies. Après avoir été 
bêché et fumé s’il était trop pauvre, on le divisera par 
planches de 1,30 de largeur séparées par des sentiers 
de 0,40. On tracera dans les planches de petits sillons dis- 
tants les uns des autres de 0m,20 et profonds de 0.92 à 
0®,03 seulement, dans lesquels on placera les graines à Om,15 
les unes des autres ; on recouvrira légèrement au rateau et on 
paillera les planches. La germination aura lieu dix à douze 
jours après le semis. Si le temps était sec, il faudrait arroser 
chaque soir. 

Après un mois et demi ou deux mois de pépinière, les plants 
seront assez forts pour être mis en place. Comme nous l'avons 
dit, le Caoutchoutier de Céara craint l’excès d'humidité dans 
le sol. Le Manihot Glaziowii paraît mieux venir dans les 
sols sablo-argileux que dans les sols où l'argile domine. Le 
terrain destiné à la plantation ne devra donc être ni maréca- 
geux, ni même trop humide. L'arbre étant assez cassant, il 


PTE SRE 1. MIT, NT 


dE trs ie ds = ES D. Lt + 


124 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ne faudrait pas que la plantation fût exposée aux grands 
vents. Les pentes abritées seront par conséquent choisies de 
préférence pour la culture qui nous occupe. On peut planter 
en plaine, car ce Caoutchoutier n'est pas très exigeant sur le 
choix du sol et ne demande pas, comme beaucoup d’autres 
plantes cultivées dans les pays chauds, à être garanti du 
soleil par des arbres protecteurs. 

Après avoir été nettoyé, le terrain sera jalonné de 4 mètres 
ou » mètres en tous sens, suivant la fertilité du sol, en lignes et 
en quinconces comme pour toutes les cultures, bien entendu. 
Cette distance, qui pourrait sembler insufisante, étant don- 
nées les dimensions qu'atteint le Manihot Glaziowwii, est ren- 
due nécessaire par ce fait déjà signalé, que les arbres, étant 
assez fragiles, ont besoin de se soutenir les uns les autres, 
pour pouvoir résister aux grands vents et aux tornades de la 
saison des pluies. 

Des trous d'un mètre de côté sur autant de profondeur 
seront creusés et remplis au bout d’une quinzaine de jours 
pour que le sol ait le temps de se raffermir et de se bonifier. 

Les plants, enlevés soigneusement en motte de la pépinière, 
seront mis en place, arrosés et entourés de deux feuilles de 
Palmier qu'on laissera pendant quelques jours seulement 
pour faciliter la reprise des plants. On choisira un temps cou- 
vert ou pluvieux pour effectuer ce travail. Au bout d’un cer- 
tain temps, on remplacera les plants qui pourraient manquer. 
Comme dans les pays chauds, les mauvaises herbes envahis- 
sent rapidement les terrains qui ont été débroussés, nous ne 
conseillons pas le semis direct en place. 

L'entretien de la plantation consiste en binäges pendant la 
première et la seconde année seulement, car les herbes de- 
viennent de plus en plus rares au fur et à mesure que les 
arbres se développent. 

Au Gabon, le Caoutchoutier de Céara, comme beaucoup 
d’autres arbres, d’ailleurs, se laisse quelquefois envahir par 
des plantes parasites (Loranthacées) ; il n'y a qu'à couper les 
branches qui en sont garnies, car les parasites en se multi- 
pliant épuiseraient rapidement les Caoutchoutiers. 

Le Manihol-Glaziowii est bien plus vigoureux en saison 
des pluies qu’en saison sèche. C'est pourquoi nous croyons 
que la récolte du latex devrait être faite pendant la saison 
pluvieuse qui est celle de la végétation dans les pays chauds. 


SUR LA CULTURE DU CAOUTCHOUTIER DE CÉARA. 125 


Dès que la saison sèche est bien prononcée, les Caoutchou- 
tiers perdent une partie de leurs feuilles et celles qui restent 
deviennent grises pour la plupart et ont leur face inférieure 
souvent couverte par une sorte de Puceron lanigère; mais 
au retour des pluies, ils se couvrent d’un feuillage abondant, 
bien vert, et les Pucerons, dont le grand ennemi est l’eau, ne 
tardent pas à disparaitre. On ne pourrait d’ailleurs songer 
dans une plantation d’une certaine étendue, à combattre les 
Pucerons par un des moyens employés en France; ce serait 
trop coùteux. 


DONNÉES MOYENNES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU Manihot Glaziowir 
AU JARDIN D ESSAI DE LIBREVILLE. 


Hauteur Hauteur à laquelle | 
Circontérence 
Are. totale commencent RE RE 
de l'arbre. les branches. DRE 
raie ST TON 1,60 021,20 
2 — 9025 = 02,45 
3 — 80,25 — OS S 
4 — 102,00 — 0,30 


Comme la plupart des arbres à croissance tres rapide, le 
Caoutchoutier de Céara ne semble pas devoir fournir une 
longue carrière, mais cet inconvénient ne saurait être un obs- 
tacle à sa culture, étant donnée la facilité avec laquelle on 
peut le multiplier. 

Récolte. — C'est habituellement pendant la saison sèche 
que les indigènes récoltent le caoutchouc, car ils sont parfois 
obligés de s'éloigner assez loin de leurs villages et la marche 
dans les forêts est alors beaucoup moins pénible que dans la 
saison des pluies. Pour le cas particulier du Manihot-Gla- 
ziowii, nous pensons que les arbres devraient être saignés 
en saison des piuies car, nous l’avons dit, ils sont alors plus 
vigoureux que pendant la saison sèche. 

Après avoir essayé différents procédés, les noirs ont trouvé 
plus pratique pour la récolte du latex, de se servir des valves 
d'une sorte d'Huître assez commune sur certains points du 
littoral de la colonie. 

Voici comment ils procèdent : 

La première écorce de l'arbre, qui se détache facilement, 
ayant été enlevée, la partie coupante de la coquille est enfon- 


126 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


cée suflisamment pour que cette derniere tienne seule sur le 
tronc ou sur les grosses branches du Caoutchoutier. Un cer- 
tain nombre de ces petits récipients sont disposés de cette 
facon, puis des incisions de 0,10 à 0,20 centimètres de lon- 
gueur sont pratiquées au-dessus d'eux; le latex alors 
s'écoule. Au fur et à mesure que les valves s’emplissent, on 
les vide dans un vase plus grand et on les replace ensuite 
sur les différentes parties de l'arbre qui n’ont pas encore été 
saignées. 

Coagulation du latex. — Dès qu'on a une certaine quan- 
tité de latex, il faut le coaguler immédiatement par la cha- 
leur, mais à une température pas trop élevée, car on obtien- 
drait un produit poisseux, si on attendait par exemple (six à 
huit heures suivant le temps), il se coagulerait seul et ne don- 
nerait qu'un mauvais caoutchouc, car il renfermerait de 
nombreuses poches contenant du liquide, ce qui amèneraïit 
une fermentation et de la moisissure et communiquerait une 
odeur désagréable au caoutchouc. 

Rendement. — En opérant dans une plantation de Caout- 
choutiers âgés de cinq et six ans, et sur cinq ou six arbres 
à la fois, un homme a récolté en moyenne, par journée de 
dix heures de travail, 550 grammes de latex, lesquels four- 
nissent environ 177 grammes de caoutchouc; expériences 
faites en novembre, c’est-à-dire en saison des pluies. 

D'après nos propres essais, nous estimons qu'un arbre, 
après la quatrième année de plantation et dans de bonnes 
conditions ne pourrait produire annuellement plus de 150 à 
200 grammes de caoutchouc. Ce chiffre doit être tenu pour 
vrai, Car jusqu'à ce jour, le manque de données sérieuses a 
fait exagérer le rendement du Manihot Glaziowii et des 
Caoutchoutiers en général. 


127 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


Jre SECTION (MAMMIFÈRES). 


SÉANCE DU 24 JANVIER 1898. 


PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, @RÉSIDENT: 


M. Loyer, secrétaire adjoint, s'excuse de ne pouvoir assister à la 
séance. 

Il est procédé à la nomination du Bureau et d’un Délégué à la Com- 
mission des Récompenses. 

Sont élus : 


Président : M. E. Decroix ; 

Vice-Président : M. D' Trouessart ; 

Secrétaire : M. Ch. Mailles ; 

Secrétaire adjoint : M. Loyer; 

Déléqué à la Commission des Récompenses : M. le D' Trouessart. 


La question de l'Éléphant d'Afrique étant à l’ordre du jour, 
M. P. Bourdarie demande à insister sur un fait déjà cité par lui et qu'il 
considère comme très important; il s’agit de l'emploi à Oudh, dans 
les États du Maharadjah de Kapurthala (Indes anglaises), de deux 
Éléphants d'Afrique qui sont utilisés pour toutes sortes de travaux en 
même temps que des Éléphants d'Asie. Au point de vue del’exécution 
des diverses besognes qu'on leur impose, les Africains ne se distin- 
guent en rien de leurs congénères d’Asie. Telle est du moins l’affir- 
mation de M. Mertens, l’agent à Paris du Maharadjah de Kapurthala. 
M. Mertens ajoute seulement que la période du rut est un peu plus 
difficile chez les Éléphants africains. 

M. le D' Trouessart fait observer que les défenses des Éléphants 
captifs, tout au moins dans les ménageries, sont généralement usées 
par les animaux eux-mêmes. 

M. Bourdarie répond que les faits signalés par M. Trouessart sont 
exacts et qu’il les a lui-même contrôlés et envisagés au point de vue 
de la production de l’ivoire. Mais si l’on veut en chercher la cause vé- 
ritable, on verra que l’ivoire n’est pas en péril. En effet, si l’on consi- 
dère par exemple, les trois Éléphants du Muséum, on voit qu’ils sont 
enfermés seuls et libres de leurs mouvements dans des boxes de pierre 
(rotonde du Muséum) et entourés de grilles et de portes en fer. Ces 
animaux, désœuvrés et livrés à eux-mêmes dans un espace restreint 


128 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


font mauvais usage de leur force. Les deux jeunes pour jouer, et Sahib 
pour manifester ses sentiments plus ou moins violents, se précipitent 
contre le mur, essaient de soulever les lourdes portes, et parfois de 
démolir les grilles. À ces jeux, les défenses s'écaillent ct peuvent 
même se briser. Que ces Éléphanis, au contraire, soient employés 
dans la journée à des travaux variés, et que, le soir venu, on les atta- 
che par une patte à un poteau, ils auront toutes raisons pour rester 
calmes et tranquilles ; leurs défenses se développeront normalement. 
C'est le cas pour Sam du Jardin d'Acclimalation qui circule en trans- 
portant des visiteurs. A vrai dire, les animaux attachés sont sujets à 
prendre des tics. Mais en Afrique tous ces inconvénients disparaîi- 
tront. En effet : a 

1° On ne bâtira pas aux Éléphants de boxes en pierre et en fer; 

2° Ils seront enfermés dans des enceintes simplement palissadées ; 

3° Ils seront occupés à divers travaux ; 

49 Dans les intervalles de ces travaux, ils pourront même être 
laissés en liberté, car on est certain de les voir revenir aux heures où 
l'on aura pris l'habitude de leur donner à manger. Les choses se pas- 
seut de cette manière en Asie. 

Au surplus, il y a intérêt à sauvegarder par tous les moyens la crois- 
sance normale des défenses, puisque celles-ci aident l'animal dans les 
travaux qu'ils auront à effeciuer. C'est même là un usage de l'ivoire 
qu’il convient de ne point passer sous silence. 

En terminant, M. P. Bourdarie exprime le désir de voir le question- 
naire rédigé par les soins de la Section et du Comité de l’Éléphant, 
imprimé et répandu partout en nombreux exemplaires. 

A propos du questiounaire concernant l’Éléphant d'Afrique, M. le 
Secrétaire général, d'accord avec M. Milne-Edwards, pense qu'il serait 
utile de remanier un peu ce questionnaire, dont l'allure actuelle 
semble être trop scientifique. 

MM. Trouessart, Bourdarie et Maïilles, membres de la Commission 
spéciale de rédaction du Questionnaire, promettent de revoir le travail 
à ce point de vue et d'examiner s’il est possible de le modifier dans 
ce sens. 

La Section à l'unanimité émet le vœu que la Sociélé fasse le néces- 
saire pour obtenir une audience particulière de S. M. le Roi des 
Belges afin de l’intéresser effectivement à l'œuvre de protection et de 
domestication de l'Éléphant d'Afrique. 

Ce vœu sera également soumis à l'approbation de la Section co- 
loniale. 

M. le Secrétaire général présente une photographie d’un magasin de 
défenses d'Éléphants dans les docks d'Anvers (arrivages du Congo) ; 
cette présentation impressicnne visiblement les membres de la Sec- 
tion, en montrant d’un coup d'œil pour ainsi dire, le massacre extraor- 
dinaire d'Éléphanls qui s'’accomplit sans cesse. 


É 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 129 


M. le Dr Trouessart fait une communication sur les Zèbres vivants 
et éteinits. Notre collègue veut bi2n promettre de rédiger ce travail 
pour le Bulletin. 

Un membre, qui désire garder l'anonyme, proteste contre l'emploi, 
que fait M. Trouessart, du mot espèce. Cette observation amène une 
discussion générale sur l’emploi et la définition du mot espèce. L’ac- 
cord ne pouvant s'établir, la Section décide de reprendre cette discus- 
sion lors de la prochaine séance. 

Il sera également traité à cette séance, du dressage des Zèbres et de 
l'Éléphant d’Afrique. 

M. le Secrétaire général fait remarquer combien la réunion qui 
s'achève a présenté d'intérêt, tant à cause des sujets traités, que de 
la manière dont ils l’ont été. M. de Guerne ajoute que les travaux de 
la Section des Mammifères seront heureusement complétés, à l'avenir, 
par ceux de la Section coloniale, beaucoup de sujets d'étude leur 
étant communs. En conséquence, il invite les membres présents à 
assister à la première séance de la Seclion coloniale, le 31 janvier 
prochain. Cette séance aura lieu dans la grande salle du rez-de- 
chaussée, sous la présidence de M. Le Myre de Vilers, président de 
la Société. 

Le Secrétaire, 


CH. MAILLES. 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 


LES CANTONNEMENTS DE PÊCHE DANS LA MÉDITERRANÉE. — VŒUXx 
DE LA SOCIÉTÉ MARSEILLAISE DE PÉCHE La Lucrèce. 


Note de M. Macapo pe Carvazxo (1). 


En 1894, sur les indications de notre collègue M. le professeur Ma- 
rion et de M. le D' P. Gourret, directeur et sous-directeur de la 
Station zoologique de Marseille, i Administration de la Marine décida 
d'établir dans la rade de Marseille un cantonnement où toute la pêche 
devait être interdite ; la tolérance fut accordée dans la suite de pêcher 
à la canne et à la palangrote. Ce cantonnement, qui devait être perma- 
nent, fut établi pour une période de trois années à titre d'essai. Cette 
année, les résultats ayant été satisfaisants, une nouvelle prolongation 
allait être prononcée. 


(1) Communiquée dans la Séance générale du 26 novembre 1897. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 10. 


130 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Une agitation ne tarda pas à se produire à cette nouvelle, agitation 
fomentée par quelques pêcheurs amateurs et quelques professionnels, 
mais surtout par de nombreux propriétaires de villas et commerçants 
du quartier qui prétendirent que cette réserve nuisait à leurs recettes. 
Des réunions eurent lieu où l’on vota la suppression du cantonnement. 

Devant ces réclamations, M. le Ministre de la Marine délégua 
M. Bobet, Commissaire de l'inscription maritime à Marseille, avec 
mission de se livrer à une enquête, et de fournir un rapport détaillé. 

Les Syndicats de pêcheurs ont, paraît-il, été consultés; nous igno- 
rons leur réponse, mais nous devons rappeler ici qu’au Congrès de 
la pêche côtière, tenu à Marseille en 1893, on se prononca en faveur 
de l’établissement des cantonnements sur le littoral. 

Quant à l'opinion de la Station zoologique, nous avons la cerlitude 
qu'elle n’a pas changé. 

Il serait peut-être utile, puisqu'on entend les intéressés par trop 
directs, d'écouter aussi la voix des autres pêcheurs pour lesquels la 
pêche n’est point une question financière; ces habitants de la ville se 
préoccupent plus de l’avenir des eaux provencales que des intérêts 
particuliers de ces quelques protestataires. 

À ce sujet, la Société de pêche La Lucrèce ayant été priée, par un 
de ses membres, de vouloir bien faire connaîlre son avis, a rédigé les 
vœux suivants que je communique à la Société d’Acclimatation, en 
priant son secrétaire de les faire insérer s’il est possible dans le plus. 
prochain bulletin. 

« La Société de pêche Za Lucrèce, dans ses séances des 26 octobre 
» 2 et 9 novembre 1897, présidées par MM. Coste, président, et De- 
» grais, vice-président, consullée sur la question du maintien ou de: 
» la suppression du cantonnement de pêche dit de Bonneveine, décide, 
» après discussion et à l’unanimité de ses membres présents moins. 
» une Voix : 

» 1° Considérant que le dépeuplement des eaux du littoral provenço- 
» languedocien est malheureusement un fait certain ; que la principale 
» cause de ce dépeuplement est sans contredit la pêche intensive à. 
» laquelle on s'est livré depuis de trop longues années. 

» 2° Considérant qu'il faut par tous les moyens s’efforcer d’atténuer 
» le mal présent et prévenir la disparition du Poisson en vue d’as- 
» surer aux générations futures une existence que la continuation de 
» pareils ravages menacerait. 

» Considérant que l'établissement de cantonnements ou réserves. 
» est un des moyens efficaces d'aider à la reproduction, et par consé- 
» quent de concourir au repeuplement des eaux ; 

» La Société de pêche Za Lucrèce émet le vœu que le cantonnement 
» de pêche, dit de Bonneveine soit, sinon agrandi jusqu’à la Pointe 
» Rouge, du moins maintenu pour une nouvelle période minima de 
{rois années; 


ŸY 


» 


Ÿ 


ÿ 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 1341 


» Sollicite également la création de réserves placées sur des points 
du littoral propices à la reproduction du Poisson. 

» 30 Considérant qu’une autre cause de la disparition des Poissons 
est l'apport des résidus ou déchets fourni par les diverses usines 
établies sur la côte; 

> Que ces usines sont soumises à des règlements qu’elles n’obser- 
vent pas en général; 

» La Société de pêche Za Lucrèce émet le vœu que les usines et 
fabriques soient rappelées à l'observation des lois et décrets en 
vigueur ; qu’elles utilisent puisards et bassins de décantation néces- 
saires à la filtration des eaux impures qui proviennent de leurs fabri- 
ques, avant de les envoyer à la mer soit directement, soit indirecte- 
ment ; 

» Demande que certains fonds, déjà frappés de stérilité pour d’autres 
causes naturelles, soient affectés par l’autorilé el réservés aux jets 
de résidus provenant des savonneries, des boues retirées par les 
dragues, immondices des ports et des villes; 

» Réclame une répression sévère des pratiques signalées plus haut 
et l’application, dans les eaux salées, du texte de la loi de 1867, 
ainsi concu : « Quiconque aura jeté des substances de nature à 
détruire le Poisson sera puni d'une amende de 30 à 300 francs, et 
d’un emprisonnement de 1 à 3 mois. » 

Nous avons la certitude que, s’il a connaissance de cette opinion 


librement émise par des personnes désintéressées, des amaleurs cepen- 
dant privés d'aller pêcher dans ce cantonnement dont ils comprennent 
toute l'utilité, M. Bobet voudra bien joindre à son rapport les vœux 
formulés par la Societé de pêche La Lucrèce, afin de lui permettre de 
prouver en haut lieu avec quelle satisfaction elle approuve cette 
louable tentative à laquelle elle souhaite un réel succès. 


Marseille, 11 novembre 1897. 


La question des cantonnements de pêche, traitée par M. Machado de 


Carvalho ayant soulevé diverses discussions, il paraît utile de repro- 
duire ici, à titre de document, un article sur le même sujet re dans 
le Moniteur maritime du 21 novembre 1897. 


132 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


LA THÉORIE ET LA PRATIQUE DES RÉSERVES DE PÊCHE CÔTIÈRE. — 
LE CANTONNEMENT D'ENDOUME, PRÈS DE MARSEILLE. 


par Albert DugBour (1). 


En 1893, le premier Congrès national de la Pêche côlière, réuni à 
Marseille, sous la présidence de M. Antide Boyer, demanda : « la 
création à titre d'essai, entre le fortin de l’ile des Pendus et l'octroi 
de Bonneveine, d'une part, et la partie de la côte comprise entre Bon- 
neveine et le marégraphe, d'autre part, d’un cantonnement de pêche 
permanent dont la surveillance serait exercée par un garde-pêche 
sous la direction du personnel de la Station zoologique d'Endoume ». 

Ce vœu fut émis à l’unanimité sur un rapport présenté par M. le 
D' Gourret, sous-directeur de cette Station. 

En outre, les délégués de divers centres de pêche demandèérent que 
la création de réserves semblables « fût étendue aux autres quartiers 
maritimes du littoral français méditerranéen, sauf impossibilité maté- 
rielle, et que les cantonnements fussent, autant que possible, per- 
manents ». 

L'idée de combattre par les cantonnements la dépopulation des 
eaux côtières répond à une conception empirique assez confuse des 
conditions dans lesquelles se perpétuent naturellement les espèces. 
Sans entrer dans aucun détail à ce sujet, nous pouvons dire que les 
cantonnements purement liltoraux ne sauraient protéger autre chose 
que du frétin, venu sur les fonds côtiers sous l'influence de causes di- 
verses et d’ailleurs mal déterminées. Ils ne sauraient donc être consi- 
dérés autrement que comme des sortes de réservoirs, ouverts du côté 
du large, et préservant les jeunes Poissons contre l’industrie humaine 
— contre l’industrie humaine seulement — pendant les quelques mois 
où ils demeurent en stabulalion près des rivages. 

Sans doule, on peut croire que la protection ainsi accordée à d’in- 
nomkrables jeunes Poissons doit fournir, pour le peuplement des 
régions voisines, des résultats plus avantageux que l'immersion de 
larves produites par des piscifactures; mais, comme à l'égard de 
celles-ci, on n’est nullement renseigné sur les chances de survie des 
jeunes êtres qui ont crù dans l’intérieur des réserves. 

Pour l'Administration, l'idée de créer des cantonnements ne pouvait 
manquer de paraitre très séduisante. 

Elle lui permettait d'espérer, en effet, qu’elle pourrait se borner à 
concentrer sa surveillance sur quelques points bien choisis — au lieu 
de la disséminer comme elle le fait actuellement sur toute l'étendue du 
littoral, et dans des condilions de débilité que tout le monde connaît. 


(1) Extrait du Moniteur maritime du 21 novembre 1891. 


À 
| 


. : ns 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 133 


Pour la Marine donc, le cantonnement parut un moyen éminemment 
pratique d’assurer le peuplement — ou le repeuplement, comme on 
voudra — des fonds. 

Mais la détermination des points où devaient être créées des réserves 
n'allait pas sans soulever de réelles difficultés. En somme, les gens 
qui les demandent admettent, en principe, que les pêcheurs littoraux 
d'une région donnée doivent, en un nombre d'années quelconque, 
tirer plus de bénéfices de l'exploitation d’une partie seulement de 
leurs eaux que de leur totalité. Réciproquement, ils admettent que le 
travail de l’homme s’exerçant sur la totalité de ces eaux doit en pro- 
voquer, au bout d'un nombre d’années quelconque, la stérilisation. 

À ce sujet, il n’est peut-être pas inutile de remarquer que, quelle 
que soit l'intensité du chalutage exercé dans la baie de Seine ou dans 
la baie de Somme, ies pêcheurs y trouvent à peu près tous les ans 
les mêmes quantités de frélin dans leurs filets, ce qui peut bien nous 
faire induire que les sources productives de ce flux de vie ne sont 
point taries ni même appauvries dans leur débit. 

Quoi qu'il en soit, de nombreux problèmes se posent à l'esprit 
lorsque l’on voit l’autorité passer de l'hypothèse à l’action et créer une 
réserve. Pour que celle-ci soit utile, il faut nécessairement que les 
êtres provenant, soit des frayères qui y sout contenues, soit des ter- 
rains de stabulation qu’elle comprend, se diffusent dans les eaux 
avoisinantes. La productivité de la surface soustraite à l’action de 
l’homme doit compenser la destruction faite par l'industrie sur les 
terrains dont la réserve doit assurer le repeuplement. Or, cette des- 
truction est fonction du nombre de bateaux et de l’activité du travail 
des pêcheurs. L’étendue d’un cantonnement doit donc être inversement 
proportionnelle à sa productivité et directement proportionnelle à l’ac- 
tivité professionnelle des gens de mer... ou au coefficient de destruc- 
tion dans les eaux libres. 

Maïheureusement, la Productivité d'un cantonnement, le Coefficient de 
destruction dans les eaux libres ne sont que des mots. Nous n'avons 
aucun Critérium pour apprécier la valeur de ces termes. 

D'ailleurs le travail dans une région de pêche est multiforme, et, 
sous toutes ses formes, il est inévitablement, quoique inégalement, 
destructeur : le chalutage de la Crevette, la pêche des Oursins au 
Gangui, la pêche aux Pœufs, détruisent, c'est entendu, de grandes, 
d'énormes, d’inappréciables quantités de frélin; mais la pêche au 
Palangre ou à l'Entremail ne détruit-elle pas, par contre, d’effrayantes 
proportions de femelles roguées, qui n’ont pas encore pondu? le Thys 
ne capture-t-il pas des femelles de Langoustes grainées ? Si le Taréanon 
s’est attiré la réputation d’être un filet inutilement destructeur parce 
qu'il capture beaucoup de jeunes Bogues et d’infimes Rascasses, que 
devons-nous penser de la Boguïère — réputée inoffensive — et qui, à 
certaines époques, capture des banquées de femelles œuvées? Que 


134 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


devons-nous penser également de la pêche de la Rascasse sur « les 
Moutons » qui détruit ces Poissons sur leurs frayères ? 

Il ne suffit donc pas, pour apprécier l'intensité du travail destruc- 
teur d’un quartier déterminé, de savoir les proportions de bateaux 
qui y sont armés pour la pêche aux arts trainants. Et, à la vérité, il est 
matériellement impossible de connaître le coefficient de destruction 
afférent à un centre de pêche. 

Que conclure de cela si ce n’est que l’on ne peut savoir, même 
d’une manière très approximative, l'étendue qu’il convient de donner 
à une réserve afin qu'elle soit assez grande pour assurer le peuple- 
ment des eaux voisines, sans être cependant trop large ? 

Dès lors, nous sommes plongés dans l’empirisme le plus pur. Par 
des tâtonnements seuls, que guident les connaissances incertaines des 
naturalistes, on peut faire le choix et la délimitation des réserves. 

Alors surgissent de nouvelles difficullés. La population pêcheuse 
n'accepte pas, en bloc et sans murmure, l'imposition d’une mesure 
qui fatalement, la lèse dans ses intérêts immédiats et la gêne dans 
ses habitudes. En admettant qu'il soit passé outre à leurs récrimina- 
tions, les pêcheurs s'efforcent de tirer parti individuellement de la 
région cantonnée et où ils supposent que le Poisson doit grouiller. 
Quand le bruit s’est répandu qu'un marin a travaillé impunément 
dans une réserve, on peut être sûr que tous les bateaux du quartier 
y travailleront à brève échéance, de nuit surtout — alors que les 
gardes maritimes, dans leurs coquilles de noix, ne peuvent s’aventurer 
sans danÿer à la mer. 

Avec les meilleures intentions du monde, l'Administration n'arrive 
donc, en créant une réserve qu’à susciter des tentatives de fraude — 
généralement couronnées du plus grand succès, et qui font consi- 
dérer ses décisions avec quelque ironie par les intéressés. 

Néanmoins, nous concevons que, en présence du vœu si ferme 
émis par le premier Congrès de la Pêche côtière, la Marine ait cru 
devoir seconder ce qu'elle ne pouvait manquer de prendre pour #n bon 
mouvement des pécheurs en vue de combattre le dépeuplement de leurs 
eaux — dépeuplement dont ils se lamentent si fort et depuis si long- 
temps. 

De plus, un savant professeur de Marseille, M. Marion, avait exposé 
dans un long et intéressant rapport les conditions que devaient rem- 
plir, pour produire d'’utiles effets, les réserves de pêche marines. Il 
avait indiqué également la région d’Endoume comme réunissant 
toutes les conditions nécessaires au succès d’un cantonnement. La 
variété des fonds, la nature des eaux, la multiplicité des espèces z00- 
logiques fréquentant ces eaux, tout concourait là, à former un centre 
de peuplement remarquablement productif pour la baie de Marseille et, 
par conséquent, pour les pêcheurs qui l’exploitaient. 

De plus, M. Marion pensait que l’on pourrait améliorer encore les 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 135 


avantages naturels offerts par cette région marine. Il conseillait d'y 
faire des enrochements artificiels pour augmenter la surface de fixa- 
tion des animaux qui vivent attachés au sol et qui, par eux-mêmes, 
ou par les infiniment nombreuses larves qu'ils produisent, servent à 
l’alimentation des jeunes Poissons comestibles. Par ailleurs, la 
création de ces enrochements devait singulièrement faciliter la sur- 
veillance de la réserve en s’opposant ?pso facto à l'usage des engins 
traînants sur toute son étendue. 


Enfin, M. Marion proposait également d'utiliser le cantonnement 
comme centre d'expérimentation pour la propagation artificielle des 
espèces comestibles importantes — le Homard, entre autres, qui est 
actuellement disparu des eaux marseillaises ; après y avoir été abon- 
dant autrefois, paraît-il. 


Mais l'adoption de ce très intéressant projet n'allait pas sans néces- 
siler des dépenses assez considérables. Les services techniques mari- 
times s’opposèrent, du reste, à la création d’enrochements artificiels 
dans la crainte que ceux-ci ne constituassent des dangers pour la 
navigation des petits navires — des torpilleurs, par exemple. Néan- 
moins, les zoologistes marseillais admirent que la seule interdiction 
-e pêcher dans les eaux du cantonnement qu'ils proposaient ne pou- 
vait manquer de produire d'utiles effets. Les marins, d’autre part, 
appuyérent cette manière de voir, en grande majorité, et,se rangeant 
à ces avis, la Marine fit décréter l'interdiction de travailler avec 
quelque engin que ce fût dans la réserve d'Endoume, pendant une 
durée de trois années, à partir de septembre 1894, je crois. 


Or, les gens. qui se tiennent au courant des questions intéressant 
les pêches maritimes françaises ont pu croire que le cantonnement de 
Marseille avait parfaitement répondu aux espérances de l’Adminis- 
tration et des pêcheurs. Au dernier Congrès dela Pêche côtière, tenu à 
Cette, en février 1897, les délégués marseillais, en effet, ont fait 
adopter un vœu tendant à maintenir la réserve d'Endoume et à géné- 
raliser sur les côtes de Provence et de Languedoc la création de 
réserves du même genre. Les journaux nous ont appris loutefois que 
les congressistes s’en étaient remis à la Marine pour déterminer les 
points où elles devaient être établies. 


On pouvait donc induire de ceci que les pêcheurs marseillais 
s'étaient convaincus de l'efficacité de leur cantonnement. 


Tous ceux qui connaissent bien les gens de mer n’ont cependant 
point accueilli cette idée sans restrictions. Bien des raisons qui n’ont 
rien à voir avec le souci de protéger les espèces marines peuvent 
inciter les pêcheurs, en effet, à demander le maintien ou le retrait 
Td’un cantonnement. De plus, il faut avouer que le hasard eût répondu 
d'une manière inespérée aux tentatives de la Marine, si, par une 
Téserve à peine surveillée et limitée, en somme, d’une façon toute 


"4 
136 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


empirique, elle avait pu, du premier coup, effectuer le repeuplement 
des eaux de Marseille. 

Mais voici que, comme pour donner raison à notre scepticisme, la 
Prud'homie de Marseille a émis au mois de mars ou d'avril le vœu 
suivant : 

« Considérant que, dans le cantonnement d'Endoume aucune 
recherche scientifique n’a été faite ; 

» Considérant que dans ces conditions il ne sera pas possible de 
coznaître les résultats acquis par le cazlonnement; 

» Considérant que le nouveau règ'ement local sur la pêche côtière 
sauvegarde le frai et protège les richesses sous-marines des eaux; 

» Par ces motifs, Za Commission demande à M. le Ministre de la Ma- 
rine le retraïl pur ef simple du Décret. » 

Ainsi, nous ne sommes pas plus fixés qu'il y a quatre ans sur le 
rôle que peut jouer un cantonnement en Méditerranée. 

De mauvaises langues affirment — et il pourrait se faire que ces 
mauvaises langues disent méchamment la vérité — que la demande 
de cantonnement, formulée par le premier Congrès de la Pêche côtière, 
avait pour unique but d'empêcher l’usage d’une puissante senne à 
petite maille, le Bourgin sur la seule plage où cet engin soit pratique- 
ment utilisable. 

Les pêcheurs au Bourgin étaient d’une origine napolitaine ou gêé- 
noise plus fraîche que leurs collègues, leurs filets étaient plus puis- 
sants que ceux de ces derniers : rivalité de race, rivalité de métier, 
concurrence commerciale, sont autant de facteurs qui ont concouru — 
beaucoup plus sûrement que les travaux des hommes de science, 
soucieux uniquement du bien général — à faire demander aux pé- 
cheurs la création du cantonnement de Marseille. 

Comme aujourd’hui le Bourgin n’est probablement plus employé 
dans les limites de leur circonscription prud'hommale, les pêcheurs 
marseillais renoncent au cantonuement qu'ils ont demandé. 

Ils pensaient, il y a quatre ans, que l’Administration ne se résou- 
drait pas à s'associer à leurs querelles professionnelles et qu’elle recu- 
lerait devant l'interdiction absolue de l'emploi du Bourgin. Par un 
moyen détourné — et d’ailleurs habile — ils sont arrivés à leur fin. 

Et, maintenant, dans le projet de Règlement local, auquel il est fait 
allusion dans le vœu que j'ai cité plus haut, la Commission marseil- 
laise se borne à insérer le petit article qui suit : 

« Art. 79. — Les Bregins (Bourgins) Ganguïs, Pelits ganguis... elc., 
sont prohibés. » 

Comme nous voici loin des considérations théoriques que nous rap- 
pelions au début de cet article, et des recherches ou préoccupations 
des gens de science qui étudient la fixation et la limitation des re- 


serves ! 
Hélas ! il est à prévoir que, sous une forme plus ou moins différente, 


EXTRAITS ET ANALYSES. 137 


ce qui s’est passé à Marseille est susceptible de se produire dans tous 
les quartiers de notre littoral provençal languedocien... et même 
ponantais. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


LA MOUCHE EMPOISONNÉE TSÉ-TsÉ, 


par Epouarp Foa {1}. 


Tout autour du Transvaal, et sur les confins des pays voisins, les 
cartes marquent d’un pointillé un espace d'environ 50 milles de lar- 
geur. C’est le district de la Tsé-Tsé ou Mouche venimeuse dont j'ai 
déjà parlé à plusieurs reprises et que j'essayerai de décrire ici de mon 
mieux. Je n'ai jamais pu découvrir, malgré de nombreuses recherches, 
pourquoi on l'a appelée ainsi. Les Zoulous, dont le langage a servi 
évidemment à former la langue bautou, la nomment Ænzouezelana ou 
Isiba. Les Magandjas du sud du lac Nyassa, les Maravis, les Angouins 
et Mpesenis, la désignent sous le nom de Kamzemba ; les Yaos disent 
Memba ; les Magandjas du Sud disent Memba, Mzaba ou Bouboula ; enfin 
toutes les populations riveraines du Zambèze sans exception, de 
l'Océan aux deuxièmes cataracles, disent Pepsi, en parlant de la ter- 
rible Mouche empoisonnée. 

Livingstone, et après lui Capello et Ivens, parlent de cet Insecte 
sous le nom de 7Sseé-fse. Il faut croire que le voyageur a adopté ce mot 
pour avoir mal prononcé ou entendu le mot Pepsi qui se prononce 
P'hepsi, lh étant aspiré comme dans le mot hâter. 

Au temps de l’expédition anglaise en Abyssinie, la Mouche fit des 
ravages tels parmi les Chevaux et les bestiaux que l'attention fut 
appelée sur elle. Peut-être, d'ailleurs, Tsé-Tsé est-il le mot abyssin. 
En tout cas, il est inconnu dans l'hémisphère austral : celui de Z?mb, 
que certains auteurs indiquent, m'est également inconnu. 

Quoi qu’il en soit, va pour Tsé-Tsé. 

Ce Diptère est déjà classé par les naturalistes dans la famille des 
Muscidés, genre Glossina, sous le nom de Glossina morsitans. Les 
Anglais on fait quelques expériences sur son venin et une étude som- 
maire sur sa conformation; mais la plus grande partie du public 
ignore encore ce qu'est ce redoutable Insecte ; aussi donnerai-je ici 
quelques détails sur ses mœurs. 


(4) Extrait, avec l’autorisation des éditeurs, MM. Plon et Nourrit, du livre 
de M. Ed, Foa : Du Cap au lac Nyassa, Paris, 1897. 


138 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


La Tsé-Tsé a la taille et les proportions de notre Mouche domes- 
tique ; son abdomen est rayé trausversalement de brun et de noir, le 
reste du corps est noirâtre ou gris foncé ; les 
ailes, lorsqu'elle est posée, ne sont pas l’une 
à côté de l’autre, comme dans notre Musca 
domestica, mais bien superposées ; en avant 
de la tête, elle possède de petits tentacules 
raides, au nombre de trois, ressemblant à 
Tsé-Tsé (Glossina morsitans) UN bouquet de poils. Son aspect n’a rien de 

de grandeur naturelle (1}. repoussant ni de particulier pour celui qui ne 

la connaît pas. Elle vole avec une extrême 
vitesse, et il est presque impossible de la distinguer dans l’espace quand 
elle est à jeun ; lorsqu'elle a l'abdomen gonflé de sang, son vol s’a- 
lourdit et elle se cache immédiatement pour digérer en paix ; en toute 
autre occasion, on ne la voit que juste au moment où elle se pose. 
Son agilité fait qu’il n’est pas possible de l’attraper comme une Mouche 
ordinaire. Il y a d’autres moyens que j'indiquerai plus loin. Quand 
elle se pose, elle le fait avec tant de délicatesse qu’on ne la sent pas; 
elle reste ainsi de quinze à vingt secondes immobile, son aiguillon 
dirigé en avant, dans une attitude méfiante, prête à s’envoler. Lors- 
qu'elle croit être en sécurité, elle abaisse lentement son dard, écarte 
ses pattes de facon que son ventre soit sur la peau, et elle pique la 
chair sans produire aucune douleur au début, comme le Moustique. 
La prévoyante nature a voulu faire secréter par ces Insectes un liquide 
qui insensibilise momentanément la piqüre qu'ils font, de sorte qu'ils 
peuvent se nourrir avant d'être chassés ; sans ce liquide ils mour- 
raient infailliblement de faim. Au moment où la Tsé-Tsé pénètre 
dans la chair, elle indique sa satisfaction par un petit bruit bz, bz... 
répété cinq ou six fois, et qu’on ne peut entendre que lorsqu'elle 
pique sur l'épaule ou dans le voisinage de l'oreille ; son arrivée près de 
la tête est également signalée par le /rou-frou d'ailes que l’on connaît 
chez la Mouche domestique, mais de très courte durée, vu la vitesse 
avec laquelle la Tsé-Tsé arrive et se pose. Ces légers bruits sont les 
seuls avertissements que recoive la victime, dans la chair de laquelle 
disparaît complètement l'aiguillon, qui a au moins un tiers de centi- 
mètre. La bestiole reste ainsi, immobile, suçant le sang, tandis que 
son abdomen grossit, grossit, devenant par transparence rose d’abord, 
puis rouge foncé. Ce n'est qu’au moment où elle a déjà pris une 
grande partie de sa nourriture qu'on ressent une légère douleur ou 
plutôt une démangeaison à laquelle on ne fait, le plus souvent, 
aucune attention. La plupart du temps, on porte distraitement la main 


(1) Cliché obligeamment prêté à la Société par MM. Asselin et Houzeau, édi- 
teurs du Traité de Zoologie médicale et agricole du Professeur Railliet dont il 
a été tiré. 


bérhde à, US) Ré -5—. ‘age, AS 


és 


EXTRAITS ET ANALYSES. 439 


au point piqué, et les doigts rencontrent la Mouche repue qui 
s’échappe aussitôt. Lorsqu'on y fait attention, il est facile de tuer 
l'Insecte, ce qui est toujours une vengeance agréable. Il faut ajouter 
que le corps de la Tsé-Tsé est beaucoup plus résistant que celui de 
la Mouche ordinaire ; en frappant souvent de toute sa force, et assez 
vite pour l'atieindre, on ne parvient pas toujours à l'empêcher de 
s'échapper. Lorsqu'elle a le ventre plein, il est encore fort difficile 
de l’attraper avec la main parce que, au lieu de s'élever en volant, 
elle s'esquive rapidement de côte. 

Les indigènes m'ont enseigné à la prendre d’une autre facon : on 
place la lame d’un couteau à plat, à 30 centimètres de la Mouche, 
sur je bras ou sur la partie où elle est posée ; on fait glisser lente- 
ment cette lame qui vient rencontrer et saisir l'aiguillon de la 
Mouche, encore dans la chair, et on fait ainsi celle-ci prisonnière. 
Sans cesser de presser, on relève la lame, on la retourne et on tue 
la Mouche, ou bien on la saisit avec les doigts ; on a, naturellement 
déjà été piqué par elle; on se console, en pensant que c’est toujours 
un ennemi de moins parmi les milliers qui voltigent autour de vous. 
Cette facon de la prendre avec la lame d’un couteau semble prouver 
qu’elle n'y voit ni devant ni dessous. 

Examinée au microscope, d'après une note du docteur May Fi- 
guerra, publiée par MM. Capello et Ivens, la Tsé-Tsé offre les carac- 
tères suivants : les yeux, dits composés à trois facettes, occupent la 
plus grarde partie de la tête et sont disposés en ovale au nombre 
d'environ trois miile de chaque côté. Les ailes sont un peu pluslongues 
que celles de la Mouche domestique. L'’abdomen est formé de six 
sezments et couvert de poils durs, ainsi que les pattes. Celles-ci sont 
terminées par deux petits crochets très aigus, auxqwxæeis s'oppose un 
troisième tenlacule qui fait pince et sert à la Mouche pour s’accrocher 
sur le poil et sur la peau des animaux. La trompe ou aiguiülon n’est 
pas seulement un ctui souple protégeant la pointe ou dard qui fait la 
blessure ; elle sert également de suçoir à l’animal. De chaque côté 
de la trompe, sont deux légères antennes ou papilles avec lesquelles 
l'Insecte tâte les tissus avant de les piquer ; cette particularité existe 
aussi chez le Moustique. Le docteur May Figuerra ajoute qu’il n’a pu 
découvrir les glandes à venin; mais MM. Capello et Ivens ne lui 
avaient donné à étudier que de spécimens avariés (1). 

J'arrive maintenant aux effets de la piqüre sur les animaux domes- 


tiques en ne citant parmi ces derniers que ceux que l’on est appelé à 


posséder en Afrique : le Bœuf, le Chien, le Cheval, l’Ane, le Mulet, 
le Mouton, le Porc et la Chèvre. ê 


{1) J’ai rapporté dans mes collections plusieurs centaines de Tsé-Tsé, par- 
faitement conservées, afin de les soumettre à l’examen de personnes curieuses 
d'étudier l’Insecte et qui voudraient chercher l’antidote du venin. 


140 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Livingstone dit que cette dernière, et quelquefois l’Ane, sont 
exempts des suiles de la piqûre, tandis que toules les autres bêtes 
en meurent. Je puis dire, en ayant fait plusieurs fois l'expérience, 
qu'aucun des animaux que je viens de citer ne survit à un nombre 
de piqûres suffisamment grand. 

La faune locale est inoculée dès sa jeunesse par le venin de la Mouche; 
c'est d’ailleurs sur elle que cette dernière prend sa noufriture. Mais 
lorsque, accidentellement, la Tsé-Tsé rencontre des animaux domes- 
tiques, elle s’acharne à leur poursuite d'une façon particulière. La 
bête sent d’instinct le danger qui la menace; elle fait des bonds, des 
écarts et, après la première piqûre, le bruit seul de la Mouche l’affole 
littéralement : elle perd la tête, s'enfuit, espérant ainsi distancer 
l'Insecte meurtrier qui bourdonne autour d'elle. Que sa vue soit per- 
cante ou son odorat exceptionnellement délicat, toujours est-il que la 
Mouche venimeuse vient de fort loin sur sa proie. Je pencherais plu- 
tôt pour la dernière hypothèse ayant remarqué que le Diptère arrive 
toujours dessous le vent et qu'il pique, en général, plutôt de ce côté. 
11 se tient sous les feuilles, et non dessus, car on ne le voit jamais, 
et il préfére l'ombre au soleil. Il craint particulièrement l'odeur des 
excréments ; par exemple, dès qu'on tue une Antilope, la Tsé-Tsé 
couvre littéralement gibier et chasseurs; eh! bien, pour s'en débar- 
rasser, on n’a qu'à ouvrir le ventre de l’annimal et à vider les en- 
trailles : l'Insecle cesse aussilôt de vous harceler. 

Les premiers symplômes qui caractérisent l'animal piqué sont les 
suivants : première phase, œil larmoyant, fatigue et lassitude gé- 
nérales, tristesse, tête basse, nez ou naseaux brülants; deuxième 
phase, aballement plus prononcé, chassie abondante, humeur vis- 
queuse jaunâtre découlant des naseaux, faiblesse, manque d’appétit, 
peau chaude, engorgement des glandes sous maxillaires, poil terne, 
muscles flasques ; troisième phase, maigreur prononcée, aspecl trés 
abattu, cornée de l'œil jaune ; quatrième et dernière phase, humeur 
visqueuse des naseaux plus abondante et découlant également des 
lèvres en écume jaunâtre, urines mélangées de sang, diarrhée et 
enfin mort dans un état méconnaissable. Cet exemple est pris sur 
des Bœufs : il reproduit les diagnostics que les autres voyageurs 
indiquent et que j'ai vérifiés moi-même de point en point. Souvent, 
ou ue les observe pas tous chez le même animal; mais ils sont tous 
causés par la Tsé-Tsé. Il y a un élément tres important à considérer 
au point de vue de la marche de la maladie : c’est le nombre des pi- 
qûres qui ont été faites; une seule suffit pour amener la mort du 
Bœuf le plus robuste; cinquante piqüres le luent en une semaine, 
mille en quelques jours. Les symplômes augmentent d'intensité dans 
les mêmes circonstances. 

J'ai vu de mes yeux (et ceci est l'expérience dont je parlais plus 
baut), un magnifique Bouc apprivoisé, que j'avais avec moi lors de 


DAT 


EXTRAITS ET ANALYSES. A41 


mon voyage dans la Maravie, mourir en une heure, deux ans plus 
tard. Ayant lu que la Chèvre était indemne, je m'intéressai d'autant 
plus à cet événement. Nous étions dans le lit d’une rivière à sec, où 
la Tsé-Tsé bourdonnait par nuées ; ce fut un tel martyre pour nous, 
que je levai le camp aussitôt le repas terminé, laissant mon pauvre 
Bouc déjà raide et froid, écumant, l'œil hors de la tête, le corps 
contracté. Pour asseoir plus solidement ma conviction, j'ai renou- 
velé cette expérience à une autre époque, en menant une Chèvre 
en magnifique état dans un district où la Tsé-Tsé était particulière- 
ment abondante, et où j'avais l'habitude d'aller chasser; j’alttachai 
l'animal à un piquet et l’y laissai toute la journée; le soir venu la 
bête était littéralement folle; elle s’élançcait sur nous, sur des arbres; 
elle se roulait par terre : l’inoculation ayant été moins grande que 
lors de mon autre expérience, elle mourut, non pas ce jour-là, mais le 
lendemain soir. Une humeur abondante découlait de ses yeux et de 
ses naseaux, et l’intérieur du corps était presque en décomposition 
trois heures après la mort. 

Il est à supposer qu'il en est de même pour l'Ane. 

Il se pourrait bien que la Tsé-Tsé n’aimât pas l'odeur de la Chèvre, 
du Mulet, de l’Ane et qu'elle leur préférât les autres animaux domes- 
tiques ; mais, à défaut de ceux-ci, elle pique aussi bien les premiers, 
qui peut-être aussi sont moins vulnérables, en ce sens qu'une piqûre 
ne suffit pas pour les tuer ou les incommoder ; mais le résultat qu'une 
seule est impuissante à obtenir, mille finissent par l’atteindre. 

L’autopsie sommaire d'un Bœuf mort par la Tsé-Tsé présente des 
signes de désordres internes extraordinaires : le cœur, le foie, les pou- 
mons tombent en morceaux sous la moindre pression du doigt ; leurs 
particules se désagrègent, les intestins sont pleins d’une humeur jau- 
nâtre et collante, et ils ne contiennent rien d'autre ; la vésicule bi- 
liaire, rebondie, atteint trois ou quatre fois son volume ordinaire ; le 
peu de graisse qui reste ressemble à de la corne jaune et transparente ; 
l’ensemble exhale une odeur sui generis indescriptible. Il n’y a plus ou 
presque plus de sang dans les veines. Les tissus musculaires semblent 
se décoller des parties charnues ; on constate quelquefois (je n’ai pu 
vérifier cette assertion) des hémorragies intercellulaires locales. 

On prétend que les animaux au poil blanc sont piqués de préférence 


par la Mouche ; il faut comprendre par là qu’ils succombent les pre- 


miers, Car ceux de couleur noire n’échappent pas plus qu'eux à leur 
terrible destinée, dans les districts infestés. 

Il n’y a, selon moi, aucun doule à avoir concernant l'innocuité de la 
piqûre pour les animaux sauvages. Qu'elle leur soit désagréable, 
comme toute Mouche aux Quadrupèdes, j’en conviens ; mais je n'ai 
jamais vu ou entendu parler d’une bête sauvage qui en éprouve autre 
chose qu’une tracasserie. Et néanmoins, la Tse-Tsé suit le grand 
gibier : on peut être certain qu'elle existe partout où on la trouve. 


142 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Quand les animaux sauvages sont exterminés dans un endroit, la Tsé- 
Tsé en émigre. Elle affectionne particulièrement le Buffle et les grandes 
Antilopes ; aussi peut-on être certain qu’on trouve ces animaux par- 
tout où l'on rencontre la Tsé-Tsé, tandis que, dans certains districts 
de petit gibier, on ne la voit pas. 

Aujourd’hui, dans toute l’Afrique du Sud, au fur et à mesure que 
la civilisation, les armes à feu et les chasseurs s’avancent dans l'in- 
térieur, le gibier déserte ou recule, emmenant la Tsé-Tsé ; le jour où 
l'on aura détruit l’un, l’autre disparaîtra. A l'appui de mon dire, voici 
les districts principaux où la Tsé-Tsé (et la faune locale par consé- 
quent), se trouve confinée aujourd’hui, d’après les derniers renseigne- 
ments : limites nord et est du Transvaal, sud du Matabelé et ouest du 
pays de Gaza, Kalabari, bassin nord et sud du Zambèze, ouest du 
Mashonaland. 

On a essayé de plusieurs remèdes : le dégoût de la Tsé-Tsé pour les 
excréments a donné l’idée d’en frotter les animaux qu’on veut pré- 
server; l'Assa fælida a été expérimentée également, ainsi que la téré- 
benthine. J'ai moi-même fait oindre de pétrole, tous les quarts d'heure, 
par un homme chargé de ce travail, un Chien que je voulais faire 
passer indemne à travers un district de Tsé-Tsé; il est mort un mois 
après. Tous ces remèdes sont impuissants. 

Quelle immense reconnaissance ne devront pas les voyageurs de 
l'avenir à celui qui aura trouvé le préservatif contre la piqûre de la 
Tsé-Tsé et leur permettra de voyager à Cheval, d’avoir des Chiens et 
des bestiaux dans tout le pays! 

Et l'Homme, maintenant, que ressent-il après la piqüre de l’Insecte 
venimeux? L'impression de la démangeaison se change au bout de 
quelques secondes en un prurit douloureux qui dure à peu près un 
quart d'heure ; la partie piquée, rougit, enfle légèrement et continue à 
gêner pendant un moment. Un grand nombre de piqûres peuvent jeter 
incontestablement du désordre dans l'organisme ; elles ont surtout le 
don de surexciter outre mesure; un sentiment de rage s’ajoute à la 
souffrance. Les parties que la Mouche affectionne chez l'homme sont 
généralement celles qui sont à découvert : mains, bras, cou, jambes, 
joues, toujours à l’ombre autant que possible. 

Pendant mes nombreuses chasses et mes marches continuelles, il 
m'est arrivé d'être pris, à la suite d'innombrables piqûres, d’un accès 
de rage froide ; dans ce cas, pour me calmer, j'avais coutume de m’as- 
seoir, de prendre mon couteau et de capturer les Mouches ; sortant 
ensuile d’une petite trousse de poche de minuscules ciseaux, je m’a- 
musais à les torturer en leur coupant les pattes par petites tranches, 
ainsi que ’’aiguillon, les ailes et les antennes ; après cette opéralion, 
je me gardais bien de les tuer comme les Noirs, qui leur arrachent la 
tête. Je faisais durer le supplice en les plaçant simplement au soleil 
sur quelque pierre. Après une dizaine d’exécutions, nous repartions 


sisi 


EXTRAITS ET ANALYSES. 143 


ainsi, continuant avec des paquets de feuilles, à nous battre par tout 
le corps pour claquer le maudit Insecle. 

J'ajouterai comme dernier renseignement, que les effets de la piqûre 
sont particulièrement rapides sur les animaux domestiques, au mo- 
ment des pluies. Une autre particularité qui aurait été observée, c’est 
que les petits à la mamelle ne souffrent pas de l’empoisonnement ; ils 
doivent néanmoins s’en ressentir ; car le lait d’une mère malade, 
sans appétit, subissant de grandes souffrances, ne peut être ni sain, ni 
nourrissant. G 


>< 


SUR UNE GRAMINÉE DU SOUDAN 
(Paspalum longifiorum). 


par J. Dysowski. 


Les indigènes du Soudan ne font pas entrer, comme on le sait, dans 
leur alimentation les céréales cultivées en Europe. Celles-ci sont rem-— 
placées par d’autres produits et particulièrement par le Maïs, le Sorgho 
et le Riz de montagne. À ces graminées dont l'usage est depuis long- 
temps connu, il faut en ajouter une autre qui, bien que d’un emploi 
très répandu, n’avait pas encore été classée parmi les céréales alimen- 
taircs. 

li s’agit d’une herbe aux rameaux Lénus, aux épis grêles et qui ce- 
pendant produit un grain très recherché par les indigènes du Soudan, 
auxqueis elle fournit un appoint important dans l'alimentation cou- 
rante. 

Cette Graminée est désignée sous les noms botaniques de Digitaria 
langifiora de Persoon, ou sous celui de Paspalum longiflorum de Retz (1). 
Elle croît à l’état spontané dans toute la région tropicale et subtropi- 
cale de l’ancien monde où elle couvre parfois de vastes plaines. Mais 
nulle part elle n’a été signalée comme alimentaire en dehors du Sou- 
dan occidental. Le capitaine Binger, dans la relation de son remar- 
quable voyage, dit qu’elle concourt à l’alimentation des indigènes du 
Soudan central. 

En Guinée française, dans le Fouta-Djalon, où elle est connue sous 
le nom indigène de Foundounié, elle est l'objet d'une culture réguliè- 
rement pratiquée. - 

La plante cultivée diffère du type sauvage par ses achaines plus 
gros et surtout plus ovoïdes ; elle offre en même temps cette particu- 


(1) Ex Hooker, F1, ird., t. IV, p. 17. 


4 


154 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


larité d'être complètement glabre, alors qu'à l'état spontané elle est 
hispide. De plus, les glumes sont peu adhérentes et le grain se moud 
avec la plus grande facilité. 

En Guinée française, la culture se fait en répandant la graine sur le 
sol que l’on a débarrassé de la brousse par l'incendie. En trois mois, 
la plante se développe et porte graines. Celles-ci se séparent facilement 
par le battage : on les moud en les triturant dans ur mortier en bois. 
La semoule que l’on obtient ainsi constitue un aliment d'une tres 
haute valeur nutritive. 

L'analyse chimique montre en effet que la composition de ces 
graines les rapproche de beaucoup du Riz; cependant elle s’en dis- 
tingue par une abondance plus grande de matières grasses, qui se 
trouvent être en quantité sensiblement égale à celle que renferment les 
graines de Millet. 


Composition chimique des graïnes de Paspalum longiflorum Reéz., 
comparées aux autres Graminées. 


AU MILLET BLÉ  SEIGLE ORGE MAÏS RIZ Eee 
Hate lrecetect 9,20 11,66 13,65 15,06 13,77 13,02: 13,11 11,93 
Protéine... …. 7,67 9,95 12,35 41,52 4114 9,85 1,85 410,30 
Matières grasses... 5,34 3,50 1,75. 1,19 2,16 4,62 0,88 2,81 
Amidonet dextrine. 73,33 65,95 61,91 67,81 66,93 68,41 6,52 535,81 
Lrenenx- rev te 9,56. 7,29 2:53 12 DIS MP MER 0 621623 
Cendres....:.,..1: 118,00 219,35 14581 MASTER OO TEST 2 


Le son est relativement peu abondant. Il représente 9,35 °/, du poids 
de la graine. 

L'examen microscopique montre que les grains d’amidon du Paspa- 
lum longiflorum ont une grande analogie avec ceux du Maïs dont ils se 
distinguent cependant avec facilité par leurs dimensions plus faibles, 
puisqu'ils ne mesurent jamais plus de 19 millièmes de millimètre. 
Tous les grains sont de volume sensiblement uniforme et l’on n’en 
rencontre que peu mesurant moins de 12 millimètres. La forme du 
hile établit également un caractère optique très net; il est, en effet, 
large et présente une forme anfractueuse. 

Par ses qualités nutritives et la facilité de sa culture, cette Gra- 
minée mérite d’être rangée au nombre des plus utiles céréales, il peut 
être intéressant d'en encourager la culture dans nos colonies (1). 


(1) Compt. rend. Acad. des Sciences, Paris, séance du 7 mars 1898. 


A nu MAT 


DE VER eE 


45e ANNÉE 


MAI 18598 


SOMMAIRE 


— Essais d’Acclimatation du Rossignol du Japon aux environs de Paris. 
. — La Jacinthe d’eau (Piarogus crassipes) cultivée à Saint-Max-les- 


| . Poissons malades, noel ie 
STE. — Les attelages de Chiens ........................ 

Appel aux enfants pour la protection des Oiseaux utiles. — L’Acclima- 
J imbo (Chili) de Faisans importéssdAneleternes nan in 0 0. 


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145 


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; 145 


ESSAIS D'ACCLIMATATION DU ROSSIGNOL DU JAPON 


(LEIOTHRIX LUTEUS) 
AUX ENVIRONS DE PARIS ({1) 


par F. THIÉBAUX. 


Monsieur le Secrétaire général, 

Je vous avais promis de vous tenir au courant des résultats 
de mon essai d’acclimatation en liberté du Rossignol du Ja- 
pon, mais je ne voulais pas vous écrire avant que ces résul- 
tats ne fussent un peu concluants; je crois pouvoir le faire 
aujourd'hui. À 

Voici, tout d'abord, quelques renseignements sur les con= 
ditions dans lesquelles j'ai fait cet essai. 

Ma propriété comprend environ 34 hectares d’un seul 
tenant,entièrement clos de murs et limités par quatre routes; 
sur une des faces s'étendent des friches et des taillis qui se 
relient aux bois de Meaux, distants de 300 mètres; sur deux 
autres, des terres en culture, céréales et prairies artificielles 
vont rejoindre également des bois peu éloignés; enfin, sur 
la, quatrième se trouve un petit hameau riverain de la 
Marne. 

La propriété est divisée en deux parties assez distinctes : 
d'un côté, 5 hectares environ en parc à l'anglaise avec pe- 
louses, massifs, pièces d’eau, maison d'habitation et maison 
de jardinier, communs, serre et potager; de l'autre, environ 
29 hectares entierement boisés, sauf une petite plaine cen- 
trale de près de 2 hectares au milieu de laquelle une maison- 
nette sert d'habitation à un bücheron. 

Peu de temps après l'acquisition de ma propriété, je fus 
frappé par l’absence presque complète de petits Oiseaux et le 
manque de vie et de gaieté qui en résultait. Par contre, les 
Insectes, surtout les Taons, pullulaient au point d’incommoder 
les maçons et autres ouvriers qui, pendant un été, travail- 
lèrent à la maison d'habitation. 


Ci 


Désireux de remédier à cet état de choses, je fis faire la 


(1) Lettre lue à la séance de la Section d’Ornithologie, le 2 mai 1898. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 11. 


7 4 


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146 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


guerre aux nombreux Ecureuils qui contribuaïient à la dépo- 
pulation en saccageant les nids; je fis détruire une cinquan- 
taine de bêtes puantes, Putois, Fouines ou Belettes, quelques 
Chats sauvages, une douzaine de Buses, des Corbeaux, des 
Pies et autres Oiseaux malfaisants; enfin, je fis amener au 
centre du bois, dans une grande vasque plate en ciment, un 
courant d'eau vive, coulant hiver comme été. Les effets de 
ces différentes mesures furent satisfaisants et rapides : dès la 
deuxième année, les petits Oiseaux, devenus nombreux, 
égayaient la propriété de leurs chants et de leurs ébats et 
ramenaient à une proportion normale l'affiuence d’Insectes 
que j'avais remarquée l’année précédente. 

Pendant que je me préoccupais de la reconstitution de mes 
richesses en Oiseaux insectivores, un petit fait, qui ne m'eüt 
peut-être pas frappé en tout autre moment, vint me faire 
penser au Rossignol du Japon, comme appoint intéressant. 
J'avais, en cage à Paris, un de ces Rossignols. Un jour, une 
Mouche étourdie eut la malheureuse idée de vouloir traverser 
en volant un angle de la cage, l’Oiseau se trouvant à l’autre 
extrémité; ia Mouche avait bien peu à faire pour se mettre en 
sûreté, elle n’en eut pas le temps,le Rossignol se précipita 
sur elle avec une telle impétuosité, qu'il la cueillit au voi, 
avec la rapidité de l'éclair. L'Oiseau avait bien choisi son 
moment pour accomplir cette petite prouesse; étant donné 
mon état d'esprit, l’idée d'essayer chez moi l’acclimatation de 
sa race en découla tout naturellement. 

Je vous demandai, à cette époque, si vous aviez connais- 
sance que des essais eussent été faits dans cette voie, vetre 
réponse négative ne me fit pas renoncer à mon projet, et je 
me promis de le mettre à exécution au retour de la belle 
saison. 

En mars 1897, je choisis, pour préparer mon expérience, 
une des faces de la maisonnette du bücheron exposée au midi : 
profitant d’un retrait d’une partie de la construction qui for- 
mait un angle abrité, je fis installer, à cet endroit, une volière 
adossée, d'environ 4 mètres sur 1 mètre; quelques poteaux 
montant jusqu'à la toiture, prolongée pour la circonstance 
avec des planches posées à recouvrement, formaient la car- 
casse que recouvrait un grillage fin; une vieille porte gril- 
lagée fermait la volière; plantés dans le sol, deux petits 
chênes, encore garnis de leurs feuilles sèches, servaient de 


és 


ESSAIS D’ACCLIMATATION DU ROSSIGNOL DU JAPON. 147 


perchoirs naturels; enfin, tout à fait sous le toit, y touchant 
presque, de petits bambous formaient, pour la nuit ou pour 
les mauvais temps, des perchoirs mieux abrités. 

A la fin de mars, j'apportai dans cette volière quinze Ros- 
signols du Japon, dont six mâles et neuf femelles; j'avais 
donné à mon bücheron, par écrit, des instructions précises sur 
la facon de préparer la nourriture de mes Oiseaux, en mélan- 
seant intimement de la mie de pain rassis, du chènevis écrasé 
et des feuilles de choux hachées très menu. Du pain trempé 
dans du lait et fréquemment renouvelé, quelques pommes et 
des oranges coupées en deux et posées dans les enfourchures 
de branches des deux petits chênes variaient ce menu; sur le 
sol finement sablé un abreuvoir syphoïde rempli d'eau com- 
plétait l'installation. 

Je revins à la propriété quinze jours plus tard; deux fe- 
melles étaient mortes, peut-être de froid, car la période avait 
été peu clémente et mes Oiseaux devaient être plus chaude- 
ment logés chez l’oiseleur qui me les avait vendus; ceux qui 
restaient étaient vifs et paraissaient en excellente santé. 
Ayant eu l’occasion d'entrer dans la volière pour déplacer 
labreuvoir qui, se trouvant sous un des arbres, pouvait être 
souillé par les déjections des Oiseaux, je fus frappé de les voir 
aussi peu sauvages, plusieurs restaient sur leurs perchoirs à 
la portée de ma main, sans paraître effrayés de ma présence. 
Cette familiarité, chez des Oiseaux que je voulais abandonner 
à eux-mêmes, me contraria un peu, j'aurais préféré les voir 
plus farouches. 

Mon intention était de les conserver deux à tr'ois semaines 
dans la volière pour les habituer, par une liberté relative, à 
leur indépendance future; j'avais aussi l'espoir qu'ils s’atta- 
cheraient un peu à leur nouvelle maison et reviendraient la 
visiter, au moins les premiers temps, pour y chercher leur 
nourriture habituelle. Dans mon esprit, la petite maison du 
bücheron devait être le point de ralliement de mes pen- 
sionnaires. 
| Les mauvais temps qui régnèrent pendant presque tout le 

mois d'avril et le commencement de mai me firent différer, 
beaucoup plus que je ne l’aurais désiré, l'ouverture de la vo- 
lière. J'aurais voulu mettre les Rossignols en liberté assez tôt 
au printemps pour leur permettre de faire leurs nids, c'était 
le plus sûr moyen de les attacher à la propriété; mais, d'autre 


148 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


part, il fallait me préoccuper de leur subsistance, et je ne 
croyais pas prudent de les lâcher avant que les chaleurs 
n'eussent ramené les Insectes dont ils devaient faire leur 
nourriture. 

Ce n’est donc que vers le 15 mai qu’une température un peu 
plus clémente permit d'ouvrir un matin toute grande la porte 
de la volière : les Oiseaux partirent par petits groupes, et 
deux d’entre eux hésitèrent longtemps avant de quitter leur 
abri. J'avais fait préparer, sur le toit de planches de la vo- 
lière, des provisions appétissantes qu’on continua, pendant 
plus de quinze jours, à renouveler régulièrement. Plusieurs 
des Rossignols revinrent à la maisonnette manger les provi- 
sions préparées, puis leurs visites s’espacèrent; enfin, elles 
devinrent si rares, que les vivres furent supprimés, ainsi que 
la voliere. 

A l'une de mes visites à la propriété, au milieu de juin,mon 
jardinier me signala que la veille, la pluie ayant amassé un 
peu d’eau dans un petit creux d’une vallée en face de sa 
maison, deux Rossignols du Japon étaient venus s’y baigner 
et avaient passé là quelques instants à faire leurs ablutions 
en sa présence. Mon bûcheron, de son côté, continuait à voir 
de temps en temps un ou deux de ses élèves, et très souvent il 
distinguait leur chant qu’il avait appris à connaître pendant 
qu'ils étaient dans la volière; malgré ses recherches, il ne put 
découvrir de nid. 

À la fin de juin, j'eus l’occasion de passer dans ma pro-' 
priété quelques jours de vacances, mais ni ma femme, ni mes 
enfants, ni moi, ne fûmes assez heureux pour retrouver nos 
Oiseaux; deux fois cependant, de grand matin, j'entendis leur 
chant, facile à reconnaitre. 

L'été se passa, puis l’automne, je n’eus pas souvent l’occa- 
sion d'aller à la campagne, j'oubliai les Rossignols. Le jour de 
Noël, je me trouvais à la propriété par une belle journée 
ensoleillée; le jardinier avait ouvert largement les châssis de 
la serre tempérée ainsi que la porte qui la fait communiquer 
avec la serre chaude; ma femme, en entrant dans la serre où 
elle allait cueillir quelques fleurs, vit s'envoler devant elle un 
Rossignol du Japon qui se réfugia dans la serre chaude ; heu- 
reuse de cette découverte, elle ferma la porte de communica- 
tion entre les deux serres et vint me prévenir qu’elle avait 
emprisonné, pour me le montrer, un des Rossignols. C'était 


ESSAIS D’ACCLIMATATION DU ROSSIGNOL DU JAPON. 149 


la première fois qu’il nous était donné, à ma femme et à moi, 


de les revoir; je trouvai, en effet, perché sur des Passiflores 
qui tapissent le mur de la serre chaude, un très beau Rossi- 
gnol du Japon mâle. J’admirai quelques minutes son joli 
plumage aux teintes vives et d’une netteté qu’on ne rencontre 
pas toujours dans les cages, puis je rouvris la porte de la 
serre tempérée, et l'Oiseau s’emvola, mais sans témoigner 
trop de frayeur. 

Cette apparition me causa une grande satisfaction, elle 
permettait de supposer que le Rossignol du Japon est un Oi- 
seau sédentaire, qui n’émigre pas l'hiver ; je dis permeltait 
d'espérer, car il est très possible que le changement d’exis- 
tence qui résultait pour les miens d’une acclimatation en pays 


inconnu et aussi leur petit nombre aient modifié temporaire- 


ment leur instinct habituel. 

Dans le courant de janvier, mon jardinier trouva un jour, 
dans l’orangerie dont les portes sont ouvertes quand il ne 
gèle pas, trois Rossignols du Japon, qui, perchés sur les 
Orangers, paraissaient y chercher des Insectes; ils s’en- 
fuirent à son entrée, mais toujours sans paraître, à beaucoup 
près, aussi effrayés que le seraient des Oiseaux de notre pays 
surpris dans les mêmes conditions. Quelques jours après, en 
février, en ouvrant le matin les portes de l’orangerie, un 
Rossignol s’envola, il avait dû y passer la nuit. 

Le bücheron a souvent, cet hiver, entendu le chant de nos 
Rossignols, surtout à l’aube, par les matinées ensoleillées ; il 
en a vu quelquefois un, maïs le plus souvent deux voltiger 
dans de grands Epiceas qui avoisinent sa maisonnette. Je n’ai 
pas entendu dire que, dans le village, personne ait remarqué 
mes Oiseaux; mais, comme je n’ai mis personne au courant 
de mon essai et que j'y connais très peu de monde, je ne puis 


- tirer de cela aucune conclusion. 


En somme, sur treize Rossignols du Japon mis en liberté 
en mai 1897, on en a revu, en janvier 1898, jusqu'à trois 
ensemble; il en reste peut-être un plus grand nombre, mais 
on ne doit régulièrement faire état que de ce qui a pu être 
rigoureusement constaté. Trois de ces Oiseaux, au moins, ont 
donc passé l'hiver en liberté, sans émigrer dans les pays 
chauds, et cela en Seine-et-Marne, à quelques lieues de Paris. 
L'expérience est encourageante et donne lieu d'espérer qu’en- 
treprise sur une plus large échelle, elle aurait pour résultat 


150 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


de nous doter d'un Oiseau des plus utiles et des plus 
agréables. 

Avant de terminer, je crois devoir signaler, dans la facon 
dont j’ai procédé, deux points faibles. Mes Oiseaux ont été 
mis en liberté un peu tard pour faire leurs nids dans l’année 
même; il n’y aurait probablement pas d’inconvénient à les 
lâcher dès le commencement d'avril, étant donné qu’ils ont 
su trouver leur subsistance même en hiver, et aussi qu'ils se 
sont montrés très rustiques. D'autre vart, j'avais dans la pro- 
priété au moins quatre Chats domestiques, tous plus ou moins 
chasseurs; je crains bien que plusieurs de mes petits hôtes 
aient payé de leur vie leur douce familiarité. 

J'ai l'intention de recommencer cette année un nouvel 
essai, en tenant compte de l’expérience acquise; s’il se pro- 
duisait quelque fait nouveau qui puisse vous intéresser, je ne 
manquerai pas de vous mettre au courant. J’ai déjà promis à 
mon bûcheron et à mon jardinier une forte prime, pour celui 
qui pourra me signaler un nid de Rossignols du Japon. 

Je faisais plus haut quelques réserves au sujet de l’émigra- 
tion possible en hiver du Rossignol du Japon, il est un fait 
qui laisse supposer que nous avons affaire à un Oiseau migra- 
teur. Tous les ans, à une époque de l’année qui varie peu 
(décembre, je crois), les marchands d'Oiseaux recoivent d'im- 
portantes cargaisons de cet Oiseau, importées du Japon. N'y 
a-t-il pas là un indice indiquant de fortes captures de cette 
espèce, opérées sans doute au moment des passages; cela ne 
fait-il pas penser aux captures par milliers des Cailles et 
autres Oiseaux migrateurs à l'époque de leurs pérégrina- 
tions? Je laisse à de plus compétents le soin de trancher cette 
question, qui, de toute facon, n’est que secondaire, puisque 
l'émigration en hiver des Hirondelles et autres Oiseaux 
insectivores ne nous empêche pas de jouir de leurs services 
pendant la saison où ils sont le plus intéressants. 


154 


LA JACINTHE D'EAU 


(PIAROPUS CRASSIPES MartT.) 
CULTIVÉE A SAINT-MAX-LES-NANCY (MEURTHE-ET-MOSELLE) 


par A. DELAVAL (|). 


En lisant sous ce titre : « Une acclimatation facheuse » 
Fintéressant article de M. Herbert J. Webber sur la Jacinthe 
d'eau {Pontederia crassipes des catalogues des fleuristes) paru 
dans le Bulletin de la Société nationale d'Acclimatation de 
France, (octobre 1897), la pensée m'est venue de vous présen- 
ter cette curieuse plante sous un aspect plus favorable et de 
vous dire le parti que j'en tire pour la décoration des bassins 
de serre des aquariums et des appartements. 

Nous n'avons pas à craindre ici sous notre rigoureux cli- 
mat de l'Est où elle n’est pas rustique, les méfaits que sa pro- 
pagation rapide et son envahissement ont mis à son actif : 
entrave à la navigation et au flottage, obstruction et rupture 
des ponts par son amoncellement. 

Les essais que j'ai tentés pour la faire végéter et fleurir 
dans un bassin en plein air ont échoué jusqu'à présent. 

N’envisageant ici la question qu’au point de vue pitto- 
resque, je ne ferai aucune description scientifique, qui, du 
reste, ne serait pas de ma modeste compétence. 

Je dirai seulement que la Jacinthe d’eau fiotte librement à 
la surface de l’eau, soutenue par le développement considéra- 
ble du pédoncule de ses feuilles qui ressemblent à des vessies 
natatoires et la rendent insubmersible. La plante est d’ail- 
leurs lestée par des racines longues et touffues, composées 
de filaments blanchâtres à extrémité noire, hérissés de fins 
sucoirs assez courts, qui vus à travers les glaces limpides d’un 
aquarium produisent un charmant effet. 

Le renflement du pédoncule est terminé par une feuille ar- 
rondie, bien faite, d’un tissu ferme et d’un vert brillant. De 
la touffe des feuilles surgit brusquement une tige florale, de la 

grosseur d’un crayon, garnie d’un nombre variable de fleurs 


(1) Communication faite en séance générale le 25 mars 1898. 


152 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


qui ne rappellent la Jacinthe que par leur disposition, car elles 
ont les dimensions et l'aspect d’une fleur de Rhododendron, 
d’un tissu plus léger encore et d'une délicieuse teinte lilas 
pâle avec une tache rouille. Cet épanouissement rapide dure 
rarement deux jours, et quand la fieur se flétrit, le pédoncule 
se plie mécaniquement par le milieu, pour rabattre en quel- 
ques heures sa partie florale et la plonger dans l’eau où 
doivent mürir les graines. 

Ici, aux environs de Nancy, les graines ne se sont jamais 
formées et c’est par cinq ou six stolons dirigés dans tous les 
sens que la plante se propage avec une grande rapidité ; 
ces tiges, lancées dans toutes les directions tout autour 
d'elle, en forment à leur extrémité de nouvelles qui s’enra- 
cinent et peuvent être séparées. 

Le Piaropus peut prospérer longtemps en appartement, 
mais il se déforme et « file » quand il ne recoit que la lu- 
mière oblique des fenêtres. 

Pour jouir pleinement de sa luxuriante végétation et de sa 
splendide floraison, il vaut mieux apporter dans l'aquarium 
ou dans une large coupe de cristal remplie d’eau limpide 
pour en laisser voir les racines, la plante prête à fleurir 
qu'on remplace successivement quand elle se fane. 

Plusieurs pieds fleuris, artistement groupés dans une cor- 
beille de cristal teinté et décoré en couleurs de plantes et 
d'animaux aquatiques, tel que sait le créer le génie fertile de 
nos célèbres verriers nancéens MM. Daum et Gallé, forment 
un milieu de table qui rivalise avec les plus belles Orchidées 
et qui aurait de plus le mérite de la nouveauté. 

Les récipients doivent mesurer plus de 20 centimètres de 
profondeur. 

La culture qui permettra de jouir d’une constante floraison 
de mai à octobre est des plus simples si l’on dispose d’une 
petite serre bien éclairée ou de simples coffres à châssis. 

Voici comment je procède : dans une serre chauffée au 
thermo-siphon, mais où la température s’abaisse souvent à 
+ 49, j'ai établi sur la banquette autour du foyer un petit 
coffre recouvert d’un châssis où, dans des bacs de terre ver- 
nissée, garnis au fond d’un lit de terre de 5 centimètres et 
remplis d’eau que je ne fais pas renouveler, les plantes pas- 
sent tant bien que mal l'hiver : j'ai pu même en conserver 
dans des cuveaux placés sous les tablettes. 


LA JACINTHE D'EAU. 153 


Au mois de mars, on enterre dans une couche chaude les 
bacs dont on a renouvelé la terre et l’eau, on y installe les 
plantes pour les mettre en végétation. Elles poussent avec vi- 
gueur, et dès le mois de mai on les répartit dans les bassins 
ou dans des récipients préparés pour les recevoir dans la 
partie de la serre la plus exposée au soleil. Les plus écono- 
miques sont des tonneaux sciés en deux. On dispose un lit de 
5 centimètres de bonne terre, et on remplit d’eau qu'il est 
inutile de renouveler, il suffit de remplacer celle qui est ab- 
sorbée par l’évaporation. 

Assez rapidement la surface est couverte par une végéta- 
tion luxuriante d’où jaillissent brusquement, sans discontinuer 
de mai à octobre, ces belles hampes garnies de fleurs éphé- 
mères, qui se succèdent rapidement. Dès l'apparition des bou- 
tons on peut transporter la plante en appartement où elle 
achèvera sa floraison. Cette plante vigoureuse n’est pas atfta- 
quée par les Insectes, le Puceron l’envahit difficilement. Elle 
supporte l’action directe des rayons du soleil à travers le 
verre, elle végète dans l’eau pure, mais la plante s'y déve- 
loppe moins que quand une couche de terre végétale enrichit 
l’eau de son engrais. 

Si les racines ne sont pas éloignées de la terre par une 
couche d’eau suffisante (15 à 20 centimètres), elles s’y en- 
foncent et la plante n’est plus flottante. 

Quelques Lymnées, des tétards de Grenouilies empêchent 
l'invasion des Conferves, surtout avant que la surface de 
l’eau ne soit couverte par le feuillage qui, en interceptant la 
lumière, arrête le développement de ces Algues. 

Le Pontederia crassipes fait le plus bel ornement des bas- 
sins, où j'élève de nombreux Poissons télescopes, elle en pu- 
rifie l'eau, sans toutefois suffire à elle seule pour l’aérer. 

Les détritus de ses tiges charnues, en se décomposant, ai- 
dent au développement des Infusoires tout en fournissant 
une nourriture végétale aux alevins qui s’ébattent dans ses 
racines protectrices. 

À condition que les demandes ne soient pas trop nom- 
breuses, je me ferais un plaisir d'offrir quelques pieds de Pia- 
ropus à ceux de mes collègues de la Société d’Acclimatation 
qui m'en feraient la demande à partir du mois d'août. 


154 


ALLOCUTION 


PRONONCÉE A L'OUVERTURE DE LA SECTION DE COLONISATION 


Dans la séance du 31 janvier 1898 


par A. MILHE-POUTINGON, 


Vice-président. 


Monsieur le Président, 
Messieurs, 


L'honneur d'ouvrir les travaux effectifs de la nouvelle 
Section coloniale de la Société d'Acclimatation revenait à un 
plus digne que moi. Il appartenait au savant botaniste, à 
l'infatigable explorateur que vos suffrages viennent d'élever 
à la présidence de cette Section et que l’état de sa santé re- 
tient aujourd'hui loin de nous. C’est au service de la cause de 
l’acclimatation que M. Raoul l’a récemment compromise. 
Chargé par le Ministère des Colonies d’une mission qui doit 
se prolonger environ durant trois ans et embrasser l'étude 
économique de la flore tropicale du globe entier, M. Raoul à 
dû interrompre son voyage au bout de la première étape, 
vaincu par les fatigues qu'il a endurées pendant l’explora- 
tion des forêts de Sumatra. Il est rentré en France, mais rap- 
portant avec lui une abondante moisson de plantes les plus 
précieuses, qu’il a confiées aux soins si expérimentés de notre 
collègue M. le docteur Heckel. Puis il est allé demander à son 
pays natal, la Bretagne, le rétablissement de sa santé. Nous 
avons eu récemment de lui de bonnes nouvelles, et aux re- 
grets que nous cause aujourd’hui son absence, s'associe du 
moins l'espoir de le voir bientôt, complètement rétabli, venir 
prendre la direction de nos travaux. En attendant, et certain 
d'interpréter fidèlement les sentiments de tous ici, je vous 
propose d'adresser à M. Raoul l'expression, et de ces regrets, 
et de cet espoir. 

S'il eùt été à cette place, il aurait, avec toute l'autorité né- 
cessaire, exprimé les remerciements du Bureau de la nouvelle 


ET 


ALLOCUTION DE A. MILHE-POUTINGON. 155 


Section, au Conseil de la Société qui en a décidé la création. 
Le Conseil a bien voulu déléguer auprès d'elle un de ses 
membres, qui, dans la belle Revue qu'il dirige, rend journel- 
lement à nos colonies un des plus utiles services, celui de 
vulgariser la connaissance de leurs ressources (1). Nous de- 
vons remercier également le Conseil d’avoir bien voulu nous 
proposer à vos suffrages, comme nous vous remercions, 
Messieurs, de nous en avoir honorés. 

Notre gratitude doit aller enfin, d’une façon toute particu- 
lière, à M. le président Le Myre de Vilers, dont le nom restera 
attaché à la création de cette Section, et qui a bien voulu ap- 
porter à son inauguration le précieux encouragement de sa 
présence et de ses conseils. C’est un nouveau gage de son dé- 
vouement pour cette France d'outre-mer qu'il a contribué à 
étendre, dont il a si souvent au loin défendu et fait triompher 
les intérêts. 

La récente conquête de Madagascar, préparée par la sa- 
gesse et l’habileté de notre diplomatie, semble devoir clore 
définitivement la période d'expansion de ces vingt dernières 
années. L'ère de mise en valeur de notre empire colonial est 
_ maintenant ouverte et la Société d'Acclimatation est, dans 
cette voie, en mesure de rendre à nos colonies d’inapprécia- 
bles services. 

Depuis longtemps, d’ailleurs, Elle leur a témoigné sa solli- 
citude et j'ai à peine besoin de rappeler le rôle éminemment 
utile qu'ont rempli ici trois groupes formés des spécialistes 
les plus autorisés et qui ont commencé à fonctionner au sein 
de la Société voici plus de trente ans, sous le titre de Com- 
missions permanentes de l'Algérie, des Colonies, del'Étranger. 

Il suffit, du reste, de parcourir nos Bulletins pour y 
voir traités, presque à chaque page, des sujets se ratta- 
chant aux questions coloniales. Et actuellement encore, la 
Société n’a-t-elle pas pris en mains, avec une activité et un 
intérêt tout à fait exceptionnels, cette étude de la domestica- 
tion de l’Eléphant, d’une si réelle importance pour la mise en 
valeur de l'Afrique équatoriale, et que notre collègue M. Paul 
Bourdarie a fait progresser avec un dévouement et une persé- 
vérance que vous avez trop souvent appréciée et applaudie, 
pour qu’il me convienne d'en reprendre l'éloge? 


{1} M. L. Olivier, directeur de la Revue générale des Sciences, a été délégué 
par le Conseil auprès de la Section coloniale. 


156 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


La Société d'Acclimatation a donné encore d’autres 
marques d'intérêt aux questions coloniales; elle a réservé à 
diverses reprises sa plus haute distinction, la médaille d’or 
grand module, pour récompenser les services rendus au titre 
colonial. C’est ainsi que dès 1882, elle l’attribuait au haut 
fonctionnaire chargé alors du Gouvernement général de 
notre belle Cochinchine française, et sous l’administration 
duquel cette colonie résolvait ce problème, longtemps inso- 
luble chez nous, de solder toutes ses dépenses et de verser en 
outre dans la caisse de la métropole un contingent relative- 
ment élevé. C’est un souvenir que j'ai d'autant plus à cœur 
d'évoquer, Messieurs, qu'il m'est permis de saluer dans le 
Président de la Société d'Acclimatation, qui nous honore de 
sa présence, le lauréat de la grande médaille d’or de 1882. 
Plus récemment encore, à deux années consécutives, en 1895 
et 1896, la médaille d'or a eu pour titulaires deux hommes 
qui ont rendu à l'étude économique et à l’acclimatation des 
plantes tropicales des services inestimables : M. le docteur 
Heckel et M. Raoul, le président même de notre nouvelle 
Section. 

Entre ces manifestations et la création d’une Section colo- 
niale; il n’y avait qu'un dernier pas; il est aujourd'hui fran- 
chi. En fondant cette Section, la Société d’Acclimatalion n’a 
donc fait que s'adapter, comme elle l’a toujours fait dans le 
passé, aux besoins nouveaux ; et ceux de nos colonies sont, 
à cet égard, véritablement infinis. 

Les énumérer, c'est tracer en quelque sorte le programme 
des travaux de la Section. — Qu'il me soit permis de le faire 
sommairement. 

Nous avons un domaine colonial, qui représente huit ou 
neuf fois la superficie de la France, et dont la plus grande 
partie se trouve dans la région tropicale, si différente des 
nôtres comme climat et productions. Pour tirer parti de nos 
possessions, pour qu'elles nous dédommagent des sacrifices 
qu'elles nous ont coûtés, il nous faut y envoyer des colons, 
des planteurs, même sur certains points de la main-d'œuvre, 
et aussitôt vous entrevoyez, Messieurs, quel champ nous est 
ouvert au point de vue des études concernant l’acclimatation 
ou plutôt de l’acclimatement de l'homme. 

Que d’études aussi, au point de vue de la faune, de l’intro- 
duction, de l’acclimatation des animaux utiles à l'homme, des 


LS SE 


ALLOCUTION DE A. MILHE-POUTINGON. 157 


bêtes de somme dont l'Afrique, équatoriale est complètement 
dépourvue, en dehors de l’Eléphant inutilisé ! 

Au point de vue de la flore, le champ est, à vrai dire, il- 
limité. 

Nous demandons à l'étranger presque toutes les productions 
coloniales nécessaires à notre alimentation ou à notre indus- 
trie : café, cacao, tabac, coton, quinquina, caoutchouc, gutta- 
percha, alors que certains de ces produits croissent spontané- 
ment dans nos colonies ou prospèrent dans des pays ana- 
logues comme sol et climat. Un pareil état de choses, 
infiniment regrettable au point de vue du commerce d’expor- 
tation et du mouvement maritime a pour conséquence une 
inféricrité marquée vis-à-vis de nos concurrents étrangers, 
et nous avons vu les principaux marchés de produits co- 
loniaux s'établir presque tous au dehors. C’est à Liverpool, 
à Anvers, à Hambourg que va se vendre le caoutchouc des 
colonies françaises, à Anvers, leur ivoire, à Liverpool, leurs 
bois. Par contre, nous achetons en Amérique, en Angleterre, 
le coton que manufacturent nos industries. Ces matières 
premières sont transportées par des bateaux américains ou 
anglais, qui, en retour, rapportent, dans nos propres colo- 
nies, avec des prix de fret que notre navigation ne peut 
concurrencer et qui avantagent le commerce étranger, les 
produits manufacturés de la Grande-Bretagne et des Etats- 
Unis. 

Le remède, ou tout au moins l’un des meilleurs remèdes à 
cette situation, consisterait manifestement à développer les 
productions naturelles et les exploitations agricoles dans nos 
colonies, afin d'y récolter d’une part et d'y exporter de l’autre 
les produits et les marchandises que nos colonies et la métro- 
pole tirent actuellement de l'étranger. 

Mais pour accroître notre production, pour développer nos 
cultures coloniales, il faut que nous introduisions, que nous 
multipliions dans nos colonies les végétaux, les variétés de 
plantes industrielles, alimentaires, médicinales, qu’elles ne 
possèdent pas et qu’elles auraient intérêt à acquérir ; nous de- 
vrons en un mot faire de l’acclimatation. 

C’est à cette étude que la Sociélé d'Acclimatation con- 
vie cette nouvelle Section coloniale. Elle nous y aidera par 
ses puissantes relations, par la vieille expérience qui s’est 
accumulée et comme cristallisée dans ses publications et dans 
ses traditions. Sous la direction du savant éminent que vous 


ee 


158 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


avez placé à la tête de la Section, avec l'appui, le concours 
des correspondants de la Société, de ses amis d'outre-mer, de 
tous ceux, enfin, qui contribuent par leurs études, par leurs 
travaux et par leur dévouement à faire progresser cette belle 
et utile science de l’acclimatation, nous allons, Messieurs, 
entreprendre avec ardeur cette tâche, heureux de coopérer 
dans la mesure de nos moyens, à la prospérité de notre empire 
colonial. 


159 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


2e SECTION (ORNITHOLOGIE. — AVICULTURE),. 


SÉANCE DU 31 JANVIER 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. OUSTALET, PRÉSIDENT. 


Il est procédé au renouvellement du bureau et à l'élection d’un dé- 
légué à la Commission des récompenses. Sont nommés : 


President : M. Oustalet ; 

Vice-Président : M. le Comte de Chabannes La Palice; 
Secrétaire : M. le Comte d'Orfeuille ; 

Secrétaire-adjoint : M. Félix Mérel ; 

Délégué aux récompenses : M. Wuirion. 


La correspondance imprimée comyrend un certain nombre d’ou- 
vrages et de spécimens de journaux d’Aviculture dont l'échange est pro- 
posé à la Socicté. Ces demandes sont renvoyées à l’examen du Conseil. 

Parmi les ouvrages, il convient de signaler un important traité de 
Colombophilie publié en espagnol par M. Castello, de Barcelone, et le 
beau volume de M. André Suchetet sur les Oiseaux hybrides observés 
à l'état sauvage. 

Lecture est donnée d’une lettre adressée par M. le Ministre du 
. Commerce au Président de la Societé d’'Acclimatation, lui annoncant 
l'ouverture d’une Exposition internationale d’Oisellerie à Saint-Péters- 
bourg dans le courant de l’année 1898 ; M. le baron de Morenheim, 
ambassadeur de Russie, a informé M. le Ministre des Affaires étran- 
gères que le Gouvernement impérial verrait avec plaisir la participa- 
tion de la France à cette Exposition. 

La Section est toute disposée à prêter son appui à l’entreprise, 
mais il lui paraît utile, afin d’agir d'une manière efficace, de de- 
mander à M. le Ministre du Commerce communication de quelques 
détails pouvant intéresser les exposants en ce qui concerne notam- 
ment les frais de transport et de douane. En conséquence, la Section 
prie le bureau de la Société de vouloir bien agir auprès du Ministère 
pour obtenir en temps utile tous les renseignements nécessaires. 

La Société d'Horticulture de Villemomble (Seine), désirant joindre 
une Exposition d’Aviculture à son Exposition annuelle, demande com- 
munication de programmes d'expositions et concours analogues dont 
l'étude puisse l'aider dans la circonstance. 


160 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Lecture est donnée d'une lettre de M. le Ministre de l'Agriculture 
adressée au Président de la Société d'A cclimatation concernant l’importa- 
tion directe des Nandous en France. Les agents du Gouvernement fran- 
çais dans l'Uruguay et la République Argentine recevront des instruc- 
tions à ce sujet par l'entremise du Département des Affaires étrangères. 

M. Leroy écrit d'Oran qu'il a vu dans cetle ville, le 7 janvier 1898, 
une Hirondelle à ventre blanc voltiger au-dessus de son jardin. C’est 
la première fois que pareille observation a été faite. Il s'agit sans 
doute d'AÆirundo urbica. 

M. Blaauw adresse de S'graveland (Hollande), quelques détails 
complémentaires sur l'élevage du Tinamou roux. D’après lui, le cli- 
mat de l'Algérie pourrait convenir à cet Oiseau. M. Oustalet croit 
utile de faire quelques réserves à ce propos, la sécheresse ne semblant 
pas devoir être favorable au Tinamou. Une discussion s'engage au 
sujet de cet Oiseau. MM. Debreuil, de Guerne et Wuirion citent divers 
élevages de Tinamou réussissant bien dans des conditions assez diffé- 
rentes. En résume, il convient surtout de veiller à la bonne alimenta- 
tion, en ayant soin d'y introduire toujours une notable quantité de ma- 
tières animales. 

M. Debreuil fait une communication sur l'élevage des Nandous dans 
sa propriété de Melun. Ces Oiseaux sont en pleine prospérité et pa- 
raissent tres rustiques. Il est toutefois regrettable qu'ils appartien- 
nent tous au sexe femelle. M. Debreuil, secondé d’ailleurs par la 
Société, a fait de vains efforts pour se procurer un mâle, et cest à 
son grand regret qu’il s'est trouvé forcé de distribuer les œufs pon- 
dus en grand nombre, mais dont aucun produit ne pouvait être ob- 


tenu, faute de fécondation. 
Le Secrélaire, 


Comte D'ORFEUILLE. 


3: SECTION (AQUICULTURE). 


SÉANCE DU 7 FÉVRIER 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. EDMOND PERRIER (DE L'INSTITUT), PRÉSIDENT. 


Ilest procédé à la nomination du bureau pour la session de 1898. 
Les membres en fonctions sont réélus à l’unanimilé; le bureau se 
trouve donc composé comme suit : 


MM. Edmond Perrier, président ; 
G. Roché, vice-président ; 
J. de Clarybrooke, secrétaire ; 
A. Boigeol, secrélaïre-adjoint. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 161 


M. R. Blanchard, délégué aux récompenses, est également maintenu 
dans ses fonctions. 

M. le Secrélaire général rappelle que M. Raveret-Wattel est délégué 
par le Conseil auprès de la Section. 

Lecture de la correspondance. Une série de lettres concernent la 
distribution d'œufs d’'Ombre-Chevalier récemment annoncée. Cette 
distribution est chose terminée. Vingt-cinq mille œufs ont été répartis 
le 5 février par les soins de M. le Secrétaire général grâce à la géné- 
rosité de M. Berthoule. 

A ce propos M. le Président dit que des remerciements tout parti- 
culiers sont dus par la Section à M. Berthoule, sans préjudice de 
ceux que lui adressera le Bureau de la Société. 

M. le Secrétaire général présente, de la part de M. Zenk, une. 
notice publiée il y a une quinzaine d’années par M. Vander Snickt 
sur l'Établissement de pisciculture de Seewiese en Bavière et dont 
un certain nombre d'exemplaires sont destinés à être distribués aux 
Membres de la Sociélé. 

Il en est de même d’une plaquette de M. E. Humbert Claude, curé 
de Taintrux (Vosges), et intitulée : Rémy inventeur des procédés prati- 
ques de la pisciculture. À propos de ce mémoire, M. le Secrétaire géné- 
ral fait observer que l’auteur pose un peu trop en victimes le pisci- 
culteur Rémy et ses descendants. À plusieurs reprises, en effet, depuis 
1855, et sur la proposition du D' Haxo, la famille de Rémy a recu 
par les soins de la Société d’Acclimatation et grâce à son initiative, des 
secours qui se sont élevés à la somme de 8,385 francs. 

Lecture est donnée d’une notice sur l'Établissement de pisciculture 
d’Ancourt, près Dieppe où M. Duponchez élève diverses espèces de 
Salmonides, notamment le Salmo fontinalis (1). 

M. A. Boigeol décrit l'Etablissement de pisciculture organisé par 
lui aux étangs de la Motte-Rouge, près Randonnai (Orne) et présente 
une série de photographies prises dans l’'Établissement et aux envi- 
rons. M. Boigeol se livre surtout à l'élevage de la Truite arc-en-ciel 
et de la Carpe. Un mémoire détaillé sera publié ultérieurement à ce 
sujet dans le Bulletin. 

_ M. G. Roché, récemment nommé secrétaire du Comité d’admis- 
sion et d'installation de la classe 53 pour l'Exposition universelle de 
1900 (Engins, instruments et produits de la pêche, aquiculture), pense 
qu'il est utile de stimuler le zèle des Membres de la Section pouvant 
prendre part à cette Exposition. La concurrence étrangère sera certai- 
nement très vive; raison de plus pour montrer que la pêche et la pis- 
ciculture sont en grand progrès chez nous. La France est actuellement 
le premier pays d'Europe pour l’Ostréiculture ; il faut maintenir cette 
situation et éviter de laisser s'installer sur nos marchés les produits 


{) Voir ci-dessus, page 101, 
Bull. Soc. nat. Acci, Fr. 1898. — 12. 


} 
; 
| 
F 
: 


162 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ostreicoles étrangers. La Socislé d'Acclimatation est la seule Société 
française qui, depuis son origine en 1854 et avec une persévérance 
souvent heureuse et en tous cas des plus méritoires, ait fait quelque 
chose pour l'aquiculture aussi bien dans la théorie que dans'la pra- 
tique ; elle devra donc avoir uoe place privilégiée à l'Exposition uni- 
verselle de 1900, dans cet ordre d'idées. 

Pour cela il est nécessaire qu'elle prenne dès maintenant l'engage- 
ment d'exposer; il faut qu'elle fasse connaître à tous ses membres 
l’organisation de la classe 53 et qu’elle guide les exposants qui vou- 
draient être renseignés. Comme suite à la communication de M. G. 
Roché, la Section émet le vœu suivant qui sera soumis au Conseil : 

La 3° Section (Aquiculture, émet le vœu que la Société d'Acclima- 
Éation preane part à l'Exposition universelle de 1900 et qu'elle incite, 
par tous les moyens en son pouvoir, ceux de ses Membres s’occupant 
d'aquiculture à exposer les plans de leurs installations, les appareils 
en usage, produits ou travaux quelconques dans la classe 53, groupe 
IX, de l'Exposition universelle de 1900. 

M. E. Cachèux parle de l'Exposition internationale de pêche de 
Bergen, qui promet d'être Îort intéressante. A ce propos, M. le Secré- 
taire général annonce que la Société d'Acclimafation compte exposer 
en Norvège divers documents. Un vœu pourrait être formulé invitant 
les Membres de la Socié{é, à prendre part à l'Exposition de Bergen; 
les éléments de cetle exposition seraient réunis, expédiés et présentés 
par les soins de la Société. Ces envois ne devront présenter aucun 
caractère commercial ; des médailles de collaboration seraient décer- 
nées aux exposants. Le vœu suivant est adopté à l'unanimité. M le 
Secrétaire général veut bien se charger de le transmettre au Conseil. 

La 3° Section (Aquicullure) émet le vœu que les Membres de la 
Société d'Acclimafafion parlicipent autant que possible à l'Exposition 
internationale de pêche de Bergen, dont l'ouverture doit avoir licu 
en mai 1898. Il est à désirer que les envois dépourvus de carac- 
tère commercial soient groupés sous le vocable de la Sociélé, expédiés 
et présentés collectivement par ses soins. Il est désirable que des 
médailles de collaboration soient décernées aux exposants. 

M. A. Boigeol parle de la conservation des Poissons dans l’aldehyde 
formique et demande des renseignements à ce sujet. Divers échantil- 
lons de la faune ichtyologique belge ou congolaise, présentés dans ce 
liquide à l'Exposition de Bruxelles, semblent démontrer que le formol 
ne doit pas être spécialement recommandé pour l’étude des Poissons. 


J. DE CLAYBROOKE, 
Secrélaire de la Section. 


is 5 


163 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 


MAMMIFÈRES APPRIVOISÉS AU CONGO FRANCAIS. 
Extrait d'une lettre de M. G.-A. Blom (1). 


Poste de Carnot (Congo francais), 29 mai 1897. 


«Depuis longtemps, les indigènes et notre chasseur sénégalais doi- 
vent, quand l’occasion se présentera, amener dans un des postes un 
jeune Éléphant. 

Il ne s’agit pas pour nous d’inaugurer un nouveau mode de trans- 
port de marchandises, mais d'ajouter cette bête si intéressante à la 
collection d'animaux sauvages qui vivent déjà avec nous. 

En effet, c'est noire distraction de recueillir et d'élever toutes les. 
bêtes de la brousse que les indigènes nous apportent. Nous en avons 
eu des quantités. Beaucoup sont mortes, d'autres retournent dans la 
forêt. Ce que nous avons de plus intéressant actuellement est un cou- 
ple de Cochons sauvages qui vivent au poste et vont se promener aux 
environs en pleine liberté. Ils mangent dans la main et suivent comme 
des Chiens. J'attends avec impatience le jour prochain où nous aurons. 
une nichée de marcassins, parce que les Cochons domestiques amenés 
de Brazzaville n’ont pas réussi. 

Nous avons un Chacal, des Mangoustes, de pelits Rongeurs, une: 
collection de Singes ct enfin un jeune Chat-tigre gros comme les deux 
poings, qui fait la loi à tous les autres, et qui à ce moment même, 
mord le bout de mon porte-plume. 

Pas un seul de ces animaux n’est enfermé, le Chacal seul est encore 
à l’attache, mais il suit déjà, et ce qu’il y a de plus extraordinaire, 
c'est de les voir tous vivre en bonne intelligence, mangeant et dor- 
mant ensemble avec les Chiens et les Chats domestiques. Il a cepen- 
dant fallu séparer les inoffensifs Cochons d’Inde qui souffraient trop de- 
la vie en commun. (Ceux-ci viennent du Nord, par les Haoussas.) 

Le plus curieux spécimen de la ménagerie est un grand Singe jaure- 
qui s'est proprio motu institué Chien de berger. 11 mène paitre les 
Moutons avec toutes les allures des Chiens de France, mordant rageu-- 
sement les jambes de ceux qui s'écartent du troupeau. Lorsque tout 
marche à sa guise, il enfourche le premier Mouton venu, se laisse 
porter et se met à chercher..... sa nourriture. C’est là le secret de 
son assiduité. Si je réussis à le photographier dans l'exercice de: 
ses fonctions, je vous enverrai une épreuve. 


(1} Lue en séance générale le 26 novembre 1897. 


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RU FEU 2 


164 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Nos Chiens plus ou moins métissés de races indigènes, sont de bons 
compagnons, mais ne rendent pas de services sérieux. 

À mon passage à Brazzaville, M. Greshoff, de la Maison hollandaise, 
a bien voulu me donner trois superbes Cogs et nous, avons déjà des 
poussins qui ont des plumes aux pattes, ce qui me console un peu 
d’avoir manqué au moment du départ l'offre du correspondant de la 
Société d'Acclimatation à Bordeaux. 

Si j'ajoute que nous avons ici un troupeau de quarante bêtes à 
cornes qui augmente tous les jours, que sur huit Chevaux il y a 
trois juments dont deux pleines, qu’une pouliche née en novembre 
dernier se porte très bien et mangerait à table si on la laissait faire, 
que les bourriquots croissent et multiplient, vous verrez que le poste 
de Carnot n'est pas de ceux où l’on s'ennuie. 

Croyez-moi, Monsieur, votre très respectueusement dévoué. » 


G.-A. BLOM. 


X< 


MANIERE DENVOYER DES POISSONS MALADES AU POINT DE VUE 
DE LA RECHERCHE DES MYxOSPORIDIES. 


Monsieur le Secrétaire général, 


J'ai examiné les deux Carpes (1) que vous m'avez remises, au point 
de vue de la présence des Myxosporidies dans les tissus de ces Pois- 
sons ; l’état de conservalion, absolument défectueux, des viscères de 
ces Carpes ne permet pas de se prononcer; il m’a semblé toutefois que 
le rein d’un de ces Poissons renfermait quelques-uns de ces parasites, 
mais je le répète, les matériaux qui m'ont été confiés sont trop mal 
conservés pour autoriser une réponse catégorique. Il est nécessaire de 
refaire un examen sur des Poissons convenablement traites. 

Dans le cas où votre correspondant désirerait un second examen, je 
suis à sa disposition et voici la facon dont il devrait procéder : 

19 Il devrait m'envoyer un ou deux échantillons (la taille n'a pas 
d'importance), choisis parmi les Poissons qui lui paraissent malades 
et les adresser de telle sorte qu'ils me parviennent dans les vingt- 
quatre heures (trente-six heures au maximum) après leur capture; il 
suffirait d'emballer ces animaux dans des herbes fraîches et de les 
expédier tels quels. 


(4) Ces Poissons provenant du réservoir de Grosbois, [Côte-d'Or] ont été 
présentés à la Section d’Aquiculture dans la séance du 5 avril 4897. Ils ont été 
adressés à la Soctété par M. Voillard, conducteur des Ponts et Chaussées sur 
l'ordre de M. Fontaine, ingéuieur en chef du canal de Bourgogne. Voir 
Bulletin 1897. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 165 


20 Dans le cas où cela serait impossible, il faut procéder ainsi : pré- 
lever dans les divers organes (foie, rale, rein, branchies, muscles, tube 
digestif) des fragments larges comme une pièce de deux francs et 
épais de 1/3 de centimètre environ. Ces fragmenis doivent êlre coupés 
avec une lame bien aiguisée, sans comprimer les lissus ; ils seront 
plongés le plus tôt possible dans l'alcool! fort à 90° ou à 95°. Ils peu- 
vent séjourner plusieurs semaines dans ce dernier liquide. 

Veuillez agréer....., etc. | 

A. PETTIT, 


Docteur ès sciences, attaché au Muséum, 
(Laboratoire d'Anatomie comparée). 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


LES ATTELAGES DE CHIENS EN FRANCE (1) 


par Edg. TriGant-GENESTE, 


Secrétaire général du département de la Vienne. 


La voiture ou charrelte attelée de Chiens n’est pas un moyen de 
locomotion nouvellement inventé en France; cependant, alors que la 
circulation des vélocipèdes, de date relativement récente, est régle- 
mentée par des arrêtés, identiques sur toute l’éterdue du territoire, 
pris par les Préfets, à la date du 29 février 1896 et du 15 juin 1897; 
alors que la circulation des voitures automobiles va être, à bref délai, 
réglementée uniformément dans tous les départements, puisqu’une 
commission vient d’être chargée, par le Ministre des Travaux publics, 
d'étudier la rédaction d'un règlement à ce sujet, la circulation des 
voitures attelées de Chiens se trouve, suivant les départements, les 
‘communes même dans certains déparlements, ou bien implicitement 
autorisée, — à défaut d’arrêlé réglementant ou interdisant ce mode de 
locomotion, — ou bien régie par une réglementation ayant pour prin- 
cipe l'interdiction, tempérée par des autorisations accordées à titre 
exceptionnel, ou bien enfin, absolument interdite. 

Les départements dans lesquels il n'existe aucun arrêlé interdisant 
ou réglementant la circulation des attelages de Chiens sont les sui- 
vanis : 

Ain, Aisne, Allier, Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, 


(1) Extrait de la Revue générale d'Administration. 1897. 


166 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Ardèche, Ariège, Aube, Aude, Bouches-du-Rhône, Cantal, Cher, 
Corse, Côte-d'Or, Doubs, Drôme, Gard, Gers, Gironde, Hérault, Isère, 
Jura, Landes, Loire, Lot-et-Garonne, Manche, Haute-Marne, Mayenne, 
Nièvre, Oise, Orne, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Basses-Pyrénées, 
Hautes-Pyrénées, Pyréuées-Orientales, territoire de Belfort, Rhône, 
Saône-et-Loire, Savoie, Haute-Savoie, Seine, Seine-et-Oise, Somme, 
Tarn, Var, Vaucluse et Vosges. 

Dans ces départements, la circulation des voitures à Chiens, n'étant 
pas interdite, est tolérée. Dans quelques-uns elle est presque nulle, 
dans quelques autres elle est très active. 

Trois départements n’ont pas d'arrêté interdisant la circulation des 
attelages de Chiens dans l'étendue de leur territoire, mais des arrêtés 
pris par certains maires l'interdisent ou la réglementent dans cer- 
taines communes. Ce sont les Ardennes, les Deux-Sèvres et la Seine- 
Inférieure. 

Des arrêtés préfectoraux réglementent la circulation des attelages de 
Chiens dans les départements ci-après : 

Côtes-du-Nord, Creuse, Indre, Loire-Inférieure, Loiret, Lozère et 
Vienne. 

Ces arrêtés portent les dates des années 1894, 1895 et 1896. Ils sont 
conçus généralement comme celui de la Vienne, dans les termes sui- 
vants : 


ARRÊTÉ RELATIF AUX ATTELAGES DE CHIENS. 


Nous, Préfet du département de la Vienne, chevalier de la Légion 
d'honneur, 

Vu l’article 99 de la loi du 5 avril 1884; 

Vu les articles 471, 474, 475 et 478 du Code pénal; 

Vu les avis de MM. les sous-préfels; 

Considérant que les attelages de Chiens peuvent occasionner des 
accidents et donner lieu à des abus; qu'il y a lieu de réglementer ce 
genre de locomotion; 


Arrêtons : 


Art. 1®, — Il est interdit d’atteler des Chiens à des véhicules de 
quelque manière que ce soit. 
Art. 2. — Exceplionnellement, des autorisations d’atteler un ou 


plusieurs Chiens peuvent être accordées, lorsque les personnes qui les 
sollicitent justifient de la nécessité où elles se trouvent d'employer ces 
attelages, en raison de leur situation nécessiteuse ou d’infirmités. 
Art. 3. — Ces autorisations, essentiellement révocables, sont accor- 
dées ou relirées par les maires. 
Les autorisations ou retraits ne sont valables qu'après avoir été 
visés par le préfet, sur avis favorable des sous-préfets pour les arron- 


N K 


EXTRAITS ET ANALYSES. 167 


dissements autres que l'arrondissement chef-lieu. Elles peuvent être 
accordées ou retirées d'office par le préfet. 

Art. 4 — Les autorisations donnent droit de circulation dans tout 
le département. 

Art. 5. — Les conducteurs des voitures attelées de Chiens sont 
tenus de s’arrêter lorsqu'à leur approche un cheval manifeste des 
signes de frayeur. 

Ils doivent d’ailleurs se conformer à toutes les obligations imposées 
aux conducteurs d’autres véhicules. 4 

Art. 6. — MM. les sous-préfets, maires, commissaires de police, la 
gendarmerie, les gardes-champêtres et les agents de l’autorité sont 
chargés d'assurer l’exécution du présent arrêté, qui sera publié et 
affiché dans toutes les communes du département. 

Fait à Poitiers, le 22 mai 1896. 

Le Préfet de la Vienne, 
JUILLET SAINT-LAGER. 


Pour assurer l’exécution de cet arrêté, le Préfet de la Vienne a fait 
établir des modèles d’arrêtés municipaux ainsi conçus : 


POLICE MUNICIPALE. 


Nous, Maire de la commune de....., 

Vu l'arrêté préfectoral du 22 mai 1896 relatif aux attelages de 
Chiens; 

Considérant que le sieur....., demeurant à ....., nous a demandé 
l’autorisation de bénéficier des dispositions de l’article 2 de cet arrêté 
et que sa demande nous a paru justifiée; 

Autorisons le sieur ..... à se servir d'une petite voiture attelée de 
Chiens. 3 

La présente autorisation sera immédiatement retirée en cas d'abus. 

Haitatlasmairierden-c--tle-... 

Le Maire, 
Vu à Poitiers, 
le 
Le Préfet, 


Lor GRAMMONT 


Punissant ceux qui exercent de mauvais traitements envers 
les animaux domestiques 


(2 juillet 1850). 
Article unique. — Seront punis d'une amende de 5 à 15 francs et 


pourront l'être d'un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé 
publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les ani- 


… 


à 


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NAN ET CAN A 
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168 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


maux domestiques. — La peine de la prison sera toujours appliquée 
en cas de récidive. 


La circulation des attelages de Chiens est formellement interdite 
par des arrêtés préfectoraux dans les départements ci-après : 

Aveyron, 1887; Calvados, 1852; Charente, 1887; Charente-Infé- 
rieure, 1854; Corrèze, 1891; Dordogne, 1887; Eure, 1854: Eure-et- 
Loire, 1878; Finistère, 1874; Haute-Garonne, 1894; Ille-et-Vilaine, 
1861; Indre-et-Loire, 1894; Loir-et-Cher, 1861; Haute-Loire, 1895; 
Lot, 1896 ; Maine-et-Loire, 1890; Marne, 1890; Meurthe-et-Moselle, 
1867; Meuse, 1865 ; Morbihan. 1856; Nord, 1876; Haute-Saône, 1853 ; 
Sarthe, 1891: Seine-et-Marne, 1853; Tarn-et-Garonne, 1895; Vendée, 
1880; Haute-Vienne, 1882; Yonne, 1875. 

La plupart de ces arrêtés visent la loi Grammont; nous verrons, 
cependant, que le fait d’atteler des Chiens à une voiture ne constitue 
pas une contravention à cette loi: quelques-uns s'appuient sur ceci : 
que les attelages de Chiens font peur aux Chevaux; d’autres sont mo- 
tivés par le danger de la rage; d’autres enfin invoquent la nécessité 
d'assurer la sécurité publique. 

Du coup d'œil que nous venons de jeter sur les régimes divers aux- 
quels sont soumis, en France, les attelages de Chiens, il nous paraît 
résulter ceci : que, dans la majorité des départements (59), la circula- 
tion est permise d’une facon générale ou tout au moins exceptionnelle 
(49 sans règlements, 7 ayant des règlements et 3 dans lesquels il 
existe des arrêtés municipaux), et que, dans 28 départements seule- 
ment, on trouve des arrêtés préfectoraux qui interdisent cette circula- 
tion d’une façon formelle. 

Il y a lieu de renrarquer que les arrêtés réglementant la circulation 
des attelages de Chiens, dans le sens d’une interdiction, tempérée par 
des autorisations accordées à titre exceplionnel, sont de date très 
récente, puisque, comme nous l'avons déjà indiqué, ils ont été pris 
pendant les années 1894, 1895 et 1896, tandis que les arrêtés d'inter- 
diction absolue sont, à l'exception de cinq, antérieurs à 1893 et 
remontent jusqu'à 1853. 

11 semble donc qu'il existe une tendance vers la réglementation 
dans le sens de l'interdiction générale avec certaines exceptions. 

Nous pensons que cette tendance est excellente et que la réglemen- 
tation est désirable. 

Les motifs invoqués dans les divers arrêtés d'interdiction totale ne 
nous paraissent pas, en effet, decisifs. 

Les uns sont basés sur la loi Grammont; or, il a été jugé depuis 
longtemps par la Cour de cassation que le fait d’atteler un Chien à une 
voiture chargée de marchandises ne constituait pas une violation de 
la loi Grammont {arrêt du 10 nov. 1860. Dalloz, 62, 5, 18) et cette 
jurisprudence a été appliquée très fréquemment par les tribunaux de 


- 
À‘ 


EXTRAITS ET ANALYSES. 169 


simple police; nous ne citerons qu un jugement récent du tribunal de 
simple police de Saint-Palais du 22 avril 1895. (Za Loi, 1895, p. 860.) 

Des âmes sensibles disent que les Chiens ne sont pas faits pour 
traîner des voitures, ignorant sans doute qu'il existe des races de 
Chien de trait, aussi bien que des races de Chien de chasse. La plu- 
part des personnes qui s’apitoient sur le sort des Chiens attelés sont 
des personnes aimant la chasse et qui trouvent naturel de ramener, 
après une journée de chasse, leurs Chiens exténués et souvent les 
oreilles et la queue en sang, comme elles ont trouvé tout simple de 
torturer horriblement leurs Chiens avec le collier de force pour les 
dresser à la chasse et au rapport. Les Chiens se font à la traction des 
voitures, lorsqu'ils y sont habitués de la même facon que les Che- 
vaux, les Anes et les Muleis, comme ïils s’habituent à la chasse, 
quelque fatigue que cet exercice leur cause souvent. 

Les autres arrêtés s'appuient sur la nécessité qu’il y a de prévenir 
les cas de rage. Or, il est démontré maintenant, de facon indiscutable, 
par les travaux de Pasteur, que la rage n’éclate pas spontanément, 
mais qu’il faut, pour la déterminer, une inoculation. Par conséquent, 
on peut atteler un Chien, le fatiguer, il ne deviendra point enragé si 
quelque autre animal atteint de rage ne lui inocule pas le virus rabique. 

Un autre argument mis en avant, en faveur de l'interdiction des 
voitures à Chiens, c’est que ces véhicules font peur aux Chevaux. Cet 
argument n'est plus soutenable aujourd’hui, où les routes sont sillon- 
nées de bicyclettes, d'automobiles, et où les Chevaux sont exposés, en 
circulant sur les routes, à longer ou à croiser des lignes de chemins 
de fer et à rencontrer des trains. Les Chevaux, qui étaient très effrayés 
par les trains de chemins de fer, par les automobiles et les véloci- 
pèdes, se sont faits à ces véhicules, et ils s’habitueront de même aux 
attelages de Chiens s'ils en rencontrent fréquemment. 

Reste la question des accidents à éviter, la question de sécurité 
publique. Il est certain que les personnes qui circulent dans des voi- 
tures attelées de Chiens ne conduisent pas leurs équipages avec la 
même précision que les conducteurs de Chevaux, et on peut craindre 
que les voitures à Chiens ne soient culbutées dans une descente 
rapide, ou jetées dans des fossés, ou lancées sous des voitures à Che- 
vaux, par le fait du rnanque de précision dans la direction de ces 
attelages. On signale, d’ailleurs, peu d’accidents de cette nature, et en 
arrivât-il, les personnes qui en seraient victimes, tombant d'une hau- 
teur minime, ne risqueraient pas de se faire grand mal. Mais ce motif 
seul suffit à expliquer l'intérêt qu’il peut y avoir à ne pas laisser ce 
mode de circulation prendre une trop grande extension et à le régle- 
menter afin qu'il ne soit utilisé que par les gens auxquels il rend des 
services qu'ils ne pourraient pas se procurer autrement. 

Les voitures attelées de Chiens permettent à de pauvres gens, à de 
malheureux infirmes, qui ont à transporter des marchandises ou à se 


LA RES PAU TA 


470 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


transporter eux-mêmes, d’avoir à bon marché un moyen de locomotion 
pratique. 

Il est bon de s’apitoyer sur le sort des Chiens qui prennent de la 
peine à tirer des voitures, mais il est permis aussi de prendre en pilié 
les gens qui, ayant à promener de la marchandise pour gagner leur 
vie et celle de leur famille, sont obligés de trainer une charrette 
chargée des objets qu'ils vendent : légumes, poissons; ou de ceux 
qu'ils achètent : chiffons, peaux de lapins, elc., etc. 

Quand je vois, suant entre les brancards de sa petite charrette, une 
marchande des quatre saisons, qui croise un énorme Chien étendu sur 
le trottoir et se chauffant les membres au soleil, je n’éprouve aucune 
répugnance à penser que le Chien pourrait aider la pauvre femme à 
traîner son véhicule et gagner, en travaillant, lui aussi, le pain qu’il 
mange. 

Depuis que des autcrisations sont accordées, dans le département 
de la Vienne, pour atteler des Chiens, une centaine de malheureux — 
dont un tiers de femmes — ont demandé à en bénéficier. Aucune 
plainte n'est parvenue à la préfecture au sujet de la circulation des 
attelages de Chiens, et il est certain que ce moyen de locomotion rend 
de grands services aux marchands de denrées, aux chiffonniers et 
autres petits commerçants qui parcourent les campagnes pour l'exer- 
cice de leur profession. 

Ce qui est regrettable, c’est que ce mode de locomotion, libre dans 
les Deux-Sèvres, où il n’y a pas d’arrêlé préfectoral d'interdiction, soit 
restreint dans la Vienne, où des autorisations sont accordées excep- 
tionnellement, et soit completement interdit dans le département 
d'Indre-et-Loire. De sorte qu'une personne qui partirait de Niort avec 
un attelage de Chiens voyagerait librement dans les Deux-Sèvres (à la 
condition cependant de ne pas traverser de commune dans laquelle les 
attelages de Chiens sont interdits par les maires — comme la commune 
de Thouars), se verrait dresser procès-verbal dans la Vienne pour 
n'avoir pas d’autorisation et serait complètement arrêtée dans Indre- 
et-Loire. 

Il est difficile de faire comprendre aux gens que ce qui est permis 
dans un déparlement puisse être interdit dans le département voisin. 
Cela est difficile, parce qu’en réalité on n’a guère de bonnes raisons à 
donner de la diversité dans les réglementations de cette nature. 

Des prescriptions uniformes régissent la circulation des vélocipèdes 
dans toute la France; il en sera de même, sans doute, avant peu, pour 
les voitures automobiles, si la commission nommée par le Ministre 
des Travaux publics mène à bonne fin la mission qui lui a été confiée. 
Cette étude vient donc à son heure et pourra avoir quelque utilité si 
elle attire l'attention des pouvoirs publics sur l'intérêt qu'il y aurait à 
réglementer la circulation des attelages de Chiens d’une facon uni- 
forme pour toute la France. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 171 


Ce qui lui donne aussi quelque actualité, c'est qu’une commission 
vient d'être nommée, par décret du 24 novembre 1896, pour reviser la 
loi Grammont, et que cette commission pourrait, peut-être, ulilement 
étudier la question des attelages de Chiens. Si cette question lui était 
soumise, nous sommes convaincu qu'elle émettrait un avis favorable 
aux attelages de Chiens. La loi Grammont n’en serait pas moins res- 
pectée, les Chiens n’en seraient pas moins protégés; car, de même 
qu'on dresse des procès-verbaux contre les cochers qui maltraitent 
abusivement leurs Chevaux, Anes, etc.. de même on verbaliserait 
contre les gens qui maltraiteraient abusivement leurs Chiens attelés. 

Si ces quelques pages avaient pour résultat de faciliter à beaucoup 
de malheureux, qui en sont maintenant privés, l'emploi des attelages 
de Chiens qui les soulageraient dans l'exercice de métiers pénibles, 
nous considérerions que nous aurions fait un usage utile du temps que 
nous avons mis à les écrire. 

À notre avis, en effet, être utile aux Chiens est bien, mais être utile 
aux hommes est mieux. 


APPÉL AUX ENFANTS POUR LA PROTECTION DES OISEAUX UTILES (1). 


par Joseph CLARTÉ. 


Baccarat (Meurthe-ei-Moselle). 


« Aimez les petits Oiseaux, enfants, respectez-les, protégez-les; ce ne 
sera que de la réciprocité. 

Lorsque, les jours de congé, vous allez courir par monts et par vaux, 
daus la campagne et dans les forêts, quand, le printemps revenu, la 
nature en fête a secoué la couverture de neige qui la tenait endormie 
depuis de longs mois, que le soleil a reparu et, avec lui, toutes les 
harmonies de la nature, partout, sur votre chemin, les fleurs s'épa- 
nouissent pour charmer vos regards, les prairies reverdissent, les forêts 
reprennent leur magnifique feuillage, puis, par la puissance de l’astre 
bienfaisant, partout renaît la vie, la joie et le bonheur de vivre. 

Quand, courant à travers les splendeurs de cette grande et sublime 
nature, vous foulez de vos pieds légers ce grand livre ouvert à vos 
regards et sur lequel, en lettres d'or, de rubis, d'émeraude, de tur- 
quoise, d'azur et de lopaze est écrite l’histoire de cette terre qui, sans 


(1) Extrait d'un mémoire communiqué à la Section d’Ornithologie dans la 
séance du 3 mai 1897: le travail complet de M. Joseph Clarté a été adressé 
par les soins de la Société d’Acclimatation au Congrès ornithologique tenu à 
Aix en Provence, du 9 au 14 novembre 1897. 


A 


172 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


cesse, produit pour vous tout ce qu'il y a de plus beau et de meilleur, 
suspendez de temps en temps votre course et observez ce qui se passe 
autour de vous; vous y verrez partoul le réveil de la vie ; vous y ver- 
rez des quantités prodigieuses de petits êtres qui, à peine sortis de 
leur sommeil hivernal, courent, affairés, chacun à son travail, au réta- 
blissement de leurs demeures, à la recherche de leur nourriture, à la 
reproduction de leur espèce. Car tous obéissent aux lois auxquelles 
ils sont soumis et auxquelles ils n’ont jamais essayé de se soustraire ; 
vous puiserez là l'exemple du travail et de l’obéissance aux lois iné- 
luctables de la nature. 

Continuant votre promenade et vos observations, vous verrez les 
petits Oiseaux, courant, volant, voletant, avec une ardeur fébrile, 
occupés, sans perdre un inslant, à la construction de leurs nids. Ah ! 
c'est que, dans la vie de l’Oiseau, c'est le travail le plus important, 
celui auquel il donne tous ses soins. C’est le berceau de la petite 
famille qui va bientôt y éclore. Aussi, voyez quelle attention, quels 
soins il apporte à la confection de ce nid qui, chez bien des es- 
pèces, est un véritable petit chef-d'œuvre d'architeciure, composé le 
plus souvent de mousse, d'herbes sèches, de menues écorces, de radi- 
celles, de fines büchettes, tout cela entrelacé avec un art charmant, et 
à l'intérieur duquel la prévoyance maternelle a ménage un lit plus 
doux de plumes, de bourres de laine, de crin, du duvet cotonneux 
qui entoure les graines de certaines plantes ; et aussilôt ce petit ber- 
ceau moelleux terminé, commence la ponte, puis l'incubation, à 
laquelle, pour nombre d'espèces, le mâle prend part alternativement 
avec la femelle et, quand éclosent les jeunes oisillons, voyez de quelle 
sollicitude, de quels tendres soins les entourent le père el la mère, ne 
les abandonnant pas un instant, les abritant de leurs ailes, les réchauf- 
fant de leur corps, leur apportant une nourriture choisie, les défendant 
souvent contre leurs ennemis, dont les plus terribles hélas! sont les 
enfarts; puis, lorsque ces pelits oisillons se sentent assez forts, ils 
viennent au bord du nid essayer leurs ailes, surveillés avec tendresse, 
avec amour, par le père et la mère ; après quelques timides essais, ces 
jeunes Oiseaux, impatients de liberté, prennent leur essor, surveillés 
et nourris quelque temps encore par leurs parents, puis arrive un jour 
où, pouvant se suffire à eux-mêmes, ils vont continuer la chaîne des 
générations de leur espèce. 

Respectez-les, enfants, les nids des petits Oiseaux ! n’en approchez 
que pour en admirer l'ingénieuse organisation, mais n'y touchez ja- 
mais, car ce sont des choses sacrées, car c'est la prévoyante nature 
qui a inspiré aux Oiseaux l'instinct de la construction des nids pour 
la reproduction et la perpétualion de leur race. 


Poursuivant vos promenades et vos observations quand l'été est 
arrivé, vous les verrez, ces oisillons, grands maintenant comme leurs 


EXTRAITS ET ANALYSES. 473 


parents, dont on ne les distingue plus que difficilement, faire une 
chasse acharnée à tous ces vilains Insectes, qui, eux aussi cependant 
tiennent leur place dans l'harmonie universelle et dans l'équilibre 
général de notre globe, bien que le plus grand nombre soit nuisible 
aux besoins de l’homme ; mais leur rapide et prodigieuse reproduction 
fera que toujours ils résisteront à la destruction qu’en pourront faire 
les petits Oiseaux. Leur nombre s’accroîtra dans des proportions d’au- 
tant plus formidables à mesure de la trop grande diminution de leurs 
ennemis naturels, ei cela à notre grand détriment. 

Puis, quand arrive l'automne, à l'approche des frimas, quand 
l’homme a rentré ses moissons, a rempli ses caves et ses greniers, 
quand le triste hiver nous menace de nouveau, que le soleil redevient 
avare de ses rayons; que les Insectes vont disparaître et se replonger 
dans leur sommeil léthargique, que va manquer la nourriture, vous 
observerez un des phénomènes les plus remarquables qu'offre la classe 
des Oiseaux : les migrations. À une époque déterminée, et qui est 
presque toujours la même, vous verrez des troupes nombreuses se 
réunir à un même endroit, puis prendre leur volée d’un commun 
accord, généralement sous la conduite d’ua chef, afin d'aller dans des 
climats plus hospitaliers, retrouver une nouvelle patrie qui leur four- 
nira une abondante nourriture. 

Ces voyages souvent sont longs et semés de périls; beaucoup se 
font à travers les mers, et chose remarquable, c’est toujours la même 
contrée que les Oiseaux savent retrouver; le retour s'opère de la même 
facon. Après six mois d'absence, ils savent aussi retrouver le pays 
qu'ils ont quitté; leur instinct les dirige à travers d'immenses 
espaces. 


Je vais, enfants, pour compléter ces explications générales, 
vous parler, plus particulièrement, de quelques espèces de petits Oi- 
seaux, essayer de vous faire comprendre le rôle de chacun d’eux dans 
la nature et vous démontrer leur incontestable et absolue utilité. Je ne 
parlerai que de ceux qui se reproduisent dans notre région lorraine, et 
que j'ai pu observer; j'en ferai une description très sommaire pour 
qu'on puisse les reconnaître; je parlerai aussi de leur nidification et sur- 
tout de leur genre de nourriture, car c'est par leur facon de s’ali- 
menter que les Oiseaux rendent à l’homme plus ou moins de services.» 


>< 


L’ACCLIMATATION À CoQuIMBO (CHILI) DE FAISANS IMPORTÉS 
D'ANGLETERRE. 


Voici quelques détails complémentaires sur l’acclimatation aux 


RE ne 00 en EE ne RSS DE A à So D LT LE 6 ne ee à AT em — —— — ——- - — © 


174 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


environs de Coquimbo, du Faisan commun (Phasianus colchicus L.) 
signalée dans le Bulletin de 1897 (page 280) et au sujet de laquelle 
M. Lataste, Membre de la Société d'A cclimatation, avait entrepris, avant 
de quitter le Chili, une enquête auprès de M. Chauwelet. Le passage 
suivant est extrait d’une lettre de ce dernier récemment publiée par 
la Société scientifique du Chili : 

« Voici les renseignements qne j'ai pu recueillir sur l’acclimatation 
du Faisan à Coquimbo. Je les dois à l’obligeance de M. Gage, de la 
maison Palassis et Lesté de Coquimbo. 

» Les Faisans ont été importés d’Anglelerre, il y a environ deux 
ans par M. C.-J. Lambert, au cours d'un voyage qu'il faisait autour 
du monde sur son yacht Wanderer. 

» Les essais de reproduction ont été malheureux dans le début. Par 
suite d’une maladie dont M. Lambert n’a probablement pas pu se 
rendre compte, les Faisans mouraient et il n’en resta bientôt que deux 
paires qu'il ordonna de lâcher dans son parc, La Compañia, situé à 
6 kilomètres environ de la plage de la baie de Coquimbo. 

» On lâcha, en mème temps, dans ledit parc, des Perdrix anglaises 
importées en même lemps que les Faisans. Pendant quatre ans on 
n'avait plus entendu parler de ceux-ci, lorsque quelques chasseurs si- 
gnalèrent leur présence. 

» On leur a fait depuis ape chasse très aclive, et les hauts faits qui 
nous ont élé racontés par les disciples de saint Hubert prouvent que 
les Oiseaux se sont reproduits abondamment. Le foyer principal de la 
reproduction est à une dizaine de kilomètres de Serena. 

» Une remarque faile par les chasseurs, c’est qu’aprés avoir par- 
couru une certaine étendue de terrain, soit environ 7 ou 8 kilomèétres. 
sans renconirer aucun Faisan, on en trouve tout à coup; et cepen- 
dant le terrain est partout le même; il n'y a donc pas éparpille- 
ment. 

» Daus leurs excursions, les Faisans ne pénètrent pas plus avant 
que 20 à 25 kilomètres dans l'intérieur, depuis la côte. 

» M. Tilla qui m'a donné ces renseignements est un passionné chas- 
seur. Il a chez lui sept Faisans, entre cogs et poules. Ses essais de re- 
production n'ont pas été non plus bien heureux. Il a fait couver depuis 
bientôt un an nombre d'œufs et n’a obtenu que trois poussins. 

» M. Tilla n'est pas le seul qui possède des Faisars. Nous sarons 
qu’il y en a dans piusieurs maisons de Serena et de Coquimbo. 

» La reproduction aurait pris un plus grand développement si elle 
n'avait été enrayée par les gamins des haciendas qui, en vrais van- 
dales, prennent ces animaux avec des pièges et en détruisent les œufs 
sans profit. 

» Quant aux Perdrix anglaises, personne jusqu’à ce jour, n’en a 
plus entendu parler. » 


EXTRAITS ET ANALYSES. 175 


LA CULTURE DE L'OLIVIER EN TRIPOLITAINE. 


(Extrait d’un Rapport adressé à M. le Ministre des Affaires étrangères 
par M. Lacautr, Consul général de France à Tripoli de Barbarie, 
1897.) 

« Les progrès remarquables accomplis en Tunisie dans cette branche 
de l’agriculture, ont été suggestifs pour les Tripolitains, car c'est de- 
puis quinze ans seulement que la culture de l’Olivier en Tripolitaine a 
pris une certaine extension. 

Auparavant on se contentait de conserver à peu près les anciennes. 
plantations qui remontent à trois siècles, dit-on. 

Jadis la disposition en quinconce, l'observation des distances entre 
les arbres, la taille à époque fixe, le choix des emplacements, l’orien- 
talion, étaient à l’état de letire morte. 

On évalue à un million le nombre des Oliviers existant actuellement 
dans ce pays. Les travaux d'amélioration les plus importants au point 
de vue de la plantation et des soins donnés aux arbres ont été fails. 
dans une localité du nom de Messellata, située à trente-cinq heures à 
l'Est de Tripoli. L'on y compte environ 80,000 vieux Oliviers et une 
cinquantaine de mille plantés au cours de ces dernières années. D'ail- 
leurs, c’est, de toute la Tripolitaine, l'emplacement le plus favorable à 
la culture de cet arbre. Dans presque toutes les autres régions, les 
cultivateurs n’ont aucun soin de leurs Oliviers et laissent à la nature: 
le soin d'agir à son gré, aussi, à peine s’ils bénéficient d’une récolte à 
peu près satisfaisante une fois tous les cinq ou six ans. 

Les plantations nouvelles sont traitées de la mauière suivante en 
terrain argileux. Des drageons, auxquels adhère une tige assez longue, 
sont plantés dans des trous au fond desquels on a disposé un lit de 
fumier animal aussi riche que possible. Ou bien encore l’on enterre 
en pépinière à une profondeur approximative de 14 centimètres des 
tronches de vieux arbres d’une longueur de 33 centimètres environ. 

Elles y sont arrosées régulièrement pendant un an, puis trans- 


_ plantées et mises en alignement à une distance de 13 à 15 mètres 


l'une de l’autre. 

Elles continuent, dans ces conditions, à être soumises à un arrosage 
régulier durant trois ou quatre ans, et la superficie du terrain sur le- 
quel elles se trouvent est labourée trois ou quatre fois l’an. Vers la 
dixième année, l’arbre se développe à vue d'œil et produit. 

Dans les terres sablonneuses, l’arrosage se fait dix ans consécuti- 
vement et alors l’on obtient de beaux arbres donnant de beaux fruits. 
La taille, le labourage et la famure ont lieu au moins tous les deux 
ans. 

Dans les localités où il n'y a pas de puits, on pratique autour de- 


176 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


chaque arbre une tranchée de 2 mètres de profondeur que remplis- 
sent les eaux de pluies durant la saison hivernale et que l’on comble 
une fois que les eaux ont été absorbées. 

Il existe deux variétés d’Oliviers, l'Enduri et le Gheiani. La première 
donne beaucoup plus de fruits : ceux-ci sont petits, ronds et d’une 
longueur de 10 millimètres. Le fruit du Gheiïani est gros, rond et long 
de 14 millimètres. Une autre variété dénommée Welahi n'est repré- 
sentée que par fort peu d'arbres : elle donne un fruit gros, rond et 
long de 15 à 20 millimètres, ne rendant pas d'huile et bon seulement 
pour être confit. 

La récolte se fait au moyen de gaules quand l'arbre est de haute 
taille, et à la main lorsque les fruits sont à portée. 

Aucune huilerie européenne n’a été fondée soit à Tripoli même, soit 
dans l’intérieur de la province. Deux systèmes sont employés pour la 
fabrication de l'huile. Les olives en entier, noyaux compris, sont 
triturées dans des moulins jusqu’à ce qu’elles soient réduites en pâte. 
Cette pâte est jetée ensuite dans un bassin rempli d'eau où les femmes 
la pétrissent : l’huile remonte alors à la surface et est enlevée au fur 
et à mesure. Le second système consiste à mettre cette pâte dans des 
couffes que l’on écrase sous un poids considérable. On se sert aussi 
de pressoirs rudimentaires. 

Chaque Olivier est soumis à une redevance de O0 fr. 30. 10 0/0 sont 
perçus sur la récolte, le droit de marché est de 0 fr. 10 par 12 kilog. 
d'huile; enfin, le droit d'exportation s'élève à 1 0/0. Lorsque la récolte 
est bonne, l'exportation des grignons est en moyenne de 2,500 tonnes, 
à destination de la France, de l'Italie et de la Tunisie. 

Ces résidus mêlés à du son servent aussi à l'alimentation des 
bestiaux. 

En résume, la culture de l’Olivier en Tripolitaine est loin d'être 
soignée, aussi son rendement n'est-il jamais assez considérable pour 
que l'on puisse exporter de l'huile. Ce qu'elle en donne ne suffit 
même pas à la consommation locale et l’on doit en importer chaque 
année en moyenne jusqu’à concurrence de 150 à 200 barils. Les huiles 
importées viennent de Crète et de Tunisie. » 


BULLETIN 


DE LA 


[TE MATINALE D'ACCENATAT 


4 DE FRANCE 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


452 ANNÉE 


[ 
Î ——— 
: 
( 


JUIN: 153958 


SOMMAIRE 
ire NAUDIN. — Réflexions au sujet d'une plante hybride extraordinaire de la 
famille des Campanulacées .......... DEAR EC bo à DOS DRE OUEN CEE 


Ÿ. PERRET. — Cultures de la Vanille, de la Vigne, du Caféier et du Mûrier, combinées : 


avec l'élevage du Ver à soie en Nouvelles Calédonie nee ar Ent 
Extraits des procès-verbaux des séances de la Société: 
Procès-verbal de la Séance générale du 26 Novembre 1897......................... 
3° Section : Entomologie. — Séance du 14 Février 1898........................ Na 
Extraits de la Correspondance : 


L. CHAZAL. — L'amputation de l'oreille externe n Fa pas les Chats de chasser 

les Oiseaux na a Ba dc HART CT OU 0 Be: à em CÉRÉALES DORE 0 Me API HT PS © 
D' CROS. — Cultures dans le département des Pyrénées- Once. Da LU eu 34 
D' HECKEL. — Encouragement à donner aux entreprises coloniales................ 


HAE et ne 


E. BERTAINCHAUD. — Ne sur les cires d'Abeilles de nie ee ee Pe N 
Accidents produits par la piqûre des Acariens qu genre Ârges Prboue Re So5con _ 


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La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 


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477 


RÉFLEXIONS 


AU SUJET 
D'UNE PLANTE HYBRIDE EXTRAORDINAIRE 


DE LA FAMILLE DES CAMPANULACÉES (1) 


par Charles NAUDIN 


(de l’Institut), 


Membre honoraire de la Société. 


Tout le monde connaît aujourd’hui les merveilleux résultats 
que les horticulteurs obtiennent chaque jour des croisements 
entre espèces et variétés. Ordinairement les produits de ces 
croisements sont intermédiaires entré les espèces ou variétés 
productrices, mais, ainsi qu'on va le voir, il peut apparaître 
des formes qui ne rentrent plus dans les types paternel et 
maternel, et sont comme une nouvelle création de la Nature. 
En voici un exemple : 

Dans ces dernières années un horticulteur anglais, M. Wil- 
liam Mitten ayant croisé, dit-il, deux espèces distinctes de 
Campanules, les Campanula isophylla et fragulis, vit naître 
à sa grande stupéfaction, une plante qui, non seulement n'’é- 
tait pas intermédiaire entre les espèces croisées, mais qui 
constituerait un nouveau genre et même n’appartiendrait plus 
à la famille des Campanulacées. 

Rappelons sommairement que les caractères saillants de 
cette famille, très naturelle et très homogène, consistent 
principalement en un ovaire infère surmonté de cinq petits 
appendices, ou sépales, en une corolle monopétale et en cinq 
étamines libres, qui entourent un style terminé par un stig- 
mate à trois lobes. Dans quelques genres de Campanulacées 
ces parties de la fleur sont plus nombreuses, mais leur dispo- 
sition générale reste la même. 

Or, dans l’hybride dont il est question ici, et que M. Mitten 


(1) Communication faite en séance générale, le 11 février 1898. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 13, 


178 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


a nommée Campanula Balchiniana, le calice est transformé 
en un verticille ou rosace de cinq feuilles pétiolées, à large 
limbe, étalées et toutes semblables aux autres feuilles de la 
plante; du centre de ce verticille s'élève la corolle mono- 
pétale, conforme au type normal et renfermant en outre, les 
cinq étamines, l'ovaire entièrement libre, comme l’est, par 
exemple, celui d’un Lis ou d'une Tulipe, en un mot dégagé de 
toute adhérence. 

Les botanistes morphologistes sont fort embarrassés pour 
expliquer cette métamorphose d’un type floral si bien arrêté 
dans les nombreuses espèces de Campanulacées, et, naturelle- 
ment, les hypothèses vont leur train. La plus en vogue se ra- 
mène à l’atavisme, et consiste à supposer que la première 
Campanulacée sortie du sein de la Nature avait, au lieu de 
calice, une rosace de cinq feuilles pétiolées et étalées, avec 
un ovaire supère et libre, et que, dans le cours des siècles, 
qu'il faudrait compter ici par milliers, l’évolution aidant, ce 
type primordial s’est insensiblement modifié pour devenir 
celui des Campanulacées actuelles. L'hypothèse est ingé- 
nieuse, mais dénuée de toutes preuves. 

Il est cependant à peu près certain que, chez les animaux 
et chez les plantes, on voit quelquefois reparaître, dans la 
série des générations, des traits qui rappellent des ancêtres 
plus ou moins éloignés; mais de là à conclure au type pre- 
mier des espèces, il y a loin. Si l’atavisme avait le pouvoir de 
ressusCiter, par des &4-coups en arrière, les formes disparues, 
nous pourrions légitimement nous attendre à voir renaître 
un jour le Singe antique dont certains savants prétendent 
que nous descendons. Avouons que cette preuve de notre ori- 
gine ne nous flatterait guère. 

Malgré tous nos efforts d'imagination nous ne pouvons 
nous faire la moindre idée du commencement de la vie sur la 
planète que nous habitons. Les données du problème nous 
font absolument défaut. 

D'un autre côté, une expérience séculaire et jamais dé- 
mentie nous montre les espèces se conservant identiques à 
elles-mêmes dans le cours des générations, sans autres 
changements que de légères variations qui n’altèrent point ce 
qu'il y a de fondamental dans les caractères spécifiques, tant 
qu'il n’y a pas eu de croisement entre les espèces, et que la 
fécondation a été normale. Dans les cas de fécondations illé- 


L 


RÉFLEXIONS AU SUJET D’UNE PLANTE HYBRIDE. 179 


gitimes, les variations sont naturellement plus profondes, 
mais nous ignorons jusqu'à quel point elles peuvent s'étendre. 
Ici, d’ailleurs, se présente un autre problème, celui de la 
sexualité, que la science est impuissante à résoudre. Pourquoi 
des mâles et des femelles dans tous les êtres vivants des deux 
règnes ? Pourquoi cette dualité d'éléments sans laquelle toute 
vie s’arréterait sur la terre ? Cette question est d'ordre méta- 
physique et échappe à la science positive dont l’objet n’est 
autre que d'expliquer le #nécanisme des phénomènes, et non 
d'en découvrir les causes. 


CULTURES DE LA VANILLE, DE LA VIGNE, DU CAFÉIER 
ET DU MURIER 


COMBINÉES AVEC L'ÉLEVAGE DU VER A SOIE 
EN NOUVELLE-CALÉDONIE (1) 


par V. PERRET, 


Vice-président de la Chambre d'Agriculture de Nouméa. 


L'association de la Vanille, du Mürier et de la Vigne au 
Caféier se justifie par les considérations suivantes : 

1° Le Mürier ne se plait que sur les sols privés de calcaire, 
c'est Le cas de la Nouvelle-Calédonie. 

2 La température moyenne de la colonie est exactement 
celle que l’on s'efforce de maintenir dans les magnaneries, 
celle des pays d’où le Ver à soïe est originaire, dans la saison 
où se fait l'éducation. 

3° Par une heureuse coïncidence, cette température, qui ne 
dépasse pas celle que le Ver à soie peut supporter, est néan- 
moins suffisante pour la Vanille qui trouve encore dans la 
colonie la chaleur suffisante pour la maturation de ses 
gousses. C’est un fait sur lequel l'expérience s’est prononcée 
d’une manière décisive. 

4 D'après Delteil, un des auteurs les plus compétents en la 
matière, aucun autre support ne plait autant à la Vanille que 
le Mürier; aucun n’en favorise davantage la production. 

5° La valeur de la soie et celle de la Vanille sont telles, par 
rapport au poids ou à l'encombrement, que le prix du trans- 
port disparaît en comparaison; on peut le regarder comme 
une quantité négligeable. 

6° Les marchés de la Vanille et de la soie appartiennent à 
la France, et néanmoins c’est de l'étranger que vient, au 
moins en partie, l’approvisionnement, faute d’une production 
nationale suffisante. 

7° L'éducation des Vers à soie, la récolte et la préparation 


4) Résumé d’une communication faile à la Section coloniale dans la séance 
du 31 janvier 1898. 


CULTURES DE LA VANILLE, DE LA VIGNE, DU CAFÉIER. 181 


de la Vanille, la fécondation de ses fleurs, se font dans l’inter- 
valle qui sépare deux cueillettes de café l’une de l’autre, c’est- 
à-dire de septembre à janvier. La Vigne mürit de janvier à 
février. La récolte du café commence en avril et finit en 
août. : 

8° Les mêmes hangars, appentis, vérandas, abris quel- 
conques, installés pour la dessiccation du Café, peuvent ser- 
vir à l'éducation des Vers à soie et aux manipulations de la 
Vanille. Les mêmes cadres sur lesquels le Café a été mis à 
sécher serviront pour recevoir et déliter les cocons. 

9 Le Mürier est un arbre à racines traçantes, et la Vanille 
vit à fleur de terre. 

La fraicheur qu'il faut maintenir au pied des Vanilliers, les 
fumures que nécessite un produit de si haute valeur profite- 
ront au Caféier, si la plantation est faite en mélange. 

10° C’est en effet l'avantage de cette association. Une plan- 
tation par rangs alternés de Caféiers et de Müriers, chacun 
de ces derniers supportant, soit un pied de Vanille, soit un 
pied de Vigne, à la convenance du propriétaire et suivant la 
situation, réunira toutes les conditions de sécurité, de durée 
et d'intensité productive. 

11° Lorsque les unes ou les autres de ces plantes laisseront 
apercevoir un peu de fatigue ou d’épuisement, on remplacera 
successivement un rang de Caféiers par un rang de Müriers 
et réciproquement. Le Caféier trouvera un sous-sol vierge, 
une couche arable enrichie par les engrais et les détritus de 
la Vanille et du Mürier, tandis que ceux-ci n’auront pas à 
souffrir de l'épuisement du sous-sol par le Caféier, par cette 
raison qu'ils n’y pénètrent pas. 

12° Les appréciations élogieuses des Chambres de Com- 
merce de Paris et de Lyon (condition des soies) sont de 


nature à rassurer sur le placement des produits. 


Voici, pour terminer, les conclusions d’un rapport adressé 
au Ministre par la Commission des délégués des Colonies à 
l'Exposition permanente, il y a quelques années, et très encou- 
rageant comme on pourra juger: 

« De ces divers essais, il s’est dégagé ce fait que les Vers à 
soie se comportent parfaitement, même dans les plus mau- 
vaises conditions, que leur éducation n’exige aucune précau- 
tion particulière et qu'on peut la renouveler plusieurs fois 


182 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


sans inconvénient, même pendant les plus grandes chaleurs. 
En 1886, des éducations successives ont été faites avec un 
égal succès pendant près de dix mois. Cependant les époques 
les plus favorables sont les mois de septembre, octobre, no- 
vembre et décembre. Les Müriers perdent leurs feuilles en 
juillet, ils doivent être taillés en août; les bourgeons naissent 
dans les premiers jours de septembre. 

Pour déterminer la qualité de la soie obtenue en 1887, des 
échantillons de cocons et de soie filée ont été communiqués 
par l’Exposition permanente des Colonies au Conservatoire 
des Arts et Métiers, ainsi qu'aux deux Chambres de Commerce 
de Paris et de Lyon. Il résulte de leur examen que les cocons 
paraissent de bonne qualité et que, si la soie est irrégulière, 
cela tient à ce que le dévidage a été fait par des personnes 
inexpérimentées et avec un outillage tout à fait rudimentaire. 
Malgré cela, elle rappelle les grèges de Canton et offre une 
apparence meilleure en ce qu’elle a moins de duvet et de 
bouchons. Les Chambres de Commerce de Paris et Lyon ont 
déclaré qu'il y avait lieu d'encourager sérieusement les ten- 
tatives d'introduction de la sériciculture en Nouvelle-Calé- 
donie, où cette industrie paraissait appelée à un grand avenir, 
surtout si l'on substituait à celles du Japon, des graines de 
race française dont le rendement est supérieur et la qualité 
meilleure. 

Rien donc ne semble devoir s'opposer au succès le jour 
où les colons trouveront dans un établissement public, les 
graines, les plantes, l'exemple, les renseignements qui leur 
manquent actuellement. » 


bn 


= 183 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


SÉANCE GÉNÉRALE DU 26 NOVEMBRE 1897. 


PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, VICE-PRÉSIDENT 


PUIS DE M. LE MYRE DE VILERS, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la séance du 21 mai 1897 ayant été, 
suivant l’usage, soumis à l’approbation du Conseil, il n’en est 
point donné lecture. 


— M. le Président prononce une courte allocution, et relate 
divers faits intéressant la Sociélé qui se sont produits pen- 
dant les vacances. (Voir ci-dessus, page 1). 

Il adresse les félicitations de la Société à M. le D' Raphaël 
Blanchard, membre du Conseil, et qui a été nommé Professeur 
à la Faculté de Médecine de Paris par arrêté en date du 
25 juillet 1897. 


— M. le Président, au nom de la Société, remercie le bureau 
de la Société d'Horticulture des invitations envoyées pour 
l'Exposition des Chrysanthèmes qui vient d'avoir lieu au 
Jardin des Tuileries ; enfin, M. Raveret-Wattel donne lecture 
d'une lettre du Ministère de l'Agriculture annonçant qu'une 
subvention de 1,500 francs a été attribuée comme les années 
précédentes à la Société d’Acclimalation. M. le Ministre de 
PAgriculture à bien voulu en outre, par une lettre en date du 
22 novembre, accorder à la Société d’'Acclimatation une mé- 
daille d’or, grand module, qui sera décernée au nom du Mi- 
nistre par la Sociélé d’'Acclimatation, avec ses autres récom- 
penses, dans la prochaine séance publique annuelle. Gette 
médaille doit être attribuée à des travaux de pisciculture 
pratique. M. Raveret-Wattel ajoute qu'il est particulièrement 
heureux, en l'absence de M. Le Myre de Vilers, de signaler 
Fintervention active de celui-ci pour obtenir cette médaille 
de M. le Président du Conseil. (Applaudissements.) 


DÉCISIONS DU CONSEIL, PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. 


Outre la décision concernant les médailles recues de Russie 


184 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


et dont il sera question tout à l'heure, M. le Président an- 
nonce que, dans sa séance du 29 octobre, le Conseil a décidé la 
création d’une Section coloniale, au sujet de laquelle M. le 
Secrétaire général donnera tout à l’heure quelques détails. 

Enfin, un vœu, adopté sur la proposition de M. Imbert, et 
concernant l'application stricte de la loi pour la répression du 
braconnage, a été transmis aux pouvoirs compétents. La 
Section d'Aquiculture aura d’ailleurs à s'occuper ultérieure- 
ment de ce sujet. 


— Feu James Jackson, décédé à Paris le 17 juillet 1895, a 
légué à la Société d'Acclimatation et à huit autres Sociétés 
par parts égales (c’est-à-dire par neuvième), une somme de 
cent mille francs. 

Toutes les formalités exigées par la loi ayant été remplies, 
la Société a été autorisée, par un décret en date du 16 juillet 
1897, à accepter le legs. 

L'encaissement en sera fait par les soins de M. Imbert, 
trésorier, en vertu de la délibération prise par le Conseil 
dans sa séance du 29 octobre 1897. Le montant du legs 
s’élevant à 9,834 francs, frais déduits, devra être immédiate- 
ment employé en rente 3 0/0 suivant un des articles du décret 
autorisant l'acceptation. 

M. Brunet, avoué conseil de la Société, a bien voulu se 
charger à titre gracieux de toutes les démarches nécessaires 
pour le règlement du legs Jackson et le Bureau croit devoir 


lui exprimer ici, au nom de la Société tout entière, ses biens 
sincères remerciements. 


— M. le Président proclame les noms des membres admis 
par le Conseil depuis la dernière séance générale : 


MM. PRÉSENTATEURS. 


E. Cacheux. 
Baron J. de Guerne. 
Imbert. 


DELAMARRE - DEBOU TEVILLE , ingénieur, 


51, rue d’Elbeuf, Rouen {Seine-Infé- 
rieure). 


È Milne-Edwards. 
Calais, à Paris. 

me "+ Le Myre de Vilers. 
Ed. Blanc. 
Baron J. de Guerne. 
Imbert. 


FRITSCH-ESTRANGIN (Henri), 4, rue Las- 


B . de Guerne. 
Espinasse (Mademoiselle), 13, rue de aron J. de Guer 
Cases, à Paris. ; 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE -LA SOCIÉTÉ. 


LAMARCHE (C. de), secrétaire de la ré- | Boigeol. 
daction du journal Éfangs et Rivières, { Baron J. de Guerne. 
21, rue de Vaugirard, Paris. Imbert. 


MILHE-POUTINGON, directeur de la Revue [| Bourdarie. 
des Cultures coloniales, 44, rue de la 4 Baron J. de Guerne. 
Chauscée-d’Antin, Paris. Le Myre de Vilers. 


Comte de Galbert. 


Picarp (Henry), conseiller général de l’I- ER NP Et 2 


sère, Saint-Jean-de-Bournay (Isère). 


Raveret-Wattel. 
à Ed. Blanc. 
PRÉ DE Pad à (René du), 50, Baron J. de Guerne. 
avenue de Ségur, à Paris. Imbert. 
Ed. Blanc. 


actuel de S. M. l'Empereur de Russie, 
correspondant de l’Institut, 19, avenue 
Hoche à Paris et à Gif (Seine-et-Oise). 


RAFFALOVICH (Arthur), conseiller d'État 
Baron J. de Guerne. 
Edmond Perrier. 

Baron J. de Guerne. 

Milne-Edwards. 

Le Myre de Vilers. 


REBOURGEON-RYON, négociant, 23, rue de 
Portugal, Tunis. 


REFUGE (S. DE GOURIO DE), ancien rece- 


L À Baron J. de Guerne. 
veur des finances, 32, rue Ribera, Paris. 


f 
Ed. Blanc. . 
Le Myre de Vilers. 


ROUSSET (Alexis-Constant), chef de { Bourdarie. 
station de l'° classe au Congo français, 4 Baron J. de Guerne. 
en congé à Lons-le-Saunier (Jura). Le Myre de Vilers. 


SÉGUR-LAMOIGNON (Vicomtesse de),5,ave- ( Baron J. de Guerne. 
nue Hoche, Paris et château de Méry, ) Le Myre de Vilers. 


(Oise). ; d’'Orval. 
| Ed. Blanc. 
THOMAS-PIETRI, à Poussant-le- Haut, Ca 
; Baron J. de Guerne. 
(Hérault). 
Imbert. 


VAFFIER, enseigne de vaisseau, château | Baron J. de Guerne. 
_des Correaux, par Mâcon ({Saône-et- 4 De Marcillac. 
Loire). Raveret-Wattel. 


Est également inscrit comme membre de la Société le : 


CENTRO AGRICOLA Vargem-Alègre, État pose 
i RLE Baron J. de Guerne. 
de Rio (Brésil). 
Imbert. 


185. 


186 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


LECTURE DE LA CORRESPONDANCE. 


— M. Caustier, Secrétaire des séances, s’excusant de ne 
pouvoir assister à la réunion, M. le Secrétaire général pro- 
cède au dépouillement de la correspondance. 

Toutefois, avant d'entreprendre ce long résumé, car l’acti- 
vité de la Société a été considérable pendant les vacances, 
M. de Guerne croit devoir déclarer que la médaille du Mi- 
nistre de l'Agriculture, ne sera pas la seule récompense sup- 
plémentaire décernée en 1898 par la Société d’'Acclimatalion. 

En effet la Société a recu un Brevet, trois Médailles de 
bronze grand module et trois Diplômes correspondant à ces 
médailles, qui lui sont adressés par la Société impériale 
d'Acclimatalion de Russie, pour être remis à diverses per- 
sonnes ayant participé à l'Exposition de pisciculture de 
Moscou, Exposition qui a suivi celle dont la Société avait pris 
l'initiative à Paris. en février dernier. 

On sait que la Société d’Acclimatation s'était chargée, d’ac- 
cord avec la Société centrale d’Aquiculture et de Péche, de 
grouper un certain nombre d'objets exposés rue de Lille, afin 
de les envoyer à Moscou. 

Les médailles et diplômes, offerts par le Ministere de l’Agri- 
culture et des Domaïnes de l’Empire de Russie à la Société 
impériale d'Acclimatation de Russie, à l’occasion de son Expo- 
sition, ont été attribués par celle-ci : 

A M. Raveret-Wattel, pour ses bacs flottants destinés à 
l'élevage des Salmonides; 

A MM. Japy frères, industriels à Beaucourt (territoire de 
Belfort), pour leurs auges d’éclosion en tôle émaillée ; 

Et à M. Vergniolle, de Reims (Marne), pour ses incubateurs 
en zinc perforé d’un modèle nouveau (1). 

Enfin le Brevet est également attribué à M. Raveret-Wattel 
pour : Son activité utile pendant de nombreuses années con- 
cernant la pisciculture, (traduction littérale du texte russe); 
le Brevet devait être accompagné du Jeton de la Section 
d’Ichtyologie, sorte de petit insigne en émail cloisonné poly- 
chrome, disposé pour être porté en breloque et que la Société 


(1) Les appareils exposés à Moscou par MM. Raveret-Wattel, Japy et Ver- 
gniolle, ont été offerts par eux, à l'issue de l'Exposition, au Musée des Sciences 
appliquées de Moscou. 


nas 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 187 


de Moscou décerne très rarement. Le nom du titulaire doit 
être émaillé sur le Jeton et celui-ci n’est pas encore terminé. 
Il arrivera sans doute en temps utile pour être remis à M. Ra- 
veret-Wattel à la séance de distribution des récompenses en 


…_ même temps que les médailles. 


Le Conseil a décidé en effet, dans sa séance du 12 novembre, 
que ces récompenses venues de Russie seraient jointes à celles 
dont l’attribution est faite par la Sociélé elle-même. (4pplau- 
dissements.) 


Notifications, renseignements, avis divers, généra- 
lités.— Depuis la dernière séance générale (mai 1897) la So- 
célé a recu avis du décès des Membres dont les noms suivent : 


Le duc d'Aumale, Gaillard de la Dionnerie, 
Azarian, Dr Tholozan, 
Bezancon, Vuillier. 


Doumet-Adanson, 


Plusieurs d’entre eux faisaient partie de la Société depuis 
de nombreuses années et lui avaient rendu, tant en France 
qu'à l'étranger, des services signalés. — Le Dr Tholozan, dont 
l'influence fut si grande auprès du Shah de Perse, était dé- 
légué de la Société à Téhéran. 

Remercient de leur admission M"° la vicomtesse de Ségur- 
Lamoiïgnon, MM. Delamare-Deboutteville et Vaffier. 

— M. Albert Bouvaist, d'Abbeville, et M. Élisée Escande, 
missionnaire évangélique, à Ambositra, (Madagascar), deman- 
dent des renseignements sur le fonctionnement de la Société. 

— M. Gay, instituteur à Aïn-Taya, appelle l'attention de 
la Société sur l'Association Algérienne des Musées scolaires 
et des Jardins d’Ecoles, fondée par lui, il y a deux ans, dans 


le département d'Alger. Il sollicite les encouragements de la 


Sociélé et envoie divers documents à l’appui de sa demande. 
Celle-ci sera examinée par le Conseil. 


Mammifères. — M. le Ministre du Commerce awise le 
Président de la Société d’Acclimatation (19 juin 1897) qu’une 
ordonnance prohibant l'importation des Chiens en Grande- 
Bretagne à été promulguée à Londres, le 7 mai 1897. La 
traduction de ce document, qui comprend 13 articles, est 
jointe à la lettre du Ministre. Cette ordonnance entrera en 
vigueur à partir du 15 septembre 1897. 


188 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. … 


— M. le D' Vogt {(Mb) adresse une lettre sur un procédé 
employé en Haute-Savoie pour empêcher les Chats de vaga- 
bonder et de détruire les petits Oiseaux. Ce procédé consiste 
dans l’amputation des oreilles. L'auteur émet à ce sujet 
quelques réflexions et demande des renseignements complé- 
mentaires. (Voir Bulletin 1897, p. 365.) 


— M. G. Blom adresse du poste de Carnot (Congo francais), 
à la date du 29 mai 1897, une série d'observations concernant 
la domestication de l'Éléphant d'Afrique, domestication dont. 
il n'est point partisan. La notice rédigée par M. Blom est 
renvoyée à l'examen du Comité de l'Éléphant. La communi- 
cation de M. Blom renferme en outre des renseignements sur 
divers animaux que l’on a réussi à apprivoiser au poste de 
Carnot. (Voir Bulletin, ci-dessus page 163.) 

— M. Favez-Verdier, Directeur de l'Etablissement d’Avi- 
culture et d’Acclimatation de Royallieu, près Compiègne, 
annonce qu'il a recu, dans les premiers jours d'août, un 
certain nombre de Mammifères, provenant de la République 
Argentine, Lamas, Guanaco, Maras, Tatous, etc. 


Ornithologie, Aviculture. — M. Blauw (Mb) envoie 
quelques détails sur les Tinamous (Rhyncholus rufescens) 
dont il poursuit l'élevage à S’graveland {Hollande) et au sujet 
desquels il a publié une notice dans le Bulletin de la Société 
(décembre 1896). M. Blauw annonce également l'envoi de 
quelques extraits de la Monographie des Grues qu'il vient de 
publier. Le texte anglais pourra être traduit pour le Bulletin. 


— M. Ch. Sibillot adresse divers programmes et projets de 
concours internationaux de Pigeons voyageurs. L'auteur se 
préoccupe surtout de la sélection des sujets au point de vue 
de la Colombophilie militaire. L'étude de ces propositions est 
renvoyée à l'examen de la Section d’Ornithologie qui trans- 
mettra ensuite son avis au Conseil. | 

— M. A. Rozet (Mb) proteste contre la qualification 
d'Oiseau utile donnée au Moïneau dans le Bulletin de juillet 
1897 et signale les dégâts commis dans son jardin par ces 
Oiseaux. (Voir Bulletin 1897, p. 365.) 

— M. de Lépinay (Mb) adresse quelques détails sur les 
Oies d'Embden, dont l'élevage semble devoir réussir et se 
développer dans le département de la Vienne. 


PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE. LA SOCIÉTÉ. 189 


— Outre les Mammifères mentionnés ci-dessus, M. Favez- 
Verdier signale comme arrivés récemment à Royallieu divers 
Oiseaux de la République Argentine : Palmipèdes ou Galli- 


nacés et deux Nandous blancs, qui sont particulièrement 


remarquables. 

— Le président de la Ligue ornitophile française, M. Louis 
Adrien Levat, invite la Société à prendre part au Congrès 
ornithologique international pour la protection des Oiseaux 
utiles à l'Agriculture, qui doit se réunir à Aïx, en Provence, 
du 9 au 14 novembre 1897. La Société n'ayant pu se faire 
représenter au Congrès, a adressé, par les soins de M. le 
Secrétaire général, à la Ligue ornithophile, une série de 
travaux publiés dans ses Bulletins, depuis 1888, concernant 
les Oiseaux utiles; en outre, un mémoire original lui a été 
remis, celui de M. Joseph Clarté, de Baccarat (Mb), commu- 
niqué à la Section d'Ornithologie le 3 mai 1897 et intitulé 
Appel aux enfants pour la protection des Oiseaux utiles. 


— M. le Baron d'Hamonville (Mb) et M. Machado de Car- 
valho (Mb) adressent diverses observations concernant le 
Congres d'Aix et la nécessité qu’il y a de prendre des mesures 
énergiques pour la protection des Oiseaux utiles. 

— Le Président de la Société l'Acclimalation sérinophile 
adresse ses remerciements pour une médaille que la Société 
d'Acclimatation a bien voulu lui accorder pour son concours 
annuel. 

Aquiculture. — M. Morin adresse diverses notes sur 
l'élevage des Salmonides , aux Andelys (Seine-Inférieure). 
(Voir Bulletin 1897, p. 307.) 

_— M. F. Zenk (Mb), écrit de Wurtzbourg qu'il compte se 


fixer prochainement en Italie, dans une localité où il lui serait 


possible de s'occuper de pisciculture; il donne quelques dé- 
tails sur ses projets. (Voir Bulletin 1897, p. 36r). 


— M. À. Pettit, docteur ès sciences, fait connaître le ré- 
sultat de l'examen des Carpes provenant du réservoir de 
Grosbois (Côte-d'Or), où une grande mortalité s’est produite 
sur ces Poissons. (Voir à ce sujet le procès-verbal de la Sec- 
tion d’Aquiculture, séance du 5 avril 1897.) La note de 
M. Pettit sera publiée au Bulletin, voir ci-dessus, p. 164. 


— À l’occasion d’un article de M. Raveret- Wattel (Bulletin 


490 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


1897 p. 304), M. de Lépinay (Mb) et M. F. Hottinguer (Mb) de- 
mandent des renseignements sur l'usage de la farine de 
viande Liebig pour la nourriture des Salmonides. 


— M. Ledoux, adresse de Blois, à la date du 22 septembre, 
quelques détails sur la Société de Pisciculture dont il est le 
Secrétaire. Il demande si cette Société pourrait participer 
aux distributions gratuites d'œufs de Salmonides et en parti- 
culier, de Saumons de Californie faites par la Société d’Ac- 
climatation. La Société de Pisciculture de Loir-et-Cher n’é- 
tant pas afliliée à la Sociélé d'Acclimatation, cette demande, 
appuyée par M. le marquis de Chauvelin (Mb), est renvoyée à 
l'examen du Conseil. 


— M. Machado de Carvalho (Mb), adresse de Marseille à la 
date du 11 novembre, une série d'observations sur les can- 
tonnements de pêche dans la Méditerranée. Il transmet les 
vœux que la Société Marseillaise de Pêche, la Lucrèce a cru 
devoir émettre à ce sujet. (Voir ci-dessus p. 129.) 


Entomologie. — M. E. Caustier, secrétaire des séances 
écrit de Monthenault (Aisne), à la date du 1e octobre, qu'il 
recueille des documents sur l’Apiculture dans le nord de la 
France. 

— M. G. Coutagne (Mb), directeur dela Station séricicole de 
Rousset (Bouches-du-Rhône), adresse à la date du 30 octobre, 
quelques renseignements sur l'Etablissement qu'il dirige et sur 
l’action utile que celui-ci pourrait avoir au point de vue du dé- 
veloppement de la Sériciculture dans les Colonies françaises. 


— M. E. Cacheux (Mb) adresse plusieurs fragments de 
poutres rongées par des Fourmis et qui proviennent d’une 
maison de Neuilly-sur-Seine. Les dégâts étaient tellement 
graves qu'il a paru préférable de démolir l'immeuble plutôt 
que de chercher à le consolider. Les bois rongés ont été sou- 
mis à l'examen de M. Marchal qui exprime le regret de n'’a- 
voir trouvé aucun Insecte à étudier dans les échantillons. Il 
est donc impossible de déterminer avec certitude l’auteur des 
dégâts. 

— M. le D: Lecler (Mb) adresse de Rouillac (Charente), des 
échantillons de racines d'Erable attaquées par un Insecte. 
Communication en a été faite à M. le D' Marchal. (Voir Cor- 
respondance.) 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 191 


- Botanique. — M. de Lépinay (Mb) donne quelques rensei- 
gnements sur la culture des Topinambours, qu'il pratique sur 
une grande échelle dans le département de la Vienne. Il 
espère pouvoir envoyer ultérieurement à la Société une no- 
tice détaillée à ce sujet. 


— M. G. d'Augy (Mb) demande des renseignements sur le 
Tussilage odorant où Héliotrope d'hiver. 


— M. Haïffner, directeur du Jardin botanique de Saïgon, 
adresse le Catalogue des graines que ce Jardin offre en 
échange à ses correspondants. 


— M. Jen. Solis, de Guatemala, désirant faire connaitre 
dans son pays l’histoire du Téosinté (Reana luxurians) écrit, 
à la date du 19 septembre, pour demander à la Société tous 
les renseignements qu'elle pourra lui procurer sur cette 
plante et sur les conditions diverses où elle a été cultivée. 


Cheptels. — Distribution de graines. — Dons en na- 
ture. — M. Jean Dybowski, Directeur de l'Agriculture et du 
Commerce de la Régence de Tunis, accuse réception (à la 
date du 24 juillet 1897) de l'envoi de graines du Turkestan 
rapportées par M. Edouard Blanc et qui lui ont été adressées 
par les soins de la Sociélé. « Je vous prie d'en agréer mes 
vifs remerciements, les graines seront semées au Jardin 
d'essais de Tunis où il en sera pris le plus grand soin. » 


— À la suite des envois de graines très importants adres- 
sés de la Villa Thuret en juin et juillet 1897, après la clôture 
de la session, par M. Charles Naudin, membre honoraire 
de la Société, un nombre considérable d’expéditions ont été 
faites, et il est impossible de mentionner au procès-verbal les 
noms de tous les membres de la Société qui y ont pris part. 
Les remerciements adressés par eux ne sauraient également 
trouver place au procès-verbal. 

— M.G.Coutagne, de Rousset (Bouches-du-Rhône) (Mb) de- 
mande des graines de Sorgho sucré du Turkestan, remises 
à la Société par M. Edouard Blanc. 

— M. Clos (Mb) adresse à la Soctélé, pour être distri- 
buées, des graines de Ginko et de Jujubier de Chine, ré- 
coltées au Jardin des Plantes de Toulouse. (Voir Correspon- 
dance.) 


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192 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


— M. Debreuil (Mb), grâce auquel ont été distribuées di= 
verses graines de Cucurbitacées africaines, qui ont très bien 
réussi chez plusieurs de nos collègues, adresse diverses re= 
cettes pour accommoder les Courgettes d'Egypte. Il offre à la 
Société une photographie représentant ces Courgettes dans 
son potager, à Melun. 


— M. G. d'Augy (Mb) remercie des graines qui lui ont 
été adressées et annonce un prochain envoi de graines 
d'Epinard rouge. 

— La Société a recu pendant les vacances un certain nombre 
de dons en nature, qui ont été répartis entre ses membres. 
M. Charles Naudin a fait (en juillet) un envoi de Dattes müû- 
ries à Nice, chez M. de Cessole et dont il a été plusieurs fois 
question dans le Bullelin ; M. le Secrétaire genéral s’est em- 
pressé de répartir ces fruits entre plusieurs collègues pré- 
sents à Paris, qui ont pu apprécier leur qualité. M. Fran- 
cisque Sarcey en a également goûté; les noyaux de ces 
Dattes ont été soigneusement conservés et semés, car ils 
appartiennent à un arbre unique jusqu'ici et le seul qui 
fournisse des Dattes mürissant en France. 

Plus récemment (en octobre), M. Charles Rivière, directeur 
du Jardin d'essai du Hamma, a remis au siège de la Société 
un petit régime de Bananes obtenues dans l'établissement. 
Ces fruits, résultat d’une sélection prolongée depuis long- 
temps déjà, sont excellents pour la table et l’on ne peut in- 
voquer à ce sujet un témoignage meilleur que celui de M. Le 
Myre de Vilers, Président de la Société. Pendant ses nom-— 
breux voyages et ses longs séjours aux colonies, il a pu com- 
parer entre elles les qualités si diverses des bananes. Celles 
du Hamma dont il a pu goüter grâce à M. Rivière, ont été: 
déclarées par lui très supérieures à la moyenne. Si la race: 
créée par M. Rivière peut être fixée et qu’on puisse la culti- 
ver largement en Algérie, il n’est pas douteux qu'elle n’ob- 
tienne un réel succès non seulement en Algérie, mais aussi 
en France où il sera possible de l’amener très rapidement. 


— M. Berthoule, Secrétaire général honoraire de la Société, 
a bien voulu faire récolter en Auvergne, sur les bords du lac 
Pavin, de la mousse d'excellente qualité qu'il offre à la So- 
ciélé pour emballer les œufs de Salmonides lors de la pro- 
chaine distribution qui sera faite par elle. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE- LA SOCIÉTÉ. 193 


— M. Félix Mérel adresse à la Société une série de sacs con- 
tenant un produit nouveau inventé par lui pour l'alimentation 
des Oiseaux de basse-cour, de chasse et de faisanderie. Ce 
produit désigné sous le nom de Provende armoricaine est 
mis à la disposition de la Société par son inventeur qui dé- 
sire le voir soumettre à l’expérimentation chez les personnes 
que le Conseil croira devoir désigner comme particulièrement 
compétentes pour en bien juger la valeur. 

Parmi les dons faits à la Sociélé durant les vacances, il con- 
vient de signaler encore une soixantaine d'œufs de Nandous, 
pondus chez M. Debreuil, à Melun par des Oiseaux placés chez 
lui en cheptel par la Société. M. Debreuil donnera lui-même 
des détails circonstanciés sur ces Nandous et la production de 
leurs œufs. 


COMMUNICATIONS ORALES. 


— M. le Secrétaire général donne quelques détails sur la 
création d'une Section coloniale que le Conseil a cru devoir 
réaliser selon la demande d’un certain nombre de Membres 
de la Société. M. Louis Olivier a bien voulu accepter les fonc- 
tions de délégué du Conseil CHE d'organiser les travaux de 
cette nouvelle Section. 

La présidence en sera offerte à M. Raoul, pharmacien en 
chef des Colonies, et qui vient de rentrer en France après 
avoir accompli en Malaisie une mission des plus intéressantes 
pour l’agriculture tropicale. M. Milhe-Poutingon, de l’Union 
coloniale française, a bien voulu accepter d’étre proposé 
comme vice-président et M. Bourdarie comme secrétaire. 

Déjà des témoignages de sympathie et de hautes approba- 
tions sont arrivés à la Société au sujet de la création de cette 


Section. M. le Secrétaire général cite diverses lettres adres- 


sées à la Société et qui doivent être dès maintenant ren- 
voyées à la Section coloniale. (Lettres de MM. les professeurs 
Heckel, de Marseille, Louis Olivier, Caustier,. P. Chappel- 
lier, etc.) 

— M. le Secrétaire général rend compte très brièvement de 
la part que la Société dAcclimatalion a prise : 1° au Congrès 
de l'Association française pour lavancement des Sciences 
réuni à Saint-Etienne du 5 au 12 août 1897, 2° au Congrès 
international colonial de Bruxelles du 16 au 19 août. 

Bull, Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 14, 


194 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Au Congrès de Saint-Etienne, le Conseil avait désigné pour 
représenter la Sociélé MM. Ed. Blanc, de Guerne et Raveret- 
Wattel. Un grand nombre de communications ont été faites 
sur des sujets intéressant la Société dans les sections d’Agro- 
nomie, de Botanique ou de Zoologie. La section de Botanique 
était présidée par M. Cornu, Membre de la Société. M. de 
Guerne avait été élu Vice-Président de la section de Zoologie. 

Au Congrès international colonial de Bruxelles, d'impor- 
tantes discussions ont eu lieu, dans le domaine des travaux 
de la Société, sur les cultures coloniales et sur la protection 
de l'Éléphant d'Afrique. Ce sujet a été traité par M. Paul 
Bourdarie que le Conseil avait spécialement délégué pour re- 
présenter la Société d'Acclimatalion au Congrès de Bruxelles 
avec M. le Secrétaire général. 

— M. le Secrétaire général donne quelques détails sur les 
excursions faites par la Société depuis la dernière séance. 
Trois excursions ont eu lieu. La première, le 23 mai, à Saint- 
Lambert, dans la vallée de Chevreuse, pour visiter l’Etablis- 
sement de Pisciculture créé par M. Philipon, Membre de la 
SociétéaLe 30 mai, une visite a été faite aux ruchers du Jar- 
din du Luxembourg et du Parc de Montsouris. Enfin, le di- 
manche 13 juin, la Société s’est réunie à la faisanderie de 
Mériel (Seine-et-Oise). 

L'ordre du jour étant très chargé, M. de Guerne ne peut 
que signaler ces excursions, sur lesquelles il y aura lieu de 
revenir. Mais il importait dès aujourd’hui d'appeler l’atten- 
tion sur cette manifestation nouvelle de l’activité de la So- 
ciélé d'Acclimalalion dans l’ordre pratique. Il convenait 
également de remercier toutes les personnes qui ont bien 
voulu prêter leur concours à la Sociélé dans ces circon- 
stances, M. Philipon, M. Galichet, de Mériel, le Bureau de la 
Société d'Apiculture, et en particulier, M. Clément, président 
de la Section d’'Entomologie. 

En outre de ces excursions générales, un certain nombre 
de Membres du Bureau et du Conseil se sont rendus à Melun, 
sur l'invitation de M. Debreuil, pour examiner les élevages 
poursuivis par leur collègue et notamment ceux des Nandous 
qu'il a reçus en cheptel de la Sociélé. 

Une autre course a été faite à l'Etablissement de Royallieu, 
près Compiègne où plusieurs Membres de la Société, aux- 
quels s'était joint M. Francisque Sarcey, sont allés voir les 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 195 


animaux, récemment importés de la République Argentine, 
par M. Favez-Verdier et qui ont été énumérés ci-dessus. 


— À propos de la lettre de M. le D' Vogt sur l'amputation 
des oreilles chez les Chats pour empêcher ces animaux de va- 
gabonder et de se livrer à la chasse des petits Oiseaux, M. L. 
Chazal (Mb) présente quelques observations. Il a lui-même 
expérimenté cette méthode et ne croit pas à son efficacité. 


— M. E. Cacheux (Mb) annonce que la Société L'Enseigne- 
ment technique et professionnel des Pêches marilimes s'est 
chargée d'organiser une section française à l'Exposition inter- 
nationale des pêches qui doit avoir lieu à Bergen (Norvège), 
durant l'été de 1898. M. Cacheux montre, par quelques 
exemples, l'intérêt qu'il y a pour la France à développer ses 
relations commerciales avec les pays Scandinaves, où l'in- 
dustrie des conserves de Poisson se développe sans cesse, où 
l’on use entre autres choses de plus en plus d'huile d'olive et 
de sel. Ces produits peuvent être tres largement fournis par 
le midi de la France et par la Tunisie. 


— À propos de la lettre de M. Blaauw, sur l'élevage des Ti- 
namous en Hollande, et dont il a été question à la correspon- 
dance, M. le Secrétaire général dit que cette lettre sera lue 
dans une prochaine séance qu'il espère voir entièrement con- 
sacrée à l'étude du Tinamou. On s'occupe beaucoup en ce 
moment d'introduire en France cet Oiseau qui semble pouvoir 
fournir un nouveau gibier, de chasse et de gout agréables. 
Des demandes de renseignements au sujet du Tinamou par- 
viennent chaque jour à la Société, et c'est pourquoi il semble 
utile de résumer, dans une séance spéciale, les notions scien- 
tifiques et pratiques acquises sur ces Oiseaux. MM. Blaauw, 
Milne-Edwards, Galichet, Oustalet, etc., enverront pour la 
circonstance des documents du plus haut intérêt. 


— M. le Secrétaire général présente un paquet d'épis de 
Blé du Soudan envoyés par M. de Trentinian, Gouverneur de 
cette colonie. À ce propos, M. Milhe-Poutingon (Mb) donne 
quelques détails sur la production et la culture du Blé au 
Soudan. 


— M. Le Myre de Vilers insiste sur l'intérêt de ces cultures 
et montre qu'il s'agit là d'une véritable richesse. Du jour où, 
dans nos colonies, l’on pourra récolter sur place le Blé indis- 


196 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


pensable à l'alimentation des Européens, il en résultera une 
économie considérable sur le prix d’une denrée de faible va- 
leur dont les frais de transport sont parfois décuples. 


— M. Paul Bourdarie (Mb) ajoute que le Mais pourra rendre 
évalement de grands services aux colonies, surtout si l’on 
s'applique à en bien choisir les races. Il communique à ce 
propos les résultats d’une expérience faite par M. Chalot, di- 
recteur du Jardin d'essai de Libreville, avec quelques grains 
de Maïs, dit préhistorique et que M. Bourdarie a pu envoyer 
au Congo grâce à la Sociélé d’Acclimatation. Ce Maïs a poussé 
très vite, atteignant rapidement de grandes proportions. 


— M. Debreuil a cultivé le même Maïs à Melun et en a 
chtenu aussi de très beaux pieds dont la photographie sera pré- 
sentée à la Société dans une prochaine séance. 


— Une discussion s'engage entre MM. Bourdarie, Decroix, 
Lejeune, Trouessart, de Guerne, sur le point de savoir si l’on 
peut ou non admettre comme authentique l’origine du soi-di- 
sant Maïs préhistorique. 

— Lecture est donnée d'un mémoire de M. le professeur 
N. de Zograf (Mb), sur les Problèmes de l’Acclimatation en 
Russie (voir Bulletin, novembre 1897). 

— Lecture est donnée d’un mémoire de M. Charles Rivière 
(Mb), directeur du Jardin d'Essai du Hamma, à Alger, sur le 
Manioc en Algérie et dans le bassin méditerranéen (voir Bul- 
letin, novembre 1897). 


Le Secrélaire général de la Société, 


JULES DE GUERNE. 


- | 197 


4° SECTION (ENTOMOLOGIE). 
SÉANCE DU 14 FÉVRIER 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. A.-L. CLÉMENT, PRÉSIDENT. 


Il est procédé au renouvellement du bureau ; sont élus : 


MM. Clément, président. 
Decaux, vice-président. 
Marchal, secrétaire. 
Rathelot, secrélaire-adjoint. 


M. Clément est en outre choisi, comme deéieégué à la Commission des 
récompenses (M. Edouard Blanc étant délégué du Conseil auprès de la 
Section). 

Dépouillement de la correspondance. Elle renferme justement une 
lettre de M. F. Decaux, retenu depuis longtemps à la chambre par 
une indisposition et qui s'excuse de ne pouvoir prendre une part ac- 
tive aux travaux de la Section. A l'unanimité, il est décidé qu'une 
lettre signée du Président et du Secrétaire sera adressée à M. Decaux 
pour l’informer que la Section tient à le conserver dans son bureau 
comme vice-président et pour lui exprimer les vœux que forment ses 
collègues pour le prompt rétablissement de sa santé. 

Diverses demandes d'œufs ou de cocons de Vers à soie sont adres- 
sées à la Société, notamment du Tonkin. 

À ce propos .M. le Secrétaire général rappelle la notice récemment 
publiée dans le Bulletin (août 1897) par M. Charles Naudin : Sur un 
nouveau Mürier de Tonkin et signale une lettre de M. G. Coutagne, 
Directeur de la Station séricicole de Rousset (Bouches-du-Rhône) où 
il est également question de la sériciculture aux colonies. 

Lecture est donnée de l'extrait d’un rapport de M. de Trentinian, 
Gouverneur du Soudan français, concernant la production de la soie 
dans cette colonie. M. le Secrétaire général fait observer que, dès son 
origine, vers 1855, la Société d’'Acclimatation s'est occupée de cette soie 
du Soudan. Le fondateur de la Société, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, 
avait remis précisément à notre collègue M. Naudin, un fragment d’un 
arbrisseau de Sénégambie sur lequel vit une chenille dont la soie passait 
pour être utilisable. L’arbrisseau en question est un Zzyphus et M. de 
Guerne donne lecture d’une note publiée à ce sujet dans le n° 7 de la 
“Revue des Cultures coloniales. Cette note sera reproduite dans le Bulletin. 

Une discussion s'engage sur l'intérêt qu'il y aurait à développer la 
production de la soie dans les colonies françaises, afin d’alimenter le 
marché du pays, en ayant le moins possible recours à l'étranger. Il 
convient de signaler parmi les colonies pouvant fournir à bref délai 


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198 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


une quantité notable de soie, la Nouvelle-Calédonie; M. Perret, qui a 
lonstemps dirigé les travaux agricoles du pénitencier de Nouméa et 
qui est aujourd’hui vice-président de la Chambre d'Agriculture de cette 
ville, a exposé devant la Section coloniale les résullats des essais 
d'acclimatation tentés et réalisés dans la colonie depuis une quinzaine 
d'années. La culture combinée de la Vanille et du Mürier, celui-ci 
servant de support à la première, est des plus recommandables. La 
récolte de la Vanille se fait sans préjudice de celle des feuilles du 
Mûrier et à des époques telles que le même personnel peut s'occuper 
successivement de !la Vanille et de l'élevage des Vers à soie. 1l est 
d’ailleurs possible de planter des Caféiers dans l’intervalle des lignes 
de Müriers porteurs de Vanille. La récolte du café ne nuit aucune- 
ment à celle des cocons et les mêmes inslallations, hangars ou véran- 
das, établies pour la dessiccation du café, peuvent servir à l'éducation 
des Vers à soie. 

La Section examine un lot de cocons provenant de la Nouvelle-Ca- 
lédonie et offerts à la Société par M. Perret. 

M. le Secrétaire général rappeiïle à ce propos une notice de M. Ra- 
verel-Waittel publiée dans le Bulletin de la Société d'Acclimatation 
en 1874 et inlitulée: De l'utilité d'introduire la sériciculture à la Nou- 
velle- Calédonie. On y trouvera, bien qu’elle date déjà de près de vingt- 
cinq ans, nombre d'indications pouvant être encore uiilement suivies. 

M. le Secrétaire général rend compte de l’excursion organisée par 
la Sociéfé aux ruchers du Jardin de Luxembourg et du Parc de Mont- 
souris. Grâce à l’obligeance du bureau de la Société centrale d'Apicul- 
ture qui a bien voulu en prendre la direction, l’excursion a pleinement 
réussi. Elle a eu lieu le dimanche 30 mai par un très beau temps et a 
été suivie avec un vif intérêt par une nombreuse assistance. M. de 
Guerne adresse les remerciements de la Section à M. Clément et le 
prie d'être son interprête auprès de ses collègues de la. Sociéfé centrale 
d'Apicullure. 

M. Clément présente un cadre extrait d’une ruche appartenant jus- 
tement à cette Société et qui renferme un nid de Guêpes ayant 
atteint des proportions considérables au milieu même des Abeilles. La 
première observation concernant ce fait exceptionnel a été relevée 
précisément au cours de la visite faite par la Sociéfé d'Acclimatalion le 
30 mai 1897 au Rucher de Monisouris. Depuis lors, et contre toutes 
prévisions, le nid de Guêpes a continué à se développer jusqu’au jour 
où il a paru prudent de détruire ces Insectes devenus par trop nom- 
breux pour la sécurité des Abeilles et même des promeneurs. 

Une notice détaillée sera publiée à ce sujet. « 


Pour le Secrétaire empéché, 
JULES DE GUERNE, 
Secrétaire général. 


1 199 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 


L'AMPUTATION DE L'OREILLE EXTERNE N'EMPÉCHE PAS LES CIATS 
DE CHASSER LES OISEAUX. 


Monsieur le Secrétaire général, 


Vous m'avez témoigné le désir de voir consignée au PBullelin la très 
modestie observation que jai faite dans la séance du 26 novembre, au 
sujet de l’amputation de l'oreille externe pratiquée sur les Chats pour 
les empêcher de chasser les petits Oiseaux. 

J’ai vu opérer cette mutilation pendant cinq années, environ vers 
1850-1855, sur tous les Chats du domaine de la Brosse-Saint-Ouen 
(canton de Rebaïs, arrondissement de Coulommiers, Seine-et-Marne). . 
Cela ne les empêchait en aucune facon de chasser; c’est pourquoi on 
y a renoncé. 

J'ai vu moi-même les Chats aux oreilles coupées chasser à toutes 
les heures de la journée, dans les prés et dans les cultures : Blés, 
Ayoines, Légumineuses à tout degré d'avancement de végétation. Il 
n’y a que sous bois que je n’en ai pas rencontré, sans doute parce que 
les prés et les cultures du parc leur suffisaient. 

Curieux de saisir la raison de cette mutilation, je n'ai eu d’autre 
réponse que celle-ci : « Que les Chats ayant les cornets des oreilles 
coupés, la rosée leur tombait dans la conque de l'oreille et les dégoù- 
tait d’aller aux champs. » 

Comme les Chats ne m'ont pas paru choisir précisément l'heure de 
la rosée pour se mettre en chasse, la raison m'a paru bien spécieuse, 
et l'expérience m'a démontré qu’elle ne valait rien. 

J’ai par cette réponse même été amené à observer plus attentivement 
les heures de chasse de cet ennemi acharné des petits Oiseaux et de 
leurs couvées ; c’est l'après-midi, et surtout vers le coucher du soleil, 
qu’on trouve jies Chats en chasse dans les champs. 


Veuillez agréer, etc. 
L. CHAZAL. 


>< 


CULTURES DANS LE DÉPARTEMENT DES PYRÉNÉES-ORIENTALES. 


Perpignan, le 28 janvier 1898. 


Monsieur le Secrétaire général, 


J'ai l'honneur de vous faire connaître le résultat ces semis faits avec 


200 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


les graines que la Société d’'Acclimatation a bien voulu m'adresser dans 
le courant de 1897. 

1° Graines de Coton blancet fauve du Turkestan, rapportées par 
M. Edouard Blanc, semées dans la plaine à Perpignan ou à la mon- 
tagne, à Vernet-les-Bains, à 780 mètres d'altitude ; les graines ont levé, 
quelques plantes se sont développées, d’autres ont fondu ; deux sujets 
à coton fauve ont fructifié. Les graines avaient été semées au pied 
d’un mur exposé au Midi. Il y a eu là peut-être des conditions de irop 
forte chaleur ; pendant l’année courante, les graines seront semées en 
plein champ comme dans la culture du Turkestan, où la température 
générale, eu égard aux produits qu'y récolte la Russie, doit se rap- 
procher de celle du Roussillon. 

20 Zizyphus mucronata. — Semis réussi. Les jeunes plantes ont 
atteint 20 centimètres de hauteur environ, elles sont couvertes de 
piquants et ont perdu leurs feuilles d'assez bonne heure. 

3° Chamaerops excelca, du docteur Lecler, de Rouillac (Charente), 
ou Trachycarpus excelsa. Ces graines ont été semées, bien que mes 
Chamaerops. de 5 à 6 mètres de hauteur, se multiplient d'eux-mêmes, 
dans mon jardin. J’arrache chaque année nombre de jeunes sujets qui 
poussent un peu partout. 

49 Mimosa lophanta. — Encore un arbuste commun en Roussillon, 
les sujets obtenus avec les graines de la Sociéfé d’Acclimatation ont 
atteint déjà, avec les semis de printemps 1897, une hauteur de 1 m. 80; 
à la date d'aujourd'hui (28 janvier 1898), ils ont toutes leurs feuilles, 
mais n’ont pas fleuri. 

5° Acacia pycnantha, paraît devoir être une bonne acquisition, arbre 
intéressant par ses petites feuilles composées et bipinées au début, 
‘ qui sont remplacées ensuite par de larges phyllodes, ressemblant à des 
feuilles de Camélias ; les sujets ont de 0,30 à 0,80 centimètres de 
hauteur sans ramification aucune ; les feuilles paraissent persistantes. 

6° Daftier. — Douze dattes m'ont été adressées sans aucun rensei- 
gnement relatif à leur nom, à leur pays d’origine. Proviennent-elles du 
Phenix melanocarpa, de la villa Cessole, à Nice (Sauvaigo et Naudin), 
ou bien viennent-elies de Kairouan ? Le fruit était brun rougeâtre, la 
chair dure et sèche, pas trop sucrée et rappelant comme ensemble, 
sauf la couleur, les dattes du Hodna, de la province de Cons- 
tantine. Naturellement, je serais très content de savoir quel nom je 
dois donner aux jeunes plantes venues de ces dattes. La précocité du 
Phenix melanocarpa (Dattier de Nice), est trop intéressanie et c’est une 
chose trop rare pour justifier mon désir. 

En terminant, j'ajouterai que la plaine du Roussillon possède d'assez 
beaux spécimens de la flore si richement représentée à la villa Thuret, 


(1) Les fruits dont il est ici question sont les Dattes rouges envoyées d’ Oran a 
la Société par M. Leroy (MWote de la Réd.). 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 201 


grâce aux soins assidus de notre éminent collègue, M. Naudin ; on 
trouve à Perpignan, dans divers jardins : 
(e) ; ] 


Phœnix canariensis de 5 à 6 mêtres  Brahea glauca. 
de haut et 0 m. 80 de diamètre.  Waskingtonia robusta. 


Ph. senegalensis. Jubæu spectabilis, tres forts sujets 

Ph. Sylvestris. réellement beaux. 

Cocos campestris. Faux Poivriers, (Schinus molle), 
— australis. Camphriers, Erythrina en arbre, 

Prüchardia filifera. etc. 


J’ai quelques graines de mon jardin que je puis vous adresser si elles 
doivent faire plaisir à nos collègues : 


Cassia marylandica. Chamaærops humilis. 
—  farnesianx. Physianthus albens. 
Chameærops excelsa. 
D' Cros. 


<< 


ENCOURAGEMENT A DONNER AUX ENTREPRISES COLONIALES. 
Questions de botanique appliquée à mettre à l'étude. 


Monsieur le Secrétaire général, 


« Je ferai mon possible pour vous adresser des articles coloniaux, 
mais je suis absorbé par mes propres Annales qui me donnent beau- 
coup de mal. L'idée coloniale est naissante à peine, et il faut se 
démener beaucoup pour la faire progresser. 

Qu'on ne perde pas de temps; nos colonies forment aujourd’hui un 
capital mort, et quand des bonnes volontés se dressent pour le faire 
fructifier, il faut le crier bien haut et forcer la modestie de ces pion- 
niers inconnus dans leur dévouement. Il appartient à la Societé d’Accli- 
matation de faire cette œuvre de justice dans le beau domaine qui est 
le sien- 

En ce qui concerne les questions qu’on pourrait mettre à l'ordre du 
jour, je ne saurais trop insister sur l’urgence des deux suivants : 

1° Etude et culture des Lianes à Caoutchouc (Vahea, Landolphia) dans 
les colonies francaises tropicales, valeur de leurs produits. — On a pré- 
tendu que les Lianes sont réfractaires à la culture; les Allemands 
viennent de prouver le contraire, dans leur colonie du Cameroon; il 
faut suivre cette voie tracée largement par nos voisins du Congo, faire 
récolter des graines et des fruits de Landolphia ou de Vahea et les 
envoyer dans nos colonies de l’Indo-Chine, de la Guyane et des An- 
tilles. Je ne parle pas du Congo où les cultures sont tout indiquées, 


202 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


les Zandolphia de la côte occidentale d'Afrique donnant un des meil- 
leurs caoutchoucs connus. D'autre part, il faudrait une étude sérieuse 
de ces Lianes sauvages et de leurs produits, afin d'en sélectionner l’ac- 
climatation et de ne propager que les meilleures espèces. 

20 Æfude des végétaux donnant des graines grasses mal ou peu connues 
dans les colonies françaises, de leur diffusion et de leur acclimatation dans 
les colonies, valeur de leurs matières grasses ou des tourteaux qu'elles 
donnent. — C'est là un grand désideratum pour l’industrie nationale 
des huileries, des savonneries et des stéarineries : on ne sort pas des 
Coprah, des Arachides, des Palmistes et des Sésames, il faut évidem- 
ment trouver mieux comme corps gras ou comme végetaux pro- 
ducteurs. 

Si la Societé attache des prix de quelque valeur à la solution par- 
tielle ou totale de ces deux grosses questions, elles seront rapidement 
abordées, et ce sera la mise en train d’un capital colonial capable de 
rendre de grands services à l'industrie métropolitaine. 

Agréez, je vous prie, etc. 

E. HECKEL, 


Directeur du Musée et de l’Institut colonial 
de Marseille, 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


LE PIGEON VOYAGEUR EST-IL UN ANIMAL DOMESTIQUE ? 


par Raoul DE CLERMONT, . 
Ingénieur agronome, 
Avocat à la Cour d’appel {1). 


Un problème qui intéresse vivement l’agriculture a été posé, il y a 
quelques mois, à la Cour de Cassation. 

Il s'agissait de savoir si le Pigeon domestique était un Oiseau et 
quel Oiseau. 

De longs débats se sont élevés, en effet, sur le point de savoir: 

« Si le Pigeon voyageur était vraiment un animal domestique ou 
s’il fallait l'assimiler aux hôtes sauvages de nos forêts, à un gibier. 

» Le Pigeon voyageur est-il un animal domestique ? » Celui qui le 
tue ou le blesse se rend passible des peines édictées par les articles 
454 et 479 du Code pénal. 


(1) Communication faite à la Section d'Agronomie au Congrès de l’Associa- 
tion française pour l'avancement des sciences, Saint-Etienne, 1897, 


EXTRAITS ET ANALYSES. 203 


Celui qui « le soustrait frauduleusement commet un vol ». 

Si, au contraire : 

Le « Pigeon voyageur est un gibier », les lois et les règlements de 
chasse lui deviennent applicables et, notamment aux lermes des ar- 
ticles 9 et 11 de la loi du 3 mai 1844, modifiée par celle du 8 janvier 
1874, les Préfets peuvent prendre des arrêtés réglementaires pénale- 
ment sanctionnés par l’article 471, $ 15 de notre Code pénal. 

Les Tribunaux de paix des régions du Nord et de l'Est, que le voisi- 

. nage de la frontière rend essentiellement colombophiles, se sont pro- 
noncés invariablement pour la première solution : « Le Pigeon voya- 
geur est un animal domestique. » 

Mais la Cour de Paris, dans son arrêt du 19 février 1896, les 
Chambres criminelles et civiles de la Cour de Cassation, ont affirmé 
qu’il n'en était rien et que le « Pigeon voyageur élait un gibier ». 

Il appartenait à la Cour de Cassation, toutes les Chambres réunies, 
de trancher définitivement la controverse : condamnant le système 
adopté par les Chambres criminelles et civiles, elle vient de décider, 
par un arrêt du 8 décembre 1896, à propos duquel on a beaucoup écrit 
que le « Pigeon voyageur est un animal domestique ». 

Les partisans de la négation, au mépris des enseignements de la Zoo- 
logie, de la Zootechnie, nonobstant les tradilions de notre législation, 
n’invoquent, en somme, qu'un seul argument et, pour édifier longue- 
ment leur pénible argumentation, ils invoquent littéralement, textuel- 
lement, l’article 9 de la loi sur la chasse, qui autorise les Préfets à 
prendre des arrêtés pour interdire la destruction des Oiseaux. 

Ils insistent sur le mot « Oiseau ». Le Pigeon voyageur, disent-ils, 
« est un Oiseau ». Or, l’article 9 vise, sans exception, tous les Oi- 
seaux. Donc il s’applique aux Pigeons voyageurs. 

Mais pour écarter celte interprétation, à mon sens erronée, de la loi 
de 1844, il suffit de lire l’un des considérants favorables à la négative 
de l'arrêt de la Cour de Cassation du 24 avril 1896, considérant qui 
précise la définition de l’Oiseau auquel s'applique la loi de 1844. 

I1 s’agit d'Oiseaux susceptibles d’un fait de chasse, d'Oiseau consti- 
tuant un gibier. Les travaux préparatoires sont formels en ce sens; 
ils établissent expressément, nettement, que les Oiseaux visés sont 
uniquement des « Oiseaux utiles à l'agriculture, sauvages et insecti- 
vores ». 

Au cours de la discussion, un député ayant voulu faire mentionner 
le Pigeon dans le texte de la loi, le Garde des Sceaux et le rapporteur 

- S’y sont formellement opposés en faisant observer que les Pigeons sont 
essentiellement granivores, qu'ils ne sont pas sauvages, que dans cer- 
tains cas ils peuvent même devenir nuisibles à l’agriculture. 

Du reste, deux circulaires ministérielles, l'une en date du 30 jan- 
vier 1874, émanant du Ministre de l'Intérieur, l’autre du 6 juillet 185, 
émanant du Ministre de la Justice, confirmant cette interprétalion des 


204 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


arrêtés préfectoraux ne concernant que les petits Oiseaux essentielle- 
ment insectivores. 

Les Pigeons ne sont pas des petits Oiseaux, ne sont pas insectivores, 
ne sont pas des Oiseaux sauvages susceptibles de chasse. 

Sans insister davantage sur des arguments d’ordre physiologique, je 
me bornerai à rappeler que la tradition juridique, maintenue depuis 
l’époque romaine jusqu'à nos jours, affirme, au point de vue légal, 
cette définition du Pigeon. 

À Rome, à Byzance, les textes du droit barbare de l’époque féodale, 
les ordonnances royales de 1338, 1607 et 1613 et, depuis la Révolu- 
tion, l’article 2 du décret du 7 août 1789, reproduit par le Code rural, la 
loi du 4 avril 1889, l’article 524 du Code civil et le décret du 15 septem- 
bre 1885, ordonnant le recensement des Pigeons voyageurs en France, 
considérent à l'unanimité le Pigeon comme un animal domestique. 

Qu'on ne vienne pas dire maintenant que les Pigeons voyageurs cons- 
tituent, à raison de leurs aptitudes, une espèce particulière, récem- 
ment constituée et qu’il faut écarter les arguments tirés de la législa- 
tion ancienne. Tout d’abord, le Pigeon proprement dit est « un Pigeon 
de colombier », est attaché à un colombier, il a un domicile. 

Ensuite, dès la plus haute antiquité, on a utilisé les facultés voya- 
geuses du Pigeon, et l’histoire nous raconte que ce fut César, pendant sa 
guerre en Gaule, qui l’employa, le premier, comme messager de 
guerre. Celte aptitude s’est développée, grâce à une éducation plus 
parfaite, les services rendus se sont multipliés et c'est pourquoi, dans 
une pensée de protection à l'égard de ces intéressants volatiles et non 
pas en vue de rendre la chasse plus facile en torturant les textes, on 
a cherché à assimiler le Pigeon voyageur à un gibier pour permettre 
aux Préfets de prendre des arrêtés de protection à leur égard. 

Je suis loin de mentionner les immenses services, qu'ont rendus et 
que sont appelés à rendre les Pigeons voyageurs. 

En 1870, ces vaillants messagers qui, bravant les balles, échappant 
aux griffes des Faucons que les Allemands lançaient à leur poursuite, 
ont assuré la communicalion entre Paris et la Province. 

L'un d’entre eux, notamment, qui n’avait pu franchir les lignes en-— 
nemies, fut envoyé par le prince Frédéric-Charles à sa mère et traité 
comme un hôte de distinction et fut enfermé dans une volière du parc 
de Potsdam. Au bout de quatre ans de détention, il parvint à tromper 
la vigilance de ses gardiens et, prenant son vol, il regagna directe- 
ment la France, sa patrie. 

Aussi, tout en considérant le Pigeon voyageur comme un animal do- 
mestique, nous pouvons formuler des vœux ardents pour qu’une loi 
spéciale intervienne, assurant à cet auxiliaire, aujourd’hui HUSECne 
sable, la protection qui lui est due. 


>< 


EXTRAITS ET ANALYSES. 205 


NOTE SUR LES CIRES D'ABEILLES DE TUNISIE. 


La quantité de cire d’Abeilles produite en Tunisie est des plus va- 
riables; elle suit, comme on le conçoit aisément, l'influence des sai- 
sons : les années où les folicios sont précoces et par suite, la floraison 
abondante, sont les plus propices pour la production du miel et de la 
cire. 

Il est assez difficile de connaître exactement la totalité de la pro- 
duction tunisienne; l'éloignement des centres de production, l'imper- 
fection des voies et moyens de communication, l'indifférence des indi- 
gènes sont actuellement autant d'obstacles à l'établissement de chiffres 
précis. Dans ces conditions, les seuls éléments statistiques qui soient 
à notre disposition nous sont fournis par les déclarations anruelles de 
l'Administration des Douanes, lesquelles ne concernent que l’expor- 
tation. 

Le relevé annuel, qui nous a été obligeamment fourni par cette Ad- 
ministration nous donne les chiffres suivants : 


DÉSIGNATION PAYS MARS 
s % eu QUANTITES. DE VALEUR: 
DES MARCHANDISES.  D'EXPORTATION. NA 
PMETAN CE ce L 56,883 | | 64,545 
Algérie. cu 979 | 1,713 
ne se 3,394 9,940 
| Belgique...... 980 1,715 
Cire brute, jaune, talent 550 TS e 
brune ou blanche. Malte d'A 0 01001016 9,980 17,465 
Grece ere 426 145 
Allemagne... 29,213 44,123 
| RUSSICRT EC 2 lo, 4,751 
S1,120 141,960 


D'autre part des renseignements que nous avons pu nous procurer 
sur place chez les principaux exportateurs de cire noire fournissent 
les données suivantes: 

Dans une année de récolte moyenne, l'exportation de la cire donne 
lieu à un chiffre d’affaires de 300,000 francs. En 1897, un des grands 
négociants de Tunis a exporté, à lui seul, pour une valeur de 120,000 fr. 
de cire représentant un poids de 42,000 kilos. Le prix moyen de 
cette même année était de ? fr. 80 le kilo; ce prix a été sujet à des 
fluctuations qui se sont produites à la suite de l'emploi industriel 


206 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


de la paraffine et de cires végétales qui ont donné les résultats 
suivants : 


Eo 1869 le prix moyen était de 4 fr. 50 le litre. 


1887 — D » — 
1894 — 9 :.. &5 — 
1895 — 3 » _— 
1897 — Dr #60 — 


La plus grande partie de la cire produite dans la Régence est expor- 
tée en France où elle est frappée d’un droit d’entrée de 8 francs par 
100 kilos; l'Allemagne vient ensuite et ce produit y acquitte un droit 
d'entrée de 6 fr. 25 par 100 kilos. 

De tous les pays qui font usage de la cire d'Abeille, c'est la Russie 
qui tient le premier rang, quant à l'importance de cette consommation, 
et les cours se basent entièrement sur les demandes de ce pays. 

Les cires les plus appréciées sont celles de Smyrne et de Tunisie; 
viennent ensuite celles d'Algérie et du Maroc, cette dernière se vend 
25 francs par 100 kilos, par suite des fraudes auxquelles elle est sou- 
vent soumise. Enfin les cires de Tripoli el de Zanzibar sont assez peu 
connues sur les marchés européens. 

Usages. — La cire d’'Abeilles servait presque exclusivement jadis à 
la confection des bougies; mais depuis la découverte de la siéarine et 
de la paraffine qui sert à la fabrication des bougies dites transpa- 
rentes, son usage a beaucoup diminué; elle sert surtout aujourd’hui, à 
la confection des cierges et des bougies du culte; on l’emploie égale- 
ment, en moins grande quantité, pour les modelages; la pharmacie 
l'utilise pour la préparation de certaines pommades ou cérats, elle 
entre aussi dans la confection des encaustiques. 

Bien que ses usages soient assez limités, il se produit de nos jours 
peu de cette substance; aussi est-elle bien demandée et sa production 
serait plus importante qu'elle trouverait de faciles débouchés. 

Le climat de la Tunisie, la flore abondante, la facilité d'exploilation 
de ce produit en rendent la production économique; il serait à désirer 
que celte industrie fùt développée d’une manière plus complète, la 
qualité supérieure de la cire tunisienne en assurant la vente avant 
tout autre produit similaire. 

E. BERTAINCHAUD, 
Directeur de la Station agronomique 
de la Régence {1). 


{1) Bulletin de la Dir:ction de l'Agriculture et du Commerce de Tunisie, n° 1, 
15 avril 1898. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 207 


ACCIDENTS PRODUITS PAR LA PIQURE DES ACARIENS 
DU GENRE « ARGAS ». 


Dans une communication récemment faite par lui à la Sociélé 
entomologique de France (1), M. H. du Buysson donne d’intéressants 
détails sur les dangers que peut présenter la piqûre des parasites du 
genre Argas, et en particulier de l’Argas reflezus (Latr.) À. mraginatus 
(Fabric.), assez commun en France. 

En se faisant piquer expérimentalement par un Argas sur un point 
quelconque du corps, surtout à un endroit dépourvu de vaisseaux 
sanguins, on peut ne ressentir qu'une simple démangeaison plus ou 
moins vive, n'observer qu’une ecchymose violacée et une exsudation 
de sérosité incolore quand on comprime fortement le point piqué ; 
mais trop souvent, lorsque le venin s’est répandu immédiatement dans 
le sang on est exposé à des accidents beaucoup plus graves. 

L'A. reflezus se trouve surtout dans les colombiers, où il vit en 
parasite des Pigeons. Dans un colombier du château de Vernet (Allier), 
où se trouvait réunie une fort belle collection de Pigeons et qui était 
entretenue avec le plus grand soin, M. du Buysson constata la présence 
d’Argas, qui se multiplièrent bientôt avec une rapidité extraordi- 
naire. Le dessous des nids en terre ou en paille tressée en recélait un 
nombre considérable et les jeunes Pigeons, épuisés par ces succurs de 
sang, ne tardaient pas à mourir. Afin de se débarrasser des parasites, 
on eut recours à un moyen radical ; on supprima le colombier, toutes 
les boiseries furent démontées ; on opéra un grand nettoyage et l’on 
poursuivit partout la vermine. Cependant, quelques individus échap- 
pèrent au massacre. Ils pénétrèrent dans les chambres voisines et tour- 
mentèrent les domestiques, dont quelques-uns durent changer de 
chambre. Un jour, l’un d'eux fut piqué par un Argas entre le pouce 
et l'index. Ses lèvres devinrent très enflées et il éprouva par tout le 
corps une vive démangeaison. Quelques années après, M. du Buysson 
fut piqué lui-même sur le dessus de la main, il la sentit s’engourdir 
et ses doigts offraient de la raideur lorsqu'il essayait de les fermer. 
L'ammoniaque liquide appliqué sur la piqüre ne produisit aucun effet; 
ses lévres et ses paupières enflèrent beaucoup,et en peu de temps tout 
son corps était brûlant. Il fut pris d’atroces démangeaisons, surtout dans 
dans la région lombaire et sur la poitrine; sa peau était couverte de 
taches rouges surélevées, comme dans une violente urticaire. Un 
seul remède lui réussit, ce fut l’éther pris à l’intérieur. Dès qu'il en eut 
absorbé, une sorte de détente eut lieu; il se remit au lit et finit 


(1) Annales de la Société entomologique de Krance, vol. 65, p. 217, 1897, 
paru en avril 1897. — Note communiquée à la Section d'Entomologie dans la 
séance du 17 mai 1597. 


208 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


par s'endormir. Le lendemain, il ne ressentait qu'un peu de lassitude 
et un petit point aréolé rouge marquait seul la place où il avait été 
pique. A plusieurs reprises et à des intervalles assez éloignés, M. du 
Buysson fut encore piqué par des Argas et les suites de ces piqûres 
furent identiques à celles que nous venons d'indiquer. 

En 1883 (Ann. Soc. ent. Fr., p. xcvirt), le D' Laboulbène cite 
plusieurs accidents analogues survenus à la suite de la piqüre du 
même Acarien et observés dans les environs de Charleville par le 
Dr Chatelain. Le colombier qui recélait ces Argas était détruit depuis 
six ans lorsque les effets produits par leur piqûre furent constatés. La 
vilalité de ces parasiles est très grande. Des Argas, conservés pendant 
quatre ans par M. Laboulbène, étaient encore vivants au bout de cette 
période. 

De l’ensemble des faits relevés par lui, M. du Buysson conclut que 
les piqûres de l’Argas peuvent être, dans certains cas, très dangereuses. 
Il n'a jamais observé que des piqûres uniques pour une même fois ; 
les accidents auraient sans doute été beaucoup plus sérieux s'ils 
avaient été le résultat de piqûres multiples. 

L'Argas reflezus mesure de 5 à 6 millimètres ; son corps est ovalaire, 
la bouche est placée en avant et tout à fait à la partie inférieure du 
corps ; les palpes sont formés de quatre articles et les pattes de six. 
Sa couleur est grise, à reflets rougeâtres avec les bords blanchâtres. 
Il acquiert un grand développement lorsqu'il est gorgé de sang et prend 
alors une couleur noirâtre. La femelle est d’une excessive fécondité ; 
lorsque cet Acarien s’est établi dans un colombier, il est extrêmement 
difficile de s’en débarrasser. + 


NUCITE MATIONALE D'ACCLNNTATIN 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


45° ANNÉE 


JIVPEBERE 1595 


SOMMAIRE 
A. BENGIN: — Notes sur les Zébus de la plaine de Bône........................ . 269 
Paur WACQUEZ. — Sur la possibilité de conserver des Hirondelles pendant l'hiver 
| SHhcticoimatities DAPISE Steele mien amandes sen aie eine d'oele o'evate a diet dou a els ee 214 
Caarres MAILLES. — Domestication du Lézard des murailles.........,......... 218 
J. VILBOUCHEVITCH. — L’Atriplez semibaccatum (Salt-bush d'Australie), d’après 
les documents communiqués par le Professeur E.-W. Hilgard............... 221 


Ectraits de la Correspondance : 
Pauz LABBÉ. — Lettre sur l'Elevage, VApiculture et la Pêche dans le gouvernement de 
‘Semipalatinsk................:........... MR NES Ne PRE EN TRS 2977 
Extraits et Analyses: 


P. GERMAIN. — Observations sur les Llamas domestiques des hauts plateaux du Boni, 


4 CE INT RS AR OT ln Se RSR Pan me ann t ai deu ce ge ele ea US 230 
 D° K. KISHINOUYE. — L'industrie des Pêches au Japon........................ 233 


La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


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NOTE SUR LES ZÉBUS DE LA PLAINE DE BONE (1) 


par A. BENGIN, 


Propriétaire-cultivateur à Randon, 
Président du Comice agricole de Bône. 


En 1890, M. Maxime Rabon, grand éleveur de la plaine de 
Bône, fit venir de l’'Hindoustan un couple de Zébus de taille 
moyenne et de couleur blanche. Le Zébu mäle lâché au mi- 
lieu d'un troupeau de Vaches indigènes d’une centaine de 
têtes, engendra des demi-sang mâles et femelles. 

Ces demi-sang, remarquables par l'élégance de leurs 
formes et dépourvus de la bosse caractéristique du Zébu, 
furent pour ainsi dire laissés à l’état sauvage; ils mangeaïent 
ce qu'ils trouvaient dans des terres de pacage, des sols maré- 
cageux en hiver, les versants de dunes sablonneuses au bord 
de la mer. 

Ces pâturages, pourvus de bonnes herbes pendant la saison: 
humide, ne portent en été et en automne que des jones ou des. 
plantes sèches, desséchées, grossières, dédaignées par les Bo-. 
vidés de race indigène. 

Les demi-sang, tenus la nuit en plein air dans des parcs- 
formés de grilles en fer, ne furent mis à l’abri de la pluie, sous. 
des hangars ouverts, que pendant les gros mauvais temps; 
ils ne recurent comme nourriture supplémentaire qu'un pew 
de paille longue de Céréales ou de Lin. 

Doués d'un appétit remarquable, peu difficiles sur le choix 
de leurs aliments, ces animaux croisés grandirent et gros- 
sirent rapidement ; ils se maintinrent en parfait état au cœur 
de l'été, alors que les Bovins de race indigène pure, soumis 
au même régime, maigrissaient fortement ; ils furent comple- 
tement épargnés par la cachexie, la fièvre bilieuse, l’altéra- 
tion du foie, le charbon symptômatique, maladies qui en- 
lèvent annuellement 5 pour cent des effectifs de la race de 
Guelma. 

- Ces demi-sang mâles ont pesé, en moyenne, à un mois, 


. (4) Communication faite en séance générale, le 17 décembre 1897. 
Bull. Soc. nat. Accl, Fr. 1898. — 15, 


210 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


40 kilogrammes, à trois mois, 81 kil, à six mois, 120 kil., à 
un an 233 kil., à deux ans, 356 kil., à trois ans, 430 kil., à 
quatre ans, 470 kil., à cinq ans, 500 kil., alors que le Bœuf 
indigène pèse 200 kil. à sa troisième année, 300 kil. à la qua- 
trième, 350 à la cinquième. 

M. Rabon a vendu quarante de ces demi-sang à Marseille ; 
les bouchers de cette ville ont déclaré que le rendement en 
viande nette était de 58 à 62 pour cent, alors que 48 à 52 pour 
cent forment les rendements ordinaires du Bœuf algérien. 

La chair du demi-sang n'est pas chargée en suif comme 
celle du Bœuf algérien engraissé, elle donne un poids propor- 
tionnellement plus élevé en morceaux de premier choix. 

Les bouchers de Marseille achetèrent la viande nette des 
demi-sang à raison de 148 francs les 100 kilograrumes, alors 
qu'ils n'offraient que 130 francs des 100 kilogrammes de 
viande nette du Bœuf algérien. 

On peut donc considérer le demi-sang comme une bête de 
boucherie avantageuse pour l'éleveur. 

Les Bœufs demi-sang ont été attelés, leur dressage est fa- 
cile à condition de ne pas les brutaliser ; ces Bœufs sont plus 
forts, plus résistants, plus rapides dans leur marche que les 
Bœufs indigènes. 

Dans les fermes de M. Rabon, de la Banque de l'Algérie, où 
on les emploie depuis deux ans au labourage et aux trans- 
ports, on estime que six Bœufs demi-sang font beaucoup plus 
de travail que huit Bœufs indigènes. 

La Vache demi-sang ne donne journellement que 6 à 8 litres 
de lait tres riche en crème; elle est très féconde et donne 
souvent deux jumeaux; cette Vache pèse ordinairement 
100 kilogrammes à six mois, 207 kil. à un an, 237 à deux ans, 
310 à trois ans. 

Plusieurs génisses couvertes à six mois ont donné à quinze 
mois un produit bien viable ; les mères et les veaux ne sem- 
blent pas avoir souffert de cette parturition trop précoce. 

M. Rabon et son beau-frère, M. Paulin, poursuivent dans 
leurs exploitations agricoles des Dunes, de Bordj Anna, de 
Sidi Ranem, une série d'études méthodiques en faisant varier 
la proportion du sang zébu ; ces Messieurs, possesseurs d'une 
grande fortune acquise par trente-cinq années de travaux 
agricoles en Algérie, ne font pas du produit de leurs recherches 
une spéculation; ils ont livré, au prix du cours des bêtes 


pa is: É 


NOTE SUR LES ZÉBUS DE LA PLAINE DE BONE. 211 


indigènes, quelques Zébus pur sang, des Taureaux et des 
Vaches demi-sang. 

Ces livraisons ont été faites à divers propriétaires, à des 
maires, à des groupes d’indigènes, à la condition que les ré- 
sultats des croisements, effectués au gré de chacun, seraient 
portés à leur connaissance. 

M. Boulineau, M. Soual, éleveurs dans la région de Bône, 
MM. Abbo et Hirzel, directeurs des exploitations agricoles de 
la Banque, ont acheté des reproducteurs à M. Rabon; ils ont 
fait venir en 1895 et en 189,6, des Zébus de l'Indo-Chine. Ces 
Zébus, sous poil noirâtre et de plus petite taille que ceux de 
l'Hindoustan, semblent devoir donner par leur croisement 
avec la race indigène des résultats satisfaisants mais moins 
bons que ceux obtenus par M. Rabon; les produits sont trop 
jeunes encore pour qu’on puisse actuellement les bien juger. 

L'élevage du Bovidé, ayant dans ses veines 3/4 de sang de 
Bovin indigène ou 3/4 de sang de Zébu, est considéré comme 
moins avantageux que l'élevage des demi-sang. 

Le Zébu de race pure a une taille moins élevée que le demi- 
sang, il est moins docile, beaucoup plus difficile à dresser; il 
paraît souffrir du froid et de l'humidité même dans la plaine 
de Bône où très exceptionnellement le thermomètre descend 
à 5° au-dessus de zéro, la température en hiver variant 
de 10° à + 200. 

Plusieurs éleveurs de l'arrondissement de Bône ont prié 
M. Rabon de se rendre dans l'Hindoustan et à Madagascar 
pour examiner et juger les meilleures races de Zébus ; M. Ra- 
bon acheterait, pendant le cours de son voyage, un certain 
nombre de taureaux et de femelles pour le compte des pro- 
priétaires de notre région. 

M. Rabon a accepté cette mission, car il prévoit qu'il est 
utile de varier les Zébus reproducteurs de façon à éviter la 
dégénérescence de la race des demi-sang par abus de la 
consanguinité ; il attend pour se mettre en route que la 
peste bubonique ait complètement cessé ses ravages dans les 
troupeaux de l'Inde anglaise. Nous espérons que MM. les Mi- 
nistres de l'Agriculture et des Affaires étrangères voudront 
bien le recommander aux Consuls de France en Orient. 


212 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Les Français cultivant le littoral algérien ont cherché, mais 
sans succès, à acclimater toutes les races bovines de France, de 
Suisse et d'Italie : les croisements de ces races avec les Bo- 
vins de l'Algérie n'ont pas donné des résultats bien avanta- 
geux; ces métis, plus forts que les Bœufs algériens, sont moins 
rustiques et surtout peu résistants à la chaleur, à l'humidité, 
aux maladies. 

La partie nord de l'Afrique française produit sponta- 
nément beaucoup d'herbes, maïs les prairies sont peu soi- 
gnées en général et infectées par beaucoup de mauvaises 
plantes. Nos fourrages ordinairement grossiers renferment 
une assez forte proportion d'herbes non comestibles; il faut 
ajouter quelques litres d'Orge ou d’Avoine à la ration jour- 
nalière des animaux de travail. 

On ensemence en moyenne chaque année dans l'Algérie 
entière : 

1,300,000 hectares en Blé, 
1,400,000 hectares en Orge, 
700,000 hectares en Avoine. 


Les deux tiers des pailles de Céréales, jugées sans valeur 
sont abandonnées sur le sol. 

Nos Bovins n’acceptent de manger la paille qu'en petite 
quantité et seulement pendant l'hiver; ils trient les foins 
secs, refusent généralement les fourrages ensilés, ne se nour- 
rissent volontiers que de grains ou des herbes tendres et 
vertes de la saison pluvieuse ; tous nos Bovins s’engraissent 
au printemps et maigrissent en été, en automne; ils sont en 
somme d'un entretien assez coùteux. 

L'Arabe, possesseur de vastes communaux, fait l'élevage 
sans soin, il arrive à tirer un revenu net de ses jeunes bêtes 
qu'il amène, presque sans frais, jusqu'à l’âge de quatre ox 
cinq ans. 

L'élève d'un Bovin mäle vendu 100 francs à sa quatrième 
année ou d'une Vache du même âge qui vaudra 60 francs au 
marché, ne constitue pas une opération lucrative pour l'agri- 
culteur européen ; les frais de garde, de nourriture à l'étable 
de location des terrains de pacage, les pertes provenant des 
mortalités, couvrent à très peu près les prix de vente. 

Les excellents produits de cette race de demi-sang obtenue 
par M. Rabon permettent au cultivateur français de pratiquer 


NOTE SUR LES ZÉBUS DE LA PLAINE DE BONE. 213 


avantageusement l'élevage sur la terre algérienne, de tirer 
bon parti de pailles et d’herbages inutilisés, d'obtenir des fu- 
miers à bas prix, de rendre rémunérateur le travail agricole, 

L'œuvre accomplie par M. Rabon est donc très importante 
pour le succès de la colonisation. 

Beaucoup de Français quittent chaqne année la Métropole 
pour aller cultiver les terres de la République Argentine. Ii 
faut les renseigner et leur donner des conseils profitables pour 
les retenir sur le sol national. 

C’est seulement la certitude de gagner largement son exis- 
tence qui décidera l’agriculteur de France à se joindre aux 
colons du nord de l'Afrique pour transformer l'Algérie en 
une possession de plus en plus prospère et utile à la France, 


214 


SUR 
LA POSSIBILITÉ DE CONSERVER DES HIRONDELLES 


PENDANT L'HIVER, SOUS LE CLIMAT DE PARIS (1) 


par Paul WACQUEZ, 


Secrélaire général du Standard avicole de France. 


La Sociélé nationale d’'Acclimatation de France s'étant 
tout particulièrement occupée en 1896 et en 1897 de la ques- 
tion des Hirondelles — aucun de ses Membres n’a oublié les 
articles de MM. Magaud d’Aubusson et Rogeron au sujet de 
leur hibernation en nos pays — je crois devoir signaler à 
l'attention de mes collègues en ornithologie, une occasion 
d'observer et peut-être de retenir dans l'ile de France, pen- 
dant les mois d'hiver, un couple de ces petites et charmantes 
messagères des jours ensoleillés. 

Dans la maison que j'habite à Villemonble (Seine), j'ai fait 
exécuter en février et mars 1896 divers travaux de maçon- 
nerie; c’est ainsi que dans la salle à manger, dont la figure 1 
reproduit le plan, a été construite une porte gothique. 

Pendant que les plàtres séchaient, les fenêtres — principa- 
lement la porte-fenêtre donnant sur la cour et le jardin — 
restèrent ouvertes jour et nuit; des Hirondelles entrerent 
dans la pièce et au-dessus de l’ogive de la porte gothique 
bâtirent un nid! (Fig. 2.) 

Elles mirent à construire ce nid une dizaine de jours, n'y 
travaillant régulièrement toutes deux que le matin, de cinq 
à neuf heures environ. 

Les Oiseaux faisaient de fréquents voyages, entrant et 
sortant par la porte-fenêtre, ils apportaient de petites mottes 
de terre qu'ils posèrent d’abord doucement sur le plâtre 
de l’ogive et enfoncèrent ensuite fortement avec le bec; je 
relevai même une petite cavité faite par le mäle dans le but 
de bien tasser la terre, elle mesurait 17 millimètres de profon- 


(4) Communication faite en séance générale le 13 mai 1898. 


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JOSSIBILITÉ DE CONSERVER DES HIRONDELLES PENDANT L'HIVER. 215 


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deur et gardait, quoique la terre füt dure, l'empreinte du bec 
et un peu de la tête de l’Oiseau. Le nid fait, les Hirondelles 


216 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


apportèrent des plumes de Pigeons, qu'elles allaient prendre 
jusque sur le dos de mes Volants (1). 

Vers la fin de mai, la femelle pondit cinq œufs et le couple 
éleva cinq petits, qui abandonnerent le nid et la pièce vers le 
15 juillet pour aller se percher sur un Prunier, à quelques 
mètres de la maison, dans la cour. 

Jusqu'à l’émigration annuelle, les parents seuls rentrèrent 
quelquefois dans la pièce, mais simplement pour y pratiquer 
la chasse aux Mouches. 


Le 11 avril de l’année dernière, une de nos Hirondelles 
revint. Nous lui ouvrimes la porte ; elle entra, se posa sur le 
nid et fut plusieurs jours seule à aller et venir, puis ramena 
une compagne. Je crus m'apercevoir que cette compagne 
n'était pas la même que celle de l’année précédente. La pre- 
miere se tenait, excepté pendant la période d’incubation, per- 
chée sur un plat en faïence ancienne accroché au mur près 
du nid et sortait peu. La nouvelle se posait toujours sur le 
nid et était très coureuse. 

Le couple se réinstalla au-dessus de la porte gothique, net- 
toya le nid, en emportant dans le bec, au dehors, toutes les 
impuretés qui le souillaient, puis livra de grandes batailles 
pour garder ses prérogatives, car d’autres couples — peut- 
être des jeunes élevés précédemment dans ce nid — voulurent 
s'installer dans la pièce et commencèrent la construction d’un 
nouveau nid sur le côté gauche de l’ogive. 

Nous eüumes jusqu'à six Hirondelles qui avec un bruit 
assourdissant se battaient au-dessus de nos têtes. Le couple 
le plus ancien resta maître de la place. 

La femelle pondit quatre œufs, le couple éleva trois petits 
et toute la famille émigra en octobre. 


Dans le courant de ce dernier hiver, je fis poser au-dessus 
de la porte donnant sur la cour, une marquise vitrée. Cette 
marquise, de 1 m. 80 de large, a une inclinaison de 20 degrés 
et cache la partie haate de la porte. En plus, pour éviter l'in- 
vasion des Chiens dans la salle lorsque la porte est ouverte, 


(1) Lorsqu’un de mes Volants blancs volait seul assez haut dans le ciel, les 
Hirondelles d’aleatour se réumissaient en troupe autour de lui et le plumaient. 
Le Pigeon porlait encore, à la poitrine, des traces du larcin et je trouvais de 
petites plumes de Volaut blanc dans le nid de mes Hirondelles. 


POSSIBILITÉ DE CONSERVER DES HIRONDELLES PENDANT L'HIVER. 217 


j'ai fait mettre dans le bas une claie en bois de 1 m. 15 de 
haut. (Fig. 5.) 

Je craignais que ces différents obstacles n'empêchassent les 
Hirondelles de revenir à leur 
nid, ou qu'elles ne voulussent 
passer à travers la vitre de la 
marquise. 

Mes craintes ne furent pas 
justifiées, car le 17 avril, le male 
était de retour et la femelle 
venait le rejoindre le 23. 

Comme l’année dernière, les 
Oiseaux nettoyèrent le nid qui 
contient quatre œufs à la date 
où j'écris (7 mai 1898). 

Je ferme la fenêtre et les 
volets qui produisent l’obscu- 
rité — ceux de l’autre fenêtre 
n'étant presque jamais ouverts 
— aussitôt les Hirondelles rentrées, à cette époque entre six 
et sept heures, et je ne les rouvre qu’à sept heures du matin. 
J'ai même, par curiosité, gardé mes prisonnières jusqu à dix 
heures sans les incommoder. 

Les jours où nous recevons à déjeuner, quel que soit le 
nombre des convives, les Hirondelles vont et viennent libre- 
ment au-dessus de nos têtes; à diner, malgré une grosse 
lampe et un petit lustre allumés, malgré la fumée des cigares 
ou des cigarettes de mes amis, elles reposent paisiblement sur 
les bords de leur nid. 

Je crois donc que, dans ces conditions, il serait facile de 
garder ces Insectivores pendant la saison de l’émigration et 
_ que la seule difficulté qu’on rencontrerait proviendrait de la 
nourriture à leur donner et de la facon de la présenter. C'est 
sur ce point que j'appelle l'attention de mes collègues s'ils 
estiment que ma communication peut être intéressante. 


Fig 5. 


Clos des Boulants, le 7 mai 1898. 


218 


DOMESTICATION DU LÉZARD DES MURAILLES (i) 


par Charles MAILLES. 


Le travail publié par notre collègue M. Rollinat (2) m'a in- 
téressé d’une facon toute spéciale. Depuis plus de quinze ans, 
j'élève des Lézards, et, notamment, Lacerta muralis. J'ai 
publié une courte note relative à la ponte des L. muralis, 
stirpium, viridis et vivipara (3). 

Depuis cette époque, je n'ai cessé de poursuivre mon rêve: 
domestiquer le Lézard des murailles et ses belles variétés. 
Jusqu'en 1894, je n’ai guère éprouvé que des déboires; mais, 
enfin, la réussite a été complète. 

En attendant que je publie un manuel complet de ce genre 
d'élevage, je vais indiquer, brièvement, quelques faits parti- 
culièrement intéressants. 

Depuis l’année 1886. j'ai pu constater que toutes mes fe- 
melles de Lacertaimuralis \éype),comme aussi celles de L. stir- 
pium, effectuent normalement une double ponte annuelle (la 
variété napolitaine fait, souvent, une troisième ponte). Je 
pense être le premier ayant constaté ce fait. contraire à la 
croyance générale, qui n'admet qu’une reproduction par an. 
Le nombre des œufs diminue à chaque ponte. 

L'incubation se fait sans difficulté. Le moyen qui me réus- 
sit le mieux consiste à récolter les œufs, aussitôt pondus, et 
à les placer sous châssis, dans du terreau de bois, ou de la 
terre de bruyère, à deux ou trois centimètres de profondeur. 
Il faut les entretenir légèrement humides, et le chàässis doit 
recevoir un peu d'ombre et être aéré, comme s'il s'agissait de 
semis ou de boutures. La durée de l’incubation est variable ; 
deux mois, environ, pour les œufs de la première ponte; un 
peu moins pour ceux de la seconde. Pendant les premiers 
jours qui suivent l'éclosion, les jeunes sont assez difficiles à 
nourrir, à cause de la petitesse nécessaire des proies qu'ils 


(1) Extrait d’une iettre adressée à M. le Secrétaire général, lue en séance 
générale le 14 janvier 1898. 

(2) Bull. de la Soc. d'Acclimatation, juillet 1897, page 281. 

(3) Zhid., mars 1887, p. 193. 


DOMESTICATION DU LÉZARD DES MURAILLES. 218 


doivent avaler, et qui consistent surtout en Pucerons verts, 
chenilles de Microlépidoptères, très jeunes Araignées, etc... 
Chez la variété type, il est habituellement facile de recon- 
naître les sexes, dès la naissance ; cette distinction est plus 
difficile pour les jeunes de la variété napolitaine. 

La croissance a lieu d’une façon aussi variable que chez la 
plupart des autres Vertébrés inférieurs. Nourriture, tempé- 
rature, le milieu, en un mot, influent beaucoup. Dans les con- 
ditions les plus favorables, ces Reptibles sont aptes à la re- 
production vers l’âge de dix-huit mois à deux ans. 

Les Lézards, et particulièrement l'espèce qui nous occupe, 
vivent bien en captivité, pendant la belle saison ; ils y repro- 
duisent très volontiers, même dans des cages de petites di- 
mensions. Il suffit de leur fournir une alimentation variée, 
de l’eau pour boire, et de les garantir de la trop grande 
ardeur du soleil ; beaucoup d’air. 

Un garde-manger constitue une cage économique et pra- 
tique. 

La vraie difficulté consiste à leur faire passer l'hiver. Tous 
ceux qui ont tenté ce genre d'élevage seront de mon avis. Ce 
n’est que depuis 1894, et après de nombreux et infructueux 
essais, que j'ai pleinement réussi. 

Je laisse de côté, ici, l'hivernage naturel, peu praticable 
dans les villes; il n’est bon à conseiller que dans les cas où 
l’on peut réellement imiter ce qui se passe à l’état de liberté. 

Il est donc question de garder nos animaux dans les ap- 
partements, dans de petites cages vitrées latéralement, et 
soumis à la température ordinaire de 10 à 15°. 

Les Lézards adultes, en hiver, refusent ordinairement toute 
nourriture, où à peu près, même soumis à l'influence d'une 
chaleur assez forte ; par contre ils boivent volontiers. IL faut 

donc les nourrir en les abreuvant. 

Durant ia mauvaise saison, l'estomac de ces Sauriens ne 
fonctionne que tres imparlfaitement; surchargé de nourriture, 
il ne peut la digérer, les aliments se corrompent, et la mort 
survient bientot. 

Les jeunes de l’année mangent un peu l'hiver. Les uns et 
les autres seront exposés aux rayons du soleil, autant que 
possible, pendant l'hivernage. 

Il résulte de tout ceci qu'il ne faut pas songer à ingérer de 
force la nourriture. Quant aux boissons, le lait, pur ou coupé 


220 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


d'eau, ne m'a pas donné de bons résultats ; le bouillon ordi- 
naire, salé, non plus. Le sel ne vaut rien pour ces Reptiles. 

En désespoir de cause, j'ai songé aux extraits de viande; 
ayant sous la main du Liebig, je m'en suis servi. Succès com- 
plet ! Depuis trois hivers, aucun décès. Le bouillon doit être 
léger, couleur infusion de Tilleul. Trop fort, il y a risque 
d'empoisonnement, comme il est dit plus haut. (Renouveler 
cette préparation tous les jours.) 

Bien entendu, cette préparation remplace l’eau, de novem- 
bre à mars, seulement, et, lorsque le soleil brille, on peut of- 
frir des Vers de farine aux petits captifs, surtout vers la fin 
de l'hiver; les Lézards, ainsi entretenus en bon état, man- 
gent plus tôt que de coutume, et ne souffrent nullement de 
l’hivernage. 

Comme moyen de capture, l'emploi de petites nasses en 
toile métallique, que je fabrique moi-même, me satisfait plei- 
nement; amorcées avec des larves de Ténébrion, les Lézards 
gris, très curieux, y pénètrent sans défiance, et il n’y a pas 
de ruptures de queues à craindre. Pour terminer, je dirai 
que les nombreuses variétés du Lézard des murailles se croi- 
sent entre elles, à volonté (1). 


(1) Je suis, en attendant un travail plus détaillé, à la disposition de mes col- 
lècues, pour tous renseignements concernant cet élevage. 


+9 
19 
= 


L'ATRIPLEX SEMIBACCATUM 


SALT-BUSH D’AUSTRALIE 


RECOMMANDÉ POUR LES TERRAINS SALANTS EN CALIFORNIE 


par J. VILBOUCHEVITCH (1). 


Cette plante, sur laquelle feu le baron F. von Mueller à été 
le premier à attirer l'attention des agronomes californiens et 
dont il leur a fait parvenir les premières graines, éveille en 
ce moment en Californie de si grandes espérances que les 
Membres de la Sociélé d’'Acclimalation nous sauront proba- 
blement gré de leur donner quelques détails sur cet Atriplex 
et sur l'expérience, d’ailleurs très courte, dont elle vient 
d'être l’objet en Californie. 

Dans une lettre à un ami, datée du 3 décembre 1895, 
M. Hilgard écrivait : « L’Atriplex semibaccalum occupe 
chez nous déjà 4,000 acres; des milliers d’acres de plus au- 
raient été d'ores et déjà consacrés à l'essai de cette plante si 
nous avions pu mettre à la disposition du public les graines 
nécessaires. Nous en avions récolté 200 livres anglaises; une 
quantité relativement considérable en a été adressée par nous 
à la maison Vilmorin. » 

Le Bulletin 109 de la Station de Berkeley, paru en novem- 
bre 1895 sous la signature de M. E.-J. Wickson, directeur- 
adjoint, donne la photographie d’un exemplaire de huit mois 
qui à une taille de plus de 4 pieds anglais, et, dans la partie 
supérieure, une épaisseur d'environ 2 pieds, toutes les pousses 
étant ramenées dans la même direction pour les besoins de la 
figuration; une autre photographie, donnée dans le même 
Bulletin, faite dans les conditions naturelles, donne du port 
de notre Salt-bush une idée plus conforme à la vérité. M. Jaffa, 
premier assistant de la Station, le décrit dans le Bulletin 105, 
du mois d'octobre 1894, comme un buisson étalé, à branches 


(1) Communication faite à la séance générale du 25 mars 1898; d’après les 
documents communiqués par le professeur E.-W. Ililgard, directeur de le 
: Station agronomique de Berkeley (Californie), 


Rs Sd. + 6 de AT 


222 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


2 ei 


graciles extrêmement nombreuses, abondamment garnies de 
petites feuilles, courtes et étroites (longueur un demi-pouce à 
trois quarts de pouce sur 1/8 à 3/16 de pouce de large); la 
touffe forme sur le sol une couche circulaire verte, épaisse de 8 
à 10 pouces; l’exemplaire de la photographie ci-dessus men- 
tionnée, semble recouvrir un espace d'environ 5 pieds de 
diamètre; des individus, mis à demeure sur des terrains sa- 
lants caractérisés, à l’état de jeunes plants, paraissent avoir 
atteint, vers la fin de la saison, jusqu'à 16 pieds de diamètre. 
Les fleurs sont fort modestes, par opposition aux fruits, 
cordiformes, longs d'environ 1/10 de pouce, d’un rouge bru- 
aûtre. La plante est vivace. 

Les agronomes de Berkeley calculent le rendement d’une 
coupe, d’après une expérience faite sur une petite parcelle d’es- 
sai (la dimension de cette parcelle d’essai n’est pas indiquée, 
ge qui est regrettable) à 20 tonnes par acre en fourrage vert, 
correspondant au taux de 5 °/, d’eau, à 5 tonnes de matière 
sèche. M. Wickson émet l'espérance que deux pareilles coupes 
pourront être faites chaque saison. En composant la ration de 
trois unités de Salt-bush à l’état vert et d'une unité de foin 
ordinaire, les Chevaux et le gros bétail s’en trouvent, parait- 
il, à merveille; les Moutons et les Porcs consomment tel quel 
sans difticulté, le Salt-bush vert. 

« À en juger par les essais faits dans le courant de 1895, dit 
M. Wickson dans le Bulletin de novembre 1895, cité plus 
haut, tant sur les terrains salants de Tulare appartenant à 
la Station que dans les propriétés d’une foule de particuliers 
auxquels la Station avait fourni des graines ou de jeunes 
plants, la résistance de ce Salt-bush au salant est au-dessus 
de tout éloge... Nos cultivateurs de la région à salants sont 
tellement impressionnés par notre nouvelle introduction, 
que des correspondants enthousiastes nous écrivent qu’à elle 
seule, elle suffirait à justifier tout l'argent que la Station a 
coûté à l'État depuis sa fondation. » M. Wickson, sans re- 
prendre pour son compte ce langage hyperbolique et peut- 
être quelque peu prématuré, pense tout de même que l’in- 
troduction en Californie de la culture de l'Alriplex semi- 
baccalum semble devoir marquer un jour une phase des 
plus honorables dans l'histoire de la Station de Berkeley. 

Si la culture de cette plante doit réellement s'établir dans 
le pays à titre définitif; si l'accueil chaleureux du premier 


L'ATRIPLEX SEMIBACCATUM. 228 


moment ne se change pas quelque jour en désappointement, 
comme cela a eu lieu dans de nombreux cas analogues, pré- 
sents à la mémoire de tous ceux qui s'intéressent à l’acclima- 
tation, le jour du premier semis de l’Alrinlex semibaccalum 
à la Station de Tulare pourrait bien, en effet, devenir une date 
mémorable dans l’histoire de l’agriculture des terrains salants, 
et c’est à von Mueller, qui, pendant plus de quinze années, ne 
s’est pas lassé de distribuer des graines d’un nombre assez con- 
sidérable d'espèces de Salsolacées fourragères d'Australie, à 
tous les établissements botaniques du monde (1), que revien- 
drait, en première ligne, l'honneur de cette belle conquête; en 
seconde ligne, de bon droit, à la Station de M. Hilgard, dont 
l’organisation pour la distribution des nouveautés, en matière 
d’acclimatation de végétaux (2), est tout à fait excellente. 

Comme procédé de culture, M. Wickson recommande pro- 
visoirement de préférence le semis en caisse ou sur piate- 
bande, avec couverture très mince; la transplantation à 
demeure sur le salant peut être faite aussitôt que les jeunes 
plantules se seront tant soit peu constituées; en raison de la 
propriété du Salt-bush de s’étaler, on mettra des plants à 
quelques pieds de distance les uns des autres. Pour le semis 
direct sur place, il suffirait de répandre les graines sur le 
Salant, tout superficiellement, pourvu qu'une pluie vienne 
immédiatement après et que la température ne soit pas trop 
basse; cependant cette seconde manière serait quelque peu 
risquée. 

Une fois que le Salt-bush a pris possession du terrain, il se 
ressème abondamment tout seul. 

Il y a quelques années, nous avons déjà parlé, dans la 
Revue des Sciences naturelles appliquées, des essais que la 
Station de Berkeley avait fait faire alors par certains de ses 


(1) Jean Vilbouchevitch. Zes plantes wiles des terrains salés. (Mém. de la 
Soc. nat. d'Agriculture de France, T, CXXXIV, 1890, p. 653). — Za question 
des « Salt-bushes ». (Rev. des Sciences nat. appliquées, Bulletin ée la Soc. nat. 
d’Acclimatation de France, 20 fév. 1893). — Renseignements sur les plantes des 


terrains salants (Ibidem, 20 avril 1893). — Zes nüturages du Cap de Bonne- 
Espérance (Ibidem, 20 sept. 1893). — Za question des Salt-bushes. — L'Atriplex 
nummularia (Ibidem. 5 décembre 1894). — E. W. Hiigard. Considérations sur 


les terrains salants et alcalins (Bull. des séances de la Soc. nat. d’Agricul- 
ture de France 1893, p. 231). 

(2) Voy. E. W. Hilgard. Zes Stations agricoles et d'acclimatation en C'ah- 
1ornie Revue des sciences naturelles appliquées, Bulletin de la Soc nat. d'Ac- 


climatation de France, 1893, ‘er semestre, p. 433). 
…— 


224 _ BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


correspondants avec l'Atriplexz nummularia, et qui parais- 
saient assez satisfaisants ; {es différents Bulletins de 1894 et 
de 1895 n'en parlent plus, ce qui est mauvais signe. Au cha- 
pitre « Salt-Bush » du Bulletin 106 (décembre 1894, 
M. Wickson se borne à dire : « Depuis douze ans, nous avions 
essayé, en profitant d’envois de graines de la part du baron 
von Mueller, différents Atriplex — vulgo « Salt-bushes » — 
nous en avions distribué, en quantité limitée, des graines et 
des plants ; mais l'essai fait à notre succursale de Tulare avec 
l'Atriplex semnibaccalum est le premier qui ait donné des 
résultats pratiques d’une réelle importance... » 

Dans le Bulletin 109, il est question d’un autre Atr1i- 
pleæ encore, l'A. leptocarpa, originaire de l’est de l’Aus- 
tralie, provenant également du baron von Mueller, et qui va 
être expérimenté comparativement avec l'A. semibacca- 
tum à la succursale de Tulare et chez plusieurs correspon- 
dants de la Station ; de même — d’une plante du Chili, 
introduite on ne sait comment sur des salants du Kern County 
et dont un certain M. A. B. Leckenby, de Bakersfield, aurait 
adressé des spécimens à Berkeley, avec prière de les déter- 
miner, en ajoutant que la plante végète d’une manière luxu- 
riante sur des terrains salants caractérisés, sans irrigation ; 
que les Moutons la broûtent avidement, que les Chevaux 
paraissent s’en trouver aussi bien que de la Luzerne ; que les 
Vaches la préfèrent à cette dernière et donnent à ce régime 
davantage de lait. 

La plante se trouva être le Modiola decumbens; une 
analyse chimique révéla une richesse en matières albumi- 
noïdes égalant presque celle de la Luzerne. En s'appuyant 
sur ce qui a été observé dans le Kern County, M. Wickson 
pense que cette plante pourrait bien avoir de la valeur pour 
les sols secs et désertiques, fussent-ils fortement salants ; 
mais, en même temps, il met ses lecteurs en garde contre le 
danger que le Modiola présente par la faculté qu'ont ses bran- 
ches, étalées comme celles de l'A. semibaccatum, de s’enra- 
ciner au contact du sol — caractère qui menace de le rendre 
inexpugnable, une fois introduit ; la Station de Berkeley dis- 
tribue quand même des graines, à titre d'expérience, en aver- 
tissant ceux qui voudraient en faire l'essai de ne le tenter 
qu’en des endroits inutilisés et éloignés des terres cultivées. 
Nous aurons terminé l'exposé de ce qui concerne, dans ces 


L'ATRIPLEX SEMIBACCATEM. 225 


récentes publications de la Station de Berkeley, les plantes 
pour terrains salants, si nous mentionnons encore que le 
Bulletin 105 contient une étude chimique fort détaillée de l'A. 
semibaccatum, par M. Jaffa, dont les résultats concordent 
plus ou moins avec ce qui a été trouvé pour différents Salt- 
bushes par M. Dixon, le chimiste australien, dont les chiffres 
ont été donnés par E. Raoul äGans le 1% volume du Manuel 
des cuillures tropicales. 


P. S. — Les documents qui ont servi à composer cette 
notice datent de 1894 et 1895, ce qui, pour une nouvelle intro- 
duction, est déjà un peu inquiétant ; on pourrait se demander 
si le temps n’a pas donné un démenti aux belles espérances 
des agronomes de Berkeley. J’ai donc cru prudent de me 
renseigner encore auprès de M. Hilgard et voici ce qu’il 
m'écrivit, à la date du 24 novembre 1897 : 

« Je n'ai rien de nouveau à dire sur notre Salt-bush ; sa 
culture continue à s'étendre ; le seul reproche que lui font des 
personnes négligentes est que les graines sont difficiles à 
faire lever. Je conseille donc de semer en caisses, au premier 
printemps; pour la transplantation à demeure, il faut espacer 
de 6 ou de 8 pieds en tous sens, selon le climat et le sol. 
Généralement le sol se trouve couvert en une seule année, 
et s’il reste des endroits dénudés, ils se comblent par 
ressemage spontané. Aucun de nos correspondants ne nous 
a signalé de difficultés pour le faire manger aux bêtes, ni de 
mauvais effets de cette alimentation. Nous nous sommes aper- 
çus que notre Salt-bush prospère même, en dehors des ter- 
rains salants, dans des sols sablonneux ou légers et profonds; 
nous sommes en train de faire analyser les cendres de cultures 
faites dans ces conditions et nous nous attendons à constater 
que notre plante ne fait que supporter le salant sans en avoir 
besoin autrement que comme moyen pour traverser plus 
facilement les époques de sécheresse, le salant diminuant 
l'évaporation; cette année, nous avons vu le Salt-bush 
résister à six mois de sécheresse continue, dans des terrains 
dépourvus d'irrigation artificielle. 

Nous avons expérimenté beaucoup de Salt-bushes aus- 

Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 16. 


226 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ii 


traliens, et je comptais même beaucoup sur deux d’entre 
eux : les À. leplophylla et A. vesicaria ; mais aucun ne vaut 
l'A. semnibaccata (nous adoptons pour Atripleæ le féminin en 
dépit du baron von Mueller). Les uns lui sont inférieurs comme 
rendement; les autres ont un port défectueux, des tiges trop 
épaisses ou trop dures; aucun n’est mangé en vert aussi 
volontiers que le sernibaccala que nos cultivateurs manient 
presque comme si c'était de la Luzerne. Quant au foin, il 
peut, parfois, étre trop salé même pour les Vaches lorsque le 
Salt-bush provient d'un terrain salé, à prédominance de sel 
marin (chlorure de sodium), mais les terrains salants orli- 
naires de la Californie, alcalins, à prédominance de sel de 
Hauber (sulfate), fournissent un foin absolument pareil au 
foin ordinaire. Aucun des autres Salt-bushes ne se prétait à 
ce genre d'utilisation. 

Des botanistes du Ministère ont voulu nous imposer des 
Salt-bushes indigènes — plusieurs espèces qui croissent entre 
la Sierra Nevada et les Montagnes Rocheuses, dans la Région 
du Grand Bassin, — mais les éleveurs de cette région ne les 
considèrent pas comme un bon fourrage. Cependant, sur le 
versant calilornien de la Sierra, nous avons une Salsolacée 
tres recherchée par le bétail de toute espèce et que nous 
avons mise en essai, mais je ne crois pas qu'elle vaille l’A. 
semibaccala. » 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 


SUR L'ÉLEVAGE, L'APICULTURE ET LA PÊCHE DANS LE GOUVERNEMENT 
DE SEMIPALATINSK. 


£Eeitre de M. Paul Labbé (1). 


Saint-Pétersbourg, 24 novembre 1897. 

« Je voudrais aujourd'hui dire quelques mots des occupations popu- 
laires dans les districts que j'ai traversés : je prendrai comme type 
le Gouvernement de Semipalatinsk. 

J'ai de nombreux chiffres, car partout où j'ai passé, les Gouver- 
neurs ont bien voulu me communiquer les comptes rendus annuels eè 
officiels dressés par leurs chancelleries. 

Ce qui m'a surtout intéressé pendant mon voyage, c’est l'étude des 
Kirghizes et avant tout les Kirghizes nomades. Pour ceux-ci, l'élevage 
du bétail est la seule préoccupation de la vie. Le Kirghize n’est plus 
un homme, mais une chose qui vit et se meut d’après les nécessités 
du bétail. C'est tellement vrai que jamais un Kirghize ne vous répond 
s'il fait beau temps ou mauvais temps: pour lui, beau temps ne signi- 
fie pas soleil, mauvais temps ne veut pas dire pluie ou vent; on m'a 
souvent dit chez les nomades : aujourd'hui nous avons beau temps 
quand il pleuvait. Pour le Kirghize beau temps signifie temps favo- 
rable au troupeau. 

Une autre et bien curieuse preuve de la facon dont le Kirghize n'est 
que, pour ainsi dire, la chose de son bétail, est la suivante. J'avais 
remarqué que la langue kirghize était peu riche, mais que par contre 
chaque brin d’herbe avait un nom : je pouvais rassembler trente ou 
quarante herbes différentes et toujours le Kirghize interrogé par moi 
m'en disait le nom. Un jour cependant, j'eus beau interroger tout le 
village, même les vieux, nul ne put me dire comment s'appelait une 
plante que j'avais ramassée. J’eus l'explication de ce fait quelques 


_ jours plus tard : un juge de village me dit : «Nous savons le nom des 


plantes utiles ou nuisibles au troupeau, mais une plante que nos bêtes 
ne mangent jamais, comme celle-ci, à quoi bon lui donner un nom !». 

Le Cheval kirghize connaît à peine l’Avoine et le gros bétail ne se- 
nourrit presque jamais de foin. La place qu'occupent les bêtes pen- 
dant l'été dépend surtout de la nature de la flore. Aïnsi dans les vo- 
lostes du district de Karkaralinsk, le gros bétail est au Nord, les Che- 
vaux et les Moutons au Sud; dans les endroits couverts par l'Absinthe,. 
la Stipe et par ce que les Kirghizes nomment tchi et kokpek, se trou— 
vent les Chameaux. 


(4) Communiquée par la Société de Géographie. 


228 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Le Cheval kirghize « pur sang » a du train et de l'endurance; il 
est peu sujet aux influences atmosphériques. 

Les derniers chiffres relalifs au bétail ont été donnés cette année, 
pour l’année 1895, par le Comité de statistique de Semipalalinsk : 


CHETAUX---- ----ermcrt : 549.834 21° 
Grosbéal 15:00 291.369 11°, 
Pet bétail es EC CL ere 1.709.404 65°}, 
Chinitaux 225$: (ENS 9 61.602 2,3 °c, 


On voit que dans l’oblaste de Semipalatinsk, le gros bétail et les 
Chameaux sont peu nombreux. 

L'année 1895, la dernière dont les résultats seront publiés dans les 
Gouvernements de la steppe et du Turkestan, fut très favorable au 
bétail, elle fut épargnée par la famine à l’automne et au printemps, 
bonheur rarement réservé au bétail. 

Le nombre des bêtes se répartissait ainsi dans chacun des districts, 
— des ouièzdes : 


TABLEAU 
DISTRICTS. NOMBRE. 
COMPARATIF. 
Sermipalatinsk............. 688.627 26,3 °/o 
ÉTÉ OR REA os ee . 354.243 149 0/, 
Oustkamienogorsk ......... 301.224 11,5 °/0 
Paoladars ie NET EURE 911.:64 21,8 °/o 
Karkaralinske: #2 666.351 20/5 


On peut constater de suite, que de beaucoup, le bétail est en plus 
grand nombre sur la rive gauche de l'Irlych. 
La peste, venue deux fois du Semiretché, désola les districts de Se- 


-mipalatinsk, de Zaïsane et de Karkaralinsk. Rien qu’en la ville de 


Semipalatinsk, 174 bêtes succombèrent. Une loi du 3 juin 1879 or- 
donne d abattre tout animal atteint. On m'a cite telle année où dans 


-certains endroits 60 0/0 du bétail mourut. 


Les autres maladies que j'ai notées dans mon exploration sont la 
morve, la peste sibérienne, la congestion pulmonaire, et surtout, pour 
les Brebis, la gale. 

Eu outre, le bétail a des ennemis nombreux, les Loups et certains 
Insectes. L'Araignée, appelée Karakourte pique le Chameau qui en 
meurt. 

On donne comme chiffres des bêtes mangées par les Loups en l’an 
1895, 48,112; et ce chiffre est un minimum; en voici la répartition : 


Éevaux: 07. LiLu pee 8.693 17,9 °/e 
Gran bétail: 5. 22:5 000 4.239 87°/o 
Peu bébil.. 2 2 0e 31.848  719°/ 


Chameauxe 5-2" 2e 632 L8°/o 


mt. 


] 


EXTRAITS DE LA CORRESPONBANCE. 2% 


Les chiffres que m'ont donnés les Kirghizes nomades au sujet du bétail 
mangé par les Loups sont beaucoup plus élevés. Certain Sultan m’a 
parlé de vingt à trente Chevaux sur milie, quinze à vingt-cinq Bœufs, 
et sur mille Moutons, quelquefois jusqu’à deux cents. Dans les nuits 
sombres où les Loups nous entouraient nombreux, j'admirais le calme 
et le sang-froid des maîtres qui ne bougeaient pas, entendant les bêtes. 
crier. « Pourquoi me tourmenter, me dit un jour l'un d’eux, je sais 
combien de têtes je dois au Loup, il n'en prendra pas davantage. » 

Voilà aussi pour chaque tente, le chiffre moyen donné par les vété- 
rinaïires. 

Il y a dans les districts suivants la moyenne suivante pour chaque 
yourte : 


GROS PETIT 

DISTRICTS. CHEVAUX. : ; CHAMEAUX. TOTAL. 
BETAIL. BETAIL. 

Semipalatinsk.... 6,8 2,8 18,4 0,6 28,8 

LESC OUEN 4,3 2,9 28,4 0,4 39,8 

Oustkamiénogorsk 4,5 m9 11,3 0,1 18 

Paolo enonese 4,8 6,3 11,6 0,2 224 

Karkaralinsk..... 3 1,4 18,2 0,8 23,9 


En moyenne un Chameau coûte 30 roubles, un Cheval 20, un Mou- 
ton 2, une Chèvre 1,50, une tête de gros bétail 10. 

Il est, à mon avis, certain que l’élevage est dans le Gouvernement 
tout entier, surtout à l’est de l’Irtych, en décadence déjà appréciable. 
Il serait trop long de vous donner aujourd hui les raisons de celte dé- 
cadence, qui dépend de raisons économiques et des habitudes primi-- 
iives des propriétaires. 


Un mot d'une autre richesse du pays qu'à Baïau-Aoul j'ai pu étu- 
dier : l’apicuiture. 

C'est à la fin du siècle dernier que les Abeilles furent apportées du 
Gouvernement de Kiev dans le district d'Oustkamienogorsk. Là, grâce 
à l'excellence de la flore de l’Altaï, les résultats furent brillants. Le 
miel est apporté aux foires d’Irbit et de Nijni-Novgorod. Ce sont sur- 
tout les Cosaques qui s’occupent d’apiculture. , 


MiEL. CIRE. 


DISTRICTS. RUCHES. 
Poids en pouds. 


L] 


Oustkamienogorsk ..... 14.662 4.770 1/2 353 1/2 
Aaieanee elec 424 122 3/4 10 1/2 
Semipalatinsk ......... 204 95 3/3 le 
Baolada rer. co 10 5 1/2 I 


230 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


On voit qu'il n'y a pas de ruches dans le disirict de Karkaralinsk, et 
je crois que dans celui de Paoladar, il n'y a d’apiculture que dans 
deux endroits à Baïau-Aoul et le bord de l'Irtych à Ilamychevsky. 


* 
#  * 


Quant au Poisson, qui est une richesse aussi pour le pays, voici les 
renseignements que j ai pu rassembler. 

Les Kirghizes ne mangent pas de Poisson, j'ai souvent demandé si 
telle rivière et tel lac sur les bords desquels je passais en pleine steppe 
kirghize, conlenaient du Poisson. Le Kirghize me résondaïl : Dieu sait ! 

Ce sont les Cosaques qui s'occupent du commerce du Poisson sur 
les bords du lac de Zaisau, du lac Balkach, des fleuves de l’Irtych et 
du Tchou (le district de Karkaralinsk va au Sud jusqu’à cette rivière). 

Une Société, depuis 1886, donne le droit de prendre le Poisson. Il y 
a trois périodes (1e7 avril-1*7 juillet, puis 1°" juillet-1er novembre, puis 
1° novembre-1e" avril). Pour la première période on paie 5 roubles 
par homme, 10 roubles pour la seconde, et enfin pour la troisième 
quelques légères taxes s'ajoutent à ce dernier prix. 

Les grands centres de commerce pour le Poisson sont Oustkamie- 
mogorsk, Semipalatinsk et les stations de Dolousky et de Sémiarsk 
sur l'Irtych. Les Poissons conservés son! dirigés vers la Russie et sur- 
tout vendus aux foires d’Irbit et de Nijni-Novgorod. 

Les Poissons pris dans le Balkach et le Tchou au sud du Gouverne- 
ment sont dirigés vers Aoulié Ata. 

Les cbiffres qui chaque année prouvent que le commerce augmente, 
font présumer que ce trafic est pour l’aveair d’une importance inap- 

_préciable pour le pays. » PauL LaBBf. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


OBSERVATIONS SUR LES LLAMAS DOMESTIQUES DES HAUTS PLATEAUX 
DU BÉNI, EN BOLIVIE (1) 


par P. GErMaIN. 


L'Indien Aymara est presque exclusivement pasteur. On-.le ren- 


(4) Extrait de la relation d’un voyage d’Asuncion (Paraguay), à Molendo 
(Pérou), publiée en avril 1898, dans les Actes de la Société scientifique du Chili, 
vol. VII, 4897. L’orthographe du mot Llama est conforme à celle du texte ori- 
ginal, Toute la responsabilité des opinions émises est naturellement laissée à 
l’auteur, 


EN 


EXTRAITS ET ANALYSES. 231 


contre à peu près exclusivement sur les hauts sommets des montagnes 
où, sous le nom de Akijaderos, il fait pâturer d'immenses troupeaux 
de Moutons et de Llamas. 

C’est lui qui a la spécialité de l'élevage de ces derniers et lui seul 
sait s'en servir comme bêtes de somme. Jamais il ne les frappe ; 
à peine leur parle-t-il. Leur demandant toujours la même chose, 
il les pousse un peu ayec la main; la force de l'habitude fait 
le reste. 

Il est à remarquer que les mâles seuls travaillent. Quant aux 
femelles, elles restent constamment et rigoureusement sous la garde 
des femmes, qui, seules, ont le droit de les approcher. Je pourrais 
donner l'explication de cette coutume, mais il me faudrait parler 
Tatin: . 

Le Llama, on le sait, est un Ruminant du genre Chameau, mais 
sans bosse. Les animaux de ce genre, qui sont ainsi faits, forment un 
groupe propre à l'Amérique du Sud et composé de quatre espèces : le 
Guanaco, la Vigogne, l'Alpaca et le Llama. 

Cette dernière n'existe nulle part à l’état sauvage ainsi du resle 
que l'Alpaca, et jai usé ma sagacité de naluraliste pour tâcher 
de découvrir son origine. J'ai tout lieu cependant de supposer 
que cet animal vient du Guanaco et que les différences qu'il pré- 
sente avec celui-ci sont simplement le résultat de la domestication, 
laquelle a dû être opérée à une époque très reculée par les Péru- 
VIERS RE 

Les principales différences auxquelles je fais allusion consistent 
d'abord dans la livrée qui, au lieu d’être d'un fauve uniforme, est 
blanche, fauve, noire, rousse, grise et même souvent bariolée; en 
outre, la taille est plus forte, le corps plus trapu, les jambes et le cou 
plus courts et enfin les extrémités des oreilies sont, par moments, 
crochues en dedans et presque contiguës. 

Tous ces caractères peuvent néaumoins varier et présenter des tran- 
sitions, ainsi il existe dans les troupeaux de Llamas des individus 
si semblables à des Guanacos que je me demandais en les voyant si 
ce n’était pas quelques-uns d'enire eux qui s’y étaient joints. 

Enfin j'ajouterai, à l'appui de ma thèse, cette circonstance singu- 
lière que les organes génitaux du mâle sont faits de telle sorte que, 
à l’état de liberté, ces animaux ne se reproduiraient pas. D’après les 
Indiens, il faut absolument leur aide pour que le coït puisse avoir 
lieu. L'époque désignée pour cette copulation est, pour les tribus, le 
sujet de grandes fêtes. 

Rien n'est curieux corme la vue d’un troupeau de Llamas, ma- 
nœuvrés par leurs conducteurs dans les vallées de ces hautes mon- 
tasnes. Chez ces animaux, l'expression dominante est la curiosité unie 
à une douceur extrême. Un tout pelit bêlement, bien plus court et 
moins bruyant que celui du Mouton. C'’esl lout ce qu'ils se permettent 


232 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


pour faire connaître leur opinion. Cependant ils se mettent parfois en 
colère ; alors ils crachent sur. vous, comme c’est l’habitude chez tous 
les animaux de ce groupe. Quand ils ont perdu toute mesure, ils vous 
donnent un coup de pied, et ce coup de pied est tel que celui qui en 
a reçu un n'en demande pas deux ; une ruade de Mule n'est rien en 
comparaison de celle du Llama. 

Ces animaux sont d’une docilité dont on n’a pas d'idée. Quand leurs 
conducteurs veulent les charger, ils les réunissent en un groupe serré 
sur un point quelconque de la prairie. Trois ou quatre Indiens suf- 
fisent pour une cinquantaine de Llamas, et ils enveloppent ce groupe 
d’une corde de laine grosse comme le doigt; mais on m'a assuré qu’un 
fil serait suffisant. 

Puis avec la main, on leur fait tourner le derrière en dehors; cette 
opération s'exécute avec une telle facilité que l’on dirait des jouets de 
carton que l’on arrange suivant son caprice. 

Cela fait, le cou de tous les Llamas étant à l’intérieur, on :es enlace 
tous au moyen de deux autres cordes semblables à celle du dehors 
que l’on croise en faisant une suite de 8 ; chaque cou occupe l'une 
des boucles. 

Pas un cri, pas un mouvement ne vient déceler une velléité d’insu- 
bordination cu même d'impatience. Toute idée de révolte semble 
inconnue à ces animaux et tous attendent avec résignation ce qu'il 
plaira au Destin de faire d'eux. L'espèce humaine ferait bien de venir 
prendre un peu exemple sur ces bêles-là. 

On procède alors à leur chargement. La première fois que j'y assistai, 
c'étaient des Pommes de terre que les Llamas devaient transporter. Les 
Indiens les avaient placées par 25 à 30 kilos dans des sacs allongés qui 
étaient loins d’être remplis ; ils en plaçaient un sur chaque Llama en 
l’arrangeant en forme de besace, mais sans aucune espèce de bäl, puis 
l’attachaient, toujours au moyen d’une corde de laine, — tout est en 
laine ici — faisant cinq ou six tours autour du corps. Quands ils 
étaient chargés, ils sortaient généralement du groupe, s'accroupissaient 
et ruminaient tranquillement. 

Poùr s’accroupir, ces animaux s'agenouillent aussi bien des jambes 
de derrière que de celles du devant ; ils se couchent sur le ventre et 
jamais sur le flanc. 

Les Llamas ont beaucoup de laine. Quand elle est ancienne, elle se 
feutre et pend sous le ventre en longues stalactites ; mais on les tond 
souvent, car les Indiens font de leurs toisons non seulement leurs 
habits, mais encore leurs frondes, cordes, lazos, ainsi que les harnais 
de leurs Mulets. Beaucoup ne les tondent que partiellement comme 
nous le faisons aux barbets, puis les ornent de rubans rouges, jaunes, 
verts, etc. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 233 


L'INDUSTRIE DES PÊCHES AU JAPON 


par le Dr K. KiIsHINOUYE, 


Membre du Bureau Impérial des Pêches à Tokio. 


L'Empire du Japon est constitué par un grand nombre d'iles for- 
mant une très longue chaîne qui borde le continent et s’étend entre 
le 29° et le 51° de latitude Nord et le 119° et le 157° de longitude 
Est (méridien de Greenwich). En raison du développement consi- 
dérable des côtes du Nord au Sud, la température varie beaucoup 
suivant les régions. Je crois devoir indiquer ci-dessous la moyenne 
dans les trois principales villes de l’Empire : 


PRINTEMPS. ÉTÉ. AUTOMNE. HIVER. 
Kushiro (Hokkaïido). HE 20,8’ 169,8! 89,2 —"9,3" 
Hakyollcapriale) Je -0Me110,0: Dal 13007 30,8" 
Naha(Eoo Cho)... NGC re 26°,6! Doi 169,17 


Deux millions et demi d'habitants sont occupés par l'industrie de la 
pêche qui emploie environ quatre cent mille bâtiments. Ce chiffre peut 
paraître exagéré, mais si l’on considère le nombre d'îles dépendant de 
l'Empire et l'étendue de la ligne des côtes, longue de plus de érenfe 
mille kilomètres, on reconnaîtra qu'il n'est certainement pas trop élevé. 

Les côtes du Japon sont extrêmement poissonueuses ; elles offrent 
une faune et une flore des plus variées. Les produits de la mer rap- 
portent annuellement au Trésor plus de 300,000 yex (1). 

Les Poissons que ’on pêche dans les mers du Japon sont aussi nom- 
breux que variés. Il en est de même de leur mode de pêche. 

En général, dans la partie orientale de l'Empire, la mer atteint très 
près des côtes une profondeur considérable, variant de 100 à 1,000 
brasses. Entre les îles et le continent, elle est relativement peu pro- 
fonde ; dans la plus grande partie du Tong-Hai, elle n’atteint pas 200 
brasses. 

Un courant chaud, appelé Xuwroshiwo, baigne toute la côte. à laquelle 
il apporte, en même temps que la chaleur, une grande quantité de Pois- 
sons comestibles; ceux de la famille des Maquereaux, par exemple. En 
été, ce courant est très fort et s'approche tout près des côtes. Sa vi- 
tesse est de 30 à 50 milles par jour. Un courant froid, appelé Ogaski1wvo, 
baigne la côte Nord-Est et lui apporte la Morue, le Hareng et le Sau- 
mon. Ce courant est très fort en hiver. 

Dans la S'efouchi-umi (mer intérieure) et dans quelques baies, la 
mer est relativement peu profonde. Les fonds sont favorables à la 
pêche aux filets traînants et à la culture d'un grand nombre de 


(1) Le yen vaut un demi-dollar — environ 2 kroner — # fr. 80. 


CS 


23 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Mollusques et d'Algues. Les rivières et les lacs donnent également 
beaucoup de Poissons comestibles et de Mollusques. Cependant la 
pêche en eau douce est loin de présenter la même importance que 


Ja pêche en mer. 


La faunc et la flore marines du Japon peuvent être divisées en trois 
groupes principaux, ceux du Nord, de la mer intérieure et du Sud. Le 
tableau ci-dessous indique les produits les plus importants de chacun 


d'eux : 


RÉGION DU NORD. 


ASMIMIFÈRES, 


Æshydris lutris. 
Gtasia ursina. 
Bolænoptera arctica. 


POISSONS. 


Æripeastr Sp. 
Raja Kenosei. 
Chirus octagrammus. 
Trichodon Stelleri. 
Gad»s Brandtii. 
Godns chalchogranmus. 
Hippoglossus vulgaris. 
Gncksrynchus Haberi. 
> Perryi. 
Osmerrs cperlanus. 
Hyponesus-olidus. 
Clapea harenqus. 
Petroñyzon sp. 


MOLLUSQUES: 


Ommastrephes parificus. 
Macira sachalinensis. 
Pecten jessoensis. 


CRUSTACÉS. 
Zmachus sp. 
Lsthodes cachatica. 
ALGUES. 


ÆZsinaria japonica. 
Id.  astrearia. 
Chondrus crispus. 


MER INTÉRIEURE. 


POISSONS, 


Mustelus manazo. 
Trygon pastinaca. 
Percalabraz japonicus. 
Pagrus major. 

»  cardinalis. 
Platycephalus insidiator. 
Trigla kwmu. 
Lepidotrigla Buergeri. 
Sillago japonica. 
Sriena sina. 
Trichiurus japonicus. 
Cybium niphonicum. 
Gohius flivimanus. 
Loplius setigerus. 
C'entronotus nebulosus. 
Mugil cephaiotus. 
Ammodytes sp. 


Pseudcrhombus clivaceus. 


Pleurunectes Yokoame. 
Saurida argyrophanes. 
Hemiramphus Sajori. 
Cluyea melanosticte. 
Anquiila bostoniensis. 
Conger vulgaris: 

Mur œnesoz cinereus. 


MOLLUSQUES. 


Sepia esculenta. 
Seraella Maindroni. 
Cytherea menetriz. 
AYca gran0sa. 
Avicula Martensu. 
Ostrea sp. 


CRUSTACÉS. 


Peneus (vlusieurs-esp.): 


ALGUES. 


Ulopieryz pinnatifida. 
Porphyra laciniata. 


RÉGION DU SUD. 


MAMMIFÈRES. 
Delphinus longirostris. 
Physeter macrocephalus. 
Megaptera boops. 
Buiæna japonica. 


REPTILES. 
Chelonia viridis. 
» imbricata. 
POISSONS. 


Zygœna maileus. 
Lamnu g'auca. 
Sphyrœna obtusata. 
Scomber: coflias. 
Thynnus: pelamys. 
Orcynnus sibi. 
Auzis Rochet. 
Coryphæna hppuris. 
Caranz Miroadi. 
Mugil hematochylus. 
Scombresoz sairu. 
Erocetus agoo. 
Engraulis joponicus. 
Syratellordes gracilis. 
Etsrumeus micropus. 


MOLZLUSQUES. 


Loligo sinensis. 
Sepioteuthis lessoniata. 
Turbo oicarius. 
Haliotis gigantea. 
Avicula margaritifera. 


CRUSTACÉS: 
Palinurus japonicus. 
ALGUES. 


Ecklonia bycyclis. 
Gelidium corneum. 
Sarcodia montagneana. 


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EXTRAITS ET AN’ 


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236 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


L'industrie des pêches maritimes au Japon remonte à une époque 
très reculce. On trouve souvent, au milieu d'amas de coquilles. 
des restes de Poissons. des écailles, des débris d'instruments de 
pêche, mêlés à des ustensiles primitifs de l'âge @e pierre et à de gros- 
sières poteries. Dès l’époque où on se servait d'instruments de 
pierre, les populations se livraient à la pêche, soit en vue de leur 
nourrilure, soit pour différents autres usages particulièrement pour 
se procurer des ornements de toiletie et, depuis une ‘époque bien 
lointaine, ils utilisaient les produits de la mer comme le prouve le 
tableau ci-dessus. 


Ce qu'il y a de plus remarquable dans l’industrie de la pêche au Ja- . 


pon, c’est l’utilisation des Algues. Ces végétaux produisent en abon- 
dance une matière gélatineuse, employée pour la fabrication d'une 
sorte de colle ou gelée d’excellente qualité. 

Comme je l'ai déjà dit, la mer est très profonde sur la côte orientale 
et les pêcheurs sont, par conséquent, obligés d'aller chercher le Pois- 
son à de grandes profondeurs. La ligne peut être employée sur les 
fonds qui ne dépassent pas 300 brasses. Comme les espèces de Pois- 
sons sont très nombreuses et les fonds très différents, il en résulte que 
les appareils destinés à la capture des Poissons doivent être très va- 
riés, suivant les espèces et les fonds sur lesquels a lieu la pêche. 

On emploie les lances et les harpons, les hamecons, les appâts et les 
mouches artificiels, les filets, les dragues et autres instruments desti- 
nés à prendre les Poissons en traînant sur le fond, les filets plongeants, 
les filets traînants, des filels montés sur un cercle, des pièges, des 
filets fixes ou flottants, etc., etc. 

Il existe quelques engins spéciaux à certaines régions et qui méri- 
tent d’être cités en raison de leur construction particulière et de leur 
mode d'emploi. Tels sont les lances au moyen desquelles on prend 
l’Haliotide à une profondeur d'environ 7 brasses, les hbamecons sans 
barbillon, destinés à capturer les Poissons qu’on veut conserver pen- 
dant un certain temps et qui sont atlachés à de très longues lignes, 
différentes sortes d’appâts artificiels pour la pêche des Poissons péla- 
giques, les hamecons garnis de mouches artificielles pour la pêche en 
eau douce, des lignes pour les pêches à une profondeur de 300 brasses, 
des Bôké-ami, Nisôbari, sortes de filets plongeants pour la pêche des 
petits PoissonS pélagiques, des nasses dont le Poisson, une fois entré 
dans l’intérieur, ne peut plus sortir. 


La conservalion du Poisson a lieu par les procédés suivants : 


La dessiccation. — On emploie ce procédé pour les Anchoiïs entiers, 
pour les Harengs ouverts et leurs rogues, les Morues ouvertes et dont 
on a enlevé l’arête, les Poissons plats, les Aya, espèce de petits Sal- 
monides, les Congres ouverts, les Tefrodon vidés et partagés en trois 


EXTRAITS ET ANALYSES. Sy 


morceaux suivant leur longueur, les Océopus, Crevettes, elc.; ce mode 
de conservation est surtout usité pour les trois premières espèces. 


Poissons sales el séchés. — Cette méthode est surtout appliquée aux 
Sardines entières, aux Congres ouverts, aux Requins découpés en pe- 
tits morceaux rectangulaires, à la Morue, au Maquereau, aux ZLaéilus, 
aux Seriola et aux Mulets gris. Je dois signaler ici un procédé particu- 
lier employé pour la conservation de ces deux derniers Poissons. 

On ouvre le ventre de l'animal et on en extrait les entrailles. On 
l'immerge pendant deux heures environ dans la saumure ; ensuite on 
le plonge dans de l’eau douce; on enlève la tête, etle corps est partagé, 
suivant sa longueur, en trois morceaux ; deux de ces morceaux com- 
prennent les flancs et le troisième le dos et la colonne vertébrale, cinq 
ou six entailles sont pratiquées sur les côtés. Le Poisson est alors de- 
posé dans le sel pendant environ une semaine, puis on le lave etonle 
met sécher à l’ombre pendant deux mois. Enfin, on le recouvre d’une 
couche desel fin blanc et on l'enveloppe dans du papier ou de la paille 
hermétiquement retenue par des liens pour le soustraire au contact de 
l’air. On le place ainsi préparé dans des chambres bien ventilées et il 
s'y conserve pendant de longs mois. Cependant, comme cette méthode 
exige beaucoup de temps et de soin, on ne l’applique généralement 
qu'aux Poissons ayant une certaine valeur. 


Poissons salés. — Le Saumon, la Morue, le Maquereau, le Hareng, le 
Mulet gris, se conservent par cette méthode. Le Tui, sorte de Brême de 
mer, peut se conserver pendant deux ou trois jours au milieu de l'été 
en l’arrosant de saumure chaude. 


Poissons bouillis et séchés. — On fait bouillir les Sardines, les Equilles, 
les Crevettes dans l’eau additionnée de sel et ensuite on les fait sécher. 

Je dois mentionner ici la préparation de la pâte de viande de Pois- 
son. On choisit de beaux morceaux de chair maigre de Poisson, en 
prenant cette chair de couleur aussi blanche que possible, on les lave 
puis on les plonge dans l’eau bouillante. On les met dans un sac puis 
on les presse pour en exprimer ensuite l’eau, on les sort du sac et on 
les fait chauffer dans un four et on les divise en petits morceaux en les 
écrasant avec la main pendant qu'ils sont encore chauds. Ce produit 
ainsi prépare se conserve très longtemps dans des pots bien herméti- 
quement bouchés. On emploie principalement pour cette préparation 
le Tai, la Morue, les Poissons plats, les Crevettes, etc. 


Poissons fumées. — On conserve par ce procédé le Hareng, le Saumon, 
les Poissons plats, le Maquereau, le Thon, etc. On emploie au Japon 
une méthode particulière pour fumer le Poisson. On met de côté les 
petits Poissons, les plus gros, comme le Thon, sont partagés suivant 
leur longueur en deux ou quatre morceaux, au moment où ils viennent 
d'être pêchés. On les fait bouillir dans l’eau ; on enlève soigneusement 
toutes les arêles, puis on les fume et on les fait s*cher. Lorsqu'ils sont 


238 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


à moitié desséchés, on gratte les morceaux avec un couteau pour enle- 
ver les parties rugueuses, puis on achève la dessiccation. Ainsi préparé 
le Poisson porte le nom de Fushi et peut se conserver pendant plu- 
sieurs années. 

Poissons bouillis dans le Sohyu (sorte de sauce faite de blé fermenté, 
de fèves et de sel, improprement appelé Soja par les étrangers). — 
Cette méthode est très répandue. On emploie pour cette préparation 
les petits Poissons et les petits Crustacés qui peuvent ainsi se conser- 
ver très longtemps dans des récipients bien clos; on les assaisonne 
ordinairement avec du Gingembre. 

Poissons conservés dans le vinaïgre. — Ou emploie les petites espèces 
et les Crevettes ; on commence par les vider et on les met ensuite 
dans des bocaux de verre remplis de vinaigre a uquel en ajoute quelques 
condiments ; ils peuvent se conserver ainsi deux ou trois mois. 

Poissons conserves dans le Koji (Riz fermenté). — On prépare ainsi le 
Saumon, le Carassin, etc. On fait d'abord bouillir le Poisson dans l’eau 
salée, puis on le met dans un vase avec du Riz et de la levure; on retarde 
la fermentalion en agitant de temps en temps. Les vases sont bien 
bouchés. L'eau contenue dans le Poisson provoque bieutôt la fermen- 
tation du Riz; le Poisson s'imprègne des produits de cette fermen- 
tation, dextrine, sucre, alcool, et, ainsi préparé, prend un goût tres 
délicat. 

Poissons conservés dans lu lie de Saké (vin préparé au Japon avec le 
Riz). — On conserve par ce procédé le Tai, l'Ayu, etc. La méthode est 
exactement la même que pour la préparation qui précède. 

Poissons piles, cuits à la vapeur ou au four. — On conserve par ce 
moyen les Tai, Saurus, Sillago, Poissons plats, Congres, Requins, Cre- 
vettes, etc. On prend le Poisson frais, on enlève les arêles, on le pile 
dans un mortier de pierre, en y ajoutant une certaine quantité de sel, 
de la fleur de farine, du vin doux, des blancs d'œufs et une décoction 
d'une Algue saccharifère (Laminaria). Lorsque le mélange a pris la 
consistance d’une pâte assez épaisse, on en fait des pains de diffé- 
rentes formes, cylindriques, semi-cylindriques ou discoïdes ; on les 
fait cuire sur un feu de charbon, à la vapeur ou au four. Cette prepa- 
ration se conserve de trois à cinq jours en été, de dix à vingt jours en 
hiver. 

Poissons conserves en boîte. — Ce mode de conservalion a élé intro- 
duit au Japon il y a une trentaine d'années. Aujourd'hui le Saumon, 
la Sardine, l’Anchois, le Thon, le Maquereau, la Tortue verte, la 
Tortue à carapace molle, l'Anguille, l'Huiître se préparent d’après cette 
méthode. 

La pisciculture fait aujourd'hui des progrès constants au Japon. 

Le tableau ci-dessous indique les animaux et les plan!es marines 
qui offrent le plus d'intérêt. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 239 


à es M as FLEccetre a wi 
| | Clemys japonica.......,... oisson d ornement. 
| à Î Percalabraz japonicus ..... Alimentation. 
| Mugil cephalolus.......... — 
Onchorhynchus Haberi ..... — 
k 2 — POI YT- etete — 
: Poissons...... RE AE : : PE 
! Cyprinus carpio.:......... Alimentalion et ax- 
| nement. 
Carassius auralus.......... Décoration. 
Anguilla bosfoniensis....... Alimentation. 
OA EEE Alimentation. 
À Avicula Martensii......... Perles. 
| Siguarir constriclæ........ Alimentation. 
Mollusques ... / Cyfherea meretriz.......... 
À Tapes philippinarum ....... —- 
| ATCG granosa...…. Se donc e = 
er CNSUUETENE M = eee —= 
Crée 7. |Ralanus :sp. 5... Le Engrais. 
Échinodermes. | Séichopus japonicus......... Alimentation. 
ee el. ST UDE RO RSSCAES Alimentalice. 
Gloiopeitis coliformis........ Colle. 
PÈCHE DES PRINCIPAUX POISSOxS EN 1895. 
POIDS. VALEUR. 
Kwan (1). Yen (2). 
RENE Sr me re 1,969,902 91,232 
SARINO Ne e-Mee seSee 54,310.,023 4,848,263 
É ECO RTS RE RER REP AERETeS 8.969,646 1,966,019 
PGA ne AN: 4,674,552 1,617,655 
DOIGO M este e sise dt Pl eee .  7,509,798 1,038,171 
TAN CSS Pre Fee 4,001,790 1,006,373 
NAGER AU 0-7 See . 6,188,374 957,974 
Tom depot RP RE CCE 3,891,496 935,307 
CLEMOLIES A A Ne Rs arabe ce ed 5 4,155,805 597,071 
BOISSOnpplatre a ee ne 3,706,028 982.239 
| Aya (Plecoplossgs) "7.2 389,285 300.283 
Haliotides....... SÉERTRERRE 166,984 265,198 
(1) 1 Kwan égale 8 1/3,livres anglaises. 
(2) 2 Yen égale 2 shillings 1 penay. 
4 


SAUMONE RE. Rhebe he ei - 967,195 215,794 
RENNES 22e crecaste se MATE 006 196,962 
US RENE PRO. 537,105 176.664 
MOnHE: ee 0n RE D ICI EN 1,149,467 113,250 
Hüire: sen se Lie ESS 422 769,816 99,047 
HOolOtRUSES.- SLT US SSSR 547,022 92,039 
MRUITE LÉ SUN ES QUEUES : . 72,480 38,112 
Dans ces chiffres n’est pas compris le produit de la pêche dans le 
Æokkaïdo. 
PRODUIT DES PRINCIPAUX POISSONS EN 1895. 
POIDS. VALEUR. 
Kwan. Yen. 
Fushi (Thon et Bonite fumés)..  1,510,053 2,117,594 
Sardines SéChes 5000 6,180,994 1,588,675 
Céphalopodes secs........... 1.620,021 1,267,519 
SaUMons Sacs ere- entre .- 1,879,576 518,132 
Crevettes sèches............. 485,801 459,438 
Maquereaux/salés". LL 1,861,517 410,518 
Algues (Zaïminaria) sèches....  5,654,752 369,649 
Haliotides seches-: 4 002 =: 154,426 306,508 
Holothuries sèches........... 159,328 180,710 
Mhon Sale Eee UE TANST AE 523,159 157,077 
Moruesèche Mere nie à 904,771 153481 
Ailcrons de Requin secs..... = 59,810 104,382 
Kanten |Gélatine d’Algues) ..… 36,866 83,510 
Morue salée... Lee 343,714 06,665 
Se ane Harengs.. 38,917,158 6,566,480 
Sardines..  5,792,413 837,033 
Huïle/de Poisson... 1016019249 231,342 


BULLETIN 


DE LA 


DE FRANCE 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


452 ANNÉE 


AOÛT 183983 


SOMMAIRE 


1. DECROIX. — Projet de langage phonétique universel pour la conduite des animaux. 
DE JMS — Ets et Muscardins.......... ane rie non Le 2 


Extraits des procès-verbaux des séances de la Société : 


Section : Botanique. — Séance du 15 février 1898...........%,. .e...se..e. 
6 Section : Colonisation. — Séance du ROBES RDA A NS A RTE SE 


Extraits et Analyses : 


— Les nd de - da champs d'essais de naturalisation ........ >pücob 
MUOLOS. — Essais d’acclimatation végétale au Jardin des Plantes de Toulouse...... 
— Le Jardin botanique de Saint-Pétersbourg..... D 0 DA VAE DU seeds leletele 


ses par les auteurs DEF articles insérés dans le Bulletin. 
SCD ——————m— 
Un numéro 2 francs ; pour les membres de la société 4 fr. 50 


9 


AU SIÈGE 
DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 


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PARIS 


ET À LA LIBRAIRIE CERF, 12, RUE SAINTE-ANNE 


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241 
247 : 
250 
254 


257 


258 


263 
269 
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je Da Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 


Le Bulletin paraît tous les mois 


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PROJET DE LANGAGE PHONÉTIQUE UNIVERSEL 


POUR LA CONDUITE DES ANIMAUX (1) 


par E. DECROIX, 


Ancien vétérinaire principal de l’armée, 
Président de la 1 Section (Mammifères). 


Je rappellerai d’abord que l’illustre fondateur de la Société 
d'Acclimatation, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, a eu pour 
double but de tirer le meilleur parti possible des espèces ani- 
males et végétales déjà acclimatées, et d’acclimater les es- 
pèces étrangères qui peuvent nous être utiles. 

C’est en vertu du premier de ces points de vue qu'il a fait 
ressortir les avantages de l’hippophagie, aujourd’hui entrée 
dans la pratique, et c’est à ce même point de vue que je me 
place pour appeler de nouveau l'attention sur le langage 
phonétique international à employer par l’homme, chez tous 
les peuples civilisés ou même peu civilisés, pour se faire com- 
prendre et obéir des animaux divers qu'il a soumis à sa 
domination. Il ne s’agit pas, bien entendu, de faire parler 
ce langage aux animaux, mais de leur apprendre à en saisir 
les termes. 

Chaque animal peut comprendre ceux de son espèce et s’en 
faire comprendre, dans la mesure de ses besoins, quel que 
soit son pays d’origine ; tandis que l’homme qui franchit une 
montagne ou traverse un fleuve se trouve souvent dans l’im- 
possibilité de demander son pain et son chemin. Il lui est 
beaucoup plus facile de se faire comprendre des animaux, 
s’il veut bien se donner la peine de s'exprimer dans un lan- 
gage élémentaire à leur portée et en raison des services qu'il 
est en droit d’en exiger. : 

Ainsi que je l'ai déjà dit au Congrès international des So- 
ciétés protectrices des animaux, à Dresde, le 13 juin 1889, 
bien des savants, Descartes et Leibnitz entre autres, se sont 
préoccupés de la création d'une langue universelle, pour 
l'homme, mais sans arriver à aucun résultat pratique. 


(1) Communication faite le 21 mars 1898, à la Section des Mammifères. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 17. 


242 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Il y a une trentaine d'années, un polyglotte, instruit dans 
les lettres et la linguistique, M. Schleyrer, de Constance, a 
créé une langue universelle, connue sous le nom de Vola- 
pük. Son système est d’une extrême simplicité, surtout si on 
le compare aux règles si compliquées, si confuses des langues 
vivantes. Malgré cela, le Votapük ne s'est point généralisé. 

Je viens, à mon tour, proposer un système de langage uni- 
versel pour les animaux, mais surtout pour les Chevaux. 

Sans vouloir humilier ces précieux auxiliaires, je puis dire 
qu'ils sont encore moins intelligents que les hommes, et que, 
par conséquent, il faut leur enseigner une sorte de Volapük 
plus facile à apprendre que celui de Scheyrer. Cette simpli- 
cité se justifie, en outre, par les rapports entre le maître et 
le serviteur. — J'entends ici des rapports usuels, nécessaires, 
et non des rapports fantaisistes et variés, qui ont lieu dans 
les manèges, les cirques et autres écoles de hautes études. 

Et d’abord, nous n'avons point à faire la conversation avec 
le Cheval. Nous commandons, il doit obéir, sans réplique. 
Qu’avons-nous à exiger de lui dans les services ordinaires ? 

Nous avons à lui commander de marcher en avant, ou d’al- 
ler à droite, ou d’aller à gauche, ou de s’arrêter, ou de reculer. 

Donc, en principe, quatre commandements suffisent. C’est 
incomparablement moins que les commandements adressés 
aux consCrits dans les régiments. 

Les conducteurs de Chevaux, pour se faire obéir, ont ordi- 
nairement recours ou au fouet, ou à la bride, ou à l’éperon. 
Mais ce sont là des moyens brutaux, trop souvent appliqués 
brutalement. S'il n’y avait pas possibilité de faire autrement, 
comme peuvent le croire les personnes qui ne tiennent pas 
compte des souffrances inutiles, il faudrait pourtant s’y ré- 
signer ; car enfin, le Cheval doit travailler ; mais il y a mieux 
à faire, à mon avis. 

Quand on admire dans un cirque certains Chevaux lächés 
en toute liberté, exécutant à la parole, au commandement, 
des exercices incomparablement plus compliqués que ceux 
exigés dans le service quotidien des animaux de travail, on 
ne peut douter que notre plus précieux auxiliaire possède 
assez d'intelligence, d'instinct, si l’on préfère, pour obéir à 
la parole. 

Actuellement, la voix est rarement employée pour la con- 
duite du Cheval. Pour le faire avancer, on lui donne brus- 


PROJET DE LANGAGE PHONÉTIQUE UNIVERSEL. 243 


quement un coup de fouet — douleur; — pour le faire aller 
à droite ou à gauche, on tire sur la bride d’une manière très 
variable — encore douleur ; pour le faire arrêter, encore la 
bride — toujours douleur. 

Et dans les cas assez exceptionnels où le conducteur em- 
ploie la parole, c’est dans des termes tellement confus, ba- 
roques, sauvages, que l'homme intelligent, lui-même, n’y 
comprend rien. 

Avec la meilleure volonté possible, les Chevaux ne com- 
prennent pas toujours ce que l’on veut exiger d'eux. Et alors 
le charretier, le cocher, le laboureur, frappent le pauvre ani- 
mal jusqu'à ce qu’il ait deviné, après avoir exécuté divers 
mouvements. 

Je dis qu'il est impossible à un Cheval, si docile, si attentif 
qu'il soit, de comprendre instantanément ce qui lui est com- 
mandé en passant d'un pays en un autre et même souvent, 
sans sortir de son pays natal, en passant des mains d’un con- 
ducteur en celles d’un autre. 

Voici quelques-uns des sons ou des cris sauvages lancés aux 
Chevaux, et le même cri ayant une signification variable, se- 
lon les contrées et les charretiers : huho, — guia, — rrro, — 
due ho dia, han, etc. etc. 

Pour rendre facile l'instruction élémentaire d'un Cheval de 
service ordinaire, il faut lui parler un langage clair, d’une 
prononciation facile, chaque mot ne formant qu’un son, une 
syliabe bien vibrante. 

On peut choisir parmi un grand nombre de mots ; mais 
après müre réflexion, je propose de n’employer que quatre 
sons exprimés chacun par deux lettres par chaque mot, une 
voyelle et une consonne. La lettre U doit être exclue, parce que 
sa prononciation varie trop (L’U francais, se prononce OÙ en 
allemand, IOU, en anglais, etc). Les voyelles A, E, I, O, me 
paraissent devoir être adoptées, en les faisant précéder de la 
consonne I aspirée. 

Il suffit de quatre commandements, comme règle générale 
d'un langage phonétique ou Volapük hippique universel. En 
certains cas, il peut y avoir nécessité de modifier légèrement 
les quatre mouvements principaux. Alors, pour ne pas sortir 
de la simplicité de langage que nous devons rechercher, on 
peut atteindre le but par l’accentuation de la prononciation 
principale. 


LE BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Il serait logique d'employer le son A pour le mouvement en 
avant, E pour l'arrêt, I pour la marche à droite et O pour la 
marche à gauche. Mais dans la pratique, le son I, pour faire 
avancer, et O, pour arrêter, étant déjà très répandus, nous 
croyons devoir les conserver avec leur signification déjà 
adoptée. Les deux sons qui restent à employer sont : À pour 
diriger à droite et E pour diriger à gauche. 

Sans m'étendre davantage sur la description du Volapük 
hippique, je crois que la figure ci-dessous le met à la portée 
de tout le monde. 


Hi, avancer. 


Hé, à gauche. Ha, à droite. 


Ho, arrêter. 


Telle est la base. Maïs dans la pratique, il y a des mouve- 
ments pour lesquels il est nécessaire de les modifier légère- 
ment. 

Le tableau ci-dessous répond à tous les besoins ordinaires. 


Hi, Hi, pour faire trotter. 
Hi, pour faire avancer au pas. 


Hé, à gauche en avançant. | Ha, à droite en avançant. 


Hé, He, à gauche sans avancer. | Ha, Ha, à droite sans avancer. 


Ho, pour faire arrêter. 
Ho, ho, pour faire reculer. 


Pour faire tourner sur place, à gauche par exemple, il n'y 
a qu’à continuer à répéter sur le même ton : Hé hé, hé hé 


PROJET DE LANGAGE PHONÉTIQUE UNIVERSEL. 245 


jusqu'à ce que le Cheval soit arrivé à la direction désirée, 
soit 1, 2, 3 quarts de cercle. Alors, il suffit de dire ÆZo pour 
arrêter, Zi pour avancer. Ce langage peut être appliqué, non 
seulement au dressage du Cheval, mais aussi à celui de tous 
nos animaux domestiques, français et étrangers. 

Ainsi, tout mon système consiste à faire comprendre au 
Cheval la signification de quatre mots et de quatre répétitions 
ou accentuations de ces mots. 

On comprendra, sans que j'aie besoin d'insister, combien il 
serait préférable de conduire les Chevaux de bonne volonté 
par la parole, au lieu de les contraindre par la bride, l’épe- 
ron, le fouet. Quant aux Chevaux indociles, désobéissants, 
vicieux, il y a lieu de les faire obéir par les châtiments ordi- 
naires lorsque la douceur a été impuissante. 

Maintenant, comment faire comprendre à un Cheval que le 
son vocal Æ1 signifie : Avance ! 

Prenons pour sujet d'expérience, un Poulain auquel on n’a 
jamais adressé un commandement, ou, si l’on préfère, un 
Cheval déjà en service sous les commandements baroques 
ordinaires. 

Je lui commande, d’une voix calme, Æi/ Il ne bouge pas. 
Je lui fais le même commandement d’une voix un peu plus 
forte. Il reste encore en place. Alors pour la troisième fois, je 
répète Æi/ et immédiatement après, je lui donne un léger 
coup de fouet. Instinctivement il avance. 

Lorsqu'il a marché pendant quelques instants, je lui com- 
mande : Æo ! Il continue à marcher. Je lui répète le comman- 
dement, et à la troisième fois, je tire sur la bride, ce qui le 
force à s’arrêter. 

Il faut profiter de cet instant pour le caresser, lui faire 
comprendre qu’il a bien travaillé. 

Pour les autres mouvements, il y a lieu de procéder de la 
même façon, en évitant d'enseigner plus de deux mouvements 
dans chaque exercice. En fort peu de leçons, on arrivera à se 
faire obéir à la parole, et l’on supprimera bien des souffrances 
inutiles. 

S'il est facile d'enseigner les principes ci-dessus à nos pré- 
cieux serviteurs, il est plus facile encore de les enseigner en 
quelques minutes aux enfants, aux charretiers, aux labou- 
reurs les moins intelligents. 

Bien que le langage que je propose puisse être appliqué aux 


246 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


r 


Chevaux de tous les services, j'ai principalement en vue les 
Chevaux de transport, de labour, de boueurs, en un mot, les 
Chevaux de gros trait. 

Notre Volapük peut étre enseigné à l’homme en quelques 
minutes par les instituteurs, les agriculteurs, les chefs d’in- 
dustrie, etc. 

Pour dresser les Chevaux, il faut plus de temps, plus de 
tact, plus de patience. Mais il en faut bien moins que pour 
dresser un Cheval de troupe. Il suffit de fort peu de lecons 
chez les éleveurs, les marchands, les acquéreurs et aussi dans 
les Ecoles d'agriculture, de dressage, etc.; en tout cas, il en 
faut moins que pour enseigner la signification des sons baro- 
ques généralement en usage. ; 

Je dois ajouter en terminant, que le Cheval aime qu'on lui 
parle ; qu’en général, il obéit volontiers aux commandements 
qu'il comprend; que le commandement par la parole n’est 
pas seulement plus pacifique et plus efficace, mais qu'il relève 
l’homme et l'animal, tandis que le fouet, la bride et l’éperon 
les rabaïissent, les rendent brutaux, méfiants, ennemis l’un 
de l’autre. 

Comme conclusion, j'ai l'honneur d'émettre les vœux sui- 
vants : 

1° Ilest à désirer qu'un angage phonélique universel soit 
adopté pour la conduite des Chevaux dans les conditions 
ordinaires de service. 

2° Sans préjuger des perfectionnements qui pourraient être 
proposés dans l’avenir, il est à désirer que le système exposé 
ci-dessus soit propagé dès à présent par tous ceux qui aiment 
particulièrement le Cheval. 


P.8$. — Si la Société d'Acclhimatation veut bien l’accepter, 
je mets à sa disposition une médaille de vermeil, à décerner 
au charretier ou au cavalier qui présentera, à la Section des 
Mammifères, un Cheval obéissant aux commandements ci- 
dessus. . 


LÉROTS ET MUSCARDINS (1) 


par DE CONFEVRON. 


Alors que quelques-uns de nos savants confrères se livrent 
à des études très intéressantes sur l'hibernation des animaux 
en général, je crois opportun de faire part à la Société d’Ac- 
climatation, des observations très modestes que des circons- 
tances fortuites m'ont permis de relever sur deux petits ani- 
maux indigènes de la famille des Rongeurs, les Lérots et les 
Muscardins. 

Il est inutile de décrire le Lérot, ce joli petit Rongeur que 
tout le monde connaît et qui, comme mœurs, se distingue du 
Loir proprement dit, son congénère, en ce qu'il habite les 
maisons de campagne, les murs, les vergers, les jardins et 
qu'il est, somme toute, assez sociable; le Loir, au contraire, 
ne s’écarte guère des forêts ou des bois un peu sauvages. 

Le pelage du Lérot, fauve er dessus, blanc en dessous, avec 
une bande noire dessinant l'œil, est aussi plus agréable que 
celui du Loir. 

Faisons de suite son procès, disons qu'il cause de grands 
dégats dans les vergers et les jardins où il mange et détériore 
un grand nombre de fruits. Il ne se rend pas moins nuisible 
en détruisant beaucoup de nids. 

Les Lérots sont au nombre des animaux qui s’engour- 
dissent des les premiers froids et passent tout l'hiver dans 
une sorte de sommeil léthargique, que nous appellerons som- 
meil Aibernal. C’est à ce point de vue que nous nous en oc- 
cupons aujourd'hui. 

A la fin de l'hiver 1895-1896, voulant mettre un peu d'ordre 
dans un placard s’ouvrant sur un petit salon où l’on n'était 
guère entré depuis le mois d'octobre, nous avons trouvé, sur 
un des rayons dudit placard, au milieu d’un amonceillement 
de papier déchiqueté,. provenant de journaux et de cahiers 
de musique rongés par eux, deux Lérots endormis de leur 
sommeil hibernal. Nous avons donc pu les examiner à loisir 
dans cette sorte de léthargie. 


{1} Communication faite en séance générale le 41 février 1898. 


ET 


248 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Ils avaient pénétré dans le placard par une très petite ou- 
verture provenant d'une boiserie déclouée et communiquant 
avec la muraille. 

Leur sommeil était calme et profond; leur respiration, très 
régulière, faisait voir alternativement les mouvements res- 
piratoires d'inspiration et d'expiration. L'engourdissement 
était complet, on pouvait les toucher sans qu'ils fissent le 
moindre mouvement. 

Sauf cette légère agitation du flanc, dont je viens de parler, 
la souplesse du corps et des membres, ainsi que la chaleur 
naturelle, qui ne les avait point abandonnés, on eût pu les 
croire morts. 

Bien que maniés par différentes personnes, à l'exception 
de quelques mouvements lents, ils n'ont donné des signes 
d'un réveil complet qu'en tombant dans un bassin plein d'eau, 
où ils ont été jetés. 

Alors, revenant complètement à la vie active, ils ont essayé 
de se sauver à la nage, et ils y seraient certainement parve- 
nus, nageant naturellement comme tous les Quadrupèdes, si 
un coup de bâton sur la tête n'eüt rendu leurs efforts impuis- 
sants. 

Le Lérot est un des rares animaux qui, chez nous, sont 
doués de ce sommeil hibernal et ce n'est pas souvent qu'on 
peut l'observer aussi attentivement. C'est pourquoi j'ai cru 
bon d'en entretenir la Société. 


A quelque temps de là, c'est-à-dire en avril 1896, me pro- 
menant au bois avec mon plus jeune fils, passionnément épris 
d'histoire naturelle, nous observions un peu de tous les côtés, 
suivant notre habitude, lorsque nous vimes tout près de 
nous, sur une branche de Noiïsetier, un Muscardin (Myoxœus 
avellanarius), que nous ne reconnûmes pas tout d’abord 
comme tel, quoiqu'il n'y ait pas à s’y tromper. 

Mon fils lui donna de suite la chasse. C'était une femelle 
alourdie par la gestation et qui se laissa prendre sans grande 
difficulté, non sans avoir mordu légèrement la main de son 
ravisseur. 

Le Muscardin est un joli petit animal qu'on ne trouve pas 


LÉROTS ET MUSCARDINS. - 249 


très communément sous notre climat. Plus petit que le Lérot, 
il est son voisin immédiat dans l’ordre des Rongeurs. 

Son pelage est fauve clair en dessus, de nuance café au lait, 
et les parties inférieures du corps sont blanchâtres. La queue, 
aplatie horizontalement, est garnie de poils étalés comme 
chez l'Ecureuil. 

Ce petit animal se nourrit presque exclusivement de noix, 
de noisettes et fait son nid sur les branches, à l'instar de 
l'Ecureuil, seulement moins haut. 

Les Muscardins ont aussi un sommeil hibernal qu'ils passent 
dans quelque trou d'arbre, mais nous n'avons pas pu l'obser- 
ver dans cet état. 

Rapportée à la maison, notre Muscardine, placée dans 
une cage à Ecureuil et après avoir fait une sorte de nid avec 
la ouate qui lui avait été donnée à cet effet, mit bas trois 
petits, au bout de dix ou douze jours de captivité. 

Nous espérions pouvoir élever toute la nichée et observer 
les mœurs de cette intéressante petite famille, lorsque la 
mère, qui n'était point du tout farouche et n'avait donné 
aucun signe de maladie, fut trouvée morte dans sa cage, cinq 
ou six jours après avoir fait ses petits. Jusque-là, elle se 
nourrissait parfaitement de noix et de noisettes, était fort 
alerte, gracieuse de mouvements et se suspendait toujours, 
la tête en bas, aux barreaux de sa cage. C’est évidemment la 
posture préférée de ce Rongeur qui reste ainsi, souvent très 
longtemps, sans bouger. Nos observations sur les animaux à 
sommeil hibernal furent ainsi prématurément interrompues, 
espérons que l'occasion se représentera de les continuer. 


Flagey (Haute-Marne). 


250 


UNE VISITE A LA FERME D’AUTRUCHES 


DE MATARIEH, PRES DU CAIRE (ÉGYPTE) 


par À. MERCIER 1. 


La plupart des voyageurs qui vont au Caire consacrent une 
demi-journée à la visite de l'établissement destiné à l'élevage 
de l’Autruche à Matarieh. 

Ayant suivi l'exemple général, j'ai été si intéressé par ma 
premiere visite, que j'ai résolu d'en faire une seconde pour 
obtenir des renseignements précis sur l'installation et l’éle- 
vage de l’Autruche. Je les ai obtenus aussi complets que je le 
désirais de M. Bernard, l’intelligent directeur de cet établis- 
sement, et je me plais à lui adresser ici tous mes remercie- 
ments pour son extrême obligeance. 

D'un autre côté, j'ai pensé que ces renseignements pour- 
raient intéresser quelques-uns de mes collègues de la Socifté 
«’Acclimatation, je les ai donc rédigés, aussi clairement qu'il 
m'a été possible, et les voici : 

Matarieh est une petite localité située à environ 12 kilo- 
mètres au N.-E. du Caire, non loin de l’ancienne Héliopolis 
sur la ligne qui sépare le désert arabique des terres du Delta. 
À gauche de la voie ferrée, les riches cultures des terrains 
irrigués, à droile, le désert. C'est sur ce dernier qu'est éta- 
blie la ferme d’Autruches à environ 400 mètres de la station 
de Matarieh. 

Un coup d'œil jeté sur le petit plan ci-contre fera mieux 
comprendre l'installation qu'une longue description ; je dirai 
seulement que le tout forme un carré parfait de 250 mètres 
de côté : 


Or 250 X 250 — 62,500 mètres, soit 6 h. 23 ares. 


Mais il y a à retrancher de cette superficie le sol de la maïi- 
son, du couvoir des magasins, du jardin, de la cour, des al- 
lées, et enfin celui des murs d'enceinte et des parcs, de sorte 


(1} Communication faite à la Section d'Ornithologie le 28 février 1898. 


UNE VISITE A LA FERME D’AUTRUCHES A MATARIEH. 251 


que l'espace consacré à l'élevage des Autruches ne doit pas 
dépasser 5 hectares. C’est dans cet espace relativement très 
petit que M. Bernard est parvenu à faire naître, se déve- 
lopper et vivre le nombre presque incroyable de quinze cents 
Oiseaux ! . 

Les murs de clôture et ceux formant les parcs sont cons- 
truits en briques du £ SEE 
pays, formées de Nord 
terre du Nil délayée 
puis séchée au soleil. 
On y a, à tort, mé- 
langé un grand nom- 
bre de cailloux rou- 
lés, arrondis, si nom- 
breux dans le sol du 
désert, ainsi que de 
la paille hachée. 

Au début de l'ins- 
tallation on faisait 
éelore dans des cou- 
veuses les œufs d'AU- pan sommaire de la ferme d’Autruches de Mata- 
truche, mais les pe- rieh : À enceinte réservée à la maison d'habitation 
tits naissaient rachi- *! à ses dépendances, jardin, ete. B, B. allées cir- 


: Ë culaires donnant accès aux parcs C. C; R, route 
tiques, ne pouvaient conduisant a la Slation du Cnemin de fer. 


ou ne savaient man- 

ger et mouraient en grand nombre dans les premiers jours 
ou mois de ieur existence malgré tous les soins qu'on leur 
donnait. Il me parait hors de doute que le système osseux des 
Autruchons ne se développait pas normalement. 

Quand, il y à huit ans, M. Bernard a pris la direction de la 
ferme, il a supprimé les couveuses artificielles et il a laissé 
aux Autruches elles-mêmes le soin d'élever leur progéniture ; 
elles s’en acquittent d'une facon admirable. 

Voici comment les choses se passent : dans les parcs, les 
mâles et les femelles au nombre quelquefois de dix-huit ou 
vingt sont pêle-mêle. Quand un mäle entre en rut, ce qui est 
facile à constater par la rougeur de la peau du cou, par une 
certaine facon d’agiter les ailes, et enfin par des attentions 
particulières qu'il témoigne à une femelle spéciale, sans doute 
celle dont la situation correspond à la sienne, c’est-à-dire 
qui est ou va entrer en rut, on sépare les deux Oiseaux et on 


æ FA 


252 BULLETLIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


les conduit dans un parc où désormais ils resteront isolés, 
car les murs sont assez élevés pour qu'ils ne puissent pas voir 
les Oiseaux des parcs voisins. Il n’y a plus qu’à les soigner. La 
femelle pond où elle veut et ses œufs sont souvent fort éloi- 
gnés les uns des autres, on n'y touche point. Quand la ponte 
est finie, les Oiseaux savent fort bien rassembler les œufs 
et s'ils en laissent à l'écart, c’est qu'ils ont déjà reconnu 
que ceux-là étaient clairs et non fécondés. Quand les petits 
sont éclos, les père et mère se chargent de les conduire, 
de leur apprendre à manger, de les réchauffer la nuit, 
en un mot de les élever. C'est ainsi que l’année dernière 
M. Bernard a vu augmenter son troupeau de cinq à six cents 
Oiseaux. 

La nourriture donnée aux jeunes Autruchons consiste 
avant tout en Poireaux hachés, Oignons hachés, et enfin en 
Barsim haché. M. Bernard considère le Poireau comme ab- 
solument indispensable aux jeunes Autruchons; le Barsim est 
une plante très voisine de la Luzerne, si ce n’est la Luzerne 
elle-même, ce dont je n'ai pu m'assurer. Le sol du parc fournit 
en abondance des coquilles marines et le calcaire. Plus tard on 
y ajoute des pâtées de son et, quand les Autruchons sont de- 
venus assez forts, des Fèves de marais. Ces dernieres et le 
Barzim qu'on cultive partout en Egypte servent de base à la 
nourriture des Oiseaux adultes. 

Les soins à donner consistent à apporter aux Oiseaux leur 
nourriture, à leur verser de l’eau fraîche, à enlever les excré- 
ments, au moins tous les deux jours, à labourer une fois par 
an le sol du parc, à enlever toute la croûte soulevée et à la 
remplacer par une égale quantité de sable du désert. Avec ces 
soins M. Bernard m'a affirmé n'avoir jamais eu dans ses 
parcs aucune mäladie épidémique, et une mortalité très res- 
treinte, causée le plus souvent par l’absorption par les 
Autruches des cailloux roulés qui se trouvent dans les 
briques des murs. Les Autruches, en effet, cherchent à reti- 
rer les brins de paille pour les manger; elles retirent en 
même temps des cailloux qu'elles avalent, qu’elles ne peuvent 
digérer et qui finissent par les faire mourir. Jamais, au con- 
traire, elles n’avalent les cailloux du sol. M. Bernard m'a 
montré toute une caisse de ces cailloux retirés à l’autopsie de 
l'estomac des Autruches mortes. 

Il faut conclure de ce que je viens de raconter que l’éle- 


UNE VISITE A LA FERME D’AUTRUCHES A MATARIEH. 253 


vage de l’Autruche n'est pas bien difficile et qu’il ne demande 
pas un grand espace. 

Mais il faut, à mon avis, pour cela, les conditions particu- 
lières que voici : 

lo Le sol du désert, c'est-à-dire contenant le sable, les co- 
quilles marines ou le calcaire nécessaires au développement 
normal du système osseux, 

2° De l’eau, 

3° Et dans le voisinage de très bons terrains qui permettent 
de cultiver et d'apporter chaque jour aux Oiseaux leur nour- 
riture fraiche : Poireaux, Oignons, Barzim, le tout haché et 
enfin les Fèves de marais sèches et le son. 


Quand on aura établi en Tunisie ou en Algérie une rerme 
dans ces conditions, l'élevage de l’Autruche sera-t-il rému- 
nérateur ? Je penche pour l’affirmative, sans oser toutefois le 
garantir. Voici ce que m'a encore dit M. Bernard à ce sujet : 

Chaque Oiseau adulte, c’est-à-dire âgé d’au moins cinq 
ans vaut 1,000 francs. Sa nourriture coûte 20 centimes par 
jour, soit 72 francs par an; la récolte des plumes produit 
120 francs en moyenne. Il y a lieu de faire entrer en ligne de 
compte la valeur des jeunes Autruchons qui naissent chaque 
année, mais il faut aussi retrancher tous les frais généraux, 
de premier établissement, de main-d'œuvre, d'entretien, d’em- 
ployés, etc. À Matarieh, on est arrivé à la période de produc- 
tion complète, c’est-à-dire qu'on a la récolte des plumes, la 
production de jeunes et la vente d’Oiseaux adultes qui s’y 
trouvent maintenant en trop grand nombre, à moins qu'on 
n'agrandisse considérablement la ferme en construisant de 
nouveaux parcs. La récolte des plumes commence à la troi- 
sième année, mais l'Oiseau n’est adulte qu’à cinq ans; il vit 
de quarante-cinq à cinquante ans. 

Au 25 janvier 1898 deux couvées avaient déjà fort bien 
réussi à Matarieh ; les jeunes Oiseaux avaient déjà, les pre- 
miers un mois, les derniers huit jours. Ils étaient tous très 
beaux. 


254 


ABEILLES ET GUÉPES 


VIVANT EN SUPERPOSITION DANS LA MÊME RUCHE {1 


par A.-L. CLÉMENT, 


Président de la Section d’Entomologie, 


Lors de la visite que plusieurs Membres de la Société d'Ac- 
climatation firent le 30 mai 1897, au Rucher de Montsouris, 
appartenant à la Société centrale d’Apiculture, M. Saint-Pée, . 
l'excellent professeur, nous fit remarquer une Guépe, (Vespa 
germanica) qui, à son grand étonnement, avait commencé 
son nid dans la hausse d’une ruche à cadre. 

Ce nid avait alors la grosseur d’une noisette, il a grossi 
depuis et c’est lui que je présente aujourd’hui à la Société (2). 
Son histoire quoique incomplètement connue, est pleine d'in- 
térêt. 

La première pensée de M. Saint-Pée avait été de détruire 
cette Guépe dont ia présence pouvait jeter quelque trouble 
dans la colonie d’Abeilles qui habitait le bas de la ruche. 

Sur mes instances, il consentit à la laisser continuer provi- 
soirement son œuvre et à l'observer. Il était d’ailleurs bien 
convaincu que les Abeïlles se trouvant en nombre, s’en dé- 
barrasseraient sans beaucoup tarder ; aussi fut-il bien étonné, 
quelque temps après, de retrouver ce nid en bonne voie de 
développement. La mère avait mené à bien l'éducation de 
ses premières larves et de nombreuses filles l’aidaient main- 
tenant comme cela se passe dans tout nid de Guêpes bien or- 
ganisé, tellement qu'à l’arrière-saison, il avait acquis le fort 
beau développement qu'on peut constater aujourd’hui. 

Pendant tout l'été on a eu le singulier spectacle de voir 
dans la méme ruche ces deux colonies, l’une d’Abeilles dans 
le bas, l’autre de Guépes dans le haut, et l’on sait pourtant 
que les Guépes sont les ennemies déclarées des Abeilles 


(1) Communication faite à la Section d'Entomologie dans la séance du 14 fé- 
vrier 1898. ï 
(2) Ce nid a été offert par M. A.-L, Clément au Muséum d'Histoire naturelle. 


ABEILLES ET GUÉPES. - 255 


qu’elles ne manquent jamais de dévorer quand elles en trou- 
vent l'occasion. 

Ordinairement les Guêpes entraient dans la ruche et en 
sortaient par deux ouvertures situées en arrière et prove- 
nant de joints disloqués, mais (ce qui est surtout remar- 
quable), on en voyait aussi quelques-unes passer à l’aller et 
au retour par le trou de vol des Abeilles sans que celles-ci 
parussent y prendre garde. 

La bonne harmonie n’a pas dû toujours régner dans cette 
double république, car à certains moments, M. Saint-Pée a 
vu le sol autour de la ruche jonché de cadavres d’Abeilles, 
tandis que d’autres fois il était couvert de Guêpes mortes. 

Il y avait sans aucun doute à ces moments-là, de grands 
combats et la victoire ne restait pas toujours aux mêmes. 

Mais la colonie des Abeilles à toujours été faible {ce qui 
n'est pas surprenant), elles étaient sûrement gênées par leurs 
trop nombreuses voisines. et l’on sait que pour faire de 
bonnes récoltes, et mener à bien l'élevage de leur couvain, 
une des premières conditions qu'elles réclament, c’est la 
tranquillité. 

Les Guêpes au contraire n’ont pas dû être gênées, elles 
étaient là sans aucun doute, DAS 
comme chez elles, occupant Dre + 
la hausse toute entière. Leur _ D 
colonie avait acquis un tel 
développement que leur pré- 
sence était devenue un véri- 
table danger pour le rucher 
et pour les alentours; les 
promeneurs du parc s'en 
plaignaient chaque jour et il 
fallut songer à les détruire, 
ce qui fut d’ailleurs fait. 

La ruche ayant été for- 
tement enfumée, on souleva 
la hausse pour y introduire BTE 

: ne Figure schématique montrant les places 
une mèche soufrée, et quel- respectives occupées par les Abeilles et 
ques minutes plus tard le nid les Guëêpes dans une même ruche à 
était enlevé avec les cadres Re Les Guêpes ont envahi toute la 
auxquels il est encore fixé, ; 
et enfermé à mon intention dans une ruche vide. 


256 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Aussitôt après l'opération, les Abeilles se répandirent dans 
le haut de la ruche, semblant fort surprises de n’y plus re- 
trouver leurs voisines. 

Les Guépes fort nombreuses qui se trouvaient dehors à ce 
moment, vinrent pendant longtemps rûder autour de leur 
ancienne demeure, mais elles ne firent aucune tentative pour 
s’y réinstaller. 

J'ai pu constater que l'acide sulfureux qui avait eu si vite 
raison des Guépes adultes, n'avait exercé aucune action sur 
les nymphes (ce que j'avais déjà observé pour le sulfure de 
carbone). Elles ont continué d'éclore chez moi où j'avais 
transporté le nid, et jusqu'à la fin de décembre 1897, j'ai pu 
constater de nouvelles éclosions quoique ce nid fut placé 
dans une chambre sans feu. 

Cette singulière observation de deux colonies d'ennemis in- 
vétérés passant ensemble une saison entière sans inter- 
rompre leurs fonctions au milieu de périodes de luttes et de 
calme successives, pourrait donner lieu à bien des réflexions. 
Je laisse à d’autres le soin d’en tirer des conclusions, mais si 
semblable fait se renouvelait dans notre rucher, je me pro- 
mets d'aller l’observer moi-même sur place, et je fais les 
vœux les plus sincères, quoique sans grand espoir, pour que 
cette bonne fortune me soit donnée un jour. 


EXTRAITS DES PROCÉS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


5e SECTION (BOTANIQUE). 


SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1898. 


PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT. 


Il est procédé au renouvellement du bureau, qui se trouve ainsi 
constitué pour l’année 1898 : 


Président, M. Weber. 

Vice- Président, M. Hédiard. 

Secrétaire, M. Morot. 

Secrélaire-adjoint, M. de Lamarche. 

Délégué à la Commission des récompenses, M. Weber. 


M. le Secrétaire général annonce la mort de M. Pailleux, membre 
honoraire du Conseil, décédé le 8 février, à l’âge de quatre- vingt-cinq 
ans, au moment où il préparait une 3° édition du Pofager d'un curieux. 

La Societé a contribué activement par son influence, ses relations, 
ses publications, sans oubiier les encouragements pécuniaires, aux 
resultats obtenus par M. Pailleux dans son jardin de Crosnes (Seine- 
et-Oise). On sait que l’appellation de Crosnes donnée aux tubercules 
du Séachys affinis est tirée simplement du nom de cette localité. 

M. de Guerne a représenté la Société aux obsèques de M. Pailleux 
et il espère pouvoir bientôt présenter à la Section le portrait du défunt 
qui lui a élé promis par la famille. 

La correspondance imprimée comprend entre autres choses, une 
brochure de M. Clos sur les Acclimatations végétales réalisées par lui 
à Toulouse, un mémoire de M. Naudin sur les Nodosités des Légumi- 
neuses, et un ouvrage de M. Baltet sur l’Art de greffer. 

M. Chappellier présente un Aiïl qu’il cultive depuis quatre ou cinq 
ans et qui donne des bulbes très grosses, d’un goût moins ion que 
celui de l’Ail ordinaire. 

Il recommande comme très bonne la variété verte de l’Arroche Bonne 
Dame, tandis que la variété rouge dont M. G. d'Augy a offert à plu- 
sieurs reprises des graines à la Société, est moins estimée, bien 
qu'elle soit cependant à conserver comme plante rustique ornementale. 

M. le Secrétaire général annonce la création de la Section coloniale 
qui peut intéresser les botanistes à divers égards; la fondation de la 
Revue des Cultures coloniales est également signalée à l’Assemblée. 

Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 18. 


258 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


M. de Lamarche entretient la section de la culture de l'Eucalyptus 
urnigera qui semble devoir résister sous le climat de Paris. Les ren- 
seignements qu'il possède sur ce sujet sont encore incomplets, mais 
il espère en obtenir de plus détaillés d’une personne qui poursuit 
cette culture depuis plusieurs années. 

M. Weber parle du poulque, boisson nationale au Mexique, extraite 
de l’Agave salmiana; celte boisson, qui passe pour très saine, ne se 
conserve pas, mais se fabrique toute l’année, au fur et à mesure des 
besoins. 

M. Chappellier indique l'emploi de l'Opuntia rafinesquiana, qui 
pousse très bien en plein air sur les toits de chaume, pour écarter les 
Chats des jardins. 

M. Weber fait remarquer que si les Opuntia rafinesquiana et vulgaris 
semblent appropriés à cet usage par leur petite taille, ils ont l’incon- 
vénient de ne pas présenter de forts aiguillons. Au Mexique, on 
emploie surtout pour écartler les animaux l'Opuntia tunicata, dont les 
aiguillons sont beaucoup plus redoutables. 

M. Weber ajoute qu'il serait plus intéressant de multiplier et 
de répandre les Opuntias inermes susceptibles d'être utilisés comme 
fourrage. Une espèce est cultivée pour cet usage aux Baléares. M. de 
Guerne en a également vu dans le domaine du duc d’Aumale, près de 
Palerme. 

M. Weber a recu, il y a peu de temps, de la République Argentine 
des graines d’une espèce dont les fruits sont paraît-il, inermes. Sur sa 
demande, M. Roland-Gosselin, a bien voulu culliver la plante aux 
environs de Nice, à Villefranche ; elle y végète très bien, mais elle n’a 
pas encore fleuri. 

Le Secrétaire, 
MoRoOT. 


6° SECTION (COLONISATION). 


\ 


SÉANCE INAUGURALE DU 31 JANVIER 1898. 


PRÉSIDENCE DE M. LE MYRE DE VILERS, 
Président de la Société, 


PUIS DE M. MILHE-POUTINGON, 
Vice-Président de la Section Coloniale. 


M. le Président fait ressortir le rôle important que la Societé d'Accli- 
matalion est appelée à jouer dans l’œuvre de la Colonisation française 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 259 


introduction et acclimatation de plantes ou d'animaux dans les colo- 
nies, échanges de colonie à colonie, etc. Depuis son origine en 1854, 
la Société n'a pas cessé de se préoccuper de ces questions, bien avant 
qu’elles fussent mises à l'ordre du jour par les économistes et les 
hommes d'État du temps présent. On peut en voir la preuve dans ses 
publications et dans le choix d’un grand nombre de ses lauréats. M. le 
Président déclare qu'en créant une Section coloniale, le Conseil de la 
Société d'Acclimatation n’a fait que suivre une tradition constante et à 
laquelle il entend rester fidèle : grouper toutes les compétences, toutes 
les bonnes volontés pour le bien général. L'étude méthodique des pro- 
duits naturels des colonies et leur mise en valeur au point de vue 
agricole, préoccupe aujourd’hui un très grand nombre de personnes. 
Elles viendront ici se renseigner et s’instruire grâce aux hommes dis- 
tingués, savants et praliciens, que le Bureau de la nouvelle Section 
coloniale ne manquera pas d'atlirer à ses séances. C’est pourquoi le 
choix de ce Bureau présente une réelle importance, il faut y procéder 
sans retard. | 

M. Le Myre de Vilers propose à-l’Assemblée de nommer comme Pré- 
sident de la Section, M. Edouard Raoul, pharmacien en chef des Colo- 
nies, professeur à l'Ecole coloniale, auquel la Société d'Acclimatation 
décernait précisément l’année dernière une de ses récompenses et dont 
les mérites sont bien connus. Cette proposition est accueillie par d'una- 
nimes applaudissemenls et M. Raoul est élu Président par acclamation. 

Sont elus à l'unanimité : 

Vice-Président : M. Milhe-Poutingon, directeur de la Revue des Cul- 
tures coloniales. 

Secrétaire : M. P. Bourdarie, chargé de Mission du Ministere des 
Colonies. 

Secretaire-adjoint : -M. Bocher, ingénieur agronome. 

Le délégué du Conseil auprès de la nouvelle section est M. Louis 
Olivier, directeur de la Revue générale des Sciences pures et appliquées. 

Le bureau de la Section étant ainsi constitue, M. le Président l’in- 
vite à commencer ses travaux et prie M. Milhe-Poutingon, Vice- 


Président, de prendre possession du bureau avec les Secrétaires. 


En prenant place au fauteuil, M. Milhe-Poulingon remercie l’As- 
semblée de l'honneur qu’elle a bien voulu lui faire en l’appelant à la 
Vice-Présidence. Il rend hommage au zèle infatigable du Président de 
la Société d’'Acclimatation pour tout ce qui concerne le développement 
des Colonies, et qui lui a valu, dès 1882, la médaille d'or de la Société 
d'Acclimafation, bientôt suivie du titre rarement décerné de Membre 
honoraire. M. Le Myre de Vilers donne une nouvelle preuve de sa sol- 
licitude pour les Colonies en venant inaugurer aujourd’hui les travaux 
de la Section. C’est un gage de succès pour l’avenir. C’est également 
un gage de succès que le choix fait pour la Présidence de M. Edouard 
Raoul dont tout le monde regrette l'absence de cette réunion. Son la- 


1) NPC MERE 


260 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


beur infatigable et ses fructueuses missions dans les colonies fran- 
caises et étrangères pour étudier ou perfectionner les méthodes de 
l’agriculture tropicale, et rechercher de nouvelles plantes utiles, lui 
donnent une autorité que nul ne peut avoir à uu plus haut degré pour 
diriger les travaux de la Section coloniale. 

M. le Président définit ensuite le rôle de la Section et fait appel au 
concours de tous pour rendre ses travaux intéressants et utiles. (Voir 
ci-dessus Bulletin, p. 154 le texte de l'allocution de M. Milhe-Pou- 
tingon.) 

Lecture est donnée de la correspondance; elle comprend entre 
autres documents : 

Une lettre de M. le professeur Heckel, directeur de l’Institut colo- 
nial de Marseille, promettant son concours actif à la Section et signa- 
lant diverses questions à mettre à l'étude. (Voir Bulletin, ci-dessus 
p. 201.) 

M. Charles Naudin, de l’Institut, Membre honoraire de la Société, 
remercie des marques de sympathies qu'il a recues de ses collègues 
et promet de continuer sa collaboration et ses envois de graines, spé- 
cialement en vue d'introduire des plantes utiles dans les colonies 
françaises. 

Lettre de M. Noirot, adminislrateur colonial à Timbo (Foutah- 
Djallon), sur une expérience faite par lui de l’emploi des Bœufs d’atte- 
lage au Soudan français (voyage de Konakry à Timbo). 

M. Bretonnet, administrateur colonial au Haut-Dahomey (Moyen- 
Niger), donne des renseignements sur les Eléphants dans cette région, 
sur la capture d'une Autruche âgée de dix-huit mois environ, sur l’In- 
digo et le Coton indigène. 

M. Robin, pharmacien à Tamatave, demande des graines de végé- 
taux utiles pouvant être acclimatés à Madagascar. 

M. P. Chappellier se félicite de la création de la Section coloniale 
et promet son concours le plus dévoué à ses travaux. 

M" Escande demande des graines pour les envoyer à son mari, 
missionnaire à Madagascar. 

Lettre de M. Jolis (Guatemala), demandant des graines de plantes 
fourragères des colonies françaises, et promettant des envois en 
échange. 

M. Haffaer, directeur du Jardin botanique de Saïgon, envoie le 
catalogue des plantes qu'il offre en échange à ses correspondants. 

M. Chalot, directeur du Jardin d'essai de Libreville, envoie une 
note sur la culture du Caoutchoutier de Ceara (Manïhot Glaziowii) au 
Congo français. 

M. le Président soumet ensuite aux Membres de la Section une 
série d'échantillons provenant des colonies : 

1° Coton indigène du Soudan ; 

2° Ouale provenant de ce coton; 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 261 


3° Coton de Géorgie récolté au Soudan ; 

4° Ouate provenant de ce coton; 

9° Graines de Cotonnier du Soudan ; 

6° Épis de Blé récoltés au Soudan (Tombouctou) ; 

7° Pain fabriqué avec de la farine reçue de Tombouctou. (La récolte 
a été de 70 tonnes de farine, qui viennent en déduclion des frais de 
ravitaillement) ; 

8° Arachides du Sénégal ; 

9° Maïs dit « préhistorique » provenant de graines envoyées au 
Congo par la Societé d'Acclimatation. Ce Maïs a réussi au Jardin d’Es- 
sai de Libreville bien qu'il y ait atleint une taille moins élevée qu’en 
France. 

10° Tabac du Congo français (rivière Soemé), semé et récolté en 
France ; 

11° Collection des Caoutchoucs du Congo belge; 

12° Graines de Cotonnier de Piura (Pérou); 

13° Coton du Piura; 

14° Cocons de Vers à Soie de la Nouvelle-Calédonie. 


M. le D' Maclaud, médecin du Gouvernement à Konakry (Guinée 
française), fait une communication sur les essais tentés par lui dans la 
colonie, et dont quelques uns ont donné des résultats très encoura- 
geants : essais très nombreux de cultures de plantes potagères reçues 
de France, création du Jardin d'Essai de Konakry; plantation de 
Manguiers, multiplication de fruits indigènes; culture de plantes en- 
voyees de Libreville et de France, etc. Le Jardin d’Essai, en plein pro- 
grès, est aujourd'hui pourvu d’un Direcleur. L 

D'après le D' Maclaud, les travailleurs indigènes pouvant être em- 
ployés dans les exploitations agricoles doivent être choisis de pré- 
férence parmi les Bagas de la côte. Dans leurs villages et dans leurs 
plantations, ils font preuve de véritables aptitudes au travail agricole. 

M. le D' Maclaud, critique vivement les procédés employés dans la 
Guinée française pour la création des plantations, procédés qui ont 
amené bien des mécomptes. Il donne des renseignements sur les plan= 
tations de M. Colin, de Hambourg (Caféiers), de M. Bouery (Caféiers et 
Cacaoyers) et sur diverses plantalions de Bananiers. Il termine en solli- 
citant les libéralités de la Section pour le Jardin d'Essai de Konakry. 

M. le President adresse à M. le D' Maclaud les remerciements de 
l'Assemblée. Il rappelle les travaux antérieurs de M. Maclaud, dont le 
Muséum a recu à maintes reprises de précieux envois et annonce son 
prochain départ pour une mission dans le Fouta-Ljallon. 


M. V. Perret, Vice-Président de la Chambre d'Agriculture, de Nou- 
mea, fait une communication sur les essais de culture en Nouvelle- 
Calédonie. M. Perret étudie rapidement l'histoire de la colonisation 


262 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


dans ce pays où sur 1,800,000 heclares, 600,000 seulement sont 
couverts de végétalion herbacée et forment le périmètre exploitable 
pour l’agriculture et l'élevage. Les terrains situés en plaines, alluvions 
de haute fertilité, comportent environ 60,000 hectares. 

On peut d'ores et déjà, estimer à 25,000 hectares les terres qui se- 
ront propres aux cultures, mais elles se trouvent disséminées sur 
toute l'étendue de l'ile. 

M. Perret, expose les résultats obtenus ou cherchés au moyen des 
divers systèmes expérimentés tour à tour; exploitation du Santal 
jusqu’à destruction, culture de la Canne à sucre, colonisation pénale. 
Toujours, on a trop négligé les cultures indispensables à l'existence 
même de l’homme : Maïs, Haricots, etc. 

On fit ensuite des essais de culture de plantes industrielles, Niaoulé, 
épices, Géraniums. Le Cotonnier, cultivé jadis, ne paie plus aujour- 
d’hui les frais de récolte et de transport de ses produits. 

Après avoir passé en revue toutes les autres plantes sur lesquelles 
on à Cru pouvoir asseoir la colonisation agricole, plantes à fécule, Ana- 
nas, Tamarinier, plantes à huile, Tabac, etc., etc., M. Perret examine les 
résultats obtenus par l'Administration pénilentiaire. Elle suivit d’abord 
les premiers errements; plus tard on fit des essais de Céréales; la pre- 
mière tentaiive de culture du Blé parut concluante. Depuis, et malgré 
la création d'une minoterie, on semble se débattre dans les hésilalions 
et l'incertitude. La Vigne na laissé comme souvenir qu'un plant fort 
robuste; viennent enfin les cultures actuelles de Café et de Cacao. 

M. Perret pose les règles qui devront présider aux exploitalions 
agricoles en Nouvelle-Calédonie. Ii propose d'associer le Mürier pour 
l’élevage des Vers à Soie, à la Vanille et la Vigne au Caféier. (Voir 
Bulletin, ci-dessus p. 180.) 

Il conclut en exprimant le vœu que la Nouvelle-Calédonie sorte 
bientôt de la période des essais pour entrer dans la voie féconde du 
progrès agricole. 

M. le Président remercie M. Perret de sa très intéressante et très 
instructive communication et ne doute pas que l’œuvre entreprise par 
M. Feillet, Gouverneur de la Colonie et par de courageux Français, ne 
soit un jour couronnée de succès. 

M. le Président donne ensuite lecture du vœu concernant la protec- 
tion de l'Éléphant d'Afrique qui lui est transmis par la l'® Section 
(Mammifères) et propose son adoption à l’Assemblée. Le vœu est 
adopté à l'unanimité. (Voir le texte ci-dessus, p. 128.) 


Le Secrétaire, 


P. BOURDARIE. 


Re 
* 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


LA MÉNAGERIE DES REPTILES AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE 


DE PARIS. 


Malgré le peu de sympathie et même le sentiment de répulsion que 
les Reptiles éveillent en général, l'intérêt qu'offre l'étude de ces êtres 
les a fait de tout temps accueillir dans les Ménageries. Sans parler de 
ceux observés à Versailles par Perrault, qui nous y indique l’existence 
du Crocodile, de la Grande Tortue des Indes, du Gecko, du Camé- 
léon, etc., Deleuze, dans un ouvrage bien connu {1), énumère vingt- 
trois espèces ayant vécu au Muséum depuis sa fondation en 1:93; cinq 
existaient au moment de cette publication (1823). Toutefois, c’est 
quinze ans plus tard que fut aménagé un local spécialement destiné à 
recevoir ces animaux. 

On connaît l’histoire de cette création, due à l'initiative de Constant 
Duméril. A la foire des Loges, frappé de la bonne tenue d’une Ména- 
gerie ambulante appartenant au sieur Honoré Vallée, il en proposa 
l'acquisition à l’Assemblée des Professeurs le 9 octobre 1838, avec la 
clause que ledit Vallée, dont il avait pu apprécier l'intelligence spe- 
ciale, serait pris comme gardien des Repliles. C'était un fonds peu 
considérable, car, mettant à part neuf animaux d’autres groupes, 
Singes, Ichneumon, Kinkajou, Perroquets, les hôtes cédés pour la 
nouvelle annexe ne comprenaient que deux Pythons et trois Caïmans, 
dont deux ont plus de quatre pieds de longueur, nous apprend le 
procès-verbal de ia séance. Le tout était acquis moyennant la somme 
de mille francs, plus cinq cents francs pour différents ustensiles, 
caisses, bouillottes, couvertures, etc., destinés à compléter l’installa- 
tion. Vallée touchait un traitement annuel de huit cents francs, lequel 
prenait fin, 2pso facto, si les Reptiles venaient à mourir sans être rem- 
places. Cette condition restrictive ne devait pas avoir d'effet, l’exten- 
sion du service fut rapide, et, dans le courant de l’année 1839, le 
nombre des entrées s'élevait à quatre-vingts. 

Ce n’était là qu’un début; les animaux affluèrent, grâce aux sollici- 
tations pressantes de C. Duméril qui stimulait de toutes facons le zèle 
des voyageurs et des correspondants du Muséum; une instruction, 
encore aujourd'hui en usage, fut imprimée, leur indiquant d’une ma- 
nière précise et pratique les précautions à prendre pour ces envois. 


(1) Histoire et description du Muséum royal d'Histoire naturelle, tome Il, 
p. 692, Paris, 1823. 


264 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Le nombre des Reptiles qu'on a pu ainsi observer s’est accru, par 
suite, dans des proporticns inespérées; et, pour les recherches d’ana- 
tomie et de physiologie, pour l'étude zoologique, pour la connaissance 
des mœurs de ces êtres et même au point de vue artistique, cette 
Ménagerie a rendu et rend tous les jours d'incontestables services. 
Auguste Duméril, successeur de son père comme Professeur d'Herpé- 
tologie, a publié, dans les Archives dx Muséum d'Histoire Naturelle, 
quatre nolices d'un haut intérêt sur les accroissements successifs de 
cette colicction et -sur les importants travaux dont elle a fourni le 
sujet; j aurai l’occasion d'y revenir dans les pages qui vont suivre. 


L'installation première fut des plus modestes. On avait utilisé une 
pièce formant le rez-de-chaussée d'une pelite maison, maintenant 
détruite, siluée sur l'emplacement des parcs et bassins où, pendant la 
belle saison, les Crocodiles et les Toriues sont aujourd'hui mis en 
plein air. La singerie l’occupait à ce moment; mais le Palais, suivant 
le terme consacré, où les Quadrumanes se trouvent actuellement, venait 
d’être cons:iruit et livré à l'Administration, le local était donc dispo- 
nible. Perpendiculaire à la rue Cuvier, orientée ouest, car le mur 
opposé n'’offrait pas d'ouve rture de quelque importance, la pièce ne 
recevait la lumière et le soleil que d’une manière imparfaite, l’espace, 
au bout de peu de temps, était, de plus, devenu d'une insuffisance 
notoire; aussi, dans les dernières années, élablit-on, longeant le mur 
sur la rue, une sorie de couloir, greffé en T sur la salle primilive et lui 
donnant un peu plus d’étendue, il était, en partie, éclairé par un 
vitrage supérieur. Mais tout cela manquait évidemment d'élégance, 
était fort mal disposé et mal commode, bien que des observations tres 
intéressantes, celles de Valenciennes sur l'élévation de température 
chez certains gros Serpents, pendant l’incubalion, celles d'A. Duméril 
sur la ponte et les transformations des Axololis, sur l'enkystement 
estival du Protopière, et nombre d'autres, y aient été faites au grand 
bénéfice des sciences naturelles. 

Tout le monde réclamait un local plus digne de semblables richesses ; 
aussi, dans ces derniers lemps, un bâtiment nouveau a élé édifié 
d'apres les plans de J. André, membre de l’Institut, professeur à 
l'Ecole des Beaux-Arts, en utilisant et augmentant d'anciennes cons- 
tructions, où se trouvaient les ateliers de menuiserie, de serrurerie et 
autres, destinés à l'entretien du Muséum. L'inauguration en fut offi- 
ciellemeut faite, le 4 octobre 1874, par M. le Professeur Emile Blan- 
chard, membre de l'Institut, qui, chargé du service par intérim, avait 
réglé les dispositions du nouveau local. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 265 


En entrant dans celte Ménagerie (Voir le plan ci-dessous), et se 
dirigeant vers la droite, on quilite une premiére pièce pour pénétrer 
dans la grande salle principale, située en façade ; à l'extrémité de 


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SALLE DES VENIMEUX 


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celle-ci, une autre salle renferme les Serpents venimeux; elle com- 
munique avec la salle des aquariums, laquelle, adossée parallèlement 
à la seconde, ramène dans la pièce d'entrée. 


266 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


La grande salle dite des Crocodiles, mais qui renferme, avec ces 
animaux, beaucoup d'autres espèces, et, d’une manière générale, tous 
les Reptiles d'une certaine taille, ne mesure pas moins de vingt-deux 
mètres de long sur dix de large ; elle recoit le jour à la fois par un 
vitrage supérieur et par la facade, qui regarde le Sud-Est. Bien éclai- 
rée, munie d'appareils de chauffage puissants, c’est, sans contredit, la 
pièce qui présente les meilleures conditions pour conserver les ani- 
maux. Au fond, le long du mur, se voit un vaste bassin, étendu d’un 
bout à l’autre de ja salle; une plage dallée donne aux Reptiles la faci- 
lité de s’y mettre à sec; des cloisons mobiles permettent de diviser 
l’espace en un cerlain nombre de compartiments secondaires. En 
regard, du côté de la facade, s’aligneut de grandes cages vitrées, d'un 
élégant modèle, dans lesquelles les animaux sont visibles aussi bien 
de l'extérieur que de l'intérieur du bâtiment. Ces cages, comme aussi 
la plage, sont chauffées par un système de tuyaux à circulation d’eau 
chaude, qui passent au-dessous, et la température des bassins peut 
être élevée, en y amenant le contenu de chaudières disposées à cet 
effet dans leur voisinage. 

Sur la plage se trouve la série des Crocoûiles et des Tortues, une 
des plus riches que l’on ait jusqu'ici rassemblée. Les cages vitrées ren- 
ferment les Serpents non venimeux, en particulier les grosses espèces : 
Boas, Prthons, etc., avec un certain nombre de Lézards, plusieurs 
de grande taille : Varans, Sauvegardes, Iguanes. Quelques cages 
volantes, placées contre les parties libres des murailles, donnent la 
facilité, si les circonstances le réclament, de mettre sous les xeux dn 
public de petits Reptiles, appartenant à ces deux derniers groupes, 
surtout celui des Serpents. 

Dans la salle des Venimeux existe une suite de cages destinées à 
recevoir ces dangereux Ophidiens. Elles sont moins spacieuses que 
celles de la grande salle, ces Reptiles étant d'ordinaire de taille moyenne 
cu petite: une circulation d’eau chaude, indépendante du service 
général, permet de les mairtenir à une lempérature convenable. Des 
grillages métalliques doublent les glaces, pour prévenir tout accident, 
et des cloisons mobiles permettent aux gardiens d'isoler les animaux 
dans une partie de la cage, perdant que l’on arrange et nettoie l’autre 
partie. Devant l’une des fenêtres est disposé un meuble bas, à dessus 
vitré, divisé en compartiments, il contient différents petits Batraciens : 
Crapauds, Salamandres. Un bassin adossé à la muraille en face des 
cages recoit des Tortues aquatiques des pays tempérés- 

Les aquariums, au nombre de treize, placés dans la salle en retour, 
sont suceptibles d’être divisés pour multiplier l’espace, car il est indis- 
pensable, dans la plupart des cas, de séparer soigneusement par 
espèces ces animaux aquatiques, excessivement voraces et qui 
s’entre-dévorent les uns les autres ;: souvent même, de crainte d’acci- 
dents, les différents individus d'une espèce, si elle est rare et pré- 


EXTRAITS ET ANALYSES. 267 


cieuse, doivent êlre isolés chacun dans un compartiment spécial, tels 
sont les grandes Salamandres du Japon, les Protoplères, Ces aqua- 
riums, très vastes et abondamment fournis d’eau, ont été surtout 
construits en vue de la conservation des Batraciens : Grenouilles, 
Salamandres, etc.. qui trouvent là des conditions si favorables que 
bon nombre d’entre eux s'y reproduisent habituellement. Quelques-uns 
contiennent des représentants de la classe des Poissons, mais en petit 
nombre, l'installation n'étant pas, à beaucoup près, assez étendue 
pour permettre encore de développer cette partie du service. On a, 
depuis quelques années, mis dans un des aquariums un système de 
chauffage au gaz placé dans l'eau même, les résultats en sont assez 
satisfaisants. Des étagères supportent de pelits aquariums, où se 
voient des Salamandres terrestres et aquatiques, celles particulièrement 
des environs de Paris pour mettre sous les yeux du public chaque 
différente espèce isolée. Enfin deux grandes vasques, le long du mur 
en face, logent aussi quelques Poissons, déposés souvent là, en 
réserve, pour servir de pâture à d’autres animaux de la Ménagerie, 
dans l’une cependant ont été longtemps installés deux Silures du 
Danube. 

La salle d'entrée, dans laquelle nous nous trouvons ramenés, de 
même dimension que celle des Venimeux, présente du côté des 
fenêtres une série de petites cages sur deux rangs superposés, dans 
lesquelles prennent place de petites espèces appartenant aussi bien 
aux Tortues qu'aux Lézards, aux Serpents et même aux Batraciens. 
Une grande cage centrale, qui, par suite de sa situation, se trouve 
dans l'ombre, contient d'ordinaire des Crapauds communs, que l’on 
cherche toujours à rassembler en nombre, beaucoup de Reptiles affec- 
tionnant ce genre de nourriture. Ces cages sont convenables pour 
recevoir parliculièrement les animaux de nos climats ou des espèces 
semi-aquatiques, qui ne réclament pas une trop haute température, 
il est vrai qu’orientées au Sud-Ouest, elles recoivent le soleil pendant 
une grande partie de la journée et se trouvent, sous ce rapport, dars 
ure excellente situation; on y a, de plus, récemment installé un 
système de tuyaux à eau bouillante, qui chauffe directement les cages 


intérieures. 


Su) 


%X 

Bien que la Ménagerie des Reptiles soit relativement vaste et, sans 
contredit, l’une des mieux comprises en ce genre, réalisée jusqu’à ce 
jour, elle est loin d'être suffisante au point de vue surtout de l’espace, 
trop restreint eu égard au nombre de sujets qu'elle renferme. Souvent 
on est obligé de réunir différentes sortes d'animaux dans une même 
cage, ce qui n’est pas sans inconvénients graves. Tout d'abord, et bien 
qu'on s’efforce de combiner les choses au mieux, les accidents ne 


268 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


sont malheureusement pas rares et les diverses espèces se blessent ou 
s'entre-dévorent encore trop fréquemment. En second lieu, cette col- 
lection, destinée avant tout à l'instruction du publie, ne remplit ainsi 
qu'imparfailement son but, les étiquettes multiples, placées sur une 
même cage, laissant dans le doute, quant aux individus auxquels 
chacune d'elles doit être rapportée. 

Le présent livre pourrait, dans une certaine mesure, lever cette 
dernière difficulté, s'il permet aux personnes étrangères à celle parlie 
des Sciences naturelles de s'initier aux études herpétologiques en 
consultant les descriplions sommaires données des espèces les plus 
intéressantes et que la Ménagerie renferme le plus habituellement ; il 
ne serait pas possible, en effet, sans sortir des limiles d’un ouvrage tel] 
que celui-ci, de faire connaître toutes celles qui y ont été vues. On 
trouvera d’ailleurs plus loin la liste générale des Reptiles ef Batraciens 
observés jusqu’à ce jour à la Ménagerie; elle permettra de juger 
quelle importance ecientifique présente cette partie des services du 
Muséum d'Histoire naturelle. 

Les animaux, dont il doit être ici question, appartiennent à ces deux 
classes de Vertébrés à sang froid. Dans la première, celle des Reptiles, 
la peau est écailleuse, elle est nue chez les Batraciens. Ceux-là com- 
prennent à leur tour quatre groupes : Crocodiles, Tortues, Lézards et 
Serpents. La seconde en comprend trois : Péroméles, Anoures ou Gre- 
nouilles, Urodèles ou Salamandres. 

Cette division naturelle est celle que nous suivrons, il eût peut-être 
été préférable d'adopter un ordre, si l'on peut dire lopographique, en 
parlant de chaque animal d’après sa place dans chacune des cages en 
en suivant la série, mais la chose est impraticable ; le renouvellement 
continu des sujets par les décés et les entrées journalières, rend par 
force tout arrangement provisoire et le nouvel arrivant déplace un hôte 
plus ancien, si les circoustances l’exigent. Les étiquettes placées sur 
les cages concordant avec la nomenclature ici adoptée, permettront. 
j espère, au lecteur de trouver sans trop de peine, les renseignements 
qui peuvent l'intéresser. 

En terminant, je ferai observer que les noms scientifiques latins sont 
ceux avxquels il faut de préférence s'attacher dans les recherches, les 
noms vulgaires, qui, pour obéir à l'usage et donner aussi certaines 
facilités, les accompagnent, sont moins précis, variant avec les pays, 
avec les auteurs. On a adopté pour ces noms vulgaires, chaque fois 
que la chose a été possible, ceux donnés par les anciens naturalistes, 
lesquels noms, dans bien des cas, sont encore usités dans le langage 
courant ; souvent j'ai pris les dénominations françaises de l’Erpéto- 
logie générale, ce qui présente l'avantage de conserver trace de la 
nomenclature de Duméril et Bibron, suivant laquelle est encore 
classée notre collection publique et qu'il est utile, pour cette rai- 
son, de respecler dans une certaine limite au Muséum : il a fallu 


EXTRAITS ET ANALYSES. 269 


enfin se contenter parfois de traduire simplement en francais le nom 
latin (1). 


Au Muséum, juillet 1897. 
LÉON VAILLANT. 


EXPÉRIENCES D’ACCLIMATATION VÉGÉTALE FAITES AU JARDIN 
BOTANIQUE DE TOULOUSE (2) 


par le Dr D. CLos, 


Correspondant de l’Institut. 


Les écoles de botanique, champs d'essais de naturalisations. 


L'introduction en Europe des végétaux des autres régions du globe 
el surtout des régions chaudes acquiert chaque année de plus fortes 
proportions. Nos jardins et nos parcs, en présence de ces incessantes 
nouveautés n’ont plus que l’embarras du choix et s’enrichissent à 
l'envi, au grand profit de la diversité du paysage et du développement 
du sens esthétique. Dans ce mouvement la plante herbaceée domine (3), 
mais l'arbuste et l’arbre ont à ce point de vue une toute autre impor- 
tance. Il convient donc de viser sans relâche à augmenter dans la 
mesure du possible le bilan des espèces ligneuses. Les Jardins 
botaniques sont naturellement désignés pour accueillir ces nouveautés 
et les soumettre à l'épreuve. Aussi est-ce une de nos constantes 
préoccupations à l'établissement toulousain. Toutefois, selon l’ob- 
servation de M. le professeur Emery, il ne faut pas espérer voir 


(1) Préface du Guide à la Ménagerie des Reptiles, récemment publié par les 
soins de M. le professeur Léon Vaillant. 

(2) Extrait d'une notice intitulée : L'École botanique du Jurdin des Plantes 
de Toulouse et publiée par le Dr D. Clos dans les Mémoires de l’Académie des 

: sciences, inscriptions et belles lettres de Toulouse, 9e série, tome IX, 1897. 

(3) L'agriculture peut espérer trouver parfois des ressources nouvelles en 
certaines d’entre elles. C’est ainsi que parmi les dix-sept espèces d’Astragales 
cultivées à l'Ecole, l’une d’elles, l'Astragale en faux (Astragalus falcatus de 
Lamarck), vivace, originaire de Russie, et sur laquelle on avait attiré mon 
attention, m’a paru offrir la plupart des conditions réclamées pour la production 
d’un bon fourrage (là où la Grande luzerne ne réussit pas), et qu’à mon insti- 
gation elle est en ce moment l'objet de quelques essais dont il faut attendre les 
résultats pour asseoir un jugement définitif. Mais il n’est pas hors de propos de 
rappeler que déjà dès 1802, de Candolle, dans son Astragalogia, constatait la 
tendance à la naturalisation de cette espèce d’Astragalus en ces termes : « Re- 
pertus circa Parisiis, ubi probabiliter ex Horto plantarum elapsus, p. 142. » 
(Voir à ce sujet une note insérée au ne d'août 1895 de la Aevue des Sciences na- 
turelles appliquées, Bulletin de la Société nationale d’Acclimatation.) 


SALON AS 
VW Eh 


270 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


l'arbre des contrées cquatoriales, qui consent à vivre dans quelques 
parties de l’Europe, y prendre la taille du pays natal; il restera à l’état 
d’arbuste, car ce n’est qu'à quelques mélres au-dessus du sol qu'il 
rencontrera le climat analogue à celui qui règne à 20 ou 30 mètres de 
hauteur dans la région d’où vient l'espèce (1). 


A.— Naturalisation d'espèces ligneuses. 


L'Amérique du Nord, surtout par les Etats-Unis, la Chine et le 
Japon, ont déjà doté nos jardins d'Europe tempérée d’un assez grand 
nombre d'arbres et d’arbustes résistants, soit très décoratifs, soit aux 
fruits alimentaires. On en doit aussi quelques-uns au Chili et au Pérou. 
Mais il est une grande centrée, l'Australie avee la Tasmanie et la 
Nouvelle-Zélande, dont la végétalion ligneuse, d’un caractère tout 
spécial, frappait d'étonnement les premiers voyageurs qui les ont par- 
courues. Or, le climat de ces régions, abstraction faite de l’inverse des 
saisons, n’est pas sans rapport avec celui de la France, y permettant à 
l’agriculture une large extension, notamment pour la production soit 
du Blé, laquelle s’y élève aujourd'hui à plusieurs millions d’hectolitres, 
soit de la Vigne, soit des pâturages ; nos arbres fruitiers, nos légumes 
réussissent à merveille autour de Sidney et de Melbourne(2). Pourquoi, 
si l'Australie est naturellement deénudée de tout produit alimentaire 
de quelque valeur, ne pourrions-nous pas au moins enrichir nos 
cultures de ces formes étranges, Acacias vrais à phyllodes, Eucalyptus, 
et de tant d’autres élégantes Myrtacées, ainsi que de Protéacees, 
Epacridées, Diosmées, Casuarinées, elc., dont le mélange avec notre 
flore arborescente et arbustive européenne produirait de si heureux 
effets de contraste? L'Algérie, l'Espagne et l'Italie se sont montrées 
pour elles des terres hospitalières ; mais la France a été moins privi- 
légiée, et ce n’est guère que sur le littoral de la Provence, de Toulon 
à Vintimille, que les plantes de l'Australie méridionale, de la Tasmanie, 
de la Nouvelle-Zélande trouvent les conditions requises pour leur 
développement, favorables surtout entre Fréjus et Antibes. C'est aux 
portes de cette dernière que prit naissance, en 1856, la Villa Thuret, 
destinée par son propriétaire, Gustave Thuret, à devenir, suivant 
l'expression de M. Henry de Vilmorin, une sorte de Musée végétal. 
Léguée en 1877 par M° Henry Thuret à l'Etat, elle a acquis une 
importance considérable, au double point de vue de la naturalisation 
et de travaux divers, sous le titre de Laboratoire d'Enseignement 
supérieur, et grâce à la savante et féconde direction du botaniste 
éminent Charles Naudin, membre de l’Institut. Cette impulsion s’est 
rapidement répandue, transformant en maintes localités l’aspect de 


(1) La vie végétale, p. 451. 
(2) Voir L'Horticulture dans la Nouvelle-Galles du Sud, par MM. Bois et 
Gibault, Journ. Soc. nat. d'Horticulture de France, 1897, p. 58 et suiv. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 271 


nos côtes méditerranéennes. Faut-il donc renoncer à tout espoir de voir 
notre Sud-Ouest à jamais fermé à une partie de ces formes nouvelles 
si propres à régénérer nos jardins paysagers ? 

Ce n'est pas qu’on n'ait cherché de bonne heure les moyens 
de vaincre, si possible, cette résistance des planies exotiques 
plus ou moins frileuses et de les forcer à s'adapter à des con- 
ditions climatériques un peu différentes de celles du pays natal. 
Deux opinions à cet égard ont eu cours dans les premières années 
de ce siècle. Pour les uns, il fallait éloigner ces plantes peu à 
peu de leur patrie avec stations plus ou moins prolongées dans des 
régions se rapprochant par degrés successifs du climat qui leur est 
destiné; pour les autres, certains végétaux introduits et cultivés dans 
un pays s'y adapteraient mieux d'année en année par une modifica- 
tion lente de leur organisation, qualifiée d’acclimatement. Encore, en 
1859, un botaniste éminent, le professeur Edouard Morren, ae Liège, 
conseillait d'appliquer ce procédé à un très joli arbuste du Chili aux 
fruits excellents, Euxgenia Ugni Hook. (Belgique horticole de l'année 1897, 
p. 95 et 96.) Or, ni l’une ni l’autre de ces prévisions ne s'est irouvée 
réalisée par la pratique. Les exemples abondent comme preuves de 
l'impossibilité d’une telle acclimatation pour les plantes ligneuses. Les 
limites de l'Olivier en France n’ont pas varié. Tout le monde sait 
qu'aujourd'hui, comme à l'époque de son introduction, l'Oranger ne 
supporle guère des froids au-dessous de 5°; que le Ricin ou Palmna- 
Christi, arborescent en Algérie, est d'une végétation dans nos pares si 
vigoureuse qu'il figure un arbre à la fin de l'été, y meurt dés les 
premières gelées, mais en laissant tomber des graines qui germent 
sur place ; que même tel arbuste, le Garou (Daphne Gnidium L.), 
spontané et abondant au nord du département de l’Aude, sur le versant 
sud de la Montagne noire, ne franchit pas la crête peu étendue de 
celle-ci qui la sépare de son versant nord du département du Tarn, où 
cette jolie Thymélée n’a jamais montré un seul de ses représentants 
à l'état spontané ; et ces sortes d'exemples pourraient se multiplier 
à plaisir. Les tentatives faites à Toulouse, en 1808, en vue d’accli- 
mater le Cotonnier herbacé devaient échouer, car la plante y fleurit 
tard, et, contrariée dans sa végétation par les pluies d'automne, 
n’y trouve pas la chaleur suffisante au développement des fruits et à 
la maturation des graines. 

Mais si, en thèse générale, la théorie de l’acclimatation des essences 
ligneuses doit rentrer dans les utopies, l’horticulture a conquis de nos 
jours tant et de si ingénieux moyens d'action sur les plantes, qu'elle 
parvient parfois à en modifier, dans une certaine limite, la manière de 
vivre, ici fortifiant ou affaiblissant l'organisme, là retardant ou accé- 
lérant les périodes soit de la végétation, soit et surtout de la floraison 
et de la fructification. 

L'expérience a de plus démontré qu'il n’est pas rare, parmi les 


RE” 


272 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


nombreux individus d’une espèce, d'en voir de moins accessibles que la 
majorité à l’action des basses températures, d'où l'on peut conjecturer 
qu'une judicieuse sélection, poursuivie durant une série de générations, 
amènerait saus doute l'obtention de races un peu moïns frileuses que 
le type. Malheureusement, rien dans l’organisation ne peut en général 
faire prévoir ni expliquer cette résistance au froid, propriété indivi- 
duelle de la vie résidant sans doute dans le protoplasma. 

Il ne saurait être ici question de l'hybridation, source à notre époque 
de tant d'importants résultats, notamment pour la viticulture française, 
donuant généralement des produits plus rustiques et d’une plus faible 
adaptation à tel ou tel sol, mais en général aussi trop peu stables et 
tendant par fécondation à faire retour au type des ascendants. Dès 
lors, à part quelques rares exceptions, tout se réduit à supputer, 
d’après les effets produits par les hivers d’une plus ou moins longue 
série d'années, les chances de vie ou de mort d'un certain nombre 
d'espèces exotiques qu'il y aurait intérêt à conserver dans la région du 
Sud-Ouest, dont Toulouse est le centre (1). 

11 ne faut pas faire grand fonds sur les représentants des contrées 
tropicales ; mais il est acquis que ceux de la Chine et du Japon ne 
peuvent être jugés à cet égard qu'après essais. Ne sait-on pas que 
l'Aucuba et le Paulorwnia du Japon, d’abord condamnés à vivre en serre, 
y dépérissaient, ne récupérant qu'à l'air libre leur vigueur naturelle 
et la plénitude du développement? De deux arbres fruitiers de même 
origine, l’un, le Bibacier, ou Néflier du Japon, de floraison hivernale, 
voit ses organes floraux trop fréquemment détruits par nos gelées et 
ne donne à Toulouse qu'exceptionnellement des fruits ; l’autre, le 
Diospyros Si Tche, Kaki ou Plaqueminier, avec ses variétés (Costata, 
Mazeli, etc.), sy comporte bien et est fructifere. A son tour, le Juju- 
bier d'Afrique consent à vivre et à fleurir, sans l'intervention d'abris, 
sous notre climat, mais il n’y mûrit ses fruits que dans les étés ex- 
ceptionnellement chauds. L'Olivier y végète, mais n'y fructifie jamais, 
faute de la forte somme de degrés de chaleur que sa fructification 
réclame. 

J'ai donc pu croire qu'il y aurait un double intérêt, à la fois scien- 
tifique et pratique, à soumettre à l'épreuve de la résistance aux froids 
de notre climat, un choix d'espèces étrangères ligneuses. A cet effet, 
depuis plusieurs années, on multiplie au Jardin botanique un cer- 
tain nombre d’arbres ou arbustes exotiques méritants, dont on met 
en pleine terre et sans abris des représentants sacrifiés d'avance. 


{1} Cette région, que M. Félix Sabut a qualifiée de toulousaine, comprend 
les pays situés au nord de la région pyrénéenne et à l’est de la région littorale, 
et s'éteud sur une partie des départements des Hautes-Pyrénées et de l’Ariège, 
sur la plus grande partie de la Haute-Garonne, de la Dordogne et du Lot, et 
sur la totahié des départements du Gers, du Lot-et-Garonne, du Taru et du 
Tarn-et-Garonne. 


À 
À 
k 

à 


EXTRAITS ET ANALYSES. 273 


En 1891, je signalais dans la Revue des Sciences naturelles appliquées 
(Bulletin de la Société d'Acclimatation), pages 681-691, les effets du 
rude hiver 1890-1891 sur les plantes de l'Ecole de botanique de 
Toulouse. 

Il est probable que de longtemps on ne reverra d'hiver aussi clément 
pour les plantes exotiques frileuses que celui de 1896-1897. Mais il 
n’a pu être supporté, en fait de plantes grasses, par les Euphorbes 
charnues, les Joubarbes frutescences, telles les Sempervivum arboreum, 
glutinosum, toréuosum ; ni dans d’autres groupes, par les Myrtacées 
australiennes ci-après : Aakea pectinala, Grevillea Thelemannii, Mela- 
leuca leucadendron, Metrosideros tomentosa, Eucalyptus macrorhkyncha, 
Metrosideros tomentosa, Callistemon pinifolium, Cytharezylon cyanocar— 
pum, Streptosolen Jamesoni, pas plus que par Tecoma capensis, Rumex 
lunaria, y compris les Monocotylées suivantes : Dracæna reflera, Agave 
vivipara (Mexique), Furcræa gigantea (Amérique méridionale). 

Ont résisté, indépendamment des Lauriers roses : ; 

De la Nouvelle-Hollande : Fabricia levigata, Melalenca hypericifolia, 
Kunzea cerifera, les Æucalyptus Gunnii, alpina, urnigera; les Callistemon 
acerosuin, lanceolaluim, sanguineum, rugulosum; les Acacia dealbata, 
relinoides, heterophylla, cultrata, ixiophylla, Hakea saligna, Myoporum 
punctatum, Capraria salicifolia, Correa viridiflora, Westringia rosmarini- 
formis, Pistacia palestina. 

De la Nouvelle-Zélande : Griselinia litloralis, les Veronica salicifolia, 
lindleyana et speciosa, Edwarsia microphylla, Coprosma lucida. 

Des Canaries : Webbia plalysepala, Lavandula abrotanoides, Cedronella 
triphylla, Phyllis nobla, Siderilis canariensis. 

De Madère : Globularia salicina, Ilex Perado, I. æstivalis. 

Du Cap : Leucadendron tortum, Celastrus mulliflorus. Malva capensis, 
Leonitis leonurus, Phygelius capensis, Agathæu amelloides, Garuleum 
pinnatifidum, C'hrysocoma coma-aurea, les Mesambrianthemum violaceum, 
barbatum, intonsum, uncinatum . 

De l'Amérique méridionale : Solanum jasiminoides, Abutilon vexillarium, 
Habrothamnus fascicularis, Yochroma tubulosum, Psidium catlleyanum, 
MNacotiana glauca, Eryngium Lasseauvii, Cassia corymbosa, Poincinia 
Gilliesit, et du Bresil en particulier : Eryngium pandanifolium, Abutilon 
sériatum . 

Du Chili : les Eugenia Ugni et apiculata, Azara dentata, Nierenbergia 
frutescens ; les Escalionia rubra et macrantha, les Berberis empetrifolia et 
Darswini, Cestrum Parqui; les Colletia. 

Du Mexique: Fadyenia macrophylla, Sedum dendroideum, Ceanothus 
axureus, Cassia floribunda. 

Et parmi les Monocotylées, trois espèces de Palmiers, les Dattiers 
commun et des Canaries, le Sabal d’Adanson; et du genre Aloës, les 
A. distique et des Barbades; le Priécairuia ringens, Bromeliacée. 


Il faut joindre à cette liste les Millepertuis d'Egypte et des Baléares, 
Buil. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 19. 


274 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


le Poivrier d Amérique (Schinus molle) qui, d'après M. F. Sahut, ne 
supporte guère une température inférieure à deux degrés, le Ceanothe 
d'Afrique. 

A la suite des hivers ordinaires, il n'est pas rare de voir dans les 
Jardins botaniques où ont lieu les essais de naturalisation, quelques 
arbres ou arbustes des contrées chaudes, laissés en pleine terre, sans 
abri, atteints par les gelées dans toutes leurs parties aériennes, 
repousser du pied à l’élé, remplaçant ainsi par une cepée plus ou 
moins nombreuse la tige première. 

Naturellement, les exemples de ce genre se sont montrés cette année 
dans notre Ecole, plus nombreux que de coutume. Je citerai les 
Suivants : 

Verberina crocata, Mikania cordifolia (Amérique méridionale}, Bruns- 
felsia latifolia (Brésil), Libonia floribunda (Brésil), Barleria cristata 
(Inde), les Cestrum Parqui (Chili), C. roseum (Mexique), C. aurantiacum 
(Guatemala), Tecoma australis, Melianthus minor (Cap), Abutilon veæil- 
larium (Amérique méridionale), les Fuchsia globosa, coccinea, gracilis, 
Sparrmannia palmata, Erythrina crista-galli (Brésil). Eugenia australis, 
les Eucalyptus goniocalyx, citriodora, rostrata, resinifera, Bechea virgata, 
Curculigo sumatrana, Phyllanthus mucronatus; les Rhus tomentosa et 
cuneifolia du Cap. 

De deux pieds de PBuddleia brasiliensis et de Cordyline reflexza, de 
Sparrmannia africana, de Pelargonium capilatum, l'un est mort, l’autre 
repart du pied. 

Jamais jusqu ici les nombreuses espèces de Pelargoniwm livrées sans 
défense à l'action de l'hiver, n'avaient résisté; ont été épargnés 
exceptionnellement cette année, les P. radula, quercifolium, adoratis- 
simum, malvefolium, scabrum, gibbosum : ont succombé les 2. zonuale, 
inquinans, incisum, papilionaceum, vitifolium, grandiflorum, acetosum, 
peltatum, hederefolium, monstruosum. 

Le Rhapis flabelliformis, cru mort, commence à montrer les feuilles 
vertes d’un bourgeon terminal. Cette sorte de transformation de l'arbre 
et de l'arbuste en plante vivace sera puissamment facilitée si on prend 
le soin d'en buter le tronc vers la fin de l’automne. 

Il est très probable aussi que plusieurs essences d’arbres supporte- 
raient le climat de notre Sud-Ouest et pourraient même y prendre un 
grand développement, si, comme on le fait pour le Séerculia à feuilles 
de Platane de la Chine, on avait soin de les protéger à l’état jeune, 
ne les livrant à la pleine terre que lorsque leur bois a pris une 
suffisante consistance. Il en sera peut-être ainsi de quelques-unes 
de ces cent trente espèces d'Eucalyptus que voit naître l'Australie, 
On a déjà reconnu comme doués de plus de rusticité que l'E. globulus, 
les £. polyanthema, Gunnü; bien plus, l’Z. viminalis, dans la Haute- 
Italie, a survécu à des froids de — 9 et — 10° centigrades, et l'£. 
pauciflora, originaire des montagnes assez élevées du sud de l'Australie 


EXTRAITS ET ANALYSES. 275 


et de la Tasmanie, a résisté, d’après Ch. Naudin, à des gelées de 
— 10 à 12° centigrades (Manuel de l'Acclimateur, pag. 265-270-271). 
Enfin, plusieurs espèces de ce beau genre, les E. cosmophylla, cocci- 
fera, cornigera, cordata, piperita, rostrata, obliqua, urnigera, se sont ac- 
commodées du climat de l'Irlande à Castlewellan (Gardeners Chronicle). 


B. — Naturalisation d'espèces herbacées. 


Les plantes herbacées d’un tempérament plus flexible que les 
ligneuses, se prêtent beaucoup mieux, par cela même, aux modifications 
que l’homme a intérêt à en obtenir. Aussi ses efforts continus depuis 
de longues années pour améliorer, par tous les moyens possibles 
et à l’aide d’une sélection inconsciente ou raisonnée, les végétaux 
d'origine étangère qui lui ont parus uliles, ont-ils détermine l’appari- 
tion des variétés, bientôt fixées et devenues des races ; il va sans cesse 
les perfectionnant et on peut les dire acclimatées, mais à la condition 
expresse de les entourer toujours de nouveaux soins, car, livrées à 
elles-mêmes, elles ne tarderaient pas à dégénérer, à retourner au type, 
à disparaître. 

Il transforme à son gré et pour son plaisir, la plante annuelle en 
vivace (Réséda odorant) et, en floriculture, il traite comme annuelles 
des espèces par nature vivaces; mais il a de la peine à plier à ses 
caprices ou seulement à faire vivre en captivité dans les jardins de 
nos villes un petit groupe de rudes montagnardes : Anéirrhinum 
azarina, Rhododendron ferrugineum, Arnica montana, Gentiana lutea, 
Alyssum pyrenaicum, ne peuvent supporter le climat toulousain, trop 
iufluencées peut-être par notre vent d’Autan (Sud-Est), tandis qu'on 
voit prospérer Æorminum pyrenaicum, Ramondia pyrenaica, Geranium 
pyrenaicum, Aster pyreneus, Erinus alpinus, de nombreuses espèces de 
Saxifrages, telles que les Saxifraga umbrosa, rofundifolia, geum, 
geraniodes, cespitosa, afugæfolia, aizoon. 

C’est grâce à la protection due aux couches superficielles du sol 
contre les extrêmes de température que l’amateur peut conserver un 
assez grand nombre de plantes vivaces des régions chaudes, telles 
que Sphacele subhastala, du Chili, Zepechinia spicata, du Mexique, 
Withania somnifera, de l'Inde et nombre d’espèces de Solanum, notam- 
ment les S. auriculatum, de Madagascar, S. bonarieuse, de Buenos Aires. 
S. sysimbriifolium, du Brésil, $. séramoniæjolium, de l'Inde, etc., et 
même de plantes sous-frutescentes dont une bonne portion de la tige 
reste implantée dans le sol, telles que les Dianella cœrulea, divaricata 
et longifolia, espèces d'Australie. 

Mais de ce que certaines plantes vivaces exotiques émettront en 
tous sens des rameaux hypogés de propagation, elles ne pourront être 
dites naturalisées, si elles ne se reproduisent spontanément de graines, 
telles que la Passiflora lutea et cærulea, Menispermum canadense, Tla- 


276 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


diantha dubia, Rehmannia chinensis, Solidago graminifolia, les Polygonum, 
cuspidatum et sakhalinense, Teucrium pyrenaicum, Stachys alpina, etc. 


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LE JARDIN BOTANIQUE DE SAINT-PÉTERSBOURG. 


Le Jardin botanique de Saint-Pétersbourg est à la fois un établis- 
sement d'ordre scientifique et d'application technique. Il est situé sur 
une des îles de la Neva, l'île des Apothicaires, entre la Grande Neva 
et la Karporka. 

Cet établissement a été créé en 1823 sur l'emplacement de l'ancien 
Jardin botanique médical créé par Pierre le Grand en 1714. Son prin- 
cipal objet est de concourir au développement des connaisseurs bota- 
niques el à l’acclimatation des plantes provenant d'autres pays. 

Le Jardin botanique occupe une surface d'environ 12 hectares, une 
partie est couverte de grandes et belles serres. Dans le jardin en plein 
air, les plantes sont groupées en massifs variés, en plates-bandes ou 
en corbeilles disséminées sur des pelouses, de manière à former un 
jardin d'agrément en même temps que d'instruction. Chaque arbre ou 
plante porte d’ailleurs l'étiquette de son nom en latin et en russe. On 
évalue à 75,000 le nombre de plantes réunies au Jardin, elles appar- 
tiennent à 25,000 espèces environ. 

Le Jardin possède un herbier en 6,000 volumes qui est considéré 
comme un des plus riches du monde. Sa bibliothèque renferme en- 
viron 12,000 ouvrages en 25,000 volumes. Un musée botanique divisé 
en trois parties (dendrologie, pomologie, paléontologie) ne renferme 
pas moins de 40,000 échantillons. Un laboratoire de physiologie végé- 
tale fait partie de l'établissement. 

Le Ministre de l'Agriculture a créé, comme annexe au Jardin bota- 
nique, une école pratique de jardinage dont les élèves ont les élé- 
ments les plus précieux pour leur instruction horlicole. Aussi ces 
élèves sont recherchés, surtout par les municipalités de l’Empire (1). 


H. SAGNIER. 


(1) Bulletin du Ministère de l'Agriculture, mai 1898. 


© BULLETIN 


DE LA. 


LATINA E D'ACOLMATATION 


DE FRANCE 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


ci 
————— 


45° ANNÉE . 


— 


SEPTEMBRE 1898 


SONSRRS 


Ertraits des on de séances de la Société : 


tion : Nétnmuless.— Séance du 21/févrien 808 0/20 Nes et 288 
Ornithologie. — Aviculture. — Séance du 28 mars 1898...... cut se Peu 
Poeme ASéance dur7; mars 1808, 0 na Re do PAR 290 

_ Entomologie. — Séance du 14 Ars 1808 en NE OP UE DE A OC 292 
a . — | Séance du 15 mars 1898....... FR Ne Re Ua 293 d 


Colonisation. — Séance du 28 février 1898. LE AMEN SEE 


Eutraits de la Fo 


ELLIER. — (inko Dilea et pt stnensis au Jardin des Fetes de Toulouse 
r CLOS...................., CCD MATE eTEt en Mar ER RUE ee 298 


Extraits el Analyses : 


RD FOA. — Les Eléphants sauvages delAfrique AUStrale Ce Receetce 


NAUDIN. Re au RE 305 
À EDWARS. — Les arbres à Gutta-Percha à no Comores een. 308 


1 


L: Société ne read sous sa responsabilité aucune des opinions 
>s par 1es auteurs des articles insérés dans le Bulletin. | 


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L'ASPIDIOTUS PERNICIOSUS 
OU LE SAN JOSE-SCALE DES ÉTATS-UNIS 


ET LES COCHENILLES D'EUROPE VOISINES 
VIVANT SUR LES ARBRES FRUITIERS (1) 


par le Dr Paul MARCHAL,, 


Chef des travaux à la Station entomologique de Paris, 


Le San Jose-Scale, l'Aspidiotus perniciosus,estactuellement 
le fléau le plus redoutable qui sévisse aux Etats-Unis sur les 
arbres fruitiers. Sa présence vient, d'autre part, d'étre 
reconnue en Allemagne sur des fruits de provenance améri- 
caine : un grand nombre d’Aspidiolus vivants ont été trouvés 
dans une caisse de poires arrivée d'Amérique à Hambourg, et 
le Ministre des Finances à Berlin vient de lancer un ordre de 
prohibition pour empêcher l'entrée dans les ports allemands 
des fruits frais, des matériaux ayant servi aux emballages et 
des plantes vivantes de provenance américaine, prohibition 
fondée sur une enquête officielle conduite par M. le profes- 
seur Franck (2). 

L’alarme doit donc être donnée dans tous les pays d'Europe, 
qui sont exposés à être contaminés par l'importation des 
fruits ou des jeunes arbres ayant une origine américaine, et 
le signalement du nouvel ennemi qui menace nos vergers 
doit être partout répandu. Nous nous attacherons donc, dans 
les lignes qui vont suivre, à retracer les traits principaux de 
son histoire, et à signaler les caractères essentiels qui per- 
mettent de le reconnaitre et de le différencier de nos espèces 
‘indigènes. 


(1) Communication faite en Séance générale le 23 mai 1898. 

(2) L’importation des fruits frais en Allemagne a été interdite au cas seule- 
ment où ces fruits seraient attaqués par l’Insecte en question. 

Par contre, est interdite d’une façon absolue l'importation des déchets, ma- 
tériel d’embailage et de plantes. Cette interdiction ne s'applique pas aux fruits 
secs. 


Bull. Soc. nat. Acc. Fr. 1898, — 20, 


278 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ORIGINE DE L'INSECTE, MARCHE PROGRESSIVE DU FLÉAU. 


Cet Insecte est apparu, vers 1873, dans la vallée de San 
Jose (Californie) et fut décrit pour la première fois, en 1880, 
par Comstock, qui lui donna le nom significatif de perni- 
ciosus. On ignore encore quel est le pays d’origine du San 
Jose-Scale. Peut-être est-il venu d'Australie ; toutefois, bien 
qu'il ait été signalé dans ce continent, il paraît y ètre peu 
répandu et les Australiens sont portés à le considérer comme 
une espèce d'importation étrangère. Le Japon a été aussi 
indiqué comme étant son foyer d’origine, et ce qui donne du 
poids à cette hypothèse, c'est que l’on a rencontré au Japon 
deux variétés ou sous-espèces de l’A. perniciosus (andromelas 
et atbopunclatus). 

De la Californie, qui a été appelée le verger de l'Amérique, 
et qui exporte ses fruits et ses arbres dans tous les Etats- 
Unis, le fléau s'est progressivement répandu et a atteint la 
côte de l'Atlantique. L'Etat de New-Jersey paraît avoir été, 
dans l'Est, l’un des centres de propagation les plus actifs, et 
c'est principalement sur certains grands pépiniéristes de cette 
contrée que retombe la responsabilité de l'invasion du San 
Jose-Scale dans la partie orientale des Etats-Unis. 


DESCRIPTION, BIOLOGIE ET ÉVOLUTION. 


L'Aspidioltus perniciosus est un Hémiptère de la famille 
des Cocheniiles (Coccilæ) et de la tribu des Diaspinæ; il se 
présente sous la forme d’une très petite coquille discoïde, 
d'un gris cendré, mesurant en moyenne de imm,5 à 3m", et 
collée à la surface de l'écorce ; lorsque l'arbre est sérieuse- 
ment attaqué, les Aspidiolus sont agglomérés en masses 
compactes, chevauchant les uns sur les autres et formant des 
croûtes écailleuses que l’on peut enlever facilement avec 
l’ongle. La petite coquille grise, dont nous venons de parler, 
présente en son centre un mamelon saillant qui est générale- 
nent d’un jaune plus ou moins grisàtre; si on la détache de 
l'écorce à laquelle elle est faiblement adhérente, on trouve 
logée à son intérieur une petite masse jaune et molle, qui 
n'est autre chose que l'Insecte séparé de la cuticule et de la 
sécrétion cireuse qui forment la coquille. Cette propriété que 


L’ASPIDIOTUS PERNICIOSUS. 979 


possède l'Insecte de produire une coquille distincte et séparée 
de son propre corps et le protégeant extérieurement, carac- 
térise la tribu des Diaspines à laquelle appartient l’Aspidiotus 
perniciosus. 

Les caractères qui précèdent sont faciles à reconnaitre ; 
mais ils peuvent s'appliquer à toute la tribu des Diaspines, et 


Fig. 1. — Aspidiotus perniciosus. Branche contaminée ; à gauche, de grandeur 
natureile ; à droite, portion grossie montrant des parasites à divers desres 
de développement. 


sont, par cela même, insuffisants pour affirmer la présence 
de l'espèce qui nous occupe. Sans compter les autres espèces 
américaines ayant un facies et des habitudes analogues, nous 
avons, en effet, en France, des espèces voisines appartenant 
à la même tribu et qui s'attaquent aux arbres fruitiers en se 
présentant avec un aspect extérieur très analogue à celui de 
l’Aspidiotus perniciosus. 

Il est donc utile de poursuivre plus loin l’analyse, et pour 
faire connaître l’Insecte d'une facon suffisante, il importe d'en 
retracer le développement. 


250 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Ainsi que l'ont montré les belles recherches de Howard, de 
Marlatt et de Pergande, auxquels nous empruntons la plupart 
des détails qui suivent, l'Aspidiotus perniciosus est vivipare, 
et l'on peut voir par transparence au microscope les jeunes 
larves à l'intérieur du corps 
de la femelle (fig. 2) ; la con- 
statation de ce fait, seul, per- 
mettrait de différencier chez 
nous l'Insecte américain des 
espèces indigènes vivant sur 
les arbres fruitiers et d’affir- 
mer la présence du redou- 
table fléau. 

Chez l'Aspiliotus, il n'y 
a point d'œufs d’hiver. C’est 
la femelle qui hiverne, et, 
après avoir passé la saison 
froide, elle atteint sa maturité 
F:9.2.— Aspidiotus perniciosus, femelle sexuelle en avril ; elle donne 

renfermant un certain nombre de jeunes alors naissance à de nom- 

fortemert grossie). — Le petit trait à 

uroite indique la grandeur naturelie. breuses larves pendant une 

période de six semaines. met- 
tant au jour en moyenne neuf à dix petits par vingt-quatre 
heures, ce qui fournit environ quatre cents rejetons pour son 
existence dont le terme ne tarde pas à venir. 

La larve, lorsqu'elle vient d'éclore, est ovale, de couleur 
orange pale; elle présente six pattes et deux antennes mul- 
tiarticulées. En avant et en dessous, elle porte un bec qui se 
prolonge en un long sucoir filiforme formé de trois soies. 
Cette larve est active, et, par ce fait, diffère essentiellement 
de l'adulte: c’est à ce stade que l'Insecte peut étre dispersé 
d'une facon naturelle, soit par le vent, soit par le transport 
au moyen d'autres animaux sur lesquels les larves de la 
Cochenille peuvent accidentellement se fixer. Si aucune cause 
de dispersion n'intervient, la larve qui se promène à la sur- 
face de l'écorce de l'arbre ne tarde pas à trouver un endroit 
favorable et à implanter son long sucoir dans l'écorce ; elle 
est alors fixée ; peu à peu son corps se contracte et prend une 
forme circulaire; une sécrétion se produit à la surface du 
corps sous la forme de filaments de cire blanche d’une grande 
ténuité, et, progressivement, le corps se recouvre d'un enduit 


L’ASPIDIOTUS PERNICIOSUS. 281 


duveteux ; puis les filaments se fusionnent entre eux et ne for- 
ment plus qu'une couche blanche compacte et lisse qui n'est 
autre chose que la coquille ; celle-ci, d’abord claire, prend en 
vieillissant une teinte plus sombre, à l'exception du mamelon 
central qui reste d’un jaune grisätre. Douze jours après la 
naissance, l’'Insecte mue pour la première fois et après cette 
mue, il devient facile, en enlevant la coquille qui le recouvre, 
de distinguer les sexes qui jusqu'alors pouvaient étre con- 
fondus. Mâles et femelles se montrent alors dépourvus de 
pattes et d'antennes qui sont totalement disparues ; maïs les 
males sont, à cestade larvaire, plus gros que les femelles et ont 
deux grands yeux pourpres, tandis que les femelles sont com- 
plètement aveugles ; il sont en outre pyriformes, les femelles 
étant discoïdes ; la couleur des deux sexes est alors d’un 
jaune citron, tandis que l’écaille ou coquille qui les recouvre 
est d'un gris souvent mélangé de jaune. À la deuxième mue, 
la différence entre les deux sexes s’accentue encore bien da- 
vantage ; cette mue s'effectue un peu plus tôt pour le mâle 
que pour la femelle : elle a lieu dix-huit jours après la naiïs- 
sance pour le premier et vingt jours apres pour la seconde ; 
à partir de cette mue, il devient possible de reconnaitre les 
sexes par le simple examen extérieur de la coquille ; celle-ci 
prend, en effet, chez le mâle une forme ovalaire allongée, 
tandis qu'elle reste discoïde chez la femelle; à l'intérieur de la 
coquille, l'Insecte mâle commence en outre à laisser voir des 
rudiments de pattes, d'antennes et d'ailes, tandis que la 
femelle conserve sa forme sacculaire primitive. 

Vingt jours apres la naissance, l'Insecte mâle subit une deu- 
xième mueet arrive ainsi au stade nymphal. Cette nymphe est 
jaune, avec des antennes, des pattes, des ailes repliées contre 
le corps, mais bien développées; elle présente à son extrémité 
postérieure un stylet aussi long que les tibias postérieurs. 

L'éclosion de l'Insecte parfait du sexe mâle a lieu quatre à 
six jours plus tard, soit vingt-quatre à vingt-six jours après 
la naissance ; il ressemble à une petite mouche orange 
pourvue de deux longues antennes, de deux ailes irisées, 
présentant chacune une nervure bifurquée, de six pattes et 
d’un long stylet anal ; sur la tête se trouvent, en outre, deux 
gros yeux pourprés (fig. 5). 

Tandis que les mâles éprouvent ces changements profonds, 
qui les transforment en Insectes actifs et mobiles, les femelles 


282 BULLEIIN LE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


conservent leur forme de sac aplati et restent invariablement 
fixées au même endroit sous la coquille qui les abrite ; trente 


jours apres la naissance, elles ont atteint toute leur taille et 


l’on peut voir par transparence les jeunes qui se trouvent 
dans leur corps; une dizaine de jours apres, elles commencent 
à mettre les larves au jour. Le nombre des générations qui se 
succèdent dans une année à Washington est de quatre et il 
peut y avoir une cinquième génération partielle. Etant donné 


nn" 


Fig. 5. — Aspidiotus pernicicsus, mâie adulte, fortement grossi. 


que chaque femelle produit en moyenne 400 rejetons, on arrive 
ainsi au chiffre fantastique de 1,608,040,200 individus pour la 
descendance d’une seule femelle au bout de l'année (Howard). 
Il va sans dire que ce chiffre n'est jamais atteint, et loin de 
là, en raison des causes de destruction multiples qui assaillent 
les jeunes : mais il n'en est pas moins vrai que la prolixité 
de l'espèce est énorme et l’on comprend sans peine comment 
un Insecte aussi petit arrive, en peu d'années, à envahir 
complètement un arbre et à le faire périr. 

Les rameaux peuvent être à ce point Couverts par l’Aspi- 
diotus perniciosus qu'ils paraissent revêtus d'une couche de 
cendres (voir la fig. 1). Les Insectes se fixent non seulement 
sur les rameaux, mais encore sur les feuilles et les fruits; lors- 


L'ASPIDIOTUS PERNICIOSUS. 283 


qu'ils se trouvent sur ces derniers, chaque Cochenille est en- 
tourée d’une zone rouge caractéristique ; une zone semblable, 
d'un pourpre intense, se voit également sur les jeunes ra- 
meaux autour des Insectes, lorsque ceux-ci ne se sont pas 
encore assez multipliés pour masquer l'écorce ; les feuilles 
infestées se distinguent enfin par une coloration similaire. 

En proie aux atteintes de l'Aspidiolus perniciosus, les 
arbres sont tués en un temps plus ou moins long, suivant leur 
force et suivant la gravité de l'attaque qui, parfois, peut étre 
atténuée par la présence des parasites. Généralement, les 
jeunes Pêchers ne survivent pas plus de deux ou trois ans; 
les Poiriers peuvent être tués avec une très grande rapidité, 
mais le plus souvent ils languissent pendant quelques années 
avant de mourir. 

Les plantes attaquées par la Cochenille américaine sont 
fort nombreuses. Voici la liste de quelques-unes, d'apres 
Lintner : 

Pommier, Poirier, Cognassier, Pécher, Abricotier, Prunier, 
Cerisier, Framboisier, Groseiller, Rosier, Cotoneaster, 
Fusain, Tilleul, Acacia, Orme, Noyer, Saule. 

Cette liste, fort incomplète, indique combien l'Aspidiotus 
perniciosus est polyphage, et par conséquent avec quelle 
facilité il s'adapte à des régimes différents, condition 
qui, malheureusement, est des plus favorables à son cosmo- 
poltisme. 


AUXILIAIRES NATURELS. 


Quelques Insectes contribuent à mettre un frein à la mul- 
tiplication excessive de l’Aspidiote. Une petite Coccinelie, la 
Pentilia misella, en fait sa principale nourriture, et plu- 
sieurs petits Hyménoptères (Aphelinus fuscipennis How., 
A. mystilaspidis le B., Aspidiotiphagus citrinus Craw., 
Anaphes gracilis How.) vivent en parasites à ses dépens. 
Il ne faudrait pas compter toutefois d’une façon trop com- 
plète sur ces utiles auxiliaires dont le rôle se borne à main- 
tenir l'espèce dans certaines limites, et c’est aux substances 
insecticides que l’on doit avoir recours pour traiter les arbres 
atteints par le San Jose-Scale. 


284 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


TRAITEMENTS. 


La méthode, qui dans l'Est des Etats-Unis, s’est montrée la 
plus efficace, consiste à traiter l’arbre d’une façon complète à 
l'aide de forts lavages d'eau savonneuse : celle-ci estermployée 
à chaud avec avantage, et deux traitements doivent être faits 
l'un à l'automne, aussitôt la chute des feuilles, l’autre au 
printemps, juste avant la floraison. Les solutions doivent con- 
tenir en moyenne de 1 à 2 livres de savon pour 5 litres d'eau; 
que l'on se serve d'un savon à base d'huile de Poisson. ou 
d'un savon résineux, l'essentiel est que la solution que l'on 
obtiendra reste bien fluide à froid, et de choisir le savon et 
les proportions en conséquence. Ces lavages à l’eau savon- 
neuse, faits à l'automne, ont pour résultat de diminuer le 
nombre des fruits, tout en augmentant la force du feuiliage, 
mais cet inconvénient est largement compensé par la des- 
truction des Insectes. 

Si les arbres sont complètement envahis, et si leur vitalité 
est compromise, on doit agir d'une facon radicale et les 
déraciner pour les brüler. Il va de soi que dans un pays nou- 
vellement contaminé. où le mal est localisé sur un petit es- 
pace, cette mesure violente doit être prescrite exclusivement 
alors même que les arbres sont faiblement attaqués. 

Quelques autres traitements ont été appliqués en Amérique, 
au San Jose-Scale; mais ils ne présentent point, parait-il. 
tout au moins pour le climat de Washington, les mêmes 
avantages que les lavages au savon. 

Citons d'abord l'emploi de l’acide cyanhydrique gazeux qui 
donne de bons résultats, mais qui nécessite un matériel et un 
personnel spécial soumis à une organisation telle qu'il n'en 
existe actuellement qu'en Californie. 

Dans l'Orégon et la Californie, on a également beaucoup 
employé la solution sulfureuse suivante : 


Chaux: EL ZAR 40 livres. 
Soufre. :52% 5 CÉTRÉC ENS 20 — 
TS RE 15 — 


Ajouter 180 litres d'eau et remuer pendart que la chaux est en train 
de s’éteinäre ; faire bouïilir ensuile pendant trois heures et ajouter de 
l’eau de facon à obtenir en tout 360 litres ; filtrer et PR: à chaud 
pendant le sommeil de la végétation. 


ke 
4 
À 
- 
148 
e” 
+ 


iii LR à Pond 


L'ASPIDIOTUS PERNICIOSUS. 289 


Les émulsions de kérosène (huile de pétrole) ont été aussi 
conseillées comme traitement d'été. Les émulsions d'huile 
lourde de goudron (pittéléine) pourraient être également 
essayées. 

D'une facon générale, on opérera pour les traitements d'hi- 
ver avec des solutions trois à cinq fois plus fortes que pour les 
traitements d'été et l’on rendra l'opération encore plus efi- 
cace par un énergique brossage de l'écorce. fait à l’aide d’une 
brosse en chiendent imbibée du mélange insecticide. 


MESURES PRÉVENTIVES. 


Au point de vue des mesures préventives, la prohibition des 
fruits et des plantes provenant d'Amérique est le système qui 
semble offrir le plus de garanties; mais, pour étre efficace, 
il faudrait qu'elle fût générale et s’appliquat aussi aux pays 
voisins et notamment à la Belgique ou bien que ceux-ci 
prissent simultanément les mêmes mesures vis-à-vis de l’Amé- 
rique ; en outre, elle soulève des difficultés d’un autre ordre 
qu'il ne nous appartient pas ici de discuter. Disons toutefois 
que si l’on en arrive à des mesures aussi radicales, les plantes 
vivantes et susceptibles d'être transplantées, qui constituent 
de beaucoup les agents de dispersion les plus dangereux, 
devront être les premières visées. Les quarantaines et les ins- 
pections ont aussi leurs inconvénients, surtout lorsqu'il s’agit 
d'un Insecte tel que celui qui nous occupe, qui est susceptible 
d'être confondu avec une quantité d'autres espèces voisines 
n’offrant pas les mêmes dangers. Néanmoins, lorsque l’Aspi- 
diotus perniciosus se trouve sur les fruits, il est beaucoup 
plus facile à identifier que lorsqu'il occupe les autres parties 
de l'arbre ; car il est alors entouré d’un cercle rouge caracté- 
ristique, et en outre, la plupart des autres Cochenilles des 
arbres fruitiers à feuilles caduques ne se développent pas sur 
les fruits, mais seulement sur les rameaux. L'examen des 
fruits importés par un service spécial peut donc présenter de 
réels avantages : il ne saurait toutefois être considéré comme 
présentant une garantie complète ; car dans toute une cargai- 
son de fruits, si quelques-uns seulement sont faiblement atta- 
qués, la présence du minuscule Insecte peut parfaitement 
échapper à l’attention des plus consciencieux observateurs. 


286 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Reste la surveillance de nos plantations indigènes ; celle-ci 
ne saurait être trop préconisée. Il faut que la possibilité de 
l'introduction de l'Insecte américain chez nous soit partout 
connue, de facon à ce que l'attention générale se trouve 
éveillée et que l'on puisse soumettre les plantes ou les fruits 
suspects à l'examen des services préposés à l'Entomologie 
agricole et notamment à celui de la Station entomologique de 
Paris. Dans le cas où un foyer serait signalé, on devrait pro- 
céder par extinction, c’est-à-dire arracher et brûler les arbres 
contaminés. 


ESPÈCES INDIGÈNES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE CONFONDUES 
AVEC L'Aspidiolus perniciosus. 


Ainsi que nous l'avons dit, il existe en France des espèces 
indigènes qui peuvent être facilement confondues avec l’Aspi- 
diotus perniciosus, et qui parfois, du reste, ne sont pas sans 
causer des dégâts tres sérieux. Des spécialistes compétents 
sont donc seuls capables d'affirmer, d'après l'examen des 
échantillons qui leur sont soumis, s’il s’agit de l'Insecte amé- 
ricain ou d’une autre especc. 

Les deux espèces européennes qui sont le plus susceptibles 
d'être confondues avec le San Jose-Scale, sont l’Aspidiolus 
ostrecæforimis Curtis et le Diaspis ostreæformis Signoret. 

L'Aspidiotus perniciosus se distingue des deux autres 
espèces par ce fait qu'il est vivipare, tandis que les autres 
sont ovipares ; il est en outre caractérisé par l'absence d'or- 
ganes discoïdes glandulaires (disques ciripares) qui, chez les 
autres espèces, sont répartis en cinq groupes, dont un médian 
et quatre latéraux sur la partie postérieure (pygidium) de la 
face ventrale de la femelle: l'absence de ces organes constitue 
un caractère important, qui légitime le classement de l’A4spi- 
diolus pernicinsus par Berlese et Leonardi, dans un sous- 
genre spécial (Aonidiella); d’autres détails d’une observation 
très délicate, résidant principalement dans les dentelures du 
pygidium, fournissent encore des éléments pour établir la 
diagnose différentielle de l'espèce américaine. 

L'Aspidiotus ostreæformis est très commun en France ; il 
abonde actuellement aux environs de Paris, et, à Sceaux 
notamment, il y a des vergers entièrement envahis par cette 


L’ASPIDIOTUS PERNICIOSUS. 287 


espèce qui cause d'assez grands dégâts. J'ai vu des arbres 
qui en sont totalement recouverts, les générations succes- 
sives formant des croûtes superposées. M. Noël a également 
signalé la même espèce en Normandie. 

Le Diaspis oslreæformis, d’après les envois adressés à la 
Station entomologique, est moins fréquent en France que 
l’Aspidiotus dont il vient d’être question. Nous l'avons pour- 
tant recu de quelques localités et notamment de Bretagne. 
Confondu par Signoret avec l'espèce précédente, il en a été 
depuis nettement distingué par Douglas. Il en diffère, ainsi 
que de l'Aspidiotus perniciosus, par la forme de la coquille 
du mâle qui est allongée et linéaire avec une carêne au 
milieu ; sa taille est notablement plus petite que celle de l’As- 
pidiolus ostreæformis et sa teinte plus blanche. 

Nous ne parlerons que pour mémoire du Mytilaspis pomo- 
ruin Bouché, espèce qui peut être très nuisible aux Pommiers 
et fort commune en France, mais qui se reconnait facilement 
à cause de sa forme semblable à celle d’une petite coquille de 
Moule. 

Les trois espèces dont nous venons de parler peuvent être 
traitées par les mêmes méthodes que celles qui ont été indi- 
quées pour l’Aspidiotus perniciosus. L’exportation de ces 
trois Insectes d'Europe en Amérique est aujourd'hui un fait 
accompli et le Mylilaspis p rmoruin y à même occasionné de 
tres grands dégâts. Souhaitons qu'en échange l'Amérique, 
à laquelle nous devons déjà le Phylloxera et le Puceron lani- 
gère, ne nous envoie pas encore le San Jose-Scale! 


EXTRAITS DES PROCÉS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


{re SECTION (MAMMIFÈRES). 


SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Président signale la présence à la séance du R. P. Camboué, 
procureur des Missions à Madagascar, auquel la Socielé doit déjà beau- 
coup de renseignements intéressants sur la grande île africaine et qui 
compte d’ailleurs parmi nos lauréats. 11 l'invite à exposer devant la 
Section quelque sujet se rattachant à l'étude des Mammifères. 

Le R. P. Camboué fait une communication sur les Zébus et leur uti- 
lisation à Madagascar. Dans l’Imérina, ces animaux sont employés 
comme porteurs de fardeaux et comme montures. Bien qu'ils soient 
assez rétifs, ils rendent de grands services; mais on les abandonne de 
plus en plus comme montures, au fur et à mesure de l'introduction des 
Chevaux. Sur le littoral, à Tamalave, par exemple, on les emploie 
comme bêles de trait; on les attelle au moyen d'une cangue carrée 
et on en obtient un bon service. 

La taille des Zébus cst moyenne, ct leurs couleurs sont variées, 
comme celles de nos Bovidés d'Europe. 

M. de Guerne signale les produits de croisements de Zcbus et de 
Vaches bretonnes obtenus à Bône (Algcrie) et dont on a pu déjà goù- 
ter la chair même en France, à Marseille où il en a été importe. 

M. Bourdarie parle des services que sont appelées à rendre dans les 
colonies les Fermes d’'Essai où seront étudiées et améliorées les es- 
pêces autochtones et où l’on cherchera à obtenir des races nouvelles 
au moyen de croisements raisonnés. 

M. Decroix recommande. lorsqu'il s'agit d'introduire dans des ré- 
sions intertropicales des animaux domestiques, de les faire venir, non 
d'Europe, mais d’un pays à climat se rapprochant le plus possible de 
celui où l’on veut les acclimater. La même observation s'applique aux 
plantes fourragères dont l’étude s'impose ézalement dans les Fermes 
d'Essai. 

M. le Secrétaire général dépose sur le bureau un mémoire publié à 
Washington et intitulé; Mefhods and resulls of investigations on the 
chemistry and economy of food; il n'est pas fait mention dans cet ou- 
vrage de la viande de Cheval. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 289 


M. Bourdarie dit qu’une des causes de la destruction des Éléphantis 
en Afrique est le manque d'animaux de boucherie. Les indigènes tuent 
les Éléphants comme tout autre gibier, non seulement pour l’ivoire, 
mais encore pour les manger. L'élevage des animaux domesliques 
serait donc de nature à détourner les nègres de massacres inuliles. 

M. de Guerne, tout en reconnaissant l'intérêt que présente la ques- 
tion, envisagée dans ce sens, fait cependant quelques réserves. Les 
animaux domestiques seront employés, non seulement à l’alimenta- 
tion, mais encore au travail et la domestication de l’Éléphant, indis- 
pensable pour la conservation de l'ivoire, ne semblera plus aussi né- 
cessaire. Aux Indes, de semblables difficultés ne se présentent pas, 
les Iudous ne mangeant pas la chair des animaux. 


Le Secrétaire, 


CH. MAïLLES. 


2e SECTION (ORNITHOLOGIE. — AVICULTURE). 
SÉANCE DU 28 MARS 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. DEBREUIL, MEMBRE DU CONSEIL 


M. Oustalet, président, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance. 

Le procès-verbal de la deraière reunion est lu et adopté. 

La Société de Géographie offre une douzaine d'exemplaires d’une 
brochure intitulée : ZL’Aufruche, son utilité el son élevage et qui a pour 
auteur M. J. Forest aîné; ces brochures sont mises immediatement en 
distribution. 

M. le Secrétaire général présente le dessin du titre du Bulletin de la 
Sociéié des Aviculteurs français qui sera publié chaque mois à partir 
d'avril et distribué avec le Journal de la Sociélé d’Acclimatation. La 
composilion artistique de ce titre est due à M. Remy Saint-Loup. 

Une discussion s'engage à propos du prix accordé, à l'Exposition 
d'Oiseaux de basse-cour du Concours général agricole, à uu Coq de 
la race de FKaverolles. Après diverses explications fournies par 
MM. Mérel, de Guerne, Debreuil, la Section estime qu'il serait fort 
utile de réunir les photographies de types aussi parfaits que possible 
des diverses races gallines dont on formerait un album, et elle émet le 
vœu qu'un appel soit fait, à ce sujet, à tous les aviculteurs. 

M. Mercier entretient la Section d'une visite faite par lui à la ferme 
d'Autruches de Matarieh près le Caire (Egypte). (Voir Bulletin 
ci-dessus, n° d’août.) 

A propos de l'élevage des Autruches, plusicurs perscnnes deman- 


290 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


dent s’il ne serait pas possible de répandre cette industrie dans les 
colonies françaises. M. Mercier ajoute que l'élevage des Autruches 
paraît être assez rémunérateur en Egypte. Ce n’est pas du reste la 
seule industrie ayant pour objet les Oiseaux qui s'exerce dans ce pays. 
C'est ainsi que M. Mercier s'est embarque pour rentrer en France sur 
un paquebot qui transportait, entre autres denrées, 49,000 Cailles vi- 
vantes prises au filet et destinées au marché de Londres. On ne s’in- 
quiète nullement de celte destruction en Egypte où la Caille est 
considérée comme un Oiseau nuisible. 

M. le Secrétaire général parle des excursions projetées pour l’élé 
prochain et qui intéressent tout particulièrement la Section d’'Ornitho- 
logie et d’Aviculture. Il s’agit, en effet, de visiter la Faisanderie de 
Mériel où M. Galichet poursuit actuellement l’acclimatation et l'élevage 
en grand du Tinamou roux. 

M. Debreuil est également disposé à faire à la Societé les honneurs 
de la propriété où il élève, à Melun, divers animaux, parmi lesquels 
un grand nombre de volatiles et spécialement des Nandous. M. De- 
breuil n’a toujours pas pu se procurer de Nandou mâle et saisit cetle 
occasion pour offrir aux Membres de la Socielé auxquels cela pourra 
être agréable, des œufs clairs dont ia ponle commencera incessam- 


ment. 
Le Secrélaire, 


Comte d'ORFEUILLE. 


SECTION (AQUICULTURE). 


SÉANCE DU 7 MARS 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, DÉLÉGUÉ DU CONSEIL. 


Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. 

M. Raveret-Wattel, qui arrive de Nice, rend compte de la visite 
qu’il a faite à M. Proschawsky, Membre de la Sociélé, amateur dis- 
tingué de plantes rares et de Poissons exotiques. 

À ce propos, M. de Guerne donne lecture d’une lettre dans laquelle 
M. Proschawsky, rappelant des observalions faites par lui, pendant 
un voyage aux États-Unis, mentionne la facilité que présenterail 
l'acclimatation en France du Sun-fish (Swpomolis gibbosus Linné). 

M. Raveret-Wattel estime que l’acclimatation de celte espèce n’est 
pas à recommander. Il est vrai qu'en raison de la petitesse de leur 
bouche, les Sun-fish ne sont pas dangereux pour les autres Poissons 
déjà d’une certaine taille; mais ils détruisent beaucoup de frai, et con- 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE-LA SOCIÉTÉ. 294 


somment une grande quantité de nourriture, qui pourrait profiter à 
d’autres espèces de plus de valeur. Aussi les piscicuiteurs américains 
n'en font-ils aucun cas. M. Bertrand, Membre de la Société, qui a déia 
obtenu plusieurs fois la reproduction de l'Eupormolis gibbosus dans 
les étangs qu il possede près de Versailles, a vu ce Poisson cétruire 
des quantités considérables d'alevins de Carpe. C'est à tort que celte 
espèce est généralement désignce chez nous sous le nom de Calico- 
Bass. L'appellation est tout à fait inexacte, attendu que le nom de 
Calico-Bass est, aux États-linis, celui d’une espèce très différente 
(le Pomoxis sparoïdes Lacépède), bien préférable à tous égarés, el dont 
l’'acclimatalion dans les eaux douces de la France présenterait un véri- 
table intérêt. 

M. le Secrétaire général donne lecture d’une lettre de M. de Gal- 
bert, annonçant que les œufs d’'Omble-Chevalier qu’il a recus ne lui 
ont pas donné de bons résultats. 

M. Raveret-Wattel fait connaître qu’il n’a également obtenu que 
quelques éclosions du lot d'œufs transmis à la Station aquicole du 
Nid-de-Verdier. Presque tous ces œufs sont devenus opaques quand 
on les a mis dans l’eau, lors de leur arrivée à l’Établissement. 

M. Rathelot dit que ceux quil a reçus ne sont pas encore éclos; ce 
qu'il attribue à la basse température de ses eaux. 

M. de Gucerne donne lecture d’une lettre de M. Fontaine, ingénieur 
en chef du Canal de Bourgogne, annonçant une pêche prochaine à 
laquelle il serait heureux que M. le secrétaire général voulût bien as- 
sister. 

M. Rathelot demande si la croyance populaire répandue dans cer- 
taines régions de la France et d’après laquelle une goutte de sang 
d'Anguille fait sûrement disparaître l'ivresse, mérite d’être prise au 
sérieux. 

M. le Secrétaire général lit une note sur l'élevage et la consomma- 
tion des Grenouilles aux États-Unis. À ce propos, M. Bruyère insiste 
sur la difficulté qu'on éprouve à nourrir les Grenouilles-bœæufs 
adultes. À la Ménagerie du Muséum, elles ne mangent guère que des 
Grenouilles plus petites ou des Tétards de forte taille; leur ration est 
au moins de une à deux Grenouilles par semaine. 

M. Rathelot pense que les Grenouilles ue peuvent pas détruire les 
alevins en quantités appréciables à cause de la lenteur de leurs mou- 
vements. M. Boigeol, au contraire, estime que les Grenouilles guetlent 
les alevirs au passage et qu'en s’embusquant ainsi, elles peuvent en 
Saisir un combre assez grand pour que les dégats commis dans un 
établissement de pisciculture, ne soient pas du tout négligeables. 

M. Bruyère parle de divers arimaux aquatiques élevés à la Ména- 
gerie du Muséum. Dernièrement, il s’y trouvait un lot d'Anabas indicus 
qui se portaient à merveille; mais un accident ayant brusquement 
refroidi l’eau, tous ces Poissons ont péri. L'Établissement a également 


2.9 . BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


recu des Protoptères (Dipnoi de l'Afrique occidentale) et des Crabes 
d'eau douce, Telphusa fiuviatilis. 

M. le Secrélaire général aunouce que M. Vaffier a importé récem- 
ment aux environs de Mâcon, des Écrevisses de Finlande, dont l’expé- 
dition peut être faile dans de bonnes conditions, vià Lubeck. 

M. Rathelot parle de naissances d’Écrevisses qu'il a obtenues chez 
lui en eau stagnante ; les sujets étaient au nombre d'environ quarante 
et en fort bou état. Il pense qu'ou pourrait essayer d'en élever chez 
soi, à l’intérieur, l’on mettrait ensuite les jeunes sujets dans les cours 
d’eau où ils atteindraient leur développement complet, ce qui est assez 
long. 

Le Secrétaire, 
J. DE CLAYBROOKE. 


4e SECTION (ENTOMOLOGIE). 


SÉANCE DU 14 MARS 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. C£ÉMENT, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance esl lu et adopté. 

Lecture est donnée d’une lettre de M. Decaux, remerciant la Seciien 
d'avoir bien voulu le nommer Vice-Président et des sentiments de 
cordiale sympatlhie qui lui ont été exprimés. M. Decaux fait en même 
temps parvenir à la Soctété différenies brochures. 

1° La Carpocapsa pomonant, vulgairemeut Ver des Pommes, ses 
mœurs, moyens de destruction (Extrait du Journal Le Naturaliste, 
Paris, 1896). 

2° Note pour servir à l'étude de la Mouche des Orchidées {Zsosoma 
orchidearum Weslwood); moyens de la combattre. (Extrait de la Revue 
des travaux scientifiques. — Congrès des Sociétés savanles, Paris, 1897.) 

3° La transhumance des Moutons algériens, sa funeste iuflaence pour 
la mise en valeur et pour le reboisement des hauts plateaux; moren 
pratique de la supprimer par ia culture du Tamarixz articulata. — Ce 
travail, publié dans le Pulletin de la Sociéte d'Acclimatation en 1897, se 
rattache à l'Entomologie par l'étude qu'y fait l’auteur des Insectes para- 
sites du Zamariz articulata. Cette plante, en dehors de son ulilité à 
d’autres égards, porte tres fréquemment des galles produites par un 
Lépidoptère, l'Ablipalpis olivierella (Rag.); celles-ci, très riches en 
tannin, peuvent être utilisées pour la préparation des cuirs. Une nole 
manuscrite concernant les galles en question est jointe au mémoire de 
M. Decaux. 

M. le Secrétaire général signale les travaux de M. A. Fron sur l’Api- 


LIRE 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 293 


cullure en mai<on forestière. L'auteur, qui est Garde général des Fo- 
rêts, s’est beaucoup appliqué à développer cetle industrie dont les 
produils sout loin d'être négligeables pour les petits employées de l’Ad- 
ministration. Des essais fort encourageants ont été faits en Seine-ct- 
Marne et en Saône et-Loire. 

M. Clément présente le compte rendu des travaux de la Section 
d'Entomologie de la Sociélé des Agriculteurs de France pendant la 
session qui vient d’être tenue du 5 au 11 mars 1898. Ce compte rendu 
sera publié dans le Bullelin. 

Diverses observations sont échangées à propos du travail de M. Clé- 
ment. M. Perret donne quelques détails sur les essais d’acclimatation 
de diverses races d’Abeilles en Nouvelle-Calédonie. Ces Insectes ont 
très rapidement prospéré, mais sont redevenus sauvages, c'est-à-dire 
qu'ils ne remplissent plus le rôle de producleurs de miel recherché 
par l'homme. 

M. Lejeune fait une communication sur la récolte et l'emploi des 
toiles d'Araignées pour donner aux bouteilles de vin un aspect de vé- 
tusté recherché par certains marchan&Gs. Il existe, paraît-il, dans le 
centre de la France, une ferme où se pratique la récolle des toiles 
d'Araignées deslinées à cet usage. Y 

Pour les Secrétaires empéêches, 
J. DE GUERNE. 
Secrétaire général. 


5e SECTION (BOTANIQUE). 


SÉANCE DU 15 MARS 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Président signale parmi les ouvrages offerts, un Aÿde-mémoire 
de Botanique générale de M. Il. Girard, et il annonce l'ouverture du 
cours de M. le professeur Bureau, au Muséum, pour le 23 mars. 

M. de Lamarche communique les renseignements suivants qu'il a 
recus de M. de Margency, agronome à La Ferté-Alais, l’un des propa- 
gateurs en France de l'Eucalyplus urnigera. 

L'Eucalypius urnigera, selon M. de Margency, résiste à — 12° C. et 
plus, ce qu’explique son habital ordinaire sur les monlagnes de Tas- 
manie où la neige séjourne huit mois de l’année et où la température 
descend à — 20°. On sème en godet, on laisse passer le premier hiver 
en serre, on met en pleine terre à l'automne, en ayant soin de couvrir 
le pied pendant le second hiver. 

Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898 — 21° 


294 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


M. d'Augy écrit qu'il a été averti qu'il ne réussirait pas la culture de 
cette espèce en Champagne. 

M. Weber, attend du Midi des renseignements complémentaires 
pour savoir s’il s'agit bien réellement de l’Eucalyptus urnigera. 

La Section demande qu'il soit acheté un paquet de graines de cet 
arbre à distribuer aux Membres de la Société. 

M. Debreuil offre des graines du Café de Libéria, dont il a été ques- 
tion à la Section coloniale. 

M. Weber a recu de M. Cuminge, qui revient de la Sonora, sur le 
golfe de Californie, des graines d’un arbuste très répandu dans le pays, 
où il est connu sous le nom de Jojoba ou Cacao des Papagos. Ces 
graines sont consommées en grande quantilé par les indigènes qui les 
pilent et en font une cspèce de chocolat. La quantité offerte par 
M. Weber permettra de distribuer de ces graines à un grand nombre de 
Membres de la Societe. 

M, Rathelot présente des bulbes d’Aiïl rocombole ; M. Mailles offre 
du Maïs précoce à petits grains dit du 15 août et un Haricot dit 
Haricot Ostensoir dont il rapporte l’origine légendaire. 

C'est un Haricot à rames de 4 mètres et plus de hauteur. Semé au 
commencement de mai. il mürit vers la fin de seplembre et le com- 
mencement d'octobre. Il est très productif et de bonne qualité. Les 
gousses donnent le plus souvent six graines. Le feuillage, ample et 
fourni, et se conservant longtemps vert, garnit très bien les murs, 
treillages, etc. 

Le Maïs du 15 août, semé de la fin d’avril en juin, mürit du 10 au 
20 août. 11 donne un grain petit, excellent pour les volailles et les Pi- 
geons. Sa végétation rapide le rend précieux pour le nord de la France 
et la Belgique. 

M. Debreuil présente une boîte en toile métallique destinée à pro- 
téger le raisin contre les attaques des Guêpes. D'un prix peu élevé 
et de conservation pour ainsi dire ivdéfinie, ces boîtes peuvent rem- 
placer avantageusement les sacs ordinairement employés. 

M. Weber montre une série de photographies prises par M. Diguet, 
dans l'ouest du Mexique et relatives aux Cactées de la Basse-Cali- 
fornie. Il communique en même temps d'’intéressants renseignements 
sur ces plantes qui fournissent à la fois des bois de construction et de 
chauffage, et des fruits qui entrent pour une grande part dans l’alimen- 
tation des indigènes, et servent en outre, comme la plante elle-même, 
à la nourriture du bétail. 

Ultérieurement, M. Weber entretiendra la Section des Agaves, égale- 
ment répandus et très utilisés dans ces contrées. 


Le Secrétaire, 
G. MoroOT. 


O©Q5 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 29 


6 SECTION (COLONISATION). 


SÉANCE DU 28 FÉVRIER 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. MILHE-POUTINGON, VICE-PRÉSIDENT. 


M. Dybowski, directeur de l'Agriculture et du Commerce de la 
Régence de Tunis, prend place au bureau sur l'invitation qui lui en 
est faite par M. le Président. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Sur l'invitation de M. le Secrétaire général, il est procédé à la nomi- 
nation d'un délégué de la Section à la Commission permanente des ré- 
compenses. M. Milhe-Poutingon est élu à l'unanimité. 

M. Dybowski offre à la Section une notice sur les Jardins d’Essai 
coloniaux. 

Lecture est donnée de la correspondance. 

M. le Ministre des Colonies félicite la Société de l'initiative qu’elle 
a prise en créant une Section coloniale et promet le concours de son 
département. 

Le R. P. Camboué, procureur des Missions à Madagascar, envoie 
des renseignements sur l’utilisation des Zèbus comme animaux de 
transport à Madagascar et donne des renseignements sur la manière 
de les atteler. 

M. Chalot, directeur du Jardin d’Essai de Libreville, envoie divers 
renseignements sur cette institution qui rend déjà d'importants ser- 
vices et qui est appelée à en rendre par la suite davantage encore. 

M. Couturier, représentant de la Société des Mines de Stassfurth, 
adresse un certain nombre de brochures concernant des engrais à 
utiliser dans les colonies. 


M. Milhe-Poutingon communique ur questionnaire sur le Café de 
Liberia. 

Ce document a été adressé aux Consuls, aux Chambres de Com- 
merce eë à un grand nombre de planteurs. Dèjà des réponses intéres- 
santes y ont été faites et M. le Président analyse, entre autres, celle 
d’un planteur de la Réunion, peu favorable. 

M. Dybowski, sollicité de donner son avis, croit devoir faire quel- 
ques réserves au sujet de la communication précédente. Le Café de 
Liberia doit, grâce aux facilités de sa culture et à la détaxe de 0,78 
par kilogramme, qui lui est accordée, constituer pour les colonies une 
source importante de revenus. M. Dybowski ajoute quelques détails 
techniques sur les procédés de plantation et sur l'hybridation qui lui 
parait préférable à la greffe. 


296 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Lecture est ensuite donnée d'une communication de M. Laborde sur 
le Café d’Aden. - 

La Section consultée, adopte les termes du questionnaire présenté 
par M. le Président et qui sera publié dans le Bulletin (voir ci-apres, 
paze 295. É 


M. Bourdarie cxpose rapidement la nécessité pour les colonies fran- 
çaises, et plus spécialement pour celles d'Afrique, de la créalion de 
Fermes d’'Essai ; celles-ci lui paraissent appelées à remplir pour l'éle- 
vage un rôle analogue à celui des Jardins d’Essai pour les cultures. 
On y étudierait les animaux pouvant être utiles à la colonisation et 
aux trans)orls, aux travaux agricoles ou à l'alimentation. Jusqu'ici 
les études faites à ce sujet ont été assez restreintes et les expériences 
tentées, surtout par les Français, ne paraissent pas aroir élé con- 
duites avec une méthode suffisante. De même que la direction des 
Jardins d'Essai est confiée à un chef de culture compétent, de même 
les Fermes d'Essai seraient dirigées par un éleveur ayant fait ses 
preuves. 

M. Dybowski partage l'opinion de M. Bourdarie et rappelle les ex- 
périences d'élevage faites au Congo. Mais il pense que le rôle de la 
Ferme ne sera jamais aussi important que celui du Jardin. 

M. Bourdarie estime que les Fermes d’Essai pourront poursuivre la 
création méthodique de iroupeaux indigènes. 


M. le comte de Barthélemy fait une communication sur son voyage 
d'exploration au Tran-Ninh et sur la colonisation agricole de cette 
province. 

Après quelques délails pittoresques sur la région parcourue, M. de 
Barthélemy donne des renseignements sur le programme de culonisa- 
tion qu'ou peut d'ores et déjà établir. 

Pour le transport des bois précieux recherchés dans l'intérieur du 
pays, on a eu recours aux Buffles ; mais ces Bovidés résislent mal au 
climat de la forêt; ils meurent en grand nombre; l'emploi des Élé- 
pbants serait préférable et l'on pourrait suivre l'excellent exemple 
donné par les Anglais vour l'exploitalion des forêts de Teak en Bir- | 
manie. | 

Le Tran Ninh paraît convenir tout spécialement à l'élevage ; en dé- 
veloppant celui-ci, on augmenterait à tous €gards la richesse et le 
bien-être des habitants. Il serait tres facile d'acclimater dans ce pays 
le petit Bœuf à bosse ou l'Anc. 

Dans cette contrée, le sol convient du reste à l’agriculture; il est 
irrigué par de nombreux cours d'eau: le climat est doux et sup- 
portable pour les Européens; il peut être compare à celui de la 
Provence. 

Mais il faut, avant tout et surtout, développer les moyens de trans- 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 997 


port. Les populations Méos qui vivent à 1,600 mètres d'altitude, prati- 
quent l'élevage du Bœuf, cullivent le Maïs et le Riz pour leur nourri- 
ture et se livrent à la cullure des Pavols à apium; ces produits sont 
échangés contre du sel. Mais il est essentiel de leur créer des dé- 
bouchés. ; 

M. de Barthélemy insiste en lerminant sur la nécessité de consiruire 
une voie ferrée qui seule pourra développer, dans une très large me- 
sure, les transactions commerciales. 

De belles projections accompagnaient la causerie de M. de Barthé- 
lemy auquel, avant de lever la séance, M. le Présideut adresse loutes 
ses félicitations et ses remerciements. 

Le Secrétaire, 


PAUL BOURDARIE. 


QUESTIONNAIRE SUR LE CAFÉ DE LIBÉRIA. 


Puys de production. — 1° Quelle est votre opinion sur l'avenir de la 
culture du Café de Libéria dans votre région ? — 2 Quelleest l’impor- 
tance actuelle des plantations, leur âge? modes de culture, frais 
d'exploitation, rendement moyen? 


Qualité des produits. Greffage. — 3° La qualité des produits obtenus 
s'améiiore-t-elle avec l’âge des Caféiers ? — 4° Quels sont les prix de 
vente obtenus? — 5° A-t-on greffé sur le Libéria; quelles variétés? par 
quel mode de greffage, à quel âge? Quels résultats ont été obtenus ? 
Quelest le prix de revient de cette méthode ? Quelle a été l'influence 
du greffage sur le rendement, la qualité, la résistance à la maladie ? 
— 6° A-l-on tenté d'oblenir des hybrides? Avec quelles variétés ? 
Quelle est la manière d’cpérer, quels ont été les résullals ? 

Marchés de tente. — T Le Café de Libéria est-il connu sur le 
marché ? — 8° Dans quelle catégorie est-il classé? — 9° Quand il se 
vend pur, combien se vend-il ? — 10° Quand on le mélange, est-ce 
pour bonifier sa qualité ou pour bonifier la qualité de l’autre café 
mélangé ? — 11° Quel est le cours de ces mélanges ? — 129 La vente 


du Café de Libéria vous parait-elle pouvoir prendre une extension in- 
définie ? 


Les réponses peuvent être adressées, soit à M. le Secrétaire général 
de la Société d'Acciimalation soit à M. le Président de la Section de 
colonisation, 41, rue de Lille, à Paris. 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 


ESSAIS DE CULTURE SUR LE SAFRAN, LE STACHYS ET L'IGNA\E 
DE CHINE. 


Je vous envoie la photographie dont la reproduction n’a pu malheu- 
reusement trouver place dans mon article sur le Safran, le Séachys et 
l’Igname. Comme elle me paraît indispensable à la bonne intelligence 
du texte, je vous serais fort obligé de la faire reproduire dans le Pul- 
letin. Ceux qui ont bien voulu s'intéresser à mes observations, pren- 
dront certainement la peine de relire le texte en examinant la gravure. 

Vous remarquerez que le mot Séachys a été introduit par moi dans 
la mention du titre faite ci-dessus, bien qu'il ne figure pas dans le 
titre original. C’est un petit oubli qu'il est bon de réparer. En voici 
quelques autres. Ce sont de simples fautes d'impression dont les spé- 
cialistes ne tiennent pas compte, étant bien au courant du sujet et 
des noms. Il est cependant utile de les signaler 


page 93, &° ligne, lisez : sativus au lieu de saturus. 

page 55, 18° ligne, Bretschneider au lieu de Bretscheinerder. 
page 55, avant-dernière ligne, palustris au lieu de palusfois. 
page 57, 31° ligne, Fargesii au lieu de furgini, etc. 


J'ajoute, à l'intention de quelques personnes qui m'ont demandé où 
ont été faites mes expériences, que celles-ci ont eu lieu dans l’Or- 
léanais. Ce renseignement suffit à définir, pour ceux qui voudraient se 
livrer à des cultures analogues, les conditions climatériques dans les- 
quelles j'ai moi-même opéré. 

Veuillez agréer, etc. P. CHAPPELLIER. 


LÉGENDE DE LA PLANCHE CI-CONTRE. 


Stachys et Ignames de Chine (cultures de M. Paul Chappellier) : 


En bas à gauche, trois tubercules de S/achys tuberifera (Crosnes), 
placés horizontalement. 

Un peu plus à droite, trois tubercules de S/achys floridana, placés ver- 
ticalement. 

À droite et en haut, Igname ordinaire de Chine que sa longueur (0,85) 
a forcé de séparer en deux morceaux. Poids 630 grammes. 

Au milieu, variété d’Igname de Chine à quatre tubercules, longue de 
0,46 et pesant 1050 grammes. 

À gauche, autre variété d’Igname de Chine, à huit tubercules, longue 
de 0,40 et pesant 629 grammes. | 

Nota. — Tous ies échantillons sont photographiés d’après nature. 


Stachys et Ignames de Chine. 
Cultures de M. Paul Chappellier. 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 301 


RÉCOLTE DE GRAINES DE Gingko biloba ET DE Zizyphus sinensis 
AU JARDIN DES PLANTES DE LA VILLE DE TOULOUSE. 


Toulouse, le 22 novembre 1897. 


Monsieur le Secrétaire Général, 


J'ai l'honneur de vous adresser pour être distribués à nos confrères 
de la Société, des noyaux de Ginkgo biloba (Salisburya adianthifolia), bel 
arbre de Chine, depuis longtemps cultivé au Japon, ainsi que des 
fruits du Jujubier de Chine (Ziryphus sinensis) récoltés à l'Ecole de 
Botanique du Jardin des plantes de Toulouse. 

L'Etablissement possède, à proximité l’un de l’autre, deux magni- 
fiques Ginkgos du même âge, de sexe différent. Leur tronc mesure à 
la base, en circonférence; celui de l'individu femelle : 1M60 et celui du 
pied mâle (contigu à une rigole d'arrosage), 1"96. L'un et l’autre ont 
abondamment fleuri cette année et le premier s’est couvert de fruits. 

Par sa tige droite élancée, régulièrement ramifiée, par son port à la 
fois élégant et majestueux, par ses singulières feuilles en éventail, 
cet arbre bien rustique et vulgairement appelé Arbre aux quarante écus, 
devrait figurer dans tous les parcs. Les individus femelles adultes ont 
pourtant un bien grand inconvénient; les drupes qui se détachent 
spontanément de l’arbre tombent sur le sol et s’écrasent en répandant 
une odeur infecte d'acide butyrique. Par contre l’amande, de couleur 
blanche, se mange rôtie à la facon des châtaignes. La germination 
des graines est facile; elle a lieu au printemps, après avoir semé les 
noyaux en terrine ou en pot, soit en terre de bruyère, soit en terre 
franche et légère. Le jeune plant se repique la deuxième année. Il 
faudrait avoir recours au bouturage ou au couchage des pieds mâles, 
si l’on voulait n’avoir que des individus de ce sexe. 


Le Jujubier de Chine prospère aussi dans notre Ecole sans aucun 
soin, à côté de son congenère, le Jujubier commun (Zizyphus sativa) 
dont il diffère surtout par une taille moins élevée, l’absence d’aiguil- 
lons sur les branches âgées, la couleur blanchâtre des feuilles, la peti- 
tesse des fruits. Ceux-ci presque sphériques, rouge orangés luisants, 
ont une saveur douceâtre et sont recherchés par les enfants. Ils doivent 

‘participer aux propriétés adoucissantes et béchiques de la Jujube 
commune. Les graines doivent être semées sur couche ou sous chassis, 

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire Général, l'expression de 
mes meilleurs sentiments. 

D' CLos. 


302 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


NOTES SUR LES ÉLÉPHANTS SAUVAGES DE L'AFRIQUE AUSTRALE 


par Edouard Fo. 


L'Éléphant est un grand marcheur diurne et nocturne; il vous 
entraîne derrière lui sur sa piste pendant des journées entières et ça 
chasse est fatigante. , 

Quand ils sont en voyage, les Éléphants marchent à la file in- 
dienne; en tête un vieux mâle expérimenté ou une vieille femelle, 
qui de temps en temps, lâte le terrain du bout de la trompe repliée 
ou la jette en l’air pour recueillir les émanations des alentours. Quand 
la troupe est nombreuse, il y a également de vieux expérimentés 
sur les flancs de la colonne. Mais lorsqu'ils cherchent leur nour- 
riture, les Éléphants marchent de front, chacun pour soi; il y a néan- 
moins aux ailes un gardien vigilant. Quand au contraire ils s’arrê- 
tent, les vieux se mettent au centre, car ils sentent d’instinct que 
c’est à eux que l'ennemi en veut de préférence ; c’est alors aux jeunes 
de s’exposer les premiers. 

Il y a dans tout ce que font ces admirables animaux une intelligence 
et une perspicacité étonnantes et, chez aucun animal, l'instinct de la 
conservation n’est poussé aussi loin que chez l’Éléphant. Ce n'est pas 
une causerie, c'est une série de longues conférences qu'il y aurait à 
faire si l’on voulait dire en détail tout ce que ces bêtes montrent d’in- 
telligence et de supériorité sur tout ce qui peuple la forêt équatoriale, 
y compris les Hommes. Aussi ne puis-je donner ici que quelques traits 
saillants de leurs mœurs. 

La nourriture de l'Éléphant se compose d'herbe, de feuillage, d’é- 
corce, d’épines et de fruits; il mâche ces végétaux, mais il avale 
sans les mâcher, les fruits et à l’occasion. les Cucurbitacées. On re- 
trouve les fruits qu'il a mangés dans ses excréments, souvent à 
peine dénaturés par les sucs gastriques et je dois avouer que plus 
d’une fois, nous autres chasseurs — nous avons profité, à défaut 
d’autre nourrilure, des fruits qu'il nous laissait ainsi sur son passage. 
La facon dout il écorce les arbres est assez curieuse: si les végétaux 
sont gros, il se sert pour cela de ses défenses et soulève l'écorce qu'il 
tire à lui avec sa trompe; si les végétaux sont petits, il les arrache 
et les pèle délicatement tout en marchant. Il est particulièrement 
friand des petites épines vives et l'on se demande comment sa bouche, 
qui est délicate, n’en est pas incommodée. 

L'eau lui est indispensable et il lui en faut en abondance. Rien n'est 


EXTRAITS ET ANALYSES. 303 


plus triste à voir que des Éléphants qui manquent d’eau; ils s’en vont 
la tête basse, la trompe et les oreilles pendantes, comme las de vivre. 
C’est une bonne aubaine pour ceux qui les poursuivent; mais il faut se 
rappeler que ceux-ci souffrent encore plus de la soif et de la chaleur 
que leur malheureux gibier. 

La solidarité entre les Éléphants est touchante. J'ai vu un certain 
jour que j'avais blessé un vieux mâle, les femelles l’aider et pousser 
la pauvre bête qui se refusait à avancer, pour la mettre à l’abri dans 
un fourre. Elles s’appuyaient conire lui de tous côtés, le portaient 
presque sous nos yeux, à quelques centaines de mètres. Le vieux se 
faisait traîner. Elles l'avaient fait entrer, de gré ou de force, dans un 
grand taillis où elles ne l’abandonnèrent que lorsqu'elles comprirent 
qu'il était blessé mortellement et ne demandait plus qu’à mourir en 
paix, et quelles risquaient leur propre vie en demeurant un instant, 
car nous arrivions à la course. 

La passion du chasseur n’est pas incompatible avec les sentiments, 
et l'Éléphant, cet être grandiose, puissant et intellicent, est celui que 
j'admire le plus parmi les chefs-d’œuvre de la Nature (1). 


>< 


LA CULTURE DES MERS EN EUROPE (2). 


M. Georges Roché, Inspecteur général des Pêches maritimes, pré- 
sente à la Société un livre, dont il est l’auteur et qui vient de paraître 
dans la Bibliothèque scientifique internationale de la Librairie Félix 
Alcan. 

Dans cet ouvrage, intitulé : Za culture des mers en Europe, M. Roché 
a voulu présenter dans son ensemble l'énorme travail accompli depuis 
trente ans, dans le domaine scientifique et dans le domaine industriel, 
pour préciser les conditions d'exploitation rationnelle des eaux ma- 
rines. 

Tout d’abord, l’auteur envisage l’industrie des pêches maritimes pro- 
prement dites dans les mers du nord et de l’ouest de l’Europe. Il 
étudie leur évolution, les conditions économiques de leur mise en 
œuvre, et les relations qui existent entre la prospérité de ces indus- 
iries et l’économie sociale des populalions maritimes. Il est aussi 
amené à envisager l'influence que les pêches exercent ou sont appelées 
à exercer sur la fécondité des mers. 


(1) Extrait du Bulletin du Muséum d'Histoire naturelle, 1898. 

(2) Analyse d’une communication faite par M. Georges Roché dans la 
Séance générale du 28 janvier 1898, en présentant son livre intitulé : La culture 
des mers en Europe (Piscifacture — Pisciculture — Ostréiculture), 1 vol. in-8°, 
de 328 pages, avec 81 gravures dans le texte, 


304 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Etudiant alors les conditions dans lesquelles les espèces sont placées 
par leur biologie propre pour lulter conire les nombreuses causes na- 
turelles ou industrielles de destruction, M. Roché examine avec grand 
soin les dispositifs réglementaires que l'or: a cru devoir adopter pour 
l'exploitation des eaux et se livre à une critique très serrée — encore 
que discrète — de la législation des pêches. Il semble résulter, en effet, 
du travail de M. Roché que la dépopulation des fonds dont se plaignent 
souvent les pêcheurs, est, dans son ensemble, controuvée, et que cetie 
dépopulation ne saurait être considérée comme vraie que pour des 
espèces déterminées — el, encore, dans des localilés spéciales seule- 
menl. 

L'auteur éludie également les mélhodes proposées par divers spé- 
cialistes pour combattre, par la piscifacture, la stérilisation des eaux. 
Après avoir exposé la technique de ces méthodes et les résultats aux- 
quels elles ont permis d'arriver aujourd'hui, il conclut que l'on ne sau- 
rait, sans courir le risque de cruels mécomptes, tenter leur application 
daus nos eaux. L’applicalion des méthodes de piscifacture au réem- 
poi-sonnement des lerrains épuisés ressorlit encore, suivant M. Roché, 
à la zoologie scientifique pure, pour le moment. De longues et minu- 
ltieuses études sont encore à faire avant que l’on puisse songer sérieu- 
sement à propager artificiellement les espèces comestibles dans les 
eaux libres. 

Par contre, M. Roché croit que, dans un avenir rapproché, la pisci- 
facture est appelée à rendre d'importants services à la pisciculture 
marine en eaux closes, dout il donne une description, complète pour 
les installations de ce genre, françaises et italiennes. 

L'étude des conditions de développement du Homard et de la Lan- 
gouste ainsi que des essais de propagation arlificielle qui ont été tentés 
pour la première de ces espèces, en divers pays étrangers, conslilue 
un chapilre entier du livre. L'auteur s'est soucié là, comme daus tout 
son ouvrage d ailleurs, de dégager, de tous les travaux et de toutes les 
études failes sur le sujet qui l'intéresse, les fails scientifiquement ac- 
quis, de tout le fatras lilléraire et assez romanesque, au milieu duquel 
sont en général présentées les questions relatives aux industries ma- 
rines. | 

Il est intéressant de retenir cependant cette déclaraiion de l’auteur 
qui ne paraît pas cependant plein d'une confiance aveugle dans les 
méthodes de propagaliion artificielle — à savoir que la créaticn de vi- 
viers flotiants pour la conservation des femelles de Homards et de 
Langoustes grainées ne peut qu'être ulile au maintien de la producti- 
vilé des fonds où l’on capture ces auimaux. 

L'ostréiculture et la mytiliculture forment à elles seules la moilié 
de l'ouvrage de M. Roché. Et c’est justice, étant donnée l'importance 
immédiate, réelle, qu'ont ces deux industries pour nos populations 
marilimes. 


= 


EXTRAITS ET ANALYSES. 305 


Après avoir fait l'historique de la rénovation de l'ostréiculture en 
Europe, et avoir minutieusement étudié le rôle de Coste et celui de 
de Bon pour le développement de cetle culture sur les plages fran- 
çaises, notre collègue expose les méthodes qui doivent présider à l’ex- 
ploilation des gisements huitriers naturels. Il étudie ensuite la 
technique de l’ostréiculture dans les divers pays qui se livrent à cette 
industrie. La lecon très sérieuse qu’il donne en pareille matière est 
d’ailleurs rendue plus instruclive par un exposé des conditions biolo- 
giques des Lamellibranches comestibles, exposé mis au courant des 
recherches nombreuses et forl importantes accomplies dans les vingt 
dernières années, par des savants français et étrangers. Enfin, l’auteur 
se livre à des considéralions fort intéressantes, et certainement appe- 
lées à détruire bien des illusions, sur l’économie de 1 industrie osiréi- 
cole. 

L'ouvrage est terminé par un chapitre sur les essais tentés jusqu'ici 
pour la culture des Eponges industrielles. 

Dans son ensemble, l'ouvrage de M. Roché constitue une synthèse 
absolument sérieuse de tous les travaux anciens et modernes concer- 
nant l'exploitation des animaux marins. 

Sur de nombreux points, il rectifie des erreurs qui sont cependant 
acceptées comme vérités démontrées dans tous les ouvrages qui ont 
paru jusqu'alors sur le même sujet. Du reste, c’est la première fois, 
qu'un travail synthétique rigoureusement scientifique de ce genre ait 
été écrit en pareille matière. Il ne pourra manquer de servir, à la fois, 
aux hommes de science, aux industriels et aux administrateurs qui, à 
un titre quelconque, doivent connaître de ce genre de questions. 


>< 


LA SOIE AU SOUDAN. 


D'un rapport adressé à M. de Trentinian, lieutenant-souverneur du 
Soudan français, nous extrayons les passages suivants : 

Les Cocons envoyés à Kayes sont de provenance locale; ils ont été 
récoltés dans un rayon de 2 kilomètres autour de la ferme de Kati, 
sur un arbuste épineux qui devient quelquefois arborescent et qui est 
désigné par les indigènes sous le nom de Tomboro. 

Cet arbuste et ses cocons existent dans toute la colonie en assez 
grande quantité; j'ai souvent récolté ces derniers sur la ligne de ravi- 
taillement et même à Kayes d'avril à juin. Le Cocon est probablement 
construit par le ver en fin hivernage. L’Insecte parfait se dégage de la 
chrysalide en juillet. 

La Soie est, au moment de la récolte, d'une éblouissante blancheur, 
du moins dans toute l'épaisseur des parois du Cocon; la Soie intérieure 
qui enveloppe directement la nymphe est légèrement brunâtre. 


306 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Nous avons essayé, avec l’aide de M. l'agent des cultures, de dé- 
vider plusieurs de ces Cocons, et nous avons obtenu un succès relatif 
qui a permis de constater un degré de résistance, sinon de finesse, 
très convenable du fil. 

Consultés sur la provenance probable de la graine, les indigènes 
déclarent avoir vu de tout temps ces Cocons sur le même arbuste, sans 
d’ailleurs s’en préoccuper davantage. 

Les conditions climatériques de Kati paraissent assez bien convenir 
à l'installation d'une magnanerie : moyenne de température, degré 
d'humidité et de sécheresse alternées convenables. 

Etant donné le caractère très rustique de la plante qui sert à la 
nourriture de la Chenille, on pressent que la Scie pourrait être trans- 
formée avantageusement en substituant au To#boro un arbre à feuilles- 
plus tendres et plus nutritives. 

L'élevage consiste essentiellement à faire éclore la graine dans des 
chambres spéciales et à nourrir le Ver le plus possible. 

L'Insecte parfait que j'ai pu réussir à obtenir a laissé dans le réci- 
pient où il est éclos une toute petite quantité de graines, ce quiin- 
dique que la ponte s'effectue en juillet-août. | 

Nous rechercherons à obtenir la transformation en Ver de cette 
graine, qui est malheureusement en trop pelite quantité. 

Quand tous les éléments du problème seront réunis, il y aura une 
tentative intéressante à faire en vue de l'élève du Ver à soie au Sou- 
dan. Déjà les jardins d'essai de Kati renferment quelques pieds de 
Mûrier blanc qui serviront ultérieurement aux premiers élevages, 


x" 


À la suite de la publication de la notice ci-dessus, M. Charles 
Naudin, Membre honoraire de ia Socielé d'Acclimatatlion a fait par- 
venir à la Æevue des C'ullures coloniales, les observations suivantes : 


« I1 y a une quarantaine d'années, quand j'étais aide-naturaliste au 
Muséum, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, fondateur de la Societé d'A c- 
climatation, m'avait remis, pour en avoir le nom, un petil rameau en 
mauvais état d’un arbrisseau de Sénégambie, sur lequel vit une Che- 
nille, dont la soie, lui disait-on, pourrait êlre utilisée par l’industrie. 

Il s'agissait, avant tout, de déterminer le genre et l'espèce de l'arbre, 
et, à l’aide de la Flore de Sénégambie de Guillemin et Perrottet, j'ai 
reconnu ou cru reconnaître que c'élait un Zizyphus, arbrisseau épineux 
assez voisin de notre Jujubier commun, ou Z. vulgaris. I. Geoffroy 
Saint-Hilaire n'ayant pas recu de graines du prélendu Ver à soie, 
l'affaire en est restée là, et depuis il n’en a plus été question. 

Il se pourrait fort bien que les Cocons récoltés à Kayes par nos offi- 


2 


EXTRAITS ET ANALYSES. 307 


ciers fussent de la même espèce que ceux dont il vient d’être question, 
et que l’arbre épineux (Zo#boro) qui nourrit la Chenille fût un Z/zyphus. 
Il serait donc à désirer qu’on nous envoyât de Kayes des é“hantillons 
de cet arbre, avec feuilles, fleurs et fruits, le tout en assez bon état 
pour qu'on püt arriver à une détermination certaine du genre et de 
l'espèce. On y ajouterait des Cocons pour les faire examiner et dévider 
dans quelqu'une de nos Écoles d'Agriculture, celle de Montpellier par 
exemple, qui est parfaitement oulillée pour ces sortes de recherches. 

I. Geoffroy Saint-Hilaire pensait que le nouveau Ver à soie pourrait 
être acclimaté dans le midi de la France; ce n’est peut-être pas impos- 
sible, mais les probabilités de succès seraient plus grandes en Algérie, 
où, avec un climat plus chaud, existent plusieurs Z7zyphus indigènes 
plus ou moins analogues à celui de Sénégambie. : 

En matière de colonisation, il ne faut rien négliger : aussi me sem- 
ble-t-il que la question d’un nouveau Ver à soie est assez intéressante 
pour être tirée au clair (1). » 


Ca. Naupin (de l'Institut). 


LES ARBRES À GUTTA-PERCHA A IA GRANDE-COMORE 


par M. A. Mizxe-Enwanrps. 


de l'Institut, 


Directeur du Muséum d'Histoire naturelle. 


À la réunion des naturalistes du Muséum du 25 mai 1897, notre 
correspondant, M. L. Humblot, annonçait qu'il avait introduit à la 
Grande-Comore des pieds de Gutta-Percha (Zsonandra Gutta, Hooker). 
L'un d’eux, planté à 250 mètres d’altitude, était devenu en trois ans 
un bel arbre de 5 à 6 mètres de hauteur, dont les branches pouvaient 
supporter le poids d'un homme et dont les feuilles donnaient un latex 
abondant (2). 

À la suite de cette communication, M. H. Lecomte faisait dans la 
Revue des Cultures coloniales (3) les remarques suivantes : On peut se 
demander si l’arbre transporté à la Grande-Comore est véritablement 
l’Zsonandra Gutta de Hocker; à défaut, on ne saurait tirer de conclu- 


(1) Loc. cit., n° du 5 décembre 1897. 

(2) Humblot, Essais d'introduction de l'arbre à Gutta-Percha à la Grande 
Comore, Buil. du Museum d'Histoire naturelle, t. III, p. 172. La notice de 
M. Humblot a été reproduite dans le Bulletin de la Société d’Aculimatation 
1897, p. 478. 

(3) Revue des Cultures coloniales, 5 juillet 1877, t. I, p. 72. 


308 BULLETIN DE LA SOCIÉLÉ D’ACCLIMATATION. 


sions fermes des essais restreints qui sont rapportés. Ces observalions 
étaient trop justes pour ne pas donner à M. Humblot le désir de s'as- 
surer de l’exacte détermination botanique de l'arbre dont il s'agit et il 
m'a envoyé récemment des rameaux et des feuilles que j'ai soumis à 
l'examen de M. Guignard, membre de l'Institut et professeur de bota- 
nique à l'Ecole supérieure de pharmacie. Mon savant confrère a re- 
connu que ces échantillons provenaient bien de l'Zsonandra Gutla et 
il vient de m'adresser à ce sujet la lettre suivante : 

« J'ai examiné les feuilles d’/sonandra provenant des Comores que 
vous m'avez remises dans le but de savoir quelle est la qualité de la 
Gutta qu'elles renferment. Ii exisle en effet des variétés d'Zsonandra 
(Pelaquium) Gutta dont les feuilles contiennent des cellules laticifères 
aussi nombreuses et d'un produit aussi abondant que la meilleure 
variété de cette espèce et qui pourtant ne fournissent qu’une Gutta de 
mauvaise qualité. Aucun caracière externe ou interne ne permet, à ma 
connaissance, de distinguer une mauvaise qualité d’une borne: il 
faut, pour y parvenir, recourir à certains procédés. J'en ai la preuve 
avec des échantillons récollés à Bernco par M. de Guigne et envoyés 
en France comme excellents, alors qu'ils ne contenaient qu'une Gutla 
friable et sans qualité. 

>» Dans la pelile boîte que je vous adress2, vous trouverez trois 
préparations de feuilles dans lesquelles les laticifères à Gutta sont 
colorés et peuvent èlre vus facilement au microscope, à un faible 
grossissement. Ces préparations ont élé failes toules les trois avec 
des feuilles de bonne qualité, l'une provenant de Bornéo, l’autre du 
jardin de l'Ecole de pharmacie, la troisième des feuilles venant des 
Comores. Par suite, l'arbre de M. Humblot fournira sûrement un bon 
produit (1). » 


(1) Extrait du Balletin du Museum d'Histoire naturelle, 1898, n° 3. 


. BULLETI N 


CITE AATIONALE D'ACCLINATAT 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


L: ï 452 ANNÉE 


à _  OCTOBRE-NOVEMBRE 1898 


; SOMMAIRE 

COSSAR EWART. — Hybrides du Zèbre de Burehell et de la Jument..:......... 300 
LIVINGSTON STONE. — Les débuts de la Pisciculture aux États-Unis. .......... 3874 
CLÉMENT. — Les plantes mellifères et le nectar.:........,....,.,...... Se de 349 L 
COUPIN. — Sur la conservation des Crosnes du DES ANNE eee ne en NEVAES ne 355 4 


. La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
émises par les auteurs des SiUeIeS insérés dans le Bulletin. | 


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HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL 
ET DE LA JUMENT (1) 


OBTENUS EN ÉCOSSE 


par I.-COSSAR EWART, 


Professeur d'Histoire naturelle à l'Université d'Édimbourg. 


LE PÈRE DES HYBRIDES. 


Dans le cours des deux dernières années, j'ai obtenu cinq 
hybrides, par le croisement de différentes Juments avec un 
Zèbre de Burchell, (£quus Burchelli var. Chapmanni). Le 
_premier est né le 12 août 1896; les autres dans le courant de 
l'été de 1897. Les mères de ces hybrides sont respectivement : 
une Poney de l'Ile de Rum, une Poney de Shetland, une 
Poney d'Islande, une Jument irlandaise et une Jument croisée 
Clydesdale. : 

Le père de tous les hybrides, Matopo, est un beau Zèbre 
de Burchell, que je crois originaire du Transvaal. Comme 
le montre la fig. 1, il est bien conformé, a les jambes puis- 
santes, le cou fin et les épaules bien développées et, pour un 
Zebre, ses mouvements sont presque parfaits. Lorsqu'il trotte, 
ses jambes antérieures se meuvent gracieusement et ne rap- 
pellent en rien l'allure raide des Chevaux communs. Lorsqu'il 
salope, il semble le faire sans effort et sans que cette allure 
paraisse exiger de lui une grande dépense d'énergie. 

Le Zèbre a été souvent accusé d’avoir un mauvais carac- 
tère. Matopo fait certainement exception à cette règle. Nous 
perdons trop facilement de vue que, tant que les Zèbres n’au- 
ront pas été soumis à la domestication pendant un certain 


(1) Mémoire publié dans The Zoologist, n° 680, 15 février 1898, et traduit 
avec l'autorisation de l’auieur et du directeur, M. W, L. Distant. La Société 
d'Acclimatation est redevable des illustrations qui accompagnent ce mémoire à 
l’obligeance de MM. West, Newmann et Ce, éditeurs de The Zoologist. — Ce 
mémoire a été présenté à la Séance générale du 11 mars 1898 par M. Jules 
de Guerne, Secrétaire général de la Société. La reproduction en est formelle- 
ment réservée, sauf les autorisations des auteur, éditeur et traducteur. 


Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 18G8 EE 


310 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


nombre de générations, on ne peut les juger en les compa- 
rant au Cheval qui, après tout, n’est pas parfait. J’ai vu des 
Zèbres en captivité parfaitement dociles et j'ai eu en ma 
possession une femelle qui, capturée très jeune au Transvaal, 
était dès le début, aussi obéissante, aussi douce et aussi sûre 
que n'importe quel Poney. Différentes raisons m'ont empêché 
de me servir de Matopo, et cependant il n’y a jamais eu au- 
cune difficulté à l’'employer, sauf lorsqu'il se trouve avec des 
Juments ou qu’il est particulièrement excité. Lorsqu'il se 
trouve dans un champ avec des Juments, il est impossible de 
l’'approcher, car il se jette sur tous ceux qui s’aventurent au- 
près de lui. Il galope alors la bouche ouverte, poussant son 
cri caractéristique et essayant de saisir par les jambes ceux 
qui l’approchent. Un jour dans un petit paddock, il faisait si 
bonne garde auprès d’une douzaine de femelles qu'il fallut 
nous mettre à quatre pendant près de deux heures, pour faire 
rentrer ces femelles dans leurs boxes. D'ailleurs, tout bruit 
inaccoutumé l’émotionne : rien ne le terrifie autant qu’un 
coup de fouet et rien ne le surexcite comme d'entendre battre 
des tapis ; le claquement d’une corde le trouble profondément. 
Je me suis souvent demandé si le bruit cadencé du battage 
des tapis ne lui rappelait pas le jour, où, dans la lointaine 
Afrique, il perdit sa liberté alors que les Boers lui liaient les. 
jambes pendant que les Zoulous frappaient sur leurs boucliers 
avec leurs assagaies. 

Les rayures les plus caractéristiques de Matopo sont re- 
présentées dans les figures 1 et 2. 

J'ai décrit ailleurs (1) les rayures des différentes espèces de 
Zèbres. Je me bornerai à donner ici quelques détails sur 
celles de Malopo. 

Sa tête (fig. 1) est marquée d’une série de bandes brunes 
courbées dont quelques-unes se terminent dans une touffe 
de poils de deux pouces environ, placée sur le front. Faisant 
suite aux bandes frontales, se trouvent quelques bandes 
verticales descendant jusqu’au museau, dont la peau foncée 
est parsemée de quelques poils clairs excepté au-dessus des 
narines où ces poils sont tres bruns. Les Zèbres ont ordi- 
nairement une bande qui contourne l'épaule, passe en des- 
sous du garrot et se bifurque au niveau de l’attache de 


(1) Veterinarian, novembre 1897. 


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312 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


l'épaule. Chez Matopo, d'un côté, (fig. 1), cette bande est 
double, de l’autre (fig. 2), elle va se confondre avec lune 
des bandes humérales. Entre cette bande et le sommet de la 
tête, il existe habituellement une douzaine de bandes cervi- 
cales qui, en aboutissant à la crinière, y forment une série 


Fig. 1. — Matopo, Zèbre de Burchell, père des hybrides. 
(D'après une photographie de M. Reid.) 


de touffes noires alternant avec un nombre égal de touffes 
claires. Entre ces deux rangs de touffes dont les poils sont 
dressés et continuant la ligne de la bande dorsale, se trouve 
la crinière proprement dite consistant en poils noirs, plus ou 
moins dressés. La partie antérieure de la crinière, au lieu de 
former un toupet, s'étend au delà du niveau d'insertion des 
oreilles et se projette en avant, sur le front, formant un angle 


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HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 313 


droit sur le long axe de la face. Derrière la bande de l'épaule, 
du côté gauche, descendent cinq larges bandes presque verti- 
cales. Toutes, sauf la dernière, atteignent la bande dorsale 
par leur extrémité supérieure, et toutes, sauf la première, se 
rattachent d'autre part à la bande ventrale.*En arrière de ces 


Fiq. 2. — Matopo, Zèbre de Burchell, père des hybrides. 
(D’après une photographie de M. Swan Watson.) 


cinq bandes verticales, se trouvent de larges bandes obliques, 
entre lesquelles est une bande claire estompée au milieu d’une 
légère teinte brune. L'une de ces bandes obliques commen- 
çant à la naissance de la queue, se porte en avant au-dessus 
de la hanche, puis se courbe brusquement pour rejoindre la 


bande ventrale. Je lui ai donné le nom de « grande bande des 


flancs ». Au-dessous d'elle, s’en trouve une seconde, de forme 


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HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 315 


analogue, qu’on pourrait appeler « bande intermédiaire des 
flancs ». Ensuite vient une troisième commençant un peu au- 
dessous de la naissance de la queue qui traverse le flanc en 
se bifurquant au-dessus du grasset (1), la division antérieure 
se dirigeant vers la bande ventrale, mais sans la toucher. Ces 
trois bandes de flanc se trouvent également sur le côté droit 
où la bifurcation de la derniere est très apparente. 

Dans l’espace formé par la bifurcation de la bande 
de l'épaule, se trouvent quelques autres bandes courbées, 
peu distinctes, et au-dessous viennent les bandes transver- 
sales des jambes. Quelquefois, cet espace angulaire, en forme 
de A, renferme sept bandes courhées interrompues, et les 
jambes sont rayées jusqu'au sabot. Au-dessous de la bande 
du grasset, on trouve des bandes d'abord obliques, puis 
presque transversales sur les jambes postérieures et accom- 
pagnées quelquefois de bandes estompées. Chez Malopo, les 
bandes ne sont pas très visibles dans la partie inférieure des 
jambes de derrière, mais chez beaucoup de Zèebres, elles sont 
plus nettes et relativement plus larges à mesure qu’elles se 
rapprochent du sabot. La partie supérieure de la queue est 
distinctement rayée et, comme chez les Bœufs, elle se 
termine par un bouquet de longs poils. Les jambes de devant 
portent une large chétaigne, maïs celles de derrière n’en 
montrent aucune trace ; aucune toufte de poils n'existe surles 
fanons. 

Il y a lieu de remarquer que chez deux Zèebres ou même 
sur les deux côtés d’un même animal, la disposition des 
bandes n’est pas toujours exactement pareille (fig. 1 et 2); 
chez certains, le cou et le corps présentent autant de bandes 
secondaires que de bandes principales. Même certains Zèbres 
de Burchell, portent sur la croupe des bandes qui rap- 
pellent le gr des Zèbres communs (Æ. zebra) et, tandis 
qu'en été les bandes foncées sont presque noires et les 
bandes claires d’un jaune clair, en hiver, les premières sont 
couvertes de longs poils bruns, et les secondes de poils blancs 
également longs. Les touffes claires, de chaque côté de la 
crinière, sont blanches en hiver comme en été. Il convient 
d'ajouter que Matopo, comme la plupart des Zèbres de Bur- 


(1) Le grasset est la région du membre postérieur correspondant au genou 
de l’homme, 


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LA 


#7, 


316 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


chell, étant conformé pour habiter la plaine, a les sabots 
ronds et les oreilles relativement courtes. Il diffère ainsi du 
Zèbre de montagne (£. zebra) et de son compagnon d’écurie, 
un Ane blanc d'Egypte, dont les sabots sont longs et étroits, 
et dont les oreilles mesurent 11 pouces 1/2, soit 5 pouces de 
plus que celles de Malopo. 


Fig. 5. — Romulus ©”, âgé de sept jours, et sa mère HMulatto. 


(Photographie de M. Swan Watson.) 


L'HYBRIDE « ROMULUS ». 


Le plus vieux de mes hybrides, Romulus, est né, comme je 
l'ai dit, le 12 août 1896. La période de gestation a été de 
342 jours. Chez la Jument, elle est ordinairement de 343 à 
390 jours. La mère de Romus était une Poney noire de l'ile 
de Rum, prêtée pour cette expérience par lord Arthur Cécil, 
d'Orchardmains, Kent. 


HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 317 


La bonne race des Poneys noirs des montagnes et des iles 
de l’Ecosse occidentale est excellente sous beaucoup de rap- 
ports pour produire des croisements avec des Zebres. Les 
analogies que présentent les Chevaux de cette race avec ceux 
de l'Orient, ont fait dire qu'ils descendent d’étalons qui se. 
seraient échappés des vaisseaux de l’Armada espagnole (1). 

Romulus, quelques jours après sa naissance, était le plus 
intéressant petit animal que j'aie jamais vu (fig. 1). Il sem- 
blait réunir la grâce et la beauté de l’Antilope à l'élégance 
du Poulain arabe de bonne race. La disposition et la colora- 
tion de ses bandes et de ses taches était parfaite. La couleur 
du corps était jaune doré; les bandes et les taches d’un beau 
brun foncé. L'’éclat de sa robe 
était surtout remarquable et les 
bandes foncées avaient un lustre 
particulier. Au premier coup 
d'œil, on s’aperçcevait qu'en ce 
qui concerne la disposition des 
bandes, il n'avait aucune res- 
semblance avec son père et un 
examen attentif permettait de 
reconnaitre que, pour le nom- 
bre et la disposition des taches, 
il présentait beaucoup d’'ana- 
logie avec le Zèbre des Somalis. 
Il porte au milieu du front (fig. 
4) une large tache brune qui res- 
semble à l'empreinte du doigt. 
Au lieu d’avoir, comme son 
père, quatre ou cinq baudes 
frontales courbées se terminant + 
en pointes aiguës, il présente Fig. 4.— Romulus, fils de Matopo et 
quatorze bandes arrondies, rap- de Mulatto, à l'âge de vingt-sept 
pelant celles qu’on remarque sur D ne de Me Red) 
le front du Zèbre des Somalis. 

Malopo a douze bandes cervicales; Romulus en a vingt- 

quatre, qui toutes peuvent être suivies jusque sur la crinière. 

Ce nombre relativement considérable de bandes cervicales, 
LA 


(1) Pour certains détails complémentaires relatifs à Mulatto, la mère de Ro 
mulus, voir Veterinarian, novembre 1897. 


318 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


semble indiquer qu'il appartient à un type plus primitif que 
le Zèbre des Somalis, chez lequel je n'ai jamais vu plus de 
quatorze bandes cervicales et le rapprocher d’une de mes 
femelles qui porte ce même nombre de bandes, en y com- 
prenant les bandes secondaires. La bande de l'épaule se 
bifurque plus haut que chez Matopo et est accompagnée de 
sept bandes cintrées, comprises dans l'angle formé par la 
bifurcation. Derrière la bande de l'épaule (fig. 3), se trouvent 
neuf bandes verticales très distinctes, au lieu de cinq comme 
on le remarque chez son père (fig. 2), correspondant aux 
trois bandes des flancs, qui existent si fréquemment chez 
le Zèbre de Burchell, se voient, chez l’hybride, en ayant du 
srasset. trois rayures qui, d'abord dressées, se recourbent 
ensuite pour aller se terminer en arrière sous la mnais- 
sance de la queue (fig. 3). Dans l’espace triangulaire qui se 
trouve entre la première bande du flanc et la neuvième ver- 
ticale, on remarque un grand nombre de petites lignes 
étroites dont les unes se dirigent vers la bande ventrale, 
tandis que les autres vont rejoindre la première bande du 
flanc. Parallèlement à ces lignes presque transversales, il y 
avait, à la naissance, des rangées de taches également dis- 
posées transversalement sur les reins et la croupe. Aujour- 
d'hui que Romulus est âgé de plus d'un an (fig. 5), beau- 
coup de ces taches se sont réunies pour former d’étroites 
bandes en zigzag, analogues à celles qui marquent le train 
de derrière du Zèbre des Somalis. Cette fusion des taches est 
beaucoup plus accentuée sur le côté gauche que sur le côté 
droit. De l'épaule à la naissance de la queue, on compte 
quarante-trois bandes, — à peu près le même nombre que 
chez le Zèbre des Somalis: Matopo a seulement cinq bandes 
transversales après celle de l'épaule (fig. 2). — Le mélange 
des taches sur le train de derrière de Romulus semble in- 
diquer que dans beaucoup de cas, les bandes ne sont primi- 
tivement que des taches ou des lignes ondulées et interrom- 
pues. Entre la troisième bande des flancs et la pointe du 
jarret, il existe un certain nombre de bandes foncées, alter- 
nant avec quelques bandes secondaires ; derrière le jarret 
sont quelques barres transversales et enfin quelques lignes 
obliques moins distinctes jusqu'au sabgt. Quelques lignes 
semblables existent également sur les membres antérieurs. 
Ces bandes des jambes étaient à la naissance plus apparentes 


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HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 319 


que chez le père. A partir de la crinière, une bande dorsale 
très apparente, portant de chaque côté une étroite bande. 
jaunâtre, se continue en partie sur la queue. Celle-ci, à la 
naissance de l'hybride, portait jusqu’à sa base de longs poils, 
et, néanmoins, était marquée de trois bandes distinctes de 


Fig. 5. — Romulus, à.l’âge d’un an. 


(Photographie de M. Swan Watson.) 


chaque côté ; j'ai vu une fois chez un Cheval la Irene ornée 
de bandes semblables. 

Les oreilles, arrondies à leur extrémité, ne sont pas rela- 
tivement beaucoup plus longues que chez la plupart des 
Chevaux, les naseaux, par leur forme, leur position, etc., 
ressemblent à ceux des autres Zèbres ; les yeux et les sourcils 
sont intermédiaires, mais les cils longs et recourbés, different 
en cela de ceux des Chevaux et des Zèbres qui sont droits et 
assez courts. Le pied rappelle celui du Zèbre plutôt que celui 
du Cheval. I paraît solide et résistant. 


HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 321 


Dans ses mouvements, Romulus semble tenir beaucoup 
plus de son père que de sa mère. Quelques instants après sa 
naissance, il courait dans son boxe, paraissant impatient 
d’aller retrouver les autres animaux. Ce qui m'a surtout 
frappé au début, c’est son agilité et sa circonspection lorsqu'il 
se trouvait en présence d'objets qui lui semblaient suspects 
ou ne lui étaient pas familliers. Dans son enfance, lorsqu'il 
était surpris pendant son sommeil, il était vraiment merveil- 
leux de voir avec quelle rapidité il se dressait sur ses pieds, 
prêt à s’élancer. Le plus grand ennemi du Zèbre paraît étre le 
Lion. Il lui échappe non par la rapidité de la course, mais 
par son agilité et les bonds qu'il fait au moment où son 
ennemi va s'élancer sur lui. Tous les hybrides ont hérité de 
cette faculté extraordinaire de bondir avec la plus grande 
rapidité. 

Les Zèbres sont difficiles à conduire, non parce qu'ils sont 
d'un naturel vicieux, mais parce qu'ils s’effraient facilement. 
A certains moments, ils sont pris de panique, s’imaginant 
sans doute que le Lion va les atteindre; ils se précipitent, 
sans regarder, contre un mur ou une haie, et se jettent dans 
un fossé, sans que le mors ou les rênes puissent les arrêter. 
Dans leur éducation, on devra s'attacher surtout à combattre 
peu à peu cette tendance à bondir et à se dérober. On est 
arrivé assez facilement à corriger de ce défaut des Zèbres 
adultes. Il sera sans doute encore plus facile d’arriver au 
méme résultat chez les hybrides. Du reste Romulus est 
parfaitement docile ; il se laisse facilement ferrer, et supporte 
l'examen de ses dents ; lorsqu'il avait un peu plus d'un an, 
il semblait disposé & être monté par un enfant. 

J'ai mentionné que Mulatlo a juste 13 mains (1), tandis que 
l’étalon Zèbre a 12, 3 mains. A sa naissance, le 12 août 1896, 
Romulus mesurait 34 1/2 pouces au garrot; à deux mois 
38 1/2 pouces ; à six mois 43 pouces ; et à douze mois 45 1/2 
pouces. Sa croissance a été extrêmement irrégulière ; ainsi 
du 12 février au 12 avril, il n’a grandi que d’un demi- 
pouce, et du 12 juin 1897 au 12 septembre, de trois quarts de 
pouce seulement ; mais du 12 septembre au 12 décembre, sa 
taille augmenta d’un pouce un quart. Aujourd'hui, 12 jan- 
vier 1898, il mesure 47 1/2 pouces, presque 12 mains; ses 


(A) Main = 0n,4016. 


322 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


jambes de devant ont 6 1/2 pouces de circonférence, le genou 
10 pouces et le tour du corps à l'endroit où se place la sangle 
52 1/2 pouces. 

Les poulains issus de Poneys noirs de l'ile de Rum sont 
souvent de couleur gris souris foncé avec une bande dorsale 
peu apparente et portant une tâche sombre sur les épaules. 
Après la première mue chez ceux de race pure, le poil 
devient plus foncé et enfin presque noir, avec quelques 
taches sur les flancs et l’arrière-train. Comme je l’ai dit, 
Romulus à sa naissance, avait le poil d’un jaune orange bril- 
lant, tirant sur le jaune paille sur le museau, et vers les 
genoux et les sabots. Le dessous du cou et du ventre étaient 
brun foncé et la bande ventrale peu apparente. 

Les oreilles étaient garnies de poils d’un jaune orange bril- 
lant. A l’âge d’un mois, il commença à muer. Des poils clairs 
commencèrent à tomber de la face et de son cou, vers le 
milieu de septembre et, à la fin de ce mois, sa couleur géné- 
rale était devenue beaucoup plus foncée. Il continua à perdre 
ses poils jaunes et bruns, sauf sur le dos, pendant tout le 
mois d'octobre et vers le milieu de novembre. Le poil orangé 
de ses oreilles rappelait seul la jolie robe qu'il portait dans les 
premiers jours de sa vie. À la fin de novembre, son nouveau 
poil était complètement poussé. Les bandes orangées de sa face 
étaient remplacées par d'autres beaucoup plus pâles; le 
museau était devenu brun, le cou et le corps gris souris et 
le bas des jambes brun foncé. Du garrot à la naissance de la 
queue, les poils étaient particulièrement longs et épais. A cer- 
tain moment, les poils recouvrant la plus grande partie de la 
croupe devinrent si longs que le reste paraissait avoir été 
tondu. Il se recouvrit d'un épais manteau de poils laineux 
d'un demi-pouce à 2 pouces de long et dont une partie at- 
teignait même 3 pouces. A leur racine, tous les poils étaient 
de couleur claire, de sorte que si l’animal avait été tondu, 
toute trace de bandes aurait disparu. 

Chez les Zèbres, au contraire, le pigment brun se montre 
des la racine des poils, et, si courts que soient ceux-ci, les 
bandes sont toujours très visibles. Dernièrement, Matopo 
éprouva un accident qui lui enleva une partie de la peau 
auprès de la queue en faisant disparaitre tout l’épiderme, et 
avant même qu'on püt distinguer les poils qui repoussaient à 
cet endroit, on constatait très nettement la place que devaient 


HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 323 


occuper les bandes foncées. On a dit que la peau des Zèbres 
était uniformément noire, même sous les bandes claires; il 
serait plus exact de dire qu’elle est presque entièrement de 
couleur gris foncé. 

Vers le milieu de mars, les longs poils commencèrent à 
tomber et à la fin de ce mois on pouvait les enlever par poi- 
cnées. En même temps, les longs poils de la partie basilaire 
de la queue tombaïent aussi de sorte qu'à un certain moment, 
la queue de Romulus n’était guère plus fournie que celle de 
son père. À la fin de mai, tous les longs poils clairs ou foncés 
tombaient, et, de bonne heure en juin, les poils laineux, 
foncés et gris souris avaient aussi disparu. 

Vers le 6 juin, le poil d'hiver avait disparu autour des 
oreilles et au-dessus des yeux et l’on pouvait voir déjà quelle 
serait la couleur du pelage d'été. La mue se continua en juin 
et en juillet. Le 12 août, premier anniversaire de sa naissance, 
Romulus avait sa robe d'été. Les bandes foncées, formées de 
poils robustes et couchés sur la peau, étaient parfaitement 
indiquées. Les bandes intermédiaires étaient d’un rouge brun 
sur le front, mais sur le reste du corps d’une teinte rappelant 
celle du pelage d'été du Cerf. Pris dans son ensemble, Ro- 
mulus, à l'âge d’un an, était certainement d’une teinte géné- 
rale beaucoup plus foncée que pendant les premiers temps de 
sa vie. 

En même temps que tombaient les longs poils sur son corps 
et à la naissance de la queue, de nombreux crins se déta- 
chaient de la crinière. 

Chez un Mulet ordinaire issu d’une Poney de New-Forest 
que j'avais eue pendant quelque temps, tous les longs poils de 
la crinière étaient tombés pendant l’été. Mais chez Romulus, 
les nouveaux poils se montrèrent avant que les anciens fus- 
sent tombés. Bien que sa crinière füt plus courte, moins 
épaisse et moins dressée pendant le mois d’aouût, elle se com- 
posait néanmoins de poils fort longs. Aujourd’hui, cette cri- 
nière formée de crins ondulés de 7 à 9 pouces de longueur, 
tend à retomber d’un seul côté, comme chez certaines espèces 
de Zèbres. 

Vers le milieu de septembre, Romulus avait encore perdu 
une grande partie de ses poils les plus clairs qui furent rem- 
placés par de plus foncés. Probablement en raison de l’extré- 
me douceur de la saison, les poils les plus longs ont déjà 


323 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


commencé à tomber en janvier, comme ils le firent en mars 
dernier. 

Tous ceux qui ont vu Romulus s'accordent à le considérer 
comme bien supérieur à son père et comme plus beau et mieux 
conformé que sa mère; ayant été dressé dès le début, il est 
aujourd'hui extrêmement docile. Quelquefois cependant, il 
montre bien qu'il est plein d’ardeur et n’a pas besoin d'être 
excité. Il témoigne beaucoup d'affection à une petite Jument, 
de très bonne race. Lorsqu'on le sépare de cette Jument, il se 
montre quelquefois aussi inquiet que son père quand on dérange 
celui-ci de ses habitudes. La semaine dernière, un Cheval 
étranger galopant dans le paddock où il se trouvait, l'hybride 
s’anima aussitôt, se mit à trotter et à galoper, montrant de fort 
belles allures et il continua encore à galoper, quelque temps 
après que le Cheval eut quitté l'enceinte. Romulus a été 
récemment cité dans le Scottish Farmer par un excellent 
juge de Chevaux, comme un très beau poulain, parfaitement 
constitué, aux actions élégantes et gracieuses ; il est remar- 
quable que rien ne rappelle chez les hybrides le Mulet ou le 


Bardeau. 
L’'HYBRIDE « REMUS ». 


La mere de Remus, Biddy, est une Jument 3/4 sang irlan- 
daise de 14,1 mains qui m'appartient depuis 1893 et qui a au- 
jourd'hui neuf ans. Elle est baie, marquée de taches noires, 
mais n’a de poils blancs nulle part. Reïnus est son premier 
produit, c'est une bonne bête. très douce, qui a toujours été 
en excellente condition, été comme hiver. 

Evidemment le Zèbre, avant de venir ici, ne s'était jamais 
trouvé avec des Chevaux, quand je le mis pour la première 
fois avec Mulatto, il se réfugia dans un coin, la queue entre 
les jambes, et poussant un cri particulier qui témoignait d'une 
grande frayeur, quelques Poneys se précipitèrent vers lui, 
la bouche ouverte, d’autres lui lancèrent des coups de pied. 
D'un autre côté, un étalon arabe et quelques Juments se mon- 
trèrent aussi effrayés en le voyant que s’il se fût agi d'un 
Tigre ou d’une bande de Lions. Pour le familiariser avec les 
Chevaux, je le plaçai le soir avec un Poney des Shetland, 
ardent, mais d’un caractère doux. 

Le Poney commença à taquiner le Zèbre qui bientôt fi 


HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET-DE LA JUMENT. 325 


mine de vouloir l’attaquer. Il se mit à tourner autour de lui, 
en cherchant à lui mordre les jambes. Le Poney, surpris 
d'abord par ce mode d'attaque, adopta bientôt la même 
tactique et à plusieurs reprises fit tomber le Zèbre à genoux (1). 
Après deux heures environ, le combat prit fin, sans qu'il y 
ait eu du reste grand dommage de part et d'autre, et, à partir 
de ce moment, Matopo et Scheila devinrent d'excellents 
amis. Mais pendant tout le printemps de 1896, le Zèbre 
demeura d’une extrême timidité et, même encore aujourd'hui, 
à la moindre démonstration hostile, il s’empresse de battre 
en retraite. Biddy est le premier animal adulte qu'il se soit 
décidé à approcher. Un jour, j'attachai Biddy dans une cour 
de 40 pieds environ, après avoir pris la précaution de lui 
bander les yeux. Le Zèbre entra et fit quelques pas vers elle, 
il s'approcha, posa sa tête sur son dos, puis sur son garrot; 
ensuite 1l lui lècha les lèvres et lui mordilla doucement les 
oreilles. Enfin il parut satisfait de son examen. Le Cheval ne 
lui parut plus un animal si terrible; il rentra à l’écurie et 
acheva son repas. Il avait vu une fois ce qu'était une Jument 
et il ne l'oublia plus. Il y a cependant certaines Juments qu'il 
n'aime pas tandis qu'il a pour d’autres une grande affection ; 
il se montre très excité quand celles-ci passent près de que 
Maïs il ne fait aucune attention aux Anesses. 

Remus naquit le 18 mai 1896. Il était au moment de sa 
naissance, plus petit et moins vif que Romulus. Sa mère le 
. porta pendant 346 jours. Le jour de sa naissance, il mesurait 
39 1/2 pouces de hauteur et 28 pouces de circonférence. Le 
18 juin il atteignait 38 3/4 pouces et 36 de circonférence. A 
l’âge de six mois, sa taille était de 44 1/8 pouces, sa circon- 
férence de 47 1/2. Le genou avait 9 3/4 pouces de tour et le 
jarret 9 3/4 pouces. À l’âge de six mois, Romulus avait 
42 pouces. 

Dès sa naissance, Remus fut très familierjet son caractère 
semblait se rapprocher de celui du Zèbre, plus que celui de 
Romulus. Pendant les premiers jours, ce n’était guère qu'une 
machine, une sorte d'automate, ne sachant que téter ou suivre 


(1) Je dois faire remarquer à cette occasion que toutes les fois qu’on lui tou= 
chait les jambes avec une corde ou un bâton, il tombait immédiatement sur 
les genoux ou même se couchait entièrement à terre. Cela tient, je crois, à ce 
que, avant son arrivée ici, on l’étendait périodiquement à terre pour examiner 
ses sabots. 


Bull. Soc. nat. Acci. Fr. 1898. — 23, 


326 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


quelqu'un marchant devant lui. Tous les organes de ses sens 
fonctionnaient bien, mais le cerveau ne retenait aucune des 
impressions qu'il avait reçues. Si je marchais devant lui, il 
me suivait et sucait mes doigts ou tout autre objet qu'on lui 
présentait. Il entendait bien sa mère quand elle l’appelaït, 
mais il ne savait discerner d’où venait la voix et quand il la 
voyait à quelques pas de lui, il hésitait à la reconnaître. Il 
aimait l’aloès et l’eau autant que le sucre et le lait, et lors- 
qu'on lui présentait un flacon de sels ou de la moutarde 
fraîche, il semblait ne pas les sentir. Il ruait lorsqu'on le 
pinçait, mais il ne semblait éprouver aucune sensation parti- 
culière lorsqu'on lui appliquait sur la peau un objet chaud ou 
froid. — Lorsqu'un Chien pénétra pour la première fois dans 
l'écurie de Romulus, celui-ci entra dans une grande colère; il 
s'élanca furieux, frappant des pieds de devant, le cou tendu, 
la tête haute, relevant les jambes comme s’il marchait dans 
de hautes herbes où pouvaient se dissimuler des ennemis. 
Pourtant Remus, à l’âge de deux jours, laissa un petit Chien 
se coucher à 6 pouces de son museau et ne se leva que sur 
un cri d'avertissement poussé par sa mère à l'approche d’un 
Chien dalmate. Quand il fut sevré, en même temps que les 
autres poulains hybrides et de race pure, il sembla ne pas 
s’en apercevoir. Tandis qu'un des hybrides et un poulain 
arabe mordaient, ruaient et frappaient du pied, lui se con- 
tentait de regarder vaguement au-dessus de la clôture. Mais 
bientôt, comme les autres se calmaïent, il se mit à marcher de 
long en large, exactement comme le Zèbre son père; il con- 
serva cette habitude, analogue à celle des Lions en cage, seul 
parmi tous les autres poulains. Lorsque Romulus fut sevré, 
il devint furieux pendant quelques jours, ruant et frappant 
du pied, comme le faisait son père lorsqu'il entendait le bruit 
du battage des tapis. Il y a quelque temps, on fut obligé de 
donner aux poulains du lait mélé de thymol. Les poulains 
de race pure ne firent que très peu de résistance, maïs les 
hybrides luttèrent pour ne pas le prendre jusqu'à ce qu'ils 
fussent épuisés. Quant à Remus, il fut impossible de lui faire 
avaler une seule goutte du remède. 

Comme on devait s’y attendre, le fils de Biddy est de cou- 
leur plus claire que celui de Mulatto. À l'exception du museau 
et du bas des jambes, le corps est d’un joli bai brillant. Au 
moment de la naissance, Je museau et les jambes étaient 


HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 321 


blanchâtres ; maintenant ils ont pris une teinte baie. Les 
bandes sont plus claires et moins apparentes que chez 
Romulus. Elles sont généralement d’une teinte brun rou- 
geatre, accentuée surtout sur les sourcils, la poitrine et la 
partie inférieure des jarrets. La disposition des bandes est la 
même que chez Rosnulus, mais dans son jeune âge, un certain 
nombre des taches qui se trouvent sur la croupe se réunis- 
saient déjà de manière à former des bandes étroites. La face, 
mesurée du sommet de l’occiput à l'extrémité des naseaux, 
était un peu plus allongée que celle de Romulus ; les oreilles 
avaient la même longueur, — 6 pouces. 

Quelquefois, lorsqu'un Cheval pousse un cri d'alarme, tout 
le troupeau se rassemble et les animaux se mettent à bondir 
comme pris d’affolement. Les Équidés sauvages semblent 
se préoccuper beaucoup de la direction d’où viennent les 
bruits. Probablement, plus les oreilles sont longues, plus les 
bruits sont vivement perçus. Si, comme il est vraisemblable, 
la longueur des oreilles a pour ces animaux une telle impor- 
tance, on s'explique facilement que, dès la naissance, elles 
atteignent déjà à peu près la dimension qu'elles doivent avoir 
plus tard. Les poulains, dans leur jeune âge, sont de nature 
vagabonde et, s'ils ne pouvaient aisément reconnaître les 
appels de leurs parents et la direction de ces appels, leur 
existence, à l’état sauvage, serait souvent compromise. 
Romulus avait, à sa naissance, les oreilles plus longues que 
celles de sa mère et à peine plus courtes que celles de son 
père. Celles de Remus étaient de même longueur que celles 
de sa mère; soit 6 pouces à l’intérieur. 

Les yeux du fils de Biddy sont de couleur noisette et ont 
la douceur de ceux de la Gazelle; les cils sont très longs et 
recourbés. La crinière était d'abord formée de poils mous, se 
rejetant tous du côté droit. Quelque temps après, ces poils 
devinrent plus rigides et maintenant, à l’âge de neuf mois, 
ces poils sont presque complètement dressés, sans étre 
cependant d’une trop grande raideur. On peut préjuger que 
la crinière sera dressée et courte comme celle de son père. La 
queue présente moins de poils que chez les autres hybrides 
et porte trois barres à sa racine. Confrairement à ce qui a 
lieu ordinairement chez les Mulets, il existe des châtaignes 
sur les jambes de derrière, comme sur les jambes de devant. 
Celles des jambes antérieures sont grandes, mais elles ne 


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328 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


s'élèvent pas au-dessus de la peau, elles ressemblent à celles 
des Zèbres; celles du train de derrière rappellent celles des 
Chevaux : elles sont assez étroites, n’ont qu'un demi-pouce de 
long et s'élèvent au-dessus de la peau. L'absence de châtai- 
gnes aux jambes et derrière chez les Zebres et les Anes pro- 
vient sans doute de ce que leurs premiers ancêtres n'en 
avaient pas. Cette particularité semble indiquer, à mon avis, 
que les Zèbres et les Anes dérivent d'un ancêtre (peut-être 
l’'Hipparion) distinct de celui des Chevaux qui pourrait être 
le Protohippus. Si Remus survit, il pourra atteindre une 
hauteur de 56 pouces et sera le plus joli et le plus gracieux 
des hybrides obtenus jusqu’à ce jour. 

Comme il arrive pour tous les jeunes Zèbres, le pelage du 
dos et de l’arrière-train de Remus grandit rapidement et 
forme une épaisse toison. Les poils qui composaient cette 
première fourrure tombaient comme d'habitude, plutôt sur 
la face et le cou que sur les jambes et surtout les genoux et 
autour des paturons. Les premiers tombèrent à la fin du pre- 
mier mois, mais il en restait encore sur le museau et les sour- 
cils à la fin du troisième mois et sur les jambes à la fin du 
quatrième mois. Le nouveau pelage était complètement 
poussé à la fin du cinquième mois c’est-à-dire à la mi- 
octobre; il consistait en un épais manteau de poils bai-brun 


ondulés, d’un pouce et demi de long, recouvert de poils plus 


rares, mais plus forts, dont beaucoup atteignaient une lon- 
gueur de 2 pouces 1/2. Jusqu'à ce jour (janvier 1898) aucun 
de ces poils n’est encore tombé. 


L'HYBRIDE « BRENDA ». 


La mère de Brenda (Lady Douglas), est née d’une Jument 
Clydesdale, présentant les caractères de la race de Douglas, 
autrefois commune dans le district de Hamilton. Comme 
Biddy, elle est baie avec des taches noires, maïs, contraire- 
ment à sa mère qui est une Jument irlandaise, elle a sur le 
front une large étoile, une crinière et une queue très fournies, 
et les fanons très poilus. Elle mesure 60 pouces en hauteur, 
13 1/2 pouces de circonférence au genou et 9 pouces au- 
dessous du genou, sa tête a un pouce de plus et ses oreilles 
trois quarts de pouce de plus que celles de Biddy. Je m'atten- 


HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 329 


dais à ce que Brenda, qui est le premier produit de sa mère, 
ressemblât à Remus pour la couleur et la disposition des 
bandes; mais dans tous les croisements, il faut toujours faire 
la part de l’imprévu. Nous oublions trop souvent que, même 
avec un père de race tout à fait différente, les enfants peu- 
vent toujours conserver beaucoup des caractères de leur 
mère. Très peu d'heures après sa naissance (fig. 6), on 
voyait clairement que Brenda ne ressemblerait ni à Romulus, 
ni à Remus. D'abord, ses oreilles paraissaient très longues ; 
elles avaient à sa naissance 6 1/2 pouces, à peine un quart de 
pouce de moins que celles de sa mère et presque autant que 
celles de son père; elles ont maintenant 7 1/2 pouces. Sa tête 
estrelativement courte, plus-courte que la tête d’un hybride de 
Poney d'Islande de 12 mains. La hauteur au garrot était de 
43 pouces, un pouce de plus que Remus et 4 pouces de plus 
que l’hybride d'Islande. A part ses oreilles, Brenda, à sa 
naissance, ressemblait assez à un poulain bai; mais bientôt des 
bandes un peu éteintes commencèrent à se montrer et, après 
un ou deux jours, ces bandes, bien qu’encore peu distinctes, 
étaient très visibles et paraissaient disposées comme celles 
des autres hybrides. Maintenant qu’elle a près de sept mois, 
elle peut, à une certaine distance, être prise pour une pou- 
liche ordinaire. Comparée à Remus, sa tête est plus courte 
et plus fine, les attaches sont plus fortes et les jambes plus 
grosses. A six mois, la circonférence des genoux était de 10 1/4 
pouces et au-dessous des genoux de 6 1/2 pouces, c’est-à-dire à 
peu près exactement les mêmes dimensions que chez Romulus 
à l'age de dix-sept mois. La crinière, d’abord courte et presque 
droite comme chez tous les Zèbres, est maintenant composée 
de poils de 8 à 10 pouces de longueur à peu près comme 
chez un poulain ordinaire du même âge, sauf près du garrot 
et entre les oreilles, la crinière retombe du côté droit et une 
partie descend jusque sous le cou. Les poils qui se trouvent 
entre les oreilles sont dirigés en avant et forment une sorte 


‘de toupet. Chez Remus, comme je l’ai déjà dit, la crinière est 


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encore droite et plus que chez son père. La queue de Brenda 
a été, dès le début, beaucoup plus fournie que celle des au- 
tres hybrides et elle a été peu dégarnie par la mue. Les poils 
qui entourent les ergots ont maintenant plus de 2 pouces 


de long. 
Les châtaignes des jambes antérieures du Zèbre sont larges 


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330 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


et lisses ; elles ne dépassent pas le niveau de la peau. Chez 
Romulus et Remus, elles sont aussi larges et s'élèvent à peine 
au-dessus de la peau; quelquefois il s’en détache de minces 
écailles. Chez Brenda, elles sont aussi larges que chez les 
Zèbres, maïs elles s'élèvent au-dessus de la peau autant que 
chez un poulain de Clydesdale, de pure race. La jambe gauche 


Fig. 6. — Brenda, hybride, fille de Watopo et de Lady Douglas, 


âgée de deux mois. 


(Photographie de M. Swan Watson.) 


de derriere porte une petite chätaigne proéminente, d'un 
quart de pouce de diamètre, mais la droite n’en porte aucune 
trace; ses sabots sont ceux du Zebre, beaucoup plus petits 
que ceux d'un poulain Clydesdale de méme âge. Ils sont 
larges en arrière et arrondis en avant, mais les barres sont 
relativement courtes et ne s'étendent pas plus loin en arrière 
que la fourchette. Je puis ajouter que les naseaux ressem- 
blent moins à ceux du Zèbre que chez les autres hybrides. Le 
museau rappelle plutôt celui de la mère que celui du père, la 
lèvre inférieure étant, comme chez la mère, un peu allongée. 


HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 331 


Les oreilles arrondies sont marquées de blanc à l'extrémité, 
ce qüi arrive parfois chez les Poneys isabelles, aussi bien que 
chez les Zèbres. L'ensemble du corps et le train de derrière 
sont plus massifs que chez Remus et les épaules sont moins 
hautes, ce qui fait que chez Brenda, les mouvements rap- 
pellent moins ceux du Zèbre, que chez les autres hybrides. 
Comme on le voit sur la figure 6, Brenda porte sur le 
milieu du front, entre les yeux, une tache de 3 pouces de 
long environ. La même figure fait. clairement voir la disposi- 
tion des bandes à la fin du second mois. Les bandes sourci- 
lières (à peine visibles sur la figure) sont maintenant aussi 
pointues que celles d'un Poney de Norvège que je possède ef 
comme chez le Couagga d'Amsterdam. Le fait est remarquable, 
car chez tous les autres hybrides, les bandes sourcilières sont 
arrondies. Toutes celles qui se trouvent sur le cou, sont 
semblables à celles de Romulus. Vers les épaules, les bandes 
deviennent peu distinctes et sur le train de derrière, il 
n'existe que quelques taches et quelques portions de bandes. 
Le bas des jambes est très faiblement marqué ainsi que les 
jarrets et la poitrine. Maïs bien qu'aucune des bandes ne soit 
franchement accentuée, on voit de petites lignes entre cha- 
cune des bandes du cou et du corps. Ces lignes rappellent les 
bandes secondaires et les nombreuses bandes verticales peu 
distinctes du reste, qu’on remarque chez les hybrides &’Ane 
et de Zèbre. Cette disposition semble indiquer que cet hybride 
dont l’ensemble rappelle plutôt le Cheval que le Zèbre, a plus 
de sang de ses ancêtres primitifs que les autres hybrides dé- 
crits jusqu'ici. Si cet animal continue à prospérer, il sera cer- 
tainement vigoureux, robuste et bien fait,il atteindra 40 pouces 
de haut; il sera plus fortet plus solide qu’une Mule ordinaire. 


L’HYBRIDE « NORNA ». 


Le plus joli de mes hybrides de l'été dernier a pour mère 
une belle Jument poney des Shetlands (Nora), haute de 
44 pouces. Cette Jument, qui aura six ans au printemps pro- 
chain, a déjà donné le jour, en 1895, à un poulain dont le 
père est un petit Poney noir des Shetlands, Wallace. Nora 
est, sous beaucoup de rapports, une reproduction en petit de 
Mulaito, et sa fille Norna une reproduction réduite de Ro- 
mulus. Dans les premiers jours de sa vie, Norna était, dans 


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332 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


sa couleur, ses mouvements et ses allures, plus élégante que 
Romulus lorsqu'il avait le même âge. Maintenant que sa taille 
(qui était de 30 pouces à la naissance, le 8 juin 1897) a atteint 
41 pouces, sans compter les sabots, elle paraît appartenir à 
une grande race antique. Norna montra, dès le début, plus 
d'intelligence que tous ceux qui étaient nés en même temps 
qu'elle; bien que toujours en éveil, elle n’est pas irritable et 
ne s’effraie pas aisément. Lors des fêtes du Jubilé, elle suivit 
sa mère à travers une foule de plusieurs milliers de per- 
sonnes, sans montrer aucun signe d’hésitation ou de peur. 
Aujourd’hui, elle est très douce et se laisse mesurer sans faire 
aucune résistance. Au moment de sa naissance, Norna res- 
semblait à Romulus comme couleur, comme disposition des 
bandes et comme formes; mais sa téte était relativement 
plus petite et ses oreilles plus courtes. Il y avait cependant 
entre elle et les autres hybrides une importante et intéres- 
sante différence. Romulus avait la croupe et les reins mar- 
qués d'un grand nombre de taches placées transversalement. 
Lorsqu'il prit son nouveau poil, en août dernier, je constatai 
qu'un grand nombre de taches s'étaient réunies de facon à 
former deux lignes en zigzag dont la direction était la même 
que celle des bandes qui se trouvent sur le train de derrière 
du Zèbre des Somalis. Chez Norna, au lieu de taches sur le 
train de derrière, on remarqua d’abord un grand nombre de 
petites bandes étroites et à peine ondulées qui correspon- 
daient absolument, dans leur disposition, avec les bandes du 
Zèbre des Somalis; plus tard beaucoup de celles-ci rejoi- 
gnirent, ou à peu près, une bande traversant obliquement le 
train de derrière comme celle que l’on voit à la même place 
chez le Zèbre des Somalis et qui constitue, ainsi que je l’ai dit 
ailleurs, la bande fémorale la plus élevée. La remarquable 
différence qui existe entre les taches du train de derrière de 
Norna et de son père Malopo, et la ressemblance qui existe, 
au contraire, entre ces taches et celles du Zèbre des Somalis, 
me semble devoir jeter une grande lumière sur les règles qui 
président à l’arrangement des bandes chez les différentes 
espèces et variétés de Zèbres et démontrer que les différences 
qu’on observe entre la disposition des bandes du père et celles 
de ses enfants sont très probablement dues à l’atavisme (1). 


(1) Veterinarian, décembre 1897. 


HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 333 


Si cette hypothèse est exacte, il en résulterait que, au moins 
par ses marques, le Zèbre des Somalis est le plus primitif de 
toutes les espèces actuelles. 

_ La présence des bandes secondaires sur le cou peut égale- 
ment être une preuve que les hybrides sont revenus à un type 
ancestral (peut-être l'ancêtre commun du Cheval et du Zèbre). 
Matopo ayant douze bandes cervicales et quelques autres 
Zèbres ayant, en outre, neuf ou dix bandes secondaires, et, 
d'un autre côté, Romulus ayant deux fois autant de bandes 
que Maiopo, on peut en conclure que le nombre type de ces 
bandes chez le Zèbre est de vingt-quatre environ. Mais chez 
Norna, en plus des vingt-quatre bandes cervicales, on re- 
marquait au moins cinq bandes secondaires. Chez les hybrides 
d’Anes et de Zèbres, il y a ordinairement un assez grand 
nombre de bandes peu distinctes sur le cou et sur le corps et 
de nombreuses taches sur le train de derrière. Je considère 
les hybrides d’Ane et Zèbre comme plus primitifs par leurs 
marques que les hybrides Zèbre et Cheval. En raison du grand 
nombre de ses bandes cervicales, Norna se rapprocherait 
des hybrides d’Ane et de Zèbre et semblerait par cela même 
porter l'empreinte d’un atavisme remontant plus haut que 
celui des autres hybrides ayant pour père Matopo. 

Pendant les trois premiers mois, la crinière de Norna, 
plus épaisse que celle des autres hybrides, était dressée. 
Pendant les quatre mois suivants, elle s’allongea beaucoup. 
Actuellement, la moitié de la partie postérieure pend sur le 
côté droit, le milieu pend sur le côté gauche, et la partie qui 
se trouve entre le front et les oreilles forme une sorte de 
toupet très fourni. 

Norna, avec sa tête courte et marquée de taches particu- 
lières, sa belle crinière dont une partie pend à droite et 
l’autre à gauche, est une bête originale et ne ressemble ni à 
son père ni à sa mère. Son poil est très serré, les longs poils 
qui couvrent le corps mesurent environ 3 pouces, et ceux 
du front 2 pouces. Si Norna se développe comme Romulus, 
elle sera, dans un an, une petite Poney rablée et rayée de 
44 à 46 pouces de haut. De même que Romulus, elle n’a 
rien qui la fasse ressembler à une Mule ou à un Bardeau. Son 
pied est très bien fait, elle a à peine quelques poils aux 
fanons et ne porte aucune trace de châtaignes aux jambes de 
derrière. 


334 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


L'HYBRIDE « HECKLA ». 


La mère d'Æeckla est une Jument d'Islande de 46 pouces 
Son pelage était si clair et le jaune qui s’y trouve çà et là si 
päle que je pensais que son hybride serait d’une couleur aussi 
claire que les Zèbres de race pure. Æeckla est au contraire 
le plus foncé de tous les hybrides et ses bandes sont aussi 
brunes que celles de Brenda. Lorsqu'elle était couchée au- 
pres de sa mère après sa naissance, elle ressemblait à un gros 
Lièvre à la tête très allongée et aux oreilles relativement 
longues. Son pelage consistait au début en longs poils gros- 
siers; les châtaignes de ses jambes de devant étaient proémi- 
nentes comme celles de sa mère. Elle mesurait à sa naissance 
32 1/2 pouces : à six mois, elle atteignait 43 pouces et aujour- 
d’hui, (12 janvier 1898), 43 1/2 pouces; la circonférence de ses 
genoux est de 9 1/2 pouces et celle de ses jambes de devant de 
5 1/2 pouces. Bien qu'Æeckla ait toujours eu un pelage épais 
et de couleur foncée avec l'extrémité des oreilles blanche, 
elle se rapproche dans son ensemble de Rornulus, mais ses 
allures tiennent plutôt de celles du Cheval que de celles du 
Zebre. Elle promet d'être aussi forte et aussi agile que Ro- 
mulus, plus capable que lui de supporter le froid sans en 
souffrir et de résister aux intempéries. 

Sa téte longue et son cou assez court démontrent que les 
Poneys d'Islande appartiennent à une autre race que les Po- 
neys noirs de West Highland qui ressemblent aux Chevaux 
d'Orient. Ils peuvent être les descendants directs de ceux que 
l'homme chassait à l’époque du Renne. Leurs ancêtres se se- 
ront retirés progressivement vers le Nord avec toute la faune 
des toundras, qui, alors comme maintenant, vivait dans les 
régions glacées. Si Heckla doit sa couleur foncée à l’atavisme, 
on peut croire que ses ancêtres étaient de couleur grise. 

Il serait difficile de savoir dès maintenant si Romulus ou 
les autres hybrides seront fertiles ou pourront rendre de sé- 
rieux services pour les travaux intérieurs ou extérieurs; s'ils 
résisteront à la Mouche Tsétsé d'Afrique ou si leur constitu- 
tion sera supérieure à celle des Mulets ou des Anes; mais on 
peut dès à présent assurer qu'ils semblent devoir être tres 
robustes. Des sa naissance, Roïnulus a toujours eu une 
excellente santé, comme son père, tandis que presque toutes 


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- 


HYBRIDES DU ZÈBRE DE BURCHELL ET DE LA JUMENT. 339 


mes Juments et mes Chevaux ont souffert du froid et de diffé- 
rentes indispositions. Tout récemment, les quatre hybrides et. 
trois poulains ont eu à souffrir de la présence du Strongylus 

.armatus. Un des poulains de pure race, second fils de Mu- 
lato et d’un Arabe, mourut des atteintes de ce parasite le 
1er janvier, et un autre poulain robuste fut presque réduit à 
l'état de squelette, mais les quatre hybrides, bien qu’ils fussent 
en moins bonnes conditions, se rétablirent rapidement et se- 
ront bientôt, j'espère, en aussi bon état qu'auparavant. 

L'éditeur du Scottish Farmer (21 novembre 1897) dit que 
Romulus sera inestimable pour le trait ou pour la course en 
raison de sa vigueur et il ajoute que tous les autres hybrides 
ont les pieds et les jambes aussi souples que s'ils étaient en 
baleine et les paturons comme on les aime dans la région de 
Ciydesdale. On sait du reste que le capitaine Lugard et le 
major von Wissmann ont chaleureusement recommandé des 
essais tendant à produire des hybrides de Zèbres. 

Le capitaine Lugard dans son ouvrage : Our East African 
Empire, dit : « Depuis quelques années, j'ai conseillé les es- 
sais de domestication du Zèbre et spécialement engagé à ten- 
ter le croisement de Zèbres et de Juments. Je crois que ces 
hyorides seraient très vigoureux et résisteraient bien à la 
Mouche Tsétsé et aux autres inconvénients du climat. J'irai 
même plus loin et je dirais que l'exportation de ces hybrides 
pourrait devenir plus tard une source de richesse pour ce 
pays, car, on le sait, la rareté des Mulets pour les batteries 
de montagnes et le transport a toujours été une source de 
difficultés pour notre armée des Indes, si bien organisée d’ail- 
leurs sous tous les autres rapports. » Depuis cette époque, on 
s’est beaucoup occupé de la redoutable Mouche Tsétsé, mais 
on n’a que bien peu de chances d’arriver à préserver les Che- 
vaux de ses atteintes par inoculation ou par tout autre 
moyen et d'arriver à les empêcher de périr lorsqu'ils ont été 
piqués par ce petit Insecte, fléau qui vient s'ajouter à tant 
d’autres rendant le climat si dangereux. 

De plus, par suite de la destruction des bestiaux par la 
peste bovine, les difficultés de transport se sont encore ac- 
crues en Afrique depuis que la guerre des Indes a énormé- 
ment augmenté les demandes de Mulets. Il est prouvé qu'il 
est relativement facile d'obtenir des croisements au moyen du 
Zèbre de Burchell, et si l’on en croit les gens experts en cette 


326 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


matière, ces hybrides (Zebra-nules) promettent d’être aussi 
utiles et aussi vigoureux qu'ils sont élégants. Les premières 
difficultés ayant été surmontées, il reste maintenant à déter- 
miner à quels usages spéciaux les hybrides de Zebres peuvent 
être affectés dans les différentes parties de notre empire 
colonial, en particulier en Afrique et dans l'Inde. 


Je serais très désireux d'obtenir de plus amples renseigne- 
ments sur les hybrides de Chevaux ou sur les croisements 
entre Zèbres. Chevaux et Anes, et sur la fertilité des diffé- 
rentes espèces d'hybrides, Mulets, Bardeaux, etc. Je serais 
très reconnaissant des observations qu’on pourra me com- 
muniquer, particulièrement sur le Zèbre de Burchell et les 
autres espèces de Zèbres. Je n'ai pas encore entendu dire 
qu'on est essayé ces croisements dans l'Afrique du Sud, au 
moyen du Zèbre de Burchell. Peut-être quelques-uns des 
lecteurs de ce travail pourront-ils me renseigner à ce sujet. 


337 


LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS (1} 


par LIVINGSTON STONE. 


AVANT-PROPOS. 


Le mémoire qu'on va lire offre pour la Sociélé nalionale 
d'Acclimalation de France un intérêt tout particulier. Les 
personnalités dont l’auteur rappelle les œuvres et auxquelles 
il rend hommage, comptaient en effet parmi ses plus dévoués 
collaborateurs. 

Seth Green a été lauréat de Ia Société à six reprises diffé- 
rentes. La première fois, il y aura bientôt trente ans, le 19 fé- 
vrier 1869, une médaille de 1re classe (argent) lui fut décernée 
pour ses travaux de pisciculture. En 1872, la grande médaille 
d'or de la Société vint récompenser ses travaux sur la 
multiplication artificielle de l’Alose aux Etats-Unis. En 1875, 
une médaille de l'e classe était de nouveau décernée à Seth 
Green, en témoignage de reconnaissance pour les envois 
d'œufs de Salmonides des Etats-Unis qu’il avait bien voulu 
faire à la Société. En 1878, nouvelle médaille d’or, motivée, 
cette fois, par l'introduction dans les eaux françaises du 
Salmo-fontinalis que la Société s'occupe encore de répandre 
actuellement. Malgré plusieurs échecs consécutifs, Seth Green 
ne se découragea point, recommencçant ses envois d’année en 
année pour réussir enfin. Ses efforts continus lui valurent 
d’ailleurs, en 1879, un rappel de la médaille d’or. Enfin, en 
1880, un petit traité pratique (2) de pisciculture Seth Green 
en collaboration avec Barnwell Roosevelt, recevait encore une 
médaille de 1"° classe (argent). 


* 
X * 


Le professeur Spencer J. Baird, Secrétaire de l'Institution 


(1) Lecture faite au Congrès national des Pêcheries tenu à Zampa (Floride), 
du 19 au 26 janvier 1898, présenté par M. Jules de Guerne à la Section d’A- 
quiculture, dans la séance du 4 avril 1898. 

(2) Fishhatching and fish catchins, 1 vol. in-8, Rochester, N. Y, 1879, 


338 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Smitshonienne et Commissaire des pécheries des Etats- 
Unis, recevait, il y a vingt ans, en 1879, une grande médaille 
d’or, marquant la gratitude de la Société envers lui pour les 
envois d'œufs de Saumon de Californie qu'il avait bien 
voulu lui adresser. L'année suivante, la Société d’Acclima- 
tation le nommait Membre honoraire, s’honorant elle-même, 
on peut le déclarer hautement, en rendant hommage à la 
science, au talent, à toutes les éminentes qualités de Spencer 
F. Baird. Les souvenirs émus et si nets de M. Livingston 
Stone ne viennent-ils pas légitimer davantage encore la 
distinction dont la Société crut devoir marquer la haute 
personnalité de Spencer F. Baird (1). 


Le comte von Behr, qui sut exercer une influence des 
plus heureuses sur le développement de la pisciculture d’eau 
douce en Allemagne, fut, lui aussi, lauréat de la Société d’'Ac- 
climatation. Lui ayant fait parvenir des œufs embryonnés 
de Coregonus albus et de C. maræna, il recut en 1879 une 
médaille de l'° classe (argent). 

Enfin, M. Livingston Stone, lui-même a reçu de la So- 
ciélé d'Acclimatation, voici longtemps déjà, en 18%, une 
médaille de bronze, montrant tout l'intérêt avec lequel on 
suivait ici ses persévérants et heureux efforts pour élever et 
multiplier dans son pays d'origine le Saumon de Californie. 


Et maintenant j'aime à croire que les Membres de la 
Société d'Acclimatation comprendront le sentiment qui a 
guidé leur Secrétaire général quand il leur a soumis la pré- 
sente notice. Elle rappelle, entre tant d’autres, quelques 
traits de l'histoire de la Société, histoire si honorable et 
cependant trop peu connue, malgré son intérêt et les précieux 
enseignements qu’elle comporte. 


JULES DE GUERNE. 


(1) Spencer F. Baird est mort à Wood's Holl, Massachusetts, le 19 août 1887. 


LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS. 339 


Il y a environ un tiers de siècle, une singulière nouvelle 
commença à se répandre dans notre pays : un homme, dans 
l'ouest de l'Etat de New-York, recueillait par milliers dés 
œufs de Truites, les faisait éclore et élevait les jeunes Pois- 
sons dans des étangs; le nombre de Poissons qu'il réussissait 
ainsi à obtenir était littéralement infini. 

Cette nouvelle produisit dans tout le pays une sensation 
profonde, et fut d’abord accueillie avec une certaine incrédu- 
lité. L'ère actuelle, si féconde en merveilles de tout genre, 
commençait à peine et le public acceptait alors plus difficile- 
ment qu'aujourd'hui les miracles de la science. Les Etats- 
Unis étaient en proie aux horreurs de la guerre civile et 
les découvertes pacifiques ne s’imposaient pas à l'attention, 
comme elles l’auraient fait à une époque plus calme. Quoi 
qu'il en soit, l'histoire de cet homme qui produisait des Truites 
par milliers et par milliers se répandit peu à peu. Les jour- 
naux de New-York en parlèrent et bientôt chacun fut con- 
vaincu des résultats merveilleux obtenus par cet éleveur d’un 
nouveau genre. 

Cependant celui-ci, continuant tranquillement ses travaux 
en Calédonie, arrivait à démontrer d’une facon indiscutable 
que la production industrielle des Truites sur une très grande 
échelle, passant de la période expérimentale à la période pra- 
tique, constituait une nouvelle conquête de pen humain 
et pouvait être facilement réalisée. 

Un semblable résultat n'avait pas été jusqu'alors obtenu. 
Des expériences scientifiques avaient bien été faites antérieu- 
rement par quelques personnes et on connaissait, depuis un 
siècle environ le moyen d'élever artificiellement le Poisson, 
mais c’est à Seth Green que revient l'honneur d’avoir intro- 
duit en Amérique la pisciculture pratique et industrielle et 
d’avoir ouvert la voie à ceux qui, depuis cette époque, lui ont 
fait faire tant de progres, c’est à Seth Green qu’on peut juste- 
ment donner le titre de Père de la Pisciculture américaine. 

Une année ou deux après que Seth Green eut inauguré la 
pisciculture en Calédonie, celui qui écrit ces lignes établit à 
Charlestown les « Cold Spring Trout Ponds ». Chose singu- 
lière, malgré l'enthousiasme qui avait accueilli à New-York, 
les débuts si pleins de promesses, des travaux de Seth Green, 
personne dans le pays, n’avait songé à les continuer. 

Cependant le moment était favorable pour la culture de la 


340 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Truite. Très peu de temps après la création des « Cold Spring 
Trout Ponds », des établissements analogues s’installèrent de 
tous côtés. L'élevage de la Truite devint une sorte de sport à 
la mode et se répandit rapidement. Pendant les deux pre- 
mières années de mes tentatives d'élevage, je recus de presque 
tous les Etats de l'Union, des lettres de personnes s’occupant 
de la culture des Truites. Cette question semblait intéresser 
le pays entier et tout ce qu'on écrivait à ce sujet était lu avec 
avidité par ceux qui se préoccupent du Poisson. 

Ce furent les beaux jours de la pisciculture dans notre 
pays. — Les prix étaient assez élevés. Les œufs de Truites 
atteignaient 10 dollars le mille et les alevins 40 dollars. La 
Truite pour la table se vendait un dollar la livre prise à 
l'étang. et les hôtels de la ville la payaient 75 cents la livre 
par abonnement. Les demandes d'œufs d'alevins et de Truites 
pour la table étaient considérables. 

L'élevage de la Truite était prospère et cette industrie, qui 
avait alors l'attrait de la nouveauté, devint pour beaucoup 
une opération agréable et lucrative. Il serait intéressant de 
raconter en détail les différentes phases du progrès et du dé- 
clin de la culture de la Truite aux Etats-Unis, — car, hélas, 
la décadence est venue trop vite ! — mais ces considérations 
m'’entraineraient trop loin. Je me borneraiï à dire que la con- 
currence fit bientôt tomber les œufs et les alevins à un prix 
trop bas pour être rémunérateur, et le prix des Truites pour 
la table s’abaissant en même temps, beaucoup de ceux qui 
avaient entrepris ces opérations succombèrent faute de capi- 
taux suffisants, tandis que d’autres, qui ne cultivaient la Truite 
que pour leur agrément personnel, renoncerent à cet élevage 
à cause des risques et des difficultés qu'ils y rencontraient. 

C'est un fait curieux et digne de remarque, que pendant 
qu’au début tant de personnes s’adonnaïent à la culture de Ja 
Truite, aucune ne paraissait se douter que ces procédés d'éle- 
vage pouvaient également s'appliquer à d’autres espèces de 
Poissons. Il est intéressant de constater également que si, 
dans les trois premières années, la pisciculture industrielle 
s’est bornée à l'élevage exclusif des Truites, elle a été loin de 
prendre, pendant cette période, l'extension considérable qu’elle 
a acquise de nos jours et de donner des résultats aussi rému- 
nérateurs. 

Esprit hardi, novateur et intelligent, Seth Green chercha 


> ii 


LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS. 341. 


bientôt à élargir le champ de la pisciculture et à entreprendre 
l'élevage de Poissons ayant une réelle valeur commerciale. 
Tout le monde connaît ses essais, ses échecs et, finalement 
ses succès dans la culture de l’Alose. Ses efforts pour démon- 
trer que d’autres Poissons, également recommandables, pou- 
vaient être élevés avec autant de succès que la Truite, eurent 
un tel résultat que l'élevage de celle-ci fut relégué au second 
plan et sur le point d’être abandonné. Ce fut un nouveau titre 
de Seth Green au nom de Père de la Pisciculture américaine. 

Le développement de la grande œuvre de notre Commis- 
sion et celle de la Commission des Pécheries des Etats-Unis 
est entièrement dü à l'élevage d’Aloses de Seth Green, dans 
le Connecticut, en 1867. 

En 1868, je créai avec M. Joseph Goodfellow, une station 
d'élevage pour le Saumon sur le Miramichi dans le Nouveau- 
Brunswick. Cet établissement était installé sur une large 
échelle. Ce fut le premier effort tenté pour l'élevage du Sau- 
mon en Amérique. Pour donner une idée du prix élevé qu'at- 
teignaient à cette époque les œufs de ce Poisson, je puis citer 
ce fait, qu'en 1869, je reçus plus de 1,000 dollars (5,000 
francs), pour un seau d'œufs de Saumon du Miramichi....…. 

Je ne dois pas oublier de mentionner, au nombre des évé- 
nements importants qui se produisirent au début des tenta- 
tives de pisciculture dans notre pays, la création dans l'Etat 
de New-Hampshire, en 1864, c'est-à-dire l’année même où 
Seth Green commençait ses travaux en Calédonie, — d’une 
Commission de pisciculture. Cet exemple fut bientôt suivi par 
le Massachusetts et d’autres Etats et, en 1871, le Congrès sur 
l'initiative du professeur Spencer K. Baird, créa la Commis- 
sion des Pêcheries des Etats-Unis. L'Association des Piscicul- 
teurs américains, aujourd'hui Société des Pécheries améri- 
caines, fut créée en 1870. 

À partir de cette époque, d'innombrables établissements 
d'élevage de Truites s’installèrent sur le territoire et on put 
dire que la pisciculture aux Etats-Unis avait passé la période 
des débuts et entrait en pleine activité. 

Lorsqu'on examine ces premiers débuts de la pisciculture 
et qu'on les compare à l’époque actuelle si féconde en progrès 
de toutes sortes, on est singulièrement frappé de l’état d’igno- 
rance où l'on se trouvait alors en ce qui concerne l’industrie 
de l’élevage du Poisson, non seulement dans la partie la moins 

Pull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 24. 


342 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


éclairée de la population, maïs encore chez les hommes de 
science, chez ceux qui avaient étudié dans les universités où 
ils avaient pu acquérir une somme considérable de connaïis- 
sances. Les lecteurs habituels des revues et des journaux 
peuvent dire qu’on ne trouvait jamais dans ces publications 
autre chose que des données très superficielles sur la pisci- 
culture. 

On était tellement ignorant de ces choses que les histoires 
les plus invraisemblables passaient sans qu’on songeàt à les 
discuter. Ainsi j'entendis un jour une personne, cependant 
intelligente et instruite, dire qu'on obtenaïit l’éclosion des œufs 
de Truites, en les confiant à une Poule, dans une grange, sans 
que personne songeàt à émettre un doute à ce sujet, de peur 
de faire preuve d’ignorance. Quelle différence entre cette 
époque et celle d'aujourd'hui où l'existence des plus petits 
habitants des profondeurs de l'Océan est minutieusement 
étudiée, et où les plus infimes animaux microscopiques qui 
servent de nourriture aux Poissons des lacs sont classés et 
déterminés. 

Si je parle de ces temps déjà lointains, ce n’est pas seule- 
ment pour constater les progrès accomplis depuis cette 
époque, c’est aussi pour rappeler quelle dut être la joie et la 
surprise de ces chercheurs des premiers jours, lorsqu'ils vi- 
rent le succès couronner leurs efforts. Jamais on n'avait 
éprouvé — et je suis sûr d'exprimer ici le sentiment des pre- 
miers expérimentateurs, — et jamais on n'éprouvera plus 
sans doute cette émotion qui dut les saisir lorsqu'ils virent ap- 
paraître dans les œufs cette petite tache noire qui leur indiquait 
que l'embryon était vivant. Et quand nous vimes pour la pre- 
mière fois la jeune Truite s’élancer hors de l'œuf et essayer les 
premiers mouvements, pourquoi ressentimes-nous une aussi 
intense émotion? N’était-ce pas parce que le premier Poisson 
que nous voyions sortir de la coque de l’œuf pour prendre 
possession de son domaine nous ouvrait tout un monde d’in- 
finies promesses et que nous entrevoyions l’innombrable 
quantité d'êtres vivants dont ce frêle petit organisme était 
l’avant-coureur ? Et aujourd'hui, après de longues années, 
pendant lesquelles nous avons attentivement étudié sous le mi- 
croscope cette petite tache noire que les savants appellent 
le « pigment choroïde » nous pouvons à peine nous expli- 
quer comment ce phénomène qui nous paraît maintenant si 


LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS. 343 


simple, put alors nous faire éprouver une sensation aussi vive. 

Lorsque nous nous rappelons ces premiers temps de la pis- 
ciculture, trois figures se présentent devant nos yeux avec 
un relief particulier. Le premier, rappelant Zachary Taylor 
avec sa haute stature, sa physionomie énergique et robuste 
et ses dehors un peu incultes, type de l’homme vigoureux, 
énergique et sincère, la franchise éclatait dans son regard et 
l’on sentait qu’une âme élevée et profondément droite se ca- 
chaïit sous cette rude enveloppe. 

Tous les pisciculteurs le connaissent. — J’avais déjà vu 
Seth Green en Calédonie. Mais ce fut seulement lorsque je le 
rencontrai et que je participai à ses travaux à Holyoke en 1861, 
que sa puissante personnalité fit sur moi une impression pro- 
fonde. Il se livrait alors à ses premières études sur l'élevage 
de l’Alose. Je le trouvai seul; ses premiers essais avaient été 
infructueux Le caractère particulier des œufs de l’Alose et 
le traitement spécial qui doit leur être appliqué avaient jus- 
qu'alors échappé à son intelligence pourtant si subtile, et je le 
trouvai désespéré et prêt à renoncer à poursuivre ses re- 
cherches et ses expériences. Ceux qu'il payait pour l'aider 
dans ses travaux riaient de ce qu'ils appelaient sa folie. Mais 
bien que seul, découragé et n'ayant personne auprès de lui 
pour lui adresser quelques paroles de consolation et d’espé- 
rance, Seth Green, avec la persévérance et la tenacité qui 
étaient la marque distinctive de son caractère, triompha, 
l’une après l’autre, de toutes les difficultés et arriva aux ré- 
sultats que tout le monde connaît aujourd’hui. A partir de ce 
moment s'établit entre Seth Green et moi, on me permettra 
de le dire, une solide amitié qui dura jusqu’à sa mort. 

Ses premiers succès dans l'élevage de l’Alose modifièrent 
complètement le caractère de Green. C'était, il semble, peu 
de chose que ce petit embryon apparaissant à travers ces 
œufs délicats qu'il travaillait avec tant de sollicitude. C'était 
peu de chose, mais il entrevoyait déjà les résultats illimités 
de sa découverte. La confiance dans le succès lui revint plus 
erande et il se remit avec ardeur à ses travaux. 

Je demandais un jour au général Shil Sheridan quel était le 
moment où il avait éprouvé la plus vive émotion, pendant la 
guerre de Sécession. « C’est, me répondit le général, lorsque 
je vis la fortune se déclarer pour nous, à la bataille de Win- 
chester. » Je suppose que Green dut éprouver un sentiment 


344 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


analogue à Holyoke lorsqu'il vit pour la première fois les 
signes de la vie se manifester chez ses jeunes Aloses. I] cher- 
chaït la solution d’un problème que personne n'avait encore 
résolu et qui devait avoir d'incalculables conségæences. Tous 
ceux qui s'occupent de pisciculture avaient les yeux tournés 
vers lui. Il avait d'abord échoué et le découragement était 
venu. Mais la fortune venait de tourner et lui avait apporté 
la victoire dans cette grande bataille, qui devait pour l'avenir 
et dans un autre ordre d'idées, avoir pour sa patrie d'aussi 
féconds résultats que les batailles gagnées pour elle par le 
général Sheridan. 

La sûreté de jugement de Green et la perspicacité de son 
génie égalaient l'élévation de son caractère. Il fixait d’abord 
toute son attention sur le point le plus important de son 
sujet; il l'étudiait à l'exclusion de tous les autres ; il savait 
bien vite discerner quel était le procédé qui devait le con- 
duire à la vérité et il concentrait sur lui toute son attention. 
I1 simplifiait considérablement aussi les recherches et les 
méthodes sans rien leur enlever de leur sûreté ou de leur 
efficacité. L'appareil d'élevage des Aloses, inventé par lui, le 
plus simple et le meilleur qui ait jamais été établi, est une 
preuve de son admirable intelligence et de son habileté. 

Je regrette que le temps et l’espace me manquent et qu'il 
ne me soit pas permis d'insister davantage sur la haute 
valeur de cet homme si 0e — mais je suis obligé 
d'abréger. 


La seconde figure qui se présente à ma mémoire quand 
je me rappelle les premiers temps de la pisciculture aux 
États-Unis est celle d’un homme qu’on peut appeler le type de 
la simplicité. Il était simple en effet, mais c'était un de ceux 
que la nature avait marqués de sa plus forte empreinte, grand 
dans son intelligence comme dans sa stature, grand dans ses 
affections comme dans les conceptions de son esprit, grand en 
tout, et médiocre en aucune chose. 

Vous avez reconnu le professeur Spencer F. Baird, le 
premier Commissaire des Pécheries des Etats-Unis. 

Le nom seul du professeur Baird éveille un douloureux et 
cher souvenir dans le cœur de tous ceux qui l'ont connu. 


= 


LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS. 345 


Aucune personnalité de notre époque n'a laissé une mémoire 
plus pure, un nom plus respecté et n’a exercé une plus grande 
influence dans la science à laquelle il avait consacré sa vie. 
Aimé de tous ceux qui l'ont connu, son nom reste vénéré par 
ceux qui lui survivent. Baird semblait planer dans une atmos- 
phère plus haute que la nôtre et respirer un air plus pur. 
Doux et modeste, simple comme un enfant, sa supériorité 
naturelle éclatait cependant à tous les yeux lorsqu'il se 
trouvait dans les réunions de savants et d'hommes éminents 
que l'hiver ramène dans la capitale. Ses subordonnés 
l’aimaient et le respectaient, car il savait apprécier et récom- 
penser le travail de ses collaborateurs et de ses plus modestes 
employés. Il avait le don précieux de se faire aimer de tous 
ceux qui l’approchaïient et de leur communiquer son enthou- 
siasme et sa conviction. Aussi les membres du Congrès lui 
accordèrent-ils avec confiance toutes les améliorations qu'il 

leur demanda. Comme un bon général, il avait à cœur 
de procurer tout le bien-être possible à ceux qui étaient sous 
ses ordres et, en échange, il était sûr de pouvoir compter sur. 
leur dévouement absolu; ce fut là certainement une des prin- 
cipales causes de ses succès. Tous travaillaient pour lui avec 
autant d'ardeur qu'ils l’auraient fait pour eux-mêmes, et on 
disait à Washington que les employés du professeur Baird 
étaient les plus laborieux et les plus actifs de toute l’'Adminis- 
tration. Sous la conduite de cet homme si remarquable, si 
laborieux, si désintéressé et si sympathique, le travail s’effec- 
tuait dans les conditions les meilleures, parce qu’il devenait 
un plaisir pour ceux qui en étaient chargés. 

Il était doué de facultés intellectuelles vraiment extraordi- 
naires et d'uné vivacité de conception qui paraissait à certains 
moments presque surnaturelle. Ainsi, d’un seul coup d'œil, il 
lisait une page entière d’un livre que tout autre n'aurait pu 
parcourir en moins de plusieurs minutes. 

Sa mémoire était merveilleuse. Non seulement elle retenait 
tout ce qu’il lui confiait, mais encore elle lui rappelait rapide- 
ment, et au moment nécessaire, tout ce dont il avait besoin. 
Beaucoup d’entre nous ont pu apprécier cette qualité. Son 
esprit était d’une clarté remarquable ; rien n’y était confus, 

\et dans sa conversation, jamais on ne rencontrait rien quine 
se rattachât directement au sujet qu'il traitait. Il avait encore 
augmente la puissance de ses extraordinaires facultés intel- 


346 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


lectuelles en les disciplinant, pour ainsi dire ; on sentait que 
son jugement avait été soumis à une sorte d'entraînement 
rationnel, qu'il avait groupé ensemble dans son cerveau 
chaque genre de connaissances et qu'il pouvait, à un moment 
donné, évoquer ce groupe tout entier. Bien que son esprit füt 
essentiellement scientifique, il n’en était pas moins éminem- 
ment pratique. Il aimait la science et les études purement 
scientifiques, mais personne ne fit preuve d'un esprit plus 
pratique dans les affaires qu'il eut à traiter. Il est rare cer- 
tainement de rencontrer ces aptitudes scientifiques et pratiques 
réunies chez un même homme comme elles l’étaient chez 
Spencer Baird. 

Baird possédait une qualité qui était une des plus remar- 
quables de Napoléon 1°: en même temps qu'il saisissait dans 
ses grandes lignes l'ensemble d’une affaire, aucun détail ne 
lui échappait et il ne négligeait rien de ce qui pouvaït contri- 
buer au succès; c’est là, comme nous le savons tous, une fa- 


culté bien rare. Comme exemple de la merveilleuse mémoire 


de Baird et de son aptitude à embrasser à la fois tous les 
détails d'une affaire, je puis citer un petit incident dont je fus 
témoin à Calais lorsque j'allais lui faire visite, et qui 
est resté gravé dans ma mémoire ; il avait recu vingt-sept 
lettres par le courrier de la veille ; et le lendemain, il appela, 
après déjeuner, son secrétaire pour répondre à chacune d'elles. 
Comme je me levais pour le laisser à ce travail, il me pria 
d'une manière très aimable de rester et je n'oublierai jamais 
l'impression que me produisit la scène à laquelle j'assistai. 

Dans son attitude accoutumée, debout et les mains croisées 
derrière le dos, il se promenaïit lentement dans la chambre, 
dictant à son secrétaire les lettres l’une après: l’autre. Pour 
ce travail il ne consulta aucune des lettres qu'il avait recues, 
soit pour revoir leur contenu, soit pour s'assurer de l’adresse 
de ses correspondants et pendant tout ce temps, je ne remar- 
quai chez lui aucun signe d’hésitation ni même aucun effort 
mental. Il procéda ainsi jusqu'à ce que toutes les réponses 
fussent expédiées. N'est-ce pas là un remarquable témoignage 
de sa prodigieuse mémoire et de la méthode avec laquelle il 
était arrivé à classer dans son cerveau tous les détails dont il 
voulait conserver le souvenir ? 

Dans nos rapports ultérieurs et dans la correspondance 
très importante que nous échangeämes, soit intime, soit offi- 


LES DÉBUTS DE LA PISCICULTURE AUX ÉTATS-UNIS. 347 


cielle, ses lettres étaient toujours empreintes d’une courtoisie 
et d’une affectueuse bienveillance qui me le rendirent de jour 
en jour plus cher. C’est aujourd’hui avec une joie bien sincère 
que je vois la Station de la Commission des Pécheries qu'il 
avait établie sur la rivière Mac Cloud, en Californie, porter 
son nom et perpétuer ainsi la mémoire de l’illustre premier 
Commissaire des Pêcheries des Etats-Unis. 


X 
x x 


J'ai parlé des deux premières grandes figures qui se pré- 
sentent à mon esprit et ont illustré la période des débuts de la 
pisciculture aux Etats-Unis. Il en est encore une troisième. 
C’est celle d'un homme qui ne vint jamais en Amérique, mais 
qui aimait ce pays et en admirait les travaux et dont l’in- 
fluence fut très grande sur la pisciculture américaine. Je veux 
parler du Comte von Behr. Par son amour pour cette science, 
son dévouement et son enthousiasme communicatif, von Behr 
fut pour l'Allemagne, dans cet ordre d'idées, ce que le Profes- 
seur Baird fut pour l'Amérique. Pendant de nombreuses an- 
nées il présida le Deulsche Fischerei Verein, la grande Société 
nationale de pisciculture allemande et pendant tout ce temps, 
il fut l’âme de cette association. Ce fut également lui qui or- 
ganisa d'une manière si remarquable la belle Exposition inter- 
nationale de Péche à Berlin, qui a laissé de si vifs souvenirs 
dans le monde piscicole. 

Bien que d’une nature toute différente de celle du Professeur 
Baird, il posséda cependant de remarquables qualités qui lui 
assurent incontestablement la première place parmi tous les 
pisciculteurs de son pays, comme Baird occupait chez nous le 
premier rang et qui lui ont mérité le nom de Prince de la 
Pisciculture en Allemagne. 

J'eus le bonheur d'entretenir pendant plusieurs années une 
correspondance très suivie avec von Behr; ses lettres dé- 
daignant toutes les formules officielles, étaient remplies de 
confiance et d'enthousiasme. Elles exprimaient à l'égard du 
Professeur Baird, la méme affection et la même admiration 
que lui témoignaient ses compatriotes et l'admiration qu’il 
professait pour Baird, il la professait également pour la pisci- 
culture américaine. Il me parlait souvent des malheurs domes- 
tiques qui avaient attristé sa vie et me disait qu'après la mort 


348 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


de ses trois fils, il avait résolu de consacrer le reste de son 
existence à l’œuvre de la pisciculture en Allemagne. 

Je sais que quelques critiques se sont élevées au sujet du 
nom de von Behr donné en Amérique à une Truite euro- 
péenne depuis son introduction dans notre pays, mais 
quelque appréciation que l’on puisse avoir à ce sujet, per- 
sonne ne contestera qu'il y eut là un acte de déférence bien 
mérité et un témoignage équitable de reconnaissance à 
l'égard de l’homme qui avait rendu de si éminents services à la 
pisciculture, et dont nos compatriotes ont, avec justice, voulu 
immortaliser le nom en Amérique. Le Comte von Behr était 
un homme laborieux, dévoué, sympathique à tous, et dont 
les travaux ont exercé une influence incalculable sur la 


pisciculture. 
C'était une des trois personnalités formant le grand trium- 
virat de la période des débuts de la pisciculture : — Seth 


Green, Spencer F. Baird, Heinrich von Behr. 

Quelque confiants que nous puissions être dans l’avenir de 
la pisciculture, nous pouvons exprimer la crainte de ne 
plus revoir d'hommes de leur valeur. 


Je regrette d’être forcé de me borner à cette étude bien in- 
suffisante sur un sujet qui aurait mérité d’être traité d’une 
manière plus approfondie. 

J'aurais voulu pouvoir parler également de Frank Buck- 
land, qui fit tant pour le développement de la pisciculture 
dans la Grande-Bretagne, du Professeur Muller, qui fut 
jusqu’à sa mort, mon dévoué et actif collègue, de Robert B. 
Roosevelt, qui publia le premier journal de pisciculture dans 
notre pays, de Th. Lyman, de Massachusetts, le promoteur de 
la pisciculture dans la Nouvelle Angleterre, de John Bellons, 
du New Hampshire, qui fut le premier initiateur de la pisci- 
culture dans son pays, de Gov. Seymour, de New-York, et de 
tant d’autres qui contribuèrent, dans une plus ou moins 
large mesure à son développement; — mais le temps et la 
place me manquent, et je termine en saluant tous mes frères 
en pisciculture, nos dévoués collaborateurs, et en exprimant 
la confiance que ceux qui restent, continueront et complè- 
teront la tâche si glorieusement commencée par leurs illustres 
prédécesseurs. 


LES PLANTES MELLIFÈRES ET LE NECTAR (1) 


par A.-L. CLÉMENT, 


Président de la Section d'Entomologie 
Vice-président de la Société centrale d’Apiculture 
et d’Insectologie agricole. 


Sous le nom de plantes mellifères, on entend particulière- 
ment celles dont les fleurs, produisant beaucoup de nectar, 
offrent aux Abeilles d’abondantes ressources. Elles sont nom- 
breuses, mais il estun point important à ne pas perdre de vue, 
c'est que le climat et surtout le terrain ont sur la production 
du nectar une grande influence, de sorte que certaines plantes, 
réputées très mellifères dans une localité, peuvent très bien 
ne donner dans d’autres que des résultats médiocres. 

Les terrains calcaires paraissent en général très favorables 
à la production du nectar. Malheureusement toutes les 
plantes ne s’en accommodent pas également et dans lechoixdes 
plantes que l’on sèmera de préférence à portée des ruchers, il 
faudra rechercher celles dont les floraisons se succèdent de 
facon à avoir des fleurs le plus longtemps possible, et sans 
interruption. Il ne faut pas oublier toutefois que la qualité du 
miel varie avec la plante qui l’a produit. Les Labiées et les 
Papilionacées donnent en général un miel de bonne qualité, 
celui du Sainfoin, par exemple, toujours très recherché. Au 
contraire, la Bruyère et le Sarrazin produisent des miels 
épais peu agréables au goût, et que l’on n’emploie guère que 
pour certaines préparations, celle du pain d’épice principa- 
lement. 

Il y a aussi des miels vénéneux. D’après le naturaliste Se- 
ringe, deux pâtres suisses seraient morts pour avoir mangé 
du miel provenant de nectar recueilli par les Abeilles sur des 
Aconits. Nu 

Labillardière dit que la Ciguë du Levant communique au 
miel ses propriétés vénéneuses, et Tournefort put constater 


(1) Communication faite à la Section d'Entomologie dans la séance du 
23 mai 1898. 


350 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


qu'en Grèce et en Mingrélie on rencontre des miels prove- 
nant de l’Azalea pontica, qui sont très vénéneux. 

Le nombre des plantes que l’on peut ranger parmi les plus 
mellifères est assez considérable ; il peut étre évalué pour la 
France à plus de 1,500 parmi lesquelles nous citerons plus 
particulièrement les suivantes, groupées d’après l’époque de 
leur floraison : 


PRINTEPS. 


Hellébore fétide : Helleborus fefidus 1. 

Giroflées : Cheiranfhus cheiri L. (et les variétés cullivées). 

Choux : Prassica oleracea 1. (Toutes les variétés). 

Cardamine : Cardamine prafensis 1. 

Roquette : Eruca sativa L. 

Pastel : Zsafis tincéoria L. 

Erables : Acer campestre, pseudo-platanus, negundo L. etc. 

Maronnier d'Inde : Æsculus hippocastanum L. 

Houx : Ilez aquifolium L. 

Nerprun : Rhamnus frangula L. 

Trèfles : Trifolium incarnaium, repens, prafense 

Robinier (Acacia) : Robinia pseudo-acacia 1. 

Pois cultivé: Pisum saticum 1. 

Cytise faux ébénier : Cyfisus laburnum lL. 

Ajonc: Ulez europeus et nanus Sm. 

Sorbiers : Sorbus domestica L., aucuparia L., arica L.. etc. 

Ronces ; Rubus ideus, frulicosus, cæsius X.. 

Pruniers : Prunus imititia L., spinosa L., domestica L. 

Cerisiers : Cerasus avium D. C., semperfiorens D. C., domestica L., etc. 

Poirier : Pyrus communis L. 

Pommier : Walws communis Lam. 

Pêcher : Persica vulgaris, D. C. 

Néflier : Wespilus germanica L. 

Cognassier : Cydonia vulgaris Pers. 

Amandier: Amygdalus communis L. 

Abricotier : drmeniaca vulgaris T. 

Groseillers : Æibes uva-crispa L., nigrum L., rubrum L. 

Cornouillers : Cornus Mas L., sanguiva L. 

Gui: Viscum album L. 

Chévrefeuille cultivé : Lonicera hortensis, sylvatica, L. 

Tussilage : Tussilago farfara L. 

Pissenlits: Tarazacum vulgare L., officinale L., palustre D. C., læeviga- 
tum D. C. - 

Troënes : Ligustrum vulgare L., japonicum. 

Frêne : Fraginus excelsior L. 


PPT 4 


LES PLANTES MELLIFÈRES ET LE NECTAR. 391 


. Pulmonaire : Pulmonaria augustifolia L., luberosa Sehr., officinalis L. 

Romarin : Rosmarinus officinalis L. 

Euphorbe des forêts : Euphorbia sylvatica L. 

Buis : Buvus sempervirens L. 

Ormes: Ulmus campestris L., éuberosa Ebrh., montana Sm. 

Chênes : Quercus pedunculata Erhh., sessiliflora Em., pubescens Wild. 

Noisetier : Corylus avellana L. 

Saules : Salix caprea L., cinerea L., fragilis L., alba L. purpurea L. 
viminalis L., etc- 

Peuplier : Populus pyramidalis R., alba L., nigra L.,canescens Em., 
canadensis, etc. 

Bouleau : Petula alba L. 

Asperge : Asparagus officinalis L. 

Mélèze : Larix europæus D. C. 

Sapins : Abies excelsa D. C., jochinata D. C. 

“Pins : Pinus sylvestris L., maritima Lam. 

Nigelles : Migella arvensis L., damascena L. 

Moutardes : Sinapis alba L., arvensis L., nigra L. 

Réséda : Reseda luteola L., lutea L., odorata L., phyteuma 1. 

Tilleul : Tiia sylvestris Desf., plat Do ylla Sc., argentea Desf. 

Mauves : Malva sylvestris L., rotundifolia L. 

Vesces : Picia cracca L., ee L., {enuifolia Roth., villosa Roth. 

Trèfles : Trifolium incarnatum L., repens L , pratense L. 

Sainfoin : Onobrychis sativa L. 

Pois : Pismu sativum L. 

Melilot : Melilotus arvensis Wall., alba Lam., allissima Thuill. 

Luzernes : Medicago sativa L., lupulina L. 

Lotier : Loëus corniculatus L., major C. G. 

Haricots : Phaseolus vulgaris 1. 

Ronces : Rubus idœus L., fruticosus L., cæsius L. 

_ Bryone : Bryonia dioica Jacq. 

Melons : Cucumis melo L. 

Concombres : Cucumis citrullus L., sativus L. 

Potiron : Cucurbita maxima 1. 

Onagre : Œnothera biennis L. 

Epilobe : Epilobium hirsutum L., montanum L., syniatum Lam. 

Joubarbes : Sempervivum tectorum. 

Orpins : Sedum acre L., album L., telephium L. 

Panicault : Eryngium campestre L. 

Panais : Pastinaca sativa L. 

Berce : Æeracleum sphonddylium L. 

Angélique : Angelica sylvestris L. 

Chèvrefeuille des bois : Zonicera periclymeum 1. 


352 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Cardère : Dipsacus sylvestris Mill., pilosus L., fullonum Müll. 

Verge d’or : Solidago virga aurea L. 

Salsifis : Zragopogon pratensis L., porrifolius L. 

Chicorées : Cichorium intybus L., endivia L. 

Centaurée : Centaurea jacea L. 

Chardons : Carduus nutans L., tenuifolius Curt., Cirsicum arvense L., 
palustre Scop., acaule All. 

Raiponces : Phyteuma orbiculare L., spicatum 1. 

Bruyères : Erica ciliaris L., cinerea L., tetralis L., Calluna vulgaris L. 

Vipérine : Echium oulgare L. ; 

Bourrache : Borrago officinalis L. 

Véronique : Veronica spicata L. 

Scrofulaire : Scrofularia nodosa L. 

Mufñliers : Anlhirrinum majus L. 

Linaires : ZLinaria striata D. C., vulgaris Moeweli. : 

Digitale : Digiftalis purpurea 1. 

Serpolet : Thymus serpyllum L., vulgaris Li. 

Sauges : Salvia officinalis L., verticillata L., pratensis L. 

Romarin : Rosmarinus officinalis 1. 

Menthes : Menfha puligium L., arvensis L., aquatica L., rolundifohia L. 

Mélisses : Melissa officinalis L. 

Hysopes : Æyssopus officinalis L. 

Germandrées : Teuchrium chamædrys 1.., montanum L., etc. 

Epiaires : Sfachys annua L. 

Phacélies : Phacelia tanacetifolia. 

Verveines : Verbena officinalis 1. 

Renouée : Polygonum fagopyrum (Sarrazin), amculare L., elc. 

Houblon : Humulus lupulus L. 

Chêtaignier : Castanea vulgaris Lim. 

Ail : Allium porrum L., spherocephalum L.., vincale L. 

Oigrons : Allium cepa 1. 

Orchidées : Orchis mascula, purpurea H., militaris L., maculafa L., etc. 


AUTOMNE. 


Luzernes : Medicago sativa L., lupulina L. 

Lierre : Hedera heliz \. 

Pissenlits : Taraxzacum palustre D. C., officinalis Vill., etc. 
Linaire : Linaria striata L.. vulgaris M. 

Sarrazin : Polygonum fagopyrum 1. 

Bruyère : Calluna vulgaris L., Erica ciliaris L., cinerea L., elc. 
Asclepias : Asclepias cornuti D. 

Réséda : Reseda luteola, odorata L. 

Asler : Asfer amellus 1. 

Phacélie : Phacelia tanacetifolia. 


LES PLANTES MELLIFÈRES ET LE NECTAR. 353 


Un grand nombre de plantes, semées à des époques diffé- 
rentes, donneront leurs fleurs successivement si elles ont 
été bien choisies, et l'on pourra, par ce moyen, réserver 
tardivement des ressources aux Abeilles. La Phacélie, par 
exemple, montrera ses fleurs jusqu’à la fin de l’automne si la 
semaille en a été faite assez tard. 

À la liste précédente, il convient d’ajouter les fleurs de 
jardins. Elles sont généralement très mellifères, maïs néan- 
moins ne constituent, par leur nectar, qu’une faible res- 
source ; la raison en est qu’elles n’occupent ordinairement 
pas d'assez grands espaces dans les jardins pour y être très 
nombreuses, comme cela arrive, au contraire, pour les 
plantes de culture : Luzerne, Sainfoin, etc., toujours réunies 
en grandes masses dans les mêmes emplacements. 

Comment le nectar est-il produit dans les fleurs? C'est là 
une question intéressante pour l’agriculteur; M. Gaston 
Bonnier en a fait l’objet d’une thèse remarquable (Les Nec- 
taires, Annales des Sciences naturelles, Botanique, 1879) à 
laquelle nous ferons quelques emprunts. 

D'après cet auteur, le nectar serait produit par une exsu- 
dation de l’eau venant des racines, traversant la plante et 
entrainant avec elle une partie des sucres contenus dans le 
tissu nectarifère. 

Ces sucres sont de deux sortes : saccharoses et glucoses. 
Leurs proportions varient suivant les plantes; ils sont dissous 
dans une quantité d’eau variable. 

Les Abeilles recherchent naturellement les moins hydratés. 
Dans leur tube digestif, le nectar est soumis à l’action d'une 
substance spéciale : l’invertine qui transforme partiellement 
en glucose le sucre de canne qu'il contient. Il en résulte que 
la composition du miel diffère sensiblement de celle du nec- 
tar. Il contient moins d’eau quand on l'extrait des rayons, 
car les Abeilles ne manquent jamais de le faire évaporer 
dans leurs cellules avant de l’emmagasiner définitivement, 
condition nécessaire pour assurer sa conservation et éviter sa 
fermentation. 

Le nectar ne se trouve pas seulement dans les fleurs. Cer- 
taines plantes présentent aussi des neclaires (glandes où se 
fait la production du nectar) à la base des feuilles, des sti- 
pules ou des bractées. 

Le volume du nectar produit par les fleurs diminue généra- 


304 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


lement jusque vers trois heures et augmente ensuite jusqu'au 
lendemain matin. La production en est moins abondante 
quand il fait chaud et sec; plus abondante, au contraire, 
quand le sol est humide et aussi quand l'air lui-même est 
humide. 

La puissance mellifère des plantes augmente généralement 
avec la latitude. 

Il faut rapprocher de la production du nectar celle de la 
miellée qui consiste en un liquide sucré suintant à la surface 
des feuilles (celles du Chêne, par exemple) pendant les jour- 
nées chaudes. Elle est parfois assez abondante pour tomber 
des arbres, sous forme de pluie très fine. C'est à certains 
moments une ressource précieuse pour les Abeïlles, mais le 
miel qui en provient contenant beaucoup de gomme et de dex- 
trine est de qualité médiocre. 

Nous signalerons aussi le miellat, liqueur sucrée formée 
par les déjections des Pucerons, dont la production est par- 
fois assez abondante pour la faire confondre avec la miellée. 
Il renferme aussi beaucoup de gomme et de dextrine, ainsi que 
de la mannite, et ne peut donner qu’un miel très inférieur. 

En tout cas, c’est seulement quand les fleurs mellifères 
manquent aux Abeilles qu’elles semblent rechercher la miel- 
lée des feuilles et surtout le miellat. 

En résumé, pour avoir beaucoup de miel, c’est au voisinage 
des cultures, surtout celle du Sainfoin, qu'il faut installer ses 
ruches, en observant que les Abeilles ne vont guère butiner à 
plus de 2 ou 3 kilomètres de leur demeure, et que moins elles 
auront de chemin à faire, plus elles récolteront, perdant 
moins de temps dans leurs nombreux voyages. Les efforts de 
l’apiculteur tendront à ce qu'elles trouvent des fleurs pen- 
dant toute la bonne saison sans interruption. Les récoltes 
que les Abeilles pourront faire à l’arrière-saison leur seront 
très précieuses, car, après qu'on a enlevé le miel des ruches, 
il est de toute nécessité que ces laborieux Insectes puissent 
encore trouver de quoi faire leurs provisions d'hiver, indis- 
pensables pour assurer la conservation des colonies jusqu’au 
printemps suivant. En cas de disette, à cette époque tardive, 
il faut y suppléer en leur donnant du miel, faute de quoi on 
s'expose, au retour de la belle saison, à trouver le rucher 
affaibli et décimé. 


395 


SUR LA CONSERVATION DES CROSNES DU JAPON (1) 


par Henri COUPIN. 


Les Crosnes du Japon sont certainement l’une des plus 
belles conquêtes qu'ait faite l’Acclimatation dans ces dernières 
années. En 1898, notamment, ils paraissent avoir eu un 
grand succès. À Paris, j'en ai vu vendre, à plusieurs reprises, 
dans les voitures des marchands des quatre saisons, à raison 
de 0 fr. 15 le demi-kilo. Le prix le plus élevé a été de 0 fr. 40 
le demi-kilo et encore, seulement dans les quartiers riches. 
Les Crosnes sont donc devenus des légumes à la portée de 
tous ; leur vente s’étendra à mesure qu'on les connaîtra 
mieux. La surface plantée en Crosnes devient chaque année 
de plus en plus grande, ce qui fait supposer que leur culture 
est rémunératrice, quoi qu’en disent certains horticulteurs. 

Les Crosnes ont malheureusement un défaut, racheté, il est 
vrai, par de nombreuses qualités : c’est de se conserver assez 
mal. Aussitôt leur sortie de terre, ils évaporent de l’eau en 
grande quantité et se flétrissent. Au bout de deux ou trois 
jours, leur surface devient ridée, un peu brune, et leur con- 
sistance molle ; en un mot, ils perdent cet aspect « dodu » 
qui indique leur fraîcheur. Il y a là, pour le cultivateur et 
l’intermédiaire, un double inconvénient, car, d’une part, le 
client n’est pas tenté d'acheter un légume qui n’a pas l’air 
frais (je l’ai maintes fois constaté) et, d'autre part, le poids 
diminue rapidement. Si un fruitier achète un jour 50 kilos de 
Crosnes, le lendemain, il n’en a plus que 45 kilos et le 
surlendemain, que 40 kilos, d’où une perte sensible. A titre 
d'exemple, je donne ci-dessous la perte de poids offerte par 
des Crosnes très frais, étalés dans une assiette. 


Le 8 mars, les Crosnes frais pèsent.. 150 grammes. 


OAI S DCSCN EEE EP Eee 135 — 
11 — A MN nt rate 115 — 
12 — NN CoscuioobbE don 104 — 
14 — NUE 2 RE EIRE PAIRSD D 


(1) Communication faite à la Section de Botanique le 24 mai 1898. 


BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Le 15 mars, les Crosnes pèsent ...... ‘74 grammes. 

16 — TO CN SEE DE . 10 — 

k 18 — ee fhse EX MATE 54 — 
IQ RE 0 SA à 50 — 

22 — — Sahel ie 35 — 

26 — — DR LAURE RE 30 — 

4 avril +2 0 RME ERREUR 29 — 

1% Et RE SEE 27 — 


Je dois dire que, dans la pratique courante, les pertes de 
poids sont bien moins sensibles lorsque les Crosnes sont 
entassés ; ils perdent alors moins d’eau qu'étalés. 

Mais la perte de poids n’est rien à côté de la perte d’ « as- 
pect » qui rebute le client. J'ai cherché le moyen d’obvier à 


Fig. 1. — Crosnes desséchés. 


cet inconvénient et, si je 
n'ai pas réussi à l’empé- 
cher de se produire, j'ai, 
du moins, mis en lumière 
le moyen d’y remédier. Ce 
moyen consiste tout sim- 
plement à immerger les 
tubercules flétris dans de 
l'eau pendant quelques 
heures. Contrairement à 
ce qui a lieu pour la plu- 
part des autres tuber- 


cules (1), la puissance d’ab- 


sorption de l’eau par les 
Crosnes est très remar- 
quable. Presque aussitôt 
après leur immersion dans 


- l’eau, ils se gonfient et re- 


prennent un aspect abso- 
lument frais : les tuber- 
cules redeviennent dodus 
et fermes comme si on ve- 
nait de les cueillir : c’est 


une véritable « remise à 
neuf ». 


4 Quel que soil leur état de flétrissement, les tubercules ré- 


(1) Ainsi, les tubercules de Pomme de terre, même flétris, n’absorbent pas 
4 ou prou d'eau, par suite de la présence d’une pellicule de liège à leur surface. 


44 


LA CONSERVATION DES CROSNES DU JAPON. 391 


cupèrent, par l'immersion dans l’eau, non seulement leur 
fraicheur, mais leur poids primitif. On peut d’ailleurs retarder 
un peu leur dessiccation en noyant les tubercules frais dans 
le sable. Exemple (à comparer avec le tableau précédent 
exprimant les pertes de poids dans l'air) : 


Le 8 mars, des tubercules frais-pèsent.. 210 grammes. 
9 -- dans le sable, ils pésent... 200 — 
lONE== — — O0 — 
11 — == — \.2#180 — 
14 — — — TOUT = 
19 — == = RAD0 — 
PSE Co — — 180 — 


4 avril, — — PA IENUGES — 


Mais, à mon avis, il vaut 
mieux les laisser à l'air 
et les immerger quelques 
heures avant de les mettre 
en vente. 

Ces faits m'ont donné 
l'idée de chercher si on 
ne pourrait pas conserver 
les Crosnes “indéfiniment 
ou, du moins, très long- 
temps, en les faisant des- 
sécher complètement. Le 
succès a été parfait. Les 
tubercules desséchés, par 
simple étalage à l'air (1), 
se conservent très bien, 
mais je ne crois pas qu’à 
cet état ils soient tres fa- 
ciles à vendre. Leur aspect 
ridé, rabougri, nain, brun, 
ne milite pas en leur fa- 
veur, surtout parce qu'on 
est habitué à les voir re- 
bondis. D'autre part, la 
perte de poids des Crosnes par la dessiccation est énorme, 


Fig. 2. — Les mêmes Crosnes après une 
immersion de douze heures dans de l’eau. 


(1) Bien entendu, ils se dessécheraient plus vite dans les « évaporaleurs » si 
employés en Amérique, et depuis quelque temps en France, pour la dessiccation 
des fruits et des légumes. 

Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898. — 25. 


RAR 
% 


dé ul 
7. 
2 


358 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


puisqu'elle est de 75 °/,. Si, pour être rémunérateur, le prix 
du kilo de Crosnes était de 0 fr. 50, le prix du kilo de Crosnes 
desséchés devrait être de 2 francs. Les fruitiers, qui vou- 
draient se livrer à ce commerce, feraient mieux, au moment 
de la vente, de les immerger dans l’eau pendant une douzaine 
d'heures. Rien n’est plus remarquable alors que de voir les 
tubercules ratatinés grossir démesurément et reprendre 
l'aspect qu’ils avaient aussitôt après avoir été cueillis (com- 
parer les figures 1 et 2). 

Le pouvoir absorbant des Crosnes desséchés est de 400 ee, 
c'est-à-dire que 100 grammes de Crosnes secs absorbent 
400 grammes d’eau; l'ensemble pèse donc finalement 
500 grammes. Ce pouvoir absorbant est très. remarquable et 
peut-être unique chez les végétaux. On sait, en effet, que les 
graines qui absorbent déjà beaucoup d’eau, n’ont qu’un pou- 
voir absorbant d'environ 125 (Luzerne), 118 (Fève), 110 (Ha- 
ricot), 47 (Blé), 38 (Maïs), 8 (Canna). 

Les tubercules gonfiés different des Crosnes frais par un 
seul caractère : la teinte brunâtre de leur surface. Si l’on 
tient à faire disparaitre celle-ci, il suffit de soumettre les 
Crosnes à des fumigations d'acide sulfureux. Ils redeviennent 
alors tout à fait blancs, avec une légère teinte jaune soufre. 
Pour ces fumigations, on met les Crosnes sous une cloche et 
on fait brûler un petit morceau de soufre à côté d'eux. Mais 
la teinte brune peut subsister avec d'autant moins d’incon- 
vénient qu'elle disparaît en grande partie dans l’eau où l’on 
fait cuire les Crosnes. 

Cette pratique de la dessiccation permettra de vendre des 
Crosnes en mars, avril et mai, époque où les tubercules frais 
ont disparu du marché et où les primeurs ne sont pas encore 
arrivées. Elle satisfera ceux qui regrettent de ne pouvoir 
déguster des Crosnes en été. Elle permettra enfin d’en em- 
porter sur les navires et d’en envoyer dans les colonies qui 
n'en possèdent pas. 

J'ai fait confectionner divers plats avec des Crosnes des- 
séchés, puis gonflés dans l'eau et mis de suite à cuire; bien 
que leur cuisson soit un peu plus longue, leur aspect et leur 
saveur sont identiques à ceux des Crosnes frais. 


En résumé : 


1° On peut redonner aux tubercules fiétris l'aspect frais, 


LA CONSERVATION DES CROSNES DU JAPON. 399 


la méme consistance et le même poids qu'aux tubercules 
venant d'être cueillis, en les immergeant dans de l'eau. 


2° On peut retarder ie flélrissement des tubercules en les 
conservant immergés dans du sable sec. 


3 On peut conserver les lubercules très longtemps à l’état 
sec et les faire servir aux usages culinaires. L'immersion 
dans l'eau suffit à leur redonner les caractères des luber- 
cules frais. 


4° Le pouvoir absorbant des Crosnes secs est considérable 
(400 °/) (1). 


(1) Travail fait au Laboratoire de Botanique de la Sorbonne dirigé par 
M. Gaston Bonnier. 


7 
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He ON NE PL 
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LA Ra ts Cr 
- 17- oi 


À 


360 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


SÉANCE GÉNÉRALE DU 17 DÉCEMBRE 1897. 


PRÉSIDENCE DE MM LE MyYxE DE VILERS ET RAVERET-WATTEL, 
PRÉSIDENT ET VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 


PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. 


M. le Président proclame l'admission de : 


MM. PRÉSENTATEURS. 
Ch. Debreuil. 


Baron J. de Guerne. 
A. Imbert. 


| A. Boigeol. 


GALIC&ET |P.). 80, rue Taitbout, Paris et 
Faisanderie de Mériel (Seine-et-Oise). 


JaPpyx (L.-Albert), industriel à Beaucourt 


(Territoire de Belfort). Je CES 


Baron J. de Guerne. 


Raphaël Blanchard. 
Baron J. de Guerne. 
| A. Railliet. 
Général N. de Depp. 
Baron J. de Guerne. 
C. de Lamarche. 


| Ch. Debrewil. 


LuceT (Adrien), vétérinaire à Courtenay 
(Loiret). 


MaLTzxev (Serge), président de la Société 
de Pisciculture, rue Élisabeth, maison 
Pavlov, à Kiev (Russie). 


MÉéREL (Félix), statuaire, 29, rue Chau- 


PACE ee Baron J. de Guerne 
veau (Neuilly-sur-Seine). 


Pays-Mellier. 
{( Edouard Blanc. 
Baron J. de Guerue. 
G. de Refuge. 


Perron (Hen:y), ingénicur des Arts et 
Mauoufactures, rue Mozart, 121, Paris. 


DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. 


Généralités. — M.Ile Ministre de l'Instruction publique 
adresse dix exemplaires du programme du 36° Congrès des 
Sociétés savantes, dont la séance d'ouverture est fixée au 
12 avril 1898; suivant le désir exprimé par le Ministre, ce 
document a été distribué aux Membres de la Société qui 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 361 


ont manifesté l'intention de prendre part au Congrès. Une 
analyse, indiquant le sujet et le plan de toute communication 
devant être faite à la Section des Sciences, devra être en- 
voyée au Comité avant le 30 janvier 1898. 


— La Société de Géographie, par la gracieuse entremise 
de M. le baron Hulot, son Secrétaire général, communique 
une lettre de M..Paul Labbé sur l'élevage, l’apiculture et la 
pêche dans le Gouvernement de Semipalatinsk (Russie). 


Cheptels, Distribution de graines, ete. — M. Milhe- 
Poutingon, vice-président de la Section coloniale, offre à 
la Société des graines de Coton de Géorgie récoltées au 
Soudan par M. le colonel de Trentinian, Gouverneur de la 
Colonie. 

— M. A. Pinart offre à la Société un fruit de Guaco qu'il a 
recueilli dans le Nord du Nicaragua. Ce fruit mur, dont les 
graines germeront sans aucun doute, a été récolté à 600 mè- 
tres d'altitude; on le trouve, du reste, jusqu’à 2,000 mètres; 
aussi bien la plante ne devra pas être cultivée en serre chaude. 
Au Nicaragua, le Guaco, surtout la racine qui est très amère, 
sert comme succédané de la quinine. 


COMMUNICATIONS ORALES. 


Présentation d'ouvrages. — M. le D' Roché (Mb), Ins- 
pecteur général des Pêches maritimes, présente à la Société 
un ouvrage qu'il vient de publier et qui a pour titre : La 
Culture des mers en Europe. Dans ce volume, qui fait partie 
de la Bibliothèque scientifique internationale, l’auteur montre 
tous les progrès récemment accomplis en la matière depuis 
Coste, dans le domaine scientifique et dans le domaine in- 
dustriel. 


Communications. — M. E. Caustier fait une communi- 
cation sur : L’ivoire à l'Exposilion coloniale de Bruxel!es- 


_ Tervueren (voir ci-dessus page 325). 


A ce propos, M. Bourdarie (Mb) rend compte d’une série de 
conférences qui lui ont été demandées et qu'il vient de faire, 
devant les Sociétés coloniales de Belgique, sur l'Eléphant 
et la colonisation africaine. Il montre que l'établissement 
d'un droit spécial sur l'ivoire industriel favoriserait la renais- 
sance de la sculpture chryséléphantine. 


362 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


— M. A. Pinart fait une communication sur La culture du 
Banañnier au Honduras el le coimerce des Bananes aux 
États-Unis (voir ci-dessus, page 345). 

M. le Président remercie M. Pinart et fait ressortir toute 
l'importance de la culture du Bananier pour les colonies 
francaises. M. Le Myre de Vilers demande à M. Pinart s'il lui 
serait possible de se procurer des pousses ou choqguarts, pro- 
venant des Bananiers du Honduras afin de les expédier par 
les soins de la Société en Cochinchine et en Guinée. 

. M. Pinart déclare qu'il fera tous ses efforts pour donner 
satisfaction au désir exprimé par M. le Président. 

M. Hédiard (Mb) ajoute que la consommation des bananes, 
assez forte déjà en France, s’accroitrait très vite et dans de 
très fortes proportions si l'on pouvait en introduire de grandes 
quantités sur le marché français en évitant de passer par l’in- 
termédiaire de l'étranger et particulièrement de l’Angleterre. 

M. Le Myre de Viiers fait remarquer que la banane s’altère 
facilement pendant le transport; aussi cherche-t-on actuelle- 
ment à établir à bord des paquebots rapides, des chambres 
frigorifiques spécialement aménagées pour le transport des 
fruits, tels que l’ananas, la banane et d’autres très appréciés 
dans les colonies. 


Le Secrétaire des Séances, 
E. CAUSTIER. 


2e SECTION (ORNITHOLOGIE.— AVICULTURE). 


SÉANCE DU 28 AVRIL 1898. 


PRÉSIDENCE DE M. DEBREUIL, MEMBRE DU CONSEIL. 


M. Oustalet, président, et M. le comte de Chabannes-la-Palice, vice- 
président, s’excusent de ne pouvoir assister à la séance. 

Le procès-verbal de la dernière réunion est lu et adopté. 

M. Galichet offre à la Société un certain nombre d'exemplaires de 
la notice qu'il vient de publier sur le Tinamou; la distribution en est 
faite immédiatement, M. le Secrétaire Général demandant toutefois à 
en conserver quelques exemplaires pour les membres de la Societé 
habitant la province. 


4 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 363 


Lecture est donnée de la première partie d'un travail de M. l’abbé 
Charruaud, curé de Bessens (Tarn-et-Garonne) sur l'éducation de 
divers Oiseaux exotiques et plus particulièrememt du Cardinal de 
Virginie. D’après les observations de l’auteur, ce Passereau supporte 
facilement des froids très rigoureux, mais il est dangereux pour ses 
compagnons de volière et même pour les jeunes des premières 
couvées à l’époque de la reproduction. 

M. l'abbé Charruaud prépare un Manuel pratique à l'usage des 
amateurs d'Oiseaux de volière. 

M. F. Mérel fait une communication sur l'élevage de la Perruche 
ondulée (Voir Bulletin, ci-dessus, p. 236). 


Le Secrétaire, 
Comte D'ORFEUILLE. 


5e SECTION (BOTANIQUE). 


SÉANCE DU 19 AVRIL 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT. 


M. le Secrétaire général communique le programme des cours faits 
au Muséum pour les voyageurs naturalistes. Il signale un ouvrage de 
M. Rouanet, La vinification et la viticullure en Algérie, offert par l’é- 
diteur, ainsi qu'une intéressante communication de M. Sahut, faite au 
Congrès des Sociétés savantes, sur la météorologie appliquée à la 
culture et à l’acclimatation. 

Un certain nombre de graines sont mises à la disposition des 
Membres de la Société; à signaler entre autres : 

Graines de Xanthoceras sorbifolia, offertes par M. Cros; 

Graines d’un ÆRadis du Turkestan, espèce pouvant atteindre le poids 
d'un kilogramme, offerte par M. Roland-Gosselin. 

Graines de Gombo, offertes par le même, et d’autres envoyées d’Asie- 
Mineure par M. Xavier Dybowski. 

A ce propos, M. Hédiard dit que le Gombo est un légume très ap- 
précié aux colonies. On le mange en soupe, ou en salade; il est éga- 
lement très bon, conservé, si on l’accommode à la sauce tomate. Ce 
légume se vend toujours très cher, au début de la saison. 

M. Mailles conseille d’essayer en pleine terre la culture de la Patate. 
Elle a parfaitement réussi chez lui, aux environs de Paris. M. Hédiard 
fait remarquer que cette culture est pratiquée en Normandie. 

M. Rathelot rappelle que la Société a distribué, il y a quelques 
années, des Æaricots cerises du Japon. Il a cultivé cette variété, puis en 


364 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


a perdu la semence; en ayant retrouvé dernièrement, il se fait un 
plaisir d’en offrir à la Société. C’est un Haricot à rames, atteignant 
3 mètres, qui est excellent en vert. 

M. Hédiard signale le ÆHaricot noir du Brésil, qui a sur celui de 
Belgique l'avantage de ne pas déteindre à la cuisson. 

A propos de Légumineuses M. F. Mérel, qui a cultivé le Soja hispida 
en Bretagne, dit que cette plante vaut bien mieux comme fourrage 
que comme légume. On pourrait peut-être en faire du pain pour les 
diabétiques. En Bretagne on en utilise les graines en guise de café. 

M. Rathelot signale l'emploi analogue fait en Normandie d’une sorte 
de Lupin. 

M. Hédiard présente des Chayottes, qu'il offre à la Société. C'est une 
Cucurbitacée dont les feuilles peuvent remplacer les Épinards et les 
racines la Pomme de terre, mais dont on mange surtout le fruit, farci, 
cuit au jus, en ragoût, au gratin, elc. Cette plante rend beaucoup de 
services dans les pays chauds, où chaque pied peut donner de 100 à 
150 fruits, valant 15 à 20 francs le cent. Aux environs de Paris elle re 
fructifie pas, mais peut êlre cultivée comme plante ornementale pour 
garnir les lonnelles. On met le fruit lui-même en terre, en l’entourant 
d’un peu de charbon pour l’empêcher de pourrir. 

M. le professeur Maxime Cornu dit qu’on doit une grande recon- 
naissance à M. Hédiard pour ses efforts persévérants en vue de propa- 
ger un grand nombre de légumes exotiques et notamment la Chayotte, 
qui n’est pas encore, à son avis, malgré ses qualités, aussi répandue 
qu’elle devrait l'être, surlout en Algérie. 

A ce propos, M. Cornu reproche aux Algériens leur attitude singu- 
lière concernant les inlroductions ou les acclimatations végétales, 
contre lesquelles ils s’obstinent à faire de la protection mal comprise. 
Le Phylloxera sert de prétexte; il existe dans deux provinces algé- 
riennes, et les Vignes phylloxérées peuvent entrer librement par la 
province de Constantine. En revanche la Douane n’admet dans les 
ports que les plantes dont les racines sont dégarnies de terre el on les 
lave même à l’eau de mer pour les en débarrasser. L'Algérie aurait 
pourtant tout avantage à introduire chez elle beaucoup de choses, no- 
tamment les arbres fruitiers. L'industrie des fruits secs, si développée 
en Californie, devrait s'implanter en Algérie et en Tunisie, mais les 
colons ne pourront rien faire de sérieux tant qu'ils auront leurs bar- 
rières fermées par suite d'une résistance très regreltable, contraire à 
leurs intérêts, et destinée seulement à favoriser quelques pépinic- 
ristes, d’ailleurs insuffisamment pourvus. En ce moment les Abricots 
sont mûrs à Biskra; les Abricotiers y prennent un développement 
considérable et pourraient être d’un excellent rapport, mais les fruits 
sont de mauvaise qualité et auraient besoin d’être améliorés par 
la greffe. 

Comme conclusion pratique à ces observations, M. de Guerne de- 


EXTRAITS ET ANALYSES. 365 


mande que la Section mette à son ordre du jour la culture des arbres 
fruitiers en Algérie. 

Il signale d’autre part la concurrence de la Bosnie pour la fabrica- 
tion des pruneaux, et M. Cornu celle des côtes de Syrie, où se sont 
créés de grands établissements agricoles dans lesquels on a essayé la 
culture du Cotonnier et de l’Olivier, mais ce qui paraît le mieux y 
réussir, c'est la production des oranges et l’industrie des fruits secs. 
Les oranges de Jaffa, vendues dernièrement en grande quantité à Paris, 
devaient provenir de là. Enfin il y alieu aussi de se préoccuper des ar- 
rivages de fruits frais du Cap. 

M. Rathelot, s'appuyant sur la régénération de la Pomme de terre 
par le semis, demande s’il n’en pourrait pas être de même pour la 
Vigne, qui est, dit-il, épuisée de vieillesse, M. Cornu répond que cette 
théorie a été déjà soutenue ; des expériences ont été faites et n’ont 
pas donné de résultats satisfaisants. On a vu des Vignes émettre des 
sarments de 6 à 8 mètres et mourir, néanmoins, dans l'année, des at- 
teintes du Pzylloxera. 

M. Mailles fait également remarquer que des Vignes de semis ont 
été aussi bien que d’autres attaquées par le Mildew et le Blackroot. 


Le Secretaire, 
G. MOROT. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


LES SCOLYTES QUI ATTAQUENT L'ORME; MOYENS DE DÉTRUIRE 
CES INSECTES. 


L'Orme est attaqué par quatre espèces différentes de Scolytes. — 
Les arbres dont il est question n’ayant que leurs branches attaquées, 
et présentant leur tronc indemne, il est à supposer qu'il s’agit du 
Scolytus pygmœus, ou du ylmi. — Les Ormes qu’attaquent les Scolytes 
se trouvent presque toujours dans des conditions défectueuses : ce 
sont notamment ceux qui sont mal aérés, ou qui sont élagués trop fré- 
quemment, ainsi qu'il arrive souvent pour les arbres d'avenues. Il est 
donc essentiel de rechercher d’abord la cause à laquelle on peut attri- 
buer le dépérissement des arbres, l'invasion des Scolytes n'étant qu'un 
phénomène secondaire venant s'ajouter à une autre cause de maladie 
que l'on doit rechercher. — Il faut, avant tout, veiller à ce que les 
arbres soient bien aérés, et ne présentent pas sur le tronc de rameaux 
parasites détournant la sève. 


366 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Le procédé de M. Robert peut, je pense, malgré les critiques qui 
en ont élé faites, donner de bons résultats. — Ce procédé consiste à 
enlever l'écorce dure de l’arbre attaqué à l’aide d’un instrument tran- 
chant, de facon à mettre à nu une partie des larves. — On brûle 
la partie de l'écorce que l’on a enlevée, et l’on badigeonne ensuite 
l'arbre décortiqué avec du coaltar. — Pour que cette opération ne 
soit pas nuisible, il faudra évidemment procéder avec une grande 
prudence et ne pas décortiquer de trop grandes surfaces à la fois; il 
ne faudra enlever l'écorce tendre en aucun point, et ne faire la décor- 
tication que sur des surfaces limitées n'intéressant jamais toute la 
circonférence de la branche. On choisira donc les points les plus 
attaqués. 

Un procédé, ne présentant aucun danger, mais dont l'efficacité 
serait à contrôler par l'expérience, a été aussi conseillé par l’entomo- 
logiste américain Packard. Il consiste à inonder le tronc ou les 
branches attaquées avec un jet d’eau; cette opération devra êlre 
répétée tous les jours au moment où les Insectes adultes éclosent et 
creusent leur galerie de ponte. Leur présence se trahit facilement à 
cette époque par la sciure qu’ils rejettent au dehors. — La méthode 
de Packard est basée sur l’aversion que présente le Scolyte femelle 
pour toute humidité dans sa galerie de ponte. 

Enfin, comme mesure préventive, on ne devra jamais laisser séjour- 
ner au voisinage d’arbres sains, des troncs d'Ormes abattus ou des 
branches coupées provenant de pieds attaqués, par les Scolytes, sans 
avoir enlevé et brûlé l'écorce (1). 

D' PAUL MARCHAL. 


NOTES SUR QUELQUES ESSAIS EN VUE DE LA DESTRUCTION 
DU CHARANCON DE LA Noix DE KOLA (Balanogastris Kolæ Desb.), 


par P. LESNE et Joanny MARTIN. 


Au mois de juillet dernier, le Laboratoire d’Entomologie du Muséum 
de Paris recevait par les soins de M. Le Cesne, administrateur délé- 
gué de la Compagnie francaise de l'Afrique occidentale, sur la de- 
mande de M. le D' Maclaud, médecin des Colonies, un envoi assez 
considérable de noix de Kola fraîches, attaquées en grande partie par 
la larve d’un Curculionide le Bealanogastris Kole Desb. (2). D'après les 


(1) Prière de faire adresser des échantillons de bois et d’écorce attaqués, ainsi 
que des insectes parfaits à la Station entomologique. 

(2) Voyez Desbrochers des Loges, Bull. Soc. ent. Fr., 1895, p. cLxxvi; 
J. Faust, Deutsch. ent. Zeitsch., 1898, Heft 1. Pour la biologie : J. Perez, Bull. 
Soc. ent. Fr., 1895, p. c£xxvt; P. Lesne, Bull. du Muséum, 1898, n° 3, 
p. 140. 


rime hein: + à 


EXTRAITS ET ANALYSES. 367 


» observations de M. le D' Maclaud, celte espèce est très préjudiciable, 


en Guinée française, car elle se multiplie rapidement dans les provi- 
sions de noix de Kola fraîches et les déprécie beaucoup; les indi- 
gènes ne consomment pas les amandes ainsi attaquées. 

M. le professeur Bouvier nous chargea de procéder à quelques essais 
en vue de détruire ces Insectes dans les noix sans altérer celles-ci. 
Un tel but n’est pas aisé à alteindre. Bien que les résultats obtenus 
par nous ne soient pas suffisamment concluants et ne conduisent pas 
à une méthode applicable sur les lieux d’origine de la noix de Kola, 
nous ayons pensé qu'à un point de vue plus général, il n’était pas 
inutile de les mentionner ici. 

Les noix fraîches attaquées par le Balanogastris sont généralement 
très faciles à reconnaître. Presque toujours en effet, les galeries creu- 
sées par les larves dans l'épaisseur du parenchyme se rapprochent de 
la surface de l’amande sur une portion plus ou moins étendue de leur 
parcours. 

En cette portion superficielle, elles ne sont guère séparées de l’ex- 
térieur que par le tégument de la graine qui se dessèche, durcit et 
prend, en ces points, une coloration brune tranchant sur la couleur 
normale rose lie-de-vin ou blanc jaunâtre (1). La largeur de ces taches 
brunes plus ou moins allongées, sinueuses et souvent ramifiées est 


d’eaviron 2 millimètres. Elles sont quelques fois assez nombreuses, 


car il arrive que deux ou trois larves cohabitent dans la même 
noix (2). 

Nous citerons très brièvement les premiers essais; le séjour des 
aoix dans une atmosphère de vapeur de sulfure de carbone pendant 
deux ou trois jours, traitement parfaitement efficace, quant à la des- 
truction des Insectes, mais allérant les noix, les durcissant et leur 
donnant une teinte brun terreux sale. Mêmes résullats obtenus en un 
espace de temps très court avec la vapeur de chloroforme. 

Des essais plus intéressants furent ceux tentés en faisant agir le gaz 
d'éclairage. Dans une première expérience, les noix attaquées placées 
dans un flacon à deux tubulures furent soumises pendant trois jours 
consécutifs à l’action d'un courant lent de gaz d'éclairage, sous la 
pression ordinaire. Le gaz arrivait dans le flacon par un tube plon- 
geant jusqu'au fond du récipient et en sortait par un tube de dégage- 
ment se rendant dans un verre contenant un peu d’eau. Le résultat fut 
nul, les larves survécurent et ne parurent même pas incommodées à 
la fin de l'expérience. 


(1) Il ne faut pas confondre ces taches avec la suture brune des cotylédons. 


(2) Nous ne pensons pas que les trous de ponte puissent servir à reconnaitre 
les Ncix attaquées, car ces blessures peu caractéristiques ressemblent à celles 
que font les Balanogastris lorsqu'ils veulent consommer le parenchyme de la 
graine. Il semble en effet que, dans certains cas, les Charençons percent 
l’amande uniquement pour satisfaire leur faim, 


368 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Des noix attaquées furent alors äisposées sous une cloche dont 
l'atmosphère pouvait être raréfiée à l’aide d’une trompe à eau, un ro- 
binet à trois voies permettait de la mettre en communication soit 
avec le gaz, soit avec la trompe. Ayant opéré un vide partiel dans la 
cloche, on y faisait entrer le gaz et on l’y laissait séjourner. Le vide 
partiel fut ainsi pratiqué à trois reprises et suivi chaque fois d'une 
prise de gaz. L'expérience, commencée à onze heures et demie du 
matin, était terminée à sept heures du soir. Le résultat fut encore né- 
gatif. Une larve extraite d’une noix attaquée avait été placée comme 
témoin sous la cloche en même temps que les noix, cette larve fut 
trouvée engourdie, sans mouvement, à la fin de l'expérience, mais le 
lendemain elle avait recouvré toute sa vigueur. 

Nous reprimes alors la même expérience en la prolongeant et en 
mesurant d'une facon approximative l’abaissement de pression obtenu 
à l’aide de la trompe. Nous opérâmes à six reprises un vide partiel à 
25 centimètres de mercure environ et autant de prises de gaz consécu- 
tives afin de bien purger les noix de tout l’air qu'elles contenaient. 
Chaque fois nous laissions les noix séjourner dans le gaz revenu à la 
pression ordinaire pendant une durée variant de deux à quatorze 
heures. L'expérience dura en lout soixante-dix heures. 

Au sortir de la cloche, les noix traitées, bien que légèrement bru- 
nies, avaient conservé leur fraicheur et n'avaient pas ou à peine durci. 
Leur saveur n'était pas altérée, malheureusement nous ne trouvâmes 
qu’une seule larve dans ces noix attaquées. Cette larve était raidie et 
comme engourdie et le lenlemain, elle entrait déjà en décomposition. 

Ce dernier essai, nous le répélons, n’est pas suffisamment concluant. 
Mais il montre la profonde différence qui existe entre l'action du gaz 
d'éclairage et celle de la vapeur de sulfure de carbone ou de chloro- 
forme sur certaines graines vivantes. Il fait prévoir l'utilité qu'on 
pourrait Llirer de l'emploi rationnel du gaz d'éclairage pour la destruc- 
tion de certains Insectes nuisibles, par exemple, des Bruchus (1). 


< 


SUR UNE ÉTOFFE FABRIQUÉE AVEC DES TOILES D ARAIGNÉES 
A MADAGASCAR, 


par M. E. Simon. 


M. le Dr F. Delille a bien voulu me communiquer un échantillon 
d’étoffe qui lui a été envoyé par M. Georges Richard, avocat à Tama- 
tave, comme ayant élé fabriqué avec des fils d'Araignce, ce que l'étude 
microscopique ne permet pas de vérifrer, aucune différence spécifique 
n’existant entre les fils d’Araignées et ceux de Bombyx. 


(1) Bulletin de la Société entom. de France, 1898, ne 14. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 369 


Plusieurs auteurs ont déjà attiré l'attention sur la solidité et l’abon- 
dance des fils de certaines Araignées de Madagascar, notamment ceux 
du MWephila Madagascarensis, Vinson, que les indigènes appellent 
Halabe, mais aucun, à ma connaissance, n’a parlé jusqu'ici de l’usage 
industriel qu’en font journellement les Hovas d’après M. Richard. 

Voici ce que dit à ce sujet M. le D' Vinson : « Si jamais l’industrie 
tourne ses regards vers l’exploitation utile des fils de nos Araignées, 
c'est assurément à ces Epeires-géantes (Wephïla) qu'elle devra l’adres- 
ser. J.-B. Dumont et Walckenaer ont déjà fait remarquer que cette 
espèce donne des fils jaunes susceptibles d’être tissés. Ces fils, très 
forts, très longs, ressemblent à la plus riche soie orange ou or que la 
Chine nous envoie. Il suffit de prendre entre les doigts le volumineux 
abdomen de l’Araignée et de tourner le fil sur un fuseau ou sur un 
dévidoir, la source en semble intarissable. Après avoir ainsi tire de 
cetle Araignée une abondante quantité de soie, elle paraît n’en point 
souffrir et peut être remise en liberté. C’est avec les fils de cette espèce 
qu’à l’île Maurice, sous l'administration du général Decaen, les créoles 
élégantes tissèrent de leurs mains une splendide paire de gants 
qu'elles envoyèrent en hommage à l’impératrice Joséphine. Un témoin 
qui a vu ce chef-d œuvre de l’industrie locale nous en a fait le plus 
grand éloge (1). » 

Le R. P. Camboué dit de son côté : « J'ai constaté moi-même que 
l’un des fils latéraux soutenant la toile de l’Æalabe peut supporter sans 
se rompre un poids de 500 quintaux. L’un de mes confrères ayant 
longtemps habité la province des Betsileo au sud de l’Imerina m'a 
assuré que le fil de l’Æalabe y est employé pour la couture des lambas 
ou vêtements indigènes et que ce fil dure même plus que l'étoffe (2).» 


(Bulletin de la Soc. Entomol. de France, 1898, no 2 D291-) 


X< 


LA TUNISIE INDUSTRIELLE. 


Les forêts — Le Chéne- Liège. 


Les forêts de la Régence couvrent une superficie d'environ 500,000 
hectares ; elles peuvent se diviser en deux groupes séparés par la 
vallée de la Medjerda : 

1° Un groupe au Nord, comprenant les massifs de la Kroumirie 
{Mrassen, Aïn-Draham, Fernana, Tabarca, Mekora), des Neïza, des 
Mosods et de Porto-Farina. 


(1) Aranéides des îles de la Réunion, Maurice et Madagascar, 1863, p. xxu1. 


(2) Aranéides utiles et nuisibles de Madagascar, in Bull. Soc. nat. d'Accli- 
matation, mai 1887, 


370 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Le peuplement des massifs de ce groupe se compose principalement 
de Chènes-Liège et Chênes-Zéen, formant vers certains points de ma- 
gnifiques futaies ; sur les pentes, on trouve des broussailles d’Oliviers 
sauvages, et, disséminés dans les vallées, l'Orme, le Saule, le Peuplier 
blanc, le Peuplier noir, le Frêne, le Houx, le Laurier, le Tamarix, la 
Vigne sauvage, l’Azerolier. Le sous-bois est constitué par le Myrte, le 
Lentisque, le Ciste, la Bruyère, le Philaria, le Genêt, le Romarin. 

2° Le groupe forestier du Sud de la Medjerda, dévasté par des ex- 
ploitations désordonnées et l'abus des pâturages, comprend surtout 
des peuplements de Chènes verts et de Pins d’Alep parmi lesquels on 
rencontre l'Olivier sauvage, le Caroubier, le Thuya, l'Érable de Mont- 
pellier, l'Arbousier, le Genévrier oxycèdre. 

L'exploitation des forêts de la Régence porte surtout sur les Chênes- 
Liège et les Chênes-Zéen des forêts de Kroumirie pour les lièges. les 
écorces à tan, le bois destiné aux traverses des chemins de fer. 


Voici quelques indications sur la production et l'exploitation du 
Chêne-Liège. | 

Le Chêne-Liège occupe en Tunisie une superficie de 82,000 hec- 
tares. On le rencontre à l’état d'isolement au Cap Bon, à l'Enfida et 
dans la Begaoua ; il forme des bouquets disséminés au milieu des 
Chênes Kermès qui couvrent les montagnes du Mogod et constitue 
dans la région de la Kroumirie de superbes massifs dont l'exploitation 
est rendue facile par le voisinage de la mer et la voie ferrée qui relie 
Tunis à Bône et à Constantine. 

La valeur du Chêne-Liège réside surtout dans son écorce qui fournit 
le liège et dont la partie interne fournit un tan très renommé. Son bois 
est lourd, compact, de couleur jaune brunâtre, peu homogène, à grain 
assez grossier. Il est impropre à la fente, a des dispositions à se gercer 
et pourrit rapidement, quand il est exposé à des alternatives de séche- 
resse et d'humidité. Il n'est pas employé dans l’industrie, mais donne 
un chauffage très estimé et d’excellent charbon. 

Le Chêne-Liège peut supporter l'opération du démasclage dès qu'il 
a 30 centimètres de tour sous écorce, ce qui représente une circonfé- 
rence extérieure de 40 à 50 centimètres. 

Les brins de semence atteignent cette dimension vers l’âge de trente 
ans, les rejets de souche entre quinze et dix-huit ans. Dans les forêts 
de Tunisie, on démascle les arbres d’âges divers qui présentent, après 
avoir subi cette opération pour la première fois, une circonférence de 
60 centimètres. 

La hauteur moyenne du démasclage est de 1*,40. La surface pro- 
ductive de chacun d’eux est de 72 décimètres carrés. 

Le prix de revient du démasclage de l'arbre, après avoir été en 


moyenne de 0 fr. 101 pendant la période de 1884 à 1888, est descendu 
les années suivantes à 0 fr. 09. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 371 


Le Liège de reproduction atteint, après une période de huit à douze 
ans, une épaisseur de 0,025 à 0",027 qui le rend propre à tous les 
emplois. Après que l'écorce a été détachée de l'arbre, on en enlève la 
partie extérieure, de consistance ligneuse, on la fait bouillir, on en 
forme des planches et on les met en balles. Ces diverses opérations 
portent le nom de râclage, de visage et de mise en balles. 

La Tunisie, avec les 82,000 hectares de Chênes-Liège qu’elle pos- 
sède, entre pour un quinzième environ dans la statistique générale des 
forêts de Chênes-Liège. L'écorce qu’elle produit, à en juger par les 
récoltes faites en 1892 et 1894, est de belle qualité 

Quelques exploitations de Liège de reproduction ont été faites en 
1883 et 1884; ce liège provenait des démasclages exécutés par les 
indigènes pour se procurer les écorces dont ils avaient besoin. Les 
travaux de démasclage commencés en 1884 ont été continués pendant 
les années suivantes et la première récolte devait avoir lieu en 1892. 
L’Administration a fait, en effet, récolter à cette date des lièges dans 
les peuplements démasclés en 1884 ; mais comme le nombre des arbres 
exploitables était peu considérable, que beaucoup de lièges n'avaient 
pas atteint l'épaisseur marchande, l'opération de la récolte fut retardée 
de deux ans. En 1894, il a été récolté 7,523 quintaux dans les forêts 
de Feïdza, d’Aïn-Draham et de Tabarca. Ces produits ont été vendus 
par adjudication publique. Le prix moyen de vente du quintal a été 
de 18 fr. 23 c. 

Ces récoltes de Liège de reproduction continueront sans interrup- 
tion les années suivantes à mesure que les arbres démasclés successi- 
vement arriveront en tour d'exploitation. 

Des expériences faites lors des opérations de 1894, il résulte que le 
poids du liège brut marchand que chaque arbre est susceptible de 
produire est d'environ 5 kil. 750 gr. 

Le prix du quintal de liège ordinaire, bouilli, râclé, visé, mis en 
balies et rendu à quai à Tabarca peut être évalué à 45 francs. 

_ Les frais d'exploitation sont par quintal : 


1° Frais de récolte (35 arbres en moyenne par 100 kil. de liège en 
pales OMfr.10%c:lun:..7,.....:. Radars re le ee Er 50 
2° Transport du liège 4 He de l’arbre aux re de con- 
centration sur les chemins..,..... 10000066 Ébbo op Doaboococ LS 
3° Transport à Tabarca à dos de Mulet, calculé sur une 


moyenne de 20 kilomètres.. .......... en ee DIE DEEE GEO DR 
4° Frais généraux, râclage, ébullition, mise en balles. D 
NOlAIERERPEE -Er-0014450 


En déduisant du prix de vente à Tabarca les frais d'exploitation et 
de transport, il reste pour prix sur pied du quintal de liège visé 
30 fr. 50, soit 15.26 pour prix sur pied du quintal brut. 


372 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Pendant les treize dernières années, la production moyenne an- 
nuelle des forêts de la Régence a été de : 

9,000 mètres cubes de bois-d'œuvre (Chêne-Zéen); 

35,000 quintaux d'écorce à tan (Chêne-Liège). 

Depuis 1892, il est récolté par an, en moyenne, 7,000 quintaux de 
liège de reproduction. Des recettes annuelles dépassent actuellement 
600,000 francs et iront constamment en augmentant par suite de la 
mise en valeur progressive des massifs forestiers. 

Le service des forêts procède chaque année à trois adjudications de 
produits forestiers : au printemps (avril), il adjuge les coupes d’écorces 
à tan (gros Chênes-Liège impropres à la production); en été (fin août) 
il vend au quintal métrique les lièges de reproduction récoltés par 
ses soins et empilés sur des places de dépôt (Aïn-Draham, Babouch, 
Tabarca, Ghardimaou) ; en automne (octobre et novembre) il met en 
adjudication les coupes de bois d'œuvre (Chênes-Zéen) pour la fabri- 
calion des traverses de chemins de fer. 

La Norvège a importé en 1896, 579,330 kilos de liège valant 347,600 
couronnes. La même année la Suède a recu 2,612,916 kilos de liège 
valant 1,776,783 couronnes et 33,636 kilos de bouchons valant 175,308 
couronnes. Enfin, le Danemark, pour l’année 1894, a importé 1,339,138 
kilos de liège. 

Ces chiffres justifient la part qui a été faite aux produits forestiers 
dans la Section tunisienne à l'Exposition de Bergen. 


(La Tunisie à l'Exposition internationale de pêche à Bergen, 
1898, p. 17-20.) 


>< 


LE BoIS DE TEAK. 


Le bois de Teak, extrêmement dur, tres résistant, incorruptible et 
inattaquable par les Insectes, est excessivement précieux pour les 
charpentes dans les pays intertropicaux et pour les constructions 
navales, quoique, pour ce dernier usage, on lui reproche sa trop 
grande densité; ce reproche perd, d’ailleurs, sa raison d'être chaque 
jour, la construction en fer devenant générale pour les navires et le 
bois de Teak n'y entrant plus que pour les ponts qui, faits ainsi, sont 
inusables. à 

Cet arbre est une des richesses des contrées de l’Indo-Chine où il 
pousse naturellement et où on en rencontre de grandes forêts, mais 
son exploitation présente de sérieuses difficultés. La Revue francaise 
donne, dans l'excellent article suivant (1), les conditions actuelles de 


(1) Reproduit ici d’après le Cosmos, 24 septembre 1898, 


EXTRAITS ET ANALYSES. 373 


cette industrie et les moyens he pour satisfaire à une demande 
toujours croissante. 

Les forêts de bois de Teak se rencontrent surtout dans le Nord du 
Siam, notamment aux environs de Nan, de Chieng-Maï, de Lampoon 
et sur la rive droite de Meï-Ping. 

Dès 1860, la Borneo Company avait des agents dans ces régions, mais 
c'est seulement depuis dix ans que le commerce du bois de Teak a 
pris une grande importance, qui date de l’époque de la création d’un 
vice-consulat d'Angleterre à Chieng-Maï. 

Presque tous les locataires des forêts de ce bois sont birmans en 
apparence, anglais en réalité. Le locataire birman a, en effet, fort 
peu de ressources, et, lorsqu'il a obtenu la concession d’une forêt, 
il est obligé, pour l’exploiter, d'emprunter des capitaux aux maisons 
anglaises de Bangkok. Ces capitaux lui sont fournis à gros intérêts, à 
condition, en outre, que le bois de Teak soit livré sur telle rivière et 
à un prix fixé d'avance. 

La moilié du capital emprunté est consacrée à l'achat d'Éléphants. 
Cela n’est pas surprenant, car un Éléphant ordinaire coûte 1,000 rou- 
pies, et un Éléphant de choix 3,000. Or, il en faut parfois cinquante 
pour des forêts éloignées et d’un accès difficile. Le reste est destiné à 
faire des avances aux coolies sur leurs gages et à subvenir aux dé- 
penses d'exploitation pendant les trois ou quatre ans qu’il faut atten- 
dre avant qu'aucun pied de bois de Teak n'arrive sur le marché. 

La première année, on fait à l'arbre, à un mètre du sol, une entaille 
circulaire par laquelle la sève s'écoule. A la suite de cette saignée, 
l’arbre sèche et meurt; cette opération est nécessaire, car l'arbre vert 
ne pourrait pas flotter. La deuxième année, on abat l'arbre et on 
l’élague. La troisième année, lorsqu'il est tout à fait sec, l'arbre est 
transporté par les Éléphants jusqu'aux ruisseaux, d’où il descend 
jusqu’à Bangkok, à l’aide du courant. 

Pour que l'arbre flotté arrive à bon port, il ne faut pas qu'il y ait 
trop peu d’eau, ni trop. 

Lorsqu'il y a trop d’eau, le pays étant inondé, les radeaux s’aven- 
turent au delà des berges normales, et, en cas de baisse des eaux, les 
bois restent échoués au milieu des terres et sont perdus. Lorsqu'il n’y 
a pas assez d’eau, il n’y a qu’à attendre à l’année suivante. 

On met sur les bois la marque de la Compagnie. Une fois arrivés à 
la rivière, les bois sont réunis au nombre d'environ 130 pieds et 
constituent des radeaux qui se forment en juin à Raheng, sur le Mei- 
Ping et à Sokotai sur le Me-Yom. Des bateliers sont ensuite engagés 
à raison de sept ou huit par radeau, et, se bâtissant une hutte dessus, 
ils descendent avec lui le cours du fleuve. Il faut quinze jours à un 
train de bois pour descendre de Raheng à Paknampoh; trois jours de 
là à Cheï-Mat, où l’on paie la taxe à l'administration siamoise; dix 
jours après on atteint Bangkok. 

Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1898, — 2 


TS ND LES, TG dE Oh AT tes dé ere 
| ' er : ci <cèa 


De D CPS RP LS 


374 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’AUCLIMATATION. 


Avant d'atteindre une de ces trois rivières à l'aide des Éléphants ou 
par les ruisseaux, il faut parfois de longs mois, et c’est ainsi que cer- 
tains trains de bois mettent un an pour arriver à destination, sans 
compter qu'en route de nombreux vols sont commis, souvent même 
par les domestiques et coolies du localaire de la forêt. 

Le régime des forêts est très variable suivant les provinces. Les con- 
cessions sont données directement par les gouverneurs dans les pro- 
vinces de Chieng-Haï, Raheng et Lokhon ; elles ont une durée limitée, 
le plus souvent trois ans. Aussi le concessionnaire dévaste-t-il le plus 
vite possible sa concession, saignant, abaltant même les jeunes tailles, 
sans scrupules pour l'avenir. Il faudrait, comme les Anglais l’ont fait 
en Birmanie, réglementer cette exploitation et attendre, pour couper 
un arbre, qu'il ait atteint une certaine circonférence. 

On estime à 5,600,000 francs la valeur du bois de Teak tiré par an 
des forêts du Siam. Comme il faut compter, dans ce commerce, sur un 
espace de quaire ans pour en relirer un bénéfice, on peut dire que le 
capital engagé dans ce commerce est de 26,400,000 francs, et l’on 
évalue à 4,700.000 francs le revenu annuel reliré par le gouvernement 
siamois au moyen des taxes percues sur le bois de Teak. Ce revenu 
sera doublé le jour où l’on exploitera les forêts de Nan et du Nord de 
Luang-Prabang. 

Le Borneo Company et le Bombay Birmah Trading Corporation achètent 
plus de la moitié du bois de Teak proveuant du Siam. Tokay Lam- 
Lam, Chinois protégé français, vient ensuite comme acheteur. 

Le marché principal du bois de Teak est à Londres; on le paie en- 
viron 200 francs par stère. En 1895, l'importation de ce bois à Londres 
a été de 20,280 tonnes contre 9,720 tonnes en 1894. Les envois totaux 
du Siam et de la Birmanie en Europe ont élé, en 1895, de 70,800 tonnes 
contre 51,400 tonnes en 1894. 

Il serait intéressant de savoir quelle est la quantité de boïs de Teak 
importée en France. C’est là une question de douane, car le marché de 
Teak se trouvant à Londres, c'est de ce point que sont expédiés tous 
les chargements à destivation de la France. Il faut cependant excepter 
ï les achats faits par notre marine qui sont envoyés en France par Saï- 
gon. Ce n'est que depuis peu que la Marine a compris l'avantage de 
s’approvisionner directement à Bangkok. Elle profite aussi, pour ses 
transports en France, des gros vapeurs de la Compagnie Nationale qui 
amènent périodiquement en Indo-Chine troupes et approvisionnements 
à et reviennent parfois à vide. Le premier achat direct remonte à mars 
| 1893; il a dû être satisfaisant, car, depuis cette époque, les achats 
n'ont fait que progresser. 

L'industrie du Teak amène tout naturellement à parler de ses prin- 
cipaux ouvriers, les Khamous, dont le rôle est très important dass les 
travaux d'exploitation des forêts. 

Les Khamous constituent la tribu des « Kas-Khamous » de la région 


Le 
Fr 
= 


en TU 


NY MELON 
: x 


EXTRAITS ET ANALYSES. 315 


du Nam-Hou et relèvent de Luang-Prabang. Ils sont fetichistes et ont 
un idiome spécial; sous le régime siamois, ils étaient durement ex- 
ploités; on leur envoyait des mandarins qui, sous prétexte de prélever 
l'impôt du Riz, se livraient à de telles concussions que les Khamous 
émigraient en graud nombre sur la rive droite du fleuve. Depuis 
vingt-un ans, quarante mille Khamous auraient ainsi émigré sous la 
conduite de chefs appelés nat-rot. 

En arrivant dans les principautés de Chieng-Haï, de Lakou, de Preh 
et de Nan, ces naï-roï passaient des contrats pour l'exploitation des 
forêts de Teak avec les Birmans qui en sont, pour ainsi dire, les seuls 
concessionnaires. 

Les travaux des forêts se font pendant les pluies, de juin à novem- 
bre, et les Khamous sont d'excellents ouvriers pour ce travail; pen- 
dant la saison sèche, ils sont employés aux travaux domestiques chez 
les concessionnaires. 

Depuis le traité franco-siamois de 1893, les Khamous, placés sous 
une administration régulière, n'ont plus les mêmes tendances à émi- 
grer; déjà même beaucoup d'anciens émigrants reviennent de la rive 
droite sur la rive gauche (française) du Mékong, de sorte que la main- 
d'œuvre des Khamous, si bon marché et si précieuse pour les bois, 
menace de devenir plus rare. 

Aussi les compagnies anglaises songent-elles à s'adresser aux Ka- 
rènes de la rive gauche de la Salonen; mais, avec eux, le salaire et, 
par suite, le prix du bois de Teak augmentleront sensiblement. 

En raison de cette migration, il ne serait pas impossible de détourner, 
en partie du moins, le courant commercial du bois de Teak de Bang- 
kok sur Pnom-Penh, par la voie du Mékong. Mais il n’y faut as 
songer pour le moment, après l'exploration hydrographique du Mékong 


_ par le lieutenant de vaisseau G Simon. Plus tard, quand le fleuve 


aura élé balisé, quand ses rapides auront élé rendus praticables à la 
suite de travaux qui ne peuvent être que l’œuvre du lemps, il sera 
possible d'utiliser ces magnifiques biefs et de rendre navigables au 
commerce les passages difficiles qui les séparent. Déjà les vapeurs de 
la Compagnie des Messageries fluviales nariguent sur le Mékong cen- 
tral, non sans difficultés, il est vrai. Ce résultat inespéré est plein de 
promesses pour l'avenir et de bon augure pour le développement du 
Laos. B. 


= 
À 
DE 


BEexG1x (A.). Note sur les Zébus de 
la plaine de Bône, 209. 
BErTaincHauD (E.). Notes sur les 
cires d’Abeilles de Tunisie, 

205. 

Brom {G.-A.). Mammifères appri- 
voisés au Congo français, 163. 

Caxu (E.). Rapport sur les travaux 
exécutés en 1896 à la station 
aquicole de Boulogne-sur-Mer, 
23-63. 

CASTONNER DEs Fosses. Les pro- 
ductions végétales et animales 
de Crète, 35. 

Causrier (E.). L’Ivoire à l'Exposi- 
tion coloniale de Bruxelles- 
Tervueren, 3. 

CHAPPELLIER (Paul). Essais de cul- 
ture sur le Safran et l’Igname, 
53.. 

— Essai de culture sur le Srachys, 
le Safran et l’Igname de Chine, 
298. 

Caror (C.). Sur la culture du 
Caoutchouc de Céara au Congo 
français, 120. 

CLARTÉ (J.). L’acclimatation à Co- 
quimbo (Chili), de Faisans im- 
portés d'Angleterre, 173. 

— Appel aux enfants pour la pro- 
tection des Oiseaux utiles, 
474 

CLémenr (A.-L.). Abeilles et Guêpes 
vivant en superposition dans la 
même ruche, 254, 

— Les plantes mellifères et le Nec- 

tar, 349. 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. 


CzermonrT (pe). Le Pigeon. voyageur 
est-il nn animal domestique ? 
202. 

CLos (D' D.). Expériences d’acclima- 
tation végétale faites au Jardin 
botanique de Toulouse, 269. 

— Récolte de graines de Ginko Gi | 
loba et de Zizyphus sinensis au 
Jardin des plantes de Toulouse, 
301. à 

Conrévron (De). Lérots et Muscar- 
dins, 241. à 

Cossan-EwarT (1.). 4 
Zèbre de Burchell et de la 

Jument obtenus en Écosse 

à 


* 


Hybrides du 


309. 
Coupix (H.). Sur la conservation des 
Crosnes du Japon, 353. 

Cros :D°. Cultures dans les Pyré- 
nées orientales, 199. 
CHazaz (L.). L’amputetion de l’o- 
reille externe n'empêche pas les 
Chats de chasser les Oiseaux, 
10 
Decrorx (E.). Projet de langage 
phonétique uuiversel pour la 
conduite des Animaux, 241. 
Deravaz (A.). La Jacinthe d’eau 
cultivée à Saint-Max-lès-Nancy, 
154% 
Dusour (Aïlbert). La théorie et la 
pratique des réserves de pêch 
côtière. Le cantonnement d'En- 
doume près de Marseille, 132. 
DyBowsxr (J.). Sur une Graminé 
du Soudan (Paspalum longifo- 
rum), 143. $ 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS. 


Foa(Ed.). Note sur les Éléphants sau- 
vages de l’Afrique australe, 302. 

— La Mouche Tsé-tsé, 137. 

Germain (P.). Observations sur les 
Llamas domestiques des hauts 
plateaux du Béni en Bolivie, 
230. 

HgcxeL (D'). Encouragement à don- 
ner aux cultures coloniales, 201. 

Kisainouye (D' K.). L'industrie des 
pêches au Japon, 233. 

LaBBé (Paul). Sur l'élevage, l’apicul- 
ture et la pêche dans le gouver- 
nement de Semipalatinsk, 227. 

LIVINGSTONE STONE. Les débuts de la 
pisciculture aux Etats - Unis, 
331. 

MacHano DE Carvarxo. Les can- 
tonnements de pêche dans la 
Méditerranée, 129. 

_Marnzes (Ch.). De la domestication 
du Lézard de murailles, 218. 

MarcHaL (Paul). L’Aspidiotus per- 
niciosus où « San Jose Scale » 
des Etats-Unis, 277. 

Masraier (A.). Une visite à la ferme 
d’Autruches de Matarieh, près 
du Caire, 250. 

Mérez (F.).La Perruche ondulée, 81. 

MEuULEMAN. Les animaux domes- 
tiques de l'Etat indépendant 
du Congo, 74. 

Micus-PouriNcon (A.). Allocution 
prononcée à l’ouverture de la 
Section de colonisation, à la 
séance du 31 janvier 1898, 154. 

Mrene-Enwanps (A.). Les arbres à 
Gutta-percha à la Grande-Co- 
more, 307. 

NauDiN (Ch.). Réflexions au sujet 
d’une plante hybride extravr- 
dinaire de la famille des Cam- 
panulacées, 177. 

Paris. Essais d’acclimatation en 
Indo-Chine, 97. 


371 


PERRET (V.). Cultures de la Vanille, 
de la Vigne, du Caféier et du 
Mûrier combinées avec l’éle- 
vage du Ver à soie en Nouvelle 
Calédonie, 180. 

Perrir (A.). Manière d'envoyer des 
Poissons malades au point de 
vue de la recherche des Myxo- 
sporidies, 164. 

PiNarT (A.-L.). La culture du Ba- 
nanier dans l’Amérique centrale 
et le commerce des Bananes 
aux Etats-Unis, 13. 

RavereTr-WATTELz. Allocution pro- 
noncée à la séance générale du 
26 novembre 1897, 1. 

— Sur les travaux de pisciculture de 
M. Goubert à Rouen, 113. 

Rivière (Ch.). Les progrès de l’api- 
culture en Algérie, 116. 

RoGeron (Gabriel). L’albinisme et le 
mélanisme chez le Canard sau- 
vage, 81. 

SAGNIER (H.). Le Jardin botanique 
de Saint-Pétersbourg, 276. 

Tarésaux (F.). Essai d’acclimatation 
du Rossignol du Japon aux en- 
virons de Paris, 145. 


Tricaur-Genesre (E.). Les atte- 


lages de Chiens en France, 
165. 

Trouessart (D'). Le Mammouth et 
l’Ivoire de Sibérie, 41. 

VaiLLanT (Léon). La ménagerie des 
Reptiles au Muséum d'histoire 
naturelle de Paris, 263. 

Vireoucaevirex (J.). L'Atriplez se- 
mibaccatuin 221. 

Vormin (J.). Le Saumon de Califor- 
nie à l'Ecole de viticulture de 
Beaune [Côte-d’Or), 104. 

Wacouez (P.). De la possibilité de 
conserver les Hirondelles pen- 
dant l'hiver sous le climat de 
Paris, 214. 


FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS. 


378 


INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX 


MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. 


Abeilles, 205-254. 
Argas, 207. 


Aspidiotus perniciosus, 271. 


Autruches, 250. 

Canard sauvage, 87. 
Chats, 199. 

Chiens, 165. 

Criquet migrateur, 37. 
Ecrevisses, 23. 
Eléphants, 302. 
Faisans, 173. 

Guêpes, 254. 
Hirondelles, 214. 
Holotyrus coccinella, 112 
Huîtres, 40 

Jument, 309. 

Lacerta muralis, 218. 
Leiothryæ luteus, 145. 
Lézard de murailles, 218. 


Lérots, 247. 

Llamas, 230. 
Mammouth, 41. 
Moineau, 80. 

Mouche Tsé-tsé, 137. 
Muscardins, 248. 
Myxosporidies, 164. 
Perruche oudulée, 81. 
Pigeon voyageur, 202. 
Rossignol du Japon, 145. 
San Jose Scale, 277. 
Saumon, 23. 

Saumon de Californie, 104. 
Touille-Canard, 112. 
Truite de mer, 23. 

Ver à soie, 180. 

Zèbre de Burchell, 309. 
Zébus, 209. 


FIN DE L'INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX. 


INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX 


MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. 


Atriplez semibaccatum, 221. 


Bananier, 13. 

Caféier, 180. 

Café de Libéria, 297. 
Caoutchouc de Ceara, 120. 
Crosnes du Japon, 355. 
Ginko biloba, 301. 
Ignames, 53. 

Igname de Chine, 298. 
Jacinthe d’eau, 151 
Lys, 39. 

Maïs, 108. 

Manihot Glaziowit. 


FIN DE L'INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX. 


Mûrier, 180. 


379 


N’Djembo, Liane à caoutchouc, 38. 


Olivier, 175. 

Paspalum longiflorum, 143. 
Piaropus srassipes, 151. 
Safran, 53-298. 

Salt-bush, 221. 

Séachys, 298. 

Truffes, 37. 

Vanille, 180. 

Vigne, 180. 

Zizyphus sinensis, 301. 


TABLE DES MATIÈRES 


A.-L. CLÉMENT. — Abeilles et Guêpes vivant en superposition dans la 
même ruche. At etre toctee e RCE PF EUOMPERTR CNE 
Accidents produits par la piqûre des Acariens du genre Argas........ 
J. CLarRTÉ. — Acclimatation à Coquimbo (Chili) de Faisans importés 
d’Angleterre........ RE 0 eu - Use 
Gabriel RoGERON. — Albinisme et mélanisme chez le Canard sauvage. 
A. Mirue-PouTiNGon. — Allocution prononcée à l'ouverture de la seclion 
de colonisation dans la séance du 31 janvier 1898 ...... HAS AGE 
RaverRET-WAaTTEL. — Allocution prononcée à la séance générale du 
26:-novembre 1897 LL ER E EE OTEN SRE EE ARe PEER Er 
MEULEMAN. — Animaux domestiques de l’État indépendant du Congo. 
Ch. Rivière. — Abpiculture (Les progrès de l’) en Algérie........ de 
A. Mine-Evwarps. — Arbres à Gutta-Percha (Les) à la Grand 
Comore. . : 54 4e Has ss 6 RSR 
Paul MarcHaL. — Aspidiotus perniciosus (L’) ou « San Jose Scale » des 
États-Unis... .:1:.00 2 NN 
J. VizBOUCHEVITCH. — Atriplez Semibaccatum (L’) ................ 
A. MERCIER. — Autruches (Une ocrite à la ferme d’) de Matarieh près 
du Cairé:i.5. is ANT RAR NET TRE CEE SE RE CEECE EE 
A.-L. Pinarp. — Bananier (La culture du) dans l'Amérique Centrale et 
le commerce des Bananes aux États-Unis.................... 
Café de Liberia (Questionnaire sur le)........ ER RER LES 
Macxapo pe CaRvALHO. — Cantonnements de pêche (Les) dans la Mé- 
dNerranée, esse CCE CET CEE LEE CE ES 
CHaroT. — Caoutchouc de Ceara (Sur la culture du) au Congo 
française... > io de se se 2e ce DER RDS AE RE 
Champignon (Un nouveau) parasite du Lys....................... 
L. Cnazaz. — Chats (L'amputation de l'oreille externe n'empêche pas 
les) defhasser les Oiseaux. . 02 CRE 
A. TRIGANT-GEN&sTE. — Chiens (Les atlelages de) en France....... 


E. BrnraincHaux. — Cire (Notes sur la) d’abeilles en Tunisie. ...... 


TABLE DES MATIÈRES. 


Crête (Les productions végétales et animales LE OM D PDG PM EE 
Criquet migrateur (Un ennemi du) dans la République Argentine. ..... 
H. Couein. — Crosnes du Japon (Sur la conservation des).......... 
D' Cros. — Cultures dans les Pyrénées-Orientales .........,....... 
V. Perret. — Cultures de la Vanille, de la Vigne, du Caféier et du 

Mûrier combinées avec l'élevage du Ver à soie en Nouvelle-Calé- 


Acute mers en RUTOPE.- lee less ie els ciel ele ee selon e 
Ed. Foa. — Éléphants sauvages de l'Afrique Australe (Note sur les)... 
P. LagBé. — Élevage (L’), l'Apiculture et la Pêche dans le gouver- 


nement de Semipalatinsk....................... Doodécotos 
D' Hecxez. — Encouragements à donner aux cultures coloniales...... 
Paris. — Essai d’acclimatation en Indo-Chine.............,.,..., 
Etablissement de pisciculture d’Ancourt (Seine-Inférieure)............ 
D' D. Cros. — Expériences d'acclimatation végétale faites au jardin 
botanique defloulouse.." "2... ....."... Oocoos 
Graminée du Soudan (Sur une) Paspalum longiflorum............... 
P. Wacquez. — Hirondelles (De la possibilité de conserver les) pendant 
Ébivensousiles climats de Paris. eee cle cele set 
Huîtres vertes (Le cuivre dans les)...,.................. RUE : 
Cossar-EwarT. — Hybrides du Zèbre de Burchell et de la es 
GHIPRUSICRERICOSSE tetes clore oleciete moto ebele = #1» eimet aie sale Tee 
E. CausrTier. — Ivoire (L’) à l'Exposition coloniale de Bruxelles- 
TERTEEM doooddodie0oodocetobvorodboubaveocoee debout 
A. DELavaz. — Jacinthe d’eau (La) cultivée à Saint-Max-lès-Nancy.. 
H. SaGnier. — Jardin botanique de Saint-Pétersbourg............. 
DE ConFEvRON. — Lérots et Muscardins..............,.......... 
Ch. Maires. — Lézard de murailles (De la domestication du)....... 
P. GErRMaiN. — Llamas domestiques (Observations sur les) des hauts- 
plateaux du Béni en Bolivie..........:..... Débovoëcbeoc de 
MSC RS ZÉRO SN AR em ir sie eine o Gino etetosciale etauele tel aie en io le 
G.-A. Bzou. — Mammifères apprivoisés au Congo français. ......., 
D’ TrouEssarD. — Mammouth (Le) et lIvoire de Sibérie......,.... 
D' A. PETTIT. — Manière d'envoyer des Poissons malades au point de 
vue de la recherche du Myxosporidies.........., Odoo0006b au 
Edouard Foa. — Mouche Tsé-tsé (La).:..........:.,............, 
N'Djembo (Le), liane à caoutchouc du Feruan-Vaz............,,,.. 
J. CLaRTÉ. — Oiseaux utiles (Appel aux enfants pour la protection des). 
Olivier (La culture de l’) en Tripolitaine...............,.......,.. 
Origine africaine de quelques animaux domestiques en Europe......... 
HPENLeREr-tPerruchel|ondulée (La)..,:..:.1-2262 0.2... 
K. KismiNouye. — Pêches (L'industrie des) au Japon........... Ds 
R. de CLERMONT. — Pigeon voyageur (Le) est-il un animal domes- 
HME-o00o0socdoececoe Sococo000bo0o RE SOS PCR 


LIvINGSTONE STONE. — Pisciculture (Les débuts de la) aux États-Unis. 


381 


202 
317 


LOU CET pa Rd ni EEE à 


382 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 
A.-L. CLÉMENT. — Plantes mellifères (Les) et le Nectar........... OMUeUX. 
E. Decroix. — Projet de langage phonétique universel pour la conduite 

des animaux fee ON EURE CCC ET 241 
Question des petits Oiseaux. (La}a£ 48. SCORE ARRET. 19 
E. Canu. — Rapport sur les travaux exécutés en 1896 à la station 

aquicole de Boulogne-sur-Mer............... manschise os, 23-63 
D’ CLos. — Récolte de graines de Ginko biloba et de Zizyphus sinensis 

au Jardin des plantes de Toulouse......................... 301 
A. DusouT. — Réserves de pêche côtière (La théorie et la pratique des). 

Le cantonnement d'Endoume près de Marseille................ 132 
Ch. NauDin. — Réflexions au sujet d’une plante hybride extraordinaire 

de la famille des Campanulacées............ nor HERO SES 177 
Léon VarzLantT. — Reptiles (La ménagerie des) au Muséum d histoire 

naturelle de Paris. 656 EE SORTE CEE AR AEET RE 263 
F. TaiwsauT. — Rossignol du Japon (Essai d'acclimatation du) aux en- 

VIRONSIAOMBaATIS See dame CE EEE CCE DRE CO 08 LORS 
Safran (Essais de culture sur le) et l'Iguname........... JUAN SFr U à 
J. VoiriN. — Saumon de Californie (Le) à l’École de viticulture de 

Beaune (Côte-d Or)..... RE AO NT ce do LE 104 
Ea-Soie)au Soudan. 4.3 CE EC RCE TER 305 
P. CHapPELLIEK. — Stachys. Safran et Iguame de Chine (Essais de 

culture”sur le) LR ONE CPR CEE 298 
Touille-Canard (Le) (ÆHolotyrus coccinella)........................ 112 
RaverET- WATTEL, — Travaux de pisciculture de M. Goubert à Rouen. 113 
Truffes (La prétendue maladie vermineuse des)..... SEE VERRE GARE 37 
A. BENGIN. — Zébus (Notes sur les) de la plaine de Bône........... 209 


FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. 


383 


TABLE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ 


SÉANCE GÉNÉRALE. 


Séance du 20 novembre 1 897........... ne AS ET PR ESS 


SÉANCES DES SECTIONS. 


1" section. — Mammifères. 4€ section. — Entomologie. 
Séance du 21 janvier 1898... 127 | Séance du 14 février 1898... 197 
= 21Mfévrier  — "11288 = 14 mars —— oc" 200 

2€ section. — Ornithologie. 5e section. — Botanique. 
Séance du 31 janvier 1898... 159 | Séance du 15 février 1898... 257 
= 28 mars = 00 1 DO = DONNE REC 205 

3° section. — Aguiculture. 6° section. — Colonisation. 
Séance du * février 1898.... 4160 | Séance du 31 janvier 1898... 258 
— HRMarS=e -10200 —= 28 février — ... 295 


FIN DE La TABLE DES SÉANCES. 


384 
TABLE DES GRAVURES 

ASUS ÉDEPMACIDSUS Nes date ee à lee De ee Ce 0219, 280,282 
Brenda, zèbre..... à Se ed» 210 ee et OS pie AS ae EN Le 330 
Grosnes du Japon... ...:.." "2% 42-1006 
Matane, zèbre de Bürchell.%27. 2. 2 eee PTE ses. 312-343 
Mouche Tsé-tsé......... SAR OCR CO EMEA ETIENNE CES > Haut 138 
Plan de la ménagerie des Reptiles au Muséum d'histoire naturelle de 

Paris.e Menton EEE EEE CC HE RR20D 
Plan sommaire de la ferme d’Autruche de Matarieh..........,...... 251 
Romulusszèbre sr AN, DAS ne ANNEE EEE 316, 4146 319 
Ruche habitée simultanément par des Abeilles et des Guêpes......... 255 
Salle à manger de M. Wacquez (plan)... 32" Re ER AA 
Salle à manger de M. Wacquez (porte-fenêtre)................. 215-217 
Stachys-et Tgnames'de Chine... OMR CE RE CRE RE A 

FIN DES TABLES. 


VERSAILLES, IMPRIMERIES CERF, 59, RUE DUPLESSIS. 


BULLETIN 


SOCIÈTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION 


DE FRANCE 


BULLETIN 


DE LA 


Société Nationale d'Acelimatation de France 


FONDÉE LE 10 FÉVRIER 1854 


RECONNUE ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE 


Par Décret du 26 février 1855 


ANNÉE IS 49 


Van. À 
HS - ANNÉE 


PARIS 
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ 


AE a 


BULLETIN 


DE LA 


NATIONALE D'ACCHIMATATIN 


DE FRANCE 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


— 


452 ANNÉE 


A —————— 


JANVIER 135399 


SOMMAIRE 


| Boire des + ocès-verbaux des séances de la Société : 


>êche des Eponges en Tripolitaine 
 SEURAT. — Sur la culture ses plantes européennes à Mexico 


_ La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
mises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


Un numéro 2 franes ; pour les membres de Îa Société 4 fr. 50 
6) EE EC —— 


: AU SIÈGE 
DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 


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LE CARDINAL DE VIRGINIE 
CARDINALIS CARDINALIS 


SON ÉLEVAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE (1) 


par l'Abbé A. CHARRUAUD, 


Curé de Bessens (Tarn-et-Garonne). 


Il n’est pas d'amateur d'Oiseaux exotiques qui ne connaisse 
le Cardinal de Virginie, ce splendide Coccothraustidé, si 
justement recherché pour la richesse de son plumage et 
l’éclat de son chant. 

Sa robe rouge écarlate, qu'il conserve en toute saison, sa 
voix sonore et variée dont les fugues enthousiastes et les 
trilles mélodieux retentissent jour et nuit, depuis le premier 
printemps jusqu'à l’automne, époque de la mue, en font un 
des plus beaux et des plus intéressants Passereaux dont on 
puisse orner une volière. Pour ma part, je considérerais comme 
déparée une collection d'Oiseaux où le nn de Virginie 
ne figurerait pas. 

Depuis nombre d'années j'élève le Cardinal rouge, m'appli- 
quant à l’étudier sous le rapport du caractère, des mœurs et 
des habitudes. Je l’ai tenu en cage et en volière, seul et par 
couple, isolé et mêlé à une foule d’autres volatiles plus gros 
ou plus petits. 

J’ai étendu le champ de mes expériences et de mes observa- 
tions à dix couples de Cardinaux, dont cinq importés et cinq 
nés chez moi. 

Trois questions intéressent plus particulièrement l'amateur 
qui veut se livrer à l'élevage du Cardinal de Virginie. Elles 
peuvent se résumer en trois mots : Acclimatement, Socia- 
bilité et Reproduction. 


I. — ACCLIMATEMENT. 


Pour savoir si un Oiseau est plus ou moins apte à supporter 
les rigueurs de notre climat, il importe de rechercher dans 
quelle partie du monde et sous quelle latitude la nature le 


ba traître. 


(1) Communication faite à la Section d'Ornithologie dans les séances du 
28 mars et du 2 mai 1898. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899, — 1. 


2 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Or, au dire de Brehm et d’Audubon, le Cardinal rouge est 
répandu dans tout le nord de l'Amérique, principalement 
dans la Virginie, pays où le thermomètre descend en hiver à 
plusieurs degrés au-dessous de zéro. Là, les variations de 
température sont si brusques que souvent, dans la même 
journée, on éprouve un passage subit du chaud au froid. 
Il est vrai que, dans les hivers trop rudes, le Cardinal émigre 
vers le Sud, à la recherche d’une température plus clémente ; 
mais, aux premiers effluves du printemps, l'Oiseau virginien 
reprend le chemin de sa patrie, « se glissant de buisson en 
buisson, volant de forêt de forêt », devançant les femelles 
qui ne tardent pas à le suivre. C’est le moment fixé par la 
Nature pour la reproduction de l'espèce. Le couple, une fois 
formé, s’isole, choisit le coin de bois, le taillis épais, voire 
même le jardin touffu qui abritera le mieux ses amours : il y 
construit son nid et pond. 

De ces quelques données, nous pouvons conclure que le 
Cardinal rouge est un Oiseau de climat tempéré, à l'encontre 
de ses congénères, le Paroare et le Bruant commandeur, qui 
habitent les zones tropicales. C’est donc un volatile robuste, 
parfaitement organisé pour résister au froid de nos hivers. 

Les marchands ne l’ignorent pas; aussi traitent-ils le 
Cardinal sans plus de ménagements que s’il s'agissait d’un 
Oiseau français. 

En décembre 1895, étant de passage à Marseille, j'allai vi- 
siter les magasins de mon fournisseur d’exotiques. 

La température avait subi une dépression qui se traduisit, 
au lever du jour, par une forte gelée. : 

A mon arrivée, mon marchand mettait à l'étalage une 
grande cage dans laquelle flamboyaient de gros Oiseaux, 
rouges comme des Pivoines. Même à distance un amateur ne 
pouvait s’y méprendre : c'étaient des Cardinaux. 

Bien qu'une longue expérience m'eût appris que ces Oiseaux 
sont assez solidement trempés pour résister au froid, il me pa- 
rut imprudent d'exposer au grand air de cette matinée excep- 
tionnellement rude, avant que le soleil n’eût un peu réchauffé 
l'atmosphère, des sujets d'importation récente. Je ne manquai 
pas d’en faire la remarque. Il me fut répondu le plus tranquil- 
lement du monde : « Ne craignez rien, M. l’abhé, le Cardinal 
de Virginie est robuste et n’a pas besoin d'être acclimaté. » 

Vous objecterez peut-être que la Provence n’est pas... la 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 3 


Normandie : que le même Oiseau, qui se montre robuste sur 
les bords de la Méditerranée, pourrait bien succomber sur 
les rives de la Loire ou de la Seine. 

Heureusement il n’en est rien. Lisez ce passage d’une lettre 
que m'adressait de Poitiers, le 7 février 1896, mon honorable 
et excellent ami, M. Jarrassé, ancien magistrat : « Mes 
Cardinaux, installés dans la grande volière, ont jusqu'à 
présent, supporté, sans paraître en souffrir, l'hiver assez 
doux que nous traversons, mais plus froid depuis quelques 
jours. » - 

Et le 30 avril suivant : « Mes Cardinaux rouges se portent 
à merveille, bien qu'ils aient constamment refusé de se 
réfugier sous l’abri couvert, passant leurs nuits perchés sur 
les branches des arbustes, toutes ruisselantes de pluie, se- 
couées par les vents ou couvertes de neige. » 

Dans ce même mois de février 1896, une Française, domi- 
ciliée en Hollande, m'écrivait ce qui suit : « Je suis désolée! 
La semaine dernière ma femme de chambre a laissé par 
étourderie la porte de la volière ouverte; et mon Cardinal, 
mon joli Cardinal rouge, que je venais de recevoir d’Ams- 
terdam, en a profité pour prendre la clé des champs... Où 
est-il? pas bien loin sans doute, puisque ma fille l’a vu ce 
matin même sautillant dans les allées du parce à la recherche 
de sa nourriture. Et moi qui le croyais mort de froid après les 
nuits vraiment sibériennes que nous venons de traverser | 
Mais non, ilest bien vivant et plein de santé. Pourrons-nous 
le rattraper? Si vous connaissez un moyen quelconque, de 
orace | M. l'abbé, indiquez-le-moi par retour du courrier. » 

Enfin, voici ce qu'on lit dans L’Acclimatalion, à la page 
42 de l’année 1880, sur la signature de M. Philippe Delamain : 
« Des Cardinaux rouges ont admirablement supporté en plein 
air le froid qui n’a pas dépassé 12° au-lessous de zéro, mais 
qui a persisté pendant plus de six semaines. » 

Il me serait facile de multiplier ces sortes de citations, 
toutes plus concluantes les unes que les autres. Maïs j'ai hâte 
de faire connaître le résultat de mes expériences personnelles. 

J’ai donc mis successivement à l'épreuve cinq couples de 
Cardinaux importés et cinq couples de ces mêmes Oiseaux 
nés chez moi. De ces derniers il ne saurait être question ici. 
Le Cardinal d’origine française est, en effet, bâti à chaux et à 
sable. Par le fait de sa naissance sous notre climat, il acquiert, 


|! ANA PTE 


4 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


on peut le dire, un tempérament d'acier : aussi le voit-on se 
rouler dans la neige avec volupté et se baigner par le temps 
le plus froid, comme un simple Pierrot. 

Les autres, les importés, m'ont toujours été expédiés de 
Marseille dans le courant du mois de décembre ou du mois 
de janvier, c'est-à-dire au cœur même de la mauvaise saison. 
Le jour de leur arrivée, ils étaient hic et nunc lâchés dans 
une volière dont il importe de donner la description. 

Cette volière est très mal exposée, elle fait face au couchant 
et se trouve ainsi battue dans toute sa longueur par le vent 
du Nord. Deux parties la composent. L’une est une sorte de 
châlet d'aspect aussi gracieux que de construction peu con- 
fortable. En effet, à part le mur du fond qui lui sert d'appui, 
il est entièrement bâti en cloisons de briques posées sur 
champ et couvert d’une simple toiture de tuiles plates, dites 
à crochet. Entre la toiture et le sol, pas de plafond. Sur le 
devant deux portes, d’inégales dimensions et à double battant, 
en protègent l'entrée : la plus grande est vitrée et donne ainsi 
passage à la lumière qui pénètre à flots dans l’intérieur; la 
plus petite, qui s'ouvre sur le sol, est pleine. 

L'autre partie de la volière comprend le prolongement clas- 
sique à air libre, planté d’arbustes verts et entourés de treil- 
lage sur toutes ses faces. C’est là que mes pensionnaires vont 
humer le grand air, se gorger de soleil et s’enivrer de liberté. 

Comme on le voit, ce home de ma gent emplumée ne répond 
nullement aux exigences d’une bonne installation. 

Le froid, le chaud, la pluie et le beau temps s’y disputent 
l'empire. Quant à la maisonnette, si elle est suffisamment 
close pour que les Oiseaux s’y trouvent à l'abri des pertur- 
bations atmosphériques, en revanche sa maconnerie trop 
légère ne peut les protéger contre les refroidissements de la 
température. Aussi, que de fois au matin de ces belles nuits 
étoilées de notre période hivernale, et même durant ces 
journées grises où le vent du Nord-Ouest charrie d’épais 
nuages de neige, que de fois j'ai dû plonger les abreuvoirs 
dans l’eau bouillante pour en faire fondre la glace que le bec 
des Oiseaux ne pouvait plus percer ! 

Eh bien, c'est « dans ce modeste et simple asile », je le 
répète, que j'ai toujours lâché mes Cardinaux au sortir de 
leur cage-transport. Afin de leur rendre familier l’intérieur 
du châlet, où sont les mangeoirs et les abreuvoirs, je les y 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 5 


tenais enfermés, en compagnie des anciens du logis, pendant 
quarante-huit heures au moins. Puis, un beau matin de gai 
soleil, j'ouvrais un côté de la porte du fond, et frroul! c'était 
aussitôt une envolée générale vers le grand air et la pleine 
lumière. À partir de ce moment, les nouveaux venus avaient, 
comme les autres, la libre jouissance de l’espace grillagé, 
Est-il besoin d'ajouter qu'ils en usaient largement, sans 
s'inquiéter le moins du monde de la pluie ou du beau temps ? 
Toutefois, lorsque le vent du Nord soufflait avec violence ou 
que le baromètre annonçait une tempête, j'obligeais les 
Cardinaux à passer la nuit dans le châlet, où se réfugiaient 
d'eux-mêmes leurs compagnons de captivité. 

Au contraire, lorsque la nuit était calme, que pas un souffle 
n’agitait l’air, quel que fût d’ailleurs le degré de la tempéra- 
ture, je laissais mes Cardinaux, mâle et femelle, agir à leur 
guise, et, si le cœur leur en disait, ils avaient toute liberté 
de dormir à la belle étoile. 

Eh bien, jamais je n’en ai perdu un seul. 

Il m'est donc permis de conclure avec le marchand de 
Marseille : « Le Cardinal de Virginie est robuste et n’a pas 
besoin d’être acclimaté. » 

Est-ce à dire que l’on puisse impunément faire hiverner 
les Cardinaux rouges en volière ouverte? Ce serait singulière- 
ment se méprendre sur le sens de nos déclarations précé- 
dentes. Un Oiseau — qu'on veuille bien le remarquer — peut 
être très robuste, c’est-à-dire, d’une complexion assez forte 
pour résister aux plus basses températures, sans avoir pour 
cela une constitution apte à braver sans danger l'influence 
autrement funeste des courants d'air et, a fortiori, des vents 
impétueux et glacés de la mauvaise saison. Pour un Car- 
dinal qui sortirait sain et sauf de l'épreuve, bien d’autres, 
dont la santé aurait été ébranlée par les fatigues du voyage, 
ou qui porteraient dans leur organisme le germe d’une ma- 
ladie plus ou moins grave, y succomberaient infailliblement. 
L’amateur prudent ménagera donc à ses Cardinaux nouvelle- 
ment importés un réduit quelconque où ils auront la facilité 
de se retirer durant le jour et à l'approche de la nuit pour se 
garantir des injures du temps. Mais ceci ne peut infirmer en 
rien notre thèse sur la rusticité de l'Oiseau virginien. 


(A suivre.) 


L RS. 2  OÉ : 


SUR LE TUBERCULE AÉRIEN 


DU DIOSCOREA HOFFA J. ne CoRDeMoOY (1) 


par Édouard HECKEL et Fr. SCHLAGDENHAUFFEN. 


HISTORIQUE ET BOTANIQUE. 


En 1892, dans un article inséré au Bulletin de la Société 
nationale d'Acclimatation de France (mars et avril) nous 
avons fait connaitre la valeur nutritive des bulbes aériens de 
Dicscorea bulbifera L. qui sont communément consommés en 
Océanie (notamment à Tahiti et en Nouvelle-Calédonie) et sur 
la côte occidentale d'Afrique, par les populations indigènes de 
nos Colonies françaises. Aujourd’hui, grâce à un envoi ré- 
cent de M. le Dr Jacob de Cordemoy, le savant auteur de la 
Flore de la Réunion, nous pouvons présenter un travail simi- 
laire sur les hulbilles d’une espèce qui paraît propre à notre 
Colonie des Mascareiïignes et que le même auteur a fait con- 
naitre sous le nom de Dioscorea Ho/ffa. Cette plante, que nous 
avons pu faire venir de bulbilles dans les serres chaudes du 
Jardin botanique de Marseille et dont nous donnons l'aspect 
général d'après une photographie (Fig. 4), présente beaucoup 
de points de ressemblance avec l'espèce linnéenne D. bulbi- 
fera. Toutefois, des différences assez marquées ont paru suf- 
fisantes à M. J. de Cordemoy pour lui permettre la création 
d'une section spécifique nouvelle présentant la diagnose déve- 
loppée que nous reproduisons ici et que nous empruntons à 
sa Flore de la Réunion : 


D. Hofza Cordemoy (ÆHofa nowe, Hofa maronne). — Grande liane volu- 
bile, tige et rameaux glabres, ceux-ci de la grosseur d'une plume d'Oie, 
subcylindriques ou parcourus par des arêtes peu saiïllantes. Feuilles 
alternes, simples, entierement glabres, amples, cordiformes, avec un 
profond sinus et des lobes arrondis à la base, brièvement acuminées 
au sommet, 7-9 palminerves, nervure médiane rectiligne, les autres 
courbes et respectivement concentriques de chaque côté, saïllantes en 
dessous, canaliculées en dessus, ainsi que les nervures secondaires 
qui sont transversales et plns ou moins perpendiculaires aux nervures 


(1) Communication faite en séance générale le 25 novembre 1898. 


LE TUBERCULE AÉRIEN DU DIOSCOREA HOFFA. vi 


principales, le plus souvent simples quelquefois bifurquées. Pétiole 
épaissi et légèrement incurvé à la base, FEEDS, aussi au sommet 


(20 centimètres de long) ; 
limbe 0,25 de long, 20 à 
22 centimètres de large. 
Je ne l’ai jamais vu en 
fleurs : la reproduction se 
fait par les bulbilles qui 
se développent à l’aisselle 
des feuilles. — Ces bulbilles 
soné sessiles, compactes, gla- 
bres, de couleur gris brun, 
jamais globuleuses, maïs de 
forme variable, tantôt bilo- 
bées, tantôt arrondies à la 
base et aplalies en dessus 
comme un ellipsoide coupé 
suivant le plan d'un méri- 
dien, éantôt quadrangu- 
laires. ou polyédriques et 
limitées par des faces plus 
où moins planes ow courbes, 
séparées par des arêles vives. 
La surface est creusée par 
de petites alvéoles circons- 
criles par des rebords peu 
saillants, rangées plus ou 
moins régulièrement en li- 
gnes concentriques. Sur le 
milieu de la face ou des 
faces opposées au hile 0% 
latérales, se trouvent de pe- 
iles excavations au fond 
desquelles naïssent les jeunes 
bourgeons (1). 

Vivace par son rhizome, 
qui est de la grosseur 
d'une noix, cette espèce 
se dessèche à partir de 
juillet. Les bulbillés pous- 
sent leurs bourgeons en 


Fig. 1. — Dioscorea Hofa. 


Aspect général de la plante, d’après une 
photographie. 


septembre. Assez commune dans les ravines de l’île de la Réunion, 
les lieux incultes et escarpés (Saint-Benoïit). 


(4) Nous avons recu de M. J. de Cordemoy un lot de bulbilles de cette 
espèce et après en avoir planté quelques-unes au Jardin botanique, nous en pla- 


8 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


En dehors des différences signalées ci-dessus dans l'appareil 
végétatif proprement dit, il y a lieu d'insister ici sur les 
dissemblances morphologiques que présentent les bulbilles 
dans les deux espèces 
D. bulbifera et Hofja ; 
il convient d'y joindre 
aussi les différences ci- 
dessus signalées entre 
les processus germina- 
tifs de ces deux bul- 
billes. Maïs un fait que 
nous ne devons point 
passer sous silence, 
c'est que le bulbe aé- 
rien du Dioscorea 
Hoffa, qui est consom- 
mé couramment par 
les populations malga- 
ches de la Réunion à 
l’égal de celui du Dané 
par les indigènes de 
l'Afrique occidentale et 
de l'Océanie, n’a jamais 
été tenu pour suspect 
de toxicité; ce qui, 
nous l'avons indiqué et prouvé dans notre mémoire précité 
sur les bulbilles de D. bulbifera, n’est pas le cas pour cette 
dernière espèce. C’est là une nouvelle dissemblance. Il nous a 
paru que pour justifier encore la séparation établie ou pour la 


Fig. 2, — Dioscorea Hofa. 


Bulbe ayant germé dans un bocal après 
dessiccation à l’air libre. 


çâmes un certain nombre dans les collections du Musée colonial de Marseille 
après les avoir au préalable autant que possible (par un soleil d'été), fait sécher 
à l'air libre. Deux mois après, le bocal qui les renfermait était rempli par les 
tiges roulées en spirales qui s'étaient développées avec une vigueur et une 
abondance peu communes et tout à fait inattendues. Rien de ce genre ne s’était 
produit dans le bocal renfermant les bulbes, aussi desséchées au préalable, du 
Dioscorea bulbifera. C’est un de ces bulbes un peu déformé par la germina- 
tion, que nous avons représenté ici (Fig. 2). Il est à remarquer que malgré les 
conditions défectueuses pour la plante dans lesquelles s’est formée la tige, 
chaque feuille portait à son aisselle un bourgeon transformé en bulbe déjà bien 
manifestement bilobé comme on pourra le voir sur le dessin donnant ce bulbe 
germé. Je n’ai point observé ce fait si net dans la germination des bulbes 
aériens de Dioscorea bulbifera, espèce que je cultive depuis longtemps au Jardin 
botanique de Marseille et qui n’y a jamais fleuri, pas plus que le Déoscorea 
Hofa planté cette année, 


LE TUBERCULE AÉRIEN DU DIOSCOREA HOFFA. 9 


combattre, il y avait lieu de rechercher si la composition ali- 
mentaire de ces deux bulbilles pouvait conduire aux mêmes 
coefficients nutritifs. C’est une des raisons qui nous ont con- 
duit à rechercher la composition chimique des bulbilles de 
Hoffa ; il était du reste intéressant de savoir à quel point est 
bien fondé l'emploi alimentaire que font de ce tubercule les 
indigènes de la Réunion. 

Avant d'entrer dans le détail de l'analyse chimique, nous 
devons dire toutefois que, au point de vue anatomique, aucune 
différence sensible ne se révèle entre les bulbilles de ces deux 
espèces. Des deux côtés, on trouve au-dessus de l’épiderme 
subérifié, une couche de parenchyme verdâtre (à chlorophylle) 
auquel succède, en allant de dehors en dedans, un tissu in- 
colore constitué par de grandes cellules à parois minces con- 
tenant de l’amidon ayant la même forme que chez D. bulbi- 
fera, le tout entremélé de cellules à raphides (oxalate de 
chaux en aiguilles). 

Voici maintenant les détails de l’analyse chimique et les 
résultats qu’elle a donnés. 


ANALYSE CHIMIQUE. 


x 


Nous enlevons à l’aide du couteau l’épiderme gris brun 
ainsi que la couche verte sous-jacente et nous soumettons 
à la rape la partie centrale. La pulpe ainsi obtenue est jaune 
verdâtre et présente très nettement les caractères de la chlo- 
rophylle. Le spectroscope permet donc de décéler la présence 
de ce principe là où l’œil ne peut plus le reconnaître, puis- 
qu'à partir de 1 1/2 à 2 millimètres de la surface le tubercule 
n’est plus coloré. 

La pulpe provenant de tubercules frais est pâteuse et adhère 
fortement aux doigts; elle contient donc une proportion 
considérable d’eau et du mucilage. Une première expérience 
est destinée à nous renseigner sur ce point; puis nous épui- 
sons la matière sèche par de l’éther de pétrole, par de l'alcool 
et de l’eau et nous déterminons le poids des divers extraits et 
la nature des principes y contenus. Une dernière opération 
consiste à incinérer la masse ainsi épuisée, afin de connaître 
la quantité de sels fixes et en retranchant de 100 l’ensemble 
des principes dosés jusqu'alors ; on obtient, par différence, le 
poids du ligneux et des matières cellulosiques. C’est ainsi que 


D 


10 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


nous avons procédé, il y a quelques années, pour établir la 
composition des bulbes aériens de Dioscorea bulbifera et des 
tubercules de Tacca pinnatifilia et involucrala(]). 

Nos opérations ont été faites sur deux bulbes du poids 
moyen de 55 gr. 2 et 51 gr. 5. 

Eau hygrométrique. La pulpe rapée est portée à l’étuve à 
air à 105° jusqu'à cessation de perte de poids. Le résultat 
nous donne 71,373 0/0. 

Extraction à l'éther de pétrole. — Aïnsi desséchée la pulpe 
est traitée par de l’éther de pétrole dans un appareil à épuise- 
ment continu. Le liquide est mordoré et fournit après évapo- 
ration et dessiccation un résidu sec de 0,484 0/0 composé 
principalement de corps gras et d’un peu de cire. 

Extraction à l'alcool. — La poudre provenant de l’opéra- 
tion précédente, soumise à l’action de l'alcool, fournit un 
liquide franchement vert dans lequel le spectroscope révèle 
aussitôt la bande d'absorption dans le rouge, caractéristique 
de la chlorophylle. Le poids de l'extrait alcoolique est de 
5,253 0/0. Il contient 3,888 0/0 de parties solubles dans l’eau, 
parmi lesquelles du sucre, une faible proportion de matière 
amère et un peu de tannin, puis 1,365 de principes insolubles. 

Extraction à l'eau. — Une partie de la poudre est destinée 
à la recherche des matières albuminoïdes. On épuise par l’eau 
et l’on constate la présence de 1,820 6/0 de principes albumi- 
noïdes, de 0,085 0/0 de sels fixes et d’un résidu, obtenu par 
différence, qui est constitué par des matières gommeuses, co- 
lorantes et mucilagineuses soit 0,140 0/0. Un dosage spécial 
en vue de connaître la proportion de matières amylacées 
fournit 6,475 0/0 calculés d'apres la quantité de glucose pro- 
venant du traitement de la pulpe par l'acide sulfurique 
étendu. 

Traitement du résidu. — En traitant une partie aliquote du 
résidu par de la chaux sodée pour voir s’il contient ou non 
des principes azotés, on trouve encore 2,185 0/0 de matières 
albuminoïdes, nombre qu'il importe d'ajouter au précédent. 

Après incinération d'une autre partie du résidu on trouve 
qu'il fournit 1,128 0/0 de sels fixes. 

Faisant par conséquent la somme de tous ces principes et 


(1) Revue des Sciences naturelles appliquées, 1892 (mars et avril), (Bulletin de 
la Socisté nationale d'Acclimatation de France). 


LE TUBERCULE AÉRIEN DU DIOSCOREA HOFFA. 11 


retranchant de 100 on obtient le résidu qui se rapporte à la 
proportion de ligneux et de matière cellulosique. Nous pou- 
vons donc, à l’aide de ces données, fixer la composition du 
tubercule de Dioscorea Hofja, de la manière suivante : 


ne RoMELIQUE Met RO MARLCNEN CT EN 4° SE 71.373 
Extraction à l’éther de pétrole : Cire, corps gras..... 0.484 
Sucre, matière amère 
| | à 3.888 
Extraction à l'alcool : 5,253 CANIN CEE 
mat. insolubles....... 1.565 
mat. albuminoïdes. .. 1.820 
aoclion à let: 2.045 SeISMIXES APP LOUE 0.085 
mat. gom., col. et mu- 
CHATINEUNSE EME LEE 0.140 
Mabrerestamylacées amidons, Le Le NS 6 47 
Matières albuminoïdes insolubles dans l’eau. ....... 2.185 
Imcinerationetsels Axes ne 2 TSI AE AA 1.128 
Par différence : cellulose, ligneux et pertes........... 11.057 
100.000 


COMPARAISON DES DEUX BULBILLES ET CONCLUSIONS. 


Le tableau que nous venons d'établir ne range pas les prin- 
cipes élémentaires dans les mêmes rubriques que celles qui se 
rapportent à notre analyse de D. bulbifera. Afin de mieux 
pouvoir effectuer la comparaison entre les deux produits, 
nous grouperons à part le poids des matières albuminoïdes 
solubles et insolubles, ce qui nous donne un total de 4.005 0/0. 
Nous réunirons de même, le poids des sels fixes: 0.085 prove- 
nant de l'extraction par l’eau et 1.128, obtenus après inciné- 
ration. De cette façon nous arrivons aux résultats suivants : 


D. Hoffa. D. bulbifera. 


Eau hygrométrique ............ He 69.234 
NIatière Grasse te MUR Are 0.484 0.159 
Sucre et glutine-caféine.. ..... 9.203 6.922 
Matières amylacées .. ...... se 6.475 3.693 
Matières albuminoïdes ......... 4.005 1.275 
Matières gommeuses et mucilagi- 
EME RS RES ES 0.140 == 

Cellulose, ligneux et pertes. .... 11.057 18.410 
SClSÉAxeS Tee. np a 1213 0.307 


100.000 100.000 


12 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


La constitution chimique n’est donc pas la même. 

Dans D. Hoffa, nous trouvons une proportion de matière 
orasse triple de celle de D. butbifera. Le poids de l'extrait 
alcoolique ne diffère pas de beaucoup. Mais les matières amy- 
lacées sont deux fois plus abondantes dans le premier que 
dans le second, et la différence entre les matières albumi- 
noïdes est encore plus grande. Enfin la proportion de cellu- 
lose de D. bulbifera représente 1 1/2 celle de D. Æofa. 

Il résulte donc de la comparaison de ces résultats que D. 
Hoffa serait un peu’plus nutritif que D. bulbifera. 


PRET 
+ cn 


13 


SUR L'EMPLOI DES OPUNTIA 


POUR ARRÊTER LES INCENDIES FORESTIERS DANS LE SUD DE LA FRANCE (1) 


par R. ROLAND-GOSSELIN, 


Délégué de la Société d’Acclimatation à Villefranche-sur-Mer. 


Colline de la Paix, 26 septembre 1898. 


Monsieur le Secrétaire général, 


Vous me demandez de résumer, pour le Bulletin, les in- 
dications que j'ai données à Bordeaux, concernant les plan- 
tations d'Opuntia dans les Landes, en bordure des carrés de 
Pins pour former des haïes ignifuges. C’est un excellent 
moyen de diminuer, peut-être même d'éviter, les chances 
d'incendie dans les pignadas si souvent ravagées par le feu. 

Comme je l’ai écrit à un grand nombre d'intéressés, l’idée 
n'est ni neuve, ni mienne. Depuis longtemps, on a conseillé, 
pour l'Algérie, la confection de haïes de ces plantes, que le 
climat chaud permet de choisir, la rusticité des grandes 
espèces étant certaine. 

Une haïe d'Opuntia ficus-indica, par exemple, ou d'espèces 
mal déterminées, à grand développement, cultivées en grand 
nombre par les Arabes pour leur fruit édible, est impéné- 
trable au feu de broussailles qu'il arrête à ses pieds. Cela est 
un fait indéniable. Je viens d’en être témoin par hasard, et 
c'est le spectacle auquel j'ai assisté qui m'a suggéré l’idée 
d'inviter les Landais et les Bordelais à des expériences. 

Il ya environ deux mois, c’est-à-dire au moment où déjà 
les broussailles de nos rochers étaient en état d’absolue 
sécheresse, le feu a pris au bord de la route de Nice à Ville- 
franche, entre le parapet et la mer, dans un endroit ouiln'ya 
pas la moindre habitation. La broussaille est composée d’her- 
bes, Graminées et autres petites plantes basses, Cystes, etc. 
et de Lentisques. Le feu crépitait ferme au moment précis où 
je passais. Quel n’a pas été mon étonnement de voir qu'il 
s’arrétait court, chaque fois qu'une touffe d’'Opuntia (à cet 


(1) Lettre lue en Séance générale le 25 novembre 1898. 


CURE ONE JS 


14 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


endroit Opuntia monacantha) se trouvait sur sa route! 
L'Opuntia ne brülait pas, à peine les jeunes articles se 
fanaient-ils. Vous comprenez qu'en ma qualité d’amateur 
de Cactées, j'ai suivi avec intérêt la convalescence de ces 
Opuntia que j'avais vus entourés de feu. Une semaine après, 
ils poussaient de nouveaux articles, les boutons à fleurs 
s’'épanouissaient, et le mal, en un mot, pour eux, était réparé, 
quand autour d’eux il n’y avait que cendres, sans la moindre 
trace de végétation. Actuellement, les pluies d'automne n’é- 
tant pas tombées encore, ces lieux sont toujours dans le même 
état. Chacun peut le constater. 

A l'endroit dont je vous parle, les Opuntia ne formaient 
que touffes isolées et non haie. En touffes, le feu se propa- 
geait tout autour, mais s’il y avait eu une haie, il se serait 
arrêté contre ces plantes ignifuges. 

Ce que je vous expose est donc un fait incontestable pour 
garantir des incendies de la brousse, dans tous pays où 
pourront croître les Opuntia assez érigés pour dominer les 
herbes locales. Il ne s’agit donc que de trouver une espèce 
s’accommodant du climat landais Je propose l'Opuntia vul- 
garis, var : balearica (Web.), que sa rusticité, ses articles 
assez érigés, épais, très aqueux, son port compact, et sa 
croissance rapide me font supposer un des plus aptes à rendre 
les services qu’on en attend. De plus il y a une autre raison. 
C’est la seule espèce susceptible de rusticité à Bordeaux et 
qui existe ici en nombre suffisant pour tenter immédiate- 
ment des expériences. L'espèce, sans être très abondante 
aux environs de Nice, se trouve sans trop de peine. On la 
cultive très peu, ses fruits n'étant pas susceptibles d'être 
confits. 

J'avais un certain nombre d'articles, quelques milliers, je les 
ai presque tous expédiés aux propriétaires de bois, sur leur 
demande, et à titre gratuit, bien entendu. Je réserve quelques 
plantes chargés de fruits qui, vers novembre, permettront 
aux amateurs de ce genre facile de multiplications, de nom- 
breux semis. 

Sans les essais multiples, personne ne peut affirmer, ni nier 
la possibilité d’acclimater cet Opuntia dans la région de 
Bordeaux. 

Je me réserve de faire, dès cet hiver, expérimenter d’autres 
espèces, mais des espèces de collection, dont je n'ai qu'un ou 


EMPLOI DES OPUNTIA CONTRE LES INCENDIES 15 


deux exemplaires et qui n’offriraient pas, à mon avis, tous 
les avantages de l'Opuntia balearica, à rusticité égale. 

Néanmoins je le ferai, pour être bien fixé sur la rusticité 
de certaines plantes. 

Voici, Monsieur le Secrétaire général, au courant de la 
plume, l’état de la question que j'ai soumise aux propriétaires 
de pignadas. 

Je livre cette lettre à votre appréciation pour le cas où vous 
croiriez devoir l’insérer au Bulletin, heureux si elle peut être 
de quelque utilité aux intéressés. 

Vous avez bien raison de dire que c’est là une question 
rentrant tout à fait dans le domaine de la Sociélé d’Acclima- 
tation. Je l'ai si bien compris, que c’est toujours au nom de 
la Sociélé, et en qualité de son délégué, que j'ai entrepris 
cette campagne utilitaire. 

Veuillez recevoir, etc. 


a nie die 
"NN a En 


16 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


SÉANCE GÉNÉRALE DU 25 NOVEMBRE 1898. 


PRÉSIDENCE DE M. RAVERET- WATTEL, VICE-PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance générale ayant été, 
selon l’usage, soumis à l'approbation du conseil, il n’en est 
pas donné lecture. 

M. le président présente les excuses de M. Le Myre de 
Vilers, président de la Sociélé, qui ne peut occuper le fau- 
teuil, étant retenu par ses fonctions parlementaires. 


Décisions DU CONSEIL, PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. 


M. le Président fait connaître que : dans sa séance du 
21 juin 1898 le Conseil a nommé délégués de la Société : 


M. le D' Heckel, professeur à la Faculté des sciences, direc- 
teur de l’Institut colonial et du Jardin botanique de 
Marseille. 

M. Robert Roland-Gosselin, Colline de la Paix à Ville- 
franche (Alpes-Maritimes). 

M. Louis Rocher, Commissaire des Douanes impériales chi- 

noises à Shang-Haï. 


M. le Président proclame les noms des Membres admis par 
le Conseil depuis la dernière séance générale : 


MM. PRÉSENTATEURS. 


Baron J. de Guerne, 
Le Myre de Vilers. 
Dr Wiet. 

Baron J. de Guerne. 
Le Myre de Vilers. 
Raveret-Wattel. 


Baron J: de Guerne. 
Le Myre de Vilers. 
D' Weber. 

Baron J. de Guerne. 


Imbert. 
Le Myre de Vilers. 


AUTIER (Alfred), conseiller général de la 
Marne, à Sainte-Menehould. 


Capcar (Victor), maire de Damigny 
(Orne). 


FouLp (Achille), député, 85, avenue Mar- 
ceau, à Paris. 


GENAND (Charles), propriétaire, à l'Oasis- 
Vevey (Suisse). 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 17 


MM. PRÉSENTATEURS. 


Baron J. de Guerne. 
) Le Myre de Vilers. 
\ À. Rozet. 


HainAuT (Alfred, professeur de musique, 
à Ancenis (Loire-Inférieure). 


rier, 31, place Longueville, à Amiens ; De Lamarche. 
(Somme). . Le Myre de Vilers. 


LAPERRIÈRE DE Cont (Mme px), 843, Calle { D' Blanchard. 
Comercio, à Buenos-Ayres (République 4 Baron J. de Guerne. 
Argenline). Le Myre de Vilers. 


IlauTCœuR (Paul), ancien “aan Baron J. de Guerne. 


Parana (Baron DE), propriétaire, à Porto { Baron J. de Guerne. 
Novo do Cunha, État de Rio-de-Janeiro 4 Le Myre de Vilers. 
(Brésil). G. Taizon. 


Debreuil. 
Baron J. de Guerne. 
M. Loyer. 


RAMBAUD, naluraliste-importateur, à Mar- 
seille (Bouches-du-Rhône). 


Baron J. de Guerne. 
Comte de Saint-Innocenl. 
Pt de Scey - Montbéliard. 


Scey DE BRuN (Comte DE), à Souvans, 
par Mont-sous-Vaudrey (Jura). 


Comte de Beauchamps. 
Baron J. de Gucrne. 
Imbert. 


SEGONZAC (Baron DE), au château de Sorel, 
par Ressons (Oise). 


ne dé 


M. le Président signale la présence du R. P. Sébire, direc- 
teur du Jardin d’essais de Thiès (Sénégal); il lui souhaïte la 
bienvenue au nom de la Société et l'invite à prendre place au 
bureau. 


DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. 


Notifications, renseignements, avis divers, généra- 
lités. — Depuis la dernière séance générale (juin 1898), la 
Société a recu avis du décès de M. Dabry de Thiersant, 
Membre honoraire et de M. Hédiard, vice-président de la 
Section de Botanique ; l’un et l’autre ont rendu à la Société 
dans des domaines différents, d'importants services, récom- 
pensés à diverses reprises par de hautes distinctions. 


— M. Caustier, Secrétaire des séances, s’excusant de ne 
pouvoir assister à la réunion, M. le Secrétaire général pro- 
cède au dépouillement de la correspondance. 

Buil. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 2, 


18 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 
— MM. Hainaut et Hautcœur remercient de leur admission. 


— MM. Roland-Gosselin et Rocher remercient le Conseil 
d’avoir bien voulu les nommer délégués de la Société et lui 
‘promettent leur concours le plus dévoué pour développer 
l’action de la Société en ce qui les concerne. 


— M. le baron de Parana écrit de Lordello (Brésil) à la date 
du 1er juin 1898, pour remercier la Société de la médaille qui 
lui a été décernée pour les croisements du Zèbre de Burchell 
avec la Jument ; il considère cette distinction, non seulement 
comme une sanction de ses travaux, mais aussi Comme un 
précieux encouragement pour les continuer et obtenir, s’il est 
possible, les meilleurs résultats pratiques. 


— M. le baron de Capanéma, délégué de la Société à Rio de 
Janeiro, adresse quelques renseignements sur l'introduction 
de divers animaux et végétaux au Brésil. Il annonce en outre 
la fondation, au Brésil, de la Société nationale d'Agriculture 

présidée par un agronome éminent, le docteur Moura Brasil. 
Cette Société fait tous ses efforts pour répandre au Brésil les 
meilleures méthodes d'élevage et de culture. M. de Capanéma 
qui en a été élu membre honoraire, espère que la Société 
d’Acclimatation voudra bien s'intéresser à cette œuvre utile. 


— M. Decaux exprime le regret de ne pouvoir prendre une 
part active aux travaux de la Société, son état de santé ne 
lui permettant pas de sortir. Il souhaite de voir ses collègues 
continuer l'étude des questions qu'il s’est efforcé lui-même 
d'approfondir, notamment celle du boisement des terrains in- 
cultes d'Algérie et de Tunisie. 


— M. Lamy, instituteur à Méricourt par Bonnières (Seine- 
et-Oise), adresse les statuts et divers documents sur la Société 
protectrice scolaire des animaux utiles qu'il a fondée dans 
l'établissement dont il est le directeur. (Renvoi à la Commis- 
sion des récompenses.) 


Ornithologie. — Aviculture. — M. L. A. Levat, prési- 
dent de la Ligue ornithophile française, à Aix en Provence, 
demande à la Société son concours financier pour la publi- : 
cation d’un compte rendu du Congrès ornithologique el 
zoophile international tenu à Gratz, en Autriche, au mois 
d'août 1898 (Renvoi du Conseil), 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 19 


— M. L. Chazal (Mb), communique divers documents con- 
cernant la protection des Oiseaux utiles dans le département 
de Seine-et-Marne et qui sont düs aux instituteurs de la 
région. (Voir : Correspondance.) 


— M.G. Rogeron (Mb), écrit de l’Arceau (Maine-et-Loire) 
que les Martres et les Mulots, ont causé un grand préjudice 
aux Palmipèdes qu’il élève depuis fort longtemps. (Voir : Cor- 
respondance.) 


— Par l'entremise de M. E. Van Muyden (Mb), M. Atherton 
Curtis adresse un mémoire publié par ses soins et intitulé : 
Dureté de cœur des Femmes. Ce travail dont l’auteur est 
Mr° Celia Thaxter, doit être répandu à un très grand nombre 
d'exemplaires: il a pour but d’intéresser les femmes à la pro- 
tection des Oiseaux utiles en empêchant surtout le massacre 
des espèces dites de parure et qui peuvent parfaitement être 
remplacées par des ornements d’une autre origine. 


Aquiculture. — M. Rambaud (Mb), naturaliste importa- 
teur à Marseille, imforme la Société qu'il peut disposer en 
ce moment de grandes Tortues géométriques de Madagascar, 
pesant 6 et 7 kilogrammes (à des prix très modérés). Ces Tor- 
tues vivent très bien en France et deviennent très grosses. 
M. Rambaud possède également des Tortues du Sénégal et de 
diverses localités de l'Amérique. 


— M. Gibert (Mb), demande des renseignements pouvant 
l’aider dans la création d’un établissement de pisciculture 
spécialement destiné à la production de la Truite arc-en-ciel. 


— M. L. Niemeyer demande, par l'entremise de M. Milne- 
Edwards, des renseignements sur la reproduction de l’An° 
guille. I] lui a été donné connaissance de divers travaux pu- 
bliés récemment sur la question, travaux dont le résumé a 
été publié dans le Bulletin de la Société en juin 1897. 


— M. D. L. Morenos écrit de Venise pour demander des 
renseignements et s’il était possible, des photographies con: : 
cernant l'Exposition internationale de pêche de Bergen. 


— M. Vañïier (Mb), dans une série de lettres, envoie des | 
renseignements sur les installations qu'il organise à l’établis< 
sement de Pierre-aux-Grains près Cluny (Saône-et-Loire); il 


MORALE Ki à o 
ï CAL: 


20 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


_ 


compte y réunir tout ce qui concerne la culture des eaux. Des 
aquariums et, en général, tous les appareils utiles ou indis- 
pensables à l’aquiculture (filtres, bacs à incubations, etc.), y 
seront fabriqués. À 

M. Vañffier a déjà pris part à diverses expositions agricoles 
qui ont eu lieu en Bourgogne, il s’efforce d'attirer l'attention 
des propriétaires sur la pisciculture et de faire en même 
temps une propagande utile en faveur de la Société d’Accli- 
matation qui depuis son origine a toujours montré l'exemple 
dans cette voie. 


— M. de Galbert (Mb) écrit de la Buisse (Isère), que M. le 
Conservateur des forêts a profité d'une vente de bois com- 
munaux qui réunissait les gardes forestiers, les maires et de 
nombreux adjudicataires de la région, pour remettre au bri- 
gadier Belle-Larant la médaille qui lui a été décernée par la 
Société pour le zèle qu'il a employé à la répression du bra- 
connage fluvial. Le Préfet était présent et a félicité publi- 
quement de cette récompense le lauréat de la Société. 

M. l'Inspecteur des forêts a également prié M. de Galbert 
de transmettre ses remerciements au Conseil de la Société 
pour l’encouragement donné au garde Belle-Larant. 


M. de Galbert adresse en outre divers renseignements sur 


le rapport concernant une modification à apporter à la loi sur 
la pêche et qu'il a précédemment communiqué à la Société 
(Renvoi à la Section d’Aquiculture,. 


Entomologie. — M. L. O. Howard, directeur du Service 
d'Entomologie au Ministère de l'Agriculture des États-Unis, 
demande l'envoi de toutes les notices, mémoires ou articles 
spéciaux d’entomologie pouvant intéresser son Service et qui 
seraient conservés à la bibliothèque de la Division entomolo- 
gique alors que les recueils d’où ils sont extraits sont placés 
dans la bibliothèque générale de ce Département. 


— M. Perret, vice-président de la Chambre d'Agriculture 
de Nouméa, adresse deux cocons formés d’une soie très fine 
et qu'il a recueillis sur des Orangers. Suivant le désir de 
M. Perret, les cocons ont été remis à M. Clément, président 
de la Section d'Entomologie. Ce sont plutôt des cocons d’A- 
raignées que de Lépidoptères. M. Clément en surveillera 
l’éclosion. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 21 


Botanique. — La Société impériale d’'horticulture russe 
envoie le programme de l'Exposition qu’elle organise pour le 
mois de mai 1899, à l’occasion du quarantième anniversaire 
de sa fondation ; elle invite la Société à y prendre part ainsi 
qu'au Congrès qui aura lieu à la même date. 

— M. Prochawsky (Mb), à propos de l'article publié par 
M. Rivière sur le Manioc en Algérie et dans le bassin médi- 
terranéen (Bulletin, nov. 1897), écrit qu'il possède une plante 
achetée par lui sous le nom de Manihot carthaginensis ; elle 
semble devoir être assez rustique,ayant passé l'hiver dernier 
en pleine terre, à Nice. M. Prochawsky espère pouvoir mettre 
quelques graines de cette plante à la disposition de M.Rivière 
et d’autres Membres de la Société. 


— M. H. Correvon adresse divers documents sur le 
Jardin alpin d’Acclimatation de Plainpalais-Genève dont il 
est le directeur. 

— Répondant à une lettre de M.le Secrétaire-général, M. le 
baron Perrier de La Bathie écrit d’Albertville (Savoie), au 
sujet du Carex alba, une lettre qui sera publiée dans le 
Bullelin. 


— M. E. Heckel (Mb), adresse de Marseille divers rensei- 
gnements sur les essais de multiplication du Dioscorea ba- 
tatas poursuivis par M. Dubiau, vice-président de la Société 
d'horticulture des Bouches-du-Rhône. Deux échantillons 
sont présentés à l'appui de cette communication qui sera 


publiée au Bulletin. 


Colonisation. — M. F. de Fels (Mb), demande des rensei- 
gnements sur la culture des Arbres à caoutchouc pouvant 
réussir à la Côte d'Ivoire. 


— M. Patin (Mb), demande des renseignements pouvant 
l’aider à développer des exploitations agricoles en Colombie. 


Cheptels, distributions de graines, etc. — En abor- 
dant cette partie de la correspondance M. le Secrétaire- 
général fait observer qu'il ne peut être donné lecture en 
séance des lettres extrêmement nombreuses de demandes de 
graines. Celles-ci ont été distribuées en quantité, grâce aux 
dons faits à la Société par plusieurs de ses Membres ; il con- 


22 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


vient de signaler entr'autres parmi eux MM. Beauchaine, 
Morel, Raymond, etc. Mention toute particulière doit être 
faite de la distribution de Jacinthes d’eau (Piaropus cras- 
sipes) accomplie par les soins de M. Delaval qui a bien voulu 
se charger de l'emballage et de l'expédition de ces plantes 
aquatiques. MM. Debreuil, Poubelle, Santiago Arcos, Pro- 
chawsky, Raymond, ont recu chacun quelques pieds de 
Piaropus. 


—. Me À. Bajac remercie des Cochons d'Inde angora qui 
lui ont été offerts par la Société. 


— M. Maurice Loyer remercie de l’envoi qui lui a été fait 
d'un Nandou femelle précédemment placé chez M. Favez- 
Verdier. 


— Me de Laperrière de Coni demande des cocons d'Atiucus 
cynthia ; eïle désire acclimater ce papillon sericigène aux en- 
virons de Buenos-Ayres. 


— M. le baron d'Yvoire, de Nernier (Haute-Savoie), et 
M. Mottaz, de Genève, demandent des cocons d’Atl{acus 
cyrnthia. 


— Au nom de M. Charles Patin, consul général de Belgique 
à Médellin (Colombie), M. L. Vallez offre à la Société des 
graines d’un arbre indéterminé de la Colombie (zone tem- 
pérée) «très convenable pour orner Jes jardins publics et 
produisant des panicules de fleurs d’un rouge vif; les feuilles 
sont grandes et d’un effet très ornemental ». | 


— M. Charles Naudin annonce un envoi de graines com- 
prenant des arbres fruitiers, industriels, d'ornement, des 
plantes potagères nouvelles, etc. 


Me de Laperrière de Coni, envoie de Buenos-Ayres une 
série de graines provenant des bords de la rivière Pilcomayo 
dans le Chaco central, touchant le Paraguay. On y trouve 
entre autres la fameuse Vicloria regia, Nymphéacée gigan- 
tesque dont les graines sont toujours peu répandues en 
Europe. 


— M. le comte R. de Chavagnac rend compte des expé- 
riences faites par lui à Chazeuil (Allier), sur des plantes dont 
les graines lui ont été envoyées par la Société, 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 23 


COMMUNICATIONS ORALES. 


M. le Secrétaire général rend compte de divers voyages 
scientifiques au cours desquels il a représenté la Société : 
1° au Congrès international de Pêche réuni à Bergen à 
l’occasion de l'Exposition ; 2° au Congrès international de 
Zoologie réuni à Cambridge (Angleterre). Un grand nombre 
de Membres de la Société ont pris part à ce Congrès comme 
délégués du Ministère de l’Instruction publique, de Sociétés 
savantes ou à titre particulier. M. Milne Edwards a été 
nommé docteur de l’Université. Pendant ce voyage ont été 
faites plusieurs excursions présentant un grand intérét au 
point de vue de l'élevage et de l’acclimatation, chez M. Walter 
Rothschild, Membre de la Société, à Tring ; chez le duc de 
Bedford, à Woburn-Abbey, et au Jardin zoologique de Lon- 
dres, où les honneurs ont été faits par M. L. Sclater, Membre 
honoraire. 

M. de Guerne a également représenté la Société au Congrès 
international des pêches maritimes tenu à Dieppe dans la 
première semaine de septembre. 

A ce propos, M. Cacheux (Mb), parle de l’organisation d’un 
Comité d'étude franco-anglais, pour l'étude des Poissons comes- 
tibles de la Manche ; les bases de l’organisation de ce Comité 
ont été jetées à Dieppe. M. Cacheux annonce ensuite que le 
prochain Congrès international de Pêche aura lieu à Paris en 
1900 pendant l'Exposition, il espère y voir un grand nombre 
de savants étrangers et souhaite que la France y soit repré- 
sentée aussi largement que possible. M. Cacheux vient d’as- 
sister en Hollande, à Utrecht, à un Congrès qui avait égale- 
ment pour objet les pêches et toutes les questions qui s’y 
rattachent. On s’y est beaucoup occupé des mesures interna- 
tionales destinées à assurer la protection du Poisson d’eau 
douce. 


— M. Bourdarie rend compte brièvement de la mission 
dont il avait été chargé par le Ministre des Colonies et qu'il 
a accomplie l'été dernier en transportant au Congo des plants 
d’'Hevea et d'Isonandra Gulta rapportés en France par feu 
Raoul. < 

M. Bourdarie informe en outre la Société que le Conseil 
municipal de Paris a voté aujourd’hui même une subvention 


24 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


de 1,000 francs accordée à la Société pour l’encourager dans 
ses travaux concernant ja protection et la domestication de 
l'Eléphant d'Afrique. 

— M. Debreuil présente une série de graines récoltées par 
lui dans son parc de Melun et qui proviennent pour la plupart 
de plantes dont les graines lui ont elles-mêmes été offertes par 
la Société. Parmi celles-ci figure le Haricot ostensoir dont les 
feuilles, de très grandes dimensions, sont présentées à l’as- 
semblée. À ce propos M. Mailles, qui a offert les graines de ce 
Haricot, rappelle la légende qui a motivé le nom de cette 
variété dont il recommande vivement la culture. 


— M. Rivière annonce qu'il remettra incessamment à la 
Société un lot de graines récoltées au Jardin d'essai du 
Hamma. Malgré son prochain départ pour l'Algérie, il espère 
pouvoir rédiger une notice concernant ces graines. 


— M. le Président remercie M. Rivière, qui, suivant 
l'exemple tant de fois donné par M. Naudin, veut bien con- 
tribuer aux essais pratiques d’acclimatation végétale en y 
faisant contribuer le bel établissement qu'il dirige. 


— Au nom de MM. E. Heckel et F. Schlagdenhauffen, 
lecture est donnée d'un mémoire sur le tubercule aérien du 
Dioscorea Hoffa J. de Cordemoy. (Voir Bulletin, ci-dessus, 
page 6). 


— Au nom de M. Roland-Gosselin, M. le Secrétaire général 
lit une notice sur les Opuntia propres à arrêter les incendies 
forestiers et en particuliers ceux des bois de Pins du sud- 
ouest de la France. M. Roland-Gosselin a déjà distribué aux 
propriétaires des Landes un grand nombre de raquettes 
d'Opuntia destinées à propager l'espèce. ( Voir ci-dessus, 
page. 13) 

Une discussion s'engage au sujet des espèces d'Opuntia 
pouvant vivre daus le sud-ouest de la France et M. Weber 
donne à ce propos des renseignements précis. 

M. Rivière ajoute que la question des Cactées utiles est à 
l'ordre du jour en Algérie, non seulement en ce qui concerne 
la lutte contre l'incendie, mais encore au point de vue de l’a- 
limentation, notamment pour le Cactus inerme propre à la 
nourriture du bétail, 

Selon M. Weber, au point de vue botanique , la plante dé- 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 25 


signée sous le nom de Cactus inerme n'est pas suffisamment 
définie, il serait à désirer que les praticiens fournissent aux 
botanistes de profession, les matériaux nécessaires pour tran- 
cher définitivement la question. M. Rivière s'engage à re- 
cueillir dès son retour en Algérie une série d'échantillons qui 
pourraient être soumis à l'examen de M. Weber. 


Le Secrélaire général, 


JULES DE GUERNE. 


2e SECTION (ORNITHOLOGIE. — AVICULTURE). 


SÉANCE DU 28 AVRIL 1893. 
PRÉSIDENCE DE M. DEBREUIL, MEMBRE DU CONSEIr. 


- M. Oustalet, Président el M. le comte de Chabannes-la-Palice, vice- 
président, s’excusent de ne pouvoir assister à la séance. 

Le procès-verbal de la dernière réunion est lu et adopté. 

M. Galichet offre à la Société un certain nombre d'exemplaires de 
de la notice qu'il vient de publier sur le Tinamou; la distribution en 
est faite immédiatement, M. le Secrélaire général demandant toute- 
fois à en conserver quelques exemplaires pour les Membres de la 
Société habitant la province. 

Lecture est donnée de la première partie d’un travail de M. l’abbé 
Charruaud, curé de Bessens {Tarn-el-Garonne) sur l'éducation de 
divers Oiseaux exotiques et plus particulièrement du Cardinal de 
Virginie. D’après les observalions de l’auteur, ce Passereau supporte 
facilement des froids très rigoureux, mais il est dangereux pour ses 
compagnons de volière et même pour les jeunes des RHÉNIÈNeE 
couvées, à l’époque de la reproduction. 

M. l'abbé Charruaud prépare un Manuel pratique à l'usage des 
amateurs d'Oiseaux de volière. 

M. F. Mérel fait une communication sur l'élevage de la Perruche 
ondulée. (Voir Bulletin, 1898, p. 81.) 


Le Secrétaire, 
Comte D'ORFEUILLE. 


26 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


SÉANCE DU 2 MAI 1898. 
PRÉSIDENCE DE M. OUSTALET, PRÉSIDENT 


M. d’Orfeuille, secrétaire, s'excuse de ne pouvoir assister à la 
séance et envoie le procès-verbal de la dernière réunion qui est lu et 
adopté. 

Lecture est donnée de la seconde partie de l'étude de M. l'abbé 
Charruaud, sur le Cardinal de Virginie. La Section, appréciant le 
grand intérêt des observations de l’auteur, décide que la fin de son 
travail lui sera demandée pour que celui-ci puisse être publié 2x exlenso. 

Lecture est donnée d’une notice de M. Thiebaux sur les essais 
faits par lui pour acclimater le Rossignol du Japon en liberté dans les 
environs de Paris. (Voir Bulletin 1898, p. 145.) 

M. le Président fait ressortir l'intérêt des expériences de M, Thie- 
baux et exprime l'espoir que celui-ci voudra bien les continuer. 

À propos des déplacements périodiques des Rossignols, une discus- 
sion s'engage sur les Oiseaux migrateurs. MM. Petit aîné, J. Forest 
et M. le Président présentent diverses observations. 

Il est parlé de l'expérience que va tenter M. Wacquez pour faire hi- 
verner des Hirondelles dans sa propriété de Villemomble (Seine). 

M. Wacsquez demande quelle nourriture il faudra donner aux 
Hirondelles. M. le Président propose des Mouches élevées dans une 
petite serre. 

M. J. Forest aîné proteste au nom de la corporation des naturalistes 
plumassiers dont il fait partie et qui est accusée à tort, d’après lui, 
d'encourager la destruction des petits Oiseaux. Le nombre d'Oiseaux 
employés pour la parure est bien moins considérable qu’on ne le pense. 
Il lit un travail tendant à prouver que les accusations sont exagérées 
et dont la conclusion est celle-ci : « La mode n’est pas la cause de la 
destruction des petits Oiseaux. » La mode emploie 3 ou 4 millions 
d'Oiseaux seulement sur 7 millions qu’on en détruit. 

M. le Président n’est pas de cet avis et pense que la mode est une 
cause très importante de destruction des petits Oiseaux, ainsi que 
l'ont déjà affirmé les Congrès internationaux d'Ornithologie. Il faut 
arriver, pour mettre un terme à des massacres inutiles, à emprunter 
aux Oiseaux d'élevage la majeure partie des plumes de parure. 


Pour les Secrétaires empêches, 


Cx. DEBREUIL. 


à - 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 27 


5e SECTION (BOTANIQUE).. 
| SÉANCE DU 24 MAI 1898 


PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopte. 

Il est donné lecture de la correspondance. 

lo M. de Varigny, rédacteur scientifique au journal Le Temps, 
demande si le Polygonum sachalinense peut être utilisé pour la nour- 
riture de l'homme. — Aucune expérience n'a été faite jusqu'ici à ce 
sujet; en admettant que les feuilles très jeunes de cette plante puis- 
sent, comme beaucoup d’autres, être, à la rigueur, comestibles, il est 
probable que le Polygonum sachalinense, ne doit présenter au point 
de vue alimentaire qu'un très médiocre intérêt. 

2° M. le Directeur du Jardin d'essai cu Hamma, près d’Alger envoie, 
pour être distribuées aux Membres de la Société, un certain nombre de 
graines de Sapindus marginatus. L’enveloppe qui entoure ces graines 
contient, dans une grande proportion une matière saponifère qui peut 
être employée pour le nettoyage des étoffes, et en particulier de la soie. 

3° M. le D' Clos, Directeur du Jardin des Plantes de Toulouse, 
demande à la Société de lui donner la liste de quelques plantes 
exotiques, arbustes et arbrisseaux pouvant vivre sous le climat de 
Toulouse et y être utilisés pour la décoration des squares et des jardins 
publics. 

4° Le Président du Comité de souscription pour élever un monument 
à Jean Luiden, le célèbre horticulteur belge, demande à la Société de 
vouloir bien participer à cette souscription. — Cette demande est 
renvoyée au Conseil. 

Lecture est donnée d’une notice de M. H. Coupin sur la conser- 
vation des Crosnes à l’état sec. — Les tubercules de cette plante ne 
se gardent que très peu de temps après avoir été enlevés de terre et 
doivent être consommés dans un délai maximum de deux ou trois 
jours. — M. Coupin propose de les faire sécher et revenir ensuite dans 
l’eau bouillante lorsqu'on veut les utiliser. Ils reprennent la forme et 
le volume que la dessication leur a enlevés, mais ils conservent une 
teinte brune qui leur enlève une partie de leur valeur commerciale. 
M. Coupin propose de faire disparaître cette teinte au moyen de l'acide 
sulfureux. 

Quelques Membres font observer que l'emploi de l’acide sulfureux 
peut présenter de sérieux inconvénients et qu’il paraît, du reste, 
beaucoup plus simple et pius pratique de n'’arracher les tubercules 
qu’au fur et à mesure des besoins ou de les placer dans du sable 
humide où ils se conservent parfaitement. 


= 4 xs 4 PANIER 


28 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


= 


M. Proschawsky, de Nice, donne quelques renseignements sur un 
Palmier dont les graines lui ont été envoyées de Madagascar sous le 
nom de Palmier Shara et qui s’est bien développé dans ses cultures; 
il prie la Société de lui faire connaître s’il est possible, le nom bota- 
nique de ce Palmier. 

M. Morel fait don à la Société de graines de Papayer et de différents 
Eucalyptus qu'il a rapportées de Syrie; il donne d'’intéressants détails 
sur les qualités de chacune de ces espèces cultivées par lui avec 
succès dans les jardins de sa villa Eucalypta, à Beyrouth. 

M. Lejeune entretient la Section de la culture du Za/hyrus sylvestris. 
Cetle plante, assez appréciée en Allemagne, ne paraît pas avoir jus- 
qu'ici donné en France des résultats très satisfaisants. M. Lejeune 
estime cependant qu'elle ne mérite pas l'abandon dans lequel on 
semble la laisser. Elle a l’avantage de prospérer dans les sols médiocres 
où elle donne une récolte abondante et de vivre très longtemps dans 
le même terrain sans avoir besoin d'être renouvelée. Elle pourrait en 
outre, en raison de ses racines longues et traçantes, être utilisée pour 
fixer les dunes. 

Afin d'arriver à une appréciation exacte de la valeur du Zatkyrus 
sylvestris, M. le Secrétaire général propose de faire expérimenter celte 
Légumineuse dans les Écoles d'Agriculture et les Fermes-Écoles et 
prie M. Lejeune de résumer dans un mémoire tous les renseignements 
qu'il a recueillis à ce sujet. 

Dépôt d’un dossier de M. Caplat, sur les Vignes de Normandie. 
Cette question sera mise à l'ordre du jour d’une séance ultérieure. 

M. le Secrétaire général entretient la Section de diverses excursions 
botaniques qui pourront être faites dans le courant de cet été. Après 
un échange d'observations, il est émis le vœu qu'une excursion soit 
organisée à Saint-Mandé, ayant pour but la visite du jardin de M. Char- 
guereaud, Professeur d’arboriculture de la ville de Paris. 


Le secrélaire-adjoint, 
C. DE LAMARCHT. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


LA PÊCHE DES ÉPONGES EN TRIPOLITAINE. 


Extrait d'un rapport du Consul général d'Angleterre a Tripoli 
de Barbarie. 


Les pêcheurs d'Éponges n’ont exploité les côtes de la Tripolitaine 
que depuis l'année 1889, bien que la pêche en fût pratiquée depuis 


EXTRAITS ET ANALYSES. 29 


longtemps sur les côtes de la Tunisie et sur celles de la Cyrénaïque. 
En 1890, la valeur des Éponges pêchées en Tripolitaine atteint 
300,000 fr. ; en 1893, elle s'élève à 1,855,000 fr., pour redescendre, en 
1896, à 700,000 fr, La moyenne annuelle de 1890 à 1898 est de 
825,000 fr. 

Les pêcheurs sont presque tous de nationalité grecque el viennent 
des îles de Hydra et d'Egine, quelques-uns viennent des îles turques 
de Kalymnos, Symi et Kharki, sous pavillon ottoman. 

Les pêcheries s'étendent le long de la côte, depuis Tarwab, sur la 
frontière tunisienne, jusqu’à Misurata. A l'Est, elles s'étendent jusqu à 
5 ou 6 milles du rivage et fournissent des Éponges de qualité infé- 
rieure. La meilleure qualité est pêchée sur la côte Ouest jusqu'à 
10 et même 20 milles de la côte. 

Quatre méthodes de pêche sont pratiquées en Tripolitaine : 

1° La pêche par scaphandres. Les bateaux jaugeant 5 à 6 tonnes 
sont montés par des équipages de quinze à vingt-deux hommes; les 
meilleurs appareils permettent d'atteindre des profondeurs de 45 à 
50 m.; les appareils ordinaires permettent la pêche jusqu'à 25 ou 
30 m. Chaque groupe de quatre bateaux a un bâtiment de dépôt qui 
recoit chaque jour le produit de la pêche journalière et assure le ravi-. 
taillement des équipages ; 

2° La pêche au moyen de dragues. Les bateaux qui pratiquent 
cette méthode de pêche jaugent de 2 à 3 tonnes et sont manœuvrés par 
cinq à sept hommes. Ils draguent à des profondeurs variant de 25 à 
100 m., mais ont l'inconvénient de détériorer les Éponges ; 

3° La pêche au « harpon », sorte de fourche à rlusieurs dents. Les 
pêcheurs, par groupes de trois à cinq, montent des canots de 1 à 
2 tonnes. Cette méthode ne peut être pratiquée que dans des eaux 
peu profondes ; aussi a-t-on été contraint de l’abandonner depuis deux 
ou trois ans en raison de l'insuffisance des résultals obtenus; 

4 La pêche des Éponges par des plongeurs ordinaires n'est égale- 
ment plus pratiquée sur la côte, à la suite d'accidents survenus il y a 
trois ans et causés par des Squales qui attaquent les plongeurs. 

-La saison de la pêche dure du mois d’avril au mois d’octobre. Au 
delà de cette période, il ne reste plus que cinq ou six bâliments de 
scaphandriers qui ne sortent que rarement du port, lorsque l'état de la 
mer le leur permet. 

Les Éponges de Tripoli sont d’une qualité inférieure à celles de 
l’Archipel et de tout le Levant ; elles sont d'une couleur brun rouge. 
La meilleure qualité, que l’on trouve sur les rochers, vaut de 20 à 
25 fr. l’ocque. La seconde qualité, pêchée dans les endroits où 
abondent les Algues, vaut de 16 à 20 fr. l’ocque. La qualité inférieure 
vaut de 12 à 15 fr. l’ocque. 

La plus grande partie des Éponges pêchées à Tripoli sont, à la fin de 
la saison, transporlées par les pêcheurs dans leur pays d’origine C'est 


PAS NE PES RAR EU A Ne 8 Eee SORT PE NES TRUE 


30 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


là qu'elles sont préparées avant d’être expédiées en Europe : la main- 
d'œuvre est à bon marché et les ouvriers plus habiles à ce genre de 
travail. On mélange ces Éponges avec celles de meilleure qualité pro- 
veuant d'autres régions. 

On n’exporte directement de Tripoli qu'un quart ou un tiers de la 
production totale. La majeure partie est prise par l'Angleterre ; le 
reste par la France et l'Italie. Ce commerce ne paraît pas susceptible 
de développement et les efforts qu’on a faits pour l’accroître sont restés 
infructueux. 

Les Éponges expédiées directement sont préparées sur place. Après 
les avoir nettoyées à l’eau de mer, on les plonge dans une eau contenant 
une légère proportion d'acide oxalique où elles prennent une couleur 
jaunâtre. Ce lavage ne doit pas être trop prolongé pour ne pas 
« brûler » l'Éponge. On les sèche ensuite et on les recouvre de sable 
sec, puis elles sont secouées et empaquetées pour le transport. La pré- 
sence du sable dans les Éponges est, dit-on, considérée comme indis- 
pensable par les acheteurs européens qui y voient une garantie infail- 
lible de la qualité. 

Un impôt spécial est perçu par le Gouvernement turc sur les 
bateaux qui se livrent à la pêche des Éponges : une part du produit 
de l'impôt est cédée à l'administration de la dette publique. 

Voici le tarif des taxes perçues par saison sur chaque bâtiment de 
pêche : 

LIVRES TURQUES. FRANCS. 


Bateaux à scaphandres............... 32 735 
— ArAPHES Es ccm Del A 3- à 6 70 à 140 
== RArBOnS score + 92 
= plongeurs 2.1 -°-2e0me 10 "+280 


En 1898, le nombre des bateaux de pêche, des marins et des plon- 
geurs était réparti de la facon suivante : 


BATEAUX. PLONGEURS. MARINS. 


Bateaux à scaphandres.,...... 53 430 933 
— AAPHES Eee rte 25 » 150 


Ce tableau montre la diminution considérable des bateaux à drague 
et l'augmentation des bateaux à scaphandres. Il est peu douteux que 
les pêcheries d'Éponges de Tripoli, comme celles de la Cyrénaïque ne 
soient exploitées d’une manière excessive. Avec le développement 
croissant des bateaux à scaphandres, il est peu probable que la pêche 
puisse encore donner des résultats satisfaisants dans quelques 
années (1). 


(4j Moniteur officiel du Commerce, 27 octobre 1898. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 31 


SUR LA CULTUKE DES PLANTES EUROPÉENNES A MEXICO, 


par L. G. SEuraT. 


La temperature relativement peu élevée (1) qui règne à Mexico 
permet de cultiver sur le plateau un certain nombre de plantes 
européennes : Blé, plantes potagères, arbres fruitiers (Poiriers, Pom- 
miers, etc.). Il existe même dans les jardins de Mexico un grand 
nombre de plantes communes de l’Europe. Un élément nécessaire, 
l’eau, faisant défaut pendant huit mois de l’année, empêche toutefois 
la grande culture de beaucoup de plantes européennes; les Agaves 
(Magueys) et les Cactées sont les seules plantes qui puissent résister 
à cette sécheresse extrême. 

Dans les lieux où l’on peut fournir l’eau artificiellement, on a de 
belles cultures : dans une hacienda voisine de Mexico, on obtient de 
magnifiques récoltes de Blé et de Maïs (deux par an), en irriguant les 
champs pendant la saison sèche; dans les autres haciendas, on sème 
le Maïs vers la fin de la saison sèche (juin) et la saison des pluies 
arrivant, les jeunes pousses ont de l’eau à discrétion et se développent 
rapidement. : 

Au sud de la ville se pratique la culture des plantes potagères et 
des fleurs. Cette culture se fait dans des conditions particulières qu’il 
est intéressant de signaler. Cette région était autrefois occupée par 
un vaste lac peu profond qui s’étendait d’ailleurs autour de Mexico. 
Les Aztèques ont recouvert de terre la végétation de Carex, ména- 
geant des sillons où s’accumulait l’eau; ces sillons limitaient des 
recbangles de petite dimension qui flottaient sur les eaux du lac. Cest 
sur ces champs en miniature que se fait l’ensemencement. Ces jardins 
flottants sont appelés Chinampas (de tlali, terre et ompaatl, eau). 

Le canal de la Viga, qui court du Sud au Nord depuis le lac de 
Xochimilco jusqu'à Mexico est bordé de ces jardins flottants; les 
Indiens circulent autour des chinampas dans des canots irès étroits et, 
à l’aide d’écuelles, jettent l’eau des fossés sur la petite culture. La 
chinampa est d’ailleurs mobile et peut être déplacée; il arrive même 
que sous l’action du vent, deux chinampas voisines arrivent à se 
toucher. 

Les plantes cultivées dans ces jardins flottants sont des plus variées: 
Blé, Orge, Maïs, Choux, Carottes, Navets, Artichauts, Poireaux, 
Radis cultivés, etc.; enfin il y a les fleurs, des Rosiers en particulier; 
je signalerai également le Dahlia sauvage. 

Toutes ces plantes sont transportées à la ville dans de grandes 


(1} Température moyenne de l’année à Mexico (ville) : 150 4 centigrades à 
l'ombre. 


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32 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


barques qui descendent le cours du canal de la Viga; la partie sud de … 
la ville où se font ces arrivages de légumes, de fourrages et de fleurs | 
est certainement un endroit que ce spectacle rend pittoresque et 
charmant. 

Je signalerai enfin une observation relative aux plantes à tubercules : 
si on sème du Radis cultivé, les graines, venant d'Europe, on obtient, 
à condition de semer à l'ombre et de bien arroser, des Radis semblables 
à ceux de France. Si au contraire on sème des graines du pays, on 
obtient un Radis sans tubercule, à tige souterraine (axe kypocotylé), 
grêle et uniforme. 

J'ai obtenu ainsi au bout de deux mois dans un terrain bien abrité, 
bien fumé et arrosé deux fois par jour, des Radis à feuillage bien déve- 
loppé, dont l’axe hypocotylé, mesurant 61 millimètres de longueur, 
avait un diamètre uniforme de 2,2 à 2,5 ; cet axe présentait d’ailleurs 
une région supérieure de couleur rouge, correspondant à l'endroit 
où aurait dû se faire le tubercule. 

L'absence du tubercule est facile à expliquer; la plante transportée 
à Mexico ayant une température uniforme d'un bout de l'année à 
l'autre, de l’eau à discrétion fournie par le jardinier, n'a pas à inler- 
rompre sa végélalion pendant l'hiver (l'hiver à Mexico est caractérise 
par des nuits tres froides, où le thermomètre descend aux environs de 
0° et des journées chaudes, les plantes potagères sont protégées contre 
le froid par le jardinier) et n’ayant pas besoin de faire de réserves, 
perd l'habitude d’en faire des la première génération; les graines du 
pays sont en effet des graines de Radis provenant d'Europe. La graine 
doit donc être constamment importée d'Europe. 

Le même phénomène se produit avec les Carottes, les Navets, etc. 
En soumettant ces plantes à un régime uniforme en Ar ue on 
arriverait à des résultats identiques. 

Il y a enfin un autre point qui mérite d'être éclairci : on a prétendu 
que certaines plantes d'Europe iransportées à Mexico, ne donnaient 
pas de graines. En réalité il n’en est rien. Ce qui a pu donner naissance 
à cette croyance est le fait que les arbres fruitiers, malgré de nom- 
breux soins ne donnent que de maigres résultats le plus souvent; je 
crois que le fait est dû à ce qu'un grand nombre de fleurs ne sont 
pas fécondées par suite de l'absence des Insectes destinés à assurer 
la poiltinisation (1). 


(1) Revue générale de Botanique, tome X (1898), page 273. 


BULLETIN 


DE La 


CITÉ NATIONALE D'ACCLINAT 


DE FRANCE 74 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


452 ANNÉE 
D FEVRIER 1899 
SOMMAÏRE 
le dressage Priars Éléphant DRTIQUE See ee anse soin se eo US A 
é CHARRUAUD. — Le Cardinai de M. son élevage dans le midi de la 
ds (suite) nrsepeeseesees esse ND etes soin £9 


c E Ne Ne en RE PU tie en ne deb ut ec eue 49 


SATIS. — Les Cultures secondaires aux Antilles. — Importance de la culture du 


Tabac.......,..............4. esse sresssesesesss esse 59 


TRE et Analyses : 


+ Fee Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
ises par les auteurs Es articles insérés dans = Bulletin. 


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SUR LE DRESSAGE D'UN JEUNE ÉLÉPHANT D'AFRIQUE 


AU FERNAN-VAZ (1) 


L'acharnement que certains commerçants européens dé- 
ploient pour tuer l'Éléphant afin de se procurer ses défenses, 
fait véritablement peine. J’ai le cœur serré, quand je pense 
au nombre d'Éléphants qu’il a fallu détruire pour fournir 
l’ivoire qui couvre les marchés d'Europe. 

L'Éléphant d'Afrique, dit-on, n’est pas suceptible de domes- 
tication, et sous ce beau prétexte, des hommes, ne voyant que 
leur intérêt personnel, lui font une guerre sans merci. Mon 
intention n’est pas d'ouvrir ici une polémique et de réfuter 
ceux qui, sur de simples ouï-dire, font partager à l'Éléphant la 
malédiction qui pèserait sur l'Afrique, et, sans hésiter, le dé- 
clarent de beaucoup inférieur à son frère d’Asie. Je prétends 
seulement que l'Éléphant africain peut être pour l'Afrique, ce 
que le Bœuf, le Cheval ou l’Ane sont pour l’Europe. Comme 
le Bœuf, il peut trainer un fardeau; comme le Cheval, il peut 
le porter; comme le Mulet, il a le pied très sûr dans les mon- 
tagnes : M. Von der Decken, dans son ascension du Kilimand- 
jaro, a trouvé des traces d’'Éléphants à 3,000 mètres au-dessus 
du niveau de la mer. En marche, la brousse ne l’arrête point: 
avec sa trompe, il écarte les branches, mange les feuilles de 
son goût et réussit facilement à se frayer un passage au mi- 
lieu des épaisses forêts africaines. 

S'il ne faut pas juger les gens sur la mine, il ne faut pas 
non plus juger l'Éléphant d’après sa lourdeur apparente. Il 
peut marcher très vite, pendant des journées entières et tenir 
tête aux meilleurs coursiers. Toutes ces choses commencent 
de nouveau, à être connues en Europe (2); car, il ne faut pas 
l'oublier, les anciens connaissaient l'Éléphant d'Afrique 


(1) Communication présentée dans la Séance générale du 27 janvier 1899 par 
M. Paul Bourdarie au lieu et place d’un Père de la Mission catholique de Sainte- 
Anne du Fernan-Vaz, lequel a voulu garder l’anonyme. 

(2}-En France, notamment, la Société d’Acclimatation suivant l'initiative de 
M. Paul Bourdarie, si dévoué à la cause africaine, s’efforce depuis plusieurs 
années d'attirer l’attention sur la nécessité tout à fait urgente de protéger et de 
domestiquer l’Eléphant d’Afrique. 


Bull. Soc. nat, Accl. Fr. 1899, — 3, 


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LÉ € er 


ENT 


34 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


et savaient l'utiliser. Les campagnes d'Italie ont vu des 
Éléphants, les Carthaginois savaient parfaitement les dresser 
pour les batailles. Ces animaux combattaient très bien contre 
les hommes, mais non contre les autres Éléphants. Les Ro- 
mains s’en servaient pour les jeux de cirque ; c’est à eux qu'il 
faut reprocher la destruction de ces animaux dans le nord de 
l'Atlas. « On peut se faire une idée du degré d’éducation des 
Éléphants d'Afrique, si l’on veut bien considérer que les ba- 
teleurs romains leur avaient appris à reconnaître les lettres, 
à monter et à descendre sur une corde inclinée, à porter à 
quatre une civière contenant un cinquième Éléphant qui fai- 
sait le malade, à danser en mesure, à manger civilement et 
honnétement à une table couverte de vaisselle d’or et d'ar- 
gent. » (Brehm.) 


La Mission catholique de Sainte-Anne du Fernan-Vaz a 
essayé de tirer parti de l'Éléphant d'Afrique. Son but n’est 
pas de faire des Éléphants acrobates, mais d'utiliser ces ani- 
maux. Ses efforts, jusqu'ici, ont été, grâce à Dieu, vraiment 
couronnés de succès, et, après un an, l'Éléphant que nous 
avons dressé rend déjà des services réels. 

Pour n'être pas taxé d’exagération, je ne veux que rappor- 
ter, le plus simplement possible, les moyens dont nous nous 
sommes servis et les résultats que nous avons obtenus. 

Il y a un an à peu près que nous sommes en possession de 
notre Éléphant. C’est un jeune mâle. Nous l'avons acheté aux 
Pahouins, forte et nombreuse tribu qui habite le Gabon. 

Quand un village connaît un endroit de la brousse où il ya 
un troupeau d'Éléphants, immédiatement tout le monde s’y 
porte. Les indigènes forment alors une immense ceinture vi- 
vante, qu'ils resserrent jusqu'au moment où il est impossible 
d'avancer sans effrayer le troupeau. Arrivés à ce point, chacun 
se met à l’œuvre, et, en peu de temps une forte palissade est 
construite. Ceci fait, les indigènes préparent un certain breu- 
vage avec des herbes que je ne connais pas. Ce breuvage a la 
propriété d’adoucir l'Éléphant au point que l’on pourrait pres- 
que lui donner à manger avec la main. Quand les indigènes 
voient cela, ils entrent de nouveau dans la palissade, montent 
sur les arbres et tuent tous les gros Éléphants. Les jeunes sont 
épargnés pour être pris vivants. A cet effet, trois ouvertures 
ont été préalablement ménagées à la palissade pour tendre 


SUR LE DRESSAGE D'UN JEUNE ÉLÉPHANT D'AFRIQUE. 39 


des cordes à nœud coulant. Les jeunes Éléphants effrayés, se 
précipitent vers ces ouvertures et sont pris. Nous avons re- 
cueilli ces détails de la bouche des indigènes ; mais nous n’en 
avons pas vérifié l'exactitude : ils nous paraissent vraisem- 
blables, c’est tout ce que nous affirmons. 

Une fois l'Éléphant arrivé à la Mission, nous lui avons 
construit une palissade formant une écurie d’une dizaine de 
mètres carrés. L'animal avait dû étre fort maltraité par les 
nègres, car au début, il ne pouvait les voir sans hurler et 
manifester des signes de frayeur. 

Autant que possible, la même personne, le bon frère Ma- 
thias, était chargée de le soigner. Les quatre ou cinq pre- 
mières semaines, l'animal serait, volontiers, retourné dans la 
brousse, s’il avait pu écarter les poteaux de.sa palissade. 
A vec le temps, il s’est adouci et a commencé par prendre la 
nourriture dans la main de celui qui la lui apportait et à rece- 
voir quelques caresses sur la tête seulement, car pendant 
plusieurs mois, jamais, il n’a voulu qu’on le touchât à la 
trompe. 

Après deux mois de cet emprisonnement, nous nous sommes 
décidés à commencer le domptage. Une grande difficulté 
se présentait, comment fallait-il s’y prendre? Nulle part, nous 
ne trouvions de renseignements sur l'élevage de l’Éléphant 
d'Afrique. En Asie, il est vrai, les cornacs piquent leurs bêtes 
avec des pointes de fer recourbées. Maïs d’après ce que nous 
connaissions du caractère de notre Éléphant, nous avons 
choisi les moyens de douceur. Nous lui avons attaché au cou, 
une corde que nous pouvions serrer à volonté avec un an- 
neau. Ce premier exercice de domptage, qui a duré une heure 
environ, chaque jour pendant un mois, s’appellerait mieux un 
exercice de marche. Quelqu'un le tenait par la corde qu'il 
avait au cou, et un autre le poussait par derrière. Pour le 
faire obéir, il suffisait de serrer la corde, ou s’il était plus dif- 
ficile, de l’attraper par une dent, et, aussitôt, il se laissait 
faire. Nous avons essayé de mettre les noirs à le conduire, 
mais il n'avait pas encore oublié leurs mauvais procédés et 
il était intraitable; force nous a été de le conduire nous- 
mêmes. 

Les choses cependant ne pouvaient pas toujours aller 
ainsi, et il nous était impossible de nous occuper sans cesse 
de lui. Avec le temps, lui aussi a perdu le souvenir des mau- 


36 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


vais traitements qu'il avait recus. Nous avons essayé de l’ha- 
bituer avec quelques enfants. Ne se voyant plus maltraitéf il 
s'est laissé faire et, depuis le mois de juillet, les indigènes 
peuvent le conduire. Le difficile, pendant ce premier mois de 
domptage, était de le rentrer. Heureusement pour nous, il 
était gourmand; quelqu'un pénétrait dans son enclos, une 
banane müre à la main, la pauvre bête oubliait ses désirs de 
liberté et le suivait sans s'en apercevoir. 

Cet exercice de marche dura, je l’ai dit, un mois environ. 


Fritz, Éléphant d'Afrique, mâle, âgé d'environ trois ans, dressé à la Mission 
catholique de Sainte-Anne (Afrique occidentale française). 


D'après une photographie du Dr Eichmuller, 
communiquée par la Revue des Cultures coloniales. 


Nous avons alors fabriqué une espèce de collier et nous 
avons fait trainer par Fritz (c'est le nom que recut notre 
élève), un morceau de bois de 20 à 30 kilos; graduellement 
ce fardeau fut augmenté, et maintenant, grâce à un petit 
chariot pratique pour l'Afrique, il peut trainer le même poids 
qu'un Cheval en Europe. Huit mois après son arrivée à la 
Mission, notre Eléphant pouvait déjà en remontrer à beau- 
coup de Chevaux pour la force, l'habileté et la bonne volonté. 

Notre Eléphant doit être âgé de trois ans, il mesure 1 35 
de haut et 1" 80 de long ; il est fort, grandit et se porte bien. 
Au début, nous n’osions pas le monter, dans la crainte de le 


SUR LE DRESSAGE D UN JEUNE ÉLÉPHANT D'AFRIQUE. on 


déformer, depuis, nous avons changé d'avis. La bête elle- 
même se prête assez facilement à cet exercice et aucun des 
inconvénients que nous redoutions ne s’est manifesté. 

Je ferai remarquer ici que nous n'avons jamais employé la 
violence envers l'animal, et que nous recommandions sans 
cesse aux noirs de le bien traiter. Quelquefois seulement des 
coups assez bénins pour lui montrer que nous voulons être les 
maîtres et commander. Nous en sommes persuadés, ces 
moyens de douceur sont excellents. L'Éléphant est intelli- 
gent, il s'attache à ceux qui le traitent bien, acquiert vite une 
excessive familiarité avec l’homme, et aime sa société. 

En avril, le voyant à demi-civilisé, nous lui fimes cons- 
truire une demeure plus confortable. Cette demeure était à 
200 mètres environ de toute habitation; mais elle était 
trop éloignée, il ne l’aimait pas; la nuit, il sortait et venait 
derrière nos chambres. Il nous donnaït un avertissement et 
nous manifestait un désir, nous ne pouvions qu'y obtempérer. 
Nous lui avons alors élevé un hangar avec toiture, mais 
ouvert à tous les vents, à 25 mètres denotre maison; il s’y est 
installé, et depuis, il s’y est toujours plü. Là, tout le monde 
peut aller le voir : Chiens, Chats, Moutons, Chèvres, etc..., il 
les recoit tous avec la même bonté et consent volontiers à par- 
tager avec eux sa nourriture. 

Avec l’homme, il pousse la familiarité jusqu’à l’impolitesse : 
quelqu'un passe-t-il avec des bananes, il le suit en hurlant ; 
les bananes sont-elles en poche, il n’est pas plus découragé; 
sans aucun scrupule, il y introduit sa trompe et, bon gré mal 
gré, il faut que les bananes viennent. Si la porte de notre ré- 
fectoire est ouverte, pas plus de gêne, il y entre, vide l’assiette 
à dessert sans penser aux autres. Pour une banane, il se met 
à genoux autant de fois qu'on le veut, relève sa trompe au- 
dessus de sa tête et prend directement avec la bouche. 

Mais le meilleur moment, c’est vers neuf heures du soir; 
n’entendant plus aucun bruit, il est d’un calme parfait etselivre 
tout entier à la joie. Allez vous asseoir à côté de lui, aussitôt 
il vous prend par le corps, vous roule par terre, prend votre 
barbe, fouille vos poches et vous fait mille autres gentillesses 
en rapport avec sa taille. 

Cet animal mange surtout la nuit : le matin, s’il est ras- 
sasié, il restera à rôder autour de la maison, sans chercher 
à aller plus loin. Mais s’il a faim et si on le lâche, il s’en va 


38 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


faire un voyage dans la brousse et y reste un, deux, trois et 
quelquefois cinq jours. Quand il tarde à revenir, il nous suffit 
de crier et dès qu’il entend il arrive. Cette demi-liberté lui 
est certainement utile, mais craignant que les noirs ne lui 
fassent quelque mal, nous le lächons rarement pendant plus 
d’un jour. Il a besoin d’air et d'exercice, mais le travail mo- 
déré que nous lui imposons, lui tient lieu de ces prome- 


ER 


nades dans la brousse. Je dis travail modéré, (quatre ou : 


cinq heures chaque jour), car, nous a-t-on dit, l'Éléphant 
a la poitrine faible. J'avoue que nous n’avons pas vérifié le 
fait : notre Éléphant s’est toujours parfaitement porté, bien 
plus, quel que soit le genre de travail qu'il ait dû faire, 
jamais nous ne l’avons vu transpirer. Comme soins de pro- 
preté, nous nous contentons de le laver et de le brosser 
tous les matins. Chose curieuse, pendant qu'il travaille il in- 
troduit sa trompe dans la bouche, en retire de l’eau et s’as- 
perge. Quand il revient à son écurie, après le travail, la pre- 
mière chose qu'il fait est, non pas de manger, mais de 
s’asperger de tous les côtés avec l’eau qu'on lui donne pour 
boire. 

Voilà, en quelques mots, ce que nous avons fait pour domes- 
tiquer un Éléphant. Nous croyons que cet animal est appelé à 
jouer un jour un grand rôle en Afrique. 

La guerre d’extermination qu'il subit maintenant est la con- 
séquence d’un amour de richesse mal compris. Il est temps de 
mettre fin à cette boucherie. Tous les gens qui ont à cœur 
la civilisation de l'Afrique ont intérêt à protéger l'Éléphant. 
L'entreprise est moins difficile qu'elle ne le paraît, aussi 
émettons-nous le vœu de voir notre exemple trouver de nom- 
breux imitateurs. 


Cart 


39 


LE CARDINAL DE VIRGINIE 
(CARDINALIS CARDIN ALIS) 


SON ELEVAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE 


par l’Abbé A. CHARRUAUD, 


Curé de Bessens (Tarn-et-Garonne). 


Suite (1). 


II. — SOCIABILITÉ. 


Le jour que je recus de Marseille mon premier couple de 
Cardinaux rouges, fut l’un des plus heureux de ma période 
d'amateur. Je ne connaissais pas encore cet Oiseau dont les 
descriptions sèches et ternes des ouvrages d’aviculture ne 
peuvent donner une idée exacte. Aussi, quel ne fut pas mon 
ravissement lorsque, ayant soulevé la bande d’étoffe blanche 
qui recouvrait le devant de la cage-transport, le male m’ap- 
parut dans toute la splendeur de son plumage, l'élégance de 
ses formes, et je dirais presque, la noblesse et la majesté de sa 
prestance. Ce fut un éblouissement, et j'eus comme un avant- 
gout des jouissances... exquises que l’avenir me réservait 
dans l'élevage de ce Passereau. 

Le temps était magnifique. Nous avions une de ces journées 
tièdes, calmes et sereines de fin d'hiver qui annoncent l’arri- 
vée prochaine de la belle saison. En moins de cinq minutes, 
les-Cardinaux se jouaient au soleil de la volière parmi les ar- 
bustes verts qu'ils éclairaient de leur robe de feu. Là folà- 
traient déjà deux ou trois douzaines d’oisillons dont les plus 
gros ne dépassaient pas la taille du Moïneau franc. C'étaient 
des Bengalis rouges, blancs et bleus, des Foudis vermillons, 
des Ignicolores orangés, des Canaris aux ailes d’or, des Com- 
bassous noirs et brillants comme de l’acier poli, des Perruches 
ondulées de Madagascar, et inséparables, plus vertes que les 
prés et plus rouges que des Coquelicots. Il y avait encore un 


{1} Voir ci-dessus, page 1. 


40 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Ministre bleu de ciel, un Rossignol du Japon, quelques Oiseaux 
de France et deux bijoux d'acquisition récente : un couple de 
Papes des prairies, les premiers Diamants que j'ai possédés : 
bref, la variété dans les espèces et l'harmonie dans les 
couleurs ! 

Tant que l'hiver dura, la plus parfaite entente ne cessa de 
régner dans ce phalanstère ailé. Maïs vint le printemps. Mes 
Cardinaux obéissant à l’universelle loi, avaient déjà com- 
mencé leur nid dans un panier d’osier accroché à l’une des 
parois de l’abri couvert. 

Or, un jour que, poussé par la curiosité, j'allais me rendre 
compte du travail fait depuis là veille, mon attention fut atti- 
rée par un petit peloton &e plumes rouges tel que le vent en 
roule dans les coins à l’époque de la mue. Je m’'approchai, et 
qu’elle ne fut pas ma douloureuse surprise en reconnaissant 
la dépouille mortelle de mon joli mâle Bengali amarante ! 
Cet Oiseau, qu'on prendrait volontiers pour un Papillon égaré 
dans nos volières, est d’une fragilité extrême : sur dix couples 
lâchés en plein air, c’est à peine si l’on peut en sauver un. 
Le mien était parfaitement aguerri contre l’intempérie des 
saisons, Car il avait une année entière de captivité. De plus, 
en ce moment même, il élevait une nichée de trois petits dont 
les ailes commencçaient à se couvrir d’un léger duvet. Pauvres 
chéris ! qu’allaient-ils devenir sans la becquée paternelle ?.… 
Chose étrange ! la victime avait été décapitée. J'eus beau 
chercher autour de moi, fureter de tous les côtés, fouiller 
dans tous les coins, la tête resta introuvable : nul doute 
qu'elle ne fût devenue la proie de l'assassin. Maïs qui accuser ? 
— Un Chat ? non, le cadavre gisait trop loin du treillage pour 
que les griffes d’un Félin aient pu l’atteindre. — Un Rat ? pas 
davantage, la volière étant construite de facon que les gros 
Rongeurs soient dans l'impossibilité d’y pénétrer. D’autre-part, 
une Souris aurait attaqué les parties molles de l'Oiseau et res- 
pecté la tête. Mais alors ?.. Alors je me perdis en conjectures 
et le coupable resta inconnu. 

Huit jours s’écoulèrent sans incident digne d'être relaté. 
Cependant le panier où les Cardinaux préparaient le berceau 
de leur future famille se garnissait de plus en plus et dispa- 
raissait bientôt sous la masse de foin, de brindilles, de mousse 
et autres débris que le couple y avait entassés. La ponte était 
proche. Elle eut lieu, et ce fut avec une joie indicible qu'un 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 41 


matin je constatai dans le nid la présence d’un œuf encore 
chaud. — C’est le premier, me dis-je, à demain le second ; et 
pourquoi pas un troisième après-demain?.. Sur cette agréable 
pensée, je me dispose à sortir, non sans avoir promené en 
tout sens ce qu'on a si bien appelé l'œil du maître. Satisfait 
de mon inspection, j'allais me retirer. Un détail, sans impor- 
tance en soi, me retint encore. Presque à portée de la main, 
sur le sable très fin et toujours très propre de l’allée du milieu, 
une grande feuille sèche, tombée d’un arbrisseau voisin, fai- 
sait tâche et choquait le regard. Je me baïssai pour la ramas- 
ser. O spectacle aussi douloureux qu'inattendu ! sous la feuille 
morte gisait le corps meurtri et ensanglanté d’un pauvre petit 
Oiseau sur lequel la brise compatissante avait sans doute jeté 
ce fragile linceul. Je reconnus bien vite mon splendide Mi- 
nistre qui, la veille encore, plein de vie et de santé, étalait au 
soleil sa robe de saphir. Stupeur profonde ! lui aussi avait été 
décapité ! !... 

Après la mort tragique de l’Amarante j'avais dit : Hélas ! 
Après celle du Ministre, je criai : Holà! A tout prix, il fallait 
découvrir le meurtrier de mes Oiseaux et le lyncher sans pi- 
tié si, comme je le croyais, sans pouvoir toutefois me l’expli- 
quer, c'était une bête malfaisante venue du dehors. 

À cet effet, je choisis un poste d'observation d’où le regard 
pouvait pénétrer dans l’intérieur de la volière et l'oreille 
percevoir tous les bruits insolites qui s’y produiraient. Je me 
tins là une bonne partie de la journée, faisant le guet, prêt à 
m'élancer à la première alerte. Ce fut peine perdue. Le soir, 
à l'heure où la maudite engeance des Rats et autres marau- 
deurs nocturnes quittent leurs profondes retraites pour se 
mettre en campagne, je repris ma faction, cette fois au point 
de jonction du treillage et de l’abri couvert, de facon que le 
plus petit cri ou le plus léger battement d’aile arrivät distinc- 
tement jusqu'à moi. Rien encore ne vint troubler le sommeil 
de mes pensionnaires. A minuit, fatigué d'attendre sous 
l’orme, j’allai moi-même prendre un repos bien mérité. 

Ce manège dura une quinzaine de jours au bout desquels 
trois petits Virginiens vinrent à la vie. Ah ! mes amis, quelle 
fête ! Tout à la joie d’être père, le mâle Cardinal ne tenait 
plus en place. Onle voyait partout à la fois, dans la maison- 
nette et dans le jardinet, allant, venant, sautant de branche 
en branche, bondissant de perchoir en perchoir, bousculant 


42 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


les Oiseaux qui se trouvaient sur son passage, toujours la 
huppe droite, la queue étalée, les ailes frémissantes, sillon- 
nant la volière en tout sens, l’éclairant de la fulgurance de 
son plumage écarlate, la remplissant de sa folle gaïeté, la fai- 
sant retentir de ses plus mélodieuses chansons. La mère, elle, 
plus calme mais non moins heureuse, ne quittait pas le nid, 
réchauffant amoureusement ses petits tout nus et leur distri- 
buant du bout du bec la nourriture que son turbulent époux 
ne manquait pas de lui apporter. 

Pourquoi ne l’avouerais-je pas ? J'étais aux anges. Songez 
donc, trois Cardinaux en une seule nichée ! À côté de ce 
succès presque inespéré combien me paraissait légère main- 
tenant la perte d’un Bengali amarante et d’un Ministre bleu! 

Mais voici le revers de la médaille. 

Un jour — le troisième qui suivit la naissance des petits 
Virginiens, — comme je me dirigeais vers la volière pour y 
déposer la provende accoutumée, tout à coup des cris plaintifs, 
déchirants, pareils à ceux d’un Oiseau qu'on écorchait vif, 
vinrent frapper mes oreilles, D'un bond je suis à la porte. 
J'ouvre et que vois-je ? Le mâle Cardinal à califourchon sur 
un Foudi et le frappant à grands coups de son robuste bec. La 
pauvre bête — le Foudi s'entend — était toute aplatie sur le 
sol, pantelante et comme écrasée sous le poids de son énorme 
adversaire, qui s'enfuit à mon approche. Je relevai la vic- 
time : elle avait les deux yeux à demi-pochés et la tête 
entièrement déplumée depuis la naissance du front jusqu’au 
bas du cou. 

Cette scène fut pour moi toute une révélation. Désormais, 
j'étais fixé sur les nom, prénom, qualités et domicile de l’au- 
dacieux bandit qui mettait ma volière en coupe réglée et 
croquait la tête de mes Oiseaux comme de vulgaires noisettes. 
En outre, je savais de quelle arme redoutable il frappait ses 
victimes et quel genre de supplice il leur faisait endurer avant 
de les achever. Enfin, pour peu qu’un supplément d’informa- 
tion eut été nécessaire, j'aurais pu dévoiler les mobiles secrets 
qui le faisaient agir et les sentiments divers dont il était agité 
avant, pendant et après le crime... Qu’eussiez-vous fait à ma 
place ? Sans doute ce que je fis moi-même, c’est-à-dire rien 
du tout. Je laissai donc les choses en l’état et m’en remis 
pour le reste à la grâce de Dieu, me réservant d'agir énergi- 
quement lorsque les petits Cardinaux auraient pris leur essor. 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 43 


Naturellement, ce qui devait arriver arriva. Insensible à 
mes menaces comme il l'avait été naguère à mes doléances, 
maître Cardinal s’en donna à bec que veux-tu. Malheur à 
l'Oiseau qui se risquait trop près du nid! l’imprudent appre- 
nait sur l'heure et à ses dépens le respect que l’on doit avoir 
pour la propriété d'autrui. Que si, plus agile, il échappait à 
son redoutable agresseur en se faufilant dans les touffes d’un 
arbuste, tôt ou tard Cardinal rouge savait le retrouver, et 
alors son compte était définitivement réglé. C’est ainsi que le 
pauvre Foudi, déjà si maltraité, ne fut pas longtemps sans 
recevoir le coup de grâce. Selon l'usage, l'Oiseau malgache 
avait été décapité. Toutes mes recherches pour retrouver la 
tête furent infructueuses : nue comme un marron, elle avait 
sans doute été prise pour telle et traitée en conséquence, à 
moins que le Cardinal s'étant acharné à la déchiqueter en 
eùüt dispersé les débris. 

Avec de pareilles dispositions, ce diable d’Oiseau ne pouvait 
manquer de dépeupler ma volière à bref délai si je ne trouvais 
un moyen quelconque d’apaiser son humeur massacrante. 
Lequel ? That is {he queslion... Ayant lu quelque part que : 


Un roi n’est un bon roi que quand il a diné, 


l'idée me vint de servir au tyran emplumé les mets les plus 
succulents et les plus variés : œufs de Fourmis, Vers de 
farine, toutes les chenilles vertes et grises que je sa- 
vais dénicher dans mon jardin, petits Grillons bien re- 
plets et bien dodus que, faute de Sauterelles dont les 
champs étaient encore dépourvus, les gamins, moyennant 
quelques sous, m'apportaient à pleines casquettes. Cardi- 
nal mangeait de tout, gorgeait la petite famille qui fort 
heureusement, grandissait à vue d'œil, mais ne desarmait 
pas. Que dis-je ? mis en gout par cette alimentation azotée et 
éminemment stimulante, le drôle devint effroyablement mé- 
chant, frappant d’estoc et de taille, tuant pour le plaisir de 
tuer, décimant ma volière de parti-pris, avec une férocité 
renouvelée de cet empereur romain qui souhaitait que son 
peuple n’eût qu'une tête pour l’abaître d’un seul coup. 

Et successivement succombèrent sous son bec assassin : la 
femelle Amarante, un Tarin, deux Cordons - Bleus, deux 
Moïneaux japonais, tous citoyens pacifiques et sans malice 
s’il en fut ; puis, un Chardonneret et une Linotte étourdie qui 


&E BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


était allée, la petite folle, se suspendre par une patte au pa- 
nier même des Cardinaux ; enfin, le mâle Diamant quadri- 
colore, mon magnifique Pape des prairies. Ce dernier fut 
massacré la veille même du jour où les jeunes Cardinaux, 
ayant abandonné leur nid, purent, sans danger pour leur vie, 
être transportés avec leurs parents dans une chambre basse 
préparée à leur intention. Vingt-quatre heures plus tard, il 
était sauvé. " 

En résumé : un Diamant, un Tisserin, deux Munies, qua 
Fringilles, quatre Astrilds ou Bengalis, soit un total de douze 
victimes dans l’espace de cinq semaines. 

Et voilà-comment le Cardinal de Virginie est le plus doux 
et Le plus débonnaire des Oiseaux! 

Oh! je vous entends. — « Votre Cardinal, allez-vous me 
dire, était un franc mauvais sujet, un affreux scélérat, un 
monstre abominable, la honte et le déshonneur de la gent em- 
plumée. Suit-il de là que tous les Cardinaux lui ressemblent? 
Pour un Cheval vicieux et rétif combien de Chevaux dociles 
et doux comme des Moutons ?... » 

— Vous parlez d’or, ami lecteur. Ce beau raisonnement, je 


me le fis à mor-même, croyez-le bien. D'ailleurs, M. Chiapella . 


ne m'avait-il pas appris que « sur cent Cardinaux on en ren- 
contrait à peine un seul se comportant mal avec ses petits 
compagnons »? Conséquemment, le mien ne pouvait étre 
qu'une exception dans la grande et intéressante famille des 
Coccothraustidés rouges, un individu dépravé, perverti, une 
sorte d'anomalie de l’espèce. Aussi, loin de me décourager, je 
m'empressai de lui donner un successeur en la personne au- 
guste de Cardinal IT, fils aîné de Cardinal Ie, héritier pré- 
somptif de la couronne paternelle. 

J'installai donc mon jeune Cardinal à la’ place — j'allais 
dire sur le trône — occupé précédemment par son indigne 
père. Seulement, comme Chat échaudé craint l’eau froide, 
j'avais fait construire au préalable une seconde volière où 
furent logés immédiatement les Oiseaux précieux, ne laissant 
au nouveau venu pour compagnons que des volatiles français 
ou de vil prix. 

Dans les commencements de son règne, Cardinal II se mon- 
tra prince doux et bon, simple et familier avec ses sujets 
dont il ne dédaignait pas de partager les jeux et la table. Mais 
les instincts pervers qui sommeillaient dans son cœur, triste 


T 
Ci LD 


TES PRO 


COUT POCTEND TANT ET 47 TOUR 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 45 


lot de l’héritage paternel, se réveillèrent un jour subitement 
à propos d'un Ver de farine qu'une gentille petite Nonnette 
eut l'imprudence de lui disputer. La Nonnette ne mangea pas 
le Ver; elle ne mangea ni celui-là ni aucun autre, car on lui 
administra sur l'heure une si maîtresse raclée qu’elle en per- 
dit l'appétit pour l’éternité. 

Le châtiment ne se fit pas attendre. D'un coup de filet, 
Cardinal IT fut attrapé, mis en cage et remplacé par son frère 
cadet, qui prit sur mes tablettes le nom de Cardinal IIT. 

Le premier n'avait régné que trois mois et onze jours, du 
2 juillet au 13 novembre. Le règne du second fut de plus 
courte durée encore. Vingt-cinq jours après son avènement, 
s'étant livré à des voies de fait sur un Bec d’argent inoffen- 
sif, il alla, comme son ainé, méditer dans la solitude sur le 
néant des grandeurs. 

Décidément la manie du meurtre était une maladie de 
famille chez mes Cardinaux. Désespérant d’en tirer jamais 
rien de bon, je résolus de me défaire en bloc de toute la lignée 
et de mettre à l'épreuve deux nouveaux couples d’importa- 
tion récente. 

Ils m'arrivérent de Marseille au mois de janvier suivant, 
par une matinée radieuse, mais froide. Un couple fut lâché 
dans la chambre basse; l’autre, plus favorisé du sort, alla 
jouir du grand air de la volière. 

Que vous dirai-je, ami lecteur, que vous ne soupconniez 
déjà? Cardinal IV ne fut ni meilleur ni pire que ses prédéces- 
seurs : même caractère hargneux, mêmes dispositions batail- 
leuses, même goût prononcé pour la chair vive. Au moment 
de la pariade, je lui signifiai son congé, et Cardinal V, ac- 
compagné de madame son épouse, fit son entrée triomphale 
dans la volière au milieu. de la frayeur générale. 

Celui-ci, il faut lui rendre cette justice, ne tua aucun 
Oiseau; en revanche, il en dépluma si bien une demi-douzaine 
qu'ils auraient pu être mis à la broche sans autre préparatif. 
Ce couple eut le sort des précédents. 

Je tentai une sixième et une septième expérience avec deux 
des petits obtenus pendant l'été. Nous étions au mois de 
septembre. L'année avait à peine fini sa carrière, que mes 
Cardinaux, parvenus à l’âge adulte, s’élançaient résolument 
sur la trace de leurs devanciers. 

Fallait-il abandonner la partie? Que dirait M. Chiapella? 


46 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Que penserait M. Moreau dont l'excellent ouvrage venait de 
paraître? Et puis ne sait-on pas que l’amateur d’'Oiseaux 
est comme l'amateur d’estampes, de tableaux et de toute belle 
chose, en qui la passion s’avive à mesure que les difficultés 
surgissent ? 

J'allai donc courageusement de l'avant, multipliant mes 
expériences, achetant pour revendre, vendant pour acheter, 
poursuivant sans me lasser ce Cardinal fantôme, objet de mes ‘ 
rêves, qui, au moment même où je croyais le saisir, s’en- 
fuyait à tire-d’aile dans les lointains de l'idéal. Et j'arrivai 
ainsi au dixième couple, Gros-Jean après comme devant. 
Alors, je criai : halte! et je fis une croix, car mon opinion 
était fixée : en volière, au milieu de petits Oiseaux, le Cardi- 
nal de Virginie ne valait rien qui vaille..… 

Deux années s’écoulèrent sans m'occuper autrement du 
Cardinal rouge que pour en retirer le plus de produits pos- 
sible. A cette époque (1895), M. le marquis de Brisay publia 
une seconde édition de son très remarquable ouvrage : Passe- 
reaux. J'achetai le volume. A l’article : Cardinaux, je lus avec 
un étonnement mêlé de dépit la phrase que le lecteur connaît 
déjà. — « Eh quoi! m'écriai-je, de tous les éleveurs français, 
je serais le seul à n’avoir pu trouver un Cardinal selon la 
formule? » Voulant en avoir le cœur net, je suppliai divers 
amateurs de ma connaissance de me dire ce qu'ils savaient 
des mœurs et du caractère du Passereau virginien. Les ren- 
seignements sollicités m’arrivèrent peu à peu, s’échelonnant 
selon les distances et les occupations de mes honorables cor- 
respondants. 

La première lettre est de Me la comtesse de B**. A la troi- 
sième page, je lis : « N’en doutez pas, M. l'abbé, le Cardinal 
rouge est un Oiseau bien méchant. J'ai dû loger le mien dans 
un compartiment séparé parce qu'il tuait tous ses petits com- 
pagnons. » | 

La seconde est de M. J. de V** qui, le 2 janvier 1896, sou- 
haitait en ces termes la bonne année au Cardinal de Virginie : 
« Ah! le mauvais garnement! il semble n'avoir été créé et 
mis au monde que pour tourmenter les petits Oiseaux qu'il 
harcèle sans cesse et tue sans pitié. Au demeurant, assez bon 
camarade pour les Perruches de Swainson et omnicolores qui 
vivent avec lui... J’espère que l’une d'elles se décidera à lui 
tordre le cou. » 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. k7 


La troisième enfin est d’un amateur dont le nom paraît ici 
pour la seconde fois. Le 7 février suivant, M. Jarrassé, de 
Poitiers, avait la bonté de m'adresser une très longue et très 
intéressante relation avec licence d'y promener les ciseaux 
en longs et en large. J'en extrais ces quelques lignes : « Les 
Cardinaux rouges s'entendent à merveille avec les Faisans 
(comme chez M. le marquis de Brisay!); mais ils sont sans 
pitié pour les petits Oiseaux... Ils ont déjà mis à mal Char- 
donnerets, Tarins, Bouvreuils, etc., dont il ne me reste plus 
un seul. » À 

Sur six éleveurs dont je pourrais encore invoquer le témoi- 
gnage, quatre parlent dans le même sens,accusant le Cardinal 
des plus abominables forfaits; le cinquième ne sait auquel des 
deux, du Cardinal gris ou du Cardinal rouge, attribuer la 
mort de ses petits Oiseaux; le sixième enfin admet en faveur 
de ce dernier plusieurs circonstances atténuantes, au nombre 
desquelles il cite l’exiguïté de la volière, « trop petite, dit-il, 
pour permettre, à mes nombreux pensionnaires de prendre 
librement leurs ébats. De là, ajoute-t-il, des disputes inces- 
santes et des chocs inévitables où le plus fort finit par écraser 
le plus faible. C’est le struggle for life. » 

En résumé, beaucoup de mal et très peu de bien à l'actif de 
notre Oiseau. Si maitre Cardinal n’a que cela pour se faire 
recevoir en paradis, il peut s'attendre à ce que saint Pierre 
lui ferme la porte au... bec. 


e ° ° ° e e ° e ° . e 0 e ° 


Cette seconde partie de notre étude sur le Cardinal rouge 
serait incomplète si nous ne mettions sous les yeux du lec- 
teur l’ensemble des résultats obtenus durant le cours de notre 
long élevage et que la crainte d’allonger indéfiniment ce récit 
nous a fait passer sous silence. Ces résultats, nous allons les 
formuler en cinq ou six propositions que nous considérons, 
nous, comme autant d'articles de foi, mais que le lecteur 
pourra rejeter en tout ou en partie sans courir le risque de 
tomber dans l’hérésie : 


I. — En volière très spacieuse, où tous les Oiseaux peu- 
vent, sans étre génés, se livrer à leurs ébats favoris, le Car- 
dinal de Virginie est d'humeur pacifique et ne s'inquiète pas 
de ses voisins. | 

II. — En cage étroite, même attitude. Plus le Cardinal est 


48 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


privé de liberté, moins il se montre querelleur et mé- 
chant (1). 

III. — Le Cardinal jeune reste généralement doux pour ses 
compagnons de captivité jusqu'au printemps suivant, c'est- 
à-dire jusqu'au jour où il est parvenu à l’âge adulte. 

En tout cas, s’il pourchasse les petits Oiseaux, il ne leur 
fait point de mal. Les exceptions à cette règle sont relative- 
ment rares. 

IV. — Adulte, le Cardinal devient insupportable. Seul, en 
volière étroite et même de moyenne grandeur, son humeur 
peut être simplement querelleuse et intermittente; accouplé, 
elle devient massacrante et permanente. 

V. — Le Cardinal nouvellement importé n'attaque pas les 
autres Oiseanx avant de s’être familiarisé avec son nouveau 
logis; pour partir en guerre, il attend le plus souvent l’époque 
de la pariade. Au contraire, le Cardinal né en captivité 
montre ses dispositions agressives dès les premiers jours de 
son entrée en volière. | 

VI. — Les femelles sont rarement méchantes. D'’elles, mais 
d'elles seules, nous dirions volontiers avec M. H. Moreau : 
« Sur cent... il est rare d’en rencontrer une qui se comporte 
avec aigreur envers les petits compagnons qu’on peut lui 
associer. » 


(A suivre.) 


(1) Chacun sait que deux Cardinaux mâles ne peuvent vivre en liberté dans 
la même volière sans s’entretuer à bref délai. Et pourtant si nous entrons dans 
le magasin d’un oiselier nous verrons dix, vingt... Cardinaux entassés dans la 
même cage et y séjournant sans se molester. Il en est de même du Sénégali 
rouge, dont les mâles se poursuivent en volière avec un acharnement à peine 
croyable chez un si petit Oiseau. 


sé 


49 


IMPORTATION DE PERCHES CRAPPIES 
(POMOXFYS ANNULARIS) 


A LA STATION AQUICOLE DU NID DE VERDIER, PRÈS FÉCAMP (1), 


par C. RAVERET-WATTEL, 


Vice-président de la Société. 


Dans ces dernières années, grâce surtout à la Société na- 
lionale d Acclimatation, deux acquisitions intéressantes ont 
été faites paur nos eaux douces ; deux Poissons américains 
de réelle valeur sont venus prendre place à côté de nos meil- 
leures espèces indigènes. Je veux parler de la Truite Arc-en- 
Ciel et du Saimo fontinalis, généralement désigné sous le 
nom de « Saumon de fontaine ». Tout le monde connaît 
aujourd'hui ces deux Poissons, qui, très voisins de notre 
Truite d'Europe, se recommandent par certaines qualités spé- 
ciales. La Truite Arc-en-Ciel, sensiblement moins exigeante 
que la Truite commune sous le rapport de la fraicheur de 
l’eau, nous permet de cultiver désormais la Truite dans des 
eaux qu'on était précédemment obligé d'abandonner à la 
Carpe ou à des Poissons de moins de valeur. Le Salmo fonti- 
nalis, au contraire, se plaît surtout dans des eaux tres froides, 
où la Truite n'aurait qu'une croissance assez lente. Les éle- 
veurs sont donc actuellement en possession de trois bonnes 
espèces, répondant chacune à des besoins différents : pour les 
eaux manquant un peu de fraicheur, la Truite Arc-en-Ciel ; 
pour les eaux déjà plus fraiches, la Truite commune; enfin, 
pour les eaux tout à fait froides, le Salmo fontinalis. 

Maïs ce sont là toujours des Salmonides ; c'est-à-dire des 
Poissons exigeant une eau courante et copieusement aérée. 
Pour les eaux plus ou moins stagnantes, susceptibles de 
s’échauffer, et manquant un peu d'oxygène, nous n'avons 
toujours que des Poissons assez peu estimés, peut-être même 
trop dédaignés. Nos pisciculteurs ont eu le tort de ne guère 
s'occuper jusqu'ici que des Salmonides. Il conviendrait main- 


(1) Communication faite en séance générale le 16 décembre 1898. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 4. 


50 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


tenant de chercher à augmenter aussi nos ressources en Pois- 
sons pouvant convenir aux étangs et aux eaux dormantes. 
C'est ce qui m'a conduit à entreprendre un essai d’acclimata- 
tion, qui n'en est encore que tout à fait au début, mais dont 
je crois néanmoins devoir entretenir la Société. 

Chacun sait qu'il existe aux Etats-Unis tout un groupe de 
Poissons vulgairement désignés sous le nom des Sunfishes 
(Poissons Soleil) (1), comprenant des espèces à vaste distri- 
bution géographique, les unes entrant pour une large part 
dans la consommation, les autres, au contraire, à peu près 
sans valeur sous ce rapport. 

- Parmi ces dernières figurent le « Sunny » ou Suafñfsh 
commun, Eupomotis gibbosus (Linn.) (2), qui, introduit en 
Europe il y a une douzaine d'années, serait, parait-il, natura- 
lisé déjà dans plusieurs de nos cours d’eau (3]}. Chez nous, ce 
Poisson, que possèdent un certain nombre d'amateurs, est 
souvent désigné sous le nom de Calico Bass, appellation 
absolument erronée, attendu que ce nom de Calico-Bass est, 
aux Etats-Unis, celui sous lequel on désigne deux autres Sun- 
fishes bien différents, qui ne paraissent pas avoir encore été 
importés avec succès en Europe (4) : le Pomcæys syaroides 
Lacépède, et le P. annularis Rafinesque. Ces deux espèces, 
qui se ressemblent assez pour qu'on puisse facilement les con- 
fondre, sont, dans certaines parties des Etats-Unis, désignées 
aussi, l’une et l’autre, sous le nom de Crappies (5). Néanmoins, 


(4) C’est le Pomotis vulgaris de Cuvier, et le Lepomis gibbosus de Rafnesque. 
MM. Gill et Jordan l’unt classé dans leur genre ÆEwpomofis, en adoptant le 
nom spécifique de gi#hbosus par respect pour l'appellation de Perca gibbosa pri- 
mitivement donnée à cette espèce par Linné (Liun., Syst. Nat., éd. X, 293, 
1758). 

Quant aux noms vulgaires de ce Poisson, ils sont extrêmement nombreux 
aux États-Unis. En voici quelques-uns : Common Sunfish, Suuny, Bream, 
Pumpkin-Seed, Tobacco-box, Robin-Perch, Red-Belly, Yellow-Belly, Sand- 
Perch, etc. | 

(2) Voy. : L'Intermédiaire des Biologistes, 1° année, 1897-1898, p. 61 et 104. 

(3) En novembre 1891, M. Max von dem Borne, de Berneuchen, reçut des 
Etats-Unis, six jeunes Calico-Bass (P. sparoides), qui lui furent rapportés de 
New-York par son fils, auquel ils avaient été remis par M. Fred Mather, de 
la part de M, le coionel Marshall Mac Donald, Commissaire fédéral des Pé- 
cheries, à Washington. Malheureusement ces Poissons périrent sous la glace 
pendant l'hiver suivant. (Max von dem Borne, Die Amerihkanischen Sonnen- 
fische in Deutschland, p. 6. Neudamm, 1889.) 2 
- (4) Ces Poissons constituent, à eux seuls, toute une famille du groupe des 
Percoïdés, celle des Centrarchidés. 

(5) Voy. D.-S. Jordan et B.-W.-Evermann, The Fishes 0f North and 
Middle America. Washington, 1896. Part I, p. 98. 


IMPORTATION DE PERCHES CRAPPIES. 54 


le nom de Calico-Bass est plus généralement appliqué au 
Pomoxys sparoides, et celui de Crappie au Pomoxys annu- 
laris (1). 

Si l'Eupomotis gibbosus, c'est-à-dire le Sunfish commun, 


Fig. 1. — Eupomotis gihbosus (Linn.) ou Sunfish commun (2), 


déjà introduit chez nous, ne présente qu'un assez médiocre 
intérêt au point de vue de l’alimentation, attendu que sa 


(1) Ces deux espèces reçoivent, d’ailleurs, suivant les localités, une foule 

d’appellations différentes. Ainsi, le Pomozy sparoides, presque toujours désigné 
sous le nom de Calico-Bass dans l'Illinois, est plus généralement chpalé 
Grass-Bass dans l'Ohio; Bar-Fish dans le Miscccins Speckled-Perch en 
Floride et dans la Caroline du Nord ; Calico-Bream dans la Caroline du Sud, 
Speckled-Trout en Géorgie: Bitter-Head et Lamp-Lighter sur les bords du lac 
Erié; Strawberry-Bass et Bank-Lick-Bass dans les environs de Cincinnati. 
Ailleurs, ce sont encore d’autres noms : Black Crappie, ou Croppie, Lake 
Croppie, Silver-Bass, Butter-Bass, Goggle-Eye, Goggle-eyed-Perch, etc. 
. Quant au P. annularis, le noin vulgaire de Crappie qu’il porte surtout dans 
la vallée du Mississiri, se change, dans certaines localités, en ceux de Croppie 
et de Cropet. On dit aussi : White Croppie, Timber Croppie, etc. Ailleurs, 
d’autres Fppeleions lui sont données : Campbellite, New-Light, Silver- 
pes etc. 

(2) Cette fixure, rapprochée de celle du Pomoxys annularis, que nous don- 
nons Élu (Voir page 53), montre toute la différence d’aspect qui existe 
entre EE deux espèces. [l est un caractère très net qui ne saurait permettre de 
les confondre : c’est celui que fouruissent les rayons épineux de la nageoire 
anale, lesquels ne sont jamais qu'au nombre de trois chez les Ewpomotis, tandis 
qu'il y en a six chez les Pomozys. 


_ RTL ES ns, À 
3 ; - REV rs en 
D É +." 


92 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


petite taille (1) n’en fait jamais qu'un Poisson de friture, les 
deux Pomoxys, c'est-à-dire le véritable Calico-Bass et le Crap- 
pie, sont, au contraire, deux Poissons se recommandant, à la 
fois, par leur taille assez forte (ceux qu’on vend sur les mar- 
chés (2) pèsent généralement une livre, en moyenne), par la 
qualité de leur chair blanche, délicate, comparable à celle de 
notre Perche d'Europe, enfin, par leur aptitude à vivre dans 
des eaux peu ou point courantes. 

Aussi, depuis quelques années, la Commission fédérale des 
Pécheries des Etats-Unis s’occupe-t-elle activement de pro- 
pager ces deux espèces de Pomozys (3). 

Voici, du reste, comment s’exprimait sur le compte de l’une 
d'elles (le Pomoxys sparoides) M. le Professeur Jared 
P. Kirtland, dans une note publiée, il y a déjà longtemps, . 
par l'American Sportsman (4), et reproduite, en extrait, par 
M. John N. Klippart dans un des Rapports annuels de la 
Commission des Pécheries de l'Etat d’Ohio (5) : 

« D'après la longue et sérieuse étude que j'ai été à même 
d'en faire, je n'hésite pas à considérer le Grass Bass (ou 
Calico Bass) comme étant, par excellence le poisson pour 
tous. Originaire des cours d’eau et des lacs de l'Ouest, où il 
semble rechercher les eaux profondes et tranquilles, on l’a vu 


(1) La plupart des individus adultes que l’on pêche n’ont guère que 0®,15 
a 0®,20 de longueur. 

2) D’après les renseignements statistiques publiés par la Commission des 
Pècheries des Etats-Unis, c’est surtout dans l’Arkansas, l'Illinois, le Minne- 
sota, le Missouri et la Tenesse qu'il se vend le plus de ces Poissons sur les 
marchés. Il s’en débite annuellement 425,000 kiloz. environ, représentant une 
valeur de 39,000 dollars (195,000 fr.). Mais ces chiffres sont très loin de repré- 
senter la consommation réelle, attendu que presque tout le Poisson pêché est 
consommé par les pêcheurs eux-mêmes, et qu'il en est envoyé relativement très 
peu sur les marchés [U. S. Comm. of Fish and Fisheries. — Rep. of the Com- 
missioner for 1896, p. 495). 

(3) Le Calico-Bass proprement dit (P. Sparoides) est surtout répandu dans la 
région des Grands-Lacs, dans toute la vallée du Mississipi, ainsi que daus les 
deux Carolines et la Géorgie, à l’est des Alleghanies. On le considère généra- 
lement comme recherchant plus volontiers que le Crappie (P. annularis) des 
eaux chaudes et pures. Ce dernier qui est surtout commun dans la vallée du 
Mississipi, paraît avoir un habitat moins étendu que son congénère. Mais il a 
été propagé déja sur un très grand nombre de points, rotamment dans le Ma- 
ryland, et on le pêche maintenant dans les diverses branches du Potomac, 
ainsi que dans plusieurs de ses affluents, En 1895, plus de 50,000 alevins de 
cette espèce ont élé distribués à différentes personnes, et versés dans les ri- 
vières. (Report of Comm. of Fish and Fisheries, 1895, p. 142.) 

(4) Numéro du 28 février 1874. 

(5) Report Ohio State Fish Comm. for 1875-1876, p. 78. 


IMPORTATION DE PERCHES CRAPPIES. 93 


fréquemment, soit par suite de la création de canaux, soit 
par le fait d’importations directes, gagner, de proche en 


Fig. 2. — Promoxys annularis Rafinesque, Crappie. 


proche, des régions où il était inconnu, sel répandre? aussi 
bien dans des rivières aux eaux froides et'rapides que dans 


a Es Une 
, A 


54 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


de simples ruisseaux, supporter parfaitement ce changement 
de milieu, et, en l’espace de deux ou trois ans, pulluler d’une 
façon remarquable dans son nouvel habitat. Comme Poisson 
comestible, peu d'espèces le dépassent en qualité. Au point 
de vue de l'endurance et de la rapidité de croissance, aucune 
autre ne peut lui être comparée. Naturellement, il grossit 
plus ou moins, suivant la qualité de l’eau et la richesse du 
fond, et son poids peut varier de 1/2 livre à 2 livres et au- 
dessus... Il convient parfaitement pour l’empoissonnement 
des étangs, et il réussira, sans soins spéciaux, même dans de 
très petits espaces, pourvu qu'il y trouve une profondeur 
d'eau suffisante. Il ne peut nuire en aucune facon à l'existence, 
dans les mêmes eaux, d’autres espèces, petites ou grosses, 
attendu qu'il vit en bonne harmonie avec les autres poissons. 
Alors que sa conformation ne lui permet pas de nuire, et qu’il 
ne peut s'attaquer tout au plus qu'au très menu fretin. la for- 
midable garniture de rayons épineux que présentent ses na- 
geoires le met à l’abri des attaques même du vorace Brochet. » 

D'après M. le Professeur David S. Jordan, ces détails sont 
également applicables aux Pomoæys annularis. « Cette 
espèce, dit-il (1), communément appelée « Crappie » dans la 
vallée du Mississippi, recoit ailleurs des noms différents : 
« Bachelor » dans la vallée de l'Ohio, « New-Light » et 
« Campbellite » dans le Kentucky et l'Indiana, « Sac-à-lait » 
et « Chinquapin-Perch » dans le bas Mississippi. On la con- 
fond souvent avec le P. sparoides; aussi quelques uns des 
noms vulgaires donnés à ces poissons s’appliquent-ils aussi 
bien à l’un qu’à l’autre. Le Crappie se rencontre peu dans la 
région des Grands Lacs ; mais dans tout le cours inférieur du 
Mississippi et dans les affluents de ce fleuve, il est extrême- 
ment abondant. Ses alevins fourmillent dans tous les bayous 
vaseux, le long des rivières, et il en périt des quantités 
considérables en automne, quand ces surfaces d’eau se des- 
sèchent. Sauf sa préférence pour les eaux légèrement va- 
seuses, nous ne voyons rien, dans ses habitudes, qui puisse 
le distinguer du Calico Bass, et l’un et l’autre sont considérés 
comme faisant d'excellents Poissons d'étangs. Tous deux 
mordent bien à l’'hamecon, vivent de Crustacés, de menu 
Poisson, etc., et tous deux frayent au printemps. » 


(1) David S. Jordan, 7e Sun-fishes and their allies. (The Fisheries and Fi- 
shery Industries of the United-States, p. 404. Washington, 1884.) 


IMPORTATION DE PERCHES CRAPPIES. Dh) 


Ces renseignements, déjà favorables, n'étaient pas les seuls 
que je possédasse sur les Pomoxys. On se souvient qu’en 
1887 et 1888, notre collègue M. Emile Bertrand, qui avait, le 
premier en Europe, obtenu la reproduction de l’Eupomotis 
gibbosus, distribua généreusement plusieurs milliers d’alevins 
de cette espèce. M. Max von dem Borne, de Berneuchen, 
s'étant procuré quelques-uns de ces Poissons qu’il croyait être 
des Calico Bass (1), s’adressa à M. le Colonel Mc Donald alors 
Commissaire fédéral des Pécheries des Etats-Unis, à Was- 
hington, pour s'informer des soins qu'il convenait de leur 
donner et du degré d'intérêt que pouvait présenter leur 
acclimatation en Europe. D'après la description donnée des 
Poissons sur lesquels on le consultait, M. Mc Donald reconnut 
qu'il ne s'agissait que du Sun-Fish commun. Aussi, dans sa 
réponse, dissuada-t-il M. von dem Borne de s'occuper de la 
propagation de cette espèce, en tant que Poisson alimentaire, 
et lui conseilla-t-il de chercher plutôt à acclimater le véri- 
table Calico Bass, c'est-à-dire le Pomomys sparoides, et 
l'espèce voisine, le Crappie (P. annularis). « ..... Le Sun- 
fish commun est un charmant Poisson d’aquarium » disait-il, 
dans une lettre du 11 décembre 1891, que M. Max von dem 
Borne voulut bien me communiquer à cette époque, — « mais 
‘ » c'est une peste dans un étang d'élevage, et il importerait 
» de ne pas le laisser se multiplier dans les eaux de l’Alle- 
» magne. C'est un Poisson extraordinairement prolifique, 
» grand destructeur du frai et de l’alevin des autres poissons; 
» ses œufs sont adhérents, et ils peuvent être transportés au 
» loin par les Oiseaux d’eau. 

» Le Calico Bass et le Crappie, au contraire, sont des 
» Poissons recommandables pour les étangs, quoique réussis- 
» sant bien aussi dans les cours d’eau. Ces deux espèces, 
» extrêmement voisines, sont très bonnes. Elles prennent un 
» développement beaucoup plus considérable que le Sunfish 
» commun, et sont bien préférables pour la table. Si vous 
» réussissiez à acclimater le Crappie en Allemagne, vous 
» rendriez au pays un service réel. » 

Je n'avais pas perdu de vue ces renseignements, non plus 


(1) On considérait alors ces Poissons comme étant de véritables Calico Bass, 
{[Voy. Gilbert Duclos, Za Perche argentée d'Amérique ou Calico Bass. — Revue 
des Sciences nat. app. — Bull. bi-mensuel de la Soc. nat. d’Accl. de France, 
1889, p. 12.) 


1 
; 
# 


r 


56 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


que ceux donnés par le Professeur Kirtland, et ce sont eux 
qui m'ont conduit récemment à tenter l’acclimatation des 
Pomoxys. Après quelques démarches, entamées il y a déjà 
plus d’un an, j'ai réussi à me procurer aux États-Unis et à 
me faire expédier, des bords de l'Ohio où ils ont été pêchés, 
quelques exemplaires de Pomoxys annularis (1). Ces Pois- 
sons, au nombre de vingt et un, contenus dans deux bidons, 
furent d'abord dirigés sur New-York, où on les embarquait, 
le 22 octobre dernier, sur le paquebot transatlantique La 
Nararre. ls eurent malheureusement beaucoup à souffrir de 
la traversée. Le lendemain méme de son départ, le paquebot 
était assailli par une violente bourrasque, qui le malmena 
fort. Par suite de l'état de la mer, presque à chaque mouve- 
ment de tangage ou de roulis, une partie de l’eau des bidons 
se répandait au dehors, et les Poissons étaient projetés les 
uns contre les autres ou contre la paroi des bidons. Aussi, 
après quarante-huit heures seulement de route, treize d’entre 
eux avaient-ils déjà péri. 

Les huit survivants arrivèrent au Havre, fatigués, mais 
relativement encore en assez bon état. et ils furent immédia- 
tement dirigés sur la Station aquicole du Nid de Verdier, près 
Fécamp, où nous les avons installés dans un bassin spécial. 

Probablement par suite de contusions reçues pendant le 
voyage, deux de ces Poissons furent bientôt envahis par « la 
mousse » (Saprolegnia feraz) et périrent en moins d'une se- 


(1) Voici les caractères de cette espèce : corps relativement court, fortement 
comprimé latéralement; dos très élevé; hauteur du corps comprise deux fois et 
demie dans la longueur. Œïül grand, ayant, en diamètre, le quart de la longueur 
de la tête. Tête proportionnellement longue, contenue trois fois seulement dans 
la longueur du corps. Museau pointu et relevé en avant. Nageoire dorsale plus 
courte que l'anale, présentant six rayons épineux et quinze rayors mous. 
Anale à six rayons épineux et dix-huit rayons mous. Teinte générale blanc 
argent, nuancé de vert, avec de nombreuses taches d’un vert olive, particuliè- 
rement dans la partie supérieure du corps, et tendant à dessiner des bandes 
verticales irrégulières. Dorsale et anale marquées de taches sombres. 

Les teintes de la livrée étant très variables chez les deux espèces de Po- 
moxys. c'est, le plus généralement, d'après le nombre des rayons épineux de 
la nageoire dorsale qu'on peut distinguer le P. sparoïides de lannularis : ce 
nombre est de sept ou huit chez le premier, tandis qu’il est, normslement, de 
six seulement chez le second, Mais on trouve assez fréquemment des individus 
anormaux ayant un ou deux rayons de plus. La distinction peut alors être faite 
d’après la coloration des flancs et de la région abdominale, toujours pius claire 
chez l’annularis que chez le sparoïides, d’où le nom de White Crappie, donné 
parfois à l’annularis, et celui de Black Crappie, appliqué, par contre, au sga- 
roides. Chez ce dernier, tout le corps présente parfois des reflets rougeâtres, 
qui lui ont valu, dans certaines localités, l'appellation de Strawberry Bass. 


IMPORTATION DE PERCHES CRAPPIES. 57 


maine. Maïs les autres paraissent actuellement bien portants 
et fouillent souvent les herbes aquatiques (Myriophyllum) du 
fond de leur bassin pour y chercher de la nourriture et faire 
une chasse active aux Crevettes (Gaimimarus). Mais ils 
montrent une préférence marquée pour les « Vers de vase » 
(larves de Chironome plumeux), sur lesquels ïls se jettent 
avec grand empressement quand nous leur en distribuons. 

Ce fait concorde parfaitement, du reste, avec les observa- 
tions faites par M. le Professeur KF.- A. Forbes, de l'Université 
de l'Illinois, auquel on doit de très remarquables recherches 
sur la nourriture d’un grand nombre de Poissons des rivières 
américaines, les Pomoæys en particulier (1). « ... Les deux 
espèces de Pomoxys, dit M. Forbes, sont assurément, parmi 
les divers Poissons de la même famille habitant les eaux du 
Mississippi et de l'Illinois, ceux qui, après les Black Bass, 
présentent le plus d'intérêt au point de vue de l’alimentation 
publique. D’après la forme et la disposition des appendices de 
leurs arcs branchiaux, j'estime que les sujets jeunes doivent 
continuer beaucoup plus tard que les autres Sunfishes à se 
nourrir uniquement d'Entomostracés. Six individus de 3 à 4 
pouces de longueur que j'ai examinés n’avaient guère mangé 
que des Entomostracés et des larves de Diptères (Chironomus 
et Corethra). J'ai vu des sujets complètement adultes préférer 
les Cladocères à toute autre nourriture. Comme on pouvait 
s’y attendre, d’après l'aspect de leurs dents pharyngiennes, je 
n'ai trouvé aucune trace de Mollusques dans le tube digestif 
de quarante-deux individus examinés ; mais du petit Poisson 
avait dû servir de nourriture à vingt-sept d’entre eux, d'âge 
adulte. Il est vrai que c'était à l’arrière-saison, quand les En- 
tomostracés et les larves d’Insectes se font plus rares... (2) ». 


(1) S.-A. Forbes, The Food of the Fishes. (Bull. No 3. Il. State Lab. Nat. 
Hist., novembre 1880.) 

(2) « L'époque de l’année, continue M. Forbes, paraît, en eflet, influer beau- 
coup sur le régime alimentaire de ces Poissons, a l’âge adulte, 

» Cinq exemplaires capturés à Peoria, en mars, avaient surtout vécu de Cla- 
docères, principalement de Simocephalus vetulus et americanus. L'estomac cor- 
tenait une telle quantité de ces petits Entomostracés, qu’il en était distendu, 
et tout le tube digeslif était coloré en rougeâtre par la masse de leurs œufs. 
Les larves de Névroptères abondaient également dans l'estomac. 

Neuf exemplaires pêchés en avril renfermaient surtout des larves de Névrop- 
tères (principalement des Palingena bilineata), quelques larves de Gyrins, de 
Dytiques et de Corises. 

Un exemplaire capturé en mai renfermait aussi beaucoup de Névroptères ; 


58 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Au point de vue du transport, il est regrettable que, con- 
trairement aux recommandations écrites que j'avais adres- 
sées à l'expéditeur, on nous ait envoyé des sujets déjà un peu 
gros. Ce sont des Poissons d'environ dix-huit mois, mesurant 
de 0®,15 à 0,16 de longueur. Si, comme je l'avais demandé, 
on nous avait expédié des sujets de cette année, c'est-à-dire 
âgés seulement de six mois (la fraye des Pomoxys ayant lieu 
généralement en mai) et, par suite, ne dépassant guère 02,09 
ou 02,065 de longueur, ils auraient, sans doute, beaucoup 
mieux supporté le voyage. 

Maïs, d'un autre côté, avec des Poissons de la taille de 
ceux que nous avons recus, on peut espérer, s'ils survivent, 
obtenir plus promptement des reproductions. 

J'ai, du reste, demandé immédiatement un nouvel envoi, 
composé, autant que possible, d’alevins de cette année, afin 
de réduire les chances de perte en route. 

Je désirerais aussi pouvoir me procurer, en même temps, 
des sujets de Pomozys Sparoides, en vue d'étudier compara- 
tivement les deux espèces. 


P.-S.— Depuis ia rédaction de la note qui précède, un nouvel 
envoi de Pomozxys annularis m'est parvenu, de New-York, 
le 18 décembre dernier, par le paquebot La Gascogne. Cette 
fois l'expédition comprenait seize Poissons de méme âge que 
ceux du précédent envoi, et généralement de taille un peu 
plus forte encore. Deux d’entre eux périrent pendant la tra- 
versée, et un troisième succomba dans le trajet du Havre à 
Fécamp. Les treize survivants, qui paraissens tous en bon 
état, ont rejoint dans leur bassin les premiers arrivés. Nous 
possédons donc actuellement dix-neuf sujets de cette espèce. 


mais, en l'absence de Palinçgenia, c’étaient les Agrions et les plus grandes 
espèces de Libellules qui dominaient, 

Cinq Crappies provenant de Peoria, en octobre 1878, el cinq autres, pêchés 
dans la même région, en octobre 4897, m'ont fait voir qu'en automne la nour— 
rilure est différente. Ceux-ci avaient mangé de petits Poissons : Cyprins et 
Acanthoptérygiens, lesquels rsprésentaient environ trente-neuf pour cent du 
contenu de l'estomac. Le reste consistait principalement en larves de Palin- 
genia. Il y avait aussi des larves de la grande espèce d’Hellzrammite (Coryda- 
lis cornutus). 1] y a lieu de remarquer que, bien que ces Pomsozys fussent 
pêchés à la seane et examinés immédiatement, l’estomac ne renfermait guère, 
comme volume, que Le quart de la nourriture qu’on trouvait chez ceux capturés 
au printemps. , 


- E 4 
Te 


LES CULTURES SECONDATRES AUX ANTILLES 


IMPORTANCE DE LA CULTURE DU TABAC 


par Charles SATIS, 


Planteur (1). 


Depuis quelques années, tous les pays coloniaux produc- 
teurs de sucre traversent une crise terrible qui malheureuse- 
ment n’est pas près de s’éteindre. La Canne à sucre qui 
pendant tant d'années a fait la richesse de toutes ces contrées, 
ne donne pour ainsi dire plus de profit, et il a fallu que le 
planteur cherche ailleurs des moyens de subsistance. 

Parmi les colonies qui ont le plus souffert, il faut citer les 
Antilles. En effet, la Martinique et surtout la Guadeloupe ont 
vu leurs plantations de Cannes à peu près abandonnées, la 
misère est devenue générale et les deux colonies sœurs sont 
arrivées bien près de la banqueroute. Il ne faudrait pas croire 
cependant que cette situation soit tout à fait sans remède. 

Quelques planteurs plus prévoyants, ou pour parler plus 
exactement, plus riches que les autres, ont créé des planta- 
tions de Café et de Cacao qui sont maintenant très prosperes. 
La Vanille a été introduite dans les deux îles et donne de jolis 
bénéfices. Mais, toute médaille, si belle qu’elle soit, a un 
revers, et il est à craindre que le planteur, en voyant les prix 
élevés qu'atteignent sur les marchés les Cafés qu'il y envoie, 
ne veuille plus planter que du Café. C’est exactement ce qui 
s’est passé pour la Canne à sucre il y a nombre d'années ; la 
Canne donnant des résultats magnifiques, on n’a planté que 
de la Canne, et lorsque le prix en est devenu dérisoire, on 
n’a plus rien trouvé pour la remplacer, puiqu'il n'y avait rien 
d'autre de planté. 

Voilà justement ce que je voulais indiquer : le danger des 
monocultures. 

Il faut cependant bien se dire qu’un jour ou l’autre, jour 
que je désire le plus éloigné possible, il y aura surproduction, 


{1} Communication faite à la Section de colonisation le 9 janvier 4899. 


60 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


et qui dit surproduction, entend abaissement des prix. J'ai 
dit tout à l'heure, jour le plus éloigné possible, et je crois en 
effet cette époque assez loin de nous. C’est peut-être une 
indiscrétion, mais grâce aux efforts de l’Union coloniale 
française, nous pouvons espérer que nos produits coloniaux 
entreront en franchise complète et lutteront victorieusement 
contre les Cafés, Cacaos. etc., venant des colonies améri- 
caines, espagnoles hier encore, américaines aujourd'hui : 
Porto-Rico et Cuba. 

L’abaissement des prix est certainement un argument puis- 
sant contre la monoculture, mais il faut ajouter aussi que 
seuls, ceux qui avaient des capitaux, seuls ceux qui pouvaient 
non seulement faire les frais d'une plantation, mais encore 
attendre pendant cinq ans la récolte, ceux-là ont pu entre- 
prendre de planter des Cafés ou des Cacaos. Aussi avons-nous 
assisté à bien des ruines de pauvres planteurs qui avaient trop 
présumé de leurs ressources pécuniaires, et la plupart se sont 
endettés pour le reste de leur existence. Il aurait fallu pouvoir 
trouver une plante dont la consommation soit presque 
infinie, demandant peu de travail et surtout peu de temps 
avant de procurer des bénéfices. 

Cette plante idéale, nous l’avons pourtant ; c’est le Tabac. 


Les îles rivales qui jusqu'alors ont fourni le Tabac, sont 


ruinées par une guerre malheureuse et ne se relèveront pas 
de longtemps. Les fabriques de Cuba sont détruites ainsi que 
les plantations ; le moment est donc propice. Là où la Canne 
à sucre demande dix-huit mois avant de muürir, le Tabac 
demande trois mois et peut donner quatre récoltes par an. 
La France achète à l'étranger 15 millions 500,000 kilog. de 
Tabac, et à part l'Algérie aucune colonie française n’en 
fournit à la métropole. Ces tabacs étrangers nous viennent 
des Etats-Unis, du Mexique, de la Colombie, du Brésil, de 
Cuba et de Porto-Rico, et ainsi que le dit très bien un insti- 
tuteur de la Martinique, M. Blerald dans un petit livre qu'il 
vient de publier sur la culture du Tabac : « Nous aussi, aux 
Antilles, nous pourrions produire les Tabacs recherchés par 
les manufactures françaises et créer ainsi un commerce 
nouveau avec la France qui certes aimerait mieux faire vivre 
ses propres enfants que des étrangers. » 

Il serait trop long de m'’étendre plus sur la culture de 
cette plante précieuse, je renverrai à l'ouvrage de M. Albert 


LES CULTURES SECONDAIRES AUX ANTILLES. 61 


Larbalétrier, professeur de chimie agricole à l'École d'agri- 
culture du Pas-de-Calais et intitulé : Le Tabac, et surtout le 
petit livre de M. Blerald, dont je parlais tout à l'heure, et 
auquel je vais emprunter quelques chiffres, qui, je l'espère, 
achèveront de convaincre les plus incrédules. 


Le rendement est variable et dépend un peu de l'état du 
temps, beaucoup de la fertilité du sol, et de l’engrais employé. 
Ainsi, en Belgique, il varie de 3,000 à 5,000 kilog. à l'hectare, 
soit une moyenne de 3,700 kilog. Il sera prudent au début, de 
ne planter que quelques milliers de pieds, afin de bien se 
familiariser avec les procédés de culture et les manipulations 
qu'exigent la dessiccation, le triage, la fermentation et l’aro- 
matisation ainsi que l'emballage. L'expérience aidant, l’on 
pourra au fur et à mesure étendre ses plantations sans incon- 
vénient. D’après M. Blerald, même en se servant d'engrais 
chimiques relativement chers, et en prenant comme moyenne 
de vente le prix de 1 franc le kilog., il reste encore un béné- 
fice net de 1,760 francs par hectare. Cetteculture laissera donc 
au petit propriétaire un beau bénéfice, et n'exigera pas un 
bien gros capital, 5,000 francs étant largement nécessaires 
pour commencer et donnant un résultat immédiat. 

Il me reste en terminant à prier la Section coloniale de la 
Société d'Acclimatation, de faire tous ses efforts pour fournir 
aux planteurs des graines de Tabac provenant de Cuba, afin 
de planter autant que possible les mêmes variétés. 

Nous arriverons ainsi à relever les Antilles françaises, et 
à rouvrir pour ces iles merveilleuses une nouvelle ère de 
bonheur et de prospérité. 


62 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


LES RELATIONS ENTRE LE JARDIN DES PLANTES 
ET LES COLONIES FRANCAISES. 


par M. A. MrixE Enwanrps (de l’Institut), 


Directeur du Muséum d'Histoire naturelle. 


Le Muséum d'histoire nalurelle possède des ressources inappré- 
ciables qui peuvent être utilisées au grand bénéfice de nos cultures 
coloniales. Déjà, en 1790, Daubenton « le chef des bergeries du roi», 
Lamark, Lacepède, Fourcroy, Brongniart et les autres Officiers du Jardin 
des Plantes appelaient l'attention du législateur sur les services que 
leur institution pouvait rendre à l'agriculture. 

La Convention nationale, par décret du 10 juin 1793, disait : « Le 
but principal du Muséum sera l’enseignement public de l’histoire na- 
turelle prise dans toute son étendue et appliquée particulièrement à 
l'avancement de l’agriculture, du commerce et des arts. » 

En 1794, la même pensée reparait dans le rapports de Thibaudeau : 
il veut « associer dans l’enseignement du Muséum la théorie à la pra- 
tique pour former des cultivateurs qui ne soient pas uniquement con- 
duits par une routine aveugle ». Ë 

Depuis sa fondation, en 1627, le Jardin des Plantes s’est préoccupé de 
favoriser le développement de l’agronomie en France et dans les colonies. 

Er 1710, il recoit d'Amsterdam un pied de Caféier, il le multiplie 
et, en 1720, il en envoie un exemplaire, ainsi que des graines, à la 
Martinique. Le capitaine des Clieux en.est chargé et, au cours du 
voyage, il partage avec l’arbuste précieux sa modique ration d’eau 
potable, Ce fut le père des innombrables Caféiers des Antilles, et déjà, 
en 1776, Saint-Domingue exportait 15,000 kilogrammes de Café et, 
en 1789, 25,000 kilogrammes. 

Vers le milieu du xvui® siécle, la France fit des efforts considérables 
pour s'assurer la possession des arbres à épices dont Les Portugais et 
les Hollandais gardaient jalousement le monopole, et à l’instigation 
de Poivre, intendant de l’Ile de France, plusieurs expéditions furent, 
dans ce but, envoyées à l'archipel Indien. 

De 1769 à 1772, des Muscadicrs, des Girofliers, des Canneliers, des 
Mangoustans, des Sagoutiers, obtenus à grand’peine, furent plantés à 
l'Ile de France et bientôt Poivre en possédait assez pour demander 
au duc de Praslin, Ministre de la Marine, d’en essayer la culture à la 
Guyane. 

Céré, nommé, en 1775, directeur du jardin de l’Ile de France, conti- 
pua l'œuvre de Poivre; il se mit en relations avec les naturalistes du 
Jardin du Roi, Buffon, Daubenton, Thouin, Lamark, devint un des cor- 


EXTRAITS ET ANALYSES. 63 


respondants actifs de cet établissement, et s'il put expédier à Cayenne 
un grand nombre de végétaux précieux qui y prospèrent, c'est qu'ils 
trouvaient au Jardin des Plantes les soins necessaires, lors de leur pas- 
sage en France. 

Aussi,en juillet 1793,le Jardin national de Cayenne avait-il distribué 
plus de 2,000 Girofliers, Canneliers, Arbres à pain, etc. Il lui en res- 
tait encore 77,000 disponibles, sans compter une pépinière d'environ 
80,000 Girofliers. Quelques années plus tard, en 1608, on recueillait 
dans la colonie 55,000 kilogrammes de Girofles. 

L’Arbre à pain rapporté par La Billardière et de La Hayes, fut confié 
au Jardin des Plantes qui le remit, en 1798, à Joseph Martin, direc- 
teur des cultures coloniales à Cayenne. Il s’y multiplia si bien que dix 
ans après on en possédait 2,700 pieds. 

La Guyane, dit Joseph Martin, « est une lerre de promission pour 

les arbres à épiceries et pour toutes les autres espèces de végétaux 
des tropiques et de la zone torride qu’on voudra y cultiver (1) ». 
- Quand ce naturaliste revint en France, en 1802, il rapportait au Mu- 
séum plus de 10,000 arbres et arbustes appartenant à 1,800 espèces et. 
à 180 genres dont les trois quarts étaient inconnus, quatre caisses de 
graines de 12,600 espèces qui n'étaient jamais venues en Europe, des 
herbiers, des bois, etc., le tout formant un ensemble de 252 caisses. 
Malheureusement, le navire qui le portait fut capturé à l'entrée de la 
Manche par deux corsaires de Jersey ; J. Martin fut jeté en prison et le 
fruit de tant d'efforts fut perdu pour son pays. 

En même temps qu'il s’enrichissait par les dons venus de nos pos- 
sessions d’ outre-mer, le Muséum distribuait, en France et au loin, des 
graines de toutes sortes. En 1800, les colonies en recurent plus de 
16,000 sachets et autant l’année suivante. 

Dans la seconde moitié de ce siècle, le nombre des plantes distri- 
buées gratuitement est tellement considérable que, s’il ne s'agissait pas 
de chiffres officiels ne prêtant pas au doute, on aurait peine à y croire. 
En 1858, le Muséum faisait plus de mille envois à des établisse- 
ments publics, à des savants, à des jardiniers et cultivateurs, à des 
employés de l'État, à des amateurs. De 1864 à 1866, il mettait en dis- 
tribution 237,000 jeunes arbres où arbustes, plantes de serre, tuber- 
cules, greffes ou sachets de graines. 

Parmi ces graines, je citerai celles du Quinquina officinal destinées 
au Jardin de l’île Bourbon et de la Martinique. 

Grâce à ces libéralités, le Jardin des Plantes a répandu en France. 
ou dans les colonies beaucoup de végétaux utiles ou d'ornement Je 
citerai les suivants : 
En 1634, Acacia commun, Pobinia pseudoacacia. 

-1656, Marronnier d'Inde, Œsculus hypocastanum. 

1753, Cèdre du Liban, Cedrus Liban. : 


_ (4) Annales du Muséum, t. XH, p. 463. 


64 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


En 1756, Sophora du Japon, Sophora japonica. 
1760, Pin de Corse, Pinus Laricio. 
1780, Planera du Caucase, Planera crenata. 
1788. Faux vernis du Japon, Atlanthus glandulosa. 
1790, Mûrier à papier, Proussonetia papyrifera. 
1790, Plusieurs espèces de Frênes d'Amérique, d'Érables, de 

Tilleuls provenant des envois de Michaux. 

1814, Virgilia à bois jaune, Virgilia lufea. 
1816, Marronnier à fleurs rouges, Œsculus rubicunda. 
1816, Maclure orangé, Maclura aurantiaca. 
1821, Mûrier multicaule, Worus multicaulis. 


se rovenant 
Mûrier de l’Inde, Morus indica. P de 
intermédiaire, 2n{ermedia. 
Perrottet. 


1827, Araucaria du Chili, Araucaria imbricata. 
1834, Cèdre de l'Himalaya, l'edrus deodora. 
1834, Paulownia du Japon, Paulownia imperialis. 
Plusieurs arbustes ou fleurs de pleine terre aujourd’hui très répan- 
dus proviennent des pépinières du Muséum. Tels sont : 


Le Dahlia. L'Œnothera speciosa, etc. 

Le Pavot à Bractées. Le Cognassier de la Chine. 

L'Escholtzia. Le Pommier à fleurs rouges de 

Le Coreopsis tinctoria. la Chine. 

Le Clarkia. Le Groseillier sanguin. 

Les plus belles Pivoines. Le Groseillier à fleurs jaunes. 

La plupart des Asters, des Plusieurs Berberis et Mahonia. 
Phlox, des Iris. Le Tamarix indica. 


Les beaux Lupins d'ornement. 


Les plantes économiques n'ont pas été négligées ; de 1810 à 1814, 
quarante-cinq variétés de Pommes de terre obtenues de semis ont été 
produites. Ce sont les premiers essais de ce genre faits pour mul- 
tiplier cette plante importante. 

La Patate a été longtemps cultivée au Jardin avant d’être largement 
répandue. 

Le Polygonuwm tinclorium est sorti des cultures du Jardin. 

Le Lin de la Nouvelle-Zélande (Phormium tenaz), lOrtie de la Chine 
(Urtica nivea), ont la même origine. 

A mesure que notre domaine colonial s'étendait, les demandes de 
plantes et de graines devenant plus nombreuses, la chaire de Culture 
s'est mise en mesure d'y répondre. 

Au moment de l'expédition de Madagascar, le Muséum s’est préoc- 
cupé de faire connaître au public les productions de cette grande île 
etil a organisé une exposition des animaux, des plantes et des miné- 
raux madécasses. A l'aide de cartes géographiques et de photogra- 
phies, il était facile de se rendre compte de la configuration du pays 
et de la variété des populations qui l'habitent. Cette exposition, qui 


EXTRAITS ET ANALYSES. 65 


est restée ouverte pendant une année, a été visitée par 300,000 per- 
sonnes. En même temps, des conférences spéciales, faites dans le grand 
amphithéâtre, servaient à compléter les renseignements et à éclairer 
nos compatriotes sur les ressources des territoires dont la France pre- 
nait possession. 

Depuis cette époque des relations suivies se sont établies entre la 
,Colonie et le Muséum; non seulement des plantes utiles ont été en- 
voyées à Tananarive, mais le Général Gallieni a donné ordre aux 
fonctionnaires chargés de l'étude du pays d’adresser à notre établis- 
sement les objets d'histoire naturelle qu'ils recueillent, animaux, 
plantes ou minéraux. Ils sont étudiés dans nos laboratoires et un 
compte rendu de cet examen est communiqué au Gouvernement. 

* Le 18 octobre 1898, on put lire dans le Jowrnal Officiel de Madagas- 
car les lignes suivantes : « Le Muséum d'histoire naturelle vient de 
manifester l'intérêt qu’il porte aux découvertes minéralogiques de la 
» colonie en décidant de publier, dans son Pulletin, la description des 
» minéraux et des roches éruptives de Madagascar, au fur et à mesure 
» que les échantillons lui parviendront. Il consacre dans son Bulletin, 
> n° 6 (année 1898), un premier article à l'examen de ceux qui lui ont 
» été adressés l’an dernier par M. Prince, pharmacien des colonies. 
> Nous croyons utile de le reproduire ?# extenso. » 

Le résident de la Grande-Comore a eu souvent recours au Muséum, 
pour obtenir des renseignements sur les cultures qu'il introduisait 
dans l’île. En 1889, il y transportait trois pieds de Gutta-Percha, hauts 
de quelques centimètres et qu’il s’était procurés à grand’peine ; l’un 
d'eux, planté au bord de la mer poussa fort mal, il en fut de même 
pour un autre à 500 mètres d’allitude ; mais le troisième, placé dans 
un terain favorable à 250 mètres d'altitude, prit un développement 
inattendu, et, au bout de six ans, il avait plus de 6 mètres de haut etses 
branches pouvaient porter un homme {1). C'était là un succès d’autant 
plus imprévu que la Grande-Comore est en dehors de la zone où la 
culture des Isomandra avait été recommandée. Des objections furent 
faites par des botanistes très compétents : l'arbre à Gutta de la Grande- 
Comore était-il le véritable Zsonandra guita ? N’était-ce pas une espèce 
voisine ne donnant que des produits inutilisables ? 

Le directeur du Muséum obtint alors de M. Humblot des rameaux 
de ces arbres et les soumit à l'examen de M. Guignard, membre de 
l’Institut, qui à l’aide de préparations microscopiques du tissu des 
feuilles, put reconnaître que l’Zsonandra de la Grande-Comore offrait 
tous les caractères d'un arbre à Gutla d'excellente qualité. Il y avait 
donc tout avantage à le répandre largement, mais il était impossible 
d’avoir, dans nos établissements horticoles, des plants d’Zsonandra. 
M. Guignard en possédait un pied dans les serres l'Ecole de pharmacie 


La 


(1) Bulletin du Muséum, 25 mai 1897. 
Bull. Soc. nat, Accl. Fr. - 1899, — 5. 


66 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


et avec beaucoup de peine, il parvint à en obtenir des boutures (1). 
C'est un résultat important qui permettra de multiplier facilement ces 
arbres si rares. 

Les détails qui précèdent montrent la part que le Muséum a prise 
au développement économique de nos colonies, mais il peut faire plus 
encore ; les ressources qu’il possède le lui permettent sans modifier 
l'orientation de ses études, sans porter atteinte à son caractère scien- 
tifique. Il est, avant tout, un établissement d'enseignement supérieur ; 
ses immenses Collections, ses nombreux laboratoires, ses cours, ses 
ménageries, ses cultures sont conçus de facon à comprendre toute 
l'histoire de la nature dans son acception la plus large et la plus éle- 
vée. Ses fondateurs ont voulu en faire « la métropole des sciences na- 
turelles ». Tel qu'il est organisé, il peut répondre avec une incontes- 
table compétence à la plupart des questions qui lui seront posées sur 
la nature de la flore d’un pays, sur la possibilité d'introduire, dans 
une de nos colonies, des espèces végétales propres à d’autres régions, 
sur l'extraction et l’utilisation des principes actifs des plantes, sur les 
parasites qui déterminent leurs maladies, sur la composition du sol, 
sur les amendements nécessaires aux cultures, etc. Le Muséum est 
bien dans son rôle, en soumettant à une étude scientifique les divers 
problèmes à résoudre; il sortirait de ce rôle et il s’engagerait dans une 
voie fâcheuse s’il cherchait à appliquer et à réaliser les procédés qu'il 
recommande, surtout s’il voulait devenir un instrument de production 
économique, et faire de ses serres des établissements de multiplication 
horticole. obligés de répandre par centaines et par milliers les jeunes 
plants réclamés par nos colons. Ce sont les Jardins d'essai ou ceux du 
commerce libre auxquels il appartient d’en assurer la production, 
après que le Muséum aura fait connaître les avantages qu'on peut en 
attendre, les conditions nécessaires à leur développement et les meil- 
leurs procédés de culture. De nos serres pourront seulement sortir les 
espèces sur lesquelles on est en droit de fonder des espérances et dont 
la propagation est désirable. Ce n’est pas dans nos laboratoires que 
doivent être faites les analyses de terre, d'engrais ou les dosages 
nécessaires pour déterminer la richesse de telle ou telle espèce en pro- 
duits immédiats utiles. Ces recherches sont faciles, elles demandent 
un outillage spécial et elles peuvent se faire convenablement sans re- 
courir à des chimistes éminents. S'il s’agit, par exemple, de déterminer 
la teneur en sucre des jus de Cannes ou celle en quinine des écorces 
du Quinquina, c’est dans les centres de production que ces essais 
doivent s'effectuer. 

Le Muséum interviendra pour l'examen de toutes les questions nou- 
velles ou difficiles à résoudre, et pour tracer les voies à suivre. En 
s’assurant sa collaboration scientifique, on pourrait, sans grever le 
budget de l'Etat de lourdes dépenses, organiser un service colonial de 


(1) Bulletin du Muséum, 29 mars 1898. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 67 


consultation et d’information des plus utiles. Il suffirait de faire appel 
au dévouement des professeurs du Muséum qui, tous, sont prêts à 
donner leur temps et leur science dans l'intérêt de la prospérilé de 
nos possessions. 

Plusieurs chaïires apporteraient un concours efficace : ce sont surtout 
celles de Culture, de Botanique phanérogamique et de Botanique cryp- 
togamique, de Physiologie végétale, de Physique appliquée à l’agri- 
culture, de Chimie organique, de Zoologie pour l'étude des Insectes 
nuisibles, de Géologie et de Paléontologie. 

La chaire de Culture a, de longue date, droit à la reconnaissance de 
nos colons. C’est pour répondre à leurs besoins que, depuis plusieurs 
années, le professeur, M. M. Cornu, a orienté son enseignement, trai- 
tant successivement, dans ses cours, des cultures en Asie, en Océanie, 
en Amérique et en Afrique. Bien que nos serres et nos plantations 
aient été créées dans un but exclusivement scientifique, elles ont 
fourni à nos agriculteurs des colonies des indications précieuses, et 
elles ont pu mettre à leur disposition des espèces végétales impos- 
sibles à se procurer ailleurs. On a pu y faire des essais intéressants 
réclamant une surveillance attentive. 

Avant de mettre en valeur des terres vierges, le premier soin à 
prendre est de rechercher les plantes indigènes et de bien connaître 
leur distribution suivant la nature du sol et l'altitude, la sécheresse ou 
l'humidité. La végétation spontanée d’un pays renseigne sur ce qu'on 
peut lui demander au point de vue agricole. En Tunisie, c’est à la suite 
des études du docteur Cosson démontrant l'existence de quatre zones 
de végétation, qu'on a pu établir les cultures propres à chacune d’elles, 
et prévenir des échecs inévitables et très onéreux. 

C’est pour fournir ces renseignements que le Muséum a entrepris 
l'étude des flores coloniales. C’est seulement à l’aide de ses herbiers 
qu'une pareille œuvre peut être menée à bonne fin- 

Les Jardins d’essai n’auront d’effet utile que si les plantes qui y sont 
cultivées sont examinées scientifiquement et exactement nommées. 
N'oublions pas que c’est par suite d’une erreur dans la détermination 
des Arbres à quinquina introduits à Java que toutes les planiations 
déjà faites dans cette île ont dû être arrachées et recommencées à 
grands frais. C’est par une élude à la fois botanique et chimique que 
les Hollandais se sont assuré le marché de quinquina en produisant 
des écorces donnant 10 et même 12 0/0 de quinine et provenant du 
Calysaya ledgeriana. La France seule leur en achète plus de 6 mil- 
lions de kilogrammes. 

M. le professeur Bureau s’est beaucoup préoccupé de fournir des élé- 
ments d’information aux botanistes qui étudient la flore de nos colonies. 

Indépendamment de l’herbier par famille où chaque plante est 
rangée à la place assignée par la méthode naturelle, il a préparé des 
séries spéciales ou géographiques qui sout indispensables pour l'étude 
de la flore d’une région. 


TM TN EN Es 
N ! PORTE VE PAT 


68 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Voici quels sont ces herbiers : 

Tonkin. — Collecteurs principaux : Balansa, le l'ère Bon, Brous- 
miche. — M. Franchet, répétiteur à l'École des Hautes-Études, est 
chargé de la flore. 

Cochinchine, Laos. — Collecteurs principaux : Harmand, Godefroy, 
Pierre, elc. — M. Pierre, ancien directeur du Jardin de Saïgon, est 
chargé de la flore. Il vient de publier le 2% fascicule d’un grand ou- 
vrage in-folio intitulé : Flore forestière de la Cochinchine. 

Inde française. — Collecteurs principaux : Perrottet, Lépine. — 
M. Léveillé, ancien professeur au collège de Pondichéry, étudie cette 
flore. 

Algérie. Tunisie. — L'herbier est considérable et renferme les 
plantes de nombreux collecteurs. La flore est en voie de publication. 
M. le D' Cosson a fait paraître deux volumes de la flore d'Algérie. 
Depuis sa mort, l'ouvrage est continué par son petit-fils, M. E. Du- 
rand, avec l’aide de collaborateurs. 

Le catalogue des plantes de Tunisie a été publié par M. le D' Bon- 
net, préparateur au Muséum. 

Obock. — Collections faites par MM. Faurot et Devau. Le catalogue 
est dû à M. Franchet. 

Sénégal, Guinée, Soudan francais. — Collecteurs principaux : Per- 
rottet, Leprieur, Heudelot, Richard, Thiébaut, Collon, Bellamy, Talmy, 
Derrien, Paroisse, Dybowski, Miquel, Maclaud, Hourst, etc. 

Côte d'Ivoire, Dahomey. — Collecteurs principaux : Pobéguin, le 
Père Ménager. 

Congo, Gabon. — Collecteurs principaux : Griffon du Bellay, Aubry- 
Lecomte, le commandant Masson, le R. P. Duparquet, Jacques de 
Brazza, Soyaux, Swebish, Thollon, le R. P. Claine, Dybowski, 
Mgr Leroy, Lecomte, etc. 

M. Hua, licencié ès sciences naturelles, préparateur à l'École des 
Hautes-Études, est chargé des herbiers et des flores de la côte occi- 
dentale d'Afrique. Il a déjà publié plusieurs mémoires. 

Madagascar. — Collecteurs principaux : Flacourt, Boivin, Richard, 
Boyer, Grevé, Le Myre de Vilers, Humblot, le Révérend Barc:, Catat, 
Grandidier, de la Bathie, Bernier, Bréon, Hildebranü!t, Douliot, Lantz, 
Deans, Cowan, Scott Elliot, etc. 

L'herbier de Madagascar du Muséum est de beaucoup le plus riche 
qu’on connaisse. Il a servi de base à la partie botanique du grand ou- 
vrage de M. Grandidier. M. Baïillon a fait paraître neuf volumes de 
planches in-4°. Depuis sa mort, M. Drake del Castillo continue le tra- 
vail et a publié deux volumes. 

Comores. — Collecteur : M. Humblot. 

L'étude n'est pas encore commencée. 

La Réunion. — Collecteurs principaux : Bernier, Richard, Boivin, 
Gaudichaud, Du Petit-Thouars, Bréon, Frappier, G. de Lisle, Jacob 


de Cordemoy. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 69- 


La flore, rédigée par M. J. de Cordemoy, a paru. Elle a été imprimée 
à la Réunion, aux frais du Conseil général. 

Ile Saint-Paul, Ile d'Amsterdam. — Collecteur : G. dé Lisle. Les 
Cryptogames ont été décrits par des spécialistes. 

Jles Saint-Pierre et Miquelon. — Collecteurs principaux : de la Py- 
laie, Delamarre, Léon Bureau. 

Le catalogue a été publié par M. le D' Bonnet. 

Antilles francaises. — Collecteurs principaux : Plée, Leprieur, Lher- 
minier, Duchassaing, Picard, Mazé, Sieber, Bélanger, Coudreau, Hus- 
not, Hahn, le R. P. Duss. 

Ce dernier a fait paraître la flore dans les Annales de l’Institut colo- 
nial de Marseille, mais d ques son propre herbier seulement. Il y aura 
beaucoup à ajouter. 

M. J. Poisson, assistant au Muséum, est chargé de l'herbier des 
Antilles françaises. 

Guyane française. — Collecteurs principaux : L.-C. Richard, Plée, 
Leprieur, Melinon, Sagot, Rech, Crevaux, Huet, etc. M. le D' Sagot 
rédigeait cette flore (il a publié un commencement de catalogue dans 
les Annales des sciences naturelles, et a laissé deux volumes de manus- 
crits. Depuis sa mort. M. Drake del Castillo a repris pendant quelque 
temps ce travail, mais il a dû l’interrompre pour se donner tout entier 
à la flore de Madagascar. 

Nouvelle-Calédonie. — Collecteurs principaux : La Billardière, Vedel, 
Paucher, Vieillard, Deplanche, Beaudouin, Thiébaut, Balansa, Ger- 
main, Brousmiche, etc. 

Herbier très beau et très riche. Il a servi aux études d’Ad. Bron- 
gniart et d'A. Gris, et aujourd’hui il sert à celles de M. Ed. Bureau, 
professeur au Muséum, qui s’est chargé de la flore. Une dizaine de 
familles sont publiées. Un nombre considérable de plantes vivantes 
ont été décrites par M. Baillon. 

Polynésie francaise. — Iles de la Société, Marquises, Pomotou, Gambier, 
Wallis. — Collecteurs principaux : Dupetit-Thouars, Mercier, Lespine, 
Vesco, Morenhout, Paucher, Nadeaud, etc. La flore, par M. E. Drake 
del Castillo, a paru. 

Les herbiers se conservent très mal dans les pays chauds, ils y sont 
exposés à de nombreuses causes de destruction. Il n’est pas mauvais 
que ies Jardizs botaniques coloniaux cherchent à former des collec- 
tions de ce genre, mais il est cerlain qu'ils ne pourront pas les déter- 
miner ; il leur faudrait pour cela une bibliothèque très coûteuse, en 
raison de la multitude de publications à consulter et, de plus, sinon 
un herbier général, du moins un herbier type de toutes les régions 
chaudes du globe pouvant fournir des termes de comparaison. À Paris, 
même, il nous arrive parfois de manquer d’un échantillon type ou d’un 
ouvrage nécessaire. Le seul moyen pour les directeurs de Jardins colo- 
niaux d’avoir des plantes bien nommées, c’est de recueillir ou de faire 
recueillir chaque espèce en double exemplaire, d'en envoyer un au 


70 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Muséuuw et de garder l’autre en donnant à tous les deux le même nu- 
méro. L'herbier, ainsi numéroté, sera soumis, à Paris, au botaniste 
chargé de la flore correspondante, c'est-à-dire à l'homme le plus com- 
pétent, qui en donnera les déterminations. Le travail de reconnais- 
sance des plantes, ainsi divisé, devient praticable, même lorsqu'il s’agit 
d'espèces nombreuses. Ce procédé a, de plus, l'avantage de centraliser 
les renseignements et de rendre aussi complète que possible la rédac- 
tion de nos flores coloniales qui, sans cela, manqueraient de docu- 
ments importants. C’est à Paris seulement que se trouvent les res- 
sources bibliographiques indispensables; c'est là aussi que sont les 
termes de comparaison et tous les anciens herbiers faits dans nos pos- 
sessions françaises depuis plusieurs siècles. 

Une collection unique des végétaux fossiles, comprenant des séries 
considérables du terrain houiller, permet de reconnaître l’âge des 
charbons de terre des divers gisements. Celte collection, formée au 
Muséum par M. Adolphe Brongniart, a été considérablement aug- 
mentée par son successeur. 

Une école de botanique renfermant près de 11,000 espèces sert de 
complément aux herbiers. 

La recherche des principes immédiats des plantes, que ce soient 
des alcaloïdes, des résines, des sucres ou d’autres produits, ne peut, 
dans beaucoup de cas, être confiée qu'à d’habiles chimistes. Les ré 
sultats obtenus sur l'opium, le quinquina et la coca ont eu des consé- 
quences imprévues et beaucoup de plantes exotiques recèlent des ma- 
tières actives que l’on n’a pas encore su extraire. 

C’est dans le laboratoire de chimie organique du Muséum que Cloëz 
a découvert cette huile des graines de l'Oleococca vernicia, l'oléomar- 
garine, qui, liquide à la température ordinaire, devient solide sous 
l'influence de la lumière, sans changer de composition ; les acides 
gras que l’on peut en extraire subissent les mêmes modifications : 
aussi considère-t-on l’oléomargarine comme l'huile la plus siccative, 
laissant loin derrière elle l'huile de lin employée en si grande quantité 
pour la peinture. En Chine et au Japon, elle sert à la préparation des 
laques. 

M. Arnaud, le professeur qui succéda à M. Chevreul dans la chaire 
de chimie, a trouvé une graisse, qui se rapproche beaucoup de la stea- 
rine du suif de Mouton, dans les graines d’un arbre de l'Amérique 
centrale, le Tariri. Cette graisse fournit un acide gras solide, ressem- 
blant à l’acide stéarique qu’il pourrait remplacer dans la fabrication 
des bougies, car il a le même point de fusion. 

L’Oleococca et le Tariri seraient avantageusement cultivés dans nos 
colonies. Le premier est un arbre de la taille de nos grands Pom- 
miers ; il peut fournir chaque année de 3 à 500 kil. de graines renfer- 
mant plus de 40 0/0 de graisse. 

Le Tariri est un arbrisseau de très facile culture qui donne aussi 
une grande quantité de graines. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 7 


M. Arnaud a récemment indiqué ce qu’on pourrait demander aux 
Strophantus si répandus en Afrique; il a fait connaître les différentes 
strophantines entrées pour la plupart dans la thérapeutique actuelle, 

Le même chimiste a isolé la tanguinine du tanguin employé comme 
poison d’épreuve à Madagascar. C’est une substance qui, par ses pro- 
priétés physiologiques, peut être comparée à la digitaline, et elle aura 
certainement un rôle comme médicament cardiaque. 

M. Bertrand, l’un des aides de M. Arnaud, a fait une étude des 
plus intéressantes sur le Café de la Grande Comore, démontrant que 
les grains de l’espèce indigène (Cofta humblotiana), ne contiennent pas 
de caféine. 

Les recherches de M. Maquenne, professeur de physique appliquée 
à l’agriculture, sur les sucres, celles de M. Dehérain sur les éléments 
assimilables du sol, prouvent l'utilité qu'il y aurait à s'assurer leur col- 
laboration. 

La mise en culture rationnelle de nos possessions coloniales sup- 
pose. entre autres choses, la connaissance du sol. L’ignorance de sa 
composition peut être comptée au nombre des causes les plus cer- 
taines d’insuccès. Chaque plante exige une nourriture spéciale, et 
toutes les terres ne renferment pas tous les aliments dont les végé- 
taux ont besoin. De telle sorte que l’absence constatée de quelque 
principe nécessaire dispenserait de tentatives presque toujours oné- 
reuses et sans espoir de réussite. C’est ainsi que les plantes à sucre 
demandent du phosphate de chaux, les Tabacs de la potasse. Si ces 
principes manquent, il serait inutile de tenter leur culture, de quelques 
soins qu'on les entourât et même si le terrain présentait d’autre part, 
une série de conditions favorables. Aussi ne devra-t-on appliquer aux 
essais agricoles que des sols dont les caractères seront bien connus. 

C’est à la suite d’études sérieuses qu’on a choisi, dans les Indes 
anglaises, pour y planter les Quinquina, des territoires dont le sol pré- 
sentait la même nature, la même composition que ceux où, dans leur 
patrie, les Arbres à quinquina poussent spontanément. 

Une prudence analogue préside au Congo à des cultures de Caout- 
chouc et dans divers pays à celles du Cotonnier, du Caféier et d’autres 
plantes. 

Le professeur de Géologie, M. Stanislas Meunier, a souvent insisté 
sur les rapprochements qu’il y a lieu d’établir entre les cartes agricoles 
et les cartes géologiques d’une région. Les teintes qui marquent l’exis- 
tence de telle ou telle couche et celles qui indiquent l’espace occupé 
par telle ou telle plante sont souvent exactement superposées. 

C’est l'étude stratigraphique et paléontologique d’un sol qui peut 
amener la découverte de gisements de marne, de pierre à plâtre, de 
phosphate de chaux, de nitrate de scude et d’autres roches pouvant 
servir à enrichir une terre pauvre. 

La trouvaille des gîtes de phosphate de chaux en Tunisie, si fruc- 
tueusement exploités, peut être citée à l'appui de Cette assertion. 


72 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


C'est en examinant, dans les laboratoires du Muséum, les fossiles 
recueillis par M. Gauthier aux environs de Tulléar, qu’or a reconnu 
là une couche géologique riche en calcaire et favorable aux cultures 
forestières. 

Récemment, on considérait la côte orientale de Madagascar comme 
exclusivement formée par des terrains primitifs ou cristallins. L'étude 
de fossiles, envoyés des environs de Tamatave, nous a montré qu'il 
existait là des formations calcaires dont l'exploitation, au point de 
vue agricole, est des plus désirables. 

Dans toutes les grandes cultures où les plantes de même espèce 
poussent très rapprochées, les maladies se développent avec une rui- 
neuse rapidité : elles sont dues surtout à des Cryptogames, à des In- 
sectes ou à des Vers. L'étude en est particulièrement difficile et ne 
peut être suivie que par des spécialistes armés des moyens d’investi- 
gation les plus parfaits. Deux des professeurs du Muséum, M. Van 
Tieghem et M. Cornu, par la connaissance approfondie qu’ils ont de 
ces questions de cryptogamie, sont à même de donner d’excel- 
lents avis. € 

Pour ce qui concerne les ravages dus aux Insectes, le professeur 
d'Entomologie, M. Bouvier, est souvent utilement consulté et plusieurs 
fois son service a été mis à contribution. C’est un des assistants, 
M. Kunckel d'Herculais, qui, pendant cinq années de suite, a été en- 
voyé en Algérie pour organiser les moyens de protéger les cultures 
contre les attaques des Criquets. Un autre des assistants, M. C. Bron- 
guiart, a rempli une mission analogue et, en ce moment encore, la 
République Argentine a prié le Muséum d'autoriser M. Kunckel à 
aller combattre chez elle les mêmes ennemis. A la demande de l’Union 
coloniale, M. Bouvier a recherché quels étaient les parasites de la noix 
de Kola et, par une série d'expériences, il a montré comment on pou- 
vait détruire les larves de Charançon qui les dévorent ; il s’est assuré 
que d’autres Insectes appartenant au groupe des Teignes, attaquaient 
aussi ces noix. 

Je citerai encore ses recherches faites sur les animaux qui détruisent 
la Guitta-Percha, sur les Mouches parasites des Criquets, sur les 
parasites de la Canne à sucre. 

Cet exposé suffit à montrer que la plupart des éléments d’informa- 
tion, nécessaires au développement de nos cultures coloniales, se 
trouvent au Muséum d'histoire naturelle dont les professeurs seraient 
heureux de prêter un concours désintéressé à ceux qui feraient appel 
à leurs connaissances spéciales ; les relations les plus heureuses 
pourraient ainsi s'établir entre eux et les Jardins d’essai coloniaux (1). 


(1) Extrait de la Revue des Cultures coloniales, n° 20, 5 janvier 1899. 


BU LLETIN 


DE LA 


DEF RANCE 
(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


452 ANNÉE 


MARS 1399 


SOMMAIRE 
Y-SAINT-LOUP. — Qu'est ce qu’une bonne espèce ? à propos du Dolichofis 


abbé A. CHARRUAUD. — Le Cardinal de Virginie (Cardinalis cardinalis) son élevage 
_ dans le Midi de la France (sutte)......... MEN 7 Lan fat alien De 20 Eee ta A le 


. DELAVAL. — Reproduction de l’Écrevisse à pattes rouges observée dans un 


ue d'appartement. ............ RAR CS Roi 


°.°°e9%9005s00r2°0+ 


 - + 


NOTE ATUOMALE DACCUNATATON 


Le Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 


ê mises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


DDR Dm 


Un numéro 2 francs; pour les membres de la Société 4 fr.. 50 


à) DE > — 


AU SIÈGE 
DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 


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QU'EST-CE QU'UNE BONNE ESPÈCE ? 


A PROPOS DU DOZICHOTIS SALINICOLA (Burx.) 


par REMY SAINT-LOUP (1). 


« Je reçois de M. Carlos Berg la communication qu'il a 
présentée au Muséum national de Buenos Aires à la date au 
mois d'août 1898, relativement au Dolichotis salinicola. 

D'après ce document, je vois que Burmeister a considéré le 
Dolichotis salinicola tantôt comme une espèce distincte, 
tantôt comme une variété de l'espèce fondamentale admise : 
Dolicholis patagonica. Je m'étonne qu'il soit possible de 
changer les classifications plutôt par caprice que par convic- 
tion scientifique ! (nds bien por capricho que por convic- 
ciôn cientifica). 

Avec les éléments d'appréciation que je possède, j'ai la con- 
viction scientifique que D. salinicola et D. patagonica sont 
deux variétés d’une méme espèce et il me faudrait au moins 
les documents de M. Carlos Berg pour modifier cette opinion. 

Maïs je demande à MM. les Natfuralistes du Muséum de 
Buenos Aires s’ils ne sont pas d'avis que les discussions sur 
la distinction des espèces demeureront stériles tant que l’'en- 
tente ne sera pas faite par un Congrès pour établir ce que si- 
gnifie Espèce ou Bonne Espèce en Zoologie ou en Biologie. 

Ne serait-il pas opportun de prendre l'initiative d’un pareil 
Congrès profitable à l'avancement de la science (2)? » | 


* 
* * 


À la note qui précède, M. Carlos Berg a répondu en main- 
tenant son idée de distinction spécifique, mais sans paraître 
disposé à admettre qu'il soit désirable de traiter devant un 


(1) Communication présentée à la Section des Mammifères le 6 mars 1899. 
(2) Comunicaciones del Museo nacional de Buenos-Aires, t. 1, n° 2, p. 43, 


17 décembre 1898, 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899, — 6. 


74 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Congrès la question importante de la définition de l’Espèce. 
Je crois devoir alors énoncer les réflexions qui suivent : 

Je ne puis laisser croire à M. le professeur Carlos Berg, 
que je veuille rompre des lances parce que, contrairement à 
mon avis, les Dolichotis salinicola et palagonica seraient 
deux espèces distinctes. Mais je suis attristé de voir que les 
naturalistes, au lieu de se mettre d'accord sur la signification 
des termes qu’ils emploient, préférent laisser subsister des 
incertitudes de définitions, et ne croient même pas qu'il soit 
possible d'arriver à une définition acceptable. 

Il est inutile que je m'applique à exposer toutes les raisons 
qui rendraient désirable une entente générale sur la signifi- 
cation du mot : Espèce ; tous les biologistes savent combien de 
questions difliciles seraient soulevées par l'étude des faits qu'il 
faudrait considérer pour arrêter le sens de cette expression, 
mais j'ai déjà souvent constaté que beaucoup de naturalistes 
ne veulent pas que l'expression soit définie, pour qu'il n'y ait 
pas de limite à leur plaisir de découvrir et de distinguer des 
espèces. 

Le cas particulier du Dolicholis patagonica ne m'intéresse 
pas d'une maniere spéciale ou exclusive, mais il montre 
combien, dans l'incertitude actuelle des termes, une question 
de distinction d'espèce est insoluble, et j'ajoute que nous 
devrions faire des efforts pour que, dans un cas sembiable, 
nous soyons pourvus d’une méthode rigoureuse afin de nous 
prononcer scientifiquement. 

M. Carlos Berg invoque l'autorité de M. le D' Eduardo 
L. Holmberg, de M. Oldfield Thomas, de M. P. Matschie, pour 
soutenir que D. salinicola et D. patagonica sont deux espèces 
distinctes. Comme je suis d’un avis contraire et que je sou- 
tiens qu'il s’agit de deux variétés d’une même espèce, j'in- 
voque l'autorité de Burmeister, on plutôt son hésitation. Par 
considération pour mes honorables contradicteurs, dois-je 
m'incliner et abandonner ma conviction ? Assurément ce 
serait de la politesse, mais on serait en droit de me dire qu’en 
matière de discussion scientifique, on ne doit avoir la poli- 
tesse et la raison de céder devant des savants que lorsque 
leur démonstration est sans défauts. 

Et je trouverai des défauts à leur démonstration tant que 
nous ne serons pas d'accord sur la signification du mot 
Espèce, c'est-à-dire sur un terme dont l'éclaircissement est 


Mere: 


QU'EST-CE QU'ENE BONNE ESPÈCE ? T5 


d'une importance fondamentale, pour que la philosophie des 
sciences naturelles puisse s'exprimer et se dégager clairement 
des faits que l'étude accumule. 

Mes savants contradicteurs admettront-ils le critérium de 
la séparation physiologique, celui de la séparation chimique 
des espèces suivant une thèse que j'ai défendue ? Il est pro- 
bable que non, et je n'ai pas à m'insurger contre leur refus, 
mais je dois me refuser aussi à admettre des distinctions spé- 
ciliques basées sur l'observation de caractères morpholo- 
giques arbitrairement choisis et dont la constance n'est pas 
démontrée. 

M. Carlos Berg comprendra, j'en suis certain, que, dans ce 
qui précède, je ne cherche pas un prétexte ou une raison de 
pôlémiques. Il m'a seulement paru nécessaire d'établir par les 
réflexions précédentes pourquoi je pensais que les discus- 
sions relatives à l'espèce resteraient stériles tant qu'elles se- 
raient engagées seulement entre deux adversaires, et pourquoi 
un Congrès chargé d'étudier cette question me paraissait 
désirable. C’est prononcer d’avance la condamnation de ce 
Congres, que de déclarer au préalable comme M. Carlos Berg, 
quil soit douteux que l'on arrive ainsi à un résultat satis- 
faisant. Est-il donc préférable que les naturalistes se divisent 
en deux camps, et que dans chaque camp, on ne tienne pas 
compte de ce qui se fait dans l’autre ? Je ne puis le croire, et 


je persiste à penser, comme précédemment, que nous devons 


chercher à travailler en commun pour le progrès des sciences 
naturelles. 


LA CHÈVRE A PARIS (i) 


par J. CREPIN. 


De l’intéressante enquête ouverte, il y a quelques années, 
par la Société d'Acclimatation sur l’industrie chevrière en 
France, il ressort, avant tout, un fait : c’est l'indifférence du 
public pour la Chèvre, cette « Vache du pauvre », si produc- 
tive, si facile à nourrir, si précieuse par la salubrité, les ver- 
tus reconstituantes et l'abondance de son lait. 

Nulle part, même dans ies régions déshéritées où la Chèvre, 
qui sait se contenter de tout, devient la seule ressource, le 
seul animal possible à cultiver, nulle part nous ne constatons 
la moindre tentative de sélection, le moindre effort fait pour 
améliorer la race. Partout la routine règne en souveraine, et 
l'humble éleveur dont les moyens se bornent à la possession 
de quelques Chèvres, croit avoir tout fait quand il a choisi 
ses animaux parmi les meilleurs des environs. 

Là même où nous trouvons les Chèvres élevées en grand 
nombre et représentant une industrie plus sérieuse, l'absence 
de presque tout soin dans le choix du Bouc est la règle com- 
mune. Utilisé trop jeune, surmené par les montes et sacrifié 
à dix-huit mois, c'est-à-dire à l’âge où sa chair peut encore 
trouver son emploi en boucherie — maïs aussi précisément à 
l'äge où il deviendrait capable de procréer une génération 
vigoureuse — il ne donne que des produits médiocres; et 
telle est la cause principale de l’abätardissement de notre 
Chèvre commune. 

Cependant nos voisins les Suisses ont su tirer de ces 
mêmes Chèvres alpines (que nous avons en si nombreuses 
variétés en Savoie) des types remarquables, perfectionnés 
par une habile sélection, telles sont les Toggenbourg, les 
Saanen de l'Oberland bernois, et enfin les Schwartzhals, trois 
races aujourd'hui universellement connues et appréciées par 
l'abondance et la qualité exceptionnelle de leur lait. 


(4) Communication faite à la Seclion des Mammiferes dans la séance du 
6 février 1899. 


LA CHÈVRE A PARIS. TA 


Pas plus dans les Pyrénées que dans les Alpes, les éléments 
ne manqueraient pour créer des races de choix. Nous y trou- 
vons — malheureusement en petit nombre — l'excellente 
maltaise, aux grandes oreilles tombantes, les grosses pyré- 
néennes et enfin — plus rare — la gracieuse Chèvre rouge 
de Murcie. Cette dernière, excellente laitière, malgré la peti- 
tesse de sa taille, est un bijou d'élégance, et mérite de fixer 
la faveur du public par sa douceur et la grâce de ses allures. 
Jen possèle une dizaine dans mon établissement du Val- 
Girard, où je me propose d'admettre prochainement le pu- 
blic à les admirer. 

Puisque j'ai nommé cet établissement, il faut que je fasse 
connaître le but que j'y poursuis. 

Il n'existe à Paris aucune chèevrerie, bien que tout le monde 
ne soit pas convaincu que le lait de Vache soit préférable au 
lait de Chèvre. Quiconque a eu occasion d'élever des enfants 
au lait de Chèvre a pu constater que cet aliment est le plus 
recommandable pour les bébés. Il l’est surtout pour l'enfant 
issu de parents anémiés, scrofuleux, etc., car, dans ces cas, 
il lui communique la santé, la vigueur. la vivacité même, qui 
constituent le fond du tempérament de la Chèvre, mais nulle- 
ment une excitation nerveuse exagérée, comme le supposent 
beaucoup de personnes, qui oublient que la nervosité est un 
état maladif auquel un lait sain et généreux ne saurait donner 
naissance. 

Pour inciter l'industrie parisienne à fonder des chèvreries 
dans Paris, il est nécessaire tout d’abord de lui donner la 
formule de la meilleure Chèvre, de cette Chèvre capable de 
fournir pendant dix mois de l’année une moyenne de 2 litres 
de lait par jour, et susceptible de rémunérer de ses peines le 
commerçant qui songerait à l’exploiter pour le plus grand 
bien du public. C’est cette formule que je cherche et que 
j'espère trouver, en réunissant chez moi des Chèvres de 
toutes provenances. 

Je fonde surtout des espérances sur le croisement de nos 
meilleures Chèvres indigènes avec des Boucs nubiens. Cette 
race nubienne est fort disgracieuse de forme, mais elle pos- 
sède des qualités absolument extraordinaires au point de vue 
du lait. On peut s’en rendre compte par les analyses suivantes. 
de différents laits, d'après d'Ardenne : 


= Tu 2 { 
18 BULLETIN DE LA SOCIETE D’ACCLIMATATION. 


CHÈVRES. 
a 

VACHE. Communes de France, Pyréaéennes. Nubieanes. 
Beurre..." 2 3.43 SA) G.11 8.49 
CESEIneAs ee. ele 3.50 4.67 DT 
DUC Ormes de De D: 02 5.28 5.40 
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Une dilfficuité que j'ai cru d’abord insurmontable a été de 
me procurer la race nubienne. Maïs un heureux hasard m'a 
mis en rapport avec M. le D' Prompt, ancien médecin du 
Khédive, qui veut bien mettre à ma disposition, dans les pre- 
miers mois de cette année, le Bouc que je cherche. L'espèce 
qu'il me procure a été choisie dans les troupeaux du vice-roi 
et se trouve déjà acclimatée en France. 

Voici la description que M. le D' Prompt fait de son Bouc 
nubien : 

« Le Bouc égyptien que j'ai chez moi offre les caractères 
» décrits par les auteurs : chanfrein proéminent, formant une 
» courbe tres forte, oreilles pendantes longues de 25 centi- 
» metres, lèvre inférieure en saillie de 1 centimètre en avant 
» de ia lèvre supérieure..... » (Suivent quelques détails d'un 
caractère tellement technique sur les qualités du Bouc nubien, 
que je ne pourrais me permettre de les reproduire ici qu'en 
recourant au latin.) 

ORCEPE Cet animal est vigoureux, rustique, très indifférent 
» au froid de l'hiver. Il n’a pas de cornes..... » 

Nul doute que ie Bouc décrit ci-dessus appartienne à la 
race rare et précieuse qu'il importerait tant, sinon d'accli- 
mater en France à l’état de pur sang, tout au moins d'utiliser 
à la création de Chèvres métisses, réunissant les qualités de 
forme et d'élégance de nos belles Chevres alpines ou pyré- 
néennes, et l’abondante lactation des nubiennes. 

Le jour où ce type serait obtenu, nous verrions bien vite 
un grand nombre de chèvreries se fonder à Paris, où cette 
industrie s'impose absolument. 

Que de mères délicates, privées du bonheur de nourrir, 
seraient heureuses de trouver dans Paris, à des prix abor- 
dables, un lait absolument sain, susceptible d'être consommé 


LA CHÈVRE A PARIS. 79 


« 


à l'état cru, et de composition similaire à celui que l'enfant 
réclame du sein maternel! Dans ces cas, le lait d'Anesse 
serait bien indiqué; mais comment le conseiller aux bourses 
modestes ? son prix de revient est excessif, et le commerce 
ne peut le livrer à moins de 4 et 5 francs le litre. 

Le motif qui fait écarter le lait d'Anesse suffirait pour 
faire écarter également la solution consistant à recourir à la 
nourrice, s’il n'existait d’autres raisons, plus sérieuses en- 
core, qui conduisent souvent aujourd’hui les personnes aisées 
à bannir de chez elles l'allaitement mercenaire. Laissons, à 
ce sujet, la parole au D' Boudard, l’apôtre de l'allaitement 
des enfants par la Chèvre, dans tous les cas où la mère est 
dans l'impossibilité de remplir cette fonction (1) : 


« La nourrice sur lieu, qui semble offrir les conditions les plus 
favorables, ne tarde pas à présenter des modifications profondes dans 
la quantité et dans la qualité de son lait. Ces modifications, qui ne 
sont apparentes ni pour les parents ni pour le public, n'existent pas 
moins et sont très saillantes pour les physiologistes. 

> Pense-t-on qu’une nourrice qui vient de quitter son village, son 
mari, ses enfants, son ménage, qui change subitement de milieu, 
d'habitude, de nourriture, dont la vie est totalement bouleversée, 
pense-t-on que cette nourrice va offrir un lait uniforme, identique 
dans sa qualité et dans sa quantité ? 

>» Dans ce nouveau milieu, avec de nouvelles habitudes, son lait 
restera-t-il toujours le même? Ne variera-t-il pas avec les impressions 
recues ? Pensez-vous que les nouvelles du pays, bonnes ou mauvaises, 
ne viendront pas le modifier chaque fois? L’inquiétude, le chagrin, le 
plaisir même, la cupidité, viendront, à chaque instant, altérer les 
qualités de cette nourrice, au grand préjudice de la santé future de 
l'entante"" 

» Dans l'espace d'un mois, il arrive souvent qu'on est obligé de 
changer jusqu’à deux et trois fois de nourrice, au grand préjudice de 
l'enfant. La Chèvre n’expose jamais à de pareils mécomptes; elle 
permet à la mère de prodiguer à son enfant tous les soins maternels à 
l'exception de son sein; mais en dehors de là, elle reste sa mére, elle 
peut le couver tout à son aise, sans être trompée par une nourrice, 
qui ne manque jamais, à son insu, de faire tout le contraire de ce qui 
lui a été prescrit. » 


À défaut du lait d’Anesse et de celui de la nourrice, c’est 


(1) Dr Boudard, Guide pratique de la Chèvre-nourrice, p. 29. Paris, librairie 
Baillière, 


80 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


au lait de Vache seul que la jeune mère parisienne se voit 
obligée de recourir, et, comme ce lait est généralement sus- 
pect, la chimie moderne le soumet à des préparations spé- 
ciales pour lui donner précisément l'innocuité et la digesti- 
bilité que le lait de Chèvre possède à l’état naturel. 


« En effet, avec la Chèvre, dit le D' Boudard, plus de maladies 
contagieuses à redouter pour l'enfant, plus de tuberculose ou de 
syphilis. 

» La Chèvre offre un lait toujours pur, toujours sain, et dont la 
composition chimique est presque identique avec celui de la jeune 
mère. Il en diffère seulement par une densité un peu plus grande, et 
par une quantité de principes salins un peu plus forte. Cette différence 
milite tout en sa faveur. Par sa densité il est plus tonique et, par ses 
sels, il favorise l’évolution dentaire et le développement du système 
osseux. » 


C'est avec non moins de conviction que M. Pion (1) s’ex- 
prime sur les qualités du lait de Chèvre dans le travail qu'il 
a publié dans le Bullelin de la Société 4 Acclimatation. sur 
l'utilité de la Chèvre : 


« Les médecins recommandent tous le lait de Chèvre. Il est plus 
léger, plus digestif, plus riche en crème et en substance nutritive que 
le lait de Vache. Les globules de graisse y sont plus petits que ceux 
de la Vache, plus aptes à être émulsionnés. Les estomacs délicats, les 
dyspeptiques ne treuveront pas de liquide plus capable de les sou- 
tenir. 

» Les enfants qui meurent d’athrepsie, faute de digérer la nourriture, 
ou qui contractent des diarrhées avec le lait très variable des Vaches, 
n'ont rien à craindre du lait de Chèvre. Ce lait donne, on peut le dire, 
des garanties absolues. 

» Ce lait est bon pour tous les âges de la vie, même pour les wieil- 
lards, car les docteurs (anglais) Walshorn ei Lee affirment que le lait 
de Chèvre, à cause de l'acide hircique qu'il contient, est bon aux 
vieillards presque toujours atteints d'atheroma. .... 

» Même inoculé, le fatal bacille ({wberculose) ne prend pas sur les 
Caprins. » 


Si je ne craignais pas d'abuser des citations, je pourrais 
montrer qu'à l'étranger, peut-être plus encore que chez nous, 


(4) E. Pion, Utilité de la Chèvre (Bulletin bi-mensuel de la Société d’Accli- 
matation de France, 1889, p. 180, 234, 329). 


LA CHÈVRE A PARIS. 81 


la Chèvre a trouvé de nombreux et ardents partisans. Qu'on 
lise ce qu'ont écrit à son sujet des auteurs sérieux, anglais, 
allemands, suisses, etc. (1); partout l’on trouve le même éloge 
et les mêmes affirmations. Que font, d’ailleurs, les Parisiens 
eux-mêmes, qui se rendent en grand nombre et à grands frais 
dans les villes d’eau de Suisse et du Duché de Bade ? N’y pra- 
tiquent-ils pas avec ferveur les cures de lait dont ils retirent 
un si grand bien, sans se douter souvent que c’est à la Chèvre 
et non à la Vache qu'ils doivent leur regain de santé ? 

D'aucuns objecteront que le lait de Chèvre ne saurait être 
accepté à Paris, dans la consommation courante, en raison 
de son goût particulier. Cette opinion est fausse, car le goût 
en question n'existe qu'exceptionnellement chez certaines 
variétés ou lorsque l'animal ne recoit pas la nourriture qui 
lui convient. Les cinquante Chèvres que j'ai chez moi, pour 
servir à mes expériences de croisement, donnent toutes um 
lait absolument exempt de toute odeur hircine. Ce lait est 
même aussi doux et aussi délicat au palais que le meilleur laïf£ 
de Vache. 

À ceux qui voudraient insinuer que cette similitude de goût 
peut favoriser la fraude et la tromperie, la réponse est facile : 
le meilleur lait de Chèvre, en vieillissant et en tournant, 
prend une odeur hircine assez prononcée pour ne laisser 
aucun doute sur son authenticité. Les sceptiques n'auront 
qu'à faire cette épreuve pour se convaincre. 


Une opinion généralement répandue et de nature à arrêter 
l'industriel désireux de pratiquer le commerce de lait de 
Chèvre, est que cet animal a besoin de plein air pour prospé- 
rer, qu'à cette condition seulement, son lait est bon et abon- 
dant. 

Erreur complète. Au Mont-d’Or lyonnais, il y a plus de dix 
mille Chèvres en stabulation constante, et c’est par ce régime 
que l’on obtient le maximum de rapport. 

D'ailleurs, il ne. serait pas difficile, en raison de la taille 
relativement petite de la Chèvre, de ménager autour des chè- 
vreries que l’on organiserait dans les faubourgs de Paris ou 
dans les localités suburbaines, de petits parcours, fermés par 


(1) Ulrich, Commerziantrath à Pfumgstadt; Detiweiler à Darmstadt : B 
Rost-Hoddrup à Brême, etc. 


82 BULLETIN LE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


des grillages, où les animaux circuleraïent à aïr libre. Ce 
régime serait certainement suffisant pour les maïntenir en 
parfait état de santé et de rapport. J'en fais d’ailleurs l’expé- 
rience moi-même en ce moment, et je m'en trouve très bien. 

On dit aussi communément que la durée de la lactation des 
Chèvres est réduite aux mois de la belle saison et que la 
Chèvre ne se prête au rapprochement avec le Bouc qu'à des 
époques déterminées de l’année. Cette opinion part évidem- 
ment de ce fait que, dans les campagnes, il est d'habitude de 
ne faire porter les Chevres qu'en automne, afin que le mo- 
ment de leur plein lait coïncide avec l'apparition de la ver- 
dure, le fourrage vert favorisant l'abondance du lait et le 
développement des chevreaux. Maïs quiconque s’est occupé 
tant soit peu de l'élevage de cet animal, a pu reconnaitre que 
k Chèvre est parfaitement susceptible de mettre bas en toute 
saison. En ce qui concerne la durée de la lactation, elle est 
variable selon les races : prenez des Saanen, des Toggen- 
bourg, des Maltaises et même nos grosses Pyrénéennes, et, si 
vous savez donner les soins convenables. vous aurez du lait 
jusqu'à six semaines avant le part. Le tout, c'est de pouvoir 
se procurer des bêtes en nombre suffisant; car, lorsqu'elles 
sont bonnes, les propriétaires consentent très difficilement à 
s'en défaire. De là l'urgence de créer chez nous une race, et 
de la répandre le plus possible. 

En terminant, il n’est peut-être pas inutile de signaler que 
le beurre de Chèvre. bien frais. ne le cède en rien, comme 
qualité, au beurre de Vache. Je citerai, à ce sujet, le passage 
suivant d'une lettre que m'adressait dernierement M. le doc- 
teur Prompt : 


« Quant à ce que je vous ai dit sur la nature de l'espêce caprine, 
qui est réfractaire à la maladie tuberculeuse, ce n’est pas une opinion 
personnelle : c'est un fait acquis à la science, absolument certain, et 
fondé sur un grand nombre d'observations faites par tous ceux qui 
s'occupent spécialement de ces queslions. 

» Ce que je pourrais ajouter, c'est que le danger de Ia contagion 
peut êlre évilé, jusqu’à un certain point, s’il s’agit du lait. La stérili- 
sation du lait par la chaleur détruit les germes infectieux : si elle est 
bien faite, le lait d'un animal tuberculeux peut être absorbé par 
l'homme sans grand inconvénient. 

» Ii n’en est pas de même pour le beurre, qui se mange toujours ou 
presque loujours à l’état de crudité. L'usage du beurre de Vache est, 


THE 


CT 


LA CHÈVRE A PARIS. 83 


suivant moi, l’une des principales causes du développement prodigieux 
de la maladie tuberculeuse chez les peuples modernes. Cette maladie 
était infiniment moins fréquente chez les peuples classiques. Vous 
n'ignorez pas que les Grecs et les Romains ne fabriquaient jamais de 
beurre et que l'huile était le corps gras le plus généralement employé 
dans leurs préparations alimentaires. Ce sont les peuples germains 
qui, à la suite des invasions du iv* sièele, ont propagé l'usage du 
beurre en Europe. 

» I! serait donc très désirable que le beurre de Vache fût remplacé 
par le beurre de Chèvre, qui est, d’ailleurs, peu connu et peu employé, 
et qui a le mérite d’avoir un goût beaucoup plus délicat. Pour moi, je 
ne mange que du beurre de Chèrre, et depuis que j'en mange, il m'est 
devenu impossible de manger du beurre de Vache, qui me cause une. 
répulsion insurmontable. » 


Je reconnais que le beurre de Chèvre est très bon, quand il 
est consommé frais, et surtout quand ce beurre, comme celui 
dont parle le docteur Prompt, provient de Chèvres nubiennes, 
race dont le lait est de qualité absolument supérieure. 

En résumé, rien ne justifie l'indifférence du public parisien 
à l'endroit de la Chèvre et il importe, en conséquence, d’ou- 
vrir les yeux de la population sur les ressources qu'offre cet 
animal, particulièrement pour l'alimentation des malades et 
des tout jeunes enfants. 


LE CARDINAL DE VIRGINIE 


(CARDINALIS CARDINALIS) 


SON ÉLEVAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE 


par l'Abbé A. CHARRUAUD, 


Curé de Bessens (Tarn-et-Garonne). 


(SUITE *) 


IT. — SocrABILITÉ (suile). 


C'est un fait d'expérience que l'acclimatement d'un Oiseau, 
même très délicat, s'obtient assez facilement moyennant une 
nourriture appropriée et une température douce et constam- 
ment égale. 

Mais si cet Oiseau a recu de la Nature un caractère 
insociable, c’est-à-dire intolérant pour les volatiles pius 
petits ou plus faibles qui partagent sa captivité; s'il les 
poursuit, les harcèle, les déplume, les blesse ou les tue, 
comment corriger cette humeur agressive ? par quels procédés 
métamorphoser ce tyran ailé en un placide compagnon de 
cage ou de volière ? 

Tout l’art de l’éleveur se borne à agir sur les organes des 
Oiseaux, sur leurs qualités extérieures ou physiques, telles 
que celles du tempérament, de la taille, du plumage, de la 
voix et du chant : leurs qualités intérieures, c'est-à-dire, 
leurs sentiments et leurs passions, échappent à notre infiu- 
ence. Vainement aurions-nous recours à la violence ou à la 
douceur : ni les caresses, ni les menaces n'auraient le don de 
porter un Oiseau à se dépouiller, dans ses rapports avec ses 
semblables, du caractère que la Providence lui a donné. 

Et c'est pourquoi, vous, amateur inexpérimenté, qui venez 
de faire l'acquisition d’un Cardinal rouge avec la pensée d'en 
orner une volière déjà peuplée de Bengalis, de Diamants et 
autres volatiles de taille menue, ne manquerez pas de vous 


# Voir plus haut, pages 1 et 39, 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 85 


demander : « Est-il prudent de lâcher ce gaillard-là au milieu 
de mon petit peuple aussi faible qu'inoffensif?... Que faire ? 
grand Dieu! que faire?... » 

— C'est bien simple, vous dirais-je. Nous avons d'excellents 
auteurs qui ont décrit très minutieusement le caractère et les 
habitudes du Cardinal rouge; pourquoi ne les consulteriez- 
VOuS pas”?... 

Voici d’abord le Manuel de l'Oiseleur el de l'Oiselier, de 
M. Célestin Chiapella, l'amateur heureux qui avait pu réunir 
dans sa vaste galerie « plus de deux cents espèces d'oisillons 
dont le plus gros ne dépassait pas la grosseur de la Pie », 
l’ornithologue consciencieux qui a possédé tous les Oiseaux 
dont il parle, et qui ne parle — mérite rare — que de ceux 
qu'il a possédés. 

Voyons ce qu'il nous dit du Cardinal rouge : « Il n'y a pas 
d'Oiseau plus débonnaire quand il ne s’agit pas de ses pareils. 
Sur des centaines de Cardinaux que j'ai élevés, jamais je n'ai 
rencontré un seul individu tourmentant les autres oisillons. » 
(Loc. cit., pag. 242.) 

Prenons maintenant L’Amateur d'Oiscaux de vohère, de 
M. H. Moreau. Cet ouvrage est le manuel classique par excel- 
lence, le vade-mecum et le bréviaire obligé de tout éleveur 
d'Oiseaux exotiques et français. À la page 245, l’auteur dit : 
« À l'éclat du plumage, il (le Cardinal rouge) joint une grande 
douceur de caractère. Sur cent Oiseaux de son espèce, il est 
rare d'en rencontrer un qui se comporte avec aigreur avec 
les petits compagnons qu'on peut lui associer. » 

Passons à un autre volume ayant pour titre Passereaux 
et pour auteur M. le marquis de Brisay. Auteur et livre sont 
trop avantageusement connus pour qu'il soit besoin d'en faire 
l'éloge. À la page 306, où il est question du Cardinal rouge, 
je lis : « Son humeur n’est point batailleuse à l'égard des Oi- 
seaux de sa taille et plus petits ou plus gros que lui, tels que 
Faisans, Colombes, etc... qu'on lui donne pour compagnons. » 

Eh bien, êtes-vous satisfait?... 

— Parfaitement! dites-vous, radieux. La cause est 
entendue! je sais tout ce que je désirais savoir, A l'instant 
même, je cours làcher mon Cardinal dans la volière. 

— Non, ne vous pressez pas. La question qui nous occupe 
est loin d'être élucidée : je n’en connais pas en aviculture qui 
soit plus sujette à controverse. 


85 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Prenez le Nouveau Manuel de l'éleveur d'Oiseaux, ou 
Art de l'Oiselier, par Georges Schmitt. À la page 212, je lis 
ce qui suit : « Nous conseillons aux amateurs de ne pas 
laisser voler en toute liberté les Cardinaux rouges dans la 
chambre aux Oiseaux, car ils mangent les œufs des autres 
Oiseaux et même les petits, et tuent souvent les Oiseaux 
faibles et vieux. » 

Vous me direz peut-être que le témoignage de ce M. Schmitt, 
venant après tant d’autres concluant en sens contraire, n’a pas 
crande importance, et que ce n’est pas pour si peu que vous 
vous priverez du plaisir de faire à votre Cardinal les honneurs 
de la volière. Soit! Passons donc à un autre. 

Connaissez-vous le docteur Russ? Ce docteur Russ ou Rusz, 
allemand de nom et d’origine, a composé sur les Oiseaux 
importés un ouvrage en deux volumes dont le premier a été 
honoré d'un traduction française. Celui-ci est intitulé 
Monographie des Oiseaux de chambre exotiques. Nous 
lisons à la page 93 de la traduction française : « C’est un 
Oiseau pacifique par nature..... mauvais hôte cependant 
dans la chambre, il dévore les jeunes dans les nids des autres 
Oiseaux et menace même les adultes chétifs. » 

Que pensez-vous de cet Oiseau, pacifique par nature, qui 
dévore ses compagnons jeunes et massacre sans pitié les 
adultes? Pour un Oiseau pacifique ce n’est déjà pas si mal; 
que serait-ce s’il ne l'était pas?...Je donne tous mes Oiseaux 
et la volière avec, à quiconque saura tirer une conclusion 
pratique de ce fatras d’affirmations contradictoires. 

Mais laissons là vos auteurs dont je ne veux plus entendre 
parler, et veuillez me dire, vous, ce que vous savez du 
Cardinal de Virginie. Cet Oiseau est-il sociable? ne l’est-il 
pas? 

Je vais vous donner ma réponse. Les Oiseaux, dont l'instinct 
naturel est toujours quelque peu perverti par la captivité se 
montrent parfois différents d'humeur et de caractère selon le 
récime auquel ils sont soumis et le plus ou moins d'espace 
qui leur est ménagé. Aussi, est-ce surtout en aviculture quil 
est permis de dire : Vérité en decà des Pyrénées, erreur 
au delà. 

Quoi qu'il en soit, je vais vous raconter à mon tour ce que 
douze années d'élevage non interrompu m'ont appris sur le 
caractère du Cardinal de Virginie. A défaut de l’autorité que 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 87 


donne le talent, ma relation aura du moins celle qui s’affache 
à la réalité de faits et à l'exactitude de détails corroborés par 
une longue expérience. 


III. — REPRODUCTION. 


De tous les Oiseaux de cage et de volière, aucun ne montre 
de plus grandes dispositions à se reproduire que le Cardinal 
de Virginie. À l’encontre d'un trop grand nombre d’exotiques, 
lents à s’accoupler et dont le tempérament de glace contraste 
si singulièrement avec les chaleurs brülantes de leur pays 
d'origine, le Cardinal rouge s’enflamme à la première approche 
de sa femelle et tout de suite parle d'hyménée. L'époque de la- 
période, qui varie selon les climats, est aussi pour l'éleveur 
une cause d’insuccès qu'on n’a pas à redouter avec le Passe- 
reau virginien : qu'il ait vu le jour en France ou qu’il arrive 
directement d'Amérique, l'Oiseau de feu adopte égalemenf 
nos saisons, et c'est toujours 


Quand l’amoureux Zcphir, affranchi du sommeil, 
Ressuscite les fleurs d’une haleine féconde, 


que le Cardinal songe à s’apparier. 

Le 15 mars est l’époque la plus favorable pour l'accoupie- 
ment. Plus tôt, on exposerait la première nichée à périr de 
froid pendant les nuits pluvieuses ou glacées de l’arrière- 
saison d'hiver. Plus tard, on pourrait perdre le bénéfice d'ure 
ou de deux couvées, la mue survenant toujours en automne. 

L'exposition du local destiné au couple n’est pas non plus 
chose indifférente. Une chaleur trop forte est nuisible aw 
Cardinal et peut lui occasionner des crampes. De même, Ia 
pleine lumière du soleil, qu’il recherche en hiver, semble l'ia- 
commoder en été, aux heures où l’astre brille de son plus vif 
éclat. Alors, si la volière est à double compartiment et plantée 
d’arbustes, c'est dans le coin le moins éclairé de la maison- 


* nette ou au centre d’une forte touffe de feuillage qu'il va 


chercher l'ombre mystérieuse qui plaît à son tempérament cu 
à son humeur. Naturellement, c’est là que l'Oiseau établira, 
s’il le peut, le berceau de sa future famille. En raison de cette 


prédilection pour le demi-jour, l'éleveur donnera au couple 


une installation inaccessible au grand soleil de l'après-diner, 


88 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ou du moins largement protégée par un abondant et épais 
feuillage (1). 

Enfin, il faut autant que possible ménager au Cardinal l’iso- 
lement et la solitude. 

L'isolement lui est agréable, maïs non nécessaire. Des vo- 

latiles petits, maitre Cardinal n'en a cure : bien malin serait 
celui qui l’'empêcherait de travailler à son nid ou de pourvoir 
aux besoins de sa progéniture. Gênant, notre Gros-Bec rouge 
peut l'être et ne l’est que trop souvent, hélas ! gêné, jamais ! 
à moins qu'il ne soit en compagnie d'Oiseaux plus forts ou de 
sa taille et aussi bataïlleurs que lui-même, auquel cas le succès 
des nichées serait sérieusement compromis. 
. Quant à la solitude, une distinction s'impose, selon qu'il 
s’agit de Cardinaux d'importation récente ou de Cardinaux 
nés en volière. Ces derniers deviennent promptement fami- 
liers et il n’est pas rare de les voir accourir au premier signal 
pour prendre à la main le Ver de farine qu’on leur présente. 
Il n'y a donc aucun inconvénient à les loger dans un apparte- 
ment habité ou dans une volière sise près d’un passage fré- 
quenté. J'en ai fait souvent l'expérience avec succès. De son 
côté, M. Jarrassé m'écrivait : « Les Cardinaux rouges ont 
choisi le nid placé près du grillage extérieur longé par une 
allée du jardin... La femelle couve sans se déranger; elle 
permet qu'on la regarde et ne bouge pas. Mais si on passe le 
doigt à travers le grillage, cette indiscrète témérité est aus- 
sitôt punie par un vigoureux coup de bec. » Au contraire, les 
Cardinaux capturés en Amérique ou élevés dans des volières 
très spacieuses sont d’une sauvagerie extrême. Au moindre 
bruit, ils abandonnent leur nid et n’y reviennent parfois que 
lorsque les œufs sont presque refroidis. Avec ces Oiseaux on 
ne saurait prendre de trop grands ménagements. Pour eux, 
{a solitude est de rigueur. 

Et maintenant que tout est pour le mieux dans la meilleure 
des installations, làächez votre couple, ou plutôt, lächez le 
mâle seul et attendez pour lui donner la femelle qu'il se soit 


an peu jamiliarisé avec son nouveau logis. Un jour, deux : 


jours au plus suffisent... Là, est-ce fait? Retirez-vous donc, 


(1) Rusz dit : « L'expérience a prouvé que le Cardinal rouge reproduit méme 
au demi-jour. » (Oiseaux étrangers, p. xzv. Paris, E. Deyroile.) — Nous dirions, 
nous : « L'expérience a prouvé que le Cardinal rouge reproduit #ieux au demi- 
jour. » 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 89 


mais sans vous éloigner. Plantez-vous quelque part, où vous 
voudrez, pourvu que de votre place vous puissiez très bien 
voir les Oiseaux, suivre tous leurs mouvements et entendre 
leurs cris. À présent, soyez tout yeux et tout oreilles, comme 
si vous assistiez à uue Première depuis longtemps espérée. 
Votre volière, en effet, s’est subitement transformée en un 
vrai théâtre où tous les éléments scéniques se trouvent réunis. 
Le parterre ? c'est vous ; les acteurs”? vos deux Cardinaux. 
Que dis-je ? les Dieux eux-mêmes en seront. Mars et Vénus 
{excusez du peu), flottant dans une atmosphère impénétrable 
à vos regards mortels, prendront part à l’action, l’un en pous- 
sant bruyamment à la guerre, l’autre en soufilant doucement 
l'amour ; et selon que le màäle Cardinal, à qui est dévolu le 
principal rôle, cèdera aux excitations du Dieu des batailles ou 
aux inspirations de la Bonne déesse, vous verrez ou se dé- 
rouler un drame ou se jouer une pastorale. Soyez attentif, 
vous ne tarderez pas à savoir lequel des deux. 

Le male se campe-t-il dans un coin, la mine en dessous, 
l’œil en feu, la huppe rejetée en arrière comme un panache 
de guerrier sous le souffle du vent ? sautille-t-il sur sa branche 
ou sur son perchoir, tournant à gauche, tournant à droite 
dans des demi-voltes qui vous le présentent tantôt de face, 
tantôt... de queue, baissant et relevant celle-ci d'un mouve- 
ment brusque et saccadé”? enfin, pousse-t-il ce petit cri per- 
cant, aigu, qui entre dans l'oreille comme une vrille, cri que 
tout éleveur connait bien : cri d'appel, cri d'alarme, cri d'’ef- 
froi, cri de plaisir aussi, selon les impressions ressenties, mais 
le plus souvent cri de haine et de fureur ? Prenez garde! ça 
peut n'être rien, rien qu'un moment d'humeur que l'instant 
d’après dissipera, une indisposition passagère contre l’auda- 
cieuse qui vient à l’improviste et sans être invitée troubler la 
solitude et partager la ration du maître de céans ; mais ca 
peut être aussi les prodromes d’une colère sourde prête à 
éclater. — Mars et Vénus. À qui la victoire ?.. Redoublez 
d'attention. Une, deux minutes s’écoulent... Soudain, prenant 
son élan, le mâle raie l’espace d’un trait de feu et tombe, 
pointe en avant, sur la femelle éperdue. N’en doutez pas, 
Mars a triomphé et le drame commence. Au lieu de vous 
amuser à compter les coups, allez vite séparer les combat- 
tants, car, du drame à la tragédie, il n’y a souvent chez les 
Cardinaux que la distance du bec de l’un à la tête de l'autre. 

Bull. Soc. nat. Accl, Fr. 1899. — 7, 


90 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Saisissez-vous donc de la femelle et mettez-la dans une cage 
que vous accrocherez sur les lieux mêmes à une paroi quel- 
conque de la chambre ou de l’abri couvert. En moins de huit 
jours, vous verrez le mâle affolé volticer autour de la prison- 
nière, l'appeler de sa voix la plus mélodieuse et lui témoigner 
de mille façons son repentir et son amour. Laissez-vous atten- 
drir vous-même et ouvrez à deux battants la porte de la cage: 
la paix est faite. | 

Mais si le Cardinal, quittant sa place en même temps que 
sa mine rébarbative, se met à voltiger sans s’occuper autre- 
ment de la femelle qui, revenue de sa première surprise, se 
décide à en faire autant : si les deux Oiseaux vont et viennent 
comme indifférents l’un à l’autre; s'ils se croisent, s'ils se 
rencontrent sans se chamailler : rassurez-vous, Vénus l’em- 
porte, ou l’emportera sûrement. Pour étre discret, son 
triomphe n’en est pas moins réel. La petite scène que vous 
avez sous les yeux, très insignifiante d’ailleurs, si vous l’ob- 
servez en profane, n’est autre chose que le prélude d’une 
charmante pastorale. Aujourd’hui le prologue, demain le pre- 
mier acte. Question de temps, voilà tout. Si vous êtes pressé 
de voir l’action s'engager, nourrissez abondamment les deux 
futurs. Servez-leur les aliments les plus propres à réchauffer 
leur cœur engourdi : œufs de Fourmis, Vers de farine, etc., 
conformément à cette sentence qu'on devrait écrire au fron- 
tispice de toutes les volières : 


Sine Cerere et Libero friget Venus; 
autrement dit avec Marot : 
Sans Cérès et Bacchus, teujours Vénus est froide ; 
ou plus simplement avec la sagesse des nations : 
Le feu de l'amour s'allume à la cuisine. 

Au contraire, le mâle accueille-t-il la femelle avec une sa- 
tisfaction marquée? vole-t-il à sa rencontre? se montre-t-il 
empressé aupres d'elle, la suivant et l’accompagnant de-ci de- 
là, à la facon d'un homme bien élevé qui fait les bonneurs de 
sa maison? tient-il la huppe droite, épanouie à la base et 
pointue au sommet comme... un bonnet de coton ? enfin, 


pousse-t-il cette espèce de gloussement qui lui est assez 
familier, mais auquel l'Oiseau, quand il est en amour, sait 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 91 


donner une intonation particulièrement langoureuse et douce? 
Oh ! alors réjouissez-vous ! la donzelle est agréée, et tout de 
suite la pastorale va, passez-moi le mot, battre son plein. 

En effet, voyez comme le Cardinal s'étudie à plaire lui- 
même en faisant ressortir toute la richesse de son plumage, 
toute la fierté de son allure, toute l'élégance et toute la sou- 
plesse de sa taille svelte et élancée. Avec une coquetterie qui 
rendrait des points à plus d’un dandy, il prend les poses les 
plus gracieuses, les attitudes les plus séduisantes : il gonfle 
sa poitrine écarlate, il redresse sa huppe longue et soyeuse, 
il déploie en éventail les plumes roses de sa queue, il bat des 
ailes d'un mouvement en quelque sorte cadencé, il frétille, il 
se trémousse, il se carre, il se rengorge, il s’allonge, il s’affine 
et se penche languissamment sur un côté, puis sur l'autre 
comme en un bercement de vague endormie. Cardinal fait le 
beau et il l’est. Mais il n’étale ses avantages que pour en faire 
hommage à sa compagne qui est moins favorisée sans en être 
moins chérie. 

Et non content de la fasciner par sa beauté, il veut encore 
la charmer par les accents flatteurs de son ramage. Écoutez- 
le chanter. De son gosier sonore et plein d’élasticité, il tire 
une mélodie agréablement variée où se succèdent sans se 
méler et se mêlent sans se confondre les fugues et les arpèges, 
les trilles et les trémolos, les tons graves et les tons aigus ; 
notes pures et éclatantes, sons moelleux et flütés, accents 
pleins d’âme et de vie, — vrais soupirs d'amour et de volupté 
qui semblent sortir du cœur — et font palpiter le cœur de la 
femelle délicieusement émue.. et définitivement conquise. 

Philis aime Tircis qui adore Philis. Des lors l’action ne 
peut que se précipiter. Revenez demain, vous serez témoin 
des serments échangés : dans une becquée tendrement offerte 
et non moins tendrement reçue, les futurs se donneront le 
gage d’un amour réciproque et d’une fidélité inviolable. — 
Fiançailles charmantes et pleines de poésie célébrées dans le 
feuillage avec le ciel bleu pour temple et le soleil pour fiam- 
beau ! 

Après les fiançailles, les justes noces. En gens qui se res- 
pectent et comprennent l'importance de la chose, les Cardi- 
naux se recueillent au moins une semaine avant d'y procéder. 
Le moment venu, que se disent-ils ? que font-ils ?... D'autres, 
plus heureux ou plus fins observateurs que moi, vous l'ap- 


DE BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


prendront peut-être un jour. En attendant, sachez que la 
cérémonie est bâclée en un clin d'œil, et que tout aussitôt, les 
heureux époux, obéissant à la loi promulguée à l’origine du 
monde : Croissez et multipliez-vous, s’en vont de compagnie 
d'arbuste en arbuste, de buisson en buisson. cherchant la 
branche feuillue, la touffe épaisse et ombragée où reposera 
bientôt le doux nid, cependant que le mâle murmure langou- 
reusement à l'oreille de sa femelle ravie la chanson toujours 
ancienne et toujours nouvelle, l'éternel couplet du berger à 
la bergère : 

Mignonne, allons voir si la rose 

Qui ce matin avait déclose 

Sa robe de pourpre au soleil, 

A point perdu cette vesprée 

Les plis de sa robe pourprée 

Et son teint au vostre pareil (1) !... 


Ici finit la pastorale et avec elle votre rôle facile de specta- 
teur. Le couple veut monter son ménage, il s’agit de l’y aider. 

Avant tout, tàächez de l'amener à s'établir dans la maison- 
nette où les nichées seront à l'abri des grands vents et des 
pluies torrentielles. A cet effet, prenez une bonne poignée de 
petites branches d'arbre ou d’arbuste à feuillage vert, com- 
pact et persistant. Celles de Bruyères et de Genévriers, de 
Cèdres, de Pins et de Sapins, dont les feuilles aciculaires ou 
lancéoiées tombent au moindre choc quand elles sont fiétries, 
doivent être rejetées. Par contre, des tiges de Houx, de 
Fusain, de Thuya et autres Conifères, des rameaux de Laurier 
franc (zu1go, Laurier sauce) ou de Laurier-tin, des touffes de 
Genêt épineux ou de Genêt à balais conviennent très bien 
pour la circonstance. Liez-les en faisceau par les bouts li- 
gneux comme si vous vouliez faire un bouquet de Lilas; puis, 
au centre de la ramure, fixez un panier d'osier à Canaris 
hollandais. Le tout est solidement accroché à une hauteur de 
2 mètres dans le coin le plus ombreux de l'abri couvert et le 
moins proche de la porte d'entrée. Enfin, si cela est néces- 
saire, supprimez les feuilles et écartez les branches qui em- 
pêchent l'accès du panier, sans oublier de rabattre sur le 
devant les tiges supérieures en les arc-boutant en forme de 
dôme. 


(4) Ronsard, Odes. 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 93 


Ce buen retiro offrira aux époux tant d'agrément pour eux- 
mêmes et tant de sécurité pour leurs futurs enfants qu'ils 
seront probablement tentés d'y venir loger leurs amours. 

Votre petit travail terminé, fournissez au couple les maté- 
riaux dont il a besoin pour construire le nid. Ceux qui lui 
plairont le plus sont : des büchettes épineuses, avec lesquelles 
il en faconnera la charpente extérieure ; des lanières de 
Raphia, des bandes de papier, des filets ou coulanis de Frai- 
siers, des racines fines d’arbrisseau, du menu foin, du crin 
de queue de Cheval, des feuilles sèches, de la Mousse et de la 
bourre. Les Cardinaux font rarement usage de plumes. Si le 
berceau que vous avez préparé vous-même est adopté, il 
faudra peu de chose pour le matelasser ; mais si le couple fait 
choix d’un arbuste, il utilisera la plupart des matériaux qui 
seront à sa portée, en commençant naturellement par les 
plus grossiers. Soyez donc large dans la distribution des pré- 
cieux débris ; donnez de tous à la fois, donnez-en abondam- 
ment, à profusion même, sous peine de voir vos Oiseaux 
abandonner l'ouvrage commencé et « se retirer tristes et 
boudeurs loin l’un de l’autre aux deux coins opposés de leur 
habitation (1) ». 

La quantité ne suffit pas, il faut aussi la qualité. Le brin 
d'herbe fanée où brille un reste de verdure, la feuille à demi- 
flétrie où se figent les dernières gouttes d’une sève languis- 
sante, la Mousse imprégnée de rosée, les racines qu'humectent 
encore les sucs nourriciers de la terre sont dédaignés par les 
Cardinaux comme ne convenant pas à la couchette saine et 
chaude sur laquelle devront bientôt éclore leurs petits dénués 
de plumes. Ce qu'ils recherchent, c’est le foin bien sec et 
décoloré, c’est le filament qui pend au flanc des troncs ver- 
moulus, c’est la tige déflorée et vieillie, la brindille morte et 
cassante, un cadavre de fleur, un squelette de feuille. Et, en 
cela, nos Oiseaux n'obéissent pas seulement à l'instinct supé- 
rieur de la conservation et du bien-être tant pour eux-mêmes 
que pour leur progéniture, mais aussi 

À cette vieille loi par l'univers suivie 

Qui veut qu’en tout, pour tout, partout et chaque jour 
La mort soit le berceau d’où sortira la vie, 

Et qu’on fasse du deuil un asile à l’amour (2). 


(1) Marquis de Brisay. 
(2) Rémy Saint-Maurice, Les Arlequinades. 


94 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Il est rare de voir les deux époux rivaliser d’ardeur dans la 
construction du nid ; presque toujours c’est la femelle seule 
qui fait le travail tandis que le mäle l’encourage de ses chan- 
sons. Non certes que ce dernier s’en désintéresse totalement : 
muni d’une büchette, d’un fragment de feuille ou d’un brin 
d'herbe, il vient se percher auprès de l'ouvrage commencé ; 
mais au lieu de déposer son léger fardeau là où il occuperait 
utilement sa place, notre paresseux le laisse négligemment 
tomber à terre. Ah! c'est que Monsieur est délicat, Monsieur 
a horreur des besognes grossières. A l'instar de l'architecte, 
il entend bien donner des ordres et diriger les travaux ; quant 
à manipuler la truelle, fi donc !.. Heureusement Madame est 
active et n’a pas de ces répugnances. En moins de huit jours, 
le nid est bati, tissé, intérieurement feutré de Mousse ou de 
bourre, prêt enfin à recevoir le fragile trésor. 

En Amérique, la ponte du Cardinal est, au dire des natura- 
listes, de quatre à six œufs. En France, elle ne dépasse jamais 
le nombre de quatre que j'ai assez souvent obtenn moi-même. 
La première ponte des femelles d’un an est ordinairement de 
deux œufs, la seconde et la troisième en produisent trois. Les 
femelles plus âgées sont aussi plus fécondes et peuvent arriver 
au maximum de quatre œufs si on leur donne une nourriture 
substantielle. 

Ces œufs, d'un blanc sale ponctué de roux, sont couvés par 
la femelle durant treize jours, « pendant lesquels, dit M. le 
marquis de Brisay, il faut mettre une sourdine aux battements 
de votre cœur, et vous garder de glisser une maïn impatiente 
vers le nid. Toute tentative de découverte, toute indiscrétion 
amène sûrement l'abandon du berceau et de la famille qui 
l’habite. Il faut aux Cardinaux le plus grand mystère, ils 
cassent leurs œufs, dévorent leurs petits s’ils s'apercoivent 
que le secret de leurs amours est violé (1). » Voilà certes 
d'excellents conseils dont les amateurs inexpérimentés feront 
bien de se souvenir. On ne saurait trop insister, en effet, sur 
les dangers de cette curiosité intempestive qui pousse certains 
éleveurs à fourrer journellement le doigt ou le nez dans le 
nid de leurs couveuses. L’œuf étant infiniment sensible au 
froid et tout point refroidi devant être pour le petit futur un 
membre mort, c'est compromettre infailliblement le succes 


(1) Passereaux, pag. 302. 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 95 


désiré que de déranger les mères à tout propos. Au surplus, 
les Cardinaux, surtout ceux d'importation récente, sont ne 
l'oublions pas, particulièrement ombrageux. 

Tout bruit insolite qui se produit à l’intérieur ou dans le 
voisinage de la volière : le crissement de la targette ou de la 
serrure, le grincement de la porte sur ses gonds, le son de 
la voix humaine, le gémissement du sable sous les pas du 
promeneur, le frou-frou d’une robe, un soufïle, un rien, a 
pour effet immédiat la désertion du berceau, Est-ce à dire que 
« toute tentative de découverte, toute indiscrétion amène 
surement l'abandon du nid, la casse des œufs et le massacre 
des petits »? Nous ne le pensons pas. Si la sauvagerie du 
Cardinal rouge était telle que M. le marquis de Brisay se plait 
à la dépeindre — à seuie fin, j'imagine, d'inspirer aux curieux 
une terreur salutaire — il faudrait renoncer à l'élevage de 
notre cher Passereau en voliere étroite, et à plus forte raison 
en cage où les nids sont le plus souvent en évidence, toujours 
à portée de la main, et les couveuses exposées à être 
dérangées au moins une fois par jour, à l'heure de l'agrainage 
et de l'entretien des abreuvoirs. Or, nous savons tous que 
nombre d'amateurs, et non des moins compétents — MM. Leroy 
et Chiapella en France, le docteur Rusz en Allemagne (1) — 
recommandent comme ayant produit des résultats merveil- 
leux dans l'élevage de tous les Oiseaux, y compris le Cardinal 
rouge, l'emploi de certaines caisses grillagées que M. le 
marquis de Brisay, dont nous partageons à cet égard la 
légitime horreur, appelie dédaigneusement « de hideuses 
boîtes à savon (2) ». Donc pas de folle crainte, mais pas de 
confiance exagérée non plus : telle est, selon nous, la devise 
dont l’éleveur doit s'inspirer. Deux visites au nid noussemblent 
même contribuer au succès final; et, à moins d'y pouvoir 
suppléer par un flair spécial, qui est le fruit d’une longue 
expérience, ces deux visites s'imposent. La première est à 
faire dès qu’on soupconne la ponte terminée afin de connaître 
d'avance le jour où il faudra servir aux parents la nourriture 
qui convient à l'élève de leurs petits; la seconde, un ou deux 
jours après la naissance de ces derniers afin d'enlever le cas 


(1) L’Acclimatation, 20 février 1881. — Rusz, Monographie des Oiseaux, ete., 
paz. xzir et xLv. — Chiapella n'employait que la cage pour la reproduction du 
Cardinal rouge. 

(2) Passereaux, p. 4. 


96 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


échéant, ceux qui seraient morts des suites d’une éclosion 
défectueuse. Naturellement, il faut procéder à cette double 
inspection avec prudence et ménagement. Et d’abord, mettez 
à profit les moments de relâche, assez fréquents dans la 
journée, durant lesquels la femelle est aux mangeoires ou 
détend ses membres engourdis. Puis, entrez dans la volière 
avec la crainte religieuse d’un musulman dans sa mosquée, 
le corps penché en avant, vous faisant petit, petit, rampant 
même. Et, dans cette attitude effacée, dirigez-vous vers le 
uid lentement, écartant doucement de la main les branches 
séuantes. Arrivé au but, relevez-vous, et délicatement, sans 
toucher au berceau, sans déranger un brin d'herbe, plongez 
votre doigt, ou mieux, vos deux yeux dans l'intérieur. Votre 
constatation faite ou la sélection opérée, selon le cas, 
regagnez l'extérieur avec ies mêmes précautions et fermez, 
comme ferment les gens bien élevés, je veux dire sans faire 
claquer les portes. Si vous suivez ponctuellement ces ins- 
tructions, les parents s’apercevront à peine de l’indiscrétion 
commise, et la mère ne tardera pas à reprendre sa place sur 
le nid momentanément délaissé. 

L'incubation, disions-nous plus haut, dure treize jours. 
C’est le temps normal fixé par la nature. Pendant les grandes 


chaleurs, ce terme n'est jamais dépassé. Il en est autrement 


dans les mois de mars et d'avril, où l’éclosion est quelquefois 
retardée de vingt-quatre et même de quarante-huit heures, 
selon que la température est plus ou moins favorable. Ce 
léger écart explique et justifie le désaccord qui règne entre 
les auteurs au sujet de la durée de l’incubation : les uns la 
veulent de treize jours, les autres de quatorze, d’autres enfin 
— tel l'Allemand Rusz — de quinze, suivant que ces mes- 
sieurs habitent le nord, lé centre ou le midi de l’Europe. Eh 
bien, tous ont raison. Embrassons-nous, Folleville! 

Cette question tranchée, passons à l’éclosion. Sous la cha- 
leur vivifiante de la couveuse, la matière liquide des œufs a 
pris consistance; les vaisseaux sanguins se sont dessinés, les 
organes et les membres ont apparu et, d'évolution en évolu- 
tion, l'embryon est arrivé à sa forme définitive. Déjà, l'heu- 
reuse mère percoit, par un tact délicat, les mouvements im- 
patients de ses chers petits et entend leur premier pépiement. 
ils ne resteront guère dans leur coquille. De leur bec mou, 
mais armé à sa partie supérieure d’une proéminence dure, ils 


\Ee 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 97 


frappent, ils félent, ils fendent le mur de leur fragile prison 
qui bientôt éclate, s'entr’ouvre et met au jour les nouveau- 
nés. 

O mes charmants Oiseaux, vous si joyeux d’éclore!... 


Vous voilà en famille, cher confrère, et quelle famille! la 
plus gourmande, la plus goulue, la plus gloutonne que vous 
puissiez imaginer. Adieu, le doice far niente! Si les parents 
sont les nourriciers naturels de leurs enfants, vous êtes, vous, 
le pourvoyeur attitré de la famille entière. Hâtez-vous donc 
d'ajouter aux graines de Millet et d’Alpiste, d’Avoine et de 
Froment, de Chanvre et de Soleil (ces dernières avec modé- 
ration) qui composaient déjà la nourriture quotidienne des 
reproducteurs, ajoutez, dis-je, Les Vers de farine et les œufs 
de Fourmis secs (1) que vous teniez en réserve pour la cir- 
constance. Le maigre de Bœuf ou de Mouton tres frais et 
häché menu, en tout temps bien accueilli par les Cardinaux, 
vous sera aussi d'un grand secours. Enfin, le pain au lait, le 
pain d'œuf et les pâtées vendues sous des noms divers (2) 
varieront agréablement ce régime dont l'ensemble doit rem- 
placer, dans la mesure du possible, les Insectes vivants que 
le soleil de juin fera bientôt éclore. Car, ne l’oublions pas, 
nous sommes aux derniers jours du mois d'avril, tout au plus 
dans la première quinzaine de mai. La Cigale harmonieuse, 
encore à l’état de nymphe, n’a pas pris son essor vers la cime 
des grands arbres pour donner sur ses cymbales le signal qui 

(1) Les œufs, ou plus exactement les larves de Fourmis sèches ne doivent pas 
être servies telles quelles. Après les avoir arrosées d’eau bouillante on les lave 
à grande eau dans une passoire, puis on les presse légèrement dans la main 
pour en exprimer l’excédent de liquide, 

(2) Les meilleures que nous connaissions sont la Pôrée spéciale Duquesne et la 
Provende armoricaine. La première est bonne, mais d’un prix élevé (3 fr. le 
kil.). La seconde, d'invention plus récente, est également irréprochable et coûte 
trois fois moins. Pour ë fr. 30 rendu en gare et 5 fr. 50 à domicile, M. Mérel 
(29, rue Chauveau, Neuilly-sur-Seine) en expédie un sachet de 5 kil. C’est avec 
ce produit que nous faisons l’élevaze de tous nos Oiseaux : Bengalis, Diamants, 
Serins hollandais, Rossignols, etc., etc... Seulement, au lieu de l’humecter 
d’eau, comme le conseille l'inventeur, nous le mélangeons intimement au jaune 
d’œut dur. Ainsi préparée, la Provende a le double avantage de n’être pas ex- 
posée à la fermentation et de recevoir un surcroit de valeur nutritive. Pour 
l'usage des Cardinaux, il faut deux parties de Provende, une partie de mie de 
pain bianc rassis et une partie de jaune d'œuf. Le tout est jeté au fond d’un bol 
où le mélange se fait avec les doigts. On obtient une pâtée onctueuse et grume- 
leuse de préhénsion facile au gros bec du Cardinal rouge qui, contrairement à 


une croyance assez répandue, ne dégorge pas la nourriture à ses petits, mais la 
distribue au naturel après l'avoir humectée de sa salive. 


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4 


98 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


fera sortir de terre et peuplera les champs et les jardins d'in- 
nombrables colonies de bestioles aux formes les plus variées 
et aux goûts les plus appétissants. Alors, pour nourrir votre 
famille ailée, vous n'aurez que l'embarras du choix. Mainte- 
nant, à cette époque de gelées tardives, la nature se montre 
parcimonieuse : le Hanneton bourdonnant, fléau des vergers 
et des bois, le Grillon casanier qui, dans les beaux jours, vient 
sur le bord de son trou demander au soleil la croissance de 
ses ailes, la chenille grassouillette (1) blottie sous les touffes 
de gazon humide, constituent à peu près toutes les ressources 
naturelles de l'éleveur en dehors des aliments artificiels 
énumérés plus haut. Ces ressources, ne les dédaignez pas, 
ami lecteur. Sila viande et les pätées sont bonnes et peuvent 
être utilisées; si les Vers de farine et les œufs de Fourmis 
secs sont excellents et doivent entrer pour une large part 
dans l'alimentation de vos élèves, rien, sachez-le, n’égale en 
valeur nutritive les Insectes vivant au grand air, nourris du 
suc des plantes et gorgés de rosée. Plus vous en fournirez 
aux parents, plus la santé des petits sera florissante et leur 
croissance rapide. D'ailleurs, la chasse à laquelle je vous 
convie ne peut être laborieuse qu'au temps de la première 
nichée. Bientôt, je le répète, sous le soufile ardent de l'été, 
la terre en fermentation produira des milliards de millions 
d'Insectes comestibles dont plusieurs espèces viendront élire 
domicile auprès de votre propre demeure. Pour les capturer, 
vous n'aurez qu'à tendre la main et à presser doucement l’un 
contre l’autre le pouce et l'index. Tels un grand nombre de 
Coléoptères de petite taille : Cétoines dorées, Cétoines stic- 
tiques, Trichies à bandes, Hoplies argentées, Anisoplies des 
jardins qu'on trouve endormis dans le cœur des roses où, 
sous leurs fines écailles d’or, de bronze, d’acier, ils brillent 
au soleil comme des perles précieuses. Tel encore l’un des 
plus menus, mais non le moins apprécié des Cardinaux, le 
Criocère rouge qui ressemble à une goutte de sang tombée 
dans le calice blanc des Lis. 
(A suivre.) 


(1) Il faut bien se sarder de donner aux Cardinaux les chenilles xelues qui, 
presque toutes, sécrètent une liqueur vénéneuse. Au mois de mai dernier, une 
de ces vilaines bêtes s'étant introduite dans la volière fut prise et mangée par 
un Rossignol du Japon qui tout aussitôt tomba comme foudroyé. Seules les che- 
nilles à peau lisse conviennent aux Cardinaux ; elles sont pour eux un vrai régal. 


99 


REPRODUCTION DE L'ÉCREVISSE A PATTES ROUGES 


OBSERVÉE DANS UN AQUARIUM D'APPARTEMENT (1) 


par A. DELAVAL, 


à Saint-Max-lès-Nancy, 


Le 10 septembre 1896, j'installais deux couples d'Écrevisses 

à pieds rouges, dans un aquarium mesurant 60 cent. x 30 x 30, 

‘ dont le fond d’ardoise était garni de quelques centimètres de 
gravier fin : dans un des coins, un petit rocher en pierre 
meulière, creusé de cavités qui devaient servir d’abri, autour 
duquel végétaient quelques touffes de Fontinalis. 

Placé devant la fenêtre d’une bibliothèque bien exposée au 
midi, mais protégé en partie contre les rayons du soleil par 
un rideau de soie verte, mon bassin minuscule était alimenté 
par un filet d’eau courante qu'une petite trompe en verre 
saturait d’air au passage. 

Les nouveaux hôtes se promenaient inquiets en quête d’un 
domicile sur le choix duquel l’entente ne put s'établir, car le 
lendemain deux cadavres gisaient sur le fond: un couple 
male et femelle, avait succombé ; la lutte avait dû se pro- 
duire sexe contre sexe. 

Les vainqueurs, exempts d'inquiétude, ne tardèrent pas à 
se créer des habitudes stables. L'un choisit son gîte dans une 
cavité en haut du rocher d’où sortaient ses grosses pinces 
prêtes à saisir l’imprudent qu'aurait attiré ses antennes 
toujours en mouvement, l’autre creusa son trou en se pous- 
sant à reculons sous le rocher, la queue ployée et en expulsant 
le sable avec ses pattes, tous deux placés à contre-jour. 

Mes Écrevisses ne sortaient qu’à la nuit ou quand on leur 
distribuait de la nourriture, consistant en viande fraiche, 
petites Grenouilles, Poisson frais ou Vers de vase (Chiro- 
nômes), qu’elles préféraient à tout. La manière dont elles les 
cherchaient à tâtons dans le sable était des plus curieuses : 
elles y enfoncaient en se promenant leurs petites pattes 


(1) Communication faite en Séance générale le 10 février 1899. 


#09 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


comme au hasard, un tact subtil leur révélait la présence de 
la proie, qu'elles saisissaient au hasard de la fourchette, la 
transmettant de patte en patte jusqu'à la bouche. 

Une Écrevisse ne se détermine pas à nager sans de graves 
motifs : pour s'élever, elle s’aide des aspérités des rochers ou 
des branches des plantes aquatiques. Fort maladroite de ses 
pinces, elie ne parvint jamais à capturer un seul des petits 
Poissons que je leur avais adjoints pour animer l'aquarium, 
tels que « Calico-Bass, Rock-Bass, Épinoches, » etc. Mais elle 
emploie très volontiers une grande partie de son temps à sa 
toilette ; elle est très soucieuse de la propreté de sa carapace 
sur laquelle elle promène fort habilement ses pattes pour en 
extraire les poussières et surtout les végétations parasites. 
L'œil était l'objet d’une sollicitude toute particulière ; elle en 
saisissait le pédoncule avec sa petite patte pour l'étirer puis 
en nettoyait soigneusement la cavité. 

Le 20 octobre, par une température de 13° dans l'eau, ce 
paisible ménage manifesta une agitation inusitée et parut se 
quereller sans que j'en pusse deviner la cause. Aux menaces 
succédèrent les voies de fait, les deux antagonistes en vinrent 
aux mains comme deux lutteurs qui veulent « se tomber ». 


Du côté de la barbe est la toute-puissance. 


Ce n’est cependant pas pour cette raison que le mâle eut le 
dessus, car son épouse est aussi bien partagée que lui sous ce 
rapport, toujours est-il qu'il parvint à coucher la femelle sur 
le dos. Je crus qu'il se mettait en devoir de lui arracher les 
entrailles et voulus les séparer avec une pipette, mais la 
femelle parut aussi courroucée que le màäle de mon intempes- 
tive intervention. La lutte reprit de plus belle et je compris 
bien vite pourquoi il lui plaisait tant « d’être battue» car pour 
ôter tout prétexte à cette feinte pudeur, le mâle après avoir 
couché de nouveau la femelle sur le dos, lui saisit fort adroi- 
tement entre chacune de ses pinces les quatre pattes de 
chaque côté pour les écarter pendant qu'immobile et résignée 
elle étendait ses pinces en avant. Sa queue seule, repliée sur 
l'abdomen, formait à sa vertu un dernier rempart que le mâle 
eut tôt fait de relever. C'était l’accouplement. La scène et ses 
préliminaires avait duré vingt minutes. Quand, épuisés tout 
deux, ils se séparèrent, je retirai la femelle et j'observai sur 


REPRODUCTION DE L’'ÉCREVISSE A PATTES ROUGES. 401 


l'abdomen, à la naissance de chacune des pattes, une con- 
crétion calcaire et déjà dure. 

Bientôt après, peut-être deux jours au plus (malheureuse- 
ment une lacune dans mes notes ne me permet pas de le 
préciser exactement) une sorte de mucosité gélatineuse appa- 
rut sous la queue, qui se résorba, et les œufs se montrèrent. 
Pierre Carbonnier dans son ouvrage si détaillé, indique la 
ponte comme s’effectuant vingt-cinq jours après l’accouple- 
ment : à moins à'un premier accouplement préalable et qui 
aurait échappé à mon cbservation, j'ai la certitude que les 
œufs apparurent très peu de jours après. 

Ils furent de la part de la mère, l’objet de soins constants : 
elle les caressait amoureusement avec ses pattes pour les 
tenir propres et enlever les parasites, elle les mettait dou- 
cement en mouvement et les balancait pour les aérer, ex- 
trayait enfin soigneusement ceux qui se gâtaient. 

Le couple reprit ses habitudes égoïstes, et quand le hasard 
de la promenade les mettait en présence, le téte-à-tête leur 
semblait plutôt désagréable. 

Ce fut le 22 mai 1897, c'est-à-dire sent mois et deux jours 
après l’accouplement, quand le thermomètre marquait dans 
l’eau 19° que j'apercus sur le sable, autour de leur mère, trois 
jeunes Écrevisses, grosses comme des grains de Blé et couleur 
de Crevette rose, très parfaites de forme, mais ayant la cara- 
pace très exagérément large. Je leur offris comme berceau 
une éponge dans les trous de laquelle les petits cherchèrent 
de suite un abri plutôt que de s'attacher aux pattes caudales 
de leur mère. 

Cependant, trois jours après, le 25 mai, la femelle s'étant 
dressée contre la glace de l'aquarium, j'ai pu observer une 
dizaine de jeunes, accrochés sous la mère. Il y en avait de 
plus rouges qui ne remuaient pas, les autres, plus vifs, 
étaient de couleur päle avec de petits yeux très noirs. 

Il me fut impossible d'observer les rapports entre enfants 
et parents. 

Je crois qu'ils furent trop intimes, car les jeunes dimi- 
nuëèrent rapidement en nombre, et ce fut le 27 que j'apercus 
les derniers circulant sur l'éponge. Le corps avait repris ses 
proportions normales, il était d’une teinte bleuâtre et trans- 
lucide, d'une finesse parfaite dans tous les détails de ses 
membres. 


402 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


À partir du 1° juin, je ne vis plus de jeunes, la mère avait 
pendantes sous la queue quelques DERQR qui se résor- 
berent. 

Elle avait repris ses habitudes et son logement quand le 
24 juin, vers neuf heures du matin, je remarquai chez la 
temelle une grande agitation que j'attribuai à l’excessive cha- 
leur. En rentrant, vers deux heures, je vis gisant sur le sable, 
un cadavre flasque et décoloré, tandis que l'Écrevisse occupait 
tranquillement sa place accoutumée. Je pris-eette enveloppe 
que l'habitant venait de quitter : on n’y voyait mi fente ni 
ouverture d'aucune sorte, la carapace était seulement soulevée 
à la naissance de la queue comme le couvercle d’une boite, 
aucune pince, aucune patte n'était détachée. La bête avait dû 
jaire un premier effort pour sortir son abdomen en soulevant 
sa carapace, puis avait dû extraire ses pattes et ses pinces 
comme d'un gant sans boutons, et avait ensuite retiré la 
queue de son étui. 

Mon expérience était terminée; pas un instant mes Écre- 
visses n'ont paru souffrir de leur captivité : je leur rendis la 
liberté, me promettant de renouveler cette curieuse expé- 
rience dès que j'aurais un aquarium disponible pour tenter 
plus efficacement l'éducation des jeunes. 


103 


A PROPOS 
DIUNE ÉCLOSION TARDIVE D'ATTACUS CYNTHIA 


£ L'ATTACUS CYNTHIA var. PARISIENSIS (1) 


par A.-L. CLÉMENT, 


Président de la Section d'Entomologie. 


J'ai l'honneur de présenter à la Section quelques Affacus 
cynlihia provenant de cocons acquis l'été dernier par la 
Société afin d’être distribués, et envoyés en particulier dans la 
République Argentine pour des essais d’acclimatation de ce Ver 
à soie, dont on n a pas su tirer en France un parti suflisant. 

Après l'expédition d’un premier lot de ces cocons, on 
s'aperçut que des éclosions avaient lieu. A ce moment, les 
cocons me furent envoyés pour tenter, ou d'arrêter les 
éclosions, ou d’en tirer parti en favorisant les accouplements 
et en recueillant les œufs qui pourraient en provenir. 

Ce fait d'une génération tardive (la troisième de l’année), 
de l’Attacus cynthia, est connu depuis longtemps. Je lai 
signalé apres bien d’autres observateurs, il y a une ving- 
taine d'années, à propos de cocons recueillis à Paris même, 
en liberté. Mais jusqu'à présent, je ne l'avais jamais vu se 
prolonger aussi tardivement, car à la fin de novembre et 
même au commencement de décembre, j'obtenais encore des 
accouplements et des pontes quoique les cocons aient été 
placés dans un endroit tres frais. Dans le courant de 
décembre, ces mêmes pontes sur lesquelles on croyait pouvoir 
compter pour les distributions, éclosaient et furent perdues, 
car il ne fallait pas songer à un élevage, toute nourriture 
convenable manquant complètement à cette époque. 

Néanmoins, à partir de ce moment, il a été possible 
d'expédier la plus grande partie de ces cocons sans craintes 
de nouvelles éclosions prématurées, pourvu toutefois que les 
envois ne soient pas soumis pendant le voyage à une 
température trop élevée. 


(1} Commurication faite à la Section d’Entomologie, dans la séance du 
23 janvier 1899. 


78, 


104 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. | 


Parmi ces Papillons obtenus si tardivement, plusieurs d'une 
tonalité spéciale ont attiré mon attention. Les teintes roses 
du type ordinaire leur manquent complètement. J'en ai 
préparé un que je présente ici. et me reportant à ma collec- 
tion, j'ai vu que ce même type était apparu déjà dans des 
Papillons provenant de cocons recueillis il y a plus de vingt 
ans dans le Jardin du Musée de Cluny, à Paris. Cette persis- 
tance à se reproduire avec le méme caractère, dans la méme 
localité (car les cocons acquis l’année dernière par la Société, 
ont aussi une provenance parisienne), m'autorise à considérer 
cette variété comme constante, et je propose de lui donner 
dès aujourd'hui, en attendant la description qui sera publiée 
ultérieurement, le nom significatif de Parisiensis. 

Il me parait bon d'ailleurs de rappeler ici que notre A{lacus 
cynth1ia francais, n'est pas de race pure. 

En 1854 et pendant les années suivantes, H. Milne-Edwards 
élevait au Museum, l'Atéacus arrindia de l'Hindoustan, puis 
en 1858 l’Allacus cynthia de la Chine (Le Croissant de 
d’Aubenton, le jeune). Rs 

Ces deux espèces furent croisées. Leur élevage, confié & 
M. Vallée, gardien de la ménagerie des Reptiles, réussit à 


merveille, et ce sont les nombreux métis qui en résultaient 


et dost un grand nombre furent lächés à dessein, qui se 
naturalisèrent dans la région parisienne d'une facon rapide 
et durable. 

Je m'étonne que cefte espèce ait été dédaignée par l'in- 
dustrie. 

Il est probable qu'en avancant un peu, par la chaleur, les 
premières éclosions, on obfiendrait régulièrement trois 
générations par an. 

La soie est extrémement solide, et facilement dévidable ; 
l'apathie seule des filateurs semble s'opposer à l'expansion de 
son emploi. 

Ne serait-il pas bon que la Société d’Acclimalalion 
‘comme elle l'a déjà fait d'ailleurs), crée de nouveaux prix 
pour récompenser les efforts tentés dans le but d'utiliser une 
espèce dont l’acclimatation nous est depuis longtemps et 
sûrement acquise ? | 


OA PET 


AATIONALE D'AGG 


46 ANNÉE 


ANREL 1299 


SOMMAIRE 


ses sv ss ose eo 


Le — Sur l'habitat des ou du genre Tropidonotus dans 


ss... 


VEroS. En Lot Abtragsle en faux se. 20 HR SERRE EE Re 127 


Extrait des ot des Séances de la Société: 


AD PSE C MÉBIORIOUE CALIDO EE 14 


 Ertraits de la Correspondance : 
ipèdes aux environs d'Angers. — Culture d'Ignames améliorées à Marseille. 


Société. ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


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DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 


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105 


LE LÉROT 


ET.SON ROLE DANS LA DIMINUTION DES OISEAUX (1) 


par Xavier RASPAIL 


à Gonvieux (Oise). 


On connaît partout le Lérot (Myoœus nilela) ce petit Mam- 


.mifère très gracieux d’allures, que l'on voit aux heures 
. crépusculaires de l'été, tantôt passer par petits bonds rapides 
sur le chaperon des murs ou grimper sur la façade des mai- 
_ sons, avec la même vélocité qu'il mettrait à courir sur le sol ; 
_ tantôt apparaître, comme une ombre fugitive, dans les arbres 


dont il parcourt les branches. avec une légèreté qui fait à 
peine plier les plus ténues ; sous ce rapport, il n'a rien à 


. envier à l’Ecureuil ; comme lui, il se montre un gymna- 
: siarque accompli. 


On sait aussi que, de même que la Marmotte, il est doué de 


la faculté de suspendre, pendant plusieurs mois, sa vie active 
et de passer l'hiver plongé dans un sommeil léthargique 


n 


ininterrompu. Il est peu d'habitants äe la campagne qui 
n'aient eu l’occasion de le trouver dans cet état, alors que, 
roulé sur lui-même et cerclé par sa queue presque aussi longue 
que son corps, il forme une boule aussi parfaite qu'une bille 
de billard. 

Mais, ce qui attire sur lui l’attention de tous ceux qui s'oc- 


_ cupent de jardinage, ce sont les dégâts quil commet dans les 


vergers et surtout le long des espaliers et des treilles, à 


. l'époque de la maturité des fruits dont il se plait à détériorer 


les plus beaux spécimens. Cependant, ces méfaits ne sont pas 
les plus sérieux qu’on ait à lui reprocher ; le plus grave est 
sans contredit son goût prononcé pour les œufs d'Oiseaux, 
qu'il mange avec délices, causant ainsi la perte d’un grand 


. nombre de nids. Malheureusement, si toutes ces constatations 


font naître à son égard des pensées de représailles, celles-ci 
sont rarement suivies d'effet et, à part quelques jardiniers 


{1} Communication faite en Séance générale le 24 février 1899. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 8. 


106 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


qui, exaspérés de voir leurs plus belles pêches entamées, lui 
tendent des pièges, ce petit animal n'est guère menacé; i 
peut se multiplier en paix et poursuivre pendant les mois où 
il n'y à pas encore de fruits, son action éminemment destruc- 
tive des couvées d'Oiseaux. 

C'est spécialement à ce point de vue que j'entends m'oc- 
cuper de lui ici. 

Le Lérot possède un estomac particulier qui lui permet, 
même au moment de son réveil, qui a lieu généralement vers 
la fin de mars, de manger, sans en éprouver le moindre 
inconvénient, des substances les plus hétérogènes sous le 
rapport de la nutrition. Dans les combles des habitations où 
il a passé son temps d’hibernage, il s'attaque à tout ce qui 
tenterait la dent du Rat ou de la Souris; le savon, qu'il soit 
de toilette ou de Marseille, lui plaît tout particulièrement et 
j'ai eu souvent l’occasion de voir ses ravages dans des caisses 
de bougies dont il ne laissait parfois que la mèche. 

Quelles que soient les matières qu'il absorbe, il n’en 
éprouve aucun trouble dans ses fonctions digestives et ses 
excréments restent invariablement les mêmes, qu'il ait mangé 
du savon, des œufs, de la chaïr ou des fruits. 

L'aire de dispersion du Lérot occupe une grande partie 
de l’Europe ; il est commun partout. En France, on le trouve 
aussi bien dans le centre des forêts qu'au milieu des habita- 
tions ; mais depuis quelques années, il se montre de plus en 
plus abondant dans les localités comme celle que j'habite, où 
les bois sont transformés en d'immenses parquets d'élevage 
de Faisans ; les nombreux gardes nécessaires pour protéger 
ces basses-cours à gibier — car on ne saurait appeler cela des 
chasses, — contre les convoitises des braconniers, détruisent 
sans relâche les Oiseaux nocturnes tels que le Chat-Huant et 
le Hibou qui sont à peu près les seuls pondérateurs du Lérot. 
Ces gardes se font ainsi les protecteurs inconscients de ce 
petit animal, auquel ils n’attachent aucune importance et 
que, par ignorance, ils laissent pulluler à son aise et devenir 
un fléau pour les nids des Oiseaux. 

Le Lérot passe les nuits à se livrer à la recherche des nids 
et grâce à sa petite taille et à son incomparable agilité, il 
sait les atteindre, quel que soit l'endroit où ils sont établis. IL 
visite les trous d'arbres, de murailles dans lesquels les plus 
petits de nos Oiseaux indigènes peuvent s'établir pour nicher, 


Tr 


LE LÉROT. 107 


explore les buissons les plus fourrés, les arbres les plus 
élevés ; inspecte les toits des maisons où pas un nid de 
Moïneau ne lui échappe sous les chéneaux. Je lui ai vu dé- 
truire jusqu’à un nid d'Hirondelle rustique placé dans l’inté- 
rieur d’une cheminée s’élevant de 3 mètres au-dessus du toit. 
Je ne connais que les nids établis en plein champ qui soient 
soustraits à ses inquisitions. 

L’année dernière, je trouvai un nid de Merle noir dans une 
haie d’Epine si épaisse qu’il me parut admirablement protégé 
même contre le Chat ; j'avais compté sans le Lérot. 

Chaque jour, je passais dans l’étroite allée bordée par cette 
haïe, et la couveuse s'était si bien familiarisée avec moi, que 
je m’arrétais, tout près, à la regarder dans ses yeux brillants 
comme des perles noires, sans qu’elle manifestät la moindre 
inquiétude. Un matin, trois jours avant le terme de l’incuba- 
tion, l'Oiseau n'était pas sur le nid et sa place était occupée 
par un petit dôme de mousse; je ne me trompai pas sur 
l'identité du nouvel hôte, j'allai chercher une carabine et 
tirant dans la masse, je tuai un énorme Lérot qui, après avoir 
fait un copieux souper, avait trouvé plus commode de s’ins- 
taller sur place pour digérer. 

C'est de cette manière que j'ai vu finir tous les nids de 
Merle grive (Turdus musicus) dans les bois de Gouvieux. 
Sur vingt et un que j'ai relevés dans mes notes, pas un seul 
n’a réussi, et, dans tous, j'ai invariablement trouvé un Lérot 
installé dans les mêmes conditions que celui du nid de Merle 
dont je viens de parler. 

Malgré mes efforts constants pour rechercher et détruire 
les Lérots chez moi, depuis deux ou trois ans, je les vois de 
plus en plus nombreux ; cela résulte incontestablement de la 
diminution dans la région, des Oiseaux nocturnes utiles et 
aussi de l'abattage qui s’est fait partout des vieux arbres 
troués. Privés, dans l’intérieur des bois, de ces refuges natu- 
rels, les Lérots tendent de plus en plus à se rapprocher des 
lieux habités qui leur offrent des abris favorables pour 
hiberner. 

Toujours est-il qu’en m'appuyant sur les observations de 
l’année dernière (1898), je dois mettre le Lérot au premier 
rang des destructeurs de nids, place qui, auparavant, appar- 
tenait de droit au Chat. Et par le fait, ce dernier trouve, en 
ce petit Rongeur qu'il ne parvient pas souvent à capturer, un 


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+ t 


408 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


sérieux concurrent, qui ne laisse arriver que de rares couvées 
au point où les Chats les attendent généralement pour s’en 


emparer. 


Alors que je suis parvenu, à l'aide d’entourages en grillage, 
à mettre à l'abri des Chats les nids placés à terre ou qu'ils 
peuvent atteindre dans les buissons et les arbres, c'est en 
vain que je me suis ingénié à les protéger contre le Lérot et, 
dans les endroits les plus exposés aux explorations de ce 
petit mais bien redoutable dévastateur, je préfère jeter bas 
tout commencement de nid que je découvre, de facon à 
forcer les Oiseaux à le recommencer ailleurs, plutôt que 
d'assister à la destruction certaine de leur couvée à la place 
primitivement choisie par eux. 

Je vais citer un fait qui donnera la preuve que le Lérot ne 
s'attaque pas seulement aux nids des petits Oiseaux, mais 
qu'il pousse l’audace jusqu'à rechercher les œufs des Oiseaux 
de forte taille, comme ceux de basse-cour. 

J'ai une volière, dont deux des compartiments sont occupés, 
l’un par un couple de Swinhoë, l’autre, par un mâle Lady 
Ambherst; celui-ci ayant tué successivement deux femelles, 
je jugeai inutile de renouveler une troisième fois l'expérience 
et, comme, en dehors de la folie meurtrière qui prend sou- 
vent les mâles de cette espèce, au moment des amours, notre 
Barbe-bleue se montre très doux, je lui donnai comme com- 
pagne une Poule Nangasaki avec laquelle, du reste, il vit en 
bonne intelligence. 

C'est dans ce milieu que nous allons voir le Lérot à 
l’œuvre. 

La femelle Swinhoë, ayant couvé et amené à terme ses 
trois derniers œufs, qu'elle avait dissimulés, on la Jaissa libre 
de recommencer l’année suivante. Elle choisit la même 
place pour faire sa ponte, qui commenca plus tard que d'habi- 
tude, le 2 avril. Le premier œuf fut trouvé le lendemain percé 
d'un grand trou et complètement vidé. J'accusai le mâle de 
cet acte coupable et on le fit passer dans un autre comparti- 
ment au moment où, deux jours après, on s’apercut que sa 
femelle se disposait à pondre son second œuf. Maïs ce dernier 
eut le même sort que le premier et on ne douta pas cette fois 
que c'était la Faïsane qui, devenue tout à coup marâtre, 
mangeait elle-même ses œufs. Le mâle, reconnu innocent, fut 
donc réintégré dans le domicile conjugal et on prit le parti 


LE LÉROT. _ 109 


de surveiller cette mère dénaturée pour lui enlever ses œufs 
aussitôt pondus. 

Quelque temps après, la Poule Nangasaki s'étant mise à 
couver, à son tour, les deux ou trois œufs qu’elle avait 
pondus, dans une case d’une boîte à Pigeons suspendue au 
fond de la volière, on les lui retira pour les remplacer par 
des œufs fécondés de son espèce. Elle couvait depuis une 
dizaine de jours, lorsqu'on m'apporta un œuf trouvé à côté 
d'elle, troué et aux trois quarts vidé. Cet œuf était bien arrivé 
à son degré d’incubation. 

Comme rien ne permettait d’incriminer de ce fait le mâle 
Lady Amherst, force fut d'en accuser la Poule qui, de même 
que la femelle Swinhoë, faisait preuve tout à coup de dépra- 
vation, alors qu'elle s'était toujours montrée une couveuse 
accomplie. Chaque jour, un nouvel œuf était trouvé mangé à 
côté d'elle et ïl ne lui en restait plus que trois, sur les huit 
qu'on lui avait donnés, quand, un soir, je l’entendis pousser 
des cris de colère et d'inquiétude; ce fut pour moi un trait 
de lumière. Les deux pauvres couveuses étaient toutes deux 
victimes d’une erreur ; le vrai coupable avait su jusque-là se 
rendre invisible et le lendemain, à la suite d’une minutieuse vi- 
site domiciliaire, je le découvris, au milieu d un amas de foin 
et de paille, rassemblé dans la case d’une autre boîte à Pigeons. 
Le Lérot, dont j'arrétais les exploits, vivait là comme un Rat 
dans un fromage et j'avais enfin l'explication de l’infécondité 
apparente, dont faisaient preuve depuis quelque temps, plu- 
sieurs couples de Pigeons. 

Aïnsi, notre brigand avait mangé d’abord les œufs de 
Swinhoë, puis, en dépit des cris de la Poule Nangasaki et de 
la défense qu'elle devait lui opposer, il se glissait sous elle, 
lui retirait ses œufs et les savourait à ses côtés. 

Après un tel exemple, on comprendra qu'il est parfaite- 
ment capable d'aller, dans les bois, chercher les œufs de 
Faisan sous la couveuse elle-même. 

Le Lérot, qui a toutes les facilités pour atteindre les nids, 
quel que soit l’endroit où ils sont établis, se nourrit pendant le 
cours de la reproduction des Oiseaux, presque exclusivement 
de leurs œufs, qu'ils soient frais ou près d'éclore ; si, au lieu 
des œufs, il trouve des jeunes, fussent-ils tout emplumés et 
prêts à quitter leur berceau, il les tue pour le plaisir de tuer, 
car ce n'est que poussé par la faim ou pour varier sa nourri- 


ue PRE OT IN 1] 
‘ ae" + 


410 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ture qu'il se repait de leur chair ; mais jamais il ne mange un 
jeune en entier, il entame l’un, puis l’autre, comme ül le fait 
à l'égard des plus beaux fruits des espaliers. 

Cet animal, en dépit de sa taille inférieure, tient donc une 
place prépondérante dans les causes qui amènent la diminu- 
tion progressive des Oiseaux à laquelle nous assistons. 

Ces causes peuvent étre divisées en deux catégories : celles 
qui sont naturelles, c'est-à-dire qui font partie de ce système 
pondérateur du développement des étres organisés, dans 
lequel le Lérot joue évidemment son rôle, car, depuis qu'il 
existe, il a dù toujours être un mangeur d'œufs et celles qui 
incombent directement à l'homme et qui ne sont pas les 
moins actives. J 1 

Outre le trouble qu’il est venu jeter dans l’ordre des choses 
naturelles pour satisfaire ses besoïns et ses caprices, l'homme 
détruit lui-même les Oiseaux dans des proportions qui dé- 
passent celles de toutes les causes naturelles réunies. 

Dans son jeune âge, le but de ses courses vagabondes, à 
travers les champs et les bois, est la recherche des nids qui 
lui servent de jouets: à l’âge adulte, s’il respecte dans une 
certaine mesure la reproduction, en revanche, il s'attaque 
aux reproducteurs dont il fait d’effroyables hécatombes ; il 
choisit, pour rendre ses pièges plus productifs, les époques 
où les Oiseaux accomplissent leurs migrations de l'automne 
et du printemps qui les rassemblent ou les font passer en 
grand nombre dans certaines contrées; à cette dernière 
saison, c'est par millions qu'il supprime, en quelques se- 
maines, ces admirables petits êtres qui venaient protéger ses 
plus précieux intérêts contre des ennemis dont il ne sait pas 
lui-méme se sauvegarder. 

C'est encore à l'homme qu'il faut faire remonter la respon- 
sabilité de l’action de bien d'autres facteurs de destruction 
dont le Chat, qu'il entretient en nombre abusif dans les cam- 
pagnes, n'est pas un des moindres. 

Aujourd'hui, malgré les Congrès ornithophiles et toute 
l'encre qui s'est répandue pour démontrer la nécessité de 
recourir au plus tôt à une protection efficace des Oiseaux, 
aucune amélioration n’a été apportée à cette situation. Et ce 
ne sont pas les lois qu'on prépare qui remédieront au mal, 
car elles seront les premières à ouvrir la porte plus largement 
que jamais aux abus qu'on voudrait supprimer. Nous en 


LE LÉROT. A1 


avons une preuve dans la loi déjà votée par le Sénat; elle 
constitue une aggravation sur celle du 3 mai 1844 qui était 
bonne, si on avait tenu la main à la faire observer et si on en 
avait supprimé un simple paragraphe, sur lequel les Préfets 
s’autorisent pour prendre des mesures d’exceptions deman- 
dées par les Conseils généraux, en vue de satisfaire leurs 
électeurs. : 

De son côté, la Chambre des Députés est saisie d’un projet 
de loi émanant de M. du Périer de Larsan et qui ne peut 
satisfaire davantage les défenseurs des Oiseaux. L'auteur, 
animé des meilleures intentions, a éloquemment parlé, dans 
son exposé des motifs, de l'utilité des Oiseaux et de la néces- 
sité de les protéger dans l'intérêt de nos cultures de plus en 
plus menacées par les Insectes; malheureusement, ainsi que 
ses prédécesseurs, il n’a pas su éviter des exceptions qui ne 
peuvent produire que des effets absolument contraires au but 
poursuivi. Non seulement, il a sacrifié à de misérables inté- 
rêts gastronomiques, les protecteurs naturels des vignobles 
et du blé : le Bruant ortolan et l’Alouette des champs, l'Oiseau 
respecté des Gaulois, mais il autorise des engins qui ne ser- 
viront pas seulement à détruire ces deux Oiseaux; il serait 
vraiment naïf de croire qu'il pourra en être autrement avec 
l’absence complète de surveillance qui existe dans les cam- 
pagnes. 

Alors que la loi de 1844 proscrivait rigoureusement tous 
les modes de chasse autres que le fusil et les bourses desti- 
nées au Lapin, la loi de M. du Périer de Larsan généralisera 
sur toute l'étendue de la France, les abus qui se trouvaient 
restreints à quelques départements où la chasse de l’Alouette 
au filet était autorisée par des arrêtés des Préfets, en trans- 
formant ces autorisations partielles en un droit consacré par 
Ja nouvelle loi. 

Après de tels exemples, qui montrent l’homme incapable 
de protéger, contre lui-même, les malheureux Oiseaux qui ne 
vivent que pour lui être utiles, peut-on espérer qu'on 
prendra en considération le rôle prépondérant que joue le 
Lérot dans la diminution des Oiseaux ? Je ne le pense pas. Et 
cependant, il ne mérite pas seulement qu'on l’inscrive en tête 
des animaux les plus nuisibles, mais qu’on mette sa tête à 
prix en fixant une prime à sa destruction. 

Sans parler de tous les pièges dans lesquels le Lérot donne, 


LARé 


412 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


du moment qu’on l’y attire par un appât quelconque et qu'on 


peut lui tendre à son réveil dans les habitations, il est’un des 
animaux sauvages dont la retraite, pendant la belle saison, 
est des plus faciles à trouver. 

_ Si l’on inspecte les trous d'arbres, dans le courant d'avril, 
on le rencontrera par groupes de plusieurs individus réunis 


par le rut, qui paraît survenir peu après leur sortie de l’état 
léthargique. J'ai trouvé ainsi dans un trou creusé par un 
Gécine vert, dans un Tremble, et où l’année d'avant une 


Huppe avait niché, onze Lérots, dont un seul réussit à 


s'échapper. Plus tard, on le trouvera isolé dans les vieux 


nids composés surtout de mousse, de laine et de bourre, qu'il 


arrange pour s’en faire un refuge pendant le jour et où l’ha- 


bitude permet de reconnaître facilement sa présence. A la 
moiudre alerte, il en sort, grimpe lestement jusqu'à une 
fourche d'arbre et offre ainsi un but facile au chasseur. 

En attendant mieux, l'Administration pourrait déjà agir 


utilement ; il lui suffirait de donner des instructions aux 


gardes-forestiers pour qu'ils procèdent à la destruction du 


Lérot dans toutes les forêts de l'Etat; ils trouveraient certai- 
nement, dans cette occupation, une distraction à la mono- 


tonie de leur promenade solitaire et, dans tous les cas, ils 
sauveraient ainsi de nombreuses couvées d’une destruction 
certaine. 


C’est un vœu que j'émets, après avoir montré, en observa- 


teur consciencieux, le rôle considérable que joue le Lérot 
dans la diminution des Oiseaux par la destruction de leurs 
nids. 


#4 


TNT 


113 


LE CARDINAL DE VIRGINIE 


(CARDINALIS CARDINALIS) 


SON ELEVAGE DANS LE MIDI DE LA FRANCE 


par l'Abbé À. CHARRUAUD, 


Curé de Bessens (Tarn-et-Garonne). 


(SUITE ET FIN *) 


IT. — REPRODUCTION (suite). 


Mais c’est dans la campagne surtout que votre chasse sera 
fructueuse et variée. Là, les larves de Fourmis fraîches, bien 
autrement savoureuses et nourrissantes que ces mêmes 
larves desséchées, les Grillons au ventre rebondi, les Sau- 
terelles succulentes de toute taille et de toute couleur, vous 
fourniront une ample provision de mets délicats auprès 
desquels la meilleure des pâtées est insipide et fade. Les 
Sauterelles! ah! voilà la nourriture pas excellence, le ec 
_ pius ultra des aliments à fournir aux Cardinaux de Virginie. 
Pour une Sauterelle vivante, ils délaissent tout, même le 
Ver de farine dont ils sont pourtant si friands. Et elle abonde, 
elle pullule, la délicieuse Sauterelle dans notre Midi du 
moins. De juin à novembre, les prés, les luzernes et les 
champs en sont littéralement couverts ; on n’y peut faire un 
pas sans en soulever un essaim bruissant qui tout aussitôt 
retombe en s’éparpillant sur le sol. Cueillez, cueillez la 
précieuse manne ; Cueillez-la le matin, cueillez-la le soir (1) : 
vous n’en sauriez jamais trop prendre, vous n’en prendrez 
jamais assez. D’après un calcul fait par Chiapella, une nichée 
de quatre Cardinaux consomme par jour de 300 à 500 Sau- 


* Voir plus haut, pages 1, 39 et 84. 


(1) Le matin et le soir, les Sauterelles, engourdies par la rosée ou la fraîcheur, 
se laissent facilement prendre. On les met dans une caisse longue, et large, mais 
peu profonde, et couverte de treillage à mailles fines. En leur fournissant de la 
verdure fraîche (Luzerne, Laïtues, etc. ..), on peut les conserver plusieurs jours 
en bon état. Ne servir aux Cardinaux que les Sauterelles bien vivantes, car chez 
ces Insectes, la putréfaction commence avant la cessation du mouvement. 


114 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


terelles selon que les petits sont plus ou moins avancés en 
age. Quelle fringale!... Et dire que l'honorable bordelais 
élevait chaque année presque autant de Cardinaux qu'il 
en faudrait pour peupler la France entière ! Où donc trouvait- 
il assez d'Insectes pour rassasier tous ces estomacs panta- 
gruéliques ? Ce n’est pas assurément sur les Quinconces où 
l'on doit voir plus de sots que de Sauterelles déambuler au 
soleil. Le fait est que M. Chiapella donnaït beaucoup, beau- 
coup de ces petites bêtes à ses Cardinaux et ce, à la grande 
satisfaction de l’éleveur et des élèves. Moi qui vous parle, je 
n'ai jamais nourri autrement mes nichées de Rassignols 
rouges, quand la saison me le permettait, bien entendu. Il 
est vrai que la besogne m'était particulièrement aisée, ayant 
moins de bouches à satisfaire et les plus grandes facilités pour 
me procurer l’Insecte préféré. Deux fois, au moins, par 
semaine, le soir, à la sortie de l’école, je réunissais sous ma 
houlette pastorale trois ou quatre gamins des plus délurés et 
en avant! la petite troupe... Une demi-heure après nous 
rentrions au logis avec nos boîtes pleines. 

Croyez-moi, chers confrères. en aviculture, suivez mon 
exemple. Si vous en avez le loisir et la commodité, allez vous- 
même chercher l'indispensable Saüterelle sur les lieux où la 
divine Providence la fait naître : c’est le seul moyen pratique 
d’approvisionner convenablement la table de vos Cardinaux 
affamés. Les deux premiers jours de l’élevage, ne prenez que 
les petites, vertes ou grises, et préférez celles qui sautent à 
à celles qui volent; les unes sont généralement légères et 
vides ; les autres, pleines et pesantes, par conséquent plus 
nourrissantes, À partir du troisième jour dédaignez ce menu 
fretin pour vous rabattre sur les gros Acridiens et Locustiens. 
Les premiers sont représentés dans nos contrés par le Criquet 
pèlerin, assez fréquent à l’époque des moïissons ; les seconds 
par la Grande Sauterelle verte, Locusta viridissima, très 
commune dans les Blés et les Luzernes, et par l'Ephippiger 
ou Porte-Selle, d'un beau vert tendre. Celui-ci, qui est le 
dernier à disparaître et qu’on trouve encore vivant en 
novembre, abonde également dans les Luzernes; mais il 
habite aussi les chemins buissonneux, les lieux découverts et 
ensoleillés où on le voit accroché aux plus hautes tiges des 
Chardons et autres plantes épineuses tandis qu'il fait entendre 
son crrii! crrii! monotone et lent. 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 415 


Les Cardinaux rouges raffolent de ces gros Insectes : cette 
fois le morceau est digne de leur gourmandise et en rapport 
avec l’ampleur de leur gosier. Après en avoir prestement 
élagué les pattes, les élytres et le corselet, ils gardent pour 
eux l'abdomen charnu, le mâchonnent, l'humectent d’une 
sorte de chyle que leur estomac sécrète et, ainsi préparé, 
vont le déposer délicatement dans la bouche béante de leurs 
petits, où il disparaît. | 

Enfin, il est bon de donner aux reproducteurs du Mouron 
blanc, de la Laitue, etc., etc., et, selon la saison, des cerises 
bien müres, des grains de raisin, des baies de Sureau et de 
Raisin d'Amérique (Phytolacca decandra), un quartier de 
poire, de pomme ou d'orange : dessert rafraichissant dont 
la famille entière fera le meilleur usage. 

Avec ce régime substantiel et varié, les jeunes Cardinaux 
grandissent comme par enchantement. Déjà, au septième 
jour, on les voit mettre curieusement la tête hors du nid, 
sans doute pour savoir ce qui se passe autour d'eux et étudier 
en détail leur petit domaine avant d'y folâtrer. Au neuvième, 
ils escaladent tant bien que mal les murs de leur habitation 
et s’y tiennent perchés. Après le onzième, ils prennent leur 
essor. Pendant une semaine encore, le père et la mère leur 
donnent la becquée, puis le père seul nourrit ses enfants 
tandis que la femelle travaille à un nouveau nid. A l’âge de 
vingt-cinq jours, les jeunes Oiseaux commencent à manger 
seuls. Ils prennent et avalent la viande, les Vers de farine, les 
œufs de Fourmis ; ils broyent assez bien les petites graines et 
dépouillent facilement le Millet blanc en grappes laiteuses. 
À un mois, ils se suffisent tout à fait. Les parents les 
abandonnent aussitôt et les maltraitent. Il faut les enlever. 

On reconnaît les mâles aux plumes rouges, rares encore, 
qui se détachent sur le fond uniforme de leur robe brune, 
costume du premier âge dont ils ne se dépouillent qu'à la 
mue d'automne. Alors, ils revêtent cette belle livrée écarlate 
qu'une nourriture animalisée maintient dans tout son éclat. 


Tels sont, décrits au jour le jour avec mes observations 
personnelles, les mœurs des Cardinaux reproducteurs et les 
soins qu’il convient de leur donner depuis leur mise en volière 
- jusqu’à la complète éducation de leurs nichées. 

Ma tâche est-elle terminée? Hélas! Non. A ce tableau 


116 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


charmant il y a malheureusement une ombre qu'il importe de 
signaler afin d'éviter à l’éleveur de désagréables surprises. 
Je veux parler de cette férocité, à première vue inexplicable, 
qui pousse subitement les Cardinaux captifs à tuer leurs petits 
alors que, dans leur attitude, rien n'a fait prévoir nn si prompt 
changement d'humeur. Les cas de ces exterminations sou- 
daines sont trop fréquents pour n'avoir pas attiré l'attention 
des auteurs avicoles ; et comme l'usage veut qu'on ne parle 
jamais d'un mal sans indiquer le remède, chacun s'est em- 
pressé de donner sa recette. 

Voici celle d’une importante revue belge. Consulté par un 
abonné sur les moyens à prendre pour guérir les Cardinaux 
rouges de leur déplorable manie, le Directeur répondit : « Nous 
avons toujours observé que les Cardinaux tuent et mangent 
leurs petits lorsqu'ils ne trouvent pas la nourriture qui con- 
vient à l’élève de leur progéniture. Il faut à cette époque 
leur présenter de la viande, des œufs de Fourmis, etc.…., 
Suivez cet avis, vous n’aurez plus à vous plaindre de la 
non-venue de vos oisillons. » (1) 

Ce conseil, tombant de haut, ne pouvait manquer de faire 
du bruit. Il én fit. Ilen fittant et tant qu'il s’est répercuté, 
comme un écho, dans tous les ouvrages d’aviculture parus 
depuis lors. M. le marquis de Brisay le reproduit reli- 
gieusement et le recommande à ses lecteurs avec autant 
de conviction que s'il s'agissait d'un conseil évangélique. 
M. Moreau se l’approprie, ou plutôt, nous le donne accommodé 
de la facon suivante : « Faute d'aliments à leur convenance, 
souvent les Cardinaux captifs tuent leurs petits ou les laissent 
mourir de faim... Pour prévenir cet accident, il est de toute 
nécessité d'ajouter » à leur nourriture ordinaire « des œufs de 
Fourmis,... des Vers de farine,... des Hannetons, en plus 
grand nombre possible, et des Mouches. » Alors, conclut 


notre auteur, « on est sür de les voir élever leurs petits avec 


le même amour qu'en pleine liberté. » (2) 

Eh bien, j'en demande pardon à ces maîtres éminents, leur 
recette, puisque recette il y a, n’a aucune valeur thérapeu- 
tique : c’est un remède d’empirique et rien de plus. Entendons- 
nous bien cependant. 


(4) Acclimatation illustrée, 30 avril 1883. Cité par M.le marquis de Brisay. 
Passereaux, Auray, 1894. i 


(2) L'Amaieur d'Oiseaux de volière, p. 241. 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 117 


Que les Cardinaux rouges aient absolument besoin d'une 
nourriture animalisée pour l'élève de leur progéniture, je me 
sarderais bien d'en disconvenir. (Via. sup.). Que, «faute d’a- 
liments à leur convenance » les Cardinaux abandonnent leurs 
petits et « les laissent mourir de faim », c’est une extrémité à 
laquelle ils sont bien forcés de se résoudre : Nemo dat quod 
non habet. Que, dans ce cas, « ils les tuent et les mangent » 
même, je les en crois, ma foi, bien capables, la faim étant très 
mauvaise conseillère. 


Indomitus latrat contra jejunta venter, 


dirait un certain Pallu, médecin-poète du XVII: siècle. Mais 
que « pour prévenir ces accidents », il suffise de donner aux 
reproducteurs une nourriture animalisée, et, qu’à cette con- 
dition, on soit « sûr de les voir élever leurs petits avec le 
même amour qu'en pleine liberté », au point de n'avoir « plus 
à se plaindre de la non-venue des oisillons » : voilà ce dont 
je me permets de douter, attendu que les preuves du contraire 
abondent. J'en ai plein les mains. En voici deux : 

Le 25 juillet 1897, un éleveur bien connu des amateurs 
 d’Oiseaux, M. C. Tinot de Champforgueil, m'écrivait : « Mes 

Cardinaux rouges ont eu trois œufs que la femelle a régu- 
. lièrement couvés. Les petits sont nés treize jours après. Le 
lendemain, ils avaient disparu, mangés par le mâle, bien que 
_je tinsse constamment à sa disposition la nourriture la plus 
variée : pâtée, viande, œufs de Fourmis, Vers de farine, sauf 
pourtant des Sauterelles que je n'avais point. » L'année pré- 
cédente, M. Jarrassé obtenait d’un couple plusieurs nichées. 
Avec une sollicitude qui méritait d’être mieux récompensée, 
il servait aux parents «les aliments les plus propres à se- 
conder l'élevage ». Total des produits à la fin de l'été : une 
femelle !... Les autres avaient été « abandonnés ou tués par 
le mâle ». 

À ces témoignages indiscutables voulez-vous me permettre 
d'ajouter le mien propre ? Sur dix couples de Cardinaux que 
j'ai fait reproduire, je n’en ai trouvé qu'un seul — le premier 
— qui menât à bien ses petits. Les neuf autres étaient d’une 
barbarie à faire frémir la Nature. À une nichée réussie suc- 
cédait régulièrement une nichée massacrée. Souvent même — 
détail significatif — je n’obtenais d’autres jeunes que ceux 


11e BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


de la première ou de la dernière couvée, alors que l’ardeur 
amoureuse des époux n'était pas montée à son plus haut 
degré, ou baissait sensiblement pour bientôt s'éteindre tout à 
fait. Or, s'ilest dans les cinq parties du monde un éleveur 
qui ait bourré ses Cardinaux de Sauterelles et d'Insectes de 
toutes sortes durant la période de l'élevage, c'est assurément 
le Curé de Bessens. | 

Il y à plus. Non seulement mes Cardinaux tuaient leurs 
petits au berceau — sanglante besogne à laquelle les femelles 
ne prétaient jamais l’aide de leur bec maternel — maïs j'ai vu 
maintes et maintes fois les mâles casser les œufs au fur et à 
mesure qu'ils étaient pondus, puis s’acharner sür le nid même 
et en jeter au vent les tristes débris. £tiam periere ruincæ ! 

Donc ce ne pouvait être à la privation d'aliments appropriés 
à l'élève d'une progéniture qu'ils n'avaient pas encore, ou 
qu'il leur était loisible, une fois née, de gaver à leur fantaisie, 
que mes Cardinaux — et selon toute appaïrence, ceux de mes 
honorables correspondants — devaient ces instincts féroces 
si funestes aux nichées (1). Et quand les auteurs insinuent 
qu'en tuant et mangeant ses petits, le Cardinal ne fait que 
céder à son penchant pour la bonne chère ou au louable 
désir d’arracher sa famille aux horreurs de la faim, et qu'il 
suffit, par conséquent, de lui présenter une nourriture à sa 
‘ convenance pour le voir accomplir régulièrement sa tâche jus- 
qu'au bout, ces Messieurs, à mon humble avis, se trompent. 

Quel est donc alors le mobile qui fait agir le Cardinal ? 
Écoutons Chiapella. Cet aviculteur incomparable, notre 
maitre à tous, parlant des difficultés qu’on rencontre dans 
l'élevage du Passereau américain, ajoute : « Pour réussir, il 
n'y a pas d'autre moyen que d'enlever les jeunes vers le 
huitième jour de leur naïssance, car, à peine commencent-ils 
à voltiger, que les parents les abandonnent et les maltraitent 
pour s'occuper d'une nouvelle ponte. » (2) 

(1) Ajoutons, pour prévenir une objection possible, que ce n'était pas non 
plus aux indiscrétioss commises autour du nid, une longue expérience me per- 
mettant d’en deviner à peu près le contenu sans avoir besoin d'y regarder ou 
d’y toucher. 

(2) Manuel de T'Oiseleur et de l'Oiselier, p. 239. — Comme on l’a vu plus 
baut, mes Cardinaux maltraitaient leurs pelits bien avant le huitième jour. 
M. Chiapella élevait les jeunes à la brochette. J'ai essayé par deux fois de 
l’imiter, mais toujours sans succès : ou les Oiseaux refusaient d’avaler la nour- 


riture, ou ils devenaient infirmes au bout de quelques jours. Evidemment je ne 
savais pas m'y prendre. 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. 119 


C’est bien cela! Cardinal a le tempérament excessivement 
chaud. Son cœur est comme son plumage, tout de feu. Sa 
Tarentule à lui, c’est l'amour, et quand il se sent piqué, 
voyez-vous, tous les Vers de farine et toutes les Sauterelles 
du monde ne sauraient l'empêcher de contenter sa flamme. 
Pour cela, il lui faut des nichées et encore des nichées, — non 
pas des nichées à élever, mais des nichées à procréer. Celle 
qu'il a étant un obstacle à l’assouvissement de ses désirs, 
l’ardent Oiseau la supprime : alors la femelle, libre de tout 
soin, est d'autant mieux disposée à recevoir ses hom- 
mages. 

Là est le mal; vous le chercheriez vainement ailleurs. Mais 
le remède? direz-vous. En voici un qui semble tout indiqué. 
Je vous le donne vaille que vaille, ne l’ayant jamais expéri- 
menté moi-même. Dans le cours de cette étude, nous avons, 
de notre propre autorité, proclamé le Cardinal rouge Roi des 
volières. Ce titre, il le mérite à cause de la beauté et de la 
majesté de sa volatile personne. Cependant, celui de Sultan 
conviendrait mieux, semble-t-il, à son naturel essentielle- 
ment asiatique : ce Yankee a les mœurs turques. Eh bien, qui 
sait si un petit sérail composé de deux femelles, en lui per- 
mettant d'épancher la surabondance de son humeur amou- 
reuse, ne serait pas, par le fait même, la sauvegarde des 
nichées”? (1)... En liberté, le Cardinal n’est pas polygame, on 
le dit du moins; mais il le deviendrait, je crois, facilement en 
captivité. Resterait à savoir si ces dames, dont le sexe est 
naturellement jaloux, s’accommoderaient d’un ménage à 
trois — comme chez Amphytrion — pour si bien que Jupiter 
sût dorer la pilule?... 

En attendant qu'un éleveur entreprenant se décide à tenter 
cette expérience et nous en communique les résultats, voici 
un procédé qui m'a parfaitement réussi toute une saison avec 
un couple de Cardinaux dont je n’avais jusque-là obtenu que 
des œufs cassés. Son excellence est-elle suffisamment garantie 
par ce succès sans précédent dans mon élevage? Il me le 
semble, et c'est pourquoi je n'hésite pas à le recommander à 
mes sympathiques confrères... en Cardinaux. Oh! rien de 
bien génial dans ma petite invention : c’est le b, a, ba du 


(1) L'idée n’est pas aussi bizarre qu’elle le paraît de prime abord. C’est en 
donnant deux femelles au Cou-Coupé qu'on réussit l'élevage de cette Amadine 
également très ardente, Vid. Moreau, L'Amateur, ete., p. 154. 


| 
“A 


TE M Pt Ces NX tit nd ati. où 


420 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


métier, quelque chose d’une simplicité enfantine et d'une ap- 
plication extrêmement facile. Et cependant, je mis à la con- 
cevoir infiniment plus de temps qu’il en fallut à Pascal pour 
résoudre le problème bien autrement CHE de la 


.cycloïde! 


Ayez une boîle à savon, je veux dire une caisse sans cou- 
vercle mesurant 1%,40 de longueur sur 0,60 de largeur et 
autant de profondeur. Divisez-la en deux compartiments 
égaux au moyen de deux cadres rectangulaires garnis de 
treillis à mailles assez grandes pour permettre aux Cardinaux 
d'y passer très aisément la tête. L'un de ces cadres est soli- 
dement fixé à la paroi du fond ainsi qu'au plafond et doit 


avoir une largeur égale aux deux tiers du plancher. L'autre 


cadre est destiné à remplir l’espace vide, mais seulement en 
temps opportun. Une rainure, facile à faire avec deux liteaux 
juxtaposés, lui permettra de coulisser au gré de vos désirs. 
Quant à la facade, il faut évidemment la garnir de treiilage 
fin. La place et le nombre des portes dépendent du gout et de 
la commodité de chacun. 

Reste le mobilier. Dans un des angles formés par le cadre 
fixe et la paroi contre laquelle il est adossé, établissez, un peu 
au-dessous du plafond, une bonne touffe de verdure avec 
panier à Canaris hollandais. De l’autre côté du treillis, en face 
et bien à portée du nid, placez un perchoir. Deux autres 
perchoirs devront également être disposés dans chaque com- 
partiment, à distance et à hauteur convenables. Enfin, à 
l'une et l'autre extrémité de la caisse, il est prudent de pra- 
tiquer une large ouverture contre laquelle on appliquera 
extérieurement une boite propre à recevoir les mangeoires 
et les abreuvoirs, ainsi que cela se pratique pour les cages 
ordinaires. De cette facon, les aliments et l’eau de boisson 
ne seront pas souillés par les déjections des Oiseaux, et 
vous pourrez les distribuer sans effrayer les reproducteurs. 
Les baignoires trouveront facilement leur place dans l'in- 
térieur. 

C’est tout. Votre appareil est prêt et ne demande qu'à être 
installé à hauteur suffisante dans un endroit abrité, chambre 
ou volière, et à recevoir les Cardinaux. 

Les avantages de cet aménagement sautent aux yeux. Tant 
que la ponte n’est pas terminée, le mâle doit avoir la liberté 
de voltiger dans les deux appartements. Maïs, après l'éclo- 


LE CARDINAL DE VIRGINIE. | A21 


sion, ou même avant,s’il manifestait des intentions perverses 
Monsieur est bel et bien enfermé dans sa chambre au moyen 
du cadre mobile. Ainsi les époux sont séparés, mais non dés- 
unis : ils se voient, ils se parlent, ils se becquètent même à 
travers les grandes mailles du grillage; et Cardinal, ayant 
l'illusion de la vie commune, continue à nourrir mère et 
enfants, tout en étant dans l'impossibilité de fatiguer l’une 
de ses assiduités et d’assommer les autres à grands coups 
de bec. É 

Lorsque les petits sont assez forts pour percher, on les fait 
passer dans le compartiment du père, et celui-ci est rendu à 
sa compagne. Les parents continuent à soigner leur progé- 
niture tout en travaillant à un nouveau nid. Il faut remplacer 
le panier, ou l’échauder, afin de détruire les parasites très 
abondants après chaque nichée. 


Un dernier mot. Les naturalistes américains nous 
apprennent que le Cardinal rouge à l'état sauvage fait au 
plus une ou deux pontes par an. selon qu'il habite le nord ou 
le sud de son pays d'origine. S'il en est ainsi, le changement 
de climat doit exercer une bien prompte et profonde influence 
sur le tempérament de cet Oiseau, car, à peine a-t-il atterri 
en France que le Cardinal devient remarquablement proli- 
fique. Les femelles importées font trois pontes la première 
année. Au printemps suivant elles sont plus fécondes encore. 
Le 8 septembre 1897, M. Tissot de Champforgueil, m’avisait 
que ses Cardinaux rouges couvaient pour la cinquième fois, 
depuis le mois de mai. M. Chiapella obtenaïit, en enlevant les 
petits quelques jours après leur naissance, six nichées par 
an, de juin à fin septembre. En 1896, les Cardinaux de 
M. Jarrassé construisirent sept nids, et dans tous il y eut des 
œufs. Enfin, j'ai moi-même possédé un couple de ces Oiseaux 
qui, à l’âge de trois ans, produisirent, de mars à octobre, 
vingt-deux (22) œufs en huit (8) pontes successives ! Hâtons- 
nous d'ajouter que le mâle s’entendait merveilleusement à 
faire l’omelette. 

Au temps des nichées succède la période critique de la 
mue. Répétons ici, qu'une nourriture animalisée est indis- 
pensable à l’Oiseau rouge pour sortir de cette épreuve sain de 
corps et beau de plumage. Tant qu'elle dure, on peut sans 
danger laisser le couple vivre ensemble dans le même local; 

Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 9, 


PEAU EE TR 


122 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


tristes et comme honteux d'eux-mêmes, mâle et femelle, 
retirés chacun dans un coin, se considèrent comme étrangers 
l’un pour l’autre. Ils le sont, en effet. Leur mariage n'était 
que temporaire. Avec les feuilles d'automne se sont envolés 
leurs serments. Maintenant les Cardinaux ne se connaissent 
plus. Bientôt, quand ils auront repris leur vigueur en même 
temps que leur brillante livrée, nos amoureux d'antan se 
traiteront en ennemis. Ce sera le moment de les séparer, si 
vous ne voulez pas qu'ils s’entre-tuent : 
z 

Cunvertidas sunt in iras 

Sas amorosas flamas (1) ! 

En colères se sont changées 

Leurs amoureuses flammes !... 


(1) Poésie sarde. 


ERRATUM. — Par suite d’une erreur de mise en pages, les deux 
parties du chapilre II, SOCIABILITÉ, de la notice sur le Cardinal de 
Virginie dont la troisième et dernière partie paraît dans le présent 
numéro, ont été transposées dans les numéros de février et mars 
derniers. La partie publiée dans le numéro de mars, pages 84 à 87;, et 
qui est le commencement du chapitre doit précéder la partie qui a 
paru dans le numéro de février, pages 39 et suivantes, et qui termine 
le chapitre II. 


—_ 
19 
co 


SUR L'HABITAT DES OPHIDIENS 
DU GENRE TROPIDONOTUS 


DANS L'EAU DE MER (1) 


par Raphaël LADMIRAULT (2). 


L'année dernière, une revue allemande de Zoologie, a 
publié une courte note (3), concernant une Couleuvre vivant 
dans l’eau de mer. L'observation m'a immédiatement frappé, 
en raison de faits identiques que l’on peut journellement 
constater sur tout le littoral du département de l'Hérault, 
c'est-à-dire dans les étangs salés de Thau, Vic, Mauguio, etc., 
ainsi que dans les canaux en communication directe avec la 
mer et qui bordent la côte méditerranéenne. 

Là, Tropidonotus viperinus Latr. est une espèce très 
abondante, vivant au milieu des Algues et des Zostères; 
quelquefois, sa voisine, Tropidonotus natrix L. s'y ren- 
contre aussi (deux observations personnelles), mais si rare- 
ment qu'il faut considérer le cas comme un simple accident 
dont a été victime ce Reptile si commun dans le voisinage 
des eaux marécageuses douces. Je suppose que dans les 
étangs des Pyrénées-Orientales, de l’Aude et dans les marais 
de la Camargue, la même observation pourrait être faite, 
la nature et la configuration du pays étant certainement 
semblables à celles de l'Hérault. 

Comme Ophidiens habitant la mer, je ne connaissais que 
les Serpents (venimeux) de la famille des Hydrophidæ, ob- 


. (1) Bæœse, Tropidonotus in Meerwasser (Zoologischer Anzeiger, n° 536, 
19 juillet 1897). 

(2) Communication faite en séance générale le 16 décembre 1898. 

(3) La note de l'auteur allemand étant très courte peut être reproduite ici : 

« Il vient d’être trouvé dans l’eau de mer du golfe de Flensbourg, à 4 kilo- 
mètre environ du rivage, une Couleuvre à collier longue de 50 centimètres Je 
me renseignai aussitôt auprès de personnes tout à fait dignes de foi et qui me 
-déclarèrent que le cas n’est point rare dans la région. L’on m’affirma d’ailleurs 
à terre que par les vents du Nord, ces Serpents traversent souvent le golfe jus- 
qu'à Märvick, c'est-à-dire sur une distance de 3 à 4 kilomètres. » 

Cette observation a été faite à bord du navire de guerre allemand le Blÿcher 
par le Dr Bæœse, médecin de la Marine. 


124 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


servés et décrits par J.-G. Fischer {1). Ils sont communs 
parait-il, d'apres cet auteur, dans les iles de la Sonde et dans 
l'Océan Indien. Je crois que Fischer parle simplement du 
littoral et des environs de la zone des Palétuviers. Je n'ai 
jamais eu connaissance d’Ophidiens pélagiques, à l'exception 
du Grand Serpent de mer, de légendaire mémoire. 

En Bretagne et en Vendée, les Couleuvres et malheureu- 
sement aussi les Vipères sont fort communes, maïs, je ne 
connais pas un seul cas authentique bien constaté, de pré- 
sence d’un Serpent dans l’eau salée. Le docteur Viaud-Grand- 
marais, dans son travail sur les Serpents de la Vendée et de 
la Loire-Inférieure (2), ne mentionne pas le fait. Sur le 
littoral vendéen de ce dernier département, dans les environs 
de Pornic, la Vipère aspic se rencontre fréquemment sur les 
rochers de la côte, de même 7ropidonotus nalrix, maïs, il 
n'y à certainement là, que simple voisinage. Sur la rive bre- 
tonne de la Loire-Inférieure, la Vipère aspic est au contraire 
rare et complètement inconnue sur la côte même, où l’on ne 
rencontre que Tropidonotus natrix. Je ne me rappelle pas 
avoir trouvé cette dernière dans les marais salants du Croisic 
ou de Guérande. Dans les endroits marécageux, où il n'y 
a pas mélange d’eau de mer, dans les abreuvoirs de la 
pointe du Croisic, au milieu des dunes de Pen-Bron où les 
eaux de pluie forment un petit marais, T. nalrræ est assez 
commune, mais, dans les salines proprement dites et dans les 
réservoirs qui ressemblent absolument, surtout comme végé- 
tation aquatique, aux étangs salés de l'Hérault, jamais je n'ai 
rencontré une seule Couleuvre. 

M. Ernest Olivier, dans son étude des Reptiles algériens (3 
ne mentionne pas non plus ce fait d'habitat anormal. 

Ici, il en est donc tout autrement, c’est le cas général pour 
Tropidonotus viperinus et accidentel pour T. naëtriæ. J'ai 
observé maintes fois 7, viperinus dans l'usine de la com- 
pagnie de Saint-Gobain, à Balaruc-les-Baïns, près de Cette, 


(3) J.-G. Fischer, Die Familie der Seeschlangen. Abhandl. der Naturw. Ve- 
reins in Hamburg. Vol. III, 1856. 

(2) Docteur Viaud-Grandmarais, Les Serpents de la Vendée et de la Loire- 
Inférieure. Ceite intéressante brochure dont le tirage est épuisé, doit être rare 
maintenant, 

(3) Herpétologie algérienne ou catalogue raisonné des Reptiles et Batraciens 
observés jusqu’à ce jour en Algérie (Ernest Oiivier, Mémoires de la Société 
zoologique de France, t. VII, 1894). 


SUR L'HABITAT DES OPHIDIENS DU GENRE Z'ROPIDONOTUS. 125 


autour d’une fontaine (fontaine d'Embressac) qui se déverse 
dans l’Étang de Thau. Ces Reptiles vivent là également 
bien, dans les eaux de la source et dans les eaux salées de 
l'étang, s’aventurant même au loin, sur les Algues flottantes 
et dans les Zostères, en pleine eau de mer. 

Le trop-plein de la source thermale de Balaruc qui forme 
un petit ruisseau de 200 mètres, se jetant dans le même étang, 
est aussi habité par 7. viperinus qui fréquente également là 
les Zostères, à plus de 150 mètres de l'embouchure du ruis- 
selet, qu’elle remonte quelquefois jusqu'à sa sortie de l’éta- 
blissement des bains où ia température de l’eau peut atteindre 
40° à 420. 

L’embouchure de la rivière Avène (au fond du petit golfe 
de Bouzigues, toujours dans l’étang de Thau) possède une 
véritable colonie de 7. viperinus, vivant dans les mêmes 
conditions qu'à Embressac ou à Balaruc. 

Les marais de Frontignan, Vic, Mireval, plus que saumâtres 
parfois, donnent asile, comme je l'ai dit plus haut, à de nom- 
breuses Couleuvres vipérines et à quelques T. natrix, mais 
cette dernière espèce se rencontre surtout dans la partie nord 
de ces marais, partie bordant les terres et la petite chaîne de 
la Gardiole ; elle est donc là, plus terrestre qu'aquatique et a 
pour compagne dans cette région sèche, sa grande congénère 
Cælopeltis insignitus Geoffr., la Couleuvre de Montpellier 
dont certains individus peuvent atteindre 2 mètres et sont 
assez redoutables pour étrangler un Chien. 

Dans le marais de Vendres, près Béziers, dont certaines 
parties sont pierreuses, la Couleuvre vipérine pullule paraît- 
il; sous chaque caillou, l’on en trouve un ou deux exem- 
plaires, mais, j'ignore si ce marais est salé. 


D’après ces précédentes observations, j'avais crû que ces 
Reptiles ne s’aventuraient dans l’eau de mer que dans le 
voisinage des soûurces ou des rivières, mais, l’aimable et 
savant professeur Valery Mayet, de Montpellier, m'a indiqué 
un lieu où l’eau douce fait absolument défaut : c’est le canal 
des Salins de Villeroy, à l’ouest de Cette, à 150 mètres de la 
mer et qui est habité par de nombreuses Couleuvres vipé- 
rines. Le voisinage de l’eau douce n’est donc pas nécessaire, 
comme je le croyais d’abord, pour motiver ce bizarre habitat ; 


« 


cependant, je persiste à croire que les individus sont plus 


PR. TR 4 


126 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


nombreux aux environs des sources et des rivières, que dans 
les régions franchement marines, comme celle de Villeroy. 

Le Delta égyptien est un lieu fort riche en Reptiles; là où 
les eaux salées se mélangent souvent avec les eaux douces, 
certains Ophidiens doivent habiter également les deux milieux. 
Les indigènes de la Trinidad prétendent que les Boas tra- 
versent le bras de mer qui, aux Bouches du Serpent, sépare 
l'ile de la côte ferme par une distance que je ne crois pas 
inférieure à 8 ou 10 kilomètres. A la Guyane, les nègres et les 
Chinois pêcheurs, m'ont affirmé que journellement les Cou- 
leuvres (ils appellent ainsi tous les grands Serpents) effectuent 
la traversée du fond de la rade de Cayenne, de la pointe 
Macouria à la côte, distante de 12 à 1500 mètres. 

En résumé, je crois que l’eau de mer n'est nullement 
recherchée par les Reptiles, mais que, dans certaines con- 
ditions de lieu, de configuration géographique, il s’en accom- 
modent fort bien et arrivent facilement à en faire leur 
milieu normal. Les Couleuvres vipérines du canal de Villeroy. 
témoignent, ce me semble, en faveur de cette opinion. 

C'est pourquoi j'ai cru devoir corroborer par de nouveaux 
faits l’intéressante observation du zoologiste allemand. 


127 


ENCORE L'ASTRAGALE EN FAUX (1) 
. (ASTRAGALUS FALCATUS Law. 


par le D' D. CLOS, 


Correspondant de l’Institut, 
Directeur du Jardin des Plantes de la Ville de Toulouse. 


A maintes reprises et notamment dans ses séances du 
16 mars 1897 et du 28 mai 1898 (2), la Section de Botanique 
de la Société d'Acclimatalion s’est occupée du choix d’un 
nouveau fourrage légumineux vivace, à titre de succédané de 
la Grande Luzerne, là où celle-ci ne peut prospérer. Il n’y a 
été question à cet égard que du Lathyrus sylvestris qui, 
selon la remarque de notre collègue M. Lejeune : «assez ap- 
précié en Allemagne, ne paraît pas avoir jusqu'ici donné en 
France des résultats très satisfaisants». 

J’ai cultivé cette plante et constaté qu'elle pousse vigou- 
reusement, formant par ses nombreux rameaux un épais 
tapis vert à la surface du sol, maïs qu'elle s’élève peu et n’est 
guère du goût des animaux. 

J'ai eu l'honneur de communiquer à la Socrété, en 1895, une 
note (3), sur une nouvelle Légumineuse fourragère, origi- 
naire de la Russie orientale et méridionale, et qui introduite 
au Jardin des Plantes de Paris vers la fin du siècle dernier, 
s'était répandue depuis lors dans nombre d’Écoles de Bota- 
nique, où le même pied se maintient indéfiniment, fleurissant 
et fructifiant chaque année, formant de hautes et fortes 
touffes aux rameaux non indurés et bien garnis de feuilles 
composées chacune de dix-sept à vingt et une folioles lisses, 
à peu près glabres, et sans odeur. Il s’agit de l’Astragale en 
faux (Astragalus falcatus de Lamarck), auquel j'ai consacré 


(1) Communication faite à la Section de Botanique, dans la séance du 
21 février 1899. 

(2) Voir ce Recueil, numéro de janvier dernier, p. 28. 

(3) L’Astragale en faux, plante fourragère in Revue des sciences naturelles 
appliquées, numéro d’août 189%. Je l'avais déjà signalé l’année d’avant à 
la Société d'Agriculture du département de la Haute-Garonne (voir Jour. 
d’Agric. prat. du Midi de la France, t. XC (1894), p. 165 à 167); et depuis 
lors, il en a été question dans le même Journal, t. XIVC, p. 125-127), dans 
le Journal de la Société d’ Horticulture pratique du Rhône, t. LIL, 1896, p. 146 
149; dans le Bulletin agricole de l’Algerie et de la Tunisie, de 1897, p. 131 ; 
dans la Revue scientifique du Limousin, t. VI, 1898, p. 245-248. 


128 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


depuis 1894 trois petits carrés au Jardin où il réussit à mer- 
veille, et qui m'a paru digne d’être signalé de nouveau à l’at- 
tention des agronomes, car il est appété par les Bœufs et les 
Chevaux. 


l. Développement. — La plante se propage au moyen de 
craines et peut aussi se multiplier par boutures prises au bas de 
la tige : mais celles-ci ne se font pas sans danger pour le pied- 
mère. Quant aux graines, réniformes, aplaties, jaunâtres et 
luisantes, de 2? millimètres de longueur, avec une cicatrice 
profonde au point d'attache, et {outes aptes à germer, elles 
ne le font que d’une manière lente, inégale et comme capri- 
cieuse, défaut qui a singulièrement nui à la propagation de 
l'Astragale dans les premiers essais de culture, mais dont on 
aura sans doute raison par l'emploi de quelque agent chimique. 
En attendant, il conviendra d'accompagner le semis en pleine 
terre d’un autre en vase dont les plantules serviraient, en 
cas de besoin, à combler les vides du premier. J'’ignore quel 
est le semis à préférer, du printemps ou d'automne. 

Au début, la raeine s’allonge, mais non pas la tigelle dont 
les deux petits cotylédons verts, opposés et elliptiques s'ap- 
pliquent sur le sol. Quelque temps après, apparaît entre eux 
la première feuille longuement pétiolée, à deux, plus souvent 
trois folioles uninerviées, les latérales elliptiques, l’impaire 
en ovale renversé et plus grande; quelques autres feuilles à 
trois ou cinq folioles naissent encore de la souche, du sommet 
de laquelle surgit ensuite le premier axe de la tige aérienne, 
atteignant seulement de 2 à 3 centimètres de longueur, à mé- 
rithalles très rapprochés émettant chacun une feuille à neuf- 
onze folioles ; du collet partent bientôt un ou deux rameaux 
dressés, se comportant comme l'axe primaire; et là se borne 
le développement de l’Astragale la première année. 

Au réveil du printemps de la suivante, à ces branches s’en 
joignent d’autres (chargées de feuilles à folioles bien plus 
nombreuses, vingt et une environ) qui rayonnent autour du 
sommet de la racine, s’étalent d'abord, mais sans émettre de 
racines adventives, puis se redressent et s’allongent rapi- 
dement, en se ramifiant et se couvrant de feuilles, jusqu'à 
60 ou 70 centimètres de hauteur, terminées par les longs épis 
droits de petites fleurs serrées d'un jaune sale et dont les su- 
périeures sont stériles. Les corolles laissent sans retard sortir 


ENCORE L’ASTRAGALE EN FAUX. 129 


de leur centre le jeune fruit pendant, courbé en faux avec 
une forte rainure au dos, atteignant 2 centimètres ou plus de 
longueur, d'un blanc grisätre, terminé en pointe, ne s’ou- 
vrant pas naturellement, divisé à l'intérieur en deux loges 
(caractère essentiel du genre Astragale) et renfermant de 
quatre à six graines. 


2. Description et découverte. — Il m'a paru surperflu 
de reproduire ici les détails de l'organisation florale de l’As- 
tragale en faux tracés dans une note de 1895; mais, à titre 
de complément, on trouvera au bas de la page les premières 
descriptions qui ont été données de cette Légumineuse, soit 
par notre immortel Tournefort, qui, pendant son Voyage au 
Levant en 1700, la découvrit dans la Géorgie et l'Arménie 
russe et la signala en une seule phrase dans son Corol- 
laire (1), soit par Lamarck en 1783, d’après les pieds vivants 
nés de graines envoyées au Jardin du Roi par M. Demidow, 
de Moscou (2). L'espèce est restée inconnue à Linné. 


3. Premiers soins. — La faiblesse et le lent développe- 


ment de la plante à son début impliquent l'obligation de 
purger soigneusement le sol du semis des mauwaises herbes 
qui pourraient l’étoufter. Mais, après avoir pris pleinement 
possession, elle y vit presque indéfiniment, à en juger par un 
très vieux pied qui existait au Jardin botanique de Toulouse, 
mais qui a succombé aux nombreuses plaies déterminées 
pour la formation de boutures. 


(1) Astragus orientalis altissimus Galegæ-foliis amplioribus, flore parvo fla- 
vescente (Tournefort, Corollarium ad. calc. Znstitut. Res herbar., p. 29). 

(2) Astragale à faucille (a) Astragalus falcatus. — Astragalus caulescens 
erectus, subglaber, floribus spicatis, leguminibus pendulis compressis falcatis, 
N. Astragalus uliginosus {(b), Sibiricus perennis. Demidorw. 

Ses liges sont droites, hautes d'un pied ou un peu plus (€), presque glabres 
et légèrement rameuses dans leur partie supérieure. Ses feuilles sont composées 
d'environ seize paires de folioles oblongues, un peu pointues, pétiolées, vertes 
en dessus et d’un vert pâle en dessous. Les fleurs naissent en épis sur des 
pédoncules axillaires un peu plus longs que les feuilles. Elles produisent des 
gousses glabres, pendantes, comprimées sur les côtés, courbées en faucille, et 
dont la pointe, qui est tournée en dehors, se redresse un peu. » 


(&) De Candolle à fait prévaloir la dénomination Astragale en faux. Quelques au- 
teurs ont aussi remplacé dans le nom latin l'épithète falcalus par virens. 

(b) Cette épithète appliquée par Demidow à l'Astragale, semble indiquer qu'il croît 
spontanément dans les lieux marécageux. 

(c) Lamarck décrit de jeunes pieds, ceux de trois ou quatre ans s'élèvent beau- 
coup plus (Dictionn. bot. de l'Encyclop. méthod., t. I, p. 310.) 


130 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


4. Climat et terrain. — Les climats tempérés et proba- 
blement aussi les climats froids, à l'exception des régions 
olacées, conviennent à l’Astragale, qui prospère à merveille à 
Toulouse. Maïs quelques essais semblent indiquer que l'espèce 
n’est pas faite pour les contrées brüûlantes et à longues séche- 
resses (1). Perdant annuellement, à la fin de l'automne, ses 
parties aériennes mortifiées, elle peut, réduite alors au fort et 
long pivot de sa racine rameuse et à la souche qui la sur- 
monte, braver nos hivers les plus rudes. Rentrant en végéta- 
tion au printemps, avant la Grande Luzerne, elle est insen- 
sible aux gelées de cette saison et à l'abri des attaques des 
Insectes. Devançant aussi la Médique par sa floraison, elle 
doit devoir donner au moins deux coupes, mais l'indispensable 
nécessité d’en récolter d’abord les fruits mürs pour graines 
n’a pas permis d'en connaître le nombre. Je ne saurais non 
plus préciser la nature des terrains qu'elle préfère; je ne la 
crois pas difficile à cet égard; mais sa racine pivotante doit 
réclamer un peu de profondeur et se refuse à vivre en sous- 
sol aqueux. 

Je dois à l’obligeance de M. Daveau les renseignements sui- 
vants sur la culture de l’Astragale en faux au Jardin des 
Plantes de Montpellier : 1° « Les racines de cette Astragale 
sont très vivaces. Il est difficile de la faire disparaître d’un 
endroit où elle s'est installée sans un défoncage assez pro- 
fond » (lettre du 10 avril 1897); 2 « L’Asragalus falcatus 
a parfaitement résisté dans le jardin d'expérience où il est 
cultivé sans le moindre arrosement depuis une dizaine 
d'années. Maïs le sol est meuble, et la Luzerne aurait sans 
doute aussi bien végété » (lettre du 13 novembre 1898). Je 
viens de constater que le pivot &e la racine de jeunes pieds de 
trois ou quatre ans et dont les fibrilles portaient des tuber- 
culoïäes avait acquis en terre défoncée et meuble une lon- 
gueur de 0,40, rivalisant sous ce rapport avec la reine des 
fourragères. Reste à déterminer son mode de vie en terrains 


(1) M. le Dr Trabut, directeur du service botanique de l’Algérie, écrivait 
dans son Rapport officiel de 1896 : « Parmi les Lésumineuses, il convient de 
citer encore l’Astragalus falcatus, Astragale vivace très robuste, recommandée 
par M. le professeur Clos, de Toulouse; le carré d'essai de cette plante a bien 
résisté à la sécheresse de l'été et, dès les premières pluies, cette Légumineuse 
vivace est entrée en vegétation (Bullet. agricole de l'Algérie, de 1897, p. 131). 
Mais j'ai appris depuis indirectement que ces premières espérances ne se sont 
pas confirmées. 


ENCORE L’ASTRAGALE EN FAUX. 131 


de médiocre qualité. Il ne doit pas être difficile, s’il est vrai, 
comme l’a écrit de Candolle, qu'il ait, au commencement de 
ce siècle, cherché à s'acclimater spontanément aux environs 
de Paris par graines échappées sans doute de l'École bota- 
nique du Muséum. 


5. Essais à l'étranger.— Il semble que des essais de l’As- 
tragale aient été faits en Allemagne, puisque M. von Dietre, 
dans le premier article du numéro du 5 novembre dernier du 
Deutsche Landivirischaflliche Presse, écrit, p. 93%, trad. : 
« Les plantes vivaces suivantes, dont les premières planta- 
tions ont donné de meilleurs résultats que celles du ZLathy- 
rus, ont été semées sur une grande étendue et avec un succès 
partiel (2x grosserm Umfange und mit teilweisen Erfolg), 
et il y comprend l’Astralagus faicatus de Sibérie, dont on a 
encore peu, dit-il, étudié les conditions d'existence (deren 
Existenzbedingungen noch wenig erforscht sind). 


6. Patrie. — L’Astragale en faux a été signalé dans la 
Province d’Iset,en Sibérie (Pallas); dans la Sibérie de l'Oural: 
près du village Pyskowo, rive droite du Volga, au versant 
sud-ouest de la montagne Olenja; dans le Caucase septentrio- 
nal et ibérique, vers Narlsanu; à Nacklischewan, dans 
l'Arménie russe; et dans la Géorgie, à Ælisabethpol, où il 
parait assez commun (Hohenacker et Karl Koch) (1), ce que 
m'a confirmé par lettre, le directeur du Musée d'histoire natu- 
relle de Tifis. 

J'aurais bien désiré disposer d’un stock de graines impor- 
tant, en vue d'en offrir une part au Ministère de l'Agriculture 
pour Essais dans les Écoles pratiques et Fermes-Écoles, une 
autre part à ceux de nos collègues préoccupés de toute amé- 

_lioration dans la production fourragère. Maïs c’est en vain 
que j'ai cherché à m'en procurer du pays natal. Je compte 
renouveler ces démarches cette année. et je fais appel, dans 
ce but, au concours des Membres de la Sociélé a Acclima- 
tation qui seraient à même de les faire aboutir ou d’en 
obtenir directement. En attendant, j'ai dû me contenter de 


(1) En 1800, Desfontaines dans son Flora atlantica, t. Il, p. 188, signalait 
l’Astragalus falratus en Algérie, mais il reconnut plus tard qu'il s'agissait d’une 
espèce différente qu’il appela Aséragalus falciformis {in de Candolle, Astraga- 
logia, n° 69). 


132 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


répartir les 250 grammes environ de graines, représentant 
ma récolte de l’année, entre un petit nombre de collabora- 
teurs sérieux, bien prévenus à l'avance des débuts un peu 
difficiles de la plante. 

N'est-il pas étrange et pénible de penser que le genre Astra- 
gale, un des plus riches en espèces du règne végétal — il] 
en compte plus de 800, — répandues dans presque toutes les 
parties du globe, les tropicales excepté:s, et dont plus de 
vingt sont spontanées en France, n'ait point encore doté 
l’agriculture d'une seule d’entre elles. alors surtout qu'il ap- 
partient à la famille des Légumineuses si généreuse en pro- 
duits utiles de toutes sortes? 

Notre regretté collègue, le baron F. von Müller, de Mel- 
bourne, dans son Selecl exlra-tropical Plants, 9 éd. de 
1895, déclare que plusieurs de ces végétaux, si abondants sur- 
tout en Orient et en Sibérie, méritent l'attention au point de 
vue pastoral et agronomique (Many must be vf value for 
pasture), et il en cite un petit nombre qui rendent des ser- 
vices sous ce rapport (p. 61-63) (1). 


1. Rusticité. — Les quelques départements déshérités et 
les sols pauvres, montagneux, granitiques ou crayeux de 
ceux mêmes où fleurit l’agriculture, ne trouveront-ils pas, en 
certains cas, dans l’Astragale en faux, après essais sur ses 
exigences quant au terrain,une culture préférable aux Genêts 
et aux Ajoncs? Ne se contenterait-il pas de sols sablonneux, 
caillouteux ou pierreux, de terres compactes ou légères, 
toutes conditions que repousse la Grande Luzerne, dont les 
racines tendent à gagner de plus en plus les couches pro- 
‘ondes? Y aura-t-il la longue durée qui le caractérise en ter- 
rain amendé et qui dépasse de beaucous celle de sa parente? 
Je n'oserai l’affirmer, mais de son origine on peut prévoir 
qu’il lui sera permis de bien végéter à des altitudes que ne 


(1) Rappelons, à ce propos, que vers la fin du siècle dernier, d'une part le 
botaniste Cartheuser, d’après M. le professeur R, Gérard, recommandait l’As- 
tragalus cicer de Linné comme un bon fourrage ; de l’autre, Thouin écrivait à 
propos des Astragalus alopecuroides, galegiformis, glycyphyllos : « ont été in- 
diqués par différents agriculteurs comme des plantes propres à faire des prairies 
artificielles et qui peuvent donner un fcurrage sain et très nourrissant. M.Clouet, 
de Verdun a cultivé ja troisième espèce pendant six ou sept ans ; il a fait à ce 
sujet un mémoire où il détaille sa culture et ses usages pour la nourriture des 
bestiaux... Il a été couronné par l’Académie d'Ériord (Encycinp. method., 
Agriculture, 1. TI, p. 714, année 1787) ». . 


7 


ENCORE L’ASTRAGALE EN FAUX. 133 


supporte pas celle-ci. J'emprunte la confirmation de sa rusti- 
cité à un mémoire posthume d’Alphonse de Candolle récem- 
ment paru sous ce titre : Ce qui se passe sur la limite géo- 
graplque d'une espèce végélale, et où l’auteur signale l’As- 
tragalus faicatus de Sibérie au nombre des cent vingt-six 
espèces non indigènes ayant résisté, au Jardin botanique de 
Genève, au moins pendant six ans (de 1832 à 1837), « au 
froid, au chaud, à l'humidité, à la sécheresse du climat de 
Genève, presque sans aucun secours venant de l’homme », 
loestei;, p.21. 


8. Utilité. — Les années de sécheresse que nous traver- 
sions naguère, si désastreuses pour l'élève du bétail, ont mis 
tous les agriculteurs en quête d’une nouvelle Légumineuse 
fourragère vivace, inodore, suffisamment productive et ne 
réclamant guère d’autres soins que la prairie naturelle. Le 
Galége officinal ou Rue de Chèvre, dont cette dernière déno- 
mination dit assez l'impropriété pour la päture, est définiti- 
vement relégué au rôle de plante sidérale. (Voir Grandeau, 
in Journ. d'Agric. prat., 6 février 1899, p. 205.) 

Le Lathyrus sylvestris, même dans sa variété Wagneri, 
est encore très discuté. Le D' Stebler, de Zurich (Les meil- 
leures plantes fourragères), et M. Denaïffe (Manuel pru- 
tique de culture fourragère) font grand cas du: Trefle de 
Pannonie, qui, comme l’Astragale, est vivace et d’un dévelop- 
pement tres lent, mais dont les feuilles sont hérissées de poils 
et qui, peur bien prospérer, demande un bon sol frais pro- 
fond, bien fumé (Denaïffe), dernière exigence qui semble 
devoir lui faire préférer la Grande Luzerne, et avec d'autant 
plus de raison qu'il ne donne que deux coupes. L’Astragale en 
faux vaudrait-il mieux? J'ai lieu de l’espérer, mais il lui reste 
à subir le double contrôle, d’abord de nombreux essais par- 
 tiels dans les conditions les plus diverses, puis de la grande 
culture. A l’objection du manque d’un stock suffisant de 
semence pour celle-ci, on peut répondre que l’on connaît 
aujourd'hui un des principaux hAabitals de la plante (Æl/isa- 
bethpol dans les environs de Tiflis, Géorgie russe), et qu'il 
sera dès lors possible de s’en procurer du pays natal, si l'on 
attache un assez grand intérêt à sa propagation. : 


OL UNE D AVES 
: £ ap ss \ ax 


134 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


2e SECTION (ORNITHOLOGIE. — AVICULTURE). 


SÉANCE DU 16 JANVIER 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. OUSTALET, PRÉSIDENT. 


Il est procédé au renouveilement du Bureau. Sont élus : 


President : M. Oustalet ; 
Vice-président : M. Debreuil. 


M. Debreuil remercie ses collègues de l’honneur qu’ils veulent bien 
lui faire, mais il a le regret de ne pouvoir accepter, ses occupations 
ne lui laissant pas assez de loisirs pour suivre activement les travaux de 
la Section, qui ont précisément une heureuse tendance à se développer. 

Le scrutin étant ouvert de nouveau, MM. Remy Saint-Loup et Paul 
Wacquez obtiennent un nombre égal de voix pour la Vice-Présidence. 

M. le Secrétaire général fait observer à ce propos que rien ne s’op- 
pose à ce qu'une Section très active ait deux Vice-Présidents. En 
conséquence, MM. Remy Saint-Loup et Paul Wacquez sont procla- 
més élus. 

Sont élus ensuite : 


Secrétaire : M. le comte d’'Orfeuille ; 
Secrétaire-adjoïnt : M. Mérel; 
Délégué aux récompenses : M. Wuirion. 


Plusieurs Membres de la Section expriment le désir de retarder 
l'heure des réunions. Il est décidé que celles-ci se tiendront désormais 
à trois heures et demie. 

Il est procédé au dépouillement de la correspondance. 

Me la comtesse de la Boullaye adresse, du château de Bagatz (Ille- 
et-Vilaine), une notice sur le Coucou de Rennes. Cette race de 
Poules, dont Me de la Boullaye pratique l'élevage, paraît très an- 
cienne. M. Mérel présente diverses observalions à ce sujet et insiste 
sur les grandes qualités de la race dont il s’agit. Une discussion s’en- 
gage à ce sujet. M. Remy Saint-Loup exprime le désir de voir véri- 
fier, par des expériences, certaines affirmalions de Darwin, concernant 
le croisement. 

M. Forest signale à la Société un rauport de M. Salvage sur l'élevage 
de l’Autruche du Cap à Madagascar. 

La correspondance imprimée comprend les deux premiers fascicules 
de l’Ornis, dont M. le Président est actuellement le Directeur. M. Ous- 
talet fait l'historique de cette pubiication pour le titre de laquelle 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 135 


M. Goubie, membre de la Société, a bien voulu dessiner un titre artis- 
tique. 

Le Conseil du S/andard avicole de France adresse un certain nombre 
de circulaires, faisant appel aux Membres de la Section pour grouper 
tous les renseignements destinés à fixer les caractères des races d’Oi- 
seaux de basse-cour. 

M. le Secrétaire général présente un calendrier artistique édité aux 
États-Unis par Les soins de la Sociélé Andubon, laquelle s'occupe de la 
protection des Oiseaux utiles. Ce calendrier, de format petit in-4°, se 
compose de douze feuillets mobiles réunis par un cordonnet de soie, 
et correspondant, chacun à un mois. Un Oiseau, représenté en couleur 
dans son milieu habituel, figure sur chacun de ses feuillet. Au verso se 
trouvent résumés l’histoire de cette espèce et les principaux traits de 
ses mœurs. 

M. Henri Bouclet, armateur à Boulogne-sur-Mer, qui pratique l’éle- 
vage des Gallinaces et des Pigeons blancs, cherche à se procurer un 
plus grand nombre de ces Oiseaux. Il demande qu'on veuille bien 
l’aider à en obtenir soit par achat, soit par échange. 

M. le Secrétaire général résume une notice de M. Bizeray sur les 
élevages pratiqués par lui, de 1892 à 1898, à la villa de Jaguenau, à 
Saumur. Dans un petit espace très accidenté et fort bien exposé sur 
les bords de la Loire, M. Bizeray est arrivé à obtenir la reproduction 
d’un grand nombre d'espèces de Passereaux, de Gallinacés, de Palmi- 
pèdes et des Nandous, sans parler de toute une série de Mammifères. 
M. Bizeray élève actuellement des Argus qui sont en parfait état, 
ainsi qu'ont pu le constater MM. Debreuil et J. de Guerne, qui ont 
visité l'établissement dans la première quinzaine d'octobre. Le mé- 
moire de M. Bizeray sera publié dans le Bulletin. 

M. Debreuil annonce qu'il a recu dernièrement, de la République 
Argentine, deux Nandous adultes qui lui ont été envoyés comme des 
mâles et grâce auxquels il espère pouvoir obtenir enfin des jeunes à 
distribuer aux Membres de la Sociéfe. 

Le Secrétaire, 
Comte D'ORFEUILLE. 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 


ÉLEVAGE DE PALMIPÈDES AUX ENVIRONS D'ANGERS. 


L’Arceau, près Angers (Maine-et-Loire), 12 novembre 1898. 


« Les Martres et les Mulots avaient causé grand préjudice à m acol- 
lection de Palmipèdes et cela directement et surtout indirectement en 


136 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


m'empêchant de renouveler de belles espèces par d’autres qui auraient 
pu être de nouvelles victimes; cependant je possède encore d’assez 
jolis et curieux Oiseaux, entre autres des métis de Pilets et de Canards 
sauvages; j'avais donné un couple de ces derniers à M. Milne-Edwards 
qui les avait jugés dignes de la grande volière du Jardin des Plantes 
de Paris: je ne sais si ce couple y est encore. J'ai en outre un superbe 
Cygne de Bewick, blessé dans le département et que je possède 
depuis vingt ans, une femelle de Bernache des îles Sandwich, Oiseau 
désormais introuvable, dont j'ai malheureusement perdu le mâle et qui 
fait chaque année deux pontes dont les œufs clairs sont naturellement 
perdus. » 
G. ROGERON. 


CULTURE D'IGNAMES AMÉLIORÉES A MARSEILLE. 


Marseille, le 15 novembre 1898. 


« Je vous adresse par poste deux échantillons de tubercules de Dos- 
co'ea batalas de Chine, obtenus par M. Dubiau, Vice-Président de la 
Socicte d'Horticulture des Bouches-du-Rhône. 

Vous savez les recherches antérieures (j'en ai fail l'objet d'une com- 
munication à la Sociélé d'Acclimatation) de M. Dubiau, eu vue d'obtenir 
des tubercules ramassés et aussi sphériques que possible. Notre con- 
frère procède, sur mes indications, en utilisant pour multiplier le 
plantes dont il veut rendre les tubercules sphériques, des points spé- 
ciaux (polaires) des tubercules dont les éclats sont mis en plantation. 
Vous verrez, par les résultats obtenus déjà, que la question semble 
devoir se résoudre par la méthode employée. Toutefois, les résultats 
ne sont pas encore ce que nous désirons dans l'intérêt de la grande 
culture de celte plante et M. Dubiau se propose de continuer ses re- 
cherches. J'en ai entrepris parallèlement dans le même sens au Jardin 
botanique de Marseille et j'en ferai connaître les résultats prochai- 
nement, quand j'aurai procédé au déterrage du tubercule. 

Mais déjà ceux qui ont été oblenus par M. Dubiau me paraissent 
devoir être communiqués à la Société el je vous serais obligé de vouloir 
bien soumetire les tubercules obtenus à l'examen de nos collègues de 
la Section de Botanique dès la plus prochaine réunion. 

Veuillez agréer, etc. » 

E. HECKEL. 


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DE LA 


GITE AATIONALE D'ACLINATAT 


DE FRANCE 
(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


46 ANNÉE 


MAI 1899 


SOMMAIRE , 


G. PAYS-MELLIER. — Acclimatation, reproductions et élevages de Mammifères ayant 


. vécu ou vivant encore dans le parc de la Pataudière (Indre-et-Loire)... ......... 


—_—_—— 0 LS 
Un numéro Z francs ; pour les membres de la Société 1 fr. 50 


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DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 


41, RUE DE LILLE, 41 
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137 


ACCLIMATA TION 
REPRODUCTIONS ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES 


AYANT VÉCU OU VIVANT ENCORE 
DANS LE PARC DE LA PATAUDIÈRE (INDRE-ET-LOIRE) 


Notes et observations de G. PAYS -MELLIER. 


AVANT-PROPOS. 


Tous les Membres de la Sociélé d'Acclimatalion con- 
naissent de longue date les travaux de M. Pays-Mellier. Dès 
1882, une médaille de première classe lui était attribuée par 
la Commission des récompenses pour les élevages qu'il pour- 
suivait avec un zèle infatigable dans son parc de la Patau- 
diere, en Indre-et-Loire. Depuis lors, les nombreuses com- 
munications faites à la Société par M. Pays-Mellier ont permis 
de juger de la persévérance et du savoir avec lesquels il con- 
tinuait ses études. Bien que les faits les plus intéressants 
observés par lui aient été relatés dans le Bulletin, il a paru 
bon au Conseil de prier M. Pays-Mellier de condenser dans 
un mémoire d'ensemble les résultats généraux de son expé- 
rience. Rien n'est encourageant, pour un éleveur, comme 
l'exposé des succès obtenus, et le récit même des déboires 
inévitables est souvent fort instructif. Aussi lira-t-on certai- 
nement avec profit les pages suivantes où M. Pays-Mellier a 
bien voulu résumer, sur l'invitation qui lui en a été faite, des 
notes recueillies depuis près d’un quart de siècle. 

Cette première série, consacrée aux Mammifères, sera, il 
faut l’espérer, suivie d’une autre ayant pour objet les Oiseaux. 
Enfin, et ce ne sera pas la partie la moins importante de son 
travail, l'exposé sera fait par l’auteur des méthodes expéri- 
mentées tout d’abord, puis définitivement adoptées à la Patau- 
dière pour mener à bien tant d’élevages divers. 

On y verra comment un propriétaire, isolé en pleine cam- 
pagne, peut arriver à créer, en utilisant les ressources d’une 
exploitation rurale bien conduite et avec un personnel rela- 
tivement restreint, un parc d’acclimatation tout à fait remar- 
quable où vivent et se multiplient une foule d'animaux 
curieux. | 

Bull. Soc. nat. Acc. Fr, 1899, — 10. 


138 .__ BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


L'exemple de M. Pays-Mellier est l’un des meilleurs et des 
plus encourageants que l’on puisse proposer en France aux 
Membres de la Sociélé d Acclimatation, et c'est pourquoi, au 
risque de paraître indiscret auprès de mon distingué collègue, 
je les engage à aller prendre à la Pataudière, comme nous 
l'avons fait récemment, M. Debreuil et moi, la plus intéres- 
sante des lecons pratiques d’acclimatation. 

JULES DE GUERNE, 
Secrétaire général de la Société. 


Je n'ai pas l'intention, certes ! de faire, ici, un cours de 
zoologie : les ouvrages qui ont trait à cette science sont 
aujourd'hui assez nombreux, il est facile de les consulter, 
d'apprendre ou de se renseigner. 

Les pages suivantes et que certains peut-être trouveront 
trop longues sont, tout simplement, mes notes et mes 
remarques prises sur le vif au jour le jour, réunies et mises 
en ordre sur la demande expresse de la Sociélé nationale 
d'Acclimatation (1). 


CERFS. 


Les Cerfs comme les Antilopes ont, généralement, des 
formes élégantes et élancées : ils ont même des caractères qui 
les rapprochent. 

Ce qui les distingue ce sont les bois qui, chez les Cerfs, sont 
pleins et caducs, tombant tous les ans pour être remplacés 
par d’autres qui repoussent avec une rapidité extraordinaire. 

Les Cerfs mâles, seuls, portent ces bois qui sont pour eux 
des armes redoutables dont ils se servent pour se défendre ou 
pour attaquer. 

La seule exception dans le genre est la femelle du Renne, 
(Cervus tarandus\ qui a, aussi, des bois n’atteignant pas, 
il est vrai, les dimensions excessives de ceux du mâle, mais 
qui sont, cependant, très développés. 


{1) Les notes de M. Pays-Mellier ont fait l’objet de plusieurs communications 
aux séances de la Section des Mammifères, notamment le 9 janvier et le 
6 février 1899. Elles ont provoqué en outre, de la part de M. le Dr Trouessart, 
vice-président de cette Section, d’intéressantes remarques présentées en séance 
générale le 27 janvier 1899. 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 139 


Cerfs blancs (Cervus elaphus,var.alha), Rurope.—Tout 
le monde connaît notre Cerf commun et l’on doit regarder 
comme une simple variété de cette espece : le Cerf blanc qui 
n'est qu'un albinos. 

Les Cerfs blancs que je possède me viennent d'Allemagne; 
ils sont très beaux et très décoratifs. 

Leur taille est énorme, plus grande que celle des Cerfs de 
France et les bois du mâle sont gigantesques, à part cela, ils 
ont les mêmes mœurs que le Cerf ordinaire : ils sont très rusti- 
ques, résistent tres facilement à nos hivers les plus rigoureux 
etse reproduisent, chaque année, régulièrement à la fin de mai. 

J'ai remarqué que les grands bois du mäle sont beaucoup 
moins durs, plus cassants, plus poreux, plus friables que 
ceux des Cerfs de France. 


Cerf daim (Cervus dama), Europe. — Comme le Cerf 
élaphe, ce joli Cerf fauve avec ses nombreuses mouchetures 
blanches, est encore bien connu et commun dans les parcs, où 
il vit, souvent, à l’état presque domestique. 

J'ai eu deux variétés : l’une blanche, une autre noire ; ces 
différences de couleur caractérisent l’albinisme et le mé- 
lanisme; elles se sont transmises avec fixité par voie de 
génération. 

Le Daim est le seul Cerf à bois plats que nous ayons en 
France. 

Il se montre toujours très rustisque : à la Pataudière, ces 
animaux n'ont pour abri qu'un simple hangar, exposé au 
Nord et toujours ouvert. 

Ils deviennent vite familiers et se reproduisent très régu- 
lièrement, chaque année, élevant facilement leurs jeunes. 

En liberté, les Daims préfèrent aux grandes forêts épaisses, 
les bois entrecoupés de champset de collines. Lorqu'ils sont 
chassés, ils ne prennent pas de grands partis comme le Cerf, 
mais ils rusent et font souvent des retours et des randonnées 
peu longues, car ils sont moins vigoureux et moins vites que 
le Cerf et à courre, avec des Chiens rapides, ils résistent 
beaucoup moins longtemps. 


Cerf chevreuil (Capreolus capræa, Cervus capreolus), 
Europe. — Cette charmante et gracieuse espèce n'est pas rare 
en France; on la trouve dans toutes les forêts élevées de 
l'Europe tempérée. 


140 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Le Chevreuil est monogame; il vit avec sa femelle et ses 
petits de l’année, mais il résiste mal à la captivité. J'en ai eu 
beaucoup qui se reproduisaient parfaitement et qui élevaient 
leurs jeunes; mais je nai jamais pu les conserver bien 
longtemps dans leurs petits parcs de la Pataudière. 

Je crois que pour bien vivre il faut à ces animaux une 
liberté complète dans une grande forêt ou dans un très grand 
parc... ou, alors, au contraire, une captivité tout à fait 
étroite, même dans une écurie ! 

Toujours, ils meurent vite dans une demi-liberté, c’est-à- 
dire dans un petit parc renfermé. 

J'ai connu à Monts-sur-Guesnes, (Vienne), un médecin qui 
a gardé pendant de longues années, dans une écurie avec une 
toute petite cour de 3 ou 4 mètres carrés, un couple de 
Chevreuils apprivoisés très bien portants, dont il obtenait, 
régulièrement, deux jeunes chaque printemps. 

Le Chevreuil craint l'intensité du froid et quelquefois, 
pendant les hivers très rigoureux, on en trouve beaucoup de 
morts dans les forêts. 

La chasse du Chevreuil est, sans contredit, la chasse la plus 
difficile et la plus savante; rusant sans cesse, retournant sur 
ses pas en bondissant. il déroute les Chiens, se rase comme 
un Lièvre et se fait perdre très facilement. Aussi, ce charmant 
animal qui a, de plus, une grande vitesse et beaucoup de fonds, 
échappe souvent au chasseur le plus habile. 


Cerf renne. (Rangifer tarandus, Cervus tarandus), 
Laponie, Spitzberg, Groënland, etc. — Ce Cerf habite les 
contrées arctiques des deux continents, c’est au delà du 
cercle polaire, en Europe, en Asie, et dans l'Amérique du 
Nord, que l’on trouve le Renne. 

On le rencontre au Spitzberg, au Groënland, en Laponie, 
dans les parties les plus septentrionales de l'Asie et de l’'Amé- 
rique du Nord; il est remplacé dans le Sud du Canada par 
une espèce très voisine (Rangifer caribou). 

Le Renne est assurément le don le plus précieux que la 
nature ait fait aux régions polaires perdues la moitié de 
l’année sous de tristes frimas. 

Il sert à la fois de bête de trait et de somme et il est devenu 
indispensable à la vie de l’homme. 

Ce singulier animal, si lourd de formes, avec ses bois d’une 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 441 


dimension si extraordinaire, avec ses sabots larges, bien faits 
pour appuyer sur la neige sans y enfoncer est, en effet, depuis 
fort longtemps domestiqué en Laponie et dans la Russie 
septentrionale, où il est employé pour tirer sur la neige, avec 
une très grande rapidité, des espèces de traineaux. On dit 
qu'il peut faire, sans fatigue, des traites de plus de 30 lieues 
par jour. Sa chair est excellente et je recommande surtout, 
aux gourmets, les langues de Rennes fumées et conservées : 
que l’on trouve en Russie. 

Mes Rennes, à la Pataudière, sont très doux, très fami- 
liers : ils se nourrissent de pain, de maïs, de son avec un peu 
d'avoine, de carottes crues, de pommes de terre cuites, mais 
surtout de lichens qu'il leur faut absolument. 

Ils se reproduisent chaque année, mais la femelle ne donne 
qu'un petit et elle met bas, toujours vers la fin de juin ou au 
commencement de juillet, c’est-à-dire pendant les plus 
orandes chaleurs, ce qui nous fait perdre bien souvent les 
jeunes, malgré tous nos soins, dès les premiers jours de leur 
naissance. 

Les Rennes adultes souffrent aussi beaucoup pendant l’été 
et nous sommes obligés souvent de les rentrer dans une 
écurie sombre et de les toucher avec de l’eau froide. 

Ils ont une grande frayeur des Taons et le bourdonnement 
seul d’une Mouche suffit pour les affoler ; nous les frottons 
avec du crésyl ou autre produit qui éloigne ces Insectes. 

Ce Cerf a le nez garni de poil et comme je l’ai dit, la femelle 

porte aussi des bois, moins forts et moins longs toutefois que 
ceux du mâle. 
. Le bois de gauche des Rennes males, toujours plus déve- 
loppé que celui de droite, envoie en avant une branche qui 
longe le front et se termine au-dessus du nez par une large 
dilatation en forme de palette. 


Cerf axis. (Cervus axis), Bengale, Assam, Cochinchine, 
Ceylan. — Ce charmant animal se distingue nettement des 
autres Cerfs indiens par sa coloration immuable en toute 
saison, par la forme plus svelte de ses bois et par cette par- 
ticularité qu'offre son andouiller supérieur de naître à la 
face interne du merrain et d’être à peu pres vertical, tandis 
que chez la plupart des autres Cerfs, l’andouiller supérieur 
nait tantôt en avant et tantôt en arriere. 


142 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


L’Axis n'a pas de temps marqué pour le rut et le male 
ne maltraite pas ses biches, qui reproduisent en toutes 
saisons, n'ayant à chaque portée qu'un seul petit qu'elles 
élèvent facilement, sans mortalité. Ce joli Cerf est certaine- 
ment apte à vivre en France ; les résultats que nous obtenons 
depuis de longues années à la Pataudière ne laissent aucun 
doute à cet égard. Il serait le plus bel ornement de nos parcs. 
Extrémement vigoureux et résistant, mis en liberté au milieu 
des grandes forêts, il fournirait sûrement, des chasses à 
courre magnifiques. On ne sera donc pas surpris de nous voir 
faire des vœux pour que dans notre pays, On propage cette 
belle espèce... vœux qui, probablement, hélas ! et bien mal- 
heureusement, resteront stériles et irréalisables, car, en 
France, il n’y a pas d'amateurs et les chasseurs eux-mêmes, 
qui se plaignent sans cesse de la diminution et même de Ja 
disparition du gibier, ne veulent pas essayer ces beaux ani- 
maux que nous leur offrons avec toute garantie. 


Cerf cochon (Cervus porcinus, Rusa porcinus), Inde, 
Birmanie. — Ce Cerf habite le continent Indien; on prétend 
qu'il est à demi-domestiqué au Bengale où on l’engraisse pour 
le manger. 

Ses formes sont lourdes et massives et sa téte est grosse. 
Ses bois sont portés sur des meules beaucoup plus hautes que 
chez les autres Cerfs. 

Les Cerfs cochons se reproduisent, ici, depuis de longues 
années, en toutes saisons, aussi bien en été qu’en hiver et les 
jeunes s'élèvent toujours très facilement. A la Pataudière, ils 
n'ont qu'une cabane très froide, en plein Nord et toujours’ 
ouverte; ils résistent aux froids les plus rigoureux et ne 
paraissent jamais en souffrir. 

En liberté, ce Cerf a beaucoup de fonds, beaucoup de 
vigueur, mais pas une grande vitesse; aussi il ne fait pas de 
longs parcours en plaine et il se tient toujours dans les 
ronciers et les fourrés épais, d’où les Chiens ne peuvent le 
déloger. 

Le Cerf cochon s’apprivoise facilement; j'ai eu bien souvent 
plusieurs de ces animaux vivant en toute liberté et suivant 
leurs gardiens partout dans la campagne, n'ayant aucune 
crainte des Gens et s'en défendant fort bien lorsqu'ils en 
étaient poursuivis ! 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 143 


€ 


Je n'hésite donc pas à conseiller sa domestication dans 
notre pays, car sa chair est excellente. Toujours gras, bien 
portant, n'ayant besoin d'aucun soin, se nourrissant facile- 
ment, se contentant des restes des autres animaux, il 
fournirait des ressources alimentaires précieuses. 


Cerf sika (Cervus sika), Japon et Chine septentrionale. — 
Le Sika est tres rustique et supporte nos hivers les plus durs 
sans jamais en souffrir et ne s’abritant même pas dans sa 
cabane. Il entre en rut en septembre et octobre et les petits 
naissent en juin ou juillet. Les jeunes sont mouchetés de blanc 
et ils s'élèvent toujours avec la plus grande facilité. 

Malheureusement, à trois ans, les mâles deviennent tres 
méchants; au moment du rut, ils sont mêmesinapprochables.… 
toujours hérissés, toujours furieux, ils foncent stupidement 
sur leurs gardiens, brutalisent leurs biches et les tuent 
bien souvent. 

Depuis quelques années, après de nombreux accidents, j'ai 
pris l'habitude de faire scier les bois des mâles étalons; c’est 
le seul moyen, je crois, d'obtenir la reproduction sans danger 
pour les biches. 

Il est impossible, naturellement, de laisser deux mâles 
adultes ensemble, dans une étroite captivité. 

Le Cerf sika est très vigoureux et il court bien; devenu 
sauvage, il serait fort joli à chasser à courre et ce serait une 
belle et bonne introduction à faire pour le repeuplement 
des forêts. 


Cerf du Mexique (Cervus mexicanus, Cariacus mexmica- 
nus), Mexique. — Comme presque tous les Cerfs américains, 
ces animaux s’apprivoisent facilement et leur caractère est 
plus doux que celui des Cerfs de l’ancien continent. Ils sont 
élégants et tres gracieux; un peu plus petits et plus légers 
que les Cerfs de Virginie auxquels ils ressemblent d’ailleurs 
beaucoup. 

La Biche du Mexique donne, ordinairement, deux jeunes à 
chaque mise bas et elle se reproduit régulièrement à la fin de 
juin ou au commencement de juillet chaque année. 

Le Cerf du Mexique résiste bien à nos hivers et vit très bien 
en captivité. 

J'ai, en ce moment (1898), un jeune hybride mâle très beau, 


114 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


né, au printemps dernier, d’une jeune Biche de Virginie qui 
avait été couverte par un Cerf du Mexique. 


Cerf de Virginie (Cervus virginianus), Cerf cariacou 
(Cariacus virginianus), Mexique, Californie, Orégon, Mis- 
souri. — Ce Cerf qui habite l'Amérique du Nord, a deux colo- 
rations : en été, le pelage est couleur fauve tirant un peu sur 
le doré; la tête est d’un gris brun plus foncé au chanfrein et 
plus roux sur le front. En hiver, le pelage est gris et quel- 
quefois brun noirâtre. Le bois est remarquable par la forme 
concave de sa face antérieure. 

Les Cerfs de Virginie sont très rustiques et supportent bien 
les intempéries de notre climat; ils entrent en rut en novembre 
et les jeunes naissent en juillet. 

Ce joli animal avec sa tête longue et fine et son museau 
pointu est doux et d’une familiarité extraordinaire; tous ceux 
que j'ai et les Biches surtout, suivent comme des Chiens et 
aiment à se faire caresser. 


Cerf des bois, Guazou-Bira (Certus nemorivagus, 
Coussus nemorivagus). Le Cerf des bois se trouve au Para- 
guay, au Pérou, au Brésil. 

Ainsi que tous les Guazous, cette espèce est très douce, 
s'apprivoise fort bien et se familiarise même au point d'en 
devenir importune. 

Le Cerf reste toujours daguet et supporte bien le froid de 
nos hivers : nous ne rentrons jamais ces animaux, leur 
cabane, en bois couverte de bruyère, n’est pas très chaude. 

Ils se reproduisent en toutes saisons et élevent bien leurs 
jeunes. 

J'ai eu plusieurs produits d’une Biche Guazou-Bira avec 
un Cerf Guazou-Pila : ces deux espèces de Némorivagues 
s’accouplent volontiers entre elles. 


Cerf roux, Guazou-Pita, Coassou (Coassus rufus, Cer- 
vus simplicornis), Amérique méridionale. — Très joli Cerf 
daguet de la taille à peine d’un Chevreuil et d’une belle 
couleur brun-rouge-brillant. 

Sa tête est effilée et ses dagues à peine longues de 
3 pouces. 

Ces charmants animaux se reproduisent facilement, mais 


D 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 145 


nous les rentrons dans une écurie pendant les nuits trop 
froides de l'hiver. 

Ils suivent partout sans aucune crainte, sont très doux, 
aimant les caresses et léchant les mains, affectueusement, 
comme de jeunes Chiens. 

Le mâle et la femelle ont quelquefois une odeur infecte et 
suffocante : cette odeur est, je crois, plus forte au temps 
du rut. 

Un Cerf coassou a eu, ici, plusieurs reproductions avec 
une Biche némorivague. 


Cerf des champs, Guazou-Ti (Blasiocerus campestris, 
Cervus leucogaster), Amérique du Sud. — Le pelage, dans 
cette espèce, est fauve, le tour des yeux et une tache au 
bout de la lèvre supérieure sont de couleur blanche : à la 
place des cornes qu'elle n’a jamais, la femelle porte deux 
petits bouquets de poils blancs relevés. 

Le Guazou-Ti habite les pampas de l'Amérique du Sud et 
sa couleur est 2mmuable, comme celle de lous Les Cerfs de 
celle partie du Nouveau continent. 

Je ne possède, malheureusement, qu'une biche de cette 
espèce; W. Jamrach, de Londres, le grand importateur bien 
connu, m'écrivait dernièrement que depuis plus de dix ans, 
il cherchait ces animaux qu'il ne pouvait trouver. Ils sont 
donc très rares et la biche de la Pataudiere est, probablement, 
la seule vivant en Europe. 

Elle est tres jolie, très familière, très bien portante et elle 
s'est accouplée avec un joli Cerf Guazou-Bira, à peu près de 
même taille. 


Cerf muntjac, Cerf doré (Cervulus muntjac, Cervus 
aureus), Inde, Java, Sumatra. — Cette espèce n’est pas le 
Muntjac larmovant (Cervulus lacrymans) de Chine, qui se 
trouve au Jardin des Plantes de Paris. 

Les Muntjacs de la Pataudière viennent des îles de la 
Sonde et le premier couple avait été acheté par un Membre 
bien connu de la Société d’Acclimatalion, feu Cornély, du 
Château de Beaujardin, qui m'assurait, alors, que ces ani- 
maux, les premiers arrivant et les seuls existant en Europe, 
ne pourraient probablement pas résister aux hivers de notre 
région. | 


M PS 


146 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Aussi, avant les premiers froids, il me les avait cédés et ils 
m'étaient arrivés en assez bon état, après seulement quelques 
mois d'été passés dans le parc de Beaujardin, près de Tours. 

Pendant les premières années, en effet, ces Cerfs se mon- 
trèrent tres frileux et nous les tenions très chaudement, les 
rentrant dans une étable réchauffée par de nombreux ani- 
maux domestiques, dès les premiers jours d'octobre. 

Ils passaient ainsi tout l'hiver, jusqu'au mois de mai, 
toujours enfermés. 

Aujourd'hui, après de nombreuses années, après de nom- 
breuses reproductions, presque toujours réussies, mes 
Muntjacs sont acclimatés... Je ne les rentre plus, je ne les 
chauffe plus l'hiver... ils ont une cabane bien abritée, mais 
toujours ouverte d’où ils sortent tous les jours, dans leur 
parc, même par les plus grands froids. 

Ils se reproduisent en toutes saisonsæt élèvent leurs jeunes 
sans mortalité. 

Mes Muntjacs sont plus sveltes, un peu plus grands aussi et 
plus gracieux que les Munljacs larmoyants du Museum de 
Paris; leur couleur rouge-marron très vif est encore plus 
brillante, plus luisante et leur poil est très ras. 

Le mâle, dont les canines sont très longues, devient souvent 
méchant au bout de quelques années ; il poursuit et blesse 
souvent ses biches. 

Entre eux les mâles se battent et se tuent quelquefois, car 
ils sont très acharnés et ne veulent pas céder. 


Cerf de Reeves (Cervulus Reevesi), Chine méridionale. — 
Ces très petits Cerfs, plus petits que les Muntjacs, sont d’une 
rusticité à toute épreuve; ils se reproduisent en toutes 
saisons, même en hiver, et les froids les plus rigoureux les 
laissent insensibles. C’est bien, sans contredit, l'espèce la plus 
intéressante et la plus précieuse à introduire dans nos 
chasses, car elle se reproduit abondamment, sans aucune 
difficulté, dans les parcs les plus étroits et dans les plus 
mauvaises installations. Elle n'a besoin d'aucun soin, d’au- 
cune nourriture particulière et les Biches entrent de nou- 
veeu en rut sitôt leur mise bas. 

Maïs, encore une fois, je le répète, l’insouciance est telle 
en France, que ceux que la question intéresse, que ceux qui 
peuvent, ne veulent rien faire, rien essayer et qu’ils se Con- 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES.. 147 


tentent de se plaindre en voyant nos forêts se dépeupler 
davantage de jour en jour. 

Le Cervule de Reeves est très vigoureux; il court bien et 
tient bien les grands bois : sa chasse serait donc des plus amu- 
santes et il saurait résister longtemps et se bien défendre. 


Chevrotains (Tragulus). — Les Chevrotains sont encore 
assez peu connus: ce sont, en général, des animaux d'une 
extrême délicatesse qui ne peuvent pas supporter bien long- 
temps la captivité. 

J'en ai eu beaucoup, bien souvent, à la Pataudière, mais 
toujours, malgré les plus grands soins, je les voyais vite 
mourir au bout de peu de temps et je n’ai jamais pu en 
obtenir la reproduction. 

Chevrotain de Java (7ragulus napu) et Chevrotain 
Kanchil (7ragulus javanicus), habitent tous les deux Java 
et Sumatra, ce sont les deux seules espèces que j'ai eues à la 
Pataudière. 

Le Chevrotain de Java est le plus petit des Ruminants, sa 
taille ne dépasse pas celle du Lapin, mais toutes ses formes 
sont d’une élégance et d’une délicatesse admirables. 

Le Kanchil est un peu plus gros et un peu plus fort:il 
résiste un peu plus longtemps à la captivité. 

Mais tous les Chevrotains craignent énormément le froid et 
même pendant l'été, il faut les rentrer et les tenir chaude- 
ment la nuit. 

Ici, leur nourriture se compose de pain, de biscuits, d’un 
peu de son, d’un peu de riz crevé dans l’eau bouillante, de 
figues sèches, avec du maïs cassé et quelques grains d'avoine, 
des carottes coupées et d’un peu de luzerne bien feuillue, 


ANTILOPES. 


Les Antilopes appartiennent presque toutes à l'Ancien 
monde : elles sont confinées, comme au reste, presque toutes 
les espèces d'animaux, dans certaines limites plus ou moins 
étendues, qu'elles franchissent rarement et il y a entre elles 
un air de famille qui les fait distinguer au premier abord, 
malgré la diversité des formes. 


148 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Elles manquent de canines et ont des larmiers : leurs cornes 
sont persistantes et composées d’un noyau complètement 
solide et d'un étui creux et élastique. 

Ce sont, en général, des animaux de taille élancée et légère, 
très agiles à la course. 


Gazelle dorcas (Gazella dorcas), Algérie, Nord de 
l'Afrique. — Les Gazelles dorcas ont des cornes rondes et 
annelées dans les deux sexes. 

Elles s’apprivoisent facilement, mais les mâles adultes de- 
viennent toujours très méchants. 

J'en ai eu plusieurs fois la reproduction, et les jeunes se 
sont élevés assez facilement. 

La Dorcas est un peu plus rustique que les suivantes : ce- 
pendant, elle meurt vite en captivité. 

Souvent, les Gazelles paraissent gaies, bien portantes, puis, 
un matin, on les voit, tout à coup, tristes, couchées, laissant 


tomber leurs oreilles, ne mangeant plus et le soir, ou le len- 


demain, on les trouve inanimées sans savoir la cause de leur 
mort et sans avoir pu prévenir la maladie. 

Et c’est presque toujours ainsi que meurent les Gazelles 
de toutes les espèces ; à l’autopsie, on ne trouve aucun dé- 
sordre, ni aucune lésion dans l'organisme. 

Ces animaux si délicats, si susceptibles, regrettent süre- 
ment leur liberté et leur désert : captives, elles s’attristent et 
languissent. 


Gazelle d'Arabie (Gazella arabica), d'Arabie. — Mâles et 
femelles ont des cornes longues et annelées de treize à qua- 
torze gros anneaux saillants. 

Elles sont frileuses et l’on doit les rentrer chaque nuit et 
pendant tout l'hiver. Les mâles adultes, dans cette espèce, 
deviennent encore très méchants. 

Les femelles se reproduisent assez bien mais à des époques 
irrégulières. J’ai conservé une femelle pendant huit années à 
la Pataudière; c’est la seule Gazelle que j'ai vue vivre aussi 
longtemps en captivité ! 


Gazelle du Sénégal (Gazella rufifrons), Sénégal. — 
Une femelle de cette espèce s’est accouplée avec un mâle de 
G. Subgutllurosa dont elle a eu une jeune femelle. 

Cette Gazelle craint beaucoup le froid, 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 149 


Gazella leploceros, Sennaar, Kordofan. — Excessivement 
délicate et frileuse. J'ai eu un jeune mâle né d’un accouplement 
avec un mâle de G. arabica, et une femelle était née l’année 
précédente. 


Gazelle de Perse (Gazella subgutlurosa), Perse, Tar- 
tarie, Arménie. — On appelle cette Gazelle subgutturosa, 
parce que le mâle a le larynx très volumineux faisant saillie 
en dehors. 

Ses cornes sont longues et fortes, noires, annelées dans 
toute leur étendue et disposées en lyre. 

J'ai eu plusieurs fois des femelles de cette espèce qui avaient 
de petites cornes rudimentaires : mais le plus souvent, elles 
n’en ont pas. 

Cette Gazelle s’apprivoise facilement, mais comme toujours 
là encore, les mâles deviennent très méchants. Au château 
de Beaujardin, j'en ai vu en liberté, qui poursuivaient et 
blessaient les personnes ainsi que tous les animaux du pare, 
plus forts qu'eux. 

M. Cornély avait été lui-même attaqué par un de ces 
mâles et il avait dü, pour s’en défendre, faire usage de son 
fusil. 

L'animal blessé n'était pas corrigé et il était devenu si 
dangereux qu'on avait dû le faire abattre. 

J'en ai possédé moi-même de très méchants à la Pataudière 
et plusieurs fois j'ai eu des femelles tuées par les mâles. 

Cette espèce vit bien en captivité et se reproduit facilement, 
donnant d'ordinaire deux jeunes à chaque mise bas ; quelque- 
fois même trois. 

Cette Gazelle résiste au froid de notre pays; ici, nous les 
laissons tout l'hiver dehors, avec une cabane pas très chaude 
pour abri. 

C'est, je crois, la seule espèce qui puisse supporter notre 
climat. 


Antilope des Indes (Anliiope cervicapra), Inde. — Cette 
jolie Antilope vigoureuse et trapue a des cornes noires, à 
triples courbures, tordues en spirale, à anneaux nombreux. 

Elle a de très grands larmiers et des brosses aux genoux. 

La femelle n’a pas de cornes; elle porte neuf mois et ne 
fait qu'un petit. 


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150 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. ; 


Ces animaux sont très rapides à la course et peuvent 
sauter à une très grande hauteur. 

Rien n'est joli comme de voir toute ma bande d'Antilopes 
des Indes, courir, en jouant, dans leur parc, bondissant à qui 
mieux mieux, avec une facilité de mouvement et une agilité 
incroyables, qui dénontent chez ces animaux une force 
musculaire étonnante et des ressorts d’une élasticité incom- 
parable. Ils touchent à peine terre et ils rebondissent sans 
cesse, s’élancant, passant comme une fièche devant les yeux 
éblouis, avec une vigueur si souple qu'ils ne se heurtent 
me, jamais aux grillages de leur enclos. 


De Ce sont des animaux très robustes qui vivent parfaitement 
Si en captivité et qui se reproduisent avec la plus grande facilité, 
Ee . en toutes saisons. Ils supportent très bien les froids les plus. 

. rigoureux de nos hivers, sans en souffrir et ils n'ont besoin. 

à d'aucun soin particulier. 

d : 3 Cette espèce s’apprivoise tres bien ef j'ai eu, à la Pataudière, 


un mäle d'A. cervicapra vivant en toute liberté et d’une 
familiarité vraiment extraordinaire. 

Tout le monde, dans le pays, a connu Papillon qui suivait 
encore, l'an dernier, son gardien, partout, dans la campagne, 
ne s’effrayant jamais et se promenant dans nos cours en tout 
temps, quémandant sans cesse une friandise à fous ceux qui 
passaient et les ennuyant, bien souvent, par son extrême 
*- sans-gêéne. | 

J'ai dû m'en défaire à cause de cette cramponnante fami- 
À liarité, car il entrait partout, dans la cuisine et dans tous 
- 204 les appartements dont il trouvait la porte ouverte... et il ne. 
Fe. voulait plus en sortir avant d’avoir obtenu de nombreux 
morceaux de sucre qu'il aimait avec passion. 


Antilope algazelle, Antilope leucoryx (Oryxæ leuco- 
Fa ryx), Nubie, Sénégal. — Les cornes -sont noires, gréles, 
e arrondies, annelées dans leur moitié inférieure, légèrement 
# courbées en arc de cercle et très longues. 
5 Les femelles ressemblent aux mâles, mais elles ont des 
| cornes moins grosses, tout aussi longues. 

L'Oryx leucoryæ habite la Nubie jusqu'au Sénégal. 

À Cette espèce est probablement l'Oryæ des anciens qui est 
x souvent représenté sur les monuments d'Egypte, de profil et 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 4151 


avec une seule corne, la seconde étant comprise dans le 
méme plan. Ce sont peut-être ces figures mal interprétées 
qui ont donné lieu à la fable de la Licorne. 

Mes Oryx leucoryx se reproduisent, mais à des époques 
irrégulières ; j'ai eu des jeunes en janvier et dans tous les 
mois de l’année. 

Autrefois, nous les rentrions dans une écurie pendant 
l'hiver, car ces animaux me paraissaient frileux ; aujour- 
d'hui, nous les laissons dehors, toute l’année. 

Ils ont une bonne cabane bien exposée au Midi et chaude 
pour s’abriter et ils passent ainsi, très bien, toute la mau- 
vaise saison. 

Les mâles adultes deviennent terribles et dangereux pour 
leurs gardiens. Ils sont tres courageux, chargent les hommes 
qui ne peuvent pas facilement s’en défendre, car il faudrait 
les tuer pour les faire reculer. 

Le fouet, le bâton, ne peut que les irriter. J'ai essayé 
même le feu, des torches pétillantes, un fer rouge, rien ne 
les arrête ; ils foncent avec colère, quand même. 

J'ai fait castrer un male qui était devenu teliement 
méchant, qu'on ne pouvait pas même passer devant les 
grillages de son parc. Il brisait tout!... 

Malgré cette cruelle opération, il était resté aussi méchant 
et aussi dangereux. ; 

Je l’ai envoyé au Jardin du Bois de Boulogne où je l’ai 
revu longtemps après; il paraissait doux et les gardiens 
m'assurèrent qu'il n'avait plus ses colères et ses stupides 
fureurs d'autrefois. 

On dit que cet animal se défend du Lion. Je n’en suis point 
surpris, car je l’ai vu terrible bien souvent, quand, sur les 
deux genoux, il se précipite comme l'éclair, faisant avec ses 
cornes d’acier si pointues, un #2oulinel inapprochable et 
bien redoutable. ; 


Antilope nanguer, Antilope dama (Gazella mohr), 
Nubie, Sénégal. — Les cornes sont noires, fortes, annelées 
sur les trois quarts de leur longueur, brusquement courbées 
en avant. 

Les femelles ont aussi des cornes moins fortes, ayant la 
même direction que celles des mâles. 

Cette magnifique espèce est d'une légèreté incroyable, elle 


152 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


bondit avec une grâce merveilleuse et elle est certainement 
la plus décorative des Antilopes, dans un parc. 

Elle se reproduit facilement à des époques irrégulières. 

Mais les mâles deviennent encore extrêmement méchants. 
Ils attaquent même leurs femelles et sont très désagréables 
parce que toute la journée, ils défoncent, brisent leurs grillages 
avec leurs cornes puissantes. 

J'ai eu un mâle superbe qu’on ne pouvait panser ; il fallait 
lui jeter sa nourriture et s'enfuir à la hâte, car il ne laissait 
entrer personne dans son enclos. 

Un matin, le gardien a trouvé sa femelle prête à mettre 
bas, rälant dans la cabane; le mâle lui avait ouvert la 
poitrine et couvert le corps d’affreux coups de cornes... 


Antilope guib, Boute-bock (Antilope scripla, Tragela- 
phus scriplus), Sénégal. — Encore une bien belle espèce avec 
son pelage fauve-marron, marqué de bandes blanches trans- 
versales et de taches rondes blanches aussi, éparses et 
nombreuses sur les flancs et sur les cuisses. 

Ses cornes assez courtes, ont deux arêtes saillantes, 
décrivent un tour et demi de spirale et sont très pointues. 

Ces si jolis animaux se reproduisent facilement ; les mâles 
jeunes et les femelles sont charmants, d’une familiarité 
extrême et très caressants. J’en ai eu qui suivaient comme 
des Chiens et qui venaient à mon appel. 

Mais un rien les effraie et leur fait perdre la tête. Ici, ils 
avaient une peur folle surtout de l'orage et du tonnerre; ils 
se précipitaient alors sur les grillages, contre les arbres, les 
murs et tous les obstacles. Ils s’abimaient et se blessaient, 
car rien ne pouvait les calmer. 

Mais les mâles adultes sont encore plus impossibles. 

À Beaujardin, le gardien faillit être tué par un Guib mâle. 

A la Pataudière, un Guib a ouvert et brisé la mâchoire 
inférieure de sa femelle. 


Antilope nagor (Antilope redunca), Sénégal. — Les 
cornes du mâle sont rondes, de la longueur de la tête, cour- 
bées en arc, la pointe en avant. 

La femelle n’a pas de cornes. 

Ces animaux se reproduisent facilement, mais ils sont fri- 
leux et nous les rentrons pendant l’hiver. 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 153 


Les mäles, comme presque toujours, chez les Antilopes, 
deviennent très méchants en prenant des années. 


Antilope à quatre cornes. A. tchickara (Amilope 
quadricornis. Tetracerus quadricornis), Népaul. — Deux 
cornes courtes et coniques en avant, sur le front, entre les 
yeux, deux autres plus longues en arrière, plus grosses, 
lisses, très pointues. Pas de cornes chez la femelle qui res- 
semble au mâle comme taille et comme pelage, lequel est 
fauve uniforme formé de poils assez épais et assez longs. 

J'ai eu des mâles, de cette espèce, extrêmement méchants : 
en ce moment (1898), j'en ai deux, depuis deux années, à la 
Pataudière, qui sont restés très doux et très familiers. Ils se 
hérissent et se cabrent quand on entre dans leur parc, mais 
ils ne font aucun mal et se laissent caresser. 

Je n’ai plus qu'une femelle qui vit avec ces deux mâles et 
qui va mettre bas au premier jour; elle est, elle aussi, tres 
familière et très caressante. Je rentre encore ces animaux 
pendant les nuits froides de l'hiver. 


Antilope à nez noir (Cephalophus niger), Guinée. — 
W. Jamrach, de Londres, m'avait envoyé un couple de ces 
petites Antilopes en m’assurant qu'elles étaient les premieres 
importées et les seules vivant en Europe. ë 

Après avoir passé l'hiver, renfermés dans une étable 
chaude, ces animaux ont eu, au printemps suivant, une jeune 
femelle qui a été élevée parfaitement par la mère et qui est 
devenue forte et belle. 

Ce sont de très jolies bêtes, fines, élégantes, d’un brun noi- 
râtre, avec le dessus du nez et de la tête roux sombre. 

Le mâle seul a des cornes courtes, noires et droites. 

Mäles et femelles ont sur la tête un petit bouquet de poils 
noirs, droits et longs. 

Ces Antilopes craignent beaucoup le froid. 


Antilope Guevei {Anlilope Maxwelli ; Cephalophus 
Maxwelli), Sénégal, Sierra-Léone, Gambie. — Cette espèce 
naine a des cornes courtes, mais fortes et annelées à la base. 
Les femelles ont aussi des cornes un peu moins grosses que 
celles des mäles, mais aussi longues. 

J'ai toujours lu, dans tous les traités d'histoire naturelle, 

Bull. Soc. nat. Accl, Fr. 1899, — 11, 


154 BULLETIN DE LA SUCIÉIÉ D’ACCLIMATATION. 


que les mâles seuls, de ces petites Antilopes avaient des 
cornes et que les femelles n’en avaient jamais !... 

Maïs, n’en déplaise à tous les auteurs qui ont étudié et 
écrit sur la matière, dans la solitude du cabinet, j'affirme 
pour ma part que, dans cette espèce, les deux sexes ont des 
cornes et j'affirme hardiment, sans crainte de me tromper, 
puisque j'en parle de visu, possédant toujours et depuis long- 
temps, à la Pataudière, et souvent en grand nombre, ces 
mignonnes Antilopes (1). 

Elles se reproduisent bien, mais les mâles adultes se battent 
souvent en se jetant sur les genoux et se frappant, avec 
ardeur, au moment du rut des femelles qui a lieu, en toutes 
saisons. 

Tres fragiles, très frileuses, ces jolies petites bêtes sont 
rentrées dès les premiers froids. 


(A suivre.) 


(4) Le fait est aujourd’hui bien connu. (Vote de la Rédaction.) 


SUR DES IGNAMES DE CHINE 
ENVOYÉES À LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION PAR LE PROFESSEUR HECKEL 
ET SUR DEUX ESPÈCES D’IGNAMES 


NOUVELLEMENT INTRODUITES DE LA CHINE 


par Paul CHAPPELLIER (1) 


Notre savant collècue, M. Heckel, professeur à la Faculte 
des sciences de Marseille, a bien voulu adresser à la Sociélé 
des tubercules d'Igname en demandant deles faire examiner ; 
ils m'ont été confiés et je viens vous rendre compte de cet 
examen. 

Permettez-moi pour faciliter mes explications, quelques 
généralités préliminaires. 

L’Igname de Chine est un bon légume et cependant elle est 
peu cultivée. La raison de cette sorte d'abandon est bien 
connue, la voici : 

À côté de ses nombreuses qualités, elle a un défaut, la lon- 
sueur de son tubercule, 10 à 80 centimètres, ce qui entraine 
quelques difficultés pour sa culture et son arrachage. 

La Société d'Acclimatation connaissant et ces qualités et 
ce défaut, a ouvert il y a longtemps déjà un concours pour 
l'introduction ou la production d’une variété à tubercule 
court. 

Depuis cette époque, plusieurs espèces exotiques ont été 
introduites dans ce but. Je n’en citerai que deux. 

M. Paillieux, notre regretté collègue, nous a présenté le 
D. Decaisneana ; cette espèce, déjà connue du reste, a une 
forme très ramassée et végète assez bien sous notre climat, 
mais son produit est presque nul. 

Plus récemment, j'ai appelé votre attention sur le D. glo- 
bosa ; la forme de cette espèce est presque sphérique comme 
l'indique son qualificatif, et elle est cultivée en grand à Cal- 
cutta. Sur ma demande la Sociélé en a fait venir des tuber- 
cules. Mais je n’ai pu en réussir la culture en plein air parce 


(1) Communication faite en séance générale le 27 janvier 1899, 


156 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


qu'elle exige beaucoup plus de chaleur que celle dont nous 
disposons sous notre climat tempéré. 

J'ai dû me borner à les envoyer par l'intermédiaire obli- 
geant du secrétaire de notre Section coloniale M. Bourdarie, à 
M. Chalot, directeur du Jardin d'essai de Libreville au Congo. 

Aucune des espèces exotiques introduites n'ayant donné de 
résultats pratiques, il fallait se résigner à tenter d'en produire 
une par les moyens usités en pareil cas ; hybridation, semis 
sélection, etc. C’est la tâche que j'ai entreprise depuis dix ans. 

Je vous ai rendu compte à plusieurs reprises de mes essais. 

Notre collègue M. Heckel, voyant que mes expériences se 
prolongeaient indéfiniment sans amener de résultats, a pensé 
qu'on pourrait atteindre le même but par un procédé plus 
simple et plus prompt. 

D'après ses indications M. le capitaine Dubiau, vice-prési- 
dent de la Société d’horticulture des Bouches-du-Rhône, a 
entrepris des essais et nous a envoyé des spécimens des pro- 
duits de ses deux premières campagnes. 

Ceux que nous avons reçus, il y a deux ans, m'ont été con- 
fiés ; je les ai plantés. 

Dans le compte rendu de leur culture publié dans le Bul- 
letin, (février 1898), je vous ai fait savoir que les tubercules 
que j'avais obtenus étaient très allongés et entièrement sem- 
blables au type originel. 

Un seul toutefois méritait une mention spéciale, parce qu'il 
était bifurqué. Je l’ai replanté de nouveau et j'ai constaté que 
cette bifurcation était accidentelle; elle ne s’est pas repro- 
duite dans cette seconde année de culture. 

Cette première expérience de M. Dubiau n’a donc pas 
donné les résultats qu'il en attendait. 

Voici maintenant deux tubercules provenant de son 
deuxième essai, la Société les a recus en novembre dernier 
(1898), fig. 1, A et B. 

Sans atteindre encore le but cherché, ils s'en rapprochent 
mieux que les premiers. 

Mais leur forme ramassée ne semble pas naturelle. 

Elle paraît devoir être attribuée, au moins en grande partie, 
à ce que le tubercule est venu buter contre un corps étran- 
ger, ce qui l’a forcé à se contourner, à se replier sur lui- 
même ; si cet obstacle n'avait pas arrêté son développement 
normal, le tubercule aurait probablement obéi à sa tendance 


ne (ee 


CRUekEART Se. 


Fig. 1. — Ignames de Chine (voir le Lexte). 


L’échelle placée au bas des figures correspond à 10 centimètres, 


SUR DES IGNAMES DE CHINE. 159 


naturelle à s’enfoncer perpendiculairement dans le sol, et il 
aurait pris une forme plus allongée. 

Quel peut être ce corps étranger? Une racine, un mor- 
ceau de bois, une pierre ? Je croirais plutôt à un tesson de pot 
à fleur. 

Est-ce par oubli ou négligence que le jardinier de M. Dubiau 
a laissé ce corps étranger dans le sol? Ou bien peut-être, 
connaissant le but poursuivi par son maître, aura-t-il cru bien 
faire en interposant cet obstacle pour empêcher l'allongement 
du tubercule ? 

Je ne sais, mais ce qui est certain, c’est le fait lui-même, et 
l'empreinte laissée sur la partie inférieure du tubercule par le 
corps étranger ne peut laisser aucun doute sur ce point ainsi 
que vous pouvez le constater. 

Cette négligence volontaire ou intentionnelle du jardinier de 
M. Dubiau est regrettable, car elle ne nous permet pas de 
formuler avec précision le résultat de l'examen que M. Heckel 
a bien voulu confier à la Société. 

Pour compléter cet examen, il me paraît nécessaire de 
remettre ces tubercules à deux de nos collègues qui voudront 
bien se charger de les cultiver et de nous rendre compte du 
résultat qu'ils obtiendront de cette culture. 

Laissez-moi vous rappeler à ce propos. que l'interposition 
d’un obstacle dans le but d'empêcher l’allongement du tuber- 
cule de l’Igname a été conseillée et employée bien souvent. 
Certains jardiniers ont été jusqu'à planchéier, paver, bitu- 
mer le fond des plates-bandes où ils cultivaient cette plante, 
mais ce procédé n'a jamais donné de résultat pratique. Le 
tubercule, en s’incurvant et se contournant sur lui-même, 
rendait d’abord l’'épluchage très difficile et surtout la végéta- 
tion devenait anormale et défectueuse. 

J’ai cependant essayé de régulariser ce procédé artificiel et 
j y suis arrivé jusqu'à un certain point, ainsi que vous pou- 
vez le voir par ce spécimen en spirale, fig. 1, C. Mais je con- 
seillerai ce mode de culture tout au plus pour le cas excep- 
tionnel d’une couche arable peu épaisse où une défonce de 
80 centimètres est rendue impossible par la nature d’un sous- 
sol glaiseux, pierreux ou tuffeux. 

J'ai décrit ce procédé artificiel dans le Bulletin de la Société 
d'Acclimatalion (5 mai 1895). 

Sur mon spécimen comme sur ceux de M. Dubiau, l’em- 


460 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


preinte laissée par l'obstacle qui s’est opposé à l'allongement 
est manifeste. C'est un pot à fleur que j'ai employé avec un 
mode spécial de culture. 

Dans la lettre accompagnant l'envoi des tubercules de 
M. Dubiau, M. Heckel nous dit : . 

« J’ai entrepris parallèlement des essais dans le même sens 
au Jardin botanique de Marseille; j'en ferai connaître le 
résultat prochainement. » 

Nous recevrons avec grand plaisir la communication de 
notre collègue, l'examen des nouveaux résultats obtenus par 
lui devant présenter un réel intérêt. à 

Je dois d’ailleurs ajouter qu'il n’a pas imité la réserve 
de certains inventeurs qui cachent jalousement leur procédé ; 
ila bien voulu nous indiquer celui qu’il a imaginé. Voici en 
quels termes il s'exprime : 

« M. Dubiau procède suivant mes indications en utilisant 
» pour la propagation des plants dont il veut sphériser les 
» tubercules, des points spéciaux (polaires) des tubercules 
» dont les éclats sont mis en plantation. » 

Nous devons remercier M. Heckel de nous avoir ainsi indi- 
qué son procédé; mais il est regrettable qu'il ne précise pas 
autrement ce qu’il entend par cette expression points spéciaux 
(polaires). ; 

Ne trouvant rien à ce sujet, ni dans mes très faibles con- 
naissances physiologiques, en botanique, ni dans les ouvrages 
dont je dispose, j'ai consulté plusieurs personnes compé- 
tentes: Leur opinion peut se résumer dans les quelques lignes 
suivantes, que l’une d'elles m'a écrites : 

« Je ne puis rien vous dire sur la signification de ces points 
» spéciaux (polaires). C’est là une dénomination de fantaisie, 
» répondant sans doute à une théorie spéciale à l’auteur et de 
» la valeur de laquelle il est bien difficile de se faire une idée 
» sans autre renseignement que des termes inconnus jusqu’à 
» présent. » 

M. Heckel nous rendrait service s’il voulait bien compléter 
sa communication en précisant ce qu'il entend par ces mots : 
points spéciaux (polaires). 

Je vous demande à insister sur cette théorie, car elle pour- 
rait peut-être intéresser d’autres plantes que l'Igname. 

Je m'explique : 

Vous savez à quel point l’agriculture française se préoc- 


SUR DES IGNAMES DE CHINE, 161 


cupe en ce moment d’une grosse question : l'application 
industrielle de l’alcool à l'éclairage et à la force motrice, ce 
qui permettrait de remplacer au moins en grande partie, le 
pétrole, produit étranger etimporté, par l’alcool, produit na- 
tional. Ce serait un débouché considérable ouvert à la culture 
de diverses plantes, notamment la Betterave, la Pomme de 
terre et aussi le Topinambour quise contente de certains sols 
médiocres où les deux premières ne peuvent HHOSENE 

Parlons seulement de la Betterave. 

Autrefois le cultivateur, pour faire sa graine, se contentait 
de choisir dans ses champs quelques plants parmi les mieux 
constitués. 

Plus tard, on a perfectionné cette méthode. Dans chacune 
des racines de choix, on a enlevé au moyen d'une sorte de 
gouge de petits cylindres de pulpe, puis on les à analysés ; et 
ceux qui ont accusé une plus grande teneur en sucre ont 
permis d'opérer une sélection plus sévère. 

Mais, dans ces deux cas, on se contentait de planter au 
printemps la racine choisie et d’en récolter la graine. 

Aujourd'hui on fait mieux. 

Le choix est encore plus sévère; on ne conserve dès lors 
que des sujets de surchoix tout à fait exceptionnels et par 
suite très peu nombreux, et cependant on ne diminue pas le 
nombre des graines produites. Pour y arriver, on place ces 
Betteraves de surchoix, de très bonne heure sous couche 
chaude ; sous l'influence de cette chaleur artificielle, il se 
développe sur chaque racine un très grand nombre d’yeux, on 
les sépare du pied mère et on les plante, toujours sous couche, 
dans de très petits godets. Après deux rempotages ils sont de- 
venus assez forts pour être placés en pleine terre. Ce procédé 
permet de récolter un beaucoup plus grand nombre de graines 
que si l’on s'était contenté de planter la racine tout entière 
toutefois quelques expérimentateurs pensent que ces graines 
de bouture auraient moins de qualité que celles qu'on obtien- 
drait en plantant le pied mère lui-même. 

Quoi qu'il en soit, si on réfléchit à ce que je viens de vous 
rappeler, on est porté à se demander si parmi ces yeux si 
nombreux d’une Betterave, il y en aurait, comme dans 
l’Igname, quelques-uns qui proviendraient de ces points 
spéciaux (polaires) privilégiés signalés par M. Heckel. 

S'il en était ainsi, il y aurait grand intérêt à appliquer le 


Ce 


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LS 


162 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


procédé de notre collègue non seulement à la Betterave, mais 
encore peut-être à d'autres plantes à tubercule, rhizome ou 
racine aptes à être multipliées par fragmentation, telles que 
Pomme de terre, Topinambour, Carotte, Rutabaga, etc. 

Pour répondre à la demande d'examen qui nous a été faite, 
je vous propose, de résumer comme suit le résultat de cet 
examen. 

Les premiers spécimens présentés il y a deux ans ne sem- 
blaient pas offrir d'intérêt, puisque, plantés l’année suivante, 
ils sont nettement retournés au type fusiforme très allongé. 

Ceux que nous avons recus cette année se rapprochent 
davantage du but que poursuit la Société d'Acclimatation, 
mais cette seconde expérience perd beaucoup de sa valeur 
par ce fait que leur renfiement et leur incurvation paraissent 
être dus surtout à une cause accidentelle, je veux dire à 
l'interposition d’un corps étranger qui s’est opposé à leur 
allongement normal. 

Enfin le plus grand intérêt de la communication de M. Heckel 
semble bien consister dans la nouvelle théorie qu'il nous 
présente surtout si elle peut s'appliquer à d’autres plantes à 
tubercules ou rhizome que l'Igname. 

De toute facon, je vous propose : 

1° D’adresser à MM. Heckel et Dubiau, nos plus vifs remer- 
ciements pour leur intéressante communication : 

2° De les encourager à continuer leurs essais: 

3° De remettre ces tubercules à deux membres de la Sociélé 
qui les cultiveront et rendront compte de leur culture ; 

4 De prier M. Heckel de vouloir bien nous faire connaître, 
ainsi qu'il nous l’a annoncé, le résultat de ses expériences 
personnelles ; 

5° De lui demander, si ce n’est pas indiscret : Quels sont 
ces points spéciaux (polaires) qu'il utilise sur l’'Igname ; et si 
ces points privilégiés existent également sur d’autres plantes 
susceptibles d'être multipliées par fragmentation, telles que : 
Betteraves, Pommes de terre, Topinambours, Rayes, etc. 

Je désirerais vous dire encore quelques mots au sujet de 
deux nouvelles espèces ou variétés d'Ignames. 

Au printemps dernier, M. Maurice de Vilmorin m'a confié 
une très petite Igname qu'il avait recue de M. l'abbé Farges, 
missionnaire au Se-Tchuen. 

La voici fig. 2, D. et E. 


C. FocrErT Se, 


Fig. 3. — D, E, Dioscorea sp. ? H, 1, Dioscorea Fargesi FRANCHET. 


L’échelle placée au bas des figures correspond à 10 centimètres. 


SUR DES IGNAMES DE CHINE. 165 


Le tubercule est de faible dimension, mais il n'y a pas lieu 
de s’en étonner, au contraire ; en effet la plantule que j'avais 
recue était dans un très petit godet, 10 cent. environ; la 
végétation n'ayant pas pris béaucoup d'extension, je n’ai pas 
cru devoir la rempoter dans un plus grand vase. Aussi lors 
de l'arrachage, j'ai été surpris de trouver un tubercule aussi 
développé dans un aussi petit pot et avec une aussi faible 
végétation. 

Cette Igname a beaucoup de rapport avecl'Igname de Chine : 
feuilles entières et lisses, bulbilles pareilles et peu nom- 
breuses, tige volubile dans le mème sens, enfin tubercule 
analogue. 

La seule différence que je puisse constater, c'est le brusque 
renflement et la bifurcation de l'extrémité du tubercule; il est 
possible que cette déformation provienne de la faible dimension 
du vase où il a été cultivé et que l’an prochain ces parti- 
cularités aient disparu; dans ce cas cette plante serait tout 
simplement l'Igname de Chine; si au contraire cette forme 
anormale persistait, nous aurions affaire à une variété 
intéressante. 

Voici enfin une autre espèce fig. 2, H et I. 

Il y a trois ans, M. Maurice de Vilmorin m'avait déjà confié 
- quelques bulbilles envoyées également par M. l'abbé Farges. 
Elles avaient poussé dans la caisse d’envoi et étaient en assez 
mauvais état, aussi n’ai-je obtenu que des tubercules de la 
grosseur à peine d’une noix, ainsi que je l’ai dit ici même 
(Bulletin, février 1898). 

Cette année, la plante a pris un plus grand développement 
_et le tubercule que je vous présente est assez gros pour être 
utilisé comme légume. 

Cette Igname differe entièrement de celle de Chine. 

La feuille est velue et composée de 3 à 5 folioles, tandis que 
celle de l’Igname de Chine est entière et lisse; la tige est 
filiforme et de plus, ce qui constitue un caractère botanique 
important, sa volubilité s'exerce dans un sens contraire à celle 
de l'Igname de Chine; les bulbilles aériennes ne sont pas 
pareilles et sont beaucoup plus nombreuses ce qui en facili- 
tera la multiplication. Enfin et surtout, le tubercule est fran- 
chement sphérique et sur ce point important il donne entière 
satisfaction au desideratum de la Sociélé d’Acclimatlalion. 

Cette Igname a parfaitement végété en plein air dans les 


166 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


mêmes conditions que l'Igname de Chine et sans aucun soin 
spécial. à 

C'était du reste à prévoir, puisque son habitat se trouve à 
upe altitude d'environ 1,400 mètres d’après M. Franchet, 
botaniste du Museum qui a déterminé cette plante et lui a 
donné le nom de Dioscorea Fargesi, Igname de Farges. 

Reste une question très importante : cette Igname sera-t-elle 
comestible et de bonne qualité? C’est l'avis de M. D. Bois, qui 
a eu l’occasion d’en goûter. 

Sur ce point, je ne puis rien vous dire aujourd'hui, mais 
j'espère être en mesure de le faire cet automne si les bulbilles 
que je vais planter réussissent. Mais nous avons dès à présent 
une présomption encourageante; en effet, la fiche de l'herbier 
du Museum porte ces mots : racine tubéreuse comestible. 

En résumé, tout ce que nous savons sur cette nouvelle 
espèce nous autorise à dire qu'elle offre jusqu'à présent un 
réel intérêt. 

Dans la séance du 6 mars 1899, de la Section de botanique, 
M. Ch. Rivière a insisté sur la possibilité de l'obtention de 
variétés par simple sélection; c'est dans cet ordre d'idées que 
rentre le procédé indiqué par M. Heckel. 

M. Rivière a mentionné un certain nombre de variétés ou 
races obtenues sans l'intervention des semis des graines. 

Il a cité entre autres cas la création au Jardin d'essai du 
Hamma par sélection d'une race fort intéressante de Ba- 
nanier. Il a aussi rappelé le fait suivant qui vient à l'appui 
de la même thèse. 

La Section de viticulture de la Société des agriculteurs de 
France (Bulletin, 15 juillet 1897, p. 385), a ouvert sur ma 
demande un concours pour l'examen expérimental de la 
proposition suivante que j'ai exposée devant elle : 

« Sur un même sarment de Vigne, il y a des yeux qui, par le 
fait seul du rang qu'ils occupent sur ce sarment, sont plus 
fructifères. 

« Le nombre et la position de ces yeux ne sont pas les 
mêmes sur tous les cépages. 

« Cette aptitude spéciale peut se transmettre et se per- 
pétuer par la greffe. 

Le greffage réitéré (in and in) de ces yeux privilégiés peut 
amener la création et la fixation d'une race plus fructifère. » 


167 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


22 SECTION (ORNITHOLOGIE. — AVICULTURE). 
SÉANCE DU 13 FÉVRIER 1899. 


PRÉSIDENCE DE M. REMY SAINT-LOUP, VICE-PRÉSIDENT. 


M. Oustalet, président, s'excuse de ne pouvoir assister à la 
réunion. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Il est procédé au dépouillement de la correspondance. M. Kien 
demande s'il serait possible d'élever l’Autruche africaine dans la 
Republique Argentine aux lieu et place du Nandou dont les produits ne 
sont pas assez rémunérateurs. La collection des Bulletins de la Societe 
renferme un grand nombre d'articles sur l’Autruche d'Afrique où 
M. Kien pourra trouver beaucoup de notions pratiques. M. le Président 
ajoute que l’on trouverait en outre dans son ouvrage sur les Oiseaux 
de parc quelques renseignements utiles. M. Perron, qui s'occupe 
actuellement de l’organisation d’une Autrucherie au Soudan, pourrait 
également fournir de précieuses indications. 

Une discussion s'engage sur le prix de revient de la nourriture 
des Nandous élevés en captivité en France. D’après M. Chérer, 
M. Barrachin a éleve des Nandous avec du pain, mais il est évident 
que cette alimentation coûterait beaucoup trop cher. M. Paul Uginet 
conserve des Nandous en liberté, sans frais, dans le département du 
Calvados. Pendant l'été, ces Oiseaux paissent dans les prés sans 
demander aucun soin ; l'hiver, on leur donne des betleraves coupées 
en morceaux. Cette alimentation, qui réussit bien, a l'avantage d'être 
très économique. 

M, Remy Saint-Loup signale chez les Nandous un Tœnia qui ne 
semble pas nuire à leur santé. L'on voit fréquemment des morceaux 
de ce Ver dans l'herbe des prairies où sont parqués les Nandous. Il 
est à souhaiter que l'espèce soit étudiée et déterminée par un 
spécialiste. 

M. Debreuil communique une lettre de M. Pays-Mellier, relative à 
un Dromæus, qui ne boit ni ne mange depuis qu’il couve. 

Lecture es tdonnée d'une communication de M. G. Rogeron sur les 
Singularités du plumage chez le Canard sauvage. Cette étude a été 
rédigée pour le Congrès des Sociélés savantes qui doit se réunir à 
Toulouse en avril prochain. 

M. le Secrétaire général rappelle que M. Suchetet a publié diverses 
observations sur les particularités de couleur du plumage des Oiseaux 
hybrides. M. Arrigoni degli Oddi a également étudié à ce point de vue 
les Palmipèdes du Nord de l'Italie. 


168 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


M. Remy Saint-Loup ajoute que chez les hybrides, non seulement 
le plumage est altéré, mais la coloration des œufs change aussi 
quelquefois. 11 est à souhaiter qu’une enquête soit faite à ce sujet. 
M. Remy Saint-Loup veut bien promettre de rédiger pour la circons- 
tance ses observations personnelles. 

Une discussion s'engage au sujet de la coloration des plumes des 
Oiseaux et de la transmission de celle-ci à leurs descendants. 

M. le Secrétaire général fait observer que ce caractère isolé ne peut 
être recherche indépendamment d’autres. 

MM. Debreuil, de Lamarche, Wacquez, croient que le climat et 
autres conditions de milieu ont une importance capitale, égale tout 
au moins, sinon supérieure, aux effets de la sélection, lorsqu'il s'agit 
de créer une race. Pour les Poulets de Crèvecœur, par exemple, il ne 
suffirait pas de prendre, en dehors de toute autre condition, des 
Oiseaux noirs aussi bien choisis fussent-ils. Il faudrait encore se 
replacer dans les conditions difficiles à connaître où l'on se trouvait à 
l'origine lorsqu'on a formé cette race en employant des reproducteurs 
sélectionnés. 

M. Debreuil annonce que grâce aux méthodes de réfrigération 
actuellement employées, le Colin de Californie (Calipeblu californica) 
arrive depuis quelque temps en certaine quantité, sur le marché de 
Paris où il est vendu à un prix relativement peu élevé; la provenance 
de ces Oiseaux n’a pu être exactement déterminée. 

M. Debreuil rapporte qu'il a trouvé à Melun des Hirondelles 
chargées de grosses Mouches plates qui les empêchaient de s'envoler 
et demande des renseignements à ce sujet. D’après M. de Guerne, 
ces Insectes sont des Diptères pupipares, probablement des Anapera ; 
ces animaux sont très voisins des Hippobosques, des Melophages el 
des Ornithobies qui vivent sur les Chevaux, les Moutons et les Cerfs ; 
les Nycteribia, bien connus comme parasites des Chauves-Souris sont 
égaiement très voisins des genres précités. 

M. Remy Saint-Loup demande si les parasites des Mammifères 
peuvent se fixer occasionnellement et pour un certain temps sur les 
Oiseaux. M. Chérer s’est déjà occupe de celte question et a demandé 
l'avis de M. Mégnin; la réponse de celui-ci sera communiquée à Ja 
Section. 

M. Debreuil désire que la demande suivante soit insérée au 
Journal : | 

« Les parasites, tels que les Tiques, se fixant sur les animaux, 
possèdent-ils une action slupéfiante qui empêche leurs hôles de 
s’apercevoir de leur présence? » / 

Le Secrélaire-adjoint, 


F,. MÉREL. 


4 


D An ET SET ME AT NN OR AE 


LR 


2. Indice décimal, 


#. BULLETIN 


591.52 


DE LA 


NOCIÉTÉ AATIONALE D'ACEUATAION 


DE FRANCE 
(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


—_——— 


46° ANNÉE 


JUIN 183899 


SOMMAIRE 


- À. MILNE-EDWARDS. — Allocution prononcée le 12 janvier 1899, à l'ouverture de la 
‘conférence de M. le D' Trouessart sur les Mammifères à /acclimater ou à domestiquer 
en France et dans les colonies françaises ...........,/............. ss... << 1169 


G. PAYS-MELLIER. — Acclimatation, reproductions et élevages de Mammifères ayant 
vécu ou vivant encore dans le parc de la Pataudière (Indre-et-Loire) (swife)......... 171 


ALExANDRE SIBILLOT. — Notes sur la faune et la flore du Haut Boueni (Madagascar). 178 


Extrait des procès-verbaux des Séances de la Société : 
. Séance générale du 16 décembre 1898 .............. 


Extraits de la correspondance : 
D' TRABUT. — Un Bananier du Brésil en Algérie ........  —- JAbec AC De er 196 


] 
| 

La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
_ émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


SES a 


Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société À fr. 50 


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169 


ALLOCUTION PRONONCÉE LE 12 JANVIER 1899 


par A. MILNE-EDWARDS, 


(De l’Institut), Directeur du Muséum d'Histoire naturelle, 


À L'OUVERTURE DE LA CONFÉRENCE DE M. LE D' TROUESSART. 
SUR LES MAMMIFÈRES À ACCLIMATER OÙ À DOMESTIQUER 
EN FRANCE ET DANS LES COLONIES FRANCAISES 


La Société d’'Acclimatution a pris une heureuse initiative 
en instituant chez elle une série de Conférences où seront 
traitées les questions principales dont nous poursuivons en 
commun l'étude. 

M. le docteur Trouessart a bien voulu accepter de faire la 
première de ces lecons. — Les recherches auxquelles il s’est 
consacré depuis bien des années lui donnent une autorité in- 
contestable pour parler des Mammifères à acclimater ou à 
domestiquer en France et dans les colonies et c’est avec le 
plus grand intérêt que nous l’écouterons. 


Je remercie le Bureau de la Société de m'avoir désigné pour 
présider cette réunion. En le faisant, il. a certainement voulu 
affirmer une fois de plus cette étroite solidarité qui existe 
entre la Société d’Acclimatalion et le Muséum d'histoire na- 
turelle. Entre eux les relations ont toujours été fréquentes et 
amicales. 

L'idée première de la formation de notre Société n’a-t-elle 
pas été conçue au Jardin des Plantes, n’a-t-elle pas été pré- 
parée par les grands naturalistes qui s’y sont succédé, et il 
n'est pas sans intérêt de suivre les phases par lesquelles elle 
a passé avant d’être réalisée. 

Déjà, vers le milieu du siècle dernier, Buffon, alors inten- 
dant général du Jardin, écrivait les lignes suivantes: « La 
» nature nous a donné le Cheval, le Bœuf, la Brebis, tous nos 
» autres animaux domestiques pour nous servir, nous 
» nourrir, nous vêtir et elle a encore des espèces de réserve 

Bull. Soc. nat. Acc. Fr. 1899. — 12. 


ACTE ET 


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ñ .. 


170 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


» qui pourraient suppléer à leur défaut et qu'il ne tiendrait 
» qu'à nous d’assujettir et de faire servir à nos besoins. — 
» L'homme ne sait pas assez ce que peut la nature, ni ce qu’il 
» peut sur elle. Au lieu de chercher dans ce qu’il ne connaît 
» pas, il aime mieux en abuser dans tout ce qu’il connaît. » 

L'un de ses successeurs, Bernardin de Saint-Pierre, ex- 
prime la même pensée et en 1780, il proposait l'introduction 
des Rennes et des Lamas dans les hautes montagnes du Dau- 
phiné et de l'Auvergne. 

Daubenton, l'élève et le collaborateur de Buffon, qui fut le 
premier Directeur du même Jardin, réorganisé en 1793 sous 
le nom de Muséum d'Histoire naturelle, Daubenton, le chef 
des Bergeries du Roi, est allé plus loin que ses devanciers, 
car il ne s'est pas borné à attirer l’attention sur les avan- 
tages:de l'introduction de nouveaux animaux auxiliaires; il a 
passé « de la parole à l’action » en dotant son pays d’une race 
précieuse, celle des Mérinos d’Espagne. 

Lacépède, nommé professeur au moment de l’organisation 
du Muséum, s'occupe de peupler nos lacs et nos rivières d'’es- 
pèces étrangères à leurs eaux. 

Ce sont des précurseurs. — Enfin Isidore Geoffroy Saint- 
Hilaire dont le nom est indissolublement lié à l’histoire du 
Muséum, Geoffroy qui à été l’apôtre convaincu de l’acclima- 
tation et à qui notre Société doit son existence, avait compris 
qu'il vient un moment où les principes de la science pure 
doivent recevoir leur application et que la récolte doit être la 
récompense de ceux qui ont laborieusement semé. Voilà qua- 
rante-six ans qu'il exposait ses idées aux amis groupés au- 
tour de lui pour constituer la nouvelle Société et aujourd'hui 
le Directeur du Muséum s’applaudit de constater que jamais 
la bonne entente n’a été troublée entre la science pure et la 
science appliquée et que les deux institutions qui les repré- 
sentent pour l'Histoire naturelle n’ont pas cessé de s’en- 
raider. Dans cette soirée, elle s'affirmera une fois de plus. 


— Je donne la parole au docteur Trouessart. 


171 


ACCLIMATATION 
REPRODUCTIONS ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES 


AYANT VÉCU OU VIVANT ENCORE 
DANS LE PARC DE LA PATAUDIÈRE (INDRE-ET-LOIRE) 


Notes et observations de G. PAYS-MELLIER. 


SUITE (1). 


RUMINANTS AUTRES QUE LES CERFS, LES CHEVROTAINS 
ET LES ANTILOPES. 


Lama domestique (Auchenia glama, Auchenia pe- 
ruana, Camelus llama), Pérou, Chili, Mexique. — Les La- 
mas sont les représentants des Chameaux dans le nouveau 
monde et ils en possèdent les principaux caractères. L'absence 
des bosses, la séparation complète des doigts, leurs propor- 
tions plus légères, leur tête plus petite et plus gracieuse et 
leur taille moindre les distinguent des Chameaux. 

On nomme Guandeo le Lama sauvage qui vit à l'état de 
liberté dans la Cordillère des Andes. 

Le Lama domestique, qui vit à la Pataudière depuis de nom- 
breuses années, ne diffère du précédent dont il provient, que 
par la coloration de son pelage, très variable de couleur d’un 
individu à l’autre, et même d'une place à l’autre sur le même 
individu, car on en trouve, en effet, de bruns, de noirs, de 
blancs, d'autres blancs mouchetés de rouge, de brun, 
de noir. 

Au Pérou, au Mexique, les habitants se servent encore un 
peu du Lama comme bête de somme, bien moins qu'autrefois, 
cependant, depuis que les Mulets sont employés avec beau- 
coup d'avantages. 

Le Lama ne peut, en effet, porter que 100 à 150 livres ; il ne 
résiste pas aux longues marches, son pas est très lent, en re- 
vanche, son pied est tellement sûr qu’on s’en sert encore pour 
passer dans des défilés, le long des rochers, sur le bord des 


{1} Voir ci-dessus, page 137. 


472 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


précipices où les Mulets eux-mêmes seraient exposés à des 
chutes. 

Si on surmène le Lama, si on le surcharge ou si on le fa- 
tigue trop, il se couche à terre, refuse de se lever, opposant 
la force d'inertie et se laisserait tuer plutôt que de se remettre 
en marche. 

Ces grands et beaux animaux se reproduisent facilement et 
sont tres rustiques : ils n'ont besoin d'aucun soin, un simple 
abri ou hangar leur suffit pour se mettre à couvert des pluies. 

Je les fais tondre l’été, car la chaleur les fatigue : leur laine 
est longue et tres épaisse, mais grossière et rude; on peut en 
faire des étoffes ou des couvertures très chaudes et surtout 
très solides et inusables. 

Pendant l'été de 1893, j'ai eu la naissance d'une petite 
femelle toute blanche, provenant d'une vieille mère Lama, 
née à la Pataudière, le 20 octobre 1884, et qui se porte 
encore fort bien, après avoir allaité et élevé sa jeune, qui est 
superbe et tres forte aujourd'hui. : 


Mouflons à manchettes (Ovis tragelaphus), Afrique 
septentrionale. — Ce sont des animaux absolument rustiques; 
ils ne craignent pas les hivers les plus durs : ils se reprodui- 
sent régulièrement tous les ans, au printemps, en avril ou 
mai. Je n'ai jamais eu, ici, de Mouflons méchants : ceux que 
je possède encore aujourd'hui sont tres doux : rien ne 
pourrait résister aux cornes énormes et à la force excessive 
des mâles adultes. L , 

Ces animaux qui paraissent si lourds, si embarrassés des 
manchettes longues et épaisses qui leur couvrent tout le 
poitrail, sont cependant d'une incroyable vigueur et d’une 
légèreté remarquable. 

Un vieux mäle, cet été, avait réussi à s'échapper de son 
enclos pendant la nuïît. Sur le point d'être repris, au matin, 
par les gardiens, il a franchi presque sans élan, le haut mur 
de 3 mètres qui entoure le parc de la Pataudière! 


Moutons de la race laitière du Texel. — Cette grande 
et belle race est très avantageuse et mériterait, certainement, 
l'attention des éleveurs : elle est très rustique et craint bien 
moins les hivers humides que les variétés du pays : sa laine 
superbe, très épassie et très longue, est d’une finesse remar- 
quable et sa chair est excellente. 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 173 


Les Brebis du Texel ont souvent trois jeunes à chaque mise 
bas et quelquefois quatre : elles fournissent un lait exquis et 
très crémant qu'elles conservent jusqu’en octobre : ici, on en 
trait comme des Chèvres, chaque jour. Elles mettent bas vers 
la mi-mars, beaucoup plus tard par conséquent que les 
Brebis de notre région qui ont des jeunes dès le mois de 
décembre. 


Moutons à tête noire et à grosse queue, d'Abyssinie 
et du Soudan. — Ces Moutons sans laine, sont assez curieux 
et décoratifs : mais ils sont fragiles, craignent l’humidité et 
les grands froids. Ils se reproduisent bien, chaque année, à 
des époques irrégulières : j'ai eu des jeunes en décembre, 
janvier, avril. 


Chèvres d'Angora (Capra angorensis), Asie Mineure. — 
Cette race est bien reconnaissable par ses poils longs, frisés 
et très soyeux qui sont employés à la fabrication du mokair 
et des superbes étoffes asiatiques. Elle vit très bien en captivité 
et se reproduit régulièrement, chaque année, en avril ou mai. 

Les Boucs sentent bien moins mauvais que ceux des autres 
espèces, mais ils sont ennuyeux dans un parc lorsqu'ils de- 
viennent vieux, car ils abîiment les grillages qu'ils frottent 
sans cesse, toute la journée, avec leurs cornes très longues et 
très fortes. 


Chèvre naine (Capra depressa), Sénégal. — C’est la plus 
petite de toutes les Chèvres; son pelage ras est d’un beau 
noir luisant, et elle est extrêmement décorative sur les-pe- 
louses ou dans un petit parc. Sa taille est tellement réduite 
qu'elle ne peut occasionner de grands dégâts. 

Elle se reproduit facilement toute l’année, à des époques 
irrégulières, et elle a toujours deux et trois jeunes à chaque 
mise bas et quelquefois même quatre. 

Très douces, très bonnes mères de famille, les femelles 
nous servent souvent, à la Pataudière, de nourrices pour les 
petits Mammifères nouveau-nés, trop faibles, trop délicats 
ou qui sont refusés et mal allaités par leurs mères naturelles: 
ces bonnes petites Chèvres du Sénégal les adoptent, toujours, 
sans aucune difficulté et les élèvent parfaitement; elles nous 
sont ainsi bien précieuses. 


474 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 
MARSUPIAUX. 
Kanguroos ou Kangourous (Xangurus). — Les habi- 


tants de l'Australie donnent le nom de Kanguroo à des Mam- 
mifères appartenant au groupe des Didelphes, se rappro- 
chant de certains Rongeurs, des Pedetes et des Gerboises 
par exemple, par leur forme générale. 

Ces singuliers animaux qui appartiennent exclusivement à 
l'Australie et qui sont les plus grands Mammifères qu'on y 
trouve, ont les pattes antérieures fort petites et munies de 
cinq doigts armés d'ongles assez forts dont ils se servent 
comme de mains pour porter leurs aliments à la bouche. 
Leurs pattes de derrière sont allongées hors de toute propor- 
tion, munies de quatre doigts fort longs, dont le second ex- 
terne, dépassant beaucoup les autres dans ses dimensions, a 
pour ongle un véritable sasot. 

Il résulte de cette conformation que la station verticale est 
leur position habituelle et qu'ils s'appuient non seulement sur 
leurs longues jambes, mais encore sur leur grosse et puis- 
sante queue, qui leur sert comme de ressort quand ils sautent, 
car le bond est leur mode de locomotion naturel. 

Le corps de ces animaux est beaucoup plus gros dans la 
région inférieure que vers la supérieure; chez eux, le train 
de devant semble tout à fait sacrifié pour celui de derrière, 
et l'animal a une forme presque conique. 

Les femelles, comme celles de tous les Marsupiaux pré- 
sentent une bourse ou poche abdominale, cachant deux 
mamelles, poche dans laquelle sont placés les petits, qui 
naissent informes, véritables fœtus et qui achèvent de se dé- 
velopper dans cette poche dont ils ne sortent définitivement 
que lorsque leur grosseur ne leur permet plus d'y rentrer. 

Les Kangourous sont exclusivement herbivores et frugi- 
vores. 


Kangourou rouge (Macropus rufus), Australie. — Il ne 
craint pas le froid; du moins, ici, nous ne rentrons jamais 
ces animaux pendant l'hiver : ils se mettent à l'abri, tout 
bonnement, sous les arbres touffus, pendant les nuits trop 
froides et pluvieuses. 

Le Kangourou rouge atteint une grande taille; sa couleur, 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 175 


avec sa grande tache rouge très vif sur le poitrail est 
fort jolie; il se reproduit facilement, en toutes saisons, 
irrégulièrement. 


Kangourou de Bennett(Æalmalurus Bennetli), Tasmanie. 
— C'est le plus rustique des Kangourous; il résiste à nos 
hivers les plus durs et se reproduit avec la plus grande 
facilité en toutes saisons. 


Kangourou des buissons |(Macropus ualabatus, Kan- 
gourov bicolor), Nouvelle Galles du Sud. — Brun en dessus 
et fauve pâle en dessous : sa queue est très longue et très 
noire. 

Ces animaux ne se sont pas encore reproduits ici; ils parais- 
sent peu délicats et s’acclimatent vite. 

Je sais qu'ils se multiplient facilement chez plusieurs 


amateurs. 


Kangourou de la Billardière (Xangourou Billardierei), 
Terre de Diémen. — Est à peu près de la taille d’un gros 
Lièvre. 

J’ai eu un couple de cette espèce, cette année seulement, 
mais les deux animaux sont morts au bout de quelques mois. 
Ils se nourrissaient mal et étaient très sauvages. 


Kangourou pétrogale (Pelrogaie xanthopus}, Australie 
méridionale. — Se reproduit en toutes saisons, mais craint 
les grands froids et surtout les grandes pluies de l’hiver. A la 
Pataudière, j'en ai perdu plusieurs pendant un hiver très 
rigoureux, n'étant pas rentrés, alors, parce que je les croyais 
moins susceptibles : nous les trouvions morts, le matin, après 
une nuit glacée, avec le sang leur sortant des yeux et des 
oreilles. 

En captivité, il est absolument indispensable de donner à 
ces Kangourous un vieux tronc d'arbre, ou mieux un rocher, 
car ils aiment à se percher et ils ne restent guère à terre. 


Kangourou rat (Æypsiprymnus murinus) et Kangourou 
lapin (4. cuniculus), Australie méridionale, Tasmanie. 

Ces deux espèces de Kangourous nains se reproduisent 
abondamment avec la plus grande facilité ; ils s’enfoncent 
dans la litière épaisse dont ils ne sortent que le soir, et ils ré- 
sistent ainsi aux hivers. Ils ont absolument les mêmes habi- 


AT PE EM TENTE 


476 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


tudes et sont crépusculaires, beaucoup plus agiles, plus 
remuants que les autres grandes espèces. 


Phascolomes (PAhascolomys). — Les Phascolomes sont 
encore des Marsupiaux se nourrissant de matières végétales 
et les femelles ont une poche abdominale. 


Phascolome à front large (Phascolomys latifrons), 
Australie méridionale. Phascolome wombat (Phascolomys 
wombat, Wombatus fossor), Tasmanie. — J'ai eu pendant 
fort longtemps, à la Pataudière, les deux espèces de Phasco- 
lomes : le Wombai et le Front large, mais je n'ai jamais 
obtenu la reproduction de ces animaux qui vivent très bien 
en captivité et qui résistent parfaitement à nos hivers. Ce 
sont des quadrupèdes lourds, massifs, raccourcis, ce qui, avec 
des yeux très écartés, des oreilles courtes, une marche plan- 
tigrade, leur donne une figure peu gracieuse. 

Et pourtant!... Je le dis sans rire et avec conviction... 
le Wombat si gauche, à l’air si peu dégourdi, est très intelli- 
gent !.. Il devient extrêmement familier et il est, alors, bien 
amusant !… 

Tous mes voisins, dans ce pays, ont connu et se rappellent 
encore mon brave et aimable Piéru qui recevait si souvent de 
nombreux visiteurs, car on venait, et même de fort loin, rire 
et voir Piéru, l'original et le sans-facon !.… 

Piéru, baptisé de ce nom par les gardiens du parc de la Pa- 
taudière, était un magnifique Phaslocome wombat qui vivait 
à peu près en liberté tout le jour et qui n’était rentré, dans 
son rocher que pendant la nuit. 

Or, donc, Piéru avait voué une grande et prof ie affec— 
tion au faisandier qu’il suivait partout. 

Et rien n'était comique, rien n'était cocasse, comme de 
voir, chaque matin, mon vieux Florimond partant à la re- 
cherche des œufs de Fourmis, emmenant son inséparable 
Piéru. 

Piéru, avec sa dégaine d'Ours, l’accompagnait dans les 
bois, dans les champs, dans la campagne, trottant le nez sur 
ses talons, ne s’effrayant jamais, ne s’étonnant de rien, grave, 
stoïque et insouciant, ridicule toujours. 

Les gamins des villages accouraient ébaubis et les Chiens 
poursuivaient souvent ce grotesque animal, qui ne se déran- 
geait jamais d’une semelle de la ligne suivie par son guide, et 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 177 


qui restait toujours d’un sérieux imperturbable et vraiment 
comique. 

Puis, Piéru revenait de sa promenade, entrait dans la cui- 
sine, dans l'appartement, dont il trouvait la porte ouverte, se 
couchaïit près du feu, dans les cendres du foyer, et ses ronfle- 
ments sonores et puissants indiquaient vite son repos bien 
mérité !.… 


Phalangers. Phalanger Renard (Phalanger vulpina), 
Nouvelle-Hollande, Australie. — Les Phalangers sont des 
Marsupiaux frugivores de la Nouvelle-Hollande : crépuscu- 
laires, ils dorment pendant tout le jour et ne sortent que le 
soir de leur cabane. 

Ils mangent de tout, excepté de la viande. Je leur donne 
du pain, des carottes, de la salade, mais ils préfèrent les 
pommes et les fruits. 

Ils portent leurs aliments à leur bouche avec les deux pattes 
de devant; leurs griffes très fortes et pointues leur per- 
mettent de grimper sur les arbres, et leur queue longue et 
couverte de poils se recourbe au bouten une sorte de crochet, 
dénudé en dessous, avec lequel ils s’accrochent fortement. 

Jamais, jusqu’à présent, je n’ai obtenu la reproduction du 
Phalanger-renard. 


Dasyure à longue queue ou Dasyure tacheté (Dasyu- 
rus maculalus), Australie, Nouvelle-Hollande. — J'ai reçu 
dernièrement, de Marseille, un bien joli petit animal : son 
pelage est noir, parsemé de taches blanches ; sa queue noire 
et touffue presque aussi longue que le corps; ses oreilles 
courtes et ovales ; son museau, toujours très lisse, très hu- 
mecté, est couleur de laque. C’est encore un Marsupial, mais 
carnassier de la Nouvelle-Hollande : le Dasyure tacheté, 

Cet élégant animal, rare, que je n’avais jamais eu, se nour- 
rit de viande crue et de pain au lait : il est très vorace, mais 
point méchant ni sauvage. 

La structure de ses pieds qui ont tous cinq doigts (le pouce 
des pieds de derrière est rudimentaire), ne lui permet pas de 
grimper aux arbres. 

Il dort tout le jour, enfoncé dans la paille, mais il se ré- 
veille vif et alerte, au moindre bruit. 

(A suivre.) 


Va 


178 


NOTES 
SUR 


LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI (1) 


(MADAGASCAR) 


par Alexandre SIBILLOT, 


Chef de poste à Mahanoro (Madagascar). 


Mammifères. 


Troupeaux de Bufles. — Les grands troupeaux dont on a 
tant parlé, sont réduits d’une façon considérable dans 
plusieurs régions de Madagascar, non seulement parce qu'ils 
ont fourni l'élément principal de la nourriture des troupes 
pendant et depuis la campagne de 1895, mais encore et 
surtout parce que l'état d'insurrection du pays a provoqué 
de véritables hécatombes. Voici comment : 

Les Fahavalos s'emparaient régulièrement de tout le bétail 
qu'ils rencontraient sur leur passage et le tuaient pour avoir 
les peaux dont ils trouvaient l'écoulement auprès des Indiens. 
D'un autre côté, les indigènes se livraient à la même opéra- 
tion à l'approche des Fahavalos, aimant mieux sauver les 
peaux de leurs bêtes que de tout perdre; quant à la viande, 
elle était en majeure partie abandonnée. 

La preuve de la diminution de ces troupeaux, c'est que 
l'on ne peut plus se procurer le bétail aux anciens prix. 

En octobre 1897, le mouvement commercial auquel 
donnaient lieu les transactions sur les Buffles battait son 
plein. Il a été expédié de Marowoay pour Tananarive: 

En septembre, 211 têtes à 37 fr. 50, prix moyen. 

Dans la première quinzaine d'octobre, 470 à 490 fr., prix 
moyen. 


(4) Voir d'autre part : Population du Haut-Bouéni (races diverses, us et cou- 
tumes), du même auteur, dans les Comptes rendus des séances de la Société de 
Géographie de Paris, mars 4899. Les notes de M. Alexandre Sibillot ont été 
communiqués à la Sociéte d’Acclimatation par M. Charles Sibillot, l’un de ses 


lauréats. 


NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 179 


Ces Bœufs étaient revendus à Tananarive de 80 à 90 fr. la 
tête. 

Les colons qui, à cette époque, se sont occupés d'élevage 
s’en trouvent déjà bien. 

En mars 1898, à Marowoay, il atteignait 70 fr. la tête. 

Pour acheter un troupeau important au prix moyen de 15 à 
25 fr., il faudrait former une colonne assez forte et parcourir 
la région du Mahajamba que vient d'ouvrir le capitaine de 
Bouvier. On ferait alors une affaire sérieuse en opérant dans 
un pays où les hécatombes ont peu sévi. 

Les peaux seront une source de gros revenus lorsqu'on 
aura trouvé, dans les écorces de Palétuviers un tan qui per- 
mettra alors de bien les travailler. Jusqu'à présent, on n’a 
jamais tenté de créer une tannerie dans le Bouéni. Ce fait est 
regrettable. 

Le Malgache qui tue une bête fait simplement sécher la 
peau au soleil pendant quelques jours, après l’avoir salée ; il 
la ploie en cinq et la porte chezles « Indiens » (Hindous, gens 
qui ne craignent ni la saleté, ni les mauvaises odeurs). Le prix 
varie de 0 fr. 10 à 0 fr. 20 la livre anglaise de 475 grammes. 

Lorsque le marchand « Indien » a rassemblé un nombre 
suffisant de ces peaux, il les expédie à Bombay. 

Un détail : jusqu'à la campagne de 1895, le Malgache égor- 
geait la bête, puis découpait peau et chair en six:parties ; il 
s’est vite mis à dépouiller les animaux selon les procédés fran- 
çais devant les demandes d’achat de peaux entières. 

La loi malgache, maintenue par le général Galliéni, défend 
de tuer les vaches, qui doivent être conservées pour la re- 
production. 

Les cornes des Bovidés dont il s’agit sont grandes, fortes et 
paraissent pouvoir être utilisées ; sur mes conseils, un Sylam 
fait ramasser à Marowoay les cornes des animaux égorgés 
afin d’en faire le trafic dont les indigènes ignoraient la pos- 
sibilité. 

À Marowoay, l’'adjudicataire du droit de vente sur les mar- 
chés doit payer 7 fr. 50 par tête de Bulfle abattu. 

On vend la viande au tas ou au poids. 

Les os n’ont jamais été conservés pas plus que les sabots. 
On pourrait pourtant tirer profit de toutes ces dépouilles. 

Le Buffle peut étre facilement dressé comme bête de trait 
ou comme monture. 


180 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION- 


Pour le dresser comme monture, le Malgache lui passe un 
anneau de fer dans le mufñe, lui coupe les cornes et la moitié 
des oreilles. Cette mutilation inutile a pour but, dans l'esprit 
de l’indigène, de faire ressembler le Ruminant à un Cheval! 

Le Bufile attelé n’a pas de joug comme nos Bœufs français : 
il tire au collier grâce à la bosse qu'il a sur le garot. 

On pourra peut-être avec des Taureaux importés de France 
obtenir de beaux croisements et relever la taille, le poids et 
la qualité de la race bovine malgache. L'acclimatation se fera 
assez facilement ainsi que pour les animaux suivants. 

Cheval. Mulet.— Les rares Chevaux et Mulets existant dans 
le Haut-Bouéni proviennent de la vente faite par l’adminis- 
tration après la campagne de 1895. Ils sont encore bons 
grèce aux soins qui leur ont été donnés. Ils se sont bien accli- 
matés. 

L'Ane est presque inconnu ; on n’en compte que quelques 
échantillons qui sont la propriété d'étrangers. 

Moutons. Chèvres. —Plusieurs « Indiens » et «Créoles » en 
possèdent quelques têtes, l'élevage promet de bons résultats. 
Il faudrait faire venir des spécimens du Sud africain ou des 
pays chauds, pouvant en conséquence s’acclimater rapide- 
ment. Néanmoins, les sujets provenant du Midi de la France 
ont chance de réussir. 

Porcs. — Quelques personnes seulement font l'élevage des 
Porcs qui circulent librement dans les villages. À Marowoay, 
j'avais exigé que ces animaux fussent enfermés dans les por- 
cheries. 

À Majunga, un créole a ouvert une charcuterie et prépare 
des saucissons qui sont assez appréciés. Maïs la fabrication en 
est trop rudimentaire. L'on n’a même pas essayé de saler la 
chair du Porc, de fonûre la graisse, de fumer des jambons, 
etc., etc. Un zrai charcutier s’installant à Majunga approvi- 
sionnerait toute la contrée et ferait des affaires d’or. 

A Marolambo, on trouve le Sanglier; maïs on ne lui fait 
pas la chasse, sa chair étant réputée /ady d'après les préjugés 
indigènes. Les colons auront à aviser à la destruction de cet 
animal ravageur. 

Les Rats et Souris sont d'autant plus nombreux qu'il y a 
très peu de Chats dans cette région. Ces Rongeurs se multi- 
plient donc rapidement malgré les Charognards qui leur font 
la guerre. 


NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 181 


On trouve un Rat très petit, tenant de l’Ecureuil, dans les 
Bananiers. 

_ L’acclimatation en masse du Chat est urgente à Mada- 
gascar (1). 

Roussette. — La Fanny (grande Chauve-Souris pullule 
dans les Manguiers à la maturité des fruits. J’ai tué un de 
ces animaux qui avait 0,85 d'envergure. La chair bien pré- 
parée est un excellent manger. 

Mais la Fanny n'est redoutable que pour les Insectes noc- 
turnes et à ce titre mérite protection. 

Les Singes sont très nombreux à Madagascar ; mais dans 
le Bouéni, il n’y a guère que deux espèces : le Singe sauteur 
et le Make, gentil petit animal à museau pointu et queue très 
longue. 

Le Make ou Maki s’apprivoise très facilement ; il fait en- 
tendre, une fois apprivoisé, un doux ron-ron, au lieu du cri 
percant du premier. 

Pour s'emparer des Singes, les nègres emploient deux ma- 
nières, savoir : ils creusent un trou dans une noix de Coco, 
le Singe introduit la patte et..... ne voulant pas lâcher ce 
qu’il a gratté à l’intérieur ferme la main et reste pris. 

Is mettent aussi de l’arack ou de l’absinthe dans des noix 
vides, le Singe vient boire jusqu'à ce qu’il soit ivre mort. 

La chair du Singe est peu savoureuse ; on pourrait plutôt 
tirer parti de sa peau. 


Oiseaux. 


Le long des rivières ou vers les rizières on trouve la Spa- 
tule, le Héron, l’Aicrette, la Poule d’eau, la Sarcelle, la Pin- 
tade, etc. Ces trois dernières surtout sont comestibles. L’Aï- 
crette est de toute beauté, mais se laisse difficilement appro- 
cher ; la fausse Aïgrette est comme elle utilisable pour les 
modes. Les petites Perruches, les Saint-Esprit, le Tsarakoa 
aux plumages multicolores et étincelants remplissent l’air et 
les arbres; ils donnent une animation extraordinaire au 
paysage et on n’en détruit pas trop parce que ce sont de pré- 
cieux et malheureusement insuffisants auxiliaires contre les 


(1) De sérieuses réserves semblent devoir être faites à ce sujet. [Note de la 
Rédaction.) 


182 BULLETIN LE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Insectes qui pullulent. Tous les Oiseaux utiles de France 
‘pourraient être acclimatés, comme on l’a fait pour les Pigeons 
voyageurs du service militaire. 
Le Pigeon vert indigène, à bec crochu, ne ressemble à 
ses congénères européens que par la voix et les pattes. Aïles 
vertes et mouchetures de jaune vif, les plumes centrales de 
la queue brun vif (1). 

Le Churognard est un Oiseau de proie utile et abondant. 
On l'appelle « Cantonnier » car il se charge de vite nettoyer 
les rues et d'empêcher la putréfaction des animaux tués ou 
crevés ; il est toujours aidé par son pilote le Corbeau. 

Le Corbeau est très gros ; il a le plumage noir brillant avec 
une magnifique cravate blanche; le jabot est aussi d’un beau 
blanc ; « il appelle » le Charognard lorsqu'il a découvert 
quelque Rat, Chien, Bœuf, Serpent ou détritus quelconque. 

Il est défendu de tuer ces deux sortes d'Oiseaux parce qu'ils 
rendent service au point de vue de la salubrité publique, 
évitant des épidémies, mais quelques-uns deviennent si effron- 
tés qu'ils vont jusqu'à enlever au passage la viande qu’un boy 
inattentif rapporte du marché. 

On voit également beaucoup de petits Oiseaux de proie ou 
Tiercelets qui rendent peu de services, mais qui se chargent 
de casser les cages pour dévorer les petits Oiseaux, les 
Poulets ; ils gobent même les œufs dans les poulaillers. Le 
colon devra livrer une guerre sans merci à ces rapaces. 


Reptiles. 


Les Tortues sont assez rares, on les trouve surtout sur les 
côtes, il y a peu d'amateurs et pourtant c’est un mets tres fin. 

Le Caméléon est très gros, il y en a de plusieurs variétés. 

Le Lézard est joli tant par les nuances que par les formes 
et les dimensions, il ferait la joie d’un collectionneur. 

Le Margouillat, très petit Lézard gris, fait la chasse aux In- 
sectes, il habite dans toutes les cases; le Malgache qui constate 
l'absence de Margouillats dans sa case s’empresse toujours 
d’aller en chercher chez son voisin; grâce à la disposition de 
ses pattes, ce Reptile se tient sur les parois les plus lisses et 


(1) M. Charles Sibillot a bien voulu remettre à la Société d’Acclimatation 
la dépouille d'un de ces Pigeons. D’après M. Oustalet, il s’agit du Vinago 
australis ; c’est une espèce très répandue. 


NCTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 183 


au plafond ; d'une grande légèreté, il se précipite vers l’In- 
secte qu'il aperçoit, s'arrête à quelques centimètres, le fascine 
et lorsqu'il passe près de lui sa langue, qui est très longue, le 
happe immédiatement. 

Les Caïmans (Woay) sont très nombreux dans les rivières. 
Le 7 juillet 1897, lors du sauvetage des bagages qui se trou- 
vaient à bord de la canonnière l’Zrvincible, qui venait de 
sombrer à Marowoay, un tirailleur haoussa a été entraîné 
subitement. Le lendemain, un homme allant continuer la re- 
cherche des épaves, a été également happé par le Caïman. Je 
ne dis pas dévoré; car j'ai pu me rendre compte quele Caïman 
entraîne sa proie, la met dessus la lerre et lorsque cette 
proie est entrée en putréfaction, il en fait ses délices. Les 
Caïmans font des victimes à chaque instant. On leur livre une 
guêrre sans merci, mais plus on en tue, plus il en surgit de la 
vase. 

J'ai eu l’occasion, un dimanche matin, de sept à neuf heures, 

en compagnie d'un camarade, d’en tuer dix-huit ; le plus petit 
mesurait 0®80, le plus grand 2"20. Quelque temps après, on 
en tuait un de 475! Les Sakalaves manifestaient une joie 
délirante. 

« Il ne faut pas qu’une femme soit présente lorsqu'on tire 
sur un Caïman, car le Woay refuse de mourir devant elle. » 

Telle est l'explication que donne le Malgache à la ténacité de 
la vie chez ces animaux qui ont l’âme chevillée dans le corps. 

La maroquinerie française pourrait utiliser la peau des Caï- 
mans de Madagascar pendant plusieurs années sans chômer. 

Les gros Serpents abondent. Leur morsure n’est pas dange- 
reuse; leur force seule est à craindre. Souvent des Buffles sont 
étouftés par des Serpents. J'ai tué un de ces Reptiles; il avait 
2095 sur 0726 de circonférence. Un de mes collègues re- 
tournant au même endroit, le lendemain, put s'emparer de la 
femelle qui mesurait 282 de long sur 0"28 de tour. 

Les petits Serpents de 0260 à 1 mètre sont communs. 

La maroquinerie pourrait utiliser les peaux de Serpents. 


Poissons et Pêche. 


Les indigènes se livrent à la pêche qui entre mieux dans 
leurs habitudes que le travail manuel ; ils serviraient de mo- 


184 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


dèles à nos pêcheurs les plus endurcis en ce sens qu'ils restent 
deux ou trois heures sans faire un mouvement ; ils mangent 
le Poisson avec le Xarry, poudre faite avec des condiments 
très forts et séchés avant le broyage par les Indous. 

Des Raiïes énormes se pêchent dans la rade de Majunga ; on 
ne doit pas en manger parce qu'elles sont très phosphores- 
centes et se décomposent vite, mais leur épine dorsale peut 
être manufacturée pour nombres d'emplois. Beaucoup de 
colons font également des cravaches avec la queue de la Raïe. 

Les Poissons de toutes sortes remplissent la rade où les Re- 
quins interdisent la baignade... nouveau supplice de Tantale! 

A Majunga et dans l'estuaire de la rivière, on trouve des 
Crabes (Drakaka) gros comméune soucoupe ; des Huiîtres de 
rochers qu’on est obligé d'ouvrir avec un ciseau et à l’aide 
d'un marteau, des Oursins de la grosseur de fortes oranges, 
des Crevettes superbes, de belles Langoustes. 


Insectes et autres Arthropodes. 


Le Moustique (Mouka) est le plus terrible des Insectes ; il 
bourdonne désagréablement à vos oreilles, sa piqüre est très 
irritante ; il pénètre partout et empêche de reposer ; quelle 
que soit la fatigue, il se charge de vous tenir éveillé; à force 
de vous sucer le sang, il arrive à vous anémier ou à vous 
communiquer les microbes de la fièvre paludéenne ou autres 
maladies dont il a été reconnu l’agent actif. 

A Marowoay, j'étais obligé d’enfumer mon logement et de 
faire entretenir un feu sur lequel on jetait des herbes vertes. 
au moment des repas! C’est un véritable supplice. 

Autour de la lumière, il y a, indépendamment des Mous- 
tiques, une foule d’Insectes divers qui voltigent, s’abattent 
dans les assiettes, les verres, les plats, de quoi remplir 
plusieurs boites de collectionneur pendant la durée d’un seul 
repas sommaire. Force est donc d’imiter les nègres, c'est-à- 
dire de manger avant la nuit et de rester dans l'obscurité le 
plus possible. 

La Fourmi ailée pullule : on doit faire attention, dans la 
brousse ou sous les arbres, de ne pas frôler les nombreux nids 
qui s’y trouvent ; sinon toute la colonie vous poursuit et vous 
fait payer cher votre audace ou votre maladresse. 


D 


NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 185 


La Fourmi ordinaire pénètre partout en bandes; je me 
suis vu obligé de quitter ma natte par suite de l'invasion de 
ma couche, mon traversin était couvert de ces sales bêtes. 

La Puce. — On ne peut se figurer la quantité des Puces qui 
envahit une case nattée et s’y renouvellent; j'ai eu pour hôte 
un officier supérieur qui, sans quitter sa couche et en une 
heure, en ramassa « un centimètre d'épaisseur » dans un 
verre à pied contenant de l’eau. C’est tout dire. 

Si on a de la volaille à proximité de sa case, on est in- 
festé de Pucerons microscopiques qui pénètrent sous l'épi- 
derme. 

Les Araïgnées foisonnent ; la grosse velue laisse surtout à 
son passage sur la peau d'énormes cloques. 

Le Cent pieds, espèce de Chenille plate, dont la piqure est 
très mauvaise, produit un gonflement très prononcé de la 
partie piquée, mais son maître est encore le Millepattes, plus 
petit, plus long; ce dernier laisse une tache rougeâtre pen- 
dant plusieurs jours, même après que la piqûre a cessé d’être 
cuisante. 

Les Scorpions sont rares, leur piqûre n’est pas mortelle, 
mais donne la fièvre assez fortement. 

Le Perce-Oreille, plus petit que celui de France, produit 
très souvent des douleurs atroces lorsqu'il pénètre jusqu’au 
tympan. 

Les Blattes ou Cafards pullulent et sont plus gros que ceux 
de France ; ils ont des dessins très clairs coupés de lignes 
foncées sur le corps. 

La vente des insecticides les plus énergiques est assurée 
par quintaux et quintaux, avis aux exportateurs français. 

Le Malgache, pour se défendre contre tous les Insectes, 
s’enveloppe complètement dans un grand lamba, enfume sa 
case ou couche en plein air ! 

Pour le blanc, il faut débroussailler ferme autour de la 
case, arroser souvent avec des désinfectants antiseptiques; le 
« crésyl » est souverain. On doit aussi suspendre les vivres 
au plafond après avoir mis au milieu des ficelles des tampons 
imbibés de pétrole, de naphtaline ou de crésyl. 

Il faut en outre tenir très propre non seulement la case, 


mais les alentours. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 13. 


186 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Bois et forêts. Acclimatation des arbres fruitiers 
de France. 


Les meilleures essences indigènes sont : le Rolva, le Sohihy 
et le Fondrianomby ainsi que toutes les essences des bois 
colorés depuis le Bonary jusqu'à l'Ébène. 

Toutes les essences sont bonnes pour faire du feu en atten- 
dant que l’ébénisterie française s’en empare. 

Dans le Haut-Bouéni, les bois seront à éclaircir; abattre 
tous les arbres serait compromettre la solidité du sol et le 
reboisement serait long et coûteux. De plus l'ombre n’est pas 
à dédaigner. 

Le général Galliéni, par son arrêté n° %62, a pris de sages 
mesures pour la protection des forêts. 

Par ce que j'ai pu voir dans mes reconnaissances, jene crois 
pas que pour le moment, une exploitation des bois soit ré- 
munératrice dans cette région ; il faudrait acheter une forêt, 
élaguer et éclaircir avec discernement afin de hâter la crois- 
sance de certaines essences ; les gros arbres sont rares, à 
l'exception des Tamariniers. La Serpitza même n'a que 
quelques belles pièces. 

D'un autre côté, l'abattage, le sciage, le transport, ne 
pourraient se faire sans de nombreuses difficultés et de 
grands frais. Le bois est extrêmement dur, mais ni long, ni 
gros. 

Les plantes à Caoutchouc en arbre s'appellent Godoa, en 
liane Voihini. Elles se trouvent notamment dans la mon- 
tagne d’Agalarafantza (Serpitza). 

Le village qui s’en occupe spécialement est Andsadarafa, 
vers Amboulemote (territoire de Marowoay). 

Préparé dans l’eau, le caoutchouc devient blanc ; dans la 
terre, il devient noir. Ne pas faire d'achats pendant la saison 
des pluies, car, alors, il contient beaucoup d’eau. 

Le Sakalave reconnait si le caoutchouc renferme de l’eau en 
piquant la balle, des globules sortent aussitôt. 

Souvent le vendeur, pour augmenter le poids de la mar- 
chandise ou par suite de négligence au moment de la récolte, 
met du sable, des petits cailloux dans les boules ; mais l’a- 
cheteur se rend compte de la fraude ou de la défectuosité en 
laissant tomber celles-ci : le caoutchouc impur ne rebondit 


NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 187 


pas. Le Malgache dit « que le bon caoutchouc ne peut pas 
rester tranquille ». 

Le Cocotier a été essayé et réussit ; il ne donne qu’au bout 
de trois ou quatre ans, procure alors un revenu de 5 francs 
par an et par arbre. 

Le Tamarinier est assez rare. Le type existant produit des 
gousses contenant des graines de la grosseur d’un haricot ou 
d’une fève, cette graine se nomme Vouénimadirou, la gousse 
contient aussi une sorte de « confiture » qui, délayée avec de 
l’eau, donne une liqueur acidulée et agréable à boire. 

Les Palétuviers sont très nombreux. Leur bois sert à toutes 
les constructions du pays ; on en fait aussi des poteaux télé- 
graphiques, des pieux, etc. 

L’écorce des Palétuviers est excessivement riche en tannin 
et pourra servir pour le tannage des cuirs aussi bien qu'à la 
teinturerie. 

Voici les principales espèces : 

L'Onkovavy, dont on extrait une teinture rouge qu'on uti- 
lise notamment pour les parquets, boiseries, etc. 

Le Sakoa, qui donne une teinture marron, cette variété 
pousse en masse vers Antanepeka. 

Le Neisy-Lelay, dont on ne peut rien faire. 

Les écorces se pilent et ordinairement se traitent à l’eau 
bouillante, sauf pour l’'Onkonvavy et le Netsy-Lelay que l’on 
traite à l’eau froide, mais que le Malgache expose au soleil un 
ou deux jours après y avoir plongé l’objet à teindre. 

_ Bois noir. — Cette essence domine sur presque tout le ter- 
ritoire de Marowoay, elle produit de grandes gousses con- 
tenant des graines très grosses. Ces graines sont ramassées 
par les Malgaches et servent à compter ou à marquer les 
événements lorsqu'elles sont percées et enfilées à un collier. 

Le bois de l’Acajou ne peut être utilisé parce qu'il est d’une 
croissance biscornue. Il y a peut-être quelque chose à faire 
avec l'acide du fruit dont les femmes se servent pour le 
tatouage. La graine se trouve à la base du fruit. 

Le faux Palmier ( Voenidakoko) est un arbre très haut, 
mais dont le bois trop filandreux ne peut étre utilisé; se trouve 
surtout dans la plaine, entre Matzizou et Mevarane, produit 
des régimes de graines de la grosseur d’un citron; les indi- 
gènes font macérer ces graines pendant quelques jours dans 
l’eau et les distillent. Le produit de cette distillation est peu 


188 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


savoureux et n’a d'emploi que dans la consommation locale, 
sous le nom de « Limonade malgache ». La feuille (satre) sert 
à couvrir les cases des indigènes, à faire des liens, des nattes, 
la charge d’un homme se vend 1 fr. 20 à 1 fr. 50. 

Le Manguier est un arbre qui se développe rapidement et 
atteint de belles proportions ; son fruit, la Mangue, contient 
de la térébenthine. Il y a là quelque chose à faire. 

Le Cotonnier en arbre (Assenmouranguy) produit au bout 
de trois ans ; il y en a peu dans la région de Marowoay ; 
d’après les échantillons que j'ai vus, le coton ne paraît pas 
être de bonne qualité ; ses fils sont trop courts et la récolte 
peu abondante. 

Le Cotonnier en buisson {Tsihativy) pousse à l’état sauvage 
dans beaucoup d’endroits et se reproduit vite. Pour l’ense- 
mencer on « remue » le sol; on le mouille et l’on jette les 
graines. Six mois après, Sans aucun soin, on a un petit taillis 
dont la récolte sera bonne. 

Le noir ramasse le coton sur ces buissons, le fait sécher au 
soleil après en avoir retiré les graines mélangées au duvet. Il 
en fait des matelas, des traversins, etc. 

Une filature locale pourrait être largement approvisionnée. 

Le Pignon d'Inde (Valavelo), arbuste d’une croissance ra- 
pide, sert à faire des tuteurs pour la Vanille, des haïes ; 
à la moindre lésion, il en jaillit un liquide caustique très 
violent, dont les noirs se servent en médecine. En prenant 
quelques gouttes dans le creux de la main et en frottant, on 
obtient une pommade que le noir met sur ses plaies. On pour- 
rait, après analyse, utiliser ce liquide très abondant. 

Le Pignon d’Inde fournit beaucoup de graines dont l’écou- 
lement estimportant à Marseille pour la fabrication du savon. 

Le Ricin donne de jolies récoltes, mais non utilisées. 

L'Indigotier pousse à l'état sauvage et on ne l'exploite pas 
encore. 

Le Bananier pousse sans soins et produit de beaux régimes 
de fruits, lui aussi donne un liquide mordant, une goutte 
tombée sur un vêtement fait une tache qu'il est impossible de 
faire disparaitre. 

L’Ananas a été planté par un Hova à Marowoay, l'essai a 
bien réussi. Ne donne qu'à la deuxième année; mais le ter- 
rain est très favorable à cette culture qui affranchirait la 


NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 189 


France des envois de Singapore et autres lieux plus éloignés 
que Madagascar. 

Raphia. — La tige se nomme Bao et la palme Volotod. Ce 
Raphia sert beaucoup à Madagascar ; le Bao coupé en trois 
parties, ou seul suivant la grosseur, sert à la menuiserie pour 
les encadrements de portes et fenêtres, la partie intérieure 
(tendre) coupée en tranches dans le sens de la longueur, sert 
à faire les cloisons. 

Les fils de la palme servent à faire des cordes ou du fil qui, 
tissé, confectionne des rabannes, des bourgerons, des lam- 
bas, des rideaux, etc., etc. 

Le Raphia, tres léger et résistant, valait de 10 à 12 francs 
les 50 livres anglaises en 1897. 

Les Cannes à sucre poussent très bien, sans grands soins, 
mais ne servent qu'à la nourriture des noirs qui en mâchent 
avec plaisir des morceaux. Il y a place pour une sucrerie 
et une fabrique de rhum. 

Le Riz (Vary) était fourni à tout le Bouéni par le territoire 
de Marowoay. Un temps d'arrêt s’est produit, par suite des 
réquisitions d'hommes qu'il me fallait faire trop fréquemment 
par ordre d’un ex-administrateur en chef qui, on peut le dire, 
a failli dépeupler et ruiner toute cette riche contrée par ses 
inconcevables procédés administratifs. 

Les habitants espèrent que les Indiens ne leur serviront 
plus leur riz de Bombay et que Marowoay reprendra à brève 
échéance son rang pour la fourniture de cet aliment indispen- 
sable, car le noir ne mange du pain que comme gourmandise. 
Le Sakalave garde le riz en paille (Paddy) pendant deux ans 
et ne sait pas le conserver lorsqu'il l’a décortiqué. 

Pour ses besoins, il en pile tous les jours, mais rarement 
d'avance. 

Les rizieres du territoire de Marowoay s'étendent au- 
tour d'Amboliboka, près d'Ambolemoty, au bas de Anosifi- 
saka, à Ambohybary ainsi que dans la plaine qui sépare la Bet- 
siboka de la rivière de Marowoay concédée à demi-bénéfice, à 
M. Garnier, dont le fils a été tué par les Fahavalos pendant 
qu'il escortait un convoi de marchandises. 

Au bas d'Amparilava, il y a quelques rizières ; mais je le ré- 
pète, de 1895 à 1897, elles ont été presque désertées. 

Aussitôt le départ de l'administrateur dont il a été question 


490 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ci-dessus, les Malgaches se sont remis au travail et le résultat 
de leurs efforts se fera bientôt sentir. 

Le Maïs n’a pas été essayé en grand dans la région et pour- 
tant les éleveurs en utiliseraient les feuilles avec avantage 
pour la nourriture du bétail. On trouverait également l'emploi 
des feuilles séchées pour la literie. 

J’ai moi-même obtenu de beaux plants et de belles graines. 

Le Manioc se plante par boutures enfoncées obliquement en 
terre et protégées par une butée assez élevée, les racines se 
terminent par des bulbes iongs et gros ; ne demande qu’à ré- 
sister à la force des eaux. On pourrait tirer de sa fécule subs- 
tantielle le tapioca et l’amidon. Il y en a d'immenses champs 
dans la région. 

Les Breddes. — Sous ce nom, le noir désigne aussi bien 
uñe espèce d’Epinard acide, que les feuilles de la Citrouille 
ou du Manioc qu’il hache, fait bouillir et mélange à son riz. 

Le Caféier paraît devoir s'implanter dans les environs de 
Marowoay ; d'après un noir qui a travaillé dans la région où 
on le cultive, il y aurait de nombreux terrains propices à cette 
culture. 

Le Caféier malgache donne des gousses dont les grains 
produisent un breuvage plein d’amertume et apte à faire dé- 
sirer ardemment l’acclimatation du vrai Caféier dans le pays. 

Des Légumineuses à gousses vertes et qui contiennent de 
petites graines semblables à des lentilles sont appréciées 
dans le pays; celles-ci, bien séchées au soleil et bouillies, 
produisent un café (Fandriatinongo) bu avec plaisir... par 
le noir. 

Ces gousses servent dans la médecine locale pour le traite- 
ment des hernies. On fait bouillir les feuilles tendres avec de 
la viandeet du riz; ce mets est recommandé aux personnes 
atteintes de cette infirmité. Il y a des cures très souvent 
réussies, à ce que l’on dit. 

La Vanille, qui a été acclimatée récemment sur le terri- 
toire de Marowoay, se présente bien ; le sol se prête à sa cul- 
ture qui commence à donner au bout d’un an ; maïs il y a de 
nombreuses opérations à faire subir à la gousse avant d’avoir 
la Vanille, telle que nous la connaissons en France. Les plan- 
teurs ont là un bel avenir. 

Les Graminées sont nombreuses, croissent très vite, sèchent 
à la saison chaude et forment parfois un fouillis inextricable. 


NE 


NOTES SUR LA FAUNE ET LA FLORE DU HAUT-BOUÉNI. 194 


Elles feraient la joie d’un botaniste, mais ne paraissent pas 
très riches en principes nutritifs pour les animaux. 

Au contraire, les fourrages de France réussiraient sans au- 
cune peine à être acclimatés à Madagascar. 

Le colon doit faire les plus grands efforts pour acclimater 
à Madagascar les arbres et les plantes d'Europe. 

Peu ou pas d'arbres fruitiers dans le Haut-Bouéni, peu de 
fleurs. 

On pourrait essayer « avec chances de succès » l’accli- 
matation de nos espèces fruitières supportant la chaleur, 
ainsi que la fiore de la Côte d'Azur : il faut séjourner dans 
les pays exotiques pour savoir exactement combien sont 
belles les fieurs de France ! 

Puisse la Société nationale d’'Acclimatation de France 
envoyer à Madagascar un grand nombre des graines qu’elle 
distribue si généreusement (1). 


(1) Un certain nombre d’envois de graines ont été déjà faits par la Société à 
Madagascar, mais il est nécessaire de réagir contre l’optimisme excessif des 
colons, disposés à tout essayer et à croire, suivant leurs désirs, très légitimes 
d’ailleurs, que les fourrages de France par exemple, ou la flore de la Côte 
d'Azur s’acclimateraient sans peine à Madagascar. (Vote de la Rédaction.) 


192 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


SÉANCE GÉNÉRALE DU 16 DÉCEMBRE 1898. 


PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, VICE-PRÉSIDENT, 
ET DE M. LE D' WEBER, MEMBRE DU CONSEIL. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 


Décision pu CONSEIL. — PROCLAMATION 
DE NOUVEAUX MEMBRES. 


M. le Secrétaire général fait connaître que, dans ses séances 
des 10 novembre et 7 décembre 1898, le Conseil a décidé que 
durant la session de 1897-1898, une série de conférences avec 
projections serait faite le soir à huit heures et demie dans la 
grande salle. 

Le nombre des Sections de la Société étant actuellement de 
six, il a été décidé qu'une conférence aurait lieu, autant que 
possible chaque mois, sous les auspices de chacune des Sec- 
tions et sous la présidence de l’un des membres du Conseil de 
la Société, particulièrement qualifié pour la circonstance. 

La première conférence, présidée par M. Milne Edwards, 
aura pour sujet les Mammifères à acclimater ou à domesti- 
quer en France et dans les colonies françaises. Elle sera 
faite le jeudi 12 janvier à huit heures et demie du soir, par le 
Dr Trouessart, vice-président de la première Section. 

Les détails concernant les autres conférences seront pu- 
bliés ultérieurement. Chaque conférence remplacera l'une 
des séances générales de quinzaine, non compris la séance de 
distribution des récompenses. 


— M. le Président proclame les noms des Membres admis 
par le Conseil depuis la dernière séance générale : 


M. PRÉSENTATEURS. 
BERTRAND (Lucien), géomètre principal du 
service topographique à Madagascar, à 
Paris, chez M. Chappellier, 46, rue du 
Faubourg-Poissonnière. 


Chappellier. 
Baron J. de Guerne. 
Le Myre de Vilers. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 193 


MM. PRÉSENTATEURS. 

Baron J. de Guerne. 
Le Myre de Vilers. 

Raveret-Wattel. 


Cræ&pix (Joseph), sous-chef de bureau au 
ministère de la guerre, 163, rue Blomet 
à Paris. 


Bourdarie. 


MICHELIN (André ingénieur, 7 rue | 
( PRE HART Baron J. de Guerne. 


Hurod Paris- Milhe-Poutingon. 


Clément. 
Baron J. de Guerne. 
Le Myre de Vilers. 


MorTraz (Charles), naturaliste, 39, Grand- 
Pré, Genève (Suisse). 


de Varenne, à Paris, el château de la ; Le Myre de Vilers. 


PONTOI-PONTCARRÉ (Comtesse de), 61, rue | Baron J. de Guerne. 
Pierre, par Condrecieux (Sarthe). | D' Weber. 


DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. 


Notifications, renseignements, avis divers, généra- 
lités. — M. Caustier, secrétaire des séances, s’excusant de 
ne pouvoir assister à la réunion, M. le Secrétaire général 
procède au dépouillement de la correspondance. 


— M. Mottaz remercie de son admission. 


— M.le Ministre de l'Agriculture informe la Société qu'une 
médaille d’or, grand module, lui est accordée pour être dé- 
cernée au nom du Gouvernement dans la séance de distribu- 
tion des récompenses en 1899. — Remerciements. 


Mammifères. — M. Pays-Mellier (Mb) annonce, à la date 
du 20 novembre 1898, qu'il a recu de Parthenay (Deux-Sèvres) 
une Genette mâle, qu’il conserve à la Pataudière ; il cherche 
à se procurer une femelle de la même espèce. 


Ornithologie. Aviculture. — M. Bizeray (Mb) adresse un 
compte rendu des travaux d’Aviculture qu'il poursuit depuis 
douze ans à la Villa de Jagueneau, près Saumur. (Renvoi à 
la Section d'Ornithologie et à la Commission des récom- 
penses.) 


— M. P. Wacquez (Mb), Secrétaire général du Comité du 
Standard avicole de France, informe la Société que ce Comité, 
dans l’une de ses dernières réunions, a nommé deux commis- 
sions chargées : l’une de préparer le travail du Standard de 
la race de Crèvecæœur, l’autre celui du Standard du Pigeon 


194 BULLETIN-DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


romain. M. Wacquez donne la composition de ces deux com- 
missions. Il adresse, en outre, pour être distribués à la 
Société, un certain nombre de bulletins d'adhésion au Comité 
du Standard. À ces bulletins se trouve annexé le texte de 
l'allocution prononcée par M. Oustalet, lors de l'inauguration 


des séances du Comité. 


Aquiculture. — M. Valery-Mayet, professeur à l'École 
nationale d'Agriculture de Montpellier, demande des rensei- 
gnements sur les établissements de pisciculture pouvant lui 
fournir des œufs de Truite arc-en-ciel ; il désire se livrer à 
l'élevage de ce Salmonide, et rappelie, à ce propos, qu'il a été 
chargé par la Société d’Acclimatation en 1880 et 1881, de 
faire éclore plusieurs milliers d'œufs de Saumons de Cali- 
fornie et de jeter les alevins dans l'Hérault. La Société l'a 
même honoré d'une récompense en 1884, pour la collabora- 
tion prétée par lui à ses travaux dans cette circonstance. 

— M. Raphaël Ladmirault adresse une notice sur les Cou- 
leuvres vivant habituellement dans l’eau de mer, fait assez 
fréquent dans les étangs salés du département de l'Hérault. 
(Renvoi à la Section d'Aquiculture, voir Bulletin ci-dessus, 
page 123.) 


Botanique.— M. Trabut (Mb), botaniste du Gouverne- 
ment général de l'Algérie, adresse une note concernant le 
Bananier du Hamma dont les fruits ont été envoyés à la So- 
ciété par M. Rivière et dont il a été question dans le Bullelin 
de 1898, page 192. La note de M. Trabut est publiée (voir 
page 196 ci-après). 

— M. Édouard André envoie quelques renseignements sur 
le Feijoa sellowiana et adresse deux fruits de cette Myrtacée 
tombés avant la maturité complète. 


— M. R. Ladmirault, répondant à une lettre de M. le 
Secrétaire général, donne quelques détails sur les Cactées 
qu'il croit pouvoir être répandues dans le sud-ouest de la 
France pour arrêter les incendies des forêts. Une petite en- 
quête à ce sujet est entreprise par ses soins dans les environs 
de Montpellier. 


Cheptels. Dons et distribution d'œufs de Vers à soie 
et de graines. — M. Mottaz, de Genève, remercie des co- 
cons d’Attacus cynthia qui lui ont été envoyés. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 195 


— M. l'abbé Charruaud adresse de Bessens (Tarn-et-Ga- 
ronne) plusieurs 2rappes de Phytolacca et uneracine de l’an- 
née ; les graines sont à distribuer aux Membres de la Société. 
On peut recommander aux amateurs d’Oiseaux de volière la 
multiplication de cette plante dont les fruits sont très appré- 
ciés des volatiles. 


— La Société a recu en don, pour être distribuées entre ses 
Membres, diverses séries de graines : 

De M. Gustave Beauchaine, de Chatellerault, divers arbris- 
seaux et des Maïs hâtifs au sujet desquels sont données 
quelques explications (voir Correspondance). 

De M. Léon Diguet, des graines de Cereus Pringlei Watson, 
recueillies par lui en Basse-Californie. Ces Cactées, dont la 
hauteur peut dépasser 10 mètres et qui produisent des fruits 
comestibles, pourraient réussir en Afrique dans les régions 
sèches. 

De M. Levardois, des graines d’'Acer Saira et de Juglans 
ailantifolia. 

De M. Milhe-Poutingon, président de la Section coloniale, 
une série de graines de l’île de la Réunion. 

De M. Morel, diverses graines d'arbres fruitiers et d'Euca- 
lyptlus récoltées par lui à Beyrouth ; il y a joint des Physalis 
Franchelr provenant du département de l'Oise. 

De M. Proschowsky, une très belle série de plantes indus- 
trielles ou ornementales provenant de Nice. 

De M. Raymond, diverses graines d’Acacias, provenant de 
sa propriété de la Gaïllarde-sur-Mer (Var). 

Enfin de M. Rivière, une série considérable de graines très 
variées recueillies au Jardin d'Essai du Hamma (Alger) et 
dont l'envoi a été annoncé dans la dernière séance. 

Les listes de toutes ces graines paraîtront dans les feuilles 
annexes du Journal pour faciliter les demandes des Membres 
de la Société. 

_La correspondance, spéciale et très considérable, relative à 
ces distributions de graines, n’est pas de nature à être ré- 
sumée en séance. 


COMMUNICATIONS ORALES. 


M. le Président insiste sur l'importance des dons de graines 
faits à la Sociélé. Il remercie hautement les donateurs dont 


196 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


l'exemple sera certainement suivi surtout par les personnes 
qui, ayant recu des graines, en auront obtenu à leur tour. 

— M. le Président, désirant prendre la parole, prie 
M. Weber de vouloir bien le remplacer au fauteuil. 

— M. Raveret-Wattel fait une communication sur le Po- 
moxys annularis des États-Unis et sur son introduction à 
la Station aquicole du Nid-de-Verdier (voir Bulletin ci-dessus, 
page 49). 

— M. Joseph Vallot présente une inflorescence de Musa 
ensele obtenue en plein air, en France, dans la région de 
l’Olivier, aux environs de Lodève (Hérault). Il donne sur ce 
fait exceptionnel des détails qui seront consignés au Bulletin. 

— Au nom de MM. Heckel et Schlagdenhauffen, lecture 
est donnée d'un travail sur le tubercule aérien du Dioscorea 
Hoffa (voir Bullelin, janvier 1899, page 6). 

— M. Debreuil présente plusieurs photographies d’un couple 
de Maras (Dolichotis patagonica) qu'il a recu, il y a trois 
semaines, de M. Pays-Mellier. 

Le sexe de ces Rongeurs est très difficile à reconnaitre. 
Ces animaux sont en excellent état et M. Debreuil espère en 
obtenir des produits dont plusieurs pourront être remis en 
cheptel aux Membres de la Société. 

Pour le Secrélaire des séances empéché, 
JULES DE GUERNE, 


Secrétaire général. 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 


SUR LE BANANIER DU BRÉSIL CULTIVÉ AU JARDIN D'ESSAI 
DU HammMaA (ALGER). 


Le Bananier auquel il est fait allusion dans le procès-verbal de la 
Séance générale de la Société d’Acclimatation du 26 novembre 1898 
(Voir Bullelin, juin 1898, page 192). a été envoyé au Gouverneur gé- 
néral de l'Algérie en 1886, par un jardinier français attaché au Jardin 
botanique de Rio de Janeiro. Ce Bananier, confié par le Gouverne- 
ment au Jardin d'essai du Hamma, y a été multiplié, mais u’y a subi 
aucune modification comme on pouvait le prévoir, puisqu'il s’agit 
d’une plante qui ne graine pas. 

{Note communiquée par M. le D° Trabut, 
Botaniste du Gouvernement général à Alger.) 


197 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


LES PLANTES EXOTIQUES CULTIVÉES DANS LES JARDINS 
DE LA PROVENCE ET DE LA LIGURIE (1) 


par E. Sauvaigo. 


J’observe et je suis la nature, 
C'est mon secret pour être heureux. 


(FLorrAN, Le Savant et le Fermier.) 


Quand on considère le grand nombre de nouvelles plantes d'ornement 
dont la science moderne a enrichi l'horticullure provençale, on est 
frappé des services immenses que notre littoral a rendus à l'art des 
plantations. 

Celui qui n’aurait connu que les végétaux d'agrément cultivés, il y 
a quarante ans, à Nice et dans les environs, serait émerveillé en 
voyant les fleurs admirables qui, de nos jours, décorent les jardins. 

Etablis dans les situations les plus maritimes, au pied des rochers 
qui les abritent des vents du Nord et de l'Est, ces jardins forment de 
véritables serres chaudes où le thermomètre ne s'approche jamais du 
Zéro. 

C'est surtout sur les calcaires jurassiques, aux belles couleurs 
rousses, de Nice et de Menton et sur les gneiss brillants, riches en mica, 
de Cannes et du Golfe Juan que la chaleur, emmagasinée pendant le 
jour, est suffisante pour neutraliser pendant la nuit les effets du froid 
environnant et permettre aux végélaux de supporter presque sans 
souffrir les basses températures qui, ailleurs, les feraient périr (2). 

Trois causes primordiales conservent à nos hivers cette douceur, 
cette clémence dont sont privés les hivers des contrées placées sous la 
même latitude (43° 44’) : 

1° L'exposition en plein Midi sur un rivage ouvert dans la direction 


(1) Préface, — reproduite avec l'autorisation spéciale de l’auteur, — d’un 
volume intitulé : Flora mediterranea exotica. Enumération des plantes culti- 
vées dans les jardins de la Provence et de la Ligurie, par Emile Sauvaigo; 
4 vol. in-12, Nice 1899. 

(2) Les plantes ont la faculté de trouver pendant un certain temps en elles- 
mêmes, dans leur milieu intérieur, la provision de radiations thermiques néces- 
saires à l'exercice de leur vie et à leur développement. Si l’on ne tenait pas 
compte de cette chaleur interne, absorbée et emmagasinée, on pourrait croire 
alors que la plante vit seulement à la température du milieu extérieur, ce qui 
serait une erreur. Comme elle peut vivre ainsi dans un extérieur très froid, 
une plante, par son énergie chimique, peut prospérer dans un milieu trop chaud. 
Sa chaleur interne se maintient au-dessous de la température du milieu (Van 
Tieghem). 


Re" LEA, * 
è 


198 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


du Sud, faisant face au soleil et à nne mer relativement peu profonde 
et, par conséquent, d'une température plus élevée que celle des 
océans à grands fonds ; 2° la barrière de montagnes interposée entre 
le littoral et le Nord ; 3? l'intensité de la lumière et la constante séré- 
nité du ciel pendant l'hiver. 

Aucun pays, sauf l'Allemagne peut-être, n’a été mieux exploré que 
cette côte et aucun aussi ne le méritait autant. 

Au point de vue de leur végétation indigène, la Provence et la 
Ligurie (Riviera) sont, en quelque sorte, le cœur de l’Europe. Par la 
région montagneuse, elles rappellent l'Angleterre, la Belgique, l'Alle- 
magne; par la région méditerranéenne, elles sont presque l'équivalent 
de l'Espagne et de l'Afrique septentrionale; les hautes sommités al- 
pines leur permettent de s'approprier la végétation de la zone arctique. 

Cette flore serait encore considérablement enrichie, si nous faisions 
entrer en ligne de compte les végétaux de tous genres importés des 
régions tempérées chaudes du globe, notamment de l'Australie qui 
possède au Nord un climat tropical et au Sud un climat presque médi- 
terranéen, de la Chine, du Japon, de l'Inde, du Cap de Bonne-Espé- 
rance, dont la flore a les plus grandes analogies, par ses caractères 
généraux, avec celle de l'Australie méridionale, du Mexique, de la 
Californie, du Brésil, de l'Argentine, etc. 

Il est peu de botanistes, d'horliculteurs, de personnes même les 
plus étrangères à la connaissance des plantes, qui n'aient visilé avec! 
intérêt nos montagnes ef nos parterres. 

Là surtout se déploient ces splendeurs de la nature que nous 
admirons et aimons. 

C'est dans ce jardin des Hespérides que les Orangers fleurissent, que 
les Lauriers roses s'épanouissent au soleil. C’est là que l'on fait dans 
les champs la guerre aux Anémones, aux Tulipes, aux Glaïeuls que 
l'on considère comme de mauvaises herbes. 

C'est dans cet immense parc aux nombreux palais qui a pour lac la 
Méditerranée, pour accidents de terrain les Alpes et les Apennins, que 
l'on passe, sans savoir où se fixer, d'Hyères à Cannes, de Nice à 
Menton, de San Remo à Gênes, qu'ensuite l’on revient, hésitant 
encore, et qu'on découvre la plage de Saint-Raphaël, les parcs du 
Golfe Juan, le Cap d'Antibes, les promenades de Monaco, les jardins 
de la Mortola, Bordighera et ses Palmiers, les villas de Pegli et mille 
autres endroits délicieux, cachés dans les vallées ou perdus dans un 
repli de montagne. 

C’est enfin sur ce littoral, précieuse guirlande de fleurs exotiques, 
que des végétaux innombrables et variés ont élé entassés dans un 
espace relativement restreint. 

Des espèces que l'on chercherait vainement dans les serres les 
plus somptueuses de Londres, de Paris, de Vienne, prospèrent ici 
en pleine terre et s’y couvrent de fleurs et de fruits. Chaque année 


EXTRAITS ET ANALYSES. 199 


apporte son contingent de plantes nouvelles pour la science et pour 
la culture. 

L’A vocatier, l’Anona, le Goyavier y donnent des fruits qui arrivent à 
maturité ; le Bananier, plusieurs formes de Palmiers y fructifient tous 
les ans (1); environ quarante espèces d’Acacias y étalent leur élé- 
gant feuillage et leurs jolies et nombreuses grappes de fleurs jaunes ; 
quatre-vingts espèces d’Eucalyptus embaument l’air et nous réservent 
encore bien des surprises. Les Rhododendrons, aux nuances écla- 
tantes, empruntés aux hauteurs hymalayennes, les magnifiques 
Azalées résistent aussi aux rigueurs de nos saisons. 

Les Légumineuses, Synanthérées et Myrtacées, les Araliacées, Pro- 
téacées et Conifères, les Crassulacées, Aloïnées et Agavées sont large- 
ment représentées dans cette région. Les Fougères, aux feuilles de 
dentelles découpées de mille manières, qu’elles soient arborescentes 
ou herbacées, et tant de familles admirables qu'aucune description ne 
peut rendre, viennent ajouter leur note décorative à ce merveilleux 
tableau. 

Quel est le climat qui présente autant de conditions favorables à la 
santé et d’agréments pour la vie? Quelle contrée en Europe peut le 
disputer à celle-ci par la variété et l'importance de ses productions 
_ végétales ? 

Les végétaux introduits dans les jardins peuvent être rapportés à 
irois catégories : 

1° Planies acclimatées ou cultivées avec succès dans des pays nou- 
veaux pour elles. 

20 Plantes réellement naturalisées ou se reproduisant par des graines 
plus ou moins longtemps loin du lieu de leur origine, sans le concours 
de l’homme. 

A cette catégorie appartiennent aussi les plantes qui se reproduisent 
depuis de longues années, par boutures, par drageons, par bulbes et 
tubercules. 

3° Plantes cultivées d’une manière transitoire et accidentelle. Ces 
plantes ne sont pas mentionnées dans cet ouvrage. 

La première section comprend la majeure partie des espèces et se 
compose notamment de plantes vivaces, ligneuses. La deuxième n'offre 
que peu de végétaux. Malgré les conditions favorables de notre climat 
et le grand nombre d'espèces introduites, les véritables naturalisa- 
tions et multiplications spontanées par semis spontanés et successifs 
sont rares. 

La plupart des types sont chassés de nos parterres par les nouveaux 
venus, ou étouffés par la végétation autochtone si jamais ils échappent 


(!) Les plantes à fruits exotiques et les principales espèces décoratives et 
commerciales, cultivées dans la région, ont été décrites dans l’ouvrage : Les 
cultures sur le littoral de la Méditerranée. 


200 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


des jardins. Nous signalons ci-après les plantes, naturalisées sur le 
littoral qui font partie de la deuxième catégorie. 

Faire connaître les principaux végétaux exotiques de plein air, té 
duits depuis cinquante ans environ dans la région septentrionale ma- 
ritime de l'Oranger en Europe, et venir en aide aux expérimentateurs 
qui s'intéressent à la culture des plantes d'agrément et d'utilité de 
provenance étrangère, tel est notre but en publiant ces pages. - 

L'ouvrage, divisé en deux volumes, contient l’éenumération détaillée 
des plantes ligneuses ou herbacées, la plupart ornementales, quelques- 
unes utiles, ayant donné ici les plus heureux résultats et sur la durée 
desquelles on peut compter. : 

Après le nom scientifique généralement admis et une courte syno- 
nymie, nous avons mentionné la patrie de la plante, ses caractères 
essentiels, l’époque de sa floraison dans le Midi, la date de sou intro- 
duction en Europe ou, même dans la région, ses propriétés. 

Notre tâche eût été difficile et notre travail insuffisant si nous 
n'avions trouvé à la Villa Thuret, à Antibes (l), une source inépuisable 
de renseignements. 

La riche collection dendrologique de cet établissement, son vaste 
herbier et sa bibliothèque ont été largement mis à contribution. 

Il est permis de mentionner aussi le célèbre jardin Hanbury (Palazzo 
Orengo), à la Mortola, près Vintimille, musée végétal vivant, qui ren- 
ferme toutes les espèces ou races de végétaux offrant un intérêt pour 
le midi de l'Europe. | 

Nous ne saurions terminer sans payer notre tribut de reconnais- 
sance aux horticulieurs qui nous ont fait profiter de leurs observations. 
Nous gardons le meilleur souvenir de nos relations avec eux, relations 
que leur oblizeance a rendues si agréables (2). 


Nice, 4 novembre 1898. 


(1) La Vila Thuret est aujourd'hui un établissement de l'Etatrelevant du 
Ministère de l'Instruction publique. Ce jerdia d’essai a été fondé en 1856 par 
Gustave Thuret, né à Paris en 1817, mort à Nice en 1875, éminent algolozue 
et botaniste passionné. 

(2) Le premier volume de cet ouvrage, qui devait paraître en 4894, a subi 
une foule de péripéties et a dû être imprimé par tronçons à des intervalles plus 
ou moins éloignés. 


Indice décimal. B U L L ETI N 


NOUIBTÉ NATIONALE D'ACCUIMATATIN 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


45° ANNÉE 


JUILLET 1899 


SOMMAIRE 
Gasrtez ROGERON. — Observations sur le Canard sauvage : particularités de sen 
plumage............... A ER ee sésnseesreneserseseessressesesseste 204 
Cuarzes RIVIÈRE. — La sélection du Bananier duHammar ss rene d'la s ste Re 
Extraits des procès-verbaux des Séances de la Société : 
219 


Séance générale du 27 janvier 1899 ........ SHOT CC CIC OU ROUE BIC 0 0 D CE CE D : 


48 Section. Entomologie. Séances des 23 janvier, 20 février, 20 mars et 24 avril 1899. 224 
5€ Section. Botanique. Séance du 34 janvier 1899................. senc Sectes D 22 


Extraits de la correspondance : 


Les Fundules verts du Brésil. — Sur le Cerez alba. — Les Tulipes de la Savoie. ...... D Pl 


La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
érnises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


—— memes 


Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société 4 fr. 50 


AU SIÈGE 
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201 


OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE 


PARTICULARITÉS DE SON PLUMAGE (1) 


par Gabriel ROGERON. 


\ 


Le plumage du Canard, de tous les Lamellirostres en 
général et de beaucoup d’autres Oiseaux, offre des particula- 
rités remarquables qui ne sont pas assez connues, qui même, 
je pourrais dire, sont ignorées par beaucoup de ceux dont la 
profession exigerait qu'ils étudiassent cependant la nature de 
plus près ; on en a maintes preuves. 

Ainsi, un peintre place-t-il dans son tableau un Canard 
sauvage volant, il manque rarement de reproduire une sorte 
de monstre au corps énorme, souvent obèse, soutenu par 
deux ailes absolument insuffisantes pour soulever pareille 
masse. C’est qu'il ignore que le Canard sauvage, dans l'air, 
perd parfois la moitié de sa grosseur apparente; il s’y di- 
minue, il s’y effile au point d’apparaître comme un mince’ 
fuseau entre deux longues ailes. 

Sans doute les peintres n'ont vu d'ordinaire les Canards 
qu’à terre ou sur des pièces d’eau (encore sont-ce rarement 
des Canards sauvages) ou bien à l’étalage des marchands de 
gibier; et tout naturellement ils ont pensé que ces Oiseaux 
quand ils volent, ne doivent changer ni de grosseur, ni de 
forme en dehors de leur cou et de leurs ailes tendus; peut- 
être même, afin d’être plus vrais, ont-ils poussé le soin jus- 
qu'à suspendre au plafond de leur atelier par des fils ingé- 
nieusement établis un Canard mort, les ailes étalées. Cette 
fois il n’y aura plus de doute, la nature a été bien prise sur le 
fait avec la plus scrupuleuse exactitude. 

Cependant, rien en réalité ne sera plus faux qu'un Oiseau 
de cette race ainsi interprété; car, le Canard pour le port et 
la tenue de son plumage, n’est plus le même pendant le vol. 
Encore y a-t-il vol et vol; le vol au départ, le vol à petite dis- 


(4) Ce mémoire, lu au Congrès des Sociétés savantes réuni à Toulouse en 
avril 1899, a été présenté à la Société d’Acclimatation, en séance générale, le 
40 février 1899. 

Bull. Soc. nat, Accl. Fr. 1899. — 14. 


RME x. AA PTE 
- " : LE : 


202 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


tance de terre devant être de courte durée, où l'Oiseau n'est 
pas lancé, et le vol rapide des hautes régions de l'atmosphère. 
Et, je le répète, ce que je dis du Canard sauvage que je 
prends ici pour type, peut s'appliquer aux autres espèces de 
Canards, ainsi qu'à toute la famille des Lamellirostres, Oies, 
Cygnes, mais de race sauvage, condition essentielle. Cette 
différence si notable dans l’apparence de grosseur de ces 
Oiseaux au vol et en dehors du vol, vient d’une sorte de mé- 
canisme des plumes, les faisant changer de position pendant 
le vol. Les plumes alors deviennent parallèles au corps, se 
resserrent contre lui, s’aplatissent de facon à présenter le 
moins de volume possible, et par là même le moins de résis- 
tance à l'air, tandis que dans les autres circonstances, celles- 
ei, ou du moins la plupart d’entre elles, se maintiennent 
perpendiculairement par rapport au corps, à l'exception 
toutefois de leurs pointes recourbées en arrière presque égale- 
ment à angle droit. 

Cette situation si opposée des plumes des Lamellirostres 
dans les conditions différentes de la vie journalière, n’a pas 
lieu chez les autres Oiseaux à un degré comparable, si ce n’est 


toutefois chez les Passereaux de petite taille, lesquels, en: 


‘dehors du vol, ont également le plumage si peu serré, si va- 
poreux, qu’ils semblent deux ou trois fois plus gros qu'ils ne 
le sont en réalité, par exemple, les Rouges-gorges, les Bou- 
vreuils, les Roïtelets, etc., dont le corps est pour ainsi dire 
perdu dans un léger flocou de plumes aux formes et contours 
d’une souplesse telle, que ces charmants petits êtres varient à 
chaque instant d'apparence et de grosseur, ce qui leur donne 
quelque chose d’éthéré, de fugitif, de presque immatériel. 

Chez le Canard, ces mêmes changements d'apparence et de 
grosseur dans les différentes conditions de l'existence, au vol 
et au repos, ont lieu aussi, comme chez les petits Oiseaux, 
essentiellement en vue de l'esthétique et de la beauté. Et il 
faut nécessairement qu'il en soit ainsi; sinon, au lieu du bel 
Oiseau aux formes souples, bien prises et arrondies que nous 
connaissons, si nous l’apercevions sous son apparence et sa 
grosseur réelles, avec ses plumes serrées, nous aurions de- 
vant nous au contraire, un animal tout à fait dispropor- 
tionné, invraisemblable, absolument ridicule, maigre, étique 
et démesurément allongé. 

Pour remédier à ce grave inconvénient, pour donner plus 


OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE. 203 


d'ampleur à l’Oiseau, à chaque endroit manquant d'épaisseur, 
les plumes y ont suppléé; elles se sont allongées, redressées 
suivant les besoins; même, sur la majeure partie du corps, ce 
redressement des plumes a lieu à angle droit ou presque 
droit ; et cela avec un tact, un art, une süreté admirables sup- 
pléant à ce que le corps peut avoir de réellement défectueux; 
l'Oiseau véritable, de chair et d'os, assez grossièrement mo- 
delé avec cette première substance, du moins au point de vue 
de la forme et de la grâce, a été repris, corrigé, refait à nou- 
veau avec la plus rare perfection dans l’enveloppe extérieure 
des plumes. De telle sorte que dans le Canard, comme du 
reste dans chaque Oiseau, il y a pour ainsi dire deux per- 
sonnes superposées, celle de chair, la réelle, la vraie, abso- 
lument informe, hideuse, et, celle de plume qui est sa per- 
sonne apparente; celle-là, modelée avec un goût, une gràce, 
un art exquis. 

Pour obtenir ce résultat, pour que le corps de plume soit 
complètement différent du véritable, auquel il a été superposé, 
il a fallu que la nature adoptât ici, comme on voit, un sys- 
tème entièrement différent de celui dont elle s’est servie pour 
vêtir de leur fourrure les Mammifères, laquelle chez ceux-ci 
est calquée, moulée sur l’animal lui-même, qu’elle ne fait que 
recouvrir à peu près régulièrement dans toutes ses parties, 
ne le regrossissant selon la longueur des poils et l'épaisseur 
de cette fourrure que dans les précédentes proportions; de 
sorte que l'animal débarrassé de son poil, tondu, par exemple, 
reste le même et parfois devient plus fin de formes, plus gra- 

cieux encore. Il en est tout autrement de l’Oiseau, s’il eût été 

simplement regrossi par ses plumes à la facon du Mammifère 
par sa fourrure et au moyen du même procédé, ses disgra- 
cieuses formes naturelles ainsi accentuées, augmentées, il eût 
abouti à un véritable monstre, à une sorte de gros Criquet 
aux cuisses et aux jambes repliées sous lui de la façon la plus 
grotesque. Afin d'éviter pareil inconvénient et de transformer 
au contraire l’Oiseau en un des êtres les plus ravissants, les 
plus légers, les plus éthérés de la création, la nature a ac- 
compli de véritables tours de force, des prodiges, en mode- 
lant la seconde enveloppe de l’Oiseau, celle des plumes, de 
telle facon, chose bizarre, qu'elle ne ressemblät en rien au 
moule vulgaire et grossier sur lequel elle était appliquée, en 
un mot que le moulage fût absolument différent du moule. 


4 


ARS, ee CÉSEETdE, E° 


204 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Des bras ou moignons informes de l’Oiseau, ont surgi de 
longues et superbes plumes qui, réunies sous formes d’ailes, 
lui servent à fendre l'air; ces ailes sont du reste sa raison 
d'être, sans elles, l’Oiseau n'existerait pas. Maïs, quoi faire de 
ces longues et belles ailes, si embarrassantes ? Ingénieuse- 
ment repliées, elles ne tiendront que bien peu de place, s’a- 
daptant exactement, comme un manteau bien fait, sur les 
épaules et le dos de l’Oiseau. 

Cependant, malgré le soin de les replier en trois parties, 
l’une sur l’autre, ce manteau prenant si bien sur l’Oiseau en 
avant de sa personne, sera encore en arrière démesurément 
long; dépassant souvent le corps de moitié, il aurait toute 
une partie inutile, ne recouvrant rien; inconséquence et 
manque de goût, que la nature a voulu éviter à tout prix. 
C’est alors qu’elle y a suppléé en prolongeant artificiellement 
cette partie du corps d’un quart, ou d’un tiers, adaptant con- 
trairement à l'usage, non l'habit à la personne, mais bien la 
personne à l’habit, rallongeant ingénieusement celle-là trop 
courte pour celui-ci; ce rallongement est fictif et seulement 
de plume bien entendu. Pour cela, de l’extrémité postérieure 
du corps de l'Oiseau, gros, épais et terminé en angle, du 
croupion en un mot, ont surgi, comme du moignon des ailes, 
de longues et solides plumes, celles de la queue, qui, dans leur 
partie extérieure, seront la principale ossature de ce prolon- 
gement artificiel. C’est, en effet, sur ces plumes que vien- 
dront converger, s'appuyer les autres plus légères, plus 
molles servant de rallonge. Ces plumes légères et allongées, 
dont une partie part des flancs, ont en outre pour but de 
voiler ces cuisses et ces jambes affreuses de l’Oiseau, dont la 
vue serait absolument désagréable ; elles les recouvrent 
comme d’une robe de dessous laquelle s’échappent discrète- 
ment, restant seuls visibles, les pieds ou tarses de l’Oiseau. 
Cette partie de plumes rajoutée qui équivaut au quart ou au 
tiers de l’Oiseau, se prolonge, comme on voit, sur la base de 
la queue, l’enveloppant en une plus ou moins grande partie 
de sa longueur et parfois totalement, comme chez la Caille, 
par exemple. d 

C'est ce prolongement artificiel de l’Oiseau, qui, suivant 
qu'il est accentué, lui donne d'ordinaire une si grande appa- 
rence de grâce et de légèreté. Et, chose singulière, ce sont 
les Oiseaux pour lesquels la nature s’est montrée particulière- 


0 


OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE. 205 


ment libérale en semblant unir la souplesse et la délicatesse 
des formes, à une vie et à des mœurs tout éthérées, dont le 
corps réel, le vrai, celui caché sous une trompeuse enveloppe 
de plumes, est le plus épais, le plus court, le plus lourd; 
telles sont les Colombes, les Hirondelles, les Sternes, pa- 
raissant extérieurement si allongées, si sveltes. En effet, pour 
suffire à la puissance de leur: vol, il a fallu des muscles pec- 
toraux fort développés, relativement énormes, lesquels re- 
posent sur un sternum par là même très proéminent; de 
sorte que la charmante Hirondelle, par exemple, ne serait 
qu'un affreux petit monstre, informe, anguleux, aussi épais 
que long, s’il n'y avait été admirablement remédié en voilant 
sa forme véritable au moyen de plumes allongées, disposées 
avec le goût et l’art les plus parfaits. Ici donc la nature, tou- 
jours dans son perpétuel souci de l'harmonie des choses, et 
jamais à court de ressources, a su métamorphoser un hideux 
petit corps en celui d’un de nos Oiseaux les plus charmants 
et absolument approprié à ses mœurs et à son genre de vie. 

Après la partie postérieure, c’est le devant de l'Oiseau où:il 
y à le plus à ajouter, à remanier pour le rendre d’un aspect 
correct et agréable. Ce cou, long fourreau terminé par une tête 
informe, ces épaules trop larges d’entre lesquelles surgit brus- 
quement un cou trop mince, ce jabot en avant, sorte d'estomac 
extérieur en forme de sac ridicule, tout cet ensemble absolu- 
ment heurté, disgracieux, grotesque, le plumage est venu 
également ici le dissimuler, le voiler de plumes, en imprimant 
à celles-ci les contours les plus moëlleux, les plus gracieux, 
les plus doux. 


Maïs, chez le Canard, outre l'embellissement ordinaire que 
la nature à eu en vue par cette sorte de métamorphose, le 
plumage a encore d’autres usages bien différents, ceux-ci 
absolument utilitaires et pratiques, mais non moins curieux. 
Les plumes du corps chez lui, ainsi que chez les différents 
Lamellirostres, sont disposées de facon à former une sorte de 
chambre à air très étanche, l’isolant parfaitement du liquide 
sur lequel il nage ; de telle sorte que celle-ci, cette chambre à 
air, le garantit du froid qu'il éprouverait au contact immédiat 
de l’eau, en même temps qu’elle l'y soutient comme une sorte 
de bouée ou vessie natatoire extérieure. En effet, dans toutes 
les parties immergées du Canard nageant, c'est-à-dire dans 


206 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


toutes celles au-dessous de la ligne de flottaison, les plumes 
disposées à leur base perpendiculairement par rapport au 
corps, se replient dans leur seconde partie presqu'à angle 
droit en arrière pour s'appliquer sur leurs voisines, lesquelles 
en font autant à leur tour, et ainsi de suite depuis le jabot 
jusqu'aux parties postérieures. Et ces extrémités de plumes 
repliées l’une sur l’autre sont si bien juxtaposées que par 
leur réunion et par l’imperceptible vernis huileux dont elles 
sont oïintes, elles forment la surface la plus unie, la plus lisse, 
de même qu’une enveloppe imperméable à l’eau et à l'air, une 
sorte de chambre à air, je le répète, isolant, protégeant toute 
la partie inférieure de l’Oiseau contre l'humidité et le froid, 
laquelle est rendue plus confortable encore par le fin duvet, 
attaché à la peau ainsi qu’à la base de chaque plume et rem- 
plissant cet espace vide d’un léger et chaud édredon. Cette sa- 
vante et hygiénique confection du vêtement du Canard et des 
autres Lamellirostres était absolument indispensable à un Oi- 
seau passant une grande partie de sa vie sur l’eau afin de l’en 
isoler entièrement et par là même le soustraire au froid qui, 
sans cette précaution, l'aurait inévitablement envahi et para- 
lysé. Mais cette ingénieuse disposition de son plumage a cette 
conséquence singulière, bizarre, que ces Oiseaux aquatiques 
par excellence, se trouvent en l'impossibilité absolue, dans 
l'acception propre du mot, de se baïgner; avec la meilleure 
volonté du monde, ils ne le peuvent pas ; bien que nageant et 
plongeant, il leur est impossible de faire parvenir la moindre 
goutte d’eau, la plus légère humidité jusqu'à leur peau, et 
s'ils tiennent parfois à se rafraîchir, comme les simples 
Oiseaux terrestres, ils ne le peuvent pas; ce devrait être 
pour eux un vrai supplice de Tantale. Heureusement ils 
sont conformés, parait-il, de telle sorte qu'ils ne semblent 
nullement souffrir de cette privation, tant ils paraissent 
d'ordinaire frais et heureux sur l’eau. Et dans la chaude 
saison, la nature, je veux dire la Providence, n’a-t-elle 
pas pourvu jusqu’à un certain point à cet inconvénient en 
leur donnant par une seconde mue, exclusive à cette race, 
un costume moins soigné, moins confortable, par là même 
moins chaud ; puis, ne peut-on pas ajouter que par l'effet 
même de leurs deux mues qui durent fort longtemps et ont 
lieu, l’une au commencement, l’autre à la fin de l'été, beau- 
coup de plumes durant cette saison se trouvent à manquer 


« 


OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE. 207 


dans leur plumage rendu ainsi moins compact et plus léger. 
Mais ce qui prouve d’ailleurs qu'ils ont une naturelle répulsion 
pour l’eau les touchant directement, c'est que quand, par une 
cause quelconque, un accident, une maladie, les plumes 
viennent à se détériorer, ou à manquer en trop grand nombre, 
laissant se produire une solution de continuité par laquelle 
l’eau pénètre dans l’intérieur du plumage, dans cette chambre 
à air, l’Oiseau n'étant plus soutenu par cette dernière, et au 
lieu de flotter comme un bateau, s’enfonçcant misérablement 
jusqu'aux deux tiers du corps, il présente alors toutes les 
apparences d'une véritable souffrance de froid ; il évite dans 
ces conditions de nager, et s’il y a été contraint, il ne cherche 
qu'à gagner la rive au plus vite et cela, même l'été, quand 
Peau est moins froide, tant il semble avoir horreur d’un 
rapport direct avec elle. | 

Mais le Canard quitte-t-il l’eau ou le sol pour prendre son 
vol, il s'opère alors en lui une transformation complète. Le 
cou relativement court jusque-là, qu’on ne soupconnait pas, 
du moins tel qu'il est en réalité, s’allonge démesurément tout 
à coup, tandis que le corps de son côté se rétrécit, s’amincit 
par le changement complet de la disposition des plumes, qui 
de gonflées qu’elles étaient tout à l’heure afin de donner 
plus d’ampleur, plus de grâce à l’Oiseau et d’y loger en outre 
la couche d’air isolante nécessaire à la conservation de sa 
chaleur natureile et à son maintien sur l’eau, se sont tout à 
coup aplaties, resserrées. De cette sorte, par ce resserrement 
des plumes pendant le vol, il est réduit du tiers ou de la 
moitié de sa grosseur, apportant par là même moins de résis- 
tance à l'air. C’est alors un tout autre Oiseau, de proportions 
complètement différentes de ce qu'il était avant, aux formes 
infiniment plus allongées et plus minces. 


Ainsi que je l'ai dit, cette diminution de grosseur du Ca- 
nard volant varie suivant la distance plus ou moins grande 
qu'il a à parcourir, et par là même-suivant la rapidité de son 
vol. S'il ne doit faire un vol que d’une distance fort courte, 
s'élever de terre ou de l'eau pour retomber à quelques pas de 
là, son volume dans ce cas n'est aucunement modifié, il con- 
serve sa grosseur ordinaire et parait énorme pour ses ailes. 
S'il vole à peu de distance du sol, à une moyenne hauteur, son 
volume sera de beaucoup diminué, mais pas au point d'amin- 


208 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


cissemenf, il s’en faut, où il en arrive quand, complètement 
lancé à toute vitesse, il parcourt presque à perte de vue les 
hautes régions de l'atmosphère pour accomplir ses voyages à 
long cours. C est là que son corps semble diminué, ramené aux 
proportions les plus infimes ; et par suite de cette différence 
de volume, il parait fort allongé et réduit à très peu de chose 
entre ses deux longues ailes. Cette différence apparente de 
grosseur quand le vol est ainsi fort élevé, ne serait-elle pas 
un effet de l'illusion ? L'Oiseau vu de trois quarts dans un vol 
intermédiaire doit naturellement paraître plus épais que dans 
un vol tres élevé où on n'aperçoit qu'une seule de ses faces, 
celle de dessous. Maïs je ne crois pas que ce soit la seule 
cause de cette apparente diminution. Cependant, il serait bon 
que l’on prit quelques photographies instantanées de ces 
Palmipèdes dans leur plus haut vol, afin de se rendre un 
compte exact de cette réduction d'épaisseur. Néanmoins, il 
est plus croyable que cette extrême diminution de volume est 
bien réelle et qu'elle est produite par la pression considérable 
de l’air sur les plumes, grâce à la rapidité foudroyante avec 
laquelle le Canard, ainsi lancé, fend la couche d'air qu'il tra- 
verse, rapidité telle qu'il est arrivé que des Oiseaux de cette 
espèce fissent voler en éclats les épais vitrages des phares 
contre lesquels ils étaient venus frapper. Les Oiseaux de pas- 
sage volent, en effet, à une moins grande hauteur la nuit (et 
ces différents accidents de phares en sont une preuve), touten 
conservant la même rapidité que le jour dans les régions 
élevées. Le plumage ainsi resserré par cette formidable pres- 
sion de l'air traversé, pe doit plus présenter qu'un volume 
excessivement réduit, quelques millimètres seulement. C'est 
donc le corps du Canard qu'on aperçoit dans ces conditions 
à sa grosseur réelle et presque comme s'il était débarrassé de 
ses plumes qui ne comptent plus guère, pareïllement resserrées 
sous une telle pression. Et dans ces conditions, on se rendra 
compte de ce qu'un Oiseau de cette espèce peut perdre en 
réalité de grosseur, si on fait abstraction de ses plumes, en 
placant deux Canards sauvages morts côte à côte, l’un plumé 
et l'autre muni de ses plumes ; le premier paraît alors énorme 
et le second si petit, qu'on a peine à se figurer que ce sont 
deux Oiseaux semblables. 

Les Oies sauvages de même, dans les régions élevées où 
nous les apercevons traverser les airs à leurs passages pério- 


OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE. 209 


diques du printemps et de l’automne, semblent également à 
ces hauteurs s'être amincies à un degré invraisemblable 
quand on connait ces gros Oiseaux; leur corps disparait 
presque entre leurs deux longues ailes. Il m'est arrivé bien 
des fois de voir des Oies sauvages s’abattre à terre ou voler 
à petites distances du sol, et j'étais étonné alors de leur diffé- 
rence d'aspect. Autant ces Oiseaux paraissent minces, légers, 
volant seulement du bout des ailes dans les hauteurs de l'at- 
mosphère, autant, à petite distance du sol, ils semblent lourds, 
épais, ventrus, ne soulevant leur gros corps que par de 
orands et laborieux coups d'ailes. Il paraîtraït ainsi que dans 
ces hautes régions, ils sont devenus réellement plus légers et 
que l'air les porte plus facilement. Il en est de même pour les 
Cygnes que dans nos derniers hivers rigoureux, j'ai aperçus 
plus d’une fois passer à assez grande hauteur au-dessus de 
moi. Je n’en revenais pas de la légère apparence de ces 
grands Oiseaux et de la facilité de leur vol ; c'était d’ailleurs 
le vol de nos Oies de passage avec un cou infiniment plus 
allongé, un corps aussi mince et plus long, entre deux ailes 
plus grandes encore mais au bout arrondi. En arrivant chez 
moi et en revoyant le beau Cygne sauvage que j'y possède, 
aux formes essentiellement gracieuses, mais très doublé et 
d'assez forte corpulence, je me demandais comment, par 
quelles transformations, un Oiseau semblable peut arriver 
dans son vol à s’allonger, à s’amincir au point où je venais 
d’apercevoir tout à l'heureses pareils. 


Les plumes du Canard et des autres Lamellirostres sau- 
vages ne s’aplatissent ainsi sur le corps que pendant le vol. 
Dans les autres circonstances de la vie, à terre ou sur l’eau, 
leur plumage est toujours maintenu gonflé dans son ampleur 
normale. Il en est de même après la mort de l’Oiseau, les 
plumes se maintiennent également dans leur situation à angle 
droit avec le corps, et par là même, à leur état ordinaire de 
gonfiement. C’est ce qui fausse surtout les idées au sujet 
des proportions réelles des Canards sauvages en les voyant 
ainsi sous leur plus grosse apparence suspendus à l’étalage 
des marchands de gibier. 

. Je parle des Canards et autres Lamellirostres sauvages, je 
le répète, avec intention; car ceux de race domestique ne 
possèdent pas pendant le vol la même mobilité dans leur plu- 


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210 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


mage, la même facilité d'abaisser leurs plumes et d’en réduire 
ainsi le volume. Celles-ci restent toujours à peu près dans la 
méme situation, c'est-à-dire redressées et gonfliées et cela 
méme chez les races domestiques avoisinant de tres près les 
sauvages ; tel est en Anjou notre petit Canard de chasse ser- 
vant d'appeau, qui ne differe pas de son congénère sauvage 
par la grosseur, très peu par les couleurs, si ce n’est qu’elles 
sont moins vives et qui vole également quoiqu'avec moins de 
souplesse et de rapidité. Mais bien que ce Canard d'apgel 
soit, comme je viens de le dire, de même taille à terre que le 
Canard sauvage, en appareuce et en fait, au vol on l'en dis- 
tingue du premier coup. Les plumes n'ayant pas une égale 
souplesse pour s’abaisser et par là même l’amincir, il ne perd 
que fort peu de son volume ordinaire et semble en volant, 
gros, épais, ventru; ses ailes, qui cependant ont la même 
ampleur que celles du Canard sauvage, paraissent dispropor- 
tionnées et trop petites pour sa grosse corpulence. 

Mais à terre, ce qui fait différer cette race de la sauvage, 
outre la tournure moins fine, une tête et un cou moins cam- 
brés, c’est surtout l'abdomen proéminent qui ne se retrouve 
pas chez le Canard sauvage ; car chez ce dernier, cette partie 
du corps semble, pour ainsi dire, ne pas exister tant elle est 
peu apparente; tout au contraire l'Oiseau semble s'évider, se 
creuser en cet endroit, tandis que la poitrine qui contient les 
muscles nécessaires au vol, se développe d'autant: Et plus les 
Oies et les Canards sont dégénérés par la servitude, plus cette 
obésité augmente au point de leur donner cet aspect peu 
agréable de certains animaux de boucherie trop gras, des 
Porcs en particulier. 

C'est, qu’en effet, leur race a été formée elle aussi, par 
une sélection constante dans un but de boucherie ou du 
moins de cuisine; on à tout fait pour augmenter leur vo- 
lume et leur graisse au détriment de la forme dont on ne 
se souciait guère; on est parvenu souvent à plus du double 
du type primitif, et pour en arrriver là, c'est à l'estomac des 
élèves qu'on s’est adressé; c’est lui qu’on a cherché à déve- 
lopper d’abord; et il faut avouer qu'on y est parfaitement par- 
venu, on en a fait des mangeurs et des gloutons de premier 
ordre. Aussi leur aspect peu intéressant semble indiquer leur 
voracité et les honteux résultats de leur gloutonnerie, énorme 
jabot pendant en avant, ventre surtout, trainant jusqu'à terre. 


OBSERVATIONS SUR LE CANARD SAUVAGE. 211 


Cependant, dans ce dernier cas, la nature a tenu à souligner 
leur goinfrerie et à les en punir par une apparence de diffor- 
mité qui n'existe pas en réalité. Trouvant qu'un tel genre de 
vie devait avoir naturellement pour sanction, pour consé- 
quence un énorme embonpoint, dans son but ordinaire d'har- 
monie des choses, elle a trouvé convenable de lui créer une 
formidable obésité, mais avec des plumes seulement. C'est 
d’ailleurs ainsi, comme on a vu, qu’elle procède d'habitude 
chez l’Oiseau pour suppléer aux parties du corps qui ont be- 
soin d’être complétées, regrossies et même manquant com- 
plètement. En effet, ce ventre traïnant, imitant si bien la réa- 
lité, qu'on dirait rempli de graisse et de victuailles, n’est 
autre que de la simple plume : et à peine dans ces gros indi- 
vidus l'abdomen réel, caché sous cet amas de duvet, est-il un 
peu plus proéminent que chez la race sauvage, maïs celui que 
nous croyons voir et qui est si bien imité n’a aucun rapport 
avec le véritable et n’est autre, je le répète, que de la plume. 

Quant aux Canards et aux Canes de chasse ou d'appel, 
plus légers de tournure que les autres races domestiques, mais 
possédant néanmoins souvent un ventre très proéminent et 
très tombant, ce n’est non plus qu’une apparence n'ayant rien 
de réel, c'est tout simplement aussi un abdomen rapporté, 
factice, bien que moins gros que chez les autres races domes- 
tiques, un abdomen de plume. Car le véritable chez cette 
race, n'est ni plus ni moins gros que celui du Canard sauvage 
dont cette partie du corps semble cependant si fine et si 


svelte (1). 


(1) On pourrait encore ajouter une autre singularité du plumage chez le 
Canard et les autres Lamellirostres, mais celle-ci tout à leur détriment et 
hélas ! bien connue, trop connue, des chasseurs surtout, c’est la terrible chute 
générale des grandes pennes des ailes à la mue d'été. Tandis que chez les 
autres Oiseaux, les plumes des ailes se succèdent dans leur chute, attendant 
pour tomber que leurs voisines aient repoussé de façon qu’ils ne soient jamais 
privés de leur vol, chez le Canard, elles tombent toutes à la fois, en, quelques 
heures, le laissant ainsi une partie de l'été à la merci de ses nombreux 


ennemis. 


LA SÉLECTION DU BANANIER DU HAMMA (1) 


par Charles RIVIÈRE, 


Directeur du Jardin du Hamma, 
Délégué de la Société d’Acclimatation en Algérie. 


L'obtention d’une nouvelle banane dite du Hamma est un 
fait d’acclimatation des plus intéressants. Notre très distingué 
Président qui a pu étudier les fruits exotiques au cours de ses 
nombreux voyages dans la zone intertropicale, a émis une 
appréciation très favorable sur la qualité de la banane du 
Hamma. 

D'autre part, M. le Secrétaire général a bien voulu faire un 
rapide exposé de cette question à l’aide des simples indica- 
tions verbales que je lui avais fournies avec échantillon à 
l'appui et rappeler que cette plante avait été l'objet d'une 
sélection au Jardin d’Essai (2). 

Ayant pris connaissance du procès-verbal en question, 
notre honorable collègue, M. Trabut, adressa à la Société 
d’Acclimatation une note où il conteste cette sélection, La 
plante, ne grainant pas, n'ayant pu étre obtenue de semis. 
(Voir ci-dessus p. 194 et 196.) C’est cette théorie que j'entends 
discuter en signalant avec preuves de mon assertion, quelques 
faits intéressants, nouveaux ou peu connus. 

Les deux observations de M. Trabut sont en contradic- 
tion avec la matérialité des faits et les documents qui les 
établissent. 

1° En ce qui concerne l’origine de ce Bananier. 

2° En ce qui concerne les procédés culturaux qui ont été 
employés pour obtenir la forme actuelle. 

Sur le premier point, il convient de rappeler que c’est sur 
mon instigation que le Gouvernement général de l'Algérie a 
demandé au Gouvernement brésilien une coltection de Bana- 
niers qui à été préparée par le très distingué directeur du 
Jardin botanique de Rio, M. Glaziou, et c'est dans cette collec- 
tion que le Bananier en question a été remarqué, étudié et 


(1) Communication faite en séance générale le 24 février 1899. 
(2) Voir Bulletin, 1898, page 192, procès-verbal de la séance du 26 no- 
vembre 1897. 


LA SÉLECTION DU BANANIER DU HAMMA. 213 


cultivé au Jardin d’Essai d'Alger. (Rapport officiel au Gouver- 
nement général de l'Algérie, 26 janvier 1897, et Algérie 
agricole, février 1897.) 

Une première sélection intervint naturellement, en ce sens 
que diverses variétés de la collection supportèrent mal le 
climat algérien et qu'en janvier 1891, le froid très vif et 
d'abondantes chutes de neige qui éprouvèrent si fortement le 
Jardin d’'Essai, anéantirent en même temps tous les Bananiers : 
ces plantes furent brisées, gelées et leur souche en partie 
pourrie. On reconstitua à la hâte et sans grande méthode les 
bananeries détruites, car il fallait pourvoir de suite à l'abri 
des plantes que ces Musacées étaient destinées à protéger 
contre les ardeurs du soleil. Beaucoup de variétés disparurent, 


mais plus tard, parmi les bananeries reconstituées on 


reconnut, par leurs caractères particuliers, quelques touffes 
d’une variété venue du Brésil dans la collection précitée. 

Ce Bananier se distinguait par sa haute taille, la forme 
érigée de ses feuilles, la grosseur de la base du stipe et 
surtout par une stérilité absolue qui semblait devoir motiver 
la suppression de cette variété dans nos cultures. 

On remarqua cependant par la suite quelques inflorescences 
dont le caractère désavantageux consistait dans l'avortement 
d’un grand nombre de mains. Ce Bananier allait donc être 
sacrifié après une dizaine d’années d’expérimentations quand 
le parfum spécial et la chair saumonée de quelques fruits 
arrivés à maturité attirèrent l’attention sur ces régimes en 
partie atrophiés. 

La culture de cette plante fut alors continuée : on multiplia 
les rejets des touffes fructifères principalement, on supprima 
celles qui ne l’étaient point et dans un certain laps de temps, 
on obtint quelques fructifications à peu près normales. 
Cependant, malgré ce succès relatif, mon premier rapport à 
M. le Gouverneur général de l'Algérie, laissait percevoir 
quelques doutes sur le rôle économique de cette plante en 
Algérie : aujourd’hui il n’est plus permis de les conserver. 

Voici quelle est actuellement la situation de ce Bananier : 

1e L’avortement des mains ne se présente plus et le régime 
est complet et homogène : en 1898, certains régimes portaient 
de 120 à 130 fruits ; 

2° Ce Bananier mürit ses fruits en toutes saisons et pendant 
l'hiver; 


19 


14 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


4° Sa mise à fruit est aussi rapide, peut-être plus que celle 
des autres Bananiers comestibles cultivés depuis longtemps et 
sa végétation est plus vigoureuse que celle de ces derniers. 

Je n'hésite pas à retirer de cette expérimentation suivie 
que, s'il est rare d’avoir en acclimatation des résultats 
pratiques, je considère celui-là comme assez certain, indis- 
cutable et concluant pour avoir déjà entrepris la transfor- 
mation des bananeries du Hamma avec ce nouveau Bananier 
dont la multiplication se poursuit avec persévérance. J’ajou- 
terai, pour affirmer ma conclusion, que l'on doit exclure 
presque entièrement de la composition des bananeries les 
Musa sapientum et paradisiaca, tant le Bananier du Hamma 
a une supériorité incontestable sur ces derniers plants 
cultivés jusqu'alors. 

Je reviendrai sur cette question dans une autre étude. 


Quelles sont les influences qui, dans nos essais, ont modi- 
fié, avec le temps, les actes physiologiques de cette Musacée? 
Pendant dix ans, on la voit passer graduellement d’une sté- 
rilité absolue à une fructification atrophiée, puis à l’avorte- 
ment de certaines mains du régime pour présenter enfin des 
régimes normaux et bien constitués. 

A l'influence climatérique, il faut ajouter l’action de la 
sélection sans pouvoir préciser la part afférente à chacun de 
ces éléments, cependant on ne peut admettre l’allégation de 
M. Trabut qui pose comme un principe absolu que ce Bananier 
ne se multipliant pas par graines : aucune sélection n'a pu 
être pratiquée. 

L'expérience faite sur ce Bananier apporterait-elle des 
aperçus nouveaux pour tenter d'expliquer quelques points 
obscurs de l’origine de certaines plantes cultivées ? 

Le Bananier non séminifère, à formes si nombreuses et si 
diverses par leur végétation et leur qualité, abondamment 
répandues dans toute la zone intertropicale du globe, se serait 
donc modifié en changeant de milieu, formant des races sans 
le secours des sexes ! 

Pour le Bananier du Hamma, une véritable sélection a bien 
été faite et elle a consisté dans la multiplication exclusive, — 
règle élémentaire en horticulture — des œæilletons provenant 


LA SÉLECTION DU BANANIER DU HAMMA. 215 


de sujets d'abord pseudo-fructifères qui sont arrivés assez 
rapidement à produire des fructifications parfaites. 

Il ne semble donc pas illogique de considérer comme une 
véritable sélection la fixation raisonnée et la propagation de 
certaines anomalies morphologiques ou de particularités 
physiologiques constatées sur les végétaux. La variation de 
l'individu dans sa forme et dans sa biologie intime, en dehors 
de la reproduction sexuée, s'observe fréquemment. 

Pour contribuer à l'étude de ces variations agames, il n’est 
pas inutile d'ajouter quelques observations, peut-être nou- 
velles, aux faits déjà connus que l’acclimatation et la culture 
nous révèlent. 

En dehors du Bananier comestible, lexemple le plus 
saisissant et qui est maintenant dans le domaine de la pra- 
tique est pris sur la Vigne. 

Ses nombreuses variétés et sous-variétés, qui ont des 
aspects particuliers et donnent des résultats différents sui- 
vant les milieux, n’ont pas été obtenus de semis. Le milieu 
seul les a modifiées et l’on a fixé ces heureuses modifications 
par le bouturage. De plus, on sait que sur un même cep il y a 
parfois des sarments fructifères et d'autres stériles : on mul- 
tiplie les premiers seulement et l’on évite ainsi dans le 
vignoble nombre de ceps improductifs. Il y a donc là une 
sélection absolue. Mais on se demande encore si la sélection 
ne doit pas être encore plus sévère et porter sur les yeux 
suivant le rang qu'ils occupent sur le sarment. 

La sélection agame comprend d’autres exemples : 

Le Dracæna marginala, cultivé comme plante mère, 
produit sur le parcours de son stipe de jeunes bourgeons à 
feuilles étroites et grêles : le bouturage fixe cette forme 
gracile : c’est le Dracæna gracilis. 

Même observation pour l’Aralia leptophylla. | 

L'Aralia Veitchi offre un exemple encore plus saillant de 
modification des formes extérieures par la culture et de la 
différence complète existant entre deux individus issus par 
multiplication agame d’une même plante. | 

Cultivée en pot, cette gracieuse Araliacée est recherchée 
pour l'élégance et la finesse de son feuillage, gracile, retom- 
bant, à divisions dentées. On ne connaît guère cette espèce 
que sous cet aspect élégant et on le perpétue par le greffage 
sur un autre Aralia. 


216 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Mais cette même plantelivrée à la pleine terre, sous un climat 
tempéré comme celui d'Alger, par exemple, démontre que plus 
elle se développe, plus ses formes s’accentuent, s'épaississent 
et deviennent, pour ainsi dire, grossières : les feuilles ont des 
divisions larges au lieu d’être ténues, la dentelure s’est trans- 
formée en sinus, les divisions foliacées ne sont plus pen- 
dantes, mais, bien au contraire, roides, et l’ensemble de la 
feuille est cucullé avec ses pointes redressées. La multiplica- 
tion des crganes des parties supérieures de l'individu donnera 
une plante impitoyablement rejetée par l'horticulture, tandis 
qu'au contraire si l'on multiplie les rameaux gréles de la 
partie inférieure de la tige, on aura fixé le type connu et re- 
cherché. Par le choix des variations morphologiques, on pro- 
pagera donc les deux formes extrêmes ou leurs intermé- 
diaires. 

L'Opunlir inermis, quelle que soit son origine, espèce ou 
variété, a des raquettes portant plus ou moins d’épines. Il est 
d'usage de ne prendre les éléments de bouturage que sur les 
articles les plus inermes et, par cette sélection, on arrive à la 
suppression presque absolue des épines. 

Sur une même plante, les caractères particuliers et l’état 
physiologique de certains organes à propager par multiplica- 
tion agame doivent être rigoureusement reconnus et choisis, 
si l'on veut maintenir les formes et les qualités déterminées. 

Parmi les exemples déjà nombreux de cette sélection agame 
de divers organes, on peut citer le suivant : 

Si l’on multiplie l'Oreopanaxz nymphæfolia par boutu- 
rage d’un bourgeon terminal d'un an, on obtient un enraci- 
nement facile et l’élongation de l’axe en une tige droite et 
bien formée. 

Par contre, si l’on multiplie le rameau à l’âge de deux ans, 
aucun signe extérieur ne le différencie des caractères de son 
jeune âge, mais il est dans la diathèse florale : alors l’enra- 
cinement est difficile et au lieu de la continuation de l’axe 
par le développement du bourgeon terminal, l'inflorescence 
apparaît et ce sont des bourgeons axillaires et latéraux qui se 
développent : au lieu d’un axe élevé et droit, la plante déve- 
loppe des ramifications basilaires. 

La sélection de l'élément multiplicateur agame s'impose 
donc partout et si je cite l'Oreopanaz nymphæfolia, c'est à 
cause de l'ampleur de ses bourgeons et de ses formes. 


LA SÉLECTION DU BANANIER DU HAMMA. 217 


Mais la modification des formes et de l’état physiologique 
d'un végétal sans l'intervention des sexes ne dépend pas seu- 
lement de l'influence du elimat et du milieu. 

Certaines pratiques culturales paraissent agir sur l’orga- 
nisme primitif et modifier la nature des phénomènes intimes 
qui s’'accomplissent à l'intérieur de la plante. 

L'opération de la greffe présenterait déjà quelques cas té- 
moignant de l'influence du greffon sur le sujet qui se tradui- 
sait par la production d'organes hybrides, variant au moins 
par leurs formes extérieures entre les deux types. 

La sélection raisonnée de ces organes divers permettrait 
donc, par le bouturage ou le greffage, la fixation et la propa- 
gation de sortes d'êtres nouveaux obtenus sans le secours de 
la génération sexuée. 

La modification physiologique subie par le végétal en chan- 
geant de milieu, et son adaptation ou son accommodation à 
ce dernier sont les bases de l'acclimatation prise dans le vrai 
sens du mot. En dehors de la graine, certaines parties de 
l'organisme individuel subissent donc des influences qui réa- 
gissent intérieurement et extérieurement. 

Mais pour conserver ces variations de l'individu qui ne se- 
raient pas héréditaires par voie de semis, une sélection rigou- 
reuse des éléments de cette multiplication agame s'impose 
donc constamment. 

Dans l'état actuel de nos connaissances et de nos expé- 
rimentations, nul ne pourrait dire cependant quels seraient 
les résultats de cette multiplication agame prolongée par lä sé- 
lection, sur la descendance de l'individu par voie de semis et 
par rapport à l'entité primitive de l’espèce, ou, dans d’autres 
termes, dans quelle mesure sa descendance héréditaire serait 
altérée (1). 

La variation gemmaire et sa fixation par la sélection sont 
des faits bien acquis. M. Trabut contredit cette sélection sans 
apporter aucune preuve à l’appui de sa thèse qui semble, à 
cette époque, quelque peu surannée et nullement en harmo- 
nie avec les observations que nous offrent constamment l’ac- 
climatation végétale et l'expérience culturale. 


(1) Les très intéressantes expériences de M. Lucien Daniel ouvrent une voie 
nouvelle dans ce genre d'observations. 


Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899, — 15. 


A8 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


SÉANCE GÉNÉRALE DU 27 JANVIER 189,9. 


PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, VICE-PRÉSIDENT. . 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 


Décision pu CONSEIL. PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. 


Dans sa séance du 18 janvier, le Conseil a délégué pour 
représenter la Société au Congrès des Sociétés savantes à 
Toulouse en avril 1899, MM. Audiguier, Clos et de Montlezun. 


M. le Président proclame les noms des Membres admis par 
le Conseil depuis la dernière séance générale : 


MM. PRÉSENTATEURS. 
L Canu. 
BoucLET (Louis), armateur, à Boulogne- } 
: Baron J. de Guerne. 
sur-Mer (Pas-de-Calais). . 
Roché. 


Baron J. de Guerne. 
Imbert. 
Le Myre de Vilers. 


vins et propriétaire, 5, quai de la Palu- 
. date, à Bordeaux et à Audenge (Gi- 
ronde). 
Ch. Debreuil. 


Baron J. de Guerne. 
Le Myre de Vilers. 


LuLING, 9, quai Voltaire, à Paris et à 
Sapicourt, par Jonchery - sur - Vesle 


DEscas (Pierre-Camille), négociant : 
(Marne). 


Uxricx (A.), président de la Société pro- { Decroix. 
tectrice des Animaux, 84, rue de Gre- ; Baron J. de Guerne. 
nelle, à Paris. Oustalet. 


Avant qu'il soit procédé au dépouillement de la Correspon- 
dance, M. le Président adresse les félicitations de la Société à 
M. Milne-Edwards, directeur du Muséum, qui vient d'être 
promu au grade de commandeur de la Légion d'honneur, à 
M. de Claybrooke, promu officier du Mérite agricole et à 
M. Clément nommé chevalier du même ordre. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 919 


DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. 


Notifications, renseignements, avis divers, généra- 
lités. — M. Caustier, Secrétaire des séances, s'excuse de ne 
pouvoir assister à cette réunion ni à celles qui vont suivre. Il 
annonce son prochain départ pour l’Indo-Chine et prie le 
Bureau de vouloir bien assurer son remplacement dans ses 
fonctions. M. Caustier remercie le Conseil de la bienveillance 
qui lui a toujours été témoignée et se met à la disposition de 
la Société pendant ses voyages, pour tout ce qui pourrait lui 
être utile. 

M. Mérel, Secrétaire-adjoint de la Section d’Ornithologie, 
veut bien se charger de remplacer M. Caustier. 


Depuis la dernière séance, le Conseil a reçu avis de nom- 
breux décès dont plusieurs n’ont été connus qu'au moment 
du recouvrement des cotisations. 

A citer entre autres, M. Beltrémieux, Directeur du Jardin 
botanique de la Rochelle et M. Swan, pharmacien à Paris. 

Un deuil particulièrement sensible est celui qu’occasionne 
la mort de M. Camille Dareste de la Chavanne, membre du 
Conseil de la Société. IL en était le doyen, y étant entré le 
21 mars 1873. Pendant ces vingt-six années, M. Dareste à 
rendu à la Société de réels services. Le Bullelin contient 
plusieurs de ses mémoires sur l’incubation, sur le dévelop- 
pement des œufs, sur les Bœufs fatos, etc. 


— M. Crepin remercie de son admission. 


— M. le Directeur du Muséum d'Histoire naturelle envoie 
le tableau des réunions des Naturalistes du Muséum. 


Mammifères. — M. Pays-Mellier (Mb) adresse, par l’inter- 
médiaire de M. Debreuil, divers renseignements sur les Mam- 
mifères et spécialement les Ruminants qui lui sont récemment 
parvenus à la Pataudière. M. Pays-Mellier s'élève contre les 
prix de transport des animaux vivants qui sont véritablement 
excessifs. (Voir Bullelin ci-dessus page 138.) 


Ornithologie, Aviculture. — M. Darmezin remercie des 
divers documents qui lui ont été adressés par la Société, grâce 
à l'entremise de M. Henry Perron (Mb). Ces renseignements 
seront fort utiles pour compléter l’organisation et le dévelop- 


er. 


220 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


pement de l’autrucherie récemment fondée au Soudan, à 
Goudam, en avant de Tombouctou. Vingt-cinq Autruches y 
étaient installées à la date du 24 juillet 1898. 


Aquiculture. — M. de Garilhe demande des renseigne- 
ments sur les Carnbarus et prie la Société de lui indiquer où 
il pourrait se procurer ces Crustacés pour en mettre dans 
un réservoir cubant 1,600 mètres et qui est situé dans l'Isère 
aux environs du Péage de Roussillon. 


Botanique. — M. Correvon, Directeur du Jardin alpin 
d'Acclimatation de Genève, envoie une liste des graines dont 
il peut disposer. 


— M. le Dr Chodat., professeur de Botanique à l'Université 
de Genève, répondant à une demande de M. le Secrétaire gé- 
néral, envoie quelques renseignements sur le Jardin alpin : 
Linnæa. Ce Jardin a été établi en 1889, à Bourg Saint- 
Pierre, au-dessus de Martigny (Valais), à 1693 mètres d’alti- 
tude. Cette création a pleinement réussi. Le Jardin est admi- 
nistré par un Comité dont le président est actuellement 
M. Chodat. 


— M. Blanc, professeur de Zoologie à l'Université de Lau- 
sanne, répondant également à M. le Secrétaire général, 
adresse des renseignements sur la Thomasia, jardin de mon- 
tagne ainsi appelé du nom du botaniste vaudois Thomas. Ce 
Jardin est situé dans les Alpes de Bex, à Pont de Nant. 


— M. Trabut (Mb), botaniste du Gouvernement à Alger, 
envoie un certain nombre-d'exemplaires d’une notice sur le 
Sapindus, pour être distribués aux Membres de la Société. 


— M. Cros (Mb]} et M. R. Ladmirault adressent de Perpignan 
et de Montpellier différents renseignements sur les Cactus et 
les Opuntia pouvant être employés comme ignifuges dans le 
Midi de la France. 


— M. Grenet, Secrétaire de rédaction du journal La Fu- 


mille demande des renseignements sur l'Eucalyptus urni- 
gera. 


Cheptels.— Oiseaux, Distribution d'œufs de Poissons, 
Vers à soie, graines. — M. Van Speybrouck demande des 
renseignements sur les Oiseaux que la Sociélé pourrait 


Li 
Vin td] 
Lo 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 221 


donner en cheptel et adresse divers renseignements sur l’ins- 
tallation dont il peut disposer au couvoir de Lubbeek (Bel- 


gique). 


— M. Debreuil (Mb), signale l'envoi qui lui a été fait par 
M. Py, de Buenos-Ayres, de plusieurs Nandous mâles destinés 
à compléter des couples appartenant à la Société. 

Aucune rétribution n'ayant été acceptée par l'expéditeur, 
M. Debreuil demande qu'une lettre officielle de remercie- 
ments soit adressée à celui-ci. 


— M. Duponchez, propriétaire de l'établissement de Pisci- 
culture d’Ancourt,s’excuse de ne pouvoir envoyer à la Société 
les œufs de Saumon de fontaine dont il avait cru pouvoir dis- 
poser. Il s’est malheureusement trouvé malade au moment de 
la récolte qui a été presque entièrement perdue. 


— MM. le prince de Scey-Montbéliard, le comte de Scey, 
la Société de Pisciculture de Loir-et-Cher par l'intermédiaire 
de M. le marquis de Chauvelin, etc., demandent des œufs de 
Salmonides. 


— Mre de la Perrière de Coni remercie des Cocons d'Af- 
tacus cynthia qui lui ont été envoyés et qui sont arrivés en 
bon état à Buenos-Ayres. Jusqu'ici et malgré la chaleur, les 
Papillons ne sont pas sortis. 


— M. de la Chesnaye et Me Mathieu adressent des remer- 
ciements pour les graines qui leur ont été envoyées par la 
Société. 


— De nouvelles demandes de graines sont adressées par 
M. de G. d’Augy, Mwe la comtesse de Pontoi-Pontcarré, M. le 
Directeur de la Compagnie du Rio-Sinu, MM. de Saint- 
Quentin, Thiebaux et Skousès ; ce dernier, banquier à 
Athènes, offre en échange des graines de son pays. 


— M. Levardois, de Caen, annonce l'envoi de graines 
d'Acer Saira et de noix de Juglans atilantifolia. 


— Mre de la Perrière de Coni, de Buenos-Ayres, annonce 
qu'elle remettra à la Société lors d’un prochain voyage en 
France, des graines de Chorisia insignis, arbre qui produit 
une soie de belle qualité. 


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222 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


COMMUNICATIONS ORALES. 


M. ie Secrétaire général donne quelques détails sur la con- 
férence que M. le D: Trouessart a faite à la Société le 12 jan- 
vier. Cette conférence, présidée par M. Milne Edwards, avait 
pour sujet: Les Mammifères à acclimaïter ou à domestiquer 
en France et dans les Colonies françuises. Elle à obtenu 
un légitime succès et sera prochainement suivie d’uñe autre, 
présidée par M. Oustalet et faite par M. de Claybrooke. La 
date de cette conférence qui aura pour sujet: Luttes el Com- 
bats chez les Oiseaux, n’est pas encore fixée. 

— M. Clément (Mb) présente un certain nombre d'Atfacus 
cynthia provenant de cocons distribués par la Société. Les 
Papillons appartiennent à une variété constante signalée déjà 
autrefois à Paris et aux environs. Elle semble s’y étre parfai- 
tement acclimatée. M. Clément propose de la distinguer sous 
le nom de Parisiensis. 

— M. Debreuil (Mb) offre à la Sociélé: 1° un certain nombre 
de Courges muüries chez lui à Melun et dont les graines pour- 
ront être mises en distribution; 2° des Pommes de terre dites 
Coleus, à feuillage panaché ornemental et qui peuvent étre 
utilisées en bordures. 

— M. Paul Chappellier (Mb), offre un fruit de Baobäb, rap- 
porté de Madagascar par M. Bertrand. Les Baobabs Sont extré- 
mement nombreux dans la colonie. Leur boïs ést de qualité 
tres médiocre. Il serait cependant à souhaiter qu'on püt en 
faire quelque usage industriel. | 

— Un Père de la Mission du Fernan-Vaz adresse par l'in- 
termédiaire de M. Bourdarie un mémoire sur le dressage d’un 
jeune Eléphant d'Afrique (voir Bullelin ci-dessus, page 33). 
A propos de cette communication, M. Trouessart (Mb) dit que 
la troupe d’Eléphants dont faisait partie le jeune animal com- 
prenait une vingtaine d'adultes, tous furent tués. Elle ren- 
fermait en outre une jeune femelle qui fut tuée également à 
cause de sa résistance. On a donc massacré un troupeau en- 
tier d’'Eléphants pour obtenir un seul jeune; c’est le payer un 
peu cher. 

— M. Edouard Foa, au cours de ses longs voyages En 
Afrique, a capturé plusieurs fois des Eléphants. Il est très 
facile de les domestiquer ,,car ils s’habituent tres vite à 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 293 


l’homme; mais les jeunes en bas âge, sont très difficiles à 
élever, faute de pouvoir trouver en quantité suffisante la 
nourriture qui leur convient. M. Foa à vainement essayé de 
les alimenter avec du lait concentré et même du Liebig. C’est 
du reste pour cette raison que l’on ne pratique pas l'élevage 
dés jeunes Eléphants dans l'Inde. Quoi qu’il en soit, M. Foa 
déclare qu’il est grand temps d'arrêter l’extermination de 
l’'Eléphant africain. Si l’on ne prend pas à cet effet des me- 
sures énergiques, ce magnifique animal, si intelligent, aura 
disparu dans Cinquante ans. Il ne faudrait pas toutefois 
estimer le massacre actuel des Eléphants, d’après le stock 
d'ivoire. La conquête du Congo a mis en effet sur le marché 
des quantités considérables de cette substance, accumulées 
depuis longtemps par les indigènes et qui ne trouvaient que 
des débouchés restreints. C’est seulement lorsque le stock dont 
il s'agit aura été épuisé que l’on aura des données exactes sur 
la production régulière de l’ivoire. 

— M. Trouessart, revenant sur l'élevage des Eléphants, fait 
remarquer que là difficulté d’une entreprise portant sur ce 
point spécial a surtout pour cause la lenteur de la reproduc- 
tion. On ne peut guère, en effet, compter que sur un jeune 
tous les quatre ans; la croissance du petit est également très 
lente. 


— M. Cacheux (Mb) demande si l’on possède des documents 
précis sur des élevages d'Eléphants et s’il est possible d’éva- 
luer ce que coùte, en nourriture et en soins, un Eléphant 
depuis sa naissance jusqu’à l’âge adulte, — quarante ans en-. 
viron. 

— M. Bourdarie (Mb) dit que les premiers mois sont surtout 
difficiles et qu'il faudrait s’efforcer de ne capturer les petits 
Eléphants qu'après leur sevrage. 

— M. le D' Trouessart (Mb), après avoir donné lecture des 
principaux passages du mémoire de M. Pays-Mellier (Mb), sur 
les Mammifères ayant vécu ou vivant encore dans le parc 
de la Pataudière (voir Bulletin ci-dessus, pages 137 et 171), 
présente diverses observations à ce sujet. 

— Au nom de M. A. Delaval (Mb), M. le Secrétaire général 
résume un travail étendu sur l'élevage des Poissons téles- 
copes aux environs de Nancy (Renvoi à la Section d’Agri- 
culture et à la Commission des récompenses). 


294 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


— M. Paul Chappellier fait une communication sur les 
Ignames de Chine envoyées à la Société d’Acclimatation par 
le professeur Heckel et sur deux espèces d'Ignames nouvel- 
lement introduites de la Chine. L'une de celles-ci (Diosco- 
rea Fargesi Franchet), est particulièrement intéressante par 
sa forme globuleuse et par sa rusticité. Elle provient du 
Se-Tchuen (voir Bulletin ci dessus, page 155). 


Pour le Secrélaire des séances empêché : 


JULES DE GUERNE, | F. MÉREL, 
Secrétaire général. Secrétaire adjoint de la Section d'Ornithologie. 


2e SECTION (ENTOMOLOGIE). 
SÉANCE DU 23 JANVIER 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. CLÉMENT, PRÉSIDENT. 


Il est procédé au renouvellement du Bureau. Sont élus : 
L 


Président : M. Clément ; 
Vice-Président : M. Decaux ; 
Secrétaire : M. Marchal; 
Secrétaire-adjoïnt : M. Rathelot ; 
Déléqué aux récompenses : M. Clément. 


Au nom de la Section, M. le Secrétaire général félicite M. Clément 
de sa récente nomination au grade de chevalier du Mérite agricole. 

Il est procédé au dépouillement de la correspondance, M. le Ministre 
de l'Agriculture demande mille exemplaires de la notice de M. Marchal 
sur l’Aspidiotus perniciosus, parue dans le Bulletin de la Societe. Le 
texte de l’arrêlé interdisant l'entrée en France des fruits frais d'Amé- 
rique sera joint au travail en question. 

M. Maisonneuve, de Challans (Vendée), demande des renseignements 
sur la culture de l’Aïlante. 

M. Clément présente des Af/acus cynthia provenant des cocons 
achetés l’année dernière par la Societé pour sa distribution. Il donne 
au sujet de l’éclosion tardive de quelques-unes des chrysalides des 
renseignements qui seront publiés dans le Bulletin. 

Une discussion s'engage au sujet des Séricigènes pouvant être élevés 
dans les colonies. M. Clément signale, entre autres, l'A /acus assamensis 
dont l'élevage semble pouvoir être entrepris d'autant plus facilement 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 225 
que l'espèce est polyphage. Elle donne en Assam jusqu’à cinq généra- 
tions par an. C’est elle qui produit la soie connue sous le nom de #ooga. 

M. le Secrétaire général présente des graines de Zizyphus Baclei, 
Jujubier sauvage du Soudan, sur lequel vit la chenille séricigène pro- 
duisant la soie du Soudan. 

M. Debreuil demande si les cecons récemment envoyés de Nou- 
velle-Calédonie par M. Perret ont donné quelque produit. M. le Pré- 
sident répond qu'il conserve soigneusement ces cocons en observalion. 
Il les a soumis à l'examen de M. Eugène Simon dont la compétence 
est bien connue pour tout ce qui concerne les Araignées. Ces cocons 
semblent bien être, en effet, et tel est aussi l’avis de M. Simon, 
des cocons d'Araignées. La soie en est d’ailleurs extrêmement fine, 

Diverses observations sont échangées à propos de la conférence sur 
l’Apiculture que M. Clément doit faire prochainement à la Societe ; il 
est à désirer que la date de cette conférence soit plutôt reculée qu'a- 
vancée. M. Clément doit en effet montrer toute une série de produits 
des Abeilles, qu'il sera plus facile de se procurer au retour de la belle 
saison qu’à la fin de l'hiver. 

Pour les Secrétaires empéches : 
Le Secrétaire général, 


J. DE GUERNE. 


SÉANCE DU 20 FÉVRIER 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. CLÉMENT, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire général présente diverses publications envoyées 
par le Service de l'Agriculture des Etats-Unis, et entre autres une no- 
tice intitulée: Zmportant insecticides; Direction for their preparation 
and use. Il y aura peut-être lieu d’en publier quelques extraits dans 
le Bulletin. 

Lecture est donnée des questions d’entomologie que la Société des 
Agriculteurs de France a mises à l’ordre du jour de sa prochaine 
session. 

M. le D' Trouessart, qui devait faire une communication sur les 
Hémiptères parasites des Oiseaux, s’excuse de ne pouvoir assister à ta 
séance. La discussion s'engage cependant au sujet des parasites des 
animaux domestiques et en particulier des Tiques. 

M. Perron rapporte qu’à Natal, où il a vécu de longues années, les 
Bœufs, ainsi que les habitants, ont beaucoup à souffrir des Tiques. 
On s’en débarrasse au moyen d'’ablutions d’eau dans laquelle on a fait 
bouillir de l’Eucalyptus. 


À PR DES es M LE Lis - 


L. M à lé. 
ER ET L 


296 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


M. Deébreuil fait connaître que son chenil a été envahi par des 
Tiques dont il n'a pu arriver à se débarrasser, ni par la vapeur de 
soûfré, ni par des badigeonnages à l'acide sulfurique pur. 11 4 dû se 
résignér à détruire le chenil. 

Il conseille d'employer pour chauler les chenïils, pouläillers, éte., 
la Chaëx provenant du carbure de calcium ayant servi à la fabrication 
dé l’acetylené. 

M. Pérron dit qu’à Natal on emploie la chaux dans lés pouläillérs 
non pour détruire les Tiques, mäîs contre le choléra des Poules, qui 
âttäque également les Lapins. L'emploi de la chaux, dans €e cas, pro- 
duit de bons résultats. | 

M. de Guerne ajoute qu’on peut utiliser le jus de tabac contre les 
Tiques. C’est ainsi que M. Milne-Edwards, directeur du Muséum, a 
pu débârrasser de parasites de cet ordre, le pelit Éléphant du Jardin 
des Plantes. 

M. Clément dit que quels que Soient les insecticides 4uxqüels on à 
recours, ils n'ont d'efficacité certaine et durâblé qu’autant qu'ils sont 
employés d’une manière régulière et fréquemment renouvelée. 

A propos des Tiques, M. Debreuil demande si ces parasites, en 
s’'implantant sur l’animal, ne sécrètent pas une matière qui l’insensi- 
bilise momentanément. Il demande également pourquoi les Poux 
quittent les corps encore chauds sur lesquels ils vivaient, dès que la 
mort est arrivée, et à quels indices ils peuvent reconnaître que la vie 
a cessé. 

Bien qu'il ne s’agisse plus d’entomologie ni d'insecticides, M. De- 
breuil exprime le désir de connaître un moyen de détruire les Tœænias 
du Nandou. Il demande si ces Vers abandonnés sur l'herbe par les 
Oiseaux, avec leurs excrémentis, peuvent être communiqués aux diffé- 
rents animaux domestiques ou autres, qui brouteront cette herbe. 

Diverses observations sont échangées à propos de là transmission 
de certaines maladies par les Insectes, notamment par les Moustiques, 
qui semblent êlre les agents äctifs de la propagation de la malaria, les 
Mouches, les Puces, qui transmettent également des bactéries, des 
Virus, etc. MM. Perron, Debreuil, de Guerne et Clément, échangent à 
ce sujet diverses observations, et l'assemblée tombe d'accord sur l'in- 
terêt qu'il y aurait à demander à un spécialiste une communication 
d'ordre général sur l’ensemble des faits de cette nature. Leur connais- 
sance intéresse non seulement les entomologistes, mais aussi les per- 
sonnes que préoccupent les questions pratiques de colonisation. 


Pour les Secrétaires empêthes, 


JULES DE GUËRNE, 
Secrétaire général. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 227 


SÉANCE DU 20 MARS 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. CLÉMENT, PRÉSIDENT, 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu ét adopté. 

11 est procédé au dépouillement de la correspondance. 

Cellé-ci combprend, entre autres documents, une létte de 
M. Ch. Näudin, annonçant qu'il vient de recevoir, à la date du 2 mûrs, 
un échèveau dé soie produite par une chenille très commune au 
Brésil, qui èst polyphage, mais se nourrit principalement de feuilles 
dé Ricin. Cette soie, d’un jaune pâle, est un peu moiîins brillante que 
celle du Ver à soie ordinaire (Po#byz mort), mais néanmoins tres belle. 
M. Näudin croit que l'introduction de cette nouvelle espèce séricigèene 
dans les colonies françaises d'Afrique, en Algérie ou en Tunisie, où le 
Ricin abonde, serait une excellente acquisition. La Section est égale- 
ment de cet avis et décide que des démarches seront faites pour se 
procurer les œufs du Lépidoptère dont il s’agit, en même temps que 
des renseignements plus complets sur sa manière de vivre et sur son 
élevage, à supposer que celui-ci soit pratiqué dans son pays d’origine. 

La correspondance imprimée comprend un certain nombre de publi- 
cations et notamment les comptes rendus de la dixième réunion an- 
nuelle de l’ « Association of economic entomologists » tenue à Boston 
(Massachusetts) en août 1898. Les comptes rendus envoyés à la Société 
par la division d'Entomologie du département de l'agriculture de 
Washington comprennent un Certain nombre de travaux intéressants 
et, en particulier, une notice de M. L.-0. Howard, sur deux Insectes 
utiles introduits d'Europe en Amérique. La notice de M. Howard sera 
publiée dans le Bulletin. 

M. le Secrétaire général communique un cerlain nombre d'extraits 
concernant les produits de l’apicuiture à Taïti et la production de la 
soie d’Araignée à Madagascar, M. le Président fait remarquer à ce 
propos que la Sociéfé d’'Acclimatation s'est occupée la première, depuis 
longtemps déjà, de cette soie d’Araignée et que le R. P. Camboué a 
publié à ce sujet dans le Bulletin de 1892, 1!" semestre, une notice trés 
documentée. Celle-ci a malheureusement échappé à queiques personnes 
qui ont écrit récemment sur la soie d’Araignée. 

M. Clément rend compte des travaux concernant l’Entomologie 
appliquée et qui ont été présentés à la 8° Section de la Société des 
Agriculteurs de France pendant sa réunion annuelle. Plusieurs com- 

. munications ont été faites par M. l’abbé Guyot sur l’apiculture. L’éle- 
vage des mères et la fabrication de l'hydromel ont donné lieu à d’in- 
téressantes discussions. Il a été question également de l’Aspidiotus 
perniciosus ou Pou de San José, contre l'invasion duquel il s’agit de se 
défendre, M. Clément a rappelé à ce propos les efforts de 14 Societé 


r 


228 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


d’Acclimatation pour faire connaître le parasite dont M. Marchal a re- 
tracé l'histoire complète dans un mémoire tres documente et que le 
Ministère de l'Agriculture a cru devoir répandre à de nombreux exem- 
plaires. 

Plusieurs membres de la Section ayant demandé si l’apiculture se 
développe réellement en France, M. Clément répond qu'on n’en saurait 
douter. Ce développement est même tellement actif dans certaines loca- 
lités que les éleveurs se préoccupent de la mévente de leurs produits. 
C'est précisément pourquoi il convient d'étudier et de développer la 
fabrication de l'hydrowel, de l’oxymel et autres produits dérivés du miel. 

M. de Guerne rappelle qu'une conférence sur l’apiculture doit être 
faite par M. Clément, après les vacances de Pâques. Il prie les 
membres de la Section de lui faire parvenir le plus tôt possible les 
listes d'invitation pour l'envoi des cartes d'entrée à cette conférence. 


Pour les Secrétaires empéchés, 


J. DE GUERXE, 
Secrétaire général. 


SÉANCE DU 24 AVRIL 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. CLÉMENT, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Président annonce le décès de M. Charles Bronguiart, assistant 
au Laboratoire d'Entomologie du Muséum d'Histoire naturelle, et qui 
vient d’être brusquement enlevé. Il rappelle la carrière trop courte du 
défunt, entièrement consacrée à la science. Les travaux de M. Bron- 
gniart ont porté principalement sur les Insectes fossiles, mais il s’est 
occupé aussi à diverses reprises de questions d'Entomologie appliquée, 
notamment des Acridiens en Algérie, de l'emploi des végélaux infé- 
rieurs parasites pour la destruction des Insectes nuisibles, etc. 

La carrière de M. Brongniart a été retracée par MM. Milne-Edwards, 
directeur du Muséum, Bouvier, Professeur d'Entomologie dans Île 
même établissement, et Giard, président de la Société entomologique 
de France. La Section adresse à M®° Brongniart l'expression de ses 
respectueuses et bien sympathiques condoléances. 

Parmi les publications récemment parvenues à la Société, il convient 
de signaler le quatrième fascicule des travaux du Journal de patho- 
logie végétale, organe du Laboratoire de pathologie végétale Willie 
Commelin Scholten, d'Amsterdam et de la Société « Dodonæa » de 
Gand; ce recueil contient un grand nombre de mémoires du plus 
baut intérêt, sur les Insectes nuisibles; la plupart sont dus à MM. Ri- 
izema Bos, d'Amsterdam et Staes, de Gand. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 299 


M. de Guerne, qui arrive d’un voyage aux Canaries, donne quelques 
détails sur l'élevage de la Cocheuille. Cet Insecte dont les produits 
entraient autrefois pour une large part dans la prospérité du pays, tend 
à disparaître peu à peu, non seulement par suile de l'usage de plus en 
plus répandu des couleurs minérales, mais encore à cause du dévelop- 
pement sur place de certaines cultures plus rémunératrices comme 
celle des Bananiers et de diverses primeurs, qui ont fait abandouner 
l'élevage de la Cochenille ; il sera bien difficile de se rendre compte dans 
quelques années de l'importance qu’a pu avoir autrefois cet élevage. 

M. Clément entretient l’assemblée de la conférence qu'il va faire 
prochainement à la Sociefe et dont la date est définitivement fixée au 
9 mai. Cette conférence aura pour titre : « L'Abeille, son élevage et 
ses produits » et sera accompagnée de projections photographiques 
et de démonstrations. Plusieurs concours tres précieux ont élé obtenus 
par la Société pour cette circonstance. C’est ainsi que M. Bouvier, pro- 
fesseur au Muséum, veut bien prêter un certain nombre de tableaux 
de son cours. M. Raymond Gariel, le constructeur bien connu, enverra 
tous les appareils d’apiculture nécessaires aux démonstrations. Enfin 
diverses séries de projections sont mises à la disposition de la Societé, 
notamment une fort belle suite de photographies originales de M. A. 
Fron, Garde général des forêts à Charolies. | 

M. le Secrétaire général ajoute que la séance sera présidée par 
M. Raïlliet, membre du Conseil, et qu’il espère lui voir comme asses- 
seurs, M. de Heredia, président de la Société centrale d’Apiculture et 
M. Bouvier, du Muséum. La Société Entomologique de France a été 
également invitée à se faire représenter à la conférence. 


Pour les Secrélaires empéchés, 


J. DE GUERNE, 
Secrélaire général. 


HeSECTION, (BO'FANIQUE). 


SÉANCE DU 31 JANVIER 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. LE D' WEBER, PRÉSIDENT. 


En ouvrant la séance, M. le Président annonce la mort de M. Ferdi- 
nand Hédiard, Vice-Président de la Section, décédé depuis la dernière 
réunion, le 14 juillet 1898. Il retrace la carrière du défunt qui a beau- 
coup contribué à vulgariser en France l’usage des fruits et des légumes 
exotiques, M. Hédiard était un collaborateur assidu de la Société 
d’'Acclimatation et l’on se rappelle l’avoir vu fréquemment arriver tant 
aux séances générales qu'à celles de la Section de Botanique les mains 


24 


230 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


pleines de produits végétaux intéressants à étudier ou de graines à 
distribuer. M. le Président propose de rédiger au nom de la Section 
une lettre de condoléances qui sera adressée à M9 Hédiard. A l’una- 
nimité, l'assemblée s’associe à cette motion. La lettre sera signée du 
Président et du Secrétaire de la Section. 

Il est procédé au renouvellement du bureau. Sont élus : 


Président : M. le D' Weber: 
Vice-Président : M. Morot: 
Secrétaire : M. de Lamarche; 
Secrétaire-adjoint : M. Coupin. 


En outre, M. Weber est délégué à la Commission des récompenses. 

Plusieurs membres ayant fait remarquer que les dates et heures 
fixées pour les réunions de la Section de Botanique coïncident parfois 
avec les réunions des Naturalistes du Muséum, il est décidé que les 
dates de trois réunions de la Section de Botanique seront modifiées 
comme suit: 21 février au lieu du 28 février, 14 mars au lieu du 
28 mars, 18 avril au lieu du 25 avril. 

La correspondance comprend un grand nombre de lettres concernant 
des demandes ou des envois de graines, des accusés de réception etc., 
qui ne peuvent être résumées ici. M. le Président fait d’ailleurs 
observer qu'on ne peut insisier aujourd’hui sur les ouvrages offerts, 
la séance devant être consacrée à l'exposé des recherches concernant 
la botanique appliquée faites par M. Léon Diguet, chargé de mission du 
Ministère de l'instruction publique, pendant ses divers séjours en Basse 
Californie. La réunion se tient précisément dans la grande salle, afin 
que des photographies prises par M. Diguet au cours de ses voyages 
puissent être projetées. Comme il s’agit surtout de Cactées, M. Weber 
veut bien se charger de résumer les observations de M. Diguet, en y 
ajoutant le résultat de ses études personnelles sur les échantillons qui 
lui ont été communiqués au Muséum. 

Les régions de la Basse Californie explorées par M. Diguet sont 
remarquables par leur aspect désertique; une extrême sécheresse y 
règne constamment, imprimant à la végetation un caractère tout 
spécial. Celle-ci se compose surtout de Cactées dont certaines espèces 
et notamment le Cereus Pringiei, s'élèvent à plus de 10 mètres de hau- 
teur. Ces végétaux fournissent aux indigènes des ressources variées. 
Ceux-ci y trouvent même, en les débarrassant de leurs épines, une 
nourriture pour les animaux domestiques. Les photographies qui 
passent sur l'écran donnent, mieux que toutes les descriptions, l’idée 
de ces singulières formes végétales et du pays où elles vivent. L'ae- 
climatation de certaines d’entre elles pourrait être tentée dans les 
parties désertiques des Colonies françaises d'Afrique. 

M. le Secrétaire général fait observer que la Société a précisément 
recu de M. Diguet un lot de graines de Cactées et notamment de Cereus 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 234 


Pringlei, la plus grande des espèces dont il vient d’être question. 
M. de Guerne se fait l'interprète de l’assemblée pour remercier M. le 
Président de l'exposé qu’il a bien voulu faire des recherches de M. Di- 
guet et des siennes propres. 

Le Secrétaire, 


C. DE LAMARCHE. 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 


NOTE SUR LES FUNDULES VERTS DU BRÉSIL. 


Saint-Max-lès-Nancy, 17 mai 1899. 


Je ne connais pas de Poisson plus rustique et plus accommodant sur 
la qualité et la température de l’eau que le Fundule. 

C'est le véritable Poisson des petits aquariums. Il est carnassier, je 
le nourris exclusivement de Vers de vase (CAironomus plumosus). 

J'en ai conservé pendant six mois dans un aquarium d'appartement, 
placé loin du jour, et dont l’eau n’a jamais été renouvelée. 

J'en ai laissé cet hiver dans une pièce froide, où l'eau se couvrait 
souvent d’une mince couche de glace sous laquelle on voyait les 
Fundules nager vifs et alertes. 

Je signale même ce fait de rusticité extraordinaire, que j’ai observé 
ce PHReups et noté, d’un Fundule laissé à sec sur la vase d’un bassin 
qu’on avait vidé complètement à 11 heures du matin et qui fut re- 
trouvé vivant le lendemain à 9 heures, c’est-à-dire après une expo- 
sition à l’air de vingt-deux heures. 

Remis à l'eau, il a nagé vivement comme d'habitude ei se porte à 
merveille. 

Sa reproduction est des plus faciles, car six sujets abandonnés sans 
soins l'été dernier dans un petit bassin de serre ont pondu au com- 
mencement de juin, l’éclosion a été nombreuse, et à l’automne il 
restait une soixantaine de Poissons. 

A. DELAVAL. 
>< 


Sur LE Carez alba. — LES TULIPES DE LA SAVOIE. 


Albertville, le 21 novembre 1898. 
Monsieur, 


En réponse à votre lettre du 11 courant, j'ai l'honneur de vous 
donner les quelques renseignements que vous. voulez bien me de- 
mander sur le Carex alba. 


STE 
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


- 


232 


Cette plante, qui croît assez abondamment dans certaines forêts de 
la Savoie, a des feuilles d’un beau vert très fines, rappelant un peu 
celles des Zsolepis. Elles forment des touffes serrées, gazonnantes et 
s’emparant rapidement du terrain par des stolons formant à leur tour 
de nouveaux gazons sur leur trajet, ce qui explique la rapide multi- 
plication de cette plante. Un seul pied apporté dans mon jardin à 
l’automne 1896 et abandonné sans soins m'a fourni par division au 
printemps 1898 une bordure de 35 mètres de longueur. 

Quelques pieds, plantés à l'automne 1897, sous une épaisse char- 
À ss mille, dans une terre légère, sèche et de médiocre qualité, ont 

‘a supporté l'été dernier trois mois conséculifs de sécheresse, sans 
arrosages. C’est une plante très rustique et qui me parait pouvoir 
rendre des services aussi bien sous bois qu'en plein soleil. 

Les tiges florifères sont peu apparentes et disparaissent bientôt, ses 
feuilles en touffes serrées ne s'élevani pas à plus de 15 à 20 centi- 
mètres n'ont pas besoin d’être tondues. Il s'est maintenu d’un beau 
vert pendant toute la belle saison sans arrosage. 

Multiplication. — Ses graines sont peu abondantes et, comme celles 
de la plupart des Carex, leur germination, même dans les conditions 
les plus favorables, est longue et difficile. Les plantes venues de semis 
se développent très lentement et mettent beaucoup de temps à s'em- 
parer du terrain. La multiplication par voie de semis n’est donc pas 
pratique ; mais elle se fait avec la plus grande facilité par la plan- 
tation de picds qui se propagent rapidement. 

Ce gazon me parait appelé à rendre des services pour former de 
jolies bordures autour des plate-bandes et des massifs dans les jardins 
où les cultures ne peuvent être l'objet de soins assidus. Le seul soin à 
en prendre consistera à en affranchir de temps en temps les bords que 
ses stolons tendent à dépasser. 

Son habitat sylvicole me fait penser qu'il pourra être utilisé pour 
former des pelouses sous bois où si peu de Grantesee se maintiennent 
bien. 

Je continuerai d'ailleurs à vous tenir au courant du résultat de mes 
expériences. 


+ mnt. di, 


Puisque vous vous intéressez à la flore’ indigène, je vous dirai que 
nous possédons en Savoie plusieurs espèces de Tulipes intéressantes 
qui n'ont pas, que je sache, élé observées dans d’autres régions. Jl y a 
quelques années, j'ai déjà fait connaître dans la Revue horticole la 
Tulipa billietiana l'une des plus belles; mais j'en ai encore à l’étude 
quatre autres espèces non moins intéressantes et dont l’une surtout 
est d’une grande beauté. Je suis en voie de la multiplier pour la mettre 
dans le commerce. 

Veuillez agréer, etc. E. PERRIER DE LA BATHIE. 


BULLETIN 


DE LA 


QE NATIONALE D'ACCUINATA 


DE FRANCE 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


46e ANNÉE 


AOUT-SEPTEMBRE 1899 


| TT SOMMAIRE \ 
A. RAILLIET. — Allocution prononcée le 9 Mai 1899 à L'ouy erture de la Conférence de je 
M NE. RE etre ee na Pete he nee ee a at 1 QI LA GS NN 
h SR SA tu 237 
[A D NAUDIN. — Note sur le Machærium tipa, de la a Argentine, ..... 265 
Cx. MAILLES. — Résultats de semis faits à la Varenne St-Hilaire.............. : 266 
A . pe SAINT-QUENTIN. — Les travaux de Zoologie et de Botanique appliquées, 
É: _ présentés au Congrès de Toulouse 66 0 UE Contrat dp Doors O6 do dc 267 


Eatraits des procès-verbaux des séances de la Société 
ce générale des 10 et 24 Février 1899............... SEERE CHE GIE snssssoeroeessee DTA 


e Section (Mammifères). — Séances des 19 Décembre: 1898, 9 Janvier, 6 Février, 
D in. ARS ON O se shoteseiclolelels te se aole le etelcieolelele lets 285 


_ La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
nises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


SNS mme 


_Un numéro 2 franes ; pour les membres de la Société 4 fr. 50 


AU SIEGE de 
DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 


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ALLOCUTION PRONONCÉE LE 9 MAI 1899 


par A. RAILLIET, 
(De l'Académie de Médecine), Membre du Conseil de la Société, 


A L'OUVERTURE DE LA CONFÉRENCE DE M. A.-L. CLÉMENT 
SUR L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS 


Mesdames, Messieurs, 


Il y a deux ans, la Société d’Acclimatation inauguraïit un 
nouveau système d'enseignement pratique ; elle conviait, non 
seulement ses membres, mais aussi toutes les personnes qui 
s'intéressent aux applications des sciences naturelles, à une 
série d’excursions organisées par ses soins, et comportant la 
visite des principales exploitations afférentes aux matières 
qu'elle cultive. 

L'innovation eut le plus grand succès, d'autant que les 
excursions ont toujours chez nous de fervents adeptes, com- 
prenant bien tout l'avantage que peuvent retirer et le corps 
et l'esprit de ces courses au grand air, où les excursionnistes 
rivalisent souvent d’entrain et de gaité. 

Deux de ces promenades, — l’une à Paris même, au 
Luxembourg et à Montsouris, l’autre à Fontainebleau, — ont 
eu précisément pour but l’apiculture pratique, le sujet dont 
. veut bien nous entretenir M. Clément, le distingué président 
de notre Section d'Entomologie, que ses études spéciales, 
poursuivies avec une ardeur infatigable, ont rendu si fami- 
lier avec ces questions, et pour qui les Abeilles n’ont vrai- 
ment plus de secrets. 

Mais, pour intéressantes et instructives que soient ces 
visites, elles ne constituent qu'un élément spécial d'une mé- 
thode d'enseignement. Elles ne réalisent donc pas entièrement 
le but auquel nous tendons, à savoir : la diffusion des connais- 
sances générales dans le domaine de l'histoire naturelle 
appliquée. 

Pour aider à cette diffusion, nous avons bien les séances 
générales; mais l'expérience montre que le grand public, par 

Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 16. 


234 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


crainte peut-être de se trouver en présence de cemmunica- 
tions ou de discussions d'un caractère trop technique, se 
montre peu empressé à de telles réunions, et qu'en fait, les 
séances ordinaires d’une Société ne sont guère fréquentées 
que par ses propres membres. 

Aussi le Bureau a-t-il eu l'heureuse inspiration d'instituer 
cette série de conférences que vous avez bien voulu suivre, 
et dont l'intérêt s'est révélé dès le début. C’est un précieux 
complément de nos excursions; c'est, en même temps, un 
appoint de haute valeur pour notre expansion, et si nous 
tenons à vous remercier de l’'empressement avec lequel vous 
avez répondu à notre appel, nous devons exprimer aussi 
notre profonde reconnaissance aux dévoués collègues qui ont 
accepté le rôle délicat de conférenciers. 


Il me parait superfiu de vous rappeler en détail les mul- 
tiples raisons d’être d’une Société d'Acchimatation. Sa quali- 
fication même implique son but essentiel : acclimater des 
animaux et des végétaux, c'est-à-dire les adapter à la mou- 
vante complexité des conditions que constitue pour eux le 
climat nouveau. 

Passer en revue la série des animaux et des plantes utiles 
qui mériteraient d’être acclimatés chez nous serait œuvre 
déplacée et fastidieuse. Maïs, puisque nous assistons aujour- 
d’hui à une conférence d'Entomologie, permettez-moi de vous 
rappeler en deux mots la place que tiennent lès applications 
de cette science dans les travaux de la Société. 

I suffit de parcourir nes Bulletins pour y relever une liste 
imposante de communications ayant trait à des Insectes 
utiles. Les recherches de Guérin-Menneville, Maurice Girard, 
Fallou, Clément, Waïlly et tant d’autres sur l’acclimatation et 
l'éducation des Bombycides séricigènes sont universellement 
connues. Les études sur les maladies du Ver à soie, les obser- 
vations relatives aux Araignées utiles, aux Hyménoptères 
sociaux et en particulier aux Abeilles, ont toujours tenu dans 
nos travaux une place de premier ordre. 

Maïs si le rôle de la Société est de favoriser, tant en France 
que dans nos colonies, l'importation et la multiplication des 
animaux et des végétaux utiles, nous n'oublions pas non plus 
qu'il est nécessaire de protéger ceux que nous possédons 
contre les ennemis qui tendent à les décimer, et en parti_ 


RER PR + 


ALLOCUTION DE M. A. RAILLIET. 235 


culier contre les Insectes dévastateurs. Nos Pullelins con- 
tiennent aussi d'innombrables publications relatives à ce fléau 
sans cesse renaissant, représenté le plus souvent par des 
êtres d'apparence insignifiants, — d'autant plus dangereux 
qu'ils sont moins saisissables, — et dont je ne veux pas vous 
infliger l’interminable nomenclature. Aussi bien, les ravages 
du Phyiloxera, du Puceron lanigère, des Criquets, des An- 
thonomes, des Silphes, s'imposent-ils suffisamment à votre 
mémoire pour vous rappeler qu’il est nécessaire d'organiser 
contre ces implacables ennemis une lutte vigoureuse et in- 
cessante. 

A cet égard, il faut le reconnaître, notre pays est encore 
bien mal armé. Tandis que les États-Unis et plusieurs con- 
trées de l’Europe possèdent des Stations entomologiques de 
divers ordres et des laboratoires de recherches admirable- 
ment outillés, nous n’avons en France qu'un seul laboratoire, 
à peine doté, qui ne peut évidemment suffire à la tache, 
maloré tout le bon vouloir et toute l’activité de son direc- 
teur. Or, si nous attendons qu'un nouveau fléau vienne ré- 
veiller l'attention des pouvoirs publics, nous risquons fort de 
voir se renouveler le désastre occasionné par le Phylloxera. 
En pareille matière, il faut compter tout d'abord sur les ini- 
tiatives particulières, et c'est ici que peut s'affirmer avanta- 
sgeusement le rôle d'une Société comme la nôtre, toujours 
prête à grouper les bonnes volontés, à centraliser les rensei- 
gnements, — disons d'un mot : à mener le bon combat. 


Messieurs, je m'éloigne peut-être un peu trop du terrain 
de la conférence que vous ‘allez entendre; mais je tenais à 
vous montrer que si nous cherchons à nous mettre en rap- 
ports avec le grand public, c'est uniquement dans un but 
d'utilité générale, c'est en visant à la fois l'augmentation de 
notre cheptel national et sa sauvegarde. 

Mais si le but est élevé, la carrière à fournir est étendue, 
et nombreux sont les obstacles. Pour vaincre, il faut être 
solidement groupés, il faut former des faisceaux imposants et 
compacts, et c’est pourquoi nous faisons appel à tous les con- 
cours disponibles. 

On a dit avec raison, je pense, que le siècle qui va s'ouvrir 
sera le siècle de l’association. C’est que le principe de la 
« lutte pour la vie », si barbare en apparence dans sa froïde 


236 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


brutalité, a pour corollaire naturel celui de l’ « association 
pour la lutte », d’un abord infiniment moins rude, et surtout 
d’une signification plus réconfortante. 

Ouvrier à l'union est toujours un rôle agréable, et je le 
remplis aujourd’hui avec une réelle satisfaction. Il faut donc 
que vous veniez à nous, et en grand nombre, car, si modestes 
que soient les efforts, leur multiplication conduit à de puis- 
sants résultats. 

Et si je ne craignais de déflorer le sujet que va traiter 
notre conférencier, je vous dirais qu'une Société se com- 
pose comme une ruche, qui n’est productive qu'à la condi- 
tion d’être suffisamment peuplée. 

Vous pouvez d’ailleurs nous aider de facons bien di- 
verses, non seulement par votre affiliation à la Société, mais 
aussi par vos conseils, par votre propagande, par votre pré- 
sence même à nos conférences. Aussi je termine en exprimant 
la confiance que nous avons de vous rencontrer, Messieurs, 
et vous surtout, Mesdames, en nombre croissant à ces 
réunions, éloignant de nous la crainte exprimée par le poète, 
de jamais voir 

ÉÉCTE TT IE l'été sans fleurs vermeilles, 
La cage sans oiseaux, /a ruche sans abeilles, 
La maison sans enfants. 


Avant de donner la parole à M. Clément, je me fais un 
devoir, au nom de la Société, d'adresser nos souhaits de 
prompt rétablissement à M. de Heredia, président de la So- 
ciété d'Apicullure, qu'un accident empêche d'assister à la 
séance, et d'exprimer nos sentiments de haute et cordiale 
bienvenue, à M. le professeur Giard, représentant de la 
Sociélé entomologique de France, ainsi qu’à M. Le professeur 
Bouvier, représentant du Muséum d'histoire naturelle (1). 


(1) MM. Giard et Bouvier avaient bien voulu prendre place au bureau, ainsi 
que M. le Dr Paul Marchal, directeur de la Station entomologique de Paris et 
l’un des secrétaires de la Société d’Acsclimatation, 


237 


L’'ABEILLE 


SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS 


CONFÉRENCE FAITE LE 9 MAI 1899 A LA SOCIÉTÉ 
D'ACCLIMATATION (1), 


par A.-L. CLÉMENT, 


Président de la Section d'Entomologie, 
Vice-président de la Société centrale d’Apiculture. 


L'apiculture a fait en ces derniers temps des progrès 
considérables, et prend partout un grand développement. 

Dans l’ancien comme dans le nouveau monde, praticiens et 
savants ont rivalisé d’ardeur dans cette marche en avant où 
la France, hâtons-nous de le dire, a tenu dignement son rang. 

C'est avec fierté qu’elle peut nommer des apiculteurs, tels 
que : Debeauvoys, l’abbé Collin, Hamet, Vignole, de Layens, 
pour ne citer que les derniers disparus et sans parler de ceux 
qui aujourd’hui encore suivent dignement leurs traces. 


(1) La conférence de M. A.-L. Clément était accompagnée d'une très belle 
série de projections dont un grand nombre avaient été mises gracieusement à la 
disposition de la Société par M. À. Fron, Garde général des forêts à Charolles 
(Saône-et Loire). 

Une collection d'appareils d’apiculture avait été en outre envoyée pour la cir- 
constance par M. Raymond Gariel (quai de la Mégisserie, 2 ter, Paris), qui a bien 
voulu les laisser exposés pendant plusieurs jours après la Conférence. 

Enfin, M. Clément avait lui-même apporté, pour appuyer ses démonstrations, 
quelques pièces remarquables tirées de sa collection particulière ainsi que plu- 
sieurs planches murales encore inédites et dont il est superflu de faire l'éloge, 
chacun connaissant le talent, à la fois précis et artistique, de l’auteur. 

Pour illustrer le texte qui ne donne qu'une faible idée, on le comprendra faci- 
lement après ce qui précède, de la Conférence de M. Clément, la Société d’Ac- 
climatation a trouvé de très bienveillants concours. 

La Société centrale d’'Apiculture, M. Raymond Gariel, le constructeur bien 
connu, déjà cité, et la Librairie Larousse ont bien voulu nous prêter un certain 
nombre de clichés. Je leur adresse à ce sujet mes bien sincères remerciements. 

Les figures 1, 2, 3, 4, 5, 12, 13, 24 et 37, appartiennent à la Société centrale 
d’Apiculture ; les figures 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 
25, 26, 27 et 36, à M. Raymond Grariel ; les figures 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34 
et 35 à la Librairie Larousse. 

Ces dernières sont extraites du livre de M. A.-L. Clément, L'Apiculture mo- 
derne, publié par la Librairie Larousse, et dont il suffit de dire qu’il est arrivé 
en moins de quatre ans à sa quatrième édition. — La Société d’Acclimatation a 
d’ailleurs attribué à cet ouvrage, en 1895, une médaille de 1'e classe, 

(Note de M. J. be GUERNE, Secrétaire général.) 


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938 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Si l’apiculture rationnelle peut être mise aujourd'hui à la 
portée de tous, c’est grâce au désintéressement, au dévoue- 
ment de ces hommes de bien qui ont consacré tous leurs 
efforts à simplifier en les perfectionnant les meilleures mé- 
thodes, et ont montré les importantes ressources que peuvent 
offrir les produits des Abeilles à ceux qui savent en tirer 
parti. 

Le temps me manque pour vous parler de ces maîtres aussi 
longuement qu'ils le mériteraient et pour vous montrer les 
importants progrès qu'ils ont fait faire à l’apiculture mo- 
derne; mais je crois remplir un devoir en rendant ici un juste 
hommage à leur mémoire. 

Sous leur impulsion, de nombreuses Sociétés apicoles se 
sont créées en France. Elles se sont depuis plusieurs années 
groupées en une fédération dont la Société centrale d’Apicul- 
ture et d’Insectologie agricole, fondée par Hamet en 1856, 
peut être considérée comme le centre. Elle a son siège à Paris, 
possède un rucher au Luxembourg, un autre à Montsouris, 
fait des cours et des conférences et publie un bulletin men- 
suel tiré à plus de trois mille exemplaires dont la valeur n’est 
plus aujourd’hui à discuter. Je crois pouvoir dire que la So- 
ciété centrale a eu sur les progrès de l’apiculture en France 
une influence prépondérante. Fière des services qu’elle a déjà 
rendus, elle poursuit avec confiance son but utilitaire sous la 
direction de son président, M. de Heredia, dont le dévouement 
et les conseils éclairés lui sont chaque jour si précieux (1). 

Je commencerai par vous parler de l’Abeille que peu de 
personnes connaissent réellement. ; 

J'insisterai tout d'abord sur le rôle de premier ordre qu’elle 
joue en agriculture en aidant, dans une large mesure, à la 
fécondation des fleurs. 

Nous ne nous attarderons pas à rechercher si les fleurs 
sont faites pour les Insectes et si ces derniers sont souvent 
indispensables à leur fécondation ; maïs je tiens à vous faire. 
constater l'importance du rôle de l’Abeïlle, en vous citant 


(4) Retenu*en ce moment à la chambre par les suites d’un accident de 
voiture, qu’on me permette de lui adresser des vœux bien sincères pour son 
prompt et complet rétablissement. 


L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 239 


simplement ce fait: qu'une Abeille visite en moyenne deux 
cent cinquante fleurs par heure, qu’elle butine huit heures 
par jour, et qu'une seule ruche contient en moyenne qua- 
rante mille Abeilles, soit quatre cent mille pour un petit 
rucher de dix ruches, ce qui nous donne un total de quatre- 
vingt millions de voyages par jour (pour ce seul petit 
rucher). 

Chaque fois qu’une Abeille butine sur une fleur pour y 
puiser le nectar ou récolter le pollen, ce dernier se fixe à ses 
poils, et elle le transporte (involontairement sans doute), mais 
infailliblement, dans d’autres fleurs semblables, car au cours 
de chaque voyage, elle ne visite ordinairement qu’une même 
espèce de fleur. 

La conclusion est évidente; l'influence de l’Abeille sur 
l'abondance des récoltes est considérable. 

Le corps de l’Abeiïlle est divisé en trois parties : tête, thorax 
et abdomen. 

La tête porte les organes des sens : deux sortes d’yeux. De 
chaque côté un gros œil dit composé ou à facettes formé par 
la réunion de petits yeux dont la cornée forme chacune des 
facettes. Le nombre de ces facettes est évalué (par le docteur 
Sammelson), à trois mille cinq cents pour les deux yeux. 

Sur le haut de la tête se trouvent trois yeux simples des- 
tinés très probablement à voir de près, tandis que les yeux à 
facettes sont sans aucun doute destinés à voir de loin. 

La tête porte encore les deux antennes, organes du tact et 
de l’ouïe, et enfin les pièces buccales. Les mandibules sont 
des organes de travail. Les autres pièces buccales sont réu- 
nies pour former la trompe ou langue qui doit fixer un 
moment notre attention, car c’est elle qui sert à récolter 
le miel. | 

Il y a certaines fleurs dont les Abeïlles ne peuvent pas re- 
cueillir le nectar parce que leurs corolles sont trop longues, 
alors que d’autres Insectes viennent y puiser à loisir. 

Un double problème se pose dans l'intérêt de l’apiculteur : 
allonger la langue des Insectes ou raccourcir la corolle des 
fleurs. Les méthodes de sélection rendent la solution possible 
dans les deux sens. Je ne puis insister longuement sur ce 
sujet, mais je crois intéressant de vous montrer deux ap- 
pareils que l'on a construits pour mesurer la langue des 


Abeilles. 


240 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Le premier est le glossomètre Charton (fig. 1, 2 et 3). Les 
Abeilles viennent y prendre du sirop à travers les mailles d’une 


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Fig. 1. — Glossomètre Charlton. Vue perspective, la petite grille supérieure 
étant soulevée. 


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toile métallique (ces mailles ont 2 millimètres de côté). Une 
échelle tracée sur le fond incliné, permet de lire à 1 dixième 


Fig.5.— Fond montrant l'échelle graduée. 


de millimètre près le niveau du liquide quand les Abeilles ne 
peuvent plus l’atteindre. | 

Le deuxième est le glossomètre Legros (fig. 4 et 5). Les 
Abeilles y puisent le sirop'à travers des trous de 2 millimètres 
de diamètre, percés dans le couvercle d’un vase suspendu à 
la Cardan. La mesure du niveau est indiquée par la tige d’u 
flotteur en liège. 


L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 241 


La mesure obtenue par ces instruments n’est pas absolue, 
bien entendu, mais elle permet de voir nettement s’il existe 


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Fig. 4. — Glossomètre Legros. Vue d'ensemble. Fig. 5. — Coupe schématique. 


dans le rucher certaines ruches dont les Abeïlles ont la langue 
plus longue que les autres et de les réserver pour l'élevage. 

Le thorax porte les deux paires d'ailes, et trois paires de 
pattes. 

Les pattes antérieures portent un petit organe spécial pour 
nettoyer les organes et la trompe. 

Les pattes postérieures sont munies de brosses pour re- 
cueillir le pollen et de corbeilles pour le recevoir après qu'il 
a été mis en pelotes par les autres pattes. 

L'abdomen est formé de six anneaux. Plusieurs d’entre eux 
portent à leur partie ventrale des plaques où se fait la sécré- 
tion de la cire. Cette substance s’en détache sous forme de 
lamelles pentagonales. 

L'extrémité de l’abdomen est munie d’un aïguillon que 
l'Abeille fait saillir à volonté. Il est creusé d’un canal par le- 


4 SR 


242 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


quel s'écoule le venin que sécrètent des glandes spéciales ; sa 
pointe est barbelée, de sorte que, presque toujours, il s’ar- 
rache et reste dans la plaie quand l'Abeille s'échappe après 


avoir piqué. Elle meurt de sa propre blessure. 


Les effets de cette piqûre ne sont ordinairement pas graves. 
Si l’on reçoit plusieurs piqûres successives, il se produit une 
sorte de vaccination, la douleur devient très supportable, 
l’enflure presque nulle. C’est d’ailleurs un excellent moyen 
de guérir les rhumatismes. 

Je ne vous décrirai pas l’anatomie interne de l’Abeille. 
Je vous ferai seulement remarquer qu’il existe deux estomacs 
dont le premier appelé jabot, sert à transporter dans la ruche 
le nectar recueilli dans les fleurs. 

J’appellerai aussi votre attention sur les ovaires dont le 
développement est presque nul. C'est qu’en effet les Abeilles 
que vous voyez partout sont des femelles qui ne pondront pas, 
et dont les pattes et la trompe se sont adaptées à des fonc- 
tions spéciales. On leur a donné le nom d’ouvrières. On voit 
pourtant, mais rarement, des ouvrières pondeuses. Leurs 
œufs ne donnent naissance qu’à des mâles, et quand les autres 
Abeilles ne les détruisent pas elles-mêmes, l’apiculteur se 
hâte de le faire. 

Mais dans chaque ruche, on trouve une femelle, une seule, 
dont les ovaires sont au contraire très développés, dont la 
trompe est plus courte et les pattes dépourvues de brosses et 
de corbeilles. C’est la mère. On l’appelait autrefois le roi, 
puis on l’a appelée la reine. Le nom de mère seul lui con- 
vient, elle pond et ne fait que cela. Sa ponte à certains 
moments, s'élève au chiffre de trois à quatre mille œufs par 
jour. 

Enfin, dans la ruche et autour du rucher, vous pourrez 
voir au printemps et en été une troisième forme d’Abeilles : 
ce sont les mâles ou faux bourdons. 

Ils sont plus gros que les ouvrières, leurs yeux composés 
sont développés au point de se réunir au sommet de la tête. 
Is n’ont ni aiguillons, ni brosses, ni corbeïlles. Leur trompe 
est très courte, juste ce qu’il faut pour manger le miel dans 
la ruche. Leur unique fonction consiste à assurer la repro- 
duction de l'espèce. 

L'’ouvrière seule travaille, va aux provisions, construit les 
rayons, élève les jeunes. 


L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 243 


. Les rayons sont formés de cellules hexagonales adossées 
les unes aux autres. Il y en a de petites pour l'élevage des 
ouvrières, et de plus grandes pour celui des mâles. Les 
unes comme les autres servent à l’occasion à emmagasiner 
le polien et le miel, et pour que ce dernier ne s'écoule pas 
aussi facilement au dehors, elles sont légèrement inclinées. 

On trouve enfin dans les rayons une troisième sorte de 
cellules, plus grandes encore, ovales, servant à élever les 
larves de femelles. ET 

Au fond de chaque cellule, la mère ou femelle va déposer 
un œuf fixé debout par une de ses extrémités. Le second jour, 
il s'incline; le troisième, il est complètement couché; le qua- 
trième, on peut en voir sortir une petite larve blanche sans 
pieds, contournée sur elle-même, 

Les ouvrières la nourrissent d’abord d’une gelée blanche 
élaborée dans leur estomac. La larve de mère ne recevra pas 
d'autre nourriture, mais pour les larves ordinaires, elle est 
bientôt remplacée par un mélange de miel, de pollen et d’eau. 
_ Cette gelée blanche jouit de telles propriétés que, quand la 
mère vient à disparaître de la ruche, soit accidentellement, 
soit quand on l’enlève volontairement, les ouvrières, choi- 
sissant un œuf de moins de trois jours, élargissent sa cellule 
qui prend le nom de cellule de sauveté et, nourrissant la 
jeune larve uniquement de cette gelée spéciale, en obtiennent 
une mère féconde dite mère de sauveté qui, après sa sortie 
nuptiale, reprendra la ponte interrompue de la première 
mère. 

Les apiculteurs ont là un moyen précieux et facile d’aug- 
menter le nombre de leurs ruches, car la mère enlevée, mise 
dans une ruche vide avec des ouvrières, aura vite recons- 
titué une nouvelle colonie : c’est l’essaimage artificiel. Mais 
revenons à nos larves. : 

Au bout de cinq jours, la cellule d’ouvrière est operculée . 
par les Abeilles, c’est-à-dire fermée avec un couvercle de cire 
légèrement bombé. 

La larve de mäle le sera au bout de six jours, son cou- 
vercle est fortement bombé. 

La cellule de mère est operculée au bout de cinq jours. 

Une fois enfermées, les larves subissent des mues, se 
filent une coque soyeuse et se transforment en chrysalides 
ou nymphes. 


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244 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


L'ensemble des œufs, larves et nymphes, a recu le nom de 
couvain, parce que les Abeilles restent constamment dessus 
pour conserver la chaleur nécessaire. Voici l'aspect d'un 
rayon contenant du couvain (1). 

La métamorphose achevée, la jeune Abeille déchire son 
cocon, brise le couvercle de cire, sort, étend ses ailes. Les 
ouvrières la brossent et lui offrent du miel. 

Cette éclosion a lieu au bout de vingt et un jours après la 
ponte pour l'ouvrière, vingt-quatre pour le mâle, quinze ou 
seize pour la femelle, la température étant supposée de 30° en- 
viron. 

La jeune ouvrière reste dans la ruche une quinzaine de 
jours, s’employant à nettoyer les rayons, à nourrir les larves, 
à produire de la cire. Ses premières sorties seront utilisées à 
rapporter de l’eau, puis du pollen, puis du miel. 

Les Abeilles récoltent encore sur les bourgeons une matière 
résineuse : la propolis qui leur sert de mastic pour calfeutrer 
la ruche. 1 

L'ouvrière vit quelques semaines seulement en été, et 
quelques mois si elle éclot en automne, alors elle hiverne 
dans la ruche. 

C'est à certaines ouvrières qu'incombe le soin de garder 
l'entrée de la ruche, ce sont les sentinelles ; et aussi de l’aérer 
en battant des ailes près de la porte, ce sont les ven- 
tileuses. 

Les mâles vivent deux à trois mois. Quand ils deviennent 
génants, ce qui arrive à l’automne, les ouvrières les chassent, 
et ils meurent de faim. | 

La mère vit plusieurs années. Le septième jour après 
l’éclosion, elle sort de la ruche : c’est le vol nuptial, elle en 
revient fécondée pour le restant de ses jours et commence sa 
ponte. | ; 

Un seul mâle a suffi, à quoi servent les autres, puisqu'il y 
en a plusieurs centaines dans chaque ruche, c'est ce que nous 
ignorons encore. 

Pendant toute la belle saison, cette mère pondra et le 
nombre total de ses œufs peut atteindre cing cent mille dans 
une année. Elle pondra à son gré des œufs de mâles ou d'ou- 


(1) M. Clément présente divers échantillons caractéristiques faisant partie de 
sa collection. 


L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 245 


vrières, et si parfois elle n’a pas été fécondée, la ponte 
aura lieu tout de même en vertu de la parthenogénèse, 
mais les œufs seront tous invariablement du sexe mâle, et 
la ruche, manquant bientôt d’ouvrières, ne tardera pas à être 
perdue. 

Au printemps, la ponte est abondante, si abondante que 
bientôt la ruche devient trop petite pour contenir la popula- 
tion. Par une belle journée, une partie des Abeilles sortiront 
en masse, accompagnées de la mère, pour aller fonder ailleurs 
une nouvelle colonie : c’est l’essaimage naturel. 

Rarement l’essaim trouve une cavité propre à lui servir 
de domicile, il s’accroche provisoirement à quelque branche 
voisine où on le recueille pour lui donner une ruche vide. 

Les Abeilles de l’ancienne ruche ont eu soin, avant ce 
départ, d'élever une jeune mère qui remplacera de suite 
l’ancienne. ; 

Elles en élèvent même souvent plusieurs. Maïs une seule 
doit rester. Quand il y a deux ou plusieurs mères dans une 
ruche, elles s’entre-tuent, c’est le seul cas où on les voie 
faire usage de leur aiguillon. 


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X * 


Connaïssant l’Abeïille, nous allons maintenant étudier les 
ruches. On les classe aujourd’hui en deux systèmes : ruches 
fixes et ruches mobiles. 

Les premières sont chez nous ordinairement construites 
en osier ou en paille. Elles ont plus ou moins la forme d’une 
cloche dans laquelle les Abeilles construisent des rayons fixés 
aux parois (fig. 6). 

Les deuxièmes sont formées de caisses en boïs qu’on peut 
agrandir par côté ou par le haut, et dans lesquelles on amène 
les Abeilles à construire leurs rayons à l’intérieur de cadres 
mobiles placés parallèlement les uns aux autres, et qu'on 
peut enlever à volonté. 

Fixistes et mobilistes (ces deux mots se comprennent sans 
autre commentaire) furent longtemps d’intraitables adver- 
saires. Aujourd'hui, l'accord semble vouloir, s'établir par 
l'apparition d'un troisième parti empruntant au fixisme le 
nid à couvain ou partie de la ruche occupée par les Abeilles 
et leurs nourrissons, et au mobilisme le grenier à miel, 


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246 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


partie de la ruche dans laquelle les Abeilles amassent leurs 
provisions. 

La ruche fixe n’est pas à recommander, c’est un système 
suranné. D'abord on ne voit pas ce qui s’y passe, mais son 


- plus grand défaut c’est que, pour récolter le miel, il faut en 


chasser les Abeilles et couper les rayons. 
La chasse dans une ruche vide et la taille des rayons de- 


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Fig. 6. — Ruches fixes dans un rucher abrité. 


mandent une certaine habitude des Abeilles. Aussi beaucoup 
de cultivateurs se contentent-ils de tuer les Insectes en 
brûlant sous la ruche une mèche soufrée ; c'est un procédé 
quelque peu sauvage. 

On a perfectionné cette ruche en créant la ruche à calotte. 
C’est une ruche fixe tronquée en haut et sur laquelle on 
ajoute une calotte ou sorte de panier renversé, ordinaire- 
ment en paille. Quand cette calotte est pleine de miel on 
l'enlève et on la remplace par une vide. C’est un achemi- 
nement vers le mobilisme. Là simple calotte en paille peut 
être remplacée avec avantage par une hausse perfectionnée ; 


L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 


l'on a alors une ruche mixte 
(fig. ). Ce mode de culture 
est commode pour celui qui 
pe peut pas consacrer beau- 
coup de temps à ses Abeilles. 
Si elle nedonne pas un grand 
rendement, au moins cette 
ruche coûte bon marché, et 
les Abeilles n'y sont pas mal- 
menées, mais on ne voit tou- 


jours pas ce qui se passe 


dans son intérieur. 

Pour nous, la ruche du 
progrès, c’est la ruche à 
cadres mobiles. Elle peut 
s'acrandir à volonté pour le 
développement de la colonie 


247 


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Fig. 7. — Ruche mixte, composée d'un 
panier ordinaire et d’une hausse Gariel. 


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Fig. 8.— Ruche verticale (Dadant-Blatt 


modifiée dite Znternationale), 


quand une abondante 
récolte de miel l’a rapi- 
dement remplie. 

On l’a dit avec jus- 
tesse, c'est un livre 
ouvert. On peut y re- 
garder à chaque ins- 
tant, toutefois en ne 
perdant pas de vue ce 
principe très important 
que les Abeilles, pour 
prospérer, doivent être 
dérangées le moins sou- 
vent possible. 


Il y a un grand nom- 
bre de ruches mobiles, 
mais elles se ramènent 
toutes à deux types : 

Celles dont l’agran- 
dissement se fait par le 
haut et qui sont dites 
verticales (fig. 8 et 9). 

Celles qui s’agrandis- 


248 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


sent par le côté, et qui sont dites horizontales (fig. 10). 
Les premières sont formées d’une partie à peu près cubique 


de 40 à 50 litres de capacité, des- 


di: tinée au nid à couvain et recouverte 
4 d’une sorte de toit. On la remplit de 
4 cadres. 
D: Au moment de la miellée, on place 
. au-dessus de ce corps de ruche une 
à seconde caisse sans fond appelée 
% hausse, remplie également de cadres. 
Pi: = » 
4 Les Abeilles déposeront dans cette 
“à hausse toutes leurs provisions, et 
4 On ce tee quand elle sera pleine, on en pourra 
De sur les cadres, percé d’une ou- Mettre une seconde en la plaçant 
‘# verture pour recevoir un nour- entre le corps de la ruche et la pre- 
ne - risseur, 5: : 
Re miere, pour que les Abeilles aient 
Re moins à monter, puis une troisième, etc., suivant le besoin. 
13 Les ruches horizontales (fig. 10) sont formées d’une caisse 
É: 
ï. 
2 
N 
s HANNEMRKER —@— * 
Fig. 10. — Ruche horizontale (Layens). 
Fe allongée de 120 à 150 litres de capacité dans laquelle, au 
Si moyen de planches horizontales dites de partition, on limite 
F ? un espace de 90 litres pour le nid à couvain. Au moment de 
a‘ la miellée, on recule les planches de partition et on ajoute des 
À cadres. | | 
à Les cadres, quoique variant de grandeur et de forme sui- 
1 4 


4 vant les ruches, doivent avoir 10 à 12 décimètres carrés. Ils 


 L'ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET. SES PRODUITS. 249 


sont formés en haut d’une traverse dont les extrémités dé- 
passent pour former points de suspension. Celle-ci doit étre 
assez forte pour porter le poids du rayon plein de miel qui 
est d'environ 4 kilogrammes. Les côtés du cadre sont formés 
de deux montants plus minces que la traverse du haut, 
mais de même largeur, et en bas se trouve une barre étroite 
laissant passer l'air largement en dessous. 

L'épaisseur du cadre est de 25 millimètres environ. Entre 
les cadres et les paroïs de la ruche, on laisse 1/2 centimètre 
et au-dessous 1 cent. 1/2 au moins pour la circulation des 
Abeilles. | 

Entre chaque cadre, il faut 1 centimètre d'écartement, 
maintenu par des crochets ou des sortes de taquets. 

Les cadres sont placés de préférence perpendiculairement 
à l'entrée de la ruche (c'est ce qu'on appelle en bâtisses 
froides); c'est la disposition généralement adoptée par les 
Abeilles elles-mêmes dans les ruches fixes. 

Dans la bâtisse chaude, les cadres sont placés parallèlement 
à l'entrée ; avec le premier système l’aération de la ruche se 
fait beaucoup mieux. 

La hauteur de l'entrée ne dépasse pas 9 millimètres pour 
que l’accès en soit interdit aux animaux nuisibles, maïs sa 
longueur peut atteindre 15 centimètres et au delà suivant 
l’activité des Abeilles. 

Au-dessus des, cadres, on laisse un vide de 1 à 2 centi- 
mètres, surmonté d’un châssis recouvert d’une toile sur la- 
quelle on peut mettre des coussins quelconques ou des 
débris de tapis empéchant le refroidissement la nuit et l’é- 
‘chauffement le jour, 
et pour aérer la ruche. 
on peut percer dans 
le plateau qui la sup- 
porte et forme fond 
mobile une ouverture 
garnie de toile métal- 
lique, ouverture qu'on 
ferme par une porte à 


ere Fig 1 Fixage de la cire UE ice un cadre; 
l’opérateur manœuvre l’éperon Woiblet. 


Un des plus grands 
progrès de l’apiculture moderne consiste dans l’emploi de 
feuilles de cire gaufrées imitant parfaitement le fond des cel- 

Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 17. 


| 1 lt - « TLITS Lu 


“ 


250 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


lules et sur lesquelles les Abeïlles n’ont plus que des parois 
latérales à construire. Le temps qu'elles gagnent ainsi profite 


À |: 


a la récolte, d'autant plus que pour sécréter la cire, elles con- 


UT 


*IDANON JIOUONYT : 


somment beaucoup de miel, 7 grammes de miel pour un de 
cire est le chiffre généralement admis. 
La cire gaufrée a de grands avantages ;'elle oblige les 


_ Lidil WU ie 


‘(orqderdojoud oun seide,p) tige souony = °ey ‘hey 


L'ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 253 


Abeilles à construire des rayons bien droits d’où le miel s’ex- 
trait facilement sans les détériorer et qui peuvent resservir 
indéfiniment, d'où économie nouvelle de travail pour les 
Abeilles. 

On empêche en outre par ce moyen les Abeilles de cons- 
truire des cellules de mâles, de sorte qu’on peut limiter à vo- 
lonté le nombre de ces bouches qui semblent presque toutes 
inutiles. 

Les feuilles de cire sont maintenues dans les cadres, par des 
fils de fer auquels on les soude au moyen de l’éperon Woiblet 
légèrement chauffé (fig. 11). 

Les ruches doivent être préservées de l'humidité. On les 
élève au-dessus du sol au moyen de socles 
quelconques. Il faut les orienter de facon 
que l'ouverture soit à l’abri des grands 
vents. 

L'endroit où se DOUSERE les ruches 
s'appelle le rucher. En voici plusieurs 
exemples : 

Celui du Luxembourg, à Paris, est um y 
rucher à l’air libre uniquement destiné à #7 
l'enseignement, mais il manque de place Fig. 14. — Uamail. 
pour un bon élevage. 

Nous ne sommes pas partisan des ruchers couverts (fig. 12); 
on y manque ordinairement de place. Les Abeilles se portent 
mieux dans les ruches en plein air, et s'y 
trouvent moins exposées aux maladies con- 
tagieuses. Il est facile l'hiver d’abriter les 
ruches au moyen de paillassons ou d'un toit 
léger (fig. 6 et 13), et si l'été on redoute pour 
elles les ardeurs du soleil, on peut les placer 
sous des arbres. 


Quels sont maintenant les soins que récla- 
ment les Abeïlles ? 

En février, on fait une visite 
au rucher. Il faut dégager l’en- 
trée des ruches des corps étran- 
gers et des cadavres d’Abeilles 
qui pourraient l'obstruer, et établir à proximité des vases 
contenant de l’eau et des récipients garnis de farine de 


Fig 15, — Gant d’apiculteur. 


sin, Mer - 


7 


254 BULLETIN LE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Seigle ou de Légumineuses qui remplace pour les Abeilles le 
pollen encore absent des fieurs. À 

En mars et en avril, par une belle journée, se fait la visite 
des ruches. 

Les gens timides et inexpéri- 
mentés se munissent d’un voile 
ou d’un camail (fig. 14), de gants 
(fig. 15), et s’arment d'un petit 
appareil connu sous le nom d’en- 
fumoir et dont les modèles sont 
très variés (fig. 16 à 18). 

Fig. 16. — Enfumoir Clark. L'apiculteur aguerri se con- 

tente généralement de ce dernier 
instrument. Il sait que les Abeïlles ne piquent guère que 
ceux que la peur rend hésitants et brusques dans leurs mou- 
vements. D'ailleurs il ne s'arrête 
pas à quelques piqüres. S'il est 
piqué, il enlève l’aïguillon de la 
plaie, la mouille de salive et tout 
est dit. 

L'enfumoir est indispensable ; 
la fumée produit sur les Abeilles 
un effet spécial. On la projette 
dans la ruche après avoir enlevé 
le couvercle et soulevé un coin 
des couvertures. Les Abeilles 

FiyNate = Rnfumois EL: aussitôt battent des ailes, se gor- 

cent de miel et font entendre un 
bruit particulier qu’on appelle le bruissement. 

À cet état, elles ne cherchent plus ni à fuir ni à piquer. 
On active le bruisse- 
ment en frappant les 

ae.) parois de la ruche, 
UE mais il faut toujours 
7 | employer la fumée 

| DLL = modérément, sans 

Fig. 18. — Enfumoir mécanique de Layens. quoi on tuerait les 

Abeilles. 

La ruche enfumée, on peut retirer les cadres et les exa- 
miner sans crainte, nettoyer les plateaux, sécher les cous- 
sins, et voir si les Abeilles ont encore des provisions. Quand 


‘4 


* 


L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 255 


elles en manquent, il est nécessaire de leur en donner, ce qui 
se fait au moyen de nourrisseurs. Il en existe de nombreux 
modèles (fig. 19 et20), dont le plus simple, que l’on peut faci- 
lement construire soi-même,consiste en une 
bouteille remplie de sirop épais, bouchée 
par une toile et renversée sur une assiette. 
Le tout est introduit dans la ruche. 

Quelques apiculteurs se contentent de 
placer sur les cadres des rondelles décou- 
pées dans un pain de sucre. L'humidité de 
la ruche les détrempe sufisamment. Dans 
tous les cas, les Abeïlles emmagasinent la 
nourriture donnée dans les cellules où elles 
la reprennent au fur et à mesure des be- en 
soins. Re 

Ce nourrissement est continué jusqu’à Ce  Gariel, permet- 
que les fleurs offrent aux Abeilles une ré- tant de régler et 
colte suflisante ; il est dit spéculatif parce ee 
qu'il active la ponte et permet d'obtenir une 
nombreuse population pour le moment de la grande miellée, 
époque où les fleurs donnent la quantité maximum de nectar. 
Il faut des ruches fortes, car il est établi qu'une ruche de qua- 
rante mille Abeilles par exemple, ; 
récolte beaucoup plus que deux - 
ruches de vingt mille chacune. 
Aussi quand malgré le nourrisse- 
ment, on a encore des colonies peu 
nombreuses, on a tout avantage à 
en réunir deux ou plusieurs dans 
une même ruche, opération facile 
avec la fumée. 

En mai, au milieu d'une belle 
journée, heure à laquelle les vieilles | 
ouvrières, les plus méchantes as- Ho A0 Nenescenem ele 
sure-t-on, sont dehors, on fait une 
nouvelle visite. Si les cellules de mâles sont nombreuses; 
on les enlève pour n’en laisser que quelques centaines, sinon 
il faudrait plus tard détruire ces mâles au moyen de pièges 
construits ordinairement en tôle perforée (fig. 21) que les 
ouvrières seules peuvent traverser. Les rayons défectueux 
sont également enlevés. 


296 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Bientôt la récolte va augmenter, il va falloir donner des 
rayons vides aux Abeïlles pour qu'elles les remplissent. Dans 


Fig. 21. — Piège à mâles. 


la ruche horizontale ces rayons sont placés de chaque côté du 
nid à couvain. De Layens conseillait même d'en remplir la 
ruche d’un seul coup pour ne déranger les Abeilles qu’une 
seule fois. 

Dans la ruche verticale, on place sur le corps de ruche une 
hausse remplie de cadres garnis de cire 
gaufrée ou de rayons vides. Les hausses 
recoivent parfois de très petits cadres 
auxquels on a donné le nom de sections 
(fig. 22). Une fois remplis de miel par les 
Abeilles, ils sont vendus tels quels (fig. 23) 
aux amateurs qui tiennent à avoir du miel 

 Hatnr absolument pur. Ces sections peuvent d’ail- 

Re leurs également se placer dans les grands 
cadres des ruches horizontales. 

En juin et juillet, on voit le soir les Abeilles arriver lour- 
dement, s’entasser sur le plateau, se presser à l'entrée de la 
ruche dans l’intérieur de laquelle s’entend 
up fort bourdonnement. C’est pour l’api- 
culteur le moment de récolter à son tour. 

En revenant des champs, l’Abeille dé- 
pose le miel dans la première cellule venue 
près de l'entrée de la ruche où s’évapore 
l'excès d’eau qu'il contient. Il perd environ 
le quart de son poids et alors seulement est 
emmagasiné définitivement dans le grenier. 

Quand les cellules sont pleines, les Abeilles les ferment d’un 
mince couvercle de cire plat après avoir introduit dans le 


Fig. 25. — Section 
terminée. 


L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS: 251 


miel un peu d'acide formique sécrété par les glandes de l'ai- 
guillon. Ce miel operculé se conservera indéfiniment, c’est 
dans cet état seulement qu'il doit être récolté. 

Avec les ruches à cadres, la récolte est facile. Si l’on a 
affaire à une ruche verticale, on enlève les hausses pleines 
après enfumage pour en chasser les Abeïlles. Si c'est à une 
ruche horizontale, les cadres pleins sont retirés un à ur, les 


à Fi g. 24. — Brosse à Abeilles. 


Abeilles brossées au 110 YEN d’une plume d’oie ou d’une brosse 
spéciale (fig. 24). 
Le chasse-Abeilles (fig. 25) rend également de grands ser- 


n “F 
f Jeénset 
. Go 


Fig. 25. — Chasse-Abeilles. 


vices. Cet appareil, placé la veille de la récolte, au soir, entre 
la ruche et la hausse, permet d’enlever cette dernière le 
lendemain matin exempte d’Abeilles, elle permet aux Insectes 
de sortir de la ruche, maïs non d'y rentrer. 

Ces cadres sont réunis dans une boîte fermant bien, sinon 
gare au pillage. Les Abeilles se jettent sur les rayons à leur 
portée et une fois mises en goût, pénètrent dans les ruches 
faibles pour y voler le miel; un désastre s'ensuit. Les rayons 
récoltés sont Faces au moyen d'un couteau spécial 


Fig. 26. — Couteau à désoperculer. 


trempé dans l’eau chaude (fig. 26), et soumis à la force centri- 
fuge dans l’extracteur (fig. 27). 

En un instant, ils sont vidés et le soir on les rend aux 
Abeilles qui les nettoient, les réparent, et les remplissent de 


258 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


nouveau si les fleurs donnent encore. Sinon on les enlève 
pour s’en resservir l'année suivante. : 

Dans la récolte, il faut être prévoyant et laisser aux 
Abeilles des provisions suflisantes 
pour leur propre usage. 

A la fin d'août, une nouvelle vi- 
site est nécessaire. On égalise les 
provisions en donnant aux colonies 
pauvres ce que les autres peuvent 
avoir de trop. à 

Pour évaluer la quantité de miel 
que possède chaque ruche, il suffit 
de savoir que 1 kilogramme de miel 
occupe dans un rayon, en comptant 
les deux faces, 3 décimètres carrés, 
et qu'une ruche moyenne a besoin, 
pour passer l'hiver, de 15 à 18kilos” 
de provisions. 

Fig. 27. — Extracteur. On profite souvent de cette der- 

nière visite pour remplacer les 

vieilles mères épuisées ou défectueuses par des jeunes, éle- 
vées spécialement dans ce but. 

Je ne m'étendrai pas sur cette opération délicate du rem- 
placement, ni sur cet élevage spécial, la nouvelle école 
tendant à laisser aux Abeilles elles-mêmes le soin de ce rem- 
placement. 

Avant l'hiver, les hausses sont enlevées, les rayons défec- 
tueux et ceux à cellules de mâles sont supprimés. 

Les cadres sont recouverts de couvertures etude coussins 
isolants (balle d'avoine, mousse, etc.) disposés de facon à ne 
pas gêner la circulation des Abeilles. La ruche est soulevée 
légèrement sur des cales pour que l'air y circule facilement, 
mais pas assez pour que les Mulots puissent y pénétrer. Le 
plateau est légèrement incliné pour laisser couler au dehors 
l’eau de condensation qui descend des parois de la ruche. On 


ne SNS AE ANR 


bn, 
= 


‘le redressera au printemps pour que les rayons soient cons- 


truits bien droit. 
Les ruches pourront être alors garnies de païllassons, et il 
ne reste plus qu’à attendre le printemps suivant. 
L'apiculteur, pendant l'hiver, met son matériel en état, 
construit des ruches, des cadres, etc., s’il en a le temps. 


{ 


L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 259 


* 
X x 


Je vous ai fait un tableau sans mélange de l’apiculture, 
mais il est demon devoir de vous dire qu'ici comme ailleurs 
la médaille a son revers. 

Les années ne sont pas toutes bonnes pour les Abeilles. Les 
grandes sécheresses comme les saisons pluvieuses leur sont 
funestes. Elles souffrent de toutes les intempéries, et en 
outre elles ont des maladies et des ennemis. 

Les maladies ne sont pas heureusement très nombreuses, 
mais l’une d'elles, la loque ou pourriture du couvain, est parti- 
culièrement redoutable. 

Elle cause parfois de telles pertes que nos voisins d'Outre- 
Manche et d'Outre-Rhin s’en 
. sont émus au point de pro- 
mulguer à ce propos certaines 
loïs d'interdiction. 

Peu commune en France, 
commune au contraire en 
Italie, la loque est due à un 
microbe, le Bacillus alvei 
(fig. 28). 

Les premiers symptômes 
passent inaperçus, puis les 
opercules du couvain se dé- 
priment, se percent d’un trou. 


Fig. 28.— Bacille de la loque 
(Bacillus alvei), fortement grossi, 
Le contenu des cellules est à. Batonnets simples. 


complètement décomposé, le b. Batonnets plus âgés contenant des 


spores. 


rayon tout entier tombe en 
pourriture et répand une odeur nauséabonde caractéristique. 
La contagion répand la maladie aux alentours. 

Jusqu'ici, on n’a pas trouvé de remède certain. Le plus sûr 
est encore de sacrifier la ruche et de brüler tout ce qui est 
contaminé, quoiqu'on assure avoir obtenu de bons résultats 
par des lavages à l’eau fortement acidulée et divers désin- 
fectants très énergiques. | 

Les ennemis sont plus nombreux queles maladies, mais plus 
faciles à combattre. 

*Le pire, tout le monde est d'accord là-dessus, c’est l'homme, 
mais hâtons-nous de le dire, l’homme ignorant qui soigne 


260 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


mal ses Abeilles, et au besoin les tue pour prendre leur miel 
et leur cire. 

Vient ensuite la Fausse teigne (fig. 29, 30 et 31), dont les 
Chenilles se filent des galeries dans les 
rayons qu'elles rongent. Les fortes colonies 
s’en débarrassent souvent elles-mêmes. 

Le Sphinx tête de mort (fig. 32), par son 
volume, cause bien du désordre dans les 
ruches où il pénètre. Averties de sa pré- 
sence par son chant (car il possède un cri 
aigu), les Abeilles s'en défendent en dimi- 
nuant au moyen de propolis l'entrée de 
leurs ruches: elles ne laissent que de petites entrées par 
où elles puissent pénétrer seules. 

: Les Guépes, les Frelons, les 
Asiles, les Libellules dévorent 
les Abeïlles. 

Le Philanthe apivore (fig. 33) 
les paralyse au moyen de son 
aiguillon, et les donne en pâture 
à ses larves. 

Les jeunes larves de Méloé 
ou Triongulins s’accrochent aux, 
poils des Abeilles quand elles 
butinent sur les fleurs, se font 
transporter dans la ruche, man- 
gent les œufs qu’elles trouvent dans les cellules. Elles ne 
semblent pas pouvoir vivre longtemps dans la ruche parce 
qu'après les œufs il leur 
faudrait du miel, et les 
Abeilles ne leur en don- 
nent pas! Mais quand 
elles sont nombreuses, 
elles irritent les Abeïlles 
au point de pouvoir cau- 
ser leur mort. 

Un parasite curieux est 
le Pou des Abeilles ou Braula cæca (fig. 34). C'est une Mouche 
sans ailes qui se promène sur le corselet et la tête des Abeilles. 
D'après M. Perez, quand elle veut manger, elle se porte vers 
la bouche de l’Abeiïlle, y produit une titillation qui oblige 


Fig. 29. 
Fausse teigne 
{Galleria cerella). 


(= 


Fig. 50.— Sa chenille. 


Fig. 51. — Ses cocons. 


L’ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 261 


celle-ci à dégorger un peu de miel, et se met à table. 
Les Oiseaux, le Blaireau, le Putois, le Crapaud mangent 
les Abeilles. 


Fig. 52. — Sphinx tête de mort (Acherontia atropos). 


Certaines plantes en font mourir un grand nombre. La 
Sétaire, par exemple, les accroche au passage, les Ascle- 
pias les prennent par les pattes dans leurs corolles (fig. 35). 

Enfin les Abeilles ont aussi 
des parasites internes qui 
les déciment. 


Je voudrais maintenant 
vous dire quelques mots des 
produits des Abeilles. Fig. 54. 

La cire a de nombreuses Pou des À beilles 

à ; = (Braula cecu) 
applications dans l'industrie fortement grossi. 
et l’économie domestique. 

Elle fond vers 65°, est un peu plus légère que l'eau qui ne 
la dissout pas. 

Les huiles, les graisses, les essences, la benzine, l’alcool, le 
sulfure de carbone, etc. la dissolvent tres facilement. 

Au moment de sa production, elle est blanche et jaunit 
ensuite. Exposée aux rayons du soleil, elle redevient com- 
plètement blanche. 

On la prépare en faisant fondre au bain-marie, les débris 
. de rayons et les rayons qu'on ne veut pas conserver. On se 


Fig. 55. 


Philanthe apivore 
(Philanthus apivorus). 


L.2- 
7 


262 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. ‘ 


-sert aussi du purificateur solaire (fig. 36). L'opération est très 


facile et la falsification de la cire aussi. 

Le miel, c'est le nectar des fleurs modifié chimiquement 
dans le jabot des Abeilles, sous l’in- 
fluence d’une substance particulière, 
l'invertine.. 

Le nectar n’est pas seulement pro- 
duit par les fleurs, certaines plantes 
présentent des nectaires, ailleurs que 
dans les fleurs, à la base des stipules, 
par exemple, et les Abeilles recueillent 
aussi d’autres matières sucrées : la 
miellée exudée par les feuilles de cer- 
tains arbres, pendant les chaudes jour- 
nées d'été, et la liqueur si recherchée 
M Eee des Fourmis, qui suinte des cornicules 

clepias, retenant une des Pucerons. C’est le miellat, qui.four- 

Abeille prise par une ;jf d'ailleurs un miel détestable. 

pote Le miel conserve le parfum des fleurs, 
mais malheureusement aussi leurs propriétés vénéneuses 


quand elles en ont. 
Les usages du miel sont nombreux. Il peut remplacer le 


Fig. 56. — Purificateur solaire. 


sucre absolument partout, et c’est un remède excellent pour 
une quantité d’indispositions. 

Dans une foule de maladies, il peut faire beaucoup de bien. 
Il entre dans la fabrication du pain d'épices, du nougat, dela 
chartreuse, etc. 

Par la fermentation, il peut servir à la préparation de bois- 
sons essentiellement hygiéniques. J’appelle toute votre atten- 


il bon de chauffer un peu 


L'ABEILLE, SON ÉLEVAGE ET SES PRODUITS. 263 


tion sur ce point. La plus importante est l'hydromel. Il existe 
plusieurs méthodes pour le fabriquer, celle de de Layens est 
une des meilleures. On met dans un tonneau 5 livres de miel 
dissous dans 5 litres d’eau, on ajoute comme ferment du pol- 
len recueilli dans la ruche, ou mieux encore un ferment de 
vin quelconque. Quand la fermentation est terminée, on ob- 
tient un liquide titrant 15 à 
17° d'alcool, d'un goût excel- 
lent et supportant bien l’eau, 
si l’on veut en faire une 
boisson ordinaire de table. 

La fermentation est longue 
quand la température est 
basse; aussi en hiver est- 


le liquide. Le tonneau de 
M. Legros nous paraît un 
appareil commode pour cet 
usage (fig. 37). 

L’'œnomel est aussi une ex- 
cellente boisson. On le pré- 
pare en employant pour la 
fermentation un mélange de 
miel et de raisin, ou encore 
I renpanr sonne Fig. 57. — Tonneau de M. Legros 
le sucre par du miel dans pour la fermentation de l’eau miellée (1 Je 
les vins du seconde cuvée. 

On peut de même faire de l’eau-de-vie, du vinaigre, et 
toute espèce de liqueurs avec le miel. 

Il y a là un débouché important et assuré pour la surpro- 
duction du miel, si elle venait à se produire, aussi on ne 
saurait trop propager le goût de l’apiculture. L’instituteur, le 
desservant, le petit cultivateur trouveront là une source de 
profit, sans beaucoup de travail. Leurs champs, leurs vérgers, 
leurs jardins seront plus productifs. Ils auront, sans grands 
frais, du miel pour leur consommation, et s'ils ne trouvent 
pas à vendre l’excédent, ils le transformeront en boissons 


(1) À, tonneau destiné à recevoir le liquide en fermentation ; B, moitié de 
tonneau servant de support; D, appareil en fer blanc fixé sous le orme A ; 
G, ouverture servant Sintroduire la lampe à pétrole E; F, enveloppe isolante 
soutenue par des bâtons. 


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BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


264 


excellentes. La vente de la cire est toujours facile, et d'ail- 
leurs, par les méthodes modernes, on peut facilement amener 
les Abeilles à n’en produire que peu et à employer tous leurs 
labeurs à la récolte du nectar. 

_ À ces avantages multiples, il faut en ajouter un autre plus 
grand encore pour celui qui est sensible aux merveilles de la 
nature et pour qui l’apiculture prend vite un charme pas- 
sionnant. Rien de plus attachant, en effet, que l'observation de 
ce laborieux Insecte pour lequel l'homme s’est passionné 
depuis la plus haute antiquité, que tous les poètes ont chanté, 
que tant de savants ont observé, et qui, pourtant, nous 
cache encore bien des secrets. 

Pour celui qui veut, avant tout, en tirer un profit, disons 
qu’en année moyenne une ruche rapporte une quinzaine de 
francs, et que la production en France s'élève, d’après les 
statistiques officielles, à plus de 10 millions de francs pour le 
miel et à 5 millions pour la cire. ; 

A tous je conseillerai donc hardiment d'élever des Abeilles, 
et à vous, Mesdames et Messieurs, je ne craindrai pas de 
demander de faire de la propagande en vous disant merci 
pour la bienveillante attention que vous avez bien voulu 
m'accorder et dont je crains d’avoir abusé. 


265 


NOTE SUR LE MACHÆRIUM TIPA 
DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE (1) 


par Charles NAUDIN. 


Le Tipa (MachϾrium) est un arbre de l'Argentine, appar- 
tenant à la famille des Légumineuses et l’un des plus précieux 
que nous possédions pour orner et ombrager les jardins 
publics, les boulevards et les avenues des villes dans les 
climats tempérés-chauds. On le plante à profusion dans le 
sud de l'Amérique où on ne lui connaît jusqu'ici aucun rival 
pour le but qu'on se propose. 

Ses feuilles, caduques au sortir de l'hiver, sont composées 
d'une vingtaine de folioles d’une belle verdure : ses nom- 
breuses inflorescences en corymbes portent des fleurs d’un 
jaune vif, avec une macule violette à la base ; il leur succède 
des fruits ailés qui ont une grande ressemblance avec ceux 
des Erables et qui sont dispersés au loin par les vents. 

L'arbre lui-même n'est pas moins recommandable par son 
port et son épaisse frondescence à demi-étalée et arrondie en 
dôme très ombreux. Le tronc s'élève droit, à quelques mètres 
au-dessous des premières branches ; sa couleur est d’un brun 
foncé qui tire sur le noir, et son diamètre atteint ou dépasse 
0,70 cm. Par son tempérament, le Tipa peut être comparé 
aux Eucalyptus, dont il a la croissance rapide et une certaine 
résistance aux froids modérés ou de peu de durée. 

Outre sa beauté décorative, le Tipa a encore des qualités 
dont il faut tenir compte. Son bois, un peu léger, blanc ou 
un peu jaunâtre suivant les variétés, est propre à tous les tra- 
vaux de menuiserie; son écorce est riche en tannin et peut 
être employée dans l'industrie des cuirs; enfin, ses feuilles 
sont un bon fourrage pour les bestiaux qui les mangent avec 
plaisir. 

Ainsi donc, à ces divers points de vue, l'introduction du 
Machcærium Tipa s'annonce comme devant étre avanta- 
geuse tant dans nos colonies que dans les pays tempérés où 
réussissent à l'air libre les Eucalyptus et les Orangers. 


(1) Communicativn lue à la Section de Botanique le 14 mars 1899, C'est 
l’une des dernières notes écrites par Charles Naudin, décédé comme l’on sait le 
19 mars 1899. Elle porte la date du 2 mars. 


Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 18, 


266 


RÉSULTAT 


DES SEMIS FAITS EN 1898 A LA VARENNE SAINT-HILAIRE (SEINE) 
DE GRAINES DISTRIBUÉES PAR LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION 


REMARQUES SUR LA RUSTICITÉ DE FIGUIERS, GRENADIERS, ETC. 
SOUS LE CLIMAT DE PARIS (1) 


par Charles MAILLES. 


Haricot des Antilles. A poussé avec vigueur. Quelques 
gousses ont muüri complètement. Feuillage élégant, fleurs 
petites, insignifiantes. Jolie plante grimpante. Doit être 
placée à une exposition chaude. 

Hypericum canariense. À parfaitement germé, bien poussé ; 
puis, sans cause apparente, tous les pieds ont séché à 
l'automne. 

Lavatera arborescens (?). Est-ce un synonyme de ZL. ar- 
borea? A bien levé, poussé vigoureusement. J'espère voir 
fleurir ces plantes en 1899. 

Radis géant(?) du Turkestan. Ressemble un peu au Radis rose 
de Chine, n'est pas devenu plus gros qu'un Navet ordi- 
naire. Saveur agréable, souvent extrêmement piquante. 

Vitex incisa. Nommé avec doute par M. Naudin, qui l'avait 
envoyé. Je crois pouvoir aflirmer que c’est bien le 
V. incisa. A bien levé, bonne réussite. 


Acacia Julibrissin. Plantés en 1898. Ont passé l'hiver, doux 
d’ailleurs, sans abri et ont parfaitement résisté (deux 
sujets). 

Figuiers. Quatre pieds, dont trois, hauts de 3",50 à 4 mètres, 
vigoureux et fructifiant bien. Résistent parfaitement, 

sans abri depuis huit ans. 

Grenadiers. A fleurs simples et à fleurs doubles, pleine terre, 
sans abri. Plusieurs sont plantés en haie, loin des murs, 
d’autres contre un mur, très résistants depuis neuf ans. 

Melia Azedarach. Deux sujets, en pleine terre, âgés de huit 
ans, ayant environ 4 mètres de hauteur, ont fleuri abon- 
damment en 1898, très beaux arbres, résistent d’une 
facon remarquable, sans abri. 


(1) Communication faite à la Section de Bolanique le 14 mars 4899, 


LES TRAVAUX 
DE ZOOLOGIE ET DE BOTANIQUE APPLIQUÉES 


PRÉSENTÉS AU 37e CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES DE PARIS 
ET DES DÉPARTEMENTS, RÉUNI A TOULOUSE EN 1899. 


Rapport adressé à la Société d'Acclimatalion 


par A. de SAINT-QUENTIN, 


Délégué par la Société à ce Congrès. 


Monsieur le Président, 


Les travaux du Congrès auprès duquel le bureau de la So- 
ciélé d’'Acclimatation m'a fait l'honneur de me désigner 
comme l’un de ses délégués, ont été aussi nombreux que re- 
marquables. Mais ayant la mission spéciale de recueillir et de 
signaler les communications utiles au but de notre Société, 
j'ai dû m'attacher surtout à suivre les séances des deux sous- 
sections de zoologie et de botanique, et à assister à la réunion 
générale des sections qui a clôturé les travaux du Congrès. 
En effet, si remarquables que fussent d’ailleurs les études 
dont on a rendu compte dans les autres sections, elles n'avaient 
aucun rapport avec celles de notre Société, ou du moins n’of- 
fraient qu'un médiocre intérêt pour l’acclimatation. 

Ii m'a, du reste, été d'autant plus facile de suivre attentive- 
ment les séances des sous-sections de zoologie et de botanique 
qu'elles n’ont jamais été simultanées. Dans la section de géo- 
graphie, on aurait peut-être pu glaner quelques données 
utiles sur les produits susceptibles d'être acclimatés dans 
d'autres régions; mais cette section a tenu ses séances en 
même temps que celle de botanique, ce qui m'a empêché d'y 
assister. D'ailleurs, d’après la nomenclature des sujets abordés 
et d’après ce qui m’a été dit, l’on n’y a traité aucune question 
qui pût intéresser notre Sociélé. 

Je crois devoir réunir, d’abord, tout ce qui concerne la zoo 
logie et, ensuite, tout ce qui se rattache à la botanique, bien 
que les séances aient été tenues alternativement. 


268 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ZOOLOGIE. 


A la première séance, M. Marcailhou a vivement intéressé 
- l'auditoire avec un travail remarquable sur la présence 
presque constante de l’Zsoëles dans les lacs et les cours d'eau 
de l'Ariège, des Pyrénées-Orientales et du Val d’Andorre où 
se plait la Truite. Ce végétal aurait donc une relation directe 
ou médiate avec l'alimentation de la Truite. Cet exposé, fruit 
de longues et patientes recherches, bien que n'ayant pas trait 
directement à l'acclimatation, pourrait être consulté utilement 
par ceux de nos confrères qui s'occupent de pisciculture et 
principalement de Salmonides. 

Puisque je suis sur le chapitre des Salmonides, je dois signa- 
ler ici quelques observations d'un membre de la sous-section 
qui s'est élevé contre les tentatives d'introduction dans nos 
eaux, des Salmonides exotiques, et, principalement, de la 
Truite arc-en-ciel, que l'on voudrait, d'après ce qu'il semble 
croire, substituer à notre Truite indigène, qui lui est supé- 
rieure au point de vue gastronomique. Il est vraiment extra- 
ordinaire de constater combien on trouve encore de per- 
sonnes se faisant une idée fausse de l’objectif de notre Société, 
et qui s'imaginent que toute acquisition d’une plante ou d'un 
animal utile a pour but de supprimer et de remplacer ceux 
que nous possédons déjà. L'honorable congressiste auquel je 
fais allusion partage évidemment cette erreur en ce qui con- 
cerne les Truites. Personne ne songe, en effet, à remplacer 
notre excellente Truite des Pyrénées par son congénère amé- 
ricain et à lui substituer le Salmo irideus. La domestication 
de la Pintade n’a jamais eu pour but ni pour résultat de sup- 
primer la Poule; l'adoption du Maïs et du Sarrasin n’a pas fait 
semer un seul grain de Blé de moins. En cherchant à accli- 
mater la Truite arc-en-ciel, on veut simplement enrichir les 
eaux de France qui ne sont ni assez froides, ni assez vives 
pour permettre à la Truite indigène d'y vivre, on veut les en- 
richir, dis-je, d'une nouvelle Truite pouvant y vivre et s’y 
reproduire; et, si cette dernière est réellement inférieure 
comme qualité à celle que nous possédons déjà, elle n’en cons- 
tituera pas moins un Poisson fort délicat, comme tous les Sal- 
monides. Il ne faut pas perdre de vue non plus, l’augmenta- 
tion du produit que les eaux fournissent à l'alimentation. Des 


RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE TOULOUSE. 269 


essais répétés paraissent avoir démontré que, même les eaux 
stagnantes des étangs à Carpes, offrent à la Truite arc-en- 
ciel un habitat où elle se développe parfaitement, tandis que 
la Truite de nos montagnes n’y vivrait pas quinze jours, sur- 
tout en été. Ilen est de même du Saumon de Californie qui, 
j'en ai le ferme espoir, sera un jour naturalisé dans l'Hérault 
où jamais l’on n’a pu acclimater le Saumon d'Europe. 

Au surplus, dans cette première séance, la question des 
Salmonides, et surtout des Truites, a été traitée longuement. 
Notre collègue, M. le docteur Audiguier et M. Jammes ont 
exposé des considérations et relaté des expériences fort inté- 
ressantes sur la plasticité avec laquelle le corps des Truites 
se modifie suivant l'habitat où l’on place ce Poisson. Sa 
forme, sa couleur, ses allures se mettent rapidement en 
rapport avec son nouveau séjour, conformément à des lois 
constantes. 


À la séance du lendemain, on a présenté de remarquables 
notices, mais sur des sujets ne rentrant pas dans le cadre de 
nos études. Je n’en mentionnerai qu’une, sans l’analyser. 
C'est une communication de M. le professeur Sabatier, de 
Montpellier, sur la morphologie des membres pairs et impairs 
des Poissons osseux et cartilagineux. œuvre de zoologie pure 
et d'anatomie comparée, d'une haute portée. 

Je signaleraïi, parmi les autres communications, le travail 
original, ingénieux et très intéressant de notre confrère, 
M. Rogeron, sur les particularités du plumage chez le Canard 
sauvage. Cette belle étude, faite à un point de vue entière- 
ment nouveau, ouvre la voie à des observations qui apporte- 
ront sûrement à l'ornithologie des éléments d’une grande 
valeur (Voir ci-dessus page 201). 

Je me permettrai seulement, non pas une critique, mais 
une simple remarque sur l'impression que m'a causée de prime- 
abord l’énoncé du titre. L’acception généralement attribuée 
au mot plumage, par la plupart des gens, équivaut à celle de 
coloration externe, de robe, de disposition des teintes, etc... 
C'est évidemment une déviation du sens exact; mais enfin 
elle est positive et générale. Elle date d’ailleurs de longtemps. 
Dans La Fontaine, le Renard dit au Corbeau : 


Sans mentir, si votre ramage 
Se rapporte à votre plumage 


270 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 
Et dans Florian, Junon dit au Paon : 


Je t’enlèverai ton plumage. 


: Je cite de mémoire; mais le mot est bien employé dans le 
sens que j'indique. Dans les deux cas, il s’agit de coloration 
brillante. Aussi ma première impression, en voyant le titre 
de la notice, fut qu'il s'agissait de singularités dans la livrée, 
dans la robe du Canard sauvage. Telle n’est pas, cependant, 
l'idée de l’auteur. Peut-être une autre expression que celle 
de « plumage », exprimerait mieux la nature des observations 
de notre confrère ; quelque chose comme : « singularités dans 
» l'état des plumes du Canard sauvage, selon quil vole ou 
» qu'il se repose; ou bien: « état physiologique des -plumes 
» du Canard sauvage, dans le repos et dans le vol. » 

S'il pense que ma réfiexion a quelque valeur, M. Rogeron 
trouvera, mieux que moi, un titre ayant toute la précision dé- 
sirable. Quoi qu’il en soit, avec ou sans titre nouveau, son 
travail n’en reste pas moins une excellente contribution aux 
études ornithologiques. 


M. Malet, professeur à l'école vétérinaire de Toulouse, pré- 
sente une étude sur l’engraissement du Cheval de boucherie. 
D'après ce qu'il a observé, des Chevaux amenés à l’abattoir 
sont souvent refusés par suite de leur état de maigreur et 
d'épuisement. Ces animaux sont vendus ensuite à des équar- 
risseurs qui en donnent un prix dérisoire. Selon les expé- 
riences faites par M. Malet, les Chevaux destinés à la bou- 
cherie, étant soumis pendant un mois ou même trois semaines 
à un régime qui n’entraine qu'une cinquantaine de francs de 
dépense, acquièrent un embonpoint relatif et un air de santé 
tel que les bouchers les paient facilement 100 francs et plus. 
Le régime préconisé par M. Malet est le suivant : donner 
par jour, 7 litres de paille hachée et 7 litres de son. 

Je ne signalerai que pour mention les objections faites par 
un ou deux membres de la sous-section, qui paraissaient 
croire que ceux qui ont préconisé l’hippophagie ont eu pour 
but de substituer la viande de Cheval à celle de Bœuf. C’est 
toujours le même malentendu que pour la Truite arc-en-ciel. 
M. Malet a simplement pour objectif, puisque l’hippophagie 
est aujourd'hui d’un usage général, de rendre meilleure la 
viande des Chevaux utilisés pour la boucherie; en second lieu 


RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE TOULOUSE. 271 


d'utiliser quelques Equidés qui seraient perdus pour la con- 
sommation sans l’engraissement qu’il recommande, et, enfin, 
de permettre à ceux qui veulent se défaire de leurs vieux 
Chevaux, d'en obtenir un prix aussi avantageux que possible. 


BOTANIQUE. 


Comme à la sous-section de zoologie, plusieurs membres 
inscrits pour prendre part aux travaux du Congrès n’ont 
pu y assister; d'autre part, quelques communications inat- 
tendues ont été faites à la sous-section de botanique. La pre- 
mière séance a débuté par une communication de M. Comère 
tendant à prouver que l’Hydrodictyon femorale d'Arrondeau 
ne constitue pas une véritable espèce, réellement distincte 
de l’Æydrodicltyon utriculatum de Roth. Je ne fais qu'in- 
diquer ce travail de botanique pure qui, à cause des expé- 
riences et des observations délicates qu'il exigeait, présente 
une grande valeur scientifique. 

La deuxième communication a été faite par M. G. Héron, 
propriétaire. Elle est surtout agricole et pratique, et, à ce 
point de vue, offre beaucoup d'intérêt. Je la recommande 
donc à ceux de nos confrères qui s'occupent de viticulture. 
C'est une suite d’études et d'expériences méthodiques pour- 
suivies patiemment et consciencieusement, dans le but d’é- 
tablir que la taille longue de la Vigne qui, généralement, 
amène une production de vin plus abondante, ne nuit pas 
nécessairement, comme on l’a cru jusqu'à présent, à la 
qualité de ce vin. Il y a, en effet, plusieurs cépages cultivés 
dans le sud-ouest de la France, auxquels la taille longue 
ne porte nullement préjudice, en ce qui concerne la qualité 
du vin. Les analyses comparatives des produits obtenus 
avec les deux tailles le démontrent clairement. Il en est 
d’autres auxquels la taille longue ne nuit que d’une ma- 
nière insignifiante. On peut, dès lors, en choisissant les cé- 
pages et en traitant méthodiquement ceux que l’on possède, 
arriver à obtenir le plus de vin possible, sans affaiblir en 
rien la richesse en alcool et la finesse du bouquet de ce vin. 
Les observations de M. G. Héron ont été faites avec soin et 
paraissent très concluantes. 

Je n'ai pas besoin de faire ressortir quel résultat avanta- 
geux les travaux de M. Héron peuvent avoir pour la viticul- 


272 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ture. Il a mis sous les yeux des assistants de belles photo- 
graphies de chacun des cépages qui ont fait l'objet de ses 
expériences, ainsi que des tableaux des analyses des vins 
obtenus par l'emploi de diverses tailles. M. Héron continuera 
d’ailleurs ses études, qui sont nécessairement un peu lentes, 
chaque expérience exigeant une année entière. Il serait à 
désirer que les viticulteurs des autres régions de France, sui- 
vissent l'exemple de M. Héron, et que des tableaux synop- 
tiques, faciles à établir d'après les documents obtenus, fussent 
placés par les soins de l'autorité, dans les écoles et les maïi- 
ries des localités viticoles. 

Voici le titre que M. G. Héron a modestement donné à l'ex- 
posé de ses travaux, qu'on ne saurait trop encourager : 
« Observations sur quelques cépages cultivés dans le Sud- 
x Ouest, suivies d'analyses précises sur la composition de 
» leurs vins. » 

M. Laurens, qui prend ensuite la parole, fait une commu- 
nication sur l'abandon immérité de la culture du Topinam- 
bour, autrefois très cultivé dans le Lauraguais et sur la 
valeur de cette plante pour la nourriture des animaux domes- 
tiques. Il résulte de l'échange des opinions qai a suivi l’ex- 
posé de M. Laurens, que l'abandon du Topinambour est dû à 
des causes très complexes et que les motifs de cet abandon 
ne le justifient pas toujours. Dans plusieurs cas, il est regret- 
table. En effet, dans les parties du Lauraguais où l'on a subs- 
titué les prairies artificielles au Topinambour, les séche- 
resses compromettent souvent la récolte du Trèfle ou de 
l'Esparcette, tandis que le Topinambour parait insensible à 
presque tous les inconvénients météorologiques. 


Dans la séance qui a eu lieu le lendemain, parmi diverses 
communications n'ayant pas d'intérêt pour l'acclimatation, 
j'ai remarqué un beau travail de M. Lamic, sur la flore de la 
région Sud-Ouest de France. Parmi les observations qu'on y 
trouve, il en est quelques-unes qui m'ont engagé à le men- 
tionner ici comme curieux et intéressant pour nous. Ce sont 
les importations et les acclimatations effectuées par la nature 
elle-même, au moyen des semences et des boutures jetées sur 
nos côtes, par le grand courant marin du Golfe du Mexique 
qui, après avoir contourné les rivages de ce Golfe, s'échappe 
par le canal de Bahama et vient mourir en s'épanouissant, 


RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE TOULOUSE. 973 


sur les côtes occidentales de l'Europe, à partir des Iles Bri- 
tanniques jusqu’au fond du Golfe de Gascogne. 


M. le docteur Braemer, de la Faculté de Toulouse, a con- 
tribué à faire oublier l'absence de quelques congressistes 
inscrits, mais retenus chez eux, en exposant ses vues sur l'u- 
tilité de la photographie pour l’enseignement de la botanique. 
Les albums d'épreuves qu’il a fait circuler et qui contenaient 
des agrandissements de divers organes élémentaires des 
plantes, donnaient en effet,avec une rare perfection, les détails 
les plus minutieux de ces organes; chose d'autant plus pré- 
cieuse que les épreuves offrent absolument et nécessairement 
des reproductions d’une exactitude absolue. 


Je n'aurai garde d’omettre de mentionner ici une étude 
aussi utile qu'approfondie de notre éminent confrère le doc- 
teur Clos, directeur du Jardin botanique de Toulouse, sur la 
flore de la Provence dont les diverses zones sont caractérisées 
par des végétaux, en particulier certains Quercus, qui ne 
prospèrent que dans ces zones, ou dans des climats iden- 
tiques. L'étude du climat d’une région, au point de vue bota- 
nique, est une des choses les plus indispensables à l’acclima- 
teur pour réussir dans ses essais; et, si je ne m'étends pas 
davantage sur le travail de M. Clos, c'est qu'il faudrait le 
citer tout entier. J'espère qu'il voudra bien le faire insérer 
in exlenso dans notre Bulletin, pour suppléer à l'insuffisance 
de cette mention beaucoup trop courte. 


Enfin, pour remplir la demi-heure que nous avions encore 
de libre, le Président m'a autorisé à présenter quelques dé- 
tails sur une nouvelle Solanée à tubercules comestibles, dé- 
couverte dans l’Uruguay par M. Félix de Saint-Quentin, mon 
oncle, ancien officier d'infanterie de marine. Cette Morelle, 
aux tubercules d’un goût fin et délicat, prospère dans les ter- 
rains marécageux. C’est là une précieuse qualité. J'ai raconté 
dans un Bulletin de notre Société, il y a bien longtemps 
(n° de.....? 18..?) comment cette découverte avait eu lieu 
et combien je regrettais la perte des premiers tubercules que 
mon oncle apportait avec lui. Depuis plus de trente ans je 
poursuis obstinément l'introduction et l'acclimatation de 
cette plante en Europe, et je n'ai point encore réalisé mon 


274 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


rêve. Néanmoins, grâce à l’aide de notre zélé et vaillant 
confrère, le docteur E. Heckel, directeur du Jardin botanique 
de Marseille et président de la Société d'Horticulture des 
- Bouches-du-Rhône, qui a fait voter par cette Société une 
médaille d’or pour l'introduction de la Pomme de terre dont 
il s’agit, j'ai obtenu un premier résultat. 

M. le colonel Robido, consul de l’Uruguay à Marseille, à 
qui j'ai parlé de l'intérêt qu'il y aurait à importer des tuber- 
eules de la plante si désirée et de la récompense qui en serait 
la suite, me fit apporter de la province de Mercédès des tu- 
bereules qu'il pensait être ceux que nous cherchions. Ces ra- 
eines furent plantées et soignées tout particulièrement au 
Jardin botanique de Marseille. Malheureusement la plante 
importée n'était pas celle qu'a découverte mon oncle. C’est 
une Morelle très voisine, le Solanum Comimersoni. Cette 
derniere a la fleur blanche, et celle de mon oncle avait des 
corolles violet foncé. Le fruit, ou baïe, est cordiforme chez 
les deux; enfin, les tubercules de la Morelle de Commerson 
sont croquants, non féculents et d’une amertume insuppor- 
table. Ils préfèrent les terrains ordinaires et la plante devient 
même chlorotique si l’on abuse des arrosages. Elle n’est donc 
pas palustre, comme celle à fleurs violettes. Toutefois, le 
docteur E. Heckel, qui est arrivé à obtenir, par des soins 
spéciaux, des tubercules de 700 grammes de la Morelle de 
Commerson, espère qu'avec des soins accumulés, des semis 
et des hybridations, on pourra l'utiliser. Ce qu'il y a de 
certain, c’est qu'elle est d’une rusticité remarquable; qu’elle 
foisonne et se répand sur de grandes étendues, par des stolons 
souterrains très nombreux. 

Je vais faire de nouvelles tentatives pour obtenir la Morelle 
aux fleurs violettes, non encore décrite et qui sera une excel- 
lente acquisition pour l’agriculture. Si quelques-uns de nos 
confrères ont des relations avec l’Uruguay et qu'ils veuillent 
bien m'aider, je leur fournirai des indications sur l'endroit 
précis où mon oncle trouva sa Pomme de terre. 


Je n’ai plus, pour finir, que quelques mots à ajouter sur la 
séance générale qui a clôturé les travaux du Congrès. Cette 
séance a été bien remplie et pleine d'intérêt. Mais ce n’est 
point notre Société qui aurait quelque profit à en tirer. Au 
contraire, la belle conférence de M. Foa sur la domestication 


RAPPORT SUR LE CONGRÈS DE TOULOUSE. 275 


de l’Éléphant d'Afrique, n’était que l'exposé, fait avec talent, 
d’un projet ardemment poursuivi par la Sociélé d’'Acclima- 
tation, projet déjà signalé depuis longtemps et préconisé par 
elle. Les extraits de son Bulletin, sur cette question, dis- 
tribués aux assistants, en sont la preuve (1). 


La communication sur l'emploi des épreuves photogra- 
phiques pour l’enseignement par la vue, faite par M. le 
docteur Trutat, a complété et considérablement étendu la 
portée du travail que j'ai déjà signalé de M. le docteur 
Braemer. Une note sur les meilleurs procédés à employer 
pour prendre des vues photographiques des glaciers et des 
hautes montagnes, accompagnée d'épreuves comparatives, a 
paru fort appréciée des amateurs présents. Enfin, le récit 
d’explorations de grottes et de cavernes, au point de vue de 
la géologie, ainsi que de la flore et de la faune spéloncales, 
appuyé de belles projections, ont achevé de faire paraitre fort 
court le temps consacré à cette dernière séance. 


Telles sont, Monsieur le Président, les observations qu’il 
m'a paru, sinon utile, du moins intéressant de recueillir pour 
la Société d'Acclimatation, sur le Congrès des Sociétés sa- 
vantes de cette année. Je serais heureux si j'avais rempli, à 
la plus grande satisfaction de mes collègues, la mission qu'ils 
ont bien voulu me confier. 


Toulouse, 25 avril 1899. 


(1) Voir ci-après page 276, la liste des principaux articles récemment parus 
dans le Bulletin de la Société, sur l'ivoire, la protection, la domestication et le 
dressage de l'Éléphant d'Afrique, etc. 

La Société d’Acclimatation avait d’ailleurs prêté à M. Foa un grand nombre 
de documents pour sa conférence et notamment une belle série de projections. 


216 


LISTE DES PRINCIPAUX ARTICLES RÉCEMMENT PARUS 


DANS LE BULLETIN DE LA 
SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 


SUR L'IVOIRE, LA PROTECTION. LA DOMESTICATION, 
ET LE DRESSAGE DE L'ÉLÉPHANT D'AFRIQUE 


ANONYME. Sur le dressage d’un jeune Éléphant d'Afrique au 
Fernan-Vaz (Bulletin de la Société nationale d'Acclimatation 
de France, février 1899, 4 &g.). 

BLanc (Edouard). Note sur la domestication de l'Éléphant 
d'Afrique (/bid., novembre 1896). 

BouRDARIE (Paul). La domestication de l’Éléphant d'Afrique 
(1bid., mars et avrii 1896, 3 figures). 

Ip. A propos de la domestication de l'Éléphant 
d'Afrique (7bid., janvier 1897). 

CausrTier |[E.). L'ivoire à l'Exposition coloniale de Bruxelles- 
Tervueren (Zbid., janvier 1898). 

Fos (Edouard). Notes sur les Éléphants sauvages de l'Afrique 
australe (7Zhid.. septembre 1898). 

LaTasTE (Fernand). Sur la domestication de l'Éléphant d'Afrique 
(Ibid, juillet 1895). 

TROUESSART. Le Mammouth et livoire de Sibérie (ZHi4., 
février 1898). 


Le Journal de la Société d'Acclimatation a publié en outre 
divers documents sur l'Éléphant d'Afrique, voir en particulier 
les n° 3 (Hécatombes d'Éléphants); 8 (la domestication de 
l'Éléphant dans l'Afrique orientale allemande): 9 (Comité d’Iui- 
tiative scientifique et économique pour la domestication de 
l'Éléphant d'Afrique) ; 24 et 25 (Subvention de 4000 francs allouée 
par le Conseil municipal de Paris à la Société nationale d’'Acclima- 
tation de France pour contribuer à la protection et à la domes- 
tication de :'Éléphant d'Afrique). 


La Société d'Acclimatation a fait paraître également, en dehors 
de ses publications périodiques, une Volice sommaire sur la do- 
mestication de T'Éléphant d'Afrique, par Paul Bourdarie. Cette 
notice (4 pages in-£°}, publiée en août 1896, a été tirée à un 
grand nombre d'exemplaires et distribuée gratuitement. 


211 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


SÉANCE GÉNÉRALE DU 10 FÉVRIER 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, VICE-PRÉSIDENT. 
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 


Décisions pu CONSEIL. 


M. le Président fait connaître que, dans sa séance du 8 fé- 
vrier, le Conseil a délégué auprès des Sections ceux des 
Membres dont les noms suivent : 1 Section (Mammiferes), 
M. Debreuil; 2 Section (Ornithologie-Aviculture), M. Ous- 
talet; 3 Section (Aquiculture), M. Mersey; 4° Section (Ento- 
mologie), M. Edouard Blanc; 5° Section (Botanique), M. Bureau; 
6° Section (Colonisation), M. Olivier. 

Le Conseil a désigné, en outre, pour faire partie de la 
Commission des récompenses : MM. Bureau, de Claybrooke, 
Hua et Marchal. 

Ont été délégués pour représenter la Société au Congrès 
national des Sociétés francaises de Géographie à Alger : 
M. Charles Rivière; à l'Exposition internationale d’'Horti- 
culture de Saint-Pétersbourg, M. G. Magne. 

Enfin, M. de Saint-Quentin a été adjoint aux délégués pré- 
cédemment désignés pour représenter la Société au Congrès 
des Sociétés savantes à Toulouse. 

Deux médailles d'argent, frappées au coin de la Société, 
sont mises à la disposition du Club français du Chien de 
berger pour être données en prix au concours annuel qui doit 
être organisé par ses soins, à Amiens, l’été prochain. 


DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. 


Notifications, renseignements, avis divers, généra- 
lités. — En l'absence du Secrétaire des séances, M. le Se- 
crétaire général procède à la lecture de la correspondance. 


— Le Congrès national des Sociétés françaises de Géogra- 
phie doit tenir à Alger sa 20e session du 26 mars au 2 avril 


278 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


prochain, sous la présidence de M. Savorgnan de Brazza. 
La Société de Géographie d'Alger, qui organise ce Congrès, 
invite la Société à s’y faire représenter. 

Au programme de ce Congrès figurent diverses questions 
qui intéressent la Sociéié et parmi lesquelles il convient de 
signaler les suivantes : M. Lecq, l’enseignement agricole et 
colonial; M. V. Demontès, le climat algérien : ses effets sur 
l’homme, la faune et la flore; M. Roger Marès, les irrigations 
en Algérie; M. Bouzom, la question chevaline en Algérie; 
M. Couput, le Mouton en Algérie; M. Couput, géographie de 
l'Olivier dans l'Afrique du Nord; M. Ch. Rivière, le refroi- 
dissement nocturne en Algérie. 

— M le D: Clos et M. le comte de Montlezun remercient le 
Conseil de les avoir délégués pour représenter la Sociélé au 
Congrès des Sociétés savantes à Toulouse. 


— Depuis la dernière réunion, la Sociélé a recu avis du 
décès de M. L. Chazal qui suivait assidüment les séances où il 
a pris maintes fois la parole pour défendre la cause des 
Oiseaux utiles. 


— M. le comte de Chabot écrit de Mouchamp (Vendée) qu'il 
se propose d'offrir à la Société, pour sa bibliothèque, un 
ouvrage quil vient de publier sur la Chasse à travers les 
âges. Cet ouvrage, édité avec luxe et fort bien illustré, sera 
soumis à l'examen de la Commission des récompenses. 


Mammifères. — Le D' E. Bretschneider, de Saint- 
Pétersbourg, offre à la Sociélé la reproduction d’une photo- 
graphie représentant le Cheval sauvage de l’Asie centrale. 


Ornithoiogie-Aviculture. — M. Adriano Kien demande 
des renseignements sur l'élevage de l’Autruche d'Afrique. Il 
cherche à savoir si l'élevage de cet Oiseau réussirait dans la 
République Argentine, où l’on en pourrait tirer des bénéfices 
plus grands que de celui du Nandou indigène. — Renvoi à la 
Section d'Ornithologie. 

— M. le comte de Saint-Innocent (Mb) prie la Société de le 
renseigner sur l'élevage des Tinamous roux et sur la manière 
la plus avantageuse de se procurer ces Oiseaux. 

— La Sociélé des Aviculteurs français adresse le pro- 
gramme d'un Concours de cages pour le transport et l’expo- 
sition des animaux de basse-cour, organisé par ses soins. Ce 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 979 


Concours sera ouvert à Paris le 27 février. Il s'agit de trou- 
ver un type de cage, caisse ou panier, pouvant servir à la fois 
au transport et à l'exposition des animaux. La cage demandée 
devra réunir tous les éléments de confort pour la santé et la 
conservation du plumage, de solidité, d'exiguité et de légè- 
reté pour le voyage et en même temps de régularité de mise 
en lumière, de facilité de nettoyage, de protection contre les 
voisins et de facilité de juxtaposition, de superposition, 
d’alignement et d'élégance pour l'exposition. Des prix impor- 
tants seront décernés, et le modèle qui répondra complète- 
ment sera, en outre, adopté pour ses expositions par la 
Sociélé des Aviculteurs français. 


Botanique. — M. Georges Rolland (Mb) demande l’indi- 
cation de fourrages pouvant réussir dans l'Oued-Rir. La So- 
ciété dont il est le Directeur s'efforce d'augmenter l'élevage 
du bétail et la production du fumier pour pratiquer en grand 
la culture de légumes destinés à être vendus en primeurs. 


— M. le comte de Saint-Innocent adresse quelques détails 
sur les cultures d’Orchidées qu'il pratique aux environs 
d'Autun (Saône-et-Loire) et annonce qu’il vient de créer au 
Brésil des relations fort utiles pour se procurer des plantes 
rares ou nouvelles. 


Cheptels, distributions d'œufs de Poissons, de 
graines. — MM. Francois, le comte de Galbert, Royer, le 
comte de Saint-Innocent demandent des œufs de Truite arc- 
en-ciel. 

Dix-neuf demandes de graines sont adressées par différents 
Membres de la Société et par quelques établissements publics. 
Il leur a été donné satisfaction d’une manière aussi large que 
possible. 


— Un grand nombre de remerciements sont parvenus àl a 
Sociélé à la suite des envois qui ont été faits. 


— M. le D: Cros, de Perpignan, joint à une demande noaw- 
velle de graines, l'exposé des résultats obtenus à la suite des 
semis de celles qui lui ont été envoyées par la Sociélé en 1897 
et en 1898. IL signale à Perpignan, comme conséquence du 
démantèlement de la ville, la création par la Municipalité, de 
jardins étendus où pourront être faits divers essais d’accli- 
matation. (Voir ci-après Correspondanee.) 


280 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


COMMUNICATIONS ORALES. 


_ Présentation d'ouvrages. — Parmi les ouvrages offerts 

à la Sociélé pour sa bibliothèque, M. le Secrétaire général 
signale deux volumes du plus haut intérêt envoyés par le 
Dr E. Bretschneider, ancien médecin de la Légation russe à 
Pékin, actuellement retiré à Saint-Pétersbourg. Ils ont pour 
titre : History of european bolanical discoveries in China 
et sont le fruit d’un labeur considérable. On y trouve résumée 
l'histoire de toutes les découvertes botaniques des Européens 
en Chine. Au point de vue de l’acclimatation, l'ouvrage du 
D: Bretschneider rendra de très grands services, car l’on y 
trouve les noms locaux des plantes qu’il est généralement 
impossible de désigner avec précision aux indigènes. Un ré- 
pertoire de plus de huit mille noms termine le second volume. 

Le D° Bretschneïder a joint à cet envoi une carte de Chine 
en quatre feuilles avec divers suppléments, dont il est 
également l’auteur et qui constitue, elle aussi, une œuvre de 
grande valeur. 

M. le Président insiste sur l'importance de l'envoi du 
D’ Bretschneider et se félicite de voir qu'il n’a pas oublié la 
Sociélé d’Acclimatation depuis son retour de Chine. 

M. le Président rappelle à ce propos que c’est au D’ Brets- 
chneider que la Société est redevable des premiers tubercules 
de Stachys qu'il lui adressa de Pékin et qui remis par la 
Société à M. Païllieux furent le point de départ de l’acclima- 
tation et de la culture aujourd’hui vulgaire des Crosnes dits 
du Japon. Le D' Bretschneïder recut à cette occasion, en 1882, 
une médaille d'argent de la Sociélé. 


— Au nom de M. Rogeron, lecture est donnée du résumé 
d'un rapport sur les variations du plumage du (Canard 
sauvage. Le travail complet doit être présenté au Congrès 
des Sociétés savantes à Toulouse (voir ci-dessus, Bullelin 
p- 201). 

— Au nom de M. Delaval, lecture est donnée d'une notice 
sur la reproduction de l'Écrevisse à pattes rouges dans un 
aquarium d'appartement {voir ci-dessus, Bullelin p. 99). 

— M.le Secrétaire général entretient la Société de la créa- 
tion du Jardin colonial. Cet établissement, dont la fondation 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 284 


était décidée depuis quelque temps déjà, vient d’être officielle- 
ment créé par décret présidentiel en date du 28 janvier 1899. 
M. Guillain, Ministre des Colonies, a pris d'autre part divers 
arrêtés instituant un Conseil de perfectionnement des Jardins 
coloniaux et un Conseil d'administration du Jardin colonial. 
Ce dernier Conseil, formé de sept personnes seulement, 
comprend trois membres de la Sociélé d’Acclimatation, 
MM. Cornu, Maurice de Vilmorin et J. de Guerne. 

M. le Président se félicite de voir la Société aussi largement 
représentée dans l'administration du nouveau Jardin dont 
l'utilité n’est pas contestable et qui est appelé à rendre de 
grands services au point de vue de l’acclimatation végétale. 

M. de Guerne ajoute que le Président du Conseil de perfec- 
tionnement des Jardins coloniaux, M. Milne-Edwards, se 
trouve être aussi l'un de nos collègues. C'est M. Jean Dy- 
bowski qui a été désigné pour diriger le Jardin dit de Vin- 
cennes, bien qu'il se trouve en réalité à Nogent-sur-Marne. 

Pour le Secrétaire des séances, 


JULES DE GUERNE. 


Secrétaire général. 


SÉANCE GÉNÉRALE DU 24 FÉVRIER 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. RAVERET-WATTEL, VICE-PRÉSIDENT, 
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 


DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. 


En l'absence du Secrétaire des séances, M. le Secrétaire 
général procède au dépouillement de la correspondance. 


Notifications, renseignements, avis divers, généra- 
lités. — Avant de commencer la lecture des lettres, celui-ci fait 
observer que deux séances générales ont eu lieu en février 
bien qu’une seule ait été annoncée. Cela tient à ce que la con- 
férence de M. de Claybrooke qui devait être faite ce mois-ci, 
dû être reportée en mars. Elle est aujourd’hui définitivement 
fixée au jeudi 2 mars, huit heures et demie du soir. Cette 

Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899, — 19. 


282 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATAPION- 


conférence, présidée par M. Oustalet, Membre du Conseil et 
Président &e la Section d'Ornithologie aura pour sujet : 
Luttes et combats chez les Oiseaux. M. de Claybrooke y 
- traitera de l'instinct de combattivité chez les Oiseaux, des 
armes qu’ils emploient, des causes, des circonstances et de 
l'issue des combats. Les espèces bataïlleuses seront passées 
en revue et les combats de Coqs seront décrits d'une facon 
toute spéciale. La conférence sera naturellement accom- 
pagnée de projections. 
— La Société zoologique de France adresse um certain 
nombre d’invitations pour la conférence qui doit avoir lieu 
aujourd'hui même (le 24 février), dans la grande salle de la 
Sociité d'Acclimatation. Cette conférence donnée à l’occa- 
sion de la sixième réunion générale amnuelle de la Société 
sera faite par M. Roule, professeur à l'Université de Tou- 
louse. Elle aura pour sujet : Les larves marines et sera ac- 
compagnée de projections. 
— La Société centrale d'Aquiculture et de Pêche adresse 
également des invitations à la séance extraordinaire qu'elle 
doit tenir dans la même salle le mercredi 1° mars. De nom- : 
breuses récompenses y seront distribuées et M. Jules de 
Guerne, ancien Président de la Société, fera une conférence 
1: avec projections sur Les produits de la mer el la pêche en 
Norvège. 

— M. de Saint-Quentin remercie le Bureau d'avoir bien 
voulu le déléguer pour représenter la Société an Congrès 
des Sociétés savantes à Toulouse. 


ser PRRAEERAS 


nb à noté É. 


Mammifères. — M. Pays-Mellier (Mb) écrit de la Patau- 

dière (Indre-et-Loire) qu'il éprouve de grandes difiicultés à 

| se procurer des Gazelles. Ces animaux devraïent cependant 
É arriver à Marseille et s'y vendre un prix raisonnable. 


? Ornithologie, Aviculture. — M. Alfred-W. Thompson, 
aviculteur à Liverpool, envoie une liste d'Oiseaux, particu- 

- lièrement de Pigeons domestiques de races choisies qu'il dé- 
sire se procurer. 


Aquiculture. — M. Charles Royer (Mb) adresse de Langres 
une notice sur l'époque et la durée de la fraye chez les Coré- 
gones. Les observations ont été faites dans le réservoir de 
la Liez (Haute-Marne). Renvoi à la Section d'Aquiculture. 


COST TS 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 283 


— M. Bourgeois-Darsy (Mb), demande où il pourrait se 
procurer des Saumons de Californie pour en essayer l'é- 
levage. 


Cheptels, demandes d'œufs de Poissons, de graines, 
ete. — M. P. Zeiller, de Lunéville (Meurthe-et-Moselle) a de- 
mandé à recevoir pour sa collection deux ou trois des œufs 
de Nandou que M. Debreuil a bien voulu mettre à la dispo- 
sition de la Sociélé. Celui-ci, au lieu d'envoyer les coques 
vides que demandait simplement M. Zeiller, lui a adressé 
des œufs fraichement pondus. M. Zeiller remercie la Société 
et M. Debreuil de lui avoir permis de goûter les œufs du 
Nandou tout en augmentant sa collection. 


— MM. Canu, Bourgeois-Darsy et Gibert demandent des 
œufs de Truite arc-en-ciel. 


— M. Royer prie la Sociélé de vouloir bien faire envoyer 
des œufs embryonnés qui lui sont destinés, au Laboratoire 
municipal de pisciculture de Saint-Dizier. Cet établissement 
doit se charger de l’incubation. 


— M. Niclausse remercie des graines de Berberis sinensis 
qui lui ont été envoyées. Il annonce qu'il à semé quelques 
Néfiiers du Japon qui commencent à lever et semblent devoir 
réussir. 


— Six demandes de graines sont adressées par des Membres 
de la Société. Il leur a été donné satisfaction et des lettres de 
remerciements ont été envoyées par la plupart d’entre eux. 


— M. Victor-D. Fournier (Mb) annonce l'envoi de graines 
fraiches de Mina lobata qu'il vient de recevoir du Mexique 
et qu'il est heureux d'offrir à la Sociélé. Mina lobata est une 
Convolvulacée grimpante ornementale. 


— M. le D: K. Zenk (Mb) écrit de Sori (Italie) qu'il désire 
recevoir des graines de Palmiers peu connus autant que pos- 
sible et pouvant réussir sur le littoral de la Méditerranée. Il 
demande également des plantes capables de supporter le voi- 
sinage immédiat de la mer. Le D' Zenk signale quelques 
autres desiderata et annonce son intention d'offrir à la So- 
ciélé diverses graines d'Acacia, Aralia, etc. 


284 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


COMMUNICATIONS ORALES. 


M. Xavier Raspail fait une communication sur le Lérot et 
son rôle dans la diminution des Oiseaux. M. le Président re- 
mercie M. Raspail pour sa très intéressante communication 
qui sera insérée au Bulletin. Voir ci-dessus, p. 105. — Une 
discussion s'engage à ce sujet. M. Debreuil cite de nombreux 
exemples à l'appui de la thèse soutenue par M. Raspail. Il 
a pu constater lui-même, dans sa propriété de Melun, de 
grands ravages commis par les Lérots dans ses volières. 
Ce Rongeur est extrêmement difficile à détruire. Il pénètre 
d’ailleurs dans les poulaillers et dans les volières par les 
moindres fissures. 


— M. Ch. Rivière fait une communication sur les Bana- 
niers du Hamma à Alger (Voir Bullelin, ci-dessus page 212). 

M. le Président remercie M. Rivière, il fait ressortir l’in- 
térêt que présentent ses observations au point de vue de la 
Botanique générale. Il espère que la publication des travaux 
de M. Rivière soulèvera d’intéressantes discussions dont la 
suite pourra être communiquée à la Société. 


— M. Geay, qui a longtemps séjourné sur les confins de la 
Guyane française, fait une communication sur les arbres à 
Caoutchouc et à Balata dans le contesté franco-brésilien. 
L'heure étant très avancée, M. le Président prie M. Geay 
de vouloir bien résumer à grands traits les résultats de ses 
études, et lui demande de réserver pour la prochaine séance 
de la Section coloniale l'exposé complet de ses travaux qui 
seront très appréciés des spécialistes. M. Geay possédant une 
belle série de photographies rapportées de ses voyages, des 
projections pourront être faites à l’occasion de cette commu- 
nication. 


Pour le Secrétaire des séances, 


JULES DE GUERNE, 


Secrétaire général. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 285 


1re SECTION (MAMMIFÈRES). 


SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 1898. 


PRÉSIDENCE DE M. LE D' TROUESSART, VICE-PRÉSIDENT. 


Il est procédé au renouvellement du Bureau. Sont élus : 


Président : M. Decroix:; < 

Vice-Président : M. le D' Trouessart ; 

Secrétaire : M. Charles Mailles; 

Secrétaire-adjoint : M. Maurice Loyer; 

Délégué à la Commission des récompenses : M. le D' Trouessart, 


M. le Secrétaire général explique que cette réunion a été convoquée 
spécialement pour s'occuper de l'organisation de la conférence que 
doit faire, le 12 janvier, à 8 h. 1/2 du soir, M. le D' Trouessart, 
Vice-Président de la Section. Cette conférence est la première d’une 
série organisée par la Société et où seront traitées successivement les 
questions rentrant dans le domaine de chacune des Sections. Un 
Membre du Conseil de la Société, particulièrement qualifié pour la 
circonstance, présidera chacune de ces réunions. C’est ainsi que la 
première sera présidée par M. Milne-Edwards. Le Président aura pour 
assesseurs les Membres du bureau de la Section des Mammifères. 

M. le Secrétaire général prie les Membres de la Section de lui fournir 
des listes de personnes étrangères à la Sociéfé et auxquelles pourraient 
être adressées des invitations non seulement à la conférence de 
M. Trouessart, mais encore à toutes celles qui suivronte 

M. Trouessart résume brièvement les points principaux de la confé- 
rence qu'il prépare et qui aura pour sujet : Les Mammifères à acclimater 
el d domestiquer en France et dans les Colonies françaises. 

M. le Président annonce que le Conseil municipal de Paris vient 
d’allouer à la Sociefé un subside de 1,000 francs pour favoriser les 
études entreprises sous ses auspices, par M. Bourdarie, sur la domes- 
tication de l'Éléphant d'Afrique. Lecture est donnée du rapport pré- 
senté au Conseil par M. Parisse et qui a motivé le vote de cette 
subvention. Ce travail renferme des notes d'un grand intérêt recues 
tout dernièrement par M. Bourdarie et émanant d’explorateurs très 
connus. 


Pour les Secrétaires empéchés, 
J. DE GUERNE, 


Secrétaire général. 


286 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


SÉANCE DU 9 JANVIER 1899. 


PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Il est procédé au dépouillement de la correspondance ; elle com- 
prend un certain nombre de lettres d2 remerciements pour invitations 
à la conférence du D' Trouessart, laquelle doit avoir lieu le 12 janvier 
prochain, sous la présidence de M. Milne-Edwards. M. le Secrétaire 
général annonceque des places seront réservées sur l’estrade aux 
membres du Bureau de la 1'° Section. Une belle série de photographies 
a pu être réunie pour illustrer cette conférence. M. Milne-Edwards, qui 
doit la présider, veut bien prêter un certain nombre de clichés appar- 
tenant au Muséum, et M. Debreuil a fait d'autre part photographier 
tout exprès les Maras qu'il possède. 

Communicalion est donnée de la première partie d'un travail de 
M. Pays-Mellier, intitulé : Acclimataltion, reproductions et élevages de 
Mammifères ayant vécu ou vivant encore dans le parc de la Pataudièré 
(Indre-et-Loire). Les principales observations personnelles de l'auteur 
sont lues 2x7 exlenso. À l'unanimité, la Section émet le yœu que le 
travail de M. Pays-Mellier soit publié dans le Bulletin (1). 

Une discussion s'engage au sujet du croisement de divers Mammi- 
fères et en particulier des Chèvres, des Moutons et des Chamois. 
M. Trouessart pense que, pour qu'un croisement soit possible et 
donne des résultats, il est nécessaire que les types mis en présence 
soient très voisins au point de vue zoologique. 


Le Secrétaire, 
Cx. MAILLES. 


SÉANCE DU 6 FÉVRIER 1899. 


PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. Mérel s'excuse de ne pouvoir assister à la réunion. 

M. le Président annonce qu'il a écrit au Général Galliéni, pour 
appeler son attention sur l'utilité de choisir, à Madagascar, des 
Chevaux offrant des garanties de résistance, en vue de la reproduction. 
Parmi les animaux de cette espèce qui ont pris part à la dernière 
campagne, quelques-uns ont supporté bien, ou tout au moins suf- 


{1} Voir ci-dessus, pages 137 et 171; voir également ci-après page 319. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 287 


fisamment les fatigues, le climat, ete. Ces Chevaux sont tout indiques 
pour fournir des étalons. 

M. le Général-Galliéni a répondu à M. Decroix, qu'après le recu de 
sa lettre, des informations ont été prises et qu'il y a lieu de tenir 
bonne note des avis exprimés par notre collègue. 

M. de Bonand fait observer que les étalons dont il s’agit, provenant 
des régiments d'Afrique, auront des origines diverses, tandis que les 
Juments, destinées à former un jumenterie à Madagascar, auront une 
origine commune, si, comme on le croit, elles sont achetées, très cher, 
à des Arabes du Sud Algérien. On sait, en effet, que les indigènes ne 
se défont pas volontiers de leurs Juments. 

Or, ces animaux sont surtout destinés à la production de Mulets. 
Eh bien, puisque des Mulets provenant d’Abyssinie ont déjà fait leurs 
preuves à Madagascar, pourquoi leurs mères ne seraient-elles pas 
tirées du même pays, ou de contrées voisines? Il faut éviter, surtout, 
de recommencer la fatale et coûteuse expérience d'exportation des 
Mulets du Poitou. 

Au nom de M. Crepin, qui s'excuse de ne pouvoir assister à la séance, 
lecture est donnée d’un travail intitulé Za Chèvre à Paris: l’auteur 
envisage surtout les services que cet animal pourrait rendre pour 
l'allaitement des enfants. 

Ce mémoire, qui paraîtra au Bulletin (1), provoque quelques 
réserves de la part de M. le D' Trouessart, partisan, aulant que 
possible, de l'allaitement au sein. Dans les villes, l'emploi des Chèvres 
semble devoir être toujours peu pratique; mais à la campagne, il peut, 
dans certains cas, devenir très utile. Quoi qu’il en soit, M. Trouessart 
pense que la question mérite d’être sérieusement étudiée, et que la 
création d’une chévrerie, à titre d’essai, offre un réel intérêt. 

A propos de l'opinion exprimée par M. Crepin, concernant la grande 
propagation de la tuberculose par le beurre de Vache, M. ‘frouessart 
dit qu'il ne croit pas que le danger soit, à beaucoup près, aussi grand 
qu'on l'affirme. 

M. Debreuil demande quel intérêt pratique pourrait offrir le 
croisement des Chèvres de Murcie avec la race de Nubie dont parle 
M. Crepin. 

À propos des Chèvres laitières, M. de Guerne dit quelques mots des 
Moutons du Texel, élevés en vue de la production du lait, chez 
M. Pays-Mellier à la Pataudière (Indre-et-Loire). 

M. le Secrétaire général résume un travail de M. Harry Johnston 
sur les grands Mammifères de la Tunisie (2). 

Un certain nombre de savons à l'Eucalyptus sont déposés sur le 


(1) Voir ci-dessus, page 76, mars 1499. 
(2) Voir ci-après. 


288 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


bureau; on les dit très efficaces contre les affections parasitaires des 
Mammifères domestiques. 
A ce sujet, M. Debreuil dit qu'il a obtenu de bons résultats avec 
l'Eucalyptol. 
M. Decroix signale aussi l'emploi du jus de Tabac, toujours efficace 
quand il s’agit de tuer. 
Le Secrétaire, 


Cx. MAILLES. 


SÉANCE DU 6 MARS 1899. 


PRÉSIDENCE DE M. DECROIx, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire général présente les ouvrages suivants : Diséribulion 
géographique de nos Capridés, par Hermann Goll; Le Dressage des 
Animauz, par Hachet-Souplet. 

Il signale, parmi les articles concernant les Mammifères récemment 
publiés dans les périodiques, une notice de M. Charles Oldbam, parue 
dans The Zoologist, de Londres (février 1899). Ce mémoire, dont la 
traduction sera insérée dans le Pulletin, fournit de curieux détails sur 
une Chauve-Souris indigène (Wyotis mystacinus) conservée en captivité. 

M. Remy-Saint-Loup adresse une notice intitulée : Qu’est-ce qu’une 
bonne espèce? à propos du Dolichotis salinicola (Burm ). Il s’agit d'une 
espèce de Mara sur la validité de laquelle les zoologistes ne paraissent 
pas être d'accord. Les observations de M. Remy-Saint-Loup seront 
publiées au Bulletin. (Voir ci-dessus, page 73.) 

M. le Secrétaire géncral présente ensuite des photographies de la 
chèvrerie de M. Crepin, sise rue Blomet, 163, à Paris, dont il a été 
question dans la dernière séance; il ajoute qu'il a eu la satisfaction 
d'apprendre que les difficultés, survenues entre M. Crepin et l’Admi- 
pistration à propos de l'élevage des Chèvres dans l'intérieur de Paris, 
sont heureusement aplanies. M. de Guerne espère que, dans le courant 
de l’élé, la Section pourra organiser une visite à l'établissement fondé 
par M. Crepin. 

Répondant à une question posée par M. Debreuil, le D' Trouessart 
donne quelques renseignements sur les Ricins Tiques ou Ixodes, qui 
se nourrissent du sang des Mammifères; les Chevaux, divers Rumi- 
vants, les Rongeurs, les Chiens, et aussi parfois l’homme sont sujets 
à leurs attaques. M. Trouessart dit qu'il importe d'extirper complète- 
ment le rostre de ces parasites de la plaie qu'ils ont faite, pour que la 
guérison de celle-ci soit rapide. 

M. Debreuil a vu, il y a quelques années, une meute très éprouvée 


PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 289 


par les Tiques, à tel point que quelques-uns des Chiens sont morts; 
M. Debreuil ajoute que, l'été dernier (1898), à Melun, l'un de ses 
Chiens a beaucoup souffert, pour le même motif, et serait probable- 
ment mort s’il n'avait été débarrassé à temps des Tiques dont il était 
couvert. 

MM. Decroix et Bourdarie disent quelques mots des Chiques qui, 
au Mexique et en Afrique, s'attaquent à l'homme. M. de Guerne rap- 
pelle qu’il importe de ne pas confondre les Chiques, qui sont des 
Insectes véritables, avec les Tiques et autres animaux analogues qui 
sont des Acariens. 

M. de Guerne parle également d’un Diptère, le Dermatobia noxiaiis 
que M. le comte de Dalmas, durant l’expédition qu'il a faite sur les 
côles de Colombie en 1896, à bord de son yacht l'hazalie, a procuré 
l’occasion d'étudier à plusieurs entomologistes fort.distingués. Ils en 
ont été effectivement attaqués eux-mêmes. Les Dermatobies déposent 
leurs œufs dans la peau de l’homme et des animaux; la larve s'y 
développe occasionnant des douleurs plus ou moins vives suivant 
l'endroit où le hasard l’a fait naître. M. R. Blanchard a publié divers 
travaux sur les Dermatobies dont l’étude serait peut-être mieux placée 
à la Seclion d'Entomologie qu’à celle des Mammifères. Quoi quil en 
soit, M. de Guerne cite le passage d’une lettre de M. A. Forel, pro- 
fesseur à l’université de Zurich, l'un des compagnons de M. de Dalmas 
et qui raconte, d’une facon très humoristique, à M. R. Blanchard, ses 
impressions personnelles en ce qui concerne le Dermatobia noxialis (1). 

Ce sujet se termine par quelques mots concernant les Rougets et les 
démangeaisons qu'ils causent, et les Hippobosques, les Mélophages, 
les Nyctéribies et autres Insectes qui vivent aux dépens des Chevaux, 
des Moutons, des Chauves-Souris, des Hirondelles, etc.; Réaumur dé- 
signait ces parasites sous le nom de Mouches-Araignées, ils ressem- 
blent, en effet, à des Araignées ayant seulement six pattes. 

M. Debreuil rend compte dela visite qu'il a faite au Concours agri- 
cole. Les Chèvres de Murcie, exposées par M. Crepin, ont éte très 
remarquées. De beaux Moutons mérinos sont aussi exposés. 

La Section constate avec plaisir que les desiderala exprimés, depuis 
bien des années, par la Sociéfé d’Acclimatation, concernant l'admission 
des Chèvres aux Concours agricoles, sont ainsi salisfaits dans une 
certaine mesure. 

M. Decroix estime que les Bœufs exposés dans les Concours sont, 
en général, trop engraissés. 

M. Trouessart ajoute que, par contre, les Chevaux destinés à la 
boucherie manquent habituellement d'embonpoint. 

M. de Bonand explique qu’autrefois les Bœufs étaient amenés à 
pied, parfois de très loin, ce qui les amaigrissait un peu. Aujourd’hui, 


(1) Voir ci-après, p. 305. 


290 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


on les expédie par chemin de fer, pour les fatiguer moins. M. Mailles 
est d'avis que les veaux consommés à Paris sont trop jeunes; il pré- 
fère la chair de ceux que l’on vend dans les boucheries du Sud-Ouest. 
La viande que fournissent ces animaux, plus âgés, est plus nourris- 
sante, sa teinte, au lieu d’être blanche, est déjà grisâtre. Ce veau est 
excellent dans le pot au feu, en particulier. 


Le Secrétaire, 


Cu. MAILLES. 


SÉANCE DU 10 AVRIL 1899. 


PRÉSIDENCE DE M. DECROIX, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopte. 

M. Decroix signale la difficulté que l'État éprouve pour acheter de 
bons Chevaux de cavalerie. — En Algérie, les mâles seuls sont pris 
pour ce service, el il serait bon d'agir de même en France, afin de ne 
pas stériliser un grand nombre de Juments. 

M. le comte d’Esterno, prenant pour exemple la région qu’il habite, 
dit que les éleveurs du Morvan ont surtout en vue de produire des 
Chevaux de trait, ce qui augmente la difficulté de recrutement signalée ; 
d'autre part, cette difficullé est encore accrue par ce fait que Îles 
Allemands, tout au moins lors des foires du Morvan, viennent acheter 
les meilleurs Chevaux propres au service mililaire, avant que l'État 
français n'ait fait l'acquisition des siens. Enfin, l'État paie avec des 
bons, tandis que les maquignons soldent en argent, au plus grand con- 
tentement des éleveurs. 

M. le D' Trouessart demande si la résistance des Chevaux hongres 
est analogue à celle des Juments. M. Decroix répond qu’à Paris la 
Compagnie générale des Omnibus a constaté que les Chevaux hongres 
durent plus longtemps, mais ne donnent pas de coups de collier aussi 
énergiques que les Juments. 


M. Wuirion a entendu plusieurs éleveurs exprimer la crainte que . 


l'automobilisme ne prenne un développement assez considérable pour 
nuire à l'élevage des Chevaux. 

M. le comte d'Esterno signale la destruction complète des Loups 
dans la région du Morvan. Ces animaux, jadis très nombreux, ont été, 
il y a une trentaine d'années, détruits par le poison; depuis, il n’en 
est jamais revenu, bien que les contrées avoisinantes en possèdent 
encore. Comment ces animaux peuvent-ils redouter encore une localité 
qui ieur a été funeste, il est vrai, mais il y a si longtemps? M. Wui- 
rion ravporte qu’au Jardiu du Bois de Boulogne, le poison a été em- 


% 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 291 


ployé pour la destruction des Surmulots; ce moyen, d'abord très 
efficace, l’est devenu ensuite de moins en moins, comme l'usage des 
différents pièges, d’ailleurs. Faut-il croire à des avertissements? 

M. Mailles raconte qu'il conserve, depuis un an, un Hérisson 
commun, enfermé avec des Cobayes. Ces animaux vivent en bonne 
intelligence,et, fait singulier, les Cochons d'Inde, peu à peu, se sont 
habitués à manger la viande cuite donnée au Hérisson, surtout le 
veau et le porc; bien entendu, ce régime n’est pas esclusif, et la ver- 
dure leur est fournie journellement. 

M. Decroix rappelle, à ce propos, que, pendant le sièéze de Metz, 
M. Laquerrière, vétérinaire, a nourri des Chevaux avec de la viande 
de Cheval. 

Le Secrétaire, 


Cr. MAILLES. 


3e SECTION (AQUICULTURE). 


SÉANCE DU 30 JANVIER 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. DEBREUIL, MEMBRE DU CONSEIL. 


M. Edmond Perrier, président, retenu par une élection à l’Académie 
des Sciences, s’excuse de ne pouvoir venir présider la séance. 

Le Secrétaire étant également absent, M. le Secrétaire général, 
après avoir fait observer qu’il paraît convenable de reuvoyer à la pro- 
chaine séance les élections réglementaires, procède au dépouillement 
de la correspondance. Celle-ci comprend un grand nombre de de- 
mandes d'œufs de Salmonides. M. le Secrétaire général explique à ce 
propos que la Sociéfé ne pourra distribuer cette année que des œufs de 
Truite arc-en-ciel. M. Duponchez, d'Ancourt (Seine-Inférieure), qui 
avait réservé pour la Société tout son élevage de Salmo fontinalis, est 
tombe gravement malade au moment même de la ponte et n’a pu mal- 
heureusement fournir les œufs sur lesquels on comptait. 

M. de Garilhe demande des renseignements sur les Cambarus et prie 
la Société de lui indiquer où il pourrait se procurer ces Crustacés 
pour en peupler un bassin cubant 1,600 mètres et qui est situé dans 
l'Isère, aux environs de Péage-de-Roussillon. A ce propos M. de 
Guerne dit que M. Raveret-Wattel, qui s’est occupé d'introduire les 
Cambarus des États-Unis à Fécamp, a constaté dans ses réservoirs les 
habitudes fouisseuses qui doivent être considérées comme un grave 
défaut de ces animaux. Il y aurait lieu de les élever surtout dans des 
bassins entièrement cimentés. 


292 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


La Sociélé zoologique de France annonce que M. Roule, professeur 
à l'Université de Toulouse, fera le vendredi 24 février, dans la grande 
salle de la Societé d’Acclimatation à 8 heures et demie du soir, une 
conférence avec projections sur: Les larves marines. Les Membres de la 
Société d'Acciimatation et, en particulier, de la Section d'Aquiculture, 
sont invités à y assister. 

M. Raphaël Ladmirault adresse de Montpellier une note sur l'habitat 
des Ophidiens du genre Tropidonotus dans l’eau de mer. 

M. Albert Delaval, de Saint-Max-lez-Nancy, qui devait venir ex- 
poser les résultats de l'élevage poursuivi par lui depuis six ans, de 
Poissons- télescopes de la Chine, s'excuse de ne pouvoir assister à la 
séance. L’un de ses fils, élève à l'Ecole centrale et qui l’a aidé dans 
une parlie de ses travaux, élait tout désigné pour le remplacer; il est 
également empêché. En conséquence, M. de Guerne veut bien se 
charger de résumer la communication de M. Delaval, mais il s'excuse 
de ne pouvoir le faire avec tous les délails et les remarques person- 
nelles que l’auteur aurait pu y introduire. 

Les résultats oblenus par M. Delaval sont très importants et in- 
diquent, en même temps qu'une grande persévérance, un sentiment 
très réel des nécessités de l'élevage. Lecture est donnée d’un certain 
nombre d'extraits d'un mémoire de M. Delaval concernant la tempé- 
rature et l’acration de l’eau, la nourriture des alevins, et diverses 
observations pbysiologiques faites au cours des élevages. 

M. Delaval a cherché à appliquer la photographie à l’étude de ces 
Poissons-lélescopes.Les premiers essais sont fort encourageants. M.de 
Guerne présente: 1° Un Album contenant deux grandes aquarelles 
représentant les Télescopes adultes des plus belles variétés élevées par 
M. Delaval et une série considérable de photographies qui ont peut- 
être été un peu trop agrandies, ce qui leur enlève de la netteté; 2° Une 
épreuve stéréoscopique sur verre représentant un aquarium rempli de 
Poissons-télescopes; 3° Enfin une série de projections photogra- 
phiques. Celles-ci comprennent, outre l'étude du Poisson, de différents 
âges ou de différentes variétés, des vues de plantes aquatiques cul- 
tivées également avec succès par M. Delaval. Il convient de citer 
entre aulres, l’'Ouvirandra fenestralis de Madagascar et le Ponfederia 
crossipes ou Jacinthe d’eau. On sait que M. Delaval a bien voulu offrir 
un certain nombre de pieds de cette plante aux Membres de la Société. 
M. Debreuil, entre autres, a obtenu, en série, à Melun, la floraison de 
la Jacinthe d’eau. 

M. le Président fait ressortir l'intérêt des travaux de M. Delaval, 
qui seront soumis à l'examen de la Commission des récompenses et 
dont l'exposé complet sera publié dans le Bulletin. 

M. Fabre-Domergue, directeur-adjoint du Laboratoire de Concar- 
neau, et qui s’est beaucoup occupé de la photographie des animaux 
marins à l’état vivant, expose le manuel opératoire qui lui a le mieux 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 293 


réussi dans ses expériences. Il présente une série de projections exé- 
cutées d’après des photographies de Crustacés et de Poissons faites à 
l’Aquarium de Concarneau. La plupart de ces photographies, accom- 
pagnées d’un texte explicatif, ont été reproduites dans un Album édité 
par MM. Carré et Naud et dont M. Fabre-Domergue offre à la Société 
l'un des premiers exemplaires. 

M. le Président remercie M. Fabre-Domergue d’avoir bien voulu 
venir compléter par ses explications la présentation de ses photo- 
graphies qui, jointes à celles de M. Delaval, ont formé un ensemble 
vraiment exceptionnel et donné à cette séance un grand intérêt. 


Pour les Secrétaires empéchés, 


JULES DE GUERNE, 
Secrétaire général. 


SÉANCE DU 27 FÉVRIER 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE D’ESTERNO. 


Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. 
Le bureau de la Section est réélu à l'unanimité. Il se trouve en con- 
séquence composé de la facon suivante : 


Président : M. Edmond Perrier (de l’Institut) ; 
Vice-Président : M. G. Rocheé ; 

Secrétaire : M. de Claybrooke ; 
Secrétaire-adjoint : M. A. Boigeol. 


En outre, M. Raveret-Wattel, est nommé délégué à la Commission 
des récompenses. 

On sait d'ailleurs que M. Mersey, Directeur du Service de la Pêche 
au Ministère de l'Agriculture, représente le Conseil auprès de la 
Section. 

Il est procédé au dépouillement de la correspondance. 

M. Edmond Perrier, président, et M. Mersey, retenu par ses fonctions 
au Ministère de l’Agriculture, s’excusent de ne pouvoir assister à la 
séance. 

De nombreuses demandes d'œufs de Truites arc-en-ciel sont par- 
venues à la Societé. Ces œufs seront distribués probablement dans 
les premiers jours du mois d'avril et répartis dans toutes les régions 
de la France. 

Des œufs d'Omble chevalier devaient être offerts, comme l’année 
dernière, à la Société, par M. Berthoule : malheureusement les opéra- 
tions de fécondation artificielle n’ont pas réussi et il faut renoncer pour 
cette année à la distribution habituelle. 


294 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Lecture est donnée d’une note de M. Charles Royer, intitulée : De 
l’époque et de la durée de la fraye chez les Corégones. Cette étude, qui 
résume les observations faites par M. Royer dans le réservoir de la 
Liez (Haute-Marne), sera insérée au Bulletin. 


M. de Guerne rappelle que des œufs de Corégones venus de Russie 
ont été envoyés autrefois par la Société d’Acclimatation à l'Élablis— 
sement de pisciculture de Bouzey : malheureusement ils ont été mis 
en incubation peu de temps avant l’accident qui a détruit cet établis- 
sement, et tous les alevins ont été perdus. 

M. À. Boigeol regrette que l’élevage des Corégones ne soit point 
pratiqué en France. Il cile certains établissements étrangers qui ar- 
rivent à de beaux résullats en produisant des Féras pour la consom- 
mation. 

M. Bruyant parle de la pisciculture en Auvergne, et dit qu'il a tou- 
jours remarqué qu'au moment du frai, les grosses Truites abandonnent 
les premières les lacs pour remonter les cours d'eau. Les Vairons 
quittent les lacs de la même facon, les sujets vigoureux partant tou- 
jours les premiers. M. Bruyant a entendu dire qu’en certaines régions, 
dans le Gard notamment, les Truites frayaient deux fois chaque année, 
en juin et en décembre. 

M. de Guerne annonce que M. Canu poursuit ses études sur les 
Saumons et les Truites saumonées; il espère que bientôt la question 
de la coloration de la chair des Poissons aura fait un grand pas. 

M. Belloc, Président de la Société centrale d’Aquiculture et de 
Pêche, spécialement invité à assister à celte séance, parle du déver- 
sement des eaux résiduaires d'usines dans les cours d’eau, et demande 
le concours de la Société d’Acclimaftation pour lutter, de concert avec 
la Société d'Aquiculture, contre cette cause de dépeuplement des eaux 
françaises. 

M. Cacheux annonce que plusieurs Sociétés scientifiques s'occupent 
déjà de cette question. Après une discussion générale et qui met en 
lumière bien des fails regrettables, l'assemblée consultée décide de 
ne prendre aucune résolution à ce sujet qu'après examen de la ques- 
tion en séance générale. 

M. Charles Rivière donne quelques détails sur les Poissons d’eau 
douce de l'Algérie; les eaux magnésiennes de ce pays ne leur sont 
pas favorables ; beaucoup d’essais de repeuplement ont échoué. Le 
transport des Carpes n’a pas réussi dans la colonie, lorsqu'il était 
effectué dans des récipients ordinaires en métal : c’est seulement au 
moyen de seaux de pompiers, en toile, que M. Rivière a pu trans- 
porter avec succès un certain nombre de sujels. Les Carpes repêchees 
au bout de quelque temps étaient loujours maigres et de mauvaise 
qualité. 

M. lie Secrélaire général présente deux exemplaires des Truites de 
l'Algérie conservées dans l'alcool. Cette espèce, dont il a déjà été 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 295 


question à la Sociéfe, cest très voisine de celle qu’on trouve en Sicile. 

M. de Guerne parle ensuite des essais d'élevage du Cyprinus carpio 
wudus qui sont faits actuellement dans le département de la Marne. 
Cette variété de Carpe, complètement dépourvue d’écailles, est élevée 
avec succès dans certaines régions de l'Allemagne, et passe pour être 
bien supérieure, comme qualité de chair, à la Carpe commune. M. le 
Secrétaire général espère que dans un avenir assez rapproché il sera 
possible de distribuer aux Membres de la Societé un certain nombre 
d'alevins de ces Carpes sans écailles. 


Le Secrélaire-adjoint, 


À. BOIGEOL.- 


5e SECTION (BOTANIQUE). 


SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séanre est lu et adopté. 

Il est procédé au dépouillement de la corres»ondance. 

Me Heédiard exprime sa gratitude pour les condoïéances que ia 
Section a bien voulu lui adresser à l’occasion de la mort de son mari. 
Me Hédiard' envoie le portrait photographique du regretté vice-prési- 
dent et met à la disposition de la Sociéfé tout ce qui pourrait l'inté- 
resser, parmi les plantes, arbustes etc., laissés par M. Hédiard. 

Un exemplaire de la troisième édition nouvellement parue du Po’ager 
d'un curieux, de MM. Paillieux et Bois, est déposé sur le bureau. 
Cette édition, considérablement augmentée, a été entièrement re- 
fondue; elle est également illustrée de gravures nouvelles. Le volume 
ne comprend pas moins de 678 pages. On voit que depuis janvier 1884, 
époque du début de cette publication dans le Bulletin de la Societe 
d'Acclimatation, l’œuvre de MM. Paillieux et Bois s’est singulièrement 
développée, rendant d’ailleurs des services de plus en plus appréciés. 
Il est regrettable que le vénéré M. Paillieux (il était âgé de 85 ans), 
ait précisément disparu peu de jours avant la mise en vente de cette 
nouvelle édition d’un livre à l'amélioration duquel il n’a cessé de tra- 
vailler pendart près de vingt-cinq ans. 

M. H. Coupin adresse une notice résumant une série de travaux ré- 
cents sur les graines. 

Lecture est donnée d’un mémoire de M, Clos, directeur du Jardin 
des Plantes de Toulouse, sur l’{sfragalus falcatus. Considérant l'intérêt 


296 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


de ec travail, la Section, à l'unanimité, émet le vœu quil soit com- 
muniqué à la prochaine séance générale. 

M. Paul Chappellier présente un bulbe très volumineux d'A/lium 
sativum. Les bulbes de cette variété sont composés de bulbilles sem- 
blables à ceux de l’Ail ordinaire mais beaucoup plus gros.'La saveur 
de cet Ail qui se reproduit régulièrement dans les cultures de 
M. Chappellier, est la même que celle de l'espèce généralement cul- 
tivée, mais un peu moins forte. 

M. Chappellier présente également des tubercules d'Ignames envoyés 
de Marseille à la Socieéfé par M. Heckel, qui cherche avec le concours 
de M. Dubiau, à obtenir des tubercules courts et arrondis dont la ré- 
colte serait plus facile que celle des tubercules très allongés de l’I- 
gname ordinaire. M. Heckel fait connaître qu'il utilise pour la propa- 
galion des plants, les points polaires des tubercules. M. Chappellier 
propose de demander à M. Heckel de préciser le sens de cette expres- 
sion yoints polaires, dont il ne comprend pas très bien la signification 
exacte. 

M. Chappellier présente enfin deux tubercules d'Ignames provenant 
de M. de Vilmorin qui les avait lui-même recus du R. P. Farges, mis- 
sionnaire au Se-Tchuen, en Chine. L'un de ces tubercules ressemble à 
ceux de l’Igname de Chine. L'autre a un aspect tout différent. Sa 
forme est à peu près régulièrement sphérique, mais il est assez petit. 
M. Chappellier les cultivera et rendra compte de ses essais à la Société. 
Si l’on pouvait arriver à augmenter le volume du plus petit de ces 
tubercules, tout en lui conservant sa forme sphérique, il pourrait cons- 
tituer une précieuse acquisition pour la culture potagère. 

M. le Président fait observer qu’il serait bon avant tout de s’assurer 
si cette espèce est comestible, comme le pense M. Farges. Un grand 
nombre d'Ignames croissant en Chine sont en effet impropres à l’ali- 
mentation. 

M. Chappellier signale une particularité assez singulière de cette 
Igname; elle est volubile de droite à gauche, tandis que toutes les 
autres espèces du genre s’enroulent en sens contraire, c'est-à-dire de 
gauche à droite. 

Le Secrétaire, 


C. DE LAMARCHE. 


SÉANCE DU 14 MARS 1899. 


PRÉSIDENCE DE M. WEBER, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 
Il est donné lecture de la correspondance. 


PROCES-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 297 


M. Charles Naudin adresse une note accompagnanr l'envoi de 
quelques graines de Machærium tipa. M. le Président donne des ren- 
seignements détaillés sur cet arbre, d'un très beau port, et qui est 
répandu partout dans la République Argentine. 

M. Roland - Gosselin remercie la Socié/é des graines de Pachyra 
Mmacrocarpa qui lui ont été envoyées ; il fait quelques observations au 
sujet des récompenses à accorder aux ouvriers horticoles et basse- 
courriers dont la collaboration est si utile à toutes les personnes qui 
s'occupent d'acclimatalion. 

M. Chalot, Directeur du Jardin d'essai de Libreville, actuellement 
à Paris, remercie également pour les graines de Pachyra qui lui ont 
été remises ; il va les faire germer au Muséum, pour emporter ensuite 
les jeunes plants au Congo, 

M. Fournier envoie de Blazac des graines de Mina lobata qu'il 
vicnt de recevoir du Mexique. 

M. Prochowsky annonce qu'il enverra prochainement à la Société 
de nouvelles graines provenant de ses cullures de Nice et demande 
qu'il lui soit fait un nouvel envoi de graines que la Sociélé met en 
distribulion. La lettre de M. Prochowsky renferme divers rensei- 
gnements intéressants sur la résistance au froid de plusieurs plantes 
exotiques. 

Les ouvrages suivants, offerts à la Sociéfé, sont déposés sur le 
bureau : 

Les Plantes utiles du Sénégal, par le R. P. Sebire, directeur du Jardin 
d'essai de Thiës ; 

Systematic plants introduction, par David G. Fairchild, brochure éditée 
par le Département de l'Agriculture de Washington (États-Unis). 

M. le Secretaire général fait connaître la composition de la Com- 
mission française chargée de l'étude et de l'examen des questions re- 
latives à la participation des exposants français à l'Exposition d'Hor- 
ticulture de Saint-Pétershbourg. Il rappelle à ce propos que M. Magne 
a bien voulu accepter de représenter la Sociéé d’'Acclimatution à cette 
Exposition. 

M. Mailles offre à la Société des graines de Zavalera olbia, récoltées 
sur des sujets ayant déjà passé dans son jardin deux hivers sans abri. 
Il fait connaître en même temps que deux pieds de Melia aredarackh, 
arbuste qui n'est vivace que dans les parties les plus méridionales de 
la France, persistent depuis plusieurs années en pleine terre et à l'air 
libre dans ses cultures à la Varenne-Saint-Hilaire, tout près de Paris. 

M. le Président donne quelques renseignements sur le Pacara (En- 
éerolïnwm timboüva), Mimosée de la République Argentine. C’est un 
arbre dont le fruit et l'écorce très saponifères contiennent environ 
36 p. 0/0 de saponine. à 

Au sujet des graines de PAœnix leonensis à feuilles panachées que 
la Sociélé distribue en ce moment, M. Rivière, directeur du Jardin 

Buil. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 20. 


298 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


d’'Essai du Hamma près d’Alser où elles ont été récoltées, exprime la 
crainte que les plantes issues de ces graines ne présentent pas sur 
leurs feuilles les mêmes différ:nces de teinte qui ont été observées 
sur la plante-mère. Il résulte en effet de constatations qu’il a souvent 
eu l’occasion de faire, que les panachures ne se reproduisent pas ré- 
gulièrement sur les plantes provenant de semis ; elles tendent à dis- 
paraître surtout quand ces plantes sont cultivées en pleine terre. 

M. Rivière dépose sur le bureau un fruit de Pachyra macrocarpa. 

M. Seurat fait une communication sur la culture des plateaux qui 
avoisinent Mexico. Il donne d’'intéressants détails sur la production 
des Céréales, Blé, Orge, et suriout Maïs, dans celte région, que sa 
haute altitude rend particulièrement curieuse; les cultures potagères 
en jardins flottants ont attiré son attention ainsi que les arbres 
fruitiers européens introduits au Mexique; ces arbres, sauf le Cerisier, 
n’ont donné jusqu'ici que des résultats assez peu satisfaisants. 


Le Secrétaire, 


C. DE LAMARCHE. 


SÉANCE DU 18 AVRIL 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. £E D' WEBER, PRÉSIDENT. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

A l'occasion du procès-verbal, M. le Président présente quelques 
observations sur la vitalité des graines du Melia azedarach. Il en pos- 
sède un certain nombre récoltées depuis plus de dix ans et qui 
semblent êlre encore parfaitement en élat de germer et de donner 
naissance à des plantes nouvelles. Quelques-unes de ces graines 
seront confiées à M. Mailles qui les expérimentera dans ses cultures. 

M. le Président fait part du décès de M. Charles Naudin, directeur 
de la Villa Thuret à Antibes. Il rappelle les travaux considérables de 
ce botaniste éminent et les services qu’il a rendus à la science pen- 
dant sa longue carrière, particulièrement en ce qui concerne l’accli- 
matation des végetaux exotiques. Charles Naudin était Membre hono- 
raire de la Sociélé, l'un de ses correspondants les plus actifs et les 
plus dévoués, il lui envoyait fréquemment et en quantité considé- 
rable, pour être réparties entre les Membres, des graines de plantes 
du plus haut intérêt. 

M. le D' Cros adresse de Perpignan une lelire exorimant ses re- 
grets au sujet de la mort de Charles Naudin qu'il a particuiièrement 
connu. Il annonce en même temps l’euvoi de tubercules de Crosnes 
et d'Oxalis Deppei. L'examen de ces tubercules arrivés presque en 
même temps que la lettre, parait démontrer que les premiers appar- 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 299 


tiendraient plutôt à l'Oxalis crenata et les seconds à l'O. floribunda. 
M. le Président écrira à M. le D' Cros pour lui demander quelques 
renseignements complémentaires permettant de déterminer exac- 
tement ces tubercules qui sont mis immédiatement en distribution. 

M. Ch. Mailles rend compte des résultats obtenus par lui dans la 
culture des graines qui lui ont été données par la Société en 1898. La 
plupart des semis ont réussi. (Voir ci-dessus, page 266.) 

M. Mailles fait connaître en outre que plusieurs arbustes (Melia 
azedarach, Figuier, Grenadier, Acacia julibrissin) qui ne résistent gé- 
néralement pas aux rigueurs de l'hiver sous le climat de Paris, 
passent la mauvaise saison en pleine terre et sans abri dans son jar- 
din à la Varenne-Saint-Hilaire, sans paraître en souffrir et en conti- 
nuant à végéter vigoureusement. 


Le Secrétaire, 


C. DE LAMARCHE. 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 


CULTURES DIVERSES DANS LES PYRÉNÉES-ORIENTALES. 


Perpignan, 4 février 1899. 
Monsieur le Secrétaire général, 


J’ai l'honneur de vous adresser ci-inclus : 

1° Le compte rendu sommaire des semis des graines que vous avez 
bien voulu me coufier en 1898, et quelques renseignements complémen- 
taires sur celles de 1897. 

29 Les listes de demandes de graines pour 1899. Ici, je crois devoir 
vous signaler un fait très important pour la ville de Perpignan. Le 
Ministre de la Guerre vient de décider le démantèlement des fortifica- 
tions. La ville, resserrée dans ses hautes murailles, va pouvoir prendre 
de l'extension ; il y aura des squares à établir, des boulevards à créer, 
et, dans cet ordre d’idées, la Municipalité prévoyante a déjà accordé 
aü Professeur départemental d'Agriculture, M. d'André, qui est de mes 
amis, un terrain d’alluvion faisant partie de la pépinière départemen- 
tale, où nous sèmerons les graines demandées et où seront élevés de 
jeunes plants de facon à pouvoir transplanter, sans qu'ils en souffrent, 
les jeunes sujets dans les massifs des squares, parcs, etc. Le pare, 
créé, il y a dix à douze ans, par une personne étrangère au pays, est 
rempli d’arbustes que l’on trouve partout, tandis que le climat de 


300 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Perpignan peut permettre d'offrir aux yeux du public des espèces 
exotiques peu connues et plus intéressantes. 

Avec le désir de bien faire et de pousserà l'émulation des amateurs, 
permettez-moi d'espérer que vous ferez bon accueil à ma demande. 


Veuillez agréer, etc. 
D' Cros. 


Compte rendu sommaire des semis de graines adressées en 1898, 
par la Société d'Acclimatation, & M. le D" Cros, à Perpignan. 


Phœnix menalocarpa : ont levé, une seule feuille pour 1898. 

Acacia mucronafz : a 25 centimètres de hauteur, feuilles composées à 
la base, très fines, surmontées de phyllodes allongés, minces, 
couvrant toute la hauteur. Très joli aspect. 

Acacia melanozylou : n’a pas levé. 

Acacia cultriformis : n'a pas levé. 

Eucalyptus polyanfhema : commence à caractériser des feuilles allon- 
gées, retombanies. 

Callistemon speciosus : ont levé. 

Trachycarpus Fortunei: c'est un Chamærops excelsa dont les pétioles 
sont plus allongés. Je crois que cela tient au ciel gris et hu- 
mide de la région océanienne, car parmi le plus grand nombre 
de Chamerops venus spontauément de graines à Perpignan, j'en 
ai qui ont ce caractère de pétioles allongés, ce sent ceux qui 
se développent à l'abri de grands arbres, c’est-à-dire à l'ombre 
et dans une atmosphère humide. Il semble donc qu'on puisse à 
volonté produire le C. Fortunei, qui, au point de vue ornemental 
est plus élégant ; il a, en effet, le port du Zafaniz borbonïca, 


mais non la couleur. 


* 


Semis de 1897: 

Les Acacia pycnantha sont une belle acquisition ; ils ont 1= 50, leurs 
phyllodes aussi beaux que ceux d'un Camellis, d’un vert 
brillant, vernissé et persistant, leur port pyramidal avec 
branches bien découpées, en font un bel arbuste d'ornement en 
attendant la floraison; ils ont maintenant deux étés et presque 
deux hivers. 

Vitez incisa : feuille finement découpée mais peu ornementale ; pas de 
taille encore, à peine 0° 40. 

Zizyphus mucronafa : pelit arbuste au feuillage vert gai, vernissé et 
armé de petits piquants, 0” 40 à 0” 50 de hauteur. 

Cassia occidenfalis : irrégulier daus sa floraison, a fleuri pendant l'été 
de 1397 ; un sujet a fleuri en décembre 1898-et janvier 1899 en 
un seul bouquet terminal de fleurs jaunes, à 0-60 de hauteur ; 
ne résiste pas au froid extérieur, meurt à partir de ©. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 304 


Mimosa lophanta : arbustes de 2 ou 3 mètres, qui ont fleuri. 
Phænix melanorarpa : ont grossi, mais peu, n’ont encore que deux 
feuilles, 


Je pense pouvoir aller fin février ou commencement de mars à ma 
propriété de Vernet-les-Bains et vous adresser de là, comme je l’ai 
fait l’an passé, quelques graines de 1898. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


LES GRANDS MAMMIFÈRES DE LA TUNISIE 


par Harry JOHNSTON. 


Il y a dix-huit ans, j’ai passé huit mois dans le Nord de la Tunisie, 
et j'accompagnai pendant quelques semaines une expédition militaire 
française opérant dans l'Ouest de la Régence. Nous nous livrâmes, 
avec les officiers français et tunisiens, à de nombreuses chasses, et, 
en une seule journée, nous pûmes tuer une Lionne, un Léopard, un 
Cerf de Barbarie (Barbary Stag), une quantité de Sangliers sauvages, 
une Hyène et plusieurs Gazelles. De telles chasses seraient impos- 
sibles aujourd’hui. En six semaines, à cette époque (1880), trois Lions 
furent tués autour de notre campement. Aujourd'hui le Lion n’existe, 
pour ainsi dire, plus en Tunisie. A peine en rencontre-t-on encore 
quelques-uns dans les épaisses forêls qui couvrent les montagnes 
autour d’Aïn-Draham, à l'extrême Nord-Ouest de la Régence. On 
trouve encore quelques Léopards dans les régions désertes du Nord- 
Ouest de la Tunisie. L'Hyène rayée se rencontre cà et là dans toute la 
Régence jusqu’au Sahara, mais on ne la voit plus autour des villes de 
quelque importance. Cependant, une Hyène a été tuée dans la banlieue 
de Tunis en 1880. Le Cheval est assez commun. J’en ai souvent vu 
rôder autour de mon jardin à Marsa, à 12 milles de Tunis. On trouve 
également des Genettes et des Ichneumons. Les Arabes parlent sans 
cesse d'un Chat sauvage qui sembie être, d’après leurs dires, le 
Felis maniculata. 

On rencontre quelquefois le Léopard et le Caracal dans l'extrême 
Sud de la Tunisie, plus bas que les lacs salés de Djérid. J'ai vu entre 
les mains des Arabes des peaux de ces animaux. Le Lynx se trouve 
dans les forêts des montagnes. On dit que le Singe de Barbarie existe 
en Tunisie, les Arabes et principalement les Marocains viennent sou- 
veut dans les villes avec quelques-uns de ces animaux apprivoisés, 
qu'on croit originaires du Sud du Maroc. Trois de ces animaux que 
j'ai examinés paraissent être le Cynocephalus hamadryas qui est origi- 


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302 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


naire de la Nubie, du pays des Somalis et de l'Arabie : c’est le Babouin 
de l’ancien art égyptien. J’ai acheté une femelle de ces Singes à un 
Marocain, et elle se porte encore très bien. Celui qui me l’a vendue 
m'a dit qu’elle venait de Sus, dans le Sahara, au Sud du Maroc. 
M. Sclater, qui l’a vue, m'affirme qu'elle appartient certainement à 
l'espèce d'Arabie. Ceci s’écarte un peu de mon sujet, mais il m'a paru 
intéressant de signaler ces faits. 

Le petit Fennec est commun dans la Tunisie méridionale; on trouve 
dans les parties boisées du pays un Renard à peine différent de celui 
que nous avons en Angleterre. | > 

Dans le district de Mateur (Tunisie septentrionale), vit un remar- 
quable troupeau de Buffles, de cinquante têtes environ. On dit qu'ils 
descendent de Buffles domestiques de l'Inde, offerts il y a plus de 
quarante ans au Bey de Tunis par le Roi de Naples. Ces animaux se 
trouvent dans une propriété du Bey où il y a un grand lac au milieu 
duquel s'élève une île rocheuse. Ils y vivent à l'état presque sauvage, 
et, d’après ce que j'ai pu remarquer, leurs cornes sont bien plus déve- 
loppées que celles des Buffles domestiques d'Italie. Ces animaux sont 
placés sous la protection du Bey, et on ne pourrait obtenir la permis- 
sion de les chasser. 

L’Antilope bubale (Bubalis boselaphus), qui existait encore il y a 
quelque temps en Tunisie, ne s’y rencontre plus. J’ai appris cependant 
qu'on en trouve encore dans le Sud de l'Algérie et la Tripolitaine. 
L'espèce devait être autrefois assez commune dans la Tunisie centrale 
et septentrionale, car elle est fréquemment reproduite sur les fresques 
et les mosaïques romaines. M. Spatz, naturaliste allemand, m’apprend 
que, dans la Tripolitaine où on la rencontre encore, cette Antilope 
habite de préférence les plateaux recouverts de végétation plutôt que 
les déserts de sable, habitat préféré de l’Addax. L'Antilope du Cap 
est connue par les Arabes sous le nom de « Bagar-el-hamra » ou 
Vache rouge. 

L’'Addax (Addaz nasomaculatus) peut à peine être considéré comme 
appartenant à la faune tunisienne, car il ne depasse pas d'ordinaire 
la limite du désert. Dans mon récent voyage au Sabara algérien, j'ai 
vü la tête d’un de ces animaux qui venait d'être tué par un Arabe. 
Les cornes et la peau des Addax sont communes et constituent un 
article de commerce. J'ai pu me procurer ainsi une très belle paire 
de cornes d'un mâle et une tête de femelle. Un officier français possé- 
dait les cornes d'un mâle trois fois retournées sur elles-mêmes que 
j'ai pu dessiner pour le livre des Antilopes (Book of Anfelopes). Les 
cornes de la femelle ne décrivent qu’une tour et sont plus minces et 
plus recourbées que celles du mâle. Elles se rapprochent, dans leur 
ensemble, des cornes des mâles non encore adulles et des femelles de 
l’Antilope noire. L'Addax me paraît constituer un groupe particulier 
se rapprochant des Cobus et surtout du Cobus Marie. 


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EXTRAITS ET ANALYSES. 303 


Lrs Arabes affirment que, dans le Sahara tunisien, se rencontre un 
Oryæ, probablement l'Oryx leucoryæ. On peut voir un petit échantillon 
empaillé d'une de ces Antilopes non adulie dans la collection d'His- 


toire naturelle du Bey à la Marsa, près Tunis. Il est à remarquer que 
l'Oryxz figure comme habitant la Tunisie, dans les fresques et les 
mosaïques romaines actuellement conservées au Musée du Bardo. 

L'Udad, ou Mouton sauvage de Barharie, est encore commun dans 
les montagnes de la Tunisie méridionaie. Le Cerf de Barbarie est assez 
fréquent dans les montagnes boisées de l'Ouest, vers la frontière algé- 
rienne. Il est protégé par le Gouvernement français et commence à se 
montrer en assez grand nombre, apres avoir presque entièrement 
disparu. 

On rencontre en Tunisie trois espèces de Gazelles; j'ai vu des 
spécimens de chacune d'elles vivants ou morts; la Gazelle commune 


(Gazella dorcas), la Gazelle de montagne (4. Cuvieri) et la Gazelle de 
Loder (G. Loderi). 

Parmi les animaux représentés su: les fresques et les mosaïques 
romaines figurent souvent, en dehors de ceux dont j'ai déjà parlé, 
l’Autruche, qui n'existe plus en Tun-ie, et l'Eléphant d'Afrique, qui 
est représenté d'une manière très exacte. Il avait probablement été 
amené de la Numidie (l'Algérie actuelle), car il est peu probable qu'il 
ait pu vivre à l'état sauvage dans les plaines arides et sans cultures 
de la Tunisie où il n’aurait pu trouver les forêts qui sont nécessaires 
à Sa sécurité et à sa nourriture. 

Il est bon de rappeler à ce sujet que le Carthaginois Harmo, qui fit 
une expédition sur les côtes de Maroc vers l’année 520 avant J.-C.,rap- 
porte qu'il a vu de nombreux troupeaux d’Eléphants dans le Tensift, 
non loin de la capitale actuelle du Maroc (1). 


>< 


ALLOCUTION PRONONCÉE PAR M. E. OUSTALET, LE 1 JUILLET 1898, 
en prenant possession du fauteuil présidentiel, à la séance constitutive 
du Comité du Standard avicole de France. 


Messieurs, 


En prenant place au fauteuil, j'ai à cœur de vous remercier tout 
d’abord de l’honneur que vous m'avez fait et de la sympathie que vous 
m'avez témoignée en me choisissant pour présider, au moins provisoi- 
rement, vos séances mensuelles. Je tiens aussi à vous indiquer dans 
quel esprit, mes collègues du bureau et moi (car nous sommes parfai- 


(1) Note communiquée à la Section des Mammifères, le 6 février 1899, extrait 
des Proceedings of the Zoclogical Society of London, mai et juin 4898, p. 351.) 


Eu Tr JU 


304 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


tement d'accord à cet égard), nous comptons exercer les fonctions dont 
vous avez bien voulu nous charger. Mais d'abord, pour couper court à 
certains malentendus, il ne sera peut-être pas inutile de retracer en 
peu de mots l'origine et le but de l'œuvre que nous avons entreprise 
et dont l'initiative revient à M. Wacquez. 

Il y alongtemps qu'on a reconnu qu'il y aurait avantage à definir les 
caractères des différentes races d'animaux domestiques actuellement 
existantes, et à les décrire d'une manière suffisamment précise et 
suffisamment claire pour qu'il n'y eût aucune confusion possible entre 
deux races voisines, aucune hésitation sur la physionomie extérieure 
et les qualités que doit présenter tel ou tel animal pour répondre à 
certaines exigences économiques ou simplement à un caprice de la 
mode. 

Des associations se sont fondées dans ce but en Angleterre, en Aï- 
lemagne et dans d'autres pays. IL existe chez nous, comme chez nos 
voisins, des Sociétés qui ont déterminé les points des diverses 
races de Chevaux et de Chiens, mais nous n'avions, jusqu'ici, 
rien de semblable au Poultry Club anglais dont M. Tegetemeier a re- 
produit, il y a une trentaine d'années, les principales définitions. 
Ce n'est pas à dire, assurément, que l’on ne se fût pas occupé chez 
nous, à diverses reprises, de l'étude systématique et de la classifica- 
tion des races de Poules, de Pigeons, de Canards et de Lapins. IL snf- 
fit de parcourir les procès-verbaux et les comptes rendus de l’ancienne 
Section d'Aviculture de la Sociéfé d'Acclimatation, si malheureusement 
supprimée, ceux de la Sociéfé nationale d’Aciculture, de la Societé des 
Aviculteurs français ou de la Société des Aviculteurs du Nord pour voir 
que des questions de ce genre ont été fréquemment discutées. Je 
n’ignore pas non plus que nombre de traités et notamment le livre de 
M. La Perre de Roo, ont donné les caractères de telle ou telle race 
française. Et cependant, en dépit de tous ces travaux, il existe en- 
core, chacun le sait, des divergences d'opinions au sujet des carac- 
tères de plusieurs de nos races, de leur valeur et de leurs limites, di- 
vergences qui se traduisent souvent, dans les concours, par des diffe- 
rences d’appréciations de la part des jurés, par des réclamations de la 
part des exposants. Enfin, et ceci a peut-être encore plus d'impor- 
tance, les types de nos races françaises sont souvent méconnus à 
l'étranger ; parfois, même, nos voisins se les approprient et nous les 
renvoient transformés et accommodés à leur goût, que nous nous em- 
pressons, du reste, d'adopter. 

Quelques-uns d'entre nous, d'accord avec M. Wacquez, ont donc 
pensé qu'il y aurait intérêt à créer, pour les personnes qui s'occupent 
pratiquement d'élevage ou qui s'intéressent simplement à nos ani- 
maux de basse-cour, un centre de réunion afin de leur permettre 
d'échanger leurs vues, d'arriver à se mettre d'accord sur les carac- 
tères, sur le Séandard de tel ou tel type, ou même de faire prévaloir 


EXTRAITS ET ANALYSES. 305 


nos races nouvelles et encore contestées. Telle a été l’origine et tel est 
le but de notre Comité du Standard avicole français. 

Celui-ci, dans notre pensée, doit solliciter le concours d’aviculteurs, 
d'amateurs et de théoriciens appartenant à des Sociétés diverses et 
professant les opinions les plus distinctes et parfois les plus opposées. 

Nous n'avons, on ne saurait trop le répéter, aucunement l'intention de 
nous substituer à l’une quelconque des Sociétés actuellement exis- 
tantes dont nous reconnaissons l'utilité ; nous ne voulons pas nous ap- 
puyer sur l’une plutôt que sur l’autre; nous ne songeons pas même à 
favoriser la réunion de groupes dont la fusion ne pourra venir que de 
leur propre initiative. 

Nous ne voulons nullement, comme quelques personnes ont paru Île 
croire, créer un petit cénacle officiel qui aurait la prétention, singu- 
lièrement outrecuidante, d'établir lui-même une série de moules dans 
lesquels il ferait rentrer, de gré ou de force, toutes les races fran- 
çaises. Non, nous demanderons seulement à quelques commissions, 
élues librement par vous, de trouver, si je puis m’exprimer ainsi, des 
esquisses que vous pourrez ensuite modifier et compléter à votre gré, 
de manière à obtenir un portrait très poussé de chaque race. Ce por- 
trait, ce sera le éype idéal que nous chercherons ensuite à faire con- 
naître, à faire prévaloir par une active propagande. Un tel projet, vous 
le voyez, n’a rien de subversif; il ne peut porter ombrage à personne, 
et s’il a, comme on l’a dit, soulevéune certaine émotion dans le moude 
avicole, c’est assurément parce qu'il a été mal compris. Nous vous in- 
vitons donc à unir vos efforts aux nôtres pour atteindre un but qui 
nous paraît utile, je dirai même patriotique, et avec le concours de 
toutes les bonnes volontés, j'espère que nous réussirons. S'il en était 
autrement, nous aurons du moins la satisfaction de nous dire que 
nous avons travaillé dans l'intérêt de tous et que nous n’avons élé 
guidés que par des sentiments entièrement désintéressés. 


< 


LARVES DE Dermatobia noxialis DÉVELOPPÉES DANS LA PEAU 
DE L'HOMME. 


Extrait d'une lettre du professeur A. Forez de Zurich (1). 


« J'ai eu le plaisir d’être piqué, sans m'en apercevoir, par une Oes- 
tride, dans la forêt du versant Nord de la Sierra Nevada, en Colombie. 
Cette tendre mère m'a gratifié de cinq œufs au côté dorsal du bras 
droit et d’un œuf au centre de la région lombaire. J’eus la naïveté de 


(4) Publiée par le professeur Raphaël Blanchard, dans le Bulletin de la 
Société centrale de Médecine vétérinaire, 1896. Voir ci-dessus, page 289. 


306 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACULIMATATION. 


prendre sa progéniture pour autant de furonceles, de sorte que je lui 
donnai le temps de me manger pendant plus d'un mois. Cela vous 
explique pourquoi ces jeunes larves pleines d'espérance sont si dodues. 
Elles ne m'oni, du resie, pas empêché de chasser des Fourmis jus- 
qu’au dernier jour L'une d'elles m’a rongé jusqu à l’aponévrose du tri- 
ceps. Ces bêtes produisent de temps en temps des élancements très 
désagréables. Du reste, l’enflure ressemble à s'y méprendre à un fu- 
roncle, sauf le petit trou par lequel la larve fait sortir parfois l'extrémité 
de son corps, mais que je ne pouvais voir, à cause de la position des 
tumeurs. 

Ayant fait sortir par la pression, sur le paquebot du retour, la peau 
d’une des larves qui avait mué, je compris du coup ce dont il s’agis- 
sait. Le médecin du bord me fit deux incisions, sans en rien extraire; 
mais plus tard, il réussit à faire sortir quatre des larves, simplement 
par une violente pression. Ces quatre larves sortirent vivantes, bien 
que deux d’entre elles eusseni éié soumises, deux jours de suile, à une 
injection de sublimé à 1/1000, pratiquée dans l'incision. Pour les deux 
autres, j'employai le procédé colombien (jus de tabac mis sous du iaf- 
fetas d'Angleterre à l'entrée de la cavité) ; vingt-quatre heures après, 
une faible pression suffit pour faire sorlir les deux larves mories. >» 


= 
SUR UNE DES SOURCES DU CAOUTCHOUC DD SOUDAN FRANÇAIS, 


par Henri Hua, 
Secrétaire du Conseil de la Soriété d'Acclimatation. 


Nous espérons rendre quelques services non seulement aux savants, 
mais aussi aux praticiens, si notre travail apporte quelque clarlé dans 
une question un peu confuse, comme le sont malheureusement presque 
toujours celles où la pratique entre en contact avec la science <pécu- 
lative. Le plus souvent, la confusion a pour origine des erreurs de 
spécification, la plupart des auteurs qui s‘occupent de la question se 
plaçant à un point de vue commercial ou économique et ne pouvant 
se livrer à une critique botanique approfondie. Il est donc utile de 
remettre parfois les choses au point. 

Pour les Lianes africaines, l'obscurité est encore augmentée par ce 
fait que le nom générique pour les désigner a varié, la même plante 
s'appelant Vaea ou Landoïphia, selon les auteurs. Même tout récem- 
ment, M. Hiern a adopté pour les espèces de l’Angola, jusqu'ici ran- 
gées sous l’un des deux vocables précédenis, un troisième nom, celui 
de Pacouria, créé antérieurement aux deux autres par Aublet pour une 
plante de la Guyane. Je m'en tiendrai ici au nom de Zandolphia, le 
plus généralement employé dans ces dernières années. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 307 


Cette étude ne doit porter que sur trois formes'du Soudan, les 
Lianes connues sous le nom indigène de Goïn, de Séba:et de Con'däne. 
La dernière est une espèce nouvelle; les deux autres, dont le now est 
bien connu de tous ceux qui s'occupent des caoutchoucs de ce pays, 
n'avaient pu jusqu'ici être rapportées à des espèces précises, les ren- 
seignements fournis sur elles étant insuffisants ou les sujets de com- 
paraison manquant à ceux qui les ont étudiées. 

Grâce aux anciennes collections du Muséum et aux excellents ma- 
tériaux rapportés du Soudan par M. G. Paroisse de sa campagne de 
1898, nous avons pu arriver à une détermination certaine. 


1. La Liane GOIN. 


La Liane Goïn (dont le nom malinké a aussi été orthographié Gohine, 
Geyen, Geyé, N'dei, etc.), celle qui fournit le bon caoutchouc, doit 
être rapprochée du ZLandolphia Heudelotii À. DC., et plus spécialement 
de la forme que M. Dewèvre a distinguée sous le nom de Zandolphia 
tomentosa, d'après l'échantillon récolté en 1826 par Leprieur à Pou- 
mour, dans le pays de M'’Boro, au royaume de Cayor, c'est-à-dire sur 
la côte du Sénégal, et qui portait de tout temps, dans l’herbier du 
Muséum, la mention manuscrite de « Vahea tomentosa, Leprieur, — 
gulgo Tol ». 

Cette forme se distingue par une pubescence accentuée sur les 
jeunes rameaux et sous les feuilles, alors que le Landolphia Heudelotii 
type (n° 606 d'Heudelot, venant du Rio Nunez), a les mêmes parties 
presque glabres, même dans la jeunesse; par les dimensions moyennes 
plus grandes et la consistance plus coriace des feuilles, qui ont, il est 
vrai, sensiblement la même forme, variable d’ailleurs dans de larges 
limites; par l'allongement un peu plus grand du tube de la corolle, à 
quoi correspond une colonne stylaire aussi plus longue. Ces carac- 
tères, les principaux sur lesquels soit élablie une différence entre les 
deux séries d'échantillons, sont-ils suffisants pour qu’on soit autorisé 
à conserver deux espèces distinctes? La densité de la pubescence, la 
consistance des feuilles, la longueur d’un tube de corolle sont des 
caractères quantitatifs essentiellement variables avec l'âge ou avec les 
conditions extérieures; ils ne peuvent donc servir à définir qu’une 
variété, tout au plus une race, quand des caractères plus importants 
sont constants. 

Or, dans les deux formes considérées, l'analyse de la fleur montre 
les parties essentielles semblables : même ovaire subglobuleux, velu à 
lextérieur, surtout au sommet, contenant approximativement le même 
nombre d'ovules fixés en 8-10 séries de 8-9 ovules sur chacun des 
placentas pariétaux s’avançcant au milieu de la cavité unique; même 
disposition et mêmes dimensions du stigmate, composé d’un manchon 


308 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


glanduleux subcylindrique et d’un apicule bilobé, glabre, légèrement 
papilleux, de même diamèlre que la colonne stylaire et de même lon- 
gueür que le manchon; mêmes étamines à filet très court, arrondi, 
glabre, portant, fixée tout près de sa base, une anthère oblongue, à 
loges obtuses au sommet comme à la base où elles ne sont que très 
peu séparées; les étamines, insérées vers le milieu du tube, ont tou- 
jours, dans la fleur adulte, leur sommet dislant sensiblement de 
l'orifice de ce tube qui, renflé à leur niveau, prend un aspect plus ou 
moins fusiforme. Enfin, si, dans la corolle, le tube, toujours pubes- 
cent à l'extérieur et à l'intérieur, varie un peu de longueur, de 6-7 mil- 
limètres dans le type, de 8-9 millimètres dans les échantillons de 
M. Paroisse, les lobes sont toujours de même taille, 6-7 millimètres 
de long, et disposés de même, arqués à concavité à gauche, et finale- 
ment réfléchis. 

Le fruit doit-il être considéré comme essentiellement différent dans 
les deux fermes? J'ai analysé celui de la Liane Goîn, rapporté par 
M. Paroisse dans de l'alcool, et indiqué, dans les notes accompagnant 
son herbier, comme vert sombre, passant au jaune orangé à la matu- 
rité, avec des lenticelles peu visibles, blanches. Il est sensiblement 
sphérique, de 3 à 3 cenlim. 5 de diamètre, rattaché au réceptacle par 
un stipe court de même nature que le péricarpe. Celui-ci est résistant 
à l'extérieur (crustacé sur le sec) et très légèrement pulpeux à l’inté- 
rieur, contre lequel s'appliquent les poils succulents du tégument 
externe des graines. Celles-ci, unies, comme chez toutes les espèces 
du genre, en une masse globuleuse compacte, paraissent, à l’époque 
de la maturité, avoir perdu toute connexion avec les placentas. La 
séparation en est assez facile. Chacune, sous le tégument externe 
pileux et succulent, présente une assise tégumentaire brunâtre, très 
peu épaisse, en dedans de laquelle se trouve un albumen épais divisé 
en deux masses par l'embryon à radicule courte, obtuse, à cotylédons 
très minces, elliptiques palminerves. Dans les deux exemplaires que 
j'ai ouverts, il y avait deux graines. C’est aussi le nombre constaté 
par M. Pierre dans le fruit d’un des anciens exemplaires de l’herbier 
du Muséum. Si l'on rapproche ces deux observations, ce nombre de 
deux graines paraîtrait caractéristique du Zandolphia tomentosa Dew., 
alors que le Zandolphia Heudelotii DC. passe pour avoir un fruit po- 
lysperme. Mais il faut observer que, dans un fruit provenant du déve- 
loppement d'un ovaire contenant 100, 120 ovules et plus, le nombre 
des graines venant à bien peut êlre fort variable. Et je tiens du 
R. P. Sebire, directeur du jardin de Thiès au Sénégal, où la plante de 
Leprieur est indigène et connue sous le nom de Zo/!, que le fruit est 
fort variable en grosseur sur le même pied; cette variation correspon- 
dant sans doute au nombre de graines arrivées à maturité. Moi-même, 
j'ai observé un jeune fruit de Goïn dans lequel 7 à 8 ovules ayant pris 
le dessus et manifestant un développement égal pour tous, alors que 


Chi à 


EXTRAITS ET ANALYSES. 309 


les autres avaient complètement avorté, annonçaient un fruit à 7 ou 
8 graines. 

Si on passe à l'examen des fleurs groupées, on se rend compte, en 
voyant de nombreux échantillons, combien ont peu de valeur les dis- 
tinctions fondées sur l'aspect de l’inflorescence. Celle-ci est tantôt 
compacte et corymboïde, tantôt disjointe et cirroïde. La première des 
deux formes est évidemment plus ordinaire dans la serie des échantil- 
lons d'Heudelot qui ont servi de type à A. de Candolle pour établir son 
Landolphia Heudelofiï; mais déjà on observe des longueurs variables 
pour le pédoncuie commun, qui est tantôt presque nul et tantôt dé- 
passe 4 centimètres. Au contraire, dans la série, bien plus nombreuse, 
de la forme pubescente, on constate assez fréquemment la seconde, 
qui fait place parfois à de véritables vrilles rameuses par avortement 
des fleurs. Mais ces différences n’ont pas de valeur, un même échan- 
tillon pouvant présenter simultanément les deux formes : le rameau se 
terminant par une inflorescence cirroïde de 25 centimètres de long, 
dont la moitié supérieure porte6 à 7 cymes composées disjointes, alors 
que les feuilles situées en dessous de cette inflorescence allongée 
donnent naissance à des rameaux de second ordre, portant à leur 
extrémité des panicules corymboïdes plus ou moins serrées par suite 
de la réduction de leur axe primaire. 

Les feuilles, indépendamment de la plus ou moins grande densité de 
la pubescence, varient de forme : oblongues d'une facon générale, leur 
plus grande largeur peut se trouver au-dessous ou au-dessus du 
milieu, ce qui peut les faire dire ovales ou obovales; sur chaque 
pousse, les inférieures sont plus petites, plus courtes, plus arrondies à 
la base et au sommet, qui n'offre pas d’acumen et est parfois émar- 
giné ; les supérieures sont plus grandes, plus allongées, souvent 
aiguës à la base et munies au sommet d’un court acumen arrondi; les 
dimensions varient entre 4 et 10 centimètres de long, la largeur étant 
de 1/3 à 2/3 de la longueur. Le seul caractère constant, aussi bien 
dans la forme type que dans la forme pubescente, c'est la présence de 
poils roussâtres courts sur le pétiole et sur la nervure médiane, tant 
dans le sillon qui la continue à la face supérieure que sur la face 
inférieure de la feuille. 

Nous pensons avoir démontré l'identité spécifique du Zandolphia 
tomentosa Dew. et du L. Heudelotii DC., le premier, de beaucoup plus 
répandu que le second, devant, d’après les usages admis, être consi- 
déré seulement comme une variété du second, qui a été défini cin- 
quante ans avant lui. 

C'est à ce type (L. Heudelotii var. tomentosa) que se rapportent des 
échantillons donnés au Muséum comme fournissant de bon caoutchouc, 
par M. Baucher, pharmacien de la Marine en 1885. 

- Tous les collecteurs s'accordent pour donner cette plante comme 
fournissant d’excellent caoutchouc. Le Zandolphia Heudelofiï À. DC. 


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310 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


serait donc la principale source de la précieuse gomme au Sénégal et 
au Soudan. 


2. La Liane SABA. 


La Liane S45a du Soudan, au contraire, dont M. Paroisse a récolté 
aussi d'excellents échantillons, ne donne pas de caoutchouc, mais une 
matière poisseuse durcissant à l’air. 

Ces nouveaux documents correspondant aussi exactement que pos- 
sible à la description du Vakea senegalensis de de Candolle (Prodrome, 
VII, p. 328), j'ai été conduit à les rapprocher de cette espèce rangée 
depuis sous le vocable Zandolphia par Radlkoffer (Abhkandl. der wis- 
sensch. Ver. zu Bremen., 1883, p. 394). Grâce à la complaisance de 
M. Casimir de Candolle, cette appréciation a été confirmée par la 
comparaison avec l'échantillon type de l’herbier du Prodrome. D'autre 
part, le R. P. Sebire m'a affirmé l'identité du Séba, que je lui ai 
montré, et du add du Bas Sénégal qu'il connaît bien, plante à latex 
non ulilisable si ce n’est pour falsifier les bons produits. On peut donc 
affirmer avec certitude que la Liane S4ba du Soudan est bien le Zax- 
dolphia senegalensis Radlk., et que, si ce dernier a été cité comme 
producteur de caoutchouc, ce doit être par suite d’erreurs de déter- 
mination. 

Le L. senegalensis est, comme le L. Heudelotii A. DC., très variable 
par la forme et les dimensions des feuilles, par l'aspect de l'inflores- 
cence et la taille des fleurs ou des fruits. Mais il y a des caractères 
constants que nous allons tâcher de résumer. 

Le calice est tres petit, à sépales obtus mucronulés. Le tube de la 
corolle est renflé vers le tiers inférieur pour loger les étamines, entre 
lesquelles sont des iouffes de poils; le reste du tube, à l’intérieur, 
montre quelques poils en dessous des étamines et est glabre en 
dessus, sauf vers la gorge qui est velue; les lobes, oblongs, arrondis 
au sommet, un peu obliques, sont à peu près de la même longueur 
que le tube. Les étamines ont un filet court, ‘arrondi, avec quelques 
poils en avant et en bas, et une anthère oblongue, légèrement mucro- 
nulée au sommet, à loges arrondies et à peine séparées à la base. 
L'ovaire, un peu enfoncé dans le réceptacle turbiné, est glabre exté- 
rieurement, surmonté d'un style court glabre, portant un stigmate 
composé d'un manchon oblong, au-dessus”duquel se trouve une têle 
un peu plus étroite, bifide; la colonne stylaire est tantôt plus courte, 
tantôt plus longue que le manchon. Dans la cavité de l'ovaire 
s’avancent deux placentas minces, venant s’aplatir l’un contre l’autre, 
de telle façon que la coupe transversale de chacun est en forme de T; 
les deux têtes du T étant appliquées l’une contre l’autre, les ovules 
sont attachés sur la portion libre de chacune d'elles en quatre rangées 


EXTRAITS ET ANALYSES. 311 


de 5-6 ovules pour chaque côté de chaque placenta. On comprend 
qu'avec des moyens d'analyse moins parfaits, A. de Candolle ait pu 
croire à un ovaire biloculaire. 

A cet ovaire succède un fruit dont je n'ai pas vu d’exemplaire 
adulte, mais qui, d’après les notes de M. Paroisse, atteint la taille d’un 
coing et contient de nombreuses graines au milieu d’une pulpe comes- 
tible. Cette pulpe est, comme toutes les espèces du genre, constituée 
par les poils du tégument externe des graines. Le péricarpe, très dur 
quand il est desséché, contient dans sa région moyenne une couche 
continue de granules scléreux très serrés, formant une enveloppe 
presque continue; à l'extérieur, il est rugueux et présente de nom- 
breuses lenticelles. 

Les inflorescences présentent tous les intermédiaires entre des pani- 
cules corymboïdes ou thyrsoïdes, à pédoncule commun peu développé, 
à éléments serrés, et les vrilles rameuses très allongées (elles peuvent 
dépasser 50 centimètres) sur lesquelles les fleurs avortent. 

Les rameaux sont toujours très glabres, comme aussi les feuilles, y 
compris les pétioles assez longs (un centimètre et plus), largement 
canaliculés. Le limbe, toujours assez régulièrement elliptique, présente 
parfois un petit acumen au sommet ou est absolument arrondi et 
même un peu émarginé; à la base, au lieu de se terminer brusquement 
sur le sommet du pétiole, il s’atténue toujours un peu en décurrence- 
sur lui, quel que soit l'angle généralement très obtus que dessine 


cette base. 
Il n’y a pas lieu d’entrer ici dans plus de détails; je pense que ceux 


qui ont été donnés suffiront à faire reconnaître la plante. 

Tous ces caractères, y compris l’aspect du fruit, se retrouvent iden- 
tiques sur tous les échantillons. Quelques-uns de ceux de M. Paroisse 
différent des autres par un détail que je ne considère pas comme 
devant motiver la définition d'une espèce nouvelle : les pédoncules de 
tous ordres dans l’inflorescence sont absolument glabres, de même 
que les sépales et le tube de la corolle, alors que, dans le type, ces 
parties sont couvertes d’une pubescence, « pubes cinerea », dit de 
Candolle, très caractéristique. 

Comme c’est la première fois que cette forme a été trouvée, je la 
mentionnerai comme variété nouvelle. 

Le Landolphia senegalensis ressemble beaucoup par ses feuilles et 
par la disposition des inflorescences, quand elles sont raccourcies, 
au Zandolphia florida Benth., considéré par certains auteurs comme 
variété à fleurs pubescentes du Z. comorensis K. Sch. (Vahea como- 
rensis Boyer). Il est même probable que des confusions ont dû être 
faites entre ces deux espèces. Les différences sont difficiles à définir: 
la plus facile à voir à première vue se trouve dans l'ovaire, qui est 
garni de poils longs chez le Z. florida, alors qu’il est glabre dans le 


L. senegalensis. 


312 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATIONS 


3. La Liane CON'DANÉ (1). 


La Liane Con'dâné des Malinkés a un « latex peu abondant, ne don- 
nan! pas de caoutchouc ». 

[C'est une espèce nouvelle que M. Hua appelle Ancylobotrys ameæna. 
Le genre Ancylobotrys a été détaché par M. Pierre du genre Landolphia 
et a pour type le Landolphia Petersiana Dyer]. 


Indépendamment de l'intérêt pratique offert par la détermination de 
ces trois Lianes, leur étude présente un intérêt au moins aussi grand 
au point de vue de la distribution géographique des plantes de cet 
ordre. 

D'après les documents du Muséum, en effet, on ne connaît dans la 
région du Sénégal et du Soudan que ces trois espèces pouvant être 
rapportées au genre ZLandolphia. Et, toutes trois, elles ne se trouvent 
que là, ne s’avançant pas plus au Sud, où elles sont remplacées par 
des espèces voisines : le Z. Heudelotiï par le L. owariensis, le L. sene- 
galensis par le L. florida, \'Ancylobotrys 'amæna, par d’autres espèces, 
telles que l'A. #ammosa et l'A. pyri/ormis Pierre. Par contre, elles 
semblent s'étendre dans l'Est, puisque M. Dybowski a trouvé dans le 
Haut Oubanghi, vers la ligne de partage des eaux descendant vers le 
lac Tchad, l'Ancylobotrys amena, et M. Scaweinfurth, chez les Djour, 
le Landolphia Heudelotir. 

La région soudanaise, dans toute son extension, depuis la côte du 
Sénégal jusqu’à la vallée du Nil, aurait donc certains caractères de 
végétation qui lui sont propres et qui sont tout différents de ceux de 
la côte de Guinée. 


(Extrait du Bulletin du Muséum d'histoire naturelle, — 
1899, n° 4, p. 178.) 


(1) Depuis la publication de cette note dans le Bulletin du Muséum, de nou- 
veaux renseisnements donnés par M. Chevalier, botaniste de la Mission d’ex- 
ploration du Soudan français organisée par M..le général de Trentinian, m'ap- 
prennent que ce nom est une altération de l’ensemble Counda-ni-nombo (Liane de 
la petite Gazelle), donné à cette plante par quelques Malinkés. Les Bambaras 
la nomment Couroumals, (Note de l'auteur, ajoutée pendant l'impression.) 


DE FRANCE 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


46° ANNÉE 


OCTOBRE 18399 


SOMMAIRE 


La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
ses par les auteurs des articles insèrés dans le Bulletin. un 


—— SSSR. 


Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société 4 fr, 50 


AU SIEGE 
DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D’ACCLIMATATION DE FRANCE 


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\ (près l’Ecole-c'e-Médecine} 
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Maison fendée on 1872 


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mue au moyen de 1 ou 2 leviers. 


Sur demande envoi franco du Catalogue — TELEPHONE) 


EAU MINÉRALE GAZEUSE, déclarée d'INTERET PUBLIC (Décret du 7Avril 1868) 


ANEMIE, GASTRALGIE, COLIQUES NEPHRÉTQUES, GRAVELLE, ARTHRITISME 
RECONSTITUANTE, ndiquéedastoutesls CON VALESCENCES 


+ 4 me: 


313 


ACCLIMATATION 
REPRODUCTIONS ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES 


AYANT VÉCU OU VIVANT ENCORE 
DANS LE PARC DE LA PATAUDIÈRE (INDRE-ET-LOIRE) 


Notes et observations de G. PAYS -MELLIER. 


FIN (1). 


RONGEURS. 


Cabiais, Capiygoua,Capybara, Capivard, Carpinchos 
(Hydrochærus capybara), Amérique méridionale. — Ces ani- 
maux au corps gros et ramassé nagent avec une grande fa- 
cilité et une extrême vitesse, et ils ne quittent jamais, dans 
leur pays, le bord des lacs et des rivières. Ils paraissent 
maladroits et lourdauds sur terre, et cependant ils sont agiles 
et courent très vite pendant longtemps sans se fatiguer. 

Les Cabiais reproduisent assez facilement : une femelle a 
donné naissance à deux jeunes; un seul a été élevé, allaité 
par elle. C'était un mâle qui est devenu très fort. 

Ces Rongeurs sont d'ordinaire intelligents et doux. Emile 
(c'est le nom d’un Cabiai dont il sera question plus loin, p.328) 
pourtant était devenu féroce et témoignait une haine impla- 
cable à deux de mes jardiniers qui, un jour, l'avaient trouvé 
se promenant prestement sous les vitres de leurs bâches, 
dévorant gloutonnement leurs primeurs ! Æmile, châtié sans 
pitié, avait toujours conservé pour ses durs punisseurs un 
violent ressentiment et le désir d’une terrible vengeance | 

Aussi, un matin, à quelque temps de là, il apercut le chef- 
jardinier, seul, taillant des arbres dans une cour où il passaï# 
par hasard, se promenant souvent en toute liberté! Se préci- 
piter sur ce pauvre homme, le jeter par terre, lui labourer 
les jambes et le côté de ses dents fortes et acérées, ne fut 
l’affaire que d’un instant! Le malheureux surpris ne pouvait 
se défendre de ce brutal et vigoureux animal dont on eut 


(1) Voir ci-dessus, pages 137 et 177. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 91. 


314 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


beaucoup de peine à le débarrasser! Et, pendant de longs 
jours, de cruelles et profondes blessures le retinrent au lit et 
le rendirent fort malade. 

À chaque fois que ces deux mêmes jardiniers, ses ennemis, 
passaient près de l'enclos où Emile était renfermé, il se pré- 
cipitait hérissé, furieux sur les grillages, en faisant claquer 
ses dents d’une facon peu rassurante. , 

Pour nous et pour toutes les autres personnes, il restait 
doux, aimable et caressant : sitôt qu'on le grattait sur le 
ventre, il tombait à terre, se pâmant d'aise, levant les jambes 
l’une après l’autre, tournant la tête, fermant les yeux, témoi- 
gnant ses jouissances avec une affectation absolument ridi- 
cule et tout à fait comique. 

- Les Cabiais se nourrissent fort bien, en captivité, avec du 
pain, de la salade, des carottes et des fruits : ils aiment beau- 
coup l'herbe, le seigle et l’avoine en vert, et ils boivent le 
lait avec délices... 


Maras, Lièvre de Patagonie, Lièvre des Pampas 
(Dolichotis palagonica), Amérique méridionale. — Les natu- 
ralistes ont créé sous le nom de Dolichotis, un genre de Ron- 
geurs de la division des Caviens, désigné depuis longtemps 
sous la dénomination de Mara qui est un nom du pays. 

Cette animal habite, comme tous les Caviens, l'Amérique 
méridionale et il est commun dans plusieurs contrées de la 
Patagonie. 

Divers naturalistes, il est vrai, en ont parlé comme d’un 
Lièvre et l'ont même nommé Lièvre des Pampas, Lièvre pa- 
tagon, ou Lièvre magellanique, sans doute parce qu'il est 
aussi léger à la course, aussi élevé sur jambes que les ani- 
maux de ce genre. Maïs, en observant les caractères du Mara 
on est forcé de le rapprocher des Cabiais. 

Depuis quelques années, les amateurs ont un véritable en- 
gouement pour cet animal... engouement, je l'avoue, que je 
ne partage pas, car rien ne le justifie ! 

On prétend, en effet, que le Mara sera une belle et inesti- 
mable conquête pour notre pays qui se dépeuple tous les jours 
de gibier... On dit, on assure qu'il remplacera, avec avan- 
tage, notre Lièvre qui bientôt sera inconnu et deviendra un 
mythe dans beaucoup de nos contrées... et on vante la chair 
abondante du Mara. 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 315 


* Erreur que tout celal 

Le Mara court ou plutôt bondit avec assez de rapidité... 
maïs il se fatigue promptement... il vit dans les plaines et ne 
rentre que difficilement dans les bois... il se défend donc fort 
mal et n’échapperait certainement point aux braconniers, 
encore moins aux Chiens, puisqu'il n’a aucune ruse, ni aucune 
résistance. Enfin la chair blanche du Mara est fade et n’a au- 
cun fumet. 

Quoi qu'il en soit, ces animaux au pelage très fourni, doux 
et soyeux, peint de couleurs élégantes : roux brun sur le dos, 
fauve sur les côtés, gris sur les cuisses, au croupion noir 
avec les fesses et le ventre blancs et les membres lavés de 
fauve et de gris ; les Maras, dis-je, avec leur taille d’un fort 
Lièvre, mais avec moins de disproportion entre les deux 
paires de membres, sont de tres jolis animaux, intéressants, 
très décoratifs dans un parc et vivant bien en captivité. 

Je crois que c’est feu Cornély, qui, le premier, en France, 
a possédé des Maras, dans son parc de Beaujardin près Tours. 

Puis, M. Sharland, à la Fontaine, a obtenu la reproduction 
abondante de ces animaux quil vendait alors, pendant plu- 
sieurs années, 400 et même 450 francs la paire ! 

Ses Maras, que les amateurs se disputaient toujours, valaient 
encore 390 francs il y a peu d’années et à la mort de M. Shar- 
land, il y a deux ans, on a vendu chaque couple, 200 et 250 
francs très facilement. Aujourd’hui, ces animaux ne sont plus 
rares et de nombreux éleveurs (je sis du nombre), ne 
trouvent même plus à se défaire de leurs élèves. 

Les Maras sont très rustiques : un simple abri leur suffit 
pendant l'hiver et ils reproduisent en toutes saisons, même 
pendant les plus grands froids. Les femelles ont deux et 
trois petits, ici, je n'en ai jamais eu davantage à chaque 
portée. 

Malheureusement, dans un parc, ces animaux rongent les 
arbres et causent quelques dégâts en grattant et en creusant, 
souvent, des terriers assez profonds. Ils broutent les gazons 
qu'ils aiment et qu'ils tondent très ras; nous leur donnons, 
en outre, du pain, du son, du maïs et de l’avoine, des ca- 
rottes et de la luzerne pendant la mauvaise saison. 


Pacas (Cælogenys), Amérique méridionale, Brésil, Guyane. 
— Ce nom de Cælogenys (poche-mächoire), qui a été ap- 


>. 


316 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


pliqué aux Pacas par Cuvier, leur vient des espèces d'a- 
bajoues qu'on remarque dans l'intérieur de leur bouche. 

Et ils ont, en outre, sur les joues, deux cavités ou poches 
dont l’usage est encore inconnu. 

Les Pacas sont exclusivement propres à l'Amérique méri- 
dionale; ils sont communs au Brésil et à la Guyane; ils ha- 
bitent les forêts humides et c'est, en général, auprès des eaux 
qu'ils se creusent un terrier à plusieurs issues dont ils ne 
sortent que la nuit pour aller chercher leur nourriture qui 
consiste en matières végétales. En domesticité, le Paca 
mange du pain, des légumes, carottes, betteraves et des 
fruits ; quoique de grosse corpulence, il court avec assez de 
légèreté et il fait des sauts assez vifs, mais ses mouvements 
sont toujours brusques et manquent de souplesse. 

Il meurt facilement, tout d'un coup; j'en ai perdu, souvent, 
qui, le soir paraïssaient très bien portants et qu'on trouvait, 
le matin, morts dans le rocher creux qui leur sert de retraite. 

On assure que ie Paca reproduit souvent et en grand 
nombre; je n'ai eu, à la Pataudière, qu'une seule reproduc— 
tion d’une femelle qui a élevé deux petits. 


Agoutis (Dasyprocla aculi)}, Amérique méridionale, 
Brésil, Guyane). — Les Agoutis sont de jolis Rongeurs de la 
taille de nos Lapins, dont l'Amérique méridionale est la 
patrie. Ils vivent dans les bois, mais ils ne se creusent pas de 
terriers et se cachent dans les trous d'arbres et sous les 
vieilles souches. 

Lorsque l’Agouti est en colère, il frappe la terre de ses pieds 
de derriere, absolument comme le Lapin et les longs poils de 
sa croupe se hérissent verticalement. 

Sa nourriture consiste, ici, en fruits, pain, carottes, maïs 
et il saisit ses aliments avec ses pattes de derrière, maïs elles 
ne lui servent pas à les porter à sa bouche. 

L'Agouti vit bien en captivité et reproduit facilement en 
toutes saisons : la femelle ordinairement, n'a que deux ou 
trois petits qu'elle allaite et qui au bout de deux ou trois 
jours commencent à la suivre et à courir avec les autres 
Agoutis. 

Nous ne rentrons point ces animaux pendant l'hiver : ils 
vivent, toute l’année, dans un petit parc, avec un rocher 
creux ayant de nombreuses ouvertures. 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 317 


Porc-épic (Hyslrix crislala), Italie, Espagne, Grèce, 
Algérie. — Il n’est pas d'animal qui ait autant prêté que le 
Porc-Épic au merveilleux, dont les anciens aimaient tant à 
allonger leurs pages. | 

Un poète latin, dont je ne me rappelle plus le nom, pré- 
tendait que le Porc-Épic était lui-même le carquois, la 
flèche et l'arc dont il se sert pour repousser victorieusement 
ses ennemis..... 

Un autre historien assurait que le Porc-Épic se mettant en 
furie, ses longs piquants se détachaient de sa peau et qu'ils 
percaient les hommes et les bétes!..... 

Un troisième racontait qu’un Porc-Épic en colère, s’élançait 
avec une extrême vitesse, ayant ses piquants dressés et qu'il 
les dardait avec tant de force, qu'ils pouvaient traverser une 
planche... 

Et l’ancienne Académie des sciences de Paris a répété ce 
conte dans un rapport fait par les anatomistes de cette célèbre 
Société et dont voici la phrase : « Ceux des piquants qui 
étaient les plus forts étaient aisés à arracher de la peau, n’y 
étant pas attachés fortement comme les autres; aussi sont-ce 
ceux que ces añimaux ont coutume de lancer contre les 
chasseurs, en secouant leur peau comme font les Chiens 
quand ils sortent de l’eau.....» 

Toutes ces niaiseries n’ont plus besoïn de réfutation, l’ob- 
servation et la critique en ont fait justice depuis longtemps. 

Quand on contrarie le Porc-Épic, il fait entendre une sorte 
de grognement ayant de l’analogie avec celui d’un Porc, d'où 
lui est venu, sûrement, son nom. | 

Quand il est en colère, il hérisse sa crinière formée de soies 
roides et très longues, ainsi que les dards de son dos qu'il 
secoue et qui produisent un bruit formidable; puis il se 
précipite très brusquement, maïs à reculons, sur ses ennemis, 
ce qui lui permet d’enfoncer quelquefois profondément ses 
piquants, qui se détachent alors de sa peau et qui, très 
pointus, font des blessures douloureuses. 

En état de domesticité, le Porc-Épic se montre peu intel- 
ligent et il ne perd jamais une occasion de reconquérir sa 
liberté, si elle s’offre à lui. 

J'ai eu un couple de ces animaux qui nouvellement arrivés 
de Marseille, cherchaient constamment à couper et à ronger 
les barreaux de fer de leur enclos. 


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318 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Pendant une nuit, ils réussirent à briser la porte et à 
s'échapper. 

Dès le matin, les gardiens du parc s’apercurent de leur 
fuite, les cherchèrent, en vain, toute la journée. 

Ils avaient creusé sous les murs et leur trace se perdait 


sur les routes durcies par la sécheresse. 


Quelques semaines après leur évasion, on m'apprit que 
mes deux Porcs-Épics avaient été vus plusieurs fois et qu'ils 
se tenaient à Port-de-Piles, dans des carrières profondes, 
dont ils ne sortaient que pendant la nuit. 

Or, Port-de-Piles est au moins à 28 kilomètres de la 
Pataudière. 

Malgré tous mes essais, malgré tous les pièges, nous ne 
pûmes jamais les capturer et je n'y pensais plus. 

Plus de huit mois après cet abandon, je lis, par hasard, 
dans un journal d'Indre-et-Loire, qu'un Porc-Épic, animal 
inconnu au pays, venait d’être pris au piège par le jardinier 
du château de Saché, tout proche d’Azay-le-Rideau. 

J'écrivis aussitôt à ce jardinier qui me rapporta mon Porc- 
Épic bien vivant, mais avec une patte de devant coupée par 
le piège et qui m'apprit que les deux animaux avaient été 
vus, ensemble, se suivant dans les bois, pendant la nuit. 

Le second Porc-Épic n’a pu étre repris et je n'ai jamais su 
ce qu'il était devenu. 

Pour se faire voir à Port-de-Piles d’abord et ensuite au 
château de Saché, cés deux animaux ont dù, forcément, 
traverser deux fois la Vienne, large et profonde rivière. 

Les Porcs-Épics sont des Rongeurs herbivores, se nour- 
rissant principalement de racines et de fruits. Ils creusent 
des terriers profonds et en captivité il faut leur donner un 
sol solidement cimenté, car leurs griffes sont fortes et puis- 
santes et, sans cette précaution, ils grattent et défoncent vite 
leur parc. 

Ils aiment la chaleur et cependant, nous ne les rentrons 
jamais pendant l'hiver, : nous fermons seulement leur cabane 
bien abritée, pendant les nuits trop rigoureuses. 

Ils reproduisent en toutes saisons et leurs femelles ont 
ordinairement deux et trois petits, rarement quatre : ici, ils 
vivent tous ensemble, dans le même enclos et dans la même 
cabane et les jeunes s'élèvent très faci'ement, sachant bien 
trouver et reconnaitre leur mère. 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. ° 349 


Myopotame Coypou ou Coypu (Myopolamus coypus), 
Chili, Buenos-Ayres, Tucuman. — Les Coypous habitent des 
terriers creusés sur le bord des rivières et des lacs : ils vivent 
de bourgeons, d'herbes, de plantes aquatiques. 

A la Pataudière, ils se contentent de carottes, de pain, de 
mais : d’une intelligence très bornée, ils reproduisent 
facilement, en toutes saisons, et les femelles font cinq à six 
petits par portée qu'elles allaitent et dont elles ont le plus 
grand soin. 

Ces animaux sont doux et ils ne font aucun mal aux 
Canards et autres Oiseaux d’eau qui viennent souvent nager, 
au milieu d'eux, dans les bassins de leur enclos. 


Viscaches (Lagostoma viscaccia ou L. maximus), Amé- 
rique méridionale. — La Viscache est le vrai représentant, 
dans l'Amérique méridionale, des Gerboises de l'Asie et de. 
l'Afrique. Sa tête est semblable à celle d’un Lièvre, mais ses 
oreilles sont médiocres, nues en dedans, poilues en dehors; 
sa queue est longue; elle a quatre doigts aux pieds antérieurs 
et trois seulement à ceux de derrière; le pelage est long, 
doux, mélangé de brun et de blanchâtre. 

La nourriture des Viscaches consiste, à la Pataudière, en 
pain, carottes, salades, maïs. 

On dit que ces animaux font de grands dégats dans les 
cultures de l'Amérique méridionale; ils coupent les plan- 
tations, ravageñt les jardins et, creusant partout des trous 
et des terriers profonds, ils rendent les espaces, ainsi minés, 
très dangereux pour les personnes qui voyagent à Cheval, 
parce qu’elles risquent d’y faire des chutes. 

La Viscache reste assise sur le derrière à la manière des 
Lapins et porte ses aliments à la bouche, en se servant de 
ses pattes de devant pour les enfoncer, mais elle court avec 
moins de vélocité que le Lapin et sa marche se compose 
plutôt de sauts réguliers. Lorsqu'elle est poursuivie, elle 
s'empresse de regagner son terrier. 

Ces animaux sont de terribles rongeurs qui mordent sans 
cesse leurs grillages, auxquels il faut donner une grande soli- 
dité, car ils seraient vite coupés par leurs incisives très 
longues, fortes, épaisses et taillées en biseau égal. Il faut 
encore avoir le soin de cimenter leur cour, car les Vistaches 
grattent et défoncent la terre la plus dure. 


320 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


L'ensemble des caractères de cet animal a engagé tous les 
naturalistes à laisser le genre Lagostome ou Viscache auprès 
des Chinchillas qui, pourtant, eux, ressemblent à de petits 
Écureuils. 


Chinchilla (Chinchilla lanigera) Chili, Pérou. — Ce 
charmant animal, qui habite vers le sommet des hautes 
montagnes du Chili et du Pérou, est en effet de très petite 
taille, tout au plus de la taille du Sciurus vulgaris : il se fait 
remarquer par la beauté de son pelage velouté, d'un gris 
perle. de nuance suave, ondulé de blanc. 

Cette fourrure si douce et si fine est très recherchée et a 
une grande valeur. J’ai gardé pendant longtemps un couple 
de Chinchillas à la Pataudière : ces animaux d'une douceur 
extraordinaire se laissaient prendre dans la main, sans 
chercher à mordre, ni méme à s'échapper et ils n'avaient 
aucune mauvaise odeur. 

D'humeur tranquille, ils restaient couchés ensemble, dans 
la paille de leur cage et ils se nourrissaient de petit maïs, de 
blé, de biscuits, de figues et ils aimaient beaucoup les fleurs 
et les feuilles de trèfle et de luzerne. 


En continuant l'étude des Mammifères élevés et observés 
dans le parc de la Pataudière, je ne suis aucune méthode de 
classification : parcourant le jardin, je décris les animaux 
au fur et à mesure qu'ils se présentent dans leurs enclos. 

Je tiens à dire seulement que je n'ai la prétention d'’impo- 
ser à personne mes propres opinions : je me borne, et il n’est 
pas inutile de l’affirmer encore, à noter ce que je vois, ce que 
j'observe et je tâche de faire mes descriptions aussi simples et 
aussi claires que possible. 


Coatis, Coati-mondi (Nasua fusca), Brésil, Paraguay, 
Guyane. — Le Coati est un carnivore plantigrade au nez 
extrêmement allongé et mobile, grimpant sur les arbres avec 
la facilité d'un Singe. et, ce qui est extraordinaire, c'est qu'il 
est le seul animal de son ordre qui en descende la tête en bas, 

Les griffes fortes et longues de ses pieds de derrière, lui 
permettent de se suspendre et il se tient ainsi, souvent, ac- 
croché aux grillages. 

De tous les Carnassiers, les Coatis sont les plus omnivores; 
ici, je les nourris de fruits de toutes sortes, de pain, de 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 321 


pommes de terre cuites, de carottes, de viande, de laït. 
Ils sont voraces et mangent beaucoup. Ils reproduisent avec 
la plus grande facilité: une femelle a sept jeunes qu'elle 
allaite en ce moment. 
Ceux que je possède sont très doux : ils viennent dès qu’on 
les appelle et se laissent caresser. 


Nyctereutes procyonides, Japon, Sibérie. — J'ai recu, il 
y a quelques années, un couple de très jolis animaux qu'on 
m'avait envoyés sous le nom de Nyclereules procyonides et 
qui arrivaient du Japon. 

Plus grands, plus élégants que le Raton laveur (Procyon 
lotor), ils avaient un pelage long, très fourni, gris foncé 
parsemé de poils noirs : leur queue était grosse, très épaisse, 
noire au bout et ne leur descendant qu’au talon. 

Ils n'avaient point d'odeur et ne sentaient pas mauvais 
comme les Renards ou autres Carnassiers. 

Je n’en ai jamais vu dans les jardins zoologiques et je n'ai 
jamais pu connaître avec certitude leur vrai nom scientifique. 

Feu Cornély, du château de Beaujardin, m'avait donné à la 
même époque, peu de temps avant sa mort, une très belle 
femelle qu'il appelait, lui aussi, Nyctereutes procyonoides, 
mais qui venait de Sibérie. 

Il m’assurait qu'il n'avait jamais eu, ni vu cet animal qui 
était bien semblable de forme aux Nyctereutes du Japon, 
mais plus gros et d’une couleur plus claire, avec un pelage 
plus laineux et plus long. 

Pendant l'hiver, ce pelage épais s’épaississait encore davan- 
tage et se feutrail... ce qui indiquait, en effet, que cet 
animal était bien originaire d’un pays froid. 

Puis, dès le commencement de l'été, ce eutre ou plutôt 
cette laine épaisse tombait en grosses bourres, ne laissant 
que le poil. 

Mon couple de Nyctereutes du Japon a reproduit, régulière- 
ment, pendant les trois premières années de son arrivée à la 
Pataudière : la femelle élevait parfaitement, chaque fois, ses 
cinq ou six petits et j'ai pu en envoyer à Londres, à Breslau 
et autres lieux. 

A partir de la quatrième année, la mère Nyctereutes 
dévorait ses jeunes, sitôt la mise bas... et je n'ai jamais pu 
lui faire perdre cette fâcheuse et inexplicable habitude. 


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322 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


La femelle de Sibérie n’a jee voulu S RE avec un 
mâle du Japon. 

Je nourrissais ces animaux uniquement de soupe au lait et 
de viande crue. 


Chacals, (Canis aureus), Algérie, Afrique, Inde. — Pendant 
plusieurs années, j'ai pratiqué l'élevage du Chacal, à la 
Pataudiere. 

Chassant, alors, beaucoup à courre, j'avais un équipage de 
Chiens vigoureux, auxquels je faisais courir le Chacal, lorsque 
je manquais de grands animaux, ce qui, dans ce pays, 
m'arrivait assez souvent. 

Ces chasses de Chacals étaient: très amusantes et toujours 
très goutées et très désirées par mes amis. 

Nous avions composé, tout exprès, pour ces laisser-courre 
une fanfare que nous sonnions avec entrain, et nos Chacals, 
lâchés le matin, dans les bois, une ou deux heures avant l’arri- 
vée de la meute, se défendaient bien et tenaient toujours, dans 
une poursuite enragée, sans un seul défaut, sans un balancer, 
toujours au galop, pendant trois quarts d’heure,au moins !… 

J'avais deux variétés de Chacals : le Chacal gris doré de 
l'Algérie, que tout le monde connaît et un Chacal qui venait 
des Indes, plus trapu, moins haut sur jambes, plus noir et 
plus robuste que le premier. 

Le Chacal d'Algérie courait plus vite que le Chacal de l'Inde, 
mais il avait moins de résistance et gardait moins bien les 
fourrés. 

Mes Chacals reproduisaient à merveille et les portées 
étaient, toujours, de six à sept jeunes. Je les nourrissais avec 
de la viande crue et ils restaient toujours très vigoureux. 

Logés loin de la maison, heureusement, en face des chenils, 
ils hurlaient souvent pendant la nuit, tous ensemble, et nous 
donnaient un concert discordant, à nul autre pareil, surtout 
quand mes grands Chiens faisaient la contre-partie, ce qui 
arrivait presque toujours. 


Renards. Renard ordinaire (Caris vulpes), Europe. 
— Je possède des Renards vulgaires qui élevés jeunes sont 
tres familiers : l’un, surtout, accourt à ma voix, se couche, 
bat de la queue, crie pour se faire caresser; comme un jeune 
Chien, il lèche la main. 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÊRES. 323 


Renard isatis, Renard bleu (Vuipes lagopus). Islande, 
Russie, Norwège. — Ils ‘ont près d'eux, un superbe Renard 
bleu (/salis), que j'ai essayé, toujours inutilement, d’accoupler 
avec une Renarde commune très apprivoisée et très douce. : 

L’Zsatis qui se trouve sur tout le littoral de la mer glaciale 
et des fleuves qui s’y jettent, est fort rare et je n’ai jamais pu 
me procurer une femelle. 

La moëlleuse fourrure d’/satis aux couleurs foncées, 
reflétant un cendré bleuâtre, atteint un tel prix que s’il arrive 
à un chasseur de s'emparer d’un ou deux petits, il les apporte 
chez lui, leur partage le lait et les soins de sa famille, se 
donnant beaucoup de peine pour les élever jusqu’au moment 
de les tuer et de vendre leur peau. 

On dit que l’Zsatis, comme tous les Renards, est rempli de 
ruses et de hardiesse, maïs qu'il a l'avantage sur ces derniers 
de ne pas craindre l’eau et de nager avec la plus grande 
facilité. 

Mon Renard bleu ne se nourrit que de viande crue fraiche, 
et de gibier qu’il préfère à tout. 

Mes autres Renards communs sont moins délicats et ils 
mangent, avec plaisir, la soupe au lait et le pain : il leur faut 
cependant, de temps à autre, un peu de viande crue, de la 
volaille, des Oiseaux. 

Et pour tout ce petit monde très vorace, nous élevons, en 
grande quantité, de malheureux Cochons d'Inde (Apereu, 
Cavia cobaya), qui sont très prolifiques et toujours très esti- 
més par tous nos Carnivores. 


Civette (Viverra), Afrique, Abyssinie, Asie. — La Civette 
tachetée habite l'Afrique et surtout l'Abyssinie ; on la trouve 
aussi en Asie. 

Elle a près de l'anus une poche assez profonde qui se rem- 
plit d’une humeur, espèce de pommade, onctueuse et par- 
fumée, qui était autrefois tres recherchée et à laquelle on 
attribuait des propriétés mer veilleuses, comme aphrodisiaque 
stimulante; mais aujourd’hui, ses prétendues vertus sont 
oubliées et je croïs qu’elle n’est plus employée. 

En captivité, la Civette dort tout le jour, mais le soir, elle 
devient agile et souple comme tous les animaux de son genre 
et elle saute et bondit dans sa cage comme un Chat. 

Quoique né dans les pays chauds, cet animal s’habitue ce- 


324 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


pendant tres bien dans notre climat, pourvu qu'on le tienne 
dans un lieu chauffé pendant l'hiver. J'ai une femelle depuis 
plusieurs années, elle est toujours très bien portante et nulle- 
ment farouche : elle mange de la viande crue et boit du lait. 


Genette ordinaire | Viverra genelta), France (Poitou). — 
Cet animal est à peu près de la grosseur d’une Fouine, mais 
sa tête est plus étroite et plus effilée : elle a de la finesse 
dans la figure, de la grâce dans les mouvements et beaucoup 
d'agilité. Son pelage d'un gris mélé de roux, tacheté de petites 
macules noires, tantôt rondes et tantôt oblongues, est fort 
joli et sa queue a quinze anneaux alternativement noirs et 
blanchâtres, avec des teintes rousses. 

Je croyais la Genette originaire d'Afrique, je savais qu'elle 
se trouvait aussi en Espagne, mais je la croyais à peu près in- 
connue en France.... | 

J'ai donc eu, il y a quelques mois, une bien agréable sur- 
prise, en recevant un mâle d'abord et une femelle ensuite de 
ces animaux, capturés tous les deux dans les environs de 
Parthenay (Deux-Sèvres). M. Paul Fradin, avoué dans cette 
ville, en me faisant ce précieux cadeau, m'assurait que la 
Genette se rencontrait assez souvent dans les bois de Parthe- 
pay et en Vendée et qu'on y voyait aussi | Hermine (Mustela 
herminea) et quelques fois même le Vison (Putorius vison), 
qu'il espérait bien pouvoir encore et prochainement me pro- 
curer vivants. 

La Genette vit bien en captivité... mais ici elle dort toute 
la journée dans une büche creuse, se réveillant le soir et s’agi- 
tant toute la nuït. 

Je donne pour nourriture des débris de volailles, de gibier 
et des petits Oiseaux. 


PÉPITA ET DOLLAR. — EMILE ET FRÉDÉRIC. 

Loutre {(Lutrn vulgaris et L. brasiliensis), Europe, Amé- 
rique du Sud. — Ma Loutre Pépita n’a point vu le jour sur les 
rives fleuries qu'arrosent l'Indre ou la Loire : elle naquit bien 
loin, dans quelque coin ombreux des solitudes vierges de 
l'Amérique du Sud. 

Son enfance dut être heureuse, étant libre, et n’a pas d’his- 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 325 


toire, jusqu'au jour où la rencontra un Gaucho, chasseur pil- 
lard, sur les bords du Parana. 

Ajuster la pauvrette, tirer et la blesser, fut tout un pour 
notre croquant, gaillard sans autres scrupules, qui n’ambi- 
tionnait, je le crains, que la fourrure de ma bête, fourrure 
superbe d’ailleurs, merveilleuse en son poil ras plus brillant 
que satin, plus luisant que velours. 

Emerveillé de sa conquête gisant déjà sur l'herbe ensan- 
glantée, le Gaucho se précipitait sur la pauvre Pépita, couvant 
sans doute le sinistre projet de l’achever, quand survint tout 
à point, attiré par le coup de feu, notre excellent ami, le doc- 
teur Dubard. 

Il arrêta le forcené, — c'était le plus pressé à faire, — puis 
il plaida l’acquittement de l'animal endolori avec l’éloquence 
du cœur, je veux le croire, d’abord, ensuite avec l’éloquence 
de l'or à laquelle nul Gaucho des pampas, ne résiste jamais. 
Le nôtre se laissa persuader puis la bourse garnie et la cons- 
cience à l'aise, remit en sifflotant sa carabine en bandoulière. 

Et pendant que le drôle s’en allait à méfaits nouveaux, le 
docteur Maurice Dubard examina la victime, se demandant 
à part lui, s’il allait la traiter en capture ou en..... cliente ? 
Et comme il palpaït la blessure qu'il ne trouva pas mortelle, 
il fut tiré d'incertitude par les crocs de la patiente qui, assez 
brutalement, vinrent s’incruster en ses chairs ! 

Ainsi mis dans un cas de légitime défense, M. Dubard li- 
gotte, de main de docteur souple et ferme, la Loutre récalci- 
trante qu'il emporta chez lui pour mettre en observation. 

Quel traitement put-il lui faire subir? Persuasion ou coer- 
cition ?.. Je n’en sais rien !... Toujours est-il que l’animal se 
transforma sous sa main comme par enchantement. De la bête 
sauvage aux crocs toujours saillants, menace perpétuelle et 
combien dangereuse! — j'en appelle à vos cicatrices, mon 
cher docteur ! --il ne resta rien, rien qu’une douce créature, 
plus fidèle qu'un Chien, plus soumise qu’un agnelet! 

Lorsque mon excellent ami me fit ce précieux cadeau de 
Pépita que j'attendais impatiemment comme une merveille 
annoncée, avec tout au fond du cœur, une vilaine arrière- 
pensée que la bête avait peut-être été louée trop par avance, 
je fus littéralement subjugué et mis sous le charme. 

La bête était de noble race, avec son pelage près duquel 
paraîtrait terne le velours des fabriques lyonnaises et stépha- 


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326 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


noises. Peut-être un peu plus petite que nos Loutres de 
France, elle m'apparut plus éveillée, plus leste, plus pim- 
pante, avec un je ne sais quoi d'’onduleux, de féminin dans la 
démarche, un air souple et gracieux dans le moindre de ses 
mouvements | 

Ceci pour l’entrevue première ! Et depuis, à l'essai, — car 

au bout de quelques jours, j'obtins de ma pensionnaire une 
docilité complète, — je pus me convaincre aisément que la 
beauté de Pépita était à ses autres mérites comme strass 
est à diamant! 
- À citer toutes ses gentillesses, l’article s’allongerait sous ma 
plume élogieuse comme un de ces papiers sans fin que dévore 
en grondant le rotatif minotaure du journalisme actuel. Mais 
je n'en veux dire qu'un mot qui résumera tout, elle est par- 
faite !... elle est merveilleusel!!... 

Qu'elle ait quelques caprices avec la gent canine... qu'elle 
lutine assez souvent, avec les Chats de la maison, et tutoie de 
la griffe ses habituels commensaux, je ne le nieraï point, non 
plus que je célerai les quelques rares accrocs faits aux ten- 
tures et aux fauteuils. Tout cela gaminerie pure, sans l'ombre 
de méchanceté, sans un soupcon de noirceur ! Hé! ce sont 
jeux d'animal que comprend ma chienne Mira, belle et char- 
mante, Saint-Germain et bonne amie de Pépita, qui fait 
assaut avec elle d'espiègleries, de culbutes, de coups de 
pattes inoffensifs et de coups de dents affectueux. 

- Pour l’homme, rien que des caresses ! 

La grâce, la douceur, la soumission faites Loutre ! Câline, 
elle se ploie sous la main qui la flatte, et humble avec sincé- 
rité, elle se courbe sous celle qui menace! Prenez-la par la 
queue, tirez-la par la patte, faites mine de secouer le velours 
de sa peau, tombez sur elle à l’improviste pour lui faire 
quelque agacerie, nul danger que Pépita ne vous morde ou 
même qu'elle gronde. Vous la verrez plutôt se rouler à vos 
pieds, quémandant un pardon et des caresses que vous ne 
marchanderiez pas sans être injuste et méchant d’une ina- 
vouable facon. 

Ordonnez! Pépila est toute soumission. Elle suit à la pro- 
menade, va, court, revient au moindre appel, sans que jamais 
un murmure ou une plainte lui échappe. 

Elle ne connait pas la révolte, ignore la désobéissance. 
Sur un mot, un signe, elle s’élancera en avant, ou docile, se 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 327 


mettra derrière vos talons, comme le Chien le mieux dressé. 

Jamais moment d'humeur ou instant de colère, et le pre- 
mier appel, toujours, la trouve prête à l’action qu'on lui 
commande. 

Admirable pécheuse, elle rapporte le Poisson vivant !!! 

Mon désespoir était de n'avoir pas trouvé de compagnon 
à Pépila, quand enfin j'ai réussi à mettre la main sur Dollar, 
jeune... loutron superbe. Dollar — qui vaut plus que son 
nom — est un mäle déjà vigoureux et qui me donne grand 
espoir pour une colonie future de Dollar II, Pépita II, dont 
je me réjouis par avance ! Il est beau comme Pépita et docile 
presqu'autant qu'elle. C’est ainsi qu'il suit volontiers à la pro- 
menade, pêche à commandement, revient quand on l'appelle. 

Il est même curieux par ses familiarités, quoiqu'il les sup- 
porte très mal. Que d'aventure, la main d'un téméraire 
s’égare en sa fourrrure, il a tôt fait de la happer entre ses 
dents pointues. J'ai beau, par tous les arguments, lui prêcher 
l’amabilité, je prêche un endurci que je n'arrive pas à con- 
vaincre et à convertir. 

Que n'ai-je les secrets du docteur Dubard!... C'est à la 
pêche qu'il faut voir Dollar et Pépila ! Ils y sont l’un et 
l'autre, merveilleux, simplement merveilleux !... 

Qui se joindrait à notre équipage au moment d’un départ en 
serait ébaubil!... 

Délaissant la Pataudière qu'enserre dans ses lacis ie Mäble 
sinueux, assez fréquemment nous franchissons les 3 kilo- 
mètres qui nous séparent de Champigny pour donner un plus 
vaste terrain d'exercices à nos pêcheurs et retrouver notre 
petite rivière au moment où elle se grossit de la Veude, son 
affluent. | 

Dollar et Pepita nous suivent, non pas dans des paniers — 
fi donc ! — mais librement, trottant des quatre pattes comme 
il convient. Sur routes, voitures et équipages ne leur sont pas 
un embarras ; troupeaux de passage, chiens aboyant ne les 
effraient pas, et oncques nous n’aurions à nous occuper de 
nos bêtes, n'était le plaisir que nous éprouvons à l'observation 
de leurs petits manèges !…. 

Et quand, pour abréger, nous prenons à travers les prés, 
par les petits chemins où on ne va qu'en file indienne, nous 
ne sommes pas sans effrayer parfois les indigènes de l’un et 
l’autre sexe qui, en dépit de nos réconfortantes apostrophes, 


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328 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


nous abandonnent assez souvent la place pour prudemment 
se répandre par les côtés. C’est quand Emile et-Frédéric font 
partie de la caravane, car ces deux Carpinchos, quoique doux 
comme on ne l’est pas, ont dans leurs physionomies d'Ours 
l’air bien un peu rébarbatif! 

Emile et Frédéric, noms biens connus et souvent pronon- 
cés dans notre pays : on rit à se tordre en se rappelant ces 
deux personnages si grotesques ! Emile et Frédéric, les insé- 
parables de Pépita, sont deux énormes Cabiais venus d'Amé- 
rique avec elle, amenés par le docteur Dubard. 

Très jeunes, ils se promenaient libres sur le bateau, pen- 
dant la traversée, chéris des matelots qui s’en amusaient! 
Emile était le bon camarade, d'humeur joyeuse et aimable ; 
il buvaïit sec, toujours sans refus, se piquant le nez trop sou- 
vent et... ce qu'ilétait drôle alors! Son penchant si prononcé 
pour la dive bouteille l'avait fait nommer Emile par l’équi- 
page du nom du capitaine dont il partageait si bien les gouts, 
m'a-t-on dit?... 

Frédéric, au contraire, était taciturne, grincheux, et de 
même que le second du navire dont il portait aussi le nom, il 
restait toujours à l'écart, peu aimé, ou, du moins, jamais 
cajolé, jamais affriandé, comme était son frère Emile, le gai 
compagnon ! | 

Mais je continue l'histoire de Pépila, ma brune favorite... 

Nous voilà arrivés près de la rivière, nos quatre animaux 
nous suivant toujours avec docilité, au milieu des très nom- 
breux curieux que nous récoltions toujours sur notre chemin et 
qui venaient, bien souvent, de fort loin pour voir, eux aussi, 
et pour prendre part à nos pêches vraiment merveilleuses! 

Donc, je fais un signe... Mes deux bêtes noires s’élancent..… 
un clapotement de l'eau, deux trous aussi vite aplanis que 
creusés par les deux corps, voilà Dollar et Pépita en 
chasse! 

C'est dans son élément, c’est là qu'il faut la voir pour com- 
prendre combien est juste cette appellation de terroir de 
Lobilo de agua qui désigne la Loutre en son pays d’origine. 

« Petit Loup de rivière », oui! Et jamais maraudeur ter- 
restre ne dépeupla les bergeries autour de son repaire mieux 
que Dollar et Pépita ne dépeuplent les cours d’eau! Nageant 
avec prestesse, plongeant comme l'éclair plonge dans la nuée, 
ils fondent sur leur proie avec un égal acharnement. 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 329 


Que sert au Brochet sa vitesse? Nul Poisson ne peut échap- 
per à la dent du Loup de rivière! 

Mais Dollar est un mal-appris — je ne devrais pas m'en 
vanter! — qui pêche pour son propre compte et mange gou- 
lüment toutes ses prises! Aussi souvent qu'il peut, il est 
même un larron, et, malgré notre indignation, il enleve, à 
notre barbe, de la bouche de Pépita, la proie qu'elle a con- 
quise et qui frétille entre ses dents, tout juste assez serrées 
pour la maintenir captive et nous la rapporter intacte. 
Pépila, toujours bonne et douce, ne se fàâche jamais des 
incartades de son ami. Seulement, il lui arrive de plonger 
sournoisement pour soustraire à sa gloutonnerie une proie 
qu'elle nous réserve. Et quand nous la voyons émerger 
près du bord, avec, entre les dents, un Poisson secoué de 
spasmes, Dollar a beau s’empresser, faire rame des quatre 
pattes, la conquérante et son butin sont tôt à nos pieds 
et le larron n'arrive que pour recevoir, de notre part, 
des rebuffades justifiées par sa traitrise, et, de la part de 
Pépita choyée et caressée, des moqueries qu’on peut lire 
en ses yeux malins ou dans les ondulations railleuses de tout 
son Corps. 

Penaud et dépité, Dollar retourne à ses affaires, suivi de 
Pépila courant à poursuites nouvelles, guignant Poisson et 
gibier d’eau, attentifs l’un et l’autre aux passages qui s’effec- 
tuent sous eux dans les profondeurs en surveillant le voletage 
des Râles et des Gallinules s’aventurant le long des rives. 
Nageant doucement, avec discrétion et mystère, ils arrivent 
à bonne portée, puis, tout d'un coup, s’élancent sur l'Oiseau 
que ses ailes ne sauvent pas toujours. 

D'autres fois, il n’est pas trop des efforts combinés du 
couple pour effectuer la conquête d’une prise difficile : un 
gros Rat d’eau surpris dans son gîte et luttant pro focis avec 
l'énergie du désespoir est-il trop récalcitrant, l’assaillant, par 
un cri, appelle son compagnon qui accourt à la rescousse. Et 
alors il n’est griffe ni dent qui puisse sauver notre Rat! IL est 
pris, il est roulé en dépit de toutes ses malices, et il est happé 
par Dollar qui ne connaît pas, lui, de capitulation et qui 
chasse, on le sait, pour le bon motif, j'entends la satisfaction 
d’un appétit toujours éveillé. 

C’est que, s’il veut bien condescendre à jouer dans son élé- 
ment avec Pépila sa compagne, quand la pêche ne va pas, ce 

Buil. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 22. 


330 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


ne sera jamais lui qui lâchera la proie pour quéter... des 
compliments! 

Au rebours, Pépila muse parfois comme femme coquette et 
fait la belle pour la galerie, alors que l'assistance est nom-:. 
breuse et surtout brillante! Elle nage et elle plonge avec art 
et avec étude, dédaigneuse du Poisson et ne se préoccupant 
que de déployer ses grâces! Elle accrobatise sous l’onde et à 
sa surface, évolue en tous sens, allant, venant, virant, pour 
repartir ensuite, tantôt avec une lenteur gracieuse, savam- 
ment, tantôt avec une furia inattendue, stupéfiante! 

Dollar, lui, renfermé en son moi égoïste, méprise ces 
manèges ; mais ce sceptique, jamais, jamais, ne vaudra 
Pépia, l'aimable et gracieuse coquette, la Loutre phéno- 


Malheureusement, je n’ai jamais pu obtenir la reproduction 
de Péjita, pas plus que celle des autres Loutres qui ont vécu 
souvent à la Pataudière. 

J'en ai élevé de très jeunes : elles sont devenues très fami- 
lières, très douces, me suivant comme des chiens, toujours 
très intelligentes, mais jamais je n'ai pu les faire reproduire 
en captivité. 


Tatou encoubert (Dasypus seæcincius), Amérique méri- 
dionale, Paraguay. — Ce singulier animal, à la tête large, 
aplatie et triangulaire, est recouvert d’un bouclier osseux, et 
cette cuirasse qui lui couvre le dos et qui est dentelée en scie 
sur les flancs, est composée de six à sept bandes mobiles. 

Le Tatou ne se roule point en boule, mais quand il est 
menacé d’un danger, il s’aplatit contre la terre, dont il a un 
peu la couleur, au point de disparaître aux yeux de ses 
ennemis. Il ressemble à un énorme Cloporte. 

J’ai toujours entendu dire que ces animaux étaient craintifs, 
nocturnes, très inoffensifs, n’attaquant jamais les êtres plus 
faibles qu'eux. .... 

Ceux qui sont à la Pataudière se montrent toujours très 
alertes, courant toute la journée, avec beaucoup de vitesse, 
en plein soleil, autour de leur grillage. Ils sont d’une voracité 
extraordinaire : tout dernièrement, un gros Ara bleu étant 
tombé maladroitement dans leur cour, a été immédiatement 


saisi par mes Tatous et entièrement dévoré, malgré ses cris 
désespérés, 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 331 


Ils se nourrissent de viande crue, de soupe au lait et même 
de fruits. 

J'ai souvent la reproduction des Tatous et ils reproduisent 
en toutes saisons; une femelle vient de mettre bas, au- 
jourd'hui même (fin de janvier 1899), et elle allaite ses trois 
petits. 

Ces animaux creusent la terre avec une telle vitesse, que 
sous ce rapport, ils ne peuvent être comparés qu'à la Taupe; 
aussi leur enclos doit-il être solidement cimenté, ou pavé avec 
soin. Originaires des contrées chaudes et tempérées de l’Amé- 
rique méridionale, telles que la Guyane, le Brésil, le Para- 
ouay, le Chili, ils sont frileux et nous les rentrons, toujours, 
dès le commencement de l'hiver, dans un endroit chaud. 


Damans, Marmotte du Cap Æyrax capensis). Cap de 
Bonne-Espérance, Arabie, Abyssinie, Syrie. — Les formes 
du Daman sont lourdes ; sa tête est épaisse, son museau 
obtus, son pelage est joli, doux, soyeux, très fourni. 

Il habite le Cap de Bonne-Espérance, l’Abyssinie, l'Arabie, 
le Liban et ne se trouve que dans les montagnes hérissées de 
rochers. 

De la taille d’un Lapin, il se creuse un terrier et Buffon 
l'avait placé avec les Rongeurs, auprès de la Marmotte, dont 
il a un peu les formes. 

Et certes, personne avant le grand naturaliste Cuvier, n’eût 
deviné que le Daman, aux mœurs douces et intelligentes, 
était le portrait en miniature du Rhinocéros, c'est-à-dire du 
plus stupide et du plus brutal des Quadrupèdes. 

J'avoue que j'aurais toujours pris le Daman, non pour un 
Rhinocéros, mais pour un Raf. 

C'est donc grâce à l'anatomie que les naturalistes ont 
trouvé et décidé que ce joli petit animal est un Pachyderme 
...que sauf la taille, il a de très grands rapports avec les 
Rhinocéros et que même son système dentaire présente une 
certaine analogie avec celui de ces gros animaux. 

Quoi qu'il en soit, mon couple de Damans, très vif, très 
remuant, mais très apprivoisé, se retirait dans sa petite ca- 
bane, à la moindre apparence de danger. 

Ces deux animaux ont vécu longtemps à la Pataudière, je 
les nourrissais de pain et de tous les débris de la cuisine, 
mais ils n’ont jamais reproduit. Assez communs, m'a-t-on 


hé 


332 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


assuré, en Palestine et en Arabie, je n'ai, cependant, jamais 
pu me procurer d’autres Damans. 


Pécaris, Pécaris à collier {Dycolyles torquatus), Amé- 
rique méridionale. — En toute franchise, j'avouerai, sans 
détour, que ces vilaines bêtes n’ont pas mes préférences. 

Depuis très longtemps, j'ai des Pécaris à collier : ces ani- 
maux ont toujours été, à la Pataudière, sauvages, peu intel- 
ligents, méchants et ne reproduisant point. 

On dit, pourtant, que le Pécari s’apprivoise, qu'il accourt 
à la voix, qu'il parait même goûter les caresses et qu’en cap- 
tivité, il reproduit très bien... 

Je possède, en ce moment, deux mâles et une femelle née 
à Reims, chez le docteur Wiet qui avait un couple reprodui- 
sant, à merveille, chaque année. Depuis trois ans, les miens 
n'ont jamais eu de petits. Le docteur m'a encore envoyé, il y 
a peu de temps, une jeune femelle douce, point sauvage, en 
m'assurant que je pouvais la lâcher avec les trois autres, ses 
frères plus vieux... 

Mais, cette malheureuse petite bête, mise dans l’enclos de 
ces trois stupides et féroces animaux a été aussitôt et litté- 
ralement dévorée. 

Un matin, le gardien étant entré pour faire le pansage ac- 
coutumé, avec deux seaux d’eau, dans le parc de quatre 
Pécaris que j'avais alors et qui paraissaient doux, ces ani- 
maux sans provocation, sans motif, se jetèrent à l'impro- 
viste sur ce malheureux et le mordirent cruellement, lui dé- 
chirant les jambes affreusement... 

Les Pécaris ont sur le dos, près des lombes, une ouverture 
glanduleuse d’où suinte une humeur dont l'odeur alliacée est 
tres pénétrante et très fétide, surtout quand ils sont irrités… 
C'est cette glande que l’on a comparée à un second nombril 
qui leur a valu ce nom générique de Dicolyles. 

A la Pataudière, les Pécaris se nourrissent de foin, de ra- 
cines, de grains de Maïs, ils aiment surtout les Pommes de 
terre crues, les fruits, les salades. 


, 


MAKIS ET SINGES. 


Pour terminer cette trop longue notice biographique sur 
les Mammifères du parc de la Pataudière, il me reste encore 


LE PN PRO EE el 
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L— sù. 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 333 


à donner une courte description de mes Quadrumanes, 
autrement dits de mes Singes, car j'en possède plusieurs 
espèces intéressantes et rares! J’y joindrai les Makis. 


Makis. — Les Makis font le passage naturel des Quadru- 
manes aux autres Mammifères ; leur museau est effilé comme 
celui du Renard; leur queue . longue, leur poil doux et 
laineux ; ils aiment la chaleur, même dans leur pays, et ils sont 
difficiles à conserver en captivité dans notre climat. 


Maki vari (Zemur vari), Madagascar, — Aussi, j'ai eu 
beaucoup de Makis varis et j'en ai perdu beaucoup: ce sont, 
je crois, les plus délicats de tous les Makis ? 

J’en possède cependant un très beau couple qui vit depuis 
plus de trois ans à la Pataudière et qui passe ses hivers, tou- 
jours, dans le plus parfait état de santé, mais qui, malheu- 
reusement, n'a pas encore reproduit. 


Maki à front blanc (Leur albifrons) et Maki à front 
noir (Lemur nigrifrons), Madagascar. — Tous ces Makis 
ont les mêmes instincts et les mêmes habitudes ; ordinaire- 
ment somnolents et paresseux, ils déploient par moments, 
une telle vivacité que les yeux ont peine à les suivre, tant est 
grande la rapidité avec laquelle ils sautent en jouant, aux 
cordages ou sur les vieux troncs d'arbres placés dans leur 
chambre. 

Les Makis à front blanc, surtout, montrent une vigueur 
extraordinaire et ils grimpent sans effort, s’élancent en fai- 
sant des bonds prodigieux, surpassant en agilité, même les 
Singes les plus lestes. 

Une femelle Maki à front noir a eu un petit qu’elle portait 
en travers de son ventre où il s’attachait avec ses quatre 
pattes, restant collé, caché et enfoncé dans le pelage de sa 
mère qui l’allaitait et qu’elle a élevé pendant plusieurs mois ; 
maïs il est mort avant d’être adulte. 

Les Makis ne se trouvent que dans l'ile de Madagascar où 
ils vivent, en troupe, dit-on, dans les grands bois. 

A la Pataudière, nous les tenons toujours dans un appar- 
tement très chaud et que nous chauffons encore pendant tout 
l'hiver : nous les nourrissons de soupe au lait, de biscuits, de 
pain, de fruits, surtout de figues et d’oranges. 


334 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Ils lapent en buvant à la manière des Chiens. 

Mais les Varis font entendre de temps à autre dans le cou- 
rant de la journée, des cris rauques et si effroyables qu'ils 
sont fatigants et tout à fait désagréables. 


Singes ouistitis (Jacchus vulgaris), Brésil, Guyane. — 
Il y a peu d'années, j'avais dans une cage construite tout ex- 
près, bien chauffée à l’eau bouillante et toujours placée dans 
un appartement très chaud, une demi-douzaine de charmants 
petits animaux qui n’atteignaient pas la taille d’un Ecureuil, 
toujours chéris à cause de leur petitesse, toujours recherchés 
à cause de leurs gentilles manières. J'ai nommé le Tüi ou 
Ouistiti du Brésil. 

Ces jolis petits Quadrumanes, qui s’apprivoisent aisément, 
sont très difficiles à conserver et malgré toutes les précautions 
les plus minutieuses, ils meurent promptement. 

J'ai pourtant réussi, une fois, à avoir la reproduction d’un 
couple : trois petits ont été élevés par les parents et ont vécu 
pendant plusieurs mois. 

Bien souvent j'ai voulu avoir des Ouistitis, essayant par 
tous les moyens, et en leur donnant les soins les plus assidus, 
de les faire vivre en captivité... mais toujours au bout de 
quelques mois, ou pendant l'hiver, je les ai perdus, et je crois 
qu'il est très difficile, sinon impossible, de garder ces jolies 
bêtes bien vivantes dans notre climat. 

Les Ouistitis mangent des biscuits, des fruits doux, raisins, 
figues et ils boivent du lait. 


Guenon dorée (Semnopilhecus auratus), Indes. — J'ai un 
couple de ces jolis Singes au pelage d’un beau jaune doré. 
Voilà bientôt deux ans qu'ils sont ici et ils passent leur second 
hiver encore très bien portants. 

Un peu défiants, mais cependant très doux, ils viennent et 
se laissent caresser dès qu'on les appelle : ils sont d’une légè- 
reté sans pareille ; ils semblent voler plutôt que sauter et ils 
s’élancent sur leurs trapèzes et sur leurs cordages avec une 
grâce et une vivacité extraordinaires. Ils ont la singulière ha- 
bitude de rouler dans leurs mains, tout ce qu'on leur donne 
avant de le manger. Ils se nourrissent de pain, de lait, de bis- 
cuits et de fruits. 


ACCLIMATATION ET ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES. 335 


Callitriche, Singe vert (Cercopithecus sabœus), Séné- 
gal. — Le pelage de ce Singe est vert olivâtre en dessus avec 
la face noire ; la queue est plus longue que le corps. 

Je n'ai qu'une femelle : elle vit depuis longtemps à la Pa- 
taudière ; elle est douce, très gaie, bondissant, gambadant 
sans cesse, faisant toujours des malices et des niches à tous 
ses camarades. 


Mangabey (Cercocebus fuliginosus), Gongo. — C'est une 
des espèces que l’on apporte le plus fréquemment en France 
et qui supporte le mieux notre climat. 

Tous les Mangabeys que j'ai eus se sont toujours mon- 
trés doux, familiers, caressants. 

J'ai encore un couple de ces animaux ; toujours en action, 
d’une pétulance et d’une agilité étonnantes, ils prennent toutes 
les attitudes et souvent les plus grotesques ; ils font toujours 
des grimaces très drôles et quelquefois de jolies petites mines 
pour exprimer leurs désirs, relevant leurs lèvres comme s'ils 
voulaient rire, ou les agitant avec rapidité, comme s'ils par- 
laient avec vivacité. 

Ce sont des Singes très amusants et qui résistent longtemps 
à la captivité, à la condition de les tenir chaudement à l’abri 
des intempéries. 


Bonnet-Chinois, Guenon couronnée { Macacus sinicus), 
Bengale et Rhesus (Macacus rhesus), Inde. — Macaque à 
face rouge (Macacus speciosus), Indes Orientales. — Ma-- 
caque à face noire (Macacus carbonarius), Sumatra. — 
Une femelle Bonnet-Chinois s’est accouplée avec un mâle 
Rhesus et elle a eu, de cet ascouplement, une jeune femelle 
déjà très forte et très bien portante. 

Toutes les femelles de ces Macaques restent douces et fami- 
lières, tandis que les mâles, et surtout les Rhesus, intelligents 
et doux dans leur jeunesse, deviennent très méchants, sou- 
vent féroces, en vieillissant, et j'ai dù en faire tuer plusieurs 
qui ne se laissaient plus approcher. 

Ces Singes vivent très bien en captivité et ils sont toujours 
bien portants, plusieurs depuis six, sept années et même plus, 
qu'ils sont à la Pataudière. 

Tous sont sortis pendant les beaux jours d'été et ils 


330 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


grimpent en faisant des grimaces qui amusent, sur de hauts 
mâts placés çà et là dans le jardin. 


Sajous, Sajouassous (Cebus apella), Guyane.— Quoique 
vifs et turbulents, tous les Sajous sont d’un naturel doux, 
aimable, très affectueux. 

Je recois souvent ces jolis Singes qui, malheureusement, 
sont très frileux, très délicats et que je n’ai jamais pu con- 
server bien longtemps, car pendant l'hiver, ils sont sujets 
aux maladies de poitrine qui les enlèvent promptement. 


2 ai png 


331 


DE L'ÉPOQUE ET DE LA DURÉE DE LA FRAYE 
CHEZ LES CORÉGONES 


DANS LE RÉSERVOIR DE LA LIEZ (HAUTE-MARNE) 


par Charles ROYER (|) 


Il est, en France, bien peu de pisciculteurs qui aient vu 
frayer des Corégones; voici, à ce sujet, quelques renseigne: 
ments précis. 

Introduites dans le vaste réservoir de la Liez, près Langres 
(Haute-Marne), plusieurs espèces de Corégones ont admira- 
blement réussi et se reproduisent aujourd'hui naturellement 
dans ces eaux (2). 

En 1898, il m’a été donné d'assister à la fraye; c’est vers le 
20 novembre, par une température voisine de zéro, que celle-ci 
a commencé; le plus fort s’est produit vers le Ier décembre, 
et le 5 du même mois, la fraye m'a paru finie. Il faut dire 
cependant qu'à partir du 3 décembre, le vent s’est élevé et 
que, par suite des vagues qui agitaient la surface de l’eau, il 
m'a été assez difiicile de me rendre compte de ce qui se pas- 
sait, toute navigation étant devenue impossible. 

Remarquons que les grandes espèces, telles que le Corego- 
nus maræna (des exemplaires dépassant le poids de 3 kilo- 
grammes ont été pris dans la Liez) commencent à frayer avant 
les espèces plus petites, le Lavaret par exemple. 

Les Corégones se réunissent par groupes de deux, trois, 
rarement quatre ou cinq individus, et se placent sur des 
fonds sablonneux ou pierreux par un mètre de profondeur 
d’eau environ. Les femelles, en se frottant sur le gravier pour 
se débarrasser de leurs œufs, produisent un »pruit assez fort 


(1) Communication faite à la Section d’Aquiculture, le 27 février 1899. 

(2) Le grand bassin artificiel de la Liez a été créé dans la Haute-Marne, à 
deux kilomètres à l’est de Langres pour l'alimentation du canal de la Marne à 
la Saône. Sa superficie atteint près de 3C0 hectares, sur une profondeur 
moyenne de 6 à 7 mètres. Le réservoir complètement rempli peut contenir 
16 millions de mètres cubes d'eau. La digue qui ariête cetle masse liquide 
mesure 440 mètres de longueur; elle a 100 mètres d'épaisseur à la base. C’est 
au mois de novembre 1886 que le bassin de la Liez a été mis en eau. 


338 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


pour être perçu par l'oreille d’un observateur placé à une 
petite:distance. De temps à autre, des groupes de Poissons 
s'élèvent jusqu'à la surface de l’eau en produisant une vive 
agitation; ils sont alors si serrés les uns contre les autres que, 
dans les violentes secousses qu’ils donnent, ils s’enlèvent 
réciproquement des écailles qu’on voit flotter sur l’eau. 

Les femelles, comme cela arrive, du reste, pour beaucoup 
d'espèces, sont plus hâtives que les mâles sur les points où 
les frayères ont lieu. Aussi, le 3 décembre, dernier jour où 
j'ai constaté la fraye, je n’ai pu capturer que deux femelles, 
tandis que je prenais soixante-trois mâles. Il n’en était point 
ainsi les jours précédents. 

Nous ajouterons que la nourriture des Corégones se com - 
pose surtout d’autres Poissons et tout spécialement d'Épi- 
noches. J’ai constaté qu’un Coregonus maræna, pesant 
environ 3 kilogrammes, avait dans l'estomac quarante-quatre 
Épinoches, dont la plupart mesuraient de 2 à 3 centimètres 
de longueur et deux Goujons également tres petits. Ceci est 
entièrement contraire aux assertions des nombreux ouvrages 
qui prétendent que les Corégones ne vivent que de Vers et 


d'Insectes. 


339 


EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


SÉANCE GÉNÉRALE DU 24 MARS 1899. 


PRÉSIDENCE DE M. RAVERET- WATTEL, VICE-PRÉSIDENT. 


En ouvrant la séance, M. le Président annonce la grande 
perte que vient de faire la Société en la personne d’un de ses 
Membres honoraires les plus éminents, M. Charles Naudin. Il 
s’est éteint le 19 mars dans sa quatre-vingt-quatrième année 
à Antibes, à la Villa Thuret, établissement scientifique dont 
il était le Directeur. Les travaux de ce botaniste, dont le nom 
vivra dans la science, sont trop considérables pour pouvoir 
être résumés en quelques mots, et le Président fait simple- 
ment ressortir les services rendus à la pratique de l’acclima- 
tation par le défunt dont les envois de graines étaient si 
appréciés de tous les Membres de la Société. Une lettre de 
condoléances a été adressée à Mme Naudin à la suite d’un vote 
unanime du Conseil, auquel se joindra certainement la Société 
tout entière. 


Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. 


Décisions DU CONSEIL. 


M. Charles Couvreux a été délégué pour représenter la 
Sociélé à l'Exposition internationale d'Aviculture qui doit 
avoir lieu, en mai prochain, à Saint-Pétersbourg. Cette dé- 
légation s'applique également au Congrès qui se réunira 
pendant l'Exposition, sous la présidence d'honneur de $. A. 
I. le Grand Duc Nicolas Nicolaïevitch. 

Le Conseil prenant en considération un projet présenté par 
M. Paul Wacquez, vice-président de la Section d’Ornitho- 
logie- Aviculture, a décidé qu’une série de petites Expositions 
d'Oiseaux et de Plantes aurait lieu successivement au siège 
de la Sociélé, dans la grande salle du rez-de-chaussée. Ces 
Expositions feront passer sous les yeux du public les plus 
beaux types d'Oiseaux de volière, de parc et de basse-cour. 
Elles comprendront, en outre, diverses plantes utiles ou orne- 
mentales, pouvant intéresser l’acclimatation. 


340 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


La première de ces Expositions, consacrée aux Oiseaux 
de cage exotiques, s'organise en ce moment. Elle sera ou- 
verte, en effet, les 25 et 26 mars. Un certain nombre de ré- 
compenses y seront décernées. Une Commission formée des 
Bureaux des Sections d’Ornithologie-Aviculture et de Bo- 
tanique-Culture et comprenant, en outre, le Président, le 
Secrétaire général et le Trésorier de la Société, est chargée 
de tout ce qui concerne les Expositions. 

Enfin, le Conseil a fixé, comme suit, le prix des ouvrages 
d'Ichthyologie de feu le Dr Emile Moreau, dont les héritiers 
ont offert l'édition à la Société. 

Histoire naluielle des Poissons de la France, trois vo- 
lumes grand in-8 avec 220 figures dessinées d’après nature. 
Volume 1 : VII-480 pages. — Volume 2 : 572 pages. — Vo- 
lume 3 : 698 pages et un supplément de 144 pages avec sept 
figures. Paris, 1881-1891; prix : pour les Membres de la 
Sociélé d'Acclimalalion, broché, 20 fr. Pour le public: 
32 francs. L'ouvrage complet se vendait 73 fr. en librairie. 

Manuel d'Ichthyologie française, un volume petit in-8 de 
VIII-650 pages avec trois planches. Paris 1892. Prix : pour les 
Membres de la Société à’ Acclimatation,hroché, ? francs. Pour 
le public : 4 francs. L'ouvrage se vendait 8 francs en librairie. 

Le Conseil se félicite de pouvoir contribuer ainsi à ré- 
pandre, en les mettant à la portée de tous et avec un avan- 
tage particulier pour les Membres de la Société d'Acclima- 
tation, les livres les meilleurs et les plus complets qui aient 
été écrits sur les Poissons de la France (1). 


ELECTION D’UN MEMBRE HONORAIRE. 


M. le Président informe la Société que le Conseil lui pro- 
pose de conférer à M. le Dr Bretschneïider, de Saint-Péters- 
bourg, le titre de Membre honoraire. L'Assemblée, à l’unani- 
mité, ayant accepté cette proposition, M. le Président pro- 
clame Membre honoraire de la Suciélé d’Acclimatation, 
M. le Dr Bretschneïider, ancien médecin de la Légation de 
Russie à Pékin. (Applaudissements.) 


(1) Il est intéressant de rappeler ici qu’à l’époque de son apparition, le grand 
ouvrage du D' Moreau fut distingué par la Société d’Acclimatation qui décerna 
à son auteur un prix de 500 francs, l’une des plus hautes récompenses dont 
elle put disposer. 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 341 


PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. 


M. le Président proclame les Membres admis par le Conseil 
depuis la dernière séance générale : 


MM. PRÉSENTATEURS. 
BruyAnr (Charles), professeur à l’Uni- { A. Berthoule. 

versité de Clermont-Ferrand (Puy-de- j Baron J. de Guerne. 

Dôme). Le Myre de Vilers. 


J. de Claybrooke. 
Baron J. de Guerne. 
Wuirion. 

H. Bocher. 

Baron J. de Guerne. 
Le Myre de Vilers. 


| 
| Baron J. de Guerne. 


Couvreux (Charles), propriétaire, 33, rue 
Vineuse, Paris. 


DECKER-DAVID, ingénieur agronome, dé- 
puté du Gers, 1714, boulevard Males- 
herbes, Paris. 


DEJEAN (Jules), négociant, 53, quai de 


Bose, Cette (Hérault). C. de Lamarche. 


Le Myre de Vilers. 
H. Bocher. 

Baron J. de Guerne. 
Le Myre de Vilers. 
Debreuil. 

Baron J. de Guerne. 
Le Myre de Vilers. 


GaurTiEr (Melchior), administrateur de la 
Compagnie lyounaise de Madagascar, 
29, rue de Trion, à Lyon. 


MERLIN, notaire, 37 bis, rue de Bourgogne, 
Paris. 


DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. 


En l'absence du Secrétaire des séances, M. le Secrétaire 
général procède au dépouillement de la correspondance. 


Aquiculture. — M.le D' Wiet (Mb)demande où il pourrait 
se procurer des Perches crappies et des Cambarus. 


Botanique. — M.le Professeur Heckel, de Marseille, (Mb), 
répondant à une demande de renseignements sur la signi- 
fication morphologique des points polaires des tubercules 
d'Ignames, adresse à M. le Secrétaire général une lettre qui 
sera insérée au Bullelin. 

— M.le Dr Wiet demande s’il existe des Opuntia pouvant 
supporter le climat de la région située à la limite nord du 
bassin de Paris. 

Cheptels, distribution d'œufs de Poissons et de 
graines. — M. le comte de Vergennes (Mb) adresse un rap- 
port sur les Tinamous roux qu'il a reçus en cheptel et qui se 


342 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


trouvent dans le département de l'Yonne, aux environs de 
Saint-Fargeau. 

— Des œufs de Truites arc-en-ciel sort demandés par dix- 
huit membres de la Société. 

— La Sociélé a recu également un très grand nombre de 
demandes de graines. Il a pu être donné satisfaction à la plu- 
part d’entre elles. 


— M. le Professeur Igino Cocchi, de Florence (Mb), offre 
à la Sociélé des graines de Ginko biloba récoltées au nord de 
la Spezzia. Il donne sur les arbres qui les ont produites des 
détails intéressants qui seront publiés au Bullelin. 


COMMUNICATIONS ORALES. 


Présentation d'ouvrages. — M. le Secrétaire général 
signale, parmi les livres récemment offerts à la Sociélé pour 
sa bibliothèque, un volume édité avec un grand luxe par 
M. le comte de Chabot et qui a pour titre : La Chasse à tra- 
vers les dges. L'envoi de cet ouvrage avait été annoncé par 
l’auteur lors de la dernière séance. 


— M. Mouillefert, Professeur à l'École d'Agriculture de 
Grignon, adresse l'ouvrage considérable dont la publication, 
commencée il y a plusieurs années, viens d’être terminée et 
qui a pour titre : Trailé des arbres et arbustes forestiers 
industriels el d'ornement cullivés et exploités en Europe et 
plus particulièrement en France. 

Ces livres seront soumis à l'examen de la Commission des 
récompenses. 


— M. Thorndike-Nourse (Mb) adresse un exemplaire de son 
travail illustré de photographies originales sur les Valli de la 
Vénétie, présenté au Congrès international des pêches mari- 
times à Dieppe. 


— M. Paul Bourdarie communique diverses lettres rela- 
tives à la protection et à la domestication de l'Éléphant 
d'Afrique, il se félicite de voir que la question semble inté- 
resser de plus en plus le public. C'est ainsi que M. Foa va 
faire, à Toulouse, au Congrès des Sociétés savantes qui doit 
se réunir en avril prochain, une conférence sur l’Eléphant 
d'Afrique. M. de Guerne dit qu'il a prêté à M. Foa toute une 
série de projections pour cette conférence dans laquelle il 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 343 


sera rendu hommage au zèle de M. Bourdarie et à l’œuvre 
poursuivie sous les auspices de la Société d'Acclimatalion. 
M. le Secrétaire général ajoute qu'il a prié les délégués de la 
Sociélé au Congrès de Toulouse de distribuer à cette occasion 
un certain nombre de tirages à part de la notice publiée 
dans le Bullelin sur le dressage et la domestication d’un 
jeune Eléphant d'Afrique au Fernan-Vaz. 


— M. le Secrétaire général annonce que la Section des 
Mammifères se préoccupe d'organiser une excursion à la 
Chèvrerie modèle du Val-Girard, fondée par M. Crepin, et 
sur laquelle celui-ci a déjà publié dans le Bulletin un intéres- 
sant article (voir ci-dessus, p. 76). La production du lait 
dans l'établissement est aujourd'hui régulière et assez abon- 
dante. Plusieurs Membres de la Société, et notamment M. De- 
breuil, ont pu goûter à ce lait sans saveur spéciale et qui 
ne rappelle en rien celui des Chèvres quelconques. 


— M. E. Belloc, président de la Société centrale d'Aqui- 
culture et de Pêche, spécialement invité à assister à la séance, 
fait une communication sur la nécessité qu'il y a de faire 
observer les lois relatives à l'épuration des eaux industrielles 
avant leur déversement dans les rivières. Il n'existe aucune 
cause aussi grave de dépeuplement des eaux douces que les 
empoisonnements constants provenant de ce chef. Peu im- 
porte de poursuivre des travaux de pisciculture, si on laisse 
détruire sans cesse les produits obtenus à grande peine et 
souvent à grands frais. La Société d’Aquiculture a entrepris 
auprès des pouvoirs publics Les démarches nécessaires pour 
arriver à faire observer la loi. M. Belloc demande à la Société 
d’Acclimatation de vouloir bien s’associer au mouvement qui 
a été ainsi provoqué. 

Une discussion générale s'engage à la suite de la commu- 
nication de M. Belloc. M. Decroix demande si la question des 
eaux résiduaires a été complètement étudiée et si l’on a pro- 
posé des moyens réellement convenables pour épurer ces 
eaux avant de les rejeter dans les rivières. M. le comte d'Es- 
terno dit qu il ne s’agit pas d'étudier aujourd’hui des moyens 
nouveaux à proposer aux intéressés, mais simplement de 
faire observer une loi existante et au sujet de laquelle les 
agents de l’autorité semblent être souvent mal renseignés ou 
trop tolérants. Le rôle de la Société qui défend les Poissons, 


(ICE. Le d'a EEE he 
or Ne = 


344 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


consiste actuellement à faire poursuivre l'application de la 
loi. Cela n'empêche pas les industriels de travailler d'autre 
part, de concert avec les chimistes, les hygiénistes et tous les 
techniciens, pour découvrir, s ilse peut, des moyens nouveaux 
et perfectionnés d’épurer les eaux des usines. ; 

M. le Secrétaire général dit que la question a été discutée 
à la dernière séance de la Section d'Aquiculture dont l'avis 
paraissait favorable aux idées de M. Belloc et qu'il ne voit 
pour sa part aucun inconvénient à ce que la Société d'Accli- 
matation appuie de son influence et de son autorité les justes 
revendications formulées par la Société d'Aquiculture. 

Après un échange d'observations de M. Cacheux, qui se 
place surtout au point de vue de l'hygiène, du D' Trouessart, 
de MM. Berthoule et de Guerne, M. le Président déclare la 
discussion close et consulte l'assemblée sur le point de savoir 
si elle est d'avis de s'associer au mouvement provoqué par 
M. Belloc. Un vote unanime étant émis dans le sens affir- 
matif, le Conseil de la Sociélé prendra les mesures nécessaires 
pour agir comme il convient. 

— Au nom de M. le D° Clos (Mb), Directeur du Jardin 
botanique de Toulouse, lecture est donnée d’un travail inti- 
tulé : Encore l’Astragale en faux (voir Bullelin, ci-dessus, 
p. 127). Le mémoire communiqué à la Section de Botanique, 
dans sa dernière réunion, lui a paru devoir être présenté en 
séance générale, étant donné son intérêt. M. le Président 
insiste sur ce point et exprime le vœu que les Sections ren- 
voient souvent ainsi à l'assemblée générale des études dont 
les spécialistes ont pu apprécier la valeur. 


La séance prenant fin, M. le Secrétaire général invite l’as- 
sistance à se retrouver le lendemain et le surlendemain (25 
et 26 mars) dans la même salle. Celle-ci, complètement trans- 
formée, sera remplie d'Oiseaux de cage exotiques qui, pour 
la première fois, peut-être, dans une Exposition semblable, 
seront exactement déterminés. Ce résultat est dû à M. Ous- 
talet, qui a bien voulu mettre au service de la Sociélé sa 
science ornithologique. j 

Pour le Secrétaire des séances, 


JULES DE GUERNE, 
Secrétaire général. 


ue. BULLETIN 


‘ss DE LA 


NUGIETE NATIONALE D'ACCINATATEON 


DE FRANCE 


(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


LI 


46° ANNÉE 


é NOVEMBRE 1299 


SOMMAIRE 


A. DELAVAL. — Elevage de Poissons télescopes de la Chine et du Japon à Saint-Max- 
me ae Romans dédudunen set tr Jets ALAN e ee cie GA PP LE 


“H. SARRAZIN.— Sur la production du Caoutchouc au Soudan français. .............. 359 
G. MAGNE.— Rapport sur l'Exposition internationale d’Horticulture de Saint-Pétersbourg. 371 


| Extraits des procès-verbaux des Séances de la Société : 


: 
; 


Séances générales du 28 avril et du 26 mai 1899................................. Er 
3° Section (Aquiculture). — Séances du 27 mars et du 24 avril 1899......,............ . 389 
J Extraits de la correspondance : 

; 


PROCHO WSKY.— Cultures diverses aux environs de Nice...............,........ 391 
D ZENK.— Demande de graines......,........ ss... PNR dec ss HAS LIA 


La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


Ra ————— 


Un numéro 2 francs ; pour les membres de la Société 4 fr. 50 


AU SIEGE 
DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE 


41, RUE DE LILLE, 41 
PARIS 


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Le Bulletin paraît tous les mois. 


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PEINTURE IGNIFUGE DITE ANTI-PÉTROLEUR 


Au moment où l'horrible désastre du Bazar de la Charité est encore présent à loutes les mé 
moires, il convient de signaler la découverte récente, par M. de Preux, d'un produit désig£ 
sous le nom d’Anti-Pétroleur et qui rend les objets traités par lui absolument incombustibles. 

M. de Preux a fait, il y a peu de temps, à Saultain, près Valenciennes, des expériences déc 
sives à ce sujet. Deux baraques de bois blanc recouvertes de carton bitume et tendues de jut 
l’une imprégnée du nouveau produit, l'autre à l’état naturel, ont été remplies de copeaux imb Dé 
d'éther. Les copeaux ayant été allumés, la baraque qui avait subi la préparation resta complèleme 
intacte, tandis que l’autre était détruite en quelques instants. Mis en presence d’un chalume 
dégageant 1,200 degrés de chaleur, le bois n’est percé qu'après 25 minutes et le carton bitumé # 
contracte, mais ne brûle pas et ne se fond pas. Les objets en celluloïd ne s'enflamment pas lOr 
qu’ils ont été traités par l'Aéi-Pétroleur. 

Après les mêmes expériences faites en grand à l'Exposition de Bruxelles, au parc du Cinqu an 
tenaire, le Jury international a accordé, à l'unanimité avec ses plus sincères félicitatic nt 
à l'Anti-Pétroleur, un diplômé de médaille d'or, la plus haute récompense dont il poux 
disposer. | 

Le produit inventé par M. de Preux rendra d'immenses services. Il est déja employe dans 
certain nombre d'usines et il a été adopté parla Compagnie du Nord qui s’en sert dans & 
dépôts de machines. 4 

S'adresser pour les commandes et les renseignements au régisseur du château de la Ville 
à Saultain (Nord). 


345 


ÉLEVAGE 


DE 


POISSONS TÉLESCOPES DE LA CHINE ET DU JAPON 


À SAINT-MAX-LEZ-NANCY (1) 


par Albert DELAVAL. 


Études photographiques d’après les Poissons vivants. — Description des diffé- 
rentes races ou variétés de Poissons télescopes. — Pontes. — Éclosions. — 
Élevage des alevins. — Alimentation des jeunes et des adultes. — Plantes 
propres à garnir les aquariums. — L’Ouvirandra fenestralis de Madagascar. 
— Observations sur les Fundules verts du Brésil, 


Je désirais vivement présenter à la Société d’Acclimatation 
de France le résultat de mes essais d'élevage et de repro- 
duction en aquarium d'appartement du Poisson télescope de 
la Chine et du Japon, tenant surtout à remplacer par des 
photographies prises sur le vif, les descriptions toujours 
longues, souvent peu claires et plus ou moins fantaisistes : 
mais jusqu'alors, les procédés connus pour obtenir des images 
nettes à travers les glaces et la couche liquide étaient si com- 
pliqués que je n'avais pu réussir. 

Au mois d'août 1898, un jeune ami, M. H. Carquillat, ingé- 


(1) Les observations de M. A. Delaval, résumées par M. J. de Guerne dans la 
séance de la Section d’Aquiculture le 30 janvier 1899 (voir ci-dessus, page 292}, 
n'étaient, dans l'esprit de l’auteur, que des commentaires fournis par lui à 
l'appui de divers documents [Album d’Aquarelles et de Photographies : Deux 
en couleurs et trente-six planches ; — Photographies stéréoscopiques sur verre : 
— Diapositifs par projections). Ces documents, présentés à la Soriété et soumis 
à la Commission des récompenses qui les a jugés dignes d’une haute distinction 
(Grande Médaille d’argent hors classe à l'effigie d'Isidore (xeoffroy Saint-Hilaire, 
1899), ont été favorablement appréciés de tous ceux qui ont pu les examiner. 
_— Pour donner l’idée de l’œuvre si consciencieuse poursuivie par M. A. Delava), 
il a paru utile de publier ses notes dont il est superflu de faire ressortir l’intérét. 
Le Comité de rédaction a cru devoir leur conserver la forme que l’auteur lui 
même leur a donuée ; c’est avant tout une explication de planches, donnant lieu 
à divers commentaires et excluant aiusi, dans l'exposé des faits, ua ordre rigou- 
reusement méthodique; de là également le renvoi aux illustrations, bien que 
celles-ci n’aient pu être reproduites. 

La Société d’Acclimatation a publié déjà plusieurs notices sur les Poissons 
télescopes. Voir notamment : Carbonnier, Sur la reproduction et le développe- 
ment du Poisson télescope originaire de la Chine, novembre 1872; Vaillant, Les 
Poissons d’aquarium, mai 1892 ; de Schaeck, Histoire du Poisson doré, 5 et 
20 août 1893. 


Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899, — 93 


346 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


nieur agronome, eut l'idée de photographier un de mes aqua- 
riums placé au dehors, en plein soleil. Ses clichés, de très 
petite dimension, furent confiés, pour être agrandis, à notre 
habile constructeur nancéien, M. H. Belliéni. Séduit par la 
curiosité et l'originalité du sujet autant que par l'intérêt 
qu'offrait cette expérience à son esprit chercheur, celui-ci 
voulut la tenter lui-même, avec des plaques spécialement pré- 
parées ; après quelques essais sur des fonds différents, le ré- 
sultat d’une épreuve prise à contre-jour et sans fond décida 
M. Belliéni à procéder de cette facon pour les autres. 

Les vues stéréoscopiques sur verre obtenues avec la photo- 
jumelle Belliéni, ainsi que les clichés pour projections que 
j'ai l'honneur de présenter à la Sociélé, donnaient quelques 
plaques d’une grande finesse et d’une certaine valeur artis- 
tique qui furent communiquées aux Sociétés photographiques 
de Paris et de Nancy. 

Toutes les planches de l’Album soumis à l'examen de la 
Sociélé sont des agrandissements des clichés en question : 
elles offrent, au point de vue biologique, l'intérêt très réel de 
représenter avec une scrupuleuse exactitude le Poisson téles- 
cope, qu'on pourrait prendre pour un être fantastique, dans 
toutes les phases de son développement et de saisir, dans 
les attitudes les plus variées, le mécanisme de sa queue, de 
ses nageoires ainsi que les différentes formes d'exophtalmie 
et de gibbosité qu'il présente. 

J'ai essayé de reproduire à l’aquarelle en tête de cet album 
cinq des plus beaux Poissons qui formèrent la souche prin- 
cipale de presque tous ceux qui s'y trouvent photographiés 
et que je ne possède plus. 


* 
x * 


Sans prétendre écrire ici un traité sur l'élevage du Téles- 
cope, j'ai tenu cependant à résumer les observations que j'ai 
pu faire depuis six années et que j'ai pris soin de noter jour 
par jour, pour aider ceux qui comme moi voudraient tenter 
de dérober à la Chine et au Japon le secret de l'élevage et du 
perfectionnement de l'hôte le plus curieux et le plus brillant 
de nos aquariums. 


* 
0x 


Autour d'un pied de Sfaliotes aloïdes, nagent une trentaine 


ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 347 


d'alevins de Poissons télescopes âgés de six semaines (1). La 
différence déjà sensible dans le développement des sujets, 
s’'accentuera de plus en plus sans qu’il me soit possible d'en 
déterminer la cause. 

Pendant les huit premiers jours, l’alevin est alimenté par la 
résorption de la vésicule ombilicale, il se met ensuite à la 
poursuite des Infusoires et des végétaux microscopiques qui 
se produisent naturellement dans l'aquarium. Aussi ne faut-il 
pas laisser plus d’un alevin pour une contenance de 2 litres 
d’eau à une température minimum de 18° C. On ajoute de pe- 
tites Daphnies dès que les jeunes Poissons sont de taille à les 
saisir. Il est bon de laisser en faible proportion, des détritus 
végétaux. 

Le tableau ci-après indiquera les époques les plus favo- 
Tables à la ponte ainsi que la température à laquelle elle se 
fait généralement. 


Année. Date des pontes. Température de l'eau. Date des éclosions. Durée de l'incubation. 
1893. 14 mai. 19° C 19 mai. 5 jours. 

17 juin (matin). 24° 19 juin (soir). DR 

27 juin. ? 1er juillet. 4 » 
4891. 12 février. 7e Ponte sans résultat. 

23 février. ? Id. 

30 mars. 200 Id. 

9 avril (midi). 26° 11 avril. 22 

12 mai. 11/4 17 et 18 mai. 5 » 

1er juin (matin). 220 5 juin (midi). AD OU 

10 septembre. 1501/2 Ponte sans résultat. 

24 septembre. 2 30 septembre. 6 » 
1895. 2 mai. x Ponte sans résultat. 

11 mai. 9 Id. 

16 juin (2). 18°1/2 24 juin. 8 » 
1896. 1° juillet. 229 Ponte sans résultat. 

24 juillet. ? Id. 

25 juillet. 21°1/4 29 juillet. 4 >» 
1897. 5 juin (matin).  20°1/2 9 juin (matin). 4 » 

14 août. ? 20 août. GED 
1898. 21 mai. 16° Ponte sans résultat. 

12 août. 2BON PE TS août, SH 


(1) Planche 1. 
(2) Cette ponte a été effectuée dans un bassin recevant peu de lumière, ce 
qui a manifestement retardé l’éclosion. 


348 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 
47 TABLEAU. 2: TABLEAU. 
Époque et nombre Concordance de la température 
des pontes et des éclosions de l’eau 
(4893-1898). avec la durée de l'incubation. 
Nombre des Degrés J 
Mois. Pontes. Éclosions. centigrades. Durée de l'incubation. 
Par mois. 

Janvier. ee .ae » » 15° 1/2 
HMEVRET ee ce 1 » 16° 
Mars ALERTE L » ire 
Aves: à FT - 1 1 17°1/4 5 jours. 
1, ÉTÉ ANERR ESS 5 4 18°1/2 8 >» (peu de lumière). 
LIT) 19230 + 4 190 5.2» 
Juet:--------2e 2 1 20° 
AOHÉ= Eee 2 2 200 1/4 4 » 
Septembre....... 2 1 20° 1/2 4 » 
Helohre = 7.-- » » 22° 4 >». 1/2 
Novembre ....... » » 229 
Décembre........ » » 23°1/2 31% 

249 2] DEAR 

26° 24% 


Voici quelques Poissons photographiés au hasard dans un 
élevage âgé de trois mois (1). Deux ont déjà pris couleur — 
dans des conditions identiques, certains Poissons commencent 
à deux mois, d'autres à un an et au delà — l’un est d’un blanc 
nacré pur avec le bulbe des yeux bleu outremer, l'autre rouge 
et blanc. Dès les premières semaines, quand ils ont encore la 
couleur du bronze, les Télescopes présentent deux nuances 
distinctes, une claire et une foncée, les blonds et les bruns. 

Le phénomène de la mue s’accomplit sans que les écailles 
tombent : c'est le pigment qui change de couleur, les plus 
foncés deviennent noirs avec des reflets veloutés prune et 
presque toujours prennent des tons d'or rouge, soit en tota- 
lité, soit en partie, les nageoires noires restent souvent 
opaques. Les autres couleurs sont le blanc perle avec un 
superbe orient irisé rose tendre ou bleu céleste, le jaune paille 
plus ou moins ocré, le rouge saturne et le vermillon allant 
jusqu'au carminé. Toutes ces couleurs, sauf celle du blanc et 


(1) Planche 2. 


ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 349 


du noir que je n’ai jamais trouvées réunies, se juxtaposent 
capricieusement sur un même Poisson. Le bulbe des yeux se 
colore des teintes d’or et d'argent les plus brillantes, du noir 
le plus velouté, de toute la gamme des rouges, et des plus 
beaux bleus à reflets de bronze. 

A cet âge, les Poissons se nourrissent dé Vers de vase 
(larves de Chironomus plumosus) et de vermicelle fin aux 
œufs. 


Tous les Poissons, reprégntés dans les planches suivantes 
sous tous leurs aspects (1), proviennent d’un élevage de 1897. 
La ponte eut lieu le 5 juin, à sept heures et demie du matin 
par 20° C de température dans l’eau, d'une femelle âgée de 
deux ans, déjà née chez moi, accouplée à deux beaux mâles 
(représentés sur la planche coloriée n°2, sous les numéros III 
et IV). L’éclosion commenca le mercredi 9 juin, à onze heures 
du matin. Les alevins restèrent pendant deux jours immobiles 
contre les plantes et les parois de l’aquarium exposées à la 
lumière. Les parents avaient été retirés sitôt la ponte finie, 
(elle dure environ deux ou trois heures), car leur premier soin 
à tous deux eût été de dévorer leur progéniture, et l'épouse 
dénaturée de ce nouveau Saturne se ferait sa complice dans 
l’'assouvissement de son aveugle passion. 

Sur un élevage de cent cinquante alevins, j'en retirai le 

13 juillet, onze à queue simple et normale et vingt-huit à 
queue double, qui s'étant beaucoup moins développés que les 
autres, risquaient d'être mangés par eux. 
- Voici le résultat d'une expérience d'alimentation artificielle 
des alevins : quatre furent placés dans un aquarium et nourris 
exclusivement avec de la farine de froment : au bout d’un 
mois, trois restaient qui n'avaient pas grossi. 

Quatre autres, également séparés, furent alimentés avec 
une poudre très fine faite de chrysalides de Vers à soie sé- 
chées : un seul a survécu, plus gros du double que les pré- 
cédents, mais n’atteignant pas la moitié de la taille des Pois- 
sons du grand élevage. 

L'alimentation artificielle n’est possible pratiquement, que 
si l’on dispose d’un filet d’eau courante pour empêcher l’eau 
de se décomposer au contact des matières organiques telles 


(1) Planches 3 à 10. 


350 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


que jaune d'œuf dur délayé, lait d'œufs de Fourmis frais 
pressés, Vers de vase découpés. J’ai essayé également de la 
poudre de rate séchée au four, pilée et tamisée dans une mous- 
seline fine; cette poudre, trop lourde, tombe trop vite au fond 
où le Poisson ne se décide pas à aller la chercher. 

Sans en garantir absolument les bons effets, je lui préfère 
la poudre fine des chrysalides de Vers à soie séchées, à la- 
quelle on ajoute (au moment de la distribuer, pour l'empêcher 
de prendre un mauvais goût), un quart de farine de Froment 
et un peu de phosphate de cha. Cette préparation, très 
légère, flotte à la surface et tombe lentement au fond en exci- 
tant par sa chute la convoitise de l’alevin. 

Il faut en donner peu et souvent, en enlevant tous les jours 
avec une pipette les parcelles non absorbées. On peut sus- 
pendre à cet effet au-dessus de l'aquarium un petit tamis 
garni de mousseline qu'il suffit de secouer légèrement pour 
en faire tomber la quantité nécessaire. 

Quand on a un filet d’eau courante, il est bon d'adapter au 
tuyau d'arrivée une de ces petitestrompes en verre de 12 cent. 
de long que j'ai trouvées en Allemagne, pour la saturer d'air. 
Grâce à elles, j'ai pu garder bien longtemps en aquarium des 
Truites, des Écrevisses et tous les Poissons qui ont besoin 
d’une eau très oxygénée. En hiver, cela permet d'introduire 
dans l'aquarium beaucoup d'air avec très peu d’eau de facon 
à ne pas en abaisser la température. 


Les planches qui viennent ensuite montrent divers Poissons 
du même élevage au milieu desquels se trouve un mâle ja- 
ponais (Wakin), âgé de deux ans, dont nous parlerons plus 
tard (1). Parmi les autres, on distingue deux types prin- 
Cipaux : 

1° Poissons globuleux de forme ovoïde, plus ou moins 
gibbeux, exophtalmie prononcée, queue en éventail, moins 
souvent flottant en voile; 

2° Poissons plus allongés, corps déprimé, exophtalmie 
plus ou moins prononcée, queue plus longue et flottante. 

Les Poissons très globuleux, souvent ronds comme un œuf 
et qui ont la queue en éventail, c'est-à-dire portée comme 
celle d’un Paon qui fait la roue, sont souvent sujets à un 


(1) Planches 12, 13 et 14. 


ES 


ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 351 


déplacement ou à une atrophie de la vessie natatoire ; dans 
ce cas, on les voit nager pendant toute leur vie le ventre en 
l’air, la tête en bas, ou sur le flanc. 

Les uns tournoient comme des Pigeons culbutants — et 
portent aussi ce nom de Culbutants — les autres demeurent 
au fond de l’eau. 

J’eus la curiosité d'équilibrer par un flotteur en liège main- 
tenu par un fil d'or fixé après un des rayons de la nageoire 
dorsale, l’un de ces individus trop lourds, et de suite mon 
Poisson se mit à nager d’un air satisfait. 

Quand, au contraire, la vessie natatoire prend un trop 
grand développement, le Poisson reste à la surface. Ces ano- 
malies n'apparaissent pas avant la première année et quelque- 
fois à la deuxième ou troisième seulement. Tous ces difformes 
sont destinés à périr faute de nourriture si on ne prend soin 
de la leur présenter avec une pince. 

L'exophtalmie peut n'atteindre qu'un œil ou être plus 
marquée d’un côté. Le jour arrivant par les parois latérales 
de l'aquarium parait favoriser le développement des yeux. 

Sur bien des centaines de Télescopes que j'ai élevés, je n’ai 
jamais observé l'absence de nageoire dorsale : elle est un des 
signes distinctifs d'une variété coréenne appelée au Japon 
Maruko ou Ranchiu. 

Le doublement de la nageoïire anale chez le Télescope se 
montre indépendant de celui de la caudale; chacune de ces 
deux nageoires peut se présenter sous quatre formes dif- 
férentes : 1° simple; 2 double et complètement séparée ; 
3° double à la base et réunie au sommet; 4° réunie à la base 
et séparée au sommet. 

Chacune des quatre formes de la caudale pouvant, sur le 
même sujet, coïncider avec chacune des quatre formes de la 
nageoïire anale, il en résulte seize combinaisons différentes. 

Cette aptitude au doublement de ces deux nageoires semble 
particulier au Cyprin doré comme celui d’un doigt chez la 
Poule de Houdan. 

L'intéressante étude d’un savant japonais, M. S. Watase, 
qui suppose le développement de plis transmis par atavisme 
d’un ancêtre inconnu, semble reculer la question sans la ré- 
soudre (1). 


(1) S. Watase, Vogakuski, of the Sapporo agricultural college and of the 
imperial University : On the caudal and anal fins of Goldfishes, Journal of the col- 


352 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Voici maintenant des Poissons âgés de deux ans, ayant re- 
produit cette année (1), les alevins représentés à la planche 1 
en sont issus. 

De forme globuleuse, à queue quadrilobée avec des yeux 
très saillants, ils sont rouges ou tachés de blanc, le dessus de 
la tête chez quelques-uns commence à être caronculé, ce qui 
indiquerait une parenté avec le Coréen, de même que cer- 
taine excroissance cornue sur un des rayons externes de la 
caudale. 


Viennent ensuite deux Poissons japonais Wakin (2), l'un 
rouge et l’autre blanc nacré. En dessous, cinq Télescopes glo- 
buleux avec les yeux très développés. Ils sont âgés de deux 
ans. La nourriture à cet âge consiste en une petite quantité 
de vermicelle aux œufs, distribuée tous les matins, plus abon- 
damment en été qu'en hiver, à laquelle on ajoute, au moins 
deux fois par semaine, des Vers de vase (Chironomus plu- 
mosus).Les Chinois, m'écrivait le R. P. Desgodins, nourrissent 
leurs Poissons avec du riz cuit haché. On recommande aussi 
la semoule. J’ai préféré le vermicelle aux œufs, d’abord parce 
qu'il fournit une nourriture animalisée, mais surtout, et ceci 
est très important, parce que l’albumine qu'il contient l'em- 
pêche, quand il est incomplètement digéré, de se délayer dans 
l’eau et de la troubler. | 

J'ai dit qu'il fallait nourrir avec modération, car le Téles- 
cope absorbe sans cesse, et les aliments se poussant dans 
l'intestin finissent par sortir non digérés. Les restes du repas 
doivent être enlevés avec une pipette au bout d’une heure. 


Deux Poissons importés, ägés de plus de quatre ans, de la 
variété à queue en voile appelée Yen-lan-yen sont représentés 
ensuite (3). C’est à cette variété qu'appartiennent ces mer- 
veilleux Poissons de l'Empereur du Japon et dont la queue 
atteint, dit-on, jusqu’à 30 centimètres de longueur. 

La femelle, dont les yeux ont un développement extraordi- 
naire, a souvent reproduit en aquarium; elle est la souche 
du plus grand nombre de mes ;.lus beaux sujets. 


lege of science,vol, I, Part. III, publié par l’Université impériale de Tokio, 
Japon. 

(1) Planches 15, 20 et 21, 

(2) Planches 16. 

(3) Planches 17, 18, 19. 


ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 353 


Voici maintenant les Poissons les plus beaux que j'ai ob- 
tenus (1). Issus de la femelle japonaise Riukin, peinte sur le 
frontispice même de cet album, ils sont âgés de près de trois 
ans. Ce sont deux mâles : l’un blanc et rouge, a des yeux très 
saillants, la tête courte, le corps assez long et déprimé et la 
forme distinguée. La queue comme les nageoires sont très 
développées et d’un tissu fin et transparent, son ampleur la 
fait retomber comme une draperie en plis gracieux et cha- 
toyants, et les mouvements saccadés que lui imprime la pro- 
aression du Poisson dans l'éclat d'un rayon de soleil, pro- 
duisent, grace au miroitement de son tissu, des jeux de 
lumière dignes d’une Loïe Fuller. 

L'autre est rouge, sans exophtalmie, sa queue double, 
divisée en quatre lobes, est bien séparée par le milieu. Il 
représente exactement, comme coloris, proportions et forme, 
le Riukin que nous montre la planche 18, fig. 1, de l'étude de 
M. Watase, citée plus haut. 


Au dernier Poisson décrit ci-dessus, est adjoint un autre 
male japonais Riukin, issu de la même ponte, remarquable 
par le grand développement et la régularité de ses nageoires 
dorsales, ventrales et caudales, mais surtout par son écla- 
tant coloris (2). Le corps a la couleur et les reflets de la nacre 
la plus blanche, passant du rose tendre au bleu d’azur, se 
dégradant en jaune paille à partir des ouïes pour prendre 
une teinte d’ocre à l’extrémité du nez. La queue et les na- 
geoires sont à leur naissance d’un jaune ocré qui s’atténue 
progressivement et passe au blanc laiteux et transparent. Au 
milieu de ce froufrou d’étoffes légères, il semble une gra- 
cieuse mariée qui se drape dans son voile de gaze. 


Trois Poissons japonais Riukin nés en 1896 (3), le plus petit 
est une femelle dont la bouche est d’une exiguïté extraor- 
dinaire. Ils ont pondu le 21 mai 1898, les jeunes avaient 
atteint rapidement la grosseur d’un noyau de prune, quand 
je les trouvai tout à coup flottant à la surface le ventre en 
l'air. Leur bon état, la parfaite limpidité de l’eau où crois- 
saient des touffes d'Ouvirandra, me firent attribuer cet acci- 


‘ 4) Planches 22 et 23. 
(2) Planches 24 et 25. 
{3] Planches 26, 27 et 28, 


t2. L't 


, 


* à à cedate A 


s 0 


nat dl oi rs dette D MT Rd dt LS (ee D) MA ds VASE A, Led De D nn de jé Es D 


Las i3 L' ANS Dr Gad: TL dre Ne, 


354 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


dent à une cause extérieure, telle qu'un violent coup de soleil 
à travers les vitres, qui n'avaient pas été ombrées. 

L'action trop directe d'un soleil ardent est nuisible aux 
Poissons, mais j'ai constaté que plus ils ont de lumière, plus 
ils prennent de vives couleurs, et qu'ils acquièrent difficile- 
ment sous nos climats cette belle teinte d’un vermillon car- 
miné que leur donne le Soleil d'Orient. Ceux qu'on garde loin 
du jour restent d'un rouge orangé plus pâle. 


Ces planches (1) établissent une intéressante comparaison 
entre l'élevage en aquarium et l'élevage dans de grands bas- 
sins extérieurs. Le’ plus gros des Poissons qui s'y trouve re- 
présenté est né en 1895 dans une pièce d'eau cimentée parmi 
les Nymphæas et les Sagittaires du Japon. Il passe en ce 
moment son quatrième hiver dehors, sa rusticité égale l’en- 
durance du Poisson rouge vulgaire. Sa taille est double de 
celle de son compagnon élevé en aquarium : si la queue est 
moins allongée, elle est aussi plus nerveuse. La tendance au 
retour au type est manifeste, grâce à une sélection naturelle 
qui s'établit dès que la race échappe à la protection de 
l'homme. Elle s'opère de plusieurs facons, d’abord par les 
animaux de proie, Insectes, larves. Sangsues, Oiseaux pé- 
cheurs, Rats d’eau et Chats, qui capturent plus facilement 
ceux que leur difformité met dans l'impossibilité de fuir. 
Leurs gros yeux les génent pour voir le danger ou pour 
trouver leur nourriture, leurs nageoires molles les empêchent 
de se dégager de l'enchevétrement des Algues, ils périssent 
retenus par un simple fil de Conferve comme un Lièvre pris 
au collet, ou y laissent au moins leurs yeux, si bien qu’au bout 
d’un certain temps, il ne reste plus que les mieux armés dans 
la lutte pour la vie, à l'exclusion de tous ceux qui étaient 
atteints de difformités. 

Le Créateur a voulu que le privilège de perpétuer la race 
füt réservé aux plus vigoureux. 

Aussi bien, la reproduction du Poisson télescope, qui serait 
si facile dans nos pièces d'eau, ne peut s’y pratiquer dès 
qu'on veut maintenir ou perfectionner les anomalies et les 
monstruosités. 


Les planches 32 et 33 représentent le type le plus commun 


(1) Planches 29, 30 et 31. 


; 
| 
| 


ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 355 


du Riukin mis en liberté et abandonnés à eux-mêmes dans 
de grands bassins ou des pièces d’eau à l’air libre. 

Leurs vives couleurs, leur corps ramassé, leurs longues 
nageoires flottantes et surtout leur queue large, étalée et 
transparente, produisent un curieux effet décoratif qui doit 
les faire préférer au Cyprin doré ordinaire. 

Ils supportent les mêmes abaissements de température et 
leur ponte se fait dans les mêmes conditions. 

Je dirai à ce propos que si le Poisson télescope, à quelque 
variété qu’il appartienne, exige pendant le premier âge une 
température qui ne soit pas inférieure à 18 cent., je conserve 
cependant tous les ans une certaine quantité de Poissons 
adultes les plus beaux, dans le bassin d’une orangerie non 
chauffée où l’eau garde durant plusieurs mois une tempé- 


rature de 3 1/2 à 1°. 


Is mangent peu, se tiennent au fond de l’eau, mais de- 
meurent en parfaite santé. L 

Il ne faut pas attribuer seulement à la nourriture la diffé- 
rence d’accroissement qui existe au profit des Poissons nés 
et élevés dans de grandes pièces d’eau, car il paraît certain 
qu'un animal déterminé se développe jusqu à un certain 
point en proportion de l’étendue du milieu où il vit et que 
l’espace favorise sa croissance. 


Pour obtenir une plus grande netteté dans les épreuves 
photographiques, j’ai dû présenter mes Poissons dans des 
aquariums dépourvus de plantes, de mousse, de sable, enfin 
de tout ce qui aurait pu enlever à l’eau de sa limpidité. Ceux 
où ils vivent habituellement sont au contraire garnis de 
plantes, de sable et même d’une certaine quantité d'humus 
favorable à la végétation et à la digestion des Poissons qui 
en absorbent constamment. 

Les plantes les plus rustiques sont les Fontinalis Mousses 
qui prospèrent indéfiniment sans terre, attachées à des mor- 
ceaux de roche et se contentent de peu de lumière ; il faut les 
tailler pour empêcher leur développement excessif, elles ne 
jaunissent jamais, conservant une belle teinte vert foncé sur 
laquelle les jeunes pousses se détachent en ramifications lé- 
gères d’un vert gai. 

Le Riccia filuilans, sorte d'Hépatique nageante d’eau douce, 
à les mêmes qualités pour garnir la surface de l’eau. 


356 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Et l'élégant S{ratiotes aloïdes, flottant entre deux eaux, 
s'élève ou s'abaisse selon que la température monte ou 
descend. 

Bien d’autres plantes peuvent garnir momentanément 
l'aquarium : une des plus curieuses est l'Ouvirandra fenes- 
tralis que ces planches reproduisent bien imparfaitement. 

Elle me fut envoyée de Madagascar par mon ami le com- 
mandant de Mondésir, chef du génie à Beforona, dans une 
boite en fer blanc bien soudée et remplie de mousse qui en 
contenait douze racines semblables à celles des Scorsonères. 

Arrivés à Nancy, le 20 janvier 1898, par un froid de — 10° C., 
elles furent plantées en pots : quatre pieds dans de la vase, 
quatre dans de la terre de Bruyère et quatre dans du sable de 
rivière, les pots furent submergés. La température de l'eau 
fut d'environ 13° C. pendant trois mois. 

Ce n'est qu'au mois de mai qu'ils entrèrent en pleine végé- 
tation (vers 19), quatre pieds seulement reprirent, mais celui 
qui avait poussé dans le sable pur avait les feuilles plus 
courtes et plus étroites. 

Les Ouvirandra demeurèrent tout l'été dans le bassin 
d'une serre tempérée, placé près du verre, sans ombrage et 
profond de 35 centimètres. Les températures extrêmes furent 
14 et 29°. 

Je n’ai pas obtenu cette année la floraison qui consiste, 
m'écrivait le commandant de Mondésir, « en deux petits ba- 
» lais roses sentant la Vanille et ressemblant à de la Bruyère. 
» L'Ouvirandra pousse dans la Beforona entre les pierres, 
» immédiatement après les cascatelles, légèrement abritée par | 
» 50 centimètres de fond — lit de sable quartzeux et de roches ; 
» de gneiss —. Température moyenne de l’eau : 23 à 24, en- 
» droits ombragés où le soleil pénètre tamisé, où il y a au bord 
» des Fougères arborescentes, qui, elles aussi, ont besoin 
» d'ombre. Écrevisses et Caïmans dans le vivier, Singes dans 
» les arbres, Serpents dans les buissons, nègres aux alentours 
» — tächez de bien réunir ces conditions — eau très claire 
» et tres bonne à boire (1). » 

Ses grands ennemis, sous notre climat, où l'eau courante 
n’a jamais une température assez élevée pour qu'on puisse 
l'y garder, sont les Conferves et les Mousses qui obstruent 


(1) Lettre du commandant de Mondésir, novembre 1898. 


ÉLEVAGES DE POISSONS TÉLESCOPES. 357 


les délicats fénestrages de ses feuilles, ajourées comme une 
dentelle : pour empêcher le développement de ces végétaux, 
quelques Tétards, de jeunes Cyprins et des Lymnées en petit 
nombre sont d'excellents auxiliaires. 

La Lymnée est le meilleur agent d'assainissement des 
aquariums, elle absorbe les matières végétales ou animales 
en décomposition, maintient les glaces en parfait état de pro- 
preté en broutant les végétations qui y apparaissent si rapi- 
dement. La fécondité de ces Mollusques fournit aux alevins 
et même aux adultes, une nourriture très recherchée et très 
riche en calcaire. 

D’après M. Joret (extrait du Maluralisle, 15 décembre 
1893), Ouvirandra viendrait de Ouvé qui veut dire Igname et 
Rano eau, car la racine est comestible comme l’Igname. Les 
feuilles ont atteint chez moi 30 centimètres de longueur sur 
6 centimètres de largeur, ce sont les dimensions de celles qui 
m'avaient été envoyées de Madagascar à l’état sec. 


Plus facile encore à transporter temporairement en aqua- 
rium est la Jacinthe d’eau (Pontederin crassipes ou Pia- 
ropus crassipes). Gràäce au renflement du pédoncule de ses 
feuilles qui lui tient lieu de vessies natatoires, elle se soutient 
sur l’eau, lestée par ses longues racines toutes velues de fines 
radicelles. 

La tige, garnie de fleurs qui rappellent comme dimension, 
transparence et aspect celles d’un Rhododendron, est d’un 
tissu plus léger encore, tendrement coloré de lilas avec une 
petite tache rouille au milieu du pétale supérieur. Cette tige 
se replie au bout de quelques heures pour immerger son pro- 
longement floral qui doit murir ses graines sous l’eau (1). 


Les Poissons qui animent l'aquarium où se trouve le Pon- 
tecleria sont des Fundules verts du Brésil, nés en grand 
nombre dans un bassin de serre pendant le courant du mois 
de juillet à mon insu. La température de l’eau était de 20 
A 250 C. À 

Ce sont de très rustiques petits Poissons, supportant de 
basses températures, car j'en ai repris de très vigoureux sous 
une couche de quelques millimètres de glace. 


(1) Voir Bulletin de la Société d’Acclimatation, mai 1898, p. 151, La Jacintle 
d’eau, par A. Delaval. 


358 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Peu difficiles sur la qualité de l’eau qu’on peut ne pas renou- 
veler, ils doivent être recherchés pour les petits aquariums. 
Ils sont essentiellement carnassiers, leur nourriture consiste 
en larves de Chironômes (Vers de vase) et Daphnies. 

Nos essais pour leur faire accepter de la poudre de Vers à 
soie ont échoué. 

Le Fundule vert est un Poisson vif, capable de faire des 
sauts de plus de 15 centimètres hors de l’eau, il a des mouve- 
ments de petite Truite; au soleil, ses bandes transversales 
alternativement vertes et nacrées à reflets bleus, produisent 
le plus charmant effet. 

Il a l'avantage, moins peut-être que son compatriote, un 
joli Cyprinoïde translucide, appelé je crois Telragonopterus, 
de conserver à l’eau qu'il habite sa limpidité, en prévenant la 
formation des Conferves, à l'encontre des Callicktys qui sem- 
blent la favoriser. 

C’est une spécialité qui doit le faire introduire dans tous les 
bassins où l'on cultive des plantes submergées. 


Je demande pardon à mes collègues d’avoir abusé si long- 
temps de leur bienveillante attention en les entretenant d'un 
sujet aussi exclusif, 

J'ai tenu cependant à ne donner ici que le résultat des 
essais que j'ai faits moi-même pendant six ans. 

J’ose espérer qu’à l'exemple de ce qui se passe à l'étranger, 
le goût des aquariums d'appartement se vulgarisera de plus 
en plus en France. Ils réclament, qu'on le sache bien, des 
soins moins assidus que toute cage ou volière qui ne saurait 
être oubliée impunément pendant deux jours de suite. Ne 
mettent-ils pas aussi sous nos yeux tout un monde nouveau, 
végétal et animal, dont l’observation offre un si captivant 
intérêt ? 

L'élevage indigène abaïissera le prix toujours élevé des Pois- 
sons importés et, grâce à la progression des demandes, res- 
tera cependant fort rémunérateur. 


359 


SUR L'ORIGINE ET LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC 


AU SOUDAN FRANÇAIS 
ÉTUDE DE DIVERSES ESPÈCES DE ZYTHOPHILUM (1) 


par H. SARRAZIN, 


Vétérinaire de l’armée. 


Dans plusieurs ouvrages, publiés par des auteurs de marque, 
on trouve la Liane : Landolphia Heudelotii À. D. C., in- 
diquée comme productrice du caoutchouc en Guinée et dans 
les régions méridionales du Soudan. Il y a là une grosse 
erreur scientifique qu'il s’agit de relever d’abord ; nous en- 
trerons ensuite dans des détails commerciaux qu’entraine 
nécessairement l'étude de cette question du caoutchouc. 

Les auteurs qui ont cité le Landolphia en question ne l’ont 
pas étudié sur place. C’est par l'analyse de feuilles, de fleurs 
et fruits, par des renseignements qu'on leur a donnés, qu'ils 
ont décrit cette plante. Or on sait combien ces genres 
d’études peuvent être entachés d'erreurs. 

Dans son traité des Plantes utiles des Colonies, M. de 
Lanessan a donné la diagnose suivante du ZLandolphia 
Heudeloti : 


Plante frutescente, à feuilles opposées, oblongues, subaigues, pé- 
tiolées, entières, glabres; fleurs en panicules, terminales, pédon- 


(1) Le travail de M. H. Sarrazin conlient des documents d’un grand intérêt et 
le Comité de publication, en décidant son insertion au Bulletin, a montré tout 
le cas qu'il en fait. Il croit cependant devoir insister sur ce point, que la 
xesponsabilité entière de ses opinions est laissée à l’auteur, notamment en ce qui 
concerne ses conclusions de botanique pure. 

. D’après un mémoire récent, publié dans le Bulletin du Muséum d'Histoire 

naturelle et dont les parties les plus importantes sont reproduites ci-dessus, 
page 306 (Hua, Sur une des sources de caoutchouc du Soudan français), le 
caoutchouc du Soudan semble bien provenir en majeure partie du Zandolphia 
Heudelotii. 

Quant au Lytophilum Kissii, il ne parait correspondre à aucune espèce décrite, 
autant qu'on en peut juger toutefois sans avoir vu d'échantillons de la plante, 
‘C'est en tous cas aussi, suivant toutes probabilités, un Zandolphia. — Le mot 
Lythophilum, dont l’auteur ne donne point l’étymologie, est orthographié confor- 


mément à son manuscrit, : 
(Note de la Rédaction) 


360 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


cules opposés à quatre et cinq fleurs, les deux inférieurs plus longs ; 
corolle gamopétale, à cinq lobes étalés, cinq étamines alternes, libres; 
ovaire libre, uniloculaire, turbiné, à dix côtes; deux placentas parié- 
taux, chargés d’ovules ; style filiforme, glabre; baie ellipsoïdale, petite, 
monosperme, à endocarpe ligneux ; graines albuminées. 

Cette espèce donne du caoutchouc par incision. 


Le caoutchouc actuellement fourni par le Soudan et la 
Guinée ne provient pas du Landolphia Heudelotii (famille 
des Apocynées), mais d'une autre Liane qui n’avait pas été 
définie, que nous avons étudiée et pour laquelle nous avons 
établi la diagnose suivante : 


Lythophilum viridis (H. Sarrazin, 1896). Famille des Caprifoliacées 
de Linné. — Liane longue, grimpante, à souches multiples; feuilles 
opposées, simples, entières, sessiles, lancéolées, glabres; fleurs en 
cymes allongées ; calice gamosépale, à cinq divisions ; corolle mono- 
pétale, tubuliforme, à cinq lobes égaux, blanche; cinq étamines 
alternes avec les pétales ; un seul style; un seul stigmate; fruit uni- 
loculaire, sphérique, sans placenta ; graines réparties dans une pâle 
épaisse, de teinte chocolat, albuminées. Fruit jaune orange à maturité. 


Par cette seule description, on voit rapidement qu’on ne peut 
avoir affaire à une Liane du genre Landolphia ni à aucune 
autre du groupe des Apocynées. Quoi qu'il en soit, la Liane qui 
fournit le caoutchouc du Soudan et de la Guinée est généra- 
lement connue sous le nom de Liane got par les indigènes de 
toutes races ; par les Toucouleurs, elle est désignée sous le 
nom de poré. C'est de cette Liane qu’on retire le caoutchouc 
existant actuellement dans le Soudan. 

On a dit, bien trop a priori d’ailleurs, en parlant des 
qualités diverses de caoutchouc expédiées à l'examen com- 
mercial français, qu’elles provenaient de végétaux différents. Il 
n’en est absolument rien, et les qualités commerciales du 
caoutchouc sont dues purement et simplement aux procédés 
de récolte et au moment de la récolte, comme nous allons le 
voir tout à l'heure. 

La Liane goi est répandue un peu partout dans le Soudan, 
mais les points où elle est exploitable sont circonscrits à 
quelques régions. D'une facon générale, les provinces du sud- 
ouest de la Colonie sont des points d'élection remarquables. 
C’est ainsi qu'on la trouve dans le Fouta-Djallon en petites. 
quantités, puis, à profusion, dans le cercle de Kouroussa. Il en 


à ALIAS SCT SRE TU PE SEE EME APS RG 
r TRE ete te 


LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANCAIS. 361 


existe dans les cercles de Siguiri, de Farannah, de Kankan, 
de Kérouané, de Beyla, etc. La province du Ouassoulou, est 
la plus riche de toutes en Liane goï; malheureusement cette 
province, totalement désolée par Samory, est presque inha- 
bitée aujourd'hui. 

Malgré cette grande extension de la Liane goi, il est bien 
loin d’être indiqué qu’elle soit exploitée dans tous ces points. 
Nous avons vu quelques villages, comme Koundian par 
exemple, près de Siguiri, dont les environs sont peuplés de 
Lianes go, aller acheter dans le cercle de Kouroussa l'impôt 
en caoutchouc qu'on leur demandait, au lieu de le fabriquer 
sur place. C’est bien l'indice de cette vieille routine nègre qui 
se manifeste là sous un mode spécial. Il est, en effet, établi 
chez les indigènes que quelques régions fournissent du 
caoutchouc et que c'est là seulement qu’on doit aller se le 
procurer, de même qu’un forgeron de race, seul peut forger 
et jamais un homme libre. Nous avons déjà lutté contre cette 
routine et nous avons obtenu quelques succès en ce qui con- 
cerne le caoutchouc. A nous d'insister encore sur ce point. 


Les procédés d'extraction äu caoutchouc ne sont pas nom- 
breux, on peut même dire que les indigènes n'en emploient 
qu'un seul et, si le caoutchouc est de qualité variable, c’est à 
cause du plus ou moins de soins apportés dans son extraction. 

Le bagage d’un chercheur de caoutchouc est simple; il se 
compose d’un nombre aussi grand que possible de tessons de 
calebasses, troués pour être plus facilement réunis les uns 
aux autres par une corde, d’un petit pot soit en terre, soit 
d’une calebasse sphérique destinée à en tenir lieu, suspendu 
à une ficelle, et enfin d’un couteau. 

Le chercheur s’en va, de Liane en Liane, et, à l’aide de son 
couteau, il fait des incisions profondes et circulaires, autant 
que possible sur des branches horizontales. 

Le suc ou latex coule goutte à goutte dans les tessons dis- 
posés à terre. Quand il en a ainsi disposé un certain nombre, 
l'indigène s'empare de son petit pot et s’en va encore de 
Liane en Liane. Il recueille une aussi forte provision que 
possible de latex qui, non exposé à une forte évaporation et 
en plus grande quantité que dans les tessons de calebasses, 
ne se coagule pas au contact de l'air. Sa journée terminée, le 
travailleur de caoutchouc a donc, d'un côté, une série de 

Buli. Soc. nat, Accl. Fr. 1899, — 24 


362 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


tessons dont le fond est couvert de caoutchouc concreté et, 
d'autre part, un petit pot avec une réserve de latex liquide. 
Avec les doigts, il détache les plaques de caoutchouc ainsi 
formées et les réunit en une petite boule (on sait que le 
caoutchouc récemment formé se soude à lui-même). C'est 
cette boule primitive qui fait la base, la partie centrale des 
boules qu'on trouve dans le commerce. Enfin il ne s’agit plus 
que de coaguler le latex liquide renfermé dans le petit pot. 
Ce suc est coagulable instantanément par tous les liquides 
acides, même à un faible degré, et c'est pour cela que les 
_ indigènes emploient des procédés variables. Les uns se 
servent de la pulpe du fruit du Baobab délayée dans l’eau 
(elle est acide par une assez forte proportion de tanin 
soluble et de tanin insoluble qu'elle renferme), ou bien des 
jus de citron et d'orange, d’autres du da, espèce de feuille 
acide d'une plante du genre Rumex et de la section des 
Acelosella, d’autres encore de certaines écorces d'arbres 
riches en acide tannique, etc. Le coagulum est coupé en une 
longue lanière qu'on enroule autour de la boule précitée ; 
dans ce cas encore, le caoutchouc se soude à lui-même. En 
roulant cette lanière, le travailleur de caoutchouc ménage une 
petite anse formant anneau et permettant plus tard de réunir 
un grand nombre de boules les unes aux autres à l’aide d’une 
corde. 

De ce mode d'extraction, lé seul que nous ayons vu employé, 
— et nous avons visité tous les points du Soudan où ce genre 
de commerce se pratique, — il résulte qu'avec le caoutchouc 
recueilli dans les tessons se trouve une proportion plus ou 
moins grande d’'impuretés. Ces substances étrangères sont en 
général composées de fragments d’écorce ou de bois et de 
feuilles. Leur quantité varie suivant le soin avec lequel les 
récipients ont été disposés et aussi suivant le degré d'agita- 
tion de l'atmosphère. Il n’est point douteux que les jours de 
grands vents ces impuretés sont précipitées en plus forte 
abondance. Nous insistons d’une facon toute particulière sur 
ces faits parce que de tout cela dépend en grande partie la 
qualité commerciale du caoutchouc. 

Nous avons dit plus haut qu’on avait écrit bien légèrement 
que cette qualité pouvait dépendre de l’essence d’arbre em- 
ployée pour la production. Nous ne sommes pas sans con- 
naitre la nature des arbres pouvant donner du caoutchouc et 


LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANCAIS. 363 


nous en indiquerons même, plus loin, un tout particulier, 
absolument inconnu et des indigènes et des Européens, mais 
nous n'ignorons pas non plus que la Liane got est seule 
exploitée dans le pays. Étant donné que cette Liane nous 
donne le caoutchouc actuel du commerce soudanais, il est 
bien certain que ce caoutchouc ne peut pas avoir une compo- 
sition chimique très variable et que sa qualité intrinsèque est 
toujours à peu près la même. Il ne nous reste donc plus que 
sa qualité commerciale à envisager, qualité subordonnée di- 
rectement à la quantité des impuretés qu’il renferme, un peu 
à son mode de préparation et très peu à l'époque où la récolte 
a été pratiquée. 


Il nous faut rappeler un fait, non signalé encore et pour 
lequel nous revendiquons la priorité, c’est que le suc de la 
Liane got, recueilli liquide et soumis à l'action d’un acide, 
pourvu qu'il soit très fortement dilué, se coagule en éliminant 
de sa substance toutes les matières étrangères qu’elle peut 
renfermer. Ces impuretés remontent à la surface du liquide 
coagulant. Il n’y a donc plus lieu de s'étonner maintenant de 
la pureté absolue des lanières enroulées formant l'extérieur 
de toutes les boules livrées au commerce. Il en résulte aussi 
une conclusion bien nette et bien précise, c’est que si tout le 
caoutchouc était recueilli liquide, il serait toujours exempt 
de substances étrangères. Malheureusement, exiger sa ré- 
colte de cette facon, ne peut être qu'une pure utopie pour 
un grand nombre de raisons. La Liane goï, à chaque incision 
faite, ne laisse écouler que quelques gouttes de latex; ce 
n'est que par la multiplicité des incisions qu’on peut arriver 
à récolter un peu de caoutchouc et c’est pour cela que les 
indigènes, dans leur bon sens bestial, font de nombreuses 
incisions au-dessous de chacune desquelles ils disposent un 
tesson-récipient. La quantité recueillie dans leur petit pot, 
destinée à faire une lanière, est toujours bien faible et cette 
lanière n’est elle-même faite que pour donner de la cohésion 
à la boule commerciale. 

Le suc ou latex de la Liane goë se trouve plus particulie- 
rement dans les gros laticifères situés entre l'écorce et le 
bois. On a dit, à tort, que les indigènes sectionnaient la Liane 
pour avoir un rendement supérieur. Nous ne les avons jamais 
vu faire cette opération et ce serait d'autant plus stupide 


364 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


qu'ils n'auraient pas été sans s’apercevoir que le suc n'existe 
que dans les points que nous venons d'indiquer. 

Leurs incisions circulaires sont défectueuses et nuisent à 
la vitalité de la plante; cependant, elles ne sont pas toujours 
totalement circulaires. Il serait bon de préconiser des en- 
tailles verticales ou en forme de croix. Si, incisés, les lati- 
cifères donnent peu de suc, il ne faut accuser que ce suc lui- 
même, trop facilement coagulable à l'air. Aussi, les noirs, 
pour que les incisions atteignent leur maximum de rendement, 
ne négligent rien pour les déterger souvent. 

Les chercheurs de caoutchouc s’absentent quelquefois du- 
rant huit ou dix jours ou plus, dans la brousse, pour faire 
une récolte; ils sont munis de leurs simples instruments de 
travail et d’une peau de Bouc, chargée de vivres. Ils rentrent 
chacun avec une charge de 25 à 30 kilogrammes de caout- 
chouc. Ils aiment les fruits de la Liane goÿ qui renferment 
une pâte épaisse, sucrée et légèrement aigrelette. 

La qualité du caoutchouc ne pouvant, ici, être due qu’à 
la quantité des substances étrangères qu'il renferme, son 
examen devient des plus faciles. Pour ceux qui n’ont pas en- 
core vu le caoutchouc de près, il est simple d’entailler les 
boules et de se rendre compte de la proportion approximative 
des impuretés. Pour ceux dont l'expérience est complète, la 
qualité s’apprécie au degré d'élasticité des boules, soit en les 
comprimant dans la main, soit en les laissant tomber sur le 
sol. Plus une boule est élastique, plus elle est appréciable et 
c'est d'autant plus exact que le degré d'’élasticité du caout- 
chouc varie peu avec son avancement en âge. 

Le mode de préparation peut influer légèrement sur la qua- 
lité du caoutchouc de la Liane goÿ, du goïdien, suivant l’ex- 
pression locale. En effet, quand on coagule le latex, si on le 
laisse tomber en mince filet dans le liquide acide, on obtient 
un coagulum qui, malaxé soigneusement à la main au fur et à 
mesure de sa formation, ne renferme aucune inclusion liquide 
ou gazeuse, ou d'impuretés. 

En versant le latex trop vite, comme il se coagule instanta- 
nément au contact de la dilution acide, il arrive qu’une partie 
plus ou moins forte de ce latex ne se trouve pas en présence 
du coagulant et qu'elle reste incluse au milieu du caoutchouc. 
Ces inclusions, lorsqu'elles sont nombreuses, ne disparaissent 
pas par le malaxage. Il y a aussi augmentation du poids réel 


LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANCAIS: 369 


du caoutchouc, car le latex est un liquide qui n’est pas tout 
entier composé de cette substance, bien loin de là même. 

En versant les liquides acides employés dans le suc recueilli, 
les inclusions sont encore plus fortes et plus nombreuses. 

Au moment des pluies, le suc de la Liane go, est aqueux, 
moins riche par conséquent en caoutchouc; il renferme aussi 
des résines qui, en dehors de ce qu’elles constituent des im- 
puretés, rendent les produits obtenus très poisseux. 

Le caoutchouc de la Liane goi, d’après les quelques rensei- 
gnements qui nous sont parvenus, aurait une composition 
chimique à peu près identique à celle du caoutchouc provenant 
du Brésil, de la province de Para. Sa densité varie de 911 à 
939 ; d’abord blanc nacré, il prend une teinte brune sous la 
pure action de la lumière prolongée. Il est souple, élastique, 
jusque vers la température de 50°; amené à Oo, il est dur et à 
peine extensible. À une température de 100, il devient vis- 
queux et se soude facilement à lui-même; il entre en fusion 
vers 1800. 

Quand il est de fabrication récente et que deux surfaces 
viennent d'être fraichement coupées, elles peuvent adhérer par 
pression. 

Le caoutchouc, insoluble dans l’eau, peut néanmoins être 
dissous dans un mélange de sulfure de carbone et 5 à 6 th 
d'alcool absolu. 

Troost décrit succinctement la préparation définitive du 
caoutchouc de la façon suivante : 


« On commence par le déchiqueter et le réduire en feuilles persillées 
de trous en le faisant passer, sous un filet d’eau, entre deux cylindres 
qui tournent avec des vitesses inégales ; on le débarrasse de cette 
facon des débris de bois dont il est mélangé. Les feuilles séchées et 
saupoudrées de soufre ou d'oxyde de plomb passent entre les cylindres 
d’un laminoir; on les pétrit ensuile dans un loup, pour leur donner 
plus d’homogénéité; enfin on les comprime sous une presse hydrau- 
lique, et on abardonne, pendant des mois, dans une cave, le caout- 
chouc ainsi amené en bloc (caoutchouc bloqué). 

Le caoutchouc, rendu homogène par ces opérations, est découpé par 
des scies mécaniques en lames minces. Celles-ci peuvent être divisées 
en fils de diverses grosseurs (les fils les plus employés sont assez fins 
pour qu'il en tienne 7,000 mètres par kilogramme). » 


Au lieu de coaguler le latex de la Liane goï, à l’aide de di- 
lutions acides, on pourrait le faire en chauffant au bain-marie. 


366 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Vers 90° à 95°, le latex se sépare en deux parties, l’une surtout 
composée d’eau, de glucose et de quelques sels minéraux, 
l’autre de caoutchouc. Cette séparation est assez lente et ilne 
se produit pas d’inclusions liquides ou gazeuses. Le caoutchouc 
ainsi préparé, ainsi que celui qui est coagulé, par évaporation 
au contact de l'air, dans les tessons de calebasses, doivent 
être considérés comme de toute pureté. 

La nature des dilutions acides employées parait influer 
beaucoup sur la densité et la cohésion du caoutchouc. Nous 
avons fait, à ce sujet, un certain nombre de recherches qui sont 
caractéristiques et nous exposons les différentes boules que 
nous avons préparées. 

L’acide sulfurique dilué à 2°/. semble donner les meilleurs 
résultats. Le coagulum produit est sans inclusions, dense, 
élastique ; il brunit moins vite au contact de la lumière pro- 
longée. 

Avec les acides azotique (5 °/.), acétique (10 °/.), oxalique 
(10 c/,), tartrique (15 °/.), on obtient également des coagula de 
toute beauté. 

L’acide chromique (5 °/.) donne un coagulum noïrâtre, peu 
élastique maïs très poisseux. 

Le sulfate de fer, l’acétate de plomb coagulent aussi le 
caoutchouc. 

Il y auraitlieu, nous pensons, de faire des essais nouveaux 
car il pourrait arriver que certains réactifs aient une in- 
fluence spéciale sur les produits obtenus par eux; l'effet de 
l'acide chromique permet de faire une semblable hypothèse. 

Le latex de la Liane go ne donne pas plus de 35 °/, de 
caoutchouc en saison sèche; en hivernage, la proportion peut 
se trouver réduite à 25 */.. Ce liquide, traité par la liqueur de 
Bareswil, fait constater la présence d’une substance sucrée 
qui doit être la dambonite de Girard. 


Tout cela dit, nous n'avons plus qu’à indiquer les quantités 
approximatives de caoutchouc produites par le Soudan. Il 
n'est point douteux que les chiffres que nous allons signaler 
vont être entachés d'erreur, mais cela tient à la méfiance qu'ont 
encore les indigènes de venir chez nous déclarer l’objet de 
leur commerce. 

Au poste de Kouroussa, il a été constaté par le service des 
laisser-passer, un passage de : 


LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANCAIS. 367 


1° En novembre 1896 . . . . . . ‘7,800 kilogrammes. 
2 En décembre 1896. . . . . . . 9,677 — 
DRÉDMARNEr 1897000 US | 19,492 — 
MEME NAIER ONE, 5, 16,085 — 


Soit, en quatre mois, 52,994 kilogrammes de caoutchouc- 
Nous avons pu nous rendre compte qu’une grande quantité 
d'individus, Dioulas ou autres, transportaient à la côte une 
proportion bien plus considérable de caoutchouc que celle 
déclarée au Poste et nous estimons que le chiffre précité peut 
être au moins doublé, ce qui porterait la production mensuelle, 
à Kouroussa, à 25 tonnes environ pour les mois indiqués. A 
côté de cela, il faut tenir compte des boules de caoutchouc 
amenées au marché de Banko, marché beaucoup plus impor- 
tant que celui de Kouroussa. Si, pour ne rien exagérer, on ne 
le porte que comme équivalent à celui de ce Poste, on arrive 
au chiffre mensuel de 50,000 kilogrammes de mouvement 
commercial, en caoutchouc, dans le pays. 

Le prix des boules de caoutchouc, en 1897 et toujours dans 
la méme région, variait entre 20 et 25 centimes, ce qui faisait 
osciller le prix du kilogramme entre 1 fr. 80 et2 fr. 25 (nous 
comptons environ neuf boules au kilogramme). A la côte, soit 
à Sierra-Leone, soit dans nos comptoirs français, le caout- 
chouc est vendu en général 0 fr, 45 à 0 fr. 50 la boule, c'est-à- 
dire de 4 fr. 05 à 4 fr. 50 le kilogramme. 

Actuellement, les indigènes exportent plus de caoutchouc à 
Freetown qu’à la côte francaise, qu'à Konakry, Benli ou Du- 
breka. 

La Liane goi aime les terrains arides, les plateaux à roches 
ferrugineuses; elle se plait dans les fentes des roches. Elle 
préfère un gros arbre pour s'élever, sinon elle pousse sous 
forme de buissons noueux très ombreux. On ne la rencontre 
presque jamais à proximité des cours d’eau. 

Elle se reproduit très bien par semis ; on peut les faire à 
l'apparition des premières pluies. Dès la fin de juillet, c'est- 
à-dire quand l’hivernage bat son plein, on peut la multiplier 
à l’aide de boutures. Sa culture n'a pas encore été mise en 
pratique, que nous sachions; il faut espérer que quelques 
colons la tenteront, car elle est simple, facile, demande peu 
de soins et serait d’un gros rapport. On peut établir les pieds 
à une distance de 2 mètres au minimum, ce qui représente 


368 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


2,500 arbustes par hectare. Une Liane en plein rapport peut 
donner dix boules de caoutchouc par an sans souffrir. Un 
hectare qui fournirait alors 25,000 boules de caoutchouc, c’est- 
à-dire 277 kilogrammes de ce produit, à 4 fr. 50 sur place, 
rapporterait 1,146 fr. 50. Le rapport réel serait certainement 
plus important si on compte que le caoutchouc acheté 4 fr, 50 
par le commerce, ici, est revendu en Europe avec gros béné- 
fices. Il est vrai que nous n’avons pas tenu compte de la main- 
d'œuvre; son prix est peu élevé dans ce pays. 


Dans ces dernières années, nous avons rencontré, dans le 
Kissi, dans la vallée de Guiandan, chez les Tômas, une Liane 
de la même famille que la Liane go, donnant un caoutchouc 
d'une grande valeur, de plus gros rapport, et désignée par les 
indigènes tômas sous le nom de siallé. 


Lylhophilum Kissii (H. Sarrazin, 1896). Famille des Caprifoliacées. 
Grande Liane en souches nombreuses ; corps mince, dépassant rare- 
ment la grosseur du poignet. Feuilles simples, alternes, lancéolées, 
glabres, à face dorsale très brillante. Fleurs en cymes blanches; calice 
monopétale, à cinq petites divisions; corolle gamopétale à cinq 
#g-andes divisions égales; cinq étamines alternes ; un seul style sur- 
rionté d’un seul stigmate. Le fruit est une grosse baie globuleuse; les 
graines sont noyces dans une pulpe jaunâire, albumen corné. 


Cette diagnose est suffisante pour reconnaitre cette plante, 
botaniquement parlant. Dans la pratique, on peut la confondre 
avec la Liane goÿ ou la Liane sagoué, toutes trois d'ailleurs 
appartiennent au même genre Lythophilum. Ses tiges sont 
plus minces que chez les deux autres; ses feuilles sont plus 
petites ; le fruit surtout est globulaire, bien plus gros que 
celui de la Liane go et surtout à pulpe jaunâtre; il se con- 
somme aussi. 

La Liane siallé se rencontre seulement dans les régions que 
nous avons indiquées; nous ne l’avons remarquée nulle part 
ailleurs. Les indigènes ignorent qu’elle produit du caoutchouc. 
En y faisant des incisions en croix, nous avons obtenu un suc 
blanc laiteux, plus épais que celui de la Liane go?, un peu 
moins facile à concréter au contact de l’air. Il nous a paru 
doué des mêmes propriétés vis-à-vis des dilutions acides. Il 


LA PRODUCTION DU CAOUTCHOUC AU SOUDAN FRANCAIS, 369 


renferme une proportion de caoutchouc qui peut atteindre 
40 0/0, bien supérieure par conséquent à son congénère. 

Nous avons rapporté quelques échantillons fabriqués en 
1897. Parmi eux nous avons placé un litre de latex aseptisé 
où on remarque le coagulum de caoutchouc au milieu d’un 
liquide aqueux, sucré, aigrelet. 

Il serait nécessaire de s'intéresser à cette plante nouvelle 
et de la mettre en exploitation. 

Nous ferons remarquer en passant qu’il est impossible d’a- 
septiser le suc des Lianes goi et siallé sans qu'il n’y ait sépa- 
ration du caoutchouc d'avec le reste liquide. 


PLANTES DIVERSES POUVANT DONNER DU CAOUTCHOUC 
ET NON EXPLOITÉES. 


Dans le genre Ficus, de la famille des Ulmacées, on 
trouve, au Soudan, un nombre assez considérable de variétés 
pouvant toutes fournir du caoutchouc. Nous allons nous 
contenter de les citer avec quelques indications sommaires. 


Ficus Afzelii. Cette espèce est une des plus grandes, maiss 
elle pousse avec une extrême lenteur. Elle est facile à recon- 
naître à son écorce blanchätre et lisse. Son latex ne donne 
pas plus de 10 0/0 de caoutchouc. 


Ficus angustissima. C'est une des variétés les plus répan- 
dues. Dans le Grand Beledougou, les Bamanas savent en faire 
du caoutchouc, mais ne l’exploitent pas. Ils ne fabriquent que 
la quantité qui leur est nécessaire pour enduire les petits 
bätonnets servant à jouer du bala {sorte d'instrument de 
musique), afin de rendre le choc plus doux. C’est un très bel 
arbre ne perdant ses larges feuilles que durant un mois à 
peine. Son écorce est rugueuse, d’un brun foncé. Il ne donne 
pas plus de 20 0/0 de caoutchouc. 


* Ficus ferruginea. Il n'est pas moins répandu que le précé- 
dent et possède également un feuillage très touffu. On le 
distingue facilement à son écorce légèrement rugueuse, mais 


370 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


de teinte rouge brique clair. C'est, de tous les Ficus, celui qui 
donne le plus de caoutchouc et de la meilleure qualité ; il en 
fournit jusqu'à 26 0/0. 

Nous citerons encore les Ficus foliorubra, laurifolia, ma- 
crophylla, opposilifolia, racemosa, Tugosa. 


Le caoutchouc de tous les Ficus se forme en perdant son 
eau de combinaison par évaporation. Il jouit d’une particu- 
larité des plus curieuses, c'est de ne jamais se coaguler au 
contact des dilutions acides. Il est d’une qualité supérieure à 
tous les autres caoutchoucs connus et se fait remarquer par 
la finesse de son grain et par une sorte de transparence quand 
sa préparation est récente. 


311 


RAPPORT 


SUR 
L'EXPOSITION INTERNATIONALE D'HORTICULTURE 


OUVERTE A SAINT-PÉTERSBOURG EN MAI 1899 


par G. MAGNE, 
Délégué de la Société. 


A Monsieur le Président de la Société nationale d’Acclimatation 
de France. 


Monsieur le Président, 


J'ai l'honneur de vous rendre compte de la mission que le 
Conseil a bien voulu me confier, de représenter notre Société 
à l'Exposition internationale d’'Horticulture de Saint-Péters- 
bourg. 

Cette Exposition a été ouverte le 5/17 mai 1899, sous le 
haut patronage de Son Altesse Impériale la Grande-Duchesse 
Elisabeth Feodorowna. 

Nous étions cinq délégués français : 

MM. Henry de Vilmorin, Truffaut et Chatenay, représen- 
tant le Gouvernement; — votre délégué ; — et M. Maurice de 
Vilmorin, délégué de la Société des Agriculteurs de France. 

A la constitution du bureau d'honneur, j'ai été nommé 
secrétaire. 

Lors de ma présentation à la Grande-Duchesse Elisabeth 
Feodorowna, Son Altesse Impériale, qui a fait aux délégués 
français le plus bienveillant accueil, a bien voulu me dire 
qu'elle s’intéressait beaucoup à la Société d’Acclimatalion. 

Nous avons recu les marques de la même bienveillance au- 
près des hauts fonctionnaires de l'Empire de Russie à qui 
nous avons été présentés ; et je saisis avec empressement 
l’occasion qui m'est offerte de remercier publiquement ces 
Messieurs de leur affectueuse hospitalité. 

M. Yermoloff, Ministre de l'Agriculture et des Domaines, 
M. le général de Speransky, Président de l'Exposition, M. le 


372 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


baron Witte, chargé de l'administration de l'Exposition, 
M. Fischer de Waldheim, Vice-Président de la Société impé- 
riale russe d'Horticulture et Président de la Section étrangère 
de l'Exposition, nous ont fait le meilleur accueil et nous ont 
donné à tout instant des preuves de leur bienveillante sym- 
- pathie. 

Je remercie tout particulièrement M. Fischer de Waldheim 
qui dirige avec une si haute autorité le Jardin botanique de 
Saint-Pétersbourg, l'un des plus intéressants de l'Europe. 

Dans une audience qu'il a bien voulu m'accorder, M. Fis- 
cher de Waldheim m'a dit qu'il connaissait bien la Sociélé 
d'Acclimatalion, qu'il l’aimait beaucoup et qu'il était prêt à 
l'aider en Russsie de toutes ses forces. 

Notre Société peut donc compter sur lui pour le dévelop- 
pement de son action en Russie. 

Pour témoigner € à M. Fischer de Waldheim nr ma recon- 
naissance, j'ai cru devoir offrir au Jardin botanique quatre 
collections de plantes alpines que j'avais exposées et qui ont 
obtenu une médaille d'or et trois médailles d'argent. 

Il m'a remercié dans les termes les plus flatteurs en quali- 
fiant ces collections de « très précieuses ». 

Il y avait trois collections de plantes de rocailles que le cli- 
mat ne permet pas de cultiver en Russie, des.Sedum, des 
Saxifrages et des Sempervivum. 

En outre, une collection d'environ cent cinquante plantes 
alpines variées parmi lesquelles je puis vous énumérer le 
Gnaphaliuin leontopodium, les Gentiana acaulis et verna, 
toutes les variétés de Cypripedium de nos montagnes, les 
Rhododendron hirsutum album, ferrugineum album, Asler 
alpinus, Daphne cneorum et Daphne alpina, de nombreuses 
variétés de Primula, l'Aquilegia cœrulea, etc., etc. 

Le Jardin botanique avait aussi exposé un lot de plantes 
alpines sortant de ses serres, et par conséquent en bien meil- 
leur état que ces plantes fatiguées par un aussi long voyage, 
mais pour être exact, j’ajouterai que les plantes du Jardin bo- 
tanique m'ont paru être de celles queje cultive en pleine terre 
à Boulogne-sur-Seine, sans aucuns soins particuliers, telles 
que Doronicuim caucasicuin, Primula denliculata, Aqguile- 
gia canadensis, Pelasites officinalis, Scrofularia vernalis. 
Allium alexjanum, Uvrilaria perfoliata, Mizogabum bou- 
cheanum, etc., etc. 


EXPOSITION D’HORTICULTURE DE SAINT-PÉTERSBOURG-+ 373 


L’Exposition internationale de Saint-Pétershbourg, placée 
sous l’auguste patronage de Sa Majesté l'Empereur de Russie, 
a obtenu un brillant succès. 

Les Français, les Allemands, les Belges et les Russes étaient 
nombreux à exposer. 

Les Français étaient au nombre de soixante-dix. 


4 prix d'honneur, outre des prix spéciaux, 
9 grandes médailles d’or, 

13 moyennes médailles d’or, 

24 petites médailles d’or, 

30 grandes médailles d'argent, 

16 moyennes médailles d'argent, 

11 petites médailles d'argent, 

et 1 médaille de bronze, 


tel est le bilan de nos succès, dans lequel votre délégué a 
figuré pour 4 médailles d’or et 3 médailles d'argent, en tout 
sept récompenses. 


Les collections de Rhododendrons, d'Orchidées et les fleurs 
coupées ont eu des prix d'honneur. 

Le Palais de la Tauride où l'Exposition avait été organisée 
se prétait à un bel effet décoratif. 

Notre commissaire général, M. Martinet, avait apporté tous 
ses soins à donner à la Section française l'éclat qu’elle com- 
portait ; il a droit à toute notre reconnaissance. 

Nous devons aussi remercier M. de Montebello, notre am- 
bassadeur, qui nous a témoigné la plus grande bienveillance. 

Tous les exposants ont quitté la Russie enchantés de 
l'accueil qu'ils avaient recu et sollicités de tous côtés pour 
revenir dans ce pays ami de la France. 


Ces Expositions internationales, en dehors des résultats 
immédiats qu'elles procurent aux exposants, ont un autre 
avantage bien plus important pour eux : c’est de créer des 
liens de bonne confraternité, et même dans certains cas de 
camaraderie, entre les divers nationaux qui prennent part à 
ces luttes pacifiques. 

Il en résulte, dans l'intérêt de l’horticulture en général, un 
échange de vues, de communications, d’études, qui, une fois 
créé, ne doit plus s'interrompre. 


374 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Notre Société ad’ Acclimalation trouvera certainement un 
grand avantage à participer à ces Expositions. 

Nous compléterons ainsi nos relations dans tous les pays 
du monde et, par des dons ou des échanges, nous verrons le 
nombre des graines ou des plantes à distribuer à nos socié- 
taires augmenter dans des proportions considérables. 

Je serai heureux si je puis contribuer à ce progrès pour 
une petite part. 


J'ai visité en allant en Russie le Jardin botanique de Ber- 
lin, qui m'a paru fort intéressant même après Kew. 

Il y a pour les collections de plantes alpines une disposi- 
tion de rochers toute particulière qui met tout à fait en valeur 
ces bijoux de nos montagnes, 


315 


EXTRAITS DES PROCÉS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 


SÉANCE GÉNÉRALE DU 28 AVRIL 1899. 


PRÉSIDENCE DE M. WEBER, MEMBRE DU CONSEIL. 


M. Raveret-Wattel, vice-président, s'excuse de ne pouvoir 
assister à la réunion. 

En l'absence du secrétaire des séances, M. le Secrétaire 
général procède au dépouillement de la correspondance. 


DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. 


Notifications, renseignements, avis divers, généra- 
lités. — La Sociélé a recu avis du décès de Me Drouyn de 
Lhuys, veuve du regretté président de la Société. Me Drouyn 
de Lhuys a maintes fois donné des témoignages de l'intérêt 
qu'elle portait aux travaux de la Société. Du vivant de son 
mari, elle fit partie, dès l'origine, du Comité de patronage 
du Jardin d'Acclimatation, où on a pu la voir par exemple, 
donner en public, dans un but d'intérêt général, des démons- 
trations pratiques de sériciculture. Une lettre de condo- 
léances a été adressée à la famille de Mme Drouyn de Lhuys. 

— La Société vient de faire une perte sensible en la per- 
sonne de M. Charles Brongniart, décédé le 18 avril 1899, à 
l’âge de quarante ans. Le défunt, assistant au Muséum d'His- 
toire naturelle, avait été pendant deux ans Secrétaire de la 
Sociélé pour l’intérieur, M. Brongniart s'était consacré spé- 
cialement à l'étude de l'Entomologie. Il laisse inachevés 
d'importants travaux. 

— M. Roland-Gosselin (Mb) que le Bureau avait délégué 
pour représenter la Société d’Acclimatalion aux obsèques de 
Charles Naudin, écrit que Mme Naudin a été très sensible à 
cette attention, qu’elle l’a prié de vouloir bien tenir un des 
cordons du poële et de transmettre à la Sociélé ses remer- 
ciements et ceux de ses enfants. 


— M. le D' Bretschneider, de Saint-Pétersbourg remercie 
la Sociélé d'avoir bien voulu le nommer membre honoraire. 


376 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Il est très sensible à cette distinction et s’efforcera de justi- 
fier la confiance que la Société a daigné lui témoigner. 


— M. de Montlezun (Mb) remercie la Sociélé d'avoir bien 
voulu le déléguer pour la représenter au Congrès des Sociétés 
savantes à Toulouse. 


— M. Pays-Mellier (Mb) envoie quelques détails complé- 
mentaires sur le parc de la Pataudière où il élève depuis 
plus de vingt ans de nombreux animaux. (Voir Bullelin ci- 
dessus, p. 137, 177 et 313.) 


— M. le Directeur du Muséum adresse le programme des 
cours spéciaux faits pour les voyageurs dans cet établis- 
sement. 


Mammifères. — M. le Baron de Parana (Mb) envoie de 
Lordello, Brésil, de nouveaux détails sur les hybrides de 
Zèbre de Burchell et de Jument dont il poursuit l'élevage. 
Les Zébroïides sont appelés, d’après lui, à un grand avenir 
dans les pays chauds. La lettre de M. de Parana sera publiée 
in exlenso. 


Ornithologie, Aviculture. — Le Comité du Congres in- 
ternational d’Aviculture qui doit se tenir à Saint-Péters- 
bourg en mai 1899 adresse le programme et le règlement de 
cette réunion à laquelle prendront part un grand nombre de 


savants et de praticiens de tous les pays. 


— La Ligue ornithophile francaise annonce qu'elle vient 
d'organiser son quatrième concours ayant pour sujet : Définir 
les espèces d'Oiseaux insectivores disparues ou en voie de 
disparaître. — Etablir les dommages causés actuellement à 
l'agriculture par la pullulation des Insectes, avec exemples 
à l'appui. Ce concours sera clos le 3 juin et le résultat pro- 
clamé le 18 juillet 1899. Les mémoires devront être adressés 
à M. L.-A. Levat, à Avignon (Vaucluse). 


— M. Joseph Clarté (Mb) signale de Baccarat, la publica- 
tion faite dans le Bon cultivateur, par les soins de la Société 
centrale d'Agriculture de Meurthe-et-Moselle, de son mémoire 
sur les Oiseaux utiles et leur protection. M. Clarté a fait exé- 
cuter de ce mémoire un tirage à part destiné à être répandu 
parmi les instituteurs et en général dans tous les milieux où 
l'on a intérêt à protéger les Oiseaux. 


Dre 


PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 377 


Aquiculture. — La distribution d'œufs de Truite arc-en- 
ciel récemment faite aux Membres de la Sociélé a donné lieu 
à une volumineuse correspondance qui ne peut être résumée 
ici en détail; elle comprend les demandes d'œufs, divers 
échanges de lettres relatives à des renseignements concer- 
nant les envois, enfin des accusés de réception et des remer- 
ciements. Les envois sont généralement arrivés à bon port 
et les résultats de l'opération paraissent devoir étre satis- 
faisants. 


— M. le général N. de Depp (Mb) écrit d'Odessa, à la date 
du 4 avril, qu'il vient d'obtenir une variété fort curieuse du 
Cyprin doré parle croisement du type commun de cette espèce 
avec le Poisson rouge à queue à éventail. Afin d’en fixer la 
race, qui parait très remarquable par sa couleur, M. de Depp 
cherche à faire reproduire ces Poissons, mais il n’a pu y 
réussir jusqu’à présent. 

— M. le comte G. Barbo demande si la Société pourrait lui 
procurer des Macropodes. Un accident vient de lui faire 
perdre tous les Poissons de cette espèce dont il n’a jamais 
cessé d'obtenir la reproduction depuis vingt-cinq ans. C'’é- 
taient les descendants de sujets achetés en 1873 au fameux 
pisciculteur français Carbonnier. 


— M. À. Lucet (Mb), après avoir décrit la petite rivière de 
Clery, qui coule à Courtenay, dans le département du Loiret, 
constate que les Ecrevisses en ont brusquement disparu. Elles 
y abondaient autrefois, de même que divers Poissons. Les 
Truites sont, du reste, toujours nombreuses en aval, à 8 où 
10 kilomètres de l’embouchure de la Cléry dans le Loing, 
mais elles ne semblent plus exister à Courtenay. M. Lucet 
demande ce que l’on pourrait faire pour repeupler ces eaux 
désertes. 


Botanique. — M. Roland-Gosselin (Mb), à propos de Ia 
mort récente de Ch. Naudin, adresse quelques réflexions con- 
cernant la villa Thuret dont le défunt était directeur. Il est à 
désirer, dit M. Roland-Gosselin, pour toutes nos colonies et 
pour la France continentale, qu'on ne modifie rien à l'état. 
actuel. Les travaux de M. Naudin sont considérables, mais. 
n’ont pas tous encore porté fruit. Il faut un certain temps 
pour en tirer le profit sur lequel il comptait. Toute modifica- 

Bull. Soc. nat. Accl, Fr. 1899. — 25. 


Pb af 1 EE LAS 


378 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


tion actuelle serait fâcheuse et de nature à priver la science 
des résultats préparés par les efforts constants de M. Naudin. 


— M. Pierre Saby demande des renseignements sur l'£uw- 
calyptus urnigera dont on vante la résistance au froid et 
dont il cherche à se procurer des graïnes. 


— M. le Président de la Société d'Agriculture de Cannes 
demande des renseignements sur la Canaïigre, dont la culture 
lui semble devoir être tentée dans le midi de la France. 


— La Société forestière française des Amis des Arbres 
adresse des invitations pour son assemblée générale annuelle, 
qui doit avoir lieu le dimanche 6 mai, à deux heures et demie, 
dans la grande salle de la Société d'Acclimatation, sous la 
présidence de M. le sénateur Calvet. M. H. Gadeau de Ker- 
ville y fera une conférence avec projections sur les arbres 
célèbres de la Normandie. 


Colonisation. — M. Cordeiro da Silva écrit de Marseille, 
à la date du 8 avril, qu'il se dispose à partir pour Madagascar, 
où il va diriger une exploitation agricole aux environs de 
Diego-Suarez. Il se met à la disposition de la Sociélé pour 
tout ce qui pourrait lui être utile. 


Cheptels, distributions et dons de graines. — Les 
demandes et envois de graines, tres actifs pendant le mois 
d'avril, ont donné lieu à de nombreux échanges de lettres. - 


— MM, Gache de la Roche-Courbon, Cros, Roland-Gosselin, 
DrZenk, Niclausse et Berton remercient des graines qui leur 
ont été envoyées. 

— M. Cros, de Perpignan, a fait parvenir à la Sociélé un 
certain nombre de graines recueillies à Perpignan et à Vernet- 
les-Bains (Pyrénées-Orientales). Il envoie également des tu- 
bercules de Crosnes. 


— M. Henry Perron offre à la Société du Riz, du Mil et du 
Blé, provenant des environs de Tombouctou. 


COMMUNICATIONS ORALES. 


A propos des Crosnes envoyés de Perpignan par M. Cros, 
M. Weber fait connaître qu'il à signalé à celui-ci une erreur 
de détermination concernant ces tubercules. Il s’agit en réa- 


| PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 379 


lité de l'Oxalis crenata, plante tout à fait différente des 
Crosnes. M. le Président ajoute que M. Cros l’a immédia- 
tement remercié de cette communication qui lui permettra 
de réfuter une erreur répandue dans la région pyrénéenne 
où beaucoup de personnes prennent pour des Crosnes les 
tubercules d'Oxalis crenata qui sont d’ailleurs également 
comestibles. 


— Une discussion s'engage au sujet du Blé du Soudan en- 
voyé par M. Perron. M. de Bonand ne croit pas que ce Blé 
soit d’un bon rendement. M. le Secrétaire général répond 
que la question de rendement dans un pays où les conditions 
de culture sont tout à fait différentes de celles des pays plus 
civilisés, n’a pas une importance capitale. Ce qu'il faut 
chercher avant tout, c'est le moyen d’obtenir sur place une 
denrée de premier ordre, toujours recherchée pour l’alimen- 
tation des Européens, et que les frais de transport rendent 
extrêmement coûteuse, si l’on veut l’amener de l'extérieur. 
La culture du Blé n’est pas nouvelle au Soudan. Elle semble 
avoir été florissante dans les environs de Tombouctou il y 
a une quarantaine d'années. Elle a été tout récemment re- 
prise avec activité, et M. de Trentinian s’est efforcé de lui 

_ donner une grande impulsion. Les essais dont M. Perron 
en voie aujourd'hui les produits ont été tentés à Bamakou par 
MM. Gillium et Pillet. 

M. le Président insiste sur l'importance de la question qui 
a déjà été traitée à la Sociélé d'Acclimatalion par M. de 
Trentinian lui-méme, dans la causerie si intéressante qu'il a 
faite lors de la séance de distribution des récompenses, le 
16 mai 1898, sur la colonisation agricole au Soudan français. 


— M. le Secrétaire général, à propos de la distribution 
d'œufs de Truite arc-en-ciel dont 1l a été question dans le dé- 
pouillement de la correspondance, présente un rapport d’en- 
semble sur cette opération. Les œufs, au nombre d'environ 
cent mille, ont été expédiés dans la première quinzaine d'avril 
et répartis dans dix-sept départements : Aisne, Cher, Côte- 
d'Or, Doubs, Eure, Gironde, Haute-Marne, Isère, Loire, 
Marne, Nièvre, Orne, Puy-de-Dôme, Saône-et-Loire, Seine 
et Seine-et-Oise. 

La plupart ont été demandés par des propriétaires soucieux 
de tirer parti d'eaux improductives ou de favoriser le repeu- 


380 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


plement des rivières. Un certain nombre d’Etablissements 
publics et plusieurs Sociétés ont pris part également à la dis- 
tribution, notamment la Station aquicole de Boulogne-sur- 
Mer, l'Ecole d'Agriculture de Beaune, la Société de Pisci- 
culture de Loir-et-Cher, la Société de Pisciculture du Sud- 
Ouest, etc. 

Pour la première fois, les œufs distribués ont pu être obte- 
nus en quantité suffisante d’un producteur français. Jusqu'ici 
la Société d’Acclimatalion avait dû importer de l'Etranger 
les œufs distribués par ses soins. Aussi doit-on considérer 
l'opération actuelle comme un réel succès pour la Société elle- 
même dont les efforts, poursuivis depuis plus de vingt ans, 
ont porté leurs fruits. C’est, en effet, grâce aux distributions 
antérieures analogues à celle-ci qu'ont pu se développer les 
élevages français, où la Société trouve enfin aujourd’hui les 
œufs qu’elle continue à distribuer dans l'intérêt public. 

Les œufs ont été fournis cette année par l'Etablissement de 
Bessemont, près Villers-Cotterets, dont le directeur, M. de 
Marcillac, a précisément reçu en 1898, pour ses travaux de 
pisciculture pratique, la grande médaille d’or offerte à la So- 
ciété d’Acclimatation par le Ministère de l'Agriculture. 

L'exemple de M. de Marcillac ne manquera pas d'être suivi, 
et la Société pourra certainement, à l'avenir, se procurer en 
France une notable quantité d'œufs de Truite arc-en-ciel. 


— M. Decroix fait une communication sur l'hippophagie. 
D'après lui, 4 kilos de viande de Cheval équivaudraient dans 
l'alimentation à 5 kilos de viande de Bœuf. Il en résulterait, 
au bout d’un certain temps, une notable économie. Il faut 
d’ailleurs tenir compte de ce fait que les Chevaux consommés 
ne sont pas élevés spécialement pour la boucherie. M. De- 
breuil rappelle que la viande de Cheval est couramment 
employée en pisciculture. C’est ainsi que M. de Marcillac 
nourrit les Truites arc-en-ciel. M. Wacquez dit que les avi- 
culteurs emploient également la viande de Cheval pour corser 
l'alimentation des Poules. On a observé, paraît-il, que l’usage 
d’une certaine quantité de cette substance améliore la qualité 
des jaunes d'œufs. 

— M. le Secrétaire général rend compte d'un voyage qu'il 
vient de faire en Espagne, aux Canaries, au Maroc et à Ma- 
dère. Au cours de cette excursion, il a pu recueillir des docu- 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 381 


ments et des observations intéressants pour la Sociélé. Aux 
Canaries notamment, tout ce qui a trait à la culture des fruits 
et des légumes que l’on expédie surtout en Angleterre, a par- 
ticulièrement appelé son attention. Les Bananiers se déve= 
loppent de plus en plus, et les terrains propres à la produc- 
tion de la banane acquièrent une très grande valeur. Le 
climat des Canaries favorise l’acclimatation de toutes sortes 
de végétaux ; l’on peut y voir, dans de très beaux jardins 
particuliers et aussi dans certains établissements comme le 
Jardin botanique d’Orotawa à Ténériffe, par exemple, des 
spécimens remarquables d’une flore extrêmement variée. 
Des faits analogues s’observent à Madère où le climat, plus 
humide qu'aux Canaries, est peut-être plus favorable encore 
à l’acclimatation végétale. Le marché aux fruits de Funchal 
est très intéressant par la grande variété des produits qui y 
sont exposés et dont plusieurs sont excellents. 

M. de Guerne a exposé d’autre part devant la Section d’A- 
quiculture, dans sa séance du 24 avril, diverses observations 
concernant la pêche et sur lesquelles il n’y a pas lieu à re- 
venir (voir Bulletin ci-après, p. 390). 

M. le Président remercie M. le Secrétaire général de sa 
communication et déclare que la Société profitera encore cer- 
tainement dans l'avenir du voyage dont il vient d’être ques- 
tion, des rapports ayant été établis sur place avec un certain 
nombre de personnes pouvant lui être fort utiles. 


— M.le Secrétaire général rappelle qu'une conférence avec 
projections doit être faite le 9 mai à huit heures et demie du 
soir par M. Clément, président de la Section d’Entomologie. 
Cette conférence sera présidée par M. Railliet, Membre du 
Conseil. Elle aura pour sujet : L’Abeille, son élevage ét ses 
produits. Un certain nombre d'appareils et diverses pièces 
de collections seront présentés au cours de la séance. 

Quelques jours après cette conférence, les 11, 12 et 13 mai 
s'ouvrira, dans la grande salle de la Société, la deuxième Ex- 
position d'Oiseaux et de Plantes. Elle sera exclusivement 
consacrée aux volailles naines de toutes races. On ne peut 
que lui souhaiter la même réussite qu’à l'Exposition d'Oiseaux 
de cage exotiques organisée les 25 et 26 mars. En prenant 
cette nouvelle initiative, la Société poursuit, dans un esprit 
désintéressé, conformément à ses statuts, un but d’utilité gé= 


382 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATA TION. 


nérale. L'étude, l'agrément ou la simple curiosité, voire même 
les intérêts professionnels, trouveront à se satisfaire dans ces 
Expositions. Il n’est pas douteux, par exemple, que les mar- 
chands et les amateurs, s'y rencontrant dans un milieu favo- 
rable, ne profitent de la circonstance pour nouer d'utiles 
relations. 

Enfin, pour terminer ce qui à trait à l'activité de la Société 
qui reprend, comme on peut le voir, avec une grande inten- 
sité après les vacances de Pâques, M. le Secrétaire général 
annonce que la séance générale de distribution des récom- 
penses est actuellement en préparation et que la date en sera 
fixée très prochainement. 


Pour le Secrélaire des séances empêché, 
JULES DE GUERNE, 


Secrétaire général. 


SÉANCE GÉNÉRALE DU 26 MAI 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. LE D' WEBER, MEMBRE DU CONSEIL. 


Le procès-verbal de la séance précédente-est lu et adopté. 

M. le Président souhaïte la bienvenue à M. le professeur 
G. Kojevnikov, conservateur du Musée zoologique à l’Uni- 
versité impériale de Moscou, et le prie de vouloir bien prendre 
place au Bureau. 

M. Kojevnikov remercie la Sociélé de son bon accueil et 
lui transmet les témoignages de sympathie de la Société des 
Amis des Sciences naturelles de Moscou, dont il a l'honneur 
d'être Secrétaire général. D'excellents rapports existent 
depuis longtemps entre celle-ci et la Sociélé d'Acclimatation, 
qui a su apprécier les travaux des savants russes et les 
distinguer en leur attribuant à plusieurs reprises quelques- 
unes de ses plus hautes récompenses. M. Kojevnikov est 
chargé lui-même de remettre à la Sociélé d'Acclimatalion, 
qui voudra bien les faire parvenir aux lauréats, un certain 
nombre de médailles décernées à des Français à l’occasion 
de l'Exposition de’pisciculture à Moscou. 


4 


POLE NT Tr 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 383 


Décision pu CONsEir. 


Dans sa séance du 3 mai, le Conseil a décidé, par un vote 
unanime, que la médaille d'or de la Sociélé serait décernée 
au général Galliéni, Gouverneur général de Madagascar pour 
les efforts qu'il n’a cessé de faire afin de mettre la Colonie en 
valeur par l’agriculture (introduction d'animaux et de plantes 
utiles, reboisement, etc.). 

M. Le Myre de Vilers, président de la Sociélé, a bien voulu 
se charger de remettre lui-méme cette médaille au général 
Galliéni dès son arrivée à Marseille. 


PROCLAMATION DE NOUVEAUX MEMBRES. 
M. le Président proclame les noms de Membres admis par 
le Conseil depuis la dernière séance générale : 


MM. PRÉSENTATEURS. 


traite, 114, rue de Paris, à Meudon { Le Myre de Vilers. 
(Seine-et-Oise). Raveret-Wattel,. 


| Ch. Debreuil. 


CHANOT (Joseph), chef d’escadrons en re- ) Baron J. de Guerne. 


L'abbé CHARRUuAUD, curé, Bessens (Tarn- 


1 : Baron J. de Guerne. 
et-Garonne). 


F. Mérel. 


CuÉnOT (L.), professeur de Zoologie cut R. Blanchard. 
l’Université de Nancy (Meurthe-et-Mo- ) A. Delaval. 
selle). | Baron J. de Guerne. 


Ch. Debreuil. 
Baron J. de Guerne. 
M. Loyer. 


Durour (L.), oiselier, passage Tivoli (rue 
d'Amsterdam), à Paris. 


DÉPOUILLEMENT DE LA CORRESPONDANCE. 


En l'absence de M. le Secrétaire des séances, M. le Secré- 
taire général procède au dépouillement de la correspondance. 


Notifications, renseignements, avis divers, généra- 
lités. — M. Le Myre de Vilers, président de la Société, 
exprime ses regrets de ne pouvoir venir présider la séance. 
Il se trouve actuellement à Marseille, où il est allé recevoir à 
son arrivée le général Galliéni, Gouverneur général de Ma- 


384 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


dagascar, et lui remettre la médaille d'or que lui a décernée 
la Société a’ Acclimatation. 

Le général Galliéni a débarqué le 25 mai, c’est-à-dire hier. 
La Sociélé était représentée à son arrivée par MM. Milne- 
Edwards (de l’Institut), Binger, Membre du Conseil, Alfred 


Grandidier (de l’Institut), Heckel, du Pré de Saint-Maur, etc. 


— Depuis la dernière séance, la Société a reçu avis du 
décès de M. Brot, de Genève. 


— M. le Ministre de l'Agriculture annonce qu'il vient 
d'accorder à la Société une subvention de 1,500 francs. 


— M. de Saint-Quentin adresse son rapport sur les com- 
munications de zoologie et de botanique appliquées pré- 
sentées au Congrès des Sociétés savantes réuni à Toulouse 
en avril 1899. M. de Saint-Quentin était délégué pour repré- 
senter la Sociélé au Congrès. Son rapport sera publié 2x 
exælenso. (Voir ci-dessus, page 267.) 


Aquiculture. — A l'occasion de la distribution d'œufs de 
Truite arc-en-ciel, dont le compte rendu lui a été envoyé, 
M. le Ministre de l'Agriculture félicite la Société des efforts 
qu'elle fait pour le repeuplement des eaux douces en France. 


— M. Emile Maison adresse un mémoire sur l'histoire de 
la Pisciculture en France et notamment sur l'histoire de la 
famille de Rémy, le pisciculteur vosgien, à laquelle la Société 
d'Acclimatatlion a donné à maintes reprises des marques de 
sympathie, sans parler des subsides qui lui ont été fournis. 
Le mémoire de M. Emile Maison sera publié dans le Bullelin. 


Entomologie. — M. Bouvier, professeur d'Entomologie 
au Muséum, remercie la Sociélé des cocons d’Altacus cynthia 
qui lui ont été envoyés et qui prendront place dans la col- 
lection d'Entomologie appliquée dont l’organisation se pour- 
suit par les soins du Muséum d'Histoire naturelle. 


Cheptels. Distribution de graines. — M. Loyer an- 
nonce la mort du Nandou qui lui avait été remis en cheptel 
par la Sociélé. C'était une femelle dont la santé semble 
d'ailleurs avoir toujours été assez délicate. 


— MM. Ch. Rivière, Debreuil et Jacoulet remercient des 
graines qui leur ont été envoyées. Le dernier d’entre eux se 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 385 


préoccupe particulièrement d'étudier les fourrages nouveaux 
spécialement utilisables dans les colonies françaises; il a créé 
dans ce but à l'Ecole de cavalerie de Saumur où il est vété- 
rinaire principal, un petit jardin d'essai. 


— M. le Dr Zenk et M. le Président de la Société horticole 
de l'Allier adressent des demandes de graines. 


COMMUNICATIONS ORALES. 


A l'occasion de la lettre de M. Loyer annonçant la mort 
d'un Nandou, M. Debreuil demande si l’on a des nouvelles 
des Oiseaux de la même espèce qui ont été confiés à M. P. 
Uginet. M. Trouessart, à propos du même fait, dit qu'il con- 
viendra d’avertir les Membres de la Sociélé exposés à perdre 
des animaux intéressants, qu'ils peuvent les envoyer au 
Muséum d'Histoire naturelle pour étre autopsiés et examinés. 
Il vaut mieux faire des envois directs au Muséum que d’a- 
dresser à la Société des dépouilles qui doivent être ensuite 
transmises par ses soins dans divers laboratoires. M. le Se- 
crétaire général ajoute qu'il donnera très volontiers aux 
intéressés les indications nécessaires pour la bonne direction 
de leurs envois. 


— M. Mérel fait une communication sur la race de Poules 
dite « Coucou de Rennes ». (Voir Bulletin.) 


— M. Paul Chappellier fait une communication sur les 
Blattes qui infectent les cuisines. Ces Insectes sont fort 
abondants chez lui et beaucoup plus nombreux qu'on ne 
pourrait le croire. Il cite le nombre des individus capturés 
pendant une période déterminée et indique les moyens qu'il 
emploie pour détruire ces commensaux désagréables. Une 
discussion générale s'engage à ce sujet. MM. Trouessart, 
Weber, Decroix, Debreuil et de Guerne donnent divers ren- 
seignements et explications. M. Decroix signale l'extrême 
abondance des Blattes qu'il a pu observer à Lyon lorsqu'il y 
était en garnison, M. Weber confirme ce fait qu'il a également 
constaté: il s'agissait toujours de grosses Blattes qui se 
trouvaient aussi bien aux étages supérieurs qu'au rez-de- 
chaussée, bien qu’on ait affirmé que les Blattes de petite 
espèce seules, montent dans les maisons. M. de Guerne dit 
que les Blattes sont recherchées par beaucoup d'éleveurs. Il 


386 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'AOCLIMATATION. 


cite notamment l'exemple de M. Rollinat qui confe.des pièges 
aux boulangers d’Argenton, de façon à avoir toujours une 
certaine quantité de Blattes vivantes pour la nourriture des 
Reptiles indigènes qu'il entretient chez lui en grand nombre 
et qui en sont très friands. 

M. le comte d’Esterno demande si la petite et la grande 
Blatte ne peuvent vivre simultanément dans les mêmes 
endroits; on sait que certaines espèces d'animaux très voi- 
sines les unes des autres comme le Surmulot et le Rat noir, 
le Lièvre et le Lapin, semblent s’exclure réciproquement, 


— M. le Secrétaire général présente au nom de M. Heckel 
de Marseille, les tubercules d'une Solanée provenant de 
l'Uruguay et qui pourrait remplacer la Pomme de terre dans 
les pays chauds et humides. Les tubercules demanderaient 
toutefois à être améliorés par la culture. Leur volume est 
en effet encore assez faible et leur saveur fort amère. Cette 
espèce porte le nom de Solanum Cemmersoni. M. Dawvin, chef 
des cultures au Jardin botanique de Marseille, s'occupe de 
cette amélioration. Les tubercules envoyés par M. Heckel ont 
été répartis entre MM. Nanot, directeur de l'Ecole d'Horticul- 
ture de Versailles, Rivière, directeur du Jardin d'Essai d'Alger, 
et Debreuil, qui en surveillera la culture à Melun. M. Chap- 
pellier s’est chargé d’autre part d’en faire parvenir quelques 
spécimens à l’un de ses petits-fils, M. Bertrand, actuellement 
à Madagascar. 


— M. Clos ayant envoyé de Toulouse un pied d’Astra- 
gale en faux cultivé en pot, cette plante est soumise à l’exa- 
men de l'assemblée. M. le Secrétaire général fait observer 
qu'une excellente occasion va s'offrir de la montrer au public 
à l'Exposition d'Oiseaux et de Plantes, la troisième, qui sera 
ouverte au siège de la Société, les 10, 11 et 12 juin prochain. 


— M. de Guerne présente divers échantillons de café rap- 
portés par lui des Canaries et qu'il a en partie récoltés lui- 
méme pendant le voyage qu'il a fait dans ces îles le mois 
dernier. 


o 


PROCLAMATION DES RÉSULTATS DU VOTE. 


M. le Président proclame les résultats du vote pour le 
renouvellement du Bureau et d’un tiers du Conseil. Le scrutin 


7 4" DORE be 


MURS OR PNE e à RO OU ET METRE ES OU UE 


LANPNENTS 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 387 


aété dépouillé pendant la séance par une Commission com- 
posée de MM. de Lamarche, Rathelot et Wacquez. Le nombre 
des votants étant de 161, voici le chiffre des voix obtenues 
par chacun des candidats : 


BnesidentaMerEelMyre deniers. 2... 20.3. 2. 160 
Mice= Présidents: MM. B: Bureau... ................ 160 
11: IEEE do 0e colo 0 160 

Comte de Pontbriand......... 160 
Raveret-Watlel.............. 160 

Secrétaire général : M. le baron Jules de Guerne..... 161 
Secrétaires : MM. P. Marchal (Znférieur) ............ 161 
El ne (Cora oemoscnscoeeno 161 

F'Mérel (Ségncesh ut... 161 

Le comte R. de Dalmas (£franger). 161 

Membres du Conseil : MM. Debreuil................. 160 
De Faboulaye... "1... 161 

RANEtE ES etienne 160 

VUE lo de brod oiéenée 160 

PauWenappeltiens.: "1". 160 


En conséquence, chacun des candidats est proclamé élu. 
M. Paul Chappellier remplace M. Camille Dareste, décédé. 


— M. le Président félicite M. Mérel, nommé Secrétaire des 
séances et M. Paul Chappellier nommé Membre du Conseil, 
qui vont pour la première fois apporter leur concours à l’ad- 
ministration de la Société. 


— Au moment de lever la séance, M. le Président rappelle 
que le dimanche 4 juin, aura lieu une visite spécialement ré- 
servée aux Membres de la Société à la Chevrerie du Val- 
Girard, 163,rue Blomet, à Paris. M. Crepin, dont on connait 
les persévérants efforts pour introduire le lait de Chèvre dans 
l'alimentation des enfants à Paris, fera les honneurs de son 
établissement aux excursionnistes qui pourront en outre 
déguster le lait de Chèvre, soit pur, soit transformé en crème 
ou en fromage. 


Pour le Secrétaire des séances empêché : 


JULES DE GUERNE, 
Secrétaire général, 


388 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


3e SECTION (AQUICULTURE). 


SÉANCE DU 27 MARS 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. DEBREUIL, MEMBRE DU CONSEIL. 


M. Boigcol, secrétaire-adjoint, s'excuse de ne pouvoir assisler à la 
reunion et envoie le procès-verbal de la dernière séance qui est lu et 
adopté. 

M. G. Roché, vice-président, s'excuse de ne pouvoir assister à la 
séance. 

La correspondance comprend un grand nombre de letires relatives à 
la distribution d'œufs de Truite arc-en-ciel qui se poursuit en ce 
moment même par les soins de la Société. M. le Secrétaire général dit 
qu'il pourra donner le mois prochain un compte rendu détaillé de cette 
opération. 

M. le Président exprime le désir que des œufs de Salvelinus fontinalis 
ou Saumon de fonlaine, soient également distribués. Ce Salmonide, 
moins répandu que la Truite arc-en-ciel, mérite d’être connu et il ne 
semble pas que son élevage soit bien difficile. M. Debreuil l’a réussi 
sans peine dans sa propriété de Melun. 

M. le Secrélaire général fait observer que la Sociéfé s'était préci- 
sément assuré les moyens de distribuer cette année des œufs de 
Salvelinus fontinalis. Malheureusement, comme il l’a expliqué déjà au 
cours de la séance du 30 janvier, M. Duponchez, d'Ancourt (Seine- 
Inférieure) qui devait fournir les œufs, est tombé malade à l’époque 
même de la ponte et celle-ci a été perdue presque entièrement. 

M. Lagrange, horticulteur à Oullins près Lyon, qui se livre à la 
culture des plantes aquatiques, fait ses offres de service à la Société. 
Divers catalogues étant présentés à la Section, une discussion s’en- 
gage au sujet des espèces aquatiques étrangères que l’on peut cultiver 
en France et notamment aux environs de Paris. 

M. À. Clément adresse le résumé des communications relatives à la 
pisciculture et qui ont été faites pendant la dernière session de la 
Société des Agriculteurs de France. M. le Secrétaire général observe 
que les documents présentés dans cetle circonstance sont pour la 
plupart anciens déjà. 11 en est même que leur caractère de propagande 
commerciale, insuffisamment déguisé, aurait dû faire éliminer de 
l’ordre du jour. 

M. Thorndike-Nourse offre à la Société, en priant tout spécialement 
les Membres de la Section d'Aquiculture de vouloir bien l'examiner, 
un mémoire récemment publié par lui et intitulé : Les Valli de la 
Vénétie. L'auteur a pu recueillir les éléments de ce travail au cours d’un 


PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ. 389 


voyage qu'il a fait dans l'Italie septentrionale. De nombreuses photo- 
graphies originales illustrent la brochure de M. Thorndike-Nourse. 

M. le Secrétaire général présente un modèle nouveau de l'appareil à 
incubation construit par M. Vergniolle, de Reims, sur les plans de 
M. de Marcillac. Divers perfectionnements y ont été introduits depuis 
l'Exposition faite à la Société en 1897 et où cet appareil fut soumis pour 
la première fois à l’apprécialion des spécialistes. On sait qu'il obtint 
une médaille de bronze à l'Exposition de Moscou. 

À propos d’Expositions, M. Rathelot annonce que M. Dagry a recu 
de $. M. le roi des Belges un diplôme commémoratif de sa collabo- 
ration comme Membre du Comité d'organisation de l'Exposilion de 
Bruxelles en 1897. M. de Claybrooke a également recu ce diplôme et 
une médaille pour le même molif. 

Le Secrétaire, 
J. DE CLAYBROOKE. 


SÉANCE DU 21 AVRIL 1899. 
PRÉSIDENCE DE M. J. DE GUERNE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. 


En l’absence des Secrétaires, il ne peut être donné lecture du procès- 
verbal de la dernière séance. 

A la correspondance imprimée figurent un certain nombre de 
journaux et notamment divers articles extraits de la France du Nord 
(Boulogne-sur-Mer), qui protestent contre la nouvelle réglementation 
de la pêche fluviale dans le Nord, le Pas-de-Calais et la Somme. 

M. Debreuil estime qu'il y aurait avanlage à s'associer aux récla- 
mations formulées dans ces articles, les pêcheurs à la ligne de la 
région du Nord et ceux du Boulonnais, en particulier, sont en effet 
constitués en groupes sérieux et disposent de moyens d'action qu'il 
sera bon d'utiliser pour favoriser le repeuplement des rivières et la 
répression du braconnage. 

La correspondance comprend un grand nombre de lettres relatives 
à la distribution d'œufs de Truite arc-en-ciel qui vient d’être terminée. 

Les œufs sont généralement parvenus en très bon état; mais l’é- 
closion a suivi de très près l’arrivée, ces œufs se trouvant déjà assez 
âgés au moment de leur expédition. M. de Guerne se propose de pré- 
senter à la Séance générale du 28 avril un rapport d'ensemble sur cette 
opéraiion. 

Lecture est donnée d’une lettre du général N. de Depp, d’Odessa, 
concernant une variété curieuse du Cyprin doré obtenue par le croise- 
ment du type vulgaire de cetie espèce avec le Poisson rouge à queue 
en éventail. Il n’a pas été possible encore d’en obtenir la multiplication. 


390 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


M. Lucet, après avoir donné quelques détails sur les eaux des en- 
virons de Courtenay (Loiret). demande quelle serait la manière la plus 
pratique de les repeupler en Truites ou en Écrevisses. 

M. le comte G. Barbo écrit de Milan qu'un élevage de Macropodes 
poursuivi par lui avec succès depuis vingt-cinq ans vient d'être anéanti 
par un accident. 

M. Debreuil signale la capture, dans le Loing, à Moret (Seine-et- 
Marne), d’une Truite arc-en-ciel pesant 4 kilogrammes 500. C'est le 
13 avril dernier que ce beau Poisson a été pris à la ligne par un 
pêcheur de la localité. La Truite arc-en-ciel prospère évidemment dans 
les eaux du bassin de Paris bien qu'on n’y ait jamais observé sa mul- 
tiplication à l'état de liberté. La Société des pêcheurs à la ligne de 
Morct a fait, depuis plusieurs années, un grand nombre de déverse- 
ments d’alevins de Truite arc-en-ciel dans le Loing. 


Il est donné lecture d'un mémoire de M. A. Dissard intitulé : - 


Comment meurent les Poissons. M. le Président estime qu'il convient de 
faire quelques réserves au sujet de cetie étude souvent par trop élé- 
mentaire et qu’on ne pourrait sans inconvénient publier £n ezfenso 
d ans les termes où elle est écrite. Une discussion s'engage à ce sujet, 
M. de Lamarche pense qu'il vaut toujours mieux iuer le Poisson 


plutôt que de le laisser souffrir et s’asphyxier avant d'être livré à la | 


consommation. 

M. de Guerne rend compte des observations qu'il a pu faire au 
point de vue de la pêche et de la pisciculture dans un voyage récent 
en Espagne, en Portugal, à Madère et aux Canaries. A Lisbonne en 
particulier, l'accueil le plus cordial lui a été fait par M. Girard et il a 
pu visiter au palais des Vecessidades, la collection océanographique de 
S. M. le roi de Portugal. Depuis plusieurs années, celui-ci poursuit, 
avec l’aide de M. Girard, l'étude des Poissons comestibles du littoral, 
et, en particolier, du Thon dont il existe d'importantes pêcheries le 
long des côtes de Portugal. Le déplacement de ces Poissons, dont l'im- 
portance commerciale est considérable, a été étudié avec grand soin, 
et S. M. prépare une publication où seront consignes les résultats de 
ses études à ce sujet. 

Aux Canaries, on se préoccupe vivement de la pêche aux environs 
du Cap Blanc et particulièrement sur le banc d’Arguin. M. le comte 
de Dalmas, l'un des secrétaires de la Société, a envoyé précisément 
dans ces parages une expédition qui venait de prendre fin lors du 
passage de M. de Guerue à Las Palmas, où se trouvaient exposés les 
produits de la pêche. Ce sont de grands Poissons dont il n'a pas été 
possible de déterminer l'espèce à cause du mode de préparation qui 
fait disparaître la tête et dénature les formes de l'animal. Ces Poissons 
salés ou séchés trouvent un écoulement facile aux Canaries ou sur la 
côte occidentale d'Afrique. RATS 

M. Debreuil annonce qu'il a recu de M. Rollinat, d'Argenton-sur- 


se, mi ré dl 


bande. db ss 2 és 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 391 


Creuse, six petiles Tortues (Cis/udo europe). Elles sont nées chez ce 
dernier qui en a parfaitement réussi l'élevage sur lequel il a promis de 
donner à la Sociéfé des détaïls circonstanciés. En attendant, M. De- 
breuil se propose d'élever ces animaux à Melun, d’après les indications 
que notre collègue a bien voulu lui fournir. Quelques-unes de ces 
petites Tortues ont la carapace déformée. M. Bruyère dit que cela se 
produit assez fréquemment chez les jeunes Tortues mais que ces 
animaux tendent à reprendre en vieillissant leur forme normale. 


Pour les Secrétaires empéches, 


C. DE LAMARCHE. 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 


CULTURES DIVERSES AUX ENVIRONS DE Nicë. 


Grottes Saint-Hélene, chemin de Fabron, 
Nice (A.-M.), 25 février 1899. 


Monsieur et cher collègue, 


Je me permets de vous demander encore quelques graines. 

J'en demande beaucoup, mais j'espère que tous les ans je serai en 
mesure d'envoyer à la Sociefé, pour ses distributions, une quantité 
toujours plus considérable et une plus grande variété des graines ré- 
coltées dans mon jardin. 

Comme dans mes demandes antérieures, j'ai mis plusieurs espèces 
franchement tropicales, parce que je trouve de plus en plus que ce 
n'est qu’en essayant, et essayant toujours dans différentes conditions 
de terrain et d'exposition, qu’on pourra savoir d'une manière certaine, 
si une plante est capable de résister ou non dans un climat plus froid 
ou plus chaud que celui de son pays d'origine. 

Je prépare une liste des graines qu’au commencement de l'été je me 
permettrai d'envoyer à la Section de Botanique, quand je commaîtrai 
exactement les plantes qui seront définitivement mortes et celles qui 
repousseront du pied. 

Des listes semblables donnant des renseignements sur la rusticité des 
plantes dans les différentes régions, comme celle du D' Clos, parue 
dans le Bulletin, de 1898, pag. 269, sont de la plus grande utilité pour 
tous ceux qui s'occupent d’acclimatation végétale. 

Au hasard de la plume, je nommerai parmi les plantes, qui jusqu'à 


392 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


présent n'ont pas du tout souffert du froid, les Cofez wrabica L., Cofea 
liberica Hook., Ficus Cooperi Regel, Ficus elaslica Roxb., Musa ensete 
Gmelin, Musa paradisiaca L., Jacaranda mimosæefolia Don. et, ce qui 
m'étonne surtout, le Durio zibethinus L., l’arbre fruitier de la. Malaisie, 
si fameux par ses fruits, qu’on dit des meilleurs qui existent. 

Un assez grand nombre de Palmiers d'espèces que je n'ai pas vu cul- 
tiver ici en pleine terre, ont également résisté jusqu’à présent. Mais il 
faut ajouter que l'hiver a été d’une douceur exceptionnelle ! 


Veuillez agréer, etc. 
A.-R. PROSCHOWSKY. 


DEMANDE DE GRAIÏNES. 


Sori (Italie). 


Monsieur le Secrétaire général, 


J'ai recu votre lettre dont je vous remercie beaucoup en ma qualité 
de Membre très ancien toujours plein d'intérêt pour le but que pour- 
suit votre célèbre Sociéfé. J'attends avec grand plaisir l'envoi an- 
noncé et je suis prêt de mon côté à vous offrir des graines d’'Aga- 
panthus mollis, Aralia Sieboldi, Acacia floribunda, Cotione {?), très 
belle plante rampante, Gentsta grandissima, Quercus ilez (toujours 
vert), Mespilus japonica. 

Je recommande la culture de cetle dernière plante; c’est un bel 
arbre avec de grandes feuilles toujours vertes et des fruits très fins ap- 
paraissant dès le mois de mars. 

Toutes les plantes réussissent ici excellemment, grâce au climat et 
à la situation très chaude de ma villa. Je cultive avant tout dés Ro- 
siers, des Camellias et des plantes fleurissant l'hiver. 

J'aimerais beaucoup recevoir des graines de Palmiers, peu connus au- 
tant que possible et pouvant réussir sur le liltoral de la Méditerranée. 
Je voudrais aussi des plantes capables de supporter le voisinage immé- 
diat de la mer (bruschia del mare), telles que Tamariz, Evonymus, Pit- 
tosporum, désirant faire une descente vers le rivage et y planter des 
végétaux convenables. 

Je désire essayer également l'Erythrina cristagalli et le Xanfhorrez 
Pretssi. 


Agréez, etc. 
D' F,. ZENK. 


Lee 


EXTRAITS DE LA CORRESPONDANCE. 393 


HOMMAGE À LA MÉMOIRE DE CHARLES NAUDIN. ENVOI DE GRAINES. 


Perpignan, 5 mars 1899. 
Monsieur le Secrétaire général, 

J'ai l'honneur de vous accuser réception du magnifique envoi de 
graines qui m'est arrivé samedi passé; naturellement tout a été semé 
aussitôl dans les meilleures conditions, je crois : sous châssis, à demi- 
ombre avec couche de mousse à la surface pour conserver l'humidité 
dans la terre en godets. 

Quelques paquets de graines portaient encore l'écriture du regretté 
M. Naudin. Sa disparition est une perte immense pour la Société d’Ac- 
climatation et pour le monde savant. Sa vie de souffrances physiques a 
cessé sans qu'on s’en apercoive, m'écrivait M Naudin; il paraît 
s'être éteint en dormant. 

Je l’aimais autant que je l’admirais; j'avais eu l’occasion de le voir 
souvent quand il était dans notre région à Collioure. Dans ses conver- 
sations, chacune de ses paroles avait sa valeur. Très accueillant du 
reste, il communiquait son feu sacré à ceux qui avaient le bonheur de 
pouvoir le connailre. 

Vous avez certainement recu mon petit envoi de graines de Vernet- 
les-Bains, dans lequel je m'élais permis de glisser deux Crosnes du 
Japon, pour prouver que ce légume peul se conserver au moins trois 
mois. 

Veuillez agréer, etc- 

D' Cros. 


<< 


CULTURES D'IGNAMES AMÉLIORÉES À MARSEILLE. 


Marseille, le 19 mars 1899. 


Monsieur le Secrétaire général et cher collègue, 
Je vous remercie de la communication que vous avez bien voulu me 
faire, tant à moi qu'à M. Dubiau, des résolutions prises par la Section 
de Botanique au sujet des résultats obtenus dans la cullure des 


Ignames, en vue d'acquérir de nouvelles formes de ce tubercule, plus 


favorables à la culiure. Les résultats que la Société d'Acclimatationa pu 
constater sont obtenus en plantant des sections différentes du tuber- 
eule. Comme je l’ai déjà fait connaître à la Société, je me suis placé 
dans ces expériences à un point de vue théorique en partant de ce fait 
que le tubercule de l’Igname, qui a une signification morphologique 
comparable à celui de la Pomme de terre (rameau tubérisé) doit avoir 
aussi, comme ce dernier, deux pôles différents, dont l’un, celui de 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 26. 


394 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


l'extrémité libre plus riche en azote que celui de l'extrémité attachée à 
la tige. Pour le Solanum tuberosum, M. Prunet, professeur à la Faculté 
des sciences de Toulouse, a fait la démonstration scientifique de 
l'existence de ces deux points polaires dans différentes communi- 
cations à l’Académie des sciences. Dès lors, j'ai invite M. Dubiau, 
vice-président de la Société d’Horticulture, à sectionner les tubercules 
d’'Igname en trois parties : apicale, basilaire et médiane. Les deux 
dernières n'ont donné jusqu'ici que des tubercules de très grande 
longueur, ceux que nous ne recherchons pas. La première, par contre, 
a fourni certains tubercules (mais pas tous) qui tendent vers le rac- 
courcissement et la sphérisation. 

C'est un commencement. En continuant pendant plusieurs géné- 
rations la méthode de sélection, nous espérons, M. Dubiau et moi, 
arriver à des résultats de plus en plus accusés dans le sens que 
j'indique; mais ce ne sont encore que des espérances. Nous verrons 
plus tard si les résultats déjà acquis se maintiennent et si le progres 
vers le but désiré s’accuse régulièrement. 

Pour cela, on plante chaque année la portion libre des tubercules 
ayant déjà subi un commencement de modification. C’est bien la 
méthode de la sélection. 

Nous sommes très heureux de voir que ces recherches intéressent 
la Société et nous sommes touchés des remerciements qu’elle veut bien 
nous adresser: ce sera un stimulant de plus pour les poursuivre régu- 
lièrement avec le désir d'arriver à une solution conforme aux intérêts 
culturaux en ce qui touche cet excellent aliment. Il est déjà très ap- 
précié par tous ceux qui, dans notre région, n'ont pas été arrêtés par 
les difficultés inhérentes à son obtention, et vous savez quelles sont 
très grandes. 

Veuillez agréer, etc. 

E. HECKEL. 


>< 


ENVOI DE GRAINES DE BEYROUTH (SYRIE). 


Beyrouth, avril 1899. 


Mon cher Secrétaire général, 

Je profite d’une occasion qui s'offre à moi pour vous envoyer un 
certain nombre de graines récoltées à Beyrouth dans les jardins de 
ma villa £ucalypla; j'espère qu'elles seront bien accueillies par 
quelques-uns de nos collègues. En voici l'énumération : 


Acacia cyclopis, Curcubigo sp ? 
Carica papaïa (Papayer), Eucalyplus citriodora, 
Chimonanthus fragrans, — dealbata, 


Cryplomeria japonica — gomphocephala, 


EXTRAITS ET ANALYSES. 395 


Eucalypius marginata, Montanoa sp ? 

— rostrata (gros red gum), Poincinia Gillesii, 
Jacaranda mimosæfolia, Slerculia platanifolia, 
Mimosa pudica Tecoma stans. 


Voici, par la même occasion, la liste des espèces dont j'ai recu des 
graines de la Société d'Acclimatation, et qui ont levé à Beyrouth. Les 
plantes sont encore trop jeunes pour que je puisse donner d’autres 
détails à leur sujet : 

Plantes provenant de la Villa Thuret à Antibes : 


Crotalaria Paulina (Légumineuse du Brésil, arbuste), 

Ficus altissima, 

Hibiscus cannabinus, 

Manicaba (Variété du Manihot Glaziovii, plante à caoutchouc du 
Brésil), 

Phenix canariensis, 
—  melanocarpa (de Nice), 

Sophora Moorcrasiana (de Chine). 


Plantes d'origines diverses : 


Bombaz malabaricum, 

Courge fausse orange, 

Luffa cylindrica (du Congo), 
Maïs préhistorique, 

Melalenca viridiflora (du Congo), 
Paterygospermum, : 
Psidium pomiferum. 


Je vous tiendrai au courant des observations qui pourront être faites 


par la suite. 
H. More. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


DE L'EXISTENCE D'UNE CORNE CIHEZ UNE BICHE WAPITI 
(Cervus canadensis), 


Par A. MrLne Enwanps, 
de l’Institut, Directeur du Muséum d'Histoire naturelle, 


Les Biches, en vieillissant, prennent parfois les attributs du mâle et 
on voit alors se former sur l'os frontal des bosses qui portent des bois 
peu développés. Des faits de ce genre ont été signalés par Brehm chez 
la Chevrette (Capreolus europæus) et par M. E. R. Alston chez la Biche 


396 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


ordinaire (Cervus elaphus), la Biche de Virginie (Cariacus virginianvs), 
celle d’Aristote (Rusa Aristotelis) et celle de l’Élan (Aices Machlis) (1). 

J'ai eu l’occasion d'observer à la Ménagerie du Muséum une Biche 
des Moluques (Cervus moluccensis) fort âgée, dont la tête portait de 
petits bois. En ce moment, on peut y voir une Biche wapiti (Cervus 
canadensis) pourvue d’un seul bois im- 
pair, mais de très grandes dimensions. 
Cette Biche est née au Jardin des Plantes 
en 1883, elle est donc âgée de seize ans. 
C'est en 1893 que celte corne a com- 
mencé à se montrer, elle a rapidement 
grandi, mais elle n'avait pas d'adhérence 
avec le crâne et elle suivait les mouve- 
ments de la peau de la tête. Peu à peu 
elle s’est fixée, et maintenant, elle fait 
corps avec le squelette et elle est très 
solide. Depuis son apparition, elle est 
NEC restée enveloppée dans so enveloppe 


> 


ET 


227} d t : dé Dane l d 1 e 
LE, cutanée, désignée sous le nom de velours, 


OCR : = : SE 2 
ce qui explique l’activité de sa crois- 


sance. Elle se compose d'une perche de 

Cervus canadensis, 0 m. 50 de longueur portant à sa base un 

Wapiti, Re ee portant andouiller dont l'insertion, très rappro- 

PAST IPB chée de l'os frontal, se trouve en partie 

cachée par les poils de la tête et dont l'extrémité est très légèrement 
bifurquée. Du côté droit, on ne voit aucune trace de pédoncule. 

Cette altération des caractères propres à la femelle est comparable à 
celle que l’on observe souvent chez les Oiseaux. Les Poules-Faisanes 
et les Canes revêtent parfois dans leur vieillesse le plumage du mâle. 
Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire a signalé plusieurs exemples de ces 
changements chez les Faisans ordinaires, le Faisan argenté et le 
Faisan doré (2). J'ai fait les mêmes remarques sur le Faisan vénéré, 
enfin Florent Prévost a vu des femelles de Pinsons qui devenaient 
semblables aux mâles (3). 


>< 
LA VESPERTILION A MOUSTACHES (Wyofis mystacinus) 
EN CAPTIVITÉ, 


par Charles OLpxHam. 


En raison de leurs habitudes nocturnes et de leur genre de vie parti- 


(1) Voir Proceedings of the Zoological Society of London, 1819, p. 296. 
(2) Mémoires du Muséum d'Histoire naturelle, tome XII, p. 222. 
(3) Bulletin du Muséum, 1899, n° 3. 


EXTRAITS ET ANALYSES. 397 


culier, il est trés difficile d'étudier les Chauves-Souris en liberté, et 
on connaît très peu les mœurs de celles qui habitent la Grande- 
Bretagne. On peut, jusqu’à un certain point, se livrer à quelques 
observations sur ces animaux en captivité, mais il est difficile de pou- 
voir offrir à ces petits Chéiroptères, qui, du reste, ne vivent que fort 
peu de temps enfermés, les Insectes qui constituent leur principale 
nourriture. Ces considérations suffiront pour justifier la publication 
des notes suivantes relatives à une Chauve-Souris que j'ai prise 
vivante et que j'ai conservée, l'hiver dernier, pendant plus de cinq 
semaines. 

Le 27 novembre 1898, je capturai dans une des galeries de l’an- 
cienne mine de cuivre d’Alderney-Edge un /yotis mystacinus (Leisler) 
mâle. L'animal refusa d’abord de marger les Vers de farine que je lui 
présentais, mais il but avidement l’eau que je lui offris au moyen 
d’un pinceau de poil de Chameau ou dans le creux de ma main. Cinq 
jours plus tard, après plusieurs tentatives infructueuses pour déter- 
miner ma Chauve-Souris à manger, je me procurai quelques Papillons 
de nuit (Scofosia dubitata) des mines de cuivre et les plaçai dans sa 
cage; mais elle ne sembla y faire aucune attention. Le lendemain soir, 
je plaçai ma Chauve-Souris sous une cloche de verre avec six Papil- 
lons, et, en allant la visiter une heure après, je vis qu'elle les avait 
tous pris et mangés, ne laissant que les ailes et les pattes. 

J'eus bientôt épuisé ma provision de Papillons et je commencais à 
désespérer de pouvoir conserver vivante ma petite prisonnière qui sem- 
blait ne pas s’apercevoir de la présence des Ténébrions, même lorsqu'ils 
se promenaient sur sa figure et sur ses ailes. Le 5 décembre, j’attachai 
une aile de Papillon à la moitié du corps d’un Ténébrion, et je le pré- 
sentai sous le nez de ma Chauve-Souris. Ma ruse réussit admirable- 
ment. L'animal se jeta sur le faux Papillon et dévora le Ténébrion avec 
avidité. Depuis cette époque, elle accepta facilement ces Insectes et 
apprit bien vite à les saisir quand je les lui présentai au bout des doigts. 
Je lui donnai ainsi à manger tous les jours, et, pour un aussi pelil 
animal, il était doué d’un extraordinaire appétit. Un jour, après avoir 
mangé la veille au soir sept Ténébrions, mon #yofis en dévora, entre 
deux et neuf heures, huit nouveaux, une grosse Araignée et six $. 
dubitata, elle attrapa ensuite quelques Papillons, mais ne les mangea 
point. La nuit suivante, elle mangea sept autres Papillons que j'avais 
placés sous la cloche. Un autre soir, elle mangea deux morceaux de 
Lapin cru, sept Ténébrions, un S. dubitata et deux Papillons très gros de 
l’espèce Gonoptera libatrix.Le 28 décembre, elle semblait en excellente 
santé. Je ne lui donnai rien à manger le 29, et, le matin du jour sui- 
vant, je la trouvai suspendue par les pattes et semblant dormir. 
Seulement les jambes étaient droites au lieu d'être fléchies comme 
elles le sont habituellement. En la touchant, je constatai qu'elle était 
morte. 


398 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


La Chauve-Souris me mordit assez profondément lorsque je la pris 
dans le tunnel et que je la plaçai dans mes mains pour la réchauffer, 
mais, dans la suite, elle ne donna plus aucun signe de colère et, en 
peu de jours, elle s'apprivoisa complètement. Elle semblait aimer très 
peu à voler, surtout après avoir mangé, et si on la forcait à s'envoler, 
elle faisait deux ou trois tours dans la chambre, s’arrêtait sur un 
panneau, s’accrochait à une tenture ou se posait sur une chaise et 
parfois sur ma tête ou sur mes vêtements. Quand elle se trouvait sur 
une surface verticale, elle se tenait la tête en l’air et suspendue par 
ses griffes, toujours prête à reprendre de nouveau son essor. Pour s’en- 
voler d’une surface plane, elle s'élevait par un saut et en déployant 
en même temps ses ailes. Elle aimait peu à voler, mais elle ne se 
fatiguait jamais de se promener au milieu des papiers et autres objets 
qui se trouvaient sur ma table, et bien rarement, sinon pendant ses 
repas, elle restait en repos. La cloche dans laquelle je l'avais enfer- 
mée était placée sur des supports dont la hauteur avait à peine un 
quart de pouce, — exactement 7 millimètres, — lorsqu'on enlevait la 
plaque de zinc perforé qui garnissait le fond, la Chauve-Souris sortait 
ea rampant par cette ouverture. La lumière de la lampe qui brülait 
sur ma table ne semblait pas l’incommoder; elle se posait souvent sur 
cette lampe, appuyée sur ses orteils et mangeant les Ténébrions à 
quelques pouces à peine de la lumière ; en somme, elle ne paraissait, 
en aucune facon, rechercher l'ombre ou l'obscurité. Souvent elle se 
promenait sur mes mains ou sur mes manches, probablement à cause 
de la sensation de chaleur que lui procuraïit le contact de ma peau. 

Le sens de la vue paraît peu développé chez ces animaux. La 
Chauve-Souris dont je parle était incapable de distinguer un Téné- 
brion d’un pinceau humide à une distance d'un pouce. Le Wyolis mys- 
tacinus est, du reste, plus diurne que les autres Chauves-Souris 
anglaises, et il sort fréquemment l'été en plein jour. L’impuissance où 
se trouvait mon captif de distinguer les objets placés à plus d'un 
pouce de ses yeux ne peut être attribuée à l’éblouissement résultant 
d’une lumière trop vive, puisque cette faiblesse de vision se produisait 
aussi bien le jour qu’à la lumière de la lampe. Le sens de l’ouïe 
semble également peu développé; je n’ai jamais vu ma Chauve-Souris 
faire même un mouvement de tête à un bruit soudain, par exemple, 
lorsque je faisais claquer mes doigts ou lorsque mon réveil se mettait 
brusquement à sonner. Souvent elle dormait sur le plancher les ailes 
appliquées au corps; quelquefois elle dormait également suspendue 
par les griffes à un coffre en bois. Pendant son sommeil, qui souvent 
élait très profond, sa température s’abaissait sensiblement, et elle 
devenait presque froide. Elle se réveillait à l'approche de la nuit, mais 
rarement le jour, à moins qu’on ne la réveillät en la touchant. Lorsque 
je désirais la faire manger pendant le jour, j'étais obligé de la garder 
une minule ou deux entre mes mains pour la réchauffer. Elle était 


EXTRAITS ET ANALYSES. 399 


constamment altérée et elle buvail volontiers du lait ou de l’eau, même 
sans être complètement éveillée, avant de prendre aucune nourriture. 
Elle poussait de légers cris, moins percants que ceux de la Chauve- 
Souris à longues oreilles. 

Lorsqu'elle avait saisi un Insecte, elle relevait la tête et allongeait 
les pattes quelquefois au point de perdre l'équilibre et de tomber sur 
le dos. En lui donnant à manger sur une plaque de verre, de façon à 
pouvoir la voir par-dessous ou, mieux encore, en lui donnant un 
Insecte lorsqu'elle se tenait suspendue par les patiles, on se rendait 
compte de la cause de cette singularité. La queue se dirigeant en 
avant sous le corps, la membrane interfémorale formait une poche qui 
s’avançait jusque sous la tête et l’empêchait de saisir sa proie qu'elle 
était ainsi exposée à manquer. Cet inconvénient ne se produisait pas 
lorsqu'elle volail, mais seulement lorsqu'elle se trouvait sur une sur- 
face plane, et, dans ce cas, elle laissait souvent l'Insecte s'échapper. 
Elle ne cherchait pas alors à le saisir de nouveau, et celui-ci glissait 
entre ses ailes ‘et sa queue. Lorsqu'elle était suspendue, elle ne le 
manquait jamais. Elle semblait avoir appris, par experience, que les 
Ténébrions ne pouvaient lui échapper en s’envolant. A l’état libre, les 
Chauves-Souris, saisissant presque toujours leur proie au vol, doivent 
souvent manquer, à la première attaque, les Insectes qu'elles pour- 
suivent, et il leur est difficile de le saisir de nouveau ; aussi l’aban- 
donnent-elles habituellement, comme le faisait la mienne pour les 
Ténébrions. Des observations ultérieures montreront probablement 
que cette habitude est commune à toutes les Chauves-Souris de nos 
pays, sauf peut-être la Chauve-Souris Pied-de-Cheval dont la mem- 
brane interfémorale est relativement petite et qui, au repos, tient la 
queue d’une tout autre facon. 

Après avoir fortement saisi sa proie par la tête ou par les ailes, ma 
Chauve-Souris l’avalait dans le sens de la longueur, la croquant par 
des mouvements rapides jusqu'à ce qu’elle eût disparu dans son 
gosier. Jamais elle ne se servait de ses pieds ou de ses griffes pour 
tenir sa proie, lorsqu'elle les saisissait au vol. Elle prenait les Papil- 
lons et les Araignées qui se trouvaient à sa portée, mais les Téné- 
brions que je lui présentais au bout de mes doigts semblaient l’éton- 
ner. Une fois seulement je l’ai vue en prendre un, bien que souvent je 
lui aie placé ces Insectes devant les yeux. Elle ne mangeait jamais les 
pattes et les ailes des Papillons. Cependant une fois ou deux, ayant 
trouvé, en se promenani autour de ma table, une aile de Papillon, elle 
la saisit et la croqua. Quant aux Ténébrions, elle les dévorait complé- 
tement, mais elle laissait quelquefois la partie cornée qui constitue 
leur tête. 

Après avoir mangé, ma Chauve-Souris procédait à sa toilette. Elle 
se suspendait par une patte et, avec l’autre, peignait, par un mouve- 
ment rapide, les poils de sa figure et de son corps; puis elle se sus- 


_ 


500 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


pendait par l’autre patle et répélait la même opération. Elle soignait 
particulièrement ses ailes et la membrane interfémorale, qu'elle lissait + 
en dedans et en dehors et qu'elle étendait en frottant son nez dans les 
plis. Tous ses mouvements étaient d'une souplesse remarquable. 

Malgré les soins qu’elle prenait, elle était, comme toutes les 
Chauves-Souris, attaquée par beaucoup de parasites. Je pris un jour 
sur sa membrane interfémorale, près de la naissance de la queue, une 
grosse Tique, et, dans sa fourrure, deux Puces que M. Edward 
Saunders a reconnu être des 7yphlopsylla hezactenus (|). 


>< 


CULTURE DE LA TKOSINTE À LA FERME DES EXPÉRIENCES DE TUNIS. 


La Teosinte (Euchlens luzurians) est une Graminée originaire du 
Guatémala au point de vue de son mode de végélation. Cette plante “A 
offre des analogies avec la Canne à sucre; son développement foliacé 
abondant, ses tiges sucrées en font un excellent aliment pour le bétail 
et sa culture semble devoir être recommandée en Tunisie. : ; 

L'essai fait en 1898 à la ferme d'expériences a porlé sur une surface 
de 3 ares. Lé semis a eu lieu le 13 juin en lignes écartées de 1 mètre. + 
La levée s'est faite d’une facon régulière le 20 juin et, grâce à desar- 
rosages fréquents, la végétation s’est montrée de suile très luxuriaste. 

Deux coupes de fourrage vert ont élé faites le 10 aoûtetle5oc- 
tobre; elles ont donné les résultais suivants : première coupe, 35 kil; 
deuxième coupe, 753 kil. soit au total, 1,488 kil. sur 3 ares, corres- < 
pondant à 49,600 kilogrammes à l’hectare. " 

Ce rendement est égal à celui d'une récolte ordinaire de Maïs- 
fourrage. Mais les tiges de la Teosinte sont plus sucrées, plus tendres | 
et par suite plus goûtées par le bétail que celles du Maïs (2). ; 


(1) The Zoologist, n° 692, février 1899, pp. 49-53. 
(2) Bulletin de la Direction de l'Agriculture et du Commerce de la Régence a à 
Tunis. — 15 janvier 1899. 


ë. feel BULLETIN 


DE LA 


LA F 


EL AATIONALE D'ACCEDATATION 


DE FRANCE 
(Revue des Sciences naturelles appliquées) 


46° ANNÉE 


DÉCEMBRE 1899 


SOMMAIRE 

“Baron DE PARANA. — Documents nouveaux sur le Zébroïde,............,......... 201 
“Eucère BIZERAY. — Notes sur les élevages de mammifères exotiques et d'oiseaux 

f indigènes GE EROIQUES 0 Dodo SPAM RANEERRA MERS ERNEST RSR 405 
ROME" P2#Poule-Coucoude Rennes: :..4.:..1..:....) .. 4... 411 
“Eure MAISON. — Remy le Vosgien et l’industrie piscicole en France............... 414 
PPaur CHAPPELIER. — Les Blattes domestiques .. ......:..............,........ 426 
Harno COCCHI. — Observations sur la culture du Gizko Biloba en ltalie.............. 134 
7 Æxtraits et Analyses. 

AL NESCENIAKOFF. — Les Pécheries en Russie ......... eee De JE 
D — Sur la maladie des Pruniers en Lot-et-Garonne............ ..,.:............. 445 


…. La Société ne prend sous sa responsabilité aucune des opinions 
émises par les auteurs des articles insérés dans le Bulletin. 


—————_—_—_ RGO 


Un numéro 2 franes ; pour les membres de la Société 4 fr. 50 


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Paris | 


401 


DOCUMENTS NOUVEAUX SUR LE ZÉBROIDE 


PRODUIT DU CROISEMENT DU ZÈBRE DE BURCHELL (1) 
AVEC LA JUMENT, OBTENU AU BRÉSIL, 


par le baron de PARANA. 


Lordello, 15 février 1899. 


J'ai lu avec grand intérêt dans le Bulletin de la Société 
nationale d’'Acclimatation de France (octobre-novembre 
1898), la traduction du mémoire de M. J. Cossar-Ewart sur ses 
hybrides du Zèbre de Burchell avec la Jument. La description 
qu'il fait de ses hybrides s'accorde tout à fait avec les ca- 
ractères de mes Zébroïdes; sans nous connaître, sans sup- 
poser l'existence l’un de l’autre, dans des pays extrêmes, 
nous avons eu la même idée et nous avons obtenu les mêmes 
résultats presque en même temps. Le premier hybride de 
M. Cossar-Ewart, Romulus, est né en effet Le 12 août 1896, et, 
mon premier Zébroïde, Lordeilo, est né le 5 décembre 1896, 
c'est-à-dire, quatre-vingt-cinq jours après. 

En novembre de l’année passée (1898), je vous ai annoncé 
la naissance d’un autre Zébroïde et je vous ai envoyé un 
exemplaire d’un mémoire que j'ai publié ici et que j'ai fait 
tirer à part. Je vous en adresse encore quelques exemplaires 
avec la présente lettre. 

Le 30 décembre 1898 j'ai obtenu un autre Zébroïde, du sexe 
féminin, de la Jument ÆZlla (mère du deuxième Zébroïde, Mé- 
nélick) et du Zèbre Canon. Ils sont maintenant cinq; j'espère 
autant de naissances pour cette année. 

Le croisement du Zèbre avec la Jument va entrer mainte- 
nant dans la pratique courante et bientôt il y aura beaucoup 
d’éleveurs de Zébroïdes ; c’est ce que je souhaite, parce que 
je continue à croire que le Zébroïde est un animal de grand 
avenir. 

. (1) D’après M. Prazak (Bulletin du Muséum d'Histoire naturelle, 1899), le 
véritable Zèbre de Burcheli serait une espèce éteinte depuis une quarantaine 
d'années. Les animaux que l’on désigne sous ce nom ou sous celui de Dauw 
dans les Jardins zoologiques appartiendraient tous à l’Equus Chapmannt Gray 


et à ses nombreuses variétés. 
Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 297. 


£02 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


La naissance sucessive des cinq Zébroïdes, énumérés ci- 
dessous, nés de Juments différentes, prouve que le croi- 
sement du Zèbre de Burchell avec la Jument est un fait 
acquis. 

Lordelio, du sexe masculin, né le 5 décembre 1896, de. 
la Jument Sfael et du Zèbre Canon; est bai brun, rayé 
de noir. 

Ménélick, du sexe masculin, né le 15 janvier 1898, de la 
Jument Ella et du Zèbre Caron ; est gris, rayé de noir. 

Saba, du sexe féminin, née le 22 juin 1898, de la Jument 
Denise et du Zèbre Canon; est de couleur isabelle, rayée 
de noir. 

Salomon, du sexe masculin, né le 2 juillet 1898, de la 
Jument Zngleza et du Zèbre Canon; est de couleur isabelle 
clair, rayée de noir. 

Erythrea, du sexe féminin, née le 30 décembre 1898, de la 
Jument Ella et du Zèbre Canon; elle est baie avec des 
zébrures brun foncé. 

Tous ces Zébroïdes sont très vifs, très agiles, maïs très 
doux et s'habituent très facilement aux personnes qui les. 
soignent; ils mangent aussi bien au râtelier qu’au pâturage 
et sont d'une force musculaire extraordinaire. 

La grandeur, la gracilité des formes, les qualités d’allure 
et les aptitudes des Zébroïdes dépendront toujours de leurs 
mères; par conséquent, on pourra en faire des animaux de 
selle, de labour, de trait léger ou lourd, à volonté; on n'aura 
qu'à pratiquer le croisement du Zèbre avec la Jument ayant 
les qualités et les aptitudes que l'on voudra obtenir. Ainsi le- 
Zèbre croisé avec des Juments des races lourdes, comme les. 
Percherons, Suffolk, Clydesdale, etc., donnera des Zébroïdes, 
grands, très forts, pas aussi lourds, ni aussi trapus que leurs- 
mères, mais on distinguera bien en eux la race de celles-ci ; 
ils seront très bons pour les services où il faut plus de force- 
que de vitesse; si on croise le Zèbre avec des Juments de 
races légères, comme les Arabes, Normandes, Tarbes, Anda- 
louses, Anglo-arabes, Anglo-normandes, etc., on aura des 
Zébroïdes, grands, élancés, aussi forts que les premiers, mais 
mieux appropriés aux services où il faut plus de vitesse que 
de force. 

L'accouplement du Zèbre avec la Jument est très facile et 
dépend seulement de la coïncidence du rut du Zèbre avec 


DOCUMENTS NOUVEAUX SUR LE ZÉBROIDE. 403 


celui de la Jument; toute la question est là; il faut toujours 
se rappeler que la domestication du Zèbre date de peu d'an- 
nées et que, par conséquent, il conserve encore la caractéris- 
tique des animanx sauvages qui ne s’accouplent que quand 
mâle et femelle sont en rut; ils ne sont pas comme les 
Chevaux, Taureaux, Anes, Chiens, etc., dont la domestication 


Lordello, le premier Zébrcide né au Brésil chez le baron de Parana. 


(D'après une photographie.) 


datant de plusieurs siècles a rendu les mâles vicieux et, par 
conséquent, toujours disposés à saillir les femelles, pourvu 
qu'elles les acceptent; le Zèbre ne se trouve pas encore dans 
ce cas; la Jument peut être très en rut, si lui-même ne l’est 
pas, il ne saillit pas. 

Ici, à Rio de Janeiro et je pense qu'il doit en être de même 
dans les pays chauds, le Zebre est en rut en automne et au 
printemps; avec les grandes chaleurs il saillit difficilement ; 
avec les grands froids il ne saillit pas. 


40% BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Convaincu que le Zébroïde, par ses qualités et ses aptitudes, 

. prendra une importance économique très grande surtout pour | 

les pays chauds, j'engage tous ceux qui s'occupent d'élevage 

dans ces pays à prendre ce nouveau produit en grande con- 

sidération parce que, dès qu’il sera plus connu, on ne voudra 1 

plus du Mulet fils de l’Ane et de la Jument. . 
Le Zébroïde sera le Mulet du xx° siècle. 


NOTES 


SUR LES ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES EXOTIQUES 
ET D'OISEAUX INDIGÈNES OU EXOTIQUES 


Pratiqués de 1892 à 1898 à la villa du Jagueneau, 
à Saumur (Maine-et-Loire) (1) 


par Eugène BIZERAY. 


Monsieur le Secrétaire général, 


Vous me demandez le résumé de mes travaux d'élevage et 
d’aviculture ; je les poursuis depuis douze ans avec des succès 
variables, mais toujours avec persévérance et beaucoup d’in- 
térêt. J'ai commencé par construire à granäs frais une 
vaste volière où j'ai installé une quantité de petits Oiseaux. 
Comme ils mouraient les uns après les autres, j'ai bien vite 
compris qu'il y avait mieux à faire; au lieu de renouveler sans 
cesse les victimes, il fallait les remplacer naturellement par 
des sujets se reproduisant dans la volière même. Je me suis 
mis à l’œuvre avec l’aide de mon domestique et de quelques 
ouvriers; en peu de temps, j'avais couvert de volières, de 
cabanes et d’enclos, la totalité presqu’entière de ma petite 
propriété. Sa superficie ne dépasse pas 92 ares, elle est en-. 
tourée partout de hauts murs. Aujourd’hui, tous les logements 
sont occupés par des Quadrupèdes et par des Oiseaux dont 
l'observation fait la plus grande distraction de ma solitude. 
Mes élèves se comportent assez bien quelquefois, comme vous 
le verrez par le résumé qui va suivre. 

Je n’ai commencé à prendre régulièrement des notes qu’en 
1892, les années antérieures ayant été consacrées à l'orga- 
nisation et aussi à mon apprentissage. Je regrette de n’en 
_avoir pas gardé la trace, car certaines années m'ont donné 
des élèves dont l'échange m'a permis d'acquérir des sujets 
nouveaux et plus rares. 


(1) Communication faite en séance générale le 26 mai 1899, 


Viila du Jagueneau à Saumur (Maine-et-Loire). 
(Vue prise de la rive droite de la Loire.) 


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NOTES SUR LES ÉLEVAGES DE MAMMIFÈRES EXOTIQUES. 407 


On trouvera ci-après le compte rendu sommaire de l’éle- 
vage des Mammifères. Ce qui concerne les Oiseaux a été 
résumé par année sous forme de tableau. 


1896. Mara (Dolicholis patagonica), un mâle et trois femelles. 


Deux femelles ont avorté dans le mois de février ; 
une a mis bas le 8 août un jeune, la seconde, le 22 
août, deux jeunes et la troisième le 7 septembre, un 
jeune. La première a eu, le 28 décembre, une seconde 
portée de deux petits, soit six jeunes pour trois fe- 
melles dans l’année. 


1897. Les mêmes animaux m'ont donné cinq jeunes élevés 


dans l’année : 

Agoutis dorés de la Guyane (Dasiprocie Aguti L.), 
deux jeunes nés le 24 août. 

Antilope cervicapr'a, un couple a donné une femelle 
le 5 juin. | 

Cervulus Reevesi (Og.) un couple a donné une femelle 
le 7 juin. 

Kanguroo Wallaby (1) (Æalmalurus Benneiti (Wat.), 
un jeune mâle est sorti définitivement de la poche 
de sa mère le 28 juin. 


1898. Agouti doré, le 11 janvier, deux naissances nouvelles. 


Anlilope cervicapra, le 29 maï, un jeune mâle. 

Cervulus Reevesi, le 8 avril, un jeune mâle. 

Kanguroo Wallaby, le 20 mars, trouvé la femelle 
morte avec un jeune dans la poche marsupiale; ce- 
lui-ci vivait encore, on l’a enlevé et installé sur un 
petit nid placé dans un panier; il a été élevé au 
biberon. C'est une femelle, aujourd'hui aussi forte 
que le vieux mâle dont elle va devenir la com- 
pagne. 


(1) Le nom de Wallaby s'applique non seulement à cette espèce, mais à tous 


les Halmaturus. 


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410 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. È 


Les Crossoptilons, les Prélats, les Faisans d’Elliot et les 
Tragopans n'ont pas pondu au printemps de 1898 et cepen- 
dant les coqs de ces espèces étaient très excités en saison. 

L'’Argus géant n’a pas pondu moins de dix-sept œufs, 
malheureusement toujours la nuit et du perchoir, trois ont 
été recueillis après l'enlèvement du perchoir, mais le mâle 
n'ayant pas été enlevé quand on a donné ces œufs à la femelle 
qui manifestait l'envie de couver, ils ont été mangés par lui. 

Dans chaque case de Faisans, est installé un couple de 
Colombes soient des Lumachelles, des Lophotes, des Dia- 
mants, des Zébrées, des Tranquilles ; toutes ont fait plusieurs 
nichées dont la plupart ont réussi. | 


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LA POULE COUCOU DE RENNES (1) 


par Félix MÉREL. 


Il est impossible d’assigner une époque à l'apparition des 
races de Poules dites Coucou et que l’on trouve dans tous les 
pays, mais il est plus facile d’en expliquer l’origine. 

Voici. en effet, longtemps que Dareste a démontré que cer- 
taines races ont pour point de départ des anomalies acciden- 
telles devenues héréditaires, qui se perdent, se transmettent, 
disparaissent ou reviennent suivant que les sujets sont soumis 
à une sélection plus ou moins sévère. 

Que ces anomalies, faciles à perpétuer, soient dues à 
des causes accidentelles ou qu’elles soient, comme le croient 
Brent et Darwin (2), pour les races coucou, le résultat de 
croisements entre Oiseaux blancs et noirs, on ne saurait nier 
leur existence. Sans prétendre en faire un article de foi, je 
suis, d’après mon expérience personnelle, partisan de l’idée 
de Darwin. Il est, en effet, impossible de n'être pas frappé 
par la persistance avec laquelle, malgré la sélection la plus 
étroite et la plus sévère, les Poules de cette race deviennent 
noires, et les Cogs clairs. La fréquence de l'apparition de la 
couleur noire chez la Poule et de la nuance claire chez le Coq, 
malgré les soins les plus assidus, semble donc indiquer que 
l'origine de cette race provient, comme le pensent les deux 
auteurs cités plus haut, du croisement de Poules noires et de 
Cogs à plumage clair, et il faut avouer que c’est la théorie 
plus logique et celle que semble consacrer la pratique de 


l'élevage. 


Quoi qu'il en soit, la race coucou est aujourd’hui fixée, 


bien que les variétés en soient assez nombreuses. La Coucou 


de Rennes en comporte quatre; celle à crête droite, celle à 
crête frisée, la variété foncée, la variété claire. 


(1) Communication faite en séance générale le 16 décembre 1898. 
(2) Darwin, De la variation des Animaux et des Plantes, tome I, pages 259 
et 274. 


412 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


La variété type la plus jolie, la plus pratique est la Coucou 
foncée à crête droite. 

Indépendamment de la mode qui la préfère, son plumage 
foncé passe moins que celui des variétés claires, sa chair 
paraît plus blanche. 

La crête simple est la plus nenasens connue, et c’est, 
elle qui se reproduit avec le plus de fixité. 

C’est cette variété que M. Ramé, l’aimable et distingué avi- 
culteur de Nouvoitou, près Rennes, sélectionne avec soin, 
depuis quinze ans et avec laquelle il a remporté et remporte 
encore très justement dans tous les concours français et 
étrangers, les plus hautes récompenses. 

La Coucou de Rennes est une volaille de ferme et de rap- 
port et non de luxe. Sa place est à la campagne où sa préco- 
cité, sa rusticité, sa sobriété, son aptitude à chercher sa vie, 
la rapidité de sa croissance, ses qualités comestibles excel- 
lentes, sa ponte abondante, peuvent être une source de 
sérieux bénéfices; mais elle réussit aussi fort bien dans des 
parquets réduits qu'elle orne très agréablement, et l’expé- 
rience nous a démontré que là, comme en liberté, elle récom- 
pensait largement l’éleveur de ses soins. 

Le Coq non engraissé pèse 3 kilos. Son aspect général est 
celui d’un Oiseau trapu, ramassé, mais sa démarche est fière 
et son maintien élégant. Sa tête, de grosseur moyenne, est 
ornée d’une superbe crête simple, droite, à dents séparées, 
régulièrement dentelées, profondes et aiguës, avançant sur 
le bec et postérieurement détachée de la tête et flottante. 
Le bec est couleur corne, l’œil brun clair, les joues et 
oreillons rouges, ces derniers souvent sablés, les barbillons 
longs. 

Le cou est court, le dos large, la poitrine très développée, 
profonde et bombée. La patte, d’un blanc rosé, marbrée de 
gris, est assez longue, forte, entièrement dénudée, munie de 
quatre doigts et d’un éperon volumineux, même dans le jeune 
âge. Le plumage coucou d’un bout à l’autre fait ressortir les 
lancettes du croupion et du camail qui sont grises à reflets 
argentés. La queue est longue, très fournie et ne doit pas 
avoir de faucilles à courbure intérieure se rapprochant de 
la tête. | 

La Poule pèse en moyenne 2 kilos. Elle est très bonne 
pondeuse et donne des œufs blancs pesant de 55 à 60 grammes. 


LA POULE COUCOU DE RENNES: 413 


Elle est assez médiocre couveuse, mais très bonne mère. 

Le poussin, gris ou noir à la naissance suivant les variétés, 
a sur le sommet de la tête une petite calotte ronde et blanche. 
I1 s'élève très facilement, grandit très rapidement et peut 
donner à trois mois un rôti des plus délicats et suffisamment 
abondant. 

En résumé, le Coucou de Rennes selectionné est une race 
pratique possédant un ensemble de qualités qu'il est très dif- 
ficile de trouver réunies et qui mérite, au plus haut point, 


d'attirer l'attention et la sollicitude de tous les agriculteurs 


amateurs et éleveurs. 


+ FPUOINT 


Le D 


H15 


REMY LE VOSGIEN 
ET L'INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE 


par Émile MAISON (1. 


Dans la séance du 2 mars 1855 de la Société d'Acclimata- 
tion, M. Jules Haime prenait la parole en ces termes, au nom 
de la Section de pisciculture : j 


« Un homme vient de mourir qui, malgré l'étroite sphère dans 
laquelle se sont accomplis ses travaux, malgré les faibles ressources 
dont il a pu disposer. a cependant cet honneur insigne d'avoir doté la 
France d'une nouvelle et importante industrie. Joseph Remy n'était 
pas un savant : c'était un simple pêcheur ignorant ce qu’enseignent les 
livres et les écoles, complètement étranger par conséquent aux progrès 
des sciences naturelles ; mais il possèdait un grand talent que ne 
donne pas toujours l'éducation la mieux dirigée : il savait observer el 
mettre à profit ses observations. Sans maîlre, sans conseil, sans appui, 
il est parvenu, à force de pénétration et de persévérance, non seule- 
ment à refaire une à une les expériences qui ont occuré toute la vie 
de Jacobi, mais à pénétrer plus avant encore dans la voie de la 
pratique, et à conduire le problème de l’éléve des poissons jusqu’à une 
solution presque complète. Les services qu'il a rendus à la pisciculture 
sont considérables, et avec lui s'ouvre une ère nouvelle pour cette 
branche de l’économie rurale 

» Longtemps avaut que Remy eût commencé ses travaux, la fécon- 
dation artificielle des œufs de poissons avait été imaginée et pratiquée 
à plusieurs reprises. Divers physiologistes s'étaient servi de ce procédé 
dans leurs recherches scientifiques, et même, en Allemagne et en 
Angleterre, on tenta de l'appliquer an repeuplement des cours 
d'eau (2); mais les résultats qu'on obtint alors étaient de peu 
d'importance et tombérent bientôt dans l'oubli. 

» L’humble pêcheur, perdu au fond des Vosges, dans l’obscur 
village de La Bresse, ne soupconnait même pas que jamais tentatives 
semblables eussent été faites, il ignorait jusqu’au mode de génération 
des poissons, et il a eu cette puissance de ne jamais reculer devant 
l'observation directe, et de trouver par lui-même ce qu’il lui importait 
de savoir. Il allait pendant des jours entiers et par les nuits froides, 


(1) Communication faite le 16 décembre 1898. 
(2) Voy. article sur l’histoire de la pisciculture publié par M. Jules Haime dans 
la Revue des Deuz-Mondes, livraison du 1er mai 1854. 


REMY LE VOSGIEN ET L’INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 415 


épiant les Truites le long des rivières et suivant d’un œil avide les 
manœuvres qui, chez ces animaux, précèdent la ponte etla fécondation 
des œufs. Aussitôt que ces phénomènes lui furent connus, il comprit 
que ce qui se passait dans la nature, il serait possible de le traduire 
artificiellement et dans des conditions souvent meilleures, d'opérer 
plus intimement le mélange des œufs avec la laitance, et d'éloigner 
des produits ainsi fécondés les nombreuses chances de destruction 
auxquels ils sont naturellement soumis. L'’éclosion devrait s'effectuer 
ainsi d'une manière beaucoup plus certaine et plus complète que cela 
n’a lieu dans les circonstances ordinaires. L'expérience ne tarda pas 
à confirmer ces prévisions : Remy s'entoura de précautions telles et 
sut prendre des dispositions si habiles, que bientôt il put voir une 
multitude de jeunes Truites éclore et nager dans ses appareils. 

> Mais il restait d’autres obstacles à surmonter. Ce n’était pas tout 
d'avoir soustrait les œufs aux dangers qui les ménacent quand ils 
restent abandonnés à eux-mêmes ; il fallait encore assurer le dévelop- 
pement des jeunes Truites et leur trouver une nourriture en rapport 
avec les besoins de leur âge. Remy. aidé alors d’un de ses compa- 
triotes Géhin, eut également raison de ces difficultés... » 


Et après ce légitime hommage rendu au fondateur de l’in- 
dustrie piscicole en France, M. Jules Haime appelait la bien- 
veillante attention de la Société sur la veuve et les enfants 
de Remy, mort dans un état voisin de la misère, et nous 
aurons soin tout à l'heure de rapporter quelques chiffres 
éloquents, afin de montrer avec quelle sympathie la Société 
d'Acclimalalion répondit à cet appel. Peut-être eussions- 
nous pu nous dispenser de reproduire, presque en son entier, 
le discours du rapporteur; mais il nous a paru que, à la dis- 
tance de près d'un demi-siècle, cette réédition avait sa raison 
d'être. Combien peu, en effet, parmi ceux qui nous liront 
dans ce Bulletin, peuvent remonter aussi loin dans leurs sou- 
venirs ? Et n’eût-ce pas été dommage de les priver du bel 
exemple de solidarité humaine que donne alors la Société en 
venant au secours d’une famille dont le chef s'était dépensé 
pour le bien public avec si méritoire effort, et auquel l'État 
n'avait pas su offrir décemment le pain quotidien ? 

C'est en lisant la brochure consacrée à Remy par M. E. 
Humbert-Claude, curé de Taintrux (Vosges), et récemment 
parue à Nancy sous le titre de : Une gloire vosgienne, Remy 
inventeur des procédés pratiques de la pisciculture (l), que 


(1) Extrait du Congrès provincial de la Société bibliographique et des Publi- 
cations populaires, A. Crépin-Leblond, Nancy, 1897. 


516 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


l'idée nous est venue de consulter d’abord la précieuse col- 
lection des Bulletins de la Société. Ce nous est à présent un 
vif regret de n'avoir pu rendre compte de l'écrit non moins 
documenté qu'apologétique publié par M. Humbert-Claude, 
où nous trouvons dès la première page l'indication du tres 
louable sentiment qui lui a fait prendre la plume en cette 
circonstance, à lui dont les habituelles occupations s’éloignent 
si sensiblement de celles qui occupèrent toute l'existence 
tourmentée de son compatriote de La Bresse «Il y a, dit-il, 
des mérites méconnus, comme il y a des gloires usurpées, 
grâce souvent à d’audacieuses légendes créées on ne sait 
comment, crues on ne sait pourquoi. Presque toujours les 
victimes de ces injustices du sort n’obtiennent en ce bas- 
monde qu’une réparation posthume. Car la vérité est lente à 
_se dégager des brouillards de la légende, et la justice, cette 
vieille matrone béquillante, ne vient communément que sur 
le tard, avec ses balances rouillées, pour rendre à chacun ce 
qui lui est du. » 

11 apparait tout de suite, ici, que l'honorable ecclésiastique 
entend séparer la cause de Remy de celle de son associé 
Géhin, tous deux confondus dans la même gloire par Isidore 
Geoffroy Saint-Hilaire, au titre de bienfaiteurs de leur pays. 
Et pourtant, à part les amateurs de curiosités biographiques 
de Géhin, alors que ie nom de Remy demeure indissolublement 
lié à une des grandes découvertes du siècle, la désassocia- 
tion est donc faite depuis longtemps, que, cependant, M. 
Humbert-Claude ait éprouvé le besoin de reprendre toute 
cette histoire et de proclamer encore plus haut le mérite 
(non méconnu) du seul de ces deux hommes ayant droit à 
l'apologie; rien de plus naturel de sa part, dirions-nous 
volontiers, n’était qu'il nous plait mieux de le grandement 
féliciter d’avoir fait acte de justicier. 

Aussi bien, quoique le docteur Haxo, d'Épinal, secrétaire 
perpétuel de la Société d'émulation des Vosges, ait été des 
meilleurs amis de Géhin, lorsqu'il publia, en 1854, le Guide 
du Pisciculleur, eut-il le soin d'ajouter : « D’après des notes 
et des documents fournis par J. Remy, pêcheur de La Bresse ». 
Géhin, lui, faisait un autre métier, et il n'était en peine 
d'aucun. 


« Né en 1804, Remy, nous raconte sa biographie, s'était fait 


REMY LE VOSGIEN ET L’INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 417 


pêcheur vers l'âge de seize ans, parce que la pêche était dans ses 
goûts et selon ses moyens, son choix étant nécessairement limité entre 
des professions modestes ; il était du reste bien placé, près du ruisseau 
de Vologne (1), et à proximité des lacs des Corbeaux et de Blanchemer. 

On sait ce qu'un pêcheur à la ligne peut acquérir de patience dans 
la bonne et dans la mauvaise fortune : Remy apporta à son métier des 
aptitudes spéciales ; car il était plus qu’un pêcheur, c'était un amant 
de la nature, attiré vers les Poissons par un charme presque étrange, 
ét doué d’un rare esprit d'observation, en même temps que d’une 
persévérance à toute épreuve. Il se disait assurément que plus la 
rivière serait peuplée, plus la pêche aurait d’agréments et de profits : 
mais il n'avait pas à déplorer, du moins autant qu’on l'a dit, la 
dépopulation des rivières. Là, à la tête des bassins, les cours d’eau 
trouvaient, dans les étangs et les lacs non encore ruinés, des réserves 
de reproduction inépuisables. Et puis, il n’y avait pas d'usines à 
cette époque pour détourner les eaux, assécher les cours d’eau sur de 
longs parcours, ou pour empoisonner de détritus chimiques les rivières 
limpides. » 


Le lecteur ne manquera point de souligner dans son esprit 
toute cette dernière phrase, qui précise si bien la cause de 
tant de ravages, tous attribués aux braconniers. Ce n'est 
point que nous voulions plaider ici les circonstances atté- 
 nuantes en faveur de ces messieurs; nous voulons simple- 
ment constater à notre tour que la chimie fait une concur- 
rence déloyale au braconnage. Nous sommes également 
d'accord avec l’auteur quant à l’assèchement des lacs, sous 
couleur de protection à l’agriculture, maïs cause certaine 
d’une notable dépopulation piscicole. Le lac d'Annecy, dans 
la Haute-Savoie, a vu disparaître toutes ses frayères par suite 
de travaux d'art... que sa population aquatique ne réclamait 
certainement pas. Ainsi donc, dans les Alpes comme dans les 
Vosges, soit du côté administratif, soit du côté industriel, 
c’est le même parti pris de venir à bout d’une richesse pu- 
blique. On s'apercevra bientôt que le dépeuplement de nos 
rivières est un crime de lèse-nation, mais il sera trop tard. 

C’est ce que pressentait Remy, tout en donnant des coups 
de ligne qui sont légendaires, et, quand venait le moment du 


(1) M. Humbert-Claude nous avertit de ne pas confondre ce ruisseau avec la 
Vologne, « l'antique charrieuse de perles et l’une des gloires de Gérardmer ». 
Celui-là est formé des ruisselets du Châtelet, de Blanchemer et des Corbeaux, 
et réunit ses eaux à celles du ruisseau du Chajoux,à La Bresse même, pour 
former la Moselotte, 


Bull. Soc. nat, Accl. Fr. 1899, — 28, 


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418 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


frai, il pouvait à loisir se rendre compte de la flagrante dis- 
proportion qui existe entre les myriades d'œufs pondus à 
l'automne, et le maigre fretin qu'on trouve au printemps 
dans les mêmes ruisseaux. Outre les intempéries climatolo- 
giques, les Oiseaux de proie sont là, puis la Loutre, le Rat 
d'eau et les Poissons à peine adultes, qui ruinent toutes les 
expériences de l'automne. Remy continuait d'observer 
avec la patience du chercheur obstiné qui veut pénétrer un 
secret. 


« Le soir, aux pâles rayons de la lune, couché dans les hautes 
herbes mouillées ou sur la neige, il attendait sans mouvement, retenant 
son souffle, que, par un hasard heureux, l’œuvre mystérieuse vint 
comme d'elle-même s'accomplir sous ses yeux... Peu à peu, il vit ce 
qu'il voulait savoir, ce que personne encore peut-être n'avait vu (1).» 


Entre autres observations intéressantes pour l’histoire na- 
turelle, retenons celle-ci au passage : « Remy observa que la 
Truite n’agrée guère qu'un compagnon sur sa frayère et que 
tous deux réunissent leurs efforts pour expulser les impor- 
tuns, en manifestant des symptômes non douteux de jalousie 
et de colère; — que la petite Truite des hautes régions ne 
donne sa ponte qu'après la Truite de rivière, les plus grosses 
commençant les premières; — qu'un certain nombre d'œufs 
pour n'être pas fécondés s’altèrent rapidement et commu- 
niquent leur mortalité aux autres, etc. ». Enfin, à voir se 
répéter les manœuvres de la Truite-mère avant sa ponte, à 
voir surtout se renouveler sur la frayère le même manège de 
la Truite-mâle, Remy soupconna que ce léger frottement 
avait pour but de faciliter chez l'une la parturition des œufs, 
l'éjaculation de la laïitance chez l’autre. Alors, ayant pris un 
couple en cet état, il essaya quelques légères frictions sur le 
ventre de la mère, qui, presque aussitôt, semblant s’assoupir 
sous la douce pression des doigts de l'opérateur, cessa de 
faire résistance, tandis que les œufs venaient d'eux-mêmes 
s'égrener dans la terrine; ensuite, ayant provoqué l’écoule- . 


L 

(1) « Assurément, dit une note de M. Ilumbert-Claude, assurément les natu- 
ralistes connaissaient les lois de reproduction naturelle du poisson, théorique- 
ment du moins, par l'examen physiologique de leurs organes et par analogie; 
mais quel naturaliste a surpris aiasi sur le vif, dans leur application même, la 
longue série de ces lois? » Les savants répondront à ce point d'interrogation; 
il est bien certain, en tout cas, que Remy a su voir et meltre en pratique, par 
un procédé hors de conteste, ce que la nature lui avait enseigné. 


REMY LE VOSGIEN ET L’INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 419 


ment de la laitance dans le vase, l’eau prit pendant quelques 
instants la même teinte laiteuse, si souvent observée, et une 
fois encore il vit sur les œufs devenus presque diaphanes la 
même nuance dorée et le même petit point noir. Il avait 
trouvé le secret de la fécondation artificielle (automne 1840). 
Maïs auparavant, combien d'essais infructueux, qui eussent 
découragé un tout autre homme! 

En mars 1843, apres plusieurs expériences décisives, il fit 
part de sa découverte au Préfet des Vosges, en se servant de 
la plume d’un secrétaire, lui n’ayant pas « la main aux écri- 
tures ». Le Préfet, bien entendu, jeta aux papiers la lettre de 
Remy. À La Bresse, par contre, on n’appréciait pas trop son 
genre d’occupations; sans doute, on aimait le bon « père 
Remy », mais on comprenait médiocrement sa « graine de 
Truites », et plus d’une fois, dit-on, des sots, des malfaisants 
saccagèrent ses réservoirs. Il ne se rebutait point. 

Sur ces entrefaites, ayant été recommandé à un savant 
mulhousien, le D' Mullenbert, dont les relations s’étendaient 
au dehors, Remy lui porta un document sans réplique, un 
vase d'œufs fécondés dont il annonça l’éclosion pour une 
époque précise; et il en fut ainsi qu’il avait annoncé. Malheu- 
reusement, le protecteur mourut peu de temps après. De 
cette époque (fin de 1843) date dans l’histoire de Remy l’in- 
tervention de Géhin sur laquelle M. Humbert-Claude s'étend 
longuement. 


« C’est du reste, nous dit-il, une odyssée qui n’est pas banale, celle 
de ce cabaretier intrigant et hableur qui, mis au courant des affaires 
de Remy par le hasard d’une conversation, saisit de suite le rôle à 
jouer, se faufile aux côtés du naïf inventeur, papillonne à l'alentour 
comme la mouche du coche, le relègue peu à peu au second plan, 
finit par se substituer à lui, trouve accès, crédit et faveur dans le 
monde officiel et dans le monde savant, jusqu'à la Cour même de 
l'Empereur, et termine sa carrière en bonhomme tranquille, presque 
dans l’opulence, couronné des lauriers de sa victoire. » 


Ajoutons que Géhin n'avait eu jusque-là d’autres rapports 
avec l’élément liquide que par l'alcool qu'il débitait sur son 
comptoir, « n'ayant de sa vie mis une Truite hors de la ri- 
vière », selon la pittoresque expression d’un pêcheur de La 
Bresse. Cependant, sur le conseil de M. Haxo, l'inspecteur 
d’Académie d'Épinal étant venu au village dans les premiers 


420 -_ BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


jours du printemps de 1844 et ayant vu Remy à l'œuvre, il se 
fit apporter à Épinal, et eut le plaisir de montrer dans son 
salon des petites truitelles sortant de l'œuf, qui « se mirent à 
» nager dans l’eau avec une extrême vivacité ». Quelques 
semaines après, « sur un rapport circonstancié », la Société 
d'Emulation des Vosges votait une médaille de bronze et une 
somme de cent francs à... «chacun des deux pécheurs », 
qui reçurent en même temps les félicitations préfectorales, le 
dispensateur d'icelles ne pouvant faire mieux. L'adminis- 
tration communale leur céda ensuite la jouissance gratuite 
d’un terrain forestier à l'état de mare, appelé Séchemer, dont 
Remy fit un étang avec chaussée pour le peupler de petits 
Poissons à l'élevage dans ses réservoirs. Puis, à son compte, 
Remy acheta un autre étang, et cela au moment même où il 
allait être obligé de vendre sa maison, son bétail et son 


mobilier. 


« Ce fait de l’acquisition de l’étang de la Cuve, après 25 ans de 
peines sans salaire, avec de pareilles charges de famille et en face de 
la ruine menaçante, ne nous donne pas précisément l'idée d’un Remy 
au cœur débile, toujours découragé et toujours réconforté par Géhin, 
tel que nous le peint M. Haxo. » 


Non certes. Mais ce n'était pas tout d’avoir deux pièces 
d’eau à exgloiter, il fallait nourrir ces carnivores qu'on y 
avait mis, et c’est avec d’autres d'espèces plus petites et her- 
bivores que Remy, seul, s'employait avec succès; ce qui ne 
devait point empêcher M. de Quatrefages d'insérer cette 
phrase dans son rapport de la Société philomatique (1852) : 


« Dans la rivière de MM. Géhin et Remy, tout se passe donc main- 
» tenant comme dans la nature entière. Ces pêcheurs sont arrivés à 
» appliquer à leur industrie une des lois les plus générales sur les- 
» quelles reposent les harmonies naturelles de la création animée (1). » 


(1) Ceci, ne l’oublions pas, fut imprimé en 1852; or, bien avant, l’illustre 
naturaliste avait lu à l’Académie des Sciences un rapport sur la fécondation 
artificielle appliquée à l'élève du Poisson {séance du 23 octobre 1848) ; mais, à 
ce moment, Quatrefages ignorait encore les travaux de Remy. Afin d'assurer 
« aux deux pêcheurs » la priorité d’invention et d'attirer sur eux l'attention, 
M. Haxo s’empressa d'adresser à l'Académie un mémoire sur les résultats ob- 
tenus à La Bresse ; et déjà, quoique ruiné, Remy « nageait dans la joie comme 
ses poissons dans l’eau ». Le pauvre homme ne devait pas tarder à en rabattre, 
l'Insutut, en dépit de l’abbé Moigno, lui faisant grise mine; « mæussaderie de 
quelques savants contre ce nouveau-né, enfant de la nature et d’un père sans 
diplôme », nous dit M. Humbert-Claude, 


REMY LE VOSGIEN ET L’INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 421 


On le voit, Géhin est déjà passé au premier plan, et cela 
grâce au trop complaisant M. Haxo, dont l'illusion n’avait pas 
le droit de se méfier. La Moselotte et ses affluents avaient 
d’ailleurs été consciencieusement réempoissonnés par les soins 
de l’honnête Remy. C’est alors que M. Coste eut l’idée de s’ap- 
proprier la méthode du pêcheur, quant à la nourriture des 
jeunes du Saumon et de la Truite au moyen de proies vivantes 
(Instructions pratiques, p. 50 et 51); seulement, remarque 
avec justesse le biographe de Remy, M. Coste en fit une 
méthode presque ridicule, en proposant de donner aux Truites 
du jeune Brochet. 


« C’est là, dit-il fort sensément, un luxe que tout le monde ne 
peut se permettre, qui équivaut à nourrir des Corneilles avec des 
jeunes Faisans. Puis, jeter du jeune Brochet dans un lac, un étang 
ou une rivière, c'est s’exposer à les peupler, s’il en réchappe un seul 
couple, de pirates qui n’y laisseront pas une Truite. » 


Maïs peut-être n’est-on pas obligé de savoir ces choses-là 
au Collège de France. 

M. Coste fut si imprudent, de si mauvaise foi dans cette 
affaire, qu'il s’attira de Genève ce trait barbelé : « On cher- 
cherait en vain à citer M. Coste dans l'histoire des travaux 
scientifiques sur la question de la fécondation artificielle. » 
Signé Vogt, qui s’y entendait celui-là ! Depuis, le hasard nous 
a fait découvrir une petite brochure imprimée à Versailles, 
dans laquelle un certain M. Lecoq reproche véhémentement 
au père putatif de la pisciculture de lui avoir « volé» son 
Épinoche ; histoire par nous racontée dans Élangs et Rivières 
(n° du 15 août 1897), et qui éclaire d’un nouveau jour la phy- 
sionomie sournoise d’un savant officiel. 

Revenons à La Bresse avec M. Humbert-Claude. 


« Par le fait de la concession commune de Séchemer, pendant 15 
ans, Géhin réussit à imposer à Remy un parasitisme dont celui-ci ne 
put jamais se dégager entièrement, mais nous l'avons dit, il laissa très 
bien son associé s’user seul au travail et se ruiner à la dépense. Quand 
vint/la période des profits, Géhin ne se connut aucun wssocié, il alla 
de l'avant, pour son compte, sans se préoccuper un instant ni des 
intérêts, ni des droits de Remy, de rien il devint tout. » 


On était au printemps de 1851, et les « deux pêcheurs », 
sur le conseil des députés vosgiens, devaient entreprendre le 


422 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


voyage de Paris, mais Géhin s’arrangea pour y venir seul; 
et il fut un moment l’homme à la mode, eut tous les honneurs 
« et sut. faire bonne figure »; qu'on retienne bien ce détail. 
Présenté au Président de la République, Géhin lui expliqua 
« son affaire » et Louis-Napoléon s’y intéressa tant, que, lors 
de son voyage présidentiel à Strasbourg, il eut plaisir à 
revoir Géhin. 

Qu'on juge, après cela, de la rentrée triomphale du caba- 
retier de La Bresse dans son village! Mais il n’était pas 
homme à vivre seulement de gloire ; aussi le trouvons-nous 
dès lors, en quête de faveurs d’espèce sonnante, remuant ciel 
et terre pour amener l’eau à son moulin, à quoi il réussit. 
M. de Quatrefages et même M. Milne-Edwards avaient recom- 
mandé les deux pêcheurs à l'intérêt du Ministre, en conseil- 
lant de leur confier, comme moyen de récompense et comme 
mesure d'utilité publique, des missions de réempoissonnement 
des cours d’eau francais. Le Ministre adressa une circulaire 
en ce sens aux préfets, les autorisant à prélever sur les 
fonds départementaux les sommes nécessaires à cet effet. 
C'était bien; seulement ce fut Géhin qui fut demandé de tous 
côtés pour ces missions, étant réputé partout « le plus apte à 
ce rôle », comme dit son fidèle cornac M. Haxo, M. Humbert- 
Claude en veut de cela à M. Haxo, et peut-être n’a-t-il point 
tort. 

Et voici Géhin parcourant la France et recueillant partout 
les hommages du monde officiel, les diplômes des Sociétés 
scientifiques, et surtout des émoluments très appréciables. 
Quant à Remy, sauf une mission à Huningue et une autre 
dans la Haute-Loire, il eut pour sa part l'agrément de voir 
Géhin promener dans toute la France les fructueuses lecons 
de choses surprises à sa bonne foi. En outre, Géhin obtint 
pour son fils une bourse entière au lycée de Strasbourg, 
faveur rare à cette époque; quant aux nombreux petits 
enfants de Remy, ils allaient à l’école pendant l'hiver, quand 
ils avaient des sabots; l'été on les louait pour un écu, et la 
pitance par dessus le marché comme de juste. Enfin, le caba- 
retier fut gratifié d’un bureau de tabac, à Strasbourg, d’un 
rapport annuel de 1,400 francs; tandis que Remy était en- 
voyé dans un village perdu du Haut-Rhin, avec un bureau 
d’un rapport maximum de 400 francs. Après quoi, pour équi- 
librer la situation, une allocation de 1,000 francs fut accordée 


REMY LE VOSGIEN ET L'INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 423 


à chacun d'eux ; mais cette allocation se convertit, seulement 
pour Géhin, en une pension annuelle de 1,200 francs, dont il 
jouit jusqu'à sa mort, en 1859. 

En vérité, il y a des grâces d'état stupéfiantes ! À moins 
qu'il n’y ait autre chose? Eh ! oui, et M. Humbert-Claude en 
convient lui-même : 


« Que, dit-il, Géhin ait été utile, par son agitation, à ébruiter 
l'œuvre de Remy, nous l’avouons volontiers et c’est justice. Mais on ne 
saurait oublier qu’il mit son activité au service de cette cause pour 
l’exploiter, par une substitution frauduleuse, à son seul profits! 
détriment de Remy. » 


Evidemment, c’est le fait d’un vilain homme, avec cette 
circonstance atténuante que, ayant fait tous les métiers, 
Géhin ne pouvait guère autre chose. On verra cependant 
que, à l’article de la mort, il eut un bon mouvement, le pre- 
mier de sa vie. 

Quoique sans haïne et sans envie, après vingt-sept ans d’ef- 
forts, de déceptions et de misères, le brave et honnête Remy 
se sentit découragé par tant d'injustices. En dépit de son âge 
— il n'avait alors, en 1851, que quarante-sept ans, — c'était 
un vieillard et un infirme, et sa pauvreté était telle que, pour 
gagner 400 francs, il s'était résigné à s’expatrier avec sa fa- 
mille, quoique l’exil fût à peine le pain quotidien. Toutefois, 
cédant aux instances de ses nombreux amis, il vint à Paris 
pour intéresser quelqu'un à son sort; ce quelqu'un c'était 
M. de Ravinel père, député des Vosges, qui, d’ailleurs, savait 
son mérite et lui voulait du bien. Ce galant homme ayant 
présenté Remy au Ministre de l'Agriculture, celui-ci s’em- 
pressa d'accorder une récompense de 1,500 francs à l’ancien 
pêcheur de La Bresse, avec promesse de pension à l'avenir et 
de la croix d'honneur dans un temps prochain. Autant en 
emporta le vent! 


« Cela dit, ajoute notre biographe, nous avons un acte de réparation 
suprême à mettre à l'actif de Géhin : sur le point de mourir, il regretta 
ses torts et une de ses dernières paroles fut une recommandation faite 
à sa femme de laisser à sa mort tout son avoir aux enfauts de Remy. 
Ce vœu ne devait être plus tard réalisé que d’une façon bien imparfaite, 
mais nous sommes heureux de l'enregistrer ici et de finir l’histoire de 
Géhin sur une parole de pardon et d’oubli. >» 


424 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D'ACCLIMATATION. 


Maïs que fit la Société d'Acclimatation en apprenant la 
mort de Remy et la détresse des siens ? Elle ne se contenta 
point, comme bien on pense, de souscrire à l’éloge du fon- 
dateur de l’industrie piscicole de France ; tout de suite elle 
prélevait un premier secours immédiat sur les fonds dont 
elle pouvait disposer et elle ouvrait, dans ses bureaux, 
une souscription en faveur de la famille de Joseph Remy. Le 
tout se chiffra par une somme de 8,200 francs. D'autre 
part, l'ainé des six enfants de Remy commencant à se 
montrer habile dans les pratiques de la pisciculture aux- 
quelles son père l'avait de bonne heure initié, « à celui-là, 
disait l’honorable rapporteur, nous pouvons mieux faire 
que de lui donner de l’argent, nous pouvons demander du 
travail », et la 3° section émettait le vœu « que la Société 
veuille bien le prendre en quelque sorte sous son patro- 
nage, en engageant ceux de ses membres qui désireront 
obtenir des œufs fécondés, à s'adresser désormais au jeune 
Laurent Remy ». 

On ne pouvait mieux dire, ni mieux faire ; aussi sommes- 
nous surpris de ne point trouver trace de cette généreuse 
initiative de la Société d’'Acclimatalion dans la brochure 
pourtant si documentée de M. Humbert-Claude. Nous savons 
seulement par lui que, malgré les sollicitudes filiales qui l’en- 
tourèrent, la digne compagne de Remy eut une vieillesse bien 
attristée : 


« Quand vint la guerre, cette pauvre femme élait depuis longtemps 
déjà atteinte d'une paralysie qui devait durer douze ans. L'annexion 
lui enleva encore sa seule ressource, le bureau de Saint-Amarin, et il 
fallut chaque année mendier un secours de l'Etat. On lui accorda 
tantôt 100 francs, tantôt 60, une aumône, la plus chétive assurément 
qu’une patrie comme la France püt faire à la mémoire d’un de ses 
glorieux enfants. » Hélas ! 


Il nous reste à dégager une moralité de cette histoire de 
Remy, une moralité ou un enseignement; c’est le Phyl- 
loxéra qui nous servira de point de comparaison. En 1865, 
lorsque le Puceron américain exerça ses premiers ravages 
sur les riches vignobles du Rhône, il eût suffi de quelques 
centaines de mille francs, — l'exemple de la Suisse et de 
l'Allemagne en témoignent, — pour arrêter l’Insecte dévas- 
tateur dès son premier essor. Depuis, il nous en a coûté 


REMY LE VOSGIEN ET L’INDUSTRIE PISCICOLE EN FRANCE. 425 


des milliards, sans parler des ravages de l'alcoolisme. On 
s’apercevra bientôt que le dépeuplement de nos rivières 
est un crime de lèse-nation, mais il sera trop tard. Et 
cependant, nous avons eu Remy. Si donc cette moralité 
est quelque peu déconcertante, la faute en est à la non- 
chalance invétérée des pouvoirs publics ; quant au métier 
de moraliste, Dieu merci, ce n’est point le nôtre, au désert 
préférant la rivière. 


426 


LES BLATTES DOMESTIQUES 


OBSERVATIONS FAITES A PARIS (1) 


Par Paul CHAPPELIER, 
Membre du Conseil de la Société. 


Je n’ai pas l'intention de traiter la question des Blattes au 
point de vue scientifique ; un de nos anciens collègues, ento- 
mologiste distingué, Maurice Girard, l’a fait autrefois devant 
la Société d’Acclimatation (2). 

Je n’envisagerai la question qu’au point de vue pratique. 

Voici d’abord quelques généralités empruntées à Maurice 
Girard (3) : 


«Les Blattes..... , poussées par leur voracité insatiable, font leur 
proie avec indifférence des substances d'origine animale ou végétale, 
semblant rechercher surtout celles qui servent à l'alimentation de 
l'horame ou à ses usages domestiques, pour la confection de ses vête- 
ments ét l'ornement de ses demeures. 

Leur corps aplati leur permet de passer à travers les fentes des 
caisses, lorsque leur odorat leur indique à l’intérieur des substances 
d'origine organique. Aussi, dans les voyages au long cours, on est 
obligé de protéger contre leur voracité les provisions alimentaires, les 
tissus, les papiers, en enfermant les caisses dans des boîles extérieures 
en fer blanc soudées à l’étain.» 


Il y a notamment une espèce qui fort heureusement n'est 
pas encore installée dans les habitations de nos climats tem- 
pérés ; c’est la Blatte américaine. Voici en ce qui la concerne, 
à titre de curiosité, un extrait du mémoire de Maurice 
Girard (4) : 


« La grande Blatte américaine est très abondante à la Havane et de- 
vient un véritable fléau dans les maisons..... On y conserve avec 


{1} Communication faite en séance générale le 40 novembre 1697. 
(2) Voir Bulletin, La domestication des Blattes, 1871, p. 296. 

(3) Loc. cit, p. 291. 

(4) Loc. cit., p. 302. 


LES BLATTES DOMESTIQUES. 497 


soin les Crapauds que les dames tolèrent même sous leurs robes, en 
raison de leurs continuels services, car ils se promènent sans cesse à 
la recherche des Kakerlacs. » 

« M. de Saulcy rapporte qu’il a vu à Londres, à bord d’un navire 
revenant des Indes, des officiers de marine avoir les lèvres excoriées 
pendant la nuit par les Kakerlacs lorsqu'ils s’endormaient après avoir 
bu un verre d’eau sucrée. » 

« M. Renard dit qu'on a vu parfois des marins avoir la partie 
cornée des pieds et des mains entamés par ces voraces Insectes. » 


Les espèces de Blattes sont très nombreuses ; mais on n’en 
cite guère que deux qui se soient acclimatées dans les habita- 
tions de nos climats tempérés, notamment à Paris. 

L'une, petite, n'a que 12 à 15 millimètres de long; elle est 
d’un fauve jaunâtre, et vole facilement ; elle est assez rare à 
Paris; je n’en dirai que quelques mots en terminant cette 
communication. C’est la Blatte germanique (Blatta ger- 
manica). 

L'autre est, au contraire, très commune ; elle est beaucoup 
plus grosse et plus longue, 25 millimètres environ; sa couleur 
est d’un brun noirâtre ; c’est la Blatte orientale (Periplanela 
orientalis) ou Blatte des cuisines, vulgairement appelée Ca- 
fard ; c’est d'elle surtout que je parlerai. 

Et d’abord, cette question mérite-t-elle quelque intérêt ? 7 

Souvent une dame, car il s’agit surtout ici d’un détail de 
ménage, souvent une dame m'a dit : « Mais je n'ai jamais 
apercu dans mon appartement les bêtes dont vous me parlez; 
ma cuisinière en voit bien quelques-unes, mais elle ne s’en 
plaint pas autrement. » Cette réponse n’a rien qui doive 
étonner. 

En effet, le Cafard présente deux caractères particuliers : 
il est lucifuge et exige la chaleur ; aussi est il très commun 
dans les usines à feu et surtout dans les boulangeries et les 
paätisseries qui lui offrent en même temps un logis chaud, des 
retraites obscures et une nourriture abondante. 

Dans les appartements, il est confiné presque exclusive- 
ment dans la cuisine et l'office. Étant lucifuge, il reste dans 
sa cachette tant qu'il y a du jour ou de la lumière, et n'en 
sort que pendant la nuit. On comprend dès lors que la maïi- 
tresse de maison et même la cuisinière, qui ne vont pas sou- 
vent dans la cuisine en pleine nuit, ne se préoccupent pas de 
cette question. 


428 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Moi-même, qui savais cependant avoir chez moi de ces 
vilaines bêtes, je me suis fait pendant longtemps illusion 
sur le nombre de celles auxquelles je donnais l'hospi- 
talité. 

Dans le premier mois de ma chasse, j'ai pris 3,025 indivi- 
dus, soit environ 100 en moyenne par nuit. Certaines nuits 
chaudes m'ont fourni jusqu’à 275 victimes. 

Pendant les quelques jours qui ont suivi cette première 
période, le nombre des captures est descendu à 5 environ en 
moyenne. 

J'en avais conclu tout d’abord que l’extermination était 
complète, c'était une erreur; cette diminution apparente 
tenait uniquement à un abaissement subit de température, la 
chaleur étant revenue, la chasse s’est montrée de nouveau 
assez fructueuse comme le prouvent les chiffres suivants : 


Denxième mois. 7-27 2,454 individus 
Troisième mois. . . . . . . 1,309 — 
Quatrième mois. . . . . . . 1,188 — 


En ajoutant le premier mois: 3,025 — 


on arrive, pour cette période 
de quatre mois, à un massacre 
LAN AE CS EPS RENTREE . 1,976 individus 


Et ce n’est pas tout. Voici en effet le tableau de mes quatre 
dernières chasses : 22, 27, 32, 41. 

Il est probable que plusieurs d’entre vous sont dans le 
même cas que moi; je n’ai en effet aucun motif pour étre pri- 
vilégié. Il n’y a dans l'immeuble que j'habite et dans les mai- 
sons voisines, ni boulangerie, ni pâtisserie, ni épicerie, ni 
usine à feu. 

Pourrais-je accuser l'ancienneté de ma maison, située dans 


“un quartier populeux ? Je ne le pense pas, car je puis citer le 


cas de deux de nos collègues. L'un d'eux occupe l’un des 
étages d’une belle habitation construite récemment avec 
soin boulevard Malesherbes, l’autre habite seul un hôtel 
qu'il s’est fait construire dans ces derniers temps près de 
l'avenue de Villiers. Ces deux habitations sont infestées 
de Blattes. 

On s’est souvent demandé quel pouvait être le mode de 
propagation de cette vermine. Je serais tenté de l’attribuer à 


LES BLATTES DOMESTIQUES. 429 


l'apport des œufs ou des jeunes larves avec des pains, de la 
pâtisserie, des corbeilles de fruits, et d’autres provisions de 
bouche. 

Veut-on savoir maintenant en quoi ces bestioles sont 
nuisibles et quel intérêt il peut y avoir à les détruire ? J’indi- 
querai plusieurs motifs. | 

Voici d’abord ce qui m'est arrivé. 

Un jour, on me sert une tranche de jambon. Je trouve à la 
première bouchée une odeur désagréable rappelant celle de la 
Souris ; quelques jours après, c’est le tour d’un reste de vo- 
laille froide ; la même odeur me frappe, et au moment où je 
commence à découper, un horrible Cafard s'échappe de l’in- 
térieur. Dès lors, je jure d'en exterminer la race et dès le 
lendemain, je commence la chasse. 

Même en ne tenant pas compte de cette désagréable odeur, 
n'est-il pas répugnant de penser que toute la nuit une bande 
de bêtes immondes à couru sur le pain, les mets, les fruits 
qu'on vous servira le lendemain. 

Voici un autre motif. 

Chacun de nous est ou propriétaire ou locataire, parfois 
même les deux, car on n’habite pas toujours l'immeuble que 
l’on possède. Eh bien! le Cafard peut devenir une cause de 
discorde entre propriétaires et locataires. On a raconté ici 
même autrefois, l'histoire d’un procès survenu à ce propos et 
notre Bulletin en fait mention. On sait d’ailleurs qu'il peut en 
être de même d’autres parasites domestiques, par exemple les 
Fourmis. | 

Laissez-moi vous raconter un fait de ce genre et qui est 
relatif aux Fourmis. 


Une personne achète un immeuble habité bourgeoisement; elle en 
modifie la destination et loue le rez-de-chaussée et l’entresol à un res- 
taurateur. Un jour le chef aperçoit quelques Fourmis et s’en plaint au 
patron. Eh bien! détruisez les, répond celui-ci; les moyens sont nom- 
breux et connus : la suie, le marc de café, l'éponge miellée, les insec- 
ticides, etc..... Le chef essaie ces divers procédés sans beaucoup de 
succès; puis survient un incident. Un client, découpant une volaille 
froide, y trouve trois Insectes qui s'étaient attablés avant lui sans être 
invités. Trois Fourmis! C'était un grincheux; il crie et fait du scan- 
dale. Pour le coup, le restaurateur survient, va se plaindre au proprié- 
taire qui se contente de lui répondre ce que le patron lui-même avait dit 


430 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


à son chef : Vous avez des Fourmis, eh bien! détruisez-les : les moyens 
sont connus, la suie, etc... 

Peu satisfait de cette réponse, le restaurateur va conter son cas à 
son avoué : Avez-vous essayé les moyens connus, la suie, etc... 

Oui, eh bien! votre propriétaire doit vous assurer la libre jouissance 
de l'immeuble qu’il vous a donné en location. Je verrai son avoué. 

En effet, les deux hommes de loi se rendent sur les lieux, cons- 
tatent l'existence des hôtes incommodes et nomment des experts. 
Ceux-ci commencent naturellement par mettre en œuvre quelques-uns 
des moyens connus, la suie....., qui ne produisent qu'un résultat 
tout à fait insuffisant. On en vient alors aux grands moyens : omenlève 
des papiers de tenture qui cachent des fentes dans le mur, on arrache 
des plinthes et des lames de parquet. Ces travaux, coûteux pour le 
propriétaire et très gênants pour le locataire, diminuent momentané- 
ment le nombre des envahisseurs, mais ceux-ci ne tardent pas à revenir 
en foule. Bref, le procès continue et aboutit à la condamnation du 
propriétaire ; il est forcé de consentir la résiliation du bail avec in- 
demnité et après avoir perdu, assure-t-il, une vingtaine de mille francs; 
désespérant de vaincre ses ennemis, il vend sa maison de malheur. 


Serait-on exposé aux mêmes difficultés à propos de Ca- 
fards ? 

Un avoué que j'ai consulté à ce sujet m'a répondu : « C'est 
plaidable ! » et ce mot, dans la bouche d’un homme de loi, est 
gros de conséquences. | 

En tout cas, cette épée de Damoclès semble assez mena- 
ante pour faire réfléchir propriétaire et locataire, c'est- 
-dire tout le monde. À 

Il y a d’autres raisons pour détruire les Blattes. 

Un de mes amis a des Cafards. Tous les ans, il quitte son 
appartement de Paris pendant quatre mois. Je me suis sou- 
vent demandé de quoi pouvait bien vivre pendant ces quatre 
mois la multitude de bêtes affamées qu'il possède vraisembla- 
blement chez lui. 

Les Blattes passent pour être omnivores; on dit qu’à défaut 
de leur nourriture habituelle et préférée, elles attaquent les 
étoffes et les vêtements et que certains dégâts qu’on attribue 
d'ordinaire aux Mites pourraient bien leur être imputables. 

Je citerai enfin un dernier motif. 

Une nourriture animale est utile et parfois indispensable à 
certains Oiseaux. On recherche à cet effet différentes pâtées, 
les Vers de farine, les œufs de Fourmis ; pour les suppléer, 
on en fabrique même d’artificiels. 


Ç 
à 


LES BLATTES DOMESTIQUES. &31 


Pourquoi n'utiliserait-on pas les Cafards? Un de nos an- 
ciens collègues en nourrissait ses Rossignols. 


KT x 


J'arrive au moyen de se débarrasser de ces désagréables 
bêtes, au moins en grande partie, car il ne faut guère compter 
les détruire radicalement, pas plus que les Mouches si impor- 
tunes, les Mites, et nos autres très petits ennemis domes- 
tiques. 

Il existe deux manières principales de combattre le Cafard. 

On trouve partout des insecticides, des poudres, des pâtées 
qui, au dire des vendeurs, détruisent radicalement ces bes- 
tioles. Il y a aussi des industriels qui, à l'instar des taupiers, 
s'engagent à vous en débarrasser avec garantie et moyennant 
un prix fixé à forfait. 

Je ne puis rien dire de ces procédés, ne les ayant pas es- 
sayés ; mais, en vérité, je me méfie un peu de l'introduction 
dans ma cuisine et dans mon office de ces ingrédients dont je 
ne connais pas la composition. Quelques-uns contiennent, 
dit-on, de l’arsenic, du sublimé, etc. s 

Il y a un autre moyen parfaitement inoffensif et assez effi- 
cace, puisqu'il m'a permis de prendre chez moi, dans l’es- 
pace des quatre derniers mois, près de 8,000 individus : c'est 
le piège que voici. 

Ilse compose d’un 
vase en fer - blanc, 
à parois très lisses à 
l’intérieur pour em- 
pêcher la fuite des 
prisonniers, et au 
contraire couvert à 
l'extérieur de pe- 
tites aspérités pour 
en faciliter l'accès. 
L'ouverture supé- 
rieure est en partie 
fermée par des ailettes mobiles ; au milieu de ces aïlettes est 
ménagé un petit plateau destiné à recevoir l’appât. 

Le meilleur est un reste de Langouste ou d’Écrevisse, ou 


Piège à Blattes, 


532 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


encore un morceau de viande plutôt avancée que fraiche ; 
l'intérieur d'une volaille est aussi très apprécié par ces In- 
sectes; la farine réussit et d’ailleurs à peu près tous les ali- 
ments. Les Cafards, par l'odeur alléchés, grimpent sur le vase 
et comme ils sont très agiles et courent toujours très vite, ils 
se lancent étourdiment sur les ailettes, les font SRE et 
tombent dans le piège. 

Le matin, la cuisinière jette un peu d'eau bouillante sur les 
prisonniers et le tour est joué. 

Malheureusement le poids des très jeunes individus est trop 
faible pour faire osciller les ailettes. On en prend cependant 
quelques-uns, ce sont les petits imprudents qui, pendant qu'ils 
se hasardent sur ces ailettes, sont bousculés par les gros et 
tombent avec eux. 

Cette difficulté de prendre les très petits, explique pourquoi 
la chasse se prolonge aussi longtemps ; il faut que ces larves 
minuscules grossissent pour qu'on puisse les attraper. D’ail- 
leurs, il y a toujours, quoi qu'on fasse, quelques mères adultes 
qui échappent et qui entretiennent la colonie, ce qui empêche 
la destruction complète. 


Tout ce que je viens de dire s'applique seulement au véri- 
table Cafard, cette grosse Blatte brun noirätre des cuisines, 
que les entomologistes appellent Blatte orientale { Periplaneta 
orientalis) ; c'est de beaucoup la plus répandue. 

J'ai dit qu'on trouve à Paris dans quelques habitations une 
autre Blatte beaucoup plus petite, de couleur fauve jaunâtre, 
c'est la Blatte germanique (Blatta germanica). 

N'en ayant pas chez moi, je n'ai pu l’étudier. 

Elle ne se prend pas dans ce piège. Probablement en 
raison de son poids très faible, elle peut circuler sur les 
ailettes sans les faire osciller, et que si, par hasard, elle y 
tombe, elle peut en sortir en grimpant même sur la paroi 
très lisse de l'intérieur. Je ne vois donc à employer contre 
elle que les insecticides. 

Cependant, des observateurs ont remarqué que les deux 
espèces ne se trouvent jamais ensemble dans le méme local. 

Quelques-uns ont pensé que les gros dévoraient les petits. 
Je ne le crois pas, car j'ai conservé dans la même boîte les 
deux espèces ensemble et n'ai constaté aucun meurtre. 
D'autres en ont conclu qu'il y aurait, entre ces deux espèces, 


LES BLATTES DOMESTIQUES. 433 


une antipathie de séjour comparable à celle qui existe, par 
exemple, entre le Lièvre et le Lapin. 

En tôut cas, en présence de la difficulté de détruire les 
petites Blattes, on a été jusqu'à conseiller l'introduction du 
gros Cafard dans les maisons où il n’y en a que des petits, es- 
pérant que ces derniers disparaîtraient et qu'ensuite on se 
débarrasserait facilement des gros ! 

J’en ai donné le conseil à l’un de nos collègues qui n’a chez 
lui que la petite Blatte, mais il n'a pas goûté cette sorte d’ac- 
climatation qui aurait pu avoir pour résultat la possession 
de deux ennemis au lieu d’un seul. 

Je lui ai proposé alors de lui confier seulement des mâles 
de ma grosse espèce, il m'a répondu par un : Timeo Danaos. 

En résumé, ces deux espèces de Blattes sont des hôtes 
incommodes dont il y a lieu de se débarrasser, les uns avec 
des pièges, les autres avec des insecticides, et il semble inté- 
ressant d'étudier la question de leur utilisation pour la nour- 
riture de certains Oiseaux. 


Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 1899. — 29, 


434 


OBSERVATIONS SUR LA CULTURE DU G/ZNXO BILOBA 


EN ITALIE (1) 


par le Professeur IGINO COCCHI. 


A M. le Secrélaire général de la Société d'Acclimatation 
de France, Paris. 


Ayant lu dans le Bulletin que des graines de Ginko biloba 
offertes pour être distribuées aux Membres de la Société 
ont été agréées, je me permets de vous en envoyer quelques- 
unes dans le même but. Elles ne sont pas très nombreuses. 
Malheureusement les Rats, Mulots et autres Rongeurs s'étant 
aperçus depuis peu que l’amande est bonne à manger, en 
détournent la plus grande partie à leur profit. L’amande rôtie 
ne plaît pas à tout le monde à cause de son goût légèrement 
résineux et les drupes, müûrissant au temps des Châtaignes, 
dont il y a en quantité dans le pays, il en résulte que la ré- 
colte des Ginkos est restreinte, ou presque, à l’ensemence- 
ment. L'automne prochain, on les récoltera avec soin avant 
que le gaspillage qu’en font les Rongeurs ne soit commencé, 
L'on pourra ainsi contenter ceux de nos collègues au dési- 
reraient en avoir en quantité. 

Mes Ginkos sont âgés d’une quarantaine d’années. Ils 
viennent tous de graines que je fis semer en terrine à Pise en 
1859. L'arbre qui les produisit se trouvait dans le Jardin bo- 
tanique de Padoue. Il y en avait à Pise plusieurs, dont un 
presque centenaire à cette époque, mais tous à fleurs mâles. 

Mes élèves furent plantés un peu partout dans une pro- 
priété que je possède à une quinzaine de kilomètres au nord 
de la Spezzia et à des hauteurs qui varient de 70 à 120 mètres. 
Dans les terrains compacts et stériles, tels que certains 
schistes tertiaires, ils ont végété très lentement et n’ont pas 
donné de bons résultats. Dans les terrains profonds, faciles à 


(1) Extraits d'une lettre adressée à M, le SOEUne général, lue en séance 
générale le 24 mars 1899. 


OBSERVATIONS SUR LA CULTURE DU GINKO BILOBA. 435 


remuer, ils ont poussé rapidement et ont donné les meilleurs 
résultats. 

Il paraît que les arbres mâles sont beaucoup plus nombreux 
que les arbres à fruits ; c'est du moins ce qui est arrivé chez 
moi. C'est depuis quatre ou cinq ans seulement que mes 
arbres à fruits — et il faut entendre ceux qui ont atteint le 
plus grand développement — ont commencé à donner des 
drupes müres; léur fructification a donc débuté à l’âge d’en- 
viron trente-cinq ans. 

Le Ginko est très rustique, il se passe très bien de tout 
soin ; il supporte les hivers les plus rigoureux aussi bien que 
la chaleur et la sécheresse de l'été. Son feuillage et son port 
sont charmants. Aussi je cherche à le multiplier, et depuis 
que j'en ai des fruits en quantité, je le fais cultiver dans 
une autre propriété très éloignée de la mer et à environ 
200 mètres de hauteur; d’où je me propose d'en transporter 
des sujets de choix à 800 ou 900 mètres d'élévation sur les 
Apennins. 

J'ajouterai que nous avons ici à Florence des promenades 
publiques dont les allées sont plantées de ces arbres à la fois 
majestueux et élégants, mais qui n’ont pas encore donné des 
fruits, du moins que je sache. 

Dans l'espoir que ce petit envoi vous sera agréable, toujours 
prêt à me rendre utile à notre Sociélé à laquelle je suis fier 
d'appartenir depuis presque son origine, je vous prie, Mon- 
sieur le Secrétaire général, d’agréer l'expression de tout mon 
dévouement. 


Florence, 17 mars 1899. 


436 


EXTRAITS ET ANALYSES. 


LES PÉCHERIES EN RUSSIE, 


Notice statistique par W. WESCHNIAKOFF, 
Président de la Société Impériale Russe de Pisciculture et de Pêche. 


Il n'existe pas de statistique officielle, régulière et complète, pour 
les pêcheries en Russie; il n'y a que des estimations plus ou moins 
approximatives de la quantité et de la valeur des produits de la pêche. 
Les premières évaluations on été faites par une expédition, à laquelle 
le Gouvernement avait confié en 1851 l'exploration des pêcheries 
russes dans différents bassins et à la tête de laquelle avait été placé 
le célèbre naturaliste Charles E. von Baer, membre de l’Académie 
Impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg. Les travaux de l’expé- 
dition ont duré près de vingt ans et ont été publiés en neuf volumes 
in-4° avec quatre grands atlas de dessins. Un résumé succinct des 
résultats obtenus par l'expédition a été donné par M. Danilevsky, 
collaborateur principal de von Baer, dans une brochure, écrite pour 
l'Exposition universelle de Paris en 1867, sous le titre : Coup d'œil sur 
les pécheries en Russie. 

D'après les calculs de M. Danilevsky, les pêcheries de la Russie 
d'Europe livraient à cette époque un total de produits de 25 millions 
de pouds ou 408 millions de kilogrammes, d'une valeur de 20 millions 
de roubles ou de 80 millions de francs. Une vingtaine d'années plus 
tard, M. Grimm, docteur en zoologie et inspecteur général des pêches 
en Russie, dans une brochure, écrite pour l'Exposition internationale 
de pêche à Londres de 1883: Fishing and hunting on russian 1vafers, 
portait déjà la quantité approximative de Poisson qu'on retire annuel- 
lement des eaux appartenant à la Russie, à 40 millions de pouds ou à 
654 millions de kilogrammes et la valeur à 43 millions de roubles ou à 
130 millions de francs. 

Actuellement, grâce à des études plus récentes de divers bassins et 
aux comptes rendus, publiés depuis quelque temps par les adminis- 
trations de certaines localités, riches en pêcheries, M. Grimm croit 
pouvoir estimer la production totale des pêcheries de la Russie d'Eu- 
rope à 67 millions de pouds ou à plus d'un milliard de kilogrammes 
et la valeur de ces produits à 65 millions de roubles, ou près de 
200 millions de francs. 

Pour avoir un tableau complet de la production totale des pêches en 
Russie, il faut encore tenir compte des pêches de la Finlande et de 
celles des bassins de l'Asie centrale russe et de la Sibérie. Pour la 


EXTRAITS ET ANALYSES 437 


Finlande, les tableaux statistiques de l'administration locale constatent 
pour 1885-1890 la moyenne de 20,611,000 kilogrammes. Quant aux 
bassins de l'Asie centrale et de la Sibérie, nous ne possédons que des 
chiffres très approximatifs et quelquefois même problématiques. Pour- 
tant nous nous sommes hasardés à réunir ces chiffres dans notre ou- 
vrage, publié en russe en 1894: Péche er législation, et d’en tirer la 
conclusion, que la valeur de ces produits ne peut être au-dessous de 
2 1/2 millions de roubles, ou près de 7 millions de francs. La création 
des Compagnies, récemment créées avec des capilaux considérables 
pour exploiter la richesse piscicole des mers et des fleuves de nos 
possessions dans la Sibérie orientale, parle mieux que tous les chiffres 
en faveur du rôle que doit jouer un jour l’industrie de la pêche dans 
ces parages. Il existe déjà une exportation de près de 260,000 pouds 
(4 1/4 millions de kgr.) de deux espèces de Saumons, inconnues en 
Europe, mais très estimées en Orient, Keta [Salno lagocephalus Pall.) 
et Gorbuscha (Szlmo proteus Pall.) et presque autant de Guano, pour la 
confection duquel il faut plus de 150 millions de Harengs pris dans les 
eaux de l’île de Sakhaline. 

Pour en revenir aux pêcheries de la Russie d'Europe, on doit avant 
tout constater la répartition suivante du chiffre susmentionné de 
67 millions de pouds de Poisson entre différents bassins. 


Poups. KGr. Pour 100. 

Le bassin de la mer Caspienne... 30,7 m. 500 m. 46 0/0 
Les lacs et fleuves intérieurs..... 25,0 » 400 » 37 0/0 
Le bassin de la mer d’Azof...... 5,4 » 90 » 8 0/0 
» Niro .e.e 2,8 » 46 » 4 0/0 
» Baltique... 2,0 » 33 » 3 0/0 

» Blanche et 
de l'Océan Glacial.......... 1,2 » 20 » 2 0/0 
ANR NANAO NES Oct 1,2 » 20 » 2 0/0 


Si l'on compare la valeur de la production des pêches en Russie 
(200 millions de fr.) avec celle des autres pays, on verra qu'elle les 
dépasse toutes, à l'exception des États-Unis, qui retirent de cette 
industrie plus de 500 millions de francs. 

Le caractère distinctif qu’offrent les pêcheries russes, comparées 
aux principales pêcheries des autres pays, est que les Poissons for- 
mant la base de l’industrie de la pêche en Russie appartiennent aux 
espèces fluviales et lacustres, ou du moins à des espèces, qui, quoique 
marines, préfèrent une eau saumâtre à une eau franchement salée. 

En classant les espèces de Poissons en catégories, d’après leur im- 
portance commerciale, nous devons placer dans la première catégorie 
les cinq espèces d’Esturgeons, connues sous le nom de Poïsson rouge, 


438 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


c’est-à-dire excellentes. Ce sont la Bélouga (Acipenser huso L.), l'Es- 
turgeon (4. Güldenstädtii Br.), le Sévriouga (A. séellafus Pall.), le Schyp 
(A, schipa Lovetzky) et le Sterlet (4. rufhenus L.). 

Les espèces d’Esturgeons russes, qui remontent les rivières pour 
frayer, ne se plaisent et ne sont nombreuses que dans les mers de faible 
salure. Ainsi il y en a beaucoup moins dans la mer Noire que dans la 
mer Caspienne et celle d’Azof, qui sont encore moins salées. Le total 
de la pêche des Esturgeons est de plus de 2 millions de pouds (33 mil- 
lions de kgr.), qui donnent les produits de la plus grande valeur. Outre 
leur chair fraîche ou gelée, ces Poissons procurent encore au com- 
merce et à la consommation le caviar, l’ichtyocolle, la vésiga (la corde 
dorsale) et le balyk (dos d'Esturgeon essoré). 

Le Sterlet habite surtout dans le bassin de la Volga, ainsi que dans 
celui de la Dvina septentrionale. Il a une grande valeur et devient de 


plus en plus rare, à cause d’une pêche trop intensive et de la trop 


grande consommation sur place. 

Les différentes espèces de la famille des Salmonides, à laquelle 
appartiennent les diverses variétés de Corégones, habitent principale- 
ment les bassins du Nord, mais quelques-unes aussi le bassin de la 
mer Caspienne, le Terek et la Coura. Le Saumon blanc (Coregonus leu- 
cichtys Pall. v. S'{enodus nelma) entre pour frayer de la mer Caspienne 
dans la Volga, ainsi que dans son aïfluent, la Kama; mais on en prend 
aussi dans la Dvina septentrionale et dans la Petschora. Presque le 
tiers de la produclion totale des Salmonides (2,800,000 pouds) appar- 
tient à l'Eperlan lacustre (Ssnétok, Osmerus spirinchus Pall.), la plus 
petite des espèces employées pour la nourriture de l'homme. Ce sont 
les lacs de Peypous, le Bélo-Oséro et les autres lacs à fond de sable 
qui en fournissent la plus grande quantité. Ce Poisson se vend pour 
la plus grande partie gelé et sert de nourriture comme assaisonnement 
de potage pendant le carême. 

En Finlande, ia pêche des différentes espèces des Salmonides s'élève 
à 6 millions de kilogrammes; les deux tiers de ce chiffre sont donnés 
par de petils Corégones, appelés Riapouschka (Coregonus albula), que 
l'on prend aussi dans quelques lacs du nord de la Russie. 

Les différentes espèces de Hareng appartiennent à la mer Blanche 
et à la mer Baltique, mais principalement à la Volga, à la mer Cas- 
pienne et à la mer d’Azof. Dans le bassin du Nord, ainsi que dans 
celui de la mer Baltique, on ne prend que 20 0/0 de toute la pêche du 
Hareng en Russie. C'est le Hareng maritime (C/upea harengus L.), qui 
est familier à ces eaux, mais en outre on prend aussi beaucoup de 
Salaka (C1. stroemling) et de Killo (Clupea sprattus) le long des côtes de 
la Finlande (près de 12 millions de kgr.) et des provinces Baltiques. 

Dans la mer Caspienne et la mer d'Azof, on pêche Clupea pontica et 
Clupea caspia Eichw. Autrefois les Harengs, qui remontaient la Volga; 
ne servaient qu’à l'extraction de l'huile; car un préjugé populaire, 


EXTRAITS ET ANALYSES. 439 


fondé sur ce que le Hareng tourne sur lui-même quand il fraye, lui 
avait donné le surnom de Poisson enragé et l'avait fait considérer 
comme ne pouvant servir à la nourriture de l’homme. On n’en salait 
qu’une petite quantité dans quelques pêcheries sous la dénomination 
méprisante de marchandise de Mordva. L’académicien Ch. von Baer, 
pendant ses explorations de la mer Caspienne, essaya de faire com- 
prendre aux pêcheurs que le Poisson si méprisé pouvait être pré- 
paré et mangé tout aussi bien que les autres espèces qui sont très 
recherchées partout. Ces conseils furent suivis; la guerre de Crimée, 
ayant fait cesser l'importation du Hareng étranger par les ports de la 
Baltique, favorisa le débit du Hareng de la mer Caspienne. Depuis ce 
temps, ce Poisson commenca à entrer de plus en plus en usage sous le 
nom de Hareng d’Astrakhan. Actuellement il joue un grand rôle sur 
le marché. En 1885-1890, on en prit de 330 à 200 millions de pièces; 
en 1890-1896 on ne pêcha que de 150 à 100 millions; en 1897, 71 mil- 
lions ; en 1898, 58 millions, ce qui a fait notablement hausser les prix 
du Hareng ; la meilieure qualité a monté de 28 à 90 rbl., la deuxième 
de 24 à 54 rbl. et la troisième de 19 à 44 rbl. 

Parmi les espèces de moindre importance qui sont connues dans le 
commerce sous la dénomination de Poisson blanc ou Poisson de filet 
à mailles fines (Z'chastikovaja ryba), nous noterons le Sandre, la 
Carpe, la Wobla, la Brême, la Tarane (Zeuciscus Heckelii) etc., que 
l’on prend en très grandes quantités dans la basse Volga, la delta de 
Coubane, l'Oural, le Don, les lacs et les fleuves intérieurs. On estime 
la quantité de tous ces Poissons à près de 50 millions de pouds. 

Quant aux Poissons de mer, il faut nommer la Morue (Gadus mor- 
rhua L.), qui ne trouve de débouché que dans les trois provinces 
septentrionales (Arkhangel, Vologda et Olonetz), et en moindre quan- 
tité à Saint-Pétersbourg. Une espèce, spéciale au nord de la Russie, 
Gadus navaga, que l'on pêche dans les golfes peu profonds de la mer 
Blanche et pres des embouchures de la Petschora, jouit d’une grande 
renommée partout en Russie, où on la présente sur les meilleures 
tables. On ne la transporte qu’à l’état frais pendant l'hiver. Les Ma- 
queraux et les Muges ne se trouvent que dans la mer Noire. 

Nous ne nous arrêterons pas ici sur les instruments et les méthodes 
employés pour la pêche dans différents bassins; nous recommandons à 
ceux qui s'intéresseraient à ces questions, de consulter, outre les 
brochures déjà mentionnées, deux travaux récents sur les pêcheries 
russes : 1° l’article de M. Grimm dans la brochure publiée en anglais 
par le Ministère des Domaines à propos de l'Exposition universelle de 
Chicago de 1893: Aussian À griculture and Forestry et 2° la brochure de 
M. J.-D. Kusnetzoff: Fischerei und Thiererbeutung in den Gewässern 
Russlands, publiée en 1898 par le Département de l’Agricullure à l’oc- 
casion de l’Exposition internationale de pêche à Bergen. 

Les pêcheries russes peuvent être divisées en deux catégories quant 


440 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


à leur organisation économique. Les unes appartiennent à l'État, aux 
apanages, aux différentes associations et communes (villes, villages, 
Cosaques, couvents, églises) ou aux simples particuliers ; les autres 
ne peuvent pas constituer de propriété privée. A la première catégorie 
appartiennent les pêches dans les différents fleuves et cours d’eau 
intérieurs; à la seconde les mers et les lacs d'une certaine étendue. 

L'État et les grands propriétaires afferment ordinairement leurs 
pêches à des entrepreneurs, qui arrangent des établissements spéciaux 
pour la pêche et la préparation du Poisson. Les plus grands établisse- 
ments de ce genre, appliquant largement le principe de la division du 
travail, se trouvent dans le bassin de la mer Caspienne. Le plus im- 
portant de la Russie et probablement le plus grand du monde entier, 
se trouve dans la Transcaucasie sur la Coura, à 30 verstes en amont 
de son embouchure. Il est conuu sous le nom de Bogii-promyssel 
(Pêcherie divine). 

Les établissements affermés par l'État dans la Volga inférieure lui 
rapportent plus de 330,000 rbl. et ceux de la Coura, 1,300,000 rbl. 

Pour juger de l'extension de la pêche dans la basse Volga il suffit 
de citer les chiffres suivants. Un recensement spécial, fait en 1896, a 
constaté que 825 établissements employaient au printemps 46,000 ou- 
sriers et en automne 26,865; mais il existe en outre encore 210 éta- 
blissements qui n’avaient pas fourni de renseignements analogues. 
Tous ces 535 établissements sont munis pour la salaison du Poisson 
de 32,000 cuves, qui peuvent contenir 12 1/2 millions de pieds cu- 
biques. La pêche la plus intensive et la plus lucrative s'exerce 
surtout dans les parties adjacentes à la mer. On compte ici 546 établis- 

_sements de pêche au printemps et 317 en été avec près de 30,000 
ouvriers. 

Des eaux d’une vaste étendue, savoir des parties de la mer Cas- 
pienne et de la mer d'Azof, ainsi que des portions considérables des 
fleuves qui s’y jettent, tels que le Terek, la Volga, l’Oural, le Coubane 
et le Don, appartiennent aux corporations des Cosaques. Les pêches 
dans ces eaux sont considérées comme une propriété indivisible et 
collective de ces corporations, qu'elles ont recues des souverains en 
rémunération de leurs services militaires. 

Dans la région des Cosaques de l’Oural, toutes les pêches doivent 
se faire collectivement, d'après un plan fixé une fois pour toutes, où 
l'on n’admet chaque année que de légers changements selon les cir- 
constances. Les traits caractéristiques de ce plan sont : 1° la concen- 
tration des pêches dans le fleuve préférablement à la mer; 2° la pêche 
pendant la saison froide préférablement à l'été ; et 3° l’exercice collectif 
de la pêche dans les localités et à des termes fixés d'avance sous la 
surveillance d'un chef spécial appelé Attaman de la pêche. M. Borodine 
a donné une description très intéressante de ces pêches dans une bro- 
chure, rédigée en anglais pour l'exposition de Chicago et réimprimée 


RTE UE ETS 


EXTRAITS ET ANALYSES. LA 


pour celle de Bergen,.sous le titre: 7e Ural Cossacks and their 
fisheries. ' 

D’après les derniers comptes rendus, la valeur totale des résultats de 
toutes les pêches des Cosaques de l’Oural est près de 5 millions 
de rbls. (15 mill. franc). La plus grande partie de ces produits est 
exportée dans l’intérieur de la Russie ou à l'étranger. Depuis la cons- 
truction d’un nouveau chemin de fer entre Ssaratoff et Ouralsk l’ex- 
portation a presque doublé; la moyenne de cette exportation a été de 
1,286,000 pouds en 1877-1886, et l’année de 1896 constate une expor- 
tation de 2 1/2 millions de pouds. 

Le nombre des Cosaques qui prennent directement part à la pêche 
est de 33,371. Les frais de production sont de 982,000 rbls.; savoir: 
365,000 employés pour les instruments de pêche, 454,000 rbls. pour 
le salaire des ouvriers (Cosaques, 318,000 rbls. et non Cosaques, 
136,000 rbls.), pour la nourriture des Chevaux, 128,000 rbls. et pour 
l'achat de 358,000 pouds de sel, 37,000 rbls. Le produit net de la 
pêche des Cosaques de l’Oural peut être estimé à plus de 2 millions 
de roubles. Tous les produits de la pêche des Cosaques de l’Oural sont 
frappés d’un impôt montant à 3 0/0 de leur valeur en moyenne et perçu 
au profit de la caisse commune des Cosaques. 

Les Cosaques d’Astrakhan afferment une partie de leurs pêches 
pour une somme de 100,000 roubles par an; quant à leur propre exploi- 
tation, elle varie entre 200 et 400,000 roubles. 

D'après le compte rendu du chef des Cosaques du Don pour 1897, 
il y a eu deux cent douze établissements de pêche, mais la quantité 
de Poisson pris, surtout des Harengs, a diminué, tandis que celle des 
Esturgeons et du Caviar a augmenté. Le résultat pécuniaire a été de 
1,860,000 de rbls., ce qui donne une augmentation de 1 million com- 
parativement à l’année précédente. 

En somme, toutes les corporations des Cosaques retirent de leurs 
pêches au profit de la caisse de la communauté: 400,000 roubles. 

L’Administration des apanages (biens de la famille impériale) recoit 
de ses pêches près de 100,000 rbls.; les villes presqu’autant. Quant 
aux pêches appartenant aux couvents, le chiffre exact de leurs revenus 
n’est pas connu; mais comme les monastères avaient été dotés encore 
dans les siècles précédents de grandes pêcheries, leurs revenus ne 
peuvent pas être moindres que ceux des villes et des apanages. Avec 
cela elles leur fournissent une nourriture pendant les jours gras. 

Quant aux pêches qui forment la propriété privée des particuliers 
ou des communes rurales, nous ne possédons aucun chiffre pouvant 
nous servir de base pour en tirer une conclusion plus ou moins ap- 
proximaiive. Aussi nous abstiendrons-nous de donner des chiffres 
dépourvus de toute valeur. 

Dans toutes les mers, à l’exception de quelques parties minimes, 
concédées aux corporations des Cosaques, ainsi que dans les grands 


442 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


lacs avec les fleuves qui s’y jettent, où les pécheries ne sont ni con- 
centrées dans les mains d'un propriétaire ou d’un fermier, ni soumises 
au contrôle, la pêche s'exerce librement par des pêcheurs de peu de 
fortune, isolés ou réunis en pelits groupes (artèles). Le nombre de ces 
pêcheurs ne sera connu probablement, même approximativement, que 
quand les résultats définitifs du premier recensement per professions 
de 1896 seront publiés. En attendant, nous ne pouvons citer que le 
chiffre des pêcheurs munis de permis pour la pêche, là où elles.-sont 
établies comme dans la mer Caspienne, mais ce chiffre, qui est de 
40,000 personnes au printemps, de 28,000 en automne et de 7,000 en 
hiver, doit probablement être doublé, sinon triplé, à cause de la 
pêche illégale qui est favorisée par les sinuosités des embouchures de 
la Volga, par sa faible profondeur près du rivage et par les roseaux, 
où les pêcheurs peuvent facilement se soustraire à toute poursuite du 
contrôle. 

Malgré la grande abondance de Poisson, la Russie en importe 
annuellement de grandes quantités; car le peu d’étendue de ses côles, 
relativement à son énorme masse continentale, peuplée par une popu- 
lation de 125 millions d'habitants, ne suffit pas à approvisionner de 
Poisson le peuple russe, qui pendant cent cinquante jours de carême 
ne prend que du Poisson pour toute nourriture animale. L'importation 
en Russie des produits de pêches étrangères, qui ne dépassait pas 
autrefois la valeur de 2 millions de roubles, est montée en 1877-1890 
à 8 millions; er 1898 elle a été de 13 millions. Quant à l'exportation, 
elle n’est que de 1 million de pouds de la valeur de 4 à 5 millions de 
roubles. 

Les principaux produits d'exportation sont : le Caviar et le Poisson 
salé et fumé; quant à l'importation, c’est le Hareng qui occupe la 
première place: 80 0/0. Les pays d'importation du Hareng en Russie 
se répartissent de la manière suivante : la Grande-Bretagne 47 1/20/0; 
la Suède et la Norvège, 37 1/2 0/0; l'Allemagne, 12 1/2 0/0; la Hol- 
lande, 1 1/2 0/0; les autres États, 1 0/0. 

En Finlande, c’est l’exportalion du Poisson frais qui domine sur 
l'importation ; la première atteint la valeur de 2 1/2 millions de 
francs, dont près de 2 millions pour la Russie, la seconde est de 
1 1/3 millions; 10 0/0 pour la Russie. Pour le Caviar, les conserves 
et les Crustacés comestibles, l'importation (259,000 francs) dépasse 
l'exportation (203,000), qui se fait aussi principalement pour la 
Russie. 

La moitié de tous les produits de la pêche de la Russie d'Europe est 
consommée sur place ou transportée par voie de terre à l'état gelé; 
36 0/0 sont transportés par les chemins de fer et 17 0/0 par les cours 
d’eau. 

La fabrication des conserves de Poissons est une industrie encore 
jeune en Russie, mais elle a déjà fait des progrès et a pu concourir à 


EXTRAITS ET ANALYSES. 443 


l'Exposition internationale de Bergen, en 1898. On compte plus de 
trente établissements pour la préparation des conserves avec une pro- 
duction de près d’un million de roubles. 

Outre la pêche des Poissons, on fait encore en Russie la chasse à 
quelques Mammifères marins. Pour les différentes espèces de Phoques, 
qui fréquentent les régions du Nord, la chasse ne donne que des 
résultats relativement insignifiants, et c’est encore la mer Caspienne 
qui tient sous ce rapport la première place. Dans la période de 1867 
à 1897 on a tué dans la mer Caspienne 3,594,390 Phoca vitulina, c'est- 
à-dire 116,000 pièces par an. 

Il y a eu des années où l’on en tua jusqu’à 225,000 individus. La 
quantité d'huile extraite de la graisse de cet animal s’élève à 86,000 
pouds par an et le poids de ses fourrures à 12,000 pouds. L'État 
perçoit sur ses produits un impôt qui varie de 30 à 45,000 roubles. 

La chasse à la Baleine, bien que son origine en Russie remonte au 
xvirié siècle, n’a pas donné jusqu'aux derniers jours de résultals 
favorables. Plusieurs compagnies fondées au nord de la Russie ont 
complètement échoué, il n’y a qu’une entreprise toute récente, à la 
tête de laquelle se trouve un officier de la marine russe, M. le Comte 
de Keyserling, qui promette un meilleur avenir. Soutenu par le Gou- 
vernement, celui-ci a fondé en 1895 près de Wladivostock, sur un 
terrain concédé par l’État, une factorerie et dispose de neuf baleiniers. 
Jusqu à présent il a pris 220 Baleines dont on a extrait 20,000 pouds 
d'huile. 

Une autre chasse, bien plus productive, appartient aussi à notre 
extrême Orient. C’est celle du Phoque à fourrure (O/aria ursina, Per) 
qui formait autrefois la richesse des iles de la mer de Behring. La 
Compagnie Russe-Américaine qui exploilait cette chasse de 1799 à 
1867, a pris pendant cette période 2,300,000 Phoques à fourrure ou 
près de 33,000 pièces par an. Depuis la vente, en 1867, des possessions 
russes en Amérique aux États-Unis, la Russie n’a conservé qu'un 
petit groupe d'îles dans la mer de Behring, et la quantité de Phoques 
que l’on prend ici baisse visiblement les dernières années. En 1894 on 
en prit 25,000 pièces, en 1895 — 17,000, en 1896 — 14,000, en 1897 — 
13,009. La cause de cette diminution n’est autre que la chasse irré- 
gulière, que se permettent depuis longtemps déjà les flibustiers anglais, 
américains et japonais en pleine mer, ce dont se plaignent également 
les Gouvernements intéressés à la conservation de ce précieux animal. 
Ni les négociations entre ces Gouvernements, ni les arrêts du tribunal 
international de Paris en 1893, n’ont pu jusqu’à présent mettre fin à 
cet état de choses anormal. 

Une diminution croissante se laisse également constater pour les 
résultats de la chasse aux animaux marins, tout aussi bien que pour 
ceux de la pêche, surtout dans les fleuves et dans les lacs, auxquels 
doit être rapportée la mer Caspienne, comme close entièrement. La 


444 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


richesse d'autrefois de ces cours d’eau, telle qu’elle a été décrite à la 
fin du siècle passé et au commencement du siècle actuel par quelques 
savants naturalistes, Pallas et Humboldt entre autres, semble de nos 
jours presque fabuleuse. — Les plaintes continuelles au sujet de cet 
appauvrissement de nos eaux en Poisson ont décidé le Gouvernement 
à envoyer en 1851 une expédition de naturalistes sous la direction de 
l'académicien Ch. von Baer pour explorer les principaux bassins de la 
Russie d'Europe au point de vue ichtyologique afin d'étudier les causes 
de cet épuisement de nos cours d'eau et les mesures qui seraient à 
prendre pour assurer la sécurité nécessaire à la propagation naturelle 
du Poisson. Une série de lois et de règlements sur la pêche fut 
publiée depuis, mais comme l'exécution de ces lois n’a pas toujours 
été partout suffisamment surveillée et comme le nombre des grands 
établissements de pêche et des petits pêcheurs isolés ne fait que 
s’accroître, les abus d’une pêche éminemment destructive continuant 
à se produire, les plaintes contre l'état de choses actuel ne discon- 
tinuent pas. Aussi le Gouvernement s’occupe-t-il sérieusement de ces 
questions, et une longue série de nouveaux projets de lois sur la 
pêche dans différents bassins est-elle à l'étude dans les bureaux de 
l'administration centrale, aussi bien qu’au Conseil de l'Empire. 

Les intérêts de la pêche ressortent du Ministère de l'Agriculture et 
des Domaines et sont confiés aux soins d’une section du Département 
de l'Agriculture qui est assistée par un inspecteur des pêches et 
quelques spécialistes ichtyologues. Pour la direction des affaires de 
pêche sur place, surtout là où elles touchent aux intérêts du fisc; sont 
inslituées des administrations locales, comme à Astrakhan et à Bakou 
sur la mer Caspienne, ou des inspecteurs des pêches comme à Ar- 
khangel, en Turkestan, dans la Sibérie occidentale. 

Dans quelques bassins, le Ministère de la Marine met à la dispo- 
sition du Ministère de l'Agriculture des croiseurs spéciaux pour 
sauvegarder les intérêts de la pêche. 

Les frais de l'administration pour la pêche s'élèvent à près de 
200,000 roubles. Quant aux revenus de l'État ils sont de plus de 
3 millions de rbl., dont 2 1/2 millions pour le fermage des pêches et 
425,000 roubles pour les permis de pêche. Plus de 2 millions de 
roubles sont perçus en outre comme droits d'entrée sur les impor- 
tations des produits de pêche. 

Une partie de la somme allouée aux dépenses est employée en frais 
d'études ichtyologiques, ou pour favoriser les progrès de la piscicul- 
ture artificielle. 

Les premiers essais en pisciculture ont été faits par un propriétaire- 
amateur, M. Wrasski, dont le nom est certainement connu de tous les 
pisciculteurs grâce au procédé de fécondation sèche qu’il a inventé. Il 
a placé toute sa fortuue dans la construction d’un établissement dans 
son bien Nikolskojé, (Gouv. Novgorod), mais n’a pas eu la joie de le 


4 
] 
1 
| 
: 


EXTRAITS ET ANALYSES. L45 


voir prospérer. Après sa mort l'État a pris possession de son bien et 
continue son œuvre. Outre cet établissement central, qui, avec sa 
section filiale au Musée agricole à Saint-Pétersbourg, livre 1 1/2 million 
d'œufs fécondés de différentes espèces de Salmonides, il existe déjà 
plus de vingt établissements, dont trois ont été fondés en 1897 et 
1898 aux frais ou avec le concours de l'État, qui livrent 5 millions 
d'œufs et d’alevins de Saumons et de Corégones. Parmi les établis- 
sements privés, il faut citer celui de M. Kirsch, près de Riga, qui 
donne déjà 2 1/2 millions d'œufs de Saumons et de Truites. 

La Société Impériale russe de Pisciculture et de Pêche, avec le con- 
cours des Sociétés de pêche d'Allemagne et d'Autriche, contribue au 
repeuplement de la Vistule par le Saumon. 

Placée sous la présidence honoraire de S. A. I. le Grand-duc Serge 
Alexandrovitsch, la Société Impériale russe forme la Société centrale 
pour le développement de la pêche en Russie. Elle compte plus de 
300 membres et 7 sections filiales dans les provinces. Le but de la 
Société est d'étudier et de favoriser les questions de pêche et d'en 
appeler au Gouvernement pour les intérêts de cette industrie. La So- 
ciété jouit d'un subside de 5,000 roubles de la part de l'État et publie 
outre la Revue internationale un journal mensuel Messager de la péche 
(rédigé en russe). 


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SUR LA MALADIE DES PRUNIERS EN LOT-ET-GARONNE. 


Destruclion des Scolytes ; soins à donner aux arbres. 


Depuis l'été de 1897 on a constaté, sur les Pruniers d’ente en Lot- 
et-Garonne, une maladie qui amène chez ces arbres une mortalité 
rapide et a produit déjà de sérieux dégâts. Jusqu'ici, le mal ne s’est 
pas étendu au delà de quelques localités de l'arrondissement de Ville- 
neuve-sur-Lot. 

Les arbres atteints périssent par le sommet des jeunes rameaux qui 
perdent leurs feuilles et se dessèchent progressivement. On voit ap- 
paraître en même temps un écoulement abondant de gomme qui s’é- 
chappe en général par de petites perforations circulaires placées à la 
base des bourgeons. Sur les branches plus grosses, ces perforations 
aboutissent à des galeries latérales qui sont dues à un Insecte du genre 
Scolyte. Les auteurs n’ont pas rencontré l’Insecte, étant donnée l’époque 
tardive où il leur a été donné de faire leurs investigations. Les bles- 
sures faites par les Scolytes aux Pruniers sont la cause essentielle de 
cette production gommeuse qui épuise les arbres rapidement et les 
fait périr. 

Cependant les Scolytes ne s’'attaquent qu'à des arbres dépérissant 


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446 BULLETIN LE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


et ce n'est que par exception qu'ils envahissent des arbres sains, 
lorsque, par exemple, les arbres malades où ils s'étaient installés au 
début sont tout à fait morts. Il est probable que les choses se sont 
passées ainsi dans le cas actuel. Il y a, de plus, des raisons de penser 
que dans l’Agenais, les Pruniers se irouvent depuis assez longtemps 
dans un état d’affaiblissement qui a pu favoriser l'invasion des Sco- 
lytes. Ces causes de dépression sont en premier lieu une mise à fruit 
prématurée qui affaiblit les arbres et abrège leur existence et, en se- 
cond lieu, l'influence d’une sécheresse exagérée de l'été, pendant plu- 
sieurs années, qui a aggravé l'état déjà précaire d’un bon nombre 
d'arbres. 

Le traitement préconisé comporte la destruction des Insectes et 
l'emploi d'une méthode rationnelle de culture et d'exploitation des 
Pruniers. 

La destruction des Insectes devra se faire par le feu. l’action des 
substances insecticides étant, dans le cas actuel, assez incertaine. On 
arrachera pendant l'hiver les arbres morts ou dépérissants atteint par 
les Scolytes et on les brülera sur place de façon à détruire les larves 
qui se trouvent dans les galeries et se transformeraient en Insectes 
parfaits à la fin du printemps. Les petites et les moyennes branches 
seront entièrement brûlées; pour les très grosses et les troncs on 
pourra se contenter de les écorcer. Les écorces seront jetées au feu et 
les corps ligneux seront grillés superficiellement. On pourra encore les 
utiliser. 

Au point de vue cultural, on devra s’efforcer d'assurer aux Pruniers 
une végétation aussi active que possible en leur prodiguant tous les 
soins requis. On ne leur ménagera pas les engrais, azotés surtout, le 
fumier par exemple. On évitera, par une taille raisonnée, de pousser à 
une production fruitière excessive les arbres qui présentent le moindre 
symptôme de faiblesse dans leur végétation. D'un autre côté, si l'on 
veut remplacer les Pruniers morts, on s’abstiendra de replanter dans 
le même trou, car il est facile de comprendre que sur un sol qui a 
longtemps nourri un Prunier, un autre Prunier ne puisse trouver en 
quantité suffisante les éléments fertilisants indispensables à une bonne 
végétation (1). 


(1) Résumé du rapport de M. Prillieux, directeur de la Station de pathologie 
végétale à Paris et de M. le docteur Delacroix, chef des travaux à cette Sta- 
tion, chargés de l'étude de cette maladie. 


417 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. 


Bizeray (Eugène). Notes sur les éle- 
vages de Mammifères exotiques 
et Oiseaux indigènes ou exo- 
tiques, 405. 

CnaPPeLLier (Paul). Les Blattes do- 
mestiques, 428. 

— Sur des Ignames de Chine en- 
voyées à la Société d’Acclima- 
tation par le professeur Heckel 
et sur deux espèces d’Ignames 
nouvellement introduites en 
Chine, 155. 

CuarauauD (l'abbé A.). Le Cardinal 
de Virginie (Cardinalis Cardi- 
nalis). Son élevage dans le 
Midi de la France, 1, 39, 84, 
113° 

Crémenr (A.-L.). Conférence faite le 
9 mai 1899 sur l’Abeille, son 
élevage et ses produits, 237. 

— À propos d’une éclosion tardive 
d'Attacus cynthia. L’Attacus 
cynthia var. parisiensis, 103. 

Cros (D' D.). Encore l’Astragale en 
faux (4 stragalus falvatus), 121. 

Coccar (Igino). Observation sur la 
culture du Ginko biloba, 434. 

Crépin (1.). La Chèvre à Paris, 76. 

Cros (D'). Compte rendu des semis 
de graines adressées en 1898 
par la Société, 

Decrox (Henry). Les Vignes japo- 
naises recueillies sur place, rap- 
portées et cultivées en France 
à Crespières (Seine-et-Oise), 
187. 

Bull. Soc. nat. Accl. Fr. 


DELavaz (A.). Note sur les Fun- 
dules verts du Brésil, 231. 

— Élevage de Poissons télescopes 
de la Chine et du Japon, 
345. 

— Reproduction de l'Écrevisse à 
pattes rouges, observée dans un 
aquarium d'appartement, 39. 

Hecxez (E.). Culture d’Ignames 
améliorées à Marseille, 136. 

Hecxer (Edouard) et ScHLaGDEN- 
HAUFFEN. Sur le tubercule aé- 
rien du Dioscorea hofa J. de 
Cordemoy, 6. 

Hua. (Henri). Sur une des sources du 
Caoutchouc du Soudan français, 


306. ; 
Jonnsron (Harry). Les grands 
Mammifères de la Tunisie, 


301. 

LaomimauLzT (Raphaël). Sur l'habitat 
des Ophidiens du genre Tro- 
pidonotus dans l'eau de mer, 
1200 

MaGxe (G.). Rapport sur PExposi- 
tion internationale d’Horticul- 
ture de Saint - Pétérsbourg, 
d7lile 

Maires (Ch.). Résultats de semis 
faits à la Varenne-Saint-Hi- 
laire, 266. 

Maison (Émile). Remy le Vosgien et 
l'industrie piscicole en France, 
414. 

Mérez (Félix). La Poule Coucou de 
Rennes, 411. 

1899. — 30. 


PRO EE CF d'une DATES Cu Vide eR TT 


448 


Mazwe-Enwarps (A.). Allocution 
prononcée à l'ouverture de la 
conférence de M. le D' Troues- 
sart sur les Mammifères à ac- 
climater ou à domestiquer en 
France et dans les colonies 
françaises, 169. 

— Les relations entre le Jardin des 
Plantes et les colonies fran- 
çaises, 62. 

MouiczererT (P.). Les Vignes ja- 
ponaises de M. Degron, 195. 

Naupin (Charles). Note sur le Ma- 
chærium Tipa de la République 
Argentine, 265. 

Ousrazer (E.). Allocution pronon- 
cée le 7 juillet 1898 à la 
séance constitutive du Comité 
du Standard avicole de France, 
303. 

Parana (baron DE). Documents nou- 
veaux sur le Zébroïde, 401. 

Parix (Charles). Sur les avantages 
que le Jatropha Cursas présente 
comme support, pour la culture 
du Vanillier. Emploi du Ja- 
tropha gossypüifoha contre la 
Lèpre, 203. 

Pays-Meruier (G.). Acclimatation, 
reproductions et élevages de 
Mammifères ayant vécu ou vi- 
vant encore dans le parc de la 
Pataudière (Indre-et-Loire), 
197; AE 

PERRIER DE La BaTRie (E.). Notes 
sur le Carez alba, 231. 

— Note sur les Tulipes de la Savoie, 
231. 

RaiLier (A.). Alloculion prononcée 
le 9 mars 1899 à l'ouverture 
de la conférence de M. A.-L. 
Clément sur l’Abeille, son éle- 
vage et ses produits, 233. 

Raspaiz (Xavier). Le Lérot et son 
rôle dans la diminution des 
Oiseaux, 105. 


BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. : 


Raspaiz (Xavier). Le Hanneton { We- 
lolontha vulgaris) au point de 
vue de sa progression dans les 
années intermédiaires de ses 
cycles, 171. 

RavereT- WaTrTEL (C.): Importation 
de Perches crappies (Pomozys 
annularis), à la station du Nid- 
de-Verdure, près Fécamp, 49. 

Rexuyx SainT-Lour. Qu'est-ce qu'une 
bonne espèce? à propos du 
Dolichotis salinicola, 73. 

Rivière (Charles). La sélection du 
Bananier du Hamma, 212. 

RoGeroN (Gabriel). Observations sur 
le Canard sauvage. Particula- 
rités de son plumage, 201. 

— Élevage de Palmipèdes aux en- 
virons d'Angers, 135. 

Rozanp-GosseziN (R.). Sur l'emploi 
des Opuntia pour arrêter les 
incendies forestiers dans le Sud 
de la France, 13. 

Rover (Ch.). De l’époque et de la 
durée de la fraie chez les Co- 
regones. 

SaixT-Quexrix (A. DE). Les travaux 
de zoologie et de botanique ap- 
pliquées présentés au 37° Con- 
grès - des Sociétés savantes 
réuni à Toulouse en 1899 
(Rapport sur les), 267. 

SarraziN (H.). Sur la production du 
Caoutchouc au Soudan fran- 
çais. Études de diverses espèces 
de Lithophilum, 359. 

SarTis (Charles). Les cultures secon- 
daires aux Antilles. Importance 
de la culture du Tabac, 59. 

SCHLAGDENHAUFFEN. (Voir HECxEeL.) 

SEBILLOT (Alexandre). Notes sur la 
faune et la flore du haut 
Boueni (Madagascar), 178. 

SEURAT (L.-G.). Sur la culture des 
plantes européennes à Mexico, 
31% 


FIN DE LA TABLE DES AUTEURS. 


449 


INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX 


Abeilles, 237. 

Agoutis, 316. 

Antilope algazelle, 150. 
Antilope Cervicaria, 149. 
Antilope dama, 151. 
Antilope Greevei, 153. 
Antilope Guib, 152. 
Antilope des Indes, 149. 
Antilope leucoryx, 150. 
Antilope Mazmelli, 153. 
Antilope nagor, 152. 
Antilope Nanguet, 151. 
Antilope à nez noir, 153. 
Antilope quadricornis, 153. 
Antilope à quatre cornes, 153, 
Antilope redunca, 152. 
Antilope scripta, 152. 
Antilope Tchickara, 153. 
Atiacus cynthia, 103. 
Auchenia glanca, 111. 
Auchenia peruana, 111. 
Blastocerus campestris, 145. 
Blaite, 426. 

Bonnet chinois, 335. 
Boute-bock, 152, 
Cabiais, 313. 
Callitriche, 335. 
Celogenys, 315. 
Cambarus, 341. 

Camelus lama, 171. 
Canards, 201. 

Canis aureus, 322. 

Canis vulpes, 322. 
Capivare, 313. 

Capra Angorensis, 173. 
Capra depressa, 173. 
Capreolus Capreo, 139. 
Capybara, 313. 


Capyigoua, 313. 

Cardinal de Virginie, 1, 39, 84, 113. 
Cardinalis Cardinalis, 1, 39, 84, 113. 
Cariacus mexicanus, : 
Cariacus Virginianus, 144. 
Carpinchos, 313. 

Cebus apeila, 336. 
Cephalophus Marwelli, 153. 
Cephalophus Niger, 153. 
Cercocebus fuliginosus, 335. 
C'ercopithecus Sabæus, 335. 
Cerf axis, 141. 

Cerf blane, 139. 

Cerf des bois, 144. 

Cerf Cariacou, 144. 

Cerf des champs, 145. 

Cerf Chevreuil, 139. 

Cerf Cochon, 142. 

Cerf Daim, 139. 

Cerf doré, 145. 

Cerf Muntac, 145. 

Cerf du Mexique, 143. 
Cerf Renne, 140. 

Cerf de Reeves, 146. 

Cerf roux, .144. 

Cerf Sika, 143. 

Cerf de Virginie, 144. 
Cervulus aureus, 145. 
Cervulus lacrymans, 145. 
Cervulus Muntjac, 145. 
Cervulus Reevesi, 146. 
Cervus ais, 141. 

Cervus Capreolus, 139. 
C'ervus dama, 139. 

Cervus elaphus var. alba, 139. 
Cervus leucoguster, 145. 
Cervus mezicanus, 

Cervus nernorivaqus, 144. 


450 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


C'ervus porcinus, 142. 
C'ervus Sika, 143. 

C'ervus simplicornis, 144. 
C'ervus tarandus, 140. 
Cervus Virginianus, 144. 
Chacal, 322. 

Chèvre, 76. 

Chèvre d'Angora, 173. 
Chèvre naine, 173. 
Chevrotains, 147. 
Chevrotain de Java, 147. 
Chevrotain Kanchil, 14 
Chinchilla, 320. 
Chinchilla lanigera, 320. 
Civette, 323. 

Coassou, 144. 

Coassus nemorivagus, 144. 
Coassus rufus, 144. 
Coati-mondi, 320. 

Coatis, 320. 

Coregones, 337. 

Damans, 331. 

Dasyprocta acuti, 316. 
Dasipus sexciuctus, 330. 
Dasyure à longue queue, 177. 
Dasyure tacheté, 177. 
Dasyurus marulatus, 171. 
Dermatobia noxtialis, 305. 


Dolichotis patagonico, 314, 407. 


Dolichotis sanilicola, 73. 
Dycotyles torquatus, 332. 
Écrevisse à pattes rouges, 99. 
Eléphant, 276. 

Éléphant d'Afrique, 33. 
Éponges, 28. 

Fundule vert du Brésil, 231. 
Fundule, 358. 

Gazella Arabica, 148. 
Gazella dorcas, 148. 
Gazella leptoceros, 149. 
Gazella Mohr, 151. 
Gazelia rufifrons, 148. 
Gazella subquttwrosa, 149. 
Gazelle d'Arabie, 148. 
Gazelle Dorcas, 148. 
Gazelle de Perse, 149. 
Guzelle du Sénégal, 148. 
Genette, 324. 

Guazou-Ti, 145. 
Guazou-Bira, 144. 


Guazou Pita, 144. 

Guenon couronnée, 335. 
Guenon dorée, 334. 
Halmaturus Bennetti, 175. 
Hanneton, 177. 
Hydrocherus capybara, 313. 
Hypsiprymnus Cuniculus, 175. 
Hypsiprymnus murinus, 175. 
Hyraz Capensis, 331. 
Hystriv Cristata, 311. 
Jacchus vulgaris, 334. 
Kangouroos ou Kangurous, 174. 
Kangourou bicolor, 175. 
Kangourou de Bennett, 175. 
Kangourou Billavdisrei, 175. 
Kangourou de la Billardière, 175. 
Kangourou des buissons, 175. 
Kangourou Lapus, 175. 
Kangourou Naiabatus, 175. 
Kangourou pétrogale, 175. 
Kangourou rat, 175. 
Kangourou rouge, 174. 
Kangurus, 174. 

Lama domestique, 171. 
Lagostoma, 

Lemur albifrons, 333. 

Lemur nigrifrons, 333. 

Lemur vari, 333. 

Lerot, 105. 

Lièvre des Pampas, 314. 
Lièvre de Patagonie, 314. 
Loutre, 324. 

Lutra brasiliensis, 324. 

Lutra vulgaris, 324. 

Macacus carbonarius, 335. 
Macacus rhesus, 335. 

Macacus Sinicus, 335. 
Macacus Speciosus, 335. 
Macaque à face noire, 335. 
Macaque à face rouge, 335. 
Macropus rufus, 174. 

Maki, 333. 

Maki à front blanc, 333. 

Maki à front noir, 333. 
Mangabey, 335. 

Maqui vari, 333. 

Mara, 314, 407. 

Marmotte du Cap, 331. 
Maruko (Poisson coréen), 351. 
Mouflon à manchettes, 172. 


INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX. 451 


Renard, 322. 
Renard bleu, 323. 
Renard Isatis, 323. 


Mouton à tête noire et à grosse queue 
d’Abyssinie et du Soudan, 173. 
Mouton de la race laitière du Texel, 


17e 
Myopotame Coypon, 319. 
Myopotam's coypus, 319. 
Nasua fu:ica, 320. 
Nyotereutes procyonides, 321. 
Oryz leucoryz, 150. 
Ouistitis, 334. 
Ovis tragelaphus, 172. 
Pre, Sie 
Peccari à collier, 332. 
Pecaris, 332. 
Perches crappies, 49. 
Phalanger Renard, 177. 
Phalanger vulpina, 111. 
Phascolomes, 176. 
Phascolome à front large, 176. 
Phascolome Wombat, 176. 
Phascolomys, 176. 
Phascolomys latifrons, 176. 
Phascolomys Wombat, 176. 
Poissons télescopes, 545. 
Pomoxzys annularis, 49. 
Porc-épic, 317. 
Poule Coucou de Rennes, 411. 
Ranchin {Poisson Coréen), 351. 
Rangifer tarandus, 140. 


Rhesus, 335. 

Rinkin (Poisson japonais), 353. 
Rusa porcinus, 142. 
Sagouassous, 336. 

Sagous, 336. 

Semnopithecus auratus, 334. 
Singes Ouistitis, 334. 

Singe vert, 335. 

Tatou encoubert, 330. 
Tetrucerus quadricornis, 153. 
Tetragonopterus, 358. 
Tragelaphus scriptus, 152. 
Tragulus, 147. 

Tragulus Javanicus, 147. 
Traqulus Napu, 141. 
Tropidonotus, 123. 
Viscaches, 319. 

Viscassia, 319. 

Fiverra, 323. 

Viverra genetta, 324. 

Vulpes Lagopus, 323. 
Wakin, poisson japonais, 350. 
Wombatus fossor, 116. 
Xanthopus, 175. 


Yan-tan-Yen, Poisson japonais, 352. 


Zebroïde, 401. 


FIN DE L'INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX. 


a! 

À F 
x, È 
f 


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“12 
nm 


Or. A 


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Nr Al. Ls 


nn +). 


352 


INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX 


MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. 


Aralia Veitchi, 215. 
Astragale en faux, 127. 
Astragalus falcatus, 121. 
Bananier, 212. 

Cacao. 213. 

Café, 213. 

Caoutchouc, 359. 
Caoutchouc, 306. 

Carex alba, 231. 
Dioscorea hoffa, 6. 
Draræena gracilis, 215. 
Dracena marginata, 215. 
(Ginko biloba, 434. 
Ignames, 136, 155. 
Jatropha Curcas, 203. 


Jatropha gossypüfolia, 203. 


Landolphia viridis, 360. 
Liane goï, 360. 


Lithophilum, 359. 
Macherium Tipa, 265. 
Opuntia, 13. 

Opuntia, 341. 

Opuntia inermis, 216. 
Oreopanaz nymphefolia, 216. 
Ouviranda fenestralis, 353. $ 
Piaropus crassipes, 351. 
Pontederia crassipes, 357. 
Pruniers, 445. 

Riecia fluitans, 355. 
Stratiotes aloides, 356. 
Tabac, 59. 


_ Tulipes de la Savoie, 231. 


Vanillier. 203. 
Vignes japonaises, 187. 
Vitis Cognietie, 187. 


FIN DE L’'INDEX ALPHABÉTIQUE DES VÉGÉTAUX. 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES 


PUBLIÉS DANS CE VOLUME. 


. 


Abeille (L'), son élevage et ses produits. Conférence de M. A.-L. Clé- 
ment, le 9 mai 1899........ 
Allocution prononcée par M. Oustalet, le 7 juillet 1898, à la séance 


constitutive du Comité du Standard avicole de France........ Se 
Allocution de M. Railliet à l'ouverture de la conférence de M. De 
sur l'Abeille, son élevage et ses produits, le 9 mai 1899.......... 


Allocution prononcée le 12 janvier 1899 par M. A. Milne-Edwards (de 
l’Institut), Directeur du Muséum d'histoire naturelle, à l'ouverture de 
la conférence de M. le D' Trouessard, sur les Mammifères à acclimater 
et à domestiquer en France et dans les colonies françaises. ........ 

Antilles (Les cultures secondaires aux). Importance de la culture du 
MA bAC DAC RENSAPIS SE ee ee D ONATE DATO TC CAR RSE - 

Astragale en faux (Encore l'), par le D' Clos 

Attacus Cynthia, var. parinensis [À propos d’une éclosion tardive d’}, 
mr Ateile CÉMEN Es ne RSR PE PO 000 

Bananier (La sélection du) du Hamma, par Ch. Rivière 

Blattes (Les) domestiques, par P. Chappellier 


ss... 


ess sets esse ts. 


Canard sauvage (Observations sur le), particularités de son plumage, 
MAD CLER OC ELOH PRE mile ce dec eue sec ces 
Caoutchouc (Sur une des sources du) du Soudan francais, par H. Hua. 
— (Sur la production du) au Soudan français. Étude de di- 
verses espèces de Lithophilum, par H. Sarrazin.................. 
Cardinal de Virginie (Le) (Cardinalis Uardinalis), son élevage dans le 


Midi de la France, par l'abbé A. Charruaud........... 159787 


Carez alba (Note sur le), par Perrier de la Bathie.................. 
Ghevre(lra)lalParis, par At Crépin..." -.............. ERAHIN EVE 
Coregones (De l’époque et de la durée de la fraie chez les), par Ch. 

IEtooscoudancecs toc Ar ce DIEM CRAN CE D : 


_........ 


453 


PO. + le ri, 


EM. Dé 7/0 2 18 


454 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 


Dioscorea Hoffa. I. de Cordemoy (Sur le tubercule aérien du), par 


HARHECKElRERE EST ECEEETEE DA DOD ele cale cute at n/0 0 m0 6 0 à 6 
Dolichotis Salinicola. Qu'est-ce qu'une bonne espèce ? (A propos du), 

par RemyiSaint- DOUp-- eee -2ecccee CERCLE Pl nn 1e 
Écrevisse à pattes rouges (Reproduction de l') observée dans un aqua- 

rium d'appartement, par A. Delaval .............. Soocvosooone 39 
Éléphant (Sur le dressage d’un jeune) d'Afrique au Fernan-Vaz, par 

Paul Bourdaris en -tre-ccece--ettR CEA CCRE Dobbouhoboggon 33 
Éléphant. Liste des principaux articles récemment parus du. le Bulle- 

tin sur l’Ivoire, la protection, la domestication et le dressage de l'Élé- 

phant d'Afrique. cree PE SE PRE TRES dise ee 276 
Éponges (Lapêche des) ‘en tTripolitaine CREER ER 28 
Fundules verts du Brésil (Note sur les), par Perrier dela Bathie..... 231 
Ginko biloba (Observation sur la culture du), par I. Cocchi...,....... 434 
Graines. Compte rendu des semis de graines adressées en 1898 par la 

Société a M'tle D Cros, atPerpionan Re CT CETTE 300 
Hanneton (Le) au point de vue de sa progression dans les années inter- 

médiaireside sesteyeles; (par XMRaspail ee PR CEE 177 
Haut-Boueni. Notes sur la faune et la flore du Haut-Boueni (Madagas- 

car), Shan ARE SEbILIOE RAP ER EAP Rte do 178 
Ignames (Culture d’) améliorées à Marseille, par M. Heckel......... 136 

— de Chine (Sur des) envoyées à la Société d'Acclimatation par 

le professeur Heckel et sur deux espèces d’Ignames nouvellement 

introduites de la Chine, par Paul Chappellier ................... 155 
Jardin des Plantes (Les relations entre le) et les colonies françaises, par 

AMilne-Fdwardse eee ete ecrit do atsorooseduao 62 
Jatropha Curcas. Ses avantages comme support pour la culture du Va- 

nillier, par Ch: /Patin. "AMEN CPE RENE ERNEST 203 
Jatropha gossypüfotia son emploi contre la Lèpre, par Ch. Patin...... 203 
Lérot (Le) et son rôle dans la diminution des Oiseaux, par X. Raspail.. 105 
Macherium Tipa de la République Argentine {Notes sur le, par Charles 

Naudin reel Joocooodeécbodceceue PRÉ 2 OO D 060 265 
Mammifères (Acclimatation, reproductions et élevages de) ayant vécu ou 

vivant encore dans. le parc de la Pataudière (Indre-et-Loire), par 

G. Pays-Mellier.. LECLERC RTE ASTON LS 
Mammifères exot'ques ct Oiseaux indigènes et exotiques (Notes sur les 

élevages de), par E. Bizeray.................. A OH ne . 405 
Mammifères (Les grands) de la Tunisie, par H. Johnston ......... .. 301 
Opuntia (Sur l'emploi des) pour arrêter les incendies forestiers dans le 

Sud de la France, par Roland-Gosselin............... he so 13 
Palmipèdes (Élevage de) aux environs d'Angers, par G. Rogeron..... 135 
Pécheries en Russie (Les), par W. Weschniakoff.................. 436 
Perches Crappies (Pomorys annularis) (Importation des) à la station 

aquicole du Nid-de-Verdier, près Fécamp, par C. Raveret-Wattel.. 49 
Plantes européennes (Sur la culture des) à Mexico, par G. Seurat.... 131 


ne era cé at: Es chntdt tri nisS éh de etes ur Gé dd 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES. 


Poissons télescopes de la Chine et du Japon (Élevage de), par A. De- 


Poule Coucou de Rennes, par F: Mérel.................. ne 
Pruniers (Sur la maladie des) en Lot-et-Garonne.....,............. 
Remy le Vosgien et l’industrie piscicole en France, par E. Maison... 
Travaux de zoologie et de botanique appliquées présentés au 37° Congrès 
des Sociétés savantes réuni à Toulouse en 1899 (Rapport sur les), 
BEM A SES ant Ouentin ee... 0) NRA 
Tropidonotus (Sur l'habitat des Ophidiens du genre) dans l’eau de mer, 


par Re Letrant ie Lo 06 86e SE LE TRROOMENORORET ECO CRC 
Tulipes de Savoie (Notes sur les), par Perrier de la Bathie........... 
Vignes japonaises de M. Degron (Les), par P. Mouillefert........... 
Sn — recueillies sur place, rapportées et cultivées en France 
à Crespières (Seine-et-Oise), par Henry Degron............... co 


Zébroïde (Documents nouveaux sur le), par le baron de Parana....... 


FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES. 


TABLE DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ 


SÉANCES GÉNÉRALES. 


Séance du 25 novembre 1898.. 
25 janvier 1899 ... 
10 février — .... 


2 — = 2: 


16 
218 
277 
281 


Séance du 24 mars 1899. a .. 
_ 25 avril he 2 Re 
F6 9: 


— 26 mai —"'...: 


SÉANCES DES SECTIONS. 


17€ section. — Mammifères. 


Séance du 19 décembre 1898... 


9 janvier 1899 ... 
6 février — ... 
GPmar 
10e == 277 


2€ seclion. — Ornithologie. 


Séance du 28 avril 1898..... 


D'nab—rRe 
16 janvier 1899 .. 
13 févriee — ... 

9 avril = et 


3€ section. —: Aquiculture. . 


Séance du 30 janvier 1899 .. 


L he. — 


27 février — 


FIN DE LA TABLE DES SÉANCES. 


Séance du 27 mars 14899..... 
= 24 avril SAS ER 


À 


339 
275 
282 


Éd uma 


_ 


Séance du 23 janvier 48990 


_ 59 section. — Botanique. 


Séance du 24 mai 1898...... 
— 31 janvier 1899 ... 
— 20 févriee — .... 
— 44 mars — 
— 28 — A EEE 


— 14 avril — .... 


229 


107 
296 


298 


298 


TABLE DES GRAVURES 


Bhollle de los sosie SELS PCR 0660006 
Brosse à AMOR RSS RESTES RER EEE 
Cadrea section pour ruches .....:.....#"cere. 


Camail d’apiculteur........ 


2e 


Cage No RC PR RE A RU EEE Re STE RER ne 


Cocotiers (Plantation de) à la Guadeloupe... 


Coussin pour recevoir le nourrisseur 


Couteau à désoperculer....... RATE Dé 0 000 


— Hofa 


— mécanique Layens 


- Eupomotis gibbasus....., 


Étracicundenmieleneteemnmieeiclee lets eee else 00008 
Hausseitelanelecr tt 
ne — sarchenillen te Ciel ele 13000 


= T — SON COCON...00 ° 


0e eee 


eee 0e 


eee 


eee. 


0960 0e + e © e © © © e + © e © © © © © + © 


os. 


Fixage de la cire gauffrée dans un cadre au moyen de l’éperon Voiblet. 


Fleurs d’Asclepias retenant par une patte une Abeille ....,....... ... 
(Gent Caen see RNA D 'ÉRrcoe D'Ab dom eu Ddanboë 
Glossomètre Charton, vue perspective......... Hoootcoo0deococoo . 
— —' . Ci cocvoscaenaoon oo noob idéoec 
— — fond montrant l’échelle graduée... .......... ‘ 
— Legros, vue d'ensemble. .......... obéoonc CHsdoevod oc 
= COUPE SCHÉMATIQUE . - ee... » bbobouo ‘ 
Habitation au Matouba (Guadeloupe) ................ sé debocta 
ÉanmeSde CG hine SEE ere cn cecile Sopoocboe 
Lordello, Zébroïde .. 5... ee ° AE ET EE CI 0000800 
Nourrisseur anglais... ................... Das TS ner lenen ete 508 D 0e . 


We d RUE oh Lee: 
SA 
D ue 

458 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ D’ACCLIMATATION. 
Nourrisseur Grariels 2... 120.2 TC ES 
Philanthe apivore (PAilanthus apivorus) ....... ss ne CEE EU 
Piège à Blattes...................... RCE SC RPÉRELEE 
— Ma BOURIONS. --.- se  -ielesee sie se POS SERENE BEA 
Pomoxys annularis......... Nos 80e ste NPA re FLE 
Pou des Abeilles (Braula cæca). "ee Ex EPA : 
Punhcateursolaitese--te-cc-c-r--cecCCR eee So ot bo 780 
Ruches fixes dans un rucher abrité........... ste AOARERÈGRE SU 
horizontale Na VERS EEE RE EE EC RRE SE HAT Sos QU 


— mixte, composée d'un panier ordinaire et d’une hausse Gariel.. 
— verticale Dadant-Blatt, modifiée, dite Znternationale.......... 


Ruchen opté eee PTE RC ER CCR CRE CPC RO à ins Te 

M ICOUVEL EE ete SOC DID OP 0 00 DES à 0 25 00 do ss... . 
SCOIVIES- rec. Sadogordonsoopes Jbdode ec Due Oo EN Edo = 
Seclion de ruche terminée, ..... RAA sir re SIRET 
Sphinx tête de mort (Acherontia atropos).............. ASS DUT 
Tonneau Legros pour la fermentation de l’eau miellée........... ne 
Villa du Jagueneau à Saumur ....................... LR ÉMERNERETS 


FIN DE LA TABLE DES GRAVURES. 


"a 
_ 


VERSAILLES. — IMPRIMERIES CERF, 29, RUE DUPLESSIS. 


des Antilles à l’Union coloniale française Président de la Section coloniale à la ‘80 ë 


tionale d'Acclimatation de France. 


{ Créée sous les auspices de l'Union coloniale française, 


cette publication a pour but de ne m 


EE en France, les diverses cultures et les productions coloniales ; de re dans les co 


COMITÉ DE PATRONAGE DE LA AVS 


prince D'ARENBERG, député, vice-président du Groupe 
“colonial, président du Comité de l'Afrique française. 
e ommandant- BINGER, ancien gouverneur de la Côte- 
voire, directeur des affaires de l'Afrique au Ministère des 


BOURDE, ancien directeur des contrôles et de l'agri- 
re en Tunisie, ancien secrétaire général à Madagascar. 
IREAU, professeur de botanique au Muséum. 
CHAILLEY-BERT, professeur à l'Ecole des Sciences poli- 
= tiques, secrétaire général de l'Union coloniale française. 
CHARLES-ROUX, ancien député, membre du Conseil supérieur 
… du commerce, vice-président du Groupe colonial. 
! CORNU, professeur de culture au Muséum. 
DE ERAIN, membre de l'Institut, professeur de chimie agri- 
Cole au Muséum et à l'Ecole d'agriculture de Grignon. 
ARCEL DUBOIS, professeur de géographie coloniale à l'Uni- 
-versité de Paris. 
DYBOWSKI, 
Institut national agronomique. 


FLAHAULT, professeur de botanique à l’Université de. 


lontpellier. 

UIS GRANDEAU, directeur de la Sfalion agronomique de 

ist, rédacteur en chef du Journal d'Agriculture pratique. 
ANDIDIER, membre de Aout 


directeur, professeur de cultures coloniales à. 


MM: 


BARON JUTES DE GUERNE, seRevrnne général de la s 


tionale d'Acclimatation. 


» Dr HECKEL, professeur à la Facullé des Sciences, 


de l'Institut colonial de Marseille. 
LE MYRE DE VILERS, député de la Cochinchine, prés: 
la Société nationale d'Acclimatation. 
Mgr LEROY, supérieur général des Missionnaires du 
MILNE-EDWARDS, membre de l’Institut, directeur du M 
CNE docteur ès sciences, directeur de la Revu 
nérale des Sciences pures et appliquées. r 
PRILLIEUX, sénateur, inspecteur général de l'Enseignem 
asricole, profesr de Botanique à l'Institut National agronome 


POISSON, assistant au Muséum. 


RISLER, directeur de l'Institut national agronomique. 


RIVIÈRE, ancien président de laSociété d'Agriculture d’ 


directeur du Jardin d'essai du Hamma, 

D' TREILLE, ancien inspecteur eu chef du service de sa 
des Colonies. 

VIALA, professeur de viticulture à PInstitut one agr 
mique, directeur de la Revue de Viticulture. 

ZOLLA, professeur à l'Ecole d'agriculture de Grignon et 
l'Ecole des sciences PoRRques alt 


nn un an : France, 18 on — recouvré à ‘domicile, 18 fr. 80. — Colonies et 


stale, 20 TS — Pour les abonnements et annonces, s’adresser à 


En vente au siège de la Société d’Acclimatation, M, 


M. Gaston Noblet, admi 


rue de Lille, Paris 


Les ouvrages suivants de M. RicHARD DE po 


Graveur - 
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_ efficace contre la vermine et les maladies cutanées sont informés qu’il peut leur 
n être envoyé quelques pains à titre d'essai, à des prix extrêmement avantageux 
Pour plus amples renseignements, s'adresser au Secrétariat de la Société. 


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: CHOIX DE PERS 

4 RECOMMANDÉES POUR L'AGRICULTURE, L'INDUSTRIE ET LA MÉDECINE 
ï * Adaptées aux divers climats de l'Europe et des pays tropicaux 

; re OUVRAGE PUBLIÉ AUX FRAIS ET SOUS LES AUSPICES DE LA 
2 Société nationale d’'Acclimatation de France 

g Un volume in-8° de près de 600 pages avec portrait 

è A — 

4 INTRODUCTION : 

Considérations générales sur l’acclimatation des plantes ; 


culture, formant un dictionnaire des végétaux à acclimater dans les divers se 


 L'ACCLIMATEUR. 


Charles NAUDIN Re 


Membre de l’Institut (Académie des Sciences): RE : 
Directeur du laboratoire de botanique de la Villa Thuret, à Antibes pr 


ET 


Le Baron K. Von MUELLER 


Botaniste du gouvernement anglais à Melbourne 


MANUEL 


Aperçu général des genres de plantes auxquels sont empruntées dt 
espèces déjà utilisées ou qui peuvent l’être ; * FL 
Description sommaire des familles ou groupes naturels rquels 
rattachent la plupart des plantes indiquées dans ce volume ;: ; 
1 Noms vulgaires des plantes et synonymes rapportés aux noms botaniqn es 
Enumération par ordre clphabétique des plantes, leurs usages et leu 


régions du globe ; 


usitées. 


Prix : ‘7 FRrANoS | DE: 
Pour les Membres de la Société Nationale d’Acclimatation de France, 3 fr. 50 L 


EN VENTE AU SIÈGE DE LA 
Société nationale d’'Acclimatation de France, 
41, Rue de Lille, PARIS. L 


Versailles. — Imprimeries Cerr, 59, rue Duplessis. Le seat Cotal à 
pus DE GUER 


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